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French Pages 285 [313] Year 2006
Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées Dermatologie et médecine, vol. 1
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Didier Bessis
Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées Dermatologie et médecine, vol. 1 avec la collaboration de Camille Francès, Bernard Guillot et Jean-Jacques Guilhou
Didier Bessis Dermatologue Praticien hospitalier Centre hospitalier et universitaire Hôpital Saint-Éloi 80, avenue Augustin-Fliche 34295 Montpellier cedex 5
Camille Francès Professeur de dermatologie-vénérologie Hôpital Tenon 4, rue de la Chine 75020 Paris
Bernard Guillot Professeur de dermatologie-vénérologie Chef du service de dermatologie Centre hospitalier et universitaire Hôpital Saint-Éloi 80, avenue Augustin-Fliche 34295 Montpellier cedex 5
Jean-Jacques Guilhou Professeur de dermatologie-vénérologie Centre hospitalier et universitaire Hôpital Saint-Éloi 80, avenue Augustin-Fliche 34295 Montpellier cedex 5
ISBN-10 : 2-287-33885-3 Springer Paris Berlin Heidelberg New York ISBN-13 : 978-2-287-33885-4 Springer Paris Berlin Heidelberg New York © Springer-Verlag France, Paris, 2007 Springer-Verlag France est membre du groupe Springer Science + Business Media
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Auteurs Annick Barbaud Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Fournier 36 quai de la Bataille 54035 Nancy
Olivier Dereure Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Saint-Éloi 80 avenue Augustin-Fliche 34295 Montpellier CEDEX 5
Stéphane Barete Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Tenon 4 rue de la Chine 75020 Paris
Marie-Sylvie Doutre Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital du Haut-Lévêque Avenue de Magellan 33604 Pessac CEDEX
Didier Bessis Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Saint-Éloi 80 avenue Augustin-Fliche 34295 Montpellier CEDEX 5 Serge Boulinguez Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital La Grave Place Lange 31059 Toulouse CEDEX 9 Christiane Broussolle Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Médecine interne Hôtel-Dieu 1 place de l’Hôpital 69288 Lyon CEDEX 2 Francis Carsuzaa Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital d’instruction des armées Sainte-Anne Boulevard Sainte-Anne 83800 Toulon Naval
Camille Francès Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Tenon 4 rue de la Chine 75020 Paris Jean-Jacques Guilhou Professeur des Universités Service de Dermatologie Hôpital Saint-Éloi 80 avenue Augustin-Fliche 34295 Montpellier CEDEX 5 Pascale Huet Dermatologue Ancien chef de clinique des Universités 50 impasse Vignes 34980 Montferrier-sur-Lez Philippe Humbert Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Saint-Jacques 2 place Saint-Jacques 25030 Besançon CEDEX
VI Auteurs Sophie Le Dû Chef de clinique des Universités Assistant des hôpitaux Service de Dermatologie Hôpital Trousseau Route de Loches Chambray-lès-Tours 37044 Tours CEDEX 1 Dan Lipsker Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpitaux universitaires de Strasbourg 1 place de l’Hôpital 67091 Strasbourg CEDEX Fatimata Ly Dermatologue Institut d’Hygiène sociale BP 7045 Dakar-Fann Sénégal
Ève Puzenat Chef de clinique des Universités Assistant des hôpitaux Service de Dermatologie Hôpital Saint-Jacques 2 place Saint-Jacques 25030 Besançon CEDEX Michel Rybojad Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Saint-Louis 1 avenue Claude-Vellefaux 75475 Paris CEDEX 10 Pascal Sève Praticien hospitalo-universitaire Service de Médecine interne Hôpital Hôtel-Dieu 1 place de l’Hôpital 69288 Lyon CEDEX 2
Antoine Mahé Praticien hospitalier Institut d’Hygiène sociale BP 7045 Dakar-Fann Sénégal
Loïc Vaillant Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Trousseau Route de Loches Chambray-lès-Tours 37044 Tours CEDEX 1
Philippe Modiano Professeur des Universités Praticien hospitalier Service de Dermatologie Hôpital Saint-Philibert 115 rue du Grand-But 59462 Lomme CEDEX
Janine Wechsler Maître de conférences des Universités Praticien hospitalier Laboratoire d’Anatomie et Cytologie pathologiques Hôpital Henri-Mondor 51 avenue Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny 94010 Créteil CEDEX
Jean-Jacques Morand Professeur des Universités Praticien hospitalier Hôpital d’instruction des armées Laveran 30 boulevard de Laveran BP 50 13998 Marseille Armées
Préface e suis très heureux de préfacer cette série de 5 volumes intitulée Dermatologie et Médecine. Le titre m’a d’abord un peu surpris. En effet, un lecteur profane ou superficiel pourrait à première vue croire que la « Dermatologie » n’est pas de la « Médecine » et que, dans cette série publiée aux éditions Springer sous la direction du docteur Bessis, les auteurs vont néanmoins s’évertuer à démontrer le contraire. Que c’est comme si l’on voulait démontrer que l’astrologie est vraiment une science en intitulant un ouvrage ou une série de publications « Astrologie et Sciences » ! Fort heureusement, il n’en est rien. La « Dermatologie » est une science médicale, celle de la pathologie du plus vaste et du plus lourd des organes humains, enveloppant le corps charnel, englobant les zones cutanéo-muqueuses transitionnelles oculaires, bucco-labiales et ano-génitales. Elle fut certes autrefois, et elle l’est encore des fois de nos jours, considérée par des confrères d’autres disciplines comme une spécialité médicale à part, pas vraiment indispensable, pas vraiment sérieuse, où il n’y a pas d’urgence, où les soins locaux salissants inspiraient une certaine répugnance, où la bénignité relative des affections traitées n’engageait pas la santé publique, malgré l’appropriation par les dermatologues des maladies dites vénériennes, où les pratiques médicales faisaient volontiers traiter les dermatologues de tanneurs ou de mégissiers. On a même failli craindre que la dermatologie ne soit entièrement « soluble » dans les autres disciplines médicales, surtout après la création, notamment en France, de spécialités interdisciplinaires basées non sur la pathologie d’organe, mais sur le substrat étiologique ou pathogénique présumé des affections censées être prises en charge par ces nouveaux spécialistes « transversaux », les infectiologues, les immuno-allergologues, les généticiens, les cancérologues... Des prophètes inquiets voyaient déjà les eczémas et le psoriasis en immunologie clinique, les pyodermites et les mycoses en infectiologie, les acnés et les alopécies en endocrinologie, les nævus et les carcinomes cutanés dans les centres anticancéreux... Il y eut de toute évidence quelques redistributions de rôles, notamment en matière de MST, devenues des IST, davantage d’actes opératoires pris en charge par des chirurgiens plasticiens non dermatologues, mais aussi des réorientations internes dans notre spécialité même, avec davantage de dermatologues se tournant vers la médecine esthétique et se familiarisant plus avec les lasers, les fillings et les minigrafts qu’avec les médicaments immunomodulateurs et les biothérapies. Avec cet argument imparable pour justifier cette orientation : « Il faut bien vivre de son métier ! » L’augmentation des servitudes administratives et déontologiques est souvent invoquée comme une des causes déterminantes de ce choix.
J
VIII Préface Cette évolution n’a en fin de compte pas eu d’effets pervers sur le contenu et sur la pratique de la spécialité. Elle a en revanche nettement fait apparaître que l’abondance des lésions et des syndromes cutanés élémentaires et des entités qu’elles expriment, leur reconnaissance facile par les spécialistes formés à cette discipline, et leur accès direct à l’inspection et au prélèvement rendaient l’avis des dermatologues indispensable dans les disciplines transversales dans lesquelles on craignait de voir fondre la nôtre. Les dermatologues ont acquis avec cette évolution, en quelques décennies, un état d’esprit de plus en plus « interniste » et ont pu se convaincre et convaincre autrui que la grande majorité des maladies cutanées, hormis quelques dermatoses exogènes ou mécanogènes, s’inscrivent dans le contexte d’affections systémiques. Ils sont souvent aux avant-postes dans la suspicion puis la reconnaissance diagnostique de ces affections, par la démarche séméiologique et nosologique propre à la spécialité, qui n’a pas vieilli, mais s’est au contraire enrichie par les contacts multidisciplinaires. N’était-il d’ailleurs pas logique de prévoir que la pathologie de l’enveloppe du corps entier ne pouvait que renforcer le concept et le besoin d’une pratique médicale dite de l’« homme global », qui reviennent sans cesse dans les propos de l’éthique médicale et dans les objectifs d’enseignement et de formation professionnelle ? L’ouvrage collectif coordonné par Didier Bessis avec la collaboration de Bernard Guillot et de Jean-Jacques Guilhou, tous les trois de Montpellier, et de Camille Francès de Paris, avec de très nombreux auteurs, une centaine au total, presque tous français, est exemplaire de cette évolution de notre spécialité. Les nombreux chapitres, plus de 120 répartis en 5 volumes, montrent qu’elle interfère sans arrêt avec les autres spécialités pour l’identification et la prise en charge d’innombrables maladies générales, depuis le lupus érythémateux jusqu’aux états psychotiques. La « Dermatologie », c’est vraiment de la « Médecine » de l’homme global. La lecture et la consultation fréquente de cette série d’ouvrages sauront vous en convaincre. Professeur Édouard Grosshans Strasbourg, France
Avant-propos ’ouvrage Dermatologie et Médecine a été conçu pour le clinicien. À l’opposé d’un traité de dermatologie dédié à la formation du dermatologue débutant ou aguerri, cet ouvrage souhaite être accessible autant au spécialiste de la peau et des muqueuses qu’au praticien exerçant la médecine générale et la médecine interne.
L
Ce premier volume, consacré aux manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées, se veut résolument original et actualisé. Original par l’abord de sujets souvent méconnus de la dermatologie et de la médecine interne : syndromes sclérodermiformes et états pseudosclérodermiques, expression cutanée des maladies systémiques chez le sujet à peau dite noire, maladie de Kawasaki adulte... Actualisé car il traite de façon exhaustive des récentes avancées dermatologiques cliniques, physiopathologiques et thérapeutiques dans des domaines aussi variés que les fièvres périodiques, les dermatoses neutrophiliques et éosinophiliques, les paraprotéinémies et les mastocytoses. Outre le détail de la sémiologie clinique cutanée, muqueuse et phanérienne, indispensable à l’appréhension de ces affections, le lecteur trouvera une synthèse de leurs mécanismes physiopathologiques et de leurs thérapeutiques spécifiques. L’iconographie couleur est récente et représentative des dermatoses telles que rencontrées en pratique quotidienne. Des photographies de dermatoses rares, mais typiques, ont également été insérées : un coup d’œil appuyé sur une illustration contribue souvent plus à sa mémorisation que la lecture détaillée de sa sémiologie. Les notions utiles d’anatomopathologie cutanée, parfois rebutantes pour un non-initié, sont synthétisées dans un chapitre spécifique ; les différentes figures histologiques ont été enrichies d’indications et de schémas explicatifs pour une consultation plus aisée. Cet ouvrage est conçu pour une lecture agréable : mise en pages attractive complétée d’un glossaire simplifié, qualité des illustrations et des figures, index détaillé. Ce résultat a été rendu possible grâce aux idées et au travail minutieux de Gilles, typographe. Les figures originales sont le résultat de talentueux coups de crayon et clics de souris de Mapie, graphiste. Mes vifs remerciements vont à mes collaborateurs, Camille Francès, Bernard Guillot et Jean-Jacques Guilhou, pour leur adhésion totale et immédiate à ce projet, ainsi qu’à Dan Lipsker pour ses encouragements.
X Avant-propos Tout ce travail n’aurait bien sûr pas été possible sans la confiance et l’engagement de tous les auteurs sollicités ainsi que de Nathalie Huilleret des éditions Springer auxquels j’adresse également mes sincères remerciements. Je souhaite vivement que la lecture de l’ouvrage vous transmette ma passion de la dermatologie. Didier Bessis
Sommaire 1
Lupus érythémateux Camille Francès 2 Affections rhumatismales inflammatoires Didier Bessis, Jean-Jacques Guilhou 3 Sclérodermie systémique et sclérodermies cutanées Philippe Humbert, Ève Puzenat 4 Syndromes sclérodermiformes et états pseudosclérodermiques Didier Bessis 5 Dermatomyosite Camille Francès 6 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques Marie-Sylvie Doutre, Camille Francès 7 Maladie de Behçet Serge Boulinguez 8 Syndrome de Gougerot-Sjögren Loïc Vaillant, Sophie Le Dû 9 Maladie de Kawasaki Pascal Sève, Christiane Broussolle 10 Polychondrite chronique atrophiante Michel Rybojad
11 Fièvres périodiques Olivier Dereure 12 Paraprotéinémies Dan Lipsker 13 Amyloses cutanées Philippe Modiano 14 Dermatoses neutrophiliques Didier Bessis 15 Dermatoses éosinophiliques Olivier Dereure 16 Mastocytoses Stéphane Barete 17 Sarcoïdose Didier Bessis, Pascale Huet 18 Toxidermies avec manifestations systémiques Annick Barbaud 19 Maladies systémiques à expression cutanée chez les sujets ayant la peau dite noire Antoine Mahé, Fatimata Ly 20 Capillaroscopie péri-unguéale Jean-Jacques Morand 21 Dermatopathologie et maladies systémiques Janine Wechsler
1
Lupus érythémateux
Camille Francès Lésions lupiques 1-1 Nosologie, épidémiologie et facteurs de risque 1-1 Physiopathologie 1-4 Aspects cliniques 1-5 Aspects histologiques 1-9 Lupus cutanés et lupus érythémateux disséminé 1-10 Autres associations 1-11 Lupus néonatal 1-11 Traitement des lupus cutanés 1-11 Lésions vasculaires 1-13 Acrosyndromes 1-13 Livédo 1-13 Ulcères de jambes 1-14
e terme de lupus a été initialement utilisé à la fin du Moyen Âge pour décrire des lésions cutanées mutilantes du visage de causes variées. Actuellement, le terme de lupus érythémateux désigne un ensemble d’affections formant un spectre continu allant d’une lésion cutanée isolée à une maladie multiviscérale grave dans le cadre d’un lupus érythémateux aigu disséminé (LEAD) aussi appelé lupus systémique. Les nombreuses manifestations cutanéomuqueuses observées dans ces affections ont une grande valeur diagnostique et parfois pronostique. Aussi est-il fondamental d’en faire un diagnostic précis. Schématiquement, ces manifestations peuvent être classées en trois groupes : les lésions lupiques, théoriquement caractérisées par une atteinte de l’interface dermo-épidermique (en fait inconstante), les lésions vasculaires, les manifestations non lupiques et non vasculaires (tableau 1.1).
L
Lésions lupiques Il n’existe pas de définition précise des lésions lupiques. Théoriquement, les lésions lupiques sont caractérisées par une atteinte de l’interface de la jonction dermo-épidermique, en fait atteinte non spécifique car observée dans d’autres maladies telles que la dermatomyosite et atteinte inconstante car absente dans les lupus tumidus ou profond. Le diagnostic de lésion lupique repose en réalité sur un faisceau d’arguments prenant en compte l’aspect clinique des lésions dermatologiques, leur topographie, leur évolution,
Urticaire et œdème de Quincke 1-14 Hémorragies en flammèches multiples sous-unguéales 1-14 Nécroses cutanées extensives 1-14 Autres lésions vasculaires 1-14 Manifestations non lupiques et non vasculaires 1-14 Lucite idiopathique 1-14 Alopécie 1-15 Lupus bulleux 1-15 Mucinose papuleuse 1-15 Anétodermie 1-16 Calcifications 1-16 Pustulose amicrobienne des plis 1-16 Références 1-16
une histologie compatible, les résultats de l’immunofluorescence cutanée directe, le contexte clinique et immunologique. Lors d’un examen initial, le type des lésions cutanées lupiques est parfois difficile à préciser en l’absence de données évolutives ; ces lésions peuvent alors être classées dans le cadre flou de lésions lupiques de type indéterminé en attendant d’avoir un diagnostic plus précis. Nosologie, épidémiologie et facteurs de risque Le lupus érythémateux aigu (LEA) est observé essentiellement chez la femme avec un sex-ratio F/H de 9/1. Il serait plus souvent observé en cas de début précoce du lupus ¹. Mieux visible sur des malades à carnation claire, il est probablement sous-évalué chez les malades à carnation très foncée, mais il peut aussi être moins fréquent en raison de la protection naturelle de leur peau aux ultraviolets ². Autrefois dénommé sous des appellations diverses, le lupus érythémateux subaigu (LESA) a été individualisé en 1977 par Gilliam ³. Il atteint préférentiellement les femmes (70 %) d’origine caucasienne (85 %), surtout à partir de 50 ans ⁴. Le lupus érythémateux chronique (LEC) regroupe le lupus discoïde, le lupus tumidus, le lupus à type d’engelures et la panniculite ou lupus profond. Le terme de LEC est souvent confondu avec celui de lupus discoïde, le lupus tumidus et le lupus à type d’engelures étant alors considérés comme des formes cliniques de lupus discoïde. La panniculite est à part. Il n’existe aucune
LEA lupus érythémateux aigu · LEAD lupus érythémateux aigu disséminé · LEC lupus érythémateux chronique · LESA lupus érythémateux subaigu
1-2
Lupus érythémateux Tableau 1.1
Principales manifestations dermatologiques observées au cours des lupus
Lupus cutanés
Lésions vasculaires
Manifestations non lupiques et non vasculaires
Lupus érythémateux aigu Érythème en vespertilio Éruption plus diffuse morbilliforme, papuleuse ou bulleuse − prédominante dans les zones photo-exposées − atteinte des zones interarticulaires sur le dos des mains Lésions érosives buccales Lupus érythémateux subaigu Forme annulaire Forme psoriasiforme Forme à type d’érythème polymorphe (syndrome de Rowell) Lupus néonatal Lupus érythémateux chronique Lupus discoïde − localisé (céphalique) − disséminé − buccal lichénoïde Lupus tumidus Lupus à type d’engelures Panniculite lupique
Syndrome de Raynaud Érythermalgie Livédo Ulcères de jambes Urticaire et œdème de Quincke Hémorragies en flammèches multiples sous-unguéales Nécroses cutanées extensives Érythème palmaire, télangiectasies péri-unguéales Purpura Atrophie blanche ou pseudo-maladie de Degos
Photosensibilité Alopécie Lupus bulleux Mucinose papuleuse Anétodermie Calcifications Pustulose amicrobienne des plis
La multitude des études génétiques chez les malades avec un LEAD contraste avec la relative rareté de celles concernant les lupus cutanés. En effet, il n’y a aucune étude dans la littérature recherchant une relation entre certains haplotypes HLA et le LEA. Le LESA était antérieurement considéré comme préférentiellement associé aux haplotypes HLA-A1, B8, DR3. Plus récemment a été décrit l’association LESA et polymorphisme nucléotidique du gène promoteur (-308A) du tumor necrosis factor alpha (TNF-α) ⁷. Les kératinocytes, provenant de sujets présentant cette anomalie génétique, auraient une production anormalement élevée de TNF induite par les ultraviolets (UV) de type B (UV-B). Aujourd’hui, ces haplotypes sont regroupés sous le terme d’haplotype ancestral 8.1 : HLA-A1, Cw7, B8, TNFAB* a2b3, TNFN*S, C2*C, Bf*s, C4*A Q0, C4B*1, DRB1*0301, DQA1*0501, DQB1*0201. Les sujets porteurs de cet haplotype ancestral ont une susceptibilité de développer de nombreuses maladies auto-immunes dont le diabète, la dermatite herpétiforme ou la myasthé-
Fig. 1.1 Lupus érythémateux aigu : érythème et œdème du front et des joues respectant les sillons naso-géniens
Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
étude épidémiologique concernant la prévalence du LEC. Il débute souvent entre 20 et 40 ans, mais peut également atteindre les âges extrêmes de la vie. La prédominance féminine est moins nette que dans les autres formes, le sexratio F/H variant de 3/2 à 3/1. Toutes les ethnies sont touchées. Certains auteurs le considèrent comme deux à trois fois plus fréquent que le LEAD ⁵ alors que d’autres le considèrent sept fois moins fréquent. La prévalence du LEAD en Europe varie de 25 à 39 cas pour 100 000 sujets selon les études et les régions ⁶, ce qui permet d’évaluer la prévalence de LEC entre 4 et 117 cas pour 100 000 sujets, l’ampleur de cet intervalle témoignant de l’absence de données épidémiologiques fiables.
Fig. 1.2
Lupus érythémateux aigu du décolleté
LEA lupus érythémateux aigu · LEAD lupus érythémateux aigu disséminé · LEC lupus érythémateux chronique · LESA lupus érythémateux subaigu · TNF tumor necrosis factor · UV ultraviolets
Lésions lupiques Tableau 1.2 Gènes en dehors du complexe majeur d’histocompatibilité potentiellement impliqués à l’origine d’une susceptibilité aux lupus cutanés ou à la production d’anticorps anti-Ro/SS-A ¹¹ Gènes
Site
Associations
Interleukine-1 (IL-1A, B, RA)
2q13
Allèle d’IL-1 RA, lupus discoïde et photosensitivité
Interleukine-10
1q31
Liaison 1q31 et LEAD, polymorphisme nucléotide (3) et ac anti-Ro
ICAM 1
19p13.2-13.3
Expression augmentée de l’ICAM 1 par les kératinocytes dans les LEC
Sélectine-E
1q23-25
Expression augmentée de l’expression de sélectine endothéliale en peau lupique
Récepteur 2 du Fc gamma (FCGR2A)
1q23
LEAD, défaut de cytotoxicité ac dépendante
Gènes des cytokines
Molécules d’adhésion
Récepteur des cellules T TCR Cβ1, 7q35 C β2
Polymorphisme de restriction et et ac anti-Ro
Enzymes antioxydants Glutathion S transférase GSTM1
1p13
GSTM1 nul et ac anti-Ro
10q24.1
Polymorphisme d’un nucléotide et photosensibilité
Gènes de l’apoptose Fas (TNFRSF6)
nie. Les malades ayant également une symptomatologie de syndrome de Gougerot-Sjögren auraient plus souvent cet haplotype qui favorise une forte production d’anticorps anti-Ro/SS-A ³. Ainsi les malades avec LEC et anticorps anti-Ro/SS-A partageraient également cet haplotype avec une association moins fréquente de DRB*04. Les déficits génétiques en fractions du complément, ainsi que le déficit congénital en inhibiteur de la C1 estérase, ont été surtout rapportés en association avec des LESA et des LEA mais aussi avec des LEC. Dans une étude de 32 malades avec LESA ou LEC, un déficit génétique partiel en C2 et/ou C4 a été mis en évidence dans 75 % des cas ⁸ sans variation significative suivant les types de lupus. L’explication physiopathologique pour ce type d’association est encore incertaine : défaut de clairance des complexes immuns et des cellules apoptotiques, notamment des kératinocytes en apoptose induits par les UV, ou simple localisation génétique proche du gène responsable. Les malades atteints de granulomatose septique ou leurs mères peuvent avoir des lésions proches de celles du lupus discoïde. L’immunofluorescence directe y est cependant généralement négative ⁹. Il s’y associe fréquemment une stomatite érosive. L’association avec un LEAD est possible ¹⁰. Les autres associations génétiques en dehors du complexe majeur d’histocompatibilité sont reportées sur le tableau 1.2 ¹¹. La fréquence du déclenchement par l’exposition solaire des lésions lupiques est très difficile à évaluer. En effet, les données de l’interrogatoire des malades ne sont pas toujours fiables du fait notamment du caractère retardé de l’apparition des lésions lupiques par rapport à l’exposition solaire
Médicaments inducteurs de LESA (d’après 4) Diurétiques Thiazides Spironolactone Inhibiteurs calciques Diltiazem Nifédipine Nitrendipine Vérapamil Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine Captopril Cilazalapril Antiacides Ranitidine Omeprazole Anti-inflammatoires non stéroïdiens Naproxène Piroxicam Bêta-bloquants Oxprénolol Acébutolol
Hypolipémiants Pravastatine Simvastatine Antimycosiques Griséofulvine Terbinafine Antihistaminiques Cinnarazine/triéthylpérazine Antiépileptiques Phénytoïne Antimalariques Hydroxychloroquine Sulfamides Glyburide Chimiothérapie Docetaxel (taxotère) Autres Interféron α Procainamide D-Pénicillamine Étanercept/infliximab Tiotropium en inhalation Insecticides
1.A et de la prise de conscience individuelle très variable des différentes expositions solaires possibles. Les résultats des tests de provocation varient en fonction des techniques utilisées et de la population étudiée en raison de facteurs génétiques ¹². Grossièrement, le déclenchement des lésions cutanées par l’exposition solaire est noté chez 25-30 % des malades ayant un LEA, 65-80 % des malades ayant un LESA et 30-40 % des malades avec un LEC ; les rayonnements nocifs étant surtout les UV-B et, à un moindre degré, les UV-A ¹². Sa corrélation avec la présence sérique d’anticorps anti-Ro/SS-A n’a pas été mise en évidence dans toutes les études ¹³,¹⁴. La radiothérapie par rayons X peut être également un facteur déclenchant de lésions de lupus cutané notamment de LESA ¹⁵. Un phénomène de Koebner explique certaines localisations des lésions de LEC sur des zones traumatisées ou sur des cicatrices préexistantes. L’intoxication tabagique a été initialement incriminée comme facteur de risque de résistance à l’hydroxychloroquine des lésions cutanées lupiques ; en fait, elle semblerait égalemet prédisposer au LEAD, à ses manifestations cutanées ¹⁶ et surtout au LEC (risque relatif : 14,4 ; intervalle de confiance : 6,233,8), particulièrement chez l’homme ⁸,¹⁷. S’il n’est pas habituel de rechercher une cause médicamenteuse dans les LEA et les LEC, il n’en est pas de même au cours des LESA ⁴. En effet, un certain nombre de médicaments ont été associés à la survenue ou à l’aggravation de lésions de LESA (encadré 1.A). Le problème des contraceptifs œstroprogestatifs est différent. Ils ne sont pas réellement inducteurs, mais peuvent déclencher des poussées systémiques de lupus. Leur responsabilité dans l’aggravation de LESA et LEC n’a pas été clairement établie. Il paraît cependant logique de les éviter en cas de lupus cutanés résistants à l’hydroxychloroquine et/ou accompagnés d’anomalies immunologiques sériques. Quant au traitement substitutif de la ménopause, aucune donnée actuelle ne permet de le
IL interleukine · LEA lupus érythémateux aigu · LEAD lupus érythémateux aigu disséminé · LEC lupus érythémateux chronique · LESA lupus érythémateux subaigu · UV ultraviolets
1-3
Lupus érythémateux
Coll. D. Bessis
1-4
réponse immunitaire est essentiellement localisée au niveau de l’interface dermo-épidermique, ce qui suggère l’existence de cibles antigéniques situées à la surface des kératinocytes de la couche basale de l’épiderme. Les facteurs d’environnement qui déclenchent une poussée cutanée de la maladie sont pour la plupart inconnus, à l’exception des UV-B et, à un moindre degré, des UV-A. Ces radiations déclenchent une cascade d’événements entretenant l’inflammation dont il est très difficile de préciser la chronologie. Les kératinocytes entrent en apoptose par l’intermédiaire de médiateurs apoptotiques (Fas, TNF-α, monoxyde d’azote...) ; ils expriment à leur surface des vésicules contenant des auto-antigènes intracellulaires jusqu’à présent masqués au système immunitaire. La mauvaise élimination de ces autoantigènes (diminution du C1q, du C2, C3, C4) favoriserait leur présentation aux lymphocytes T
Coll. D. Bessis
Physiopathologie La physiopathologie des lupus cutanés reste un puzzle dont il manque encore de nombreuses pièces ¹⁹-²⁰. Les lupus cutanés résultent vraisemblablement, comme le lupus érythémateux systémique, d’interactions entre des gènes de susceptibilité et des facteurs d’environnement, ayant pour conséquence une réponse immune anormale comportant une hyperréactivité lymphocytaire T et B qui n’est pas réprimée par les circuits habituels d’immunorégulation. Cette
Fig. 1.5 Lupus érythémateux aigu muqueux buccal : érosion de la face interne de la joue
Fig. 1.4
Lupus érythémateux aigu muqueux buccal : érosion du palais
LESA lupus érythémateux subaigu · TNF tumor necrosis factor · UV ultraviolets
Coll. D. Bessis
contre-indiquer dans les lupus uniquement cutanés. Enfin dans quelques observations, un LESA d’apparition tardive après 50 ans peut accompagner un cancer de localisation variée cancer du poumon, cancer du sein, adénocarcinome utérin, cancer gastrique, mélanome malin, maladie de Hodgkin, carcinome hépatique ¹⁸, etc. Il n’y a pas de particularité clinique ou immunologique à ces formes associées à un cancer. Leur rareté ne justifie pas la recherche systématique d’une néoplasie devant une LESA du sujet âgé.
