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French Pages 336 [351] Year 2021
Dermatologie génitale Masculine et féminine
Chez le même éditeur
Dans la même collection Dermatologie esthétique, de S Dahan. 2020, 392 pages. Chirurgie dermatologique, 2e édition, de J.-M. Amici, 2017, 416 pages. Dermatologie. De la clinique à la microscopie, par B. Cribier, 2015, 464 pages. Dermatologie infectieuse, de M. Mokni, N. Dupin et P. Del Giudice, 2014, 360 pages. Lupus érythémateux, par D. Lipsker. 2013, 316 pages. Autres ouvrages Manuel de dermoscopie, par L. Thomas. 2021, 256 pages. Dermatologie et infections sexuellement transmissibles, 6e édition, de J.-H. Saurat, J.-M. Lachapelle, D. Lipsker, L. Thomas et L. Borradori, 2017, 1288 pages. Guide de l'examen clinique et du diagnostic en dermatologie, livre + site internet, de D. Lipsker. 2020, 400 pages. Dermatologie de l'enfant, de A. J. Mancini et D. P. Krowchuk, traduit par A. Phan, 2019, 742 pages. Dermatologie : l'essentiel, de J.-L. Bolognia, J. V. Schaffer, K. O. Ducan et C. J. Ko., traduit par G. Lorette, 2018, 1024 pages.
Dermatologie génitale Masculine et féminine Jean-Noël Dauendorffer Dermatologue ; praticien attaché, service de dermatologie, hôpital Saint-Louis, Paris ; président du groupe Maladies anogénitales (MAG) de la Société française de Dermatologie
Sandra Ly Dermatologue ; ancien chef de clinique des universités-assistant des hôpitaux de Bordeaux ; praticien attaché, service de dermatologie, hôpital Saint-André, CHU de Bordeaux ; ancienne présidente du groupe Réflexions en Vulvologie de la Société française de Dermatologie (actuel groupe MAG)
Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France Dermatologie géniale. Masculine et féminine de Jean-Noël Dauendorffer et Sandra Ly. © 2021, Elsevier Masson SAS ISBN : 978-2-294-76828-6 e-ISBN : 978-2-294-76915-3 Tous droits réservés. Les praticiens et chercheurs doivent toujours se baser sur leur propre expérience et connaissances pour évaluer et utiliser toute information, méthodes, composés ou expériences décrits ici. Du fait de l'avancement rapide des sciences médicales, en particulier, une vérification indépendante des diagnostics et dosages des médicaments doit être effectuée. Dans toute la mesure permise par la loi, Elsevier, les auteurs, collaborateurs ou autres contributeurs déclinent toute responsabilité pour ce qui concerne la traduction ou pour tout préjudice et/ou dommages aux personnes ou aux biens, que cela résulte de la responsabilité du fait des produits, d'une négligence ou autre, ou de l'utilisation ou de l'application de toutes les méthodes, les produits, les instructions ou les idées contenus dans la présente publication. Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l'autorisation de l'éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d'une part, les reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d'autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d'information de l'œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle).
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Préfaces La dermatologie topographique est un des grands classiques des maladies cutanées, même s'il y a de multiples façons d'aborder la spécialité. On peut s'intéresser aux signes cliniques, notamment les lésions élémentaires, et détailler ainsi des éléments de diagnostic positif et différentiel en fonction de la séméiologie. Il y a bien sûr une approche nosographique qui est la plus classique, mais celle-ci ne peut faire l'économie de la topographie. Ainsi, étudier les maladies par leur topographie a une pertinence spécifique à la dermatologie. En effet, la complexité du revêtement cutané est liée en partie au fait qu'il y a, selon la localisation, des différences très importantes de formes, d'épaisseur, de structure et de répartition relatives de l'épiderme, du derme et surtout des annexes, poils, glandes sébacées, glandes apocrines ou eccrines ou glandes spécialisées. De ce fait, il est non seulement pertinent, mais aussi indispensable aux dermatologues de connaître les maladies cutanées sous l'angle de leur localisation préférentielle ou exclusive. De ce point de vue, les organes génitaux sont réellement particuliers en dermatologie ; leur complexité anatomique et fonctionnelle est très grande. Comme c'est le cas pour la pathologie mammaire, il est indispensable d'aborder les maladies spécifiques des organes génitaux ou préférentiellement localisées aux organes génitaux et d'en connaître les implications et les éléments de diagnostic différentiel. Un ouvrage réunissant les organes génitaux masculins et féminins est d'une grande originalité. Il faut rappeler le cheminement : pendant très longtemps, les maladies vulvaires (à l'exception des maladies vénériennes) ont été négligées et mal connues des gynécologues comme des dermatologues. Il faut ici rappeler qu'historiquement ce sont les Français qui se sont intéressés les premiers aux maladies vulvaires notamment Hewitt, puis à sa suite Michèle Lessana-Leibowitz, et d'autres aujourd'hui comme Sandra Ly. Cet investissement dans un domaine encore non défriché, avec la création de sociétés savantes centrées sur les maladies vulvaires, a permis d'énormes progrès dans la compréhension et la prise en charge des lésions tumorales spécifiques de la vulve. Néanmoins, les maladies de la vulve dépassent très largement les cancers et sont le plus souvent d'origine inflammatoire ou infectieuse, alors qu'elles n'ont longtemps été que vénériennes. Les maladies génitales sont particulières non seulement à cause de l'anatomie, de l'embryologie, mais aussi sur le plan symbolique et pratique : beaucoup de femmes hésitent encore à consulter pour des signes fonctionnels génitaux, notamment le prurit. Les maladies vulvaires ont désormais droit de cité aussi bien en gynécologie qu'en dermatologie. Les organes génitaux masculins sont traditionnellement l'apanage des urologues, qui sont les premiers concernés par l'oncologie avec les carcinomes du pénis et les tumeurs testiculaires, ces dernières étant assez loin des préoccupations des dermatologues. Toutefois ici encore, l'anatomie, la physiologie et les éléments symboliques font de cette zone un objet d'étude à part entière. Force est de constater que les maladies vulvaires ont pris le dessus, et qu'il y a encore très peu de gens qui s'intéressent aux maladies cutanées génitales masculines. C'est ainsi que la création d'une rubrique spécifique -et d'un néologisme à cette occasion, « les masculinopathies » - dans les Annales de Dermatologie a mis en lumière le travail effectué par Jean-Noël Dauendorffer qui est devenu le spécialiste français incontesté de ces maladies. La création d'un groupe thématique de la Société française de Dermatologie « Maladies ano-génitales » animé par Jean-Noël Dauendorffer et Sandra Ly est l'aboutissement de ces efforts. L'implication des médecins libéraux dans ces domaines (véritables études cliniques, prise en charge et suivi dans des consultations dédiées, enseignement, rubriques de formation continue dans les Annales de Dermatologie-FMC, groupe thématique) est essentielle. Il est donc tout à fait heureux qu'un livre portant sur la pathologie génitale féminine et masculine soit dirigé par les deux médecins responsables des rubriques spécialisées des Annales de Dermatologie-FMC. Ce livre est une mine d'informations générales, théoriques, cliniques et thérapeutiques d'un grand intérêt pratique pour l'exercice des dermatologues. L'iconographie est de grande qualité, ce qui est essentiel pour ces zones qu'on ne voit pas et qu'on ne photographie pas aisément. Il est évident que les gynécologues et les urologues sont aussi concernés et qu'ils ont sans doute énormément de choses à apprendre en lisant cet ouvrage. Ce livre enrichit grandement la collection rose des ouvrages de dermatologie publiés chez Elsevier. Nul doute qu'il rencontrera un très grand succès ! Pr Bernard Cribier Chef de Service Dermatologie & Dermatopathologie Hôpitaux universitaires et Université de Strasbourg
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VIII Préfaces
Cet ouvrage dédié à la « Dermatologie génitale » est, à plusieurs titres, une grande réussite et répond à une vraie nécessité, celle d'aider les médecins à découvrir et à mieux appréhender les dermatoses de cette topographie singulière tant par sa séméiologie que par sa symbolique, leur permettant ainsi d'éclairer la prise en charge des patients. C'est une grande réussite par la qualité de l'iconographie et le travail didactique remarquable conduit par Sandra Ly et Jean Noël Dauendorffer, couvrant tous les champs inflammatoires, infectieux et carcinologiques. Cet ouvrage, fruit de leur expertise, célèbre aussi les travaux menés par plusieurs dermatologues qui ont ouvert le champ de la dermatologie génitale, surtout féminine et plus récemment masculine. Cet ouvrage est également l'incarnation d'une grande réussite de la Société Française de Dermatologie, celle d'avoir en son sein un groupe thématique dédié aux « Maladies ano-génitales » (MAG) qui a gagné en mixité depuis sa création, et qu'animent en particulier Sandra et Jean-Noël. Ce livre était attendu depuis longtemps et son accomplissement est une grande réussite qui devra profiter à tous les médecins dermatologues, gynécologues, urologues, généralistes… C'est un parfait complément à la formation mise en place lorsque nous étions présidents du Collège des Enseignants de Dermatologie et intégrée à la maquette des internes en Dermatologie grâce au séminaire des muqueuses. Il complètera aussi les journées très riches du groupe MAG, ainsi que les fiches thématiques que coordonnent Sandra et Jean-Noël pour les Annales de Dermatologie – FMC. La région génitale, zone de l'intime par excellence, n'est pas systématiquement examinée comme l'a montré l'étude GENIPSO coordonnée par Sandra Ly et soutenue par l'appel d'offre libéral de la Société Française de Dermatologie (1). Sur près de 800 patients consultant pour un psoriasis, plus de 40 % d'entre eux avaient une atteinte génitale avec pour certains un fort retentissement sur la qualité de vie sexuelle, mais seulement 40 % d'entre eux avaient eu un examen génital par leur dermatologue. Ce travail démontre l'importance de savoir évoquer une possible atteinte génitale d'une dermatose chronique, y compris chez des patients ne consultant pas pour cela, de savoir examiner la muqueuse, reconnaître des lésions et les prendre en charge. Rendre plus systématique l'examen génital est une des vocations de cet ouvrage, la qualité iconographique et la richesse des pathologies qui y sont décrites va permettre un perfectionnement indispensable afin d'apprivoiser la dermatologie génitale de l'homme et de la femme. Au nom de la Société Française de Dermatologie, nous souhaitons un très grand succès à ce magnifique ouvrage qui nous n'en doutons pas, le rencontrera et deviendra un ouvrage de référence indispensable. Professeur Nicolas Dupin Président de la Société Française de Dermatologie Professeur Marie Beylot-Barry Past-Présidente de la Société Française de Dermatologie
1. Larsabal M, Ly S, Sbidian E, Moyal-Barracco M, Dauendorffer JN, Dupin N, Richard MA, Chosidow O, BeylotBarry M. GENIPSO : a French prospective study assessing instantaneous prevalence, clinical features and impact on quality of life of genital psoriasis among patients consulting for psoriasis. Br J Dermatol. 2019;180:647-656
Avant-propos Pourquoi, alors que nombre de publications sont disponibles sur internet, se consacrer à l'écriture d'un ouvrage dédié à la « Dermatologie génitale » ? Pourquoi, mais avant tout pour qui ? Cet ouvrage, parce qu'il recueille les données essentielles et actuelles de la pathologie dermatologique génitale, féminine et masculine, s'adresse à tout médecin, en exercice ou en formation, et plus particulièrement aux dermatologues, gynécologues et urologues souhaitant s'initier aux multiples aspects de ce domaine partagé. Un premier chapitre, intitulé « Les fondamentaux » ouvre notre livre. Examiner la région génitale, en effet, est un exercice toujours singulier, exigeant tout à la fois le respect et le dépassement de la pudeur de chacun, celle du patient comme celle du médecin. Parce qu'il est délicat, tant sur le plan symbolique que somatique, cet examen est souvent évité ou négligé. Or, savoir examiner la région génitale étant un prérequis indispensable, nous nous sommes attachés dans ce premier chapitre à en décrire de façon très pratique les modalités. Les chapitres suivants, consacrés aux différentes dermatoses, sont construits selon le même plan didactique, calqué sur le déroulé de toute consultation : du recueil des signes fonctionnels durant l'interrogatoire à celui des signes physiques au cours de l'examen clinique ; de la discussion des diagnostics différentiels à la demande des explorations complémentaires pour conclure par une proposition thérapeutique et de surveillance. Contrairement à certains ouvrages de langue anglaise, nous avons choisi de traiter simultanément les aspects féminins et masculins d'une même maladie. Ce parti pris, qui évite les répétitions, permet de souligner les points communs mais aussi les différences de présentation clinique et de prise en charge selon le sexe. C'est ce qui fait l'originalité de notre écriture à « quatre mains ». Conscients de ce que notre livre leur doit, nous tenons à exprimer notre grande reconnaissance à celles et ceux qui y ont contribué, directement ou indirectement : Par leur enseignement de la Dermatologie et de la Dermatologie génitale : les professeurs Claire Beylot, Marie-Sylvie Doutre, Alain Taïeb, les docteurs Micheline Moyal-Barracco et Catherine Renaud-Vilmer ainsi que tous nos maîtres de stages à Bordeaux et à Paris, Par nos échanges fructueux : nos collègues des services de Dermatologie de l'hôpital Saint-André à Bordeaux, en particulier le Professeur Marie Beylot-Barry et le Docteur Olivier Cogrel, et de l'hôpital Saint-Louis à Paris, plus précisément le Professeur Martine Bagot, les médecins du centre de Pathologie génitale et IST (dont les Docteurs Sébastien Fouéré et Michel Janier) et du centre d'Oncodermatologie (dont les Professeurs Céleste Lebbé et Nicole Basset-Seguin, les Docteurs Florian Herms et Barouyr Baroudjian) ; les membres des groupes Maladies Ano-Génitales (MAG) et Infectiologie Dermatologique et Infections Sexuellement Transmissibles (GRIDIST) de la Société Française de Dermatologie, ainsi que celles et ceux avec qui nous travaillons quotidiennement, libéraux ou hospitaliers Par la richesse de l'iconographie qu'elle a accepté de nous confier : le Docteur Bénédicte CavelierBalloy, remarquable connaisseuse de l'histopathologie de la région génitale Par leur volonté de promouvoir la Dermatologie génitale : les Professeurs Nicolas Dupin et Marie Beylot-Barry, président et past-présidente de la Société Française de Dermatologie et le Professeur Bernard Cribier, rédacteur en chef des Annales de Dermatologie, Et enfin, pour la confiance qu'il nous a accordée, le Professeur Dan Lipsker, directeur de la collection. Nous vous souhaitons une excellente lecture, et comptons sur votre perspicacité pour repérer les imperfections inhérentes à cette toute première édition de la « Dermatologie génitale, masculine et féminine » ! Sandra Ly et Jean-Noël Dauendorffer
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Remerciements Si la grande majorité des illustrations nous appartient, nous remercions toutes celles et tous ceux qui ont contribué à les compléter : Dr Jean-Michel Amici, Pr Martine Bagot, Dr Corine Balloy, Dr Clarence de Bélilovsky, Pr Marie Beylot-Barry, Dr Isabelle Buffière, Dr Mélanie Chamaillard-Pujol, Dr Khadija Cherif, Pr Olivier Chosidow, Dr Olivier Cogrel, Dr Gabriel Colonna, Dr Florence Corgibet, Dr Isabelle Costa-Delmeule, Pr Marie-Sylvie Doutre, Pr Nicolas Dupin, Dr Charlotte Fite, Dr Marie-Hélène Jégou-Penouil, Dr Christine Léauté-Labrèze, Dr Guillaume Orieux, Pr Gaëlle Quereux, Dr Lucas Spindler, Dr Fabienne Trouche, Dr Annie Vermersch, Dr Sophie Wylomanski. Nous remercions enfin le Pr Marie-Sylvie Doutre et le Dr Antoine Fauconneau pour leur relecture attentive du sommaire
À Jean-Michel, à mes garçons, Thomas et Théo
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Abréviations 5 FU AAN ACR ACTH ADN AINS ALA AMM ASLO BAAR BNS BSA CDC CE CLA CMV COC CRAT CRIP CRP DHBN DHBNN DIGAL DLQI DRESS EBA EBNA EBV ECBU ECG ECT ELISA ENM EPF EULAR FAN FN FSFI Genital PASI GPSS GVH HAIRAN (syndrome) HAS HER2 HEV
5 fluoro-uracile anticorps antinoyaux American College of Rheumatology adrénocorticotrophine (adrenocorticotropic hormone) acide désoxyribonucléique anti-inflammatoire non stéroïdien acide aminolévulinique autorisation de mise sur le marché anticorps antistreptolysine O bacille acido-alcoolo-résistant balanite non spécifique body surface area Centers for Disease Control and Prevention carcinome épidermoïde cutaneous lymphocyte-associated antigen cytomégalovirus contraception orale combinée Centre de référence des agents tératogènes cellule de recueil des informations préoccupantes protéine C réactive (C-reactive protein) dermohypodermite bactérienne nécrosante dermohypodermite bactérienne non nécrosante dermatose à IgA linéaire dermatology life quality index drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms épidermolyse bulleuse acquise Epstein-Barr nuclear antigen virus d'Epstein-Barr (Epstein-Barr virus) examen cytobactériologique des urines électrocardiogramme extrait de cellules thymiques enzyme-linked immunosorbent assay érythème nécrolytique migrateur érythème pigmenté fixe European League Against Rheumatism facteur antinucléaire fasciite nécrosante female sexual function index modified genital psoriasis area and severity index genital psoriasis symptoms scale maladie du greffon contre l'hôte (graft-versus-host disease) hyperandrogenism-insulin resistance-acanthosis nigricans Haute Autorité de santé human epidermal growth factor receptor 2 hyperplasie épithéliale verruqueuse
XIII
XIV Abréviations
HiSCR HPV HS HSH HSIL HSV HTA ICS IFD IFI IFN Ig IIEF IL IMC IPPS IRM ISG ISSVD IST LAST LC LEC LES LPV LSIL LSV MAGIC MBAI MBL MCV MHH MNI MPEM MPV MSH NaCl NET NFS NHS NIE NIEd NIE-HPV OMS ORL PAPASH PAS PASH PASI PASS
hidradenitis suppurativa clinical response papillomavirus humain (human papillomavirus) hidradénite suppurée homme ayant des rapports sexuels avec des hommes high-grade squamous intraepithelial lesion virus de l'herpès (Herpes simplex virus) hypertension artérielle International Continence Society immunofluorescence directe immunofluorescence indirecte interféron immunoglobuline international index of erectile function interleukine indice de masse corporelle International Pelvic Pain Society imagerie par résonance magnétique International Study Group International Society for the Study of Vulvovaginal Disease infection sexuellement transmissible lower anogenital squamous terminology latent class lupus érythémateux chronique lupus érythémateux systémique lichen plan vulvaire low-grade squamous intraepithelial lesion lichen scléreux vulvaire mouth and genital ulcers with inflamed cartilage maladie bulleuse auto-immune mannose-binding lectin molluscum contagiosum virus maladie de Hailey-Hailey mononucléose infectieuse maladie de Paget extra-mammaire maladie de Paget vulvaire mélanocortine (melanocyte-stimulating hormone) chlorure de sodium nécrolyse épidermique toxique numération formule sanguine National Institutes of Health néoplasie intraépithéliale néoplasie intraépithéliale différenciée néoplasie intraépithéliale liée au papillomavirus humain Organisation mondiale de la santé oto-rhino-laryngologie arthrite purulente, Pyoderma gangrenosum, acné et hidradénite suppurée periodic acid Schiff Pyoderma gangrenosum, acné et hidradénite suppurée psoriasis area and severity index Pyoderma gangrenosum, acné, hidradénite suppurée et spondylarthrite ankylosante
Abréviations XV
PCR PDT PEAG PFAPA (syndrome) PGA PM PPN PRP PSA PsAPASH PUVA PV RAST RCP Rénachla Rénago RPR SA SARA SCA SCC SDPC SDRIFE SGA SGB SGS SIR SJS SMI sPGA-G SSR TAAN TB TDM TENS TEP-TDM Th17 TNF TPHA UV UVB VAS VASI VCA VDRL VES VHB VHC VIH VIN
réaction de polymérisation en chaîne (polymerase chain reaction) photothérapie dynamique (photodynamic therapy) pustulose exanthématique aiguë généralisée periodic fever, aphthous stomatitis, pharyngotonsillitis, cervical adenopathy physician global assessment pemphigoïde des muqueuses pemphigus paranéoplasique plasma riche en plaquettes antigène prostatique spécifique (prostate specific antigen) arthrite psoriasique, Pyoderma gangrenosum, acné et hidradénite suppurée psoralen and ultraviolet A pemphigus vulgaire radioallergosorbent test réunion de concertation pluridisciplinaire Réseau national des Chlamydiae Réseau national des gonocoques rapid plasma regain semaine d'aménorrhée sexually acquired reactive arthritis syndrome du canal d'Alcock squamous cell carcinoma syndrome douloureux pelvien chronique symmetrical drug-related intertriginous and flexural exanthema streptocoque β hémolytique du groupe A streptocoque du groupe B syndrome de Gougerot-Sjögren taux d'incidence standardisé (standardized incidence ratio) syndrome de Stevens-Johnson symptôme médicalement inexpliqué static physician's global assessment of genitalia syndrome du scrotum rouge test d'amplification des acides nucléiques toxine botulique tomodensitométrie transcutaneous electrical nerve stimulation tomographie par émission de positons lymphocyte T auxiliaire 17 (T helper) facteur de nécrose tumorale (tumor necrosis factor) Treponema pallidum hemagglutination assay rayonnement ultraviolet rayonnement ultraviolet de type B échelle visuelle analogique de la douleur (visual analogue scale) vitiligo area severity index viral capsid antigen venereal disease research laboratory vitiligo extent score virus de l'hépatite B virus de l'hépatite C virus de l'immunodéficience humaine néoplasie intraépithéliale vulvaire (vulvar intraepithelial neoplasia)
XVI Abréviations
VINd VIPs VitiQoL VS VVC VVCA VVCR
néoplasie intraépithéliale vulvaire de type différencié (vulvar intraepithelial neoplasia differentiated) vitiligo impact patient scale vitiligo-specific quality-of-life instrument vitesse de sédimentation vulvo-vaginite candidosique vulvo-vaginite candidosique aiguë vulvo-vaginite candidosique récidivante
Chapitre 1
Les Fondamentaux PLAN DU CHAPITRE Embryologie - Anatomie - Histologie Organes génitaux externes masculins Organe génital externe féminin : la vulve
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Examen clinique des organes génitaux externes Interrogatoire Examen physique Variations anatomiques et physiologiques génitales Conclusion
Embryologie - Anatomie Histologie (figure 1.1) Le développement embryologique des organes génitaux externes débute par une étape indifférenciée, identique quel que soit le sexe génétique, qui dure jusqu'à la 9e semaine [1]. Les plis urogénitaux apparaissent au cours de la 3e semaine de chaque côté de la membrane cloacale. Au cours de la 4e semaine apparaissent les tubercules labio-scrotaux, plus latéraux et, simultanément, la partie ventrale des plis urogénitaux fusionne pour former le tubercule génital, qui en s'allongeant devient le phallus primitif. Entre la 3e et la 7e semaine, on assiste au cloisonnement de la membrane cloacale en une membrane urogénitale et une membrane anale et à la 7e semaine, le sinus urogénital est isolé du rectum. À la 9e semaine la membrane urogénitale se résorbe, créant sous le phallus primitif le sillon urétral. La phase de différenciation sexuelle débute alors, induite par les androgènes sécrétés par les testicules fœtaux, gouvernée notamment par le gène SRY situé sur le bras court du chromosome Y. Chez l'homme, se produit un allongement du phallus primitif à l'origine de la partie dorsale du pénis, la fusion des plis urogénitaux formant l'urètre spongieux et la fusion des tubercules labio-scrotaux à l'origine du scrotum. Les lignes de fusion correspondent au raphé pénien et au raphé scrotal. Chez la femme, le stade différencié se caractérise par la croissance limitée du phallus primitif qui devient le clitoris. La partie pelvienne du sinus urogénital forme le vestibule vaginal, les plis urogénitaux deviennent les petites lèvres et les tubercules labio-scrotaux forment les grandes lèvres tandis que la fusion de leurs extrémités aboutit au mont du pubis et à la commissure vulvaire.
Dermatologie génitale © 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
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Biopsie de la vulve et du pénis Quand réaliser une biopsie de la vulve ou du pénis ? Comment réaliser une biopsie de la vulve ou du pénis ? Orientations diagnostiques
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Organes génitaux externes masculins Les organes génitaux externes comprennent le pénis et le scrotum, auxquels est rattaché le mont du pubis (simplement désigné « pubis » de façon courante), non pas sur le plan embryologique mais sur le plan clinique.
Anatomie descriptive Le pubis, situé devant la symphyse pubienne, forme une saillie arrondie, triangulaire à sommet inférieur [2]. Il est limité en haut par le sillon pubo-hypogastrique, latéralement par les plis inguinaux et se prolonge en bas vers le pénis. Il est constitué d'un amas cellulo-adipeux en continuité avec la paroi abdominale et de trousseaux de fibres élastiques issus de la ligne blanche et de l'aponévrose abdominale. Le pénis est composé du corps, visible et mobile, et de la racine, fixe et cachée dans le périnée. La racine du pénis comporte deux piliers, correspondant à la partie postérieure des deux corps caverneux et le bulbe en position médiane, correspondant à la partie postérieure du corps spongieux (figure 1.2). Chaque pilier s'insère sur une branche ischio-pubienne et sur le fascia inférieur du diaphragme urogénital. Le bulbe est fixé à la membrane périnéale et est traversé par l'urètre. Le corps du pénis comporte une face ventrale (ou urétrale), une face dorsale et une extrémité renflée, le gland. Celui-ci est recouvert chez l'homme non circoncis par le prépuce (figure 1.3). Par convention, la position anatomique est le pénis en érection. Ainsi, la face dorsale du pénis est la face du pénis en regard avec l'abdomen lorsque le pénis est en érection. Le corps du pénis est ainsi constitué de trois corps érectiles cylindriques, à savoir deux corps caverneux et un corps spongieux, entourés d'une gaine fibreuse collagénique, l'albuginée [3] (figures 1.4 et 1.5). Les corps caverneux se rejoignent sur
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Chapitre 1. Les Fondamentaux
Figure 1.1. Développement des organes génitaux externes masculins et féminins. D'après Kamina, 2014.
la ligne médiane, à la face inférieure du pubis pour former la partie dorsale du corps du pénis. Ils sont incomplètement séparés l'un de l'autre par un septum médian. Le corps spongieux entoure l'urètre pénien et forme le gland en distalité. Le corps spongieux et les corps caverneux sont entourés de plusieurs enveloppes, de la profondeur vers la superficie : ■ le fascia profond du pénis (ou fascia de Buck) : en distalité, il fusionne avec l'albuginée dans le sillon balanopréputial. À la base du pénis, il émet des fibres vers la face interne du pubis, constituant le ligament suspenseur du pénis ;
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le fascia superficiel du pénis : il s'agit du tissu sous-cutané du pénis, en continuité avec le dartos du scrotum et le fascia périnéal superficiel ; ■ le derme et l'épiderme : ils forment la peau du pénis, dépourvue d'hypoderme et glabre en distalité. Le gland est recouvert d'une muqueuse (appelée par certains demi-muqueuse), fortement adhérente au tissu sousjacent. La partie proximale du gland comporte un bourrelet circulaire plus saillant au niveau dorsal, la couronne, qui surplombe le sillon balanopréputial (ou sillon r étroglandulaire). ■
Chapitre 1. Les Fondamentaux
Figure 1.2. Corps érectile du pénis individualisés. D'après Kamina, 2014.
Méat urétral Couronne du gland Frein du prépuce Prépuce
Pubis Gland Sillon balanopréputial Face interne du prépuce Raphé médian pénien
Fourreau du pénis
Scrotum
Raphé médian scrotal
Figure 1.3. Organes génitaux externes de l'homme en position anatomique. Face ventrale du pénis.
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Chapitre 1. Les Fondamentaux
Figure 1.4. Coupe longitudinale de l'extrémité glandulaire du pénis. D'après Kamina, 2014.
Figure 1.5. Coupe transversale du corps du pénis. D'après Kamina, 2014.
Le méat urétral est une fente sagittale qui correspond à l'orifice urétral externe situé à la partie distale du gland. En amont du méat, l'urètre forme une dilatation (fossette naviculaire) qui comporte un repli muqueux constituant une valvule, permettant la continence urinaire. La face dorsale du gland est convexe tandis que sa face ventrale présente un sillon médian où s'insère le frein du prépuce. Le prépuce correspond à l'extension distale et rétractile de la peau du fourreau, qui recouvre plus ou moins complètement le gland à l'état flaccide. La peau du fourreau quant à elle, adhère de
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façon lâche avec le plan profond, permettant l'allongement du pénis en érection. Le scrotum est la peau qui enveloppe les deux testicules, les deux épididymes et la partie inférieure des cordons spermatiques. Le scrotum soutient les testicules et participe à leur thermorégulation. Il est divisé en deux loges testiculaires par le septum scrotal. Il présente un sillon médian sagittal, le raphé médian scrotal, qui se poursuit en avant avec le raphé pénien jusqu'au frein du prépuce et en arrière jusqu'au coccyx avec le raphé anococcygien.
Chapitre 1. Les Fondamentaux
Vascularisation La vascularisation du pénis repose sur deux artères péniennes, branches terminales des artères pudendales internes (ou artères honteuses internes) (figure 1.6). Chaque artère pénienne se divise en trois branches : une artère dorsale située dans le fascia de Buck, une artère caverneuse qui vascularise le corps caverneux et une artère spongieuse (ou bulbo-urétrale) qui vascularise le corps spongieux et le gland. Les artères superficielles du pénis, issues des artères pudendales externes, vascularisent la peau du pénis. Le retour veineux cutané du pénis emprunte la veine dorsale superficielle (dans le fascia superficiel) qui se divise pour rejoindre les veines pudendales externes puis les grandes veines saphènes. Le retour veineux profond se fait via la veine dorsale profonde (dans le fascia de Buck) et les veines caverneuses qui aboutissent aux veines pudendales internes [4]. Le drainage lymphatique de la peau du pénis se fait vers les ganglions inguinaux superficiels. Le gland et le corps du pénis se drainent vers les ganglions lymphatiques inguinaux profonds (voie pré-symphysaire) ou obturateurs et interiliaques (voie infrasymphysaire). La vascularisation du scrotum repose sur les artères scrotales antérieures et postérieures, qui sont respectivement des branches des artères pudendales externes et internes. Les veines scrotales se drainent dans les veines pudendales externes et internes. La vascularisation des testicules et des épididymes dépend des artères et veines testiculaires qui cheminent dans le cordon spermatique. Les lymphatiques du scrotum sont drainés vers les ganglions lymphatiques (ou nœuds lymphatiques ou lymphonœuds) inguinaux superfi-
ciels et lacunaires alors que le drainage des testicules se fait vers les ganglions lymphatiques lombaires et iliaques.
Innervation L'innervation sensitive du périnée repose surtout sur le nerf pudendal, issu des métamères sacrés S1, S2 et S3, mais aussi sur les rameaux clunéaux inférieurs du nerf cutané postérieur de la cuisse et sur les branches terminales des nerfs ilio-inguinaux, iliohypogastriques et génito-cruraux (origine thoracolombaire). Le pénis est innervé par le nerf dorsal du pénis, branche terminale du nerf pudendal, mais aussi par des branches du nerf scrotal postérieur, expliquant l'anesthésie incomplète du pénis en cas de bloc pénien (bloc du nerf dorsal du pénis) (figure 1.6). Le scrotum est innervé par les nerfs scrotaux postérieurs issus du nerf périnéal (correspondant à la branche inférieure du nerf pudendal), la branche périnéale du nerf cutané postérieur de la cuisse et le nerf ilio-inguinal.
Anatomie fonctionnelle Le pénis est l'organe du coït mais aussi l'organe terminal de la miction. L'érection du pénis, préalable nécessaire à l'éjaculation et à l'orgasme, correspond à des événements vasculaires (dépendant essentiellement des muscles lisses caverneux) sous contrôle neuromusculaire et hormonal. Les adhérences balanopréputiales sont physiologiques chez l'enfant en bas âge. L'épithélium du prépuce et celui du gland sont en effet fusionnés à la naissance chez 96 % des nouveau-nés puis une désunion progressive se produit de sorte que des adhérences ne sont encore présentes que chez 20 % des garçons entre 5 et 13 ans, la désunion étant
Figure 1.6. Vascularisation (droite) et innervation (gauche) superficielle du pénis et du scrotum. D'après Kamina, 2014.
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Chapitre 1. Les Fondamentaux
Figure 1.7. Histologie normale de la muqueuse du gland. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
Figure 1.8. Histologie normale du prépuce. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
habituellement complète chez tous les adolescents à l'âge de 17 ans [5].
Histologie La muqueuse du gland (parfois appelée demi-muqueuse) surmonte la partie distale du corps spongieux. Elle comporte un épithélium stratifié pavimenteux pas ou peu kératinisé (orthokératinisé) surmontant le chorion, de nature proche du derme mais dépourvu d'annexes pilosébacées et sudorales (figure 1.7). Chez l'homme circoncis, la kératinisation du gland serait plus marquée que chez l'homme non circoncis, bien que cela soit discuté par certains auteurs [6]. ■ Le prépuce comporte 5 couches histologiques, de l'extérieur vers l'intérieur (figure 1.8) : ● l'épiderme : épithélium stratifié pavimenteux kératinisé (orthokératinisé) ; ● le derme : comportant les annexes sébacées et sudorales eccrines et apocrines. ■ Le dartos (muscle lisse). ■ Le chorion (ou sous-muqueuse). L'épithélium muqueux : épithélium stratifié pavimenteux pas ou peu kératinisé (orthokératinisé). Des études récentes ont cependant montré que la face interne du prépuce n'était pas moins kératinisée que la face externe [7,8]. Le scrotum comporte de la superficie vers la profondeur (figure 1.9) : ■ l'épiderme (épithélium stratifié pavimenteux kératinisé) ; ■ le derme comportant les annexes pilosébacées et sudorales eccrines et apocrines (on note l'absence de tissu adipeux) ; ■ le dartos : muscle lisse ; ■ le fascia spermatique externe contenant les fibres musculaires striées du muscle crémastérique. Il est en continuité avec le fascia superficiel du pénis ; ■ le fascia spermatique interne, en continuité avec le fascia profond du pénis.
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Figure 1.9. Histologie normale du scrotum. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
La tunique vaginale, constituée d'un feuillet viscéral et d'un feuillet pariétal provenant du péritoine.
Organe génital externe féminin : la vulve Anatomie descriptive [9–12] La vulve désigne l'ensemble des organes génitaux externes de la femme. Elle recouvre en superficie le pubis et le périnée urogénital et en profondeur l'espace superficiel du périnée urogénital qui contient les organes érectiles féminins. Elle est limitée en avant par le mont du pubis et les plis inguinaux, latéralement par les cuisses et les plis génito-cruraux, en arrière par la commissure postérieure. La vulve est constituée de replis cutanés, d'un espace médian ou fente vulvaire,
Chapitre 1. Les Fondamentaux
d'organes érectiles et de glandes vulvo-vaginales (figures 1.10 et 1.11). Les replis cutanés sont représentés par : ■ le mont du pubis ou mont de Vénus : situé devant la symphyse pubienne, il forme une saillie arrondie, triangulaire à sommet inférieur, limitée en haut par le sillon pubo-hypogastrique, latéralement par les plis inguinaux et il se prolonge en bas en continuité avec les grandes lèvres. Il est recouvert d'une pilosité à limite supérieure horizontale habituellement nette ou se prolongeant parfois vers l'ombilic, comme chez l'homme. Il est constitué d'un amas cellulo-adipeux en continuité avec celui de la paroi abdominale et des grandes lèvres et de trousseaux
Figure 1.10. Vulve (lèvres écartées).
de fibres élastiques issus de la ligne blanche et de l'aponévrose abdominale ; ■ les grandes lèvres : symétriques, elles s'étendent du mont du pubis en avant, où leur réunion sur la ligne médiane constitue la commissure antérieure, au périnée en arrière où leur réunion constitue la commissure postérieure. Elles sont constituées d'une face externe convexe pileuse (figure 1.12), séparée de la face interne de la cuisse adjacente par le sillon génito-crural et d'une face interne, plane ou légèrement concave et glabre. La partie supérieure de cette face interne fait face à la face externe de la petite lèvre, séparée d'elle par le sillon interlabial tandis que la partie inférieure répond à son homonyme opposé. Chaque grande lèvre est formée d'un revêtement cutané et du corps adipeux labial. Elle contient les fibres terminales du ligament rond et parfois un vestige du sac inguinal (ou canal de Nück). La couche profonde dermique du revêtement cutané contient des fibres musculaires lisses, le dartos labial. Le corps adipeux labial, formation fibro-adipeuse riche en vaisseaux qui ne régresse pas lors de l'amaigrissement, est un organe semi-érectile traversé de fibres élastiques qui l'amarrent au fascia criblé, au prépuce du clitoris et au centre tendineux du périnée. La présence de ces fibres élastiques explique la solidarité des grandes lèvres aux mouvements des cuisses et la transmission au clitoris d'une excitation mécanique lors de ces mouvements ; ■ les petites lèvres ou nymphes : elles sont glabres, d'apparence « muqueuse ». Latéralement, la face externe de chaque petite lèvre répond à la face interne de la grande lèvre adjacente, dont elle est séparée par le sillon interlabial où s'accumule le produit de leur sécrétion,
Figure 1.11. Vulve (lèvres écartées).
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Chapitre 1. Les Fondamentaux
d'aspect blanchâtre proche du smegma (figure 1.13). Leur face interne délimite le vestibule selon la ligne virtuelle de Hart (figure 1.14). L'extrémité antérieure de chaque petite lèvre se dédouble en deux feuillets. L'union des deux feuillets supérieurs opposés constitue le capuchon clitoridien (ou prépuce du clitoris) tandis que celle des deux feuillets inférieurs constitue le frein du clitoris, inséré à la partie inférieure de ce dernier (figure 1.15).
Mont du pubis Grande lèvre : face externe pileuse Grande lèvre : face interne glabre Sillon interlabial Petite lèvre Capuchon clitoridien Commissure antérieure Commissure postérieure Sillon génitocrural
Figure 1.12. Grandes lèvres. Figure 1.14. Ligne de Hart. Limite entre les petites lèvres, finement kératinisées et pigmentées et la muqueuse vestibulaire rose (vestibule urétral exposé par l'écartement des petites lèvres).
Figure 1.13. Accumulation de l'équivalent du smegma dans les sillons interlabiaux.
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Prépuce (capuchon) du clitoris Frein du clitoris Sillon interlabial Petite lèvre Orifice externe de l'urètre
Figure 1.15. Dédoublement des petites lèvres.
Chapitre 1. Les Fondamentaux
L'extrémité postérieure des petites lèvres se fond à la face interne des grandes lèvres ou s'unit en constituant la fourchette (ou commissure postérieure des petites lèvres). Les petites lèvres, caractérisées par une base fixe et un bord libre, participent à l'occlusion de la fente vulvaire. Elles sont constituées d'un axe fibro-élastique, expliquant leur grande plasticité, entouré de deux feuillets épithéliaux épais dont la couche kératinisée est mince et pour cette raison parfois dénommée « demi-muqueuse ». Dépourvues de tissu adipeux et de follicules pileux, elles sont par contre riches en glandes sébacées. L'organisation de leur vascularisation en tissu érectile permet un afflux sanguin lors de l'excitation sexuelle, responsable d'une modification de leur couleur, d'une augmentation de leur volume et d'une légère traction sur le clitoris. La fente vulvaire désigne l'espace virtuel interlabial occupé par le vestibule, confluent génito-urinaire (figure 1.16). Le vestibule a la forme d'un entonnoir, limité en avant par le frein du clitoris, en arrière par la fourchette et latéralement par les petites lèvres et plus précisément par la ligne virtuelle de Hart, jonction entre l'épithélium finement kératinisé de la face interne de chaque petite lèvre et non kératinisé du vestibule. Le fond ou toit du vestibule comprend d'avant en arrière :
le vestibule antérieur ou urinaire (figure 1.16), surface triangulaire fixée sur la symphyse pubienne. Il comporte sur sa ligne médiane une bandelette légèrement concave en dehors, nettement visible chez la vierge et s'estompant après la défloraison et l'accouchement et, situé au-dessus de la carina urétrale du vagin, l'orifice urétral externe ou méat urétral. Ce dernier est d'aspect variable, arrondi, étoilé ou en fente longitudinale. Ses bords, parfois proéminents, constituent la papille urétrale. Les orifices des glandes para-urétrales (ou glandes de Skene) se situent latéralement, de part et d'autre du méat urétral ; ■ le vestibule postérieur ou vaginal (figure 1.16), comportant l'orifice inférieur du vagin ou introït, oblitéré incomplètement chez la vierge par l'hymen, fine membrane conjonctive. Quatre types d'hymen ont été décrits : semi-lunaire ou falciforme, annulaire, labié et cribriforme. L'hymen peut être souple et se dilater suffisamment ou être déchiré lors du premier rapport sexuel, mais aussi parfois lors de l'insertion de tampons voire d'un exercice physique. Il persiste sous la forme de lobules hyménéaux après la défloration et sera détruit lors premier accouchement. Ses vestiges sont alors nommés les caroncules hyménéales (figure 1.17) ou myrtiformes. Les orifices des canaux excréteurs des glandes vestibulaires majeures (glandes de Bartholin) se situent de part et d'autre de l'orifice vaginal, au sein du sillon vestibulaire (ou sillon nympho-hyménéal ou labio-hyménéal) ; ■ la fossette naviculaire est une dépression souple et profonde située entre l'orifice vaginal et la fourchette, séparant le vestibule postérieur du raphé périnéal. ■
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Vestibule urétral
Le principal organe érectile de la vulve est le clitoris, équivalent féminin du pénis. Le clitoris (figure 1.18) est formé d'arrière en avant par : ■ deux corps caverneux, dénommés piliers ou racines du clitoris. Fusiformes, mesurant 3 à 4 cm de long et fixés au bord inférieur des branches ischio-pubiennes et recouverts des muscles ischio-caverneux, ils convergent
Vestibule vaginal
2
2
3
1. Frein du clitoris Limites du vestibule 2. Ligne de Hart 3. Commissure postérieure des lèvres Orifice externe de l'urètre Orifice vaginal Carina du vagin Hymen
Figure 1.16. Vestibule.
Figure 1.17. Caroncules hyménéales.
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Chapitre 1. Les Fondamentaux
Figure 1.18. Clitoris : corps érectiles. D'après Kamina, 2014.
en avant l'un vers l'autre et se réunissent pour former la commissure caverneuse et le corps du clitoris, en avant de l'urètre et de l'extrémité inférieure de la symphyse pubienne ; ■ deux bulbes vestibulaires, ou bulbes du clitoris, correspondant au dédoublement du corps spongieux de l'homme par l'interposition du vagin. Situés à la base des petites lèvres et recouverts par les muscles bulbo-spongieux, ils constituent une sorte de fer à cheval ouvert vers l'arrière. L'extrémité postérieure de chaque branche, renflée, se situe au contact de la glande de Bartholin, leur partie médiane se situe sous le bord adhérent des petites lèvres, de part et d'autre de l'urètre et de l'orifice vaginal, et leurs extrémités antérieures s'unissent sur la ligne médiane pour constituer la commissure bulbaire et le corps du clitoris. Le plexus veineux intermédiaire est un riche réseau veineux situé entre les commissures caverneuse et bulbaire et le corps du clitoris ; ■ le corps du clitoris (3 cm), prolongement des commissures caverneuse et bulbaire, poursuit initialement la direction de ses racines puis il se fléchit en un angle aigu vers le bas, en avant de la symphyse pubienne à laquelle il est suspendu par son ligament suspenseur. Il forme le coude (ou genou) du clitoris. Le segment palpable du clitoris, situé au-delà de la symphyse pubienne, est dénommé « hampe du clitoris » ; ■ le gland clitoridien constitue l'extrémité terminale visible du clitoris. Il mesure environ 6 de long et 7 mm de diamètre. Il est recouvert par le prépuce (ou capuchon) clitoridien, qui n'y adhère pas, et fixé à sa face postérieure aux petites lèvres par le frein.
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Le clitoris, à l'exception de son gland, est constitué d'un tissu érectile aréolaire formé de cavernes vasculaires séparées par des travées conjonctives riches en fibres musculaires lisses (muscles caverneux) entouré d'une enveloppe fibro-élastique, l'albuginée riche en neurorécepteurs. Le clitoris est donc capable d'augmenter de volume lors de l'excitation sexuelle. Le gland clitoridien, dont le noyau de nature fibro-élastique est recouvert d'une muqueuse, se différencie du gland du pénis qui est pour sa part érectile, car pourvu de corps spongieux. Les glandes vulvovaginales sont de plusieurs types : les glandes urétrales et péri-urétrales : parallèles à l'urètre, de structure lobulaire ; ■ les glandes para-urétrales ou glandes de Skene : de structure lobulaire aussi, elles correspondent aux deux plus volumineuses glandes péri-urétrales. Leur canal s'abouche de part et d'autre du méat urétral ; ■ les glandes vestibulaires majeures ou glandes de Bartholin : profondément situées au tiers postérieur des grandes lèvres, situées entre le fascia inférieur du diaphragme urogénital à leur pôle supérieur, et le muscle bulbo-spongieux, au contact de la paroi vaginale latéralement et du muscle transverse superficiel en arrière. De forme ovalaire, ce sont des glandes mucipares dotées d'un canal excréteur long de 1,5 à 2 cm, dont les orifices, visibles à l'œil nu, sont situés dans le sillon vestibulaire (ou nympho-hyménéal) à l'union du tiers moyen et du tiers postérieur de l'orifice vaginal, à 5 heures et à 7 heures. Leur écoulement au moment du coït participe modestement à la lubrification vaginale ; ■
Chapitre 1. Les Fondamentaux
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les glandes vestibulaires mineures, comprennent les glandes sébacées et sudoripares disséminées sur les lèvres. Elles sécrètent une matière blanchâtre et onctueuse proche du smegma préputial.
Vascularisation Artères [9] La vascularisation artérielle de la vulve est divisée en deux territoires antérieur et postérieur, par une ligne horizontale passant par le clitoris. Le territoire vulvaire antérieur est irrigué par les artères pudendales externes supérieures et inférieures, branches de l'artère fémorale et accessoirement par une branche terminale des artères obturatrice et funiculaire. Le territoire artériel postérieur est sous la dépendance de l'artère pudendale interne, branche de l'artère iliaque interne, qui donne naissance en particulier à l'artère dorsale profonde du clitoris, aux artères urétrale et bulbaire, ainsi qu'aux branches labiales et destinées aux glandes vestibulaires majeures. Veines [9] Le réseau veineux est dense, en particulier au sein des lèvres. Le drainage veineux du mont du pubis, du prépuce et de la partie antérieure des grandes lèvres se fait par les veines pudendales externes vers la grande veine saphène. Le drainage du clitoris, des bulbes vestibulaires, de la partie postérieure des lèvres se fait par les veines pudendales internes dans la veine iliaque interne. Lymphatiques [9] Le réseau lymphatique vulvaire est très riche et son principal drainage est inguinal, le drainage iliaque étant accessoire et rarement concerné. On distingue différents plexus lymphatiques : ■ le plexus vestibulaire : situé autour de l'urètre, il assure le drainage de la face interne des petites lèvres ; ses collecteurs rejoignent le plexus pré-symphysaire ; ■ le plexus commissural postérieur : situé entre la vulve et l'anus, il assure le drainage de la région ano-vulvaire ; ses collecteurs efférents rejoignent ceux des grandes lèvres et aboutissent aux ganglions (ou nœuds lymphatiques ou lymphonoeuds) inguinaux superficiels inférieurs ; ■ le plexus labial : situé dans les deux tiers postérieurs des grandes lèvres, il en assure le drainage ainsi que celui de la face latérale externe des petites lèvres ; ses collecteurs efférents, après un trajet parallèle au pli génito-crural, aboutissent aux ganglions inguinaux superficiels médiaux ; ■ le plexus pré-symphysaire : situé dans le mont du pubis, il draine le prépuce et le plexus vestibulaire et ses collecteurs efférents rejoignent les ganglions inguinaux superficiels médiaux homo- ou controlatéraux. Le drainage lymphatique du gland et du corps du clitoris se fait soit vers les ganglions lacunaires, par des collecteurs qui traversent la ligne blanche, soit vers ganglions obturateurs
et interiliaques via des collecteurs infrapubiens. Le drainage des piliers et des bulbes vestibulaires se fait vers les ganglions iliaques internes par la voie pudendale interne. Enfin, celui des glandes vestibulaires majeures se fait vers les ganglions inguinaux ou glutéaux inférieurs.
Innervation [9,13] L'innervation somatique sensitivomotrice de la vulve dépend principalement des racines S1 à S4, complétées par les racines L1 et L2. Le nerf principal de la vulve est le nerf pudendal (anciennement nerf honteux interne) (figure 1.19). Il s'agit d'un nerf mixte comportant trois segments situés dans trois régions anatomiques différentes : le pelvis, la région glutéale, le périnée. Formé des racines S2, S3 et S4, il quitte la région pelvienne sous le muscle piriforme et décrit alors un trajet glutéal contournant l'épine sciatique pour cheminer dans une pince ligamentaire entre le ligament sacro-épineux et le ligament sacro-tubéral puis dans le canal pudendal (ou canal d'Alcock) correspondant à un dédoublement du fascia du muscle obturateur interne. À l'issue de ce canal, le nerf pudendal émet trois branches terminales : ■ le nerf dorsal du clitoris assurant la sensibilité du clitoris ; ■ le nerf périnéal, dont la branche superficielle (labiale postérieure) assure la sensibilité d'une partie des grandes lèvres, des petites lèvres, de la peau du noyau central du périnée et dont la branche profonde assure l'innervation motrice des muscles transverses profonds du périnée, des muscles érecteurs ischio- et bulbo-caverneux, du sphincter strié de l'urètre ; ■ le nerf anal assurant la sensibilité de la marge anale et la motricité du sphincter strié de l'anus. Le nerf pudendal innerve donc les deux tiers postérieurs des grandes lèvres, les petites lèvres, le bulbe vestibulaire et le clitoris, tandis que les branches génitales des nerfs ilio-hypogastrique, ilio-inguinal, génito-fémoral assurent l'innervation du mont du pubis et du tiers antérieur des grandes lèvres et que le nerf cutané postérieur de la cuisse participe à l'innervation de la partie moyenne des grandes lèvres.
Muscles et périnée [14,15] Le périnée est l'ensemble des parties molles situées au-dessous du diaphragme pelvien. Le diaphragme pelvien, constitué du muscle élévateur de l'anus et du muscle coccygien, représente le plancher du pelvis et la limite supérieure du périnée, séparant ce dernier de la cavité pelvienne. Le périnée laisse passer l'urètre et le rectum chez l'homme, l'urètre, le vagin et le rectum chez la femme. Il est indissociable, tant sur le plan anatomique que fonctionnel, des organes génitaux externes et du canal anal. En station verticale, le périnée correspond à un espace étroit caché entre les cuisses, se prolongeant en avant par la région pubienne et en arrière par le sillon interfessier. En position allongée, dorsopérinéale (ou position gynécologique chez la femme ou de lithotomie chez l'homme), le périnée prend la forme d'un losange de grand axe antéropostérieur.
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Chapitre 1. Les Fondamentaux
Figure 1.19. Innervation de la vulve. D'après Kamina, 2014.
Un cadre ostéo-fibreux constitue les limites du périnée avec, en avant, le bord inférieur de la symphyse pubienne, latéralement les branches ischio-pubiennes et les tubérosités ischiatiques et en arrière, l'apex du coccyx. Le périnée est divisé par la ligne bitubérositaire ischiatique en deux régions, le périnée urogénital en avant et le périnée anal en arrière, séparés par le corps périnéal situé sur la ligne médiane sous la peau (figure 1.20). Chacune de ces régions est organisée en plans. De la superficie à la profondeur on distingue le périnée urogénital, le plan profond, le périnée anal et le corps périnéal. Périnée urogénital ■ Plan cutané : il correspond aux structures cutanées des organes génitaux externes et donc à la vulve chez la femme. Il est doublé du fascia superficiel du périnée. ■ Plan superficiel : ● sa limite supérieure est le fascia inférieur du diaphragme urogénital (ou membrane périnéale) et sa limite inférieure est le fascia superficiel du périnée ; ● il constitue la loge des organes érectiles, contenant le clitoris et les glandes vestibulaires majeures chez la femme ; ● il comprend différents muscles : – le muscle ischio-caverneux, pair et constant, satellite des corps caverneux qu'il comprime, – le muscle bulbo-spongieux, pair et constant, recouvrant la face latérale de la glande vestibulaire majeure et le bulbe vestibulaire adjacent ; il se termine selon deux faisceaux, au-dessus et sur les faces latérales du clitoris. Sa contraction favorise l'érection du clitoris, comprime la glande vestibulaire majeure et rétrécit l'introït vaginal,
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Périnée urogénital
Tubérosité ischiatique
Tubérosité ischiatique
Corps du périnée
Périnée anal
Figure 1.20. Périnée féminin.
– le muscle transverse superficiel, mince et inconstant, tendu entre la branche ischiatique et le corps périnéal. Plan profond ■ Il contient le diaphragme urogénital, constitué de deux muscles : ● le muscle sphincter de l'urètre qui en assure l'occlusion et l'expulsion des dernières gouttes d'urine ; ● le muscle transverse profond, pair et triangulaire, tendu de la branche ischiatique au corps périnéal et au vagin. La contraction des deux muscles transverses profonds
Chapitre 1. Les Fondamentaux
immobilise le corps périnéal et favorise l'action des muscles qui s'y insèrent. ■ Il est limité par les fascias supérieur et inférieur du diaphragme urogénital. Le fascia inférieur, ou membrane périnéale, épais et résistant constitue la lame fixatrice des corps érectiles. La fusion en avant des fascias supérieur et inférieur forme le ligament transverse du périnée. Périnée anal ■ Il est traversé par le canal anal. ■ Son plan cutané est épais, doublé du fascia superficiel en continuité avec le corps adipeux de la fosse ischio-rectale. Il contient le muscle sphincter externe de l'anus qui comporte trois parties : une partie sous-cutanée qui circonscrit l'anus, surmontée par une partie superficielle qui enserre le canal anal puis d'une partie profonde, unie au muscle pubo-rectal. Au repos, le muscle sphincter externe de l'anus assure 15 % de la pression d'occlusion du canal anal, tandis que le sphincter interne de l'anus en assure 85 %. Le muscle sphincter externe de l'anus assure aussi la continence d'urgence. Corps périnéal (ou centre périnéal ou anciennement centre tendineux du périnée) ■ Il s'agit d'une formation fibro-musculaire mal limitée située sous la peau du périnée, entre le périnée urogénital en avant et le canal anal en arrière. ■ Il donne insertion aux muscles élévateurs de l'anus, transverses du périnée et bulbo-spongieux.
Anatomie fonctionnelle [9,10] La vulve, pourvue de récepteurs hormonaux, est un organe cible sensible aux hormones sexuelles, et en particulier aux œstrogènes, dont l'imprégnation améliore la trophicité et modifie la coloration, la rendant plus foncée. La vulve intervient dans trois fonctions : la miction, le coït et l'accouchement. ■ Au cours de la miction, le jet urinaire est comme guidé par les petites lèvres, dénommées aussi « nymphes », comme les nymphes des légendes dirigeant le jaillissement de l'eau des sources. ■ Au cours de l'acte sexuel, la vulve se modifie selon différentes phases : à la phase d'excitation, les corps érectiles se dilatent et se congestionnent. Le corps du clitoris est le foyer principal de réponse sexuelle, la stimulation de ses récepteurs résultant indirectement de la traction exercée par les petites lèvres sur le frein du clitoris sous l'action du pénis. Les petites lèvres augmentent de volume, se dressent, constituant en prolongement du vagin un canal vulvovaginal et, à la phase en plateau, leur couleur se modifie, virant au rouge plus foncé chez la nullipare. Cette manifestation, dénommée skin sex reaction est pathognomonique de l'imminence de l'orgasme. Les grandes lèvres, peu modifiées chez la nullipare, se comportent comme des organes érectiles chez la multipare, leur volume doublant ou triplant. L'activité sécrétoire des glandes vestibulaires majeures joue un rôle mineur, la lubrification
vulvaire étant liée à la transsudation vulvovaginale. À la phase orgasmique, la vulve se modifie peu alors que le vagin se contracte régulièrement et avec force, jusqu'à l'orgasme en particulier après stimulation du point G. À la phase de résolution, la vulve reprend son aspect habituel, mais dans certaines conditions, le premier orgasme peut être suivi d'un deuxième voire d'un troisième orgasme. La phase réfractaire est brève, contrairement à l'homme. ■ Au cours de l'accouchement, l'orifice vulvaire se déplisse et se distend. La région ano-vulvaire s'amincit de façon spectaculaire lors de la présentation jusqu'à l'expulsion de la tête. Le risque de déchirure vulvo-périnéale concerne la commissure postérieure ; il est minimisé par un dégagement lent et progressif et nécessite parfois une épisiotomie.
Histologie [9–11,16,17] Trois zones vulvaires peuvent schématiquement être distinguées : une zone cutanéo-pileuse (mont de Vénus et face externe des grandes lèvres), une zone cutanée non pileuse (face interne des grandes lèvres, sillon interlabial, face externe et deux tiers de la face interne des petites lèvres, commissures antérieure et postérieure, clitoris, fourchette), et une zone muqueuse (tiers interne de la face interne des petites lèvres et vestibule). Sur le plan histologique, la vulve est recouverte d'un épithélium, de type cutané (épithélium pavimenteux stratifié kératinisé) qui se modifie progressivement des zones pileuses latérales aux zones non pileuses médianes jusqu'à la muqueuse vestibulaire (épithélium pavimenteux stratifié non kératinisé). L'épaisseur de l'épithélium et celle de la couche kératinisée varient selon le site examiné : ainsi, la couche cornée est-elle plus épaisse et plus lâche en région cutanéo-pileuse et plus fine et plus compacte en région médiane non pileuse tandis que l'épaisseur de l'épithélium varie inversement, moindre en zone cutanéo-pileuse qu'en zone glabre médiane [17]. L'augmentation de l'épaisseur de l'épithélium des régions médianes, en particulier des petites lèvres mais aussi du périnée, pourrait être une adaptation à la pression liée à la position assise [17]. Ainsi selon le site, on observe : ■ mont de Vénus et grandes lèvres (figures 1.21A et 1.21B) : ● épithélium pavimenteux stratifié kératinisé, ● derme : annexes sudorales et pilosébacées sur la face externe pileuse ; absence de follicules pileux sur la face interne glabre, ■ hypoderme : présent ; ■ petites lèvres (figure 1.22) : ● épithélium pavimenteux stratifié finement kératinisé ; le degré de kératinisation diminue progressivement pour disparaître à la jonction avec le vestibule, marquée par une limite nette, la ligne de Hart. La couche cornée est orthokératosique, mais une parakératose considérée comme physiologique peut être observée à la jonction entre la zone kératinisée et non kératinisée [17], ● derme : composé essentiellement de fibres élastiques et de vaisseaux formant du tissu érectile semblable à celui du corps spongieux du pénis. Riche en glandes sébacées
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Chapitre 1. Les Fondamentaux
les médecins déjà consultés (médecin généraliste, urologue, gynécologue, proctologue) ou un autre professionnel de santé (sage-femme, kinésithérapeute) ; ■ les examens complémentaires déjà réalisés. Les traitements antérieurement prescrits ou utilisés en automédication et leur éventuelle efficacité. ■ La description par le patient de l'aspect antérieur des lésions en cas de séméiologie variable ou intermittente, d'aspect modifié par les traitements antérieurs. ■ Les antécédents personnels : généraux, dermatologiques, d'infection sexuellement transmissible (IST), urologiques/ gynécologiques : ● chez l'homme, en cas d'antécédent de posthectomie, l'âge de l'intervention, le motif (religieux ou médical), ● chez la femme : – en âge de procréer : régularité des cycles ? désir de grossesse ? grossesse en cours ? mode de contraception ? – ménopausée : traitement hormonal de la ménopause ? traitement œstrogénique topique ? ● chez toutes : les antécédents gynécologiques, dont la date du dernier frottis cervico-vaginal, et obstétricaux. ■ Les antécédents familiaux notamment dermatologiques : psoriasis, atopie, etc. ; ■ les habitudes sexuelles : type de sexualité (hétéro-/bi-/ homosexualité), partenaire(s) unique ou multiples, usage de préservatifs ; ■ les prises médicamenteuses continues ou intermittentes, même apparemment banales (paracétamol, anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS], etc.) ; ■ les habitudes d'hygiène génitale (toilette, rasage, topiques appliqués) ; ■ les signes fonctionnels et physiques : ● circonstances d'apparition, ancienneté, ● chronologie : intermittente, chronique. Évolution : stable, aggravation, amélioration, ● facteurs déclenchants (rapports sexuels en particulier) ? facteurs calmants ? ● topographie : – chez l'homme : gland ? méat ? sillon balanopréputial ? prépuce ? fourreau ? scrotum ? pubis ? – chez la femme : pubis ? clitoris ? grandes ou petites lèvres ? vestibule ? la topographie des symptômes est toutefois souvent difficile à faire préciser du fait d'une méconnaissance de l'anatomie vulvaire et d'une difficulté, voire d'une réticence, à l'autoexamen. Ainsi, chez la femme, les symptômes sont-ils souvent qualifiés de vaginaux, alors qu'ils sont vulvaires, ● nature des signes fonctionnels : – génitaux : prurit (« envie de gratter »), douleur (brûlure, piqûre, picotements, etc.), paresthésies, inconfort, et plus spécifiquement chez la femme, la présence de pertes (coloration ? abondantes ? malodorantes ?) ou d'un saignement et chez l'homme, d'une difficulté à décalotter, – urinaires : brûlures mictionnelles, dysurie, incontinence, écoulement urétral chez l'homme, ■
A
B
Figure 1.21. Histologie normale de la vulve. A. Face externe de la grande lèvre. Présence d'annexes sudorales et pilo- sébacées. B. Face interne de la grande lèvre. Source : A : Dr Khadija Cherif ; B : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
Figure 1.22. Histologie normale de la vulve. Petite lèvre. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
ouvertes directement à la surface, les glandes sudorales eccrines y sont rares et les follicules pileux absents, ● hypoderme : absent ; ■ clitoris : ● épithélium pavimenteux stratifié finement kératinisé, ● derme : absence de glandes sébacées ou sudorales ; ■ vestibule, c'est une muqueuse : ● épithélium pavimenteux stratifié non kératinisé, ● chorion dépourvu d'annexes pilosébacées ou sudorales. La présence d'un infiltrat lymphocytaire dermique de faible intensité/densité est physiologique, traduisant la présence du tissu lymphoïde associé à la peau et aux muqueuses [17].
Examen clinique des organes génitaux externes Interrogatoire L'interrogatoire est réalisé en début de consultation, avant le déshabillage. Il doit permettre de préciser : ■ le ou les motifs de consultation : un prurit ? une douleur ? des brûlures ? une dyspareunie ? une lésion visible ? une lésion palpable ? une lésion constatée par un tiers ?
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Chapitre 1. Les Fondamentaux
– sexuels : dyspareunie (en précisant chez la femme son caractère orificiel ou profond), troubles sexuels (libido, érection, éjaculation, orgasme), – anaux ou digestifs : douleurs, prurit, suintement, diarrhée, ● nature des signes physiques : rougeur ? pâleur ? « plaies » ou fissures ? perception d'une ou de plusieurs lésions palpables ? chez l'homme, rétrécissement du prépuce ? En cas de lésions intermittentes, le/la patient(e) a-t-il/ elle fait des photos ? ■ les symptômes génitaux éventuellement présents chez le/ la partenaire.
Examen physique L'examen clinique génital est réalisé en position allongée (et non pas debout ou assis), sous un bon éclairage et après déshabillage complet de la zone génitale. Il est proposé avec tact, en respectant la pudeur du patient ou de la patiente. Il est suivi d'un examen complet des muqueuses (anale, buccale et oculaire), de l'ensemble du tégument et des phanères (ongles et cheveux). Dans les pays anglo-saxons, s'il est habituel qu'un médecin de sexe masculin n'examine la zone génitale d'une patiente qu'en présence d'une tierce personne (chaperonne), certains posent la question de proposer à chaque patient(e) la présence d'un(e) chaperon(ne), quel que soit le sexe du patient et du médecin [18]. Alors que l'examen de la zone génitale fait partie intégrante de l'examen dermatologique et qu'il doit être systématiquement proposé lors de l'examen cutané, il est inconstamment réalisé. Ainsi, l'interrogatoire de 173 oncodermatologues a montré que lors du dépistage du mélanome, les organes génitaux étaient parmi les sites anatomiques les moins fréquemment examinés [19]. De même, dans l'étude française GENIPSO visant à objectiver la prévalence instantanée du psoriasis génital chez 776 patients consultant pour un psoriasis non génital, seuls 40 % d'entre eux ont déclaré avoir eu un examen génital lors de leurs consultations passées [20]. L'examen génital doit donc être proposé au patient et non pas imposé, en respectant sa pudeur. Dans une étude portant sur 438 patients consultant pour un dépistage du mélanome, 40 % des hommes et 46 % des femmes préféraient conserver leur sous-vêtement pendant l'examen général du tégument, et seuls 12 % des hommes et 35 % des femmes préféraient ne pas avoir d'examen génital [21]. La pudeur des patients et leur réticence à avoir un examen génital ne doivent cependant pas être surévaluées. Ainsi, dans l'étude française GENIPSO, le taux d'acceptation de l'examen génital était élevé (85 %), identique que le patient et le médecin soient de même sexe ou non [20]. Enfin, la prise en compte par les médecins de la localisation génitale des dermatoses est réclamée par les patients. Parmi 277 patients atteins de psoriasis génital (63 % d'hommes et 37 % de femmes), seuls 46 % ont déjà abordé le sujet avec leur médecin et 25 % estiment que leur médecin est suffisamment attentif à leur atteinte génitale [22].
Comment examiner la vulve ? Chez la femme, l'examen vulvaire est réalisé en position gynécologique, idéalement sur une table d'examen munie d'étriers. Toutefois, si l'on n'en est pas équipé, il est possible de demander à la patiente de se positionner à l'extrémité de la table d'examen, les genoux pliés. Ainsi, l'examen vulvaire pourra être réalisé de face, et non pas en étant placé latéralement. L'examen de la vulve doit être systématique, chaque zone anatomique vulvaire devant être méthodiquement identifiée et analysée. Il débute par l'inspection du pubis, des plis inguinaux et génito-cruraux et de la face externe pileuse des grandes lèvres. À ce stade, seuls une partie du capuchon clitoridien et le bord externe des petites lèvres, si elles émergent des grandes lèvres, sont visibles (figure 1.23). L'examen se poursuit en écartant délicatement les grandes lèvres, ce qui permet de visualiser la face interne glabre des grandes lèvres, les sillons interlabiaux et les petites lèvres. Il est important de se munir d'une compresse, humidifiée ou non, qui sera utile pour éliminer les éventuelles sécrétions des glandes sébacées, formant des dépôts blanchâtres dans les sillons interlabiaux, à ne pas confondre avec une leucoplasie (figures 1.24 et 1.25). Le gland clitoridien sera observé après mobilisation du capuchon clitoridien (figures 1.26 et 1.27). L'écartement des petites lèvres tout aussi délicat permet enfin d'examiner le vestibule urétral (antérieur ou urinaire) comportant le méat urétral et de part et d'autre, les orifices des glandes para-urétrales de Skene. L'examen du vestibule vaginal (ou postérieur) nécessite d'étirer en bas et en dehors les extrémités inférieures des grandes lèvres. Cette manœuvre révèle l'orifice vaginal, bordé par l'hymen ou ses caroncules. De part et d'autre, au sein du sillon vestibulaire, à 5 heures et 7 heures, siègent les orifices des glandes vestibulaires majeures de Bartholin. L'examen se termine par celui de la fossette naviculaire, de la fourchette et du périnée. Les aires ganglionnaires inguinales seront palpées. Le passage de la patiente en position latérale permet enfin l'inspection du sillon interfessier et de la marge anale.
Figure 1.23. Vulve normale (lèvres non écartées).
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Chapitre 1. Les Fondamentaux
Figure 1.24. Enduit blanchâtre proche du smegma.
Figure 1.25. Même patiente que sur la figure 1.24. après élimination de l'enduit à l'aide d'une compresse.
Chez la fillette prépubère, l'examen vulvaire sera réalisé en présence d'un de ses parents, habituellement la mère. Il sera demandé à la fillette d'adopter la position dite de la « grenouille » : l'enfant est allongée, les talons contre les fesses et les genoux écartés. Très délicatement, les grandes lèvres ne seront pas écartées mais doucement étirées vers le bas puis tirées vers soi afin d'éviter toute traction sur la fourchette, potentiellement douloureuse. Ainsi, on pourra visualiser le
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Figure 1.26. Clitoris avant mobilisation du prépuce (capuchon) du clitoris.
Figure 1.27. Exposition du gland clitoridien avec son smegma après mobilisation du prépuce (capuchon) du clitoris.
capuchon puis le gland du clitoris, les petites lèvres très fines et de petite taille et l'orifice vaginal plus ou moins obturé par l'hymen selon sa morphologie.
Comment examiner le pénis et le scrotum ? Chez l'homme, l'examen du pénis et du scrotum est réalisé en position allongée, sur une table d'examen standard.
Chapitre 1. Les Fondamentaux
L'inspection pourra être réalisée par le médecin placé de face, le patient ayant les genoux repliés, ou placé latéralement, le patient ayant alors les jambes allongées. L'examen génital doit être systématique, chaque zone anatomique devant être méthodiquement identifiée et analysée. Il débute par l'inspection du pubis, des plis inguinaux et génito-cruraux et du scrotum, associé à une palpation des aires ganglionnaires inguinales et des testicules. On réalise ensuite l'examen circonférentiel du fourreau du pénis et de la face externe du prépuce chez l'homme non circoncis, suivi de l'examen du gland (ainsi que du frein et de la face interne du prépuce, après décalottage du gland, chez l'homme non circoncis et en absence de phimosis empêchant la rétraction du prépuce) puis de l'inspection du méat urinaire en écartant délicatement les deux berges du méat. Le passage en position latérale permet enfin l'observation du sillon interfessier, de la marge anale et de l'anus. Chez le garçon, l'examen génital sera réalisé en présence d'un des parents. Il est important de garder à l'esprit que les adhérences balanopréputiales, qui empêchent le décalottage complet du gland, sont physiologiques à la naissance et disparaissent habituellement avant l'âge de 4–5 ans. En cas d'adhérences physiologiques, d'adhérences persistant après l'âge de 4 ans, de phimosis congénital ou de phimosis acquis lié à un lichen scléreux, le décalottage complet du gland ne devra pas être forcé au risque d'être douloureux. Une check-list reprenant les principaux éléments de l'examen clinique des organes génitaux externes chez la femme et l'homme est proposée dans le tableau 1.1.
Variations anatomiques et physiologiques génitales L'interprétation de l'examen clinique génital nécessite de connaître les variations anatomiques des organes génitaux. Elles peuvent constituer le motif de consultation, être source d'inquiétude pour les patient(e)s ou de confusion avec d'authentiques dermatoses (papules perlées du gland ou papilles physiologiques confondues des condylomes) par certains médecins. Enfin, il faut savoir expliquer le caractère physiologique et non pathologique de ces variations aux patient(e) s qui attribuent faussement leurs symptômes à ces variations anatomiques (papilles vestibulaires physiologiques jugées comme responsables d'une vulvodynie) ou qui souhaitent leur correction esthétique.
Chez l'homme ■
Taille du pénis : la mesure standardisée du pénis se fait de la racine du pénis sur le pubis, en traction jusqu'à l'extrémité du gland. La longueur moyenne en traction est ainsi de 13 cm, pour une circonférence moyenne de 9,5 cm [23,24]. Le micropénis est défini, chez l'adulte, par une longueur de pénis en traction inférieure ou égale à 7 cm. Si la taille du pénis est variable d'un homme à l'autre,
Tableau 1.1. Check-list de l'examen clinique des organes génitaux externes. Interrogatoire Motif de la consultation Ce qui a déjà été réalisé : ● médecins consultés ● examens complémentaires ● traitements Antécédents : ● personnels dont : eczéma, psoriasis, IST ● urologiques notamment de posthectomie (H) ● gynéco-obstétricaux dont date du dernier frottis (F) ● familiaux ● habitudes sexuelles ● habitudes d'hygiène génitale ● traitement(s) habituel(s) ou occasionnel(s) dont : – mode de contraception (F) – traitement hormonal de la ménopause (F) Signes fonctionnels et physiques : ● circonstances d'apparition, ancienneté, chronologie, évolution ● facteur(s) déclenchant(s), calmant(s) ● topographie ● nature des signes fonctionnels : – génitaux : prurit, douleur, inconfort, paresthésies, pertes (F), saignement, difficultés à décalotter (H) – urinaires : brûlures, dysurie, incontinence, écoulement urétral (H) – sexuels : dyspareunie, troubles sexuels – anaux ou digestifs ● nature des signes physiques ● symptômes génitaux chez le/la partenaire Examen physique Vulve
Pénis, scrotum
Mont du pubis ● Grandes lèvres ● Petites lèvres ● Sillons interlabiaux ● Clitoris : capuchon et gland ● Vestibule urétral et vaginal ● Périnée ●
Pubis Scrotum avec palpation des testicules ● Fourreau du pénis ● Face externe du prépuce (H non circoncis) ● Gland et frein, face interne du prépuce ● Méat urétral ● Périnée ● ●
Plis inguinaux et génito-cruraux Palpation des aires ganglionnaires Pli interfessier/marge anale et anus Muqueuse buccale Peau, cuir chevelu et ongles F : femme ; H : homme ; IST : infection sexuellement transmissible.
ces mesures moyennes peuvent permettre de rassurer les hommes injustement demandeurs de techniques de pénoplastie, qu'elles soient d'allongement (section du ligament suspenseur) ou d'élargissement (pas injection de graisse autologue ou d'acide hyaluronique). ■ Pilosité du pubis : la distribution prépondérante, observée chez 85 % des hommes, consiste en un prolongement de la pilosité pubienne vers l'ombilic, alors qu'une pilosité à limite supérieure horizontale comme observée habituellement chez la femme est plus rare [25]
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Chapitre 1. Les Fondamentaux
Papules perlées de la couronne du gland (chapitre 7) (figure 1.28) : elles correspondent à des angiofibromes apparaissant à l'adolescence puis diminuant avec l'âge, présentes chez 24 % des hommes [26]. Plus rarement, elles sont observées sur l'extrémité du gland et la face interne du prépuce. Elles ne doivent pas être confondues avec des condylomes. Si elles sont physiologiques, leur disparition précoce peut revêtir un caractère pathologique et faire suspecter un lichen plan ou un lichen scléreux (figure 1.29). ■ Gland scrotal (ou glans penis plicatum) : caractérisé par des sillons profonds parcourant la surface du gland (figure 1.30) [27] ■ Grains de Fordyce de la face interne du prépuce (chapitre 7) (figure 1.31) : ce sont des glandes sébacées ectopiques indépendantes de tout follicule pileux. Pour certains, ils désignent également les glandes sébacées proéminentes du fourreau du pénis habituellement considéré comme glabre, développées aux dépens de rares follicules pilosébacés et qu'on ne peut donc qualifier d'ectopiques (figure 1.32). Dans une série de 400 hommes consultant en dermatologie, des grains de Fordyce du prépuce et/ou des glandes sébacées du fourreau étaient observés dans 9 % des cas [26]. ■ Prépuce court : le gland est majoritairement découvert de façon congénitale, prenant l'aspect d'un gland après circoncision incomplète (figure 1.33). Il doit être distingué d'une exceptionnelle aposthie correspondant à l'absence congénitale complète du prépuce [28]. ■ Prépuce long (figure 1.34) : il constitue un facteur de risque de balanite non spécifique, en favorisant la macération de l'urine entre le gland et le prépuce. Ainsi, dans une étude portant sur 422 hommes non circoncis, il a été montré que l'humidité du gland était accrue chez les hommes avec un prépuce long et chez ceux présentant une balanite [29]. ■ Frein court : la brièveté du frein (figure 1.35) explique une attraction du gland en direction ventrale en érection et parfois une difficulté à décalotter. Elle peut se compliquer ■
Figure 1.29. Atrophie des papules perlées de la couronne du gland secondaire à un lichen plan.
Figure 1.30. Gland scrotal.
Figure 1.28. Papules perlées de la couronne du pénis.
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de douleurs percoïtales, de fissures douloureuses voire d'une rupture du frein, douloureuse et/ou hémorragique. ■ Perforation congénitale du frein : exceptionnelle (figure 1.36). ■ Angiokératomes du scrotum (chapitre 7) (figure 1.37) : il s'agit de lésions bénignes, habituellement mentionnées comme variations physiologiques, le plus souvent sans conséquence pathologique, mais devant faire évoquer une maladie de Fabry lorsqu'ils sont nombreux et étendus au-delà du scrotum. Leur prévalence augmente avec l'âge. Ainsi, dans une série de 400 hommes âgés de 3 à 99 ans
Chapitre 1. Les Fondamentaux
Figure 1.31. Grains de Fordyce de la face interne du prépuce.
Figure 1.34. Prépuce long.
Figure 1.32. Glandes sébacées du fourreau du pénis.
Figure 1.35. Frein du prépuce court.
Figure 1.33. Prépuce court.
consultant en dermatologie, des angiokératomes génitaux sont observés dans 4,5 % des cas [26] alors qu'ils sont observés chez 15 % des hommes après 50 ans [30]. ■ Hyperpigmentation du raphé médian scrotal et pénien (figure 1.38) : elle constitue la plus fréquente des variations anatomiques génitale chez l'homme, rencontrée chez 86 % des hommes [26]. ■ Hyperpigmentation physiologique diffuse homogène du scrotum et/ou du fourreau (figure 1.39) : à distinguer de l'hyperpigmentation génitale de l'insuffisance surrénalienne (maladie d'Addison). ■ Érythème scrotal physiologique (figure 1.40) : asymptomatique, à distinguer du syndrome du scrotum rouge. ■ Palmure scrotale (figure 1.41) : il s'agit d'un attachement du scrotum en position haute sur le fourreau du pénis, entraînant un raccourcissement de celui-ci et limitant l'ouverture de l'angle pénoscrotal en érection.
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Chapitre 1. Les Fondamentaux
Figure 1.36. Perforation congénitale du frein du prépuce.
Figure 1.38. Hyperpigmentation du raphé médian.
Figure 1.39. Hyperpigmentation diffuse du fourreau du pénis.
Figure 1.37. Angiokératomes du scrotum.