Coll. D. Bessis
Fig. 1.3 Lupus érythémateux aigu du dos des mains : atteinte papuleuse et érythémateuse en regard des zones articulaires et interarticulaires
Fig. 1.6
Lupus érythémateux aigu labial
Aspects cliniques Lupus érythémateux aigu (LEA) Il est caractérisé cliniquement par son aspect érythémateux, plus ou moins œdémateux ou squameux, voire papuleux. Dans la forme localisée, il est situé principalement sur les joues et le nez, en vespertilio ou en loup, respectant relativement les sillons naso-géniens, s’étendant souvent sur le front, les orbites, le cou dans la zone du décolleté (fig. 1.1). L’œdème, parfois important, peut gêner l’ouverture des yeux. Dans la forme diffuse, il prédomine généralement sur les zones photo-exposées, réalisant une éruption morbilliforme, papuleuse (fig. 1.2), eczématiforme ou bulleuse. Sur le dos des mains, les lésions lupiques atteignent surtout les zones interarticulaires (fig. 1.3) qui, à l’inverse, sont respectées dans la dermatomyosite. Dans les formes bulleuses du lupus suraigu existent de vastes décollements, survenant toujours en zones érythémateuses lupiques. Les lésions buccales de LEA sont érosives, localisées préfé-
Gros plan sur des macules annulaires de lupus érythémateux
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autoréactifs et la rupture de la tolérance sur un terrain génétique prédisposé. Les UV-B et les UV-A augmentent les taux d’interleukine (IL)-10 et d’IL-12. L’IL-10 induit la tolérance en favorisant la réponse Th2 alors que l’IL-12 semble promouvoir la réponse Th1. De plus, les UV induisent la libération d’IL-1-α et de TNF-α qui augmentent l’expression des molécules d’adhésion sur les kératinocytes et les cellules endothéliales, favorisant le recrutement de cellules inflammatoires. Ainsi ont été mis en évidence une augmentation d’expression des molécules d’adhésion comme l’ICAM-1 à la surface des kératinocytes, de la sélectine E et le VCAM-1 à la surface des cellules endothéliales, ainsi qu’une expression anormale des molécules d’histocompatibilité de classe II (HLA-DR) pour la peau atteinte de malades présentant un LEC ou un LESA. Les cellules dendritiques plasmacytoïdes, capables de produire de grande quantité d’interféron, sont en nombre important à la jonction dermo-épidermique, autour des vaisseaux et des follicules pileux sur la peau ayant une atteinte lupique. En revanche, les cellules de Langerhans et les cellules dendritiques inflammatoires épidermiques sont diminuées dans l’épiderme lupique.
Fig. 1.8 subaigu
Fig. 1.9 Lupus érythémateux subaigu bulleux à type de pseudo-érythème polymorphe rentiellement sur les gencives, le palais (fig. 1.4), les joues (fig. 1.5) ou les lèvres (fig. 1.6), tantôt bien supportées, tantôt très douloureuses, gênant l’alimentation. L’atteinte génitale est beaucoup plus rare, généralement associée à une atteinte buccale. Toutes ces lésions régressent rapidement
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Fig. 1.7 Lupus érythémateux subaigu : macules érythémateuses et annulaires du thorax et du cou en regard des zones photo-exposées
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Lésions lupiques
Fig. 1.10 Lupus érythémateux subaigu : macules et papules érythémateuses et squameuses psoriasiformes de la partie supérieure du dos
IL interleukine · LEA lupus érythémateux aigu · LEC lupus érythémateux chronique · LESA lupus érythémateux subaigu · TNF tumor necrosis factor · UV ultraviolets
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Lupus érythémateux
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avec un centre hypopigmenté grisâtre parfois couvert de télangiectasies (fig. 1.8). Rarement, elles peuvent prendre un aspect d’érythème polymorphe (syndrome de Rowell) (fig. 1.9). Dans la forme psoriasiforme, les lésions sont papulosquameuses, psoriasiformes ou pityriasiformes (fig. 1.10), pouvant confluer pour réaliser une forme profuse, voire une érythrodermie exfoliative. Les deux formes peuvent être associées chez un même malade. Quelle que soit la forme, l’atteinte est superficielle sans kératose folliculaire visible ni squame adhérente. Les lésions ont une topographie évocatrice du fait d’une distribution prédominante sur les zones photo-exposées avec une atteinte grossièrement symétrique du visage, du cou, du décolleté, des épaules, de la face d’extension des bras, du dos des mains. L’extension sur le tronc est possible avec respect fréquent la face interne des membres supérieurs, des aisselles et des flancs. L’atteinte des membres inférieurs est rare. La régression des lésions est plus ou moins rapide, sans atrophie cicatricielle mais avec des troubles pigmentaires (hypo- ou hyperpigmentation) (fig. 1.11) et des télangiectasies séquellaires. Le diagnostic peut hésiter avec une dermatophytie, un eczéma annulaire, un érythème polymorphe, un psoriasis, un pityriasis rosé de Gibert, une toxidermie. L’examen anatomopathologique avec immunofluorescence directe en zone lésionnelle permet d’éliminer la majorité de ces diagnostics excepté l’érythème polymorphe en cas de syndrome de Rowell ou une toxidermie en cas de lésions diffuses. Dans ces derniers cas, c’est le contexte clinique qui oriente vers le diagnostic de LESA. Lupus érythémateux chronique Il regroupe le lupus
sans cicatrice en dehors d’une possible hyperpigmentation séquellaire chez le sujet à peau dite noire. Le diagnostic différentiel se pose surtout avec la rosacée qui comporte des télangiectasies et des pustules, avec une dermite séborrhéique localisée principalement dans les plis naso-géniens, avec une dermatomyosite prédominant au visage sur les paupières supérieures de couleur lilacée et aux mains sur les zones articulaires. Les formes disséminées évoquent parfois un eczéma, une éruption virale ou toxidermique. Les formes suraiguës peuvent faire discuter une nécrolyse épidermique toxique. Les érosions buccales du lupus aigu sont généralement moins étendues que celles du syndrome de Stevens-Johnson avec atteinte prédominante de la moitié postérieure du palais. L’atteinte génitale lupique est plus rare et généralement plus limitée. Lupus érythémateux subaigu Cliniquement, le LESA se manifeste initialement par des lésions maculeuses érythémateuses ou papuleuses évoluant soit vers une forme annulaire, soit vers une forme psoriasiforme. Dans la forme annulaire, les lésions ont des contours polycycliques à bordure érythémato-squameuse (fig. 1.7) ou vésiculo-croûteuse LESA lupus érythémateux subaigu
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Fig. 1.11 Lupus érythémateux subaigu : macules dépigmentées vitiligineuses et lésions actives psoriasiformes
Fig. 1.12 Lupus discoïde du visage et du cou : macules érythémateuses, squameuses et atrophiques
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Lésions lupiques
Lupus discoïde étendu du visage en « ailes de papillon »
discoïde, le lupus tumidus, le lupus à type d’engelures ou lupus pernio, le lupus profond ou panniculite lupique. Dans sa forme classique, le lupus discoïde réalise des plaques bien limitées associant trois lésions élémentaires : 1o érythème de type congestif surtout net en bordure parcouru de fines télangiectasies ; 2o squames plus ou moins épaisses s’enfonçant en clou dans les orifices folliculaires pouvant donner un aspect de piqueté blanc, râpeux au toucher ; 3o atrophie cicatricielle prédominant au centre des lésions souvent dépigmentée, parfois tatouée de télangiectasies et de taches pigmentées. Les lésions, souvent multiples et symétriques, sont surtout localisées sur les zones photo-exposées, notamment au visage (fig. 1.12) sur l’arête du nez, les pommettes avec parfois une disposition en « aile de papillon » (fig. 1.13), les régions temporales et l’ourlet des oreilles. Les zones non exposées sont en fait souvent atteintes, en particulier les sourcils, les paupières ou le cuir chevelu (fig. 1.14). Ainsi des plaques du cuir chevelu existent dans 60 % des cas, elles sont isolées dans 10 % des cas, laissant après guérison une alopécie cicatricielle définitive avec un aspect de pseudo-pelade. Dans le lupus discoïde disséminé, les lésions sont plus diffuses, atteignant le tronc et les membres. Sur les membres, les lésions sont observées préférentiellement sur les zones traumatisées comme les coudes ou sur les extrémités. L’atteinte palmoplantaire est souvent érosive, très douloureuse, particulièrement résistante aux traitements, invalidante sur le plan fonctionnel, gênant la marche en cas de lésions plantaires et empêchant toute activité manuelle en cas de lésions palmaires (fig. 1.15). Une atteinte unguéale est fréquemment observée dans les formes digitales profuses, à l’origine de dystrophies pseudolichéniennes. Des lésions muqueuses, essentiellement buccales, seraient présentes dans 25 % des cas ²¹. Initialement, il s’agit de lésions érythémateuses évoluant vers un aspect lichénien avec des zones blanches isolées (fig. 1.16) ou entourant des
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Fig. 1.13
Fig. 1.14 Lupus discoïde du scalp responsable d’une large alopécie cicatricielle zones érythémateuses ou érosives en « rayons de miel ». Les demi-muqueuses des lèvres, la face interne des joues et le palais sont le plus souvent atteints alors que l’atteinte linguale est plus rare. L’évolution vers un carcinome spinocellulaire est possible. L’atteintes des autres muqueuses, notamment conjonctivale, nasale ou génitale, est rare. Différentes formes cliniques existent selon la prédominance ou la répartition des lésions élémentaires : lupus crétacé très hyperkératosique, lupus comédonien avec de nombreux comédons ouverts ou fermés, à limites nettes, le différenciant de l’acné, lupus folliculaire notamment des coudes, fréquent chez les Asiatiques, lupus télangiectasique, formes érythémateuses, très difficiles à distinguer du lupus aigu, formes infiltrées nodulaires avec un centre déprimé kératosique sur les mains, lupus atrophique avec des lésions cicatricielles vermoulues de la zone péribuccale. Le lupus tumidus réalise un ou plusieurs placards nettement saillants, arrondis ou ovalaires, de teinte rouge violacé, à bords nets comme tracés au compas, de consistance œdémateuse, sans hyperkératose folliculaire visible à l’œil nu. Certaines lésions sont déprimées en leur centre et peuvent prendre un aspect annulaire ²². Les lésions sont principalement localisées au visage (fig. 1.17) et à la partie supérieure du tronc avec une distribution prédominante sur les zones photo-exposées, témoignant d’une grande
Lupus érythémateux
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Lupus discoïde des paumes
Fig. 1.17 Lupus tumidus : plaque papuleuse et œdémateuse sans squames ni atrophie cicatricielle fréquemment avec des lésions de vasculite. L’histologie est voisine de celle du lupus discoïde. Du fait de ces difficultés diagnostiques, des critères diagnostiques ²⁴ ont été proposés : deux critères majeurs (lésions des extrémités induites par l’exposition au froid ou une diminution de la tempéra-
Fig. 1.16 Lupus discoïde de la face interne de joue : lésion leucokératosique d’allure pseudolichénienne LESA lupus érythémateux subaigu
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photosensibilité. Elles disparaissent habituellement sans cicatrice. Les Caucasiens sont préférentiellement atteints. Le diagnostic différentiel se pose essentiellement avec le LESA, les lésions annulaires observées chez les Asiatiques présentant un syndrome de Gougerot-Sjögren ²³ et les infiltrats lymphocytaires bénins cutanés en particulier de Jessner et Kanof. Pour certains auteurs, ces deux derniers diagnostics ne seraient que des formes cliniques de lupus tumidus. Le lupus à type d’engelures est caractérisé par sa localisation (extrémités des doigts et des orteils, oreilles, nez, mollets, talons, coudes, genoux), son évolution souvent saisonnière aggravée par le froid, son aspect clinique avec des lésions violacées souvent ulcérées ou verruqueuses, prurigineuses ou douloureuses (fig. 1.18) ²⁴. Cliniquement, il peut être confondu avec des engelures, une sarcoïdose ou plus
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Fig. 1.15
Fig. 1.18
Lupus-engelures
ture et présence de lésions évocatrices de lupus en histologie avec immunofluorescence directe) et trois critères mineurs (coexistence d’un lupus systémique ou de lésions de lupus discoïde, réponse à un traitement des lupus cutanés et absence de cryoglobuline, cryofibrinogène ou d’agglutinines froides). Les frontières entre le lupus-engelures et les formes distales de lupus discoïde sont assez floues, les lésions étant classées lupus-engelures lorsqu’elles sont aggravées par le froid et lupus discoïde lorsqu’elles n’ont pas de variations saisonnières. En fait, ce terme devrait être réservé aux lésions lupiques distales simulant cliniquement des engelures, mais qui sont distinctes de cette dernière entité du fait de leur persistance en dehors de la saison froide ²⁵. La panniculite lupique ou lupus érythémateux profond ou maladie de Kaposi-Irgang se manifeste par des nodules ou des plaques infiltrées de taille variable, parfois douloureuses. La peau en regard est normale ou érythémateuse, parfois siège de lésions de lupus discoïde. Les lésions s’ulcèrent dans 30 % des cas ²⁶. Les dépôts calciques sont inconstants. L’évolution se fait vers une lipoatrophie cicatricielle permettant un diagnostic rétrospectif. Il n’y a pas de fièvre. Les lésions siègent préférentiellement sur le tiers supérieur des bras (face postéro-interne) (fig. 1.19), les joues ou les cuisses. Plus rarement, elles sont localisées sur les seins avec un aspect pouvant simuler à la mammographie un carcinome inflammatoire, ou dans les régions abdominale, péri-oculaire ou parotidienne. Le diagnostic différentiel se pose cliniquement avec les vasculites nodulaires ou les autres panniculites : panniculite factice, panniculite histiocytaire cytophagique, panniculite idiopathique ou pancréatique habituellement fébrile. L’examen histologique permet généralement de faire le diagnostic. Association des différents types de lupus cutanés Les différents types de lupus cutané peuvent être associés chez un même malade. Ainsi sur 191 malades avec un lupus cutané, 68 % n’avaient qu’un seul type de lésion, 29 % en avaient deux et 3 % trois ²⁷. Les lésions de LEA sont associées aussi bien au LESA qu’au LEC. Vingt pour cent environ des malades avec des lésions de LESA ont ou auront également au cours de leur évolution des lésions de lupus discoïde ²⁸. Dans 70 % des cas, la panniculite est associée à des lésions de lupus discoïde en regard des lésions ou à distance ²⁹. Aspects histologiques L’examen anatomopathologique d’une lésion cutanée lupique révèle, dans les trois formes de lupus cutané, des lésions épidermiques et dermiques avec hyperkératose, atrophie du corps muqueux, lésions de dégénérescence des kératinocytes basaux, épaississement de la membrane basale et infiltrat lymphocytaire dermique composé essentiellement de lymphocytes CD4 + ³⁰ (fig. 1.20). Des variations importantes existent selon chaque forme de lupus. Ainsi dans le LEA, l’hyperkératose est peu importante ; l’infiltrat mononucléé est discret, surtout périvasculaire ; il existe un œdème du derme superficiel ; la dégénérescence des kératinocytes est souvent intense, plus étendue dans
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Lésions lupiques
Fig. 1.19 Lupus érythémateux profond de la face externe d’un bras : nodules érythémateux et lipoatrophie cicatricielle les formes sévères pouvant aboutir à un décollement bulleux. Dans le LESA, les lésions de dégénérescence des kératinocytes sont également parfois très intenses et non limitées à la couche basale. L’hyperkératose est discrète. L’infiltrat est peu abondant, périvasculaire et périannexiel. Dans le lupus discoïde, l’hyperkératose est marquée, de type orthokératosique, formant des bouchons cornés dans les orifices folliculaires ; l’infiltrat dermique est plus important, périannexiel pouvant s’étendre dans le derme profond d’où l’évolution cicatricielle. Dans le lupus tumidus, l’épiderme est souvent normal sans dermite d’interface. L’infiltrat dermique lymphocytaire est superficiel et profond, de disposition périvasculaire et périannexielle avec des dépôts interstitiels de mucine ³¹. L’aspect histologique du lupus à type d’engelures est proche de celui du lupus discoïde avec une hyperkératose moins importante. Il diffère de celui des engelures du fait de l’absence de spongiose, d’œdème dermique important et de localisation périeccrine de l’infiltrat ³². Au cours de la panniculite existe inconstamment un aspect de lupus discoïde dans le derme et l’épiderme. Plus en profondeur, dans l’hypoderme, est noté un infiltrat lobulaire composé de lymphocytes, de plasmocytes et d’his-
LEA lupus érythémateux aigu · LEC lupus érythémateux chronique · LESA lupus érythémateux subaigu
1-10 Lupus érythémateux
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Coll. D. Bessis
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Fig. 1.20 Lésions histologiques caractéristiques de lupus érythémateux : hyperkératose épidermique, lésions de dégénérescence des kératinocytes basaux, épaississement de la membrane basale, œdème et infiltrat lymphocytaire périvasculaire tiocytes, des débris nucléaires, des dépôts fibrinoïdes, une nécrose hyaline des adipocytes, une hyalinisation des septa. Des foyers de calcification sont parfois présents. L’étude en immunofluorescence directe d’une lésion lupique met en évidence des dépôts d’immunoglobulines (IgG, A ou M) et/ou de complément (C1q, C3) à la jonction dermo-épidermique dans 80 à 90 % des cas de LEA et de lupus discoïde, 70 % des cas de panniculite lupique et 60 % des cas de LESA ³. Ces dépôts ne sont pas spécifiques de la maladie lupique ; ils peuvent être observés dans certaines rosacées, les dermatomyosites et chez 20 % des sujets normaux en peau saine exposée ³⁴-³⁶. Dans le LESA a été décrite une fluorescence en poussières épidermiques, en fait non spécifique, dont la fréquence de positivité semble varier beaucoup en fonction de problèmes techniques ³⁷. Histologiquement, le diagnostic est très difficile, voire impossible entre une lésion de LEA et de dermatomyosite qui peut comporter également une bande lupique en immunofluorescence directe. En cas de nécrose extensive des kératinocytes d’une lésion de LEA ou de LESA, l’aspect histologique peut être proche de celui d’une toxidermie, surtout en cas de négativité de l’immunofluorescence directe. Lupus cutanés et lupus érythémateux disséminé Le LEAD est généralement défini par la présence d’au moins quatre critères sur les onze établis par le Collège américain de rhumatologie (ACR pour American College of Rheumatology, ex-ARA) en 1982 ³⁸, deux de ces critères ayant
été modifiés en 1997 (encadré 1.B) ³⁹. Or ces critères ont été élaborés initialement dans un but de classification des maladies rhumatologiques ; ils ont été secondairement déviés de leur vocation initiale et utilisés en pratique comme critères diagnostiques de LEAD dans toutes les spécialités. Ils ne prennent pas en compte l’utilisation du complément essentiel au diagnostic ⁴⁰. La présence de quatre critères dermatologiques conduit à classer abusivement des malades avec une atteinte cutanée isolée associée à quelques anomalies biologiques dans le groupe des LEAD alors qu’ils n’ont en fait aucune manifestation systémique. Ce classement n’a aucune conséquence pratique puisque le choix du traitement va dépendre uniquement de l’existence et de la gravité des atteintes viscérales éventuelles et non du nombre de critères de l’ACR comptabilisés depuis le début de la maladie. Tous les types de lupus cutané peuvent être associés à un LEAD. Toutefois, la fréquence de cette association est très variable selon le type de lupus. Ainsi plus de 90 % des malades avec un LEA ont ou auront un LEAD, les lésions dermatologiques étant révélatrices dans 50-60 % des cas ; à l’inverse, 60 à 80 % des LEAD ont des lésions de LEA ⁴⁰. Celles-ci accompagnent très souvent les poussées de lupus systémique qu’elles doivent faire rechercher systématiquement. Dans notre expérience, les ulcérations muqueuses sont fréquemment associées à une atteinte rénale évolutive. Plus de 50 % des malades avec des lésions de LESA ont un
ACR American College of Rheumatology · LEA lupus érythémateux aigu · LEAD lupus érythémateux aigu disséminé · LESA lupus érythémateux subaigu
Lésions lupiques Critères de classification du lupus érythémateux aigu disséminé 12,33,54 1. Érythème malaire
érythème fixe, maculeux ou maculo-papuleux sur les éminences malaires, tendant à épargner les plis naso-géniens.
2. Lupus discoïde
plaques érythémato-papuleuses avec squames adhérentes s’enfoncant dans les orifices folliculaires et atrophie secondaire.
3. Photosensibilité
éruption cutanée résultant d’une réaction anormale au soleil, constatée par le malade ou le médecin.
4. Ulcérations orales
ulcérations orales ou nasopharyngées, habituellement non douloureuses constatées par un médecin.
5. Arthrite
arthrite non érosive touchant au moins 2 articulations périphériques, caractérisée par une sensibilité, une tuméfaction ou un épanchement. a. pleurésie sur une histoire convaincante de douleurs pleurales ou d’un frottement pleural constaté par un médecin ou visualisation de l’épanchement ou b. péricardite documentée sur l’ECG, un frottement ou la mise en évidence de l’épanchement. a. protéinurie persistante > 0,5 g/j ou > 3 + si elle n’est pas quantifiée ou b. cylindrurie. a. convulsions en l’absence de cause médicamenteuse ou d’anomalie métabolique (urémie, acidocétose, troubles électrolytiques) ou b. psychose en l’absence de cause médicamenteuse ou d’anomalie métabolique (urémie, acidocétose, troubles électrolytiques). a. anémie hémolytique avec réticulocytose ou b. leucopénie < 4 000/mm 3 constatée au moins à 2 reprises ou c. lymphopénie < 1 500/mm 3 constatée au moins à 2 reprises ou d. thrombopénie < 100 000/mm 3 en l’absence de substance cytopéniante. a. anticorps anti-ADN natif à un titre anormal b. anticorps anti-Sm c. présence d’anticorps antiphospholipides correspondant soit à : 1o un taux élevé d’anticorps anticardiolipine de type IgG ou IgM ; 2o un anticoagulant de type lupique ; 3o une sérologie syphilitique dissociée depuis plus de 6 mois confirmée par l’immunofluorescence ou un test de Nelson. titre anormal d’anticorps antinucléaires par immunofluorescence ou autre technique équivalente en l’absence de médicament inducteur de lupus.
6. Atteinte séreuse
7. Atteinte rénale 8. Atteinte neurologique
9. Atteinte hématologique
10. Atteinte immunologique
11. Anticorps antinucléaires
1.B LEAD selon les critères de l’ACR ²⁸. En fait la large majorité des malades avec LESA n’ont pas d’atteinte systémique justifiant une corticothérapie générale ⁴¹. Les atteintes viscérales graves, en particulier rénales ou neurologiques, seraient présentes dans près de 10 % des cas ²⁸. Ces dernières seraient surtout observées chez l’homme avec un aspect papulo-squameux psoriasiforme du LESA ⁴². À l’opposé, suivant les séries, 7 à 21 % des malades avec un LEAD ont des lésions de LESA. Quinze à trente pour cent des malades avec LEAD ont des lésions cutanées de lupus discoïde, révélatrice dans 5 % des cas ⁴⁰. À l’inverse, 10 à 20 % des malades avec lupus discoïde ont ou auront un LEAD. Huit pour cent environ des malades avec lupus discoïde initialement isolé évolueront vers un LEAD, le plus souvent après plusieurs années ⁴³. Il n’existe pas de critère prédictif formel de cette évolution ; dans certaines séries cependant, le caractère disséminé des lésions cutanées, leur aggravation en période prémentruelle ou pendant la grossesse étaient plus souvent associés à une évolution vers un LEAD ⁴³. Quarante pour cent des malades avec une panniculite lupique ont un LEAD ²⁹. À l’inverse, un aspect de panniculite n’est noté que chez 2 à 3 % des LEAD ⁴. Autres associations Tous les types de lupus cutané peuvent être associés à diverses connectivites, la fréquence de ces associations étant généralement inconnue. Trois à vingt pour cent des malades avec un LESA développent un syndrome de GougerotSjögren, ces pourcentages étant plus élevés chez les sujets âgés de plus de 55 ans. Au LESA et au syndrome sec s’ajoutent alors fréquemment une vascularite cutanée, une atteinte neurologique centrale et périphérique
et un syndrome interstitiel pulmonaire ⁴⁵. Les éruptions annulaires décrites chez les Japonais avec syndrome de Gougerot-Sjögren primaire et anticorps anti-Ro/SS-A ou anti-La/SS-B sont très proches du lupus tumidus ⁴⁶. Lupus néonatal La prévalence du lupus néonatal est inconnue, probablement inférieure à 1 pour 20 000 naissances. Une atteinte cutanée est présente dans approximativement la moitié des cas ⁴⁷,⁴⁸. Elle surviendrait préférentiellement en présence d’haplotype TNF-α-308A, DRB1*03 ⁴⁹. Le sex-ratio F/H est de 3/1 en cas d’atteinte cutanée. Les lésions, rarement présentes dès la naissance, apparaissent habituellement dans les premières semaines de vie. Il s’agit de plaques érythémato-squameuses, arrondies et polycycliques très proches cliniquement et histologiquement du LESA, fréquemment hypopigmentées notamment sur peau dite noire. Les lésions sont principalement localisées sur la tête et les zones photo-exposées, tout le tégument pouvant être atteint. Elles disparaissent après une ou plusieurs poussées successives évoluant sur des semaines ou mois avec possibilité de télangiectasies ou de troubles pigmentaires séquellaires. D’autres manifestations ont été décrites : lupus discoïde sans hyperkératose folliculaire marquée ni atrophie, érosions buccales, alopécie, éruptions érythématosquameuses, purpuriques, bulleuses, éruption papuleuse angiomateuse ou non, lésions télangiectasiques, panniculite ⁴⁷,⁴⁸, etc. Le risque de développer ultérieurement un lupus n’est pas encore précisé, il est probablement plus élevé qu’en l’absence de lupus néonatal ⁵⁰. Traitement des lupus cutanés Quel que soit le type de lupus cutané, une protection solaire
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1-12 Lupus érythémateux Surveillance d’un traitement au long cours par APS 52 Préciser a. Âge, taille, poids, poids idéal b. Anomalies rénales et/ou hépatiques associées c. Durée de la prise, antécédents de la prise a. Dose journalière prescrite/dose à faibles risques visuels égale ou inférieure à 6,5 mg/kg/j d’hydroxychloroquine ou 3 mg/kg/j de chloroquine b. Traitements associés c. Antécédents ou pathologies ophtalmologiques associées Examens de surveillance a. Examen clinique a. Acuité visuelle b. Fond d’œil b. Examens complémentaires : deux parmi les trois suivants a. Vision des couleurs : test Panel D15 désaturé b. Champ visuel automatisé environ 10 degrés centraux c. Électrorétinographie maculaire (pattern-ERG ou multifocal ERG) Fréquence a. Sujets à faible risque : tous les 18 mois a. Âge inférieur à 65 ans b. Absence de maladie hépatique, rénale ou rétinienne c. Traitement de moins de 5 ans, à des doses quotidiennes égales ou inférieures à 6,5 mg/kg/j d’hydroxychloroquine ou 3 mg/kg/jour de chloroquine b. Sujet à risque sans anomalie rétinienne : tous les 12 mois a. Âge supérieur à 65 ans au début du traitement b. Traitement de plus de 5 ans c. Doses quotidiennes supérieures à 6,5 mg/kg/j d’hydroxychloroquine ou 3 mg/kg/j de chloroquine d. Présence d’une maladie hépatique ou rénale c. Sujet avec anomalie rétinienne À déterminer par l’ophtalmologiste en fonction de l’anomalie
1.C est indispensable. Aussi l’utilisation de la photoprotection externe doit-elle être large et systématique. La meilleure protection est vestimentaire ; cependant du fait de la nécessité psychologique de mener une vie la plus normale possible chez les sujets atteints de lupus cutanés, le recours aux écrans solaires est pratiquement systématique. Les écrans avec indices les plus élevés contre les spectres les plus larges (UV-B, les UV-A et rayonnement visible) sont à utiliser de préférence en cas de lupus cutané. Ces indices ne prennent pas en compte le maintien de la protection après immersion ou sudation d’où la nécessité de répéter régulièrement les applications au cours de la journée. Ces photoprotecteurs doivent être systématiquement appliqués tous les jours même en l’absence d’exposition solaire prévisible dans la journée. Ils devront être renouvelés toutes les 2 heures en cas d’exposition solaire. En l’absence d’atteinte viscérale de LEAD justifiant un traitement « lourd » (corticothérapie et parfois immunosuppresseurs), le traitement des lupus cutanés fait appel en première intention aux antipaludéens de synthèse (APS), essentiellement à l’hydroxychloroquine (HCQ) et à la chloroquine (CQ) aux doses de 6,5 mg/kg/j pour l’HCQ et de 4 mg/kg/j pour la CQ. L’efficacité n’est pas jugée avant 3 mois de traitement, date à laquelle une amélioration clinique nette est notée dans plus de 80 % des cas ⁵¹. Leur mode d’action dans les lupus cutanés est mal connu, faisant probablement intervenir un effet photoprotecteur, anti-inflammatoire et immunologique ⁵¹. Les effets secondaires sont dominés par l’atteinte oculaire justifiant une surveillance ophtalmologique régulière. Les modalités de cette surveillance ophtalmologique varient d’un pays à l’autre. Des recommandations nationales ont été données
en France ⁵² et en Grande-Bretagne ⁵³, recommandations qui sont en fait très inconstamment suivies ⁵⁴ (encadré 1.C). Le risque de troubles de la conduction cardiaque impose de faire un électrocardiogramme annuel. L’HCQ peut être donné en toute sécurité pendant la grossesse d’autant plus qu’il a une action préventive sur les poussées lupiques ⁵. La pigmentation cutanée prédominant sur les zones exposées est relativement fréquente après de nombreuses années de prise d’APS ; elle peut être également muqueuse, notamment palatine, et unguéale, n’imposant pas l’arrêt du médicament. Le blanchiment des cheveux est beaucoup plus rare, probablement en rapport avec un effet toxique sur le mélanocyte ⁵⁶. Un prurit, une urticaire, une vascularite ou un exanthème maculopapuleux ont été signalés dans des cas isolés. En cas d’échec apparent d’un traitement par APS, il faut s’assurer de la prise correcte du médicament, de l’absence de facteurs inducteurs telles que des expositions solaires et combattre le tabagisme, considéré comme un facteur de résistance aux APS ⁵⁷. L’augmentation des doses d’APS augmente l’efficacité mais aussi le risque de toxicité ; des doses élevées ne doivent pas être prescrites sur de longues durées. L’intérêt du dosage sérique d’hydroxychloroquine et de ses métabolites n’est pas démontré. Le changement de l’HCQ par la CQ ou l’inverse peut permettre de contrôler les lésions dans un pourcentage de cas qui reste à déterminer. L’association de l’HCQ ou de la CQ avec la quinacrine est largement utilisée aux États-Unis en cas de lupus cutanés réfractaires avec de nombreux succès au prix d’une coloration jaune pigmenté des téguments parfois considérée comme inesthétique. L’apparition d’une réaction lichénoïde doit faire arrêter le traitement car elle peut précéder une toxicité médullaire ⁵⁸. L’absence de commercialisation de la quinacrine limite son utilisation en France. Les traitements topiques sont parfois utilisés de première intention avant les antimalariques dans des formes limitées ou en association en cas d’échec partiel des APS. Les dermocorticoïdes de niveau I ou II peuvent être utiles ; ils sont cependant à éviter au long cours sur le visage. Le tacrolimus et le pimécrolimus ont donné des résultats encourageants dans des études préliminaires ⁵⁹,⁶⁰. La corticothérapie générale n’est pas indiquée ; son activité est en effet médiocre sur les lésions cutanées avec une corticodépendance très fréquente. En France, le médicament utilisé en deuxième intention est le thalidomide à la dose initiale de 100 mg/j. Son efficacité n’a été évaluée que dans des études ouvertes avec une rémission des lésions dans plus de 70 % des cas obtenue en moins de 3 mois ⁶¹. Cette rémission est transitoire avec des rechutes dans presque tous les cas à l’arrêt du thalidomide. Aussi est-il nécessaire de prescrire une dose d’entretien la plus faible possible. Les règles de prescription du thalidomide sont très strictes (médecin dûment autorisé, distribution hospitalière exclusive, pratique systématique d’un test de grossesse tous les mois et contraception efficace obligatoire chez la femme en période d’activité ovarienne, procréation interdite chez l’homme, lecture et signature d’un document informant sur les risques téra-
APS antipaludéens de synthèse · CQ chloroquine · HCQ hydroxychloroquine · LEAD lupus érythémateux aigu disséminé · UV ultraviolets
togènes encourus, normalité de l’électromyogramme avec étude des vitesses de conduction nerveuse). Le thalidomide peut induire une somnolence qui sera mieux acceptée en cas de prise le soir, une prise de poids, une aménorrhée ou une impuissance chez l’homme. Les risques de neuropathie axonale sensitive et distale sont non négligeables, contreindiquant ce traitement chez certains sujets prédisposés (alcooliques, diabétiques...). Une surveillance neurologique clinique mensuelle et électromyographique biannuelle est préconisée. En cas de lupus cutané résistant aux APS, après échec ou contre-indication du thalidomide, le traitement est empirique. La dapsone à la dose de 100 à 150 mg/j a permis de blanchir la peau de certains malades atteints de lupus discoïde ou de LESA ⁶². De faibles doses (< 100 mg/j) sont souvent suffisantes dans les LESA, ce qui permet de diminuer la toxicité en particulier l’hémolyse et la méthémoglobinémie dosedépendantes. La prescription concomitante de foldine en améliore la tolérance. Les rétinoïdes en particulier l’acitrétine ou l’isotrétinoïne à la dose de 0,5 à 1 mg/kg/j sont une alternative thérapeutique pour les lupus cutanés résistants ⁶³. Leur efficacité n’est pas limitée au lupus verruqueux. La longue durée (2 ans) de la contraception imposée par la prise d’acitrétine conduit à choisir plutôt chez une jeune femme l’isotrétinoïne. Les effets secondaires des rétinoïdes en limitent l’utilisation. La salazopyrine, à la dose de 1,5 g ou 2 g/j, a donné des résultats très satisfaisants dans près de la moité des cas de séries ouvertes de malades atteints de lupus discoïde ⁶⁴,⁶⁵. Les effets secondaires sont cependant nombreux, parfois graves, à type de syndrome d’hypersensibilité ou d’exacerbation du lupus. L’efficacité thérapeutique serait associée au phénotype d’acétylation rapide qui devrait être systématiquement recherché avant de débuter le traitement ⁶⁵. Les immunosuppressseurs ont été prescrits dans des cas anecdotiques avec des effets variables, notamment l’azathioprine, le méthotrexate ou le mycophénolate mofetil. Les immunoglobulines intraveineuses ont eu un effet spectaculaire dans des observations isolées. Leur prix en limite l’utilisation. Des études controlées appréciant les effets bénéfiques et délétères de ces produits sont indispensables pour guider le choix thérapeutique des lupus cutanés résistants aux APS.
Lésions vasculaires Les lésions vasculaires sont principalement observées dans les LEAD. En dehors des acrosyndromes et des œdèmes angioneurotiques, elles sont secondaires à une atteinte inflammatoire (vascularite) ou thrombotique des vaisseaux cutanés. Un diagnostic précis est indispensable, étant donné les conséquences thérapeutiques totalement opposées. La mise en évidence d’une thrombose impose la recherche d’anticorps antiphospholipides ⁶. Ceux le plus couramment recherchés sont l’anticoagulant circulant de type lupique par des techniques d’hémostase et les anticorps anticar-
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Lésions vasculaires 1-13
Fig. 1.21
Livédo de type racemosa (mailles non fermées)
diolipine par une technique enzyme-linked immunosorbent assay (ELISA) standardisée. La détection d’anticorps antiphospholipides par une technique ELISA utilisant comme cible antigénique un mélange de phospholipides a une valeur comparable à celle des anticorps anticardiolipine. Au cours d’un LEAD, la fréquence élevée d’anticorps anticardiolipine, souvent non pathogènes, conduit également à rechercher systématiquement les anticorps anti-bêta 2, glycoprotéine 1, leur présence étant en faveur de la pathogénicité de ces derniers. Acrosyndromes Un phénomène de Raynaud est présent chez 10 à 45 % des malades atteints de LEAD et peut précéder de longue date l’apparition des autres symptômes. Il ne justifie que rarement d’un traitement spécifique. L’apparition d’une nécrose digitale doit faire suspecter une thrombose ou une vascularite associée. D’exceptionnels cas d’érythermalgies ont été rapportés au cours de LEAD, avec une bonne efficacité du clonazepam ⁶⁷. Livédo Autrefois considéré comme une manifestation de vascularite lupique, le livédo est en fait statistiquement associé au cours du lupus à la présence d’anticorps antiphospholipides, aux accidents artériels neurologiques ou d’autres localisations, à l’épilepsie, à l’hypertension artérielle et aux anomalies valvulaires cardiaques. Il est rare en présence d’un syndrome des antiphospholipides veineux ⁶⁸. Ce livédo est habituellement diffus, non infiltré, à mailles fines et non fermées formant des cercles incomplets (livédo racemosa
APS antipaludéens de synthèse · LEAD lupus érythémateux aigu disséminé · LESA lupus érythémateux subaigu
1-14 Lupus érythémateux important systémique telle qu’une thrombose profonde ou une poussée lupique ⁷²,⁷³. Leur mécanisme reste encore hypothétique : embolie, vascularite ou thrombose ?
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Nécroses cutanées extensives Leur début est volontiers brutal avec un purpura nécrotique laissant rapidement place à une plaque escarrotique noirâtre bordée d’un liseré purpurique témoignant de leur évolutivité. Elles sont localisées sur les membres, le visage (joues, nez, oreilles) ou les fesses. La biopsie de la bordure purpurique objective aisément des thromboses multiples. Le traitement fait appel à l’anticoagulation, aux vasodilatateurs dérivés de la prostacycline et, éventuellement, aux échanges plasmatiques ⁷⁴.
Fig. 1.22
Hémorragies filiformes (en flammèches) sous-unguéales
ou livédo ramifié), localisé sur les membres et surtout le tronc (fig. 1.21). Les biopsies cutanées sur les mailles ou entre les mailles sont le plus souvent normales ; ailleurs elles mettent en évidence une artériolopathie oblitérante non spécifique, exceptionnellement une thrombose ⁶⁹. Ulcères de jambes Des ulcères de jambes sont observés chez 3 % environ des malades ayant un LEAD ⁷⁰. Ils imposent de pratiquer un doppler artériel et veineux des membres inférieurs, ainsi qu’une biopsie des bords pour en comprendre le mécanisme, vascularite ou plus souvent thrombose profonde ou superficielle. Leur fréquence est en effet incontestablement plus élevée en présence d’anticorps antiphospholipides allant de 5 à 39 % ⁷⁰,⁷¹. Urticaire et œdème de Quincke Des lésions d’urticaire ont été notées dans 4 à 13 % des grandes séries de LEAD, correspondant histologiquement à une vasculite leucocytoclasique des vaisseaux superficiels dermiques. Ces lésions urticariennes sont souvent associées à un complément abaissé et à des anticorps antiC1q, par ailleurs très fréquemment observés au cours du LEAD. Elles peuvent s’accompagner de lésions d’œdème de Quincke, à différencier alors de l’œdème angioneurotique, en rapport avec un déficit congénital de l’inhibiteur de la C1 estérase dont la prévalence est augmentée dans le LEAD. Hémorragies en flammèches multiples sous-unguéales La survenue brutale d’hémorragies en flammèches multiples sous-unguéales sur plusieurs doigts au cours d’un LEAD (fig. 1.22) témoigne le plus souvent d’un événement LEAD lupus érythémateux aigu disséminé
Autres lésions vasculaires D’autres lésions vasculaires peuvent survenir au cours d’un LEAD. Certaines sont de mécanisme incertain car elles ne peuvent pas être biopsiées. Il en est ainsi de l’érythème palmaire et des télangiectasies périunguéales ressemblant à celles observées au cours des dermatomyosites souvent accompagnées de mégacapillaires à la capillaroscopie, observés chez 10 à 15 % des malades avec LEAD ⁷⁵. Les lésions purpuriques infiltrées plus ou moins nécrotiques peuvent correspondre à une vascularite ou à des thromboses. Quant aux lésions atrophiques ivoirines dites d’atrophie blanche ou de pseudo-maladie de Degos, elles semblent plus souvent d’origine thrombotique que vasculitique, observées essentiellement en présence d’anticorps antiphospholipides ⁶.
Manifestations non lupiques et non vasculaires Les manifestations non lupiques non vasculaires forment un groupe hétéroclite de manifestations dermatologiques préférentiellement observées au cours des lupus. Certaines sont fréquentes telle l’alopécie alors que d’autres sont rares comme le lupus bulleux, la mucinose ou la pustulose amicrobienne. Lucite idiopathique Les lucites idiopathiques telles que la lucite estivale bénigne ou la lucite polymorphe sont très fréquentes dans la population générale, atteignant près de 20 % de la population scandinave ⁷⁶. La plupart des études épidémiologiques ont démontré que la présence d’une telle lucite n’augmentait pas le risque de développer ultérieurement un lupus. Cependant, deux études de la même équipe finlandaise ont mis en évidence une histoire de lucite idiopathique ou des phototests compatibles avec ce type de réaction chez la moitié des malades avec diverses formes de lupus cutané ⁷⁶,⁷⁷. La lucite idiopathique précédait, dans la moitié des cas, les lésions lupiques. Inversement, la prévalence des lupus chez les malades avec lucite idiopathique paraît faible, estimée à 2 % ⁷⁷. Dans notre expérience, les lucites idiopathiques ne semblent pas plus fréquentes chez les lupiques que dans la
Fig. 1.23 Lupus bulleux : vésicules et bulles groupées en bouquet du dos de la main population générale. En revanche, il est parfois difficile de différencier une lucite polymorphe de lésions lupiques. Alopécie Dans le LEAD, il ne s’agit pas d’une alopécie cicatricielle secondaire à des lésions lupiques mais d’une chute diffuse des cheveux (effluvium télogène) contemporaine des poussées ou survenant 3 mois après, pouvant donner un cuir chevelu clairsemé, disparaissant progressivement après traitement. Ailleurs, les cheveux sont fins et fragiles, facilement cassés. Il peut exister alors une bande de cheveux d’un demicentimètre de longueur (cheveux lupiques) en bordure du cuir chevelu (front, tempes). Lupus bulleux Le lupus bulleux se manifeste cliniquement par des bulles ou des vésiculo-bulles, parfois regroupées en bouquets, apparaissant en peau saine sur les zones exposées (fig. 1.23) et non exposées, disparaissant sans cicatrice, ni grain de milium ⁷⁸. Histologiquement, il s’agit de bulles sousépidermiques avec un infiltrat de polynucléaires neutrophiles et éosinophiles et souvent une vascularite leucocytoclasique dermique. L’immunofluorescence directe est généralement positive avec des dépôts d’IgG ou IgM et d’IgA à la jonction dermo-épidermique. Le clivage de la bulle est LEAD lupus érythémateux aigu disséminé · LESA lupus érythémateux subaigu
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Manifestations non lupiques et non vasculaires 1-15
Fig. 1.24 Mucinose papuleuse au cours du lupus systémique : lésions papuleuses couleur peau normale du bras dermique superficiel en microscopie électronique. Biologiquement existent des anticorps anticollagène de type VII (protéine majeure de 290 kDa et mineure de 145 kDa en Western-blot). Les lésions bulleuses disparaissent habituellement avec la dapsone. Le lupus bulleux est à différencier des bulles par nécrose épidermique au cours du LEAD ou du LESA et des rares associations de LEAD avec d’autres maladies bulleuses auto-immunes : pemphigoïde bulleuse, pemphigus, dermatite herpétiforme, dermatose bulleuse à IgA linéaire... Mucinose papuleuse Alors que des dépôts de glycosaminoglycanes sont fréquemment mis en évidence par l’histologie au sein des lésions cutanées lupiques comme dans les dermatomyosites, la présence isolée de tels dépôts dans le derme sans lésion lupique est plus rare. Elle se manifeste par des lésions papuleuses, plus rarement nodulaires, localisées préférentiellement sur le cou, la racine des membres supérieurs (fig. 1.24) et le tronc. Cette mucinose papuleuse serait présente dans certaines séries chez 1,5 % des malades lupiques ⁷⁹. Elle est observée plus fréquemment dans le LEAD (65 %) que dans les lupus cutanés chroniques sans manifestation systémique (35 %) ⁸⁰. Les dépôts de glycosaminoglycanes sont
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1-16 Lupus érythémateux
localisés dans le derme superficiel et moyen, entourés d’un discret infiltrat lymphocytaire. Les antimalariques ne seraient efficaces que dans 20 % des cas. L’abstention thérapeutique ou l’emploi de corticostéroïdes peuvent être discutés ²⁹. Anétodermie Les lésions d’anétodermie sont définies histologiquement par la disparition localisée du tissu élastique, non centrée par un follicule pileux, sur toute la hauteur du derme et cliniquement par l’existence d’un phénomène de herniation à la palpation (fig. 1.25). Le nombre et la taille des lésions sont excessivement variables. Elles sont surtout localisées sur le cou et la moitié supérieure du tronc et des bras. Au cours du lupus, elles sont généralement nombreuses, associées à la présence d’anticorps antiphopholipides ⁸¹. L’histologie ne met pas en évidence de thrombose. Étant donné la possibilité de retrouver d’autres facteurs prothrombotiques, l’hypothèse du rôle de l’hypoxie-réoxygénation a été évoquée car elle augmente l’activité des métalloprotéinases.