Hyperlaxité scrotale : elle peut entraîner des phénomènes douloureux, notamment lors de la pratique sportive, lorsqu'il s'y associe une hypermobilité testiculaire responsable de subtorsions testiculaires. L'interprétation du caractère physiologique ou pathologique des variations anatomiques peut dépendre de l'âge. Ainsi, les adhérences balanopréputiales sont physiologiques chez l'enfant en bas âge. L'épithélium du prépuce et celui du gland sont en effet fusionnés à la naissance chez 96 % des nouveau-nés puis une désunion progressive se produit de sorte que des adhérences ne sont encore présentes que chez 20 % des garçons entre 5 et 13 ans, la désunion étant habituel■
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Figure 1.40. Érythème scrotal physiologique.
lement complète chez tous les adolescents à l'âge de 17 ans [31]. Par ailleurs, la pilosité scrotale chez l'enfant est anormale et peut traduire une puberté précoce, mais ne doit pas être confondue avec l'hypertrichose scrotale isolée, qui survient
Chapitre 1. Les Fondamentaux
Figure 1.41. Palmure scrotale (penis palmatum).
en l'absence de désordre endocrinien dans les mois suivant la naissance et disparaît spontanément après l'âge d'1 an [32].
Chez la femme La pilosité du mont du pubis, qui apparaît à la puberté, se raréfie après la ménopause, devient moins frisée et blanchit (figure 1.42). ■ Les grandes lèvres sont de taille variable selon l'âge, l'origine ethnique, la parité de la patiente. En moyenne, chaque grande lèvre mesure 8 (± 1) cm de long, 1,5 (± 0,5) cm d'épaisseur et 2,5 (± 0,5) cm de haut [33]. Leur couleur varie également, plus ou moins foncées selon le phototype de la patiente (figure 1.43), ou parfois physiologiquement érythémateuse (figure 1.44). Leur caractère asymétrique est parfois noté. Après la ménopause, elles peuvent prendre un aspect flasque (figure 1.45). Leur perte de volume est liée à celle de leur corps adipeux. ■
Figure 1.43. Pigmentation des petites et des grandes lèvres chez une patiente de phototype foncé.
Figure 1.44. Érythème physiologique des grandes lèvres. ■
Figure 1.42. Raréfaction et blanchiment de la pilosité du mont du pubis et des grandes lèvres au cours de la ménopause.
Les petites lèvres sont de dimensions et de couleur extrêmement variables chez l'adulte. Elles peuvent être symétriques ou asymétriques (figure 1.46). Elles grandissent à la puberté et peuvent, selon leur taille, rester cachées par les grandes lèvres (20 % des cas), affleurer à leur surface (30 % des cas) ou faire saillie en dehors de la fente vulvaire (50 % des cas) (figures 1.47, 1.48 et 1.49) [33]. Elles mesurent en moyenne 4 (± 1) cm de long, 1,5 (± 1) cm de haut, et 4 (± 1) mm d'épaisseur [32]. Leur grande taille motive parfois une demande de nymphoplastie de la part des
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Chapitre 1. Les Fondamentaux
Figure 1.45. Aspect flasque des grandes et des petites lèvres au cours de la ménopause.
Figure 1.47. Petites lèvres roses cachées par les grandes lèvres.
Figure 1.46. Asymétrie des petites lèvres.
patientes, intervention chirurgicale consistant en la résection partielle des petites lèvres, dont la pratique est en croissance constante dans le monde et en France (3 538 nymphoplasties pratiquées en France en 2016, soit + 57 % entre 2008 et 2016) [34]. Les motivations des patientes sont liées à une gêne fonctionnelle, lors des rapports sexuels ou la pratique de certains sports, tels que le cyclisme, le jogging ou l'équitation, et/ou esthétique. Trente patientes, âgées en moyenne de 31,5 ans, ont été interrogées à ce sujet de façon prospective le jour de leur
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Figure 1.48. Petites lèvres faisant saillie hors des grandes lèvres.
intervention puis 3 et 6 mois après [34]. Les principales motivations étaient la gêne au port des vêtements serrés (90 %), lors d'acitivités sportives (83 %), des rapports sexuels (80 %) et de la marche (66 %). Les patientes, qui n'étaient opérées qu'en cas d'extériorisation des petites lèvres et de gêne fonctionnelle retentissant sur la vie quotidienne et en l'absence de dysmorphophobie, se déclaraient « énormément » satisfaites à 6 mois dans 85 % des cas [34]. Une autre étude, portant sur 62 patientes interrogées avant et après la nymphoplastie, montrait une amé-
Chapitre 1. Les Fondamentaux
fréquents, présents chez 75 à 95 % des femmes en âge de procréer (chapitre 7) [37,38]. Parfois très nombreux et confluents, ils sont bien visibles lors de l'étirement de la petite lèvre (figure 1.51). La ménopause est marquée par une tendance à l'atrophie des petites lèvres (figure 1.52) et par la disparition des grains de Fordyce. ■ Le vestibule et la face interne des petites lèvres peuvent être le siège de la papillomatose vestibulaire (figures 1.53 et 1.54). Les papilles physiologiques sont roses ou de la couleur de la muqueuse adjacente, souples, filiformes, distribuées de façon bilatérale et symétrique et séparées les unes des autres, avec une base individuelle et étroite (chapitre 7) [39]. La principale difficulté est de ne pas les
Figure 1.49. Extension des petites lèvres sur le périnée.
lioration de critères tels que l'estime de soi, le sentiment d'attractivité ou l'impact négatif sur la vie intime [35]. L'influence des medias et de la pornographie, avec la mise en avant de certaines « normes esthétiques » vulvaires, est discutée en particulier chez les patientes consultant en chirurgie esthétique ou ayant une plus faible estime de soi [36]. La couleur des petites lèvres est variable, rosée ou brune selon le phototype, une pigmentation de leur bord externe étant fréquemment notée en cas d'extériorisation hors des grandes lèvres (figure 1.50). La face interne des petites lèvres est le siège des grains de Fordyce, très
Figure 1.50. Pigmentation du bord externe des petites lèvres.
Figure 1.51. Grains de Fordyce confluents visibles à l'étirement de la petite lèvre.
Figure 1.52. Pâleur ivoirine vulvaire et atrophie des petites lèvres au cours de la ménopause.
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Chapitre 1. Les Fondamentaux
Figure 1.53. Papillomatose vestibulaire.
Figure 1.55. Érythème vestibulaire physiologique.
Figure 1.54. Papillomatose vestibulaire.
confondre avec des condylomes. La papillomatose vestibulaire disparaît progressivement après la ménopause. Les variations physiologiques concernent aussi la couleur du vestibule : ● Les érythèmes vestibulaires physiologiques siègent préférentiellement aux pourtours des orifices des glandes vestibulaires majeures (glandes de Bartholin) et para-urétrales (glandes de Skene). Ils sont symétriques, maculeux, à limites floues et leur surface n'est pas érosive (figures 1.55 et 1.56). ● Un aspect transitoire et blanchâtre du vestibule peut parfois être observé (figures 1.57 et 1.58). Il pourrait correspondre à une modification de la muqueuse vestibulaire, identique à celle de la muqueuse vaginale, liée au cycle menstruel. ● Après la ménopause, le vestibule devient plus sec et plus pâle, d'une pâleur jaunâtre ou ivoirine parfois confondue avec celle d'un lichen scléreux (figures 1.59 et 1.60). Un ectropion correspondant à une éversion de la muqueuse urétrale peut être observé (figures 1.61). L'orifice vaginal peut être rétréci. Les principales modifications de la vulve liées à la ménopause sont résumées dans le tableau 1.2.
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Figure 1.56. Érythème vestibulaire physiologique prédominant aux pourtours des orifices des glandes vestibulaires majeures (Bartholin).
Figure 1.57. Pâleur vestibulaire intermittente au cours du cycle.
Chapitre 1. Les Fondamentaux
Figure 1.58. Pâleur vestibulaire intermittente au cours du cycle.
Figure 1.61. Ectropion de muqueuse urétrale au cours de la ménopause.
Tableau 1.2. Modifications de la vulve liées à la ménopause. Mont du pubis Raréfaction et blanchiment de la pilosité Grandes lèvres
Aspect plus flasque Perte de volume
Petites lèvres
Tendance à l'atrophie Disparition des grains de Fordyce
Vestibule
Sécheresse Pâleur jaunâtre ou ivoire Ectropion de muqueuse urétrale Rétrécissement de l'orifice vaginal Disparition de la papillomatose vestibulaire
La grossesse se caractérise aussi par des modifications physiologiques de la vulve : les grandes et les petites lèvres s'épaississent, leur pigmentation se majore, en paticulier chez les patientes de phototype foncé ; l'hyperpression veineuse peut se manifester par l'apparition de varices vulvaires en fin de grossesse. Figure 1.59. Pâleur vestibulaire ivoirine au cours de la ménopause.
Conclusion L'interrogatoire et l'examen clinique génital précis, réalisés avec tact et prenant en considération l'existence de variations anatomiques et physiologiques, permettent le plus souvent de poser un diagnostic ou de l'évoquer et d'orienter le recours à des examens complémentaires tels que la dermoscopie, l'examen en lumière de Wood, l'examen histopathologique d'une biopsie (voir ci-dessous « Biopsie de la vulve et du pénis »), l'examen microbiologique voire l'imagerie.
Biopsie de la vulve et du pénis Figure 1.60. Pâleur vestibulaire ivoirine au cours de la ménopause.
Alors que tout dermatologue réalise quotidiennement des biopsies cutanées, certains hésitent à pratiquer une biopsie
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Chapitre 1. Les Fondamentaux
du pénis ou de la vulve, notamment dans la partie muqueuse que constitue le gland chez l'homme ou le vestibule chez la femme. L'objectif de ce sous-chapitre est donc d'expliquer pas à pas la démarche à suivre, afin de réaliser ce geste en toute sécurité et sans appréhension, en ambulatoire au cours d'une consultation.
Quand réaliser une biopsie de la vulve ou du pénis ? Les indications de la biopsie du pénis ou de la vulve sont multiples, tant en pathologie inflammatoire que tumorale. En pathologie inflammatoire, l'examen histologique d'une biopsie cutanée ou muqueuse permet de confirmer un diagnostic, comme celui d'un psoriasis génital isolé ou d'un lichen plan, ou d'étayer le diagnostic différentiel entre des dermatoses cliniquement proches comme le psoriasis, la dermite séborrhéique et la balanite inflammatoire non spécifique chez l'homme. Si l'aspect clinique est compatible avec une candidose, un prélèvement mycologique doit être pratiqué au préalable. En effet, les aspects histologiques du psoriasis génital et de la balanite et de la vulvite candidosiques récidivantes sont très proches en coloration histologique standard, la coloration par le PAS (periodic acid Schiff) pouvant être négative en cas de candidose si un traitement antifongique a été préalablement appliqué, faisant conduire à tort au diagnostic de psoriasis génital devant une candidose récidivante. En cas de lichen scléreux cliniquement typique, une confirmation histologique, facultative pour certains [40], est considérée comme nécessaire pour d'autres, puisque cette dermatose nécessite un traitement au long cours et une surveillance clinique prolongée. Par contre, une biopsie est indispensable en cas d'aspect clinique non typique, d'échec du traitement dermocorticoïde, de suspicion de transformation en lésion précancéreuse ou cancéreuse ou encore d'hyperpigmentation. Il nous semble important d'obtenir une confirmation histologique avant d'entreprendre tout traitement chirurgical, comme une posthectomie chez l'homme, indiquée dans la balanite de Zoon. En pathologie tumorale, la biopsie vise à établir le diagnostic de tumeurs bénignes, de néoplasie intraépithéliale différenciée ou d'hyperplasie épithéliale verruqueuse, plus fréquemment associées au lichen scléreux qu'au lichen plan ou de néoplasie intraépithéliale HPV-induite (HSIL) ou de lésions malignes telles qu'un carcinome épidermoïde ou une maladie de Paget. En cas de lésion pigmentée, même si une exérèse complète est préférable, une ou plusieurs biopsies peuvent être discutées en cas de lésion étendue, avant d'envisager un geste chirurgical. Le recours à la biopsie du pénis ou vulvaire est possible bien que plus rare dans le domaine de la pathologie infectieuse et des IST. Enfin, il faut savoir aussi parfois récuser une biopsie, qui peut être demandée par un autre médecin ou le/la patient(e) lui/elle-même, en particulier dans le cas d'une pénodynie ou d'une vulvodynie, ce qui implique, d'une part, de connaître
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les variations anatomiques du pénis et de la vulve et, d'autre part, d'analyser la pertinence de lésions éventuellement présentes (un condylome n'est pas douloureux, un lichen scléreux non fissuré non plus).
Comment réaliser une biopsie de la vulve ou du pénis ? Préalables C'est une évidence, mais la lésion à biopsier doit être présente le jour de la biopsie et il ne faut pas hésiter, en cas de lésion intermittente ou préalablement traitée, à différer l'examen. Afin de ne pas modifier les signes histologiques, tout traitement local, notamment dermocorticoïde, doit être suspendu quelques jours à quelques semaines avant la réalisation du geste. Le/la patient(e) doit être mis(e) en confiance car la biopsie de la région génitale précédée de l'injection de l'anesthésique est particulièrement génératrice d'anxiété et, comme pour tout geste réalisé sous anesthésie locale, afin de prévenir le malaise vagal. Une anesthésie topique par un mélange eutectique de lidocaïne et prilocaïne appliqué pendant 5 à 15 minutes, avec occlusion sur la zone cutanéo-pileuse ou sans occlusion sur la zone muqueuse ou finement kératinisée, permet une infiltration moins douloureuse, en particulier en zone péri-clitoridienne chez la femme et sur le gland chez l'homme. En outre, cela rassure le/la patient(e) qui appréhendera ainsi moins l'injection à l'aiguille. On réalise une antisepsie de la zone à biopsier à la chlorhexidine alcoolique en zone cutanéo-pileuse et non alcoolique en zone muqueuse, préférée à la povidone iodée pour son caractère incolore. En cas de lésion érosive, la chlorhexidine aqueuse sera privilégiée. La lésion à biopsier sera repérée au crayon dermographique stérile (figure 1.62). En cas de biopsies multiples (cartographie), un schéma ou
Figure 1.62. Repérage de la zone à biopsier (ici suspicion de néoplasie intra-épithéliale HPV-induite [HSIL]).
Chapitre 1. Les Fondamentaux
une photographie permettant de localiser précisément les sites prélevés est très utile et transmis si nécessaire au dermato-pathologiste. L'anesthésie se fait à l'aiguille 30G, en injection sous-cutanée ou sous-muqueuse (figure 1.63). ■ Chez la femme, la lidocaïne adrénalinée à 1 % est habituellement utilisée ; l'utilisation de la lidocaïne non adrénalinée est possible. En raison du caractère douloureux de l'injection, l'anesthésie par un mélange de lidocaïne et prilocaïne en crème a été comparée à l'injection de lidocaïne 1 %. Une première étude multicentrique randomisée ouverte chez 17 hommes et 46 femmes a montré que l'anesthésie topique, bien que moins efficace que l'anesthésie par infiltration, était possible [41]. Une seconde étude, monocentrique randomisée contrôlée, a évalué les deux procédures chez 37 patientes nécessitant une biopsie vulvaire en zone glabre [42]. Le score maximal de douleur, sur une échelle analogique, était significativement moindre dans le groupe lidocaïne/prilocaïne crème (19 patientes) que dans le groupe lidocaïne injectable (18 patientes), tandis que le vécu global de l'acte était significativement meilleur dans le groupe lidocaïne/prilocaïne crème, l'ensemble de ces résultats faisant considérer comme une option raisonnable l'anesthésie par lidocaïne/prilocaïne crème appliquée au moins 10 minutes avant le geste pour une biopsie vulvaire en zone glabre. ■ Chez l'homme, on injectera un faible volume (inférieur à 1 mL) sous la muqueuse du gland ou sous la peau du corps du pénis ou du scrotum. La lidocaïne 1 % ou 2 % sans adrénaline est préférée par certains à la lidocaïne avec adrénaline, celle-ci étant d'une part plus douloureuse à l'injection du fait de son acidité et théoriquement contre-indiquée aux extrémités, surtout chez le sujet artéritique (diabétique ou tabagique) [43]. Cette contre-indication est relative pour d'autres, du fait de la riche vascularisation du pénis [44], et bien qu'il faille garder à l'esprit l'existence de
cas de nécrose du pénis rapportés après anesthésie locale par lidocaïne adrénalinée lors d'une circoncision [45], la lidocaïne avec adrénalinée est le plus souvent utilisée.
Biopsie du pénis Technique La zone à biopsier est maintenue tendue entre les doigts de la main controlatérale à celle qui tient le punch. La biopsie se fait à l'emporte-pièce, en utilisant un bistouri circulaire (punch) de 3 mm de diamètre, par une incision selon un mouvement rotatoire suivi d'une section aux ciseaux de la base du cylindre cutané ou muqueux qui est soulevé délicatement à la pince d'Adson avec ou sans griffe (figures 1.64 et 1.65). La biopsie ne doit être ni trop superficielle au risque de perdre certaines informations histologiques, ni trop profonde du fait de la finesse du tégument à ce niveau. Il convient notamment d'être prudent en position périméatique sur le gland, en regard du frein du prépuce et en position dorsale médiane et paramédiane (veine dorsale superficielle, et dans le plan sous-jacent, veine dorsale profonde, toutes deux en position médiane, et les artères dorsales, veines superficielles latérales et nerfs dorsaux en position paramédiane) et ventrale médiane (urètre superficiel) sur le corps du pénis (tableau 1.3).
Figure 1.64. Aspect de la zone biopsiée après section du fragment muqueux créé par le bistouri circulaire (punch).
Figure 1.63. Anesthésie locale à la lidocaïne 1 % adrénalinée (aiguille de 30 G).
Figure 1.65. Fragment muqueux créé par le bistouri circulaire (punch).
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Tableau 1.3. Biopsie génitale : zones à risque. Chez l'homme Zone périméatique Frein du prépuce Fourreau ventral médian Fourreau dorsal médian et paramédian
Chez la femme Vestibule urétral/zone périméatique Clitoris (gland, frein, capuchon) Périphérie des orifices glandulaires
Une suture est nécessaire, notamment à visée hémostatique, du fait d'un saignement peropératoire souvent abondant sur le gland richement vascularisé et de l'impossibilité de réaliser un pansement hémostatique (figure 1.66). On utilisera de préférence un fil de suture tressé à résorption rapide en réalisant un point simple transcutané, ou un point hémostatique en X. Le gland est en effet constitué d'un corps spongieux, correspondant à une formation richement vascularisée au niveau de laquelle l'hémostase au bistouri électrique est inefficace. Si un fil non résorbable est utilisé ou s'il existe un retard de résorption du fil résorbable, celui-ci doit être retiré après 5–6 jours. Contrairement au gland, la technique biopsique au niveau du corps de la verge diffère peu des biopsies cutanées habituelles, en dehors de la faible épaisseur du tégument qui nécessite de ne pas introduire le punch jusqu'à la garde, afin de ne pas léser les structures sous-jacentes. Une alternative à la biopsie au punch consiste à soulever la lésion grâce à une pince à griffes, à couper aux ciseaux une ellipse de peau puis à réaliser l'hémostase en utilisant une solution aqueuse de chlorure ferrique. Un pansement modérément compressif est réalisé chez le sujet circoncis. Chez l'homme non circoncis, un simple recalottage est possible si une hémostase rigoureuse a été obtenue. Dans le cas contraire, on confectionnera un pansement compressif en position décalottée. Le patient doit être surveillé 15–30 minutes après la réalisation de la suture, du fait de la possible survenue d'un saignement secondaire, abondant et parfois impressionnant, d'autant plus qu'il est traité par anticoagulant ou antiagrégant plaquettaire.
Les soins locaux consisteront, jusqu'à la chute du fil résorbable ou au retrait du fil non résorbable, en une antisepsie quotidienne par chlorhexidine aqueuse. Les douches quotidiennes seront autorisées. Par contre, les bains et les rapports sexuels seront proscrits jusqu'à la chute du fil. Afin de permettre une interprétation correcte des lésions histologiques par le dermato-pathologiste, le bon d'histologie doit comporter en plus des renseignements cliniques et hypothèses diagnostiques, la localisation précise de la biopsie (gland, sillon balanopréputial, prépuce ou fourreau) et, en cas de biopsie du gland, la notion de circoncision, celle-ci pouvant entraîner une kératinisation de l'épithélium du gland. La biopsie doit être de taille suffisante pour permettre une bonne inclusion en paraffine et éviter la formation d'artéfacts histologiques (risque de clivage sous-épithélial en cas de fragilité de la membrane basale, visible en cas de lichen plan ou de lichen scléreux), ces derniers pouvant aussi être provoqués par un écrasement de la biopsie par la pince. Si le fragment biopsique est habituellement fixé dans les milieux de fixation formolés, une fixation dans des milieux particuliers est parfois nécessaire, comme le liquide de Michel en vue d'un examen en immunofluorescence directe, en cas de suspicion de dermatose bulleuse auto-immune. Dans ce cas, la biopsie doit être prélevée en zone périlésionnelle car les dépôts sous-épithéliaux peuvent être invisibles en zone érosive. Complications possibles Les complications de la biopsie du pénis sont rares, à type d'hémorragie, d'infection ou de cicatrice. La prudence est requise en zone périméatique du fait du risque de sténose cicatricielle du méat. Il existe un risque théorique de nécrose en cas d'utilisation de préparation anesthésique adrénalinée, déjà rapporté après chirurgie du pénis, mais jamais à notre connaissance après biopsie, du fait du faible volume d'anesthésique injecté. Hillman et al. ont publié une série de 60 biopsies du pénis, avec un taux d'infection de 5 %, une cicatrice absente ou minimale et un retour à la normale de l'activité sexuelle en deux semaines [46] Dans une autre série de 24 biopsies du pénis, David et al. ont mis en évidence 17 % (4 patients) de complications mineures : 1 infection nécessitant une antibiothérapie, 1 saignement postopératoire traité par compression et 2 déhiscences de cicatrice [47].
Biopsie de la vulve
Figure 1.66. Aspect de la zone biopsiée après suture.
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Technique La (ou les) zone(s) à biopsier, une fois repérée(s), dessinée(s) au feutre dermographique stérile et photographiée(s) est/ sont maintenue(s) tendue(s) entre les doigts de la main controlatérale à celle qui tient le punch (figure 1.67). Ce geste de tension est particulièrement important car, en son absence, la peau finement kératinisée (demi-muqueuse) ou la muqueuse ont tendance à « s'enrouler » autour de la zone tranchante du bistouri circulaire (punch). De plus, un punch de 3,5 mm ou de 4 mm au minimum sera utilisé afin d'obtenir un prélèvement de taille suffisante, la peau fine-
Chapitre 1. Les Fondamentaux
Figure 1.67. Mise en tension entre deux doigts de la zone à biopsier. Figure 1.69. Fragment muqueux saisi à la pince d'Adson et sectionné à sa base aux ciseaux.
Figure 1.68. Enfoncement progressif du punch par un mouvement rotatoire.
ment kératinisée (demi-muqueuse) ou la muqueuse ayant tendance à se rétracter. Le punch est enfoncé progressivement, selon un mouvement rotatoire afin de prélever suffisamment d'épaisseur cutanée ou de chorion (figure 1.68). Certains sites requièrent de la prudence du fait de la finesse du tégument, de la vascularisation et/ou de la proximité d'un orifice (tableau 1.3) : il s'agit en particulier du clitoris (capuchon, gland et frein), du vestibule urétral et de la périphérie des orifices glandulaires. La biopsie y sera nécessairement plus superficielle. En cas de diagnostic difficile (s'il existe par exemple un doute entre une néoplasie intraépithéliale différenciée ou une hyperplasie épithéliale verruqueuse et un carcinome invasif), une biopsie plus volumineuse peut s'avérer indispensable, nécessitant soit un punch de 6 mm, soit une biopsie en fuseau à la lame n° 15, les incisions à la lame se faisant parallèlement à la circonférence vulvaire [48]. Concernant les lésions érosives, la biopsie sera réalisée à cheval sur la zone non érosive et érosive ; il est cependant parfois préférable de biopsier chaque zone séparément. Une fois le geste réalisé, le punch est retiré et une pression sur les tissus environnants permet habituellement à la carotte de s'exté-
Figure 1.70. Suture de la perte de substance au fil tressé résorbable.
rioriser ; elle est alors saisie à sa base délicatement à la pince d'Adson avec ou sans griffe et sectionnée aux ciseaux. Si elle ne s'extériorise pas spontanément, la carotte sera saisie très délicatement à la pince sur ses bords en évitant de les marquer et d'écraser le fragment (figure 1.69). La zone biopsiée peut être suturée, en particulier en cas de saignement, avec un fil de suture tressé résorbable, rapide ou non, de diamètre 4.0, la réalisation d'une suture simple étant suffisante (figure 1.70). Elle peut ne pas être suturée, l'apposition d'un pansement de type alginate étant suffisante et il est aussi utile de prévoir une serviette hygiénique. Ensuite, aucun pansement n'est nécessaire. Une antisepsie quotidienne à la chlorhexidine aqueuse ainsi qu'une toilette simple sont indiquées jusqu'au retrait du fil, s'il ne s'est pas résorbé, après 7 jours au plus. Les suites sont habituellement très simples, peu ou pas douloureuses hormis une sensation de brûlure au contact des urines. Les rapports seront évités jusqu'à la cicatrisation.
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Chapitre 1. Les Fondamentaux
Les complications sont très rares, à type de saignement postopératoire ou de surinfection. Les informations à transmettre au dermato-pathologiste doivent comporter, outre les hypothèses diagnostiques et la description de l'aspect des lésions, celle du siège précis de la (ou des) biopsie(s) afin de permettre une interprétation correcte des modifications de l'épithélium, la vulve comportant des zones kératinisées, finement kératinisées ou non kératinisées.
Tableau 1.4. Diagnostics différentiels des atteintes prurigineuses ou douloureuses. Symptôme Diagnostic
Prurit⁎
Dermatoses Psoriasis inflammatoires Lichen scléreux⁎⁎ Lichen plan Lichénification (lichen simplex) Dermatite de contact allergique Dermatite atopique Dermite séborrhéique
Orientations diagnostiques Ce sous-chapitre propose, sous la forme de tableaux synthétiques, les principales orientations diagnostiques à évoquer selon les signes fonctionnels et physiques observés. Son objectif ne saurait être l'exhaustivité, mais la présentation des diagnostics les plus fréquents en pratique quotidienne et de ceux qu'il ne faut pas méconnaître, du fait de leur gravité avérée ou potentielle. Seront distingués successivement : ■ les diagnostics différentiels des atteintes prurigineuses ou douloureuses (tableau 1.4) ; ■ les diagnostics différentiels des lésions maculeuses non palpables selon leur couleur (tableau 1.5) ; ■ les diagnostics différentiels des lésions palpables (papules, plaques, nodules) selon leur couleur (tableau 1.6) ; ■ les diagnostics différentiels des lésions érosives ou ulcérées (tableau 1.7) ; ■ les diagnostics différentiels des œdèmes et tuméfactions génitales (tableau 1.8) ; ■ les diagnostics différentiels des lésions pustuleuses (tableau 1.9) ; ■ les diagnostics différentiels des lésions vésiculobulleuses (tableau 1.10). Les spécificités féminines sont signalées en rouge, les spécificités masculines sont signalées en bleu.
Tumeurs bénignes
⁎
Douleur/brûlures Lichen plan érosif Lichen scléreux Dermatite de contact irritative Érythème pigmenté fixe Syndrome du scrotum rouge Syndrome de Stevens-Johnson Nécrolyse épidermique toxique Maladies bulleuses auto-immunes Maladie de Crohn
Syringomes
Tumeurs Néoplasie précancéreuses intraépithéliale⁎⁎
Néoplasie intraépithéliale
Tumeurs malignes
Carcinome épidermoïde⁎⁎ Maladie de Paget
Carcinome épidermoïde Maladie de Paget
Dermatoses infectieuses
Vulvite / balanite candidosique Dermatophytose Gale Phtiriase Érythrasma Trichobactériose Trichomonose Vaginose Oxyurose vulvaire
Vulvite/balanite bactérienne Vulvite/balanite candidosique Herpès Zona Urétrite Érysipèle Gangrène périnéale de Fournier Ecthyma gangréneux Bartholinite aiguë
Autres
Prurit génital idiopathique Maladie de Hailey-Hailey
Maladie de Hailey-Hailey Vulvodynie Ulcère aigu de la vulve Pénoscrotodynie Syndrome douloureux urétral Paraphimosis Fracture des corps caverneux
Toute lésion prurigineuse, excoriée par le grattage ou fissurée peut aussi être douloureuse. ⁎⁎ Peut être prurigineux chez la femme, non prurigineux chez l'homme.
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Chapitre 1. Les Fondamentaux
Tableau 1.5. Diagnostics différentiels des lésions non palpables (macules) selon leur couleur. Couleur Diagnostic
Rouge
Blanc
Brun
Variations physiologiques
Érythème scrotal physiologique Érythème vulvaire physiologique
Vestibule blanchâtre cyclique Vestibule ménopausique (blanc jaunâtre)
Hyperpigmentation physiologique
Dermatoses inflammatoires
Psoriasis Lichen plan Dermatite de contact allergique Dermatite de contact irritative Dermatite atopique Dermite séborrhéique Balanite/vulvite non spécifique Balanite/vulvite de Zoon Érythème pigmenté fixe Lichénification⁎ (lichen simplex) Syndrome du scrotum rouge
Lichen scléreux Lichen plan Vitiligo Lichénification Hypopigmentation post-inflammatoire
Lichen plan pigmentogène Lichen scléreux pigmentogène Hyperpigmentation post-inflammatoire Érythème pigmenté fixe
Tumeurs bénignes
Lentigo Nævus Macule mélanotique/mélanose
Tumeurs précancéreuses
Néoplasie intraépithéliale
Néoplasie intraépithéliale
Tumeurs malignes
Maladie de Paget
Dermatoses infectieuses
Candidose Vulvite/balanite bactérienne Dermatophytose Érythrasma Trichomonose Maladie de Kaposi Syndrome de Fiessinger-Leroy
Mélanome
Autres ⁎
Néoplasie intraépithéliale
Condylomes
Condylomes
Pityriasis versicolor Dépigmentation corticoinduite
Maladie d'Addison
La lichénification peut être de la couleur de la peau normale.
Tableau 1.6. Diagnostics différentiels des lésions palpables (papules, plaques, nodules) selon leur couleur. Couleur Diagnostic
Rouge
Blanc
Brun
Peau/muqueuse normale
Variations physiologiques
Angiokératome Ectropion de muqueuse urétrale
Grains de Fordyce (blanc/ jaune)
Papillomatose vestibulaire Papules perlées du gland
Dermatoses inflammatoires
Lichen plan (violine) Hidradénite suppurée Maladie de Crohn
Lichen scléreux hyperkératosique
Lichen nitidus
Tumeurs bénignes Syringome Hidradénome papillifère
Kyste épidermique White sponge nævus Kyste du raphé médian Calcinose scrotale
Kératose séborrhéique Nævus Angiokératome thrombosé (noir) Hidrocystome (bleuté) Tumeur de Buschke-Löwenstein
Tumeurs précancéreuses
Néoplasie intraépithéliale Hyperplasie épithéliale verruqueuse
Néoplasie intraépithéliale (papulose bowénoïde)
Carcinome épidermoïde Maladie de Paget
Mélanome Carcinome basocellulaire tatoué
Néoplasie intra-épithéliale
Tumeurs malignes Carcinome épidermoïde Carcinome basocellulaire Mélanome achromique Maladie de Paget
Syringome Hidradénome papillifère Kyste de la glande de Bartholin Kyste du raphé médian
(Suite)
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Chapitre 1. Les Fondamentaux
Tableau 1.6. Suite. Couleur Diagnostic
Rouge
Dermatoses infectieuses
Condylomes Syphilides (syphilis secondaire) Nodules scabieux Folliculites Bartholinite aiguë
Autres
Lymphangiectasies
Blanc
Brun
Condylomes Molluscum contagiosum Syphilides (syphilis secondaire)
Peau/muqueuse normale
Condylomes
Condylomes Molluscum contagiosum
Acanthosis nigricans
Lymphangiectasies Lymphangite sclérosante
Tableau 1.7. Diagnostics différentiels des lésions érosives ou ulcérées. Évolution Diagnostic Dermatoses inflammatoires
Aiguë Aphte Dermite caustique Érythème pigmenté fixe Érythème polymorphe Syndrome de Stevens-Johnson Nécrolyse épidermique toxique
Dermatoses traumatiques
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Aiguë récidivante
Chronique
Aphtose Maladie de Behçet Érythème pigmenté fixe Érythème polymorphe
Lichen plan érosif Lichen scléreux fissuré ou érosif Balanite/vulvite de Zoon Balanite/vulvite non spécifique Maladies bulleuses auto-immunes Maladie de Crohn Pyoderma gangrenosum
Dermatoses auto-provoquées Fissure vulvaire post-coïtale
Dermatoses autoprovoquées
Tumeurs précancéreuses
Néoplasie intraépithéliale
Tumeurs malignes
Carcinome épidermoïde Maladie de Paget
Dermatoses infectieuses
Herpès Syphilis Chancre mou Donovanose Lymphogranulome vénérien Zona Impétigo bulleux Gangrène périnéale de Fournier Ecthyma gangréneux
Autres
Ulcère aigu de la vulve
Herpès récidivant
Maladie de Hailey-Hailey
Œdèmes
Chapitre 1. Les Fondamentaux
Tableau 1.8. Diagnostics différentiels des œdèmes et tumé factions génitales. Évolution Diagnostic
Aiguë
Chronique
Dermatoses inflammatoires
Eczéma de contact aigu Maladie de Crohn Hidradénite suppurée Granulomatose anogénitale
Dermatoses infectieuses
Primoinfection herpétique Candidose Vulvite/balanite streptococcique Érysipèle Gangrène périnéale de Fournier Ecthyma gangréneux Bartholinite aiguë
Maladies des vaisseaux
Lymphangite sclérosante du pénis Œdème vénérien du pénis Maladie de Mondor
Dermatoses induites Autres
Lymphœdème
Nodules péniens artificiels Lipogranulome Paraphimosis Rupture des corps caverneux Ulcère aigu de la vulve
Vulve de la cycliste
Tableau 1.9. Diagnostics différentiels des lésions pustuleuses. Évolution Diagnostic
Aiguë ou récidivante
Dermatoses Psoriasis pustuleux inflammatoires Balanite circinée/ syndrome de Fiessinger-Leroy Dermatoses infectieuses
Chronique Psoriasis pustuleux Balanite circinée/ Syndrome de Fiessinger-Leroy
Herpès Candidose Balanite/vulvite bactérienne Folliculite pustuleuse
Tableau 1.10. Diagnostics différentiels des lésions vésiculo bulleuses. Évolution Diagnostic
⁎
Aiguë ou récidivante
Chronique
Dermatoses inflammatoires
Lichen scléreux bulleux⁎ Dermatose bulleuse Érythème pigmenté fixe auto-immune bulleux Eczéma aigu vésiculeux Syndrome de Stevens-Johnson Nécrolyse épidermique toxique
Dermatoses infectieuses
Herpès Zona Impétigo bulleux
le lichen scléreux est chronique mais les décollements bulleux sont intermittents.
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Chapitre 1. Les Fondamentaux
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Chapitre 2
Dermatoses inflammatoires PLAN DU CHAPITRE Lichen scléreux Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller Lichen plan Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller Balanite et vulvite de Zoon Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller
35 35 36 44 45 46 46 49 51 51 51 52 57 58 58 58 59 60 60 60 60 62 63 64 64 64 65
Balanite et vulvite non spécifiques Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller Psoriasis Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller Dermatites de contact irritatives et allergiques Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller
Lichen scléreux Évoquer Le lichen scléreux (LS) est une dermatose inflammatoire chronique, touchant avec prédilection la région génitale. Les synonymes anciens sont à abandonner : Kraurosis vulvae, Balanitis xerotica obliterans, lichen scléro-atrophique, balanite scléreuse oblitérante. La prévalence du LS génital est estimée à 3 % ou plus chez les femmes et à 0,07 % chez les hommes [1]. Les femmes semblent plus souvent atteintes que les hommes, avec un sex-ratio variant de 3 à 10:1 selon les études [2]. Cependant, la prévalence est probablement sous-estimée chez l'homme, notamment du fait de la multiplicité des spécialistes qui en assurent la prise en charge (pédiatres, urologues, dermatologues) et du recours fréquent à la posthectomie en cas de phimosis, réalisée avant d'en avoir déterminé l'étiologie. Bien que le LS puisse survenir à tout âge, 2 pics de fréquence sont observés chez la femme : en période prépubertaire, chez l'enfant entre 4 et 6 ans [3] et en période post-ménopausique, avec un âge moyen au moment du diagnostic de Dermatologie génitale © 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
65 65 66 67 68 69 69 69 69 70 70 70 75 75 76 77 77 77 78 78 78 79 80 81 81 82 82
Maladies bulleuses auto-immunes Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller Hidradénite suppurée Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller Syndrome de Fiessinger-Leroy Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller
83 83 83 84 84 87 87 87 87 88 88 88 90 91 91 92 93 93 94 94 94 95 95 95 96 96 96
60 ans [4,5]. Une distribution bimodale est aussi notée chez l'homme, chez le jeune garçon puis à l'âge adulte, avec un pic d'incidence autour de 30 ans puis une diminution après 60 ans [1,2]. Chez la femme, le prurit est le signe d'appel majeur du lichen scléreux vulvaire (LSV). Il est associé de façon variable à des douleurs ou des brûlures vulvaires, liées à la présence de fissures ou d'érosions, et à une dyspareunie d'intromission. Toutefois, certaines patientes sont totalement asymptomatiques et leur LSV est alors découvert à l'occasion d'un examen gynécologique. La proportion des LSV asymptomatiques n'est pas connue [4]. Chez la fillette, si le prurit vulvaire constitue aussi le signe d'appel principal du LS symptomatique, d'autres manifestations telles qu'une dysurie, un prurit anal, une constipation peuvent être plus trompeuses et conduire à un retard diagnostique, évalué en moyenne à 1 ou 2 ans [3]. Chez l'homme, le prurit est le plus souvent absent et cette absence habituelle de signes fonctionnels conduit à un retard diagnostique, le diagnostic n'étant souvent posé qu'au stade de phimosis, voire sur la pièce opératoire de posthectomie. Une dyspareunie et des douleurs à l'érection sont possibles
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
en cas de phimosis. Une dysurie à type de déviation du jet urinaire ou de rétention urinaire apparaît en cas d'atteinte méatique ou urétrale et des brûlures mictionnelles surviennent en cas de fissures du prépuce.
Reconnaître Chez la femme, la pâleur cutanéo-muqueuse est le signe caractéristique du LSV. Elle peut être diffuse (figure 2.1) ou localisée (figures 2.2, 2.3 et 2.4), parfois périfolliculaire (figure 2.5), nacrée et brillante ou mate. Cette pâleur s'associe de façon variable, selon les patientes et le stade évolutif du LSV, à : ■ des modifications de texture : les zones pâles peuvent être fines, atrophiques, lisses ou au contraire plus épaisses, dont la surface peut être lisse ou hyperkératosique (figure 2.6) ; ■ des fissures (figure 2.7) et des érosions liées au grattage (figure 2.8) ; ■ des ecchymoses ou hémorragies sous-épithéliales (figures 2.9 et 2.10), ne devant pas être confondues avec des signes d'abus sexuel, notamment chez la fillette ; ■ des remaniements anatomiques liés à l'accolement des surfaces enflammées : ● accolement des petites lèvres (PL) à la face interne des grandes lèvres responsable de la « fusion » partielle (figure 2.7) ou complète (figure 2.11) des PL, de façon symétrique ou non, ● accolement des PL entre elles responsables d'un rétrécissement du vestibule par la formation d'une bride vestibulaire antérieure (figures 2.12 et 2.13), postérieure (figure 2.14) ou quasi complète, ● accolement du capuchon clitoridien responsable d'un encapuchonnement clitoridien (figure 2.15) ou d'un pseudo-kyste clitoridien par accumulation de smegma (figure 2.16) ;
Figure 2.2. Lichen scléreux vulvaire localisé (face interne de la grande lèvre gauche sillon interlabial et petites lèvres).
Figure 2.3. Lichen scléreux vulvaire localisé (petites lèvres).
Figure 2.1. Lichen scléreux vulvaire et péri-anal. Pâleur typique.
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Figure 2.4. Lichen scléreux vulvaire localisé (faces internes des grandes lèvres).
Figure 2.6. Lichen scléreux vulvaire hyperkératosique.
Figure 2.5. Lichen scléreux vulvaire localisé et périfolliculaire. Figure 2.7. Lichen scléreux vulvaire. Accolement asymétrique des petites lèvres à la face interne des grandes lèvres, complet à droite et partiel à gauche, fissure et décollement bulleux.
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Figure 2.10. Lichen scléreux localisé à la fourchette. Pâleur et ecchymoses.
Figure 2.8. Lichen scléreux vulvaire et péri-anal. Érosions liées au grattage.
Figure 2.9. Lichen scléreux vulvaire. Pâleur et ecchymoses.
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Figure 2.11. Remaniements anatomiques. Fusion complète des 2 petites lèvres et encapuchonnement clitoridien.
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Figure 2.12. Accolement des 2 petites lèvres à la face interne des grandes lèvres, avec disparition du sillon interlabial droit, et accolement débutant entre elles sous-clitoridien.
Figure 2.14. Accolement de la partie inférieure des petites lèvres réalisant une bride vestibulaire postérieure.
Figure 2.13. Fusion asymétrique des petites lèvres à la face interne des grandes lèvres, accolement de leur partie supérieure réalisant une bride vestibulaire antérieure.
Figure 2.15. Accolement partiel des 2 petites lèvres à la face interne des grandes lèvres, encapuchonnement clitoridien.
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Figure 2.16. Pseudo-kyste clitoridien par accumulation de smegma.
Figure 2.18. Lichen scléreux avant traitement.
Figure 2.19. Pigmentation post-inflammatoire chez la même patiente après traitement. Figure 2.17. Lichen scléreux vulvaire avec œdème de la petite lèvre gauche réalisant une mégalonymphe.
un œdème (figure 2.17) et rarement un décollement bulleux (figure 2.7) ; ■ une pigmentation post-inflammatoire, très fréquente après traitement (figures 2.18 et 2.19). ■
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Les sites le plus fréquemment touchés sont les zones non pileuses, à savoir les petites lèvres, la face interne des grandes lèvres et les sillons interlabiaux, le clitoris et le périnée (figure 2.20). Une extension aux plis inguinaux est possible (figure 2.21). Il existe une atteinte péri-anale dans 30 % des cas, la localisation concomitante vulvaire et périanale réalisant l'atteinte en « 8 » ou en « sablier » caractéristique. Le vagin et le col utérin ne sont pas atteints, sauf en cas de prolapsus significatif avec kératinisation de la muqueuse [1].
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Chez l'homme, le LS affecte le gland et/ou le prépuce, et survient pratiquement exclusivement chez l'homme non circoncis. Au stade initial, on observe le plus souvent sur le prépuce des plaques hypochromes porcelainées (figure 2.22). D'autres localisations sont décrites, quoique moins fréquentes, avec une atteinte du gland (figure 2.23), du sillon balanopréputial, du frein (figure 2.24), du méat (figure 2.25) ou de l'urètre antérieur. Des plaques leucokératosiques épaisses peuvent correspondre à un LS hyperplasique (figure 2.26). Des érosions ou fissures par fragilité épidermique sont possibles (figure 2.27), à l'origine de douleurs spontanées et de brûlures mictionnelles. Des formes inflammatoires (figure 2.28) ou vitiligoïdes (figure 2.29) sont possibles. Les hémorragies sous-épithéliales sont plus rares que chez la femme (figure 2.30). Les décollements bulleux sont exceptionnels (figure 2.31). L'atteinte concomitante anale est exceptionnelle chez l'homme. En l'absence de traitement, l'évolution se fait vers la constitution d'un phimosis (par sclérose circonférentielle du prépuce)
Figure 2.20. Localisations typiques d'un lichen scléreux vulvaire. Atteinte des zones non pileuses de la vulve.
Figure 2.22. Lichen scléreux du prépuce. Hypochromie.
Figure 2.21. Lichen scléreux vulvaire et péri-anal avec extension aux plis inguinaux.
Figure 2.23. Lichen scléreux du gland. Hypochromie.
41
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Figure 2.24. Lichen scléreux du frein du prépuce.
Figure 2.27. Lichen scléreux responsable de fissures préputiales.
Figure 2.25. Lichen scléreux. Hypochromie du méat urétral.
Figure 2.28. Lichen scléreux inflammatoire.
Figure 2.26. Lichen scléreux hyperplasique.
42
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Figure 2.31. Lichen scléreux responsable d'un décollement bulleux du gland.
Figure 2.29. Lichen scléreux vitiligoïde.
Figure 2.32. Lichen scléreux responsable d'un phimosis.
Figure 2.30. Lichen scléreux responsable d'hémorragies sous-épithéliales du gland.
(figure 2.32), d'adhérences balanopréputiales (figure 2.33) ou d'une sténose méatique (figure 2.34) ou urétrale. Le phimosis peut se compliquer de balanoposthite non spécifique chronique ou récidivante (figure 2.35), de balanite de Zoon (figure 2.36), de fissures préputiales, de troubles sexuels (dyspareunies masculines, voire rapports sexuels impossibles) et d'un paraphimosis (urgence urologique consistant en l'impossibilité à recalotter). Un cas d'insuffisance rénale sur sténose urétrale en rapport avec un LS a été décrit [6].
Figure 2.33. Lichen scléreux responsable d'adhérences balanopréputiales.
43
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Des lésions extra-anogénitales de LS peuvent être présentes, plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes, le plus souvent asymptomatiques [1]. Il s'agit de plaques blanc-porcelaine (figure 2.37), dont l'aspect est parfois difficile à distinguer d'une morphée, siégeant classiquement sur le tronc, les régions axillaires, les fesses et les faces externes des cuisses. La localisation sur des cicatrices, des zones de traumatisme ou de pression est fréquente par phénomène de Koebner [1,7].
Confirmer
Figure 2.34. Lichen scléreux responsable d'une sténose du méat.
Figure 2.35. Balanite non spécifique secondaire à un lichen scléreux.
Figure 2.36. Lichen scléreux responsable d'une balanite de Zoon.
44
Le diagnostic de LS génital, que ce soit chez la femme ou chez l'homme, est le plus souvent clinique. La biopsie n'est pas indispensable lorsque l'aspect réalisé est typique. Cependant, en raison de son caractère chronique et récidivant, il peut être utile de confirmer histologiquement le diagnostic, en particulier chez la femme jeune, en âge de procréer, chez qui le LSV est plus rare. L'aspect histologique typique en coloration standard associe (figure 2.38) :
Figure 2.37. Plaques « porcelainées » d'un lichen scléreux cutané du sein.
Figure 2.38. Aspect histopathologique d'un lichen scléreux génital. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
un épiderme initialement hypertrophique puis devenant aminci, atrophique, surmonté d'une hyperkératose orthokératosique compacte ; ■ des altérations vacuolaires fréquentes de la membrane basale ; ■ un œdème hyalin en bande sous-épidermique surmontant un infiltrat lymphocytaire dermique. Cet œdème hyalin est pathognomonique du LS mais disparaît rapidement sous corticothérapie locale. Aussi, les dermocorticoïdes doivent-ils être arrêtés au moins 2 mois avant la réalisation de la biopsie ; ■ la coloration spéciale par l'orcéine fait apparaître une raréfaction des fibres élastiques dermiques. Cet aspect varie selon le stade évolutif du LS et son traitement. Dans les formes anciennes, le diagnostic histologique est parfois très difficile. La biopsie des foyers de résistance au traitement (leucoplasie, macule érythémateuse circonscrite, zone bourgeonnante ou verruqueuse, tumeur) est impérative afin d'éliminer une néoplasie intraépithéliale ou un carcinome épidermoïde. Il en sera de même devant une pigmentation en cas de doute avec un mélanome [1]. ■
Le lichen plan, dans sa forme non érosive, la lichénification, le psoriasis génital peuvent aussi être responsables de lésions cutanées ou muqueuses pâles ou blanches. ■ Les remaniements anatomiques chez l'homme et la femme, des lésions cicatricielles de lichen plan atrophique/érosif ou de pemphigoïde des muqueuses seront à distinguer de ceux du LS. ■ Les ecchymoses du LS seront à différencier de celles d'origine traumatique. ■ La pigmentation multifocale post-inflammatoire du LS (figure 2.41) fera discuter celle d'une autre cause (lichen plan, cicatrice, etc.), une pigmentation idiopathique (macule mélanotique) ou plus rarement un mélanome des muqueuses. ■
Éliminer ■
Les lésions génitales pâles ou blanches feront discuter en premier lieu un vitiligo, qui se différencie du LS par l'absence de prurit, de modification de texture (sclérose), de remaniements anatomiques et la présence fréquente de lésions achromiques extra-anogénitales ainsi que celle de poils blancs (leucotrichie). Les 2 affections peuvent coexister (figures 2.39 et 2.40).
Figure 2.40. Lichen scléreux du prépuce associé à un vitiligo du scrotum.
Figure 2.39. Association d'un lichen scléreux vulvaire et d'un vitiligo avec leucotrichie.
Figure 2.41. Lichen scléreux pigmentogène.
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Enfin, chez la femme ménopausée, une pâleur vestibulaire antérieure physiologique ainsi qu'une atrophie vulvaire post-ménopausique ne seront pas confondues avec un LSV (figure 2.42). Chez l'homme, en particulier chez l'enfant, le phimosis acquis du LS (figure 2.43) doit être distingué du phimosis congénital, physiologique à la naissance puisque le prépuce ne peut être rétracté que chez 4 % des nouveau-nés. Ce phimosis physiologique disparaît progressivement spontanément pour concerner 80 % des nourrissons à 6 mois, 50 % à 1 an, 20 % à 2 ans et enfin 10 % des enfants à 3 ans [8]. En dehors du LS, les autres causes de phimosis acquis chez l'adulte sont représentées par des processus inflammatoires ■
ou infectieux récidivants (balanoposthites à l'origine d'une posthite fibreuse, le diagnostic différentiel entre LS du prépuce (fibrose hyaline) et posthite fibreuse (fibrose non hyaline) nécessitant le recours à l'histologie), des traumatismes préputiaux ou un lymphœdème préputial. Finalement, seuls 11 à 30 % des phimosis de l'adulte sont liés à un LS [9,10].
Explorer Aucun bilan auto-immun systématique n'est indiqué. La recherche d'une maladie auto-immune se justifie s'il existe des signes d'appel clinique. Les prélèvements mycologiques ou virologiques seront réalisés s'il existe une suspicion de candidose ou d'herpès génital surajoutés.
Comprendre Etiologie
Figure 2.42. Pâleur vulvaire ménopausique.
Figure 2.43. Phimosis partiel et adhérences balanopréputiales liés à un lichen scléreux de l'enfant.
46
L'étiologie du LS génital n'est pas connue et est débattue. Chez la femme : ■ des antécédents familiaux sont présents chez 12 % des patientes, suggérant une prédisposition génétique [11] ; ■ survenant chez des femmes génétiquement prédisposées, la maladie est considérée comme auto-immune, le LSV étant significativement associé à d'autres pathologies auto-immunes. Au sein d'une cohorte de 190 patientes présentant un LSV, 28 % avaient une autre maladie auto-immune versus 9 % chez les contrôles. La plus fréquente était une dysthyroïdie (16 % versus 8 %) suivie d'une pelade (3 % versus 0,1 %), d'une maladie de Biermer (4 % versus 0,1 %) et d'une morphée (2 % versus 0 %) [12]. Une étude prospective a par ailleurs montré que le LS était significativement plus fréquent chez les patientes atteintes de morphée (38 % versus 3 % chez les contrôles), en particulier en cas de morphée en plaques (45 %) [13]. La présence de différents auto-anticorps, anti-matrice extracellulaire, anti-membrane basale (BP180 et BP230) est fréquente, sans que ne soit connue leur signification ; ■ la distribution bimodale du LSV avant la puberté et au moment de la ménopause fait évoquer le rôle possible de l'hypoœstrogénie/d'une carence œstrogénique. Cependant, les symptômes ne sont pas influencés par les variations hormonales du cycle et le traitement œstrogénique est inefficace ; ■ l'hypothèse infectieuse (Borrelia burgdorferi) n'est pas retenue. Chez l'homme, au contraire de la femme, la physiopathologie du LS reposerait moins sur des facteurs auto-immuns que sur le rôle irritatif de l'urine macérant entre le gland et le prépuce, comme en témoignent : ■ la rareté du LS chez les hommes circoncis à la naissance [14] ; ■ le constat fréquent d'anomalies de la fossette naviculaire (figure 2.44) et d'un dysfonctionnement de la valve urétrale à l'origine d'une micro-incontinence souvent observée chez les hommes atteints de LS [15] ; ■ la survenue de LS autour d'un orifice d'urostomie ou d'iléostomie témoignant du rôle déclenchant de l'humidité [16].
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
L'histoire naturelle du LS génital n'est pas complètement connue [4]. Son évolution est chronique, marquée par des périodes de rémission et d'activité.
Risque de cancer L'apparition d'un carcinome épidermoïde représente l'une des principales complications évolutives du LSG. ■ Chez la femme, ce risque est faible, évalué entre 3,5 et 5 % [1]. Cependant, 60 % des carcinomes épidermoïdes vulvaires sont associés à un LS à l'examen anatomopathologique (figure 2.45) [1,17,18]. Le LS pourrait être l'initiateur et le promoteur de la carcinogenèse, indépendamment
du papillomavirus humain (HPV) [1]. Un âge supérieur à 70 ans et la présence d'une néoplasie intraépithéliale vulvaire (VIN) sont les deux principaux facteurs de risque de carcinome épidermoïde au cours du LSV [19]. En effet, le principal précurseur du carcinome épidermoïde invasif au cours du LSV est la néoplasie intraépithéliale vulvaire de type différencié (VINd), caractérisée par des atypies cytologiques et architecturales basales et suprabasales [4,20]. L'aspect clinique est le plus souvent celui d'une ou plusieurs leucoplasies (figure 2.46) ou plus rarement d'une plaque érythémateuse (figure 2.47). En fait, une
Figure 2.44. Hypospadias balanique associé à un lichen scléreux génital.
Figure 2.46. Néoplasie intraépithéliale différenciée compliquant un lichen scléreux (flèche).
Figure 2.45. Carcinome épidermoïde vulvaire compliquant un lichen scléreux.
Figure 2.47. Néoplasie intraépithéliale différenciée compliquant un lichen scléreux (flèche).
47
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
VINd doit être suspectée devant toute lésion circonscrite résistant au traitement dermocorticoïde du LSV [4]. Le potentiel invasif des VINd est élevé, supérieur à celui des VIN HPV-induites (ou high-grade squamous intraepithelial lesion [HSIL]), qui compliquent plus rarement le LSV (figure 2.48) [21]. Les récidives après exérèse chirurgicale sont fréquentes. Un autre précurseur est l'hyperplasie épithéliale verruqueuse qui, cliniquement, revêt l'aspect d'une plaque surélevée à surface irrégulière hyperkératosique ou verruqueuse [4]. ■ Chez l'homme : le LS peut faire le lit de lésions précancéreuses pouvant évoluer vers un carcinome épidermoïde (CE) invasif du pénis, ce risque n'apparaissant qu'à l'âge adulte. Aucun cas de CE de l'enfant survenant sur LS n'a en effet été décrit. L'évolution néoplasique du LS est rare, quoique moins précisément évaluée chez l'homme que chez la femme. Le risque de survenue d'un CE sur LS serait inférieur à 5 % [22]. Cependant, dans une cohorte de 130 patients avec LS suivis pendant 10 ans, la survenue de 10 CE a été observée [23]. Des lésions histologiques de LS sont mises en évidence chez 40 à 50 % des hommes présentant un CE invasif pénien en Europe [24]. Les lésions précancéreuses classiquement décrites comme compliquant un LS sont au nombre de deux : les néoplasies intraépithéliales (NIE) différenciées (figure 2.49) et les hyperplasies épithéliales verruqueuses (figure 2.50) mais, en pratique, une NIE HPV-induite peut également survenir sur un LS (figure 2.51). Finalement, toute lésion chronique érythémateuse (érythroplasie), hyperkératosique (kératose ou leucokératose), infiltrée ou ulcérée
Figure 2.49. Néoplasie intraépithéliale différenciée survenue sur un lichen scléreux.
Figure 2.50. Hyperplasie épithéliale verruqueuse survenue sur un lichen scléreux.
Figure 2.48. Néoplasie intraépithéliale HPV-induite (HSIL) c ompliquant un lichen scléreux.
48
Figure 2.51. Néoplasie intraépithéliale HPV-induite survenue sur un lichen scléreux.
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
associée à un LS doit faire l'objet d'une biopsie à la recherche d'une lésion précancéreuse ou d'un CE (figure 2.52).
Traiter Si les objectifs de la prise en charge du LS sont d'améliorer les symptômes ainsi que les signes cliniques objectifs de LS, ils doivent aussi prendre en compte la qualité de vie générale et sexuelle des patient(e)s, parfois sévèrement altérée [25]. Il est ainsi important d'évoquer avec eux leurs éventuelles difficultés sexuelles.
Dermocorticoïdes Les dermocorticoïdes, puissants ou très puissants, sont le traitement de référence du LS génital, que ce soit chez l'homme ou la femme et l'enfant [1,3,4,26]. Chez la femme, deux molécules ont principalement fait l'objet d'essais cliniques randomisés contrôlés, le clobétasol propionate 0,05 % (très puissant) et le mométasone furoate (puissant), non disponible en France et dont un équivalent pourrait être le bétaméthasone dipropionate 0,05 % [27]. Chez l'homme, malgré l'absence de tout essai clinique contrôlé portant sur le traitement dermocorticoïde du LS, le clobétasol propionate 0,05 % représente le traitement de première intention du LS génital de l'adulte et de l'enfant [1]. On distinguera 2 phases thérapeutiques : ■ la phase initiale du traitement consistant en une application quotidienne, habituellement le soir, de clobétasol dipropionate 0,05 % en crème selon des modalités différentes : ● chez la femme : – soit 1 application quotidienne pendant 1 mois, puis 1 soir sur 2 pendant 1 mois, puis 1 soir sur 3 pendant 1 mois [1], – soit 1 application quotidienne pendant 3 mois [4,26] puis espacement des applications selon le schéma précédent,
Figure 2.52. Carcinome épidermoïde développé sur lichen scléreux.
chez l'homme, avec ou sans phimosis : 1 application quotidienne pendant 1 à 3 mois [1] ; ■ la phase d'entretien du traitement, avec des modalités elles aussi variables [1,4] : ● soit le maintien d'un traitement « proactif » avec une application de clobétasol dipropionate 0,05 %, de 1 à 3 fois par semaine. En l'absence de recommandation précise, le rythme d'application ainsi que la durée de ce traitement, de plusieurs semaines à plusieurs mois, seront adaptés « au cas par cas » afin de maintenir une rémission des signes fonctionnels, la disparition des plaques et des ecchymoses, une certaine pâleur pouvant persister [1], ● soit l'arrêt du traitement chez les patient(e)s asymptomatiques et ne présentant plus de LS cliniquement actif et la reprise « à la demande », en fonction des poussées du LS [1,4]. Il est fondamental d'expliquer aux patient(e)s la quantité de crème à appliquer (1/2 à 1 unité phalangette par jour, correspondant à 1 tube de 10 g de clobétasol dipropionate par mois) et de leur montrer clairement les zones à traiter, de la vulve à l'anus selon les cas chez la femme, en s'aidant d'un miroir si nécessaire [1] et sur le prépuce et sur le gland chez l'homme. On conseillera aussi l'utilisation d'un savon surgras, d'un syndet ou d'une huile de douche pour la toilette, d'une crème barrière ou d'un émollient. Chez les femmes ménopausées, en l'absence de contre-indication, une œstrogénothérapie locale en ovules et/ou crème pourra être proposée. Chez l'homme comme chez la femme, l'usage de lubrifiants pendant les rapports pourra diminuer les dyspareunies. ●
Existe-t-il une alternative aux dermocorticoïdes ? Les recommandations britanniques de 2018 [1] ne retiennent ni les inhibiteurs de la calcineurine, ni les rétinoïdes systémiques dans le traitement du LS, en l'absence de preuves suffisantes de leur efficacité. Toutes les études contrôlées randomisées montrent que le clobétasol propionate est significativement plus efficace que le tacrolimus et le pimécrolimus chez la femme [27]. De plus, il n'existe pas d'étude à long terme permettant d'évaluer la sécurité carcinologique de leur utilisation hors autorisation de mise sur le marché (AMM) au cours du LS [4]. Le niveau de preuve des autres traitements, cryothérapie, photothérapie dynamique, ultrasons focalisés et photothérapie UV-A1, est faible, comme pour le laser CO2, que l'International Society for the Study of Vulvovaginal Disease (ISSVD) et l'International Continence Society (ICS) ne recommandent actuellement pas en pratique courante, en dehors d'études [28]. Les injections de plasma riche en plaquettes (PRP) ont fait l'objet d'une étude randomisée contrôlée, négative [29]. Chez l'homme, si le laser n'a pas non plus sa place dans le traitement d'un LS actif, il peut avoir un intérêt dans la prise en charge des complications anatomiques du LS, en vue de la libération des adhérences balanopréputiales (adhésiolyse) ou pour la reperméation d'un méat
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
urétral sténosé. Enfin, le gel d'androstanolone, un antiandrogène topique disposant d'une AMM pour le traitement du LSG de l'homme et de la femme, ne doit plus être utilisé par manque d'efficacité en comparaison aux dermocorticoïdes très puissants.
Qu'attendre du traitement ? L'action du clobétasol propionate est spectaculaire et rapide sur les signes fonctionnels, prurit en particulier, en quelques jours à quelques semaines, tandis que les signes physiques (pâleur, atrophie) répondent plus lentement et parfois partiellement [4,5]. Les séquelles anatomiques sont par contre irréversibles. Une hyperpigmentation post-inflammatoire est très fréquente. Chez la femme, la rémission est d'autant plus probable que la patiente est jeune (72 % des cas avant 50 ans, 23 % entre 50 et 70 ans, 0 % après 70 ans) [30]. Le risque de récidive à la fin du traitement est important, estimé à 50 % à 16 mois et 84 % à 4 ans [30]. Les effets secondaires sont rares, liés directement à l'action des dermocorticoïdes (dermite aux corticoïdes, atrophie cutanée, vergetures, télangiectasies) ou infectieux (candidose, herpès, condylomes).
Que faire en cas de « résistance » au traitement ? La « résistance » d'un LS à un traitement dermocorticoïde bien conduit est exceptionnelle chez la femme [4], mais plus fréquente chez l'homme en cas de phimosis. Une fois exclue une erreur diagnostique (vitiligo, néoplasie intraépithéliale), différentes situations cliniques peuvent être envisagées [1,4] : ■ le LSV n'est pas amélioré : ● rechercher un éventuel défaut de compliance au traitement pouvant être liée à une réelle corticophobie, à la crainte d'appliquer le dermocorticoïde sur une muqueuse ou le plus souvent à une mauvaise compréhension du traitement (trop faible quantité de dermocorticoïde, au mauvais endroit) ou à des difficultés physiques à appliquer le traitement. Il peut être alors utile de proposer que les applications soient effectuées par une infirmière, initialement au moins, chez les patientes âgées, ● une incontinence urinaire, souvent non signalée par les patient(e)s doit être recherchée. Elle pourrait expliquer l'échec thérapeutique par un phénomène de Koebner et une dermite caustique, ● un eczéma de contact au dermocorticoïde nous semble exceptionnel, ● chez l'homme, en cas de phimosis résistant à une corticothérapie locale bien conduite, une posthectomie sera discutée ; ■ le LSV n'est que partiellement amélioré, car il persiste des zones de « résistance » au traitement : ● toute zone de résistance au traitement sera impérativement biopsiée afin d'éliminer une néoplasie intraépithéliale ou un carcinome épidermoïde dont le traitement est chirurgical,
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si la biopsie confirme qu'il s'agit d'une lésion hyperkératosique de LS (LS hyperplasique), une injection intra- lésionnelle de triamcinolone ou une destruction par laser peuvent être envisagées [1,31] ; ■ le LSV est en rémission : ● face à la survenue brutale d'un prurit ou d'une douleur, rechercher une dermatose surajoutée non cortico- sensible, voire cortico-induite (candidose ou herpès), ● la persistance d'une dyspareunie fera rechercher une séquelle anatomique symptomatique : – chez la femme, une synéchie postérieure des petites lèvres en particulier, réalisant une « bride » vestibulaire postérieure fissurée à chaque rapport et responsable d'une dyspareunie d'intromission, – chez l'homme, la présence d'adhérences balanopréputiales ; ● en l'absence de lésion pertinente visible, une brûlure génitale persistante et/ou une dyspareunie feront évoquer une vulvodynie ou plus rarement une pénodynie. ●
Place de la chirurgie Chez la femme en dehors de l'exérèse des carcinomes épidermoïdes et des lésions précancéreuses (VIN différenciés, foyer d'hyperplasie verruqueuse), les indications de la chirurgie sont rares. Elles sont limitées aux modifications anatomiques irréversibles séquellaires de l'inflammation, uniquement lorsqu'elles sont symptomatiques et responsables de dysfonctionnement sexuel ou urinaire [1,4]. Ces procédures chirurgicales n'ont fait l'objet d'aucune étude randomisée contrôlée. ■ La périnéoplastie (ou vestibuloplastie postérieure) consiste en une excision de la zone de synéchie postérieure suivie d'un avancement de la muqueuse vaginale. Elle est indiquée en cas de dyspareunie. Dans une série rétrospective de 64 patientes suivies pendant 10 ans, le taux de réussite était très élevé (86 %) avec cependant 5 cas de récidive de la dyspareunie [32]. ■ La périnéotomie, consistant à traiter les synéchies labiales par simple libération, doit être précédée et suivie d'un traitement dermocorticoïde intensif [33]. Un autre type de périnéotomie (opération de Fenton) consiste à inciser la synéchie postérieure par un trait de section médian antéropostérieur puis à suturer transversalement ce qui pourrait réduire le taux de récidive [34]. ■ L'encapuchonnement clitoridien peut être responsable d'un pseudo-kyste par rétention de smegma. Un traitement chirurgical est indiqué si le kyste subit des poussées inflammatoires : incision et drainage en urgence en poussée (figure 2.53) ; posthectomie « à froid » visant à enlever le kyste et à empêcher de nouvelles poussées [4]. Chez l'homme, le recours à la chirurgie est beaucoup plus fréquent : ■ une posthectomie totale avec analyse histologique de la pièce opératoire est indiquée en cas de phimosis résistant à 1 à 3 mois de corticothérapie locale bien conduite, et suivie d'une corticothérapie locale pendant 1 à 3 mois sur le gland ainsi mis à nu ;
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
est elle aussi préconisée [1]. Enfin, la nécessité de consulter si le lichen ne répond pas au traitement prescrit sera expliquée aux patient(e)s [1]. Une surveillance plus rapprochée est indiquée chez les patients qui ont des antécédents de néoplasie intraépithéliale, d'hyperplasie épithéliale verruqueuse ou de CE.
Dire ■
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Le lichen scléreux est une pathologie chronique, inflammatoire, non contagieuse qui nécessite un suivi prolongé. Il se traite par des dermocorticoïdes. Même appliqués au long cours, les dermocorticoïdes sont sans danger sur la muqueuse génitale et leurs effets indésirables sont rares. Le risque de cancer est rare au cours du lichen scléreux.
Retenir Figure 2.53. Inflammation aiguë d'un pseudo-kyste clitoridien nécessitant un drainage chirurgical urgent.
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une prise en charge chirurgicale des séquelles anatomiques d'un LS en rémission sera discutée en cas de sténose du méat responsable d'une dysurie et récidivant après dilatation à la bougie et en cas d'adhérences balanopréputiales responsables d'érections douloureuses ou de dyspareunie.
Le traitement par dermocorticoïde prévient-il le cancer ? La question de savoir si le traitement régulier par dermocorticoïde est capable de prévenir la survenue du cancer et de ses précurseurs est débattue [1,35]. Dans une étude prospective sur 5 ans, 507 patientes adultes présentant un LS prouvé histologiquement ont été suivies : les symptômes, l'évolution cicatricielle ainsi que la survenue d'un cancer vulvaire (VIN différenciée ou carcinome épidermoïde invasif) étaient significativement moins fréquents dans le groupe « compliant » (70 % des cas) que dans le groupe « non compliant » [36]. Aucun cas de cancer vulvaire ne survenait dans le « groupe compliant » versus 7 cas dans le « groupe partiellement compliant ». Bien que l'évaluation de l'observance thérapeutique soit discutable (mode uniquement déclaratif), ces résultats, à confirmer, plaident clairement en faveur d'un traitement d'entretien « proactif » [37].
Surveiller Une surveillance prolongée se justifie du fait des rechutes fréquentes du LS et de son potentiel néoplasique. Une visite de suivi à 3 et 6 mois, afin d'évaluer l'efficacité du traite ment et de vérifier l'observance thérapeutique, puis un contrôle annuel sont recommandés [1]. L'auto-surveillance
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Les dermocorticoïdes très puissants sont le traitement de référence du lichen scléreux. Le risque de carcinome épidermoïde est faible au cours du lichen scléreux. La néoplasie intraépithéliale différenciée est le principal précurseur de carcinome épidermoïde développé sur lichen scléreux.
Distinguer homme/femme ■
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Le lichen scléreux est plus fréquent chez la femme que chez l'homme. Il est associé chez la femme à des maladies auto- immunes, qui sont beaucoup plus rares chez l'homme. La résistance du lichen scléreux aux dermocorticoïdes est exceptionnelle chez la femme, plus fréquente chez l'homme justifiant parfois le recours à la posthectomie.
Lichen plan Évoquer Le lichen plan (LP) est une dermatose inflammatoire chronique, pouvant se localiser principalement à la peau, aux muqueuses buccale et génitale, aux ongles et au cuir chevelu. Des atteintes rares, œsophagiennes, conjonctivales, nasales, laryngées, anales et de l'oreille (conduit auditif externe) sont décrites [38]. Que ce soit chez l'homme ou chez la femme, l'incidence et la prévalence du LP génital dans la population générale ne sont pas connues.
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Chez l'homme, l'atteinte de la muqueuse buccale prédomine, la muqueuse génitale n'étant atteinte que dans 25 % des cas de LP [39]. L'atteinte génitale peut cependant être isolée, sans atteinte cutanée associée. Ainsi, un LP génital doit être recherché devant un LP extra-génital (cutané, buccal ou unguéal) ou évoqué devant des lésions génitales cliniquement compatibles. Le LP génital est plus fréquent chez l'homme non circoncis [40]. Le LP génital masculin est le plus souvent non prurigineux, notamment en cas d'atteinte du gland et du prépuce. Un prurit est possible en cas d'atteinte du scrotum. Dans les formes érosives ou atrophiques, un inconfort ou des douleurs sont décrits. Chez la femme, au sein d'une population de patientes consultant dans une clinique spécialisée en vulvologie, 3,7 % présentaient un lichen plan vulvaire (LPV) prouvé histologiquement [41]. L'atteinte vulvovaginale est fréquente au cours des autres formes de LP, présente dans 57 % des cas de LP buccal [42] et dans 51 % des cas de LP cutané et elle doit donc être systématiquement recherchée [43]. À l'inverse, l'atteinte vulvaire est rarement isolée. Dans une série rétrospective de 100 cas de LP vulvaire, seuls 31 % étaient isolés tandis que la majorité des cas étaient associés à une ou plusieurs autres localisations (bouche 47 %, vagin 46 %, œsophage 4 %, conjonctive 2 %, peau 20 %, cuir chevelu 11 %) [44]. Le LPV est diagnostiqué habituellement chez des femmes âgées de 40 à 60 ans [45]. Dans une série de 58 patientes, 25 % étaient âgées de moins de 40 ans [46]. Rarement asymptomatique, le LPV est responsable de douleurs, de brûlures, de prurit, de dyspareunie, de pertes ou de symptômes urinaires [38,47,48].
plaques érythémateuses parfois annulaires (figure 2.55), obtenues par confluence de lésions élémentaires multiples ou guérison centrale de plaques. Des lésions papuleuses et annulaires peuvent coexister (figure 2.56). Les lésions, rarement prurigineuses, sont localisées sur le gland, le prépuce, le fourreau ou le scrotum. Sur le versant cutané génital (fourreau et scrotum), elles peuvent avoir un aspect typique de papules violacées recouvertes de stries de Wickham
Reconnaître Chez l'homme, dans les formes typiques, l'examen clinique montre soit des papules érythémateuses (figure 2.54) ou violacées, parfois de disposition linéaire, soit une ou plusieurs
Figure 2.54. Lichen plan. Papules érythémateuses du gland.
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Figure 2.55. Lichen plan. Placards érythémateux du gland et du prépuce.
Figure 2.56. Lichen plan. Lésions papuleuses et annulaires du gland.
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
(figure 2.57). Un réseau lichénien blanchâtre peut constituer l'unique manifestation clinique et se localiser sur le gland ou la face interne du prépuce (figure 2.58). Il peut prendre une disposition annulaire (figure 2.59). La coexistence d'un réseau lichénien et de papules érythémateuses est possible (figure 2.60). Il faut savoir rechercher également des lésions de lichen plan, parfois plus typiques, sur la peau, la muqueuse buccale (réseau lichénien blanchâtre) ou les ongles. Une atteinte atrophique voire érosive est possible (figures 2.61
Figure 2.59. Lichen plan. Réseau lichénien annulaire du fourreau.
Figure 2.57. Lichen plan. Papules violacées du scrotum recouvertes de stries de Wickham.
Figure 2.58. Lichen plan. Réseau lichénien du gland et du prépuce.
Figure 2.60. Lichen plan. Papules érythémateuses et réseau lichénien du sillon balanopréputial.
Figure 2.61. Lichen plan atrophique/érosif du prépuce.
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
et 2.62), génitale isolée ou entrant dans le cadre d'un syndrome pénogingival en cas d'atteinte buccale (gingivite) associée [49]. L'évolution peut être spontanément favorable, avec possible hyperpigmentation post-inflammatoire (figure 2.63) ou devenir chronique sous une forme continue ou récidivante. Le LP préputial peut avoir une évolution fibrosante, sous la forme d'un phimosis quoique de façon moins fréquente que le lichen scléreux ou sous la forme d'adhérences balanopréputiales (figure 2.64) [50]. Une dyspareunie est d'ailleurs possible dans ces formes fibrosantes mais aussi dans les formes érosives. De même, des troubles sexuels peuvent apparaître, en rapport avec une dyspareunie, une modification de l'image corporelle ou une crainte injustifiée de transmettre la dermatose.
Chez la femme, 3 présentations cliniques du LPV sont décrites : ■ la forme érosive est de loin la plus fréquente (85 % des cas) et la plus symptomatique [51]. Elle altère la qualité de vie des patientes, tant sur le plan général que sexuel [52]. Les lésions se caractérisent par des zones érosives, érythémateuses, bien limitées siégeant préférentiellement à la face interne des petites lèvres, sur le vestibule et le clitoris. Un réseau blanchâtre est souvent présent à la périphérie des érosions (figure 2.65)
Figure 2.64. Lichen plan responsable d'adhérences balanopréputiales.
Figure 2.62. Lichen plan atrophique/érosif du gland.
Figure 2.63. Lichen plan génital pigmentogène du gland.
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Figure 2.65. Lichen plan érosif de la face interne des petites lèvres et du vestibule. Réseau blanchâtre typique visible sur le bord des petites lèvres et à la périphérie des érosions.
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
[53]. Des remaniements anatomiques liés à l'accolement des muqueuses enflammées sont fréquemment associés, d'autant plus que le délai diagnostique est long, supérieur à 2 ans ou plus (figure 2.66) [53]. Ils sont identiques à ceux observés au cours du lichen scléreux vulvaire : ● accolement des petites lèvres (PL) à la face interne des grandes lèvres responsable de la « fusion » partielle (figure 2.67) ou complète des PL, de façon symétrique ou non, ● accolement des PL entre elles responsables d'un rétrécissement du vestibule par la formation d'une bride vestibulaire antérieure (figure 2.68), postérieure (figure 2.69) ou quasi complète, ● accolement du capuchon clitoridien responsable d'un encapuchonnement clitoridien (figure 2.70). Une atteinte vaginale est fréquente, mise en évidence dans 70 à 84 % des cas lors d'un examen gynécologique systématique [46,51]. Elle se manifeste par des pertes jaunâtres, des dyspareunies sévères, un saignement post-coïtal si les rapports sexuels sont possibles. Sur 51 patientes consultant dans une clinique spécialisée norvégienne, 70 % déclaraient être sexuellement abstinentes depuis 3 ans en moyenne [46]. L'examen vaginal, douloureux et nécessitant parfois d'être réalisé
Figure 2.66. Lichen plan érosif et remaniements anatomiques. Encapuchonnement clitoridien et « fusion » quasi-complète de la petite lèvre gauche à la face interne de la grande lèvre gauche.
Figure 2.67. Lichen plan érosif et remaniements anatomiques. Érosion de la fourchette, érythème de la partie supérieure des petites lèvres accolées à la face interne des grandes lèvres et encapuchonnement clitoridien.
Figure 2.68. Lichen plan. Accolement des petites lèvres (partie supérieure) entre elles réalisant une bride vestibulaire antérieure.
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Figure 2.69. Lichen plan. Encapuchonnement clitoridien, fusion complète de la petite lèvre gauche et partielle de la petite lèvre droite, accolement des petites lèvres (partie inférieure) entre elles réalisant une bride vestibulaire postérieure.
Figure 2.70. Lichen plan. Érythème vestibulaire et encapuchonnement clitoridien.
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sous anesthésie générale, met en évidence des lésions érythémateuses, érosives et hémorragiques au contact dont l'évolution cicatricielle peut conduire à des synéchies et à une sténose vaginale partielle ou complète [46]. Le syndrome vulvo-vagino-gingival est une forme pluri-muqueuse sévère de lichen plan érosif associant une atteinte vulvaire et vaginale et une atteinte gingivale caractérisée par un aspect érythémateux diffus et parfois érosif, souvent bordé d'un liseré blanc et réticulé [54] ; ■ la forme classique de LPV est rare (4 %) [51]. Elle se caractérise par des lésions blanches, réticulées des petites lèvres et du clitoris semblables à celles du LP buccal (figure 2.71). Diffuses, elles peuvent être confondues avec la pâleur du lichen scléreux vulvaire (figures 2.72 et 2.73). Il peut s'agir aussi de lésions papuleuses violines, semblables à celles du LP cutané (figure 2.74). Une hyperpigmentation post- inflammatoire peut apparaître après traitement ; ■ la forme hypertrophique du LPV, rare elle aussi (4 %), se caractérise par des plaques blanches, leucokératosiques, unique ou multiples pouvant s'étendre au périnée et à la région péri-anale [51]. Chez l'homme comme chez la femme, l'examen clinique recherchera les localisations extra-génitales du LP : ■ LP cutané : papules polygonales violines prurigineuses typiques de la face antérieure des poignets, des avant-bras, des chevilles et du bas du dos ;
Figure 2.71. Lichen plan. Lésions blanches réticulées de la face interne de la grande lèvre droite et de la petite lèvre gauche.
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Figure 2.74. Lichen plan péri-vulvaire. Lésions papuleuses violines.
Figure 2.72. Lichen plan. Lésions blanches réticulées de la face interne de la petite lèvre gauche. Diagnostic différentiel avec un lichen scléreux.
Figure 2.75. Aspect histopathologique du lichen plan génital. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
Confirmer Figure 2.73. Lichen plan. Lésions blanches diffuses de la face interne des grandes lèvres et des petites lèvres œdématiées. Diagnostic différentiel avec un lichen scléreux.
LP buccal : réseau lichénien blanc en feuille de fougère de la muqueuse jugale, de la langue ou lésions érythémateuses et érosives des gencives ; ■ LP pilaire : hyperkératose folliculaire et alopécie cicatricielle du cuir chevelu ou plus fréquemment alopécie fibrosante frontale, présentes dans 19 % des cas de LPV [55] ; ■ Les atteintes oculaires, du conduit auditif externe de l'oreille et de l'œsophage sont rares [47]. Un LP œsophagien doit être suspecté devant une dysphagie ou une odynophagie et une endoscopie digestive haute devra alors être réalisée [56]. ■
La biopsie cutanée ou muqueuse génitale n'est pas indispensable en cas de lésion génitale isolée typique ou d'atteinte extra-génitale (cutanée, buccale ou unguéale) associée évocatrice. Elle est nécessaire si le diagnostic clinique est incertain ou en cas de lésion cliniquement suspecte ou ne disparaissant pas sous traitement, afin d'éliminer une néoplasie intraépithéliale liée à l'HPV ou différenciée ou une hyperplasie épithéliale verruqueuse. Les aspects histologiques typiques d'un LP consistent en une hyperkératose orthokératosique, une hypergranulose ainsi qu'un infiltrat lymphocytaire en bande, pouvant comporter des plasmocytes, venant au contact de la basale avec exocytose lymphocytaire basale et parfois des cellules apoptotiques (figure 2.75). On peut noter une hyalinisation focale du collagène dans les formes de chevauchement entre lichen plan et lichen scléreux. En cas de lichen plan érosif, il est plus
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
« rentable » de biopsier la berge de l'érosion. L'aspect histologique peut toutefois n'être que peu spécifique, rendant difficile le diagnostic car la dermite d'interface lichénoïde et l'apoptose sont inconstantes et l'infiltrat lymphocytaire de densité variable n'est que grossièrement horizontalisé [47]. Un clivage dermo-épidermique ou chorio-épithélial peut être observé, justifiant alors la réalisation d'une immunofluorescence directe afin d'éliminer une dermatose bulleuse auto-immune initiale ou venant compliquer un LP préexistant (LP pemphigoïde).
Éliminer Les principaux diagnostics différentiels sont représentés par : ■ un lichen scléreux devant les lésions blanches et réticulées du LP, sachant qu'il existe des formes de chevauchement clinique mais aussi histologique entre LP et lichen scléreux ; ■ une balanite ou une vulvite de Zoon qui peut être associée à un LP (figures 2.76 et 2.77), une néoplasie intraépithéliale, un pemphigus ou une pemphigoïde des muqueuses ou encore une maladie de Paget devant des lésions érythémateuses et érosives de LP ; ■ une néoplasie intraépithéliale ou un carcinome épidermoïde devant les lésions hypertrophiques de LP ; ■ un érythème pigmenté fixe devant un LP pigmentogène.
Explorer Des cas de LP génital induits par des prises médicamenteuses (toxidermies lichénoïdes) ayant été décrits, un interrogatoire portant sur les prises médicamenteuses est justifié [57]. Une
Figure 2.76. Lichen plan et vulvite de Zoon (zones érythémateuses foncées de la face interne de la petite lèvre droite).
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étude rétrospective chez 141 femmes avec un LPV majoritairement érosif suggère un lien entre la prise d'un β-bloquant ou d'un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) et la survenue du LPV [58]. L'existence d'une association entre LP cutané et/ou muqueux et hépatite C démontrée par plusieurs études et méta-analyses plaide pour la réalisation d'une sérologie VHC en cas de découverte de LP génital, soit de façon systématique soit seulement en présence d'un facteur de risque avéré d'hépatite C (usage de drogues par voie intraveineuse notamment) [59]. Chez la femme, si un lien a pu être mis en évidence dans certains pays, méditerranéens en particulier, aucune association entre LPV et hépatite C n'était cependant démontrée chez 100 patientes britanniques [60]. Aucun bilan auto-immun systématique n'est justifié, celui-ci devant être orienté en fonction des points d'appel cliniques (dysthyroïdie) [61].
Comprendre Étiologie Plusieurs éléments plaident en faveur de l'origine auto-immune du LP : ■ l'infiltrat lymphocytaire T CD8 + en bande du derme ou du chorion superficiel ; ■ l'association du LP avec certains antigènes HLA de classe II (HLA-DR1 allèle DRB1*0101) [62] ; ■ l'association significative chez la femme du LPV à des maladies auto-immunes (29 % versus 9 % chez les contrôles, dysthyroïdies principalement) ainsi qu'à des auto-anticorps circulants, en particulier anti-membrane basale (BP180) [63,64] ;
Figure 2.77. Lichen plan associé à une balanoposthite de Zoon.
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
la survenue de GVH lichénoïde après allogreffe de moelle osseuse [65] ; ■ l'aspect histologique de « dermatite d'interface lichénoïde » observé dans d'autres pathologies auto-immunes comme le lupus et la dermatomyosite ; ■ la réponse aux traitements immunosuppresseurs. ■
Risque de cancer Chez l'homme, 3 LP étaient identifiés dans une série portant sur 35 patients avec une néoplasie intraépithéliale (NIE) HPVdépendante du pénis : deux avaient une papulose bowénoïde et un avait une maladie de Bowen [66]. Une étude cas-témoin portant sur 580 patients atteints de NIE du pénis et 3 436 témoins a montré que le LP était un facteur de risque de NIE du pénis avec un OR de 12 (IC 95 % [3,0–48,0]). Cette étude ne précisait pas le type histologique (HPV-dépendant ou non) de la NIE du pénis associée au LP [67]. Plusieurs carcinomes épidermoïdes survenant sur un LP du pénis ont été rapportés dans la littérature [68]. Manweiller et al., en étudiant 51 biopsies de carcinome épidermoïde non HPV-induits (immunomarquage p16 négatif) notait 13 LP en périphérie (à titre comparatif, une histologie de lichen scléreux était observée sur 27 des 51 biopsies de carcinome épidermoïde) [69]. En revanche, dans une série française analysant les lésions histologiques présentes en périphérie de 68 carcinomes épidermoïdes du pénis, aucun LP n'était identifié alors qu'un lichen scléreux était visible dans 26 cas [70]. Chez la femme, un carcinome épidermoïde peut compliquer un LP vulvaire, érosif ou hyperkératosique. Dans une série rétrospective de 38 cas de carcinome épidermoïde sur LPV, le carcinome ainsi que les lésions péri-tumorales de type NIE différenciée étaient HPV-négatifs. Le carcinome, d'évolution péjorative, siégeait préférentiellement sur la muqueuse vestibulaire, entre le clitoris et l'orifice urétral [71]. Une étude populationnelle de registre sur une cohorte de 13 100 patientes finlandaises atteintes de LP confirme le sur-risque de développer un cancer de la vulve au cours du LPV. Ce risque (taux d'incidence standardisé [SIR] : 1,99) est toutefois très inférieur à celui de la lèvre (SIR : 5,17), de la langue (SIR : 12,4) et de la muqueuse buccale (SIR : 7,97) [72]. Dans une étude prospective de cohorte dont le suivi moyen était de 72 mois, une seule patiente sur 114 développait un carcinome épidermoïde vulvaire sur un LP érosif (0,8 %), tandis que 2 autres présentaient un carcinome buccal et un carcinome péri-anal [53]. Enfin, dans une série histologique de 43 cas de carcinomes épidermoïdes vulvaires non HPVdépendants, aucun LP n'était mis en évidence [73]. Au total, le risque de développer un carcinome épidermoïde au cours du LP génital existe, mais il est faible, inférieur à celui de carcinome sur LP buccal. Comme dans le lichen scléreux, la NIE paraît être le précurseur du CE vulvaire ou pénien sur LP.
Traiter Chez l'homme comme chez la femme, le traitement de première intention du LP génital repose sur une corticothérapie
locale par propionate de clobétasol 0,05 % crème, à appliquer de façon quotidienne jusqu'à la guérison, celle-ci pouvant nécessiter un traitement d'entretien afin de garantir son maintien. Une abstention thérapeutique, sous surveillance clinique, peut se discuter dans les formes typiques (papules lichéniennes ou réseau lichénien) en l'absence de signe fonctionnel et d'évolution fibrosante. Chez l'homme, en cas d'échec du propionate de clobétasol et après avoir vérifié l'observance thérapeutique et éliminé une NIE, seront proposés soit un autre dermocorticoïde très fort (dipropionate de bétaméthasone 0,05 %/ propylène glycol) soit le tacrolimus pommade 0,1 % (hors AMM). Ce dernier n'est pas à envisager pour certains du fait de son potentiel risque carcinogène [74]. En cas de nouvel échec, un traitement systémique pourra être proposé : corticothérapie orale ou acitrétine. La photothérapie (PUVA ou UVB TL01) n'est pas proposée en cas d'atteinte génitale du fait du risque carcinogène des UV dans cette localisation. Une posthectomie totale se discute en cas d'échec du traitement, mais peut s'avérer inefficace sur l'atteinte du gland, du fait de l'entretien du LP par effet Koebner sur le gland ainsi mis à nu. Une prise en charge des adhérences balanopréputiales par adhésiolyse pourra être proposée lorsqu'elles sont responsables de dyspareunie. Chez la femme, la forme érosive est plus difficile à traiter que la forme classique, habituellement contrôlée par 4 à 6 semaines d'un traitement dermocorticoïde puissant de type bétaméthasone valérate 0,1 % [51]. Dans la forme érosive, un dermocorticoïde très puissant de type clobétasol propionate en crème sera choisi, appliqué quotidiennement pendant 3 mois [51]. Ce traitement permet d'améliorer les signes fonctionnels dans 75 % cas (résolution complète 54 %) et les signes physiques dans 50 % des cas (résolution complète 9 %) [53]. Un traitement d'entretien (1 à 2 applications par semaine) est par la suite souvent nécessaire [51]. Concernant l'atteinte vaginale, l'acétate d'hydrocortisone en mousse n'étant plus disponible en France et sans équivalent thérapeutique, un dermocorticoïde en crème puissant ou très puissant peut être appliqué au doigt ou sur un dilatateur, en particulier en cas de sténose vaginale ou encore formulé en préparation magistrale sous la forme d'ovules. En cas d'échec du traitement par dermocorticoïde, après avoir éliminé une difficulté d'observance thérapeutique (corticophobie, mauvaise compréhension du traitement) ou un diagnostic erroné (néoplasie vulvaire intraépithéliale, surinfection candidosique), un traitement topique par inhibiteur de la calcineurine peut être proposé, le pimécrolimus, non disponible en France, semblant mieux toléré que le tacrolimus [75]. En cas d'échec du traitement local, un traitement systémique sera discuté, bien que les données basées sur les preuves concernant l'intérêt ainsi que le rapport bénéfice/ risque de ces traitements soient limitées : ■ les cyclines, en adjonction au traitement local, pourraient être utiles du fait de leur effet anti-inflammatoire [51] ;
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
une corticothérapie orale (30 à 60 mg/j) en cas de poussée sévère ou d'évolution rapidement cicatricielle peut être proposée pendant 4 à 6 semaines [48,51] ; ■ le méthotrexate (2,5 à 12 mg/semaine), seul ou en association au traitement local, a démontré une certaine efficacité dans des cas de LP érosif sévères [48,76] ; ■ d'autres traitements tels que l'hydroxychloroquine, le mycophénolate mofétil, les anti-TNFα, le rituximab ont pu être proposés dans des cas sévères et résistants [48,77] ; ■ les rétinoïdes (acitrétine) pourraient trouver un intérêt dans la forme hyperkératosique, avec toutes les précautions d'usage concernant le risque tératogène chez la femme en âge de procréer. Une prise en charge chirurgicale peut être proposée en cas de synéchies vulvaires et/ou vaginales, lorsque ces complications anatomiques ont un impact significatif sur les fonctions urinaires et sexuelles (apareunie ou dyspareunie). Une sténose vaginale complète peut en outre entraîner un hématocolpos et rendre impossible la réalisation d'un frottis cervical. Les procédures chirurgicales, consistant en des adhésiolyses, l'intervention de Fenton ou des périnéotomies (chapitre 2, « Lichen scléreux »), ont des résultats souvent décevants en raison d'une récidive postopératoire des synéchies. L'application, 48 heures après le geste chirurgical, de propionate de clobétasol 0,05 % sur la vulve et d'hydrocortisone en mousse en intravaginal en association à des dilatateurs vaginaux 15 jours plus tard, a démontré son efficacité pour prévenir les récidives après 2 ans de suivi [78]. ■
Surveiller Le LP génital est d'évolution chronique, alternant de façon imprévisible des phases de poussée et de rémission. Un suivi initial à 2–3 mois est nécessaire afin de s'assurer de la bonne compréhension du traitement et d'évaluer son efficacité. La surveillance sera ensuite adaptée de façon personnalisée, une fois par an pour les formes stabilisées, plus fréquemment pour les formes érosives et d'évolution cicatricielle souvent plus difficiles à prendre en charge. Même s'il est faible, le risque de survenue de lésion précancéreuse (néoplasie intraépithéliale), voire de carcinome épidermoïde pénien ou vulvaire, nécessite/impose une surveillance au long cours [79].
Dire ■
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Le LP est une maladie inflammatoire chronique non contagieuse. Les dermocorticoïdes constituent le traitement du LP génital. Leur utilisation au long cours n'est pas dangereuse. Le LP peut retentir sur la qualité de vie générale et relationnelle.
Retenir ■
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Le LP génital est souvent associé à une atteinte extra-génitale (cutanée, buccale, du cuir chevelu ou unguéale) qu'il faut rechercher. Le traitement du LP génital chez l'homme comme chez la femme repose sur une corticothérapie locale en première intention. Une prise en charge chirurgicale est indiquée en cas d'évolution cicatricielle symptomatique.
Balanite et vulvite de Zoon Évoquer La balanite de Zoon ou balanoposthite chronique circonscrite bénigne à plasmocytes a été décrite par Zoon en 1952 [80]. En 1954, Garnier décrit une « vulvite érythémateuse circonscrite bénigne de type érythroplastique » puis en 1955 Zoon décrit « la vulvite de Zoon » [81,82]. Vulvite et balanite de Zoon partagent la présence d'un infiltrat riche en plasmocytes en histologie et sont décrits sous 2 autres synonymes dans la littérature : « Balanite/Vulvite à plasmocytes (ou Plasma cell balanitis/vulvitis) et « Balanite/Vulvite circonscrite à plasmocytes » (ou Balanitis/Vulvitis circumscripta plasmacellularis). La balanite de Zoon affecte l'homme non circoncis d'âge moyen à âgé [83]. Elle est rare puisqu'elle ne représente que 1,4 % des dermatoses péniennes [84]. Sa prévalence n'est pas connue dans la population générale. Elle est habituellement asymptomatique et de découverte fortuite par le patient ou le personnel soignant (urologue notamment) mais un prurit, une douleur, un saignement ou une dysurie sont parfois décrits [85]. Chez la femme, la prévalence de la vulvite de Zoon dans la population générale n'est pas connue. La vulvite de Zoon est considérée comme rare. Elle affecte préférentiellement la femme en période péri- et post-ménopausique, âgée en moyenne de 55 ans. Lorsque les patientes consultent et que le diagnostic de vulvite de Zoon est posé, la majorité d'entre elles sont symptomatiques. Les brûlures vulvaires sont le symptôme le plus fréquent, suivies par le prurit et les dyspareunies, les symptômes évoluant depuis plusieurs mois ou années [86]. Une dysurie, des pertes rosées ou un saignement au frottement sont plus rares.
Reconnaître Chez l'homme, l'examen clinique montre le plus souvent une balanoposthite, c'est-à-dire une inflammation du gland et du prépuce en miroir, quoiqu'épargnant classiquement le sillon balanopréputial (figure 2.78). Plus rarement, l'atteinte est limitée au gland (figure 2.79) ou au prépuce (figure 2.80). On observe des placards maculeux brillants bien limités de
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Figure 2.78. Balanoposthite de Zoon. Figure 2.81. Forme érosive de balanoposthite de Zoon.
Figure 2.79. Balanite de Zoon.
Figure 2.82. Balanoposthite de Zoon associée à un lichen scléreux.
Figure 2.83. Balanoposthite de Zoon associée à un lichen plan.
Figure 2.80. Posthite de Zoon.
couleur rouge-orangé, ocre ou brun, parfois parsemés de points rouges (aspect dit de « poivre de Cayenne ») [87]. Des formes érosives ou végétantes sont possibles (figure 2.81). L'évolution est habituellement chronique.
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Figure 2.84. Aspect rouge orangé d'une vulvite de Zoon.
La balanite de Zoon est probablement liée à la macération de l'urine entre le gland et le prépuce, et se rencontre dans 2 situations : ■ le plus souvent, chez un homme avec défaut d'hygiène, prépuce étroit et/ou incontinence urinaire, notamment post-mictionnelle (dribbling des Anglo-Saxons) ; ■ plus rarement, chez un homme présentant une dermatose génitale chronique sous-jacente, comme un lichen scléreux ou plan responsable d'une fibrose du prépuce, la balanite de Zoon masquant parfois cliniquement le lichen sous-jacent (figures 2.82 et 2.83) [88]. Chez la femme, l'aspect typique de la vulvite de Zoon est une lésion maculeuse bien limitée, dont les contours sont nets, de couleur rouge-orangé (figure 2.84) ou « brique » et de surface brillante, non ou discrètement érosive. Comme chez l'homme, des ponctuations purpuriques peuvent être présentes (en « poivre de Cayenne »). Uniques ou multiples, les lésions siègent le plus souvent sur le vestibule (figure 2.85), qui comprend le méat urétral et l'orifice vaginal (encore appelé introïtus), la face interne des petites lèvres (figure 2.86), la fourchette et plus rarement sur le clitoris. Dans la série de Virgili et al., la surface atteinte n'était pas corrélée à la sévérité des symptômes [86].
Figure 2.85. Vulvite de Zoon vestibulaire.
Confirmer La balanite et la vulvite de Zoon partagent un aspect histologique commun caractérisé par (figure 2.87) : ■ un amincissement de l'épithélium et une disparition de la couche granuleuse ; ■ parfois une spongiose ou des cellules dyskératosiques sans atypies ; ■ un dense infiltrat inflammatoire parfois en bande dans le chorion, où prédominent les plasmocytes ; ■ des vaisseaux dilatés, une extravasation d'hématies et des dépôts d'hémosidérine à la coloration de Perls, expliquant la couleur rouge-orangé des lésions. Chez l'homme comme chez la femme, le diagnostic de balanite ou de vulvite de Zoon repose sur l'association de signes cliniques évocateurs et des aspects histologiques
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Figure 2.86. Vulvite de Zoon de la face des petites lèvres (noter la présence d'un ectropion de muqueuse urétrale.) Source : Dr Isabelle Buffières, Avignon.
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Figure 2.87. Balanite de Zoon. Aspect histopathologique. Dr Bénédicte Cavelier Balloy.
décrits. Il nécessite donc d'être le plus souvent confirmé par une biopsie. Une inflammation plasmocytaire « zoonoïde », qu'elle soit clinique et/ou histologique, peut compliquer un processus inflammatoire chronique ancien tel qu'un lichen plan ou scléreux ou une dermatose bulleuse [87,89]. Chez la femme, des critères histologiques supplémentaires sont décrits : la présence de 50 % de plasmocytes au sein de l'infiltrat serait un critère suffisant pour poser le diagnostic ; entre 25 et 50 %, la présence d'une atrophie épidermique et de dépôts hémosidériniques contribue au diagnostic ; un infiltrat comportant moins de 25 % de plasmocytes ne serait pas spécifique [90]. Un prélèvement bactériologique et mycologique est utile pour le diagnostic différentiel de la balanite de Zoon avec les balanoposthites infectieuses et pour éliminer une surinfection. En cas de prurit associé aux brûlures, un prélèvement mycologique vulvaire pourra être réalisé pour différencier une vulvo-vaginite candidosique récidivante d'une vulvite de Zoon.
Figure 2.88. Vulvite de Zoon associée à un lichen plan.
Éliminer Chez l'homme, la balanite de Zoon devra être distinguée des autres causes de placards érythémateux chroniques (érythroplasies) du gland et/ou du prépuce comme : ■ les balanoposthites infectieuses chroniques, candidosiques ou bactériennes notamment streptococciques ; ■ les dermatoses inflammatoires chroniques comme le lichen scléreux inflammatoire, le lichen plan atrophique ou érosif, le psoriasis ; ■ les balanoposthites non spécifiques [91] ; ■ les néoplasies intraépithéliales HPV-induites et différenciées. Chez la femme, les lésions vestibulaires érythémateuses et de contours nets présentes dans la vulvite de Zoon font discuter principalement : ■ un lichen plan, qui peut à long terme se « compliquer » d'une vulvite de Zoon (figure 2.88) ; ■ une néoplasie intraépithéliale HPV-induite (de type « maladie de Bowen »).
Figure 2.89. Érythème vestibulaire physiologique.
Le diagnostic de ces 2 affections nécessite une biopsie. Ce n'est pas le cas des érythèmes vestibulaires physiologiques, caractérisés par leur aspect maculeux avec des contours flous, leur symétrie et leur siège préférentiel en périphérie des orifices des glandes de Bartholin et de Skène (figure 2.89). Un aspect atrophique post-ménopausique de la muqueuse vestibulaire, entraînant une visibilité accrue du fond vasculaire et donc un aspect « pseudo-érythémateux » ne doit pas non plus être confondu avec une vulvite de Zoon. Ceci peut être particulièrement piégeant chez une patiente présentant une sensibilité vestibulaire voire une réelle vestibulodynie.
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Explorer En cas de trouble urinaire (dysurie, incontinence, etc.) associé à la balanite de Zoon, le patient sera adressé à l'urologue en vue d'un bilan urodynamique. Aucune exploration complémentaire n'est nécessaire chez une patiente présentant une vulvite de Zoon.
Comprendre La physiopathologie de la balanite de Zoon n'est pas connue précisément mais pourrait reposer sur un dysfonctionnement de la dynamique balanopréputiale [92]. Elle est fréquente chez les sujets âgés non circoncis possiblement du fait de la macération de l'urine entre le gland et le prépuce, la macération locale pouvant être favorisée par un prépuce long et serré, un défaut d'hygiène ou une incontinence urinaire notamment post-mictionnelle. Une étude récente portant sur 30 patients atteints de balanite de Zoon a identifié comme facteurs de risque un âge tardif du premier rapport sexuel, un défaut d'hygiène locale et le tabagisme [93]. Pour certains auteurs, la balanite de Zoon ne serait qu'une forme clinique et histologique particulière de balanite inflammatoire idiopathique non cicatricielle (ou balanite non spécifique), dans laquelle l'infiltrat inflammatoire du chorion peut associer en des proportions variables lymphocytes, histiocytes et plasmocytes [91,94]. Chez la femme, l'étiologie de la vulvite de Zoon n'est pas connue. Des facteurs infectieux, auto-immuns ou hormonaux en lien avec le statut hormonal de la ménopause, ont été évoqués [95]. Si l'individualisation de la vulvite de Zoon est affirmée par certains [86], elle est discutée par d'autres qui la considèrent comme le processus évolutif d'un lichen plan ou d'une autre dermatose inflammatoire touchant le vestibule [96]. Wendling et al. [97] ont émis l'hypothèse qu'il existait 2 formes de vulvite de Zoon : une forme « primaire » survenant sur une vulve par ailleurs normale et une forme « secondaire » survenant sur un lichen plan ou scléreux. Dans leur série rétrospective de 35 patientes âgées en moyenne de 65 ans, 18 présentaient une vulvite de Zoon « primaire » et 17 une vulvite de Zoon « secondaire », dont 9 associées à un lichen confirmé histologiquement (6 cas de lichen plan) et les 8 autres étaient associées à des remaniements anatomiques évocateurs de lichen quiescent. La topographie des vulvites de Zoon « primaires » était vestibulaire, tandis que les vulvites de Zoon « secondaires » étaient extra-vestibulaires (figure 2.90). Rien ne différenciait ces 2 formes sur le plan histologique. La vulvite de Zoon primaire résulterait du changement de statut hormonal de la ménopause, tandis que la vulvite de Zoon secondaire serait associée à un lichen plan, actif ou quiescent. Cette distinction, clinique plus qu'histologique, pourrait avoir des conséquences thérapeutiques.
Traiter Chez l'homme comme chez la femme, le traitement de la balanite ou de la vulvite Zoon est souvent difficile et non codifié.
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Figure 2.90. Vulvite de Zoon extra-vestibulaire associée à un lichen plan.
Chez l'homme, le traitement le plus efficace est la posthectomie totale, suivie en quelques semaines d'une disparition des lésions du gland [85,98,99]. En alternative à la posthectomie ou en cas de refus de la posthectomie, une hygiène locale rigoureuse et une corticothérapie locale forte à très forte quotidienne pendant plusieurs semaines peuvent être proposées, quoique rarement efficaces [100]. Les inhibiteurs topiques de la calcineurine (tacrolimus et pimécrolimus) ont fait preuve d'efficacité dans quelques cas rapportés mais leur efficacité n'a jamais été évaluée de façon prospective et contrôlée [101,102]. L'inconstance de leur efficacité a été mentionnée et ils nous semblent peu efficaces dans notre expérience [103]. La prudence s'impose d'autant plus qu'un cas de néoplasie intraépithéliale HPV-induite à type d'érythroplasie de Queyrat survenu 1 mois après le traitement d'une balanite de Zoon par pimécrolimus a été publié [104], même si le délai bref de survenue plaide plus pour une coexistence initiale des 2 dermatoses ou pour une forme de néoplasie intraépithéliale avec inflammation zoonoïde non diagnostiquée avant l'introduction du pimécrolimus. Des cas anecdotiques décrivent l'efficacité d'antibiotiques topiques (acide fusidique [105], mupirocine [106]), de la photothérapie dynamique [107] et de la thalidomide [108]. Wollina et al. ont rapporté une série de 20 patients traités par laser ablatif Er:YAG et ont observé une guérison complète sans récidive chez 100 % des patients, avec cependant un suivi que l'on peut juger trop court (durée moyenne du suivi : 12,1 mois) [109]. En effet, dans une autre série de 5 patients traités par laser CO2, une absence de récidive n'a été constatée que chez 3 patients (suivis respectivement pendant 2, 5 et 6 ans) alors que 2 patients ont rechuté après 1 et 3 ans [110]. Finalement, en cas de refus de la posthectomie et échec du traitement topique et des mesures d'hygiène, une abstention thérapeutique associée à une surveillance clinique régulière peut être proposée. Chez la femme, une toilette « douce » et un émollient ou un topique « cicatrisant » sont à conseiller, en complément d'un traitement médicamenteux dont aucun n'a fait l'objet d'une étude prospective contrôlée. Des modalités thérapeutiques très variables sont ainsi proposées, les plus fréquemment citées étant : les dermocorticoïdes puissants
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ou très puissants, l'association d'un dermocorticoïde à un antibiotique topique tel que l'acide fusidique en crème, le tacrolimus topique et l'imiquimod [111]. Une seule étude rétrospective et de petit effectif (24 patientes) a évalué 3 traitements topiques : association fixe acide fusidique/ bétaméthasone valérate 0,1 %, clobétasol propionate 0,05 % et tacrolimus 0,1 %. Aucune différence n'était notée et si les symptômes étaient améliorés, les signes cliniques ne l'étaient que partiellement [112]. Selon Wendling et al., les formes primitives de vulvite de Zoon pourraient être améliorées par une œstrogénothérapie locale (crème et/ou ovules), tandis que les formes secondaires, particulièrement celles associées à un lichen actif, bénéficieraient d'un dermocorticoïde en priorité [97]. Exceptionnellement, un traitement chirurgical a pu être proposé, traitement qui ne nous semble pas être une option thérapeutique à retenir [113,114]. En pratique, dans notre expérience, les dermocorticoïdes, les œstrogènes topiques (en l'absence de contre-indication) et des soins émollients sont à proposer en première intention dans la vulvite de Zoon.
Surveiller L'association d'une balanite de Zoon et d'une néoplasie intraépithéliale [104,115] voire d'un carcinome épidermoïde [116,117] a rarement été rapportée, faisant soulever différentes hypothèses comme une association fortuite, une balanite de Zoon favorisée par la néoplasie sous-jacente ou enfin un diagnostic erroné de balanite de Zoon devant une inflammation zoonoïde de la néoplasie ou d'une dermatose sous-jacente (lichen scléreux) à risque de transformation. Cependant, il semble nécessaire, en l'absence de traitement curatif par posthectomie, de réaliser une surveillance clinique au moins annuelle, étant donné le risque théorique quoique faible de survenue d'une néoplasie intraépithéliale sur une balanite de Zoon. La vulvite de Zoon est une affection bénigne, d'évolution chronique, susceptible de retentir sur la qualité de vie des patientes. La surveillance des patientes vise essentiellement à évaluer l'efficacité des traitements proposés.
Dire ■
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La balanite et la vulvite de Zoon sont des affections bénignes mais d'évolution chronique. L'abstention thérapeutique est possible en l'absence de gêne.
Retenir ■
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Une biopsie est nécessaire pour confirmer le diagnostic de vulvite de Zoon et de balanite de Zoon. Deux formes de vulvite de Zoon peuvent être individualisées : « primitive » sur vulve normale ou « secondaire » associée à un lichen, plan le plus souvent, quiescent ou actif.
Distinguer homme/femme ■
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La balanite de Zoon semble plus fréquente que la vulvite de Zoon. La balanite et la vulvite de Zoon ne semblent pas partager la même étiopathogénie. La posthectomie est le traitement le plus efficace de la balanite de Zoon. Le traitement de la vulvite de Zoon est médical : dermocorticoïde, œstrogènes topiques et émollients.
Balanite et vulvite non spécifiques Évoquer Une balanite ou une vulvite correspondent à une inflammation du gland ou de la vulve, chronique ou aiguë, d'origine infectieuse (Candida albicans, streptocoques, etc.), inflammatoire (balanite ou vulvite de Zoon, lichen plan, psoriasis, etc.), allergique ou irritative. Chez l'homme, l'atteinte du prépuce peut être associée, réalisant une balanoposthite. Lorsqu'aucune cause ne peut être identifiée, doit être évoqué le diagnostic de balanite non spécifique (BNS) qui correspond à un diagnostic d'exclusion reposant sur un aspect clinique compatible et un bilan étiologique microbiologique voire histologique négatif. La BNS est un motif fréquent de consultation ce qui contraste avec la pauvreté de la bibliographie sur le sujet. Dans des consultations spécialisées en pathologie génitale masculine, le diagnostic de BNS était porté après biopsie chez 26 % des patients au Royaume-Uni [118] et 7 % en France [119]. La prévalence de la BNS n'est pas connue dans la population générale. La BNS est le plus souvent asymptomatique mais un prurit, des brûlures, une dyspareunie ou une odeur désagréable sont parfois rapportés. L'aggravation des lésions au décours des rapports sexuels est habituelle. La faible intensité des signes fonctionnels contraste souvent, chez les sujets jeunes en particulier, avec le retentissement important sur la qualité de vie générale et sexuelle (évitement des rapports) en lien avec la crainte d'avoir contracté et de pouvoir transmettre une infection sexuellement transmissible. L'interrogatoire cherchera à préciser les antécédents personnels et familiaux dermatologiques (atopie notamment), les antécédents personnels de diabète et de trouble prostatique, les examens précédemment réalisés, les traitements entrepris et leur efficacité, les habitudes d'hygiène locale, les éventuels topiques appliqués sur la zone génitale (antiseptiques, déodorants), l'existence de symptômes gynécologiques chez la partenaire, les habitudes sexuelles (rapports protégés ou non, changement de partenaire). Chez la femme adulte, le terme de « vulvite non spécifique » n'est pas utilisé en tant que tel dans la littérature. Ce n'est pas le cas chez la fillette en période prépubertaire chez qui le terme de « vulvo-vaginite non spécifique » est
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
fréquemment cité, en particulier dans la littérature gynécologique [120–122]. Ainsi la « vulvo-vaginite non spécifique » est considérée comme la cause la plus fréquente des vulvo-vaginites de la fillette consultant en gynécologie, représentant 70 à 80 % des cas [121,122], alors qu'il s'agit le plus souvent d'une « vulvite non spécifique », le vagin étant épargné [121]. Cependant, dans une série de 130 fillettes examinées cette fois en dermatologie pour « symptômes vulvaires » [123], le terme « vulvite non spécifique » n'apparaît pas, les dermites (« dermatitis ») d'irritation ou la dermatite atopique représentant les diagnostics les plus fréquents (33 %). Le terme « vulvite non spécifique » pourrait, comme le soulignent Loveless et al., recouvrir essentiellement des dermites vulvaires d'irritation, très fréquentes chez l'enfant [121]. Quoi qu'il en soit, la « vulvite non spécifique » ou « vulvite irritative » d'évolution aiguë ou chronique, chez l'adulte comme chez l'enfant, peut se manifester par un prurit, une sensation d'inconfort, d'irritation ou de brûlure, ou parfois une dysurie.
Figure 2.92. Périméatite non spécifique.
Reconnaître La BNS ne survient que chez l'homme non circoncis, sous la forme d'un érythème, rarement squameux, le plus souvent mal limité, situé sur le gland de façon diffuse (balanite) ou atteignant préférentiellement la base du gland (balanite proximale) et/ou la zone méatique (méatite) et périméatique (figures 2.91 et 2.92). La balanite est volontiers associée à une inflammation du sillon balanopréputial et de la face interne du prépuce, réalisant une balanoposthite, parfois érosive (figures 2.93, 2.94 et 2.95) Le sillon balanopréputial peut être le siège de dépôts de smegma, ne traduisant pas forcément un défaut d'hygiène mais parfois une simple hyperproduction. Une balanite érythémateuse ponctuée associée à une posthite érythémateuse diffuse est possible, des pustules ou des érosions postpustuleuses étant plus rares. L'évolution est souvent chronique chez le sujet âgé et récidivante chez le sujet jeune, déclenchée ou aggravée par les rapports sexuels.
Figure 2.91. Balanite non spécifique proximale.
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Figure 2.93. Balanoposthite non spécifique diffuse.
Figure 2.94. Posthite non spécifique.
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Figure 2.95. Balanoposthite non spécifique érosive.
Figure 2.97. Vulvite non spécifique de la fillette. Source : C. Léauté-Labrèze, unité de dermatologie pédiatrique, hôpital Pellegrin-Enfants, CHU Bordeaux.
Figure 2.96. Balanoposthite non spécifique associée à un frein court et large.
Les facteurs de risques de BNS doivent être recherchés à l'interrogatoire ou à l'examen clinique : retard au décalottage complet dans l'enfance, frein court, prépuce long, prépuce serré voire phimosis (congénital ou secondaire à un lichen scléreux), grains de Fordyce (glandes sébacées hétérotopiques) nombreux sur la face interne du prépuce, fossette naviculaire large, hypospadias, excès ou insuffisance d'hygiène locale, incontinence urinaire, micro-incontinence post-mictionnelle (« gouttes retardataires » ou dribbling des Anglo-Saxons) (figure 2.96). Chez l'enfant comme chez l'adulte, la vulvite irritative non spécifique se manifeste par un érythème vulvaire, plus ou moins intense (figures 2.97 et 2.98). Il n'y a habituellement pas d'atteinte vaginale. L'interrogatoire recherchera principalement une hygiène inadaptée, excessive ou insuffisante, le port de couches la nuit chez l'enfant, une incontinence urinaire avec port de protection chez l'adulte ou parfois non signalée spontanément par la patiente.
Figure 2.98. Vulvite non spécifique de l'adulte.
Confirmer Chez l'homme une biopsie est recommandée en cas de balanoposthite chronique, en l'absence d'argument clinique ou anamnestique pour une autre cause et après avoir éliminé une infection bactérienne ou fongique. La biopsie peut être optionnelle en cas de balanite intermittente, le caractère non fixe des lésions éliminant une lésion précancéreuse ou cancéreuse. L'examen histopathologique est peu spécifique (figure 2.99). Il existe habituellement dans le chorion un infiltrat inflammatoire non spécifique d'abondance variable composé de lymphocytes parfois associés à quelques plasmocytes et/ ou polynucléaires neutrophiles. Le dermato-pathologiste doit vérifier l'absence de signes en faveur d'un lichen plan
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Figure 2.99. Balanoposthite non spécifique. Aspect histopathologique. Source : Dr B. Cavalier-Balloy.
(altérations de la membrane basale, cellules apoptotiques, infiltrat en bande dans le chorion), d'un psoriasis (hyperkératose parakératosique, hyperacanthose psoriasiforme avec allongement des papilles dermiques, infiltrat lymphocytaire dans le chorion, microabcès intraépithéliaux de MunroSabouraud à polynucléaires neutrophiles), d'une balanite de Zoon (infiltrat riche en plasmocytes, dépôts d'hémosidérine), d'une néoplasie intraépithéliale (désorganisation architecturale de l'épithélium et atypies kératinocytaires). Un décollement artéfactuel de la jonction dermo-épidermique est possible mais impose la réalisation d'une immunofluorescence directe afin d'écarter une dermatose bulleuse auto-immune. Enfin, la coloration par le PAS (periodic acid Schiff) doit éliminer une candidose, mais cette coloration peut être faussement négative en cas d'application préalable d'antifongiques. Chez la fillette, le diagnostic de vulvite irritative non spécifique est clinique et ne nécessite pas de biopsie. Le prélèvement bactériologique est négatif ou bien il met en évidence une flore non pathogène, cutanée ou digestive « de proximité » [121]. Chez une patiente adulte, un prélèvement bactériologique et surtout mycologique sera réalisé en cas de suspicion de « surinfection », candidosique en particulier en cas d'incontinence urinaire (figure 2.100) et la « résistance » de l'érythème vulvaire pourra conduire à réaliser une biopsie.
Éliminer Le recueil des antécédents personnels et familiaux, l'examen des autres muqueuses, du tégument et des phanères peuvent orienter vers des balanites ou des vulvites de cause dermatologique (psoriasis, lichen plan, etc.) et en particulier atopique chez la fillette (figure 2.101). Chez l'homme, il est nécessaire de réaliser un examen bactériologique et mycologique afin d'éliminer une balanite chronique ou intermittente candidosique (notamment chez le diabétique) ou bactérienne (streptocoque du groupe A, B, C ou G, Staphylococcus aureus, etc.). Le prélèvement doit être réalisé avant toute toilette locale, en période symptomatique lorsque les lésions sont intermittentes et en l'absence
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Figure 2.100. Surinfection candidosique d'une vulvite d'incontinence.
Figure 2.101. Vulvite atopique.
d'application préalable d'antifongiques ou d'antibactériens afin d'éviter un résultat faussement négatif. Un résultat positif devra être interprété avec prudence en tenant compte du portage saprophyte de levures et bactéries, afin de ne pas considérer une BNS colonisée comme une balanite infectieuse. Des prélèvements spécifiques seront réalisés en cas de suspicion de balanite syphilitique de Follman (sérologie syphilitique, PCR Treponema pallidum voire biopsie pour examen histologique standard et immunomarquage anti-tréponème), de balanite satellite d'une infection herpétique ou de balanite érosive (PCR HSV 1 et 2), de balanite satellite d'une urétrite (PCR urinaire Neisseria gonorrhoeae, Chlamydia trachomatis et Mycoplasma genitalium) [124]. Chez la fillette, le prélèvement bactériologique est l'examen à réaliser au moindre doute afin de ne pas mécon-
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
naître une vulvo-vaginite bactérienne, liée principalement à Streptococcus pyogenes, Haemophilus influenzae ou des germes digestifs (E. coli). Le prélèvement mycologique est par contre inutile, la vulvo-vaginite candidosique, dont aucun cas n'était noté dans la série pédiatrique de 130 patientes de Fischer et al. [123]., étant très rare chez l'enfant du fait de l'absence d'œstrogénisation du vagin avant la puberté. En cas de pertes nauséabondes et récidivantes, la possibilité d'un corps étranger intravaginal (papier toilette le plus souvent) sera évoquée [120,122]. Chez la femme adulte, des prélèvements bactériologique et mycologique, vulvaires et vaginaux, seront réalisés au moment d'une poussée, en dehors de tout traitement afin d'éliminer avant tout une vulvite ou une vulvo-vaginite candidosique récidivante, plus rarement une infection bactérienne (vulvite streptococcique). Le caractère fixe des lésions, résistant ou récidivant malgré une prise en charge adaptée fera réaliser une biopsie afin d'éliminer un psoriasis, une maladie de Paget vulvaire, un eczéma de contact.
Explorer Aucun examen complémentaire n'est indiqué une fois le diagnostic de BNS ou de vulvite irritative non spécifique établi et les diagnostics différentiels éliminés, en dehors d'un bilan urologique en cas de signes fonctionnels urinaires (ECBU, bilan urodynamique, exploration vésicoprostatique chez l'homme).
Comprendre Chez l'homme, la BNS serait plus fréquente chez le sujet atopique et en cas d'hygiène excessive (toilette pluriquotidienne, utilisation abusive d'antiseptiques, etc.) [125]. La physiopathologie repose principalement sur un dysfonctionnement de la dynamique balanopréputiale, la responsabilité du prépuce étant suggérée par l'absence de BNS chez les hommes circoncis. Le prépuce entraînerait une macération de l'urine, du sperme et du smegma (effet Koebner) et possiblement une prolifération de la flore microbienne saprophyte. L'humidité locale peut être augmentée par un prépuce long, serré et un frein court. Ainsi, dans une étude portant sur 422 hommes non circoncis, il a été montré que l'humidité du gland était accrue chez les hommes avec un prépuce long et chez ceux présentant une balanite [126]. Chez la fillette, la proximité entre l'anus et le vagin, l'absence de protection par la pilosité pubienne, par les petites lèvres non encore développées et par les grandes lèvres pauvres en tissu adipeux, mais surtout une hygiène inadaptée (essuyage insuffisant des urines, essuyage « d'arrière en avant », absence de lavage des mains, utilisation de savons et de bains moussants mal rincés, etc.) sont les multiples facteurs rendant la vulve vulnérable aux irritations. Parfois, il s'agit au contraire d'une hygiène excessive, comme c'est souvent le cas chez la femme adulte.
Traiter Chez l'homme, le traitement de la BNS est souvent difficile et non codifié. La posthectomie est le seul traitement constamment efficace, cette option devant être abordée avec le patient dès la première consultation [127]. Une plastie du frein en cas de frein court ou une plastie dorsale d'élargissement du prépuce (plastie de Duhamel) en cas de prépuce serré (mais en l'absence de lichen scléreux sous-jacent) peuvent être discutées, quoiqu'inconstamment efficaces. Avant de recourir au traitement chirurgical, des règles d'hygiène simple doivent être rappelées au patient : toilette quotidienne après décalottage utilisant un produit non agressif suivie d'un rinçage et d'un séchage soigneux, décalottage au cours de la miction, séchage du gland après la miction, éviction des topiques irritants, utilisation de lubrifiants lors des rapports sexuels, toilette immédiate après un rapport sexuel. Il peut être demandé au patient de rester décalotté au maximum, ce qui n'est possible qu'en l'absence de frein du prépuce court. Des topiques à base de cuivre et zinc, des pâtes à l'eau ou une solution diluée de nitrate d'argent peuvent être proposés mais leur efficacité est limitée et non évaluée. L'utilisation de topiques médicamenteux (ciclopiroxolamine crème, dermocorticoïdes de niveau modéré à très fort) peut s'avérer efficace chez certains patients, bien qu'aucune étude ne valide cet usage. Une étude portant sur 26 patients suggère l'intérêt du pimécrolimus en crème à 1 % (non disponible en France) dans la prise en charge des balanites non spécifiques récidivantes [128]. Enfin, l'abstention peut être proposée en cas de BNS peu symptomatique et sans retentissement important sur la qualité de vie générale et sexuelle. Chez la fillette, comme chez la femme adulte, ce sont aussi et avant tout des conseils concernant l'hygiène vulvaire qui seront donnés : toilette douce avec un savon surgras, un syndet ou une huile de lavage, rinçage soigneux, séchage délicat ; éviter les lingettes parfumées, les bains moussants ; procéder à un essuyage de la vulve vers l'anus et non pas le contraire, et insister sur le lavage des mains. Des topiques émollients, voire des dermocorticoïdes de niveau modéré à fort pourront être proposés brièvement dans les cas les plus intenses.
Surveiller En cas d'abstention thérapeutique, une surveillance annuelle doit être proposée au patient, ou au minimum une information sur la nécessité de consulter en cas de modification de l'aspect clinique. En effet, l'inflammation chronique est considérée comme un facteur de risque de carcinome épidermoïde du pénis, bien que ce risque ne soit pas précisément évalué et semble très inférieur au risque représenté par l'infection à HPV oncogène et le lichen scléreux [129].
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Dire ■ ■
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La BNS est fréquente et sans gravité. La BNS n'est pas une infection sexuellement transmissible. Le seul traitement constamment efficace est la circoncision.
Retenir ■
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La BNS est un motif fréquent de consultation en pathologie génitale masculine. Elle a un retentissement important sur la qualité de vie générale et sexuelle. La posthectomie est la seule option thérapeutique constamment efficace. La vulvite non spécifique est fréquente chez la fillette, chez qui elle est avant tout liée à une hygiène inadaptée ; chez la femme, elle peut être liée à une hygiène excessive et elle doit aussi faire rechercher une incontinence urinaire.
Le psoriasis génital est plus fréquent chez les hommes que chez les femmes avec un sex-ratio compris entre 1,3 et 2,4 [133,134]. Il est symptomatique chez 70 % des patients, plus souvent chez les femmes que chez les hommes [131]. Le prurit est le symptôme le plus fréquent, suivi par les brûlures et les dyspareunies [131,135].
Reconnaître Le diagnostic de psoriasis génital est habituellement clinique. Cette localisation particulière est associée dans la grande majorité des cas à des lésions extra-génitales, l'atteinte génitale isolée ne concernant que 2 à 5 % des patients. Certaines des caractéristiques séméiologiques typiques de la plaque de psoriasis sont présentes dans la région génitale, telles que les contours nets et l'aspect érythémateux (figures 2.102, 2.103 et 2.104). La présence de squames est par contre inconstante, les lésions érythémateuses non squameuses (45 %) étant plus fréquentes que les lésions érythémato-squameuses (40 %) [131] (figures 2.105 et 2.106). Du fait de l'humidité locale, le psoriasis de la face interne des grandes lèvres et des petites lèvres a l'aspect d'une plaque érythémateuse, lisse et
Distinguer homme/femme La fréquence élevée de la balanite non spécifique chez l'homme en fait un diagnostic individualisé « à part entière » ce qui est aussi le cas chez la fillette, mais pas chez la femme adulte.
Psoriasis
Figure 2.102. Psoriasis du pubis.
Évoquer L'atteinte génitale au cours du psoriasis est fréquente, 33 à 63 % des patients déclarant avoir présenté des lésions génitales de psoriasis au cours de leur histoire [130]. La prévalence instantanée du psoriasis génital varie selon les études de 12 à 42 % [130]. Dans l'étude française GENIPSO, 43 % des patients, traités ou non, consultant pour un psoriasis extra-génital et examinés par un dermatologue, présentaient une atteinte génitale [131]. Alors que 100 % des patients connaissaient leur atteinte génitale, seuls 40 % d'entre eux déclaraient avoir déjà eu un examen de la région génitale. Ce défaut de prise en charge avait été souligné dans une étude précédente : 45,8 % des patients n'avaient jamais discuté de leur atteinte génitale avec leur dermatologue, seuls 25 % considéraient que ce dernier y accordait suffisamment d'attention et près de 70 % d'entre eux n'avaient jamais traité leur atteinte génitale [132].
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Figure 2.103. Psoriasis des zones cutanéo-pileuses.
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Figure 2.104. Psoriasis des zones cutanéo-pileuses.
Figure 2.106. Psoriasis érythémateux non squameux. Noter la limite nette de la plaque.
Figure 2.105. Psoriasis érythémateux non squameux.
bien limitée (figure 2.107) tandis que le psoriasis du gland est souvent érythémateux non squameux chez l'homme non circoncis (figure 2.108) et érythémato-squameux chez l'homme circoncis (figure 2.109). La présence de fissures ou d'érosions liées au grattage peut être responsable de
Figure 2.107. Psoriasis vulvaire en zone humide. Absence de squames.
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Figure 2.108. Psoriasis du gland érythémateux non squameux chez un homme non circoncis. Figure 2.110. Psoriasis prurigineux excorié.
Figure 2.109. Psoriasis du gland érythémateux squameux chez un homme circoncis.
dyspareunies ou de brûlures (figure 2.110). Contrairement à d'autres dermatoses inflammatoires telles que le lichen scléreux ou le lichen plan, le psoriasis génital ne crée pas de synéchie et ne modifie pas les reliefs anatomiques. Sur le plan topographique, le psoriasis génital se localise préférentiellement en zone pileuse (pubis, périnée, face pileuse des grandes lèvres, fourreau du pénis, scrotum) (figure 2.111) ou simultanément en zone pileuse et non pileuse (figure 2.112), l'atteinte isolée des zones génitales non pileuses (gland et face interne du prépuce, face interne des grandes lèvres et petites lèvres chez la femme) étant plus rare [131]. Ainsi chez l'homme, la localisation la plus fréquente est le fourreau du pénis (36 %) (figure 2.113) , suivie
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Figure 2.111. Psoriasis du pubis, de la base du fourreau du pénis et du scrotum.
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Figure 2.114. Psoriasis du sillon interfessier.
Figure 2.112. Psoriasis avec atteinte des zones pileuses et non pileuses.
Figure 2.115. Psoriasis des plis inguinaux.
Figure 2.113. Psoriasis du fourreau du pénis.
du scrotum (33 %) et du gland (29 %) [135] et chez la femme, l'atteinte des grandes lèvres (51 %) est suivie par celle du périnée (28 %) et des petites lèvres (23 %) [135]. Il est à noter que la localisation du psoriasis sur la muqueuse vestibulaire n'a jamais été décrite chez la femme [131]. L'atteinte péri-génitale, du sillon interfessier en particulier, très fréquemment associée et fissurée permet de conforter le diagnostic ainsi que certaines localisations extra-génitales, significativement associées au psoriasis génital, telles que les plis (ou « psoriasis inversé ») (figures 2.114 et 2.115), le cuir chevelu, le conduit auditif externe ainsi que les ongles [131,135]. Il faut savoir rechercher ces lésions extra- et péri-génitales parfois discrètes car leur présence constitue des arguments diagnostiques
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
en faveur d'un psoriasis génital, en particulier lorsque les lésions sont moins typiques : ■ aspect pâle pouvant faire discuter un lichen scléreux (figure 2.116) ; ■ aspect lichénifié lié au grattage (figure 2.117) ; ■ aspect de papules (figure 2.118) ou de micropapules (figure 2.119) simulant un lichen plan ou des syphilides ; ■ aspect annulaire (figure 2.120) ; ■ exceptionnellement, le psoriasis génital peut se présenter sous la forme d'une balanite pustuleuse isolée (figure 2.121) [136]. Figure 2.118. Psoriasis papuleux du gland.
Figure 2.116. Psoriasis pâle.
Figure 2.119. Psoriasis micropapuleux du fourreau du pénis.
Figure 2.117. Psoriasis lichénifié.
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Figure 2.120. Psoriasis annulaire du gland.
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Confirmer Le diagnostic de psoriasis génital est habituellement clinique lorsqu'il existe des atteintes extra-génitales typiques (cutanées, unguéales ou articulaires) ou des antécédents familiaux de psoriasis. Par contre, en cas d'atteinte génitale exclusive, la biopsie cutanée ou muqueuse peut s'avérer nécessaire. En histopathologie, le psoriasis des zones génitales cutanées (pubis, fourreau et face externe du prépuce chez l'homme, grandes lèvres chez la femme) est identique au psoriasis cutané habituel : hyperkératose parakératosique, hyperacanthose psoriasiforme avec allongement des papilles dermiques, infiltrat dermique lymphocytaire, microabcès épidermiques de Munro-Sabouraud à polynucléaires neutrophiles. Sur les zones muqueuses, où l'épiderme et le derme laissent place respectivement à l'épithélium et au chorion, on observe une parakératose constante, une exocytose de polynucléaires neutrophiles formant parfois des pustules, une acanthose psoriasiforme et un infiltrat lymphocytaire dermique d'intensité variable parfois associé à des plasmocytes (figure 2.122).
riasis, pourrait être qualifié de « sébopsoriasis » génital (figure 2.123), dermatite atopique, dermite de contact, lichen plan, lichen scléreux, lichénification, néoplasie intraépithéliale (figure 2.124), maladie de Paget (figure 2.125), infection
Éliminer La variété des aspects cliniques du psoriasis génital explique la diversité des diagnostics différentiels à envisager : dermite séborrhéique dont l'aspect, proche de celui du pso-
Figure 2.123. Dermatite séborrhéique ou « sébopsoriasis » vulvaire.
Figure 2.124. Plaque érythémateuse bien limitée du gland correspondant à une néoplasie intraépithéliale HPV-induite (maladie de Bowen). Figure 2.121. Psoriasis pustuleux du gland.
Figure 2.122. Aspects histopathologiques du psoriasis génital. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
Figure 2.125. Maladie de Paget. Résistance aux dermocorticoïdes.
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Figure 2.126. Balanite circinée au cours d'un syndrome de Fiessinger-Leroy.
candidosique, dermatophytique ou streptococcique. Plus particulièrement chez l'homme, on éliminera un syndrome de Fiessinger-Leroy en cas de balanite circinée (figure 2.126) et une balanite non spécifique. Deux examens complémentaires peuvent alors être utiles : ■ la biopsie cutanée est réalisée notamment en cas de résistance au traitement dermocorticoïde rendant le diag nostic de psoriasis génital moins probable. Si le psoriasis génital ne peut être distingué sur le plan histo-pathologique de la balanite circinée du syndrome de FiessingerLeroy, le principal diagnostic différentiel histologique est représenté par la candidose génitale puisque l'aspect histologique de celle-ci est superposable au psoriasis en coloration standard (hématoxyline-éosine). Seule la coloration par le PAS (periodic acid Schiff) pourra identifier des éléments fongiques en cas de candidose, en sachant que cette coloration peut faire défaut en cas d'application préalable d'antifongiques, faisant alors faussement poser le diagnostic de psoriasis. Avant de conclure à un psoriasis devant une histologie évocatrice, on veillera donc à éliminer un traitement antifongique antérieur à la biopsie et on vérifiera la négativité du prélèvement mycologique ; ■ les prélèvements mycologique et bactériologique sont indiqués devant une balanite érythémateuse ou pustuleuse afin d'éliminer une cause infectieuse streptococcique ou candidosique notamment chez l'homme, certaines formes de vulvo-vaginite candidosique récidivante (figure 2.127) ou de dermatophytose (figure 2.128 en attente) parfois particulièrement trompeuses chez la femme, ou encore en cas de suspicion de surinfection d'un psoriasis génital connu, bien que cette dernière éventualité soit rare en pratique.
Explorer Les atteintes psoriasiques du cuir chevelu, des plis, des ongles et des conduits auditifs externes seront recherchées soigneusement car associées significativement au psoriasis génital [131,135]. Bien que l'atteinte articulaire semble liée spécifiquement aux localisations du cuir chevelu, des ongles et du pli interfessier [137,138] et non pas génitales, un interrogatoire et un examen clinique à la recherche de signes de psoriasis articulaire sera réalisé par principe comme chez tout patient psoriasique.
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Figure 2.127. Vulvo-vaginite candidosique récidivante simulant un psoriasis.
Figure 2.128. Dermatophytose à Microsporum canis du pubis.
L'évaluation de la sévérité de l'atteinte génitale est mise en défaut par les scores habituels basés sur la surface de peau atteinte, à savoir le PASI (psoriasis area and severity index) et le BSA (body surface area) puisque la zone génitale ne représente que 1 % de la surface cutanée. Par contre, cette sévérité peut être objectivée par différents outils, développés et utilisés principalement dans le cadre d'essais thérapeutiques : ■ le modified genital psoriasis area and severity index (genital PASI) [139] :
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Genital PASI = (E + S + T) × A E (erythema, érythème), S (scaling, squame) et T (thickness, épaisseur), évalué sur une échelle de 0 à 4. A : area (surface de l'atteinte génitale, à l'exclusion des aires inguinales), évalué sur une échelle de 0 à 6. Ce score varie entre 0 (absence de psoriasis génital) et 72 (psoriasis génital le plus sévère) ; ■ le static physician's global assessment of genitalia (sPGA-G) [140] : l'érythème, l'épaisseur et la desquamation sont côtés de 0 à 6 (0 – pas de lésion – à 6 – très sévère) et les localisations évaluées sont la région vulvaire avec les grandes lèvres, les petites lèvres et le périnée pour les femmes et le pénis, le scrotum et le périnée pour les hommes ; ■ le genital psoriasis symptoms scale (GPSS) [141] : le prurit, la douleur, l'inconfort, la sensation de cuisson, les brûlures, l'érythème, la desquamation et les fissures sont évalués entre 0 et 10 durant les 24 dernières heures.
Comprendre Étant donné la forte prévalence du psoriasis génital, il est important de ne pas négliger l'examen génital chez tout patient psoriasique, traité ou non [131,142]. Dans l'étude GENIPSO, alors qu'ils consultaient pour un psoriasis extra-génital, 85 % des patients ont accepté cet examen ce qui souligne l'importance de ne pas préjuger de la pudeur des patients [131]. Cela peut permettre en outre d'aborder le retentissement de l'atteinte génitale sur la qualité de vie et la question des difficultés sexuelles rencontrées par certains d'entre eux. La présence d'une atteinte génitale au cours du psoriasis altère la qualité de vie générale des patients, comme l'objective l'élévation significative du DLQI (dermatology life quality index) par rapport à celui des patients indemnes d'atteinte génitale [131,135,143]. Cette atteinte est aussi associée dans certaines études à des symptômes dépressifs [135,144]. La qualité de vie sexuelle est un sujet rarement abordé en consultation, or il a été montré que 43 % des patients souhaitent que leur médecin accorde plus d'attention à leurs difficultés sexuelles et les questionne à ce propos [143]. Le psoriasis, génital ou non, est associé à une dysfonction sexuelle dans 22,6 à 71,3 %, selon les caractéristiques des échantillons de patients et les outils de mesure utilisés [145]. Chez les hommes psoriasiques, le risque de dysfonction érectile est augmenté dans la plupart des études utilisant le score IIEF (international index of erectile function) [145]. Chez les femmes psoriasiques, chez qui le nombre d'études consacrées à la dysfonction sexuelle est moindre, il existe une altération du FSFI (female sexual function index) [146,147]. Quant au psoriasis spécifiquement génital, il a un impact négatif sur la qualité de vie sexuelle, à la fois chez les hommes et les femmes ou uniquement chez les femmes selon les études et les échelles de qualité de vie sexuelle utilisées [131,135,143], certaines évaluant le retentissement psycho-
logique (le vécu) du psoriasis sur la sexualité, d'autres évaluant la fonction sexuelle au sens strict du terme (qualité de l'érection, possibilité de pénétration, etc.). Un score de qualité de vie sexuelle spécifique au psoriasis génital a été développé [148].
Traiter Il n'existe actuellement pas de recommandations spécifiques concernant le traitement du psoriasis génital. Toutefois, cette atteinte, au même titre que d'autres localisations particulières, doit être prise en compte dans le choix et l'évaluation de l'efficacité d'un traitement [149,150]. Les dermocorticoïdes, pierre angulaire du traitement local, sont à proposer en première intention. Leur puissance nous semble devoir être adaptée à la topographie précise de l'atteinte génitale : ■ dermocorticoïde puissant ou très puissant pour les atteintes des zones cutanées, notamment prurigineuses afin de limiter le phénomène de Koebner lié au grattage, ainsi que sur les muqueuses ; ■ dermocorticoïde d'activité plus modérée dans les plis. Si l'association bétaméthasone/calcipotriol peut est proposée, elle nous semble devoir être limitée à l'atteinte cutanée du fait du caractère potentiellement irritant des dérivés topiques de la vitamine D sur les muqueuses. Le tacrolimus topique, s'il est toléré, peut être utile en traitement d'attaque ou d'entretien, sa prescription étant hors AMM dans cette indication. Enfin, il ne faut pas hésiter, comme sur les lésions extra-génitales, à conseiller l'application d'un émollient. L'efficacité spécifique des traitements systémiques du psoriasis, conventionnels ou biologiques, n'a pas fait l'objet d'étude en dehors de l'ixékizumab. Cet anti-Il17 a montré sa supériorité significative versus placebo sur des lésions de psoriasis génital modérées à sévères mais aussi sur les symptômes fonctionnels liés à cette atteinte [151,152].
Surveiller La surveillance clinique consistera à évaluer l'efficacité du traitement sur le psoriasis génital et l'amélioration de la qualité de vie générale et sexuelle, mais aussi sa tolérance locale, du fait du risque, toutefois peu fréquent, de surinfection candidosique ou de survenue de condylomes sous corticothérapie locale.
Dire ■ ■ ■
■
Le psoriasis génital est fréquent. Il n'est pas contagieux. Il peut être responsable de douleurs et de démangeaisons. Il peut induire des difficultés dans la vie intime et relationnelle. 77
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Retenir ■
■
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Étant donné sa fréquence et son retentissement sur la qualité de vie générale et sexuelle, il est important de rechercher une atteinte génitale chez tout(e) patient(e) consultant pour un psoriasis extra-génital. Le diagnostic est clinique devant une atteinte génitale évocatrice associée à des atteintes extra-génitales typiques ou des antécédents familiaux de psoriasis. La corticothérapie locale est le traitement de première intention.
Reconnaître Hormis dans le cas d'un eczéma de contact aigu caractérisé par la présence d'un œdème et d'un érythème mal limité, vésiculeux et suintant (figures 2.129 et 2.130) ou d'une urticaire de contact au latex se traduisant par un œdème et un prurit d'installation rapide après le rapport sexuel, l'aspect clinique ne permet habituellement pas de différencier
Distinguer homme/femme ■ ■ ■
Le psoriasis génital est plus fréquent chez les hommes. Il est plus souvent symptomatique chez les femmes. Son retentissement sur la vie sexuelle est plus constamment démontré chez la femme que chez l'homme.
Dermatites de contact irritatives et allergiques
Figure 2.129. Dermite de contact aiguë du pénis et du scrotum à la chlorhexidine.
Évoquer Les dermatites de contact génitales peuvent être d'origine irritative ou allergique. Chez la femme, les vulvites irritatives sont en pratique quotidienne les plus fréquentes, bien qu'une étude ayant testé 1 008 patients, hommes et femmes, pour des « symptômes anogénitaux » ait retenu 35 % de dermatite de contact allergique et 23 % de dermatite de contact irritative [153]. Cette dernière peut être aiguë, équivalente alors d'une brûlure chimique par un irritant puissant, ou chronique, liée alors au contact répété avec un irritant plus faible [154]. Les eczémas de contact vulvaires peuvent être aigus, subaigus ou chroniques. Chez l'homme, il s'agit d'un motif rare de consultation. Ainsi, dans une série britannique de 357 balanites, une dermatite de contact allergique et une dermatite de contact irritative n'étaient observées respectivement que dans 9 (2,5 %) et 3 (0,8 %) cas, plus fréquentes chez les hommes non circoncis, probablement du fait de l'effet occlusif du prépuce [155]. Que la dermatite de contact soit irritative ou allergique, toutes les tranches d'âge peuvent être concernées. Les dermites irritatives liées au contact de l'urine sont plus fréquentes aux âges extrêmes (dermite du siège chez le nourrisson, dermite d'incontinence chez le sujet âgé). Les symptômes associent de façon variable un prurit et des sensations de brûlures, de picotement ou d'irritation. Toutefois, le prurit pourrait orienter vers une dermite allergique tandis que les brûlures seraient plus en faveur d'une dermite irritative [154,156].
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Figure 2.130. Eczéma de contact au parfum des lingettes. Source : Pr Marie-Sylvie Doutre, service de dermatologie, CHU de Bordeaux.
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
une dermatite génitale d'origine irritative ou allergique. En effet, les cas subaigus ou chroniques se traduisent indifféremment par un érythème parfois squameux de la vulve (figures 2.131 et 2.132) ou du pénis plus ou moins intense, sec et vernissé (figure 2.133), excorié ou lichénifié, parfois hypo- ou hyperpigmenté (figure 2.134). Un aspect particulier cependant, papuloérythémateux érosif ou ulcéré orientera vers une dermatite irritative aggravée par le port de protections, équivalent chez l'adulte de la dermite papuloérosive de Sevestre et Jacquet de l'enfant (figure 2.135) [154]. Chez l'homme, l'atteinte du gland, du prépuce, du fourreau ou du scrotum est possible. Une localisation sur le prépuce ou sur la base du gland peut orienter vers une hypersensibilité au latex des préservatifs (zone de pression et de frottement maximale) ou vers une origine manuportée, tout comme l'atteinte du fourreau pour cette dernière, justifiant de faire préciser la position des doigts lors de la miction. La présence de croûtes, de fissures ou de pustules fera suspecter une infection associée, mycosique ou bactérienne [157] (figure 2.136). Figure 2.133. Dermite de contact allergique à un topique émollient.
Figure 2.131. Dermite de contact irritative à l'application répétée de parfum. Source : Dr Mélanie Chamaillard-Pujol, Gradignan.
Figure 2.134. Dermite de contact irritative à l'application répétée d'antiseptiques.
Confirmer
Figure 2.132. Dermite irritative liée à une incontinence urinaire. Desquamation évocatrice en bordure de l'érythème.
Le diagnostic de dermatite génitale de contact, irritative ou allergique est avant tout clinique. En effet, l'examen histologique, sauf s'il concerne un eczéma aigu caractérisé par une spongiose très marquée, montre de façon aspécifique et non discriminante un certain degré de spongiose, parfois une acanthose, une parakératose et un infiltrat inflammatoire du derme [154,156,157]. Un prélèvement bactériologique et mycologique sera réalisé en cas de suspicion de surinfection. Le diagnostic de dermatite irritative, outre l'examen clinique, repose sur un interrogatoire « policier » :
79
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Figure 2.137. Dermatite atopique de l'adulte.
Figure 2.135. Dermatite irritative de type Sevestre et Jacquet (port de protection et application répétée de topiques gras).
utilisation de contraceptifs locaux (préservatifs, spermicides). Le même type d'interrogatoire sera mené en cas de suspicion de dermatite de contact allergique et complété par une exploration allergologique. ■
Éliminer
Figure 2.136. Dermite de contact aiguë surinfectée du fourreau liée à l'application de gluconate de chlorhexidine et de chlorure de benzalkonium.
habitudes d'hygiène quotidiennes, après les rapports sexuels et pour les femmes au moment des menstruations : fréquence des toilettes, utilisation de savon, antiseptique moussant, lingettes nettoyantes, déodorants ou parfum ; ■ recherche d'une incontinence urinaire ou fécale, qui n'est pas toujours signalée spontanément par les patient(e)s, et du port de protections ; ■
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Un écueil à éviter est de considérer tout érythème prurigineux de la vulve ou du pénis comme un « eczéma ». Chez la femme, une vulvo-vaginite candidosique, en particulier dans sa forme récidivante, est un des principaux pièges diagnostiques. Un prélèvement mycologique, vaginal et vulvaire, sera réalisé au moindre doute. Chez l'homme, certaines balanites dites « non spécifiques » pourraient correspondre à des balanites de contact allergiques ou irritatives, notamment liées à l'occlusion de l'urine entre le gland et le prépuce ou à l'usage trop fréquent de savon [158]. La localisation d'une dermite séborrhéique sur le gland (balanite séborrhéique) pourrait correspondre à une hypersensibilité à Malassezia furfur ; son diagnostic est évoqué en cas de signes extra-génitaux de dermite séborrhéique. Enfin, il est d'autant plus important de distinguer une dermite de contact du scrotum d'un syndrome du scrotum rouge que ce dernier est aggravé par les dermocorticoïdes. Chez la femme comme chez l'homme, une dermatophytie sera suspectée devant un placard érythémateux à bordure annulaire ou circinée, squameuse ou vésiculeuse ce qui conduira à effectuer un prélèvement mycologique cutané. Une vulvite ou une balanite streptococcique sera exclue par un prélèvement bactériologique. L'examen histopathologique éliminera un psoriasis ou une maladie de Paget vulvaire ou pénoscrotale mais ne permettra pas, par contre, de distinguer eczéma de contact et dermatite atopique (figure 2.137) ; les antécédents atopiques orienteront alors le diagnostic. De plus, chez l'homme, l'atteinte isolée
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Figure 2.138. Dermatite atopique du scrotum.
du gland est rare en cas de dermatite atopique génitale, contrairement à une atteinte plus diffuse pénoscrotale (figure 2.138). Une lichénification idiopathique, « lichen simplex » pour les Anglo-Saxons, est habituellement localisée à une seule ou aux 2 grandes lèvres, avec un aspect épaissi de la peau et une accentuation des plis cutanés. Enfin, au cours de la dermatite de contact systémique (ou symmetrical drug-related intertriginous and flexural exanthema [SDRIFE] ou syndrome Babouin), l'atteinte prédomine dans les plis inguinaux et la racine des cuisses par rapport à la zone génitale.
Explorer La suspicion de dermatite allergique de contact doit conduire à réaliser des tests épicutanés (patch-tests) comprenant principalement la batterie standard européenne, les conservateurs, les corticoïdes locaux et les produits d'hygiène des patient(e)s ainsi que les topiques utilisés en automédication, avec lecture à 48 heures et 96 heures [159]. L'allergène responsable est à rechercher parmi les produits directement appliqués sur les organes génitaux sans oublier les allergènes manuportés et les allergènes provenant du/de la partenaire (eczéma par procuration). Chez la femme, les allergènes les plus fréquemment mis en évidence et pertinents sur le plan clinique sont [159,160] : les parfums, les anesthésiques (benzocaïne) et les antibiotiques topiques (framycétine et néomycine) puis les conservateurs avec une mention particulière pour la méthylisothiazolinone, désignée allergène de l'année par l'American Contact Dermatitis Society en 2013 et dont l'utilisation a depuis été réglementée en Europe [161–163]. La fréquence de l'allergie de contact aux corticoïdes locaux varie selon les études [159,161] mais semble plutôt faible. Elle doit néanmoins être suspectée lorsqu'une dermatose vulvaire habituellement corticosensible résiste au traitement bien conduit. L'eczéma de contact aux antifongiques topiques existe mais semble
rare eu égard à leur large utilisation, sur prescription ou en automédication [164]. Dans la série d'Al-Niami et al. [159], la responsabilité des produits personnels des patientes était rare (6 %). Parmi ces derniers, une attention doit être portée sur les très populaires produits à base de plantes (camomille, teinture d'Arnica, propolis, Aloe vera, huile essentielle d'arbre à thé) [156,162,165] même si dans la série de Corazza et al. [166], l'eczéma de contact était majoritairement dû aux parfums et aux conservateurs et non pas au principe actif « naturel ». La responsabilité des serviettes hygiéniques, quant à elle, est rare [156,162]. Dans une autre étude portant sur 59 femmes et 40 hommes avec symptômes anogénitaux, l'allergène, le plus répandu était le nickel (32 % des cas) [167]. Néanmoins, devant toute suspicion d'eczéma de contact, la pertinence de la positivité d'un test doit être soigneusement évaluée. Ainsi, si la positivité du test épicutané au nickel est la plus fréquente dans l'étude d'Al-Niami et al. [159], elle n'est pas cliniquement pertinente. À l'inverse, les conditions de réalisation des tests épicutanés, habituellement sur le dos, ne reproduisent que de très loin « l'écosystème » de la vulve ce qui pourrait expliquer qu'il est souvent difficile de faire la preuve d'un eczéma de contact vulvaire [157]. De plus, il est nécessaire de prendre en compte le rôle surajouté de facteurs irritatifs. Enfin, si dans certaines études [160,161], la coexistence d'une dermatose vulvaire (lichen scléreux et dermatite atopique) est associée à une plus grande fréquence de positivité des tests épicutanés, aucune donnée ne prouve actuellement qu'une dermatose vulvaire en particulier prédisposerait à l'apparition d'un eczéma de contact [162]. Des dosages d'IgE spécifiques (RAST) ou des prick-tests sont indiqués en cas d'hypersensibilité de type 1 au latex ou au liquide séminal.
Comprendre Chez la femme, il a été montré que la vulve était plus réactive à 2 irritants (le chlorure de benzalkonium et l'acide maléique) que la peau de la face interne de l'avant-bras [168]. Des sensations de brûlures et de picotements étaient déclenchées sur la vulve et non sur l'avant-bras. Par contre, la vulve était moins sensible que la peau de l'avant-bras à l'application de laurylsulfate de sodium, un surfactant largement utilisé dans les produits de toilette [169]. La plus grande susceptibilité de la vulve à certains irritants et moindre à d'autres pourrait être liée à une différence d'hydratation (hyperhydratation vulvaire) modifiant la perméabilité cutanée et muqueuse. Certains facteurs propres à l'individu (obésité, humidité, frottement, contact avec l'urine ou les sécrétions vaginales, incontinence urinaire ou fécale, atrophie cutanéo-muqueuse liée à la carence œstrogénique) participent aussi à la majoration de cette perméabilité [156,170]. Chez l'homme, les irritants potentiels sont représentés par la sueur, le smegma, l'urine, les sécrétions sexuelles, les produits d'hygiène, les cosmétiques, les topiques médicamenteux, les spermicides, les gels lubrifiants, etc.
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Chez l'homme comme chez la femme, l'imiquimod topique, utilisé dans le traitement des condylomes génitaux, est fréquemment à l'origine d'une dermite d'irritation parfois sévère, à l'origine d'érosions voire d'ulcérations génitales (figures 2.139 et 2.140). Chez la femme, l'allergie aux protéines séminales est une éventualité rare mais à évoquer lorsque les symptômes sont post-coïtaux, sans port de préservatif. La réaction peut être de 2 types [171] : ■ hypersensibilité immédiate de type I, les symptômes associant une urticaire ou un œdème post-coïtal, des picotements, une sensation de cuisson et éventuellement des signes systémiques (asthme, malaise). Le diagnostic repose sur les prick-tests et la mise en évidence d'IgE spécifiques anti-protéines séminales. Le prick-test au latex est négatif mais des observations associant hypersensibilité aux protéines séminales et au latex des préservatifs ont été rapportées [172] ;
■
hypersensibilité retardée de type IV, se manifestant par un eczéma de contact vulvaire. Le diagnostic repose sur la positivité du patch-test réalisé avec le sperme du conjoint, sa pertinence clinique étant confirmée par l'amélioration des symptômes lors des rapports protégés et en cas d'abstinence.
Traiter En cas de dermatite de contact allergique ou irritative, l'éviction de l'allergène, s'il est identifié, est fondamentale. Ainsi l'usage de préservatifs classiques en latex est conseillé en cas d'hypersensibilité au liquide séminal. Le recours aux préservatifs en polyuréthane est recommandé en cas d'hypersensibilité au latex. Mais l'éviction peut ne pas être suffisante et dans tous les cas, que l'origine soit irritative ou allergique, les autres facteurs irritants potentiels seront supprimés. On proposera un syndet pour la toilette, un émollient non parfumé, un dermocorticoïde afin de contrôler l'inflammation. Les inhibiteurs de la calcineurine comme le tacrolimus sont indiqués en cas d'échec des dermocorticoïdes [173]. La prise en charge d'une incontinence urinaire et/ou d'une surinfection sera réalisée le cas échéant.
Surveiller Un suivi peut être proposé, à adapter selon les cas. En effet, certaines vulvites et balanites irritatives peuvent être difficiles à améliorer ou être récidivantes en raison de facteurs aggravants, obésité ou incontinence en particulier.
Dire Figure 2.139. Dermite d'irritation aiguë du gland après application d'imiquimod.
■
■
En cas de dermatite de contact, tous les produits appliqués sur la vulve et le pénis, même paraissant anodins, doivent être signalés au dermatologue. L'agent responsable n'est cependant pas toujours identifié. Dans ce cas, tous les facteurs irritants potentiels seront supprimés.
Retenir ■
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Figure 2.140. Dermite d'irritation aiguë vulvaire après application d'imiquimod.
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La dermatite de contact peut être allergique ou irritative. Un prurit pourrait orienter vers une dermite allergique tandis que les brûlures seraient plus en faveur d'une dermatite irritative. En cas de dermatite de contact allergique, l'allergène responsable est à rechercher parmi les produits directement appliqués sur les organes génitaux sans oublier les allergènes manuportés et les allergènes provenant du/de la partenaire (eczéma par procuration). L'hypersensibilité au latex des préservatifs doit être évoquée en cas de symptômes post-coïtaux.
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Distinguer homme/femme ■
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L'allergie aux protéines séminales chez la femme doit être évoquée lorsque les symptômes sont post- coïtaux, sans port de préservatif. Une possible origine manuportée justifie de faire préciser la position des doigts lors de la miction chez l'homme.
Maladies bulleuses auto-immunes Les maladies bulleuses auto-immunes (MBAI) constituent un groupe hétérogène de dermatoses, de sévérité et de pronostic très variables, pour lesquelles l'atteinte muqueuse peut être prédominante, possible ou absente. La pemphigoïde des muqueuses (PM) regroupe les MBAI jonctionnelles avec atteinte muqueuse : pemphigoïde cicatricielle (PC), épidermolyse bulleuse acquise (EBA) et dermatose à IgA linéaire (DIGAL). La PC se caractérisant par une atteinte muqueuse prédominante ou exclusive, nous avons choisi de lui consacrer ce chapitre, les autres MBAI avec atteinte muqueuse fréquente ou occasionnelle, telles que le pemphigus vulgaire (PV), le pemphigus paranéoplasique (PPN), l'EBA, la DIGAL étant abordés en tant que diagnostics différentiels dans la section « Éliminer ».
tion synéchiante. Chez la femme, des pertes peuvent être associées.