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Fig. 1.25 Anétodermie du bras au cours d’un lupus érythémateux systémique : lésions maculeuses et papuleuses couleur peau normale, « frippée » en surface Fig. 1.26 Pustulose amicrobienne du pli inguinal : multiples pustulettes parsemées sur une large macule érythémateuse et brunâtre mal limitée
Calcifications Les calcifications cutanées sont beaucoup plus rares dans le lupus que dans la sclérodermie. Leur présence doit faire rechercher une connectivite mixte et la présence d’anticorps anti-U1RNP. Elles peuvent être observées en regard des lésions lupiques ou à distance. Pustulose amicrobienne des plis Une pustulose amicrobienne des grands et petits plis (fig. 1.26) associée à des pustules isolées du cuir chevelu a été décrite au cours du lupus et d’autres maladies autoimmunes. L’aspect histologique est celui d’une pustule spongiforme. Les surinfections sont fréquentes avec un aspect suintant, notamment de la région génitale. Un déficit en zinc a été rapporté dans quelques cas. Les lésions sont sensibles à la corticothérapie générale ou locale ⁸².
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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Francès C. Lupus érythémateux. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 1.1-1.18.
2
Affections rhumatismales inflammatoires
Didier Bessis, Jean-Jacques Guilhou Psoriasis 2-1 Rhumatisme psoriasique 2-1 Psoriasis cutané 2-3 Pathogénie 2-8 Traitement 2-10 Polyarthrite rhumatoïde 2-13 Nodules et nodulose rhumatoïdes 2-13 Vasculite rhumatoïde 2-14 Dermatose neutrophilique rhumatoïde 2-16 Dermatite granulomateuse interstitielle avec arthrite 2-16 Autres signes cutanés 2-17
L
es manifestations dermatologiques des affections rhumatismales inflammatoires sont dominées par le psoriasis cutané et les signes cutanés de la polyarthrite rhumatoïde. Ces derniers sont marqués par l’individualisation récente d’entités clinicohistologiques comme la dermatite interstitielle granulomateuse avec arthrite et les papules rhumatoïdes.
Psoriasis Rhumatisme psoriasique (RP) Il affecte entre 6 et 38 % des patients atteints de psoriasis cutané. Il touche le plus souvent l’adulte au cours de la quatrième décennie, sans prédominance de sexe. Les cas infantiles sont rares et surviennent surtout entre 8 et 12 ans. Le psoriasis cutané précède l’atteinte articulaire dans 75 % des cas, en moyenne d’une dizaine d’années. Il l’accompagne dans 10 à 15 % des cas, ou survient après l’atteinte rhumatismale également dans 10 à 15 % des cas avec une grande fréquence de formes familiales ¹. Le RP est plus fréquemment associé aux formes cutanées pustuleuse généralisée et érythrodermique de psoriasis. Il semble admis qu’il existe un parallélisme entre l’étendue des lésions cutanées de psoriasis et le risque de développer une atteinte rhumatismale. Le psoriasis unguéal est plus fréquent au cours du RP : 90 % versus 40 à 45 % au cours du psoriasis cutané sans atteinte articulaire. Il peut coexister de façon évocatrice avec une arthrite d’une articulation interphalangienne distale (IPD) (fig. 2.1). En l’absence de critères diagnostiques internationaux
Pustulose palmoplantaire arthropathique, rhumatisme acnéique et syndrome SAPHO 2-18 Pustulose palmoplantaire arthropathique 2-18 Acné conglobata 2-19 Syndrome SAPHO 2-19 Arthrites réactionnelles 2-19 Maladie de Still de l’adulte 2-20 Rhumatisme fibroblastique 2-21 Réticulo-histiocytose multicentrique 2-22 Goutte 2-22 Références 2-22
consensuels, la définition du RP proposée par Moll et Wright conserve l’avantage de la simplicité et reste la plus utilisée : arthrite inflammatoire (arthrite périphérique, sacro-iliite ou spondylites) associée à un psoriasis cutané en l’absence habituelle de séropositivité pour le facteur rhumatoïde ¹-³. Elle permet de distinguer cinq sous-types de RP : les atteintes périphériques des articulations IPD (5 %), les mono- ou oligo-arthrites asymétriques (70 %), les polyarthrites séronégatives (15 %), les spondylites (5 %) et les arthrites mutilantes (5 %). De façon plus simplifiée, il est classique d’opposer le RP périphérique au RP axial, proche de la spondylarthrite ankylosante. RP périphérique ⁴ — Arthralgies : les douleurs articulaires sont fréquentes et peuvent rester isolées (forme arthralgique pure). La spécificité de ces arthralgies est souvent difficile à affirmer, surtout chez le sujet âgé candidat à l’arthrose. Par ailleurs, la mobilisation articulaire est souvent douloureuse si le revêtement cutané sus-jacent atteint est fortement congestif. Il ne faut donc pas attribuer à l’arthropathie psoriasique toute arthralgie apparaissant chez ces malades. — Mono- ou oligo-arthrites : ce sont les formes les plus fréquentes (70 %). Elles peuvent atteindre n’importe quelle articulation avec, par ordre décroissant : doigts et orteils, poignets, genoux, chevilles, coudes et épaules. La présence d’une dactylite d’un doigt (aspect dit en « saucisse ») associant une atteinte des articulations métacarpophalangiennes (MCP), interphalangiennes proximales (IPP) et IPD avec une ténosynovite des fléchisseurs, ou d’un orteil
IPD interphalangienne distale · IPP interphalangienne proximale · MCP métacarpophalangien · RP rhumatisme psoriasique
A
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B
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Affections rhumatismales inflammatoires
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2-2
Fig. 2.1 Psoriasis cutané et unguéal des doigts associé à une atteinte rhumatismale inflammatoire des articulations interphalangiennes distales
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est très évocatrice et fréquente (30 %) au cours du RP. Ces mono- et oligoarthrites peuvent guérir, récidiver ou passer à la chronicité. Dans certains cas, elles évoluent vers une polyarthrite psoriasique. — Polyarthrite psoriasique : le début est généralement aigu ou subaigu, plus rarement progressif et insidieux. À ce stade, il s’agit d’une oligoarthrite. L’évolution vers la phase d’état se fait souvent au cours de poussées successives de plus en plus étendues et durables (fig. 2.2). L’aspect clinique est voisin de celui de la polyarthrite rhumatoïde (PoR), mais s’en distingue classiquement par les éléments suivants : atteinte asymétrique ; déformation des doigts et des orteils non systématisée ; atteinte des IPD ; association fréquente à une sacro-iliite (30 % des cas) ; absence de nodules rhumatoïdes ; signes généraux moins sévères ; fréquence de la calcanéite. Sur le plan biologique, il existe un syndrome inflammatoire et la recherche du facteur rhumatoïde est le plus souvent négative. La polyarthrite psoriasique est associée aux mêmes antigènes d’histocompatibilité (HLA) que le psoriasis non arthropathique (HLA-Cw6, -B13, -B17) ainsi qu’à HLA-B38, alors qu’il n’existe pas d’association avec l’antigène HLA-B27. Les signes radiologiques peuvent être proches de ceux de la PoR, mais s’en différencient par quelques nuances : arthrite érosive des IPD, destruction souvent anarchique fréquemment associée à un important processus reconstructeur (ostéophytes, prolifération péri-
Fig. 2.2
Déformation des doigts au cours d’une polyarthrite psoriasique
IPD interphalangienne distale · PoR polyarthrite rhumatoïde · RP rhumatisme psoriasique
Fig. 2.3 Onycho-pachydermo-périostite psoriasique. A. Striation de la tablette unguéale du gros orteil et épaississement infammatoire du tissu mou péri-unguéal. B. Périostite de la dernière phalange sans atteinte de l’interligne articulaire ostée) ; évolution possible vers de sévères lésions d’ostéolyse progressant de la périphérie vers le centre avec mutilation (aspect radiologique en « pointe de crayon » ou en « sucre d’orge sucé ») et ankylose interphalangienne. L’évolution est généralement faite de poussées irrégulières entrecoupées de rémissions. Si certaines formes aboutissent à l’ankylose complète, le pronostic global est cependant meilleur que celui de la PoR. — Enthésopathies : elles correspondent à une atteinte des enthèses, zones d’ancrage dans l’os des tendons, des ligaments et des capsules articulaires. Elles sont responsables de douleurs périarticulaires (tendon d’Achille, épicondyle, fascia plantaire, etc.) souvent bilatérales et d’horaire mécanique. À la radiographie, l’image initiale est une érosion postérieure discrète (insertion du tendon d’Achille ou de l’aponévrose plantaire), laissant place à une réaction périostée parfois proliférante (aspect de fausse épine) et à des calcifications. Ces enthésopathies calcifiantes sont favorisées par le traitement par les rétinoïdes. La scintigraphie osseuse et l’imagerie par résonance magnétique permettent leur détection au stade précoce. L’atteinte des doigts réalise l’onycho-pachydermo-périostite psoriasique, pathognomonique du RP. Elle se localise le plus souvent au gros orteil et associe (1) une ostéopériostite de la dernière phalange sans atteinte articulaire initiale, (2) une atteinte unguéale psoriasique striée (aspect de trachyonychie) et (3) un épais-
Psoriasis
2-3
Coll. D. Bessis
l’existence de syndesmophytes volumineux, étagés de façon aléatoire avec ossification paraspinale en « agrafe », la faible évolutivité sont des arguments en faveur de l’origine psoriasique. Le problème de l’autonomie de la spondylarthrite psoriasique par rapport à la SPA est cependant discuté. L’antigène B27 est moins fréquent au cours du rhumatisme psoriasique axial (40-50 %) qu’au cours de la SPA (90 %).
Fig. 2.4 Lésions élémentaires du psoriasis : macules érythémateuses et squameuses, arrondies et polycycliques à limites nettes, tranchées, par rapport à la peau saine
Fig. 2.5 Psoriasis vulgaire ostréacé : épaisse couche squameuse et kératosique RP rhumatisme psoriasique · SPA spondylarthrite ankylosante
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sissement inflammatoire et douloureux des parties molles distales (fig. 2.3). RP axial ⁴ Il s’associe dans la moitié des cas à une atteinte rhumatismale périphérique. La symptomatologie clinique et radiologique est proche de la spondylarthrite ankylosante (SPA) et comporte une atteinte vertébrale et, de façon inconstante, une sacro-iliite généralement unilatérale et asymétrique. La présence de lésions articulaires périphériques associées, la fréquence de l’atteinte cervicale initiale,
Psoriasis cutané Le psoriasis est l’une des affections cutanées les plus fréquentes. Il atteint 1,6 à 2,3 % de l’ensemble de la population, soit plus d’un million de Français. La lésion psoriasique est caractérisée par une prolifération des cellules épidermiques (kératinocytes) associée à des anomalies de leur différentiation (kératines anormales) et à des phénomènes inflammatoires du derme et de l’épiderme avec un infiltrat de lymphocytes T et de polynucléaires. Psoriasis vulgaire La lésion élémentaire, très caractéristique, permet le plus souvent de porter le diagnostic : il s’agit d’une macule érythémateuse et squameuse, arrondie, ovalaire ou polycyclique (fig. 2.4). La couche squameuse superficielle, blanchâtre, peut être très épaisse et réaliser une véritable carapace (fig. 2.5). La tache érythémateuse sousjacente est cependant le plus souvent visible par transparence et en périphérie. La lésion peut prendre un caractère nettement papuleux, surtout dans les psoriasis évolutifs. Les éléments sont le plus souvent multiples, parfois diffus. Les taches sont de dimension variable, donnant des
Fig. 2.6
Psoriasis en plaques du dos
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Affections rhumatismales inflammatoires
Fig. 2.7 Atteinte de la conque et du conduit auditif externe, classique au cours du psoriasis psoriasis en points, en gouttes, nummulaires (quelques centimètres de diamètre) ou en plaques pouvant occuper de larges surfaces (fig. 2.6). La topographie a un grand intérêt pour le diagnostic avec une atteinte symétrique des surfaces exposées aux contacts extérieurs : coude et bord cubital de l’avant-bras, genou et région prétibiale, région lombosacrée et cuir chevelu. De nombreuses formes topographiques sont décrites : — psoriasis des plis (ou inversé) : les lésions peuvent siéger dans le pli interfessier, les zones sous-mammaires, l’ombilic (très caractéristique) (fig. 2.7) et, plus rarement, dans les plis inguinaux et la région génitale, les creux poplités ou les creux axillaires (fig. 2.8), voire les espaces interdigitaux. Le diagnostic est aisé lorsqu’il existe à distance des
Fig. 2.8
Intertrigo psoriasique (psoriasis inversé) du pli abdominal
éléments psoriasiques caractéristiques. Il est en revanche délicat lorsque l’atteinte des plis constitue à elle seule la totalité de la maladie. Le diagnostic doit être évoqué devant tout intertrigo chronique ; — psoriasis du cuir chevelu : il peut réaliser des places circonscrites d’une taille variable, arrondies, bien limitées, couvertes de larges squames traversées par les cheveux (fig. 2.9). Dans la région antérieure, les lésions sont souvent plus humides, prurigineuses, bordées à la lisière du cuir chevelu par une bande érythémateuse couverte de squames grasses (psoriasis séborrhéique). La localisation occipitale est également très fréquente. Dans certains cas, le psoriasis réalise une véritable carapace recouvrant la totalité du cuir chevelu ; — psoriasis du visage : rare, il prend souvent l’aspect d’une dermatite séborrhéique avec atteinte des plis nasogéniens. Les localisations à la conque et au conduit auditif externe sont classiques ; — psoriasis palmoplantaire : les lésions sont le plus sou-
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Fig. 2.9 Psoriasis du scalp : large plaque érythémateuse et squameuse traversée par les cheveux
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2-4
Fig. 2.10 Psoriasis de l’ongle : dépressions ponctuées cupuliformes (pitting) de la tablette unguéale
Fig. 2.11 Onycholyse distale séparée de la partie saine de la tablette unguéale par une tache ovalaire (« tache d’huile »)
— psoriasis des muqueuses : c’est une localisation rare. Sur le gland, il s’agit de taches peu infiltrées, bien limitées, érythémateuses mais parfois squameuses, posant le problème de diagnostic avec les autres balanites chroniques. Sur la langue, il peut s’agir d’une langue plicaturée ou, plus souvent, d’une langue géographique avec des anneaux leucokératosiques polycycliques et migrateurs (fig. 2.12). La maladie débute essentiellement chez l’adolescent et l’adulte jeune. Elle est chronique et évolue par poussées entrecoupées de rémissions pendant lesquelles les lésions peuvent disparaître presque complètement. Le plus souvent cependant persistent des éléments discrètement squameux, parfois achromiques, dans les zones bastions (coudes, genoux). Les rémissions sont plus fréquentes en saison estivale en raison de l’effet bénéfique des rayons ultraviolets. Les poussées, souvent imprévisibles, sont parfois déclenchées par des facteurs psychologiques ou des médicaments. On note alors la réapparition ou l’extension de plaques anciennes avec une bordure périphérique active, ainsi que de nouveaux éléments punctiformes ou en gouttes. Les complications sont rares. Il peut s’agir de surinfections bactériennes (pustules, furoncles) ou d’eczématisation qui se caractérise par la survenue d’un prurit avec suintement et croûtes. Cet eczématisation est souvent le fait de médications locales mal tolérées. Psoriasis graves Le psoriasis pustuleux peut se développer chez un psoriasique connu ou, de façon plus exceptionnelle, inaugurer la maladie psoriasique. Il peut être déclenché par des médicaments et en particulier la corticothérapie générale. Il faut distinguer : — le psoriasis pustuleux localisé palmoplantaire (type Barber) qui se manifeste par des pustules de couleur jaunâtre évoluant par poussées qui se succèdent de façon chronique. Le handicap fonctionnel est souvent important avec des difficultés du travail manuel et de la marche. Le psoriasis pustuleux acral (acrodermatite d’Hallopeau) n’est sans doute qu’une variante de cette forme. Il se caractérise par sa topographie : début à l’extrémité d’un doigt, souvent en zone périunguéale, parfois à la suite d’un traumatisme (fig. 2.13). L’extension est progressive et peut atteindre plusieurs doigts successivement, mais les paumes et les plantes sont respec-
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vent bilatérales, réalisant une kératodermie. Elle peut être en îlots ou diffuse et se complique de fissures profondes et douloureuses qui gênent les mouvements de la main ou la marche. Le diagnostic est facilité par la bonne limitation des lésions avec une aréole érythémateuse périphérique ; — psoriasis des ongles : rarement isolé, il accompagne 30 à 50 % des psoriasis cutanés. Les aspects les plus caractéristiques sont : les dépressions ponctuées cupiliformes (ongles en dé à coudre) (fig. 2.10) ; l’onycholyse psoriasique avec son décollement distal et une zone proximale de couleur rose cuivré ; la tache d’huile (tache ovalaire jaunâtre) (fig. 2.11) ; la paronychie (périonyxis) ; la perte de transparence de l’ongle ; l’hyperkératose sous-unguéale. Le psoriasis peut aboutir à la destruction partielle ou totale de l’ongle ;
Fig. 2.12 Anneaux leucokératosiques au cours d’une atteinte linguale psoriasique
2-5
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Psoriasis
Fig. 2.13 Acrodermatite pustuleuse d’Hallopeau : pustules et squames jaunâtres des extrémités en « doigts de gant »
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Affections rhumatismales inflammatoires
Fig. 2.14 Destruction des tablettes unguéales remplacées par une hyperkératose et une atrophie cutanée au cours d’une forme chronique d’acrodermatite d’Hallopeau tées. Les pustules apparaissent sur une nappe érythémateuse et, en se desséchant, forment des squames jaunâtres plus ou moins décollées sur leurs bords, comme des écailles. Des lésions identiques peuvent être observées sur les orteils. Le rhumatisme psoriasique est souvent associé, de même que l’atteinte de la muqueuse buccale. Les ongles sont habituellement très altérés : épaissis, jaunâtres, ils
tombent rapidement pour être remplacés par une hyperkératose du lit unguéal (fig. 2.14). L’évolution est chronique, avec des poussées plus ou moins prolongées au cours desquelles le processus pustuleux peut s’étendre à distance sur les membres supérieurs ou même se généraliser. À la longue, une résorption osseuse peut être observée ; — le psoriasis pustuleux généralisé (type von Zumbusch), plus rare, débute brutalement avec une altération de l’état général, une fièvre et des placards rouge vif de grande taille qui se couvrent de pustules superficielles (fig. 2.15). Ces pustules peuvent confluer en larges nappes localisées surtout sur le tronc. L’évolution peut être grave, mais le pronostic a été transformé par l’effet thérapeutique remarquable des rétinoïdes. L’unicité du psoriasis pustuleux est essentiellement histologique avec la présence d’une pustule de structure spongiforme, multiloculaire et stérile dans l’épiderme ; — le psoriasis érythrodermique se caractérise par une atteinte psoriasique généralisée dont les lésions diffuses et sèches sont le siège d’une desquamation abondante (fig. 2.16). Dans d’autres cas, l’érythrodermie est œdémateuse, prurigineuse avec altération de l’état général. Elle est alors liée à des facteurs surajoutés, en particulier aux thérapeutiques locales ou générales, et s’apparente à une toxidermie érythrodermique. Ces érythrodermies peuvent
Fig. 2.15 Placards érythémateux recouverts de petites pustules et de larges squames au cours du psoriasis pustuleux généralisé
Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier
Coll. Dr N. Raison-Peyron, Montpellier
2-6
Fig. 2.16 Érythème généralisé recouvert de larges squames au cours d’une érythrodermie psoriasique
Fig. 2.17 Image histologique caractéristique du psoriasis : association d’une hyperkératose parakératosique, d’une acanthose et d’une papillomatose dermique avec infiltrat lymphocytaire modéré des papilles se compliquer de surinfections, de troubles de la thermorégulation, d’anomalies hydroélectrolytiques et doivent entraîner la prise en charge hospitalière du malade. Psoriasis provoqués Certains médicaments peuvent induire ou aggraver le psoriasis, en particulier les sels de lithium, les bêtabloqueurs et l’interféron α. Plus rarement, il peut s’agir d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, des sartans, des tétracyclines ou des antipaludéens de synthèse. Toutefois, l’imputabilité de ces médicaments est souvent difficile à déterminer. Les traumatismes cutanés (griffures, vaccinations) peuvent être le siège d’une efflorescence de lésions psoriasiques (phénomène de Koebner). Diagnostic Le diagnostic positif de psoriasis est essentiellement clinique. Il est rare que l’on ait recours à la biopsie qui, lorsque l’aspect clinique est équivoque, n’apporte pas toujours des informations concluantes. En règle générale, on observe un épiderme épaissi avec une hyperkératose et une parakératose (persistance anormale des noyaux dans les couches superficielles) alors que la couche granuleuse, témoin de la maturation normale des kératinocytes, est diminuée ou absente (fig. 2.17). Les polynucléaires se regroupent en microabcès. Le derme, dont les papilles sont allongées (papillomatose), est le siège d’un infiltrat inflammatoire polymorphe qui comporte des lymphocytes TCD4 activés qui ont peut être un rôle dans la survenue des lésions. Les examens biologiques n’ont pas de grande utilité pour le diagnostic mais sont indispensables lors de la mise en route de certaines thérapeutiques. L’étude des antigènes d’histocompatibilité HLA (association fréquente à HLA-B17 et surtout CW6 et DR7) n’est guère utile au diagnostic. Le diagnostic différentiel du psoriasis dans sa topographie habituelle se pose surtout avec le pityriasis rosé de Gibert, les eczématides et la dermatite séborrhéique. — Pityriasis rosé de Gibert : le diagnostic en est souvent aisé car, aux taches rosées et finement squameuses qui pourraient en imposer pour un psoriasis, s’associent des médaillons de plus grande surface, arrondis ou ovalaires à bordure érythémateuse et squameuse et dont le centre
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plus clair paraît en voie de guérison. L’un de ces médaillons de plus grande taille a souvent inauguré la maladie. L’éruption reste presque toujours limitée au tronc et à la racine des membres (fig. 2.18) épargnant le visage et le cuir chevelu. L’évolution favorable (guérison en six semaines) permettra de trancher les cas litigieux. — Eczématides : ce terme regroupe divers états dermatologiques dont certains présentent une limite floue. Les eczématides pityriasiformes, fréquemment squameuses, plus ou moins achromiantes (fig. 2.19) entrent souvent dans le cadre de l’eczéma atopique dont on recherchera le contexte. — Dermatite séborrhéique : de diagnostic plus délicat, elle est localisée aux sillons nasogéniens, à la racine du nez, aux sourcils et au cuir chevelu (fig. 2.20) où elle est constituée de nappes couvertes de squames jaunâtres et grasses dans lesquelles s’engluent les cheveux. En pratique, devant tout aspect de dermatite séborrhéique du cuir chevelu ou du visage, il faut rechercher minutieusement la présence de lésions psoriasiques à distance. Les autres diagnostics différentiels incluent le pityriasis rubra pilaire (aspect voisin du psoriasis mais avec des papules cornées folliculaires), les syphilides secondaires psoriasiformes, le lichen plan dans sa forme érythématosquameuse, les lymphomes cutanés épidermotropes, le parapsoriasis en gouttes ou les toxidermies psoriasiformes. Le diagnostic différentiel du psoriasis dans sa topographie
Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
Psoriasis
Fig. 2.18
Pityriasis rosé de Gibert
inhabituelle est plus souvent délicat : — psoriasis des plis : il pose le problème des intertrigos d’origine bactérienne ou mycosique. Le diagnostic de psoriasis peut être suspecté sur la couleur rosée ou rouge vif, la nette limitation, l’évolution chronique et la résistance aux traitements antiseptiques ou antifongiques habituels ; — psoriasis des paumes et des plantes : il fait partie des kératodermies palmoplantaires qui reconnaissent de nombreuses étiologies. Le diagnostic est fondé sur la présence d’une bordure érythémateuse périphérique et surtout sur l’existence de lésions psoriasiques à distance. Certains eczémas palmoplantaires d’origine irritative ou allergique peuvent prendre un aspect corné identique à celui du psoriasis ; — érythrodermie psoriasique : lorsqu’elle survient d’emblée, elle doit être différenciée des érythrodermies d’origine hématodermique ou toxidermique ; — psoriasis pustuleux : il sera différencié des surinfections bactériennes des plaques psoriasiques ainsi que des eczémas surinfectés. Certaines toxidermies graves (syndrome de Lyell, pustulose exanthématique aiguë généralisée) peuvent en imposer pour un psoriasis pustuleux généralisé. Pathogénie ⁵-⁷ Bien que la pathogénie du psoriasis ait suscité d’innombrables travaux de recherche, les mécanismes conduisant à la maladie ne sont pas encore exactement connus. Comme
Fig. 2.19
Eczématides achromiantes du dos
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Affections rhumatismales inflammatoires