Reconnaître L'atteinte génitale de la PC se manifeste : ■ chez la femme, par des lésions érosives vulvaires (figure 2.141), vestibulaires, des petites et des grandes lèvres ainsi que vaginales dont l'évolution synéchiante est responsable des modifications anatomiques vulvovaginales (accolement des petites lèvres entre elles ou à la face interne des grandes lèvres, sténose de l'orifice vaginal, sténose urétrale, encapuchonnement clitoridien, synéchie vestibulaire antérieure ou postérieure) et de fissures [174,175,180] ; ■ chez l'homme, par une balanite ou une balanoposthite érosive (figure 2.142) secondairement synéchiante sous la forme d'adhérences balanopréputiales, d'un phimosis ou d'une sténose urétrale [181,182]. L'examen des autres muqueuses est indispensable : ■ dans la bouche, une gingivite érosive est l'aspect le plus fréquemment observé. La présence de bulles intrabuccales (palais, langue, gencives, muqueuse jugale) intactes est rare, laissant le plus souvent la place à des érosions chroniques douloureuses recouvertes d'une pseudo-membrane se détachant avec une pince (signe de la pince : traction de la pseudo-membrane laissant apparaître une érosion postbulleuse) [175] ;
Évoquer La PC est une MBAI rare, son incidence annuelle en France étant évaluée à un peu plus de 2 cas/an/million d'habitants [174]. La PC survient préférentiellement chez le sujet âgé en moyenne de 60 à 70 ans, avec une légère prédominance féminine [175]. Des formes pédiatriques de PC sont décrites. Très rares, elles atteignent parfois exclusivement la vulve [175–178]. Des atteintes péniennes isolées, sans autre atteinte muqueuse ou cutanée, ont également été rarement décrites chez l'enfant [179]. Chez l'adulte, la PC se caractérise par son atteinte muqueuse élective et le plus souvent multifocale, d'évolution synéchiante, ce qui en fait toute la gravité en particulier sur le plan ophtalmologique, alors que l'atteinte cutanée est inconstante. Les signes d'appel pourront associer [175] : ■ des douleurs buccales liées à la présence d'érosions chroniques, la muqueuse buccale étant la muqueuse la plus fréquemment atteinte (80 à 90 % des cas) ; ■ des signes oculaires, à type d'irritation, brûlures, larmoiement ou prurit liés à une « conjonctivite » chronique, uniou bilatérale, résistante aux traitements habituels (50 à 70 % des cas) ; ■ une odynophagie par atteinte pharyngolaryngée à rechercher systématiquement du fait du risque de fausses routes (8 à 20 % des cas) ; ■ des douleurs, des brûlures, des dyspareunies en rapport avec des lésions génitales (15 % des cas) érosives d'évolu-
Figure 2.141. Pemphigoïde cicatricielle vulvaire. Source : Dr Olivier Cogrel, service de dermatologie, CHU de Bordeaux.
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Figure 2.142. Pemphigoïde cicatricielle du pénis.
l'atteinte conjonctivale est de sévérité variable, allant d'une conjonctivite érythémateuse à une conjonctivite synéchiante avec symblépharon et diminution de l'ouverture de la fente palpébrale. Au stade le plus sévère, le pronostic visuel est engagé (opacités cornéennes, ankyloblépharon) avec un risque de cécité dans 5 à 20 % des cas [175]. L'examen cutané ne révèle des lésions que dans 25 % des cas, à type d'érosions postbulleuses chroniques peu nombreuses, prédominant sur la tête, le cou et présentes parfois sur le thorax, laissant place à des cicatrices atrophiques avec grains de milium [175]. ■
linéaires, continus et jonctionnels d'IgG et/ou de C3, souvent associés à des dépôts d'IgA (figure 2.144) ainsi qu'un aspect crénelé en « n » (n-serrated pattern ») [174]. En présence de lésions muqueuses isolées, cet aspect oriente fortement le diagnostic vers une PC. L'IFD est plus souvent positive sur biopsie de muqueuse que de peau [175] ; ■ en immunomicroscopie électronique, les dépôts d'IgG sont épais et situés à la partie inférieure de la lamina lucida débordant sur la lamina densa. Cet examen spécialisé, indiqué en cas de doute avec une EBA ou une pemphigoïde bulleuse avec atteinte muqueuse, est actuellement très rarement réalisé. En cas de difficulté diagnostique, en particulier avec une EBA, l'IFD peut être réalisée sur une biopsie de peau clivée par le NaCl. Examens sérologiques : ■ l'immunofluorescence indirecte (IFI) met inconstamment en évidence des anticorps circulants de type IgG ou plus rarement IgA (20 % des PC), ayant la particularité de se fixer sur peau clivée par le NaCl molaire plus souvent sur le toit que sur le plancher du clivage, parfois de façon mixte ; ■ la recherche en ELISA d'anticorps anti-BPAG2 est inconstamment positive ; ■ en immunotransfert, la cible principale des anticorps est la protéine BPAG2 (poids moléculaire 180 kDa) [183].
Éliminer
La PC fait discuter cliniquement les dermatoses génitales érosives d'évolution synéchiante. La positivité de l'IFD perConfirmer met de la distinguer du lichen plan érosif muqueux, du Le diagnostic de PC repose sur la corrélation des signes lichen scléreux érosif et de l'érythème polymorphe. Les cliniques et des données des examens immuno-histo- autres MBAI avec atteinte muqueuse seront éliminées selon pathologiques. l'aspect clinique des lésions cutanées associées et les résulBiopsie cutanée ou muqueuse [175,183] : tats des examens complémentaires : ■ l'examen histologique d'une bulle cutanée ou muqueuse ■ le pemphigus vulgaire (PV) se caractérise par la présence montre une bulle sous-épidermique indifférenciable de d'anticorps anti-desmogléine 3, protéine transmembracelle d'une pemphigoïde bulleuse (figure 2.143). Le plannaire constitutive des desmosomes. La fixation de ces cher de la bulle est le siège d'un infiltrat inflammatoire de anticorps sur leur cible à la surface des kératinocytes est polynucléaires neutrophiles et/ou éosinophiles ; responsable de l'acantholyse et de la formation des bulles ■ l'immunofluorescence directe (IFD), réalisée sur biopsie supra-basales caractéristiques du PV. Le PV atteint la peau cutanée ou muqueuse péribulleuse, montre des dépôts et les muqueuses. L'atteinte de la muqueuse buccale est inaugurale dans 70 % des cas. L'atteinte génitale, présente
Figure 2.143. Pemphigoïde cicatricielle. Aspects histopathologiques. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
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Figure 2.144. Pemphigoïde cicatricielle. Immunofluorescence directe (C3). Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
● la positivité de l'IFD (prélèvement péri-lésionnel), indisdans 22 à 51 % des cas, pourrait représenter la seconde localisation muqueuse la plus fréquente, après celle de la pensable au diagnostic, mettant en évidence des dépôts bouche [184–186]. Elle peut concerner la vulve, le vagin et d'IgG et de C3 à la surface des kératinocytes prenant le col chez la femme et le gland chez l'homme, ainsi que un aspect typique en « résille » ou « maille de filet » l'anus dans les deux sexes. Dans l'étude de Kavala et al. (figure 2.148), [185], l'atteinte génitale présente chez 44 % des patientes âgées en moyenne de 53 ans était significativement associée à la sévérité et au phénotype cutanéo-muqueux du PV, la localisation buccale étant constamment associée. De plus, dans cette étude, la localisation nasale était significativement associée à l'atteinte génitale [185]. Si les lésions génitales sont majoritairement symptomatiques, leur caractère parfois asymptomatique, 18 % des cas dans l'étude d'Akhyani et al. [184], justifie pour ces auteurs la réalisation systématique d'un examen gynécologique. Elles se manifestent par des érosions chroniques, identiques aux érosions post-bulleuses cutanées, entraînant des douleurs en particulier à la miction, des brûlures, des dyspareunies et des leucorrhées ainsi que l'adhérence des sous- vêtements à la vulve [184,185,187]. Chez la femme, la vulve (figure 2.145) est la localisation la plus fréquente (grandes lèvres, petites lèvres, clitoris) suivie par le vagin ou le col Figure 2.146. Pemphigus vulgaire. dont les atteintes isolées sont rares mais décrites [184– Lésions érosives du prépuce. Source : Pr Marie-Sylvie Doutre, service de dermatologie, CHU de Bordeaux. 187]. En cas d'atteinte du col, des cellules acantholytiques peuvent être mises en évidence sur le frottis cervical, à ne pas confondre avec des cellules dysplasiques [184–186]. En cas de doute, une biopsie cervicale est indiquée [184]. Chez l'homme, l'atteinte génitale sous la forme d'érosions douloureuses du gland (figure 2.146)est rarement inaugurale et semble plus rare que chez la femme [188]. On peut noter qu'il n'existe pas d'atteinte muqueuse dans le pemphigus superficiel. Le diagnostic de PV repose sur [189] : ● la biopsie cutanée et/ou muqueuse montrant une acantholyse avec clivage supra-basal (figure 2.147),
Figure 2.147. Pemphigus vulgaire: aspects histopathologiques. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
Figure 2.145. Pemphigus vulgaire. Lésions érosives vulvaires. Source : Pr Marie-Sylvie Doutre, service de dermatologie, CHU de Bordeaux.
Figure 2.148. Pemphigus vulgaire. Immunofluorescence directe (C3). Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
la recherche d'anticorps circulants anti-desmogléine 3 par IFI ou ELISA, ayant une valeur diagnostique et pronostique, l'évolution de leur taux étant parallèle à la sévérité du PV et au risque de rechute. Le traitement du PV repose sur le rituximab et/ou la corticothérapie générale seule ou associée à un immunosuppresseur conventionnel (mycophénolate mofétil ou azathioprine ou méthotrexate) [190]. Un dermocorticoïde puissant type propionate de clobétasol en crème pourra être appliqué sur les érosions génitales en complément du traitement systémique. Rarement, en cas de PV peu sévère défini par une atteinte pauci-lésionnelle et un taux d'anticorps circulants très faible ou nul, une corticothérapie locale par propionate de clobétasol pourra être utilisée sans traitement systémique associé ; ■ le pemphigus paranéoplasique (PPN) peut se manifester par une atteinte muqueuse initiale et parfois isolée, sous la forme d'érosions chroniques et douloureuses génitales, conjonctivales, œsophagiennes et pharyngées. C'est un diagnostic rare, à évoquer dans un contexte de prolifération maligne (hémopathie lymphoïde, thymome) ou de maladie de Castleman. Dans le PPN, l'histologie standard montre une acantholyse dans 50 % des cas, des signes de souffrance kératinocytaire et parfois un décollement dermo-épidermique [191]. L'IFD met en évidence des dépôts d'IgG et de C3 inter-kératinocytaires et typiquement mais inconstamment, de façon discontinue le long de la membrane basale. L'examen sérologique en IFI, réalisé sur vessie de rat, détecte des anticorps de type intercellulaire ou intra-cytoplasmique associés à des anticorps anti-membrane basale [191]. En ELISA, des anticorps anti-desmogléines 3 et 1 sont détectés dans la moitié des cas. L'immunotransfert révèle une réactivité contre l'envoplakine et la périplakine. Enfin, la technique d'immunoprécipitation détecte des anticorps dirigés contre un complexe de protéines (desmoplakines 1 et 2, envoplakine et périplakine, antigènes de la pemphigoïde bulleuse (PB), plectine, protéine de 170 kDa, et parfois desmogléines 1 et 3) [191]. La prise en charge du PPN sera réalisée en centre spécialisé ; ■ l'épidermolyse bulleuse acquise (EBA) peut atteindre les muqueuses, parfois de façon exclusive [192–194]. Sa présentation clinique est alors très proche de celle d'une PC avec une atteinte buccale, conjonctivale, œsophagienne, nasale, laryngée, urétrale ou ano-génitale. Les symptômes révélateurs de cette dernière peuvent être une dysurie, des dyspareunies, des douleurs péri-anales liées à la présence d'érosions post-bulleuses puis de sténose vaginale ou du canal anal [192,193]. L'examen cutané peut être normal ou montrer des lésions typiques d'EBA, bulles et érosions post-bulleuses non inflammatoires provoquées par des traumatismes (mécano-bulles) prédominant sur les faces d'extension et les extrémités des membres et guérissant avec des cicatrices atrophiques et des grains de milium comme dans le cas rapporté par Lam et al. [195] chez un homme présentant une érosion linguale et une lésion cicatricielle post-érosive du gland. Le diagnostic d'EBA repose sur la mise en évidence [174,192] : ●
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d'une bulle sous-épidermique en histologie avec en IFD des dépôts linéaires d'IgG, et parfois d'IgA ou d'IgM le long de la membrane basale, ● d'un marquage au plancher en IFI sur peau clivée par le NaCl molaire, ● d'un aspect crénelé en U (u-serrated pattern) de la fluorescence en IFD, ● et plus spécifiquement d'anticorps circulants anticollagène 7 en ELISA et de dépôts immuns fixés dans la zone des fibrilles d'ancrage de la jonction dermo- épidermique ou chorio-épithéliale en immunomicroscopie électronique. Une maladie de Crohn, un lupus érythémateux systémique et un lymphome B, fréquemment associés, doivent être recherchés. La prise en charge de l'EBA, particulièrement difficile, doit être réalisée en centre spécialisé ; ■ la dermatose à IgA linéaire (DIGAL) est une MBAI rare pouvant affecter l'enfant et l'adulte. Elle peut être idiopathique ou induite par un médicament, principalement la vancomycine. Si la présentation clinique de la DIGAL est assez stéréotypée chez l'enfant (figure 2.149), caractérisée par une éruption vésiculo-bulleuse en rosette atteignant la partie inférieure du tronc, les fesses, le périnée et les cuisses, elle est variable chez l'adulte, pouvant mimer une pemphigoïde bulleuse, une dermatite herpétiforme, une nécrolyse épidermique toxique ainsi qu'en cas d'atteinte muqueuse prédominante, une pemphigoïde des muqueuses (PM) [196]. Dans une série de 72 patients adultes atteints d'une DIGAL idiopathique, 60 % présentaient une atteinte muqueuse au moment du diagnostic, parfois exclusive (10 sur 43 patients) [196]. La localisation à la muqueuse buccale était prédominante (91 % des cas), suivie par les localisations ORL (nez et gorge, 42 %), oculaire (35 %), génitale (23 %) et anale (14 %) [196]. Cette atteinte muqueuse ainsi qu'un âge de moins de 70 ans étaient des facteurs de risque d'évolution prolongée de la DIGAL [196]. Dans une série de 69 patients présentant une DIGAL d'origine médicamenteuse, 42 % présentaient ●
Figure 2.149. Dermatose à IgA linéaire. Atteinte typique de la vulve chez une enfant. Source : Pr Marie-Sylvie Doutre, service de dermatologie, CHU de Bordeaux.
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
une atteinte muqueuse et 20 % une présentation clinique à type de nécrolyse épidermique toxique [197]. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d'une bulle sous-épidermique, soulignée par un infiltrat neutrophilique, de dépôts linéaires purs ou prédominants d'IgA en IFD, d'un marquage en IFI le plus souvent au toit de la peau clivée par le NaCl molaire [196,198]. De nombreuses cibles antigéniques ainsi que des aspects variés en immunomicroscopie électronique ont été identifiés au cours de la DIGAL dont le diagnostic différentiel avec les autres MBAI sous-épidermiques avec dépôt d'IgA peut être difficile [196,198] ; ■ le lichen plan pemphigoïde (LPP), caractérisé par la survenue de bulles sous-épidermiques sur des papules de lichen plan touchant principalement les jambes et parfois la bouche, est une entité rare dont l'individualisation en tant que telle [199], comme complication d'un lichen plan ou association d'un lichen plan et d'une pemphigoïde bulleuse est discutée, des cibles antigéniques variées ayant été mises en évidence [200]. Un cas de LPP avec atteinte vulvaire et buccale a été rapporté [201] ; ■ la pemphigoïde bulleuse (PB) à P200, dont l'antigène cible est la chaîne γ1 des laminines de bas poids moléculaire 200 kDa, localisé à l'interface lamina lucida/lamina densa de la membrane basale, se caractérise par une atteinte muqueuse plus fréquente que dans une PB classique (20 % versus 8 %) et un âge de survenue plus jeune (61 ans en moyenne) [202]. Les examens histologiques et immunologiques montrent un infiltrat à polynucléaires neutrophiles plutôt qu'éosinophiles, un marquage par les auto-anticorps du versant dermique (plancher) en IFI sur peau clivée (et non pas épidermique [toit] comme une PB classique) et la détection d'une bande à 200 kDa en immunoblot.
Explorer Dans le cadre de la PC, en cas de dysphagie ou à titre systématique pour certains, une fibroscopie œso-gastro-duodénale sera réalisée afin de rechercher une atteinte œsophagienne. La PC peut être paranéoplasique, notamment lorsqu'elle est associée à des anticorps antilaminine 332 (anciennement dénommés anticorps antilaminine 5). La recherche d'une néoplasie solide par des examens morphologiques est alors indiquée [175], bien que cette association ait été remise en cause [203].
Comprendre Le polymorphisme clinique de la PC est corrélé à son hétérogénéité immunopathologique [175]. Ainsi, pour un même phénotype clinique, plusieurs cibles antigéniques ont pu être mises en évidence et, à l'inverse, plusieurs types d'anticorps peuvent cibler un même auto-antigène. La cible principale des auto-anticorps est l'antigène BP180, mais d'autres antigènes ont été identifiés tels que l'antigène BP230, la sous-unité β des laminines 332 (ex-laminine 5) et 6, la sousunité β4 de l'intégrine et du collagène 7 [175]. Il semble donc
exister plusieurs formes cliniques et immunopathologiques de PC [175]. Ainsi, sont décrites des formes de PC ne touchant qu'une seule muqueuse ou des PC cutanées pures (forme de Brunsting-Perry avec bulles et érosions de la tête et du cou). Le rôle de l'immunité cellulaire au cours de la PC, par le biais de lymphocytes T autoréactifs, impliqués dans la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires et pro- fibrosantes, a aussi été démontré [175].
Traiter La prise en charge de la PC, en milieu spécialisé, est multidisciplinaire, dermatologique, ophtalmologique, stomatologique et, si nécessaire, ORL et uro-/gynécologique. Elle fait appel à des traitements anti-inflammatoires en première intention dans les formes peu sévères (dapsone, seule ou associée à la sulfasalazine, cyclines), et à des traitements immunosuppresseurs dans les PC sévères (corticothérapie générale, cyclophosphamide per os plutôt qu'intraveineux en première intention, mycophénolate mofétil, immunoglobulines en intraveineuse, anti-TNFα, rituximab) ainsi qu'à une prise en charge spécifique stomatologique et ophtalmologique [183]. La stratégie thérapeutique sera discutée en fonction de la sévérité de la PC, dominée par l'atteinte ophtalmologique [183]. Il n'existe pas de recommandation spécifique concernant l'atteinte génitale. Dans une observation de PC chez une patiente de 62 ans avec érosions vulvaires et périnéales résistantes à différents traitements immunosuppresseurs systémiques, Günther et al. [204] rapportent l'efficacité du tacrolimus topique appliqué quotidiennement, permettant la cicatrisation les lésions et la diminution progressive puis l'arrêt de la corticothérapie générale associée initialement. Ce traitement topique a aussi été utilisé avec succès chez l'enfant [178]. L'efficacité du propionate de clobétasol seul dans 2 cas de PM avec atteinte génitale masculine exclusive a été rapportée [182]. Enfin, une posthectomie peut être discutée en cas d'adhérences balanopréputiales ou de phimosis, une fois obtenu le contrôle de la maladie [205].
Surveiller La surveillance des patient(e)s est clinique. Elle sera multidisciplinaire et mensuelle jusqu'au contrôle clinique de la PC, puis trimestrielle jusqu'à ce que le traitement d'entretien soit adapté, puis espacée [183].
Dire ■
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La pemphigoïde cicatricielle nécessite une prise en charge longue, multidisciplinaire, en centre spécialisé. Le diagnostic est parfois difficile et repose sur des examens spécialisés. Le traitement doit être précoce, avant la survenue de séquelles notamment ophtalmiques mais aussi génitales. 87
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Retenir ■
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La pemphigoïde des muqueuses regroupe les maladies bulleuses auto-immunes jonctionnelles avec atteinte muqueuse : pemphigoïde cicatricielle, épidermolyse bulleuse acquise et dermatose à IgA linéaire. La pemphigoïde cicatricielle se caractérise par une atteinte muqueuse prédominante voire exclusive. Le traitement de la pemphigoïde cicatricielle repose sur la dapsone et les immunosuppresseurs. Il vise à éviter l'évolution synéchiante des lésions muqueuses.
Hidradénite suppurée Évoquer L'hidradénite suppurée (HS) ou maladie de Verneuil est une maladie inflammatoire chronique évoluant par poussées, atteignant les régions cutanées riches en glandes apocrines, principalement les plis axillaires et inguinaux ainsi que les régions péri-anale et périnéale [206]. Ce n'est pas une maladie rare. Sa prévalence varie entre 0,05 et 4,10 % selon la méthodologie des études, les prévalences les plus basses étant issues d'études de registre et les plus élevées d'études déclaratives [207]. Une prévalence de 0,7 % dans la population européenne peut être retenue actuellement [208]. L'HS débute habituellement après la puberté vers l'âge de 20 ans, mais parfois plus précocement chez l'enfant prépubère ou plus tardivement chez la femme ménopausée. Sa prévalence décroît après l'âge de 50 ans [206]. Les femmes sont plus souvent affectées que les hommes (sex-ratio : 3:1) [206]. Les lésions peuvent être prurigineuses, douloureuses, suintantes ou purulentes et, du fait de leur localisation dans les plis, parfois malodorantes, l'intensité de ces symptômes variant selon la sévérité de la maladie. Bien que la morbidité de l'HS ainsi que son retentissement sur la qualité de vie générale, sociale, professionnelle et sur la santé sexuelle puissent être importants voire majeurs, le délai diagnostique de l'HS est de 7,2 ans [207].
Figure 2.150. Hidradénite suppurée. Nodules inflammatoires. Source : Dr Olivier Cogrel, service de dermatologie, CHU de Bordeaux.
Figure 2.151. Hidradénite suppurée inguinoscrotale. Nodules inflammatoires.
Reconnaître L'HS se manifeste typiquement dans les plis par l'association variable [206,209] : ■ de lésions inflammatoires non suppuratives à type de nodules douloureux spontanément ou à la pression, plus ou moins profonds (figures 2.150 et 2.151) ; ■ de lésions inflammatoires suppuratives à type d'abcès (figure 2.152) et/ou de fistules (figure 2.153) (appelés encore sinus ou tractus sinueux) parfois interconnectées jusqu'à former un plastron suppuratif sans espace de peau saine (figure 2.154) ;
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Figure 2.152. Hidradénite suppurée. Abcès de la fesse droite, nodules inflammatoires, kystes et cicatrices du pubis et des grandes lèvres.
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Figure 2.153. Hidradénite suppurée. Nodule inflammatoire (grande lèvre droite) et fistules. Source : Dr Olivier Cogrel, service de dermatologie, CHU de Bordeaux.
Figure 2.154. Hidradénite suppurée. Lésions abcédées inguinopérinéales. Source : Dr Olivier Cogrel, service de dermatologie, CHU de Bordeaux.
Figure 2.156. Hidradénite suppurée. Cicatrices. Source : Dr Olivier Cogrel, service de dermatologie, CHU de Bordeaux.
Figure 2.157. Hidradénite suppurée. Cicatrice scrotale. Source : Dr Olivier Cogrel, service de dermatologie, CHU de Bordeaux.
hypertrophiques, « en corde » et parfois confluentes, mais aussi des cicatrices variées, à l'emporte-pièce, en pic à glace, cribriformes ou anétodermiques (figure 2.157). Dans la région génitale, chez l'homme comme chez la femme, l'atteinte prédominante est celle du pubis [209]. Les autres zones cutanéo-pileuses telles que les grandes lèvres, le scrotum et plus rarement le fourreau du pénis peuvent être atteintes. Une atteinte du pli interfessier, dont il a été montré qu'elle était significativement associée à celle des fesses (figure 2.158), du pubis, à l'atteinte génitale et anale, et un kyste ou un sinus pilonidal [210] seront recherchés ainsi qu'une atteinte des plis inguinaux, axillaires ou sous-mammaires (figure 2.159). L'examen clinique évaluera en outre l'indice de masse corFigure 2.155. Hidradénite suppurée. Comédons polyporeux (flèches) et nodule inflammatoire. porelle (IMC), la surcharge pondérale et l'obésité étant des facteurs de risques reconnus d'HS [206]. Parmi les formes atypiques d'HS [209], l'une concerne la région génitale chez des patients obèses et fumeurs sous ■ de lésions non inflammatoires à type de comédons uniou polyporeux (figure 2.155), de nodules et sinus post- la forme de « folliculites cicatricielles » atteignant le pubis, inflammatoires, de kystes, de cicatrices (figure 2.156) les fesses et des plis inguinaux, associant des lésions pustudont les plus caractéristiques sont des brides cicatricielles leuses, des nodules superficiels, des comédons polyporeux
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Figure 2.158. Hidradénite suppurée. Atteinte glutéale. Source : Dr Olivier Cogrel, service de dermatologie, CHU de Bordeaux. Figure 2.161. Hidradénite suppurée. Lymphœdème du pénis. Source : Dr Olivier Cogrel, service de dermatologie, CHU de Bordeaux.
Figure 2.159. Hidradénite suppurée. Atteinte du pubis et des plis inguinaux.
Figure 2.162. Hidradénite suppurée. Lymphœdème débutant des grandes lèvres, cicatrices en corde et à l'emporte-pièce. Source : Dr Olivier Cogrel, service de dermatologie, CHU de Bordeaux.
Confirmer Figure 2.160. Hidradénite suppurée. Forme folliculaire. Source : Dr Olivier Cogrel, service de dermatologie, CHU de Bordeaux.
évoluant vers des cicatrices cribriformes, sans formation de fistules (figure 2.160). Des lymphangiectasies [211] ou un lymphœdème génital sont des complications rares de l'HS. Le lymphœdème génital concerne principalement le pénis (figure 2.161), le scrotum et les grandes lèvres (figure 2.162) [212,213] et il se présente sous la forme d'un œdème induré, mais aussi de plaques verruqueuses ou de lésions polypoïdes ou encore comme une masse appendue pubienne ou sus-pubienne [214].
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Le diagnostic d'HS est clinique, reposant sur l'association de 3 critères [209,215] : ■ lésions typiques : nodules et abcès douloureux évoluant vers la suppuration, la fistulisation ou la formation de cicatrices ; ■ localisations typiques : aisselles, plis inguinaux, région périanale, périnée, seins et plis sous-mammaires, pli interfessier, pubis ; ■ caractère chronique et récidivant des lésions : au moins 2 poussées en 6 mois. L'interrogatoire recherchera des antécédents familiaux d'HS présents dans 30 à 40 % des cas [206], un tabagisme actif, un antécédent de kyste pilonidal enflammé ou opéré [210].
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Éliminer
Explorer
Les diagnostics différentiels de l'HS dans sa localisation anogénitale sont représentés par [207] : ■ les folliculites « banales » ou « poils incarnés » secondaires au rasage ou à l'épilation ou l'exceptionnel kérion du pubis [216] ; ■ les kystes épidermiques chez la femme (figure 2.163) et l'homme et, chez ce dernier, les kystes du raphé médian infectés ; ■ les lésions cutanées infectieuses « monobactériennes » à type de furoncles, d'abcès ou d'anthrax liées à Staphylococcus aureus ; ■ l'abcès de la glande de Bartholin chez la femme ; ■ d'autres infections cutanées plus rares : tuberculose génitale [217], lymphogranulome vénérien, donovanose, syphilis tardive ; ■ la maladie de Crohn dans sa topographie péri-anale ou génitale peut se manifester par des abcès ou des lésions suppuratives chroniques [218]. Elle représente à la fois un diagnostic différentiel de l'HS ou un diagnostic associé à l'HS (figure 2.164).
Le prélèvement bactériologique des lésions, effectué en « routine », est le plus souvent négatif ou peut révéler une flore polybactérienne saprophyte [206]. Il n'est pas recommandé de l'effectuer sauf en cas de fièvre [209]. La biopsie n'est habituellement pas nécessaire au diagnostic de l'HS. Si elle est réalisée, l'examen histopathologique montre au stade précoce une hyperkératose folliculaire et une dilatation du follicule pilosébacé associées à un infiltrat inflammatoire périfolliculaire puis, à un stade plus tardif, la suppuration et l'abcédation folliculaires et la formation de sinus (longues galeries ou tunnels à bordure épithéliale) au sein du derme et de l'hypoderme associées à une inflammation majeure et une fibrose [219,220]. La biopsie doit ainsi être réservée aux présentations atypiques : ■ suspicion de maladie de Crohn cutanée dont le diagnostic différentiel est particulièrement difficile tant sur le plan clinique qu'histologique avec l'HS. Cliniquement, l'absence de comédons et d'atteinte des autres plis peut orienter vers une maladie de Crohn plutôt qu'une HS. Sur le plan histopathologique, la maladie de Crohn se caractérise par la présence de granulomes gigantocellulaires sans nécrose caséeuse. Dans une série de 101 cas d'HS [221], une inflammation granulomateuse « à corps étranger » était fréquente, mise en évidence à proximité de follicules pileux rompus ou de sinus dans 25 % des cas, tandis que la présence de granulomes épithélioïdes situés dans le derme à distance des foyers inflammatoires n'était notée que dans 8 % des cas, devant donc inciter à rechercher une maladie de Crohn ou une sarcoïdose. Enfin, comme précisé précédemment, les 2 affections peuvent être associées ; ■ suspicion de carcinome épidermoïde (CE) compliquant l'HS, en cas d'ulcération douloureuse chronique ou de lésion papulonodulaire verruqueuse ou bourgeonnante (figure 2.165). Le CE est une complication exceptionnelle et sévère de l'HS, de diagnostic difficile dans cette situation clinique. Il se localise principalement dans les régions périnéale, péri-anale et glutéale, beaucoup plus rarement sur les organes génitaux externes, et concerne dans 86,5 % des cas des hommes dont l'âge moyen est de 52 ans, l'HS évoluant en moyenne depuis 25 ans [222]. Son pronostic est mauvais avec une évolution métastatique dans 55 % des cas [222]. La survenue d'un CE vulvaire au cours de l'HS est un événement beaucoup plus rare, dont une dizaine de cas ont été publiés dans la littérature [223]. Une étude populationnelle a montré que le risque de cancer anogénital était 8 fois plus élevé chez les patientes affectées d'une HS en comparaison à une population féminine indemne d'HS [224]. Les facteurs de risque de CE au cours de l'HS seraient le tabagisme, l'inflammation chronique, l'infection HPV-associée [222], inconstante cependant [223] et une dérégulation de la voie NOTCH [222]. Certaines maladies associées significativement à l'HS seront recherchées [206,209] :
Figure 2.163. Kystes épidermiques inflammatoires des grandes lèvres.
Figure 2.164. Hidradénite suppurée associée à une maladie de Crohn cutanée, avec lymphœdème du pénis.
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Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Tableau 2.1. Classification de Hurley. Grade I Abcès unique ou multiples Absence de fistule Absence de processus fibreux cicatriciel
Figure 2.165. Carcinome épidermoïde compliquant une hidradénite suppurée. Source : Dr Olivier Cogrel, service de dermatologie, CHU de Bordeaux.
acné conglobata, parfois impossible à différencier d'une atteinte du visage et du dos spécifique de l'HS, cellulite disséquante du cuir chevelu et kyste pilonidal qui avec l'HS constituent la « tétrade folliculaire » ; ■ maladie inflammatoire chronique de l'intestin, maladie de Crohn avant tout et rectocolite hémorragique [225] ; ■ rhumatisme inflammatoire à type de spondylarthropathie [226] ; ■ syndrome auto-inflammatoire : PASH (Pyoderma gangrenosum, acné et HS) et PAPASH (arthrite purulente, Pyoderma gangrenosum, acné et HS) mais aussi PASS (Pyoderma gangrenosum, acné, HS et spondylarthrite ankylosante) et PsAPASH (arthrite psoriasique, Pyoderma gangrenosum, acné et HS) [227]. Les comorbidités doivent être recherchées également. Outre les maladies associées déjà citées, les patients atteints d'HS présentent plus de facteurs de risque cardiovasculaires (obésité, diabète de type 2, dyslipidémie ou hypertension artérielle [HTA]) [208] et un sur-risque d'événements cardiovasculaires graves [228], de comorbidités psychiatriques principalement à type de dépression, d'anxiété, de sentiment de solitude et de stigmatisation et un risque suicidaire significativement plus élevé que celui de la population générale [229,230]. La sévérité de l'HS doit être évaluée. De nombreux outils, statiques ou dynamiques, existent, parmi lesquels les plus fréquemment utilisés sont : la classification de Hurley, le score de Sartorius, le score de Sartorius modifié, le score HS-PGA (physician global assessment), le self-PGA, le HiSCR (hidrade-
Grade II
Grade III
Abcès récidivants Fistules et cicatrices hypertrophiques Lésion(s) unique ou multiples, séparées les unes des autres
Atteinte diffuse ou quasi diffuse ou fistules interconnectées et abcès sur toute l'étendue de la zone atteinte
nitis suppurativa clinical response) et une échelle visuelle analogique de la douleur (douleur VAS [visual analogue scale]) [209]. Si aucun de ces scores ne fait consensus, le score statique de Hurley (tableau 2.1) et le nombre de poussées par an [209], ou le HS-PGA, score dynamique associé à une échelle d'évaluation de la douleur [231], (tableau 2.2) sont recommandés en pratique. Il n'existe pas de score spécifique évaluant la sévérité de l'atteinte génitale de l'HS. Le retentissement de l'HS sur la qualité de vie doit être précisé. Il est démontré que l'HS altère la qualité de vie des patients significativement plus que d'autres dermatoses (neurofibromatose, urticaire, psoriasis, dermatite atopique), d'autant plus que l'âge de début est jeune, que la maladie est sévère et active (nombre élevé de poussées mensuelles) et qu'il existe une atteinte de la région anogénitale [229,232]. L'HS altère aussi la qualité de vie sexuelle des patients, significativement plus chez les femmes et lorsque le début de la maladie est tardif [233,234].
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Comprendre L'atteinte génitale pourrait s'intégrer dans le sous-type « fessier » (ou phénotype LC3 [latent class 3]) caractérisé par la présence de lésions abcédées, de sinus profonds, de lésions papuleuses et de folliculites de la région glutéale, à différencier du sous-type « axillomammaire » (ou phénotype LC1), le plus fréquent et le plus typique prédominant chez les femmes d'IMC élevé, et du sous-type « folliculaire » (ou phénotype LC2), caractérisé par des lésions et des localisations typiques et atypiques (kystes, comédons, cicatrices en « pic à glace », atteinte du tronc) préférentiellement chez des hommes tabagiques [235]. La pathogénie de l'HS est complexe et non complètement élucidée, même si elle est mieux comprise. Le follicule pileux est la structure atteinte initialement alors que les glandes apocrines et sébacées le seraient secondairement. Un infiltrat périfolliculaire lymphocytaire entraînerait une hyperkératinisation de l'épithélium folliculaire responsable d'une occlusion et d'une dilatation du follicule pileux puis de sa rupture. Le relargage de débris intrafolliculaires serait alors responsable de la réaction inflammatoire dermique puis de la formation des sinus remplis de débris cellulaires, abouchés à la surface de la peau ou connectés aux multiples follicules pileux rompus [207]. Les principales pistes physiopathologiques suggérées sont : ■ une prédisposition génétique suspectée devant la fréquence des antécédents familiaux et la mise en évidence
Chapitre 2. Dermatoses inflammatoires
Tableau 2.2. Score HS-PGA. Indemne 0 nod I 0 nod NI 0 abcès 0 fistule
Minime 1 nod NI 0 nod I 0 abcès 0 fistule
Faible 0 abcès, 0 fistule et 10) ou étendues (> 1 cm2), le traitement repose sur l'imiquimod, dont le/la patient(e) aura été informé(e) des effets indésirables (figure 6.57) ou la destruction physique (laser, chirurgie ou électrocoagulation), ces deux modalités pouvant être associées en cas de récidive. Une posthectomie est parfois proposée en cas de lésions multiples du prépuce résistantes aux traitements usuels. Le traitement des condylomes du méat repose sur la chirurgie ou lorsque la limite proximale des lésions est visible à l'inspection, sur la cryothérapie, l'imiquimod ou la podophyllotoxine [73].
Figure 6.57. Condylomes traités par imiquimod. Érythème irritatif.
L'usage du préservatif sera conseillé jusqu'à 3 mois après l'obtention de la guérison clinique. Le tabagisme est un facteur de risque de condylomes anogénitaux et de persistance de l'infection génitale à HPV [73]. L'arrêt du tabac doit donc être préconisé. Chez la femme enceinte, bien que les condylomes puissent proliférer, leur présence ne modifie habituellement pas le mode de délivrance, à moins qu'exceptionnellement leur volume ne crée une obstruction [73]. Dans tous les cas, leur prise en charge se fait en lien avec l'obstétricien. L'abstention thérapeutique peut être proposée. S'il est pris la décision de traiter, les traitements physiques (laser CO2, cryothérapie, chirurgie, etc.) seront préférés aux traitements médicamenteux, bien que la podophyllotoxine puisse être utilisée [73,74]. La papillomatose respiratoire récurrente juvénile, complication néonatale de la transmission maternelle verticale de l'HPV, est très rare (4/100 000 naissances) [73]. Il n'existe pas de preuve que le traitement des condylomes maternels diminue le risque de transmission à l'enfant, même s'il semble prudent de traiter les lésions les plus volumineuses [73]. La régression spontanée des condylomes en postpartum est fréquente, ce qui justifie l'abstention thérapeutique et la simple surveillance après l'accouchement [73].
Surveiller Du fait du risque d'échec thérapeutique, un examen clinique mensuel est préconisé jusqu'à la guérison en cas de traitement autoappliqué, permettant d'évaluer l'efficacité et la tolérance du traitement [73] et de modifier celui-ci si besoin. Du fait du risque de récidive, une surveillance clinique est indiquée, 3 et 6 mois après la disparition des lésions visibles [72].
Dire ■
Les condylomes sont des verrues génitales. Ils sont dus à des HPV non oncogènes ce qui signifie qu'ils ne peuvent pas évoluer vers un cancer. ▸ 177
Chapitre 6. Dermatoses infectieuses sexuellement transmissibles
▸
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En présence de condylomes, il existe un risque d'être infecté par certains HPV dits « oncogènes » qui peuvent pour leur part favoriser le développement d'un cancer qu'il faut dépister. Les condylomes sont une IST ; leur présence implique de rechercher une autre IST chez le sujet atteint et son/ses partenaire(s). Le traitement des condylomes peut être long chez certain(e)s patient(e)s.
Retenir ■
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En présence de condylomes génitaux, une atteinte anale doit être recherchée systématiquement ; elle est fréquente et possible même en l'absence de rapports sexuels anaux réceptifs. Le typage viral par biologie moléculaire n'est pas indiqué pour les condylomes.
Figure 6.58. Molluscum contagiosum multiples du pubis.
Distinguer homme/femme ■
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Le risque de transmission des HPV après contact sexuel est plus important de la femme vers l'homme que dans le sens inverse. La durée d'incubation serait plus courte chez la femme que chez l'homme.
Molluscum contagiosum Évoquer Les molluscum contagiosum survenant chez les jeunes adultes immunocompétents, sexuellement actifs et non immunisés sont considérés comme une IST. Les lésions sont le plus souvent asymptomatiques. Un prurit ou une douleur en cas de lésion inflammatoire ou surinfectée sont plus rares.
Reconnaître
Figure 6.59. Molluscum contagiosum des grandes lèvres.
Après un temps d'incubation variant de 2 semaines à 6 mois, l'infection se présente sous la forme de petites papules translucides, hémisphériques, fermes, de 3 à 5 mm de diamètre, parfois ombiliquées, pouvant contenir une substance blanchâtre [75]. De nombreuses formes cliniques ont été décrites, de grande taille ou pseudo-tumorales notamment chez l'immunodéprimé (VIH ou traitement immunosuppresseur), verruqueuses, inflammatoires, etc. Les lésions sont plus souvent localisées sur les zones génitales cutanéo-pileuses (pubis – figure 6.58), fourreau du pénis et scrotum chez l'homme, grandes lèvres chez la femme – figure 6.59) que muqueuses (figure 6.60). Une extension à l'abdomen (région sous-ombilicale), aux plis inguinaux, aux cuisses et aux fesses est fréquente
Figure 6.60. Molluscum contagiosum du sillon balanopréputial.
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Chapitre 6. Dermatoses infectieuses sexuellement transmissibles
(figure 6.61). Le nombre de lésions est variable. Une disposition linéaire est possible, par auto-inoculation lors du grattage. La guérison survient le plus souvent en 6 mois à 1 an, parfois à l'origine d'une cicatrice anétodermique. Les complications possibles sont l'inflammation (figure 6.62), l'eczématisation et l'impétiginisation.
Confirmer Le diagnostic des molluscum contagiosum est le plus souvent clinique. En cas de doute, la dermoscopie permet d'orienter le diagnostic en montrant une zone centrale polylobée
blanchâtre ou jaunâtre, entourée de vaisseaux. Dans les rares cas où une biopsie est réalisée, l'examen histopathologique objective une hyperplasie épidermique cratériforme ou endophytique comportant des inclusions intra-cytoplasmiques éosinophiles.
Éliminer Chez l'immunocompétent, les molluscum contagiosum doivent être différenciés des condylomes papuleux essentiellement, mais aussi du lichen plan, du lichen nitidus, des grains de Fordyce, de kystes épidermiques, des syphilides de type condyloma lata voire de lymphangiectasies [76]. Chez l'immunodéprimé, doivent être évoquées des infections opportunistes à l'origine de lésions papulonodulaires parfois ombiliquées comme la cryptococcose, la pénicilliose, l'aspergillose, la sporotrichose ou l'histoplasmose. Enfin, en cas de molluscum contagiosum entouré d'un halo inflammatoire, on éliminera une infection herpétique, un zona, un eczéma aigu vésiculeux ou un syndrome de Gianotti-Crosti.
Explorer
Figure 6.61. Molluscum contagiosum. Extension des lésions au pli inguinal droit et à la fesse droite (même patiente que la figure 6.59).
Un bilan complet à la recherche d'autres IST potentiellement associées sera réalisé, comprenant : sérologies VIH1 + 2, syphilis, hépatites B et C et hépatite A chez les patients HSH ne connaissant par leur statut vaccinal. Chez les HSH, une recherche de Neisseria gonorrhoeae et Chlamydia trachomatis par PCR sera pratiquée sur le premier jet urinaire, le canal anal et l'oropharynx. Chez les femmes, seront réalisés une recherche de Neisseria gonorrhoeae et Chlamydia trachomatis par PCR sur autoprélèvement vaginal et en fonction des pratiques sexuelles sur prélèvement du canal anal et de l'oropharynx, ainsi qu'un examen gynécologique avec frottis cervical pour recherche d'HPV. Les partenaires devront être informés. Une immunosuppression doit être recherchée (NFS, sérologie VIH, etc.) en cas de lésions confluentes, de grande taille ou disséminées.
Comprendre Le molluscum contagiosum virus (MCV) est un poxvirus de réservoir naturel humain, dont il existe 4 sous-types. Parmi eux, MCV-2 pourrait être plus fréquemment impliqué dans les atteintes génitales [77]. Il atteint préférentiellement les enfants, les immunodéprimés et les jeunes adultes immunocompétents, sexuellement actifs et non immunisés. La transmission est le plus souvent directe par contact, avec auto-inoculation possible par grattage ou rasage.
Traiter [76,78]
Figure 6.62. Molluscum contagiosum inflammatoires.
Malgré une guérison spontanée possible, l'abstention thérapeutique n'est pas à recommander du fait du risque de multiplication des lésions et de transmission sexuelle. Afin d'éviter l'auto-inoculation, le grattage et le rasage doivent être évités. L'usage de préservatifs est recommandé, bien que d'efficacité
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Chapitre 6. Dermatoses infectieuses sexuellement transmissibles
incertaine puisque les zones atteintes ne sont le plus souvent pas protégées par le préservatif. Les traitements à envisager sont ablatifs physiques (curetage, cryothérapie, voire électrocoagulation, vaporisation au laser CO2 ou à colorant pulsé), chimiques (solution d'hydroxyde de potassium 10 %, podophyllotoxine 0,5 % [hors autorisation de mise sur le marché – AMM], nitrate d'argent 40 %, acide trichloracétique 33 %), immunomodulateurs (imiquimod 5 % crème [hors AMM]), plus rarement antiviraux (cidofovir). Chez l'immunodéprimé VIH, le traitement antirétroviral a fait la preuve de son efficacité, contrairement aux autres possibilités représentées par l'imiquimod, l'interféron et le cidofovir. Une corticothérapie locale de courte durée peut être indiquée en cas d'eczématisation des lésions, afin d'éviter une auto-inoculation liée au grattage.
Surveiller Une consultation de contrôle est nécessaire afin de s'assurer de la guérison clinique, des traitements itératifs étant parfois nécessaires. Le/la patient(e) doit être informé(e) du risque de récidive par réactivation d'un virus latent.
Dire ■
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Le grattage et le rasage sont proscrits afin d'éviter une extension des lésions. Les traitements doivent parfois être répétés avant d'obtenir la guérison, mais une guérison spontanée est possible. Une récidive des lésions est possible même en absence de nouvelle contamination.
Retenir ■
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Les molluscum contagiosum de la région génitale chez l'adulte jeune constituent une IST. Une immunosuppression doit être recherchée en cas de lésions de grande taille, pseudo-tumorales ou profuses.
chez l'homme, le parasite pouvant atteindre certaines zones pileuses extra-génitales comme l'abdomen, le thorax, la barbe ou même les cils. L'atteinte ciliaire est également décrite chez l'enfant. Un examen clinique attentif permet d'observer le(s) parasite(s) adulte(s), les lentes fixées aux poils et sur la peau, des macules bleu-grises (maculae ceruleae) et des papules érythémateuses au niveau des sites de morsure, ainsi que des fèces couleur rouille [80]. Les morpions ou poux du pubis mesurent 0,8 à 1,2 mm de diamètre et sont plus larges que longs, ce qui les distingue des poux du cuir chevelu (Pediculus capitis). Une impétiginisation est possible quoique rare.
Confirmer L'observation des parasites adultes et/ou des lentes associés au prurit génital suffit à poser le diagnostic de phtiriase pubienne sans avoir recours à un examen complémentaire notamment parasitologique. En cas de pauci-infestation, l'examen clinique à l'œil nu pourra s'aider d'une loupe ou d'un dermatoscope [81] (figure 6.63). L'utilisation de la microscopie confocale in vivo a également été rapportée [82].
Éliminer Les multiples causes de prurit génital doivent être éliminées, et notamment une localisation génitale de gale à Sarcoptes scabiei sous la forme de lésions papuleuses excoriées prurigineuses du fourreau du pénis (chancre scabieux) (figure 6.64) ou de nodules scabieux du scrotum (figure 6.65).
Explorer La transmission de la phtiriase pubienne étant plus souvent sexuelle qu'indirecte, un bilan complet à la recherche d'autres IST sera réalisé, comprenant : sérologies VIH1 + 2, syphilis, hépatites B et C et hépatite A chez les patients HSH ne connaissant par leur statut vaccinal.
Phtiriase pubienne Évoquer La phtiriase pubienne est une ectoparasitose due à Phtirius pubis, communément appelé morpion. Sa fréquence serait en diminution du fait des habitudes d'épilation et de rasage pubiens chez l'homme comme chez la femme [79]. Le motif de consultation est représenté par un prurit pubien ou des autres zones pileuses génitales, à savoir les grandes lèvres chez la femme et le scrotum chez l'homme.
Reconnaître Cliniquement on peut observer des lésions de grattage à type d'excoriations dans les zones génitales pileuses voire au-delà
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Figure 6.63. Aspect dermoscopique d'un morpion (Phtirius pubis).
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200 μg/kg à répéter 7 jours plus tard [85]. La décontamination de la literie par lavage au-delà de 50 °C est aussi préconisée. Les partenaires devront être examinés, dépistés et traités systématiquement.
Surveiller Aucune surveillance clinique n'est nécessaire au décours du traitement. Figure 6.64. Papules scabieuses du fourreau du pénis.
Dire ■
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La phtiriase est une IST sans gravité, mais nécessitant la recherche des autres IST. Une contamination non sexuelle est cependant possible. La décontamination de la literie est nécessaire en plus du traitement local. Le(s) partenaire(s) doivent être dépisté(s) et traité(s).
Distinguer homme/femme ■
Chez l'homme, la phtiriase peut atteindre les zones pileuses extra-génitales comme l'abdomen, le thorax ou la barbe.
Retenir ■
Figure 6.65. Nodules scabieux du scrotum. ■
Chez les HSH, une recherche de Neisseria gonorrhoeae et Chlamydia trachomatis par PCR sera pratiquée sur le premier jet urinaire, le canal anal et l'oropharynx. Chez les femmes, seront réalisés une recherche de Neisseria gonorrhoeae et Chlamydia trachomatis par PCR sur autoprélèvement vaginal et en fonction des pratiques sexuelles sur prélèvement du canal anal et de l'oropharynx, ainsi qu'un examen gynécologique avec frottis cervical pour recherche d'HPV.
Comprendre La phtiriase pubienne constitue une IST sans gravité. Des cas de contamination non sexuelle, indirecte par le linge (serviettes, literie), sont possibles.
Traiter Le traitement de la phtiriase pubienne repose sur les antiparasitaires locaux, à appliquer sur l'ensemble des zones pileuses et à associer au rasage [80]. En l'absence de rasage, l'application du traitement local est à renouveler 8 jours plus tard [5]. Le malathion étant retiré du marché, on utilisera les pyréthrines commercialisées pour le traitement de la pédiculose du cuir chevelu et notamment la perméthrine topique à 1 % [80]. L'ivermectine orale (hors AMM) a montré son efficacité [84] et constitue un traitement de seconde intention, à la dose de
La phtiriase pubienne est une IST mais une contamination non sexuelle, indirecte par le linge (serviettes, literie) est possible. Le traitement repose sur les antiparasitaires locaux et le rasage des poils
Trichomonase Évoquer Trichomonas vaginalis est le pathogène sexuellement transmissible non viral le plus prévalent dans le monde, atteignant plus volontiers les personnes précaires et les populations d'Afrique subsaharienne [86]. Il s'agit d'un protozoaire flagellé parasite strict de l'homme. Il est responsable d'une atteinte vaginale chez la femme qui consulte alors pour un prurit vulvaire, des leucorrhées parfois jaunes-verdâtres, parfois spumeuses, une dyspareunie, des troubles urinaires (cystalgies, brûlures mictionnelles, pollakiurie) ou une sensation d'odeur désagréable. Plus rarement, il induit une cervicite, une urétrite ou se complique d'infection génitale haute. Chez l'homme, l'infection prend la forme d'une urétrite peu symptomatique, se traduisant par une méatite, un prurit endocanalaire, une dysurie et un discret écoulement urétral, voire plus rarement est la cause d'une prostatite ou d'une épididymite. Il n'est responsable que d'1 % des urétrites en France.
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Chapitre 6. Dermatoses infectieuses sexuellement transmissibles
Reconnaître Chez la femme, chez qui l'infection est asymptomatique dans 10 à 50 % des cas, après une incubation de 4 à 28 jours, survient une vulvo-vaginite subaiguë associée à une colpite framboisée ou des « macules léopard du col », mieux visibles en colposcopie, sans atteinte de l'endocol. Cette dernière, définissant la cervicite, est possible dans les formes aiguës de trichomonase qui sont rares (moins de 10 % des cas) [26]. Chez l'homme, chez qui l'infection est asymptomatique dans 90 % des cas, une urétrite discrète avec méatite érythémateuse est possible. Plus rarement survient une balanoposthite [87].
Confirmer La culture de T. vaginalis étant relativement longue (3 à 7 jours) et réservée à des laboratoires spécialisés, la recherche du protozoaire se fait habituellement par l'examen direct au microscope des leucorrhées chez la femme, et de l'écoulement urétral, d'un prélèvement urétral ou du premier jet urinaire chez l'homme. La sensibilité de l'examen direct est faible, de 45 à 60 % chez la femme et encore diminuée chez l'homme [88]. La détection de T. vaginalis par PCR, sur premier jet urinaire chez l'homme et autoprélèvement vaginal chez la femme, est plus sensible que l'examen direct et la culture, et peut permettre, grâce à des techniques multiplex, de rechercher simultanément d'autres pathogènes comme N. gonorrhoeae, C. trachomatis, M. genitalium et G. vaginalis.
Éliminer Chez la femme, l'examen microbiologique vulvovaginal permettra d'éliminer d'autres causes de vulvo-vaginites bactériennes (dont la vaginose à G. vaginalis) et candidosiques. Chez l'homme, l'examen microbiologique (PCR sur premier jeu urinaire) recherchera les agents plus fréquents d'urétrite aiguë (N. gonorrhoeae et C. trachomatis) ou chronique (M. genitalium).
Explorer La transmission de T. vaginalis étant sexuelle, un bilan complet à la recherche d'autres IST sera réalisé, comprenant les sérologies VIH1 + 2, syphilis, hépatites B et C et hépatite A chez les patients HSH ne connaissant par leur statut vaccinal. Chez les HSH, une recherche de Neisseria gonorrhoeae et Chlamydia trachomatis par PCR sera pratiquée sur le premier jet urinaire, le canal anal et l'oropharynx. Chez les femmes, seront réalisés un test de grossesse, une recherche de Neisseria gonorrhoeae et Chlamydia trachomatis par PCR sur autoprélèvement vaginal et en fonction des pratiques sexuelles sur prélèvement du canal anal et de l'oropharynx, ainsi qu'un examen gynécologique avec frottis cervical pour recherche d'HPV.
Comprendre Chez la femme enceinte, l'infection à T. vaginalis serait un facteur de risque d'accouchement prématuré et de faible
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poids à la naissance [88]. Un dépistage systématique des femmes enceintes asymptomatiques n'est cependant pas recommandé du fait d'un impact possible du traitement trichomonicide sur la grossesse. Chez l'homme, la colonisation de la prostate par T. vaginalis pourrait constituer un facteur de risque de cancer de la prostate [89]. La détection du parasite chez l'homme ne doit donc pas être considérée comme une simple colonisation et doit être traitée. Chez l'homme comme chez la femme, l'infection à T. vaginalis pourrait augmenter la transmission du VIH et l'infection à T. vaginalis serait plus fréquente chez les séropositifs pour le VIH [88].
Traiter Le traitement de la trichomonase repose sur le métronidazole per os (2 grammes en dose unique ou 500 mg 2 fois par jour pendant 7 jours) ou le secnidazole per os (2 grammes en dose unique) [26]. Un échec thérapeutique est possible en cas de sensibilité diminuée du protozoaire au métronidazole, justifiant alors de répéter le traitement par métronidazole (500 mg 2 fois par jour pendant 7 jours puis en cas de nouvel échec 2 grammes par jour pendant 3 à 5 jours). Il est recommandé de s'assurer de la tolérance neurologique et de surveiller la NFS si le traitement par métronidazole dépasse 10 jours. Les rapports sexuels seront évités au moins 1 semaine après la fin du traitement [84]. Le/la partenaire de moins de 4 semaines doit être traité(e) systématiquement du fait de la fréquence des formes asymptomatiques, notamment chez le partenaire masculin.
Surveiller Du fait du risque de sensibilité diminuée de T. vaginalis au métronidazole, il est nécessaire de s'assurer de la guérison clinique. Un examen microbiologique de contrôle ne sera réalisé qu'en cas d'échec clinique.
Dire ■
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En cas de trichomonase, le(s) partenaire(s) doivent être dépisté(s) et traité(s). La recherche d'autres IST est nécessaire.
Retenir ■
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Le diagnostic repose sur la PCR ou l'examen direct mais ce dernier est peu sensible. Le traitement fait appel au métronidazole ou au secnidazole per os.
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Distinguer homme/femme ■
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La trichomonase est plus fréquente chez la femme que chez l'homme. Elle se traduit le plus souvent par des leucorrhées traduisant l'atteinte vaginale chez la femme et par une urétrite peu symptomatique chez l'homme. L'infection est asymptomatique dans 90 % des cas chez l'homme et 10 à 50 % des cas chez la femme.
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Chapitre 7
Tumeurs bénignes et kystes PLAN DU CHAPITRE Grains de Fordyce Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller Papules perlées du gland Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Traiter Surveiller Papillomatose vestibulaire Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Traiter Angiokératomes Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller Hidradénome papillifère Évoquer Reconnaître
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Confirmer Éliminer Comprendre Explorer Traiter Surveiller Syringomes Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller Xanthome verruciforme Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller Tumeur de Buschke-Löwenstein ou condylome géant acuminé Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller Kyste épidermique Évoquer
Ce chapitre, consacré aux tumeurs bénignes, s'articule en deux parties, : les tumeurs bénignes « solides » et les kystes. Privilégiant une démarche clinique, nous avons choisi d'y faire figurer les grains de Fordyce et le xanthome verruciforme même si ces lésions ne constituent en histopathologie ni des tumeurs ni des kystes. Les nævus sont traités dans le chapitre 3 (« Lésions pigmentées »). Enfin, certaines tumeurs bénignes telles que le polype fibroépithélial (acrochordon ou molluscum pendulum), le lipome, le neurofibrome, le léiomyome, etc. et dont la liste n'est ici pas exhaustive, peuvent être rencontrées sur la région génitale sans spécificité propre. Elles ne feront pas l'objet d'une description particulière.
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Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller Kyste du raphé médian Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller Kyste et abcès (bartholinite) de la glande de Bartholin Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller Kyste et abcès (skénite) des glandes de Skene Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Traiter Surveiller
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Grains de Fordyce Évoquer Les grains de Fordyce correspondent à des glandes sébacées ectopiques situées sur les muqueuses génitales et labiales, indépendantes de tout follicule pileux. Pour certains, ils désignent également les glandes sébacées proéminentes du fourreau du pénis habituellement considéré comme glabre, développées aux dépens de rares follicules pilosébacés et qu'on ne peut donc qualifier d'ectopiques. Les grains de Fordyce ne doivent pas être confondus avec les angiokératomes du scrotum dénommés angiokeratoma of Fordyce dans la littérature anglo-saxonne. Il s'agit de lésions fréquentes le plus souvent considérées comme une simple variation physiologique. Dans une série Dermatologie génitale © 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
de 400 hommes consultant en dermatologie, des grains de Fordyce du prépuce et/ou des glandes sébacées du fourreau étaient observés dans 9 % des cas [1]. Ils seraient présents chez 75 à 95 % des femmes en âge de procréer [2,3]. Les grains de Fordyce sont le plus souvent asymptomatiques, découverts fortuitement par les patient(e)s. Le motif de consultation chez les hommes est le plus souvent la gêne esthétique ou l'inquiétude liée au développement de ces « lésions » au cours de l'adolescence.
Reconnaître Les grains de Fordyce sont des petites papules jaunâtres, le plus souvent multiples, parfois groupées en plaques, localisées sur la face interne du prépuce chez l'homme (figure 7.1) et sur la face interne des petites lèvres chez la femme (figures 7.2 et 7.3). Ils peuvent être associés à des glandes sébacées proéminentes du fourreau du pénis (figure 7.4) et/ou à des grains
de Fordyce de la muqueuse labiale. Exceptionnellement, les lésions peuvent prendre une disposition annulaire ou linéaire sur le pénis [4] ou s'enflammer (figure 7.5).
Confirmer Les grains de Fordyce du prépuce et des petites lèvres sont aisément reconnus à l'examen clinique et ne nécessitent donc pas de biopsie. Histologiquement, ils correspondent à des glandes sébacées ectopiques, non annexées à un follicule pileux, haut situées sous l'épithélium et sont même parfois identifiés en histologie sans lésion clinique visible (figure 7.6). Il ne s'agirait pas de glandes adénomateuses, comme cela a été démontré pour les grains de Fordyce de la muqueuse buccale [5]. Sur le fourreau du pénis, les glandes sébacées proéminentes, annexées à un follicule pileux, peuvent être d'architecture normale mais de taille augmentée, voire hyperplasiques.
Éliminer Les grains de Fordyce du prépuce et glandes sébacées du fourreau doivent être distingués des condylomes, des molluscum contagiosum et du lichen nitidus (figure 7.7) et, notamment pour les formes linéaires, du lichen plan [6].
Figure 7.1. Grains de Fordyce de la face interne du prépuce.
Figure 7.3. Multiples grains de Fordyce confluents de la face interne de la petite lèvre.
Figure 7.2. Grains de Fordyce de la face interne de la petite lèvre.
Figure 7.4. Glandes sébacées du fourreau du pénis.
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Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
Figure 7.7. Lichen nitidus du fourreau du pénis.
Traiter Figure 7.5. Inflammation d'un grain de Fordyce.
Aucun traitement n'est nécessaire, les patient(e)s devant être rassuré(e)s sur l'absence de caractère pathologique des grains de Fordyce et informé(e)s de l'efficacité partielle ou temporaire, voire de l'inefficacité des traitements. Ces derniers sont potentiellement douloureux, décrits essentiellement pour la localisation labiale au visage [9-13] et à risque de cicatrices hypochromiques [14].
Surveiller Aucune surveillance n'est nécessaire.
Dire ■ ■
Figure 7.6. Grain de Fordyce génital. Aspect histologique. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
Explorer Aucun bilan n'est nécessaire.
Comprendre Les grains de Fordyce sont des structures sébacées génitales physiologiques, au même titre que les glandes sébacées du fourreau du pénis, apparaissant à l'adolescence. Chez l'homme, parmi les autres structures sébacées génitales, les glandes sébacées qui seraient situées de part et d'autre du frein, dites « glandes de Tyson » ainsi que leur supposée infection (tysonite) ont une existence controversée et ne doivent plus être mentionnées [7,8]. Les grains de Fordyce involuent chez la femme après la ménopause et, chez la femme comme chez l'homme, ils peuvent être détruits par un processus inflammatoire comme le lichen scléreux.
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Les grains de Fordyce sont physiologiques. Ils ne nécessitent aucun traitement.
Papules perlées du gland Évoquer Les papules perlées du gland sont des lésions fréquentes, considérées comme une simple variation physiologique, apparaissant à l'adolescence. Dans une série de 400 hommes consultant en dermatologie, ces papules perlées étaient observées dans 24 % des cas [15]. Dans une autre série, totalisant 2 613 hommes circoncis d'un âge moyen de 21 ans, des papules perlées étaient présentes dans 17 % des cas [16]. La prévalence des papules perlées diminue avec l'âge (38 % parmi 188 hommes de moins de 25 ans et 11 % parmi 70 hommes de plus de 50 ans) et chez les hommes circoncis (parmi les hommes de moins de 25 ans, 42 % chez les non-circoncis et 26 % chez les circoncis) [17]. Les papules perlées du gland sont toujours asymptomatiques, mais sont parfois la source de gêne esthétique ou d'inquiétude du fait de leur confusion possible par les patients avec des condylomes.
Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
Reconnaître Les papules perlées sont habituellement situées sur la couronne du gland, sous la forme de petites papules couleur peau normale, parfois filiformes, d'1 à 2 mm de diamètre et 1 à 4 mm de longueur (figure 7.8). Plus rarement, on peut les observer sur le gland (figure 7.9), dans le sillon balanopréputial (figure 7.10), notamment de part et d'autre du frein (figure 7.11), voire sur le fourreau du pénis. La disparition focale de papules perlées préexistantes peut s'observer en cas de lichen plan (figure 7.12) ou lichen scléreux du gland.
Confirmer Les papules perlées sont aisément identifiées à l'examen clinique et ne nécessitent pas de biopsie, sauf en cas de doute Figure 7.10. Papules perlées du sillon balanopréputial.
Figure 7.11. Papules perlées paraphrénulaires. Figure 7.8. Papules perlées de la couronne du gland.
Figure 7.9. Papules perlées du gland.
Figure 7.12. Atrophie des papules perlées au cours d'un lichen plan du gland.
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Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
Dire et retenir ■ ■
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Les papules perlées du gland sont physiologiques. Elles ne nécessitent aucun traitement d'un point de vue médical. En cas de gêne esthétique importante, une amélioration peut être obtenue grâce à différentes techniques (azote liquide, laser).
Papillomatose vestibulaire Évoquer Figure 7.13. Papules perlées du gland. Aspect histologique. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
clinique et de localisation inhabituelle, en dehors de la couronne du gland. Histologiquement, elles correspondent à des angiofibromes, caractérisés par une fibrose du chorion ponctuée de capillaires soulevant un épithélium par ailleurs normal (figure 7.13).
Éliminer Les papules perlées doivent être distinguées, cliniquement et parfois avec l'aide du dermatoscope, des condylomes et des papules de lichen plan, notamment lorsqu'elles sont localisées en dehors de la couronne du gland [18]. Exceptionnellement, des lésions du prépuce cliniquement évocatrices de papules perlées ont été décrites dans la fibromatose hyaline juvénile [19].
Explorer Aucun bilan n'est nécessaire. Les papules perlées du gland, bien que correspondant à des angiofibromes, n'ont en effet pas de lien avec les angiofibromes de la sclérose tubéreuse de Bourneville.
La fréquence de la papillomatose vestibulaire varie d'1 à 33 % des cas selon les séries [22,23]. Si son lien avec l'HPV a pu être initialement évoqué [22], il a par la suite été infirmé [23–25] et la papillomatose vestibulaire est actuellement considérée comme physiologique. Elle est significativement plus fréquente chez les patientes jeunes [23] et semble disparaître progressivement chez la femme ménopausée. La papillomatose vestibulaire est asymptomatique et elle peut être découverte par la patiente à l'occasion de n'importe quel symptôme vulvaire, sans lien avec sa présence ou lors d'un examen gynécologique systématique. Ainsi, la découverte de papilles vestibulaires chez une patiente présentant un prurit ou des brûlures vulvaires ne doit pas conduire à les incriminer comme la cause de ses symptômes. C'est particulièrement important chez les patientes vulvodyniques qui doivent être rassurées quant à la nature bénigne et physiologique de leurs « lésions ».
Reconnaître Les papilles siègent sur le vestibule (figure 7.14) et la face interne des petites lèvres (figure 7.15). Des critères, définis par Moyal-Barracco et al. [24], permettent de les reconnaître : elles sont roses ou de la couleur de la muqueuse
Traiter Aucun traitement n'est nécessaire, les patients devant être rassurés sur l'absence de caractère pathologique des papules perlées et notamment l'absence de lien avec une infection à HPV. En cas de gêne esthétique importante, leur disparition peut être obtenue par cryothérapie [20], électrocoagulation ou vaporisation au laser (CO2, à colorant pulsé ou Erbium:YAG) [21].
Surveiller Aucune surveillance n'est nécessaire. Figure 7.14. Papilles vestibulaires.
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Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
adjacente, souples, filiformes, distribuées de façon bilatérale et symétrique et séparées les unes des autres, avec une base individuelle et étroite (figures 7.16 et 7.17). La principale difficulté est de ne pas les confondre avec des condylomes.
Confirmer Le diagnostic est clinique. La dermoscopie peut conforter le diagnostic en montrant de multiples vaisseaux linéaires et irréguliers au sein de structures transparentes cylindriques (papilles) [26]. Si toutefois la biopsie d'une papille vestibulaire est réalisée, l'examen histologique met en évidence une lésion exophytique centrée par un axe conjonctivovasculaire et recouvert d'un épithélium orthokératosique (figure 7.18), la présence de quelques cellules d'aspect koïlocytaire ne signifiant pas la présence d'une infection à HPV [27].
Éliminer Les condylomes sont le principal diagnostic différentiel des papilles vestibulaires. Contrairement à celles-ci, ils sont distribués au hasard, sont fermes ou durs à la palpation, de couleur variable et différente de la muqueuse adjacente et leur base, plus large, peut être confluente [24].
Explorer Aucune exploration particulière n'est nécessaire.
Traiter Une fois la patiente rassurée, aucun traitement n'est indiqué, ni bien sûr aucune surveillance particulière.
Figure 7.17. Papillomatose vestibulaire. Source : Dr Guillaume Orieux, Hô Chi Minh-Ville
Figure 7.15. Papilles de la face interne de la petite lèvre droite.
Figure 7.18. Papillomatose vestibulaire. Aspect histologique. Source : Dr Bénédicte Cavelier Balloy.
Dire et retenir ■
■
■
Figure 7.16. Papillomatose vestibulaire.
La papillomatose vestibulaire est bénigne et asymptomatique. Elle ne peut pas être responsable de symptômes (brûlures, prurit, dyspareunie). Les papilles ne doivent pas être confondues avec des condylomes. 191
Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
Angiokératomes Évoquer Les angiokératomes génitaux, malgré leur dénomination anglo-saxonne (angiokeratoma of Fordyce) du fait de leur description par Fordyce en 1896 [28], ne doivent pas être confondus avec les grains de Fordyce génitaux d'origine sébacée. Il s'agit de lésions fréquentes, dont la prévalence augmente avec l'âge. Ainsi, dans une série de 400 hommes âgés de 3 à 99 ans consultant en dermatologie, des angiokératomes génitaux sont observés dans 4,5 % des cas [29] alors qu'ils sont observés chez 15 % des hommes après 50 ans [30]. L'incidence serait maximale lors de la 3e décade [31]. Une autre étude menée chez 213 patients « caucasiens » (127 hommes et 86 femmes), consultant pour un contrôle de nævus et acceptant un examen systématique de la région génitale, montre que la présence d'au moins un angiokératome est significativement associée au sexe masculin (OR : 2,4) et à un âge supérieur à 50 ans (OR : 3,4) [32]. Dans cette étude, la prévalence des angiokératomes est de 37 % chez les hommes et de 19,8 % chez les femmes [32]. Les angiokératomes du scrotum et de la vulve sont asymptomatiques, mais parfois à l'origine d'une gêne esthétique surtout lorsqu'ils surviennent chez des patients jeunes. Rarement, ils peuvent être douloureux en cas de thrombose ou à l'origine d'un saignement minime [32,33].
le gland (figure 7.20) chez l'homme et sur les grandes lèvres chez la femme (figure 7.21) [34]. Les lésions sont habituellement bilatérales, mais parfois unilatérales [35]. En cas de thrombose, ils peuvent prendre l'aspect d'une papule noire (figures 7.22 et 7.23). De rares formes géantes sont décrites, pouvant faire suspecter cliniquement des lésions malignes
Figure 7.20. Angiokératomes multiples du gland.
Reconnaître Le plus souvent, les angiokératomes se présentent sous la forme de papules de taille variable, érythémateuses ou violacées, discrètement kératosiques, multiples, sur le scrotum (figure 7.19), plus rarement sur le fourreau du pénis et sur
Figure 7.21. Angiokératomes multiples des grandes lèvres.
Figure 7.19. Angiokératomes multiples du scrotum.
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Figure 7.22. Angiokératome thrombosé du scrotum (flèche).
Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
Figure 7.25. Botriomycome du sillon balanopréputial.
Figure 7.23. Angiokératome thrombosé isolé.
[36,37]. L'association à des angiokératomes extra-génitaux a été rarement rapportée, comme sur les paupières, en dehors de toute maladie de Fabry [38].
Confirmer Chez l'homme comme chez la femme, le diagnostic d'angiokératome est habituellement clinique. En cas de doute, on peut s'aider d'un examen dermoscopique [39] ou vidéodermoscopique [40]. Si une biopsie est réalisée, l'examen histologique montre une prolifération intradermique de capillaires sous un épiderme hyperplasique et hyperkératosique (figure 7.24). Un angiokératome thrombosé unique se présentant sous la forme d'une lésion papuleuse noire pourra être biopsié en cas de doute clinique afin d'éliminer une lésion mélanocytaire.
Figure 7.26. Angiome capillaire du scrotum.
Figure 7.27. Angiome veineux du gland.
Éliminer
Figure 7.24. Angiokératome du scrotum. Aspect histologique. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
Les condylomes sont aisément éliminés cliniquement, de même que d'autres tumeurs vasculaires comme : ■ un botriomycome (figure 7.25) ; ■ chez l'enfant ou l'adulte, un angiome capillaire (figure 7.26), un angiome veineux (figure 7.27), un hémangiome ou des malformations congénitales, isolés ou intégrées à un
193
Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
tate (figure 7.29) ou de l'utérus), parfois associées à un lymphœdème ; ■ une maladie de Kaposi (figure 7.30), liée au VIH ou non, puisqu'une forme récente survenant chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) et séronégatifs pour le VIH a récemment été individualisée, caractérisée par une plus grande fréquence d'atteinte muqueuse [45].
Explorer Figure 7.28. Lymphangiectasies post-circoncision.
Figure 7.29. Lymphangiectasies post-radiothérapie.
Figure 7.30. Maladie de Kaposi du gland.
syndrome polymalformatif PELVIS/LUMBAR [41,42] ou SACRAL [43] ; ■ un lymphangiome circonscrit, qui correspond à une forme cutanée superficielle de malformation lymphatique microkystique [44] ; ■ des lymphangiectasies : cliniquement et histologiquement proches d'un lymphangiome circonscrit mais liées à une dilatation et à une obstruction lymphatique d'origine inflammatoire ou mécanique (post-circoncision (figure 7.28) ou postradiothérapie pour cancer de la pros-
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Bien qu'un lien ait été suspecté entre angiokératomes unilatéraux du scrotum et varicocèle sous-jacent [46], cette association semble fortuite et n'a pas été confirmée dans une étude prospective [47], d'autant plus qu'ont été décrits des angiokératomes unilatéraux associés à une varicocèle controlatérale [48]. Ainsi, un examen clinique avec palpation des testicules à la recherche de varicocèle peut être réalisé mais une échographie testiculaire systématique n'est pas indiquée. La maladie de Fabry est une sphingolipidose héréditaire de transmission autosomique récessive liée à l'X, liée à un déficit en une enzyme lysosomiale (α-galactosidase A), responsable de l'accumulation dans la paroi vasculaire de globotriaosyl-céramide. Au cours de la maladie de Fabry, les angiokératomes sont présents chez 66 % des hommes hémizygotes et 36 % des femmes hétérozygotes [49]. Chez la femme hétérozygote, la localisation vulvaire des angiokératomes semble très rare [50]. Chez l'homme, ils se distinguent des angiokératomes classiques du scrotum par leur début précoce dans l'enfance ou l'adolescence, 37 % des garçons d'un âge moyen de 9 ans ayant des angiokératomes, mais aussi par leur extension au-delà du scrotum, sur la racine des cuisses et la ceinture (topographie « en caleçon »). D'autres signes dermatologiques peuvent être associés : télangiectasies, œdème ou lymphœdème des membres inférieurs, acroparesthésies, acrodynies, anhidrose généralisée. Les manifestations viscérales sont plus tardives, survenant vers la troisième décennie, sous la forme d'atteintes notamment rénales, cardiaques et cérébrales, les signes cutanés étant associés à la sévérité de la maladie [50]. Le dépistage de la maladie de Fabry repose sur le dosage de l'activité α-galactosidase leucocytaire (effondrée ou absente chez les hommes hémizygotes et basse chez les femmes hétérozygotes). Le diagnostic précoce, sur la base notamment des signes cutanés comme les angiokératomes, est d'autant plus important que le traitement enzymatique de substitution est plus efficace s'il est débuté précocement. Un examen de l'ensemble du tégument doit donc être réalisé devant des angiokératomes du scrotum de survenue précoce ou étendus à la « zone du caleçon », voire systématiquement car une authentique maladie de Fabry peut se présenter, y compris chez l'homme âgé, sous la forme d'angiokératomes limités au scrotum mais associés à des anomalies cutanées extra-génitales comme des angiomes du tronc [51]. Enfin, des angiokératomes corporels diffus peuvent être associés à d'autres maladies de surcharge comme la fucosidose [52].
Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
Comprendre L'étiologie des angiokératomes n'est pas connue. Ils correspondraient à une dilatation des capillaires de la papille dermique secondaire à une hyperpression veineuse ou à la dégénérescence du tissu élastique entourant les capillaires [32,53,54]. Les angiokératomes de la maladie de Fabry seraient quant à eux liés à une fragilité vasculaire secondaire à l'accumulation dans la paroi vasculaire de globotriaosyl-céramide. Cependant, des auteurs ont récemment suggéré l'origine lymphatique des angiokératomes du scrotum en mettant en évidence en immunohistochimie des marquages D2-40 et Prox1 positifs [55].
Traiter Certain(e)s patient(e)s sont demandeurs d'une correction à visée esthétique même lorsqu'ils ont été informés de la bénignité des angiokératomes et de l'absence d'infection sexuellement transmissible (IST). Le traitement peut faire appel à l'électrocoagulation, la cryothérapie, l'exérèse chirurgicale (notamment en cas de lésion de grande taille) ou aux lasers vasculaires, avec une meilleure efficacité du laser Nd:YAG par rapport au laser à colorant pulsé, probablement du fait d'une moindre pénétration tissulaire de ce dernier [56,57].
Surveiller Si aucune surveillance systématique n'est indiquée en cas d'angiokératomes limités au scrotum chez un patient âgé, une surveillance est préconisée chez l'homme jeune afin de détecter précocement une extension des angiokératomes en dehors du scrotum ou d'autres anomalies cutanées pouvant faire suspecter une maladie de Fabry.
papilliferum. Cette tumeur quasi exclusivement féminine est la plus fréquente des tumeurs glandulaires bénignes de la vulve (60 %) [58]. Son origine apocrine, longtemps admise, est remise en question. Ainsi l'HP étant considéré actuellement comme une prolifération adénomateuse des glandes anogénitales de type mammaire, la dénomination « adénome des glandes anogénitales de type mammaire » est plus précise [59,60]. L'HP se présente comme un nodule asymptomatique de croissance lente. Il concerne des femmes âgées en moyenne de 46 ans et n'a jamais été décrit avant la puberté [59]. Il peut être découvert de façon fortuite, palpé par la patiente ou à l'occasion d'un examen gynécologique. Plus rarement, l'HP est symptomatique, augmentant de volume ou responsable d'un prurit ou d'un saignement [61]. L'HP est exceptionnel chez l'homme, chez qui il a été rapporté dans les zones périnéale et péri-anale [62] mais pas sur le pénis ou le scrotum.
Reconnaître L'HP se présente le plus souvent comme un nodule unique (94 %), de taille inférieure à 1 cm (75 %), de couleur rose ou chair (63,5 %), non ulcéré (71 %) (figures 7.31 et 7.32). Sa surface est lisse, ombiliquée ou le siège d'une protubérance, prenant un aspect mamelonné [59]. Plus rarement, l'HP peut être de grande taille jusqu'à plusieurs centimètres de diamètre, multiple, ou ulcéré avec dans ce cas une zone érythémateuse surmontant le nodule rosé (figure 7.33) ou encore de couleur uniformément bleutée par effet Tyndall.
Dire ■
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Les angiokératomes génitaux sont bénins et non transmis sexuellement. Ils ne nécessitent aucun traitement.
Retenir ■
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La prévalence des angiokératomes génitaux augmente avec l'âge. Une maladie de Fabry doit être suspectée en cas d'angiokératomes de survenue précoce ou étendus à la « zone du caleçon » chez l'homme.
Hidradénome papillifère Évoquer L'hidradénome papillifère (HP) est également dénommé adénome des glandes anogénitales de type mammaire, hidradénome papillaire, hidradénome vulvaire, hidradénome tubulaire, adénome apocrine et, dans la littérature anglo-saxonne, papillary hidradenoma ou hidradenoma
Figure 7.31. Hidradénome papillifère. Face interne de la grande lèvre droite adjacente au sillon interlabial.
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Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
Figure 7.34. Hidradénome papillifère. Aspect histopathologique. Source : Dr Bénédicte Cavelier Balloy. Figure 7.32. Hidradénome papillifère.
Figure 7.35. Kyste épidermique.
Figure 7.33. Hidradénome papillifère ulcéré du sillon interlabial. Source : Dr Marie-Hélène Jégou-Penouil, Blanquefort.
L'HP siège préférentiellement dans le sillon interlabial ou sur la face interne de la grande lèvre, adjacente au sillon interlabial (85 % des cas) [59]. Beaucoup plus rarement, l'HP se localise sur le périnée, le capuchon clitoridien ou sur la face externe de la grande lèvre.