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Fig. 2.20 Lésions érythémateuses et squameuses des sillons nasogéniens et des sourcils au cours de la dermatite séborrhéique bien d’autres affections à composante immunitaire, le psoriasis est considéré comme une maladie d’origine génétique révélée par divers facteurs de l’environnement. Facteurs classiquement reconnus — Hérédité : le caractère héréditaire du psoriasis est connu de longue date puisque 20 à 30 % des cas sont familiaux, que la prévalence de la maladie est trois fois plus importante chez les parents du premier degré et que les études de jumeaux monozygotes montrent une concordance de la maladie dans 60 à 70 % des cas alors qu’elle n’est que de 15 % pour les jumeaux dizygotes ⁶. Le mode de transmission de la maladie n’est pas parfaitement établi. Certaines études sont en faveur d’un modèle monogénique autosomique dominant, d’autres en faveur d’un modèle autosomique récessif, ou encore d’un modèle multigénique accepté par de nombreux auteurs. Les récentes études de génétique moléculaire qui analysent la liaison entre la maladie et les marqueurs répartis sur tout le génome ont montré la présence d’une vingtaine de loci de susceptibilité. Le plus constamment retrouvé est le loci 6p21.3 (psors 1) qui correspond à la zone HLA ⁸. D’autres loci ont été identifiés sur le bras long du chromosome 17 (psors 2) et sur les chromosomes 4 (psors 3), 1 (psors 4 et psors 7), etc. — Rôle des infections bactériennes ⁹ : environ 10 % des psoriasis débutent à la suite d’une rhinopharyngite, mais ce pourcentage est bien plus important chez l’enfant et l’adolescent (30 à 50 %). Il s’agit souvent d’un psoriasis en gouttes d’évolution aiguë. Par ailleurs, chez un psoriasique connu, la survenue d’une infection pharyngée peut provoquer une nouvelle poussée de la maladie. Le streptocoque paraît le plus souvent en cause : on le retrouve fréquemment sur les prélèvements bactériologiques pharyngés et le taux des antistreptolysines est élevé chez un fort
Psoriasis
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Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier
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Fig. 2.21 Chaîne pathogénique du psoriasis. Questions à résoudre : 1. La prédisposition est liée à un ou plusieurs gènes dont on connaît les localisations chromosomiques mais dont la séquence est à ce jour inconnue. 2. Les lymphocytes sont activés par un ou plusieurs auto-antigènes dont la nature reste à déterminer. On ne sait toujours pas par quelles cellules cet antigène est exprimé. 3. Les anomalies de la prolifération et de la différenciation des kératinocytes psoriasiques sont dues à des interactions avec certaines sous-populations lymphocytaires qui restent également à mieux caractériser ainsi que les médiateurs de ces interactions. pourcentage de jeunes psoriasiques. Il est possible que le streptocoque ou d’autres agents infectieux agissent en produisant des superantigènes capables de stimuler de larges populations lymphocytaires. Par ailleurs, la protéine M du streptocoque présente des homologies de séquence avec certaines kératines épidermiques de type I. Les lymphocytes psoriasiques activés par le streptocoque pourraient donc reconnaître des épitopes portés par les kératines par similitude antigénique et entraîner ainsi les troubles de la kératinisation. — Facteurs psychologiques et neuromédiateurs : le rôle des chocs émotifs dans le déclenchement de la maladie psoriasique ou dans la survenue des poussées est connu de longue date et pourrait être retrouvé chez 70 % des psoriasiques. Il peut s’agir de chocs affectifs brutaux (séparation, deuil, accident) ou d’événements d’ordre matériel ou professionnel. Il est souvent difficile d’établir une relation entre ces stress fréquents dans la vie moderne et la survenue de la dermatose et ils n’interviennent certainement que chez des psoriasiques en puissance qui possèdent le terrain génétique nécessaire à la constitution de la maladie. Si le rôle du traumatisme psychique est admis par la plupart des auteurs, les avis sont en revanche discordants quant à l’existence d’un profil psychologique particulier aux psoriasiques. Les troubles psychologiques que l’on peut rencontrer chez les psoriasiques paraissent essentiellement dus au retentissement de la maladie qui perturbe leur vie sociale et relationnelle. Conception pathogénique actuelle L’hypothèse pathogénique qui prévaut actuellement est celle proposée dès 1978 par J.-J. Guilhou ⁵ qui définit le psoriasis comme une maladie inflammatoire chronique ou auto-immune, médiée par l’activation dans la peau de lymphocytes T spécifiques d’antigènes (fig. 2.21). Ainsi, on admet actuellement que les anomalies kératinocytaires sont dues à des cytokines, interleukine (IL)-1, IL-8, tumor necrosis factor (TNF)-α, IL-2,
IL interleukine · TNF tumor necrosis factor
interféron (IFN)-γ et diverses chémokines produites par certaines populations lymphocytaires présentes dans la lésion. Mais de nombreuses questions restent incomplètement résolues : — la nature exacte de la sous-population lymphocytaire responsable des lésions cutanées n’est pas parfaitement définie. Il est possible que soient impliqués dans un premier temps les lymphocytes TCD4 à activité helper et dans un second temps les lymphocytes TCD8 à activité régulatrice et cytotoxique ; — les mécanismes par lesquels ces lymphocytes sont responsables de la prolifération des kératinocytes restent également à préciser. Il paraît difficile d’admettre qu’il s’agit simplement de l’effet prolifératif bien connu des cytokines produites (IL-1, IL-8, IFN-γ, TNF-α) qui sont retrouvées augmentées dans de nombreux états inflammatoires cutanés. Il est également possible que des phénomènes d’interaction plus subtils entre lymphocytes et kératinocytes puissent être impliqués ; — la cause de l’activation des lymphocytes psoriasiques et donc la nature des antigènes potentiels responsables de la maladie. L’une des questions basiques est de savoir s’il s’agit d’antigènes spécifiques (autoantigènes) responsables d’une activation clonale des lymphocytes ou de superantigènes, souvent exogènes, et responsables d’une activation plus large de lymphocytes portant les mêmes chaînes variables Vβ. Actuellement, c’est la première hypothèse qui est privilégiée puisque l’analyse des réarrangements du récepteur T (TCR) montre la persistance du même réarrangement clonal chez les malades sur plusieurs années. La nature de l’antigène reste inconnue, mais trois éventualités sont proposées : 1. certaines protéines streptococciques ⁹ présentent des similitudes antigéniques avec les peptides de la kératine et pourraient de ce fait altérer la prolifération et la différenciation des kératinocytes. Une réactivité anormale
2-10 Affections rhumatismales inflammatoires des lymphocytes psoriasiques à ces protéines streptococciques avec production d’interféron γ a été démontrée. Cette hypothèse permettrait l’explication des psoriasis en gouttes de l’enfant survenant après une infection rhinopharyngée. Un terrain génétique particulier pourrait expliquer le développement des lésions chez les sujets prédisposés ; 2. les antigènes des virus des papillomes humains (VPH) ¹⁰. Le génome de divers VPH, en particulier VPH5, est retrouvé avec une grande fréquence dans les lésions psoriasiques et des anticorps anti-VPH5 sont présents chez un tiers des patients environ. En outre, le locus de prédisposition de l’épidermodysplasie verruciforme (lié à certains VPH oncogènes) a été situé sur le chromosome 17 dans une zone portant l’un des loci de susceptibilité du psoriasis. On sait par ailleurs que les VPH comportent dans leur génome des séquences (E6 et E7) qui activent le cycle cellulaire et on connaît leur pouvoir oncogène dans le cancer du col utérin ou dans les tumeurs malignes de l’immunodéprimé ; 3. le rôle des rétrovirus endogènes ¹¹ constitue un domaine controversé, leur responsabilité n’ayant à ce jour été démontrée dans aucune maladie humaine. Il faut rappeler qu’il s’agit de séquences présentes à de multiples copies dans le génome normal, le plus souvent silencieuses, mais, lorsqu’elles sont exprimées, sont capables de produire des protéines à activité d’antigènes ou de superantigènes. Les techniques de biologie moléculaire ont permis de mettre en évidence dans la lésion psoriasique l’expression (ARN messager) de plusieurs séquences rétrovirales endogènes dont l’une, inconnue à ce jour, présente des homologies importantes avec celles décrites dans la sclérose en plaques. En outre, la présence de protéines rétrovirales endogènes a pu être démontrée dans les lésions ¹² et l’activité de transcription inverse est retrouvée élevée. Cette hypothèse du rôle des protéines rétrovirales dans la réaction immunitaire permettrait d’expliquer l’aggravation de certains psoriasis lors de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Traitement Traitements généraux du rhumatisme psoriasique ¹³ Le traitement symptomatique suffit le plus souvent à contrôler la maladie. Il repose sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et les antalgiques. Les glucocorticoïdes par voie générale sont évités autant que possible en raison du risque de rebond du psoriasis ou de survenue d’une érythrodermie ou d’une forme pustuleuse diffuse lors de la dégression des doses ou du sevrage. La photothérapie de type PUVA et l’acitrétine ont une efficacité inconstante et d’appoint. En cas de résistance aux traitements symptomatiques, d’atteinte destructrice ou engageant le pronostic fonctionnel, le méthotrexate utilisé à de faibles doses (jusqu’à 25 mg/semaine) reste actuellement le traitement de base du RP. En cas d’échec, la ciclosporine à des doses comprises entre 2,5 et 5 mg/kg/j présente une efficacité similaire en terme de taux de réponses. De nom-
breux autres traitements de fond comme le léflunomide, les sels d’or, la D-pénicillamine, les antimalariques, la salazopyrine, la colchicine, l’azathioprine ont pu être utilisés avec succès. Les agents biologiques anti-TNF-α (étanercept, infliximab et adalimumab) ont obtenu l’AMM en France dans le traitement du RP, mais leur place exacte dans l’arsenal thérapeutique par rapport à des traitements de fond comme le méthotrexate, le léflunomide, la salazopyrine ou la ciclosporine, reste à définir ¹⁴. Traitement du psoriasis cutané ¹⁵,¹⁶ La stratégie thérapeutique est d’abord liée au type de psoriasis et varie en fonction de l’étendue des lésions et de leur localisation ; elle dépend également du malade, de son désir de blanchiment rapide, de sa profession, de sa disponibilité et de sa capacité d’observance du traitement. En outre, il est utile de savoir quels sont les traitements précédents qui ont été efficaces. Le traitement local est pratiquement toujours indispensable alors que les traitements généraux sont réservés aux psoriasis étendus. Le psoriasis vulgaire peu étendu se traite par l’application de dérivés de la vitamine D (calcipotriol, tacalcitol, calcitriol) ou d’une association calcipotriol/dipropionate de béthaméthasone. Les règles d’utilisation doivent être respectées : rythmicité des applications (une ou deux fois par jour), contre-indication en cas de troubles du métabolisme phosphocalcique, doses cumulatives hebdomadaires à ne pas dépasser, etc. Les dermocorticoïdes de niveau II sont souvent associés en cas de prurit, d’intolérance ou d’efficacité insuffisante. Ils ne sont cependant utilisés que sur de petites surfaces en raison du passage systémique, du risque d’atrophie cutanée et leur décroissance devra être progressive pour ne pas favoriser un rebond. L’application quotidienne de kératolytiques (vaseline salicylée à une concentration variant de 2 à 5 %) peut être utile initialement durant quelques jours. La place actuelle des réducteurs (goudron, dioxyanthranol) ou du tazarotène reste discutée en raison de leur caractère irritant. En cas de psoriasis vulgaire étendu, la photothérapie est l’un des traitements de choix. Plusieurs modalités sont possibles. L’exposition solaire associée à la balnéothérapie ou à la crénothérapie est presque toujours bénéfique. Elle est sans doute plus efficace au bord de la mer, le rayonnement comportant davantage d’ultraviolets A (UVA) qui, contrairement aux UVB, n’entraînent pas de coup de soleil et permettent une exposition prolongée. La photothérapie classique par UVB (290-320 nm) a été le plus souvent remplacée par l’utilisation d’UVB à spectre étroit (311 nm). Cette dernière photothérapie permet de diminuer le risque d’érythème et de réduire la quantité d’énergie délivrée par centimètre carré. La puvathérapie (photochimiothérapie) consiste à administrer deux heures avant l’irradiation par UVA (320-400 nm), le méthoxypsoralène (Méladinine : 0,6 mg/kg). Les modalités d’utilisation de la photothérapie sont bien codifiées : deux à trois séances par semaine, modulation des doses administrées en fonction du phototype du sujet (dose plus faible pour un phototype clair), comptabilisation précise du nombre cumulatif de joules administrées par centimètre carré. Parmi les effets secondaires, le risque
AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens · RP rhumatisme psoriasique · TNF tumor necrosis factor · VPH virus des papillomes humains
Psoriasis carcinogène est sans doute le plus préoccupant. Il implique d’éviter la photothérapie chez des malades qui ont déjà été traités pour carcinomes ou mélanomes ou qui ont reçu des traitements carcinogénétiques. Il est préférable de ne pas dépasser une dose cumulative de 150 J/cm 2 pour une cure, 30 séances pour une année, et un total de 1 500 J/cm 2, soit 150 à 200 séances pour une vie. Au départ, l’examen minutieux et régulier du revêtement cutané afin d’apprécier le phototype, le degré d’héliodermie, l’aspect des nævi et la détection de lésions précancéreuses (kératoses actiniques) est indispensable. Un bilan biologique initial (créatininémie, transaminases) et une consultation ophtalmologique initiale puis annuelle sont souhaitables en cas de puvathérapie. La photothérapie peut être associée à un traitement général par rétinoïdes (ré-puvathérapie) ou à l’application préalable de dérivés de la vitamine D pendant deux semaines, ce qui permet de réduire les doses totales d’UV nécessaires au blanchiment des lésions. L’acitrétine n’est actif que sur certains psoriasis, en particulier le psoriasis pustuleux. Les contre-indications sont nombreuses et il faudra s’assurer de l’absence de grossesse en cours et de l’existence d’une contraception efficace. L’élimination des métabolites pouvant se poursuivre pendant deux ans, il faut éviter toute grossesse dans les deux ans qui suivent l’arrêt du traitement. La posologie usuelle varie entre 0,5 et 1 mg/kg/j. Le bilan préthérapeutique comporte un test de grossesse, le dosage des transaminases hépatiques, des triglycérides et du cholestérol et, dans certains cas, un examen ophtalmologique ainsi qu’une radiographie ou une scintigraphie osseuse. La surveillance biologique est d’abord mensuelle et ensuite plus ou moins espacée selon les effets secondaires constatés. Lors de traitements prolongés, une surveillance osseuse annuelle à la recherche d’hyperostose est utile. Les rétinoïdes peuvent être associés à la puvathérapie (ré-puvathérapie). L’acitrétine est introduite 15 jours avant le début de l’irradiation à des doses relativement faibles (autour de 20 mg/j). Cette association permet de réduire la dose d’UV et de poursuivre éventuellement les rétinoïdes comme traitement d’entretien. En cas d’échec ou de contre-indication à la photothérapie, un traitement systémique par méthotrexate ou ciclosporine peut être proposé en deuxième intention. Le méthotrexate est utilisé en traitement d’attaque à des doses hebdomadaires de 15 à 20 mg, puis à des doses souvent moins élevées en traitement d’entretien ; son efficacité est satisfaisante dans tous les types de psoriasis. Il est contre-indiqué chez la femme enceinte et à éviter chez l’homme qui a l’intention de procréer et nécessite un bilan préthérapeutique et surtout une surveillance hématologique, hépatique et pulmonaire régulière. La ciclosporine a un effet bénéfique très net dans le psoriasis en 4 à 6 semaines. Le problème majeur concerne sa néphrotoxicité dont l’élément de surveillance est le taux de créatinine. L’augmentation de la créatininémie de plus de 30 % du taux de base doit entraîner la réduction des doses et, si elle persiste, l’arrêt du traitement. Il est préférable de ne pas dépasser 5 mg/kg/j et d’effectuer des traitements brefs de moins d’un an. Les biothérapies ne sont prescrites qu’en troisième ligne, TNF tumor necrosis factor
« chez les patients adultes atteints de psoriasis en plaques, modéré à sévère chronique qui n’ont pas répondu, sont intolérants ou présentent une contre-indication à d’autres traitements systémiques tels que la ciclosporine, le méthotrexate ou la puvathérapie » (libellé de l’autorisation de mise sur le marché). Leur prescription initiale est toujours hospitalière, leurs effets secondaires nombreux et encore mal connus sur le long terme (risque accru de tumeurs malignes non exclu). Leur efficacité est inconstante, modeste, a priori non supérieure à celle des traitements systémiques classiques précédents. Il n’existe aucune étude actuellement disponible comparant l’efficacité des biothérapies à celle du méthotrexate et/ou de la ciclosporine ¹⁷. L’éfaluzimab (Raptiva) est un anticorps humanisé bloquant la molécule CD11a de la molécule de co-activation LFA-1 impliquée dans l’activation du lymphocyte par la cellule dendritique présentatrice d’antigène. Il est administré à raison d’une injection hebdomadaire par voie sous-cutanée. La posologie initiale est de 0,7 mg/kg pour la première injection puis de 1 mg/kg. Le bilan préthérapeutique recommandé comporte un hémogramme, une sérologie VIH, un dosage des transaminases hépatiques et une recherche d’antécédents de tuberculose (radiographie thoracique, intradermoréaction à la tuberculine). Après trois mois de traitement, 27 % des patients obtiennent une amélioration supérieure ou égale à 75 % du score de sévérité PASI (réponse PASI 75). La poursuite du traitement permet une réponse PASI 75 chez 44 % des patients à la vingt-quatrième semaine. Après arrêt du traitement, le délai médian de rechute est de deux mois et demi. Un rebond à l’arrêt du traitement est possible. Les effets indésirables les plus fréquents sont des signes généraux pseudogrippaux (céphalées, fièvre, frissons, myalgies) et une hyperlymphocytose. Les principales complications possibles sont cutanées : poussées localisées d’éruption papuleuse psoriasiforme sur des zones initialement épargnées par le psoriasis, poussées inflammatoires diffuses de psoriasis pustuleux ou érythrodermique. De rares cas de thrombopénie réversibles à l’arrêt du traitement sont rapportés et imposent la surveillance régulière de l’hémogramme. L’étanercept (Enbrel) est une protéine de fusion qui inhibe la liaison du TNF-α avec ses récepteurs. Il est administré par voie sous-cutanée à la posologie initiale de 25 mg ou 50 mg, deux fois par semaine durant les douze premières semaines, poursuivi au-delà à 25 mg, deux fois par semaine. Le bilan préthérapeutique vise à détecter les contreindications éventuelles : infections évolutives bactériennes, virales (VIH, virus des hépatites B et C) ou mycobactériennes (radiographie thoracique, intradermoréaction à la tuberculine), des affections démyélinisantes (en particulier la sclérose en plaques) et des antécédents de cancer datant de moins de cinq ans, à l’exception du carcinome basocellulaire. La grossesse et l’allaitement constituent également des contre-indications. Après trois mois de traitement à la dose de 50 mg, deux fois par semaine, 49 % des patients obtiennent une réponse PASI 75. L’amélioration se poursuit entre trois et six mois de traitement. Après arrêt du traitement, le délai médian de rechute est de trois mois et l’effet
2-11
2-12 Affections rhumatismales inflammatoires 'BDUFVSSIVNBUPÕEF*H.
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Coll. D. Bessis
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Fig. 2.22 Proposition d’unification clinique et histologique des principales manifestations cutanées de la polyarthrite rhumatoïde : le dénominateur commun initial serait une vasculite cutanée secondaire à des complexes immuns circulants avec infiltrat neutrophilique dermique responsable d’une dégénérescence focale du collagène puis de lésions granulomateuses palissadiques. La prédominance d’une ou de plusieurs lésions histologiques (vasculite, neutrophilie dermique, granulome palissadique) rendrait compte des différents types d’atteinte cutanée clinique rebond est exceptionnel. Le principal effet indésirable est une réaction inflammatoire au site de l’injection. L’infliximab (Remicade) est un anticorps monoclonal chimérique qui se lie spécifiquement au TNF-α et neutralise son activité biologique. Le bilan préthérapeutique et les modalités de surveillance sont similaires à ceux préconisés pour l’étanercept. Il est administré par voie intraveineuse, à la dose de 5 mg/kg en courte perfusion de deux heures, à répéter deux et six semaines plus tard puis toutes les huit semaines. Après dix semaines de traitement à cette dose, 80 % des patients obtiennent une réponse PASI 75 et 57 % une réponse PASI 90. Sous traitement d’entretien, 61 % des patients conservent une réponse PASI 75 à cinquante semaines. Les effets indésirables les plus fréquents sont des réactions lors de la perfusion, parfois sévères (choc anaphylactique), nécessitant une observation d’une à deux heures lors de l’administration du produit et justifiant parfois l’administration concomitante de corticoïdes injectables. Des complications potentiellement sévères ont été observées : infections opportunistes, atteintes démyélinisantes du système nerveux, aggravation d’une insuffisance cardiaque et survenue de processus auto-immuns (fréquente apparition d’anticorps antinucléaires, rare lupus érythémateux induits). La stratégie thérapeutique sera adaptée dans les formes TNF tumor necrosis factor
cliniques particulières — Psoriasis en gouttes : le traitement initial est local, comme au cours du psoriasis vulgaire, principalement par les dermocorticoïdes de niveau II. Dans la mesure où il peut s’agir d’un psoriasis post-infectieux, une antibiothérapie adaptée à visée antistreptococcique peut être proposée de principe durant deux à quatre semaines. Elle permet très inconstamment une régression rapide des symptômes. Une photothérapie de type UVBTL01 ou PUVA est justifiée en deuxième intention. — Psoriasis pustuleux diffus (von Zumbusch) : il est remarquablement amélioré par les rétinoïdes prescrits à des doses voisines de 0,5 à 1 mg/kg/j. En cas de résistance, le méthotrexate est sans doute la meilleure alternative, l’effet de la puvathérapie ou de la ciclosporine étant plus aléatoire. — Psoriasis pustuleux localisé (Barber) : le traitement par dermocorticoïdes de classe I est utilisé en première intention. En cas de poussées répétées, de récidives à l’arrêt ou lors de la dégresion des dermocorticoïdes, les rétinoïdes par voie orale constituent une excellente indication, à des doses comprises entre 0,5 et 1 mg/kg/j. Une photothérapie de type PUVA limitée aux mains et aux pieds, associée ou non aux rétinoïdes oraux, peut également être proposée. En cas d’échec, la colchicine, les sulfones, le méthotrexate ou la ciclosporine pourront être envisagés. L’arrêt du tabac
Fig. 2.23
Nodules rhumatoïdes de la face d’extension de l’avant-bras
est souhaitable dans la mesure où cette localisation de psoriasis semble favorisée par la consommation importante de cigarettes. — Érythrodermie psoriasique : son traitement est délicat, il faut d’abord rechercher les facteurs locaux ou généraux qui ont pu précipiter cette érythrodermie et souvent envisager le traitement en milieu hospitalier. L’utilisation des dermocorticoïdes et des émollients est capital mais le plus souvent insuffisant. Une hydratation abondante et un régime protidique sont indiqués. Le traitement de fond repose sur les rétinoïdes, le méthotrexate et la ciclosporine. Ces thérapeutiques doivent être utilisées à de faibles doses en raison du risque éventuel de troubles métaboliques et d’hypoprotidémie associée. La photothérapie peut ensuite prendre le relais. Aucune des biothérapies actuellement disponibles sur le marché pour le traitement du psoriasis (éfaluzimab, étanercept, infliximab) n’a d’autorisation de mise sur le marché dans cette indication. Quelques observations mentionnent l’intérêt de l’infliximab dans cette indication. — Kératodermie palmoplantaire invalidante : outre les traitements locaux (kératolytiques et corticoïdes de classe I), on pourra utiliser l’acitrétine ou éventuellement une puvathérapie localisée aux mains et aux pieds. — Psoriasis des plis : les corticoïdes ou les dérivés de la vitamine D doivent être utilisés en lotion, en gel ou éventuellement en crème. Les dérivés de la vitamine D peuvent également être utilisés mais avec un risque d’irritation. — Psoriasis du cuir chevelu : les lotions cortisonées sont efficaces associées à l’acide salicylique et aux shampooings kératolytiques et réducteurs. Le calcipotriol en lotion présente une efficacité équivalente et peut être utilisé sans risque de tachyphylaxie ou de phénomène de rebond. Les topiques imidazolés peuvent être utiles pour les psoriasis séborrhéiques du visage. — Psoriasis unguéal : son traitement est souvent peu efficace. Il fait appel aux corticoïdes de classe I en massages biquotidiens périunguéaux, poursuivis pendant plusieurs mois. Les injections intralésionnelles de corticoïdes peuvent être proposées dans les formes limitées à quelques doigts. L’avulsion chimique à l’urée peut être nécessaire dans les formes avec importante hyperkératose. Les traite NR nodule rhumatoïde · PoR polyarthrite rhumatoïde
Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
Polyarthrite rhumatoïde 2-13
Fig. 2.24 Nodules rhumatoïdes en regard des surfaces articulaires du dos de la main ments généraux sont prescrits au cours de formes sévères et/ou d’atteintes cutanées étendues associées. Ils reposent sur la puvathérapie localisée, le méthotrexate et la ciclosporine, et sur l’acitrétine en cas de psoriasis pustuleux associé.
Polyarthrite rhumatoïde (PoR) La PoR est un rhumatisme inflammatoire qui s’accompagne fréquemment de signes cutanés, le plus souvent non spécifiques. Schématiquement, quatre grandes manifestations cutanées sont reconnues : les nodules rhumatoïdes, la vasculite rhumatoïde cutanée, les dermatoses neutrophiliques et la dermite interstitielle granulomateuse avec arthrite. De nombreux arguments histologiques et physiopathologiques plaident en faveur d’un continuum entre ces différentes entités, comme en témoigne leur association possible chez un même malade tant sur le plan clinique qu’histologique (fig. 2.22). Ainsi n’est-il pas rare d’observer microscopiquement des lésions cutanées mixtes ou hybrides associant à des degrés variables granulome, vasculite et neutrophilie sur un même prélèvement anatomopathologique ¹⁸. Nodules et nodulose rhumatoïdes ¹⁹,²⁰ Les nodules rhumatoïdes (NR) constituent les manifestations extra-articulaires les plus fréquentes et s’observent chez 10 à 30 % des patients atteints de PoR. Ils constituent un des sept critères de classification de la maladie proposé par l’American College of Rheumatology en 1987 et leur survenue est exceptionnelle au cours d’autres maladies systémiques comme le lupus érythémateux systémique, la spondylarthrite ankylosante, la sclérodermie systémique ou la connectivite mixte ²¹. Ils se développent spontanément ou sous l’influence de microtraumatismes, après quelques années d’évolution du rhumatisme. Celui-ci est généralement inflammatoire, destructeur et déformant, séropositif pour le facteur rhumatoïde (90 %) avec présence d’anticorps antinucléaires à des titres élevés et s’associe à des manifestations extra-articulaires. Les NR siègent avec prédilection en regard des régions périarticulaires et des zones de pression : surface d’extension des avant-bras, éminence olécranienne
Fig. 2.25
Granulomes annulaires profonds
(fig. 2.23) et tendon d’Achille. Le dos des mains (fig. 2.24), les genoux, les oreilles, les épaules, le sacrum, les ischions et le cuir chevelu sont plus rarement touchés ²². Les nodules sont arrondis ou polylobés, d’un diamètre allant de 5 mm à plusieurs centimètres. Ils sont de couleur peau normale, fermes, indolores et mobiles par rapport aux plans profonds. Leur fistulisation avec un risque d’infection secondaire ou leur calcification sont rares. Une érosion de l’os en regard est exceptionnelle. Des nodules rhumatoïdes viscéraux des poumons, de la plèvre, du cœur, de l’œil, du larynx et du septum nasal ont été rapportés. L’évolution des NR est stable, non nécessairement parallèle à celle de la maladie, marquée par une lente augmentation de taille, ou une régression spontanée ou après le traitement de la polyarthrite. La nodulose rhumatoïde accélérée (NRA) est constituée par une efflorescence de nodules rhumatoïdes de petite taille et siégeant électivement sur les mains (près de 9 cas sur 10) en particulier en regard des articulations MCP et IPP, mais également sur les pieds et les oreilles ²³. Elle peut être inconstamment observée durant les premiers mois de traitement de la PoR par le méthotrexate, avec une prédilection chez les malades porteurs de l’allèle HLA-DRB1*401 ²⁴. Une atteinte viscérale pulmonaire, cardiaque et méningée est possible. La régression des nodules est classiquement observée après l’arrêt du méthotrexate. La récidive des lésions est habituelle en cas de réintroduction. Les traitements tels que l’hydroxychloroquine, la D-pénicillamine, la colchicine et la sulfasalazine peuvent permettre une diminution des lésions. La NRA a également été décrite au cours du traitement de la PoR par etanercept et au cours du rhumatisme psoriasique traité par méthotrexate ²⁵. La nodulose ou nodulite rhumatoïde constitue une variante bénigne de polyarthrite rhumatoïde touchant avec préférence l’homme âgé de 30 à 50 ans. Elle comporte quatre critères diagnostiques, définis par Couret et al. ²⁶ à partir d’une revue de vingt-quatre observations : multiples nodules rhumatoïdes caractéristiques histologiquement, symptômes articulaires récurrents avec atteinte clinique et radiologique minime, évolution clinique bénigne et absence de manifestations systémiques de PoR. Le facteur
rhumatoïde est inconstamment positif. Cette entité reste cependant de diagnostic délicat car la survenue de nodules rhumatoïdes isolés peut précéder de plusieurs années l’atteinte articulaire ²⁵. Le diagnostic différentiel clinique et histologique des lésions cutanées est difficile, voire impossible, avec les granulomes annulaires cutanés profonds (nodules rhumatoïdes bénins, nodules pseudo-rhumatoïdes) (fig. 2.25), en particulier chez l’enfant. Histologiquement, le nodule rhumatoïde mature se caractérise par des granulomes siégeant dans le derme et l’hypoderme, composés d’une zone centrale de nécrose fibrinoïde entourée d’une bordure d’histiocytes disposés en palissade, parfois associés à des cellules géantes (fig. 2.26). En périphérie, il existe un tissu conjonctif plus ou moins fibreux infiltré par des lymphocytes et des plasmocytes. Sur le plan physiopathologique, la formation du nodule rhumatoïde serait initiée par des traumatismes endothéliaux récidivants des vaisseaux cutanés favorisés par des traumatismes locaux et/ou des complexes auto-immuns déposés dans les parois vasculaires. Ces lésions seraient à l’origine d’une réponse immunologique médiée par les lymphocytes T de type Th1 ²⁷. La sécrétion lymphocytaire d’IFN-γ serait à l’origine d’une activation des macrophages produisant diverses cytokines comme l’IL-1-β, le TNF-α, le transforming growth factor (TGF)-β et le granulocyte macrophage colony stimulating factor (GM-CSF), des facteurs angiogéniques stimulant la néovascularisation locale ainsi que des protéinases et des collagénases induisant la nécrose fibrinoïde. Les nodules rhumatoïdes ne nécessitent pas de traitement particulier la plupart du temps. Ils ne doivent pas être drainés, injectés ou excisés en raison du risque infectieux et de récurrence. Leur régression peut inconstamment être observée lors du traitement de fond de la PoR. Vasculite rhumatoïde La vasculite rhumatoïde (VR) constitue une manifestation rare (1 %) mais potentiellement grave de la PoR. Elle s’observe avec prédilection au cours des PoR masculines, anciennes, nodulaires et séropositives et s’accompagnant d’autres manifestations extra-articulaires. Elle se développe en moyenne 10 à 17 ans après la survenue de l’at-
Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
2-14 Affections rhumatismales inflammatoires
Fig. 2.26 Histologie du nodule rhumatoïde : nécrose fibrinoïde (NF) entourée d’une bordure d’histiocytes (Hs) disposés en palissade
GM-CSF granulocyte macrophage colony stimulating factor · IL interleukine · IPP interphalangienne proximale · MCP métacarpophalangien · NR nodule rhumatoïde · NRA nodulose rhumatoïde accélérée · PoR polyarthrite rhumatoïde · TGF transforming growth factor · TNF tumor necrosis factor · VR vasculite rhumatoïde
Polyarthrite rhumatoïde 2-15 Tableau 2.1 Manifestations cliniques de la vasculite rhumatoïde (d’après P. A. Bacon ¹⁹)
Coll. D. Bessis
Organe atteint Fréquence Atteintes cliniques Peau 90 % Ulcérations de jambe Infarctus digitaux Lésions diverses (papules, nodules, bulles, gangrène, livédo...) Signes généraux 85 % Amaigrissement Système nerveux 45 % Neuropathie sensitive périphérique Neuropathie motrice Poumon 40 % Alvéolite Pleurésie Cœur 35 % Péricardite Arythmie Insuffisance aortique Rein 20 % Anomalie du sédiment urinaire Amylose Insuffisance rénale chronique Œil 20 % Épisclérite Sclérite perforante Intestin 10 % Abdomen aigu/infarctus Colite
Fig. 2.28 Micro-infarctus digital péri-unguéal au cours de la polyarthrite rhumatoïde
Coll. D. Bessis
teinte articulaire. Son évolution est fréquemment dissociée des poussées de la PoR. Les principales manifestations cliniques sont mentionnées dans le tableau 2.1 ¹⁹. Les manifestations cutanées sont les plus fréquentes (90 % dans de larges séries) et souvent initiales. Elles résultent d’une atteinte inflammatoire des vaisseaux cutanés, allant des capillaires et veinules post-capillaires du derme papillaire aux artérioles cutanées profondes hypodermiques. Les différents stades de l’inflammation (aigu, chronique), la localisation cutanée plus ou moins profonde et le caractère souvent intriqué des atteintes histologiques sur une même lésion cutanée rendent compte du polymorphisme des signes cutanés ²⁸,²⁹. Schématiquement, on distingue : — les ulcérations cutanées de développement rapide, creusantes et douloureuses, localisées avec prédilection sur les régions prétibiales et en regard des maléoles (fig. 2.27). Elles sont liées à une vascularite nécrosante, touchant les vais-
Fig. 2.27 Vasculite rhumatoïde : large ulcération cutanée creusante de la face externe de jambe PoR polyarthrite rhumatoïde · VR vasculite rhumatoïde
seaux de petit et de moyen calibre, parfois proche de la périartérite noueuse mais sans anévrisme. Une neuropathie sensitivo-motrice sévère est parfois associée. Histologiquement, la vasculite peut être authentifiée par une biopsie des berges dans près d’un cas sur deux. Le rôle de facteurs associés aggravants en particulier d’une insuffisance veineuse ou artérielle, de complications fonctionnelles secondaires à l’immobilité ne doit cependant pas être méconnu. Le diagnostic différentiel peut également se poser avec le pyoderma gangrenosum et les ulcérations cutanées de jambe au cours du syndrome de Felty ; — les atteintes péri-unguéales caractérisées par des microinfarctus digitaux des pulpes des pourtours et des lits unguéaux (lésions de Bywaters) (fig. 2.28). De petite taille, brunes, purpuriques et peu douloureuses, ces lésions sont souvent transitoires (deux à trois jours) et méconnues. Lorsqu’elles surviennent isolément, elles ne constituent pas un facteur prédictif d’une atteinte systémique de vasculite ou d’une atteinte extra-articulaire de la PoR. Histologiquement, elles témoignent d’une endartérite fibreuse oblitérante, caractérisée par une infiltration hyaline sousendothéliale ou étendue à la média sans infiltrat inflammatoire ; — les autres signes cutanés comprennent le purpura palpable, l’érythème maculeux et papuleux urticarien (vascularite urticarienne), les papules (papules rhumatoïdes), les nodules, le livédo réticulé, la gangrène des extrémités, les bulles hémorragiques, la folliculite et l’atrophie blanche. La vasculite rhumatoïde est liée d’une part à la présence de dépôts de complexes immuns (facteur rhumatoïde, IgG, C3) dans la paroi des vaisseaux et d’autre part à l’intervention d’anticorps dirigés contre les cellules endothéliales. Il existe souvent une cryoglobulinémie associée et une baisse du taux de complément sérique. Le terrain génétique HLA DR4 (notamment l’homozygotie 0401) semble jouer un rôle prédisposant. Au cours des formes sévères de VR, le traitement repose sur les corticostéroïdes à forte dose associés au cyclophosphamide. Les autres traitements proposés reposent sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens, le chlorambucil, le méthotrexate, la ciclosporine et plus
2-16 Affections rhumatismales inflammatoires
Dermatose neutrophilique rhumatoïde Décrite en 1978 par Ackerman, cette affection rare (moins de trente observations rapportées dans la littérature anglosaxonne en 2005) s’observe presque constamment au cours de formes sévères de PoR associées à des titres élevés de facteur rhumatoïde ³¹. Les lésions cutanées sont cliniquement variables, érythémateuses, le plus souvent constituées de papules, plaques, nodules ou de lésions urticariennes, rarement de vésicules, de bulles ou de pustules. Elles se localisent avec prédilection et de façon symétrique en regard des articulations et des surfaces d’extension des extrémités, sur le tronc et le cou. Histologiquement, cette affection se caractérise par un infiltrat neutrophilique dermique superficiel et profond sans vasculite. Le diagnostic différentiel se pose cliniquement avec les dermatoses neutrophiliques comme le syndrome de Sweet et l’erythema elevatum diutinum. Typiquement la dermatose neutrophilique rhumatoïde épargne le visage et est asymptomatique, ne s’accompagnant pas de signes systémiques (fièvre, malaises, arthralgies). Sur le plan histologique, un œdème du derme avec vasodilatation, une turgescence des cellules endothéliales et une extravasation de globules rouges sont classiques au cours du syndrome de Sweet mais rares au cours de la dermatose neutrophilique rhumatoïde. Cette dernière affection ne représente peut être qu’une forme atypique et incomplète du syndrome de Sweet. Son traitement repose sur la dapsone. Les topiques corticoïdes, les antipaludéens de synthèse, la colchicine, l’étrétinate, les corticostéroïdes oraux et le cyclophosphamide ont été proposés, mais sont inconstamment efficaces. Diverses dermatoses neutrophiliques peuvent être observées au cours de la PoR : syndrome de Sweet, erythema elevatum diutinum, pustulose de Sneddon Wilkinson, pyoderma gangrenosum, panniculite lobulaire neutrophilique ³². Dermatite granulomateuse interstitielle avec arthrite Cette affection rare a été initialement décrite en 1965 par Dykman et al. puis rapportée ponctuellement sous de nombreuses dénominations comme « bandes sous-cutanées linéaires de la PoR », « nodule rhumatoïde linéaire », « granulome annulaire linéaire ». En 1993, elle est autonomisée par Ackerman sous la dénomination de « dermatite interstitielle granulomateuse avec cordes et arthrite ». Par la suite, l’intégration de cette entité dans le spectre des dermatites interstitielles granulomateuses palissadiques et neutrophiliques (DIGPN) par Chu et al. ³⁴ puis sa description sans le caractère linéaire des lésions mais en plaques ³⁵,³⁶ n’ont fait qu’augmenter la confusion terminologique. Le terme de dermatite interstitielle granulomateuse avec arthrite (DGIA) semble devoir actuellement être retenu. Cette affection touche avec prédilection les femmes d’âge moyen, atteintes de PoR sévère associée à des taux élevés
Coll. Pr D. Leroy, Caen
récemment l’infliximab ³⁰. Une abstention thérapeutique est préconisée en cas de lésions isolées de VR pulpaires ou unguéales car celles-ci ne témoignent pas d’une atteinte vasculaire systémique.
Fig. 2.29 Dermite interstitielle granulomateuse avec arthrite : lésions cutanées caractéristiques érythémateuses et palpables disposées en bandes latérothoraciques et axillaires de facteur rhumatoïde ³⁷. Elle a également été rapportée au cours de polyarthrites séronégatives ou de maladies systémiques auto-immunes comme la thyroïdite auto-immune, le lupus érythémateux systémique et des maladies lymphoprolifératives ³⁸. Les lésions cutanées sont asymptomatiques et siègent avec prédilection et de façon symétrique sur les aisselles, les faces latérales du tronc et les parties hautes des cuisses, plus rarement sur les surfaces d’extension des extrémités, les membres et les fesses. Elles se caractérisent le plus souvent par des plaques, parfois des papules et des nodules groupés, de couleur rouge à violine. La disposition linéaire et le caractère palpable des lésions disposées en « corde » ou en « bande » sur le tronc (fig. 2.29) et les aisselles sont pathognomoniques, mais inconstantes. Le caractère annulaire des lésions (fig. 2.30) est classique bien que moins spécifique et soulève divers diagnostics différentiels d’érythème annulaire : granulomes annulaires multiples, morphées au stade initial inflammatoire, variante granulomateuse du mycosis fungoïde, cellulite de Wells, vasculite urticarienne et érythème annulaire centrifuge. Histologiquement, la DGIA se caractérise par des infiltrats granulomateux (prépondérance d’histiocytes dans l’infiltrat inflammatoire)
DGIA dermatite interstitielle granulomateuse avec arthrite · DIGPN dermatites interstitielles granulomateuses palissadiques et neutrophiliques · PoR polyarthrite rhumatoïde · VR vasculite rhumatoïde
Coll. Dr M. Dandurand, Nîmes
Polyarthrite rhumatoïde 2-17
Coll. D. Bessis
Fig. 2.31 Papules érythémateuses du coude à type de papules rhumatoïdes au cours d’une dermite interstitielle granulomateuse avec arthrite dans le cadre d’une polyarthrite rhumatoïde
Fig. 2.30 Dermite interstitielle granulomateuse avec arthrite : lésions annulaires et confluentes du dos de l’ensemble du derme, s’étendant parfois à l’hypoderme. Ces infiltrats sont d’architecture réticulée, centrés par des fibres de collagène de texture et de forme altérées de type basophile. Les histiocytes adoptent une disposition palissadique (noyaux disposés parallèlement selon leur grand axe) formant des rosettes péricollagène ou interstitielle (disposition isolée ou groupée entre les fibres de collagène) ³⁹. La vascularite ou les dépôts de mucine sont classiquement absents. L’atteinte parfois dense et diffuse de la totalité du derme, la présence inconstante de neutrophiles, de plasmocytes et d’éosinophiles à des degrés variables constituent autant de critères de différentiation avec les autres dermatoses granulomateuses palissadiques, en particulier le granulome annulaire. De même, la dermatite interstitielle granulomateuse médicamenteuse (β-bloqueurs, inhibiteurs calciques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, hypolipidémiants), de présentation clinique parfois similaire, s’en différencie non seulement par la résolution des symptômes à l’arrêt du médicament incriminé mais histologiquement par la présence d’une dermite vacuolaire d’interface et d’un épidermotropisme lymphocytaire ⁴⁰. Pour certains auteurs comme Chu et al. ³⁴, la DGIA pourrait s’intégrer dans le spectre des DIGPN associées à des maladies à complexes immuns circulants, incluant également le granulome de Churg et Strauss, le granulome cutané extravasculaire nécrosant, les papules rhumatoïdes multiples ⁴¹ et la nécrobiose rhumatoïde ulcérée superficielle. Ces lésions témoigneraient d’un mécanisme pathogénique commun caractérisé initialement par une vasculite leucocytocla-
sique avec infiltrat neutrophilique du derme responsable d’une dégénérescence focale du collagène (fig. 2.22). Secondairement se développeraient des granulomes palissadiques entourés de débris leucocytoclasiques, de fibrine et de collagène altéré. Les lésions tardives correspondraient à des lésions granulomateuses palissadiques avec fibrose dermique et de rares débris leucocytaires. Cette unification clinicohistologique est cependant discutable car la plupart des cas rapportés de DIGPN se caractérisaient cliniquement par des papules ou des nodules de couleur chair ou érythémateux, ombiliqués ou ulcérés, distribués symétriquement sur les coudes (fig. 2.31) et les doigts. Ainsi, nombre d’auteurs considèrent que les manifestations cliniques caractéristiques de la DGIA (disposition linéaire, en plaques ou annulaires) et l’absence de vasculite histologique doivent conduire à considérer cette affection comme une entité distincte. Son traitement repose sur les corticostéroïdes topiques, les AINS, la prednisone à faibles doses et la disulone. Autres signes cutanés De nombreux signes cutanés aspécifiques ont été rapportés au cours de la polyarthrite rhumatoïde : érythème vermillon des paumes ; œdème des IPP associé à une atrophie cutanée distale conférant un aspect de sclérodactylie ; crénelures longitudinales des tablettes de l’ongle ⁴² ; hippocratisme digital ; érythème périunguéal télangiectasique ; lunule rouge ; ptérygium inversé ; cutis laxa acral localisé ; érythème noueux. Un syndrome de Raynaud est rapporté dans 3 à 17 % des PoR et des anomalies capilloroscopiques sont fréquentes : dystrophies capillaires mineures avec aspect en feuilles de fougère, anses filiformes et visibilité anormale des plexus veineux sous-papillaires. Le syndrome de Felty associe une PoR, une leucopénie sévère avec neutropénie et une splénomégalie. Des ulcères de jambe d’origine vasculitique ainsi qu’une hyperpigmentation diffuse ou des surfaces d’extension des membres inférieurs ont été rapportés.
AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens · DGIA dermatite interstitielle granulomateuse avec arthrite · DIGPN dermatites interstitielles granulomateuses palissadiques et neutrophiliques · IPP interphalangienne proximale · PoR polyarthrite rhumatoïde
C
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D
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B
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A
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2-18 Affections rhumatismales inflammatoires
Fig. 2.32 Acné conglobata compliquée d’une atteinte rhumatismale axiale ; A. caractère inflammatoire des nodules communiquants entre eux sur le visage et B. sur le haut du dos ; C. la scintigraphie osseuse atteste d’une hyperfixation des articulations sacro-illiaques témoignant d’une sacro-iliite bilatérale ; D. la tomodensitométrie met en évidence une ostéolyse (en « timbre poste ») prédominant au niveau des cornes inférieures (flèches)
Pustulose palmoplantaire arthropathique, rhumatisme acnéique et syndrome SAPHO Pustulose palmoplantaire (PPP) arthropathique Cette entité (syndrome de Sonozaki) définit l’association d’une PPP et de manifestations ostéoarticulaires à type d’enthésiopathies hyperostosantes et/ou de foyers d’ostéite stérile ⁴³,⁴⁴. Cette atteinte rhumatismale est rapportée dans environ 10 % des cas de PPP, avec une nette prédilection au Japon et, à un moindre degré, en Scandinavie. Elle touche le plus souvent la femme (70 %) entre 40 et 50 ans. Les lésions cutanées pustuleuses stériles sont isolées ou groupées, centrées sur la partie moyenne et postérieure des paumes et des plantes. L’atteinte rhumatologique peut précéder ou suivre l’atteinte cutanée avec un intervalle moyen de deux IPD interphalangienne distale · PPP pustulose palmoplantaire · RP rhumatisme psoriasique
ans. Elle touche électivement la paroi thoracique antérieure, surtout sterno-costo-claviculaire et est responsable de douleurs et de tuméfactions inflammatoires. L’atteinte radiologique associe à des degrés variables des signes d’arthrite et d’hyperstose sterno-claviculaire ⁴⁵. Des atteintes de l’articulation manubrio-sternale, périphériques (mono-, oligo- ou polyarthrite), sacro-illiaques et axiales (spondylite, spondylodiscite aseptique, syndesmophytes, ossifications paravertébrales) peuvent également être observées. L’évolution se fait par poussées, mais il n’existe un parallélisme entre les signes cutanés et articulaires que dans un quart des cas. Le caractère distinct de cette entité par rapport au RP associé à un psoriasis pustuleux localisé (type Barber) repose sur l’absence d’autre atteinte articulaire évocatrice du RP (en particulier des IPD), le caractère histologique uniloculaire de la pustule et l’absence habituelle d’association avec les
Arthrites réactionnelles 2-19
Acné conglobata Il s’agit d’une forme rare d’acné qui touche surtout les adultes jeunes de sexe masculin. Elle se caractérise par une atteinte sévère du visage et du tronc, constituée de macrokystes, de nodules profonds et d’abcès. Ces lésions communiquent par des galeries et aboutissent à la constitution de fistules et de cicatrices rétractiles. Les manifestations rhumatologiques incluent des atteintes parfois combinées d’arthrites périphériques non spécifiques (oligo- ou polyarthrite), d’ostéoarthrite de la paroi thoracique antérieure (sterno-costo-claviculaire, manubriosternale) et d’atteintes axiales (sacro-iléite uni- ou bilatérale, syndesmophytes, hyperostose) (fig. 2.32). Ces atteintes articulaires ont également rapportées avec l’hidrosadénite suppurée et la cellulite disséquante du scalp qui constituent les deux autres composantes de la triade acnéique ⁴⁶. Le traitement de l’acné conglobata repose sur l’isotrétinoïne orale à une dose variant de 0,5 à 1 mg/kg/j, parfois associée à une corticothérapie orale, et a été rapporté ponctuellement efficace sur les manifestations articulaires.
Coll. D. Bessis
antigènes HLA associés au RP. Le traitement des manifestations articulaires repose sur la colchicine et les AINS. Le traitement des lésions cutanées repose sur la photothérapie associée à l’acitrétine.