Confirmer Le diagnostic d'HP est histologique, sur biopsie ou de préférence sur pièce d'exérèse de la lésion. Dans la série anatomoclinique de Blind et al. [60], le diagnostic n'était jamais évoqué cliniquement. L'aspect histologique est celui d'un nodule bien circonscrit, non encapsulé du derme plus ou moins
196
profond, comportant des structures papillaires et tubulaires formant d'innombrables lumières réalisant un réseau ou un labyrinthe (figure 7.34). Le revêtement épithélial des papilles ou des tubes comporte une double couche cellulaire, une couche interne de cellules cylindriques sécrétantes par décapitation (mécanisme apocrine) et une couche externe de cellules myoépithéliales [63,64].
Éliminer Face à un HP non ulcéré, le principal diagnostic différentiel, le plus souvent évoqué cliniquement [60], est le kyste épidermique ; il est cependant jaunâtre ou blanchâtre et siège sur la face cutanéo-pileuse externe des grandes lèvres (figure 7.35). Face à un HP ulcéré, un botriomycome, un carcinome épidermoïde ou basocellulaire peuvent être évoqués [59,60]. Un HP de couleur bleutée pourra faire discuter une lésion pigmentaire (nævus bleu ou mélanome) ou un hidrocystome. L'hidrocystome est un kyste d'origine sudorale dont il
Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
existe une forme apocrine et une forme eccrine, la première étant plus fréquente que la seconde et parfois de couleur bleutée ou noirâtre [64]. Si le visage est le siège préférentiel de l'hidrocystome, des cas sont décrits sur la vulve (figures 7.36 et 7.37) ou le pénis [65]. Dans tous les cas, c'est l'examen histologique qui confirmera le diagnostic et qui permettra aussi de différencier l'HP des autres lésions dérivant des glandes anogénitales de type mammaire [66], identiques à celles observées en pathologie mammaire et qui peuvent être de nature bénigne, le plus souvent à type d'adénofibrome ou de papillome intra-galactophorique [63] ou de nature maligne réalisant alors l'exceptionnel carcinome vulvaire des glandes de type mammaire [67].
Comprendre En 1991, van der Putte [68] décrit les glandes anogénitales de type mammaire et leur répartition dans la région génitale :
ces glandes, proches des glandes apocrines et eccrines et entourées d'un tissu fibreux ressemblant au tissu conjonctif des lobules glandulaires mammaires, siègent dans le sillon interlabial, autour du clitoris, sur le périnée et autour de l'anus. El Khoury et al. [59] ont analysé sur photographies la répartition de 52 HP sur la vulve et ont montré que cette répartition reproduisait celle des glandes anogénitales de type mammaire, apportant un argument supplémentaire en faveur de leur histogenèse. Une analyse de 14 cas d'HP de l'anus montre que leurs caractéristiques sont comparables à celles de la vulve : exclusivité féminine, âge moyen de 48 ans, lésion le plus souvent asymptomatique et de croissance lente, parfois responsable d'un prurit, de douleurs ou saignement, aspect clinique superposable [69]. Chez l'homme, les glandes anogénitales de type mammaire sont situées sur la face ventrale du pénis, le périnée et la zone péri-anale [70].
Explorer Aucune exploration complémentaire n'est nécessaire.
Traiter Le traitement est l'exérèse chirurgicale complète de la lésion.
Surveiller La lésion étant bénigne, une fois retirée en totalité, aucune surveillance n'est nécessaire.
Dire ■
Figure 7.36. Hidrocystome (coloration bleutée).
L'hidradénome papillifère est bénin. Il nécessite d'être retiré et analysé pour confirmer sa nature et sa bénignité.
Retenir ■
■
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La nature apocrine de l'hidradénome papillifère est remise en question. L'hidradénome papillifère est considéré comme une prolifération adénomateuse des glandes anogénitales de type mammaire. Une dénomination plus précise de l'hidradénome papillifère est « adénome des glandes anogénitales de type mammaire ».
Distinguer homme/femme ■
■
Figure 7.37. Hidrocystome (coloration bleutée). Source : Dr Marie-Hélène Jégou-Penouil, Blanquefort.
L'hidradénome papillifère est la plus fréquente des tumeurs glandulaires bénignes de la vulve. Il est exceptionnel chez l'homme, chez qui il a été rapporté dans les zones périnéale et péri-anale mais jamais sur le pénis ou le scrotum. 197
Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
Syringomes Évoquer Les syringomes sont des tumeurs eccrines bénignes, plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes, le plus souvent multiples, parfois éruptives et localisées préférentiellement sur le visage (paupières en particulier), le thorax et le cou pour les formes multiples [71]. Si la localisation vulvaire est rare, elle est classique, le syringome constituant la 2e tumeur annexielle vulvaire la plus fréquente après l'hidradénome papillifère [71]. Elle affecte les femmes autour de la trentaine [72]. Les syringomes génitaux semblent moins fréquents chez l'homme. Le prurit, fréquent au cours de l'atteinte vulvaire, parfois majoré en période estivale ou au moment des règles, et/ou la gêne esthétique sont les principaux motifs de consultation des patientes [72]. Les syringomes peuvent être découverts de façon fortuite par les patientes ou lors d'un examen systématique. Chez l'homme, le prurit est plus rare et les motifs de consultation sont la gêne esthétique et la crainte d'une IST [73].
Figure 7.39. Syringomes vulvaires. Papules lichénifiées de la grande lèvre gauche (flèche) (même patiente que figure 7.38).
Reconnaître Les syringomes siègent de façon bilatérale sur les grandes lèvres chez la femme et sur le fourreau du pénis plutôt que sur le scrotum chez l'homme [72,73]. Ils se présentent le plus souvent comme de multiples papules d'1 à 3 mm, de couleur chair, brune ou rosée (figure 7.38). Certains d'entre eux peuvent être excoriés du fait du grattage. Plus rarement, leur aspect est pseudo-kystique blanchâtre ou celui d'une plaque lichénifiée (figure 7.39) [72].
Figure 7.40. Syringomes vulvaires. Aspect histopathologique. Source : Dr Bénédicte Cavelier Balloy.
Confirmer [71,74] La biopsie est nécessaire pour confirmer le diagnostic. L'examen histologique met en évidence une lésion de petite taille et bien limitée, occupant le derme superficiel et moyen, constituée de multiples structures luminales et de travées cellulaires, la connexion des 2 donnant la classique image en têtard ou raquette de tennis (figure 7.40). Les lumières, bordées de 2 couches de cellules, sont vides ou contiennent un matériel basophile correspondant à la sécrétion sudorale. Le stroma est constitué de collagène densifié.
Éliminer
Figure 7.38. Syringomes vulvaires. Coexistence de papules couleur chair localisées à la face interne des grandes lèvres et de papules rosées (grattage).
198
Cliniquement, on ne confondra pas les syringomes avec de multiples kystes épidermiques (sachant que les deux peuvent être associés [71,72,74]), des condylomes, une papulose bowénoïde, des molluscum contagiosum, un lichen plan, un lichen nitidus ou des causes plus rares de papules génitales multiples : maladie de Fox-Fordyce [75], des acanthomes épidermolytiques génitaux [76] et une dyskératose acantholytique papuleuse [77].
Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
Figure 7.41. Syringomes vulvaires. Traitement par laser CO2 avec un recul de 4 ans. Source : Dr Olivier Cogrel, service de dermatologie, CHU de Bordeaux.
Explorer
Distinguer homme/femme
Aucun examen complémentaire n'est nécessaire.
■
Comprendre La présence de récepteurs hormonaux à la progestérone sur les syringomes, bien qu'inconstante, expliquerait leur hormonodépendance et leur augmentation de taille au cours du cycle menstruel, de la prise de contraceptifs oraux ou de la grossesse, ou la survenue de formes éruptives lors de la grossesse [72,74]. La sécrétion sudorale, stimulée par la chaleur, expliquerait l'aggravation du prurit en période de chaleur [72].
Traiter L'abstention thérapeutique est proposée pour les formes asymptomatiques. En cas de demande esthétique et/ou de prurit invalidant, une électrocoagulation ou une vaporisation par laser CO2 sont les procédures les plus fréquemment proposées avec de bons résultats (figure 7.41) [71].
Surveiller Aucune surveillance n'est nécessaire.
Dire ■
■
Les syringomes sont bénins. Ils peuvent être responsables de démangeaisons. En cas de gêne importante, ils peuvent être traités, par laser CO2 en particulier.
Retenir ■
■
Les syringomes sont des tumeurs sudorales eccrines bénignes. Sur la vulve, ils siègent sur les grandes lèvres et peuvent être très prurigineux.
Les syringomes génitaux semblent moins fréquents chez l'homme.
Xanthome verruciforme Évoquer Le xanthome verruciforme est une « tumeur » bénigne rare initialement décrite dans la cavité buccale en 1971, puis en 1979 sur la vulve et enfin sur le pénis en 1981 et le scrotum en 1984 [78]. La localisation génitale est la localisation extraorale la plus courante. Le xanthome verruciforme génital semble plus fréquent chez l'homme, âgé en moyenne de 50 à 60 ans, que chez la femme. Dans une série de 10 cas de xanthomes verruciformes vulvaires, l'âge moyen des patientes était de 68 ans. Le xanthome verruciforme était asymptomatique et de croissance lente, les 3 patientes se plaignant d'un prurit présentaient de façon concomitante un lichen scléreux (2 cas) ou une maladie de Paget (1 cas) [79].
Reconnaître Dans la série de Fite et al. [79], le xanthome verruciforme vulvaire se présentait comme une plaque bien limitée, indurée, verruqueuse de couleur jaune-orangé, de taille variable (2 à 20 mm). La lésion était unique dans la majorité des cas. Elle se localisait sur les petites lèvres, les grandes lèvres, le clitoris ou la fourchette. Dans cette série, les 10 patientes présentaient une dermatose vulvaire associée : lichen scléreux (6 cas), lichen plan (2 cas), maladie de Paget ou radiodermite [79]. Un examen vulvaire soigneux sera donc effectué afin de rechercher un lichen scléreux ou un lichen plan associés, parfois quiescents. Seules leurs séquelles et les remaniements
199
Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
anatomiques peuvent alors permettre de les reconnaître. L'association xanthome verruciforme-lichen ne semble pas avoir été décrite chez l'homme. Chez l'homme, il est plus courant sur le scrotum que sur le pénis, où il prédomine sur le gland et le prépuce plutôt que sur le fourreau [78]. De multiples aspects cliniques sont décrits, les plus fréquents étant des plaques ou papulonodules, pédiculés ou sessiles, rosés.
Dire ■
Retenir ■
Confirmer La confirmation du diagnostic de xanthome verruciforme est, dans tous les cas, histologique. Le xanthome verruciforme, bien distinct de l'épithélium normal adjacent, se caractérise par un épithélium hyperkératosique, acanthosique, dont les crêtes sont étirées et au sein duquel sont observées des zones parakératosiques bien limitées tandis que les cellules xanthomisées se regroupent dans les papilles dermiques.
Éliminer L'aspect papuloverruqueux du xanthome verruciforme fait évoquer en priorité cliniquement les diagnostics suivants : condylome, néoplasie intraépithéliale différenciée ou liée à l'HPV, hyperplasie épithéliale verruqueuse et carcinome épidermoïde.
Explorer Aucune exploration complémentaire n'est nécessaire.
Comprendre Le xanthome verruciforme vulvaire pourrait constituer une réponse inflammatoire histiocytaire non spécifique du derme à une agression de l'épiderme dans le cadre de différentes dermatoses, dont les principales sont les dermatoses lichénoïdes responsables d'une altération de la jonction dermo-épidermique [78,79]. Le xanthome verruciforme chez l'homme, du scrotum en particulier, pourrait être secondaire à une irritation chronique du scrotum, la position assise au sol prolongée chez les Asiatiques ayant été incriminée [78]. L'aspect verruqueux, pseudo-condylomateux du xanthome verruciforme a fait émettre l'hypothèse d'un rôle de l'HPV dans sa pathogénie. Ce rôle n'a pas été confirmé tout comme celui d'une dyslipidémie associée [80,81].
Traiter L'exérèse chirurgicale complète du xanthome verruciforme est recommandée, d'autant plus qu'il existe un lichen scléreux ou plan associé [79].
Surveiller Un suivi, non codifié, peut être conseillé après exérèse d'un xanthome verruciforme, d'une part pour s'assurer qu'il ne récidive pas et d'autre part lorsqu'il existe un lichen associé.
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Le xanthome verruciforme génital est bénin.
Le xanthome verruciforme vulvaire est associé à une dermatose vulvaire sous-jacente, principalement un lichen scléreux.
Distinguer homme/femme ■
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Le xanthome verruciforme génital semble plus fréquent chez l'homme. Il est associé à une dermatose génitale sous-jacente chez la femme, mais pas chez l'homme.
Tumeur de Buschke-Löwenstein ou condylome géant acuminé Évoquer La tumeur de Buschke-Löwenstein (TBL) est une tumeur rare, plus fréquente chez l'homme que chez la femme (sex-ratio : 2,7), survenant chez les sujets jeunes (âge moyen : 44 ans) et décrite aussi chez l'enfant [82] avec une prédilection pour les zones génitales, péri-anales et périnéales [83]. Les symptômes, parfois liés à l'infiltration profonde qui peut succéder au développement exophytique de la lésion, peuvent être : douleur, saignements, prurit, formation de fistules, surinfection pouvant conduire à une bactériémie. Des difficultés d'hygiène peuvent survenir. La palpation d'une masse peut aussi conduire les patient(e)s à consulter.
Reconnaître L'aspect est celui d'une tumeur étendue, verruqueuse, exophytique, classiquement « en chou-fleur ». Chez l'homme, la TBL génitale débute volontiers dans le sillon balanopréputial sous la forme d'un banal condylome, pour s'étendre ensuite lentement et en l'absence de traitement au gland, au prépuce et au fourreau du pénis, voire au pubis et au scrotum [84] (figure 7.42). Elle peut se localiser d'emblée sur le scrotum, dans les plis inguinaux ou la zone péri-anale (figure 7.43). L'extension lente de la tumeur se fait en surface (figure 7.44) mais aussi en profondeur, avec un envahissement progressif des structures de voisinage. Chez la femme, les lésions peuvent être très étendues recouvrant la totalité de la vulve, avec une possible extension anale et périnéofessière (figure 7.45), le développement de la tumeur étant parfois signalé comme rapide, en 3 à 6 mois [85,86]. L'examen clinique doit comporter, outre celui des organes génitaux externes : ■ la palpation des aires ganglionnaires inguinales (adénopathies inflammatoires non métastatiques fréquentes du
Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
Figure 7.42. Tumeur de Buschke-Löwenstein du fourreau du pénis et du scrotum.
Figure 7.45. Tumeur de Buschke-Löwenstein vulvaire. Source : Pr Marie Beylot-Barry, service de dermatologie, CHU de Bordeaux.
fait de la surinfection de la tumeur, adénopathies métastatiques possibles en cas de transformation en carcinome épidermoïde) ; ■ l'examen de la région périnéale et anale, à la recherche de condylomes ou d'une extension de la TBL génitale ; ■ l'examen de la cavité buccale à la recherche de condylomes. L'examen clinique de la ou du partenaire doit être proposé, à la recherche de lésions anogénitales ou buccales HPV-induites.
Confirmer
Figure 7.43. Tumeur de Buschke-Löwenstein du fourreau du pénis, du pubis et des plis inguinaux.
Le diagnostic de TBL repose sur l'examen histologique d'une biopsie large, chirurgicale plutôt que réalisée au punch, afin de ne pas conclure à tort à un condylome ou une kératose séborrhéique, et en ciblant une zone paraissant cliniquement moins bien différenciée. Cet examen histologique montre une tumeur épithéliale kératinisée exophytique bourgeonnante avec papillomatose et acanthose marquées et conservation d'une cytologie régulière [84] (figure 7.46). Il s'y associe une parakératose et de nombreux koïlocytes (kératinocytes clarifiés témoignant de l'effet cytopathogène lié au virus HPV) surtout superficiels. Dans certains cas, des kystes cornés intraépidermiques peuvent être présents, simulant une kératose séborrhéique. La prolifération est initialement exophytique mais peut s'étendre en profondeur sous la forme de bourgeons kératinocytaires cytologiquement réguliers avec présence de nombreux koïlocytes, la membrane basale restant continue. La vérification du respect de la membrane basale est cruciale puisque dans le cas contraire, le diagnostic de TBL est écarté au profit du diagnostic de carcinome épidermoïde (CE) micro-invasif ou invasif survenant sur TBL.
Éliminer
Figure 7.44. Tumeur de Buschke-Löwenstein péri-anale.
Le diagnostic différentiel se pose avec les condylomes dont l'aspect histologique sur biopsie est identique à celui de la TBL, cette dernière se différenciant macroscopiquement par sa grande taille. Condylomes et TBL peuvent être associés chez un même patient (figure 7.47).
201
Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
Figure 7.48. Maladie de Bowen (néoplasie intraépithéliale HPV-induite) hyperplasique du pubis.
Figure 7.46. Aspect histopathologique d'une tumeur de BuschkeLöwenstein. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
Figure 7.47. Tumeur de Buschke-Löwenstein et condylomes du pli inguinal.
Seront également éliminés une maladie de Bowen (néoplasie intra-épithéliale HPV-induite) liée à un HPV oncogène, dans une forme verruqueuse (figures 7.48 et 7.49), ainsi qu'un carcinome épidermoïde bien différencié tel que le carcinome verruqueux caractérisé par l'absence de rupture de la membrane basale et par l'absence d'atypie comme la TBL, mais qui s'en différencie par l'absence d'effet cytopathogène à HPV.
Figure 7.49. Néoplasie intraépithéliale HPV-induite vulvaire. Source : Dr Gabriel Colonna, Porto Vecchio.
Un bilan sera réalisé à la recherche d'autres IST comprenant les sérologies VIH, VHB, VHC, TPHA-VDRL, la recherche de Chlamydia trachomatis et de Neisseria gonorrhoeae par PCR dans le premier jet urinaire chez l'homme et par autoprélèvement vaginal chez la femme, parfois dans l'oropharynx et l'anus en fonction des pratiques sexuelles.
Explorer
Comprendre
Un examen gynécologique avec frottis cervico-vaginal et, chez l'homme et la femme, une anuscopie en cas de rapports anaux insertifs ou d'extension péri-anale de la tumeur rechercheront des lésions HPV-induites. Une imagerie par résonance magnétique (IRM) du pénis et du scrotum ou une IRM (ou une tomodensitométrie [TDM]) pelvienne chez l'homme ou la femme permettront d'évaluer l'invasion locale de la tumeur et de guider le geste chirurgical.
La TBL ou condylome acuminé géant est une tumeur épithéliale décrite par Buschke et Löwenstein en 1925 [87]. Elle est liée à l'HPV, notamment HPV6 et 11 dans 90 % des cas, plus rarement à un HPV oncogène. Elle est considérée par certains comme une IST, au même titre que les condylomes [88]. Elle se distingue toutefois d'un condylome acuminé par sa taille, son potentiel de refoulement des tissus avoisinants et le risque de transformation en carcinome épidermoïde invasif. L'absence de rupture de la membrane basale der-
202
Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
Figure 7.50. Carcinome épidermoïde (flèche) compliquant une tumeur de Buschke-Löwenstein.
mo-épidermique et l'absence d'évolution métastatique (en l'absence de transformation en carcinome épidermoïde) la différencient, pour certains, du carcinome épidermoïde auquel elle peut ressembler cliniquement. D'autres auteurs considèrent la TBL au contraire comme une forme débutante de carcinome verruqueux ou comme une forme rare de carcinome épidermoïde verruciforme, aux côtés du carcinome condylomateux, du carcinome verruqueux et du carcinome cuniculatum [89,90]. La TBL est plus fréquente et d'évolution plus rapide en cas d'immunosuppression VIH ou iatrogène [91]. Une transformation en carcinome épidermoïde invasif survient généralement tardivement, après plusieurs années d'évolution et expose au risque d'évolution métastatique ganglionnaire et viscérale (figure 7.50). Cette transformation survient dans 30 à 56 % des cas en cas de TBL péri-anale mais sa fréquence n'est pas connue en cas de TBL pénoscrotale [92]. Le délai moyen de transformation est de 5 ans.
Traiter La rareté de la TBL explique l'absence de consensus concernant son traitement [93]. La TBL récidive fréquemment après traitement, dans 30 à 70 % des cas [85]. Parmi l'ensemble des traitements proposés, l'exérèse chirurgicale semble d'efficacité supérieure aux traitements médicaux, surtout en cas d'immunosuppression liée au VIH. Le traitement chirurgical de la TBL repose sur l'exérèse complète de la lésion. La marge d'exérèse n'est pas codifiée. Le risque de récidive locale reste important même en cas d'exérèse cliniquement et histologiquement complète. L'avantage de l'exérèse chirurgicale est de permettre un examen histologique complet de la pièce d'exérèse afin d'éliminer une zone invasive. Pour la vulve, peut être réalisée une vulvectomie superficielle avec préservation du clitoris et de l'anatomie des lèvres [86]. L'extension des lésions nécessite parfois le recours à une chirurgie reconstructrice com-
plexe [94]. Les conséquences fonctionnelles, esthétiques et psychologiques de la chirurgie doivent être discutées. La vaporisation au laser CO2, moins mutilante que l'exérèse chirurgicale classique, n'a été rapportée qu'au travers de quelques cas cliniques, dont certains avec une absence de récidive après un recul de 10 ans [95]. Si le taux de récidive après vaporisation au laser CO2 n'a pas été comparé à celui de l'exérèse chirurgicale classique, l'absence de contrôle histologique de l'ensemble de la lésion risque de méconnaître des zones de transformation en carcinome épidermoïde micro-invasif ou invasif. Les autres modalités thérapeutiques (chimiothérapie et interféron α intra-lésionnel ou systémique, acitrétine ou isotrétinoïne, imiquimod topique [85], radiothérapie) doivent être discutées en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) au cas par cas et peuvent être utilisées isolément ou associées à la chirurgie, notamment afin de diminuer le volume lésionnel en préopératoire.
Surveiller Le risque de mortalité, évalué à 21 % dans les TBL péri-anales mais inconnu dans les TBL pénoscrotales et vulvaires, est lié à l'invasion locale de la tumeur et à la destruction lente et progressive des tissus sous-jacents, même en absence de transformation en CE [96]. Le risque de récidive après traitement étant important, une surveillance clinique régulière est nécessaire.
Dire ■
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La TBL, malgré un aspect inquiétant, reste bénigne pendant plusieurs années en l'absence d'immunodépression. Le traitement est avant tout chirurgical ; la surveillance est cruciale.
Retenir ■ ■
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La TBL est une tumeur bénigne liée à l'HPV. Le diagnostic histologique nécessite une biopsie large. L'examen de la pièce d'exérèse doit confirmer le respect de la membrane basale ce qui fait privilégier l'exérèse chirurgicale de la TBL aux traitements conservateurs. Une transformation tardive en carcinome épidermoïde invasif est possible.
Distinguer homme/femme ■
L TBL est plus fréquente chez l'homme que chez la femme.
203
Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
Kyste épidermique Évoquer Les kystes épidermiques (ou épidermoïdes) vulvaires et scrotaux sont très fréquents, présents à tout âge, même chez le nouveau-né. Ils sont à tort qualifiés de « kystes sébacés » alors qu'ils se développent à partir de l'infundibulum du follicule pileux. Ils sont le plus souvent asymptomatiques. Certain(e)s patient(e)s se plaignent d'un prurit ou d'une sensation de pesanteur lorsqu'ils sont nombreux et volumineux. Ils peuvent devenir douloureux en cas d'inflammation ou de surinfection, spontanée ou provoquée par le grattage ou le frottement.
Reconnaître Les kystes épidermiques siègent principalement sur les grandes lèvres chez la femme (figure 7.51) et sur le scrotum (figure 7.52) plus que sur le fourreau du pénis chez l'homme (figure 7.53). Ils peuvent être uniques ou multiples (figure 7.54), parfois recouvrant l'ensemble du scrotum (figure 7.55). Ils se présentent comme des lésions papuleuses ou nodulaires, blanc jaunâtre (figure 7.54). Leur inflammation est possible (figures 7.56 et 7.57).
Figure 7.51. Kystes épidermiques des grandes lèvres.
Confirmer Le diagnostic de kyste épidermique est clinique. Si une exérèse est réalisée, l'examen histologique montre une lésion kystique à paroi épithéliale, comportant un épithélium pluristratifié kératinisant sur un mode épidermique (figure 7.58). Le contenu du kyste est de la kératine lamellaire [97].
Éliminer Un pseudo-kyste smegmatique correspond à l'accumulation de smegma sous une adhérence balanopréputiale congénitale chez l'enfant (figure 7.59) ou acquise, telle qu'un encapuchonnement clitoridien secondaire à un lichen scléreux ou un lichen plan chez la femme (figure 7.60). Situé sur le raphé médian, un kyste du raphé médian, épidermique plutôt qu'urothélial, est impossible à distinguer d'un banal kyste épidermique, en dehors de sa localisation strictement médiane. La calcinose scrotale idiopathique (figure 7.61) correspond à un ou plusieurs nodules calcifiés du scrotum, sans paroi kystique observable en histologie, sans anomalie du métabolisme phosphocalcique associée [98]. Elle reposerait pour certains auteurs sur une calcification dystrophique du muscle dartoïque, alors que pour d'autres, elle correspondrait à une réaction granulomateuse suivie d'une calcification de kystes épidermiques rompus. La calcinose vulvaire, équivalent féminin de la calcinose scrotale idiopathique, est très rare. Parmi la dizaine de cas rapportés dans la littérature, la majorité est idiopathique et est décrite chez l'enfant [99].
204
Figure 7.52. Kystes épidermiques multiples du scrotum.
Figure 7.53. Kyste épidermique ouvert isolé du fourreau du pénis.
Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
Figure 7.56. Kyste épidermique enflammé du fourreau du pénis.
Figure 7.54. Aspect blanc jaunâtre de kystes épidermiques multiples.
Figure 7.57. Kystes épidermiques inflammatoires vulvaires.
Figure 7.55. Kystes épidermiques profus du scrotum.
Figure 7.58. Kyste épidermique scrotal. Aspect histopathologique. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
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Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
Figure 7.59. Pseudo-kyste smegmatique chez l'enfant.
Figure 7.61. Calcinose scrotale idiopathique.
Comprendre L'apparition d'un kyste épidermique d'inclusion, parfois de grande taille, est une complication connue, principalement tardive, des mutilations génitales, en particulier de type 2 (excision : ablation du clitoris [gland du clitoris et prépuce] et ablation plus ou moins complète des petites lèvres). Il se localise le plus souvent sur la zone de la « cicatrice » clitoridienne [102,103]. En dehors de tout antécédent traumatique ou de mutilation génitale, le développement d'un kyste épidermique clitoridien est rare et il peut être responsable d'une pseudo-clitoromégalie, parfois spectaculaire, chez l'enfant comme chez l'adulte [104,105].
Traiter
Figure 7.60. Pseudo-kyste clitoridien chez une patiente présentant un lichen scléreux avec encapuchonnement clitoridien.
Enfin, des pilomatricomes multiples du scrotum sont décrits [100].
Explorer Aucune exploration n'est nécessaire. Un cas exceptionnel rapporte l'association possiblement fortuite de kystes épidermiques vulvaires et de trichoépithéliomes multiples du visage chez une patiente présentant une mutation du gène CYLD (gène suppresseur de tumeur impliqué dans les cylindromatoses) [101].
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L'abstention thérapeutique est de mise pour les kystes épidermiques asymptomatiques, en l'absence de gêne esthétique. En cas d'inflammation, d'infection, ou de demande esthétique, une exérèse chirurgicale « classique » peut être envisagée, pouvant emporter plusieurs kystes à la fois (exérèse monobloc). Une ouverture du/des kystes par laser CO2 suivie par une extraction manuelle et une cicatrisation dirigée est possible chez la femme [106] comme chez l'homme [107] avec un excellent résultat esthétique.
Dire et retenir ■
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Les kystes épidermiques sont bénins et ils ne nécessitent habituellement pas de traitement. Ils peuvent être traités (chirurgie ou laser CO2) s'ils sont gênants.
Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
Surveiller
Confirmer
Aucune surveillance n'est nécessaire.
L'examen histologique sur pièce d'exérèse montre une paroi constituée soit d'un épithélium stratifié (kyste épidermique dérivant de résidus d'épithélium ectodermique), soit un épithélium pseudo-stratifié de type urothélium (kyste mucoïde ou urétral dérivant de résidus urétraux embryonnaires endodermiques), soit d'une association
Kyste du raphé médian Évoquer Les kystes du raphé médian peuvent apparaître tout au long du raphé, ligne médiane de fusion embryonnaire qui s'étend du méat urétral jusqu'à l'anus. Ils sont uniques ou multiples et, dans ce cas, contigus (constituant alors un canal) ou séparés. Rarement visibles à la naissance, leur taille est croissante de l'enfance à l'âge adulte, constituant un motif de consultation parfois tardif, notamment du fait de la gêne esthétique ou des complications possibles (gêne mécanique lors des rapports sexuels, inflammation, surinfection).
Reconnaître Cliniquement, on observe une papule ou un nodule de surface lisse, couleur peau normale, jaunâtre (figure 7.62) ou translucide (figure 7.63) situé en position médiane sur la face antérieure du fourreau du pénis, plus rarement sur le scrotum ou paraméatique (figure 7.64) [108]. Des kystes multiples sont possibles (figure 7.65). D'exceptionnels cas de kystes pigmentés ont été rapportés [109]. Le canal du raphé médian constitue une variante clinique du kyste du raphé médian, sous la forme d'une lésion kystique allongée canalaire pouvant mesurer plusieurs centimètres de longueur (figure 7.66).
Figure 7.62. Kyste du raphé médian, épidermique, du fourreau du pénis.
Figure 7.63. Kyste du raphé médian, urothélial, du fourreau du pénis.
Figure 7.64. Kyste du raphé médian paraméatique.
207
Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
Figure 7.67. Aspect histopathologique d'un kyste urothélial et épidermique du raphé médian. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
Figure 7.65. Kystes multiples du raphé médian du pénis.
Figure 7.68. Hyperpigmentation du raphé médian.
Figure 7.66. Canal du raphé médian du pénis.
de ces deux types d'épithélium (kyste mixte) (figure 7.67). Les kystes urothéliaux sont plus fréquents que les kystes épidermiques. La vidéodermoscopie a permis de conclure à un canal en mettant en évidence une communication entre 3 kystes du raphé médian paraissant cliniquement non liés, la distinction entre kyste et canal ayant un intérêt en cas d'exérèse chirurgicale [110].
Éliminer Le diagnostic différentiel doit éliminer, en fonction de la localisation du kyste, un diverticule urétral (suspecté en cas de miction en deux temps et pouvant justifier en cas de doute la réalisation d'une échographie pénienne ou d'une urétro-cystographie), un kyste épidermique, un pseudo-kyste smegmatique ou un hidrocystome.
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Explorer En cas de kyste ou canal du raphé médian isolé ou associé à une simple hyperpigmentation du raphé médian (figure 7.68), aucune exploration complémentaire n'est indiquée. Par contre, si le kyste du raphé est associé à d'autres anomalies congénitales du raphé médian telles qu'une division (figure 7.69), une déviation (figure 7.70), un élargissement (figure 7.71), un raphé proéminent (figure 7.72), un raphé court (penis palmatum) (figure 7.73) ou encore un sinus (figure 7.74), une échographie pénienne doit être réalisée chez l'enfant à la recherche d'un hypospadias lorsque le gland n'est pas examinable du fait d'adhérences balanopréputiales. En effet, dans une étude égyptienne prospective portant sur 2 880 nourrissons de moins de 7 semaines, examinés en vue d'une circoncision rituelle, 57 présentant une anomalie du raphé médian ont été identifiés (2 %) et un hypospadias était associé chez 18 de ces 57 garçons (32 %) [111]. De plus, chez
Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
Figure 7.72. Raphé médian proéminent associé à un hypospadias.
Figure 7.69. Division du raphé médian.
Figure 7.73. Raphé médian court (penis palmatum).
Figure 7.70. Déviation du raphé médian.
Figure 7.74. Sinus congénital du raphé médian.
Figure 7.71. Élargissement du raphé médian (flèche).
209
Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
l'adulte et chez l'enfant se discute une échographie rénale à la recherche de malformations urogénitales (kystes rénaux, syndrome de la jonction pyélo-urétérale).
Retenir ■
Comprendre La connaissance de l'embryologie de l'appareil urogénital est nécessaire à la compréhension des anomalies du raphé médian. Le développement embryologique des organes génitaux externes débute par une étape indifférenciée, identique quel que soit le sexe génétique. À la 3e semaine s'observe la membrane cloacale, entourée des plis cloacaux (unis à l'avant pour former le tubercule génital), eux-mêmes entourés des bourrelets labio-scrotaux. Entre la 3e et la 7e semaine, on assiste au cloisonnement de la membrane cloacale en une membrane anogénitale et une membrane anale, à la séparation de chaque pli cloacal en un repli urogénital et un repli anal, les deux bourrelets labio-scrotaux étant conservés. La deuxième étape de l'embryogénèse débute à la fin de la 7e semaine. Elle est soumise à la différenciation sexuelle, gouvernée notamment par le gène SRY situé sur le bras court du chromosome Y. On observe alors la rupture de la membrane urogénitale, l'allongement du tubercule génital à l'origine du pénis, la formation de l'urètre pénien, puis la fusion des replis urogénitaux qui entourent l'urètre pénien à la face ventrale du fourreau et forment le raphé pénien et la fusion des bourrelets labio-scrotaux aboutissant à la formation du scrotum et du raphé scrotal. Le raphé médian s'étend chez l'homme du frein du prépuce antérieurement jusqu'au coccyx postérieurement. Il est formé à l'avant du raphé pénoscrotal et à l'arrière du raphé anococcygien. Les kystes du raphé médian se développeraient à partir d'un résidu d'épithélium embryonnaire secondaire à une fusion anormale des plis urogénitaux (kyste de la face ventrale du pénis) ou des bourrelets labio-scrotaux (kystes du scrotum).
Traiter
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Le kyste du raphé médian se localise sur la ligne médiane de fusion embryonnaire qui s'étend du méat urétral jusqu'à l'anus. La recherche d'autres anomalies urogénitales n'est pas nécessaire. L'exérèse chirurgicale est indiquée en cas de kyste du raphé gênant.
Kyste et abcès (bartholinite) de la glande de Bartholin Évoquer Le kyste de la glande de Bartholin (GB) ou glande vestibulaire majeure, ou plus précisément de son canal, et l'infection de la GB se compliquant d'un abcès, réalisant une bartholinite aiguë, sont les affections les plus communes de cette glande strictement féminine, concernant principalement les femmes non ménopausées [112]. Le kyste de la GB mesure entre 1 à 3 cm de diamètre, parfois plus. Il est le plus souvent asymptomatique et découvert lors d'un examen systématique ou, selon son volume, être responsable d'une sensation de pression ou d'une douleur. La bartholinite aiguë est beaucoup plus fréquente que le kyste. Elle peut survenir sur un kyste du canal préexistant ou sur une glande saine [113,114]. La douleur, chez une patiente parfois fébrile, est alors lancinante, unilatérale et empêchant la marche, la position assise et tout rapport sexuel. Sa prise en charge constitue une urgence chirurgicale.
Reconnaître
La prise en charge du kyste du raphé consiste en l'exérèse chirurgicale simple puis suture directe, intervention réalisable par le dermatologue puisque ce kyste n'est jamais lié à l'urètre sousjacent. En cas de kyste de petite taille et non gênant, on peut proposer une simple incision du kyste (possiblement suivie d'une électrocoagulation) ou une abstention thérapeutique.
Le kyste, lorsqu'il est suffisamment volumineux, ou l'abcès de la GB entraînent une déformation asymétrique de la vulve, vestibulaire postérieure et de la grande lèvre homolatérale qui est soulevée (figure 7.75). L'aspect du kyste est celui d'une tuméfaction indolore, arrondie ou oblongue, parfois volumineuse. En cas d'abcès, la tuméfaction est inflammatoire (figure 7.76) et la palpation de cette masse fluctuante déclenche une douleur élective.
Surveiller
Confirmer
Dans un contexte d'abstention thérapeutique, il sera demandé au patient de consulter en urgence en cas d'inflammation locale pouvant traduire une infection du kyste du raphé médian.
Le diagnostic de bartholinite aiguë est clinique. Le diagnostic de kyste de la GB peut être confirmé par l'imagerie : échographie, IRM, scanner pelviens [115].
Retenir ■
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Le kyste du raphé médian est localisé sur la ligne médiane de fusion embryonnaire qui s'étend du méat urétral jusqu'à l'anus. La recherche d'autres anomalies urogénitales n'est pas nécessaire. L'exérèse chirurgicale est indiquée en cas de kyste du raphé gênant.
Éliminer Les diagnostics différentiels du kyste de la GB sont représentés principalement par : ■ les kystes épidermiques de grande taille, qui sont plus superficiels ; ■ les hernies, qui sont impulsives et réductibles ; ■ le kyste du canal de Nück, plus haut situé sous la grande lèvre. Le canal de Nück (ou canal péritonéovaginal ou sac inguinal) fait communiquer la cavité péritonéale avec la grande lèvre.
Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
Figure 7.75. Kyste de la glande de Bartholin gauche. Source : Dr Sophie Wylomanski, hôpital Saint Joseph, Paris. Figure 7.77. Fistule ano-vulvaire. Source : Dr Sophie Wylomanski, hôpital Saint Joseph, Paris. ■
chez la femme jeune, il ne faudra pas méconnaître un abcès d'une grande lèvre survenant au cours d'une maladie de Crohn et devant conduire à la réalisation d'une IRM pelvienne pour rechercher une éventuelle fistule entérocutanée [116], ni un abcès lié à une hidradénite suppurée.
Explorer
Figure 7.76. Bartholinite aiguë gauche. Source : Dr Sophie Wylomanski, hôpital Saint Joseph, Paris.
Il est normalement fermé à la naissance ou après le 1er mois de vie. La béance complète du canal de Nück réalise une hernie inguinale. Sa fermeture incomplète donne lieu à une cavité enclose, le kyste du canal de Nück ou hydrocèle. Le kyste est associé dans un tiers des cas à une hernie. Il se manifeste par une tuméfaction située latéralement au-dessus de la grande lèvre qui sera explorée sur le plan radiologique (échographie, IRM) puis traitée chirurgicalement [112] ; ■ des tumeurs solides, telles qu'un lipome [115]. Les diagnostics différentiels de l'abcès de la GB sont peu nombreux, du fait de la topographie caractéristique de la GB : ■ un kyste épidermique infecté est plus superficiel ; ■ une fistule ano-vulvaire (figure 7.77) ou un abcès de la cloison rectovaginale, parfois difficiles à différencier, se traduisent par une tuméfaction plus postéro-interne [114] ;
Lors du drainage d'un abcès de la GB, le prélèvement bactériologique est indiqué. L'infection se faisant par voie ascendante, ce prélèvement met en évidence des germes principalement d'origine digestive (entérocoques, Escherichia coli), plus rarement d'origine vaginale, sexuellement transmis (Chlamydia, gonocoque, mycoplasme) ou enfin une flore polymicrobienne [114,115]. Lors de l'exérèse de la GB, pour kyste ou abcès, un examen histologique sera réalisé afin d'éliminer une tumeur maligne de la GB.
Comprendre Les GB ou glandes vestibulaires majeures sont 2 glandes exocrines situées à la partie postérieure du vestibule. Elles comportent une partie glandulaire et un canal dont l'abouchement est visible à « 5 h » et à « 7 h » du vestibule, dans le sillon vestibulaire (ou nymphohyménéal). Les GB mesurent entre 10 et 15 mm de grand axe chez la femme en période d'activité génitale puis elles involuent à la ménopause. Les GB sécrètent un mucus épais destiné à lubrifier l'orifice vaginal. Seul le canal de la GB peut devenir kystique, à la suite d'une obstruction d'origine traumatique ou infectieuse et d'une dilatation liée à l'accumulation de mucus [113].
211
Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
Les complications infectieuses de la GB concernent préférentiellement les femmes jeunes. Chez une patiente plus âgée, au-delà de 40 ans, opérée pour une suspicion de bartholinite, l'examen histologique peut découvrir une tumeur de la GB. Ces tumeurs sont rares et de 3 types : carcinome épidermoïde développé à partir des cellules pavimenteuses du canal, adénocarcinome développé à partir des cellules mucosécrétantes du canal et tumeur adénoïde kystique d'évolution principalement locale mais récidivante [113].
Traiter En cas d'abcès de la GB, le traitement chirurgical gynécologique est une urgence et consiste à inciser et à drainer l'abcès, sous anesthésie générale, sous couvert d'une antibiothérapie adaptée. La complication majeure est la récidive nécessitant l'exérèse du kyste du canal et de la GB [113]. Le rapport bénéfice/risque de l'exérèse d'un kyste de la GB non compliqué doit être soigneusement évalué du fait de possibles séquelles douloureuses [113].
Surveiller La surveillance sera faite par le gynécologue.
Kyste et abcès (skénite) des glandes de Skene Évoquer Les glandes de Skene sont des glandes para-urétrales dont les orifices se situent de part et d'autre du méat urétral. Elles sécrètent de petites quantités de substance mucoïde. L'infection d'une glande de Skene, conduisant à un abcès, est plus fréquente que l'obstruction de son canal excréteur pouvant conduire à leur « kystisation ». Le kyste d'une glande de Skene peut, selon son volume, être asymptomatique ou responsable d'une sensation de masse, de troubles mictionnels (déviation du jet urinaire) ou de dyspareunie [117,118]. L'abcès d'une glande de Skene, ou skénite, se manifeste par une douleur locale, une dysurie voire une rétention urinaire, une dyspareunie, la perception d'une masse, de la fièvre [117,118]. Pour certains auteurs, l'équivalent des glandes de Skene de la femme serait les glandes de Cowper chez l'homme. Celles-ci peuvent subir une dilatation kystique (syringocèle) à l'origine d'une tuméfaction périnéale et scrotale, douloureuse en cas d'abcédation [119].
Reconnaître Le kyste d'une glande de Skene se présente comme une tuméfaction para-urétrale de taille variable, déformant parfois l'orifice urétral. L'abcès d'une glande de Skene, ou skénite, se manifeste par une tuméfaction inflammatoire para-urétrale.
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Confirmer Le diagnostic de kyste ou d'abcès de la glande de Skene est clinique. Il peut être confirmé par une IRM pelvienne ainsi que par l'analyse histologique du kyste qui permettra d'éliminer une autre tumeur bénigne para-urétrale ou le rarissime adénocarcinome de la glande de Skene [118].
Éliminer Le principal diagnostic différentiel d'un kyste ou d'un abcès d'une glande de Skène est le diverticule urétral, dont l'infection est possible et dont le diagnostic nécessite la réalisation d'une IRM pelvienne et d'une urétrocystoscopie [120]. Les kystes des glandes vestibulaires mineures se localisent habituellement dans le vestibule à proximité de l'hymen. Localisés dans le vestibule antérieur, ils sont souvent confondus avec un kyste des glandes de Skene. Asymptomatiques et découverts lors d'un examen, ils ne nécessitent généralement pas de traitement [120].
Explorer Lors du drainage d'un abcès de la glande de Skene, le prélèvement bactériologique est indiqué afin de rechercher une infection sexuellement transmise, notamment à Neisseria gonorrhoeae ou Chlamydia trachomatis.
Traiter En cas d'abcès de la glande de Skene, le traitement chirurgical gynécologique est une urgence et consiste à inciser et à drainer l'abcès, sous anesthésie générale, sous couvert d'une antibiothérapie adaptée [117]. Le traitement d'un kyste de la glande de Skene consiste en son excision chirurgicale, délicate du fait de la proximité de l'urètre [117].
Surveiller La surveillance sera faite par le gynécologue.
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Chapitre 7. Tumeurs bénignes et kystes
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Chapitre 8
Lésions génitales précancéreuses PLAN DU CHAPITRE Néoplasies intraépithéliales HPV-induites Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller
217 217 217 223 224 224 225 225 227
Néoplasies intraépithéliales différenciées Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller
Les néoplasies intraépithéliales (NIE) partagent une définition histologique : ce sont des lésions définies par la présence d'atypies cytologiques et architecturales kératinocytaires intraépithéliales, ne franchissant pas la membrane basale. Elles ont aussi en commun une évolution variable, allant d'une possible régression spontanée pour certains types de NIE à des formes micro-invasives puis invasives. Elles constituent donc de potentiels précurseurs du carcinome épidermoïde (CE) de la vulve ou du pénis. Il existe 2 grands types de NIE dont l'étiologie, le potentiel évolutif et le traitement sont différents : les NIE liées au papillomavirus humain (NIE HPV) et les NIE non liées à l'HPV, dites NIE différenciées (tableau 8.1). L'hyperplasie épithéliale verruqueuse (HEV), de description plus récente, ne correspond pas histologiquement à une NIE mais peut également constituer une lésion génitale précancéreuse. Outre des dénominations ayant évolué dans le temps et extrêmement variables dans la littérature, l'absence d'harmonisation entre les hommes et les femmes tant en ce qui concerne la nomenclature que la stratégie thérapeutique et la multiplicité des acteurs impliqués dans leur traitement (dermatologue, gynécologue, urologue), la complexité de la prise en charge des NIE tient avant tout à leur potentiel évolutif variable, ne devant pas conduire à proposer des traitements inutilement mutilants dans certains cas, ni à méconnaître l'évolution vers un carcinome micro-invasif puis invasif dans d'autres.
216
227 227 228 230 230 230 230 231 231
Hyperplasie épithéliale verruqueuse Évoquer Reconnaître Éliminer Confirmer Explorer Comprendre Traiter Surveiller
231 232 232 232 233 233 233 234 234
La confrontation anatomoclinique est indispensable non seulement au diagnostic des NIE, mais aussi à l'évaluation de leur potentiel évolutif conditionnant le choix thérapeutique et le suivi de ces lésions. Tableau 8.1. Les 2 grands types de NIE. Type histologique
NIE HPV-induite/HSIL
NIE différenciée
Atypies cytonucléaires
Sur toute la hauteur de l'épithélium
Basales et suprabasales
HPV oncogène
Oui
Non
Dermatose sous-jacente
Non
Oui (lichen scléreux ++)
Recherche d'IST associée
Oui
Non
Examen partenaire
Oui
Non
Bilan d'extension (imagerie)
Non
Non
Options thérapeutiques
Imiquimod (forme plurifocale) Chirurgie (forme monofocale) 5 fluoro-uracile Laser Cryothérapie Électrocoagulation Surveillance (PB, femme enceinte)
Chirurgie (Laser CO2)
HPV : papillomavirus humain (human papillomavirus) ; HSIL : high-grade squamous intraepithelial lesion ; IST : infection sexuellement transmissible ; NIE : néoplasie intraépithéliale ; NIE HPV : néoplasie intraépithéliale liée au papillomavirus humain ; PB : papulose bowénoïde.
Dermatologie génitale © 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Chapitre 8. Lésions génitales précancéreuses
Néoplasies intraépithéliales HPV-induites Évoquer Que ce soit chez la femme ou chez l'homme, les NIE HPV sont de loin les plus fréquentes, représentant au moins 80 % de l'ensemble des NIE vulvaires et péniennes [1,2]. Leur incidence est en augmentation : celle des NIE HPV vulvaires a pratiquement doublé en 10 ans, passant de 1,2/100 000 à 2,1/100 000 aux Pays-Bas entre 1992 et 2005 [3,4]. Cette tendance se confirme sur le plan international. Chez la femme, le pic de fréquence des NIE HPV se situe entre 30 et 50 ans. Il s'agit d'une affection de la femme jeune, dont les facteurs de risque sont le tabagisme, l'immunodépression et le nombre de partenaires sexuels. Un prurit, des brûlures ou une sensation d'irritation peuvent être des signes d'appel, mais les NIE HPV vulvaires sont le plus souvent asymptomatiques, découvertes par la patiente ellemême ou lors d'un examen gynécologique. Chez l'homme, l'absence de signes fonctionnels est habituelle.
Figure 8.2. NIE HPV-induite (HSIL) grise de la partie supérieure des petites lèvres.
Reconnaître Les NIE HPV sont le plus souvent multifocales. Leur aspect est polymorphe, maculeux parfois, plus fréquemment papuleux ou en plaque, monochrome, de couleur variable allant du blanc au gris (figures 8.1 et 8.2), du brun (figures 8.3 et 8.4) au noir, du rose au rouge (figures 8.5, 8.6 et 8.7) ou parfois couleur « peau normale » (figure 8.8) ou polychrome (figures 8.9 à 8.12). Elles peuvent concerner chez la femme les régions cutanéo-pileuses (grandes lèvres, fourchette, commissure antérieure), cutanées finement kératinisées (petites
Figure 8.3. NIE HPV-induite (HSIL) papuleuse brunâtre des grandes lèvres (de type « papulose bowénoïde »).
Figure 8.1. NIE HPV-induite (HSIL) blanche de la fourchette et de la partie inférieure des petites lèvres.
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Figure 8.4. NIE HPV-induite (HSIL) noirâtre de la face interne des grandes lèvres, des petites lèvres et de la fourchette.
Figure 8.5. NIE HPV-induite (HSIL) rose du bas des grandes lèvres et de la fourchette.
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Figure 8.6. NIE HPV-induite (HSIL) rose et blanche du sillon interlabial droit. Source : Dr Marie-Hélène Jégou-Penouil, Blanquefort.
Figure 8.7. NIE HPV-induite (HSIL) rouge de la face interne des petites lèvres et du vestibule.
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Figure 8.8. NIE HPV-induite (HSIL) papuleuse couleur « peau normale » de la fourchette.
Figure 8.10. NIE HPV-induite (HSIL) polychrome de la fourchette, de la partie inférieure des petites et des grandes lèvres.
Figure 8.9. NIE HPV-induite (HSIL) polychrome de la face externe de la petite lèvre gauche.
Figure 8.11. NIE HPV-induite (HSIL) polychrome de la partie inférieure de la grande lèvre gauche.
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Figure 8.12. NIE HPV-induite (HSIL) polychrome périnéovulvaire. Source : Dr Gabriel Colonna, Porto-Vecchio.
Dans les formes confluentes féminines, favorisées par l'immunodépression (infection VIH, lymphopénie CD4 idiopathique) toute la vulve peut être atteinte ainsi que la région périnéo-anale (figure 8.13). Si la nomenclature des NIE HPV a été « unifiée » chez la femme sous le terme « néoplasie vulvaire intraépithéliale ou VIN classique » rebaptisée très récemment high grade squamous intraepithelial lesion (HSIL) (encadré 8.1), il reste habituel de distinguer sur le plan clinique, en particulier chez l'homme : ■ la papulose bowénoïde, multifocale, réalisant typiquement des papules multiples grisâtres ou pigmentées, parfois blanches ou érythémateuses possiblement regroupées en plaques (figures 8.14, 8.15 et 8.16). Cette forme est l'apanage des sujets plus jeunes ; ■ la maladie de Bowen, plus volontiers monofocale, réalisant une plaque d'extension lente et centrifuge, de couleur variable : rouge (anciennement dénommée érythroplasie de Queyrat sur le gland) (figures 8.17 à 8.22), blanche (leucoplasique) (figures 8.23 et 8.24), rouge et blanche (érythroleucoplasique) (figures 8.25 et 8.26) ou encore pigmentée, rosée (figures 8.27 et 8.28), parfois hyperkératosique (figure 8.29). Cette forme est plus fréquente chez les sujets au-delà de 50 ans.
lèvres) ou encore muqueuse (vestibule). Chez l'homme, elles peuvent être cutanées (face externe du prépuce, fourreau du pénis, scrotum, pubis) ou plus fréquemment muqueuses (gland, méat urétral, face interne du prépuce).
Figure 8.14. NIE HPV-induite de type papulose bowénoïde du fourreau du pénis.
Figure 8.13. NIE HPV-induite (HSIL) confluente vulvaire et péri-anale chez une patiente VIH +.
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Figure 8.15. NIE HPV-induite de type papulose bowénoïde diffuse sur le fourreau du pénis et le scrotum.
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Figure 8.16. NIE HPV-induite de type papulose bowénoïde du scrotum et du pli inguinal, associée à des condylomes.
Figure 8.19. NIE HPV-induite de type maladie de Bowen érythro plasique périméatique.
Figure 8.17. NIE HPV-induite de type maladie de Bowen érythro plasique papuleuse du gland.
Figure 8.20. NIE HPV-induite de type maladie de Bowen érythro plasique du sillon balanopréputial chez un homme non circoncis.
Figure 8.18. NIE HPV-induite de type maladie de Bowen érythro plasique maculeuse du gland.
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Figure 8.24. NIE HPV-induite de type maladie de Bowen érythroleucoplasique de la face interne du prépuce. Figure 8.21. NIE HPV-induite de type maladie de Bowen érythroplasique du sillon balanopréputial chez un homme circoncis pour un lichen scléreux.
Figure 8.25. NIE HPV-induite de type maladie de Bowen érythroleucoplasique du gland.
Figure 8.22. NIE HPV-induite de type maladie de Bowen érythro plasique de la face interne du prépuce.
Figure 8.26. NIE HPV-induite de type maladie de Bowen érythroleucoplasique localisée du gland. Figure 8.23. NIE HPV-induite de type maladie de Bowen leucoplasique du gland.
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Figure 8.29. NIE HPV-induite de type maladie de Bowen hyperkératosique du pubis.
Figure 8.27. NIE HPV-induite de type maladie de Bowen. Placard hypochrome et érythémateux du fourreau du pénis.
Figure 8.30. Aspect histopathologique d'une NIE HPV/HSIL. Atypies kératinocytaires étagées sur toute la hauteur de l'épithélium avec dyskératose, mitoses et koïlocytes superficiels. Source : Dr Bénédicte Cavelier Balloy.
Figure 8.28. NIE HPV de type maladie de Bowen. Papule rosée du scrotum.
Confirmer Le diagnostic de NIE HPV repose dans tous les cas sur l'examen histologique (figure 8.30). Le désordre architectural occupe toute la hauteur de l'épithélium, le plus souvent hyperplasique et parfois papillomateux. Il existe fréquemment une parakératose. Les kératinocytes sont plus nombreux et présentent des atypies cytonucléaires : multinucléations,
noyaux de très grande taille, éléments dyskératosiques, éléments vacuolaires, koïlocytes, mitoses anormales [5]. Deux sous-types de NIE HPV sont décrits : le type « basaloïde » (population cellulaire homogène, noyaux de petite taille, très tassés) et le type « verruqueux » ou « condylomateux » (plus riche en signes d'infection virale : koïlocytes, multinucléation) [1,5]. En immunohistochimie, 2 immunomarquages sont fréquemment utilisés : ■ p16 : protéine cellulaire dont le marquage intense et diffus est corrélé à une infection à HPV à haut risque oncogène (figure 8.31) ; ■ Ki67/MIB1 : marqueur de prolifération corrélé à la présence de l'ADN HPV ; ■ Anti-cytokératine 7 : permet de différencier une NIE HPV dite « à cellules claires » d'une maladie de Paget extra-mammaire. En cas de suspicion d'invasion et de carcinome épidermoïde, des biopsies multiples seront réalisées sur toutes les zones suspectes, qu'elles soient douloureuses, ulcérées, infiltrées, bourgeonnantes ou saignotantes (figure 8.32). La recherche d'HPV en biologie moléculaire et le typage de l'HPV oncogène sont sans intérêt pronostique ou thérapeutique.
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Figure 8.31. NIE HPV/HSIL : immunohistochimie. Marquage intense et diffus anti-p16. Source : Dr Bénédicte Cavelier Balloy.
Figure 8.33. Lésion condylomateuse vulvaire à type de kératose séborrhéique confirmée histologiquement. Diagnostic différentiel d'une NIE HPV-induite. ■
une NIE HPV pigmentée d'un condylome pigmenté ou d'un condylome « à type de kératose séborrhéique » (figure 8.33).
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Figure 8.32. NIE HPV (HSIL) confluente vulvaire et péri-anal multitraitée. Foyer invasif (flèche jaune) confirmé histologiquement compliquant une NIE HPV (HSIL) confluente vulvaire et péri-anale
Éliminer Dans les formes multifocales de type « papulose bowénoïde », la biopsie permettra de distinguer une NIE HPV de simples condylomes plans ou papuleux parfois pigmentés, qui peuvent toutefois coexister chez un(e) même patient(e). Les lésions peuvent aussi être juxtaposées sur une même biopsie ou être difficiles à différencier [5]. Dans les formes monofocales, la biopsie permettra de distinguer : ■ une NIE HPV rouge (érythroplasique) d'une maladie de Paget extra-mammaire, d'un psoriasis ou d'un lichen plan ; ■ une NIE HPV blanche (leucoplasique) d'un lichen scléreux, d'une NIE différenciée, d'une hyperplasie épithéliale verruqueuse et d'une lichénification ;
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Un bilan d'extension à la recherche d'autres localisations d'infection à HPV est indispensable. Il a en effet été montré que 41 % des femmes avec une NIE HPV ont présenté, présentent ou présenteront une lésion cervicale, vaginale ou anale HPV-induite [4,6]. Ce bilan comporte : ■ un examen clinique génital, anal et buccal ; ■ chez la femme : un frottis cervico-vaginal systématique ; ■ dans les 2 sexes : une anuscopie visant à éliminer une lésion HPV-induite du canal anal en cas d'antécédent de rapport sexuel anal réceptif, même en l'absence de lésion anale cliniquement détectable. Les NIE HPV correspondant à des lésions intraépithéliales, aucun bilan d'extension par imagerie n'est indiqué. Un bilan biologique à la recherche d'une infection sexuellement transmissible (IST) est indiqué : ■ sérologies VIH, hépatites B et C, syphilis ; ■ recherche de Neisseria gonorrhoeae et Chlamydia trachomatis par PCR sur le premier jet urinaire chez l'homme et autoprélèvement vaginal chez la femme ; ■ dépistage de N. gonorrhoeae et C. trachomatis au niveau anal et oropharyngé en fonction des pratiques sexuelles. Il est complété selon les cas par la recherche d'une immunodépression : ■ NFS, plaquettes avec étude des sous-populations lymphocytaires (recherche d'une lymphopénie CD4 idiopathique) ; ■ électrophorèse des protides sanguins, glycémie à jeun, facteurs antinucléaires. Le risque de transmission d'HPV justifie un bilan chez la/le partenaire comportant un examen clinique génital et anal et un frottis cervico-vaginal de dépistage chez la partenaire.
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Comprendre Terminologie Selon les auteurs, les NIE HPV-induites sont parfois également mentionnées sous les termes de NIE classiques ou de type commun ou indifférenciées ou carcinome in situ (encadré 8.1). La terminologie dite « LAST » (lower anogenital squamous terminology) proposée en 2013 est commune à l'ensemble du tractus anogénital mais ne concerne que les lésions HPVinduites [7]. Elle distingue les lésions intraépithéliales de bas grade (low-grade squamous intraepithelial lesion [LSIL]) et de haut grade (high-grade squamous intraepithelial lesion [HSIL]). Sa limite est de ne pas concerner les NIE différenciées non HPV-induites. Concernant la vulve, la classification la plus récente (2015) de l'International Society for the Study of Vulvovaginal Disease (ISSVD) [8] reprend également la terminologie LAST, pour les NIE HPV-induites : HSIL (correspondant aux néoplasies vulvaires intraépithéliales [VIN] classiques ou usual), tandis que le terme de « VIN différenciée » est conservé pour désigner les NIE non HPV-induites [8]. Concernant le pénis, la classification la plus récente est celle de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), distinguant les NIE HPV-induite dont trois sous-types sont individualisés (NIE condylomateuses [ou warty]), NIE basaloïdes et NIE mixtes (c'est-à-dire basaloïdes et condylomateuses) et NIE différenciées non HPV-induites [9].
Risque de cancer Les NIE HPV sont toujours liées à des HPV oncogènes, principalement HPV16 suivi par HPV33 et 18 (liste non exhaustive) [10]. Après intégration de l'ADN viral dans les cellules hôtes, les oncoprotéines E6 et E7 surexprimées jouent un rôle majeur dans l'oncogenèse : la première dégrade la protéine p53 induisant l'absence d'arrêt du cycle cellulaire tandis que la seconde inactive le produit du gène suppresseur de tumeur du rétinoblastome, résultant en une hyperprolifération des cellules hôtes, les kératinocytes. L'évolution des NIE HPV est variable : régression spontanée décrite dans la forme « papulose bowénoïde », persistance, récidive ou évolution vers un carcinome épidermoïde. Encadré 8.1
Anciennes dénominations des NIE HPV/HSIL ■
■ ■ ■ ■ ■
Maladie de Bowen/papulose bowénoïde/érythroplasie de Queyrat. NIE/VIN/PIN usuelle. NIE/VIN/PIN classique. NIE/VIN/PIN indifférenciée. NIE/VIN/PIN3. Carcinome in situ.
HSIL : high-grade squamous intraepithelial lesion ; NIE : néoplasie intraépithéliale ; PIN : penile intra-epithelial neoplasia ; VIN : vulvar intra-epithelial neoplasia.
Chez la femme, l'évolution vers un carcinome épidermoïde (CE) vulvaire est rare concernant 5 % des cas [3]. Dans une vaste étude portant sur 3 322 cas, 9 % des NIE HPV non traitées et 3 % des NIE HPV traitées progressaient vers un CE vulvaire [11]. Une régression spontanée était observée dans 1,2 % des cas, toutes les patientes étant âgées de moins de 35 ans et 40 % d'entre elles étant enceintes. Cette régression survenait majoritairement dans les 10 mois suivant le diagnostic. Les facteurs de risque d'évolution vers un CE vulvaire sont l'âge plus élevé, l'immunodépression, les formes extensives et confluentes, la radiothérapie et possiblement la forme « maladie de Bowen » [3,5]. Des lésions de NIE HPV sont mises en évidence dans 19 % des cas en périphérie des CE vulvaires [12]. Chez l'homme, la fréquence de l'évolution d'une NIE vers un CE et les facteurs de risque sont moins connus que chez la femme. Le risque d'évolution d'une NIE du gland serait de 10 à 30 % alors que celui d'une NIE du fourreau serait de 5 % [13]. Des lésions de NIE HPV sont présentes en périphérie de 45 % des carcinomes épidermoïdes invasifs du pénis en France [14].
Traiter Il n'existe pas de recommandations communes aux 2 sexes concernant le traitement des NIE HPV. Les moyens thérapeutiques disponibles chez l'homme et la femme, sont présentés dans l'encadré 8.2. Leur mise en œuvre pourra varier selon le type clinique, la localisation, la taille et le nombre de lésions, le terrain (immunosuppression), l'expérience et l'accessibilité du dermatologue aux différentes techniques (photothérapie dynamique [PDT] et laser CO2), les préférences du/de la patient(e). Il conviendra de s'assurer, par un examen complet de toutes les lésions et, si besoin, par biopsies multiples ciblant notamment les zones infiltrées, tumorales ou ulcérées, de l'absence de CE invasif en cas de traitement conservateur non chirurgical. Chez la femme comme chez l'homme, étant donné le caractère le plus souvent multifocal des lésions et leur faible potentiel évolutif, le traitement devra être aussi conservateur que possible. Chez la femme : ■ l'imiquimod en crème à 5 %, dont l'efficacité a été prouvée, peut être proposé en première intention avant la chirurgie, hors autorisation de mise sur le marché (AMM) [15]. Encadré 8.2
NIE HPV : moyens thérapeutiques ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■
Chirurgie. Imiquimod topique. Laser CO2. Électrocoagulation. 5 fluoro-uracile topique. Photothérapie dynamique. Abstention thérapeutique et surveillance (régression spontanée possible des formes de type papulose bowénoïde).
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Une réponse complète est observée dans 58 % des cas après 5 à 6 mois de traitement surtout pour les lésions les plus petites [15-18]. Terlou et al., ont montré qu'en cas de réponse complète, celle-ci se maintient chez la majorité des patientes (suivi moyen de 7,2 ans) [17]. En pratique, l'imiquimod 5 % crème est appliqué le soir, au rythme de 2 à 3 fois/semaine pendant 3 à 6 mois. La tolérance, variable selon les patientes, peut conduire à minorer la fréquence des applications (1 à 2 fois/semaine). Les effets secondaires possibles sont des douleurs ou un prurit vulvaires liés à la présence d'une inflammation et d'érosions (figures 8.34 et 8.35), une asthénie ou des céphalées ; ■ l'exérèse chirurgicale est une option possible, principalement pour les lésions monofocales. Des marges de 5 mm sont habituelles, en l'absence d'étude validant ces marges cependant. Elles pourront être adaptées au cas par cas, selon la localisation de la lésion afin de préserver certaines structures telles que le clitoris par exemple. Le risque de
Figure 8.34. Aspect érosif en cours de traitement par imiquimod (patiente de la figure 8.5).
Figure 8.35. Rémission complète après traitement par imiquimod, 3 applications/semaine pendant 3 mois (patiente de la figure 8.5).
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récurrence après chirurgie est évalué à 50 % des cas à 1 an [17]. S'il existe cliniquement une suspicion de CE occulte, malgré une biopsie de VIN HPV, la chirurgie est le traitement de choix permettant l'examen histologique exhaustif de la pièce d'exérèse à la différence de la biopsie. Une étude rétrospective, portant sur 216 patientes opérées de leur VIN HPV, a montré la présence d'un foyer invasif sur la pièce d'exérèse, méconnu à la biopsie, dans 11 % des cas. Un lien significatif était mis en évidence entre la présence du foyer invasif et un âge supérieur à 60 ans (OR : 8,11), mais aussi avec l'atteinte du clitoris (OR : 18) et une taille de la lésion supérieure ou égale à 20 mm [19] ; ■ le laser CO2 est une option possible pour les lésions multifocales. Cependant, les suites postopératoires sont douloureuses et la phase de cicatrisation prolongée [1]. Le risque de récidive après laser CO2 est évalué à 50 % des cas [17] ; ■ l'électrocoagulation et la PDT peuvent être proposées, mais on note l'absence de données de qualité sur leur efficacité [17]. Il est possible d'associer ces différentes modalités thérapeutiques, en les adaptant au cas par cas. ■ L'abstention thérapeutique peut enfin être proposée, soit dans les formes potentiellement régressives spontanément, soit au contraire dans certaines formes confluentes ou très récidivantes, ayant bénéficié et en échec de multiples traitements, qui seront surveillées très régulièrement et biopsiées au moindre doute s'il existe une suspicion de carcinome invasif. Chez l'homme, la décision thérapeutique repose sur la distinction clinique entre la maladie de Bowen et la papulose bowénoïde. Concernant la NIE HPV de type maladie de Bowen : ■ le traitement chirurgical consiste en l'exérèse avec une marge latérale habituelle de 5 mm, malgré l'absence d'étude ayant validé cette marge. En fonction de sa taille, la perte de substance pourra être refermée par suture directe ou greffe de peau totale. Si la lésion est située sur le prépuce, on proposera une posthectomie. Sur le gland, une décortication (consistant en l'excision de l'épithélium et du chorion) suivie d'une greffe de peau totale sera réalisée, associée à une posthectomie afin de favoriser la prise du greffon. (figure 8.36). La chirurgie permet de mettre en évidence, grâce à l'analyse histologique complète de la pièce d'exérèse, une éventuelle zone invasive qui n'aurait pas été identifiée sur la biopsie, ce qui s'observe dans 20 % des maladies de Bowen opérées [20] ; ■ il existe des alternatives au traitement chirurgical de la maladie de Bowen qu'il est possible d'envisager au cas par cas : le 5FU, l'imiquimod (hors AMM), la PDT (hors AMM) et le laser CO2 ou Nd:YAG [21,22] : ● dans une revue portant sur 29 séries et cas rapportés de NIE bowénoïde du pénis traités hors AMM par l'imiquimod en crème à 5 %, une réponse complète a été observée chez 63 % des patients mais variable selon la localisation : 53 % en cas de maladie de Bowen localisée sur le gland ou le prépuce, 88 % en cas de maladie de Bowen située sur la peau du pénis [23]. En pratique, la tolérance clinique est moyenne chez les hommes non circoncis,
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Le retentissement psychosexuel des NIE HPV ne doit pas être négligé : les termes « cancer », « précancer », les liens avec l'HPV, infection sexuellement transmissible et par conséquent le risque de contagiosité ainsi que l'incertitude évolutive, malgré un potentiel invasif faible, sont les facteurs qui contribuent à l'altération de la qualité de vie et à l'impact négatif des NIE HPV sur la sexualité des patient(e)s [29,30].
Dire ■
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Figure 8.36. Après traitement associant décortication du gland, greffe de peau totale et posthectomie (patient de la figure 8.25).
une guérison sans récidive jusqu'à 70 mois a été constatée chez 7 hommes traités par 5-fluoro-uracile en crème à 5 % [24], ● concernant la PDT, les taux de succès sont variables (réponse complète chez 3 hommes sur 11 dans une première étude [25] et chez 19 hommes parmi 23 traités dans une seconde [26] et doivent être relativisés par la brièveté du suivi réalisé et le caractère possiblement douloureux du traitement, ● le laser CO2 a permis d'obtenir une rémission complète chez 81 % des patients après une seule séance [27], à nuancer du fait du risque de récidive (6 récidives en 25 mois en moyenne constatées chez 19 hommes) [28]. Chez l'homme, concernant la NIE HPV à type de papulose bowénoïde, le traitement doit être conservateur du fait du faible risque d'évolution vers un CE et de sa possible régression spontanée. La stratégie de traitement est identique à celle des condylomes, bien que les résistances aux traitements locaux habituels (cryothérapie notamment) et les récidives soient plus fréquentes, expliquant la nécessité de recourir à la destruction des lésions par vaporisation au laser CO2 ou életrocoagulation au bistouri électrique. Dans l'étude de Deen et al., l'imiquimod permet d'obtenir une rémission complète dans 75 % des cas [25]. Il pourrait également avoir un intérêt en cas de lésions nombreuses, en traitement néoadjuvant avant le laser CO2. ●
Surveiller Une surveillance à 6 puis à 12 mois après le traitement, puis annuelle est recommandée du fait de la possible récidive liée à la persistance d'un HPV oncogène sur la muqueuse génitale au décours de l'éradication apparente des lésions. Elle comprendra chez la femme un examen vulvaire mais aussi cervico-vaginal avec un frottis annuel [1] et chez l'homme un examen génital, à compléter chez les deux sexes par un examen des muqueuses anales et buccales. Les formes extensives et celles de l'immunodéprimé feront l'objet d'une surveillance plus rapprochée.
Le risque d'évolution d'une NIE HPV-induite vers un cancer existe mais il est faible. Une surveillance régulière et prolongée au décours du traitement est nécessaire du fait du risque de récidive.
Retenir ■
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■
Il existe deux types de NIE : NIE HPV induites et NIE différenciées non liées à l'HPV. Le diagnostic des NIE repose sur la confrontation anatomoclinique ; il conditionne leur prise en charge. Le potentiel invasif NIE HPV est faible. Certains facteurs liés à la forme clinique (extensive ou de type « maladie de Bowen ») et au terrain (âge, immuno dépression, antécédent de radiothérapie) sont associés au risque invasif chez la femme.
Distinguer homme/femme ■
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Il n'existe pas de classification et de recommandations thérapeutiques communes chez l'homme et chez la femme. La distinction clinique maladie de Bowen/papulose bowénoïde reste utilisée chez l'homme, moins chez la femme.
Néoplasies intraépithéliales différenciées Évoquer Les NIE différenciées (NIEd) sont plus rares que les NIE HPV. Que ce soit chez l'homme ou chez la femme, elles sont associées à une dermatose inflammatoire génitale, lichen scléreux le plus souvent ou parfois lichen plan. Elles ne sont pas liées à l'HPV. Chez la femme, elles ne représentent que 5 % de l'ensemble des NIE de la vulve [31]. Leur incidence a augmenté, passant de 0,013/100 000 à 0,121/100 000 entre 1992 et 2005 [31]. Elles concernent le plus souvent des patientes âgées, en moyenne de 60 à 80 ans, avec un pic d'incidence à 67 ans [31] mais parfois aussi des femmes plus jeunes. Les symptômes, lorsqu'ils sont présents, sont le plus souvent ceux du
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lichen scléreux ou du lichen plan associé, à type de prurit ou de brûlures. Parfois, les NIEd sont plus spécifiquement douloureuses et ce signe d'alerte doit être pris en compte pour pratiquer et guider d'éventuelles biopsies. Chez l'homme, les NIEd sont plus rares que les NIE HPVdépendantes en France, contrairement aux pays à forte prévalence de CE du pénis [32].
Reconnaître
érythroplasie (plaque rose ou rouge), plus ou moins papuleuse ou érosive (figures 8.40, 8.41 et 8.42). Chez l'homme, elles seraient plus fréquemment localisées sur le prépuce (figure 8.43) que sur le gland [33]. Les NIEd sont parfois difficiles à distinguer du lichen scléreux ou plan associé mais leur particularité est de résister au traitement bien conduit par dermocorticoïde ce qui doit conduire à les biopsier (figure 8.44).
Les NIEd sont multifocales ou monofocales, plus souvent monofocales que les NIE HPV. Elles peuvent se présenter sous la forme d'une leucoplasie (plaque blanche qui ne s'élimine pas au frottement de la compresse) plus ou moins hyperkératosique ou épaisse (figures 8.37 à 8.39) ou d'une
Figure 8.39. NIEd leucoplasique de la couronne du gland et du sillon balanopréputial associée à un lichen scléreux.
Figure 8.37. NIEd compliquant un lichen scléreux ancien. Aspect érythro-leucokératosique.
Figure 8.38. NIEd de la petite lèvre gauche chez une patiente âgée de 44 ans présentant un lichen scléreux non traité.
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Figure 8.40. NIEd récidivante chez une patiente opérée d'un carcinome épidermoïde. Aspect érythémateux et érosif.
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Figure 8.41. NIEd multifocale compliquant un lichen scléreux. Aspect érythémateux et érosif. Source : Dr Isabelle Buffière, Avignon.
Figure 8.43. NIEd du prépuce associée à un lichen scléreux.
Figure 8.42. NIEd érythroplasique du gland associée à un lichen scléreux.
Figure 8.44. Lichen scléreux hyperplasique du gland et du prépuce. Diagnostic différentiel d'une NIEd.
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Confirmer
Éliminer
Le diagnostic de NIEd repose dans tous les cas sur la biopsie. Chez un(e) patient(e) présentant un lichen scléreux ou plan, toute lésion leucoplasique ou érythroplasique douloureuse, épaisse, érosive ou résistant à un traitement dermocorticoïde bien conduit doit faire l'objet d'une biopsie à la recherche d'une NIEd. Les biopsies doivent être multiples en cas de lésions multifocales, ciblant toutes les zones suspectes. Elles doivent aussi parfois être répétées lorsque la suspicion clinique est forte et que l'examen histologique n'est pas concluant. En effet, diagnostiquer une NIEd peut être difficile pour l'anatomopathologiste car : ■ le désordre architectural et les atypies cellulaires ne sont présents que dans le tiers inférieur et non sur toute la hauteur de l'épithélium d'où un aspect faussement rassurant, les kératinocytes des couches basales apparaissant orientés en tous sens et pléomorphes [34,35] (figure 8.45) ; ■ le reste de l'épithélium ne semble correctement ordonné qu'en apparence : les cellules du corps muqueux sont de taille supérieure à la normale, avec un noyau volumineux contenant de gros nucléoles et un cytoplasme éosinophile, traduisant une maturation kératosique excessive et prématurée [34,35] ; ■ l'inflammation chronique peut compliquer le diagnostic, les atypies subtiles et discrètes de la NIEd devenant alors très difficiles à distinguer d'atypies réactionnelles [34], parfois appelées dystrophies. En immunohistochimie : ■ p16 est négatif ou faiblement positif dans seulement 6 % des NIEd alors que le marquage est positif dans 95 % des NIE HPV-induites [36] ; ■ p53, positif dans 66 à 100 % des NIEd vulvaires [34,35] et 44 % des NIEd du pénis, pourrait permettre de distinguer une hyperplasie épithéliale verruqueuse pour laquelle le marquage p53 n'est positif que dans 9 % des cas [36].
Le diagnostic différentiel clinique et/ou histologique des NIEd est représenté par les NIE HPV-induites qui parfois compliquent les lichens (figures 8.46 et 8.47), les hyperplasies épithéliales bénignes (lichénification, lichen scléreux hyperplasique, hyperplasie épithéliale réactionnelle chez le sujet jeune sans lichen), ainsi que l'hyperplasie épithéliale verruqueuse décrite ci-dessous (« Hyperplasie épithéliale verruqueuse »).
Explorer Les NIEd sont des lésions précancéreuses et intraépithéliales. Ainsi, hormis la biopsie qui en fait le diagnostic, elles ne nécessitent aucun examen complémentaire et notamment aucun bilan d'extension.
Comprendre Risque de cancer Si l'étiologie des NIEd ainsi que les mécanismes physiopathologiques conduisant au carcinome épidermoïde ne sont
Figure 8.46. NIE HPV induite (HSIL) compliquant un lichen scléreux vulvaire.
Figure 8.45. Aspect histopathologique d'une NIE différenciée sur lichen scléreux. Atypies kératinocytaires basales nettes sans atypie superficielle, avec remaniements fibrohyalins du chorion superficiel sous-jacent. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
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Figure 8.47. NIE HPV induite compliquant un lichen scléreux du pénis.
Chapitre 8. Lésions génitales précancéreuses
pas élucidés, il est admis que le potentiel invasif des NIEd est supérieur à celui des NIE HPV. Ainsi, chez la femme, van de Nieuwenhof et al. [31], dans leur série comportant 1 826 NIE HPV et 67 NIEd, montrent que 32,8 % des patientes avec une NIEd développent ultérieurement un CE vulvaire versus 5,7 % des patientes avec une NIE HPV. Ce risque évolutif, plus élevé, est aussi significativement plus rapide : 22,8 mois pour les NIE-différenciées versus 41,4 mois pour les NIE HPV. Il a aussi été montré, de façon significative, que des lésions de NIE-différenciées sont plus souvent associées à un CE vulvaire, passé, présent ou futur (85,7 %) que les NIE HPV (25,7 %) (figures 8.48 et 8.49) Chez l'homme, alors que plus de 60 % des NIE sont HPV induites, seuls 22 à 48 % des carcinomes invasifs du pénis sont HPV-induits [32]. Ces résultats suggèrent, comme chez la femme, un risque de transformation des NIEd non
HPV-induites supérieur aux NIE HPV-induites. Les NIEd sont mises en évidence en périphérie de 100 % des CE verruqueux et 58 % des CE de type usuel du pénis dans la série française de Renaud-Vilmer et al. [38].
Traiter L'exérèse chirurgicale est le traitement des NIEd. Une marge d'exérèse latérale de 5 mm, lorsqu'elle est possible, est admise de façon consensuelle sur la vulve et le gland. Si la NIEd est localisée sur le prépuce, une posthectomie totale est habituellement réalisée. L'examen anatomopathologique de la pièce d'exérèse vérifiera l'absence de CE et le caractère complet de l'exérèse. Cependant, il a été montré chez l'homme que la persistance de NIEd sur les marges d'exérèse de CE invasif du pénis était sans influence sur le pronostic [39]. Le traitement concomitant du lichen scléreux ou plan sera bien sûr associé.
Surveiller Dans tous les cas, une surveillance clinique prolongée et répétée est indiquée du fait du risque de récidive. Une nouvelle biopsie sera effectuée devant toute lésion suspecte. Selon les recommandations d'experts européens, cette surveillance sera au moins semestrielle chez la femme [40]. En absence de recommandations spécifiques pour l'homme, on pourra également lui proposer une surveillance semestrielle.
Dire ■
Figure 8.48. NIEd et carcinome épidermoïde compliquant un lichen scléreux. Source : Dr Corine Balloy, Eysines.
■
La NIEd doit être opérée pour éviter l'apparition d'un cancer. Le traitement du lichen scléreux ou du lichen plan sous-jacent, ainsi qu'une surveillance régulière et prolongée sont nécessaires.
Retenir ■
■
■
Le terme de NIE différenciée est trompeur et faussement rassurant ! Le risque d'évolution vers un CE est plus élevé pour les NIEd que pour les NIE HPV. Le traitement repose sur l'exérèse chirurgicale.
Hyperplasie épithéliale verruqueuse
Figure 8.49. NIEd et carcinome épidermoïde du gland compliquant un lichen scléreux.
L'hyperplasie épithéliale verruqueuse (HEV) génitale est mieux documentée chez l'homme que chez la femme. Sa description initiale est histologique [41]. Dans la littérature anglo-saxonne, elle est dénommée squamous hyperplasia ou pseudoepitheliomatous hyperplasia ou encore vulvar acanthosis with altered differentiation que l'on peut traduire par
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Chapitre 8. Lésions génitales précancéreuses
« acanthose vulvaire à différenciation altérée » [42,43]. Nous retiendrons le terme HEV pour les 2 sexes.
Évoquer L'HEV complique généralement une dermatose génitale inflammatoire d'évolution chronique, le plus souvent un lichen scléreux et plus rarement un lichen plan, principalement chez le sujet âgé [42,44].
Reconnaître Chez l'homme comme chez la femme, l'HEV réalise une ou plusieurs lésions ou plaques leucoplasiques, plus ou moins épaisses et verruqueuses. Chez l'homme, les lésions peuvent siéger sur le gland (figure 8.50), le sillon balanopréputial, la face interne ou le frein (figure 8.51) du prépuce et plus rarement le méat urétral (figure 8.52). Parfois, il s'agit d'une corne pénienne (figure 8.53). Un lichen scléreux sous-jacent est le plus souvent observé [44].
Figure 8.52. HEV du méat associée à un lichen scléreux.
Figure 8.50. HEV diffuse du gland associée à un lichen scléreux.
Figure 8.53. HEV réalisant une corne pénienne et carcinome épidermoïde invasif, associés à un lichen scléreux.
Plus rarement, une HEV peut survenir chez l'homme jeune sur le gland ou sur la face interne du prépuce, en dehors de toute dermatose génitale chronique sous-jacente cliniquement ou histologiquement visible (figure 8.54).
Éliminer Devant une lésion blanche génitale (leucoplasie), on doit évoquer une HEV mais aussi une lichénification (plus rare sur le pénis que sur la vulve), un lichen scléreux hyperplasique, une NIE HPV-induite ou une NIEd. Dans les formes plus épaisses, verruqueuses, peut se poser la question d'un CE verruqueux, les 2 lésions étant parfois associées. (figure 8.55).
Figure 8.51. HEV du frein associée à un lichen scléreux.
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Chapitre 8. Lésions génitales précancéreuses
Figure 8.56. HEV du gland: aspect histopathologique. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy. Figure 8.54. HEV réactionnelle de la face interne du prépuce.
Explorer Comme les NIEd, l'HEV est une lésion potentiellement précancéreuse et intraépithéliale. Ainsi, hormis la biopsie qui en fait le diagnostic, elle ne nécessite aucun examen complémentaire et notamment aucun bilan d'extension.
Comprendre
Figure 8.55. HEV et carcinome épidermoïde micro-invasif sur lichen scléreux.
Confirmer Le diagnostic d'HEV repose sur l'examen histologique et donc sur la biopsie de toute lésion leucoplasique résistant à une corticothérapie locale bien conduite chez un(e) patient(e) présentant un lichen scléreux ou plan. L'HEV se caractérise par une acanthose avec papillomatose épithéliale marquée bien différenciée, cytologiquement régulière, le plus souvent orthokératosique, sans koïlocyte mais pouvant renfermer quelques éléments dyskératosiques figure 8.56) [44]. Rarement, en cas de doute diagnostique à l'examen histologique, un triple immunomarquage comportant p16, p53, Ki-67 est proposé par Chaux et al. pour distinguer une HEV (p16 [-], Ki-67 [±], p53 [-]), une NIE différenciée (p16 [-], Ki-67 [+], p53 [±]) et une NIE HPVinduite (p16 [+], Ki-67 [+], p53 [±]) [45]. Ainsi, une HEV devra être distinguée d'un lichen scléreux hyperplasique, d'une lichénification, d'une NIEd, d'un carcinome verruqueux débutant, ces différents aspects pouvant être associés chez un(e) même patient(e) [46].
L'HEV constitue une lésion épithéliale de description récente, possiblement précancéreuse car pouvant évoluer lentement vers un carcinome verruqueux [41–42, 47–49]. Cette association n'est cependant pas exclusive, l'HEV pouvant être aussi associée à un CE kératinisant autre que de type verruqueux [46]. Elle pourrait aussi simplement représenter un phénomène réactionnel du lichen scléreux sous-jacent, dont le caractère potentiellement réversible sous traitement dermocorticoïde du lichen scléreux est discuté [50]. Une « signature moléculaire » spécifique dans 11 cas d'HEV vulvaires (mutation de PIK3CA et absence de mutation de P53) plaide en faveur de l'individualisation de l'HEV comme précurseur de certains CE vulvaires, aux côtés des NIE HPV et des NIE différenciées [51]. Chez l'homme, elle pourrait englober la balanite pseudo-épithéliomateuse et micacée de Lortat-Jacob et Civatte, décrite en 1961 [52]. Dans une série de 68 cas de CE du pénis, une HEV était mise en évidence en périphérie du CE dans 24 cas dont 22 cas en association à un lichen scléreux [53]. Récemment, elle a été décrite chez l'homme jeune, sans lichen scléreux ou plan sous-jacent, secondaire à des microtraumatismes génitaux répétés. Dans ce cas précis, l'HEV pourrait alors ne constituer qu'une simple hyperplasie réactionnelle dont le risque d'évolution précancéreuse ou cancéreuse n'est pas prouvé [54]. Chez la femme, elle a été décrite en 2004 par Nascimento et al. [42] en association à 7 cas de carcinomes verruqueux sous la dénomination de vulvar acanthosis with altered differentiation. Dans une série de 43 carcinomes épidermoïdes vulvaires, cet aspect est mis en évidence une seule fois
233
Chapitre 8. Lésions génitales précancéreuses
isolément, alors qu'il est le plus souvent associé à une NIEd ainsi qu'à des carcinomes de type verruqueux ou non [50].
Traiter Que ce soit chez l'homme ou chez la femme, le traitement de l'HEV est prioritairement chirurgical, selon les mêmes modalités que celui d'une NIEd, tout en préservant l'intégrité anatomique et fonctionnelle. On associera au traitement chirurgical de l'HEV un traitement du lichen scléreux sous-jacent. En cas de chirurgie délabrante, ou de refus de la part du patient, le laser CO2, bien que n'ayant pas fait l'objet d'étude aux résultats publiés, peut être discuté. Il conviendra alors de s'assurer, par des biopsies multiples, de l'absence de CE verruqueux. Si la lésion survient sur un lichen scléreux non traité, il est parfois possible de proposer en première intention une application quotidienne de propionate de clobétasol crème 0,05 % pendant 3 mois, à condition de s'assurer de l'observance du patient et de sa compliance au suivi [44]. Dans notre expérience, ce traitement topique peut parfois faire disparaître l'HEV et peut permettre d'éviter le recours à la chirurgie.
Surveiller Dans tous les cas, une surveillance clinique prolongée et répétée est indiquée du fait du risque de récidive de l'HEV et du lichen scléreux sous-jacent. Une nouvelle biopsie sera effectuée devant toute lésion suspecte.
Retenir ■
■
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L'HEV doit être évoquée cliniquement devant une leucoplasie plus ou moins verruqueuse de la vulve ou du pénis. Son diagnostic est histologique : il s'agit une hyperplasie épithéliale sans atypies. Malgré cet aspect histologique rassurant, l'HEV doit être traitée, si possible chirurgicalement, du fait de son évolution possible en un carcinome épidermoïde le plus souvent de type verruqueux.
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235
Chapitre 9
Tumeurs cancéreuses PLAN DU CHAPITRE Carcinome épidermoïde Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller
236 236 236 236 236 236 236 236 236
Maladie de Paget Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller
249 236 236 236 236 236 236 236 236
Mélanome Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller
258 236 236 236 236 236 236 236 236
Les cancers du pénis et de la vulve sont rares, leur incidence respective estimée étant de 449 et 838 nouveaux cas en 2018 en France métropolitaine, correspondant à des taux d'incidence estimés de 0,7 et 0,9 pour 100 000 personnes-années [1]. Ils concernent des patient(e)s âgé(e)s, avec un âge moyen au moment du diagnostic de 71 ans pour les cancers du pénis et 74 ans pour les cancers de la vulve. Chez l'homme, en Europe et aux États-Unis, le cancer du pénis ne représente que 0,4 à 0,6 % des cancers [2]. En Amérique du Sud, Afrique, Inde, Asie du Sud-Est, il peut représenter 1 à 2 % et parfois jusqu'à 6 % des cancers et constituer alors un problème de santé publique. Ainsi, le Brésil est le pays ayant l'incidence la plus élevée, soit 2,8 à 6,8 pour 100 000 et le cancer du pénis y représente le 4e cancer le plus fréquent chez l'homme. Cette différence d'incidence du cancer du pénis pourrait reposer sur les variations de la prévalence de l'infection à HPV. Chez la femme, le cancer de la vulve est rare et sa prévalence en France est évaluée à 2/100 000. Il représente 5 % des cancers gynécologiques. Cinquante pour cent des cancers de la vulve sont situés sur les grandes lèvres, 15 à 20 % sur les petites lèvres tandis que le clitoris et les glandes de Bartholin sont plus rarement concernés [3].
Chez la femme, le carcinome épidermoïde vulvaire (CEV) est classiquement considéré comme un cancer rare de la femme ménopausée, âgée de plus de 65 ans. Les trois dernières décennies ont été marquées cependant par une augmentation de son incidence, plus particulièrement au sein de plus jeunes tranches d'âge [5–7]. Cette tendance, qui se confirme sur le plan mondial, pourrait être liée à l'augmentation, mondiale elle aussi, de l'infection HPV [7,8]. Contrairement à la situation observée chez l'homme, le CE vulvaire est le plus souvent symptomatique et il peut se manifester par un prurit, une douleur, un suintement ou un saignement [9,10]. Il a été montré que le caractère peu spécifique et/ou peu alarmant de ces symptômes, ainsi que l'âge plus élevé des patientes étaient des facteurs associés au retard diagnostique des CE vulvaires, le plus long parmi les cancers gynécologiques [7,9,11] pouvant aller de 6 mois à 5 ans. La persistance de ces symptômes, prurit et douleur en particulier, doit conduire à évoquer la possibilité d'un CE vulvaire chez une patiente suivie et traitée pour un lichen scléreux ou plan ou pour une néoplasie intraépithéliale (NIE) différenciée ou HPV-induite. Enfin, un mode de découverte possible, tardif, est la palpation par la patiente d'une tuméfaction vulvaire ou d'une adénopathie inguinale.
Carcinome épidermoïde
Reconnaître
Évoquer Que ce soit chez l'homme ou chez la femme, le carcinome épidermoïde (CE) est la tumeur maligne la plus fréquente puisqu'il représente plus de 95 % des cancers du pénis [4] et 80 à 90 % des cancers de la vulve [5]. Chez l'homme, le CE du pénis concerne des patients âgés, avec un âge moyen au diagnostic de 71 ans. La lésion est le plus souvent asymptomatique. Plus rarement, sont signalés par le patient une douleur, un écoulement en cas de surinfection ou une dysurie en cas de localisation juxta-urétrale.
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Le CE peut se présenter sous la forme d'une tumeur (figure 9.1), d'une plaque plus ou moins infiltrée ou bourgeonnante leucoplasique, érythroplasique (figure 9.2) ou érythroleucoplasique, ou encore d'une ulcération persistante (figures 9.3 et 9.4). Chez l'homme, sur le pénis, le CE siège majoritairement en distalité, sur le gland (figures 9.5 à 9.8) (48 % des cas) ou le prépuce (21 %) (figure 9.9) [4]. Le sillon balanopréputial et le fourreau (figures 9.10 et 9.11) sont plus rarement atteints, respectivement dans 6 % et moins de 2 % des cas, de même que le méat (figure 9.12). En cas de phimosis serré, une lésion siégeant sur le gland ou la face interne du prépuce peut être difficile à observer. Dermatologie génitale © 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Chapitre 9. Tumeurs cancéreuses
Figure 9.3. CEV. Ulcération chronique avec base indurée.
Figure 9.1. CEV invasif compliquant un lichen scléreux. Tumeur du clitoris.
Figure 9.4. CEV (flèche jaune) et NIE différenciée (flèche verte) compliquant un lichen scléreux. Source : Dr Corine Balloy, Eysines.
Chez la femme, si les grandes lèvres sont le siège préférentiel du CE, les petites lèvres, le clitoris et le périnée peuvent être atteints. En pratique, s'il est d'emblée évoqué devant une tumeur plus ou moins ulcérée ou bourgeonnante ou une ulcération dont la base est indurée, le diagnostic de CE peut être plus
Figure 9.2. CEV compliquant un lichen scléreux. Aspect bourgeonnant érythroplasique. Source : Dr Marie-Hélène Jégou-Penouil, Blanquefort.
237
Chapitre 9. Tumeurs cancéreuses
Figure 9.8. CE micro-invasif du gland associé à un lichen scléreux.
Figure 9.5. CE verruqueux invasif associé à une HEV et un lichen scléreux.
Figure 9.6. CE verruqueux invasif du gland associé à une NIE différenciée, une HEV et un lichen scléreux.
Figure 9.7. CE différencié invasif du gland associé à une NIE différenciée et un lichen scléreux.
238
Figure 9.9. CE micro-invasif du gland et du prépuce associé à un lichen scléreux.
Figure 9.10. CE invasif HPV-induit du fourreau.
Chapitre 9. Tumeurs cancéreuses
Figure 9.11. CE micro-invasif HPV-induit du fourreau associé à une NIE HPV-induite de type papulose bowénoïde.
Figure 9.13. CEV (flèche jaune) à type d'ulcération douloureuse au sein d'une nappe de NIE différenciée.
Figure 9.12. CE invasif HPV-induit du méat urétral.
difficile devant une érosion, une ulcération (figure 9.13), une leucoplasie (figure 9.14) ou une lésion papuloérythémateuse (figures 9.15 et 9.16) parfois discrètes. Quel que soit leur aspect, c'est le caractère douloureux et/ou persistant de telles lésions, ainsi que leur résistance au traitement qui incitera à les biopsier, voire à en pratiquer l'exérèse si la suspicion clinique est forte chez un(e) patient(e) suivi(e) pour NIE différenciée, NIE HPV-induite ou une hyperplasie épithéliale verruqueuse (HEV) au sein d'une nappe de lichen scléreux. Chez un(e) patient(e) jusqu'alors non suivi(e), l'examen attentif de la périphérie lésionnelle recherchera une dermatose précancéreuse adjacente, NIE différenciée ou HEV développées sur un lichen scléreux, ou NIE HPV-induite.
Figure 9.14. CEV récidivant à type de leucoplasie épaisse (flèche jaune) associée à une NIE différenciée (flèche verte). Même patiente que sur la figure 9.13, 3 ans après la vulvectomie initiale.
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Chapitre 9. Tumeurs cancéreuses
distance entre la tumeur et la ligne médiane, facteur conditionnant le drainage lymphatique uni- ou bilatéral, sera déterminée. En présence d'adénopathies palpables, leur nombre, leur topographie uni- ou bilatérale, leur caractère fixé ou ulcéré seront notés.
Confirmer
Figure 9.15. CEV récidivant. Lésions papulo-érythémateuses douloureuses.
Le diagnostic de CE du pénis ou de la vulve repose sur l'examen histologique. La biopsie peut être réalisée au punch. Toutefois, en cas de difficulté d'interprétation et de forte suspicion clinique, il est nécessaire de répéter la ou les biopsies ou de pratiquer une biopsie large et profonde au bistouri, afin de ne pas méconnaître le CE et/ou son type histologique, en sous-estimer le grade histologique et l'infiltration profonde [12]. Sur la vulve, il peut être utile de réaliser une cartographie lésionnelle à l'aide d'un schéma ou de clichés photographiques en numérotant les différentes biopsies [3]. On distingue : ■ les CE non liés à l'HPV, les plus fréquents, dont : ● le CE de type « habituel » qui en est de loin la forme la plus courante (48 à 65 % des cas chez l'homme [13]) (figure 9.17) ; son précurseur est la NIE différenciée sur lichen, ● le CE verruqueux est beaucoup plus rare ; l'HEV est considérée comme son précurseur ; ■ les CE liés à l'HPV dont le CE basaloïde et le CE condylomateux (figure 9.18) : leur précurseur est la NIE HPV-induite (ou high-grade squamous intraepithelial lesion [HSIL]). Chez l'homme, la classification de l'OMS des tumeurs du pénis, actualisée en 2016, distingue d'autres types histologiques plus rares, dont certains sont considérés de plus mauvais pronostic comme les CE à cellules claires, adénosquameux et sarcomatoïdes [14,15]. L'analyse histologique de la biopsie mais surtout celle de la pièce d'exérèse préciseront le grade histologique, la présence d'emboles vasculaires et/ou lymphatiques, l'envahissement
Figure 9.16. CEV invasif associé à une NIE HPV-induite (HSIL) extensive.
L'examen clinique sera complété par : la recherche d'une extension locale, urétrale, caverneuse ou périnéale chez l'homme ou clitoridienne, urétrale, périnéo-anale chez la femme ; ■ la palpation des aires ganglionnaires inguinales : chez l'homme, la localisation préputiale est considérée comme ayant un meilleur pronostic du fait d'un plus faible risque d'extension ganglionnaire. En cas d'extension clinique inguinale notée à la palpation, on déterminera si les adénopathies sont mobiles ou fixées. Une fistulisation des adénopathies à la peau est possible. Chez la femme, la ■
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Figure 9.17. Aspect histopathologique d'un CE de type usuel (nonHPV-induit) du pénis. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
Chapitre 9. Tumeurs cancéreuses
T2 Tumeur envahissant le corps spongieux avec ou sans invasion de l'urètre ● T3 Tumeur envahissant le corps caverneux avec ou sans invasion de l'urètre ● T4 Tumeur envahissant d'autres structures adjacentes cN Ganglions régionaux (clinique : palpation ou imagerie) ● Nx Renseignements insuffisants pour classer l'atteinte des ganglions lymphatiques régionaux (ganglions inguinaux) ● N0 Pas de ganglion inguinal palpé ● N1 Palpation d'un seul ganglion unilatéral mobile ● N2 Palpation de ganglions multiples ou bilatéraux mobiles ● N3 Ganglions inguinaux fixés ou ganglions pelviens, unilatéraux ou bilatéraux pN Ganglions régionaux (pathologique : biopsie ou exérèse) ● pNx Renseignements insuffisants pour classer l'atteinte des ganglions lymphatiques régionaux (ganglions inguinaux) ● pN0 Pas d'atteinte ganglionnaire régionale ● pN1 3 métastases ganglionnaires inguinales unilatérales ou atteinte bilatérale, sans extension extracapsulaire ● pN3 Métastase ganglionnaire pelvienne, extension extracapsulaire M Métastases à distance ● Mx Renseignements insuffisants pour classer des métastases à distance ● M0 Pas de métastase à distance ● M1 Présence de métastase à distance G Grade histologique ● Gx Renseignements insuffisants pour classer le grade histologique ● G1 Bien différencié ● G2 Moyennement différencié ● G3-4 Faiblement différencié-indifférencié ●
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Figure 9.18. Aspect histopathologique d'un CE de type basaloïde (HPVinduit) du pénis. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
périneural et la profondeur d'invasion. Chez l'homme, on déterminera si l'atteinte est limitée au chorion ou s'il existe un envahissement des corps spongieux et caverneux ou de l'urètre. Chez la femme, on déterminera la profondeur de l'invasion stromale mesurée en millimètres entre la jonction chorio-épithéliale de la papille dermique adjacente la plus superficielle et le point le plus profond de l'invasion, ainsi que l'envahissement de structures périnéales (vagin, urètre, anus) [16]. L'examen histologique de la pièce d'exérèse étudiera en outre les marges chirurgicales en périphérie et en profondeur, ainsi que les modifications histologiques en périphérie du CE : NIE HPV-induite ou différenciée, HEV, lichen scléreux [17]. Cet examen, réalisé sur l'ensemble de la lésion et non seulement sur une biopsie ainsi que le bilan d'extension permettront de préciser le stade TNM du CE (encadré 9.1) du pénis et le stade FIGO (encadré 9.2) ou TNM (encadré 9.3) du CE de la vulve, conditionnant leur prise en charge.
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Encadré 9.1
Classification TNM 2016 des cancers du pénis ■
T Tumeur primitive ● pTx Renseignements insuffisants pour classer la tumeur primitive ● T0 Pas de tumeur primitive ● Tis Carcinome in situ ● Ta Carcinome verruqueux non infiltrant ● T1 Tumeur envahissant le tissu conjonctif sous-épithélial ● T1a Tumeur envahissant le tissu conjonctif sousépithélial sans invasion lymphovasculaire ou périneurale à l'exclusion du haut grade (grade 3 ou sarcomatoïde) ● T1b Tumeur envahissant le tissu conjonctif sous-épithélial avec invasion lymphovasculaire ou périneurale ou de haut grade (grade 3 ou sarcomatoïde)
D'après [18].
Encadré 9.2
Classification FIGO 2018 des cancers de la vulve ■
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Stade I : ● tumeur limitée à la vulve et au périnée ; ● pas de métastase ganglionnaire. Stade IA : ● tumeur ≤ 2 cm limitée à la vulve ou au périnée et invasion stromale ≤ 1 mm ; ● pas de métastase ganglionnaire.
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Chapitre 9. Tumeurs cancéreuses
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Stade IB : ● tumeur > 2 cm limitée à la vulve ou au périnée ou invasion stromale > 1 mm ; ● pas de métastase ganglionnaire. Stade II : ● tumeur quelle que soit la taille avec envahissement de structures périnéales adjacentes (1/3 inférieur de l'urètre et/ou 1/3 inférieur du vagin et/ou de l'anus) ; ● pas de métastase ganglionnaire. Stade III : ● tumeur quelle que soit la taille avec ou sans envahissement de structures périnéales adjacentes (1/3 inférieur de l'urètre et/ou 1/3 inférieur du vagin et/ou de l'anus) et métastase ganglionnaire régionale unilatérale. Stade IIIA : ● métastase(s) d'un ou 2 ganglions 5 mm. ● N2c métastases ganglionnaires avec effraction capsulaire. ● N3 métastases ganglionnaires fixées, ulcérées. Mx statut métastatique à distance non évaluable. M0 pas de métastase à distance. M1 métastase à distance.
D'après [16].
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Figure 9.20. Carcinome basocellulaire. Aspect trompeur chez une patiente présentant un lichen scléreux.
Chapitre 9. Tumeurs cancéreuses
Figure 9.21. Carcinome basocellulaire du scrotum. Source : Dr Jean-Michel Amici, Bordeaux.
Figure 9.22. Carcinome sébacé du scrotum révélant un syndrome de Muir-Torre.
Explorer Chez l'homme, les explorations à réaliser en cas de cancer du pénis sont basées sur les recommandations françaises du comité de cancérologie de l'Association française d'urologie [18]. Le bilan d'extension locale repose sur l'imagerie par résonance magnétique (IRM) après érection pharmacoinduite plutôt que l'échographie du pénis, visant à évaluer l'envahissement urétral et des corps spongieux et caverneux en prévision d'une chirurgie conservatrice.
Le bilan d'extension ganglionnaire débute par un examen clinique à la recherche d'adénopathies palpables. L'imagerie inguinale est insuffisamment performante pour préciser l'extension ganglionnaire. Son intérêt se discute en cas de patient difficile à examiner (obésité ou antécédents de chirurgie inguinale) en l'absence de ganglion cliniquement palpable. Cependant, dans notre expérience, l'échographie inguinale réalisée par un radiologue entraîné nous semble intéressante, même en l'absence de difficulté à examiner le patient, pour détecter une extension ganglionnaire infraclinique. L'IRM comme le scanner permettent de rechercher des adénopathies iliaques en cas d'adénopathies inguinales suspectes. En l'absence d'adénopathie inguinale cliniquement palpable (cN0) : ■ seules les tumeurs de faible risque ganglionnaire ( 4 cm)
Pas d'exploration ganglionnaire d'emblée indiquée si infiltration tumorale > 1 mm
Stade II
Radiothérapie vulvaire +/- ganglionnaire Curiethérapie +/- chimiothérapie
Radiothérapie vulvaire +/- ganglionnaire +/- Curiethérapie +/- chimiothérapie Stade III
Stade IV A
Exérèse possible d'emblée
Exérèse possible d'emblée
Oui
Non
Vulvectomie totale élargie Curage inguino-fémoral bilatéral +/- radiothérapie
Traitement néo-adjuvant Radiothérapie +/- chimiothérapie Puis chirurgie selon évolution
* Marges de 2 cm si possible.
Oui Exentération pelvienne partielle ou totale Curage inguino-fémoral bilatéral +/- radiothérapie +/- chimiothérapie
Non Traitement néo-adjuvant Radiothérapie +/- chimiothérapie Puis chirurgie selon évolution
** Jusqu'à l'aponévrose périnéale moyenne.
Figure 9.25. Prise en charge thérapeutique du CE vulvaire selon la classification FIGO 2018. Patiente opérable, RCP préalable systématique. GS : ganglion sentinelle ; NIE : néoplasie intraépithéliale ; RCP : réunion de concertation pluridisciplinaire.
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Chapitre 9. Tumeurs cancéreuses
ganglionnaire inguino-fémoral superficiel et profond à partir du stade IB > 4 cm ; ● en cas d'échec de détection du GS, un curage ganglionnaire inguino-fémoral homolatéral est indiqué ; ● en cas d'atteinte ganglionnaire homolatérale, un contrôle ganglionnaire controlatéral est indiqué. ■ Radiothérapie vulvaire ou ganglionnaire/curiethérapie/ chimiothérapie à discuter selon les cas. Stade II ou stade IB multifocal (FIGO 2018) ■ Vulvectomie totale avec si possible marges macroscopiques de 2 cm jusqu'à l'aponévrose périnéale moyenne. ■ Curage inguinofémoral superficiel et profond ou GS selon les équipes après discussion en RCP. ■ Radiothérapie/curiethérapie/chimiothérapie à discuter selon les cas. Stade III (FIGO 2018) ■ Si l'exérèse chirurgicale est possible : vulvectomie totale élargie associée à un curage inguinofémoral bilatéral. ■ En cas d'impossibilité chirurgicale initiale, radiothérapie ± chimiothérapie néoadjuvantes à discuter au cas par cas, puis chirurgie si elle est possible. Stade IV (FIGO 2018) ■ Stade IVA : soit association radio-/chimiothérapie puis chirurgie, soit chirurgie première à type d'exentération pelvienne partielle ou totale selon l'extension locale et l'opérabilité de la patiente et curage inguinofémoral puis radiothérapie pelvienne ± chimiothérapie. ■ Stade IVB : chimiothérapie et/ou radiothérapie palliatives, chirurgie de « propreté », prise en charge en unité de soins palliatifs.
Surveiller Que ce soit chez l'homme ou chez la femme, la surveillance vise à détecter et traiter précocement une récidive du CE et/ ou des lésions précurseurs, NIEd en particulier. Chez l'homme, le taux de récidive locale (figure 9.26) atteint 6 à 21 % en 2 à 4 ans en cas de chirurgie conservatrice (décortication ou glandulectomie) et 5 % en cas de chirurgie non conservatrice (amputation totale ou partielle) [18]. Le suivi est indiqué pendant au moins 5 ans et comprend un autoexamen génital régulier, une autopalpation inguinale régulière et un suivi clinique et radiologique trimestriel pendant 2 ans puis semestriel ou annuel selon le stade pendant 3 ans. Lors de la surveillance seront aussi prises en charge les conséquences fonctionnelles du traitement, mictionnelles d'une part (rares en cas de chirurgie conservatrice, probablement plus fréquentes dans le cas contraire) et sexuelles d'autre part (après amputation partielle, s'observent des troubles sexuels chez 67 % des patients, les érections et les orgasmes étant conservés chez respectivement 56 % et 72 % des patients).
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Figure 9.26. Récidive de CE du pénis.
La survie spécifique à 5 ans selon le stade local est de 100 % pour le stade Cis, 84 % pour pT1 et 54 % pour pT2. La survie spécifique à 5 ans selon le stade ganglionnaire varie de 87 à 100 % pour le stade pN0 et de 29 à 40 % pour le stade pN +. Elle est de 0 % pour le stade métastatique M +. Malgré le rôle des HPV dans la genèse d'une partie des CE du pénis, l'examen de la partenaire n'est pas recommandé étant donné l'absence d'augmentation de la fréquence des lésions à HPV cervicales chez les partenaires d'hommes traités pour un CE du pénis [32]. Chez la femme, la surveillance clinique (examen vulvaire et périnéal et touchers pelviens) sera programmée tous les 3 à 4 mois pendant 1 à 2 ans puis tous les 6 mois pendant 2 ans [16,31], puis poursuivie à long terme. Cette surveillance sera intensifiée chez les patientes présentant un lichen scléreux et une NIE différenciée, en raison d'un plus grand risque de récurrence locale (figures 9.15 et 9.16). La réalisation d'un suivi échographique ganglionnaire est proposée par certains [16], non recommandée par d'autres [31]. En l'absence de radiothérapie, une récidive ganglionnaire survient dans 4,6 à 19 % des cas, majoritairement dans les 2 ans et préférentiellement dans le groupe présentant initialement un envahissement ganglionnaire (31 % versus 5 %) [16]. Les principaux facteurs pronostiques du CE vulvaire sont le stade, le statut ganglionnaire inguinofémoral et l'âge de la patiente, la survie relative étant meilleure chez les femmes jeunes [6].
Dire ■
■
Une surveillance rapprochée est nécessaire après le traitement d'un cancer génital afin de détecter précocement une récidive du cancer ou d'une lésion précancéreuse. Le traitement du lichen scléreux doit être poursuivi.
Chapitre 9. Tumeurs cancéreuses
Retenir Le rôle du dermatologue dans la prévention et le diagnostic du carcinome épidermoïde du pénis et de la vulve doit être souligné : ■ prise en charge de dermatoses reconnues comme facteur de risque de CE génital (lichen scléreux) ; ■ diagnostic et traitement des lésions précancéreuses génitales : NIE HPV-induites/HSIL, NIE différenciée et hyperplasie épithéliale verruqueuse ; ■ diagnostic précoce du carcinome épidermoïde génital, dont le traitement sera assuré par l'urologue ou le gynécologue, voire par le dermatochirurgien luimême dans ses stades précoces (Ta ou T1) en fonction de la taille et de la localisation de la lésion.
Maladie de Paget La maladie de Paget (MP) a été initialement décrite dans sa localisation mammaire en 1874 par James Paget, avant d'être décrite dans sa localisation génitale masculine pour la première fois en 1889 par Crocker, puis dans sa localisation vulvaire en 1901 par William Dubreuilh, dermatologue français. Elle correspond à un adénocarcinome initialement intraépidermique lié à la prolifération maligne de cellules épithéliales non kératinocytaires dites « cellules de Paget » dont l'origine est discutée. Elle peut envahir le derme (MP invasive) et devenir métastatique. L'association de la maladie de Paget extra-mammaire (MPEM) à une néoplasie sous-jacente, si elle doit être recherchée, est inconstante contrairement à la MP mammaire. Les séries de MPEM féminines comprennent aussi généralement les atteintes périnéales et péri-anales à la différence des séries masculines centrées sur les atteintes pénoscrotales.
l'ensemble des carcinomes vulvaires. La MPV concerne principalement les femmes en période post-ménopausique, avec un âge médian variant de 67 à 73 ans [40,41]. Parfois asymptomatique, la MPEM se caractérise par des signes d'appel peu spécifiques, à type de sensation d'irritation ou de brûlure vulvaire, scrotale et/ou périnéale, de douleur ou de prurit, signalé comme le symptôme le plus fréquent [40].
Reconnaître Chez l'homme, la MPEM survient dans des zones riches en glandes apocrines donc essentiellement sur le versant génital cutané : scrotum (86 % des cas) (figure 9.27) avec extension possible au fourreau (6 %) (figure 9.28), ou pubis (6 %) (figure 9.29) et aux plis inguinaux (2 %). Rarement elle a été rapportée dans l'urètre, la prostate et la vessie [42–44]. Elle se présente le plus souvent comme une unique ou, plus rarement, plusieurs plaques érythémateuses, bien limitées, plus ou moins infiltrées, parfois squameuses, kératosiques, érosives ou suintantes. La présence de rhagades est possible. L'évolution est chronique avec une extension lente et centrifuge. Une infiltration des lésions, une ulcération ou la présence de nodules peuvent témoigner d'une MPEM primitive invasive avec envahissement dermique ou de l'existence d'un cancer sous-jacent en cas de MPEM secondaire
Évoquer La MPEM est très rare, ne représentant que 6,5 à 10 % de l'ensemble des MP, dont 90 % correspondent à des MP mammaires [33,34]. Sa prédominance est féminine avec un sex-ratio H/F compris entre 1/4 et 1/7 dans la population caucasienne alors qu'elle est plus fréquente chez les hommes dans les populations asiatiques [35–37]. Chez l'homme, l'incidence de la MP pénoscrotale n'est pas connue. La MP pénoscrotale semble cependant rare puisque plus de 95 % des cancers du pénis sont représentés par le carcinome épidermoïde [38]. De plus, au sein des MPEM, les atteintes pénoscrotales sont plus rares que les formes vulvaires et péri-anales, représentant chacune respectivement 14 %, 65 % et 20 % des cas [35,36]. La MP pénoscrotale affecte le plus souvent les hommes âgés, avec un âge moyen de 64 ans dans la plus grande série de MPEM publiée, portant sur 246 hommes [39]. Chez la femme, l'incidence et la prévalence de la MP vulvaire (MPV) ne sont pas précisément connues. Comme chez l'homme, la MPV est rare, ne représentant que 1 à 2 % de
Figure 9.27. Maladie de Paget du scrotum. Source : Service de dermatologie, hôpital Saint-Louis, Paris.
Figure 9.28. Maladie de Paget érosive du fourreau du pénis. Source : Service de dermatologie, hôpital Saint-Louis, Paris.
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Chapitre 9. Tumeurs cancéreuses
Figure 9.30. Maladie de Paget vulvaire de la grande lèvre droite.
Figure 9.29. Maladie de Paget du pubis et du fourreau du pénis. Source : Service de dermatologie, hôpital Saint-Louis, Paris.
[33]. Des localisations multiples synchrones ont été décrites, associant une atteinte scrotale à une atteinte axillaire [45] ou ombilicale [46]. Chez la femme, la lésion caractéristique de la MPV est une plaque érythémateuse plus ou moins suintante bien limitée avec des contours nets (figures 9.30 et 9.31). La surface lésionnelle associe de façon variable des aires blanchâtres (figure 9.32) ou grisâtres, squameuses ou kératosiques (figure 9.33), érosives (figure 9.34) ainsi que des aires hyperou hypopigmentées. La présence d'îlots blanchâtres sur fond érythémateux (figure 9.35) réalise l'aspect typique de « sucre glace » ou de « crème sur des fraises ». Si les lésions peuvent être multifocales et ubiquitaires sur la vulve, un aspect particulièrement évocateur est la présence d'une plaque asymétrique sur une grande lèvre s'étendant vers le périnée, la marge anale, la fesse et/ou le pli inguinal homolatéraux (figure 9.36). L'extension progressive et superficielle des lésions se poursuit, parfois de façon indolente, sur plusieurs années. L'examen clinique recherchera de façon attentive, à l'inspection mais aussi à la palpation, la présence de zones infiltrées, nodulaires ou ulcérées (figure 9.37) traduisant une évolution invasive de la MPV. Chez l'homme comme chez la femme, les qualificatifs « eczématiforme » ou « psoriasiforme », fréquemment utilisés pour décrire les lésions traduisent le caractère protéiforme et trompeur de la MPEM, dont il faut souligner le fréquent retard diagnostique. Ce retard diagnostique, patient et/ou médecin-dépendant, est évalué à 3,6 ans en moyenne chez l'homme et à 2 ans en moyenne chez la femme après l'apparition des premiers symptômes [34,39]. La résistance des lésions aux antifongiques et dermocorticoïdes, souvent prescrits en première intention, doit alerter et inciter à réaliser une biopsie cutanée.
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Figure 9.31. Maladie de Paget vulvaire de la grande lèvre gauche.
Figure 9.32. Maladie de Paget vulvaire. Récidive après exérèse chirurgicale de la petite lèvre gauche.
Chapitre 9. Tumeurs cancéreuses
Figure 9.33. Maladie de Paget vulvaire. La biopsie de la zone papuleuse (flèche jaune) n'a pas mis en évidence d'invasion (évolution de la patiente de la fig. 9.32).
Figure 9.34. Maladie de Paget vulvaire. Source : Dr Marie-Hélène Jégou-Penouil, Blanquefort.
La dermatoscopie permet de conforter le diagnostic avec 4 signes principaux : des aires rouge laiteux, un patron vasculaire, des érosions ou des ulcérations, des structures pigmentées [47]. La microscopie confocale a été utilisée pour établir le diagnostic [48] et apprécier l'extension locale en vue de définir les marges chirurgicales [49]. L'examen cutanéo-muqueux est complété par la palpation des aires ganglionnaires inguinocrurales à la recherche d'adénopathies locorégionales, qui peuvent correspondre à une extension ganglionnaire soit de la MP primitive ou secondaire devenue invasive, soit de l'éventuel adénocarcinome viscéral associé à une MP secondaire. Des arguments cliniques en faveur d'un cancer associé seront recherchés à l'interrogatoire (symptômes urologiques, gynécologiques et digestifs) et à l'examen physique (toucher
Figure 9.35. Maladie de Paget vulvaire.
Figure 9.36. Maladie de Paget vulvaire. Atteinte de la grande lèvre droite avec extension vers le pli génito-crural homolatéral. Source : Dr Isabelle Costa-Delmeule, Talence.
Figure 9.37. Maladie de Paget vulvaire invasive.
251
Chapitre 9. Tumeurs cancéreuses
rectal chez l'homme, palpation des seins, de l'ensemble des aires ganglionnaires et touchers pelviens chez la femme).
Confirmer Le diagnostic de certitude de MPEM repose sur l'examen histologique, en biopsiant préférentiellement une zone infiltrée ou ulcérée. Une cartographie, avec biopsies multiples, est parfois nécessaire notamment en cas de lésion étendue afin de ne pas méconnaître une zone focalement invasive. Il est intéressant de noter qu'en cas de plaques multiples, une atteinte histologique est possible au sein des intervalles de peau cliniquement saine [33]. Une étude portant sur 44 hommes suggère que la réalisation de biopsies multiples (mapping) permettrait une prise en charge chirurgicale plus adaptée avec diminution du risque de récidive [50]. La MP se traduit histologiquement par la présence dans l'épiderme de cellules de Paget (figure 9.38). Il s'agit de grandes cellules arrondies, à cytoplasme clair PAS-positif, à noyau volumineux vésiculeux parfois excentré (aspect dit « en bague à chaton »), dispersées ou groupées en amas sur toute la hauteur de l'épiderme. De façon non spécifique, on peut observer une hyperkératose ortho- ou parakératosique et un infiltrat inflammatoire polymorphe dermique sous-jacent. Une invasion dermique doit être recherchée et si elle est présente, son épaisseur mesurée du fait de sa signification pronostique [37]. On distingue, selon Hatta [51], les formes : ■ in situ : intraépidermique ; ■ micro-invasive : atteinte du derme papillaire (profondeur d'invasion 4 mm OU invasion lymphovasculaire N Ganglions régionaux ● N0 Absence de métastase ganglionnaire ● N1 1 métastase ganglionnaire ● N2 > 2 métastases ganglionnaires M Métastase à distance (ganglionnaire non régionale ou viscérale) ● M0 Absence de métastase à distance ● M1 Présence de métastase à distance
Stades T
N
M
I
1
0
0
II
2
0
0
IIIa
0-1-2
1
0
IIIb
0-1-2
2
0
IV
0-1-2
0-1-2
1
Classification proposée par Ohara et al. [65].
tant aucune ou une seule métastase ganglionnaire et entre ceux présentant une atteinte ganglionnaire uni- ou bilatérale.
Comprendre On peut distinguer deux formes de MPEM, la forme primitive cutanée la plus fréquente d'une part, et la forme secondaire d'autre part [34,66].
MPEM cutanée primitive La MPEM cutanée primitive, la plus fréquente, correspond à un adénocarcinome naissant et se développant initialement dans l'épiderme ou ses annexes (stade intraépidermique), pouvant envahir le derme (stade invasif dermique) puis engendrer des métastases ganglionnaires ou viscérales à distance. Son histogénèse est débattue [34]. Chez l'homme et la femme, elle pourrait reposer sur une cellule souche plutipotente des glandes apocrines, des couches basales de l'épiderme ou de l'infundibulum du follicule pileux, ce qui expliquerait la localisation préférentielle de la MPEM aux zones pileuses, riches en glandes apocrines (aisselles, région génitale) [67,68]. Plus spécifiquement chez la femme, elle pourrait avoir pour origine : ■ les glandes anogénitales de type mammaire ou mammary-like glands, ce qui pourrait expliquer l'atteinte de zones dépourvues d'annexes comme les sillons interla-
Chapitre 9. Tumeurs cancéreuses
biaux et la muqueuse vaginale dans les formes vulvaires étendues ; ■ la cellule dite « de Toker » présente dans le mamelon, et qui serait la cellule précurseur, à la fois de la MP mammaire et vulvaire, mais non de la MP pénoscrotale, la cellule de Toker n'étant pas décrite sur le pénis et le scrotum [69]. Chez la femme, la MPV primitive, qualifiée de « type 1 », se subdivise selon le niveau d'invasion en [34] : ■ type 1a : intraépidermique, le plus fréquent ; 75 à 81 % des cas ; ■ type 1b : invasion du derme par les cellules de Paget ; 16 à 19 % des cas ; ■ type 1c : manifestation d'un adénocarcinome vulvaire sous-jacent qui s'étendrait sur un mode pagétoïde à l'épiderme ; 4 à 17 % des cas. L'évolution synchrone entre la MPEM primitive et un éventuel cancer viscéral associé, malgré l'absence de continuité histologique entre les deux tumeurs, pourrait reposer sur un hypothétique facteur carcinogène commun.
MPEM secondaire La MPEM secondaire, plus rare, résulte de l'invasion de l'épiderme par une tumeur localisée dans un organe de voisinage, le plus souvent urologique, plus rarement digestif, réalisant une métastase épidermotrope. Chez la femme, on distingue la MPV de type 2, d'origine digestive et la MPV de type 3, d'origine urologique. Chez l'homme, la MPEM associée à un carcinome des annexes épidermiques est considérée comme secondaire alors qu'elle est considérée comme primitive de type 1c chez la femme.
Traiter En l'absence de recommandations publiées, le traitement sera discuté en RCP). Il comprend le traitement de la MPEM, qui sera détaillé ci-dessous, et, le cas échéant, le traitement du carcinome cutané annexiel sous-jacent ou du cancer viscéral associé. Les décisions thérapeutiques doivent tenir compte du pronostic de la MPEM qui est bon dans la majorité des cas [37], la survie globale à 5 ans, hommes et femmes confondus, étant estimée à 75 à 91 % des cas [34]. En cas de MPEM intraépidermique ou micro-invasive, les taux de survie sont de respectivement de 100 % et 88 % [48]. Le pronostic est moins bon en cas de MPEM invasive. Ainsi, concernant la MPV, le taux de survie à 5 ans de 98 % en cas de forme non invasive ou micro-invasive chute significativement à 50 % en cas de forme invasive [41]. Enfin, lorsque la MPEM est associée à un cancer, son pronostic dépend de celui du cancer associé. L'état général du patient, l'intensité du prurit, de la douleur et l'altération de la qualité de vie doivent aussi être évalués et pris en compte dans les décisions thérapeutiques.
Chez l'homme Traitement de la MPEM non invasive L'exérèse chirurgicale constitue le traitement de première intention, d'autant plus que la laxité cutanée rend la chirurgie scrotale plus aisée que la chirurgie vulvaire [70]. Contrairement aux traitements conservateurs, elle permet une analyse histologique exhaustive de la totalité de la lésion, la recherche d'une zone invasive de MP ou d'un adénocarcinome cutané annexiel sous-jacent, qui pourraient passer inaperçus sur la ou les biopsies préopératoires. Le pronostic de MP non invasive étant favorable, les marges latérales de 2 cm sont désormais abandonnées et il est d'usage de préconiser une marge d'1 cm. En profondeur, l'exérèse doit être hypodermique afin d'emporter les annexes épidermiques pilosébacées et sudorales. La pièce d'exérèse devra être orientée. L'intérêt de la chirurgie micrographique de Mohs et de l'examen extemporané perchirurgical des marges d'exérèse nécessite d'être évalué. En effet, une diminution significative du nombre de récidives est observée après chirurgie de Mohs en comparaison à l'exérèse chirurgicale conventionnelle dans une méta-analyse de 3 études observationnelles, mais le risque de récidive persiste même en cas de marge histologiquement saine [71]. De plus, en comparant 124 patients traités par chirurgie conventionnelle à 19 patients traités par chirurgie micrographique de Mohs, le taux de survie globale à 5 ans (68 % versus 79 %) et de survie sans récidive (66 % versus 91 %) était certes supérieur dans le second groupe, mais la différence n'était pas significative sur le plan statistique [72]. L'exérèse initiale est souvent incomplète car les limites histologiques peuvent dépasser les limites cliniques. Ainsi, l'exérèse latérale est incomplète histologiquement jusque dans 56 % des cas, malgré des marges cliniques saines [35]. En cas de marge latérale non saine à l'examen histologique, une reprise chirurgicale à 1 cm ou un traitement alternatif non chirurgical (vaporisation au laser CO2, imiquimod, etc.) voire une simple surveillance seront discutés puisque l'atteinte des berges ne semble pas influer le taux de récidive ou de survie [73]. En cas de surveillance simple, un traitement sera entrepris ultérieurement en cas de récidive clinique par une nouvelle exérèse chirurgicale avec marge d'1 cm ou par traitement alternatif. Même en cas d'exérèse complète, le risque de récidive n'est pas nul car la MP peut être multifocale d'emblée, avec des lésions à distance non cliniquement repérables car sans modification épidermique visible. Des traitements alternatifs à la chirurgie se discutent selon l'âge, l'état général, les comorbidités, l'étendue des lésions et l'existence d'un cancer associé. Dans certaines situations, notamment chez le sujet très âgé, l'objectif n'est pas l'obtention d'une guérison mais seulement le maintien d'une qualité de vie acceptable. Ces traitements alternatifs ne permettent pas la détection des zones invasives de MP ou d'un adénocarcinome annexiel sous-jacent et sont à valider en RCP. Ils se discutent en alternative à la chirurgie
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Chapitre 9. Tumeurs cancéreuses
En cas d'invasion dermique supérieure à 1 mm, un curage ganglionnaire inguinal ou inguinoiliaque est proposé d'emblée par certains [79].
Figure 9.40. Récidive de maladie de Paget du scrotum après vapori sation au laser CO2.
otamment en cas de lésion très étendue, en cas de refus par n le patient ou de contre-indication ou en complément d'une chirurgie incomplète : ■ laser CO2 : la vaporisation doit être profonde pour détruire les annexes pilosébacées d'où les douleurs postopératoires et une durée de cicatrisation prolongée (figure 9.40) ; ■ radiothérapie : elle était proposée en seconde intention en cas de contre-indication à la chirurgie. Dans une courte série de 6 hommes avec MPEM génitale et/ou inguinale et/ou péri-anale, une rémission complète a été observée dans 5 cas, avec un suivi de 6 mois à 14 ans [74]. Actuellement, elle se discute plutôt en traitement palliatif à visée antalgique mais expose au risque de radiodermite fréquente ; ■ imiquimod (hors AMM) : quelques cas rapportent son efficacité chez l'homme [75] ou son échec [76], mais aucune série prospective ou rétrospective n'est publiée ; ■ photothérapie dynamique (photodynamic therapy [PDT]) : une étude montre l'absence de récidive parmi 31 cas traités par chirurgie puis PDT et 1 récidive parmi 7 cas traités par PDT seule [77] ; ■ abstention thérapeutique : en dernier recours, dans des situations particulières (espérance de vie courte) mais en veillant à la prise en charge du prurit (corticothérapie locale) ou de la douleur dans les formes hyperalgiques. Traitement de la MPEM invasive ou associée à un cancer Le traitement de la MPEM invasive repose sur l'exérèse chirurgicale large avec marge latérale de 2 cm et exérèse en profondeur devant pour certains emporter le fascia. La technique du ganglion sentinelle est proposée en l'absence d'adénopathie clinique [78]. Elle sera suivie d'un curage ganglionnaire et d'une radiothérapie adjuvante en cas de ganglion sentinelle positif. Dans le cas contraire, une radiothérapie adjuvante est discutée selon certains auteurs en cas de simple invasion dermique de la MPEM, même en absence d'atteinte ganglionnaire Un curage ganglionnaire suivi d'une radiothérapie adjuvante sera réalisé en cas d'atteinte ganglionnaire clinique.
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Traitement de la MPEM métastatique Il repose sur une chimiothérapie après discussion en RCP, basée sur les taxanes (paclitaxel) ou l'association cisplatine et 5 FU. HER2 (human epidermal growth factor receptor 2) serait plus souvent exprimé en cas de MPEM invasive, comme cela a été montré initialement pour la vulve [80] puis confirmé pour le scrotum [39], avec de possibles implications thérapeutiques. Ainsi, le premier cas de rémission complète sous thérapie ciblée (trastuzumab) d'une tumeur non mammaire et non gastrique surexprimant HER2 concernait une maladie de Paget du scrotum [81]. L'intérêt de l'immunothérapie est en cours d'étude.
Chez la femme MPV intraépidermique et invasive Chirurgie La chirurgie large reste le gold standard traditionnel, que ce soit pour les formes intraépidermiques ou invasives [34,40,41,62,82]. Néanmoins, la morbidité d'une chirurgie large ou radicale, dont l'objectif serait d'obtenir des marges saines, doit être mise en balance avec le pronostic globalement très bon de la MPV, en particulier dans sa forme la plus fréquente intraépidermique, et à la lumière des points suivants : ■ la MPV se caractérisant par une extension infraclinique discontinue et par sa nature multifocale, la question de la dimension des marges d'exérèse n'est pas résolue, variant de 1 à 5 cm dans la littérature, ce qui est difficilement acceptable en zone génitale [82] ; ■ le taux de récidive après chirurgie conventionnelle varie de 30 à 61 % des cas [82,83]. Ces récidives sont donc très fréquentes et elles ne dépendent pas du statut des marges de l'exérèse initiale [40,83]. La chirurgie de Mohs obtient un taux de récidive inférieur à celui de la chirurgie conventionnelle, mais celui-ci n'est pas nul, estimé à 12 % des cas [71] ; ■ la survie globale n'est pas influencée par le statut des marges : c'est ce que montrent d'une part, la série de 2 602 patientes de Nasioudis et al., avec une survie globale évaluée à 85,8 % à 5 ans, non influencée par le statut des marges d'exérèse, lui-même connu dans 902 cas et positif dans plus de la moitié des cas [62], et d'autre part, la cohorte néerlandaise de 113 patientes de van der Linden et al., avec une survie globale à 5 ans identique, quel que soit le statut des marges de l'exérèse initiale, négatives dans 9,4 % des cas seulement [41]. De plus, au sein de cette cohorte, la survie globale était la même que les patientes aient été traitées chirurgicalement, localement avec un traitement médical ou simplement surveillées [41]. L'ensemble de ces arguments plaide, si une décision chirurgicale est prise, en faveur d'une chirurgie raisonnable et la moins mutilante possible, admettant une exérèse incomplète, afin d'en limiter la morbidité physique et psychosexuelle [34,62].
Chapitre 9. Tumeurs cancéreuses
En cas de MPV invasive, la prise en charge chirurgicale est calquée sur celle du carcinome épidermoïde vulvaire : exérèse large ou vulvectomie partielle et lymphadénectomie inguinocrurale si le niveau d'invasion dépasse 1 mm [34,41]. En cas de MPV associée à un adénocarcinome vulvaire, une vulvectomie radicale est proposée [83]. La procédure du ganglion sentinelle est proposée par certains [82], non recommandée par d'autres [34]. En cas de MPV secondaire, le traitement chirurgical est discuté au cas par cas, adapté à la néoplasie associée. Traitements alternatifs à la chirurgie Imiquimod Parmi les traitements alternatifs, identiques à ceux proposés chez l'homme, l'imiquimod est celui qui est le plus utilisé, hors AMM, dans la MPV non invasive [34]. Ce traitement permettrait d'obtenir une réponse clinique dans 52 à 100 % des cas [82]. Toutefois, les rythmes et les durées d'application de l'imiquimod ainsi que le suivi post-thérapeutique sont très variables selon les études qui, pour la plupart, sont des séries rétrospectives de petit effectif non exemptes de biais de publication [34]. Dans une étude prospective [84], comportant 9 patients (5 femmes et 4 hommes) atteints d'une MPEM non invasive, traités 3 fois par semaine pendant 16 semaines, une réponse clinique était observée dans 100 % des cas, avec une réponse complète dans 5 cas (3 femmes et 2 hommes). Au cours du suivi prolongé (médiane de 41 mois), 3 patients ont rechuté à 22, 36 et 46 mois. Les auteurs confirment que ce risque élevé de rechute (60 % des cas) justifie un suivi prolongé. Ils suggèrent que 3 applications par semaine pendant 16 à 24 semaines pourraient être proposées [84]. Les échecs rapportés pourraient être liés à une faible pénétration de l'imiquimod et à un défaut de détection d'une forme invasive [76,85]. Les effets secondaires, attendus avec cette molécule (érythème, érosions, brûlures) sont présents dans plus de 50 % des cas. L'imiquimod peut aussi être proposé en traitement adjuvant, après chirurgie incomplète. Radiothérapie La radiothérapie peut être proposée en première intention chez des patientes non éligibles à la chirurgie ou en traitement adjuvant [34]. Des doses de 40-50 Gy sont recommandées dans des formes intraépidermiques et de 55-65 Gy dans les formes invasives de MPV ou associée à un adénocarcinome. Les récidives postradiothérapie, inférieures à 20 % des cas à long terme, semblent dépendre de la dose de rayonnement délivrée [34]. Photothérapie dynamique (PDT). Aucune étude contrôlée n'a évalué la PDT. Une amélioration de 30 à 50 % des cas a été rapportée par de courtes séries rétrospectives, hétérogènes tant en ce qui concerne les protocoles utilisés que les durées de suivi [86]. Une rechute est observée dans 56 à 100 % des cas, dans les 6 mois [86]. Les principaux écueils à la réalisation de la PDT sont la douleur pendant la phase d'illumination, mais aussi la difficulté d'obtenir une illumination homogène du fait des reliefs vulvaires.
Son retentissement fonctionnel, sexuel et psychologique plus acceptable que celui de la chirurgie en est un avantage, tout comme des suites postopératoires moins douloureuses que celles du laser CO2. Laser CO2 Aucune étude contrôlée n'a évalué l'efficacité du laser CO2, principalement utilisé pour traiter des récidives après chirurgie [34]. Son association à la PDT pourrait être synergique, facilitant la pénétration de l'acide aminolévulinique (ALA) [87]. Cette combinaison a fait l'objet d'une étude chez 10 patientes présentant une MPV non invasive. Une réponse clinique immédiate était observée chez 8 patientes (4 réponses partielles, 4 réponses complètes). Cependant, à 12 mois, seules 2 patientes restaient en rémission complète. Les auteurs concluent à l'inefficacité de ce traitement à long terme [88]. Traitement symptomatique et abstention thérapeutique Le traitement symptomatique ne doit pas être négligé, associant de façon variable un dermocorticoïde, de la lidocaïne en gel pour soulager la douleur et des topiques émollients ou cicatrisants, en particulier en alternance à l'imiquimod. L'abstention thérapeutique, sous surveillance, est une option possible en cas de MPV non invasive, considérée par certains comme une dermatose chronique sans retentissement sur la survie globale des patientes, caractérisée par un risque de récidive élevé mais par un faible risque invasif, après plusieurs années d'évolution [41]. Traitement de la MPV métastatique Aucun régime standardisé de chimiothérapie n'a été validé dans la MPV métastatique. Des combinaisons sont proposées : 5 FU/cisplatine ou 5 FU/épirubicine/carboplatine/vincristine/mitomycine C. Du fait de la surexpression d'HER2, les taxanes (docétaxel et paclitaxel) ou le trastuzumab pourraient être candidats [89]. Cette surexpression serait cependant beaucoup moins fréquente que dans la MP mammaire [90]. D'autres récepteurs pourraient constituer la cible de thérapies ciblées dans le futur.
Surveiller Si le pronostic des MP non invasives et primitives est bon en matière de mortalité, la qualité de vie des patient(e)s est altérée par le prurit chronique, la douleur ou le caractère suintant et récidivant des lésions ainsi que par la répétition des traitements et leurs effets indésirables. Une surveillance prolongée est justifiée, quelle que soit la stratégie thérapeutique, d'une part du fait du risque de récidive parfois tardive (même en cas de marges d'exérèse saines), d'autre part du risque invasif de MP initialement intraépidermique et enfin du risque de survenue tardive d'un cancer associé. Chez la femme, le risque pour une MPV intraépidermique de devenir invasive semble toutefois faible, estimé à 8 % des cas sur une cohorte de 87 patientes, avec un délai médian de 62 mois après le diagnostic initial [41]. En l'absence de recommandation, en cas de MP primitive non invasive, une surveillance semestrielle pendant 3 ans puis annuelle, avec recherche d'une récidive locale de la MP
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Chapitre 9. Tumeurs cancéreuses
nous semble pouvoir être proposée, à adapter selon les cas. La surveillance sera plus rapprochée en cas de MP invasive ou secondaire, dont le pronostic est moins bon et fonction du cancer associé pour les formes secondaires. Pour certains, le bilan à la recherche d'un cancer associé doit aussi être répété, mais ni les examens à réaliser ni le rythme auquel les réaliser ne sont clairement établis.
Dire ■
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La maladie de Paget est un cancer rare de la vulve ou du scrotum. La maladie est rarement associée à un autre cancer de la zone urogénitale ou anale, néanmoins ce risque justifie la réalisation d'examens d'imagerie. Le pronostic de la maladie de Paget vulvaire est bon pour la plupart des patient(e)s.
Retenir ■
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La maladie de Paget correspond à un adénocarcinome initialement intraépidermique. Le pronostic est le plus souvent bon pour les formes primitives non invasives (MP intraépidermique) qui sont les plus fréquentes, sans incidence sur la survie globale. La prise en charge thérapeutique de la MPEM, non standardisée, doit prendre en compte le retentissement sur la qualité de vie des patient(e)s, les effets indésirables des traitements et le risque évolutif local (MP invasive), ganglionnaire et métastatique.
[92–94]. Le mélanome vulvaire, bien qu'il puisse siéger sur les zones cutanéo-pileuses de la vulve, est catégorisé dans les mélanomes muqueux. Chez l'homme, le mélanome du pénis ne représente qu'1 % des cancers du pénis [95] et les mélanomes du tractus génito-urinaire ne représentent qu'1 % de l'ensemble des mélanomes [96]. Les mélanomes muqueux du pénis comprennent pour certains auteurs, en plus des mélanomes du gland et du méat urétral, ceux de la fossette naviculaire et de l'urètre distal [97]. Chez l'homme comme chez la femme, le mélanome muqueux génital est asymptomatique initialement et dans ce cas de découverte fortuite. Mais du fait du retard diagnostique, le mélanome génital devient souvent symptomatique, les principaux symptômes étant la douleur, le saignement, parfois le prurit ou la palpation d'une tuméfaction génitale ou d'une adénopathie inguinale [92,98].
Reconnaître Chez l'homme, le mélanome génital est plus fréquent sur le pénis (figure 9.41) que sur le scrotum (figure 9.42). Sur le pénis, il prédomine sur le gland par rapport au méat, au prépuce et au fourreau [99]. Chez la femme, la majorité des mélanomes vulvaires (87 %) siège en peau non pileuse : 49 % en zone muqueuse ou « demi-muqueuse » finement kératinisée et 38 % à la
Distinguer homme/femme ■
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La recherche d'un cancer sous-jacent ciblera le tractus urologique chez l'homme et les tractus urologique, digestif et gynécologique chez la femme. Chez l'homme, l'exérèse chirurgicale constitue le traitement de première intention. Chez la femme, se discutent en première intention la chirurgie ou l'imiquimod (hors AMM).
Figure 9.41. Mélanome de la face interne du prépuce. Source : Service de dermatologie, hôpital Saint-Louis, Paris.
Mélanome Évoquer Que ce soit chez l'homme ou chez la femme, le mélanome muqueux génital est rare, avec une incidence de 0,2 cas/million chez l'homme et 1,8 cas/million chez la femme. L'âge moyen au diagnostic est de 66 ans [91]. Chez la femme, le mélanome représente 5 à 10 % des cancers de la vulve, second en fréquence après le carcinome épidermoïde, et 1 à 2 % de l'ensemble des mélanomes
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Figure 9.42. Mélanome du scrotum développé sur nævus congénital. Source : Service de dermatologie, hôpital Saint-Louis, Paris.
Chapitre 9. Tumeurs cancéreuses
jonction peau pileuse/peau non pileuse des grandes lèvres, 13 % seulement siégeant en zone cutanéo-pileuse [100]. En zone non pileuse, la face interne des grandes lèvres est la localisation la plus fréquente, suivie par les petites lèvres, la région clitoridienne et moins fréquente est l'atteinte médiane de la vulve (zone péri-urétrale, vestibule et fourchette) [100]. Chez l'homme comme chez la femme, le mélanome se présente sous la forme d'une macule unique pigmentée de couleur plus ou moins hétérogène, asymétrique, aux contours irréguliers, parfois multifocale (figures 9.43, 9.44 et
9.45). De petite taille, le mélanome peut alors revêtir un aspect faussement rassurant. Plus rarement, il s'agit d'un nodule, d'une tumeur (figures 9.46 et 9.47) ou d'une ulcération. Si les formes achromiques sont exceptionnelles mais possibles chez l'homme, un aspect achromique était fréquemment observé en zone glabre dans une série de 219 mélanomes vulvaires [101,102]. La suspicion clinique de mélanome de la vulve peut être confortée par la dermoscopie. Les signes dermoscopiques en faveur d'un mélanome vulvaire sont comme pour le mélanome cutané : le patron composite, les points et les globules irréguliers, les couleurs multiples (bleu, gris, blanc), un voile blanc-bleu et des vaisseaux atypiques [103,104]. La microscopie confocale, quant à elle, permettrait l'évaluation initiale des pigmentations génitales étendues et cliniquement « atypiques » afin, entre autres, de guider la/les biopsie(s) [105].
Figure 9.43. Mélanome vulvaire. Source : Dr Charlotte Fite, Hôpital Saint Joseph, Paris.
Figure 9.45. Mélanome vulvaire. Source : Pr Marie Beylot-Barry, service de dermatologie, CHU de Bordeaux.
Figure 9.44. Mélanome vulvaire. Même patiente que sur la figure 9.43. Source : Dr Charlotte Fite, Hôpital Saint Joseph, Paris..
Figure 9.46. Mélanome vulvaire nodulaire. Noter la pigmentation maculeuse adjacente de la face interne de la petite lèvre gauche. Source : Pr Gaëlle Quereux, service de dermatologie, CHU de Nantes.
259
Chapitre 9. Tumeurs cancéreuses
Figure 9.47. Mélanome vulvaire nodulaire. Source : Pr Marie Beylot-Barry, service de dermatologie, CHU de Bordeaux.
Figure 9.48. Aspect histopathologique d'un mélanome de type muqueux lentigineux. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
L'examen clinique sera complété par la recherche d'une extension locale, urétrale, caverneuse ou périnéale chez l'homme et clitoridienne, urétrale, vaginale, périnéo-anale chez la femme et par la palpation des aires ganglionnaires inguinales.
Confirmer Le diagnostic de certitude repose sur l'examen histologique. Si la biopsie-exérèse de la lésion est possible d'emblée, elle est préférable. Si la lésion est étendue ou multifocale, une ou plusieurs biopsies sont indiquées en ciblant les zones les plus pigmentées. En effet il a été montré que les biopsies des zones périphériques ou peu pigmentées des mélanomes débutants ne pouvaient mettre en évidence qu'une hyperplasie mélanocytaire [106,107]. Si tous les types anatomocliniques de mélanome sont représentés sur la muqueuse génitale, prédominent les mélanomes de type superficiel extensif et surtout de type muqueux lentigineux (figure 9.48), équivalent muqueux du type acrolentigineux [106,107]. C'est bien sûr sur la pièce d'exérèse que l'examen histologique précisera, entre autres, le type histologique du mélanome et son épaisseur selon Breslow. Des formes plus rares, comme le mélanome desmoplastique, ont été décrites [108].
Éliminer Les examens clinique et surtout histologique élimineront : ■ les proliférations mélanocytaires bénignes : nævus, lentigo ;
260
Figure 9.49. Macule mélanotique du gland.
les mélanoses génitales : macule mélanotique du pénis ou mélanose vulvaire (figures 9.49 et 9.50), hyperpigmentation post-inflammatoire séquellaire d'un lichen scléreux (figures 9.51 et 9.52) ou d'un lichen plan ou post-traumatiques, sachant que des mélanomes survenant sur lichen scléreux ont été décrits [109,110] ; ■ les rares formes pigmentées de maladie de Bowen (NIE HPV-induite ou HSIL) ou de maladie de Paget. ■
Explorer Du fait du caractère très lymphophile et métastasiant du mélanome muqueux, un bilan comprenant une échographie
Chapitre 9. Tumeurs cancéreuses
Figure 9.50. Mélanose vulvaire.
Figure 9.52. Pigmentation post-inflammatoire secondaire à un lichen scléreux. Noter l'accolement des petites lèvres à la face interne des grandes lèvres.
Comprendre Pronostic
Figure 9.51. Lichen scléreux avec pigmentation post-inflammatoire de la face interne du prépuce.
ganglionnaire inguinale, un examen TDM TAP et cérébral (ou une IRM abdominopelvienne) et un TEP-scanner sera à discuter au cas par cas, après avis en RCP. La recherche du ganglion sentinelle est indiquée chez l'homme comme chez la femme si l'indice de Breslow est supérieur à 1 mm [92,99] et, par analogie à la prise en charge du mélanome cutané, optionnelle si l'indice de Breslow est compris entre 0,8 et 1 mm quel que soit le statut de l'ulcération ou si l'indice de Breslow est inférieur à 0,8 mm avec ulcération.
Chez la femme, le mélanome vulvaire est de mauvais pronostic, la survie à 5 ans variant de 27 à 60 % des cas selon les séries [93,105]. Les facteurs de mauvais pronostic du mélanome vulvaire sont l'âge plus élevé au moment du diag nostic, l'épaisseur selon Breslow et le statut ganglionnaire (envahissement ganglionnaire et nombre de ganglions envahis) ; la topographie médiane, la présence d'une ulcération ainsi que le caractère achromique sont plus discutés [92,101]. Il existe une différence de survie significative entre les mélanomes vulvaire et cutané, lorsque sont comparés des groupes appariés, en défaveur du mélanome vulvaire [92]. Chez l'homme, le mélanome muqueux du pénis est également de mauvais pronostic, avec une survie à 2 ans de 63 % et une survie à 5 ans de 31 %, plus liée à l'indice de Breslow élevé des mélanomes muqueux qu'à la localisation muqueuse puisque la survie est proche de celle observée pour les mélanomes cutanés d'épaisseur similaire [97]. Les facteurs de mauvais pronostic sont une taille lésionnelle supérieure à 15 mm, un indice de Breslow supérieur à 3,5 mm et la présence d'une ulcération [97].
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Chapitre 9. Tumeurs cancéreuses
Étiopathogénie Les mutations activatrices des oncogènes BRAF et NRAS présentes dans les mélanomes cutanés en zone photoexposée sont rares dans les mélanomes muqueux, alors que KIT est l'oncogène le plus souvent muté dans ces derniers, dans 35 % des mélanomes de la vulve et 20 % des mélanomes du pénis [111]. Ce profil moléculaire pourrait avoir des implications thérapeutiques concernant les thérapies ciblées [112].
Traiter Étant donné la rareté du mélanome du pénis et de la vulve, et en l'absence de recommandations spécifiques, leur prise en charge sera décidée et validée par une RCP. Le traitement du mélanome génital est chirurgical. Pour le pénis, les options chirurgicales sont la posthectomie pour le mélanome du prépuce, la pénectomie partielle pour le mélanome du gland, la pénectomie partielle voire radicale pour le mélanome du fourreau et l'excision lésionnelle (avec discussion des marges d'exérèse en RCP) pour le mélanome du scrotum [113]. Un curage ganglionnaire inguinal est indiqué en cas d'adénopathies palpables ou de ganglion sentinelle positif et, pour certains, un curage ganglionnaire inguinal modifié serait indiqué en cas de mélanome du pénis sans adénopathies palpables, mais avec facteurs de mauvais pronostic tels qu'un indice de Breslow supérieur à 1 mm, un niveau de Clark de IV ou V ou une ulcération [96]. Pour la vulve [92,112], la vulvectomie radicale est abandonnée car elle n'apporte pas de bénéfice en matière de survie, alors que sa morbidité est majeure ; une exérèse élargie sera proposée dont les marges latérales d'1 à 2 cm seront adaptées à l'épaisseur tumorale (0,5 cm pour les mélanomes in situ, 1 cm jusqu'à 2 mm de Breslow, 2 cm au-delà). Le curage ganglionnaire systématique n'est pas indiqué ; il sera réalisé en cas d'adénopathie palpable ou de ganglion sentinelle positif. Une radiothérapie adjuvante peut être proposée en complément du curage ganglionnaire et si les marges d'exérèse du mélanome sont « limites ». En cas de mélanome vulvaire métastatique ou en rechute, chimiothérapie, immunothérapie ou thérapie ciblée seront discutées au cas par cas en RCP. L'efficacité de l'imiquimod en cas de mélanome in situ du pénis et de la vulve a été rapportée [114,115] mais sa place en pratique, hors AMM, reste à définir. L'observation rapportée par Veraitch et al. [115] souligne l'intérêt de l'imiquimod en complément de l'exérèse incomplète d'un mélanome vulvaire in situ étendu, épargnant à la patiente la réalisation d'une vulvectomie totale. Une étude multicentrique française a récemment montré l'efficacité de l'immunothérapie (anti-CTLA4 et anti-PD1) qui augmenterait la survie de mélanomes muqueux métastatiques dont des mélanomes urologiques [116].
Surveiller Les rechutes sont fréquentes, estimées pour le mélanome vulvaire entre 42 et 70 % des cas [92] (figure 9.53), précoces
262
Figure 9.53. Récidive d'un mélanome vulvaire de type lentigineux après vulvectomie totale (flèches).
mais aussi parfois très tardives, au-delà de 5 ans. Chez l'homme, le taux de récidive locale est évalué à 15,7 % mais probablement sous-évalué du fait d'une durée d'observation courte (35 mois en moyenne) [117]. Ceci justifie donc une surveillance rapprochée et prolongée dont le rythme et la nature seront décidés en RCP.
Dire ■
Toute lésion pigmentée génitale d'apparition récente ou évolutive doit être examinée par le dermatologue du fait de la survenue possible d'un mélanome de la vulve ou du pénis.
Retenir ■
■
■
■
Le mélanome muqueux, du pénis ou de la vulve, est rare et de mauvais pronostic. Les mélanomes de type superficiel extensif et de type muqueux lentigineux sont prédominants sur la vulve et le pénis. Le principal diagnostic différentiel clinique est la mélanose/macule mélanotique. En absence de recommandations spécifique, sa prise en charge est décidée en RCP.
Distinguer homme/femme ■
Le mélanome achromique ne semble pas rare sur la vulve alors qu'il l'est sur le pénis.
Chapitre 9. Tumeurs cancéreuses
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Chapitre 10
Syndromes douloureux PLAN DU CHAPITRE Vulvodynie – Pénodynie 266 Évoquer 267 Reconnaître 267 Confirmer 269 Éliminer 269 Explorer 271
Comprendre Traiter Surveiller Syndrome du scrotum rouge Évoquer Reconnaître
Vulvodynie – Pénodynie Le syndrome douloureux pelvien chronique (SDPC) est défini par l'International Pelvic Pain Society (IPPS) comme une douleur pelvienne évoluant depuis plus de 6 mois, sans rapport avec l'importance des dommages tissulaires et fréquemment associée à un syndrome dépressif réactionnel [1]. Il nécessite de raisonner en pathologie des mécanismes de régulation de la douleur plutôt qu'en pathologie d'organe. Il comprend la vulvodynie et la pénodynie, mais aussi le syndrome douloureux urétral, la prostatite chronique, la cystite interstitielle et le syndrome de l'intestin irritable. La vulvodynie a été définie en 2003 par l'International Society for the Study of Vulvovaginal Disease (ISSVD) comme « un inconfort vulvaire chronique, le plus souvent à type de brûlure, sans lésion pertinente visible et sans maladie neurologique cliniquement identifiable [2] ». Un consensus en 2015 définit la vulvodynie comme « une douleur vulvaire présente depuis au moins 3 mois, sans cause clairement identifiable [3] ». Il différencie la vulvodynie des douleurs vulvaires liées à une étiologie spécifique, en précise les critères descriptifs (encadré 10.1) ainsi que les facteurs potentiels qui pourraient permettre d'en guider la prise en charge (encadré 10.2). Motif de consultation fréquent dans des consultations spécialisées en pathologie vulvaire, la vulvodynie reste pourtant mal connue des professionnels de santé [4,5]. Cette méconnaissance, couplée à une certaine réticence à consulter de la part des patientes, est responsable non seulement d'un retard diagnostique, de près de 5 ans dans l'étude de Pelletier et al. [6], mais aussi d'une errance thérapeutique conduisant parallèlement les patientes à consulter des sites avec forum de discussion ou à se mobiliser au sein d'associations, telles que la National Vulvodynia Association aux États-Unis [7]. La pénodynie correspond au syndrome douloureux pénien, défini par l'European Association of Urology comme une douleur située au niveau du penis mais dont l'origine n'est pas urétrale, sans infection prouvée ni autre pathologie évidente [8]. C'est Markos qui proposa le terme de pénodynie en 2002 par analogie à la vulvodynie [9].
266
271 271 274 274 274 275
Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller
276 276 276 276 277 277
Encadré 10.1
Consensus 2015 sur la terminologie et la classification des douleurs vulvaires persistantes et de la vulvodynie Douleur vulvaire liée à une cause spécifique ■ Infectieuse (candidose récidivante, herpès). ■ Inflammatoire (lichen scléreux, lichen plan, dermatose bulleuse). ■ Néoplasique (maladie de Paget, carcinome épidermoïde). ■ Neurologique (algie postherpétique, compression ou traumatisme nerveux, neurome). ■ Traumatique (mutilations génitales, obstétrical). ■ Iatrogénique (postopératoire, chimiothérapie, radiothérapie). ■ Hormonale (syndrome génito-urinaire de la ménopauseatrophie post-ménopausique, aménorrhée de la lactation). Vulvodynie (critères descriptifs) ■ Localisée (vestibulodynie surtout, clitorodynie), généralisée (toute la vulve) ou mixte. ■ Provoquée (contact, insertion, frottement), spontanée ou mixte. ■ Primaire (dès les premiers rapports) ou secondaire (après une période de rapports sexuels indolores). ■ Aspects évolutifs (intermittent, persistant, constant, immédiat, différé). Certaines patientes peuvent présenter à la fois un trouble spécifique (ex. : un lichen scléreux) et une vulvodynie. D'après Bornstein et al., 2016 [3].
La pénodynie se définit par une sensation de douleur ou de brûlure cutanée génitale contrastant avec un examen physique génital cutané et neurologique strictement normal. Cette définition n'est pas sans rappeler celle de la vulvodynie, précisée par l'ISSVD [10]. Lorsque la douleur concerne la peau pénienne et scrotale, on parle volontiers de pénoscrotodynie. Dermatologie génitale © 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Chapitre 10. Syndromes douloureux
Encadré 10.2
Facteurs potentiels associés à la vulvodynie Comorbidités (SMI). Prédisposition génétique. ■ Facteurs hormonaux. ■ Facteurs inflammatoires. ■ Facteurs musculosquelettiques. ■ Mécanismes neurologiques centraux et périphériques. ■ Facteurs psychosociaux. ■ Facteurs anatomiques. SMI : symptôme médicalement inexpliqué. ■ ■
D'après Bornstein et al., 2016 [3].