Fig. 2.33 Balanite circinée psoriasiforme au cours d’une arthrite réactionnelle à Chlamydia trachomatis kératodermie blennoragique de Vidal et Jacquet ⁵⁰ : — la balanite circinée psoriasiforme (un tiers des cas) est pathognomonique et peut affecter la verge et le scrotum. Chez les sujets non circoncis, elle est humide, érythémateuse, bien limitée, marquée parfois par des érosions serpigineuses et indolores caractéristiques (fig. 2.33). Chez le sujet circoncis, elle est en plaques sèches et squamo-kératosiques. Une vulvite circinée peut également se voir. Une surinfec-
Syndrome SAPHO L’acronyme rhumatologique SAPHO (synovite, acné, pustulose, hyperostose et ostéite) a été proposé en 1987 par Kahn et al. ⁴⁷ et regroupe les manifestations ostéoarticulaires associées à un ou plusieurs éléments de la triade acnéique (acné, hidradénite suppurée, cellulite disséquante du scalp) et à la PPP. Son individualisation dermatologique reste discutée car acné et PPP ne sont pratiquement jamais observées simultanément chez un même patient ⁴⁸.
Ce sont des arthrites aseptiques qui s’intègrent dans le cadre des spondylarthropathies séronégatives, affections partageant des caractéristiques cliniques (articulaires, oculaires et dermatologiques), biologiques (forte association avec HLA-B27) et radiologiques (sacro-iléite) ⁴⁹. Les symptômes des AR débutent une à quatre semaines après une infection uro-génitale (urétrite, cervicite) le plus souvent à Chlamydia trachomatis ou digestive liée à des entérobactéries Gram négatif (Salmonella, Yersinia, Shigella, Campylobacter). L’antigène HLA-B27 est présent dans 40 à 80 % des cas. Les signes cliniques associent une atteinte articulaire, typiquement une oligoarthrite du membre inférieur, et une ou plusieurs manifestations extra-articulaires : oculaires (conjonctivite, uvéite antérieure) ; cardiaques (péricardite, bloc auriculo-ventriculaire) ; urogénitales (urétrite, cervicite) ; digestives (diarrhée, syndrome dysentérique). Les manifestations dermatologiques sont présentes dans près de la moitié des cas et regroupent les descriptions historiques du syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter (triade arthrite-conjonctivite-urétrite non gonococcique) et de la
Coll. D. Bessis
Arthrites réactionnelles (AR)
Fig. 2.34 Kératodermie plantaire constituées de papules kératosiques et érythémateuses au cours d’une arthrite réactionnelle à Chlamydia trachomatis
AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens · PPP pustulose palmoplantaire · RP rhumatisme psoriasique
2-20 Affections rhumatismales inflammatoires ponctué en dés à coudre (pitting) est rarement observé. La prise en charge repose sur le traitement symptomatique des atteintes buccales et les corticoïdes topiques en cas d’atteinte génitale.
Fig. 2.35 Érosion du palais au cours d’une arthrite réactionnelle à Chlamydia trachomatis
Coll. D. Bessis
tion secondaire est possible ; — la kératodermie palmoplantaire (15 %) débute par des macules ou des vésicules qui, par coalescence, évoluent vers des papules kératosiques centrées par des pustules reposant sur une base érythémateuse (fig. 2.34). Elles peuvent s’associer à des lésions psoriasiformes isolées sur le tronc, le scalp et les organes génitaux externes. Une atteinte généralisée avec un renforcement acral, en particulier digital, peut être observée au cours de l’infection VIH et pose alors le problème du diagnostic différentiel avec le psoriasis pustuleux. L’examen histologique d’une pustule récente met en évidence une pustule spongiforme épidermique superficielle (aspect de psoriasis pustuleux) ; — les lésions orales (17 %) sont à type de papules, d’érosions ou d’ulcérations douloureuses de taille variable de la langue, du palais (fig. 2.35) ou de langue géographique ; — l’atteinte unguéale peut débuter par un érythème du lit unguéal ou par une hyperkératose sous-unguéale peu spécifique. Elle peut également comporter des pustules (fig. 2.36), une onycholyse, une leuconychie comme au cours des ongles cirrhotiques de Terry. En revanche, le caractère
Fig. 2.36 Pustule hémorragique sous-unguéale au cours d’une arthrite réactionnelle à Chlamydia trachomatis MSA maladie de Still de l’adulte
La maladie de Still de l’adulte (MSA) est une maladie systémique inflammatoire d’étiologie inconnue caractérisée par l’association d’une fièvre élevée intermittente, de polyarthralgies depuis au moins deux semaines, d’une éruption cutanée maculeuse et papuleuse évanescente et d’une hyperleucocytose à neutrophiles ⁵¹. En l’absence de marqueur biologique spécifique, son diagnostic est clinique et nécessite l’exclusion de nombreux diagnostics différentiels dans sa forme systémique (fièvre récurrente) ou articulaire (rhumatisme inflammatoire chronique). Parmi les critères diagnostiques les plus utilisés de Yamaguchi et al., l’éruption cutanée évanescente constitue un critère majeur et sa fréquence est proche de 90 % au cours de la MSA. Typiquement, elle est fugace et vespérale, apparaissant au décours des pics fébriles et disparaissant en période d’apyrexie. Elle est constituée de macules et de papules érythémateuses « saumonées » disposées en plaques ou en nappes, peu ou pas prurigineuses sur le tronc et les membres (fig. 2.37). Un phénomène de Koebner est parfois décrit. L’extrémité céphalique, les paumes et les plantes sont plus rarement touchées. Ces lésions sont histologiquement peu spécifiques marquées par un infiltrat inflammatoire périvasculaire composé de lymphocytes, d’histiocytes et de neutrophiles. L’immunofluorescence directe est négative. De nombreuses atteintes cutanées atypiques ⁵² ont été rapportées : — la forme à type de plaques pigmentées fixes (près d’une trentaine d’observations) touche majoritairement le patient d’origine asiatique et se caractérise par des plaques persistantes pigmentées rouge foncé ou marron, squameuses ou croûteuses, d’allure lichénienne, disposées sur l’extrémité céphalique, le tronc et les surfaces d’extension
Coll. D. Bessis
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Maladie de Still de l’adulte
Fig. 2.37 Éruption érythémateuse maculeuse, confluente au cours d’une maladie de Still de l’adulte. Le caractère parfois linéaire des lésions témoigne d’un phénomène de Koebner
Coll. Dr Ph. Abimelec, Paris
Rhumatisme fibroblastique 2-21
des extrémités ⁵³. Elles coexistent le plus souvent avec des lésions cutanées évanescentes typiques. Histologiquement, l’existence de nécroses kératinocytaires de la moitié supérieure de l’épiderme et un infiltrat neutrophilique et lymphocytaire du derme papillaire est soulignée dans nombre d’observations. Cette atteinte clinique cutanée pourrait être un facteur de sévérité ou de risque de complication systémique de la maladie. Les lésions cutanées régressent sous traitement parallèlement aux signes systémiques ; — des atteintes vésiculopustuleuses, acnéiforme, à type de syndrome de Sweet, de mucinose cutanée diffuse avec infiltration cutanée en « peau d’orange » ont également été décrites ⁵⁴,⁵⁵.
Coll. D. Bessis
Fig. 2.38 Tuméfactions nodulaires « perlées » périunguéales au cours d’une réticulo-histiocytose multicentrique
Fig. 2.39
Tophi chroniques de l’olécrane
Le rhumatisme fibroblastique de l’adulte est une entité rare (une vingtaine d’observations rapportées). Il associe des arthrites symétriques et des lésions cutanées caractéristiques ⁵⁶-⁵⁸. L’atteinte articulaire, à caractère érosif dans 40 % des cas, touche les mains et les poignets, mais peut également atteindre les coudes, les épaules, les hanches et les genoux. Les lésions cutanées comprennent : — une rétraction de la face palmaire des mains à l’origine d’un état sclérodermiforme, associé dans un cas sur deux à un épaississement du fascia palmaire ; — des nodules cutanés profonds, se développant par poussées successives, de couleur peau normale ou rosée, d’une taille de 0,2 à 3 cm, mobile sur les plans profonds, isolés ou
Coll. D. Bessis
Rhumatisme fibroblastique
Fig. 2.40 Tophi chroniques du dos d’une main en regard des jointures articulaires groupés et situés sur les faces dorsales des doigts et dans les régions périarticulaires, plus rarement sur l’extrémité céphalique et le tronc. Dans le contexte de polyarthrite des mains, ces lésions peuvent faire discuter une réticulohistiocytose multicentrique ;
2-22 Affections rhumatismales inflammatoires — une transformation chéloïdienne des cicatrices antérieures ; — une infiltration cutanée non nodulaire, localisée au menton, au cou, au visage ou au périnée ; — un syndrome de Raynaud (un tiers des cas) pouvant dans ce contexte faire discuter une sclérodermie systémique. L’histologie d’un nodule permet d’affirmer le diagnostic en objectivant une fibrose dermique et hypodermique avec prolifération de fibroblastes, épaississement des fibres collagènes et raréfaction du tissu élastique. La corticothérapie générale et de faibles doses de méthotrexate peuvent aboutir à une régression des lésions cutanées dans près d’un cas sur deux mais la persistance de rétractions cutanées et articulaires est le plus souvent observée.
Réticulo-histiocytose multicentrique Cette affection rare (près de deux cents cas rapportés) appartient au groupe des histiocytoses non langerhansiennes ⁵⁹. Elle touche plus fréquemment la femme (sexratio de 3/1), au cours de la quatrième décennie. L’atteinte articulaire est le plus souvent initiale à type de polyarthrite séronégative, symétrique et destructrice des articulations interphalangiennes et des grosses articulations. Les lésions cutanées surviennent en moyenne trois ans plus tard (variant de quelques semaines à plus de six ans) et sont constituées de papules ou de nodules rouges ou brunâtres à surface lisse, de quelques millimètres à deux centimètres. Leur nombre est variable de quelques éléments à plusieurs centaines. Les lésions siègent électivement sur le dos des doigts (zones juxta-articulaires) et le visage (nez, oreilles, scalp). L’atteinte périunguéale sous la forme de petites tuméfactions à type de « perles de corail » (fig. 2.38) est caractéristique. Une atteinte muqueuse orale (lèvres, langue, muqueuse buccale) ou nasale septale est associée dans un
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Goutte La goutte est une maladie métabolique résultant du dépôt tissulaire de cristaux microscopiques de monosodium urate monohydrate. Lors de la crise aiguë, localisée avec prédilection en regard de l’articulation métatarsophalangienne du gros orteil, la peau périarticulaire est tendue, chaude et érythémateuse ⁶⁰. À ce stade, les symptômes peuvent évoquer une arthrite septique ou une cellulite. En l’absence de traitement, les lésions régressent progressivement en quelques semaines en laissant place à une desquamation. Les tophi chroniques résultent du dépôt de cristaux au niveau du tissu cutané profond en regard des articulations, des tendons et des cartilages. Ils s’observent au cours des formes avancées et chroniques de goutte (souvent plus d’une dizaine d’années d’ancienneté). Les lésions se localisent au niveau de l’olécrane (fig. 2.39), des genoux, des tendons d’Achille, en regard des surfaces d’extension des avants-bras, des jointures des mains (fig. 2.40) et des pieds et occasionnellement autour de l’hélix ⁶⁰. Il s’agit de nodules fermes et rosés, mais la peau en regard peut être jaune, érythémateuse ou ulcérée laissant sourdre un liquide clair et fluide ou blanchâtre et crayeux contenant de nombreux cristaux non biréfringents. En cas de gêne esthétique, leur exérèse est possible.
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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Bessis D, Guilhou JJ. Affections rhumatismales inflammatoires. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 2.1-2.23.
2-23
3
Sclérodermie systémique et sclérodermies cutanées
Philippe Humbert, Ève Puzenat Sclérodermie systémique 3-1 Phénomène de Raynaud 3-1 Sclérose cutanée 3-2 Autres signes dermatologiques 3-2 Manifestations pulmonaires 3-3 Manifestations digestives 3-5 Atteinte rénale 3-5 Autres manifestations viscérales 3-5 Grossesse 3-6 Évolution 3-6 Diagnostic positif et explorations complémentaires 3-6 Mécanismes physiopathogéniques 3-6
Traitement 3-7 Sclérodermies d’origine professionnelle 3-8 Syndrome de Sharp 3-8 Sclérodermies cutanées 3-8 Sclérodermies cutanées en plaque 3-9 Sclérodermie cutanée bulleuse 3-9 Sclérodermies cutanées en bande 3-9 Sclérodermies profondes 3-10 Bilan d’une sclérodermie cutanée localisée 3-10 Évolution et traitement 3-11 Références 3-12
Sclérodermie systémique (ScS)
Phénomène de Raynaud Le plus souvent signe inaugural de la maladie, il précède les autres signes cliniques de quelques mois, voire de plusieurs années. Il est présent dans 95 % des cas. Il est bilatéral et touche les mains, parfois les pieds, les oreilles, le nez ou la langue. Il est déclenché par l’exposition au froid, le contact avec un objet froid, ou à l’occasion d’émotions intenses. Il se caractérise par une « phase syncopale » brutale au cours de laquelle un ou plusieurs doigts deviennent exsangues, froids, blancs et presque insensibles (fig. 3.1). Cette phase est indispensable au diagnostic. Elle est suivie d’une « phase asphyxique » où les doigts apparaissent cyanosés et deviennent douloureux. La troisième phase,
Coll. D. Bessis
L’incidence de la maladie est de 2 à 20 par million d’habitants et par an avec une nette prédominance féminine (sex-ratio de 8F/1H). Selon des estimations récentes, la prévalence dans la population française est de 11 à 16 cas pour 100 000 habitants, ce qui permet d’estimer à près de 6 000 le nombre de personnes atteintes de ScS. La maladie survient avec prédilection entre 30 et 50 ans mais peut être observée à tout âge. La ScS de l’enfant est rare : moins de 2 % des cas avant 10 ans et moins de 8 % des cas avant l’âge de 20 ans ¹. Son début est plus tardif chez l’homme que chez la femme. La ScS a une distribution mondiale mais une fréquence moindre au sein de la population asiatique ². Fig. 3.1
Phase syncopale au cours du syndrome de Raynaud
inconstante, ou « phase résolutive ou érythermalgique » correspond à une hyperhémie réactionnelle. En cas de syndrome de Raynaud atypique, la manœuvre d’Allen est utile : elle consiste à observer la revascularisation de la paume de la main après une compression simultanée de l’artère radiale et de l’artère cubitale et des mouvements de flexionextension de la main. La revascularisation apparaît alors retardée, hétérogène, apportant un élément clinique d’orientation vers le caractère organique du phénomène de Raynaud. Un interrogatoire orienté, l’âge de survenue tardif
Sclérodermie systémique et sclérodermies cutanées
Fig. 3.3 doigts
Sclérodactylie évoluée : flexion permanente et rétractile des
La ScS diffuse débute sur le tronc et s’étend aux membres. Elle peut être aiguë ou rapidement extensive dans les formes graves avec un risque d’engainement des épaules et du thorax (fig. 3.6), un effacement des seins respectant les mamelons et une induration cutanée de la paroi abdominale en « peau de tambour ». L’extension de la sclérose cutanée et son évolutivité peuvent s’évaluer par le score de Rodnan modifié ³. Histologiquement, la sclérose débute dans le derme profond respectant initialement le derme superficiel. L’hypoderme devient également scléreux. L’épiderme est d’épaisseur normale et n’est atrophique que tardivement (fig. 3.7). Les infiltrats lymphocytaires sont observés dans le derme profond à la périphérie de la plaque de sclérodermie. Ils ont tendance à s’horizontaliser. Les plasmocytes sont fréquents, des éosinophiles peuvent être présents. Autres signes dermatologiques Les désordres pigmentaires à type d’hyper- et/ou d’hypopigmentation surviennent dans 30 % des cas sur les territoires affectés par la sclérose cutanée. Lorsqu’elles sont
Fig. 3.2
Sclérodactylie : phase initiale œdémateuse
Coll. D. Bessis
Sclérose cutanée Elle est de début progressif. Les doigts sont initialement œdémateux et boudinés et deviennent progressivement sclérodactyliques avec une peau tendue, indurée et adhérente au plan profond (fig. 3.2). La sclérodactylie, invalidante en raison des troubles fonctionnels qu’elle induit, peut aboutir à la flexion rétractile et permanente des doigts (fig. 3.3) par fibrose synoviale des gaines et de la peau en regard. Elle se complique chez plus de la moitié des patients d’ulcérations douloureuses des extrémités pulpaires ou en regard des saillies articulaires. De ces ulcérations peut sourdre une substance calcique correspondant à des amas de calcinose dermique (fig. 3.4). La dystrophie unguéale apparaît inéluctable au cours de l’évolution de la ScS. Les pieds sont plus rarement affectés par ces troubles sclérodactyliques. Le mode d’extension de la sclérose cutanée est variable, mais possède une valeur pronostique établie. La ScS est limitée lorsque la sclérose cutanée reste en aval des coudes et des genoux. Elle touche alors fréquemment le visage et le cou. Sur le visage, elle tend à faire disparaître les rides dues à l’âge et modifie l’aspect du nez qui devient effilé. L’orifice buccal se trouve rétréci dans son ouverture et la bouche est entourée de plis radiés perpendiculaires, caractérisant l’aspect de bouche en « gousset de bourse » (fig. 3.5). Dans certains cas, la sclérose peut limiter la protraction de la langue.
Coll. D. Bessis
après 40 ans, des manifestations cliniques atypiques, une aggravation de la symptomatologie au cours du temps et une manœuvre de Allen anormale sont des arguments en faveur d’un syndrome de Raynaud lié à une maladie systémique en opposition à la forme idiopathique. La capillaroscopie péri-unguéale complète l’examen clinique et peut permettre d’ores et déjà d’envisager le diagnostic de sclérodermie si elle révèle la présence de mégacapillaires et/ou une raréfaction des anses capillaires et un œdème péricapillaire. Un examen attentif du repli sus-unguéal à l’œil nu peut permettre d’observer une hyperkératose cuticulaire, un érythème et des mégacapillaires qui apparaissent sous la forme de points rouges punctiformes associés à des pétéchies brunâtres hémorragiques sur le bord distal de la cuticule.
Coll. D. Bessis
3-2
Fig. 3.4
Calcinoses multiples en regard des tendons extenseurs
3-3
Coll. D. Bessis
Sclérodermie systémique
Plis radiaires de la lèvre supérieure au cours du syndrome CREST
prédominantes et précoces, elles peuvent évoquer à tort un vitiligo. Les télangiectasies se développent sur les extrémités des mains (fig. 3.8), le visage et les muqueuses, pouvant aller jusqu’à simuler une angiomatose de Rendu-Osler. Elles sont très fréquentes chez les patients atteints de forme limitée de sclérodermie systémique. La calcinose dermique est observée dans 20 à 25 % des cas. Elle est plus volontiers rencontrée dans la forme CREST (calcinose [C], syndrome de Raynaud [R], atteinte œsophagienne [E], sclérodactylie [S], télangiectasies [T]) ou syndrome de Thibierge et Weissenbach. Elle prédomine autour de la dernière phalange des doigts et sur les faces d’extension des genoux, coudes et avant-bras. La palpation révèle des nodules ou des masses sous-cutanées souvent sensibles, pouvant être le siège d’une ulcération douloureuse laissant sourdre par intermittence une bouillie crayeuse. Leur mécanisme de survenue reste inconnu, le métabolisme phosphocalcique étant le plus souvent normal. Les manifestations muqueuses doivent être appréhendées par un interrogatoire à la recherche d’une xérostomie et d’une xérophtalmie. Le syndrome sec fait partie intégrante des signes de la sclérodermie systémique, mais peut également révéler un syndrome de Gougerot-Sjögren volontiers associé. Un déchaussement dentaire précoce dû à une sclérose du ligament alvéolo-dentaire et à la xérostomie secondaire au syndrome de Gougerot-Sjögren est parfois présent. Manifestations pulmonaires Elles touchent 30 à 50 % des malades et constituent une des principales causes de morbidité et la première cause de mortalité au cours de cette affection ⁴. Les deux manifestations pulmonaires les plus fréquentes sont la pneumopathie interstitielle chronique fibrosante et l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAp). Les autres atteintes pulmonaires (néoplasies pulmonaires, association à une silicose ou syndrome d’Erasmus, hémorragies alvéolaires, vascularites) sont plus rarement décrites. La pneumopathie interstitielle fibrosante chronique est présente dans 50 à 80 % des ScS et serait une des causes les plus fréquentes du décès des patients ⁵. Son début est insidieux, marqué par l’apparition d’une dyspnée à l’effort EFR explorations fonctionnelles respiratoires · HTAp hypertension artérielle pulmonaire
Coll. D. Bessis
Fig. 3.5
Fig. 3.6
Forme engainante et diffuse de sclérodermie systémique
d’aggravation progressive associée à une toux sèche persistante. L’auscultation des bases pulmonaires révèle des râles crépitants. La tomodensitométrie pulmonaire haute résolution constitue l’examen complémentaire le plus sensible pour son dépistage précoce. Les images linéaires réticulaires intralobulaires ou septales, les images en « rayons de miel » sont évocatrices d’une fibrose évoluée (fig. 3.9). Les images en « verre dépoli » traduisent plutôt une alvéolite ou une fibrose débutante (association avec des bronchectasies de traction). Ces anomalies sont principalement localisées aux deux tiers inférieurs des poumons, dans les régions périphériques ou postérieures, l’évolution se faisant vers les hiles et les sommets. À un stade plus avancé, les anomalies sont visibles à la radiographie pulmonaire : syndrome interstitiel de type réticulo-nodulaire bilatéral initialement localisé aux bases puis s’étendant aux apex, puis images en « rayons de miel » dans les formes évoluées. Les explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) permettent d’apprécier la sévérité du syndrome restrictif : diminution de la capacité pulmonaire totale à moins de 80 %, diminution de la capacité vitale forcée à moins de 75 % et diminution de la capacité de diffusion du monoxyde de carbone (DLCO) et du rapport DLCO/volume alvéolaire. Une réduction de la DLCO de plus de 40 % serait un facteur péjoratif de l’évo-
3-4
Sclérodermie systémique et sclérodermies cutanées
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Coll. D. Bessis
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Fig. 3.8
Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
Fig. 3.7 Lésions histologiques caractéristiques de sclérose cutanée au cours de ScS : atrophie épidermique, infiltrat inflammatoire périvasculaire, horizontalisation des fibres collagènes
Télangiectasies au cours du syndrome CREST
lution. Du fait de leur caractère non invasif et de leur reproductibilité, les EFR constituent un excellent examen de dépistage et de suivi de l’atteinte respiratoire. En revanche, la place du lavage broncho-alvéolaire à la recherche d’une alvéolite à neutrophiles, facteur de mauvais pronostic, reste à préciser. L’hypertension artérielle pulmonaire est définie par l’existence d’une pression artérielle pulmonaire supérieure à 25 mmHg au repos et à 30 mmHg à l’effort. Sa prévalence au cours de la ScS est estimée autour de 10 %. Elle est plus fréquente en cas de sclérodermie localisée et tout particulièrement au cours des CREST (plus d’un cas sur deux). Elle constitue la première cause de décès chez les patients atteints de sclérodermie localisée marquée par un taux de survie à 1 an de l’ordre de 55 %. Le décès est, en général,
EFR explorations fonctionnelles respiratoires · HTAp hypertension artérielle pulmonaire
Fig. 3.9 Tomodensitométrie d’une pneumopathie fibrosante chronique au cours de la ScS : images linéaires réticulaires intralobulaires et en « rayons de miel » (régions postérieures) consécutif à l’insuffisance respiratoire chronique, à l’insuffisance cardiaque droite ou à des troubles du rythme. L’HTAp est primitive et isolée dans trois quarts des cas, de type précapillaire, liée à une vasoconstriction des artérioles pulmonaires (syndrome de Raynaud pulmonaire) et/ou à un remodelage des parois vasculaires et/ou des microthrombis du lit vasculaire. Elle peut être associée ou secondaire à une pneumopathie interstitielle fibrosante ou à une cardiopathie gauche (postcapillaire) ⁶. Les signes cliniques d’HTAp sont inconstants et non spécifiques, à type de dyspnée d’effort puis de repos, rendant compte d’un diagnostic souvent tardif. Au stade évolué, il existe constamment des signes
Sclérodermie systémique cliniques d’insuffisance cardiaque droite associés. L’échodoppler cardiaque est l’examen de choix pour le diagnostic précoce d’HTAp et sa pratique annuelle est recommandée même en l’absence de symptôme évocateur d’HTAp. Il permet d’évaluer la pression artérielle pulmonaire de façon simple et reproductible et précise le retentissement de l’HTAp sur les cavités cardiaques droites. Le cathétérisme des cavités cardiaques droites constitue l’examen de référence pour confirmer le diagnostic d’HTAp précapillaire et éliminer une étiologie cardiaque gauche. Il permet également d’apprécier sa gravité par mesure de l’index cardiaque et d’évaluer par test aigu de vasodilatation les rares patients répondeurs aux inhibiteurs calciques. Aux explorations fonctionnelles respiratoires, l’abaissement isolé de la DLCO sans abaissement des volumes pulmonaires aux explorations fonctionnelles respiratoires est prédictif d’une hypertension artérielle pulmonaire. Dans les formes évoluées, la radiographie pulmonaire peut objectiver une dilatation des artères pulmonaires, une saillie des arcs moyens, une hypertrophie du ventricule droit puis de l’oreillette droite. L’électrocardiogramme, de faible sensibilité, met en évidence un bloc de branche droit ou tardivement des signes électriques d’hypertrophie du ventricule droit puis de l’oreillette droite. Manifestations digestives Elles surviennent dans 75 à 90 % des formes diffuses ou limitées de ScS. Les atteintes œsophagiennes et anorectales sont prédominantes mais l’ensemble du tube digestif peut être touché ⁷. L’atteinte œsophagienne touche plus de trois malades sur quatre mais est asymptomatique dans un tiers des cas. Sa précocité de survenue constitue un élément du diagnostic positif. Le bas œsophage est préférentiellement atteint avec hypotonie du sphincter inférieur identifiable par manométrie œsophagienne. La symptomatologie est celle d’un reflux gastro-œsophagien (RGO), puis ultérieurement, d’une dysphagie pouvant se compliquer d’une œsophagite peptique, d’ulcérations œsophagiennes, d’un endobrachyœsophage ou d’un carcinome. Le RGO peut contribuer au développement de la fibrose pulmonaire par inhalations nocturnes. L’endoscopie haute permet le dépistage et la recherche périodique d’une œsophagite secondaire au reflux ou d’une gastrite atrophique ⁸. L’atteinte de l’intestin grêle est responsable de deux complications majeures que sont la malabsorption (10-25 %) et le syndrome pseudoocclusif (2-10 %), pouvant conduire au décès par dénutrition et cachexie. La malabsorption est liée à une pullulation microbienne favorisée par l’hypomotricité intestinale, des troubles de l’absorption et de la perméabilité intestinale, une entéropathie exsudative secondaire à l’obstacle au drainage lymphatique intestinal et une ischémie intestinale chronique ⁹. Le syndrome pseudo-occlusif est responsable de douleurs abdominales chroniques, de ballonnements et d’alternance de diarrhées et de constipations. L’atteinte du pancréas peut être à l’origine d’une insuffisance pancréatique exocrine participant également à la malabsorption ¹⁰. L’atteinte hépatique est peu fréquente (moins de 10 %) marquée par une association non fortuite à une cirrhose biliaire HTAp hypertension artérielle pulmonaire
primitive (syndrome de Reynolds) ou à une hépatite autoimmune ¹¹. Atteinte rénale Elle est rare et responsable dans plus d’un cas sur deux, de l’évolution fatale de la maladie. La crise rénale aiguë sclérodermique est caractérisée par l’association d’une hypertension artérielle « de novo » et d’une insuffisance rénale rapidement progressive. Dans les autres cas, l’atteinte rénale se résume en une protéinurie modérée, une insuffisance rénale lentement progressive ou une hypertension artérielle ². L’introduction précoce d’un traitement par inhibiteur de l’enzyme de conversion permet d’améliorer significativement le pronostic des patients ayant une atteinte rénale débutante ¹³. Autres manifestations viscérales L’atteinte myocardique est fréquente, précoce et secondaire à une fibrose focale ou disséminée du myocarde associée à des zones de nécrose sans rapport avec la distribution artérielle coronaire. Les péricardites, lorsqu’elles sont chroniques et à grand épanchement, sont de mauvais pronostic. Les formes modérées et résolutives sont cependant les plus fréquentes. L’insuffisance cardiaque est primitive myocardique ou secondaire à l’atteinte rénale avec hypertension artérielle. L’endocarde est rarement affecté par le processus sclérodermique. Ces différentes atteintes cardiaques sont principalement dépistées par l’échographie cardiaque bidimentionnelle, l’électrocardiogramme et l’enregistrement électrocardiographique des 24 heures ¹⁴. Les manifestations ostéoarticulaires et musculaires se caractérisent par des arthralgies (plus d’un tiers des cas) bilatérales, souvent précoces des doigts, poignets, genoux et chevilles. Les ténosynovites sont fréquentes et l’atteinte par le processus fibrotique des gaines et des tendons est responsable de craquements audibles et de crissements parfois palpables lors de la mobilisation des doigts. Ces manifestations articulaires sont parfois similaires à celles de la polyarthrite rhumatoïde dont l’association à la sclérodermie systémique apparaît relativement fréquente. Les phénomènes d’acroparesthésies nocturnes doivent faire envisager la possibilité d’un syndrome du canal carpien associé. Les radiographies des mains révèlent souvent la présence d’une ostéolyse associée à des lésions d’ostéosclérose, notamment en regard de la tête de la troisième phalange des doigts. Les myalgies sont fréquentes, primitives et liées à un processus inflammatoire musculaire, ou le plus souvent secondaires à l’atteinte articulaire et/ou cutanée par extension de la fibrose du derme aux fascias musculaires. Cette symptomatologie peut s’intégrer dans le cadre d’un syndrome de chevauchement sclérodermie-myopathie inflammatoire au cours de laquelle sont présents las anticorps de type anti-Pm-Scl. La symptomatologie est variable depuis de simples myalgies ou une fatigabilité musculaire, jusqu’à une atrophie musculaire marquée. Autres atteintes L’œil n’est pas épargné par le processus sclérodermique. Il est le siège d’un syndrome sec fréquemment, parfois d’atteintes cornéennes ou de troubles de la
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Sclérodermie systémique et sclérodermies cutanées Critères diagnostiques de la ScS selon l’ARA Critère majeur Sclérose cutanée proximale Critères mineurs Sclérodactylie Ulcérations ou cicatrices pulpaires Fibrose pulmonaire des bases Le critère majeur suffit au diagnostic. En son absence, deux critères mineurs, dont la sclérodactylie, sont nécessaires.