Évoquer La prévalence de la vulvodynie est forte, estimée à 8 % au sein d'une population de plus de 2 000 femmes. Elle affecte 25 % des femmes à un moment de leur vie [4]. Si la prévalence de la vulvodynie n'est pas connue en France, deux enquêtes déclaratives en ligne en Espagne et au Portugal ont mis en évidence des chiffres proches, avec une prévalence instantanée estimée à 6,5 % et à un moment de la vie entre 13 et 16 % [11,12]. Cette prévalence reste stable jusqu'à l'âge de 70 ans, pour décliner ensuite [4]. Toutes les tranches d'âge peuvent être touchées. Cependant, la vulvodynie concerne préférentiellement la femme jeune en période préménopausique, avec un âge moyen de 30 ans [4,11]. La méconnaissance de la pénodynie par de nombreux médecins laisse supposer une sous-notification des cas. Aucune étude de prévalence n'a été publiée. L'analyse des quelques cas publiés suggère cependant que les pénodynies sont plus fréquentes que les scrotodynies et que les pénoscrotodynies sont moins fréquentes que les vulvodynies. Évoquer une vulvodynie ou une pénodynie repose premièrement sur l'interrogatoire [5,13] : ■ les signes fonctionnels les plus fréquents de la vulvodynie ou de la pénodynie conduisant à consulter sont la douleur, le plus souvent à type de brûlure et, plus particulièrement chez la femme, la dyspareunie : ● la brûlure est souvent qualifiée de « vaginale » par les patientes alors qu'elle est vulvaire. Chez l'homme, elle affecte le gland, le fourreau et/ou le scrotum. D'autres qualificatifs peuvent être employés : picotements, tiraillement, pincements, sensation de sécheresse, coups d'aiguille ou de couteau. La sensation de brûlure peut être spontanée ou provoquée, dans ce cas déclenchée et aggravée par le frottement conduisant les patient(e) s à ne plus porter de vêtement serré, à éviter certains sports (vélo), à éviter la station assise prolongée ou pour les femmes à ne plus insérer de tampon ou à éviter l'examen gynécologique, ● la dyspareunie est fréquente chez la femme et plus rare chez l'homme. Chez la femme, il s'agit habituellement d'une dyspareunie d'intromission dite « superficielle », déclenchée par la pénétration. Dyspareunie et brûlures conduisent à l'espacement des rapports sexuels voire
à leur impossibilité. Il est important de préciser si ces symptômes sont apparus dès les premiers rapports sexuels, définissant la vulvodynie primaire ou après une période de rapports sexuels indolores, définissant la vulvodynie secondaire. Même si elle ne constitue pas une demande spontanée de la part de la patiente, la question d'éventuelles difficultés sexuelles nous semble devoir être posée, que ce soit au cours du premier entretien ou lors des suivants, selon les cas, ● le prurit n'est qu'exceptionnellement le véritable symptôme de la vulvodynie ou de la pénodynie, même si les patient(e)s peuvent signaler des « démangeaisons ». La présence d'un prurit doit avant tout faire chercher une cause organique qui peut être associée à la vulvodynie, telle qu'une candidose ou un lichen ; ■ le mode de début est souvent marqué par un événement inaugural tel qu'une infection urogénitale (candidose, cystite, herpès, autre infection sexuellement transmissible [IST]), un traumatisme (accouchement, intervention chirurgicale gynécologique, urologique, proctologique) ou un événement de la vie (séparation, rapport extraconjugal, décès, perte d'emploi) [5] ; ■ le mode de déclenchement de la douleur doit être précisé : on distingue la vulvodynie/pénodynie provoquée, déclenchée par la pression et/ou le frottement, de la vulvodynie/ pénodynie spontanée. Souvent, la vulvodynie/pénodynie est mixte, provoquée et spontanée ; ■ l'évolution est chronique et prolongée depuis plusieurs mois voire années, sur un mode continu ou marquée parfois par des épisodes de rémission, alternant avec des rechutes ; ■ parmi les antécédents des patients, on recherchera plus particulièrement un ou plusieurs symptômes médicalement inexpliqués (SMI) tels que la fibromyalgie, le syndrome de la vessie douloureuse (anciennement dénommée cystite interstitielle), le syndrome du côlon irritable, la migraine, la glossodynie, les douleurs de l'articulation temporomandibulaire ou de l'articulation coxofémorale. Cinquante pour cent des patientes vulvodyniques auraient au moins 2 SMI associés [14].
Reconnaître L'examen génital d'un(e) patient(e) suspect(e) de vulvodynie/pénodynie doit idéalement être effectué en période douloureuse (voir ci-dessous « Éliminer »). Cet examen aura pour objectif d'affirmer qu'il n'existe pas d'anomalie pertinente susceptible d'expliquer l'inconfort ou la douleur ressentis [5]. Ainsi, les variations physiologiques et morphologiques de la vulve et du pénis doivent être connues (voir chapitre 1). Concernant la vulve, il s'agit principalement des grains de Fordyce, des papilles vestibulaires et de l'érythème physiologique vulvaire. Cet aspect érythémateux peut intéresser l'entièreté de la vulve (figure 10.1), les grandes lèvres (figure 10.2), les sillons interlabiaux (figure 10.3) et plus particulièrement le vestibule (figures 10.4 et 10.5). À ce niveau, il se situe principalement aux pourtours des orifices excréteurs
267
Chapitre 10. Syndromes douloureux
Figure 10.1. Érythème physiologique vulvaire.
Figure 10.3. Érythème physiologique des sillons interlabiaux.
Figure 10.2. Érythème physiologique des grandes lèvres.
des glandes de Bartholin et de Skène (figure 10.6). Il se caractérise par un aspect maculeux, bilatéral et symétrique ainsi que des contours flous. Il se différencie ainsi de l'érythème érosif du lichen plan, de celui orangé de la vulvite de Zoon ou de celui plus papuleux d'une néoplasie vulvaire intraépithéliale HPV-induite (HSIL). Chez une patiente ménopausée, les modifications vulvaires liées à la carence œstrogénique (atrophie des petites lèvres, aspect pâle ou au contraire pseudo-érythémateux de la muqueuse vestibulaire, ectropion de la muqueuse urétrale [figure 10.7]) ne devront pas être considérées comme pathologiques. Concernant le pénis et le scrotum, il s'agit notamment des grains de Fordyce, des papules perlées de la couronne du gland et de l'érythème scrotal physiologique. Face à une anomalie, il est nécessaire de se poser la question de sa pertinence dans un contexte douloureux : les lésions douloureuses sont le plus souvent érosives, ulcérées ou fissurées. Ainsi, un lichen scléreux non fissuré peut être
268
Figure 10.4. Érythème physiologique du vestibule.
asymptomatique ou prurigineux, mais il ne peut être responsable d'une brûlure. Des condylomes ne peuvent pas non plus être incriminés. Chez la femme comme chez l'homme, il est fondamental au terme de l'examen génital de pouvoir rassurer quant à la « normalité » de la vulve ou du pénis, organe qu'elle/il n'aura souvent examiné attentivement pour la première fois qu'à l'apparition de la douleur et dont elle/il aura tendance à relier un aspect, considéré à tort comme « pathologique », à ses symptômes.
Chapitre 10. Syndromes douloureux
Confirmer Le diagnostic de vulvodynie et de pénodynie est clinique. Chez la femme, le test au coton-tige est utile pour confirmer et localiser la ou les zones douloureuses d'une vulvodynie provoquée. Il consiste à exercer une pression douce en débutant à la face interne des cuisses en se rapprochant progressivement de la vulve dont toutes les zones anatomiques seront testées. Le vestibule, siège le plus fréquent de la vulvodynie, est habituellement testé en dernier, en différents points. Il se caractérise de façon physiologique par une certaine sensibilité, nettement accrue en cas de vestibulodynie, le déclenchement de la douleur entraînant parfois une contraction réflexe des muscles périnéaux. La douleur déclenchée pourra être quantifiée « légère », « modérée », « sévère », cotée de 0 à 10 ou à l'aide d'une échelle visuelle analogique. La biopsie vulvaire ou pénoscrotale est inutile, en l'absence de signes histologiques spécifiques. Elle est de plus susceptible Figure 10.5. Érythème physiologique du vestibule. d'accentuer la douleur et, dans notre expérience personnelle, de renforcer l'errance diagnostique de certain(e)s patient(e)s [13]. Chez la femme, on distingue au terme de l'interrogatoire et de l'examen vulvaire [3,15] : ■ la vulvodynie généralisée, intéressant toute la vulve, qui peut être provoquée (par les rapports sexuels notamment), spontanée ou mixte. La vulvodynie généralisée et spontanée est plus fréquente chez les femmes plus âgées ; ■ la vulvodynie localisée (vestibulodynie surtout, clitoridodynie ou hémivulvodynie beaucoup plus rarement) qui peut être provoquée (par les rapports sexuels notamment), spontanée ou mixte. La vulvodynie localisée à type de vestibulodynie provoquée est la forme plus fréquente chez les femmes jeunes. Chez l'homme, la classification proposée par Markos distingue d'une part les pénodynies généralisées (ou pénoscrotodynies) lorsque la sensation douloureuse concerne le scrotum et le pénis et d'autre part les pénodynies localisées (dénommées pénodynie, scrotodynie ou glandodynie selon que la douleur Figure 10.6. Érythème physiologique du vestibule. Prédominance aux pourtours des orifices des glandes de Skene para- concerne électivement le pénis, le scrotum ou le gland) [16]. urétrales (flèches vertes) et de Bartholin (flèches jaunes). Elle différencie également les pénodynies provoquées (hyperesthésie ou allodynie aux sous-vêtements ; dyspareunie ; douleur post-coïtale) des pénodynies non provoquées (ou spontanées). De rares cas de pénodynie induite ont été décrits, en rapport avec une consommation d'alcool ou de caféine [17]. Un cas associant pénodynie et stomatodynie a été rapporté [18]. Nous avons également décrit le cas d'un patient présentant une pénodynie après posthectomie, la douleur étant ressentie en dehors de la cicatrice de posthectomie [19].
Éliminer
Figure 10.7. Ectropion urétral et érythème physiologique autour des orifices des glandes de Skene.
L'examen doit être réalisé en période douloureuse afin d'éliminer une pathologie douloureuse intermittente et récidivante, telle qu'une candidose récidivante ou un herpès génital. En cas de douleur très localisée, accompagnée d'un saignement post-coïtal chez la femme, l'examen devra être réalisé 24 à 48 heures après un rapport sexuel afin de ne pas méconnaître une fissure hyménéale ou post-coïtale mécanique ou de la fourchette (figure 10.8). Chez l'homme, on recherchera
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Chapitre 10. Syndromes douloureux
présence d'une douleur exquise à la pression de l'épine sciatique lors du toucher rectal (signe de Tinel endorectal). En cas de suspicion de SCA (présence de 4 critères parmi les 5 premiers critères cités), l'électromyographie périnéale étant peu sensible et peu spécifique, une prise en charge par une équipe spécialisée est nécessaire afin de réaliser un bloc anesthésique dont la positivité est essentielle au diagnostic [20]. En dehors du SCA, qui correspond à une cause de névralgie pudendale tronculaire, il existe d'autres névralgies pudendales tronculaires (neuropathie métabolique, toxique ou infectieuse) mais également des névralgies pudendales non tronculaires comme les névralgies radiculaires (syndrome de la queue-de-cheval, canal lombaire étroit, fracture ou tumeur du sacrum) et plexiques (par atteinte du plexus pudendal après amputation du rectum, étirement sur table de chirurgie orthopédique). Hormis le nerf pudendal, d'autres nerfs d'origine lombosacrée peuvent être à l'origine de douleurs neuropathiques génito-périnéales. La présence de troubles sensitifs et la topographie douloureuse orienteront le diagnostic. Enfin, des troubles sphinctériens vésicaux ou anorectaux et de la sensibilité périnéale seront systématiquement recherchés, leur absence éliminant « a priori » une atteinte plexique sacrée. Chez l'homme, doivent en plus être éliminées d'autres causes de douleurs péniennes chroniques, justifiant parfois une collaboration avec l'urologue et la réalisation d'examens complémentaires (ECBU, spermoculture, examen bactériologique des sécrétions prostatiques après massage prostatique, dosage du PSA, imagerie pelvienne par échographie, tomodensitométrie [TDM] ou imagerie par résonnance magnétique [IRM], échographie ou IRM pénienne, échographie scrotale en cas de scrotodynie, urétrocystoscopie) : ■ la maladie de La Peyronie et les anomalies anatomiques (adhérences préputiales, phimosis, brièveté du frein du prépuce, déformations congénitales de la verge) : les douleurs surviennent alors plus volontiers lors de l'érection ; ■ les douleurs post-traumatiques (rupture des corps caverneux) et postopératoires (implants péniens, chirurgie de la maladie de La Peyronie) ; ■ les douleurs projetées : elles peuvent être perçues au niveau du pénis mais trouver leur origine au niveau de la vessie (syndrome douloureux vésical) ou de la prostate (prostatite chronique), souvent associés à des troubles mictionnels. Elles peuvent aussi avoir une origine musculosquelettique et sont, dans ce cas, volontiers accompagnées de douleurs testiculaires ; ■ l'atteinte du nerf dorsal du pénis (neuropathie pénienne), nerf issu du nerf pudendal, plus fréquente chez le diabétique et le cycliste (tableau 10.1). Elle se traduit par des douleurs péniennes, une diminution de la sensibilité du gland ou du fourreau, des paresthésies génitales et parfois des troubles de l'érection. L'absence de douleur scrotale, anorectale, de constipation, de troubles mictionnels et le fait que le toucher rectal ne déclenche pas de douleur exquise au niveau de la région de l'épine ischiatique ■
Figure 10.8. Fissure post-coïtale de la fourchette.
une fissure post-coïtale du sillon balanopréputial en cas de lichen scléreux débutant ou du frein du prépuce en cas de frein court. En cas de douleur localisée à l'urètre voire limitée au méat urétral, on évoquera un syndrome douloureux urétral, défini comme une douleur chronique ou récidivante perçue dans l'urètre, en l'absence d'infection ou d'autre cause locale [8]. Toutefois, le principal diagnostic différentiel de la vulvodynie et de la pénodynie est la névralgie pudendale ou syndrome du canal d'Alcock (SCA) (baptisé à tort « syndrome d'Alcock »). Il s'agit d'une compression prolongée du nerf pudendal (anciennement nerf honteux interne) lors de son trajet intrapelvien, en particulier dans le canal ostéo-musculo-aponévrotique d'Alcock [20]. Le SCA se manifeste typiquement par une douleur génitale qui déborde la vulve ou le pénis, unilatérale, majorée en position assise (patient[e] consultant assis[e] sur une fesse) et soulagée par la station debout ou allongée. Le diagnostic de SCA repose principalement sur des critères cliniques, l'imagerie permettant surtout d'exclure d'autres pathologies locales. Des critères diagnostiques ont été validés et constituent les « critères de Nantes » [21]. Cinq critères sont indispensables au diagnostic : ■ douleur située dans le territoire du nerf pudendal (de l'anus à la vulve [clitoris] ou au pénis) ; ■ douleur augmentée par la station assise, soulagée par le décubitus ou sur un siège de toilettes ; ■ douleur ne réveillant pas la nuit ; ■ absence de déficit sensitif objectif ; ■ bloc diagnostique positif du nerf pudendal. D'autres critères complémentaires sont également évocateurs : ■ sensation de brûlures, décharges électriques, tiraillement, engourdissement ; ■ allodynie ou hyperpathie, sensation de corps étranger endocavitaire (sympathalgie rectale ou vaginale) ; ■ aggravation de la douleur au cours de la journée ; ■ douleur à prédominance unilatérale ; ■ douleur apparaissant après la défécation ;
270
Chapitre 10. Syndromes douloureux
Tableau 10.1. Diagnostic différentiel clinique des pénodynies et des principales douleurs péniennes neuropathiques. Douleur pénienne
Douleur scrotale
Examen neurologique pénien
Troubles de l'érection
Douleur anorectale
Constipation
Troubles mictionnels
Péno(scroto) dynie
Présente
Possible
Normal
Absents
Absente
Absente
Absents
Compression du nerf dorsal du pénis
Présente
Absente
Anesthésie, paresthésies
Possibles
Absente
Absente
Absents
Compression du nerf pudendal
Présente
Possible
Anesthésie, paresthésies
Possibles
Possible
Possible
Possibles
Dauendorffer et al., 2014 [40].
ermettent de la différencier d'une compression proxip male du tronc du nerf pudendal (névralgie pudendale). Le bilan neurophysiologique (vitesse de conduction sensitive du nerf dorsal de la verge, latence du réflexe bulbo-caverneux) manquant de sensibilité et spécificité, le diagnostic de compression du nerf dorsal du pénis est confirmé par la disparition de la douleur lors d'un bloc anesthésique réalisé au niveau du nerf dorsal, dans la région sous-pubienne ; ■ les douleurs d'origine psychologique ou psychiatrique : traumatismes répétés par activités sexuelles multiples ou par des autoexamens répétés lors de troubles obsessionnels compulsifs.
Explorer Aucun examen complémentaire n'est nécessaire. Il est même souvent indispensable de savoir en arrêter la répétition ou la surenchère qui, outre leur inutilité et leur coût, ne font que majorer l'anxiété des patient(e)s. Toutefois : ■ un prélèvement mycologique et bactériologique vulvaire et vaginal ou du gland et du sillon balanopréputial sera réalisé en cas de prurit associé afin de rechercher notamment une candidose récidivante, potentiellement associée à la vulvodynie, plus rarement à la pénodynie ; ■ un prélèvement viral (PCR HSV1 et 2) sera réalisé au moment d'une crise douloureuse en cas de suspicion d'herpès génital. Concernant les prélèvements bactériologiques, ils devront être interprétés avec précaution et ne pas rendre systématiquement responsable des symptômes un streptocoque du groupe B, Mycoplasma hominis, Ureaplasma urealyticum ou une bactérie saprophyte telles que les staphylocoques blancs et dorés, les entérocoques, Gardnerella vaginalis ou des bactéries saprophytes anaérobies [5].
Comprendre La physiopathologie de la vulvodynie et de la pénodynie est complexe et non complètement élucidée. Par analogie avec les autres syndromes douloureux, il pourrait s'agir de la manifestation d'une sensibilisation centrale au cours de laquelle la perception douloureuse est amplifiée, faisant intervenir la coexistence d'un dysfonctionnement central et périphérique [22]. Certains facteurs associés pourraient jouer un rôle favorisant ou inducteur :
prédisposition génétique : chez la femme, différents polymorphismes génétiques ont été mis en évidence favorisant le risque d'infection, une réponse inflammatoire exagérée ou prolongée ou le risque de vulvodynie sous contraception orale combinée (COC) ; ■ rôle d'une COC chez la femme : il est controversé, prédisposant pour certaines études, sans lien avec la vulvodynie pour d'autres. Aucun lien n'a été mis en évidence concernant le stérilet [23,11] ; ■ candidose : chez la femme, le rôle d'un épisode ou de la récidive d'une candidose vulvovaginale, signalés comme événement initial par de nombreuses patientes, reste difficile à prouver en l'absence de preuve mycologique [24,25]. Une réponse inflammatoire exagérée à Candida sp. propre aux patientes vulvodyniques pourrait expliquer son rôle en tant que facteur inducteur. Outre la candidose, une association a pu être mise en évidence avec l'herpès génital, les autres IST et les infections urinaires dans certaines études [11,12]. Chez l'homme, les candidoses récidivantes et les infections urinaires étant plus rares que chez la femme, l'herpès génital récidivant et un antécédent d'IST nous semblent plus souvent incriminés ; ■ hypertonie des muscles du plancher périnéal : constatée fréquemment chez les patient(e)s vulvodyniques et pénodyniques, il est difficile de savoir s'il s'agit de la cause ou de la conséquence du syndrome douloureux génital ; elle doit être systématiquement recherchée afin d'adapter la prise en charge ; ■ facteurs psychoenvironnementaux : chez la femme, l'association de la vulvodynie à des événements traumatiques de la vie et en particulier à des abus physiques ou sexuels est controversée [26]. L'anxiété, la dépression, la faible estime de soi, le stress post-traumatique semblent associés significativement à la vulvodynie, cause et/ou conséquence de cette dernière ? Chez l'homme, un trouble psychopathologique (dépression, anxiété ou trouble bipolaire) a été mis en évidence chez 9 des 10 hommes d'une série rétrospective britannique, pouvant faire considérer la pénodynie comme un trouble somatoforme [27]. ■
Traiter Les traitements proposés dans la prise en charge de la vulvodynie et de la pénodynie sont multiples, et il est recommandé
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Chapitre 10. Syndromes douloureux
de les proposer en association [13]. Qu'ils soient de nature médicamenteuse, topique ou per os, non médicamenteuse ou encore chirurgicale, le niveau de preuve de leur efficacité est bas et un effet placebo ne peut être exclu que pour les études contrôlées, minoritaires [28]. Une prise en charge multidisciplinaire est par ailleurs très utile. Enfin, l'écoute et l'empathie font partie intégrante de cette prise en charge. Une revue Cochrane portant sur le traitement pharmacologique du syndrome douloureux pelvien chronique a été publiée mais a porté, entre autres, sur l'analyse des symptômes prostatiques et non pas sur le syndrome douloureux pénien, ne permettant pas d'orienter la prise en charge de la pénodynie [29].
Moyens thérapeutiques [28,30] Topiques Bien que communément prescrits chez la femme, ils n'ont fait l'objet que de peu d'études contrôlées et leur utilisation doit être prudente afin de limiter leur potentiel effet irritatif. Topiques émollients Lorsqu'ils sont tolérés, les topiques émollients, en crème, pommade ou huile (huile d'amande douce, de bourrache, etc.) peuvent apporter un apaisement certain. En l'absence d'activité pharmacologique notoire, c'est leur effet placebo qui doit être pris en compte, apportant jusqu'à 53 % d'amélioration dans certains essais contrôlés [28]. Il est habituel de leur associer un savon doux et un lubrifiant afin d'essayer de rompre le cercle vicieux « appréhension/ défaut de lubrification/ douleur » lié à la pénétration. À l'inverse, une intolérance aux topiques « médicamenteux » (œstrogène, antifongiques, cicatrisants) est fréquente. En pratique, chez les patientes « intolérantes à tout », mieux vaut éviter les topiques [28]. Anesthésiques locaux La lidocaïne seule (lidocaïne gel visqueux 2 %, lidocaïne nébuliseur 5 %) est à préférer chez la femme à l'association lidocaïne/prilocaïne responsable de brûlures. La lidocaïne (gel ou nébuliseur) et l'association lidocaïne/prilocaïne (crème ou solution à pulvériser (hors AMM)) peuvent être utilisées chez l'homme. Les anesthésiques locaux sont principalement proposés dans les vestibulodynies et pénodynies provoquées. Ils peuvent être appliqués 10 minutes avant un rapport sexuel, sur le vestibule afin de réduire la douleur liée à la pénétration ou sur le gland. Chez la femme, il est utile d'expliquer à la patiente que la sensibilité des zones érogènes (clitoris, vagin) ne sera pas affectée. La validité de ce traitement préventif, critiqué par les sexologues, n'a pas été objectivement démontrée, de même que celle des applications pluriquotidiennes de lidocaïne souvent recommandée [28]. Œstrogènes topiques Chez la femme, bien que leur efficacité n'ait pas été prouvée, ils méritent d'être essayés chez les patientes développant
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une vulvodynie sous COC, surtout si sont associées une sécheresse ou une atrophie muqueuse [30]. Autres topiques La capsaïcine topique, qui n'est pas utilisée en pratique courante, fait l'objet d'une étude contrôlée en cours. Injections de toxine botulique (TB) Chez la femme, le rationnel des injections de TB dans la vulvodynie provoquée repose sur l'hyperactivité des muscles pelviens superficiels démontrée dans 80 % des cas. Dans leur étude ouverte non contrôlée portant sur 19 patientes, Pelletier et al., montrent que 37 % des patientes n'ont plus de douleur et que 95 % d'entre elles peuvent avoir des rapports sexuels 24 mois après une injection de TB A (100 unités) [31]. Une autre étude non contrôlée d'une cohorte de 79 patientes présentant une vulvodynie provoquée résistante à la prise en charge habituelle confirme ces résultats favorables [32]. Une étude randomisée contrôlée de faible effectif (33 patientes réparties en 3 bras) ne montre pas de différence significative 3 mois après une injection unique de 50 ou 100 unités de TB et dans le bras placebo, la douleur s'améliorant dans les 3 groupes. La poursuite de l'étude, en ouvert, montre une amélioration significative de la douleur après la répétition d'injections de TB à forte dose (100 unités) [33]. Des études contrôlées sont encore nécessaires. La toxine botulinique n'a pas été évaluée dans la prise en charge des pénodynies. Traitements antalgiques per os Les antalgiques « classiques » (paracétamol, anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS], codéine) étant inefficaces, en dehors du tramadol qui a une action inhibitrice sur la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline [34], les médicaments utilisés sont ceux des douleurs neuropathiques. Une fois encore, les niveaux de preuve de l'efficacité de ces traitements sont faibles et leur tolérance, même à faibles doses, parfois médiocre [28]. Antidépresseurs tricycliques L'amitriptyline est la molécule la plus souvent prescrite. La solution buvable (40 mg/mL ; 1 goutte = 1 mg) permet de débuter à une dose faible, de 3 à 5 mg chez la femme (5 à 10 mg chez l'homme) le soir au coucher, et d'augmenter progressivement la posologie selon la tolérance et l'efficacité. La dose moyenne préconisée ne dépasse pas 30 mg/j chez la femme (50 mg chez l'homme) et elle est inférieure à celle proposée dans les troubles de l'humeur. Les principales contre-indications sont le glaucome et l'infarctus du myocarde récent, et l'hypertrophie bénigne de la prostate chez l'homme. Les effets indésirables (constipation, sécheresse buccale, somnolence, etc.) sont dose-dépendants. Le traitement est poursuivi 6 mois puis arrêté progressivement. Il est important de préciser que « l'antidépresseur » n'est pas prescrit aux doses habituelles de l'indication « dépression » mais en tant qu'antalgique afin de lever toute ambiguïté auprès du/de la patient(e).
Chapitre 10. Syndromes douloureux
Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine ou de la sérotonine et de la noradrénaline Ils sont parfois proposés bien que leur efficacité n'ait pas été établie dans la vulvodynie ou dans la pénodynie.
Autres approches L'acupuncture, l'hypnose, la sophrologie ou l'ostéopathie, si elles peuvent être proposées et être utiles à certain(e)s patient(e)s nécessitent d'être évaluées.
Antiépileptiques Dans une étude contrôlée chez la femme, la gabapentine n'a pas montré d'effet significatif sur la douleur versus placebo, mais ce traitement améliorerait la dysfonction sexuelle de certaines patientes [35,36]. L'efficacité de la prégabaline, de la lamotrigine et de la carbamazépine n'a pas été établie dans la vulvodynie ou la pénodynie.
Chirurgie Chez la femme, la vestibulectomie (partielle ou totale, avec ou sans avancement vaginal) constitue un traitement de dernier recours, adapté seulement à une minorité de patientes selon les recommandations britanniques [13]. La chirurgie ne s'adresse bien sûr qu'aux formes localisées et provoquées de vestibulodynie. Une revue systématique de la littérature rapporte des résultats très favorables de la part des patientes et après test au coton-tige mais les études sont non comparatives et ne comportent pas de groupe contrôle [37]. L'efficacité à 3 ans de la vestibulectomie a été évaluée dans une étude finlandaise comparant 16 patientes traitées chirurgicalement à 50 patientes traitées médicalement. Après une durée médiane de 36 mois, aucune différence n'était observée entre les 2 groupes en matière de qualité de vie et de douleur. La vestibulectomie était suivie de complications dans près de 20 % des cas [38].
Traitements non pharmacologiques Kinésithérapie périnéale Le rationnel de la kinésithérapie périnéale repose sur une dysfonction fréquente des muscles du plancher pelvien chez les patientes vulvodyniques qui présentent à la fois une hypertonie des muscles du plancher pelvien et une perte de contrôle et de la force de ces muscles. L'objectif de la kinésithérapie est de restaurer ces fonctions et de rompre le cercle vicieux de la dyspareunie (douleur → contraction musculaire réactionnelle [vaginisme] → accentuation de la douleur). Elle fait appel à des techniques variées (massages, étirement, pression sur des zones « gâchettes », sondes avec biofeedback) afin de faciliter la relaxation musculaire, d'en améliorer la vascularisation et d'en augmenter la mobilité. Elle doit être réalisée dans un climat de confiance, par un ou plus souvent une kinésithérapeute ou une sage-femme familiarisée avec les vulvodynies [28]. Une amélioration significative de la dyspareunie, de la douleur lors de l'examen gynécologique et des dysfonctions sexuelles est notée chez la majorité des patientes (71 à 76 % d'entre elles) après 6 à 10 séances de kinésithérapie. Ce traitement est donc habituellement prescrit en première intention chez la majorité des patientes [30]. TENS (transcutaneous electrical nerve stimulation) La neurostimulation électrique transcutanée peut être proposée comme alternative aux antalgiques chez les hommes et chez les femmes ou en association à la kinésithérapie [28,30]. Approche psychosexuelle Toujours envisagée en accord avec les patients, l'intervention d'un sexologue ou d'un psychothérapeute peut être nécessaire en cas d'état dépressif, d'anxiété, de troubles obsessionnels, de troubles du comportement alimentaire ou encore de dysfonction sexuelle ou d'impact sur la vie de couple. Il ne s'agit bien sûr pas d'adresser le/la patient(e) au prétexte que la vulve/le pénis est « normal(e) » et que la vulvodynie/pénodynie « c'est dans la tête », démarche alors vouée à l'échec, mais de prendre en compte la souffrance psychique induite par la vulvodynie/pénodynie et/ou parfois responsable de celle-ci. Les thérapies de type cognitivo-comportementales semblent les mieux adaptées [5,30]. Une thérapie de couple peut aussi parfois s'avérer utile.
Laser CO2 fractionné et laser de basse énergie Chez la femme, si de courtes séries et une étude contrôlée sont en faveur de résultats positifs, les données sont actuellement insuffisantes pour recommander ces deux modalités thérapeutiques [30,39]. Traitement spécifique des affections associées Le traitement spécifique des affections associées sera systématique car ce sont des facteurs potentiels d'aggravation ou d'entretien de la vulvodynie et de la pénodynie : ■ candidose, herpès génital ou infection urinaire après confirmation microbiologique ; ■ atrophie vulvaire post-ménopausique : œstrogénothérapie topique en l'absence de contre-indication ; ■ sécheresse muqueuse : émollients et lubrifiants lors des rapports sexuels.
Stratégie thérapeutique chez la femme [5] Les enjeux de la première consultation sont déterminants. L'un d'entre eux, le plus important, est de nommer la maladie « vulvodynie ». Six messages à délivrer lors de cette première consultation ont été proposés [5] (encadré 10.3). Après un temps d'écoute et d'attention, poser le diagnostic, expliquer que la vulvodynie est une maladie connue, bien définie et un motif fréquent de consultation permet de limiter l'anxiété liée à l'errance diagnostique et de reconnaître l'existence de la douleur, malgré l'absence de cause spécifique connue. Elle permet aussi limiter la demande et la pratique d'examens complémentaires inutiles, en précisant que la vulvodynie n'est ni une IST, ni un cancer ou un état précancéreux. Le versant psychologique de la vulvodynie ne sera ni mis seul en avant, ni bien sûr occulté.
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Chapitre 10. Syndromes douloureux
Encadré 10.3
Les 6 messages de la première consultation 1. Nommer la maladie (vulvodynie) et expliquer que c'est actuellement le motif le plus fréquent de consultation dans les centres de pathologie vulvaire. 2. La vulvodynie n'est pas une maladie « imaginaire ». La douleur est réelle. 3. La vulvodynie n'est pas une IST, ni un cancer ni un état précancéreux. 4. « Ce n'est pas dans la tête ». La vulvodynie ne reconnaît actuellement aucune étiologie organique mais l'on ne saurait affirmer pour autant que sa cause est « psychologique ». La dimension psychologique de cet inconfort chronique doit néanmoins être prise en compte. 5. Comme pour toute douleur chronique, il n'y a pas de « recette miracle » : une approche multifactorielle du problème est souhaitable (dermatologique, psychologique, physiothérapique, sexuelle). Cette approche sera d'abord corporelle, centrée sur la douleur physique et ses conséquences. L'orientation vers un psychothérapeute nécessite une maturation qui se fait souvent au fil des consultations. 6. La vulvodynie n'est pas une maladie incurable. D'après [5].
Des explications seront données sur les connaissances physiopathologiques actuelles de la vulvodynie et sur les possibilités de traitement qui, en dépit de l'absence de « recette miracle », ne font pas de la vulvodynie une « maladie incurable ». De façon schématique, il sera proposé : ■ vestibulodynie provoquée : écoute et empathie, kinésithérapie périnéale en première intention, associée aux émollients et aux anesthésiques locaux. Les antalgiques per os sont proposés en seconde intention ; ■ vulvodynie spontanée : écoute et empathie, et antalgiques per os sont proposés en première intention. Les autres mesures thérapeutiques, prise en charge psychosexuelle en particulier, sont à adapter au contexte dans lequel s'inscrit la vulvodynie. Dans tous les cas, la qualité de la relation médecin/malade ainsi que celle du réseau multidisciplinaire de prise en charge (kinésithérapeute, sage-femme, psychologue) sont primordiales.
Stratégie thérapeutique chez l'homme [40] La qualité de la relation médecin-malade est essentielle dans la prise en charge de la pénodynie du fait de sa chronicité, de la difficulté du traitement mais aussi du caractère symbolique du pénis pour l'homme. Comme chez la femme, il est essentiel de nommer la pathologie et de rassurer sur l'absence d'IST. La stratégie thérapeutique repose sur les topiques anesthésiques en cas de pénodynie provoquée, sur les antalgiques antineuropathiques en cas de pénodynie spontanée.
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Les doses quotidiennes doivent être augmentées progressivement, jusqu'à obtention de la dose minimale efficace, en évitant un effet sédatif. Lorsque la pénodynie est associée à des symptômes prostatiques dans le cadre d'un syndrome douloureux pelvien chronique, peuvent être discutés les α-bloquants, les antibiotiques actifs sur les bactéries intra-cellulaires (cyclines) ou la phytothérapie (Serenoa repens, Prunus africana). Des thérapies cognitivocomportementales, la kinésithérapie périnéale, l'ostéopathie, etc. peuvent être proposées mais se heurtent à la fréquente méconnaissance de la pénodynie par la plupart des praticiens assurant ces techniques chez l'homme.
Surveiller Il n'est pas possible de prédire l'évolution de la vulvodynie ou de la pénodynie, l'histoire naturelle de cette affection n'étant pas connue, son évolution très variable selon les patient(e)s et l'évaluation de la réponse thérapeutique n'étant ni standardisée ni systématiquement comparée à un groupe contrôle dans les études publiées. Une étude longitudinale basée sur une enquête de cohorte a évalué l'évolution à 36 mois de 239 patientes vulvodyniques : 50 % sont en rémission sans rechute, 40 % rechutent après une rémission et 10 % ont une vulvodynie persistante. Les facteurs de risque de persistance ou de rechute sont la sévérité de la douleur, la plus longue durée des symptômes et l'association à une fibromyalgie [41]. Une autre étude est en faveur d'une évolution encourageante : parmi 173 patientes évaluées sur une période de 7 ans, 71 % déclarent que leur douleur a diminué. La persistance de la douleur (29 % des cas) était associée à un âge plus élevé lors du diagnostic, à l'anxiété et à la présence d'une autre localisation douloureuse. Avoir entrepris un traitement ou non n'influençait pas l'évolution de la vulvodynie [42]. Comme pour la prise en charge de toute affection chronique, un suivi régulier est nécessaire, quel que soit le traitement proposé. L'évaluation devra non seulement porter sur la douleur rapportée par les patients, mais aussi sur leur qualité de vie générale et sexuelle. En pratique, une échelle visuelle analogique pour quantifier la douleur, le « test du tampon » (quantification de la douleur à l'extraction du tampon) chez la femme, le DLQI (dermatology life quality index) et en particulier sa question 9 (« Votre problème de peau a-t-il rendu votre vie sexuelle difficile ? ») pourront être utiles.
Syndrome du scrotum rouge Évoquer Le syndrome du scrotum rouge (SSR) est une entité rare, décrite en 1997 [43] et dont la prévalence n'est pas connue dans la population masculine générale. Dans la série rétrospective la plus importante, ne comportant cependant que 12 patients, l'âge moyen des hommes atteints était de 45 ans [44]. Le syndrome de la vulve rouge n'a quant à lui été décrit qu'une seule fois chez la femme en tant que tel.
Chapitre 10. Syndromes douloureux
Son individualisation est donc plus que discutable, l'aspect décrit par les auteurs étant évocateur dans un cas de ce qu'il est commun de nommer une « dermite aux corticoïdes » et d'une possible vulvodynie généralisée dans leur second cas [45]. Les signes fonctionnels du SSR consistent en une douleur du scrotum parfois intense, à type de brûlure, d'évolution chronique, intermittente ou constante, spontanée ou déclenchée par l'activité physique, empêchant parfois celle-ci. L'absence de prurit est de règle.
Reconnaître À l'examen clinique, il existe un érythème vif du scrotum, plus ou moins bien limité, diffus (figure 10.9) ou seulement médian (figure 10.10), sans anomalie épidermique (absence habituelle de squames), parfois absent lors de la consulta-
tion lorsqu'il est intermittent. Le raphé est parfois épargné (figure 10.11). Une extension à la partie proximale du fourreau est possible. Des varicosités, télangiectasies et/ou angiokératomes scrotaux sont possibles (figure 10.12), pouvant correspondre à une véritable association étiopathogénique ou à une association fortuite. L'utilisation prolongée de dermocorticoïdes est souvent rapportée dans la littérature comme facteur déclenchant mais n'est pas systématique. Il existe en effet d'authentiques SSR précédant toute application de dermocorticoïdes. L'interrogatoire doit préciser l'intensité de la douleur, sa diminution éventuelle par l'application d'eau froide, les facteurs déclenchants ou aggravants, les topiques appliqués localement (notamment dermocorticoïdes et antifongiques), les mesures d'évitement (arrêt des activités sportives), les antécédents personnels et familiaux de rosacée, de psoriasis et d'atopie, le retentissement sur la qualité de vie générale et sexuelle.
Figure 10.11. Syndrome du scrotum rouge épargnant le raphé médian. Figure 10.9. Syndrome du scrotum rouge diffus.
Figure 10.10. Syndrome du scrotum rouge médioscrotal.
Figure 10.12. Syndrome du scrotum rouge associé à des télangiectasies et angiokératomes scrotaux.
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Chapitre 10. Syndromes douloureux
Confirmer Le diagnostic de SSR est clinique et ne nécessite pas de confirmation histologique. Si une biopsie du scrotum est cependant réalisée, on observe des anomalies peu spécifiques, avec spongiose et atrophie épidermique, discret infiltrat lymphocytaire interstitiel et périvasculaire dermique associé à des télangiectasies, parfois évocatrices du diagnostic de rosacée (figure 10.13) [44].
Éliminer Différents diagnostics différentiels sont à éliminer en cas de suspicion clinique de SSR : ■ l'érythème scrotal physiologique : ancien, stable, peu intense, mal limité et dépourvu de tout signe fonctionnel douloureux (figure 10.14) ;
Figure 10.13. Aspect histopathologique du syndrome du scrotum rouge. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
des dermatoses scrotales comme le psoriasis et l'eczéma de contact ou atopique volontiers plus érythémato-squameuses qu'érythémateuses d'une part, et prurigineuses plus que douloureuses d'autre part, excepté pour la dermite de macération qui sera facilement évoquée en cas d'incontinence urinaire ; ■ des infections fongiques (dermatophyties, candidose) justifiant en cas de doute la réalisation d'un prélèvement mycologique ; ■ des infections bactériennes staphylococciques ou streptococciques primitives (érysipèle du scrotum à évoquer en cas d'atteinte aiguë associée à de la fièvre et/ou à une adénopathie inguinale) ou correspondant à la surinfection d'une dermatose sous-jacente, faisant réaliser en cas de doute un prélèvement bactériologique ; ■ un trouble obsessionnel compulsif avec manipulations scrotales excessives ou excoriations psychogènes ; ■ un érythème scrotal aigu de cause intrascrotale fébrile (orchiépididymite) ou non fébrile (torsion de cordon spermatique). Chez la femme, si tant est que le syndrome de la vulve rouge existe, ses « diagnostics différentiels » sont : ■ la dermite aux dermocorticoïdes : il s'agit d'un érythème non squameux, siégeant sur les grandes lèvres avec une extension possible aux plis inguinaux lié à l'application répétée d'un dermocorticoïde et qui cède rapidement à l'arrêt de son application. La particularité de la « dermite aux corticoïdes » est sa prédominance sur les zones cutanéo-pileuses de la vulve et son extension extra-génitale alors même que le dermocorticoïde est appliqué sur les petites lèvres et le vestibule, en particulier lors du traitement du lichen scléreux ou du lichen plan ; ■ la coexistence d'un érythème physiologique des grandes lèvres (asymptomatique) et d'une vulvodynie généralisée ; ■ une « vulvite » irritative ou d'incontinence. ■
Explorer Aucun bilan n'est indiqué une fois le diagnostic de SSR posé et les diagnostics différentiels éliminés.
Comprendre
Figure 10.14. Érythème scrotal physiologique.
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Sur le plan nosologique, le SSR pourrait appartenir au spectre des syndromes rouges comprenant également le syndrome de l'oreille rouge et le syndrome du scalp rouge, à l'existence controversée [46]. Certains auteurs ont également rapproché le SSR des formes de pénoscrotodynies avec symptômes vasomoteurs [47] ou de l'atrophodermie péri-anale induite par les dermocorticoïdes [48]. La physiopathologie du SSR est méconnue. La négativité des patch-tests ne plaide pas en faveur d'une origine allergique [44]. Différentes hypothèses ont été proposées, nécessitant d'être étayées mais ayant le mérite d'orienter la prise en charge thérapeutique : ■ rosacée scrotale [44] ; ■ dermite d'irritation aux dermocorticoïdes [49] ; ■ érythermalgie [50] ; ■ neuropathie avec phénomènes vasomoteurs [50].
Chapitre 10. Syndromes douloureux
Traiter Le traitement du SSR n'est pas codifié et ne repose que sur des avis d'experts, des cas rapportés ou de courtes séries, sans étude prospective contrôlée. Il est indispensable de stopper l'application de tout topique potentiellement irritant et de tout dermocorticoïde qui aurait pu être prescrit à tort. En cas de SSR induit par les dermocorticoïdes, leur arrêt permettrait une régression des symptômes en 4 à 18 mois [49]. Le tacrolimus topique, inhibiteur de la calcineurine, a été rapporté efficace en association à la doxycycline orale [51] mais n'est pas inefficace dans notre expérience. Le métronidazole topique nous semble souvent mal toléré, entraînant une majoration de l'érythème et des brûlures, et rarement efficace. La doxycycline s'est montrée efficace partiellement ou complètement, utilisée seule [52,53] ou associée à la prégabaline ou à l'amitriptyline [44]. Les antalgiques antineuropathiques (amitriptyline, gabapentine, prégabaline) sont parfois proposés seuls [54]. Ils sont moins bien tolérés que la doxycycline, sans que leur efficacité supérieure ne soit prouvée. Les β-bloquants non cardiosélectifs oraux [55] ou locaux sous forme de collyre [56] ont été jugés efficaces dans de rares cas rapportés mais leur efficacité et leur rapport bénéfice/risque restent à évaluer. En pratique, nous proposons en première intention un traitement par doxycycline orale (100 mg/j pendant 3 mois) et l'arrêt des dermocorticoïdes le cas échéant, et en seconde intention, un antalgique antineuropathique (amitriptyline, gabapentine ou prégabaline) pendant 2 à 3 mois. Il n'existe aucun traitement défini pour le syndrome de la vulve rouge. Dans leur article, Hajj et al. rapportent le succès d'un traitement par carvédilol de 2 cas de syndrome de la vulve rouge [45].
Surveiller Une consultation de contrôle à 3 mois permettra d'évaluer l'efficacité et la bonne tolérance du traitement.
Dire ■
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Le syndrome du scrotum rouge est bénin malgré l'importance de la gêne occasionnée. Son origine n'est pas connue. L'amélioration est lente sous traitement.
Retenir ■
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Le syndrome du scrotum rouge peut avoir un fort retentissement psychosocial. L'arrêt des dermocorticoïdes est nécessaire le cas échéant. Le traitement repose sur la doxycycline en première intention.
Distinguer homme/femme ■
Le syndrome du scrotum rouge est rare chez l'homme ; l'existence du syndrome de la vulve rouge reste à prouver chez la femme.
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Chapitre 11
Prurit idiopathique et lichénification PLAN DU CHAPITRE Évoquer Reconnaître Confirmer
279 279 279
Éliminer Explorer Comprendre
279 279 279
Traiter Surveiller
279 279
Évoquer Le prurit est une sensation particulière qui provoque sans que cela ne soit le besoin de gratter ou de frotter sa peau, sans que cela soit forcément désagréable [1]. Un prurit intense, par son retentissement sur la qualité de vie (sommeil, vie sociale, activités intellectuelles) peut devenir insupportable et invalidant [1]. Le prurit génital est défini comme idiopathique (ou essentiel) lorsqu'aucune cause ne peut lui être attribuée. La lichénification est la conséquence du grattage lié à un prurit persistant, que ce prurit soit idiopathique ou secondaire à une dermatose prurigineuse définie. En pathologie vulvaire, le terme « lichénification » utilisé seul sous-entend le plus souvent le fait que le prurit vulvaire est idiopathique. Il correspond au terme anglo-saxon lichen simplex chronicus [2]. La lichénification concernerait 0,5 % de la population, constituant un motif fréquent de consultation en pathologie vulvaire (10 à 35 % des cas) chez la femme d'âge moyen [3,4]. Elle se manifeste par un prurit quotidien, souvent majoré en fin de journée et parfois nocturne, responsable d'un grattage inconscient pendant le sommeil. Son évolution est chronique et récidivante, sur plusieurs semaines, mois voire années. En présence d'excoriations liées au grattage, des brûlures, mictionnelles en particulier, des douleurs et/ou des dyspareunies peuvent accompagner le prurit, symptôme toujours prédominant.
Figure 11.1. Lichénification symétrique des grandes lèvres.
Reconnaître [4,5] Le prurit génital idiopathique peut être nu, sans lésion de grattage lorsqu'il est récent et peu intense. Il peut se compliquer de lésions de grattage, à type d'excoriations et, lorsque le prurit est persistant, d'une lichénification. Chez la femme, la lichénification atteint préférentiellement la face cutanéo-pileuse des grandes lèvres, de façon symétrique (figure 11.1) ou asymétrique (figure 11.2), plus rarement la face interne, le bord d'une ou des 2 grandes lèvres ou les petites lèvres (figure 11.3). Chez l'homme, elle se localise essentiellement sur le scrotum (figure 11.4). La peau lichénifiée est épaissie, les plis cutanés sont plus marqués (figure 11.5). Elle peut conserver sa couleur habituelle, ou prendre un aspect pâle, grisâtre, hyperpigmenté ou encore érythémateux. Du fait de la Dermatologie génitale © 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Figure 11.2. Lichénification asymétrique de la grande lèvre gauche.
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Chapitre 11. Prurit idiopathique et lichénification
Figure 11.3. Lichénification asymétrique de la petite lèvre et de la grande lèvre gauches.
Figure 11.5. Lichénification vulvaire. Épaississement des plis cutanés.
Figure 11.4. Lichénification médioscrotale.
Figure 11.6. Lichénification des grandes lèvres et excoriations (grande lèvre droite).
friction, les poils peuvent être cassés courts. Des excoriations cutanées, le plus souvent à type d'érosions (figure 11.6), plus rarement d'ulcérations ou de fissures, peuvent être présentes, témoignant du grattage. Elles sont responsables des sensations douloureuses, de brûlures ou des dyspareunies. L'examen de la région anogénitale et de l'ensemble de la peau, du cuir chevelu et des ongles, recherchera les signes spécifiques en faveur d'une dermatose prurigineuse secondairement lichénifiée (voir ci-dessous « Éliminer »).
granuleuse, un allongement des crêtes épidermiques et un infiltrat inflammatoire d'abondance variable [5]. Les papilles dermiques sont épaissies/élargies et une fibrose périnerveuse est parfois observée [5]. L'examen histologique ne met enfin en évidence aucun signe en faveur d'une dermatose prurigineuse associée dans le cas d'une lichénification idiopathique (lichen simplex chronicus). Par contre, si la lichénification complique une dermatose prurigineuse chronique, les signes histologiques de cette dermatose peuvent inconstamment être observés.
Confirmer
Éliminer
Le diagnostic de prurit idiopathique génital repose sur l'interrogatoire, la normalité de l'examen clinique et du bilan paraclinique. Le diagnostic de lichénification est avant tout clinique. Si une biopsie est réalisée, elle montre une acanthose, une hyperkératose parakératosique, un épaississement de la couche
Une dermatose génitale prurigineuse d'évolution chronique ou prolongée, qui peut être secondairement lichénifiée, devra être distinguée d'une lichénification « primitive », liée à un prurit idiopathique. Si les causes les plus fréquentes sont infectieuses ou inflammatoires, il faut noter que certaines lésions tumorales
280
Chapitre 11. Prurit idiopathique et lichénification
génitales, bénignes (syringomes, acanthomes épidermolytiques génitaux, etc.) ou malignes (HSIL, maladie de Paget) peuvent être prurigineuses alors qu'elles ne le sont pas ou peu sur la peau. Parmi les dermatoses inflammatoires, le psoriasis génital isolé, lichénifié (figure 11.7) ou non, peut être difficile à différencier cliniquement et parfois aussi histologiquement d'une lichénification [3]. La mise en évidence de lésions extra-génitales de psoriasis, en particulier dans les localisations significativement associées à l'atteinte génitale (cuir chevelu, conduits auditifs externes, plis et/ou ongles), permettra d'orienter le diagnostic (figure 11.8) [6]. La lichénification de lésions scrotales ou vulvaires de dermatite atopique est également possible (figures 11.9 et 11.10).
Figure 11.9. Dermatite atopique scrotale lichénifiée.
Figure 11.7. Psoriasis lichénifié du scrotum.
Figure 11.10. Dermatite atopique vulvaire lichénifiée.
Figure 11.8. Psoriasis lichénifié vulvaire et atteinte typique du cuir chevelu.
Figure 11.11. Nodules scabieux du scrotum.
281
Chapitre 11. Prurit idiopathique et lichénification
Tableau 11.2. Principales causes de prurit scrotal. Dermatoses inflammatoires • Dermatite de contact irritative • Dermatite de contact allergique • Dermatite atopique • Psoriasis • Lichen plan
Dermatoses infectieuses • Candidose inguinoscrotale • Dermatophytose • Gale • Phtiriase
Tumeurs • Maladie de Paget • Syringomes
Figure 11.12. Papules scabieuses du fourreau.
Figure 11.14. Lichénification scrotale secondaire à un prurit scrotal chronique ayant fait découvrir une hépatite C chronique active.
Figure 11.13. Nodules scabieux du gland.
Parmi les dermatoses infectieuses, une gale doit être systématiquement évoquée (figures 11.11, 11.12 et 11.13). La présence sur le scrotum et/ou le pénis de papules ou nodules, le plus souvent prurigineux mais pas obligatoirement, constitue un critère diagnostique de la gale [7]. Ces lésions sont notées chez 10 à 30 % des hommes atteints de gale. Les principales causes de prurit vulvaire sont résumées dans le tableau 11.1. Exceptionnellement, un prurit chronique sera le symptôme d'une vulvodynie ou lié à une cause neurologique (compresTableau 11.1. Principales causes de prurit vulvaire. Dermatoses inflammatoires • Dermatite de contact irritative • Dermatite de contact allergique • Dermatite atopique • Psoriasis • Lichen scléreux • Lichen plan
Dermatoses infectieuses • VVCR* • Dermatophytose • Gale • Phtiriase
* VVCR : vulvo-vaginite candidosique récidivante.
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Tumeurs bénignes ou malignes • Néoplasies intraépithéliales • Carcinome épidermoïde • Maladie de Paget vulvaire • Syringomes
sion médullaire, neuropathie diabétique ou postzostérienne, névralgie pudendale, etc.) [3]. Chez l'homme, le prurit scrotal idiopathique (avec ou sans lichénification) sera distingué : ■ d'un prurit scrotal secondaire à une dermatose prurigineuse. Les principales dermatoses scrotales prurigineuses figurent dans le tableau 11.2 ; ■ d'un rare prurit scrotal de cause systémique (figure 11.14) ; ■ de signes fonctionnels d'origine intrascrotale : varicocèle, kyste testiculaire ou épididymaire ; ■ de la douleur scrotale rencontrée en cas de syndrome du scrotum rouge ou de scrotodynie ; ■ de la névralgie pudendale (et autres compressions neurologiques), à évoquer en cas de prurit unilatéral ou de prurit associé à des paresthésies ; ■ des excoriations psychogènes au cours d'une pathomimie ou de trouble obsessionnel compulsif.
Explorer Les examens complémentaires ont pour but d'éliminer un prurit non idiopathique, avec ou sans lichénification. Pourront être réalisés : ■ une biopsie cutanée ;
Chapitre 11. Prurit idiopathique et lichénification
un prélèvement mycologique ; ■ un prélèvement bactériologique ; ■ un prélèvement parasitologique à la recherche de sarcoptes ; ■ un examen à la lumière de Wood à la recherche d'une trichobactériose ; ■ un examen dermoscopique à la recherche de signes évocateurs de gale ou de phtiriase ; ■ un bilan biologique à la recherche d'un prurit d'origine systémique ; ■ des tests épicutanés : Virgili et al. [8] ont testé 44 patientes présentant une lichénification, confirmée histologiquement dans 26 cas. La pertinence des tests était retenue dans 27 % des cas, concernant les principes actifs ou les ingrédients des topiques utilisés par les patientes (parfums, conservateurs, émulsifiants, corticoïdes ou antibiotiques). Preston et al. [9] ont rapporté récemment le cas d'une patiente présentant une lichénification vulvaire et périnéale résistante aux traitements habituels. L'exploration allergologique était en faveur d'un eczéma de contact aux textiles (colorant bleu, formaldéhyde) dont la suppression permettait d'améliorer la lichénification. En pratique, l'exploration allergologique de contact ne doit pas être proposée de façon systématique, considérée comme inutile dans la plupart des cas [10], mais réservée aux lichénifications résistantes aux traitements habituels avec suspicion d'eczéma de contact [3,8]. ■
Comprendre Le prurit idiopathique et la lichénification « primitive » qui peut lui succéder sont considérés par certains comme une forme localisée de dermatite atopique [4,10]. La sensation prurigineuse initiale pourrait être déclenchée par un événement mineur tel qu'une toilette excessive, un vêtement trop serré entraînant l'envie de se frotter ou de se gratter. Le grattage induit un épaississement cutané ainsi qu'une altération de la barrière cutanée, augmentant la sensibilité aux irritants, le tout majorant le prurit. Le cercle vicieux prurit/grattage/prurit s'installe alors de façon chronique. Que la lichénification soit primitive ou secondaire, les facteurs locaux (transpiration, chaleur et humidité locales, frottement) et psychologiques (stress, anxiété, dépression, troubles obsessionnels compulsifs) contribuent à aggraver le prurit.
Traiter Le traitement du prurit génital idiopathique et de la lichénification a pour objectif de casser le cercle vicieux prurit/grattage/prurit. En l'absence d'étude contrôlée, il repose sur les dermocorticoïdes très puissants, de type clobétasol dipropionate [3,5,10]. L'application du clobétasol dipropionate 0,05 % est habituellement proposée le soir, quotidiennement pendant 3 à 4 semaines, puis espacée progressivement sur 3 à 6 mois, par exemple 1 soir sur 2 le 2e mois, puis 1 soir sur 3
le 3e mois puis 1 à 2 fois par semaine pendant les 3 mois suivants si nécessaire [3,5]. À l'issue de la phase initiale du traitement, il est aussi possible de n'appliquer « qu'à la demande » le dermocorticoïde ou de proposer un dermocorticoïde moins puissant, ce qui n'est pas notre expérience [5]. Chez la femme, en raison de l'efficacité très rapide du traitement local, les anesthésiques topiques ou les antihistaminiques, dont l'efficacité n'est pas démontrée dans cette indication, ne sont généralement pas utiles [5]. Une toilette douce (syndet, huile de douche) et une hydratation régulière seront associées, ainsi que la suppression des facteurs potentiellement irritants (savons, antiseptiques, etc.). Le tacrolimus topique (hors AMM) peut être proposé en deuxième intention, en cas d'intolérance aux dermocorticoïdes ou d'inefficacité de ces derniers. Le rythme d'application sera adapté à la tolérance, 1 à 2 fois par jour pendant 6 à 12 semaines [3,5,11]. Une photothérapie UVB spectre étroit, utilisant un dispositif sous forme de « peigne à UVB » [12] ou de lampe Excimer [13] a été proposée avec succès dans 2 observations de lichénification vulvaire réfractaire à tout traitement. La photothérapie est cependant contre-indiquée pour le prurit scrotal du fait du risque de développement d'un carcinome épidermoïde. La prévention du grattage (nocturne essentiellement) peut reposer sur des antihistaminiques sédatifs ou la pose de pansements hydrocolloïdes. Dans les cas difficiles, peuvent se discuter : ■ une préparation magistrale de capsaïcine, par analogie à son utilisation dans le prurit anal [14] ; ■ un anesthésique local (lidocaïne gel ou crème) ; ■ l'injection intra-lésionnelle de corticoïdes [15] ; ■ des traitements à visée antineuropathiques (hors AMM) : amitriptyline, gabapentine, prégabaline, inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, doxépine, etc. ; ■ l'exérèse chirurgicale d'une plaque lichénifiée isolée [16]. En cas de lichénification secondaire, le traitement de la dermatose associée est bien sûr indiqué.
Surveiller En raison de son retentissement sur la qualité de vie et de son caractère récidivant, un contrôle de l'efficacité thérapeutique peut être proposé en début de traitement puis est à adapter selon les cas [3,5].
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Chapitre 12
Expression génitale des toxidermies PLAN DU CHAPITRE Érythème pimenté fixe Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre
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Traiter Surveiller Syndrome de Stevens-Johnson et nécrolyse épidermique toxique Évoquer Reconnaître Confirmer
Érythème pimenté fixe Évoquer L'érythème pigmenté fixe (EPF) est une réaction muqueuse et/ou cutanée médicamenteuse, récidivante en cas de réintroduction du médicament responsable. Son incidence est méconnue et les cas probablement sous-diagnostiqués et sous-notifiés car il s'agit d'une toxidermie souvent peu grave. L'EPF prédomine au cours de la cinquième décennie dans deux séries françaises totalisant respectivement 59 patients vus en milieu hospitalier [1] et 307 cas déclarés à la base nationale de pharmacovigilance [2]. Une localisation muqueuse exclusive y est observée dans respectivement 5 % et 12 % des cas. Alors que les EPF extra-muqueux prédominent chez la femme, la localisation génitale est prépondérante chez l'homme puisque 90 % des hommes ont une atteinte génitale dans la série hospitalière et que 93 % des cas d'atteinte génitale surviennent chez des hommes dans la série de pharmacovigilance [1,2]. L'atteinte muqueuse est rare en cas d'érythème pigmenté fixe bulleux généralisé, au contraire du syndrome de Stevens-Johnson (SJS) et de la nécrolyse épidermique toxique (NET) (ou syndrome de Lyell) [3]. Les signes fonctionnels, qui peuvent précéder les signes physiques de quelques heures sont inconstants, représentés par un prurit ou une sensation de brûlure.
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Explorer Éliminer Comprendre Traiter Surveiller
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les lésions surviennent plus de 2 semaines après l'interruption du médicament [4,5]. L'EPF génital prédomine chez l'homme, sur le gland sous la forme d'une plaque érythémateuse (figure 12.1), parfois œdémateuse [6,7]. Dans une série de 60 cas d'EPF génital chez l'homme, le fourreau du pénis et le scrotum n'étaient atteints chacun que dans 1,7 % des cas [8]. Un aspect bulleux est plus souvent observé que sur la peau. Fréquemment, le patient est vu à un stade d'érosion postbulleuse peu spécifique, rendant indispensable un interrogatoire relatif aux prises médicamenteuses devant toute balanite érosive, d'autant plus qu'elle est récidivante (figures 12.2 et 12.3). L'évolution est spontanément favorable en quelques jours, laissant de façon inconstante une séquelle pigmentaire [9]. La localisation vulvaire de l'EPF est beaucoup moins bien documentée dans la littérature que l'atteinte génitale masculine [10]. Elle se traduit par un érythème et un œdème
Reconnaître Les lésions apparaissent 1 jour à 2 semaines après la prise du médicament inducteur, délai qui peut se réduire à quelques heures en cas de récidive. Selon les critères français d'imputabilité des médicaments, un délai compris entre 1 et 7 jours est compatible pour un EPF en cas de première administration, alors que le délai est considéré comme incompatible si Dermatologie génitale © 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Figure 12.1. Érythème pigmenté fixe du gland à la carbocystéine. Placard érythémateux du gland.
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Chapitre 12. Expression génitale des toxidermies
Figure 12.2. Érythème pigmenté fixe génital au sulfaméthoxazole- triméthoprime. Ulcérations du gland et du sillon balanopréputial.
Figure 12.4. Aspect histopathologique d'un érythème pigmenté fixe du gland. Source : Dr Bénédicte Cavelier Balloy.
possible [13]. Dans le chorion superficiel, des mélanophages peuvent être visibles, notamment dans les formes récidivantes. L'immunofluorescence directe (IFD) est négative.
Éliminer
Figure 12.3. Érythème pigmenté fixe du gland au kétoprofène. Érosion postbulleuse du gland.
touchant de façon bilatérale et symétrique les petites et grandes lèvres avec une extension possible aux plis inguinaux et au périnée [10–12]. La présence de bulles est possible [12]. L'évolution pigmentée est rare. L'EPF peut se présenter comme une vulvite érosive chronique résistante telle que l'ont décrite Drummond et al. [10], chez une patiente âgée de 64 ans, liée à la prise régulière et non signalée de paracétamol en automédication. Le cas décrit par Wain et al. [12] était aussi lié à une automédication par fluconazole. En cas récidive, on peut observer une diminution du délai de survenue après la prise médicamenteuse, une augmentation du nombre de lésions et une plus grande fréquence des lésions bulleuses.
Confirmer Une biopsie est réalisée en cas de doute diagnostique. L'examen histologique montre des nécroses kératinocytaires parfois responsables d'un décollement sous-épidermique et dans le chorion sous-jacent, un dense infiltrat lymphocytaire associé à des polynucléaires éosinophiles voire neutrophiles (figure 12.4) [7]. Une dermatose lichénoïde de l'interface est
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Différents diagnostics différentiels doivent être évoqués, notamment lors du premier épisode d'EPF bulleux vu à un stade érosif postbulleux, en fonction de la chronologie et de la topographie des lésions, de l'association à des lésions cutanées, des prises médicamenteuses précessives et des examens complémentaires (histologie standard, IFD, immunofluorescence indirecte [IFI], prélèvement bactériologique et mycologique, PCR HSV1 et 2) : ■ une balanite ou une vulvite érosives infectieuses seront éliminées par la négativité du prélèvement bactériologique et mycologique et de la recherche de syphilis (sérologie syphilitique voire PCR Treponema pallidum) ; ■ la possibilité de récurrences herpétiques en cas de lésions érosives récidivantes fera réaliser une PCR HSV1 et 2 ; ■ un érythème polymorphe post-infectieux et un SJS seront écartés par l'aspect clinique et si besoin l'aspect histologique ; ■ une maladie bulleuse auto-immune (MBAI) et un lichen plan érosif seront évoqués en cas d'érosions chroniques et non pas intermittentes, confirmés par l'examen histologique, l'IFD (cette dernière étant habituellement positive en cas de MBAI) et l'IFI.
Explorer Un bilan allergologique comportant des patch-tests est indiqué, notamment lorsque plusieurs médicaments sont imputables [14]. Ils doivent être réalisés sur le site lésionnel donc sur le gland (patch-test in situ), difficilement réalisables et ne faisant l'objet d'aucune publication sur la vulve, avec la forme commercialisée du médicament, diluée à 30 % dans la vaseline. La sensibilité est faible pour l'EPF, évaluée à 40 %, sans étude spécifique concernant l'EPF génital [15]. En cas de négativité des patch-tests in situ, peuvent s'envisager l'application répétée in situ du médicament suspecté. La réalisation des tests doit se faire
Chapitre 12. Expression génitale des toxidermies
au minimum 2 semaines après l'épisode d'EPF afin d'éviter un résultat faussement négatif lié à la période réfractaire. Autrefois proposé, le test de provocation orale doit être évité afin de ne pas engendrer une forme bulleuse généralisée de l'EPF.
Dire ■
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Comprendre La physiopathologie de l'EPF repose une réaction d'hypersensibilité retardée aux médicaments, particulière par sa rapidité d'apparition et médiée par les lymphocytes T CD8, responsables des lésions tissulaires mais aussi persistant pendant plusieurs années au site de la toxidermie (lymphocytes T CD8 intraépidermiques de phénotype « effecteur mémoire ») expliquant la récidive au même site [7]. La présence du CD69 à leur surface, marqueur d'activation précoce même en l'absence d'antigène explique probablement leur capacité d'activation rapide [7]. Un des facteurs de persistance de ces lymphocytes, jusqu'à 4 ans après la réaction immunitaire, est l'expression à leur surface de la molécule CLA (cutaneous lymphocyte-associated antigen) [7,16]. En France, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), piroxicam notamment, sont les médicaments les plus fréquemment responsables d'EPF, suivis des antibiotiques (amoxicilline essentiellement), paracétamol et carbocystéine [1,2]. La topographie génitale de l'EPF semble plus spécifique des EPF aux AINS, possiblement du fait de leur élimination préférentiellement urinaire [1], bien que ce lien ne soit pas toujours mis en évidence [17]. Chez l'enfant, les médicaments responsables les plus fréquents sont le paracétamol, le cotrimoxazole et l'hydroxyzine dans une étude publiée en 2002, ces 2 molécules étant d'usage moins courant actuellement [18]. Des causes non pas médicamenteuses mais alimentaires ont été décrites pour des EPF génitaux, mettant notamment en cause la quinine ou le propolis [19,20], voire des EPF génitaux « par procuration », les médicaments responsables (AINS, aspirine, sulfamides) étant consommés par la partenaire sexuelle du patient et suspectés d'être présents dans les sécrétions vaginales [21,22]. L'éruption pigmentée fixe neutrophilique est rare et se distingue de l'EPF classique en histologie par un infiltrat dermique riche en polynucléaires neutrophiles et éosinophiles, sans nécrose kératinocytaire. Une forme génitale chez l'homme a été décrite avec le naproxène [23].
Traiter La prise en charge de l'EPF génital repose en premier lieu sur l'identification et l'éviction du médicament responsable. Une corticothérapie locale forte à très forte est indiquée à visée symptomatique [7]. Aucun traitement n'a fait la preuve de son intérêt pour l'amélioration des séquelles pigmentaires.
Surveiller Aucune surveillance particulière n'est recommandée.
L'érythème pigmenté fixe génital est une réaction à un médicament ingéré, plus rarement à un aliment ou à un médicament pris par la partenaire. Il nécessite l'éviction du médicament responsable.
Retenir ■
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Un EPF génital doit être évoqué devant toute lésion génitale érosive ou récidivante. Les médicaments le plus souvent incriminés sont les AINS, les antibiotiques et le paracétamol. Penser à rechercher une automédication (paracétamol).
Distinguer homme/femme ■
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L'EPF génital est plus fréquent chez l'homme que chez la femme. Les patch-tests in situ ne sont ni d'usage courant ni rapportés sur la vulve.
Syndrome de Stevens-Johnson et nécrolyse épidermique toxique Évoquer L'atteinte muqueuse au cours du syndrome de StevensJohnson (SJS) et de la nécrolyse épidermique toxique (NET) (ou syndrome de Lyell) est quasi constante au stade aigu et parfois responsable de séquelles tardives anatomiques et fonctionnelles. Si l'atteinte aiguë semble plus fréquente chez l'homme que chez la femme [24], les complications tardives sont plus fréquentes chez la femme [25]. La prévalence de l'atteinte vulvovaginale chez les patientes hospitalisées pour SJS/NET peut atteindre 70 % des cas [26]. Le décollement muqueux cicatrise habituellement en 7 à 56 jours mais 18 à 28 % [26,27] des patientes présenteront des séquelles vulvovaginales. Les séquelles, qu'elles soient vulvovaginales ou péniennes, peuvent se manifester à plus ou moins long terme. Elles concernaient 30 % des patients d'une cohorte de 57 cas de NET (19 hommes et 38 femmes) [29]. Les manifestations observées étaient des douleurs génitales en dehors des rapports sexuels (70 % des cas), une dyspareunie (82 %), une sécheresse génitale (59 %) et des cicatrices fibreuses (41 %) [30]. Il peut occasionnellement exister une dysurie chez l'homme comme chez la femme [29].
Reconnaître À la phase aiguë, l'atteinte muqueuse, qui précède souvent l'atteinte cutanée, est multifocale. En effet, parmi les
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Chapitre 12. Expression génitale des toxidermies
muqueuses nasopharyngées, oropharyngées, oculaires, génitales ou anales, deux sont concernées dans 80 % des cas. Les lésions associent un érythème, des bulles flaccides ou des érosions postbulleuses [30] (figures 12.5, 12.6 et 12.7). Plus tardivement, les complications vulvaires, secondaires aux érosions et aux ulcérations de la phase aiguë du décollement, sont représentées principalement par des modifications des reliefs anatomiques de la vulve, avec une fusion partielle ou complète des petites lèvres (figure 12.8), un encapuchonnement clitoridien et/ou une sténose
Figure 12.5. Érosions péniennes et scrotales à la phase aiguë d'une NET. Source : Service de dermatologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil.
Figure 12.6. Érosions vulvaires à la phase aiguë d'une NET. Source : Service de dermatologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil.
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de l'orifice vaginal. Une perte d'élasticité cutanéo-muqueuse ainsi qu'une hyperpigmentation post-inflammatoire peuvent être associées. Le vagin peut être le siège de synéchies partielles ou totales, parfois responsables d'un hématocolpos [29]. Chez l'homme, on peut observer des adhérences balanopréputiales (figure 12.9), un phimosis [31] et des séquelles pigmentaires à type d'hypopigmentation [32].
Figure 12.7. Érosions vulvaires à la phase aiguë d'un SJS. Source : Pr Marie-Sylvie Doutre, service de dermatologie, CHU de Bordeaux.
Figure 12.8. Séquelle d'une NET. Accolement partiel des petites lèvres à la face interne des grandes lèvres. Source : Service de dermatologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil.
Chapitre 12. Expression génitale des toxidermies
maladie du greffon contre l'hôte aiguë ou d'autres toxidermies comme l'érythème pigmenté fixe bulleux génital. L'atteinte muqueuse est possible mais plutôt monofocale dans le syndrome d'hypersensibilité médicamenteuse (drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms [DRESS]) et elle est rare dans la pustulose exanthématique aiguë généralisée (PEAG) alors qu'elle est fréquente et multifocale dans les SJS/NET [30]. Au stade des complications anatomiques, se pose le diagnostic différentiel avec les atteintes synéchiantes du lichen scléreux, mais surtout du lichen plan en cas d'atteinte vaginale.
Comprendre [31]
Figure 12.9 Adhérences balanopréputiales séquellaires d'une NET. Source : Service de dermatologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil.
Confirmer Au stade aigu, le diagnostic est porté sur l'aspect clinique des atteintes muqueuses et cutanées, la notion de prise médicamenteuse et les examens complémentaires (notamment l'examen histologique d'une biopsie cutanée de l'atteinte extra-génitale) destinés à éliminer les diagnostics différentiels. Au stade des complications, le diagnostic est clinique, étant donné le contexte et l'antécédent de SJS/NET.
Explorer Chez la femme, un examen gynécologique est indispensable. Il permettra de rechercher au stade chronique, une adénose vulvovaginale définie par la présence d'un épithélium métaplasique cervical ou glandulaire endométrial au sein de la vulve et surtout du vagin, décrite au cours du SJS/NET en dehors de toute exposition au diéthylstilbestrol [27,33]. Le potentiel dégénératif de l'adénose vaginale chez des patientes non exposées au diéthylstilbestrol n'est pas connu mais des atypies cellulaires, des carcinomes épidermoïdes, des adénocarcinomes mucineux ou à cellules claires du vagin ont été décrits [27]. Chez l'homme, un bilan urodynamique et une urétrocystoscopie seront réalisés en cas de survenue de dysurie au stade tardif.
Éliminer Au stade aigu, peuvent se discuter, en fonction du contexte et de l'étendue de l'atteinte cutanéo-muqueuse, une maladie bulleuse auto-immune, un érythème polymorphe, une
L'atteinte muqueuse au cours du SJS/NET est présente dans plus de 80 % des cas, avec au moins 2 sites atteints [30]. Cette atteinte est inaugurale dans un tiers des cas. Des douleurs et des sensations de brûlures précèdent l'apparition d'un érythème, d'un œdème et de bulles flasques extensives donnant lieu à des érosions douloureuses recouvertes d'une membrane grisâtre, pouvant se compliquer en cas d'atteinte génitale d'une rétention urinaire. L'atteinte ophtalmique est conjonctivale dans 80 % des cas mais elle est parfois plus sévère (ulcération cornéenne, uvéite antérieure, conjonctivite purulente) pouvant conduire à la cécité.
Traiter La prise en charge du SJS/NET, au sein d'une unité spécialisée, est une urgence vitale. Cette prise en charge comprend une surveillance quotidienne des muqueuses génitale, buccale et oculaire et l'application pluriquotidienne de vaseline afin de prévenir les synéchies [34]. Chez la femme, le traitement des lésions vulvovaginales, dont les objectifs sont de prévenir les accolements muqueux et la survenue d'une adénose vaginale, comporte l'application vulvaire et intravaginale de vaseline ou de dermocorticoïdes, l'utilisation régulière de tampons ou de dilatateurs vaginaux enduits de dermocorticoïdes ou de vaseline, la suppression des règles à la phase aiguë du SJS/NET [27,29,31,35]. Par la suite, une prise en charge multidisciplinaire pourra être proposée, à adapter selon les cas : chirurgicale pour les synéchies ou les sténoses [26,35], kinésithérapie, encouragements à la reprise d'une activité sexuelle et prise en charge des dysfonctions sexuelles. Chez l'homme, le traitement des synéchies fait appel aux dermocorticoïdes et/ou à la chirurgie (adhésiolyse, posthectomie) [35].
Surveiller Une surveillance clinique est nécessaire au décours de la phase aiguë, visant à détecter et traiter précocement les complications vulvovaginales et péniennes. Chez la femme, un sentiment d'appréhension des examens gynécologiques est fréquemment décrit et 3 % des patientes seulement bénéficient d'un suivi gynécologique après leur hospitalisation [29].
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Chapitre 13
Maladies des vaisseaux PLAN DU CHAPITRE Lymphangite sclérosante du pénis Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller Lymphœdème génital Évoquer Reconnaître
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Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller Lymphangiectasies Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer
Lymphangite sclérosante du pénis Évoquer La lymphangite sclérosante constitue un motif rare de consultation. Son incidence est difficile à évaluer puisqu'il est probable que de nombreux hommes atteints ne consultent pas du fait de son caractère asymptomatique et de sa régression spontanée. Elle survient le plus souvent chez l'homme âgé de 20 à 40 ans. Le plus souvent asymptomatique, elle peut toutefois être sensible ou douloureuse lors de l'érection.
Reconnaître
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Comprendre Traiter Surveiller Varices vulvaires Évoquer Reconnaître Confirmer Éliminer Explorer Comprendre Traiter Surveiller
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observe un vaisseau dilaté à paroi épaissie, entouré d'œdème et d'un infiltrat inflammatoire modéré. Il est obstrué par un thrombus comportant des lymphocytes et macrophages, en voie de reperméabilisation. Si besoin, un examen immunohistochimique pourra orienter vers la nature veineuse et non pas lymphatique du vaisseau lésé, en montrant un marquage des cellules endothéliales par le CD31 et le CD34 et une absence de marquage par l'anticorps D240 [1].
Éliminer La maladie de Mondor du pénis est le principal diagnostic différentiel de la lymphangite sclérosante (tableau 13.1). Par analogie avec la maladie de Mondor décrite initialement comme une thrombose veineuse superficielle survenant sur une veine
On observe une lésion d'installation aiguë, sous-cutanée, ferme à la palpation, linéaire, ou serpigineuse, mesurant 2 à 4 cm de longueur, partiellement circonférentielle, située sous le sillon balanopréputial et parallèle à celui-ci, le plus souvent sur la face dorsale du pénis, pouvant s'étendre vers la partie proximale du fourreau (figure 13.1). La lésion est mobile par rapport à la peau sus-jacente.
Confirmer Le diagnostic de lymphangite sclérosante est essentiellement clinique, après avoir éliminé par l'interrogatoire et l'examen clinique les diagnostics différentiels. En cas de doute, l'échographie Doppler du pénis est un examen suffisant, moins coûteux et plus facilement et rapidement disponible que l'imagerie par résonance magnétique (IRM) pénienne, permettant de montrer d'une part des images hypoéchogènes incompressibles en faveur du diagnostic (figure 13.2) et d'autre part d'éliminer une thrombose de la veine dorsale superficielle du pénis. La biopsie est rarement nécessaire pour établir le diagnostic de lymphangite sclérosante. En histologie standard, on Dermatologie génitale © 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Figure 13.1. Lymphangite sclérosante du pénis. Aspect clinique (flèche).
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Chapitre 13. Maladies des vaisseaux
Figure 13.3. Canal du raphé médian. Figure 13.2. Lymphangite sclérosante du pénis. Aspect échographique.
saine de la paroi thoracique antérolatérale et spontanément régressive, la maladie de Mondor du pénis correspond à une thrombophlébite de la veine dorsale superficielle du pénis [2]. Elle se traduit par une lésion linéaire et souvent douloureuse cheminant le long de la face dorsale du fourreau de la verge. L'échographie Doppler assure le diagnostic en montrant une structure hyperéchogène en regard de la veine dorsale superficielle du pénis, dilatée et incompressible. Elle permet également de vérifier ultérieurement la reperméation de la veine thrombosée. Différents facteurs étiologiques doivent être recherchés : activité sexuelle intense récente, traumatisme, infection (herpès génital), maladie de système (périartérite noueuse, maladie de Buerger), cancer (thrombophlébite migratrice paranéoplasique), injection de drogue dans la veine dorsale superficielle, compression veineuse par une tumeur ou un globe vésical, complication de chirurgie de hernie inguinale, extension d'une thrombose veineuse profonde du membre inférieur, hémopathies, thrombophilie (déficit en protéines C et S, en antithrombine III, etc.). D'autres diagnostics différentiels de la lymphangite sclérosante sont à évoquer, comme un œdème vénérien du pénis, un canal Tableau 13.1. Éléments distinctifs entre la lymphangite sclérosante et la maladie de Mondor du pénis. Lymphangite Maladie de Mondor sclérosante du pénis du pénis Vaisseaux atteints
Plexus veineux rétrocoronal
Veine superficielle dorsale du pénis
Localisation
Sillon balanopréputial
Face dorsale du fourreau
Orientation de la lésion
Circonférentielle
Longitudinale
Douleur
Rare
Fréquente
Bilan étiologique
Recherche d'IST
Bilan de thrombose
Traitement
Abstinence sexuelle
Aspirine ? AINS locaux ou per os ? HBPM ?
AINS : anti-inflammatoire non stéroïdien ; HBPM : héparine de bas poids moléculaire ; IST : infection sexuellement transmissible.
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Figure 13.4. Kyste épidermique rompu du fourreau du pénis.
du raphé médian (figure 13.3), un kyste épidermique rompu (figure 13.4), un corps étranger récréatif introduit volontairement sous le prépuce (nodule pénien artificiel ou « bouglous »), une maladie de La Peyronie (fibrose segmentaire de l'albuginée des corps caverneux pouvant se présenter initialement sous la forme d'un nodule douloureux) ou encore une localisation pénienne de granulome annulaire, de sarcoïdose ou de métastases.
Explorer Un bilan à la recherche d'une infection sexuellement transmissible associée doit être réalisé selon le contexte, comportant : sérologies VIH, VHC, VHB, Treponema pallidum et recherche de Chlamydia trachomatis et Neisseria gonorrhoeae par PCR sur premier jet d'urine.
Comprendre Il existe une confusion dans la littérature entre la lymphangite sclérosante et la maladie de Mondor du pénis (ou thrombose de la veine dorsale superficielle du pénis), ces deux entités étant distinctes pour certains auteurs ou
Chapitre 13. Maladies des vaisseaux
se chevauchant pour d'autres. Un autre point de discorde concerne la nature des vaisseaux impliqués, veineuse pour certains (auquel cas la dénomination de « lymphangite » serait erronée) ou lymphatique pour d'autres. La lymphangite sclérosante du pénis a été décrite pour la première fois en 1923 par Hoffmann [3]. Considérée dans sa description initiale comme secondaire à une infection sexuellement transmissible (IST), il est désormais admis qu'elle survient le plus souvent en dehors de tout épisode infectieux. Elle serait plutôt secondaire à une activité sexuelle intense (rapports sexuels prolongés ou fréquents), la lésion apparaissant 24 ou 48 heures plus tard. Un cas survenant après masturbation a été décrit [4]. La circoncision pourrait être un facteur favorisant [5]. Une association à une IST (syphilis, gonococcie, urétrite à Chlamydia trachomatis, herpès génital) a été prouvée dans un quart des cas publiés jusqu'en 2003 [6]. Les publications de cas rapportant l'association d'une lymphangite sclérosante à une IST se poursuivant, il est licite de rechercher une IST associée chez tout patient consultant pour cette affection. L'origine veineuse ou lymphatique de la lésion a été largement débattue. Certains auteurs ont plaidé pour l'origine lymphatique, sur la base des aspects clinique (lésion translucide rappelant l'aspect des malformations lymphatiques kystiques du pénis) et histologique en microscopie optique ou électronique, un traumatisme mécanique entraînant l'obstruction d'un vaisseau lymphatique [7-9]. D'autres concluent à l'origine veineuse thrombotique de la lésion, hypothèse qui prévaut actuellement. Les arguments en faveur de l'origine veineuse sont : ■ l'absence de vaisseau lymphatique de taille importante à proximité du sillon balanopréputial ; ■ l'existence d'un plexus veineux rétrocoronal circonférentiel se drainant dans la veine dorsale profonde du pénis ; ■ une atteinte prédominant sur les veinules et parfois les artérioles avec marquage des vaisseaux atteints par le CD31 et CD34 dans 11 cas faussement étiquetés « maladie de Mondor » mais dont la description clinique évoque d'avantage une lymphangite sclérosante du pénis [10,11].
Traiter La régression spontanée de la lésion se fait habituellement en 1 à 2 mois. Aussi convient-il d'en informer le patient et de le rassurer, en insistant sur l'absence de complication à long terme. L'abstinence semblerait accélérer la guérison. Certains auteurs suggèrent la prescription d'anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) [12]. L'exérèse chirurgicale d'une lésion non spontanément résolutive peut être proposée. Si une IST est détectée, celle-ci est évidemment traitée bien que ce traitement spécifique ne semble pas accélérer la régression spontanée de la lymphangite sclérosante.
Surveiller Après guérison complète et s'agissant d'une affection bénigne, aucune surveillance n'est indiquée. Le patient doit cependant être informé du risque de récidive.
Dire ■
■
La lymphangite sclérosante n'est pas sexuellement transmissible. Elle guérit le plus souvent spontanément.
Retenir ■
■ ■
Malgré sa dénomination historique, la lymphangite sclérosante est actuellement considérée comme une thrombose du plexus veineux sous-coronal. Elle diffère de la maladie de Mondor du pénis qui est une thrombose de la veine dorsale du pénis. Le diagnostic est clinique. Le patient doit être rassuré et informé de la guérison spontanée.
Lymphœdème génital Les lymphœdèmes (LO) sont la conséquence d'un dysfonctionnement du système lymphatique, responsable d'une stase de la lymphe, d'une augmentation de volume de l'ensemble ou d'une partie du segment anatomique concerné, puis de modifications tissulaires spécifiques à type d'épaississement cutané [13]. On distingue : ■ les LO primaires, définis par l'existence d'une anomalie ou malformation du système lymphatique, sans notion d'intervention sur ce système, en particulier sur les aires ganglionnaires. Les LO primaires peuvent être isolés ou associés à un syndrome malformatif plus complexe (LO syndromique) [13] ; ■ les LO secondaires sont liés à un dysfonctionnement acquis de vaisseaux lymphatiques normaux par compression, obstruction ou destruction [13]. Comme ceux des membres qui sont les plus fréquents, les LO génitaux peuvent être primaires ou secondaires à des causes infectieuses, inflammatoires, néoplasiques ou traumatiques [13]. La filariose est la première cause de LO des membres inférieurs et génital dans le monde, et parfois de sa forme majeure, l'éléphantiasis (l'éléphantiasis génital de la femme étant encore dénommé esthiomène). En Europe, les LO pénoscrotaux secondaires prédominent dans les séries issues de services de dermatologie [14] alors que les services de lymphologie prennent en charge à la fois les LO primitifs et des LO secondaires [15]. Le lymphœdème vulvaire quant à lui ne fait l'objet que d'un faible nombre de publications, principalement dans sa forme secondaire et sous des dénominations variées telles que localized lymphedema of the vulva, vulvar lymphoedematous pseudotumor [16], massive localized lymphedema of the vulva [17], genital elephantiasis [18], ou encore localized lymphedema (elephantiasis) [19].
Évoquer Le LO pénoscrotal est un motif de consultation rare en pathologie génitale. Ainsi, seuls 41 cas ont été répertoriés en 5 ans au sein de 2 consultations britanniques dédiées à la pathologie génitale masculine [14].
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Chapitre 13. Maladies des vaisseaux
Même si sa fréquence n'est pas connue, le LO vulvaire est probablement rare, environ 30 cas de LO vulvaires ayant été publiés dans la littérature [16,17,20]. Précisons qu'il ne s'agit quasi exclusivement que de formes évoluées. Le LO pénoscrotal est le plus souvent asymptomatique. Peuvent être décrits un suintement (lymphorrhée), une sensation de pesanteur, une douleur due à la distension tissulaire ou à une surinfection, des complications fonctionnelles (troubles mictionnels et notamment miction en 2 temps en cas de LO du prépuce ; difficultés lors des rapports sexuels) et une gêne esthétique, à l'origine d'un retentissement important sur la qualité de vie. Chez la femme, les cas de LO vulvaires rapportés dans la littérature concernent des patientes âgées de 40 ans en moyenne [16,20]. Si le LO vulvaire est probablement asymptomatique initialement, une sensation de gonflement vulvaire, aggravé par la station debout et la marche, ou surtout la perception d'une masse vulvaire, responsable selon son volume d'une gêne fonctionnelle ainsi qu'esthétique dans la vie quotidienne, sont les symptômes les plus fréquents [16,17,20], les lésions évoluant depuis quelques mois (2 à 3 mois) à plusieurs années (6 à 36 ans) [16,20].
Reconnaître Chez l'homme Le LO pénoscrotal se traduit par une augmentation persistante du volume du pénis et/ou du scrotum et un épaississement cutané en regard. Il affecte le pénis et/ou le scrotum, avec parfois une extension au pubis, aux cuisses et à l'abdomen. Le pénis déformé par le LO est dénommé « pénis saxophone (figure 13.5). Pour certains auteurs, la face interne du prépuce serait souvent préservée du fait d'un drainage lymphatique dans le système pudendal et non inguinal [21]. Sur le scrotum, le LO prédomine sur la zone médiane, épargnant habituellement les parties latérales du scrotum. On parle d'éléphantiasis en cas de LO massif du scrotum. Dans une série française de 33 cas de LO pénoscrotal, l'atteinte
Figure 13.5. Lymphœdème du pénis. Pénis saxophone.
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était mixte chez 31 patients alors qu'une atteinte isolée du pénis ou du scrotum était observée chacune dans 1 cas ; une extension au pubis était notée dans 60 % des cas [15]. Le LO pénoscrotal peut être isolé ou associé à un LO des membres inférieurs, plutôt en cas de LO secondaire, classiquement à début proximal et à évolution descendante, que dans les LO primaires à début distal. Le LO pénoscrotal peut alors précéder, être concomitant ou succéder au LO des membres inférieurs. La peau pénoscrotale est souple ou tendue et non plissable en cas de LO. En surface, des lymphangiectasies sont possibles (figure 13.6), responsables d'une lymphorrhée. Rarement ces lymphangiectasies peuvent avoir un aspect verruqueux (elephantiasis verrucosa nostra) [20].
Chez la femme Le LO vulvaire est responsable d'une augmentation de volume de la vulve intéressant les grandes et les petites lèvres (figure 13.7), symétriquement ou non, et/ou le pubis, et de modifications cutanées associant de façon variable des plaques indurées dont la surface peut être papillomateuse ou verruqueuse, des lésions nodulaires polypoïdes (figure 13.8) ou des masses volumineuses pubiennes ou sus-pubiennes, appendues à l'abdomen et dont la surface peut être ulcérée [16,17,20,22]. Le volume des lésions est très variable, allant de lésions polypoïdes ou de plaques papillomateuses de petite taille, passant inaperçues à de vastes masses ou polypes masquant et « défigurant » complètement la vulve [16]. Des lymphangiectasies (figure 13.9), d'aspect pseudo-vésiculeux, sont parfois associées [16], pouvant constituer pour certains les toutes premières lésions du LO, devenant progressivement nodulaires et « fibreuses » [23].
Chez l'homme et la femme L'érysipèle, volontiers récidivant, est la complication la plus fréquente du LO pénoscrotal [24]. Il doit être suspecté
Figure 13.6. Lymphœdème et lymphangiectasies du pénis secondaires à une radiothérapie pelvienne pour cancer de la prostate.
Chapitre 13. Maladies des vaisseaux
Figure 13.7. Lymphœdème vulvaire asymétrique touchant la grande et la petite lèvre gauches. Source : Dr Isabelle Costa-Delmeule, Talence.
Figure 13.9. Lymphœdème vulvaire et lymphangiectasies secondaires à une radiothérapie pelvienne. Source : Dr Marie-Hélène Jégou-Penouil, Blanquefort.
les antécédents médicaux d'infection urogénitale, de maladie de Crohn, d'hidradénite suppurée. L'examen clinique recherchera : ■ une hydrocèle testiculaire associée chez l'homme ; ■ des éléments orientant le diagnostic étiologique du LO : adénopathies inguinales, lésions cutanées, symptômes digestifs ou respiratoires pouvant orienter vers une sarcoïdose, une maladie de Crohn, une hidradénite suppurée, une tuberculose ; ■ l'indice de masse corporelle sera estimé, la surcharge pondérale et l'obésité étant des facteurs possiblement associés au LO génital [16,19,20]. ■
Confirmer Figure 13.8. Lymphœdème vulvaire. Lésions papulonodulaires polypoïdes. Source : Dr Isabelle Buffière, Avignon.
devant la majoration brutale du LO, l'apparition de signes inflammatoires locaux (érythème), d'adénopathies inguinales et de signes généraux (fièvre). L'existence d'une porte d'entrée est inconstante. L'érysipèle qui complique un LO est responsable d'une aggravation secondaire du LO par majoration de la fibrose tissulaire. Cette complication est aussi décrite chez la femme [20,22]. L'interrogatoire et l'examen clinique chercheront à préciser le caractère primaire ou secondaire du LO génital et, dans cette dernière éventualité : ■ le délai de survenue par rapport à la maladie causale, si elle est connue ; ■ la notion de voyage en zone d'endémie filarienne ; ■ les antécédents chirurgicaux (cancer pelvien), de curage ganglionnaire et/ou de radiothérapie ainsi que les antécédents obstétricaux chez la femme (épisiotomie, déchirure) ;
Le diagnostic de LO génital est clinique. Une biopsie sera toutefois effectuée en cas de LO infiltré ou d'élément nodulaire polypoïde. L'examen histologique met en évidence un épiderme hyperplasique, un œdème et une fibrose du derme ainsi que des vaisseaux lymphatiques dilatés, associés à un infiltrat inflammatoire et à une prolifération vasculaire à des degrés variables posant parfois des difficultés de diagnostic différentiel avec un liposarcome bien différencié, une tumeur lipomateuse ou vasculaire atypique [20]. La biopsie cutanée peut cependant être compliquée d'un retard de cicatrisation sur peau lymphœdémateuse et constituer une porte d'entrée pour un érysipèle.
Éliminer Le LO sera différencié d'un œdème aigu, récidivant ou chronique, dont la cause peut être générale ou locale. ■ Ainsi, la localisation génitale d'un œdème par augmentation de la pression hydrostatique ou baisse de la pression oncotique comprend des causes générales multiples (cardiaque, rénale ou hépatique, œdème génital iatrogène
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Chapitre 13. Maladies des vaisseaux
en réanimation, œdème génital après dialyse péritonéale, œdème vulvaire au cours de la grossesse) et sera éliminée par les antécédents, l'examen clinique et des examens complémentaires : albuminémie, créatinine, bilan hépatique, taux de prothrombine, facteur V, protéinurie et échographie Doppler cardiaque. ■ De nombreuses causes locales d'œdème du pénis et/ ou du scrotum doivent être envisagées, notamment en cas d'œdème aigu [25,26]. Citons le paraphimosis (figure 13.10), le priapisme, l'œdème vénérien du pénis, la lymphangite sclérosante (figure 13.11), l'étranglement du pénis accidentel (par une mèche de cheveux chez l'enfant ou syndrome du tourniquet) ou volontaire pour l'œdème du pénis ; la torsion de cordon spermatique, l'orchiépi-
Figure 13.10. Paraphimosis.
didymite, la hernie inguinale étranglée, le signe du scrotum bleu (ou signe de Bryant, au cours d'une pancréatite aiguë), la lipomatose du scrotum, l'œdème aigu scrotal idiopathique de l'enfant (œdème et érythème scrotal le plus souvent unilatéral, sans altération de l'état général, de résolution spontanée en quelques jours) et l'œdème scrotal au cours du purpura rhumatoïde, de la maladie de Kawasaki et de la fièvre méditerranéenne familiale (maladie périodique) pour l'œdème du scrotum. Enfin, un œdème localisé du pénis et/ou du scrotum peut s'observer en cas de traumatisme pénoscrotal ou d'eczéma de contact aigu [27], à différencier d'une urticaire profonde (allergie au latex des préservatifs) ou d'un angiœdème du pénis. ■ Les causes principales d'œdème vulvaire aigu sont infectieuses (primoinfection herpétique, vulvite streptococcique, ulcère de Lipschütz, bartholinite aiguë, candidose aiguë) ou inflammatoire (eczéma de contact aigu). Un œdème vulvaire récidivant, déclenché par les rapports, fera évoquer en premier lieu une vulvo-vaginite candidosique récidivante, rarement une urticaire inductible (dermographisme) [28,29] ou une allergie aux protéines séminales (hypersensibilité de type 1) et exceptionnellement une mastocytose cutanée ou systémique [30]. Selon l'aspect du LO, chez l'homme comme chez la femme, on éliminera des condylomes ou une tumeur de BuschkeLöwenstein devant des lésions pseudo-verruqueuses, des lésions polypoïdes spécifiques d'une maladie de Crohn, un carcinome épidermoïde compliquant une hidradénite suppurée et une tumeur des tissus mous. Enfin, les lymphangiectasies compliquant un LO doivent être distinguées du lymphangiome circonscrit génital : il s'agit de la forme cutanée superficielle d'une malformation lymphatique microkystique, se traduisant par des pseudo-vésicules séreuses ou hématiques. Si l'histologie ne permet pas de distinguer lymphangiectasies et lymphangiome circonscrit, celui-ci sera évoqué devant son caractère congénital et l'absence de LO.
Explorer
Figure 13.11. Lymphangite sclérosante du pénis.
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L'exploration lymphatique des LO génitaux est rarement réalisée. Elle est réservée aux LO primaires [13,31], qui sont souvent associés à un LO des membres inférieurs, parmi lesquels : ■ la maladie de Milroy, présente dès la petite enfance (mutation du gène du VEGFR3) [32] ; ■ la maladie de Meige (ou LO precox) apparaissant à l'adolescence ; ■ un LO syndromique, où le LO est associé à d'autres malformations, comme dans le syndrome d'Hennekam [33] ; ■ un LO primaire peut également apparaître de façon tardive à l'âge adulte. Ces explorations peuvent comporter : ■ la lymphoscintigraphie des membres inférieurs visualise les voies lymphatiques des membres inférieurs ainsi que la fixation ganglionnaire inguinale et/ou rétrocrurale du
Chapitre 13. Maladies des vaisseaux
t raceur radioactif et recherche un éventuel reflux du traceur dans le pénis, le scrotum ou la vulve. Elle a peu d'intérêt pour les LO secondaires et peut même être normale en cas de LO primaire génital isolé sans LO des membres inférieurs associé ; ■ la lymphographie au vert d'indocyanine pourrait être plus sensible que la lymphoscintigraphie au technétium 99 pour l'exploration des LO génitaux [34] ; ■ la technique de lymphographie par résonance magnétique serait efficace pour déterminer les anomalies lymphatiques, orienter le traitement et évaluer l'efficacité de celui-ci [35]. Le plus souvent, le LO génital est secondaire, les causes pouvant être multiples : ■ néoplasies : compression lymphatique pelvienne par un cancer primitif pelvien ou une métastase ganglionnaire inguinale, à une métastase pénienne (d'un cancer de la prostate ou de la vessie, voire du rein, du testicule ou du rectum) ou, enfin, à une lymphangite carcinomateuse. Un LO pénoscrotal ou vulvaire peut compliquer une radiothérapie pelvienne ou une chirurgie carcinologique abdominopelvienne, anogénitale ou inguinale, en particulier un curage ganglionnaire ; ■ infections : ● l'érysipèle streptococcique peut être un facteur déclenchant de LO pénoscrotal, qu'il s'agisse d'un érysipèle pénoscrotal (figure 13.12) ou le plus souvent d'un érysipèle des membres inférieurs [15]. Dans la série britannique de Shim et al. [14], un tiers des patients avec LO pénoscrotal avaient une sérologie streptococcique positive, ● filariose lymphatique à Wuchereria bancrofti, Brugia malayi et Brugia timori, ● lymphogranulomatose vénérienne [36], ● donovanose, ● tuberculose [18], ● herpès génital récurrent [14], ● maladie de Kaposi [37] ;
Figure 13.12. Lymphœdème du pénis séquellaire d'un érysipèle pénoscrotal.
maladies inflammatoires : ● maladie de Crohn : chez l'homme, dans la série de Shim [14], le LO pénoscrotal était lié à une maladie de Crohn dans un tiers des cas. Le LO peut survenir au cours d'une maladie de Crohn occulte et la faire découvrir ou survenir au cours d'une maladie de Crohn connue, quiescente ou en activité [38]. Chez la femme, un œdème vulvaire est fréquent au cours de la maladie de Crohn [39], qualifié parfois de « lymphœdème vulvaire chronique » [40] alors qu'il s'agit en fait à l'histologie de lésions granulomateuses spécifiques sans que ne soit précisée la présence de dilatations lymphatiques. Certaines lésions hypertrophiques, en revanche, se caractérisent sur le plan histologique par des vaisseaux lymphatiques dilatés, associés à un certain degré de fibrose et d'inflammation et donc un aspect proche du LO [39], ● hidradénite suppurée : une localisation génitale d'hidradénite suppurée peut parfois se compliquer d'un LO pénoscrotal, vulvaire (atteinte d'1 ou des 2 grandes lèvres) ou sus-pubien [30,41–43], ● granulomatose anogénitale : elle correspond à une lymphangite granulomateuse et associe un LO pénoscrotal avec en histologie des granulomes sans nécrose caséeuse parfois intra-lymphatiques. Elle peut être idiopathique ou être liée à une sarcoïdose, une maladie de Behçet, une vascularite granulomatose avec polyangéite, une tuberculose, une syphilis et surtout à la maladie de Crohn (figures 13.13 et 13.14). Ainsi, dans une série de 25 hommes avec granulomatose anogénitale, celle-ci révélait une maladie de Crohn dans 40 % des cas [44] ; ■ surcharge pondérale : l'obésité est un facteur très fréquemment associé au LO vulvaire et occasionnellement au LO pénoscrotal [20,45]. L'excès de tissu adipeux pourrait mécaniquement obstruer les vaisseaux lymphatiques et donc altérer le drainage lymphatique. Chez certaines ■
Figure 13.13. Lymphœdème du pénis secondaire à une maladie de Crohn.
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Chapitre 13. Maladies des vaisseaux
anticorps antistreptolysine O (ASLO), sérologies HSV1 et 2, syphilis et Chlamydia trachomatis, ● enzyme de conversion de l'angiotensine, ● calprotectine fécale, ● chez l'homme, antigène prostatique spécifique (PSA) total et libre dans le cadre d'un dépistage du cancer de la prostate, ● chez la femme, dosage du CA 125 pouvant orienter vers un cancer de l'ovaire ; ■ une radiographie thoracique à la recherche d'arguments pour une sarcoïdose ; ■ une fibroscopie œso-gastro-duodénale/coloscopie à la recherche d'une maladie de Crohn ; ■ une biopsie cutanée, en présence d'un LO infiltré ou d'un élément nodulaire polypoïde, afin d'éliminer : ● une maladie de Crohn, ● un carcinome épidermoïde compliquant une hidradénite suppurée [52], ● une prolifération tumorale bénigne ou maligne des tissus mous : un polype fibroépithélial, un angiomyxome agressif, un angiomyofibroblastome ou un angiofibrome cellulaire [20]. Un bilan étiologique initial négatif pourra être répété. ● ●
Figure 13.14. Lymphœdème du pénis et du scrotum secondaire à une maladie de Crohn et à une maladie de Verneuil.
patientes, le LO vulvaire est d'origine multifactorielle : obésité, maladie de Crohn ou hidradénite suppurée, interventions chirurgicales multiples, impotence fonctionnelle [16]. Un LO pénoscrotal a été décrit au cours d'une perte de poids importante [46] ; ■ vulve de la cycliste (bicyclist's vulva) : un œdème vulvaire asymétrique, touchant une grande lèvre, a été décrit chez des cyclistes à la pratique intensive, assimilé à un LO par certains auteurs [47,48]. Sur le plan histologique, un œdème et une fibrose du derme associés à des dilatations lymphatiques sont mis en évidence [48]. Une origine biomécanique est suggérée : l'œdème pourrait résulter à la fois du frottement sur la selle (folliculites très fréquentes, perte des poils) et d'une compression des vaisseaux lymphatiques liée à la position courbée sur la bicyclette [47,48]. Un lymphœdème latent préexistant pourrait aussi être révélé par cette pratique sportive intensive. Des anomalies à la lymphoscintigraphie, homolatérales à l'œdème vulvaire peuvent être mises en évidence [47-49] ; ■ enfin, des LO pénoscrotaux ont été rapportés en lien avec des masturbations compulsives [50], les pontages aortobifémoraux et les pénoplasties d'allongement du pénis par section du ligament suspenseur, voire comme complication d'une posthectomie [51]. Le bilan étiologique, adapté à chaque patient, pourra comprendre : ■ une IRM abdominopelvienne (ou un scanner abdominopelvien). Chez l'homme, ces examens radiologiques pourront être complétés par : ● une IRM du pénis ou une échographie Doppler pénien afin d'évaluer l'importance du LO pénien et d'éliminer une anomalie veineuse en cas de LO pénien isolé (sténose veineuse postradique, thrombose veineuse), ● une IRM du scrotum ou une échographie afin d'évaluer l'importance du LO scrotal, rechercher une hydrocèle sous-jacente et éliminer une tumeur testiculaire ; ■ un bilan biologique : ● hémogramme, créatininémie, enzymes hépatiques, VS, CRP, ● sérologie de la filariose et microfilarémie si notion de voyage en zone d'endémie filarienne,
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Comprendre Les LO génitaux sont liés à un dysfonctionnement du système lymphatique à l'origine d'une stase de la lymphe responsable d'une augmentation de volume de la vulve, du pénis et/ou du scrotum [13]. Le dysfonctionnement lymphatique peut être primaire, lié à une anomalie du développement du système lymphatique ou secondaire à des lésions des voies lymphatiques. ■ Le système lymphatique comprend les capillaires lymphatiques, les précollecteurs, les collecteurs afférents, les ganglions lymphatiques inguinaux, les collecteurs efférents et enfin le canal thoracique qui s'abouche dans la veine sous-clavière gauche. ■ La peau scrotale et pénienne est drainée par les ganglions lymphatiques inguinaux alors que les structures plus profondes sont drainées par les ganglions iliaques internes. ■ Le drainage lymphatique vulvaire se fait à la fois vers les ganglions inguinaux superficiels (grandes lèvres, peau) et profonds (gland clitoridien, petites lèvres) puis vers les ganglions iliaques ou directement vers les ganglions iliaques internes pour les structures plus profondes [31]. ■ Au cours du LO, la stase lymphatique initiale s'accompagne de modifications tissulaires liées à l'activation des fibroblastes (production de collagène), des kératinocytes et des adipocytes et à la destruction des fibres élastiques, se traduisant par un épaississement et une fibrose cutanée. Cette composante tissulaire développée aux dépens de la composante liquidienne est à l'origine de la chronicité du LO.
Traiter Le traitement du LO génital est difficile et non codifié. Un traitement précoce pourrait être plus efficace et limiter la chronicité. Si les diurétiques sont proscrits et les v einotoniques
Chapitre 13. Maladies des vaisseaux
sans intérêt, une corticothérapie générale a pu être proposée à la phase précoce d'installation du LO dans le but de diminuer les altérations lymphatiques et le passage à la chronicité [53]. En l'absence d'évaluation complémentaire, la corticothérapie générale n'est cependant pas recommandée. En cas de LO génital secondaire, le traitement de la cause est nécessaire mais ne permet pas toujours l'amélioration du LO. Le traitement conservateur du LO des membres en deux phases, reposant sur la kinésithérapie décongestive pour réduire le volume du LO dans un premier temps puis maintenir la réduction du volume dans un second temps, est peu adapté au LO génital. Les bandages peu élastiques sont efficaces sur le LO du pénis mais souvent mal acceptés par les patients [54], de même que la contention élastique par slip herniaire. En cas de LO du pubis, le drainage lymphatique manuel a une efficacité modérée. Un panty compressif (pression de 20 à 25 mmHg) est utile si le LO est pubien, sus-pubien ou touche aussi les fesses et la partie proximale des membres inférieurs. Si un LO des membres inférieurs est associé au LO génital, un drainage lymphatique manuel et une compression des membres inférieurs sont indiqués. L'intérêt de la surélévation du pénis et du port de vêtements amples n'est pas démontré. Le traitement chirurgical comprend la résection de la zone cutanée et sous-cutanée lymphœdémateuse et/ou la correction des anomalies lymphatiques [21,31]. Il est proposé en cas de LO symptomatique (signes fonctionnels) ou sujet à des complications infectieuses, une fois la diminution du volume du LO obtenue par les mesures non chirurgicales précitées. Chez la femme, l'exérèse chirurgicale représente la seule possibilité curative en cas de LO pubien ou sus-pubien à type de « masse » [22,31,43] ou de lésions pédiculées polypoïdes des grandes lèvres [16]. Concernant ces formes tardives, ces exérèses suivies d'une suture directe ou d'une greffe ont un taux de complications postopératoires nettement inférieur à celles nécessitant une reconstruction par lambeau [31]. Les plaques papillomateuses peuvent être excisées ou traitées par laser CO2. Chez l'homme, pour le LO du scrotum, l'exérèse chirurgicale comporte l'exérèse du tissu lymphœdémateux (scrotectomie partielle ou totale) suivie d'une fermeture de la perte de substance par plastie en Z, associée au traitement de l'hydrocèle testiculaire le cas échéant. La scrotectomie partielle serait plus à risque de récidive de LO que la scrotectomie totale. Pour le LO du pénis, s'envisagent une posthectomie et/ou une excision cutanée suivie d'une plastie ou d'une greffe. En cas de LO pénoscrotal, la scrotectomie totale peut parfois conduire à la disparition du LO pénien [21] et doit donc être pratiquée en premier lieu. La chirurgie du scrotum et la posthectomie sont plus satisfaisantes pour les patients que la plastie du pénis qui se complique souvent de cicatrices rétractiles. La prise en charge des lymphangiectasies repose sur leur exérèse chirurgicale ou leur destruction par vaporisation au laser CO2 ou Nd:YAG, cryothérapie, électrocoagulation [55]. Les techniques de réparation du système lymphatique (greffe de canaux lymphatiques, transferts ganglionnaires autologues, anastomoses lymphaticoveineuses) sont difficiles à mettre en œuvre et restent à évaluer pour les LO génitaux [31,56,57].
La prévention d'une surinfection du LO est capitale car l'érysipèle constitue un facteur déclenchant du LO, mais aussi de chronicité et d'exacerbation. La prévention de l'érysipèle repose sur la prise en charge d'une éventuelle porte d'entrée (intertrigo interorteils) et sur une antibiothérapie préventive prolongée voire définitive, par pénicilline V orale (1 à 2 millions d'UI/j selon le poids en 2 prises quotidiennes) ou benzathine pénicilline par voie intramusculaire (2,4 millions d'UI toutes les 2 à 4 semaines) ou en cas d'allergie aux pénicillines, par azithromycine 250 mg/j (hors autorisation de mise sur le marché [AMM]) [58].
Surveiller Un suivi clinique régulier est indispensable du fait de la chronicité du LO pénoscrotal ou vulvaire et de son retentissement important sur la qualité de vie, de l'efficacité souvent incomplète ou temporaire du traitement médicochirurgical et du risque de complications infectieuses (érysipèle). La survenue d'un lymphangiosarcome sur un LO pénoscrotal ou vulvaire (syndrome de Stewart-Treves) n'a jamais été rapportée.
Dire ■
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Le lymphœdème génital peut avoir de multiples causes qu'il faut rechercher. L'objectif du traitement médical est de l'améliorer partiellement et d'éviter les complications comme l'infection. Un traitement chirurgical est possible dans certains cas, mais à risque de récidive.
Retenir ■
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Le lymphœdème génital peut être secondaire, justifiant un bilan étiologique complet. Le traitement est difficile et non codifié, médical et parfois chirurgical. L'érysipèle pénoscrotal est la complication la plus fréquente du lymphœdème et peut justifier une antibioprophylaxie.
Distinguer homme/femme ■
Le lymphœdème pénoscrotal est plus fréquent que le lymphœdème vulvaire.
Lymphangiectasies Évoquer Il faut distinguer : ■ les lymphangiectasies génitales (dénommées aussi dans la littérature « lymphangiome circonscrit superficiel acquis ») qui sont acquises et qui correspondent à des dilatations
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Chapitre 13. Maladies des vaisseaux
des vaisseaux lymphatiques secondaires à une obstruction des voies lymphatiques d'origine mécanique ou inflammatoire chronique ; ■ du lymphangiome circonscrit superficiel congénital, véritable malformation lymphatique, constituée de vaisseaux anormaux et de dilatations kystiques, et qui correspond à une malformation lymphatique kystique superficielle (c'est-à-dire touchant la peau, les muqueuses et/ou les tissus adjacents) microkystique, dont les lésions apparaissent dès la petite enfance ou plus tardivement et dont la localisation génitale est possible [59]. L'âge moyen des patientes atteintes de lymphangiectasies vulvaires est de 50 ans et ces patientes ont un terrain et des antécédents particuliers, quasi constamment de lymphœdème uni- ou bilatéral du membre inférieur, fréquemment d'érysipèle de jambe ou parfois génital, et aussi de cancer le plus souvent pelvien, connu et traité, de maladie de Crohn, d'hidradénite suppurée ou de tuberculose [60,61]. Chez la femme comme chez l'homme, les signes fonctionnels des lymphangiectasies associent de façon variable prurit, sensation d'inconfort, suintement (lymphorrhée) spontané ou déclenché par le frottement (marche, sport), associés à une gêne esthétique ainsi qu'à un retentissement psychosexuel [61].
Figure 13.15. Aspect pseudo-vésiculeux de lymphangiectasies acquises vulvaires postradiothérapie. Source : Dr Marie-Hélène Jégou-Penouil, Blanquefort.
Reconnaître Les lésions siègent sur le pubis, les grandes lèvres (figure 13.15), le scrotum ou le fourreau du pénis (figure 13.16), plus rarement sur le gland et le sillon balanopréputial. Elles peuvent prendre un aspect pseudo-vésiculeux (vésicules claires ou hématiques), papillomateux, pseudo-verruqueux, papuleux ou papulonodulaire. Un lymphœdème génital est fréquemment observé, souvent associé à un lymphœdème uni- ou bilatéral des membres inférieurs.
Confirmer Le diagnostic est clinique devant un aspect papuleux, papillomateux ou pseudo-vésiculeux typique survenant sur un lymphœdème génital. En cas de doute, la confirmation du diagnostic est histologique, cet examen montrant des cavités, optiquement vides ou contenant parfois des hématies, siégeant dans le derme superficiel et moyen et limitées par des cellules endothéliales CD31 + et D2-40 + en immunohistochimie [62]. L'examen histopathologique ne permet pas de distinguer les lymphangiectasies d'un lymphangiome congénital.
Éliminer L'aspect papillomateux, pseudo-verruqueux ou papuleux peut faire évoquer des condylomes ou des molluscum contagiosum. Une infection herpétique sera écartée du fait du caractère chronique des pseudo-vésicules de lymphangiectasies. L'aspect clinique et histologique du lymphangiome circonscrit congénital et des lymphangiectasies géni-
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Figure 13.16. Lymphangiectasies du pénis secondaires à une posthectomie.
tales est le même. Ce sont l'âge et les antécédents des patient(e)s qui font la différence. Ainsi, le lymphangiome circonscrit superficiel congénital vulvaire apparaît en moyenne à l'âge de 12 ans, se différenciant des lymphangiectasies acquises qui apparaissent en moyenne à l'âge de 52 ans [61].
Explorer Les lymphangiectasies génitales se développent habituellement chez des patient(e)s dont les antécédents, néoplasiques ou inflammatoires, sont connus. Chang et al., dans leur série de 11 cas, rapportent cependant l'observation d'une patiente chez qui l'adénocarcinome rectal n'était pas connu [60]. Une imagerie pelvienne est donc indiquée chez les patient(e)s présentant des lymphangiectasies génitales sans cause évidente.
Chapitre 13. Maladies des vaisseaux
Comprendre En l'absence de lymphœdème congénital sous-jacent, les lymphangiectasies génitales apparaissent chez des patient(e) s ayant, sauf exception, un blocage lymphatique dont les principales causes sont [62] : ■ dans la majorité des cas, une néoplasie associée, localisée primitivement dans le pelvis ou avec envahissement métastatique pelvien ou traitée chirurgicalement et/ou par radiothérapie (cancer du col de l'utérus, de l'endomètre, cancer du sein, cancer de la prostate, maladie de Hodgkin, rhabdomyosarcome, mélanome) ; ■ une maladie de Crohn ou plus rarement une hidradénite suppurée [63,64] ; ■ une infection : tuberculose génitale ou ganglionnaire, antécédent d'érysipèle, filariose lymphatique.
Traiter Différentes modalités thérapeutiques sont proposées, parfois associées : chirurgie [65], électrocoagulation [66], laser CO2 ou laser YAG.
Figure 13.17. Varice vulvaire unilatérale.
Surveiller Un suivi est nécessaire du fait de la récidive très fréquente des lésions.
Varices vulvaires Évoquer Les varices vulvaires, dont la fréquence n'est pas connue dans la population générale, concernent principalement les femmes enceintes ; elles sont présentes chez environ 10 % d'entre elles [67]. Favorisées par la multiparité, elles apparaissent habituellement au 2e trimestre de la grossesse et sont plus fréquentes chez les patientes présentant des varices des membres inférieurs [67]. Elles se développent rarement en dehors de la grossesse. Les varices vulvaires peuvent être asymptomatiques ou responsables d'une sensation d'inconfort ou de pesanteur, d'un prurit, d'une gêne pour les rapports sexuels [67,68]. Une sensation de lourdeur des membres inférieurs ou des douleurs pelviennes modérées peuvent être présentes en cas de varices des membres inférieurs ou de syndrome de congestion pelvienne associé [69].
Reconnaître Les varices vulvaires se présentent typiquement sous la forme de cordons veineux sinueux (figures 13.17 et 13.18) ou de masses polylobées de couleur bleutée ou violacée, molles et dépressibles, siégeant le plus souvent unilatéralement sur une grande lèvre, plus visibles en position debout [67,68]. Les varices vulvaires des petites lèvres ou du clitoris sont plus rares. Un aspect pseudo-tumoral est possible [70]. L'examen clinique recherchera des varices des membres inférieurs, de la face interne des cuisses, des plis inguinaux.
Figure 13.18. Varices vulvaires bilatérales.
Confirmer Le diagnostic de varices vulvaires est clinique, devant des lésions typiques chez une femme enceinte. En cas de douleur et d'apparition d'un œdème inflammatoire, une échographie Doppler veineuse sera réalisée pour éliminer une thrombose veineuse superficielle ou profonde.
Éliminer Les diagnostics différentiels des varices vulvaires sont peu nombreux. Ils incluent une malformation vasculaire, un hématome et, en cas de masse non bleutée, une tumeur des tissus mous [70], un lipome, un kyste de la glande de Bartholin ou une hernie inguinale en particulier si la lésion est intermittente, apparaissant dans certaines positions, à l'effort ou à l'augmentation de la pression abdominale [71].
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Chapitre 13. Maladies des vaisseaux
Explorer
Surveiller
Un test de grossesse est recommandé chez toute patiente en âge de procréer consultant pour des varices vulvaires. L'échographie abdominopelvienne, sus-pubienne et transvaginale et l'échographie Doppler sont les examens de première intention permettant de visualiser les veines dilatées et le ou les reflux veineux, ainsi qu'une incontinence éventuelle de la jonction saphénofémorale [67,69]. L'échographie permet aussi d'éliminer une tumeur solide, une malformation vasculaire, la biopsie n'étant pas indiquée du fait du risque hémorragique. Elle pourra être complétée par une IRM abdominopelvienne. La phlébographie sélective abdominopelvienne est l'examen de choix, permettant une visualisation directe des reflux. Du fait de son caractère invasif, il s'agit d'un examen de seconde intention, constituant la première étape d'un geste thérapeutique [67,69].
La survenue de varices vulvaires chez une femme enceinte nécessite un suivi en postpartum afin de s'assurer de leur disparition.
Comprendre Le drainage veineux de la partie antérieure de la vulve se fait via les veines pudendales externes, superficielles et profondes, jusqu'aux veines grandes saphènes, tandis que celui de la partie postérieure de la vulve se fait via les veines pudendales internes et obturatrices jusqu'aux veines iliaques internes [67]. Le drainage de la veine dorsale du clitoris se fait vers le plexus veineux vésical [67]. Les varices vulvaires sont d'origine multiple : ■ principalement la grossesse : compression du réseau veineux iliocave par l'utérus gravide, impact hormonal sur la vasodilatation veineuse, augmentation du volume plasmatique ; ■ la multiparité : dilatation des veines pelviennes à chaque grossesse, devenant parfois irréversible ; ■ l'insuffisance veineuse : reflux de sang veineux par incompétence ou absence valvulaire des veines saphènes, des veines iliaques internes ou ovariennes responsables d'une insuffisance veineuse pelvienne profonde entrant dans le cadre d'un éventuel syndrome de congestion pelvienne [67,71] ; ■ plus rarement il s'agit d'une malformation congénitale dans le cadre d'un syndrome de Klippel-Trenaunay ou de Parkes-Weber, ou d'une compression mécanique : syndrome de compression de la veine rénale gauche (« syndrome de casse-noisette ») ou de la veine iliaque interne gauche (syndrome de May-Turner), tumeur pelvienne bénigne ou maligne [67].
Traiter Les varices vulvaires survenant au cours de la grossesse régressent habituellement spontanément en postpartum. Elles ne requièrent aucun traitement. Les varices vulvaires persistantes et symptomatiques, ou occasionnant une gêne esthétique, peuvent nécessiter une prise en charge médicochirurgicale par des équipes spécialisées (figure 13.19).
302
Figure 13.19. Disparition de la varice vulvaire après traitement par sclérothérapie échoguidée à la mousse. Même patiente que sur la figure 13.17.
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Chapitre 14
Expression génitale des maladies systémiques PLAN DU CHAPITRE Maladie de Crohn Évoquer Reconnaître Confirmer Explorer Éliminer Comprendre Traiter Surveiller Histiocytose langerhansienne Évoquer Reconnaître Confirmer Explorer Éliminer
305 305 305 308 309 309 309 310 310 310 310 311 311 311 312
Comprendre Traiter Surveiller Maladie du greffon contre l'hôte Évoquer Reconnaître Confirmer Explorer Éliminer Comprendre Traiter Surveiller Lupus Évoquer Reconnaître
Note des auteurs : la maladie de Behçet est traitée dans le chapitre 4 (« Ulcère de Lipschütz et aphtose génitale »).
Maladie de Crohn Évoquer La maladie de Crohn (MC) est une maladie inflammatoire chronique de l'intestin dont la prévalence est plus élevée dans les pays développés et qui affecte avec la même fréquence les hommes et les femmes, entre 20 et 40 ans [1]. Si les signes digestifs sont au premier plan (douleurs abdominales, diarrhée chronique et/ou sanglante, amaigrissement), des manifestations extraintestinales, oculaires, articulaires ou cutanées sont présentes dans 35 % des cas [1,2]. Les manifestations cutanées au cours de la MC sont très variées, comportant des dermatoses réactionnelles ou « associées » à la MC (érythème noueux, certaines dermatoses neutrophiliques, épidermolyse bulleuse acquise, etc.), des dermatoses carentielles ainsi que des lésions granulomateuses spécifiques. Lorsque ces dernières sont séparées des lésions digestives par du tissu sain, elles définissent la MC « métastatique » caractérisée par un certain tropisme pour la région génitale [2]. L'atteinte anogénitale spécifique est présente chez 22 % des patients dont la MC est le plus souvent connue et active, quasi exclusivement colique ou iléocolique [3,4]. Les lésions Dermatologie génitale © 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
312 312 312 312 312 312 314 314 314 314 315 315 315 315 315
Confirmer Explorer Éliminer Traiter Surveiller Autres connectivites Syndrome de Gougerot-Sjögren Sclérodermie systémique et morphée Dermatomyosite Endocrinopathies Diabète Hyperandrogénie Syndromes paranéoplasiques Acanthosis nigricans Syndrome du glucagonome
315 316 316 316 316 316 316 316 317 317 317 317 317 317 317
anopérinéales, en contiguïté avec l'atteinte digestive, sont de loin les plus fréquentes. L'atteinte génitale de la MC, contiguë (abcès et fistule) ou « métastatique », est rare [5]. Elle affecte habituellement des sujets jeunes, avant l'âge de 30 ans et parfois des enfants, et semble plus fréquente chez les femmes que chez les hommes, les cas ou séries publiés dans la littérature concernant essentiellement la MC vulvaire [2-5]. La MC vulvaire est associée à une MC digestive, connue et active dans 65 à 80 % des cas et précédant alors l'apparition des lésions vulvaires d'une dizaine d'années [2,3,5]. Une atteinte péri-anale coexiste dans environ la moitié des cas [2,4]. La MC vulvaire pourrait précéder l'atteinte digestive dans 25 % des cas, avec un intervalle médian variant de 1 à 3,5 ans [2,3,5]. Les principaux symptômes de la MC vulvaire sont la douleur et le gonflement, plus rarement le prurit et parfois une dyspareunie ou une dysurie [3,6]. Selon leur type, les lésions peuvent être suintantes, suppuratives ou totalement asymptomatiques [2,3].
Reconnaître La MC vulvaire peut se manifester par [2,3,5] : ■ un œdème vulvaire intéressant les grandes lèvres et les petites lèvres, typiquement inflammatoire et asymétrique (figure 14.1), mais parfois aussi bilatéral et symétrique (figure 14.2). Il s'agit de l'aspect le plus fréquemment observé ;
305
Chapitre 14. Expression génitale des maladies systémiques
Figure 14.1. Maladie de Crohn vulvaire. Œdème asymétrique de la grande lèvre droite. Source : Pr Marie-Sylvie Doutre, service de dermatologie, CHU de Bordeaux. Figure 14.3. Maladie de Crohn vulvaire. Ulcérations des faces internes de la face interne des grandes lèvres. Source : Pr Marie-Sylvie Doutre, service de dermatologie, CHU de Bordeaux.
Figure 14.2. Maladie de Crohn vulvaire. Œdème vulvaire inflammatoire, érythème vulvo-périnéal et ulcération du pli inguinal droit. Source : Dr Mélanie Chamaillard-Pujol, Gradignan.
des ulcérations vulvaires, uniques ou multiples, arrondies (aphtoïdes) (figure 14.3) ou linéaires (fissures) (figure 14.4), plus ou moins profondes, sensibles ou complètement asymptomatiques. L'aspect le plus typique est celui d'ulcérations linéaires profondes « en coup de couteau » étendues de la vulve aux plis inguinaux (figure 14.5) ; ■ des lésions hypertrophiques lymphœdémateuses secondaires à un défaut de drainage lymphatique lié à l'inflammation chronique. Elles peuvent être extensives et alors responsables d'une hypertrophie parfois majeure des grandes ou des petites lèvres sous la forme d'une masse infiltrée, ou localisées et exophytiques, avec un aspect de pseudo-marisque ou de pseudo-condylome. Ces
Figure 14.4. Maladie de Crohn vulvaire. Ulcération du pli inguino-vulvaire. Source : Dr Mélanie Chamaillard-Pujol, Gradignan.
■
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lésions sont asymptomatiques, mais leur retentissement fonctionnel et esthétique peut être majeur ; ■ des abcès et des fistules cutanées suppuratives (figure 14.6). Chez l'homme, la MC génitale se manifeste le plus souvent par un lymphœdème scrotal et/ou pénien (figure 14.7) [4,7], pouvant aboutir au pénis saxophone (figure 14.8) et par des érosions et ulcérations du gland, du fourreau et du scrotum (figure 14.9). D'autres manifestations sont possibles comme des abcès, des fissures, un phimosis ou des fistules génito-périnéales. L'examen clinique recherchera en outre une atteinte anale et péri-anale (fissures, ulcérations parfois profondes (figures 14.10 et 14.11), lésions végétantes ou à type de
Chapitre 14. Expression génitale des maladies systémiques
Figure 14.5. Maladie de Crohn vulvaire. Ulcérations linéaires en « coups de couteau ». Source : Pr Marie-Sylvie Doutre, service de dermatologie, CHU de Bordeaux.
Figure 14.6. Maladie de Crohn. Fistule vulvaire. Source : Dr Marie-Hélène Jégou-Penouil.
Figure 14.7. Maladie de Crohn. Œdème du pénis.
Figure 14.8. Maladie de Crohn. Pénis saxophone.
Figure 14.9. Maladie de Crohn. Infiltration et érosions scrotales.
Figure 14.10. Maladie de Crohn. Ulcération du pli interfessier.
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Chapitre 14. Expression génitale des maladies systémiques
Figure 14.11. Maladie de Crohn. Ulcérations du canal anal antérieur, latérale gauche et droite, postérieure. Source : Dr Lucas Spindler, service de proctologie, Hôpital Saint-Joseph Paris. Figure 14.13. Maladie de Crohn. Fistule anale complexe (orifice externe antérieur droit) avec dermite liée aux suintements et abcès de la fesse droite. Source : Dr Lucas Spindler, service de proctologie, Hôpital Saint-Joseph Paris.
Figure 14.12. Maladie de Crohn. Pseudo-marisque anale ulcérée. Source : Dr Lucas Spindler, service de proctologie, Hôpital Saint-Joseph Paris.
pseudo-marisque (figure 14.12), abcès compliqués de fistules anales (figure 14.13), périnéales ou rectovaginales), une atteinte de la muqueuse buccale (ulcérations aphtoïdes, fréquemment associées, chéilite granulomateuse plus rare), des signes articulaires ou ophtalmologiques (arthrite et uvéite étaient associées dans 20 % des cas à la MC vulvaire dans l'étude de Laftah et al. [3]) et bien sûr des signes digestifs.
Confirmer Le diagnostic de localisation spécifique de MC est histologique, nécessitant une biopsie génitale. La mise en évidence de granulomes épithélioïdes et gigantocellulaires, sans nécrose caséeuse, est très en faveur du diagnostic, tout particulièrement dans un contexte de MC digestive connue [2] (figure 14.14). La recherche de granulomes, parfois discrets, doit être soigneuse, nécessitant parfois de multiples recoupes. La biopsie génitale, bien que plus « rentable » que la biopsie digestive pour déceler les granulomes, n'est positive que dans
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Figure 14.14. Aspect histopathologique d'une maladie de Crohn scrotale. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
65 à 70 % des cas pour la vulve [3,4,6]. Si elle se révèle négative, le diagnostic pourra néanmoins être retenu devant des lésions génitales évocatrices survenant dans un contexte de MC connue [6]. C'est en particulier le cas des lésions hypertrophiques, dont les aspects histopathologiques variés associent plus ou moins intensément de l'œdème, de la fibrose et des dilatations lymphatiques parfois multiples du derme
Chapitre 14. Expression génitale des maladies systémiques
réticulaire proches de celles d'un lymphangiome circonscrit [2]. En l'absence de MC connue, il conviendra de répéter les biopsies et de rechercher une atteinte digestive infraclinique.
Explorer Chez l'homme comme chez la femme, en cas de MC connue, la survenue d'une atteinte génitale fera discuter avec le gastroentérologue le contrôle endoscopique de l'atteinte digestive. L'apparition des lésions génitales n'est cependant pas nécessairement associée à une reprise d'activité de la MC endoluminale. Ainsi, dans la série de Dederich et al. [4], 30 % des patients avec atteinte génitale étaient en rémission clinique ou endoscopique de leur MC. La présence de lésions suppurées, abcès en particulier, fera systématiquement réaliser une imagerie par résonance magnétique (IRM) pelvienne afin d'éliminer une fistule entérocutanée. En l'absence de MC connue, le/la patient(e) sera adressé(e) au gastroentérologue afin de discuter des examens nécessaires (dosage de la calprotectine fécale, coloscopie, fibroscopie œso-gastro-duodénale, endoscopie par vidéocapsule, entéroscanner ou entéro-IRM, IRM pelvienne). Ces explorations peuvent toutefois se révéler initialement négatives, l'atteinte génitale pouvant précéder les signes digestifs voire rester isolée. Leur répétition sera adaptée au cas par cas, selon l'évolution des patients. Les autres atteintes extraintestinales, arthrite et uvéite en particulier, feront l'objet d'avis spécialisés. Chez la femme, un examen gynécologique sera réalisé afin de rechercher une atteinte vaginale et de contrôler le frottis cervical en vue de la mise éventuelle sous traitement immunosuppresseur ou biothérapie.
Éliminer Les diagnostics différentiels sont nombreux et variés du fait du polymorphisme des aspects cliniques de MC vulvaire. On éliminera, selon l'aspect clinique : ■ une infection sexuellement transmissible (IST) ; ■ une vulvo-vaginite candidosique ou une vaginose ; ■ une aphtose ; ■ une maladie de Behçet parfois difficile à différencier d'une MC devant l'association aphtose bipolaire et colite ; ■ un Pyoderma gangrenosum ou un carcinome épidermoïde en cas d'ulcération ; ■ des condylomes devant des lésions exophytiques indolores ; ■ un lymphœdème d'autre cause (chirurgie, radiothérapie, compression pelvienne, congénitale, etc.) ; ■ plus spécifiquement chez la femme : une ulcération aiguë de la vulve, une bartholinite aiguë en cas d'œdème inflammatoire et douloureux d'une grande lèvre. Les autres affections granulomateuses (sarcoïdose, tuberculose) doivent être discutées, en particulier lorsque l'atteinte génitale est isolée, nécessitant des examens complémentaires radiologiques (radiographie pulmonaire, scanner thoracique), biologiques (intradermoréaction à la
Figure 14.15. Maladie de Crohn métastatique pénoscrotale associée à une hidradénite suppurée inguinale.
tuberculine, QuantiFERON®, enzyme de conversion de l'angiotensine), histologiques et bactériologiques (coloration de Ziehl-Neelsen et mise en culture pour recherche de bacilles acido-alcoolo-résistants [BAAR]). Le diagnostic de MC vulvaire isolée sera suspecté sur un faisceau d'arguments positifs (mise en évidence de granulomes gigantocellulaires sans nécrose caséeuse) et négatifs (absence de signes en faveur d'une sarcoïdose ou d'une tuberculose) et confirmé par l'éventuelle apparition ultérieure de l'atteinte digestive. La vulvite granulomateuse de type Miescher, responsable d'un œdème vulvaire récidivant, est un diagnostic d'élimination retenu après plusieurs années d'évolution, sans que la recherche répétée d'une MC ne s'avère positive [8]. Un équivalent chez l'homme de la vulvite granulomateuse de Miescher pourrait être la granulomatose anogénitale correspondant à une lymphangite granulomateuse. Elle se manifeste par un lymphœdème pénoscrotal et la présence en histopathologie de granulomes sans nécrose caséeuse parfois intra-lymphatiques. Elle doit en premier lieu faire rechercher une MC qu'elle révèle dans 40 % des cas [9]. Cependant, elle peut aussi être idiopathique ou liée à une sarcoïdose, une maladie de Behçet, une vascularite granulomatose avec polyangéite, une tuberculose, une syphilis. Une hidradénite suppurée (HS) peut être très difficile à éliminer tant sur le plan clinique qu'histologique : en effet, la MC peut mimer cliniquement une HS, l'association des deux affections est possible (figure 14.15) et des granulomes identiques à ceux de la MC sont mis en évidence dans 25 % des cas d'HS [3]. La présence de granulomes épithélioïdes du derme, à distance des foyers inflammatoires, doit toutefois inciter à rechercher une MC ou une sarcoïdose [10].
Comprendre La physiopathologie de la MC métastatique n'est pas élucidée. Des hypothèses ont été émises : des dépôts cutanés d'immuns complexes circulants ou une réaction
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Chapitre 14. Expression génitale des maladies systémiques
'hypersensibilité de type IV lymphocytaire T pourraient d être responsables de la réaction granulomateuse [5].
Traiter Compte tenu de sa rareté, l'atteinte génitale de la MC ne fait pas l'objet de recommandations thérapeutiques spécifiques. Sa prise en charge, difficile, sera multidisciplinaire, dermatologique, gastroentérologique, proctologique et gynécologique/urologique. Associée à une atteinte digestive, elle s'intègre à la stratégie thérapeutique générale de l'atteinte endoluminale et/ou anopérinéale de la MC. Cette stratégie comporte, selon la phase thérapeutique (induction ou entretien) et la sévérité de la poussée, une corticothérapie générale initiale, relayée par un immunosuppresseur (azathioprine, méthotrexate) et/ou un anti-TNFα (infliximab, adalimumab, certolizumab pegol), ou encore de l'ustékinumab ou du védolizumab [11]. Le traitement de l'atteinte génitale présente toutefois certaines spécificités : ■ la MC vulvaire, en particulier les formes « légères », caractérisées par des érosions et des fissures peu profondes selon Bhoyrul et al. [5], et/ou isolées peut bénéficier initialement d'un traitement local, seul ou associé à une antibiothérapie orale par métronidazole ou à un traitement immunosuppresseur. Les dermocorticoïdes puissants ou très puissants semblent plus efficaces que le tacrolimus topique [3,5]. L'amélioration initiale des lésions n'est toutefois souvent que temporaire [3,5]. L'injection intra-lésionnelle de corticoïde est proposée de façon occasionnelle, parfois avec succès [3] ; ■ le métronidazole oral (10 à 20 mg/kg/j) peut être proposé dans la MC vulvaire. Son efficacité, liée à des propriétés anti-infectieuses mais aussi immunomodulatrices et anti-inflammatoires, apparaît généralement à partir de la 6e semaine de traitement [2]. Sa prolongation sur plusieurs mois expose à des effets indésirables digestifs, hématologiques et neurologiques en particulier. Des résultats très favorables du métronidazole seul ou associé à une corticothérapie générale ont été rapportés dans la littérature (jusqu'à 87,5 % de succès), publiés avant l'avènement des biothérapies [12]. Ils sont plus nuancés dans les séries récentes de Laftah et al. [3] et de Forward et al. [6], ces auteurs considérant le métronidazole comme utile pour traiter certaines poussées aiguës, en l'absence de preuve de son efficacité sur le contrôle et la progression à long terme de la MC vulvaire. Quoi qu'il en soit le métronidazole reste une option thérapeutique intéressante, à envisager avant la mise éventuelle sous anti-TNFα ou traitement immunosuppresseur, en particulier dans les formes isolées ou lorsque l'atteinte endoluminale est en rémission, en raison de son rapport bénéfice/risque favorable et de son faible coût [2,5]. En cas d'efficacité, le métronidazole topique à 0,75 % s'est révélé efficace en relais de la forme orale dans une observation [13] ; ■ pour les formes sévères de la MC vulvaire, caractérisées par des fissures ou des ulcérations extensives et/ou profondes ou un œdème important, certains auteurs préconisent un traitement systémique d'emblée ou à un stade précoce,
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pouvant comporter une corticothérapie générale initiale, un anti-TNFα (infliximab ou adalimumab) ou de l'azathioprine ou l'association des deux [5,6,14]. Il est à noter que toute atteinte fistuleuse, plus fréquemment anale que génitale, est considérée comme une forme sévère [11]. Dans une série de 47 cas de fistules génitales, les fistules anovulvaires représentaient 8,5 % des cas, après les fistules rectovaginales (74,5 %) et les fistules anovaginales (12,8 %) [15]. Le traitement des fistules fait appel à l'azathioprine, aux anti-TNFα ou à la chirurgie en cas d'échec du traitement médical [5,11,15] ; ■ en dehors du drainage d'abcès et du traitement des fistules, les indications chirurgicales doivent être limitées, proposées seulement en cas d'échec du traitement médical, principalement pour l'exérèse des lésions hypertrophiques inesthétiques, altérant la qualité de vie des patientes [2].
Surveiller En raison de son évolution chronique et des difficultés de sa prise en charge, une surveillance régulière des patient(e) s atteint(e)s de MC génitale ou génito-anale, conjointement avec le gastroentérologue et le proctologue, est indiquée.
Histiocytose langerhansienne Évoquer L'histiocytose langerhansienne (HL), anciennement histiocytose X, se caractérise par l'infiltration d'un ou de plusieurs organes par des cellules dendritiques de type Langerhans. L'HL recouvre la maladie de Letterer-Siwe, forme diffuse, où l'atteinte cutanée est associée à une atteinte systémique, la maladie de Hand-Schüller-Christian, forme multifocale, caractérisée par une atteinte osseuse, oculaire et un diabète insipide et le granulome à éosinophiles osseux, forme localisée [16]. Ces différentes entités illustrent le grand polymorphisme clinique de l'HL, variant d'une atteinte monotissulaire, monofocale ou multifocale, à une atteinte systémique intéressant ou non un organe « à risque ». Ces formes cliniques, d'évolution très différente, conditionnent le pronostic de l'HL, lui-même très variable et plus sévère chez l'enfant en cas d'atteinte de la moelle osseuse, du foie, de la rate et du système nerveux central. L'HL est une maladie rare, plus fréquente chez l'enfant (incidence annuelle : 4,6 cas/1 million ; sex-ratio H/F : 1,2:1) que chez l'adulte (incidence : 1 à 2 cas/million/an) [17]. L'HL peut atteindre n'importe quel organe, avec une prédilection pour l'os, la peau (deuxième localisation après l'os tous âges confondus), le poumon et l'axe hypothalamohypophysaire [18]. Dans une série rétrospective de 918 cas, allant de nouveau-nés à des sujets de 65 ans, l'atteinte cutanée était présente dans 56 % des cas et inaugurale dans 12 % des cas [19]. Chez l'enfant, l'atteinte cutanée est associée à une atteinte systémique dans 87 à 93 % des cas [18].
Chapitre 14. Expression génitale des maladies systémiques
Chez l'adulte, l'atteinte cutanéo-muqueuse peut être inaugurale, monotissulaire et le plus souvent multifocale, ou associée à une atteinte systémique, elle-même d'emblée présente ou d'apparition secondaire. Si le cuir chevelu, le tronc et les grands plis sont les localisations les plus fréquentes, les localisations génitales ou péri-anales ne semblent pas rares [20]. Ainsi, dans une série de 25 patients présentant une atteinte cutanéo-muqueuse d'HL (14 femmes et 11 hommes d'âge moyen 47 ans), 10 présentaient des lésions muqueuses, dont 8 de la muqueuse génitale ou périnéale et 5 de la muqueuse buccale [21]. L'atteinte génitale, plus souvent rapportée dans la littérature chez la femme que chez l'homme, est majoritairement vulvaire. Les signes d'appel sont aspécifiques : prurit, douleur, suintement [22,23].
Reconnaître L'atteinte cutanéo-muqueuse de l'HL chez l'adulte peut revêtir différents aspects cliniques [21–29] : ■ une papule, un nodule ou une tumeur, ulcérée ou non, unique ; ■ des papules multiples ou généralisées érythémateuses ou brunâtres ; ■ des ulcérations des plis et/ou de la région ano-génitale (figure 14.16) ; ■ ou l'association de ces 2 derniers aspects. L'examen clinique recherchera une atteinte du cuir chevelu (lésions érythémato-papuleuses croûteuses mimant une dermatite séborrhéique), des grands plis (intertrigo éry-
thémateux érosif, fissuré et douloureux), du tronc (éruption papuleuse, squamocroûteuse, érythémateuse ou purpurique ou nodulaire) de la muqueuse buccale (ulcérations) ainsi que des signes en faveur d'une atteinte systémique (adénopathies périphériques, hépato-splénomégalie, etc.) [21].
Confirmer Le diagnostic d'HL repose sur la biopsie cutanée. L'examen histologique met en évidence un infiltrat inflammatoire granulomateux constitué en proportion variable de cellules langerhansiennes exprimant en immunohistochimie les marqueurs CD1a, PS100, HLA-DR, Lag et Langerine (CD207) [17], de lymphocytes, de macrophages, de cellules géantes, de polynucléaires éosinophiles (figures 14.17 et 14.18). La mise en évidence de granules de Birbeck en microscopie électronique est pathognomonique mais n'est pas réalisée en routine.
Explorer Des examens complémentaires seront réalisés à la recherche d'une atteinte systémique [20] : ■ de façon systématique : bilan biologique (NFS, plaquettes, ionogramme, fonction rénale, bilan hépatique, CRP, protidémie, albuminémie, TSH, bandelette urinaire),
Figure 14.17. Histiocytose langerhansienne. Aspect histopathologique en coloration standard. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
Figure 14.16. Histiocytose langerhansienne. Ulcérations, dont une profonde à bords surélevés, et érosions indolores de la face interne des grandes lèvres chez une jeune fille de 13 ans. Source : Dr Christine Léauté-Labrèze, unité de dermatologie pédiatrique, hôpital Pellegrin-Enfants, CHU de Bordeaux.
Figure 14.18. Histiocytose langerhansienne. Positivité de l'immunomarquage CD1a. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
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Chapitre 14. Expression génitale des maladies systémiques
r adiographies de squelette complet, radiographie de thorax, panoramique dentaire ; ■ selon les signes d'appel : IRM hypophysaire, scanner thoracique, fibroscopie bronchique, myélogramme, biopsie ostéo-médullaire, biopsie ganglionnaire, etc.
Éliminer En présence de lésions érosives ou ulcérées, on éliminera notamment une cause infectieuse (herpès, autre IST), inflammatoire (aphtose, Pyoderma gangrenosum) ou néoplasique (carcinome épidermoïde).
Comprendre La nature réactionnelle ou néoplasique de l'HL est débattue. La mise en évidence d'une prolifération clonale et de mutations de BRAF plaide en faveur de l'hypothèse néoplasique faisant considérer l'HL comme une hémopathie myéloïde [16,17].
Traiter La prise en charge thérapeutique, qui doit être discutée en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), dépend de la forme localisée, multifocale ou diffuse de l'HL. En l'absence de consensus thérapeutique, une atteinte génitale localisée peut être traitée chirurgicalement ou par divers agents dont les dermocorticoïdes très puissants, la radiothérapie, le thalidomide, le méthotrexate, la corticothérapie générale [23,25,27].
Chez la femme, la GVH chronique génitale est fréquente, sa prévalence variant de 24,9 à 69 % des cas selon les études [30]. Dans une étude prospective menée chez 41 patientes allogreffées et suivies pendant 3 ans (examen génital trimestriel pendant 1 an puis semestriel pendant 2 ans), l'incidence cumulée de la GVH chronique génitale était de 66 % des cas à 3 ans [31]. Elle se manifestait dans 85 % des cas précocement, dans l'année suivant l'allogreffe. Une GVH extra-génitale était présente dans la majorité des cas. Les principaux symptômes rapportés étaient le prurit, la sensation de sécheresse, la douleur, les brûlures et les pertes. La moitié des patientes sexuellement actives présentait des dyspareunies [31]. Certaines enfin (30 %) étaient asymptomatiques [31]. Chez l'homme, la prévalence de la GVH génitale chez 155 hommes allogreffés a été évaluée à 13 % dans une étude prospective, sur la base d'un examen clinique sans confirmation histologique [32].
Reconnaître La GVH chronique vulvovaginale se manifeste plus précocement sur la vulve que sur le vagin. Ses signes cliniques, comparables à ceux d'un lichen plan ou d'un lichen scléreux, associent de façon variable une pâleur muqueuse, des lésions leucoplasiques réticulées ou en plaques, un érythème plus ou moins diffus érosif (figure 14.19), des
Surveiller Un suivi prolongé est nécessaire en raison du risque de récidive, de survenue d'une atteinte systémique et du risque de seconde hémopathie chez les patients présentant une atteinte cutanéo-muqueuse, comme le suggère la série d'Edelbroek et al. [24].
Maladie du greffon contre l'hôte Évoquer La maladie du greffon contre l'hôte (GVH) survient en cas de déficit de la fonction T, lorsque les lymphocytes T déficients de l'hôte ne peuvent détruire les lymphocytes du greffon. Ces derniers sont responsables d'une agression des tissus de l'hôte, définissant la maladie du greffon contre l'hôte dont les cibles sont en premier lieu la peau et les muqueuses, l'intestin et le foie. L'allogreffe de moelle osseuse est la principale circonstance de survenue de la GVH. Elle est qualifiée d'aiguë quand elle survient moins de 100 jours après l'introduction des lymphocytes étrangers et de chronique si elle apparaît plus de 100 jours après la greffe. La GVH chronique se caractérise, entre autres, par une inflammation et une fibrose des muqueuses conjonctivales, buccales et génitales.
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Figure 14.19. GVH vulvaire. Érythème érosif vestibulaire et fusion complète des petites lèvres.
Chapitre 14. Expression génitale des maladies systémiques
Figure 14.20. GVH vulvaire. Accolement partiel des petites lèvres et du capuchon clitoridien. Figure 14.22. Séquelle de GVH vulvaire. Accolement vestibulaire antérieur.
Figure 14.21. Séquelle de GVH vulvaire. Encapuchonnement clitoridien.
synéchies et des fissures [30,33]. Des remaniements anatomiques vulvaires peuvent être notés d'emblée ou secondairement : accolement des petites lèvres à la face interne des grandes lèvres (figure 14.20), encapuchonnement clitoridien (figure 14.21), accolement vestibulaire antérieur (figure 14.22) ou postérieur avec rétrécissement de l'orifice vaginal. L'atteinte vaginale, parfois présente d'emblée, succède le plus souvent à l'atteinte vulvaire [30,33], se manifestant selon sa sévérité par des synéchies vaginales, des modifications de l'élasticité de la muqueuse (perception d'un anneau fibreux circonfé-
Figure 14.23. GVH. Fibrose hypochrome du prépuce.
rentiel), un raccourcissement du vagin voire une sténose vaginale complète. Chez l'homme, la GVH génitale se traduit également par un aspect de lichen scléreux ou de lichen plan, incluant notamment un phimosis (figure 14.23), une sténose méatique et/ou une balanoposthite érythémateuse (figures 14.24 et 14.25) possiblement érosive, cliniquement peu spécifique [32]. Plus rarement, une maladie de La Peyronie caractérisée par une courbure douloureuse du pénis en érection est possible [34].
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Chapitre 14. Expression génitale des maladies systémiques
Figure 14.26. Aspect histopathologique d'une GVH vulvaire chronique. Source : Dr Bénédicte Cavelier-Balloy.
Explorer Figure 14.24. GVH. Balanite érythémateuse.
Un examen génital doit être proposé systématiquement à tout(e) patient(e) allogreffé(e) dans les 3 à 6 mois suivant la greffe afin de dépister une GVH génitale chronique qui peut être asymptomatique. Chez la femme, il sera complété par un examen gynécologique afin de rechercher une atteinte vaginale et de contrôler le frottis cervico-vaginal chez ces patientes à risque d'infection HPV.
Éliminer
Figure 14.25. GVH. Atteinte érythémateuse du sillon balanopréputial.
Confirmer Le diagnostic de GVH chronique génitale est clinique, chez un(e) patient(e) allogreffé(e), présentant, selon les critères des National Institutes of Health (NIH) une atteinte génitale incluant des signes semblables à ceux du lichen plan ou du lichen scléreux, des remaniements anatomiques vulvaires et/ou vaginaux chez la femme (accolement du clitoris, des petites lèvres, lésions cicatricielles du vagin), du gland et/ou du méat urétral chez l'homme (phimosis, sténose du méat urétral) ainsi que dans la majorité des cas une GVH extra-génitale avec atteinte buccale [31,33,35]. En cas de doute, une biopsie pourra être réalisée, l'examen histologique pouvant montrer un infiltrat lymphocytaire en bande associé à des corps apoptotiques kératinocytaires [35], pouvant être difficile à distinguer d'un lichen plan, nécessitant une confrontation anatomoclinique (figure 14.26).
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Chez une femme non ménopausée avant l'allogreffe, les conséquences de la carence œstrogénique, induite par le conditionnement prégreffe, seront discutées en cas de sensation de sécheresse, de dyspareunie et de signes non spécifiques (atrophie muqueuse). Des douleurs à type de brûlures et des dyspareunies superficielles associées à l'examen à un érythème vestibulaire non érosif feront discuter une vulvodynie. Chez l'homme comme chez la femme, l'aspect clinique et histologique est proche d'un lichen plan ou d'un lichen scléreux. En cas de survenue des lésions au décours de l'allogreffe, ces diagnostics ne pourront être retenus et le diagnostic de GHV sera posé.
Comprendre Les dysfonctions sexuelles (altération de la libido, diminution de la fréquence des rapports, insatisfaction sexuelle) sont très fréquentes chez les patientes survivantes allogreffées, affectant 66 à 80 % d'entre elles [31,36]. D'origine multifactorielle, elles peuvent être liées à une dyspareunie, induite par une éventuelle GVH vulvovaginale et/ou par la carence œstrogénique, mais aussi à une dépression qu'il convient de rechercher et de prendre en charge [31]. Ces dysfonctions sexuelles altèrent la qualité de vie des patientes dans la grande majorité des cas [36]. Dans une étude portant sur 421 patients, une dysfonction sexuelle était notée chez 51 % des hommes (versus 66 % des femmes), à type de dysfonction érectile (79 %) et/ou de diminution de la libido (83 %) [37].
Chapitre 14. Expression génitale des maladies systémiques
Traiter Le traitement des lésions génitales de GVH repose sur l'application d'un dermocorticoïde très puissant, de type clobétasol dipropionate en crème, 1 à 2 fois/jour jusqu'à disparition des lésions, les applications étant ensuite progressivement espacées [30]. Le tacrolimus topique est proposé d'emblée par certains, appliqué en alternance avec le clobétasol dipropionate [31] ou en cas d'échec des dermocorticoïdes [38]. Chez la femme, des dilatateurs vaginaux sont associés, recouverts ou non de dermocorticoïde, afin de prévenir ou traiter les lésions vaginales [30,31]. L'application d'un œstrogène topique, en crème et/ou ovules est systématiquement associée en l'absence de contre-indication [31], tandis que la compensation par voie générale de la carence œstrogénique sera envisagée, en accord avec l'équipe d'hématologie et de gynécologie prenant en charge la patiente. L'utilisation d'émollients, de lubrifiants et parfois de xylocaïne en gel sera conseillée afin de favoriser la reprise des rapports sexuels. Chez l'homme, une posthectomie sera discutée en cas de phimosis corticorésistant. La sténose du méat pourra nécessiter une dilatation à la bougie ou un geste chirurgical. Un traitement systémique, tel qu'une corticothérapie générale ou la ciclosporine, sera discuté pour les formes les plus sévères ou associées à une GVH extra-génitale. La précocité de cette prise en charge pourrait prévenir l'évolution vers des lésions cicatricielles plus sévères, en particulier vaginales, nécessitant parfois un traitement chirurgical [30,31,39].
Surveiller Le suivi à long terme des patient(e)s allogreffé(e)s est nécessaire du fait d'une évolution prolongée de la GVH chronique, et en particulier dans sa localisation génitale. Le dépistage des lésions génitales induites par l'HPV, plus fréquentes après allogreffe médullaire, sera annuel.
que deux femmes présentaient des lésions vulvaires au sein du groupe LEC. La rareté des lésions vulvaires au cours du LES semble confirmée par l'étude prospective de Fresko et al. [42] : sur 48 patientes affectées d'un LES, aucune ne présentait d'ulcération vulvaire. Prenner et al. [43] ont revu les 14 cas d'atteinte génitale au cours du LES/LEC publiés dans la littérature jusqu'en 2019 : il s'agissait de 11 femmes et 3 hommes, dont les principaux symptômes étaient la douleur et la dyspareunie. Les lésions peuvent toutefois être asymptomatiques.
Reconnaître Chez la femme, deux aspects principaux sont décrits [43] : ■ des plaques érythémateuses et hyperkératosiques (hyperkératose parfois folliculaire), alopéciantes localisées sur le versant pileux des grandes lèvres, reproduisant l'aspect des lésions cutanées de LEC ; ■ des ulcérations ou des lésions érythémateuses ou leucoplasiques ulcérées ou érosives (figure 14.27). Chez l'homme, une étude anthropométrique comparant 25 patients avec un LES et 25 contrôles a conclu à une diminution de la taille du pénis chez les hommes lupiques, corrélée avec la précocité de la survenue du lupus par rapport à la puberté et possiblement liée à une diminution de la production d'androgènes à la puberté [44]. L'atteinte génitale lupique semble plus rare que chez la femme, sous la forme notamment de vésicules, bulles, érosions [43,45]. Une vascularite nécrosante du pénis au cours d'un LES [46] et la survenue d'un carcinome épidermoïde du scrotum sur une cicatrice de LEC [47] ont été décrites.
Confirmer Un antécédent personnel et/ou familial de lupus constitue un argument en faveur du diagnostic, qui sera confirmé par
Lupus Évoquer L'atteinte des muqueuses est décrite au cours du lupus érythémateux systémique (LES) et chronique (LEC). La plus fréquente et la mieux documentée est celle de la muqueuse buccale, les ulcérations orales faisant partie des critères de classification du LES 2019 de l'European League Against Rheumatism (EULAR) et de l'American College of Rheumatology (ACR) [40]. L'atteinte génitale au cours du lupus est rare. Sa prévalence a été évaluée dans une série de 121 patients lupiques (31 hommes et 90 femmes ; 53 LES et 68 LEC) [41]. Une atteinte muqueuse était présente dans 21 % des cas de LES, majoritairement sous la forme d'ulcérations buccales, et dans 24 % des cas de LEC, se répartissant entre atteinte buccale (plaques chroniques labiales et orales d'aspect pseudo-lichénien), nasale, et palpébrale. Aucune atteinte génitale n'était notée au sein du groupe LES, tandis
Figure 14.27. Lésions vulvaires érythroleucoplasiques et érosives lupiques.
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la biopsie, l'examen histologique montrant typiquement une dermite lichénoïde de l'interface. L'immunofluorescence directe peut être positive.
Explorer Le bilan immunologique sera contrôlé : anticorps antinoyaux (AAN) (ou facteurs antinucléaires [FAN]), anticorps antiECT et ADN, C3, C4 et CH50, fonction rénale et protéinurie.
Éliminer Selon l'aspect érosif, ulcéré ou en plaque des lésions, les principaux diagnostics différentiels sont représentés par : ■ une IST ; ■ une aphtose ou une maladie de Behçet ; ■ un lichen plan réticulé ou érosif ; ■ un lichen scléreux hypertrophique ; ■ un érythème polymorphe ; ■ un érythème pigmenté fixe.
Traiter Le traitement de l'atteinte génitale s'intègre à celui du LES ou du LEC. Il repose en première intention sur les dermocorticoïdes (clobétasol dipropionate) associé à la prise d'hydroxychloroquine.
Surveiller Le suivi de l'atteinte génitale est le même que celui des autres lésions cutanéo-muqueuses du lupus.
Autres connectivites Syndrome de Gougerot-Sjögren Connectivite fréquente avec une prévalence estimée à 0,5 % de la population générale, le syndrome de Gougerot-Sjögren
(SGS) touche 9 femmes pour 1 homme, d'âge moyen 50 ans [48,49]. Le SGS est une exocrinopathie dont les manifestations les plus typiques sont la sécheresse des muqueuses buccale et oculaire, la fatigue et les arthralgies présentes dans plus de 80 % des cas [49]. En plus de ces signes caractéristiques, le syndrome sec peut être responsable de symptômes moins connus, parmi lesquels le prurit vulvaire et la dyspareunie [48,50]. La qualité de vie sexuelle de 46 femmes atteintes de SGS a été comparée à celle de 43 témoins appariés [51]. Les différents scores évalués montrent que le SGS altère significativement la qualité de vie sexuelle des patientes, les dysfonctions sexuelles étant liées non seulement à l'impact physique (sécheresse vaginale, douleur et fatigue) mais aussi psychologique du SGS [51]. Ce retentissement psychosexuel mérite d'être connu, recherché et pris en charge chez ces patientes. L'atteinte génitale chez l'homme est rare au cours du SGJ. A notamment été rapporté un cas de lichen plan génital au cours d'un SGS [52].
Sclérodermie systémique et morphée Au cours de la sclérodermie systémique, la fréquence du lichen scléreux (LS) génital a été évaluée dans une étude multicentrique française portant sur 79 patients (64 femmes et 15 hommes). Un LS génital était observé chez 6 patientes (7,6 %) et était plus fréquent en cas de sclérodermie systémique limitée, en comparaison à la sclérodermie systémique diffuse. Concernant la sclérodermie localisée, il existe une association entre morphée extra-génitale et lichen scléreux (LS) génital, principalement démontrée chez la femme mais possible également chez l'homme (figure 14.28), et pour les formes de morphées en plaques ou généralisées plutôt que linéaires. Ainsi, un LS génital est décrit chez 38 % des patients adultes avec morphée versus 3 % des contrôles dans une série française [53]. Dans une cohorte allemande de 472 patients présentant une sclérodermie localisée, un LS était observé dans 27 cas (génital dans
Figure 14.28. Lichen scléreux du prépuce et inflammation lichénoïde du gland chez un patient présentant une morphée abdominale (flèche).
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8 cas et extra-génital dans 19 cas) soit une fréquence supérieure à celle de la population générale (odds ratio : 18,1) [54]. Enfin, dans une cohorte américaine de 735 patients (enfants et adultes) ayant une morphée, une atteinte génitale n'était observée que chez 3,7 % des patients, plus fréquente chez les patients ayant une morphée généralisée (10,3 %). L'atteinte génitale se traduisait dans tous les cas par un aspect clinique et histologique évocateur de lichen scléreux et était associée à un lichen scléreux extra-génital dans 59 % des cas. Elle était corrélée avec une survenue plus tardive de la maladie qu'en cas de morphée orale (57 ans versus 11 ans, p