3.A pigmentation de l’iris. Les paupières peuvent présenter une atrophie. De rares neuropathies périphériques ont été rapporté telles que les névralgies du trijumeau. Grossesse Elle peut être à l’origine de complications en cas de ScS grave. Le risque de prématurité est accru au cours des formes diffuses. La grossesse doit être contre-indiquée chez la femme atteinte d’une ScS avec atteinte rénale sévère compte tenu du risque de crise rénale aigu sclérodermique potentiellement mortel ou en cas d’HTAp ¹⁵. En revanche, la fertilité des femmes sclérodermiques est normale et le risque d’avortement spontané et de retard staturo-pondéral est identique à celui de la population générale. Dans tous les cas, la grossesse devra se dérouler sous surveillance médicale étroite afin de dépister les éventuelles complications, en particulier rénales. Évolution La ScS évolue le plus souvent sur plusieurs décennies ¹⁶,¹⁷. Le taux de survie global à 5 ans est de l’ordre de 75 à 80 %. Ce pronostic varie selon l’extension de l’atteinte cutanée. En cas de forme diffuse, l’atteinte cutanée est rapidement progressive durant les deux premières années. La survie globale à 10 ans est estimée entre 60 à 65 %. En cas de forme localisée, l’évolution est lente durant les 5 premières années mais est marquée par la suite par un risque d’HTAp ou de fibrose pulmonaire. La survie globale à 10 ans est proche de 90 %. Diagnostic positif et explorations complémentaires Le diagnostic de ScS est un diagnostic clinique. Les critères de l’ARA sont reconnus pour le diagnostic positif en raison de leur sensibilité et de leur spécificité (encadré 3.A). Actuellement, on distingue les ScS de forme cutanée limitée où l’atteinte cutanée reste confinée aux extrémités et les ScS de forme cutanée diffuse où la sclérose s’étend au-dessus du coude ou du genou avec ou sans atteinte du tronc. Les explorations complémentaires ont un intérêt à la fois diagnostique (en cas de doute clinique) et pronostique. Les anticorps antinucléaires témoins d’une diathèse autoimmune sont positifs dans environ 90 % des cas ¹⁸. Deux types d’auto-anticorps sont recherchés en routine : − les anticorps anticentromère (fluorescence mouchetée) dirigés contre un antigène protéique lié à l’ADN du centromère ont surtout une signification pronostique favorable. Ils sont découverts dans 57 à 82 % des syndromes CREST et dans 3 à 20 % des sclérodermies systémiques. Les ScS avec anticorps anticentromères posi-
tifs seraient d’évolution plus lente et moins sévère ; − les anticorps antitopo-isomérase I ou anti-Scl 70 (fluorescence homogène ou parfois nucléolaire) sont mis en évidence dans 20 % des cas de ScS aiguë diffuse et dans 40 % des cas de ScS limitée. Ils sont de mauvais pronostic car ils sont associés à des formes cliniques souvent diffuses et à une atteinte pulmonaire fréquente. Leur positivité est considérée comme un marqueur spécifique des ScS ¹⁹ ; − la présence d’autres auto-anticorps (anti-U1-RNP, antiSSA, anti-SSB ou anti-PM-Scl...) peut correspondre à des formes cliniques particulières, mais leur recherche n’est pas systématique et doit être guidée par un intérêt particulier. La recherche d’anticorps anticardiolipines (positifs dans 25 à 35 % des cas) doit être systématique car leur présence constitue un facteur de risque de thrombose. Les anticorps antiphospholipides sont observés avec prédilection au cours des formes sévères de ScS ²⁰ et en cas d’HTAp ²¹. Les autres explorations complémentaires recommandées sont indiquées dans l’encadré 3.B. Mécanismes physiopathogéniques Les principaux acteurs cellulaires impliqués dans la physiopathogénie de la ScS sont les cellules endothéliales, les lymphocytes T et les fibroblastes ²². L’individualisation simplifiée de leur rôle permet de distinguer plusieurs mécanismes physiopathogéniques vraisemblablement intriqués. Le mécanisme microcirculatoire insiste sur la souffrance des cellules endothéliales ²³-²⁵. Les modifications vasculaires de la sclérodermie touchent les capillaires, les artères de petit calibre et les artérioles. Les altérations des cellules endothéliales sont provoquées par des médiateurs cytokiniques. Parmi ceux-ci, le TGF-β (transforming growth factor β) est le plus étudié. Il induit une stimulation de la synthèse de collagène et stimule l’angiogenèse. La conséquence de la souffrance des cellules endothéliales est le développement d’une microangiopathie. Cette microangiopathie se manifeste par des vasospasmes qui, lorsqu’ils sont prolongés, entraînent une anoxie aggravant celle induite par la fibrose. Le mécanisme auto-immun fait appel à une réaction inflammatoire lympho-monocytaire, médiée par les lymphocytes T et B et les monocytes-macrophages, au niveau périvasculaire et au niveau du derme profond et de l’hypo-
Examens complémentaires utiles en cas de ScS Numération-formule sanguine Vitesse de sédimentation, électrophorèse des protides et fibrinémie Anticorps anti-nucléaires, anticentromères, anti-Scl 70 et antiphospholipides Protéinurie, créatininémie, compte d’Addis Hamburger Capillaroscopie Radiographie des mains Radiographie pulmonaire, EFR avec DLCO, tomodensitométrie pulmonaire haute résolution Manomètrie œsophagienne, fibroscopie œsogastrique (en cas de suspicion d’œsophagite peptique) Électrocardiogramme, échodoppler cardiaque (mesure des pressions pulmonaires)
ARA American Rheumatism Association · EFR explorations fonctionnelles respiratoires · HTAp hypertension artérielle pulmonaire · TGF transforming growth factor
3.B
Sclérodermie systémique derme ²⁶,²⁷. Un déséquilibre de la balance lymphocytaire en faveur des lymphocytes T-helper rendrait compte d’une stimulation indirecte de la production de collagène. De plus, les différentes cellules de l’infiltrat inflammatoire (plaquettes, monocytes-macrophage et lymphocytes) interviennent également par la production de cytokines, en particulier de TGF-β. En outre, la sclérodermie systémique s’associe volontiers à d’autres maladies auto-immunes dans le cadre d’un syndrome auto-immun multiple ²⁸,²⁹. Le dysfonctionnement du fibroblaste, cellule productrice de collagène pourrait également être impliqué ³⁰. Des études ont montré une augmentation de l’expression des molécules d’adhérence intercellulaire de type 1 (ICAM-1) à la surface des fibroblastes et des cellules inflammatoires mononucléées. Cette augmentation d’expression des ICAM-1 est liée à la stimulation des cellules par les cytokines (IL-1, TNF-α et IFN-γ) et favorise les interactions lymphocytesfibroblastes. Il en résulte une stimulation des fibroblastes avec augmentation de la synthèse des collagènes de type I, III, V, VI, de la fibronectine et des protéoglycanes responsable de la formation d’un néotissu conjonctif et donc de la fibrose. À ces anomalies de synthèse s’ajoute une diminution de l’activité collagènase permettant l’accumulation du collagène dans le derme. Le rôle d’un microchimérisme a été évoqué devant l’existence d’une analogie clinique entre la sclérodermie systémique et la maladie du greffon contre l’hôte (MGCH) dans sa forme sclérodermiforme ³¹. Par ailleurs, la sclérodermie systémique atteint avec prédilection les femmes de 45 à 55 ans, suggérant ainsi un lien possible avec la grossesse. La persistance de cellules fœtales résiduelles de grossesses antérieures dans l’organisme maternel serait le facteur déclenchant la ScS par l’initiation d’une réaction allo-immune fœtale antimaternelle. Ce mécanisme ne rend pas compte de la survenue de ScS chez les enfants, les hommes ou chez les femmes nullipares sauf, éventuellement, en cas d’antécédents de transfusions sanguines, de transplantation d’organes, de fausses couches ou de passage maternofœtal de cellules maternelles (réaction maternelle antifœtale). Le rôle de l’environnement, et notamment de l’exposition à l’uranium, aux solvants organiques, à la silice (syndrome d’Erasmus), est également soulevé. Le rôle d’une infection à Borrelia a été évoqué sans que l’on puisse le confirmer. Des facteurs génétiques peuvent également intervenir dans la physiopathogénie de la sclérodermie systémique comme le suggèrent les cas familiaux de sclérodermie systémique, ou survenant chez des jumeaux homozygotes. L’association à des groupages HLA particuliers comme le type HLA DR1, DR3 et DR5 ne serait pas fortuite. Traitement La sclérodermie reste une maladie pour laquelle on ne dispose pas de traitement véritablement efficace. Certains traitements sont considérés comme suspensifs et permettraient d’éviter l’évolution des manifestations cutanées ou viscérales de la maladie. Les traitements restent encore le plus souvent symptomatiques. Les médicaments vasodilatateurs peuvent être utilisés afin
d’améliorer les symptômes du phénomène de Raynaud et l’acrosclérose. Le buflomédil (Fonzylane) a l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans les manifestations cliniques du syndrome de Raynaud à raison de 2 comprimés par jour. Les antagonistes calciques sont également efficaces. La nifédipine (Adalate) est le seul inhibiteur calcique à avoir une AMM dans cette indication, à faible dose : 10 mg matin, midi et soir. Elle permet de diminuer la fréquence et la sévérité des vasospasmes au prix parfois d’effets secondaires tels que des céphalées, des œdèmes des extrémités, etc. La prazosine (Minipress) a également une AMM dans le traitement symptomatique des phénomènes de Raynaud primitifs ou secondaires. Il s’agit d’un vasodilatateur périphérique alpha-bloquant qui s’utilise dans cette indication à la posologie de 1 à 4 mg/j. La trinitrine percutanée (pommade à 2 %) a également été utilisée dans le traitement des manifestations liées au phénomène de Raynaud et s’utilise en application sur les pulpes digitales deux à trois fois par jour. Ces classes médicamenteuses sont utilisées dans les syndromes de Raynaud sévères en association avec les mesures de protection au froid. L’ilomédine (Iloprost) est un analogue de synthèse de la prostacycline ayant des propriétés vasodilatatrices. Elle peut être prescrite dans la sclérodermie systémique afin d’améliorer les symptômes en rapport avec le vasospasme. Ainsi, l’ilomédine est utilisée dans les phénomènes de Raynaud sévères avec troubles trophiques en évolution ³². Sa prescription, qui bénéficie d’une AMM dans cette indication, s’effectue par voie parentérale, à la posologie de 1,5 à 2 ng/kg/min avec une durée de perfusion de 6 heures, 5 jours consécutifs. Ces cures devront être répétées à intervalle de 6 à 12 semaines en fonction de la réponse clinique. Ses effets secondaires à type d’hypertension artérielle, de céphalées, de douleurs abdominales, de diarrhées ou de vomissements rendent son utilisation délicate et nécessitent une surveillance médicale hospitalière. La corticothérapie générale reste utile pour freiner l’évolution de la sclérodermie systémique, que ce soit sous forme de bolus ³³ ou de prise orale quotidienne. Elle peut être efficace sur les manifestations cutanées, articulaires, musculaires et, d’après certains auteurs, sur l’atteinte pulmonaire ³⁴. En cas de sclérodermie systémique avec atteinte viscérale majeure, le traitement fait appel à des immunosuppresseurs comme l’azathioprine ou le cyclophosphamide, la ciclosporine on encore le méthotrexate. L’hypertension artérielle pulmonaire liée à la sclérodermie nécessite une prise en charge particulière. Les anticoagulants sont probablement bénéfiques chez les patients sclérodermiques ayant une HTAp par analogie avec l’HTAp primitive, l’international normalized ratio (INR) conseillé étant de 2. L’oxygénothérapie est nécessaire en cas d’hypoxie inférieure à 60 mmHg. Les diurétiques doivent être prescrits en cas de signes d’insuffisance cardiaque droite. Les antagonistes calciques type nifédipine augmentent la survie uniquement chez les patients ayant un test de vasoréactivité au NO positif, test réalisé au cours d’un cathétérisme
HTAp hypertension artérielle pulmonaire · IL interleukine · TGF transforming growth factor · TNF tumor necrosis factor
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Sclérodermie systémique et sclérodermies cutanées cardiaque droit. Les études ont démontré une efficacité à court terme de l’époprosténol : Flolan par voie intraveineuse ³⁵, l’iloprost : Ventavis en aérosol ³⁶ et le bosentan : Tracleer par voie orale ³⁷. L’atrioseptostomie et la transplantation pulmonaire sont des alternatives thérapeutiques en cas d’échec du traitement médicamenteux ³⁸. D’autres thérapeutiques ont été proposées avec plus ou moins de succès, comme les plasmaphérèses ou l’interféron γ. L’uvathérapie (UVA-1), la puvathérapie et la balnéopuvathérapie sont surtout efficaces sur les signes cutanés en particulier sur l’acrosclérose ; elles n’ont, en revanche, aucune efficacité sur les atteintes viscérales de la maladie ³⁹,⁴⁰. Les mesures d’accompagnement de ces traitements sont essentielles, qu’il s’agisse de conseils d’hygiène, de protection contre le froid et tout particulièrement, l’évitement de l’inhalation d’air froid (susceptible d’induire un « phénomène de Raynaud pulmonaire » pouvant participer à la fibrose). Les malades devront être protégés des traumatismes et microtraumatismes, notamment digitaux. Le tabagisme individuel et d’environnement sera proscrit. En cas d’acrosclérose, il est conseillé de prescrire des séances de kinésithérapie non agressives et le port d’orthèses qui maintiennent les doigts dans une position physiologique, notamment la nuit. Ces malades éviteront tout effort pouvant participer à la déformation de la main (comme l’ouverture de bocaux...). Des traitements d’appoint digestifs (inhibiteurs de la pompe à protons oméprazole : Mopral, ou activateurs de la motilité intestinale cisapride : Prépulsid) seront utilisés en cas de reflux gastro-œsophagien. Les pullulations microbiennes répondent bien à des cures mensuelles répétées de cyclines (10 jours par mois). En cas de malabsorption, le régime alimentaire doit être adapté. Certains auteurs conseillent un apport calorique minimum de 30 kcal/kg/j avec un apport protidique de 1 g/kg/j ⁴¹. Une supplémentation en vitamines et fer peut également être proposée. Dans les cas de dénutrition extrême, une alimentation parentérale peut se révéler nécessaire et bénéfique. La prévention de l’atteinte rénale repose sur un contrôle tensionnel strict avec, si besoin, introduction précoce d’un traitement antihypertenseur de la classe des inhibiteurs de l’enzyme de conversion. En cas d’hypertension artérielle pulmonaire, il est nécessaire d’éviter tout effort entraînant un essoufflement, d’éviter les bains chauds, les séjours en altitude au-delà de 800 m et les voyages en avion non pressurisé. Il est conseillé de vacciner les patients contre le pneumocoque, la grippe et l’Haemophilus influenzae ¹⁵. Enfin, comme dans toutes les maladies chroniques, un soutien psychologique pourra être proposé aux patients.
Classification des sclérodermies cutanées localisées Morphées en plaques • Morphée en plaque • Morphée en goutte • Atrophodermie de Pasini et Pierini • Morphée chéloïdienne Morphées généralisées Morphées bulleuses Morphées en bandes • Morphée en bande • Morphée en coup de sabre • Atrophie hémifaciale progressive Morphées profondes • Morphée sous-cutanée • Fasciite de Shulmann • Morphée panscléreuse
3.C posées, comme les potiers, les sableurs, les sculpteurs, les prothésistes dentaires... Il est habituel d’inscrire, dans le cadre des affections sclérosantes, les troubles d’acro-ostéolyse développés chez les travailleurs exposés au mode de fabrication du chlorure de vinyle (décroutteur d’autoclaves) ⁴³. Cette affection est caractérisée par une induration cutanée, un phénomène de Raynaud et une acro-ostéolyse avec érosion osseuse et résorption caractéristique de la partie centrale de la phalange terminale. Il peut survenir dans certains cas une fibrose pulmonaire et une fibrose hépatique. Ce type d’affection tend à disparaître en raison d’autres modes d’exercice de cette profession. D’autres toxiques, comme les résines époxy peuvent être à l’origine du développement de lésions indurées cutanées. On évoque aussi le rôle d’autres produits chimiques comme le perchloréthylène, le xylène, le diésolène, les solvants organochlorés (benzène, toluène, white spirit) et certains pesticides.
Syndrome de Sharp Encore appelée connectivite mixte, cette affection emprunte à la sclérodermie systémique, au lupus érythémateux aigu disséminé et à la dermatomyosite, des signes cliniques et biologiques ⁴⁴. Le phénomène de Raynaud est habituel, associé à une arthrite non destructrice et une myosite, sans atteinte viscérale le plus souvent. Il existe des anticorps circulants antiribonucléoprotéine à des taux élevés. Il peut cependant se compliquer d’atteintes viscérales à type de péricardite ou artérite pulmonaire. Son évolution peut se faire vers une sclérodermie systémique ou vers une autre collagénose, comme une polyarthrite rhumatoïde, ou le plus souvent, un lupus érythémateux systémique.
Sclérodermies cutanées Sclérodermies d’origine professionnelle L’exposition à la silice augmente le risque de développement d’une sclérodermie dont les aspects cliniques et biologiques apparaissent identiques à ceux de la forme idiopathique ⁴². La silice peut donc être à l’origine du développement du syndrome d’Erasmus chez les professions ex-
Il s’agit de la forme la plus fréquente de la maladie avec atteinte quasi exclusive de la peau et absence de syndrome de Raynaud, d’acrosclérose et d’atteinte viscérale profonde. La sclérodermie cutanée « localisée » peut prendre différents aspects cliniques répertoriés dans l’encadré 3.C ⁴⁵. Son évolution est imprévisible.
Sclérodermies cutanées 3-9 Sclérodermies cutanées en plaque La morphée est une maladie caractérisée par la survenue de plaques uniques ou multiples, localisées ou disséminées, initialement érythémateuses puis scléreuses dans leur évolution. Elles sont le plus souvent de grande taille, d’un diamètre dépassant 2 à 3 cm. Autour d’une sclérose centrale, de couleur blanche ou ivoire, se distingue un anneau périphérique de couleur rose mauve appelé « lilac ring », dont la présence témoigne du caractère évolutif des lésions (fig. 3.10). En fin d’évolution, la morphée laisse des plaques souvent atrophiques, pigmentées ou dépigmentées. Dans sa localisation au niveau du cuir chevelu, la morphée peut laisser place à une alopécie cicatricielle localisée. La sclérodermie en gouttes ou « white spot disease » est composée de petites lésions maculaires blanc nacré, rondes, peu déprimées, à surface parfois parcheminée pouvant évoluer vers la pigmentation, et de distinction clinique et nosologique difficile avec le lichen scléroatrophique (fig. 3.11). Elle se localise principalement à la partie supérieure du tronc. L’atrophodermie idiopathique de Pierini Pasini touche principalement les adolescents et se traduit par l’apparition de plaques d’emblée atrophiques et de couleur brun violacé sans inflammation ni sclérose associée. Elle se localise principalement sur le tronc (fig. 3.12) et épargne généralement la face, les mains et les pieds. Son évolution est le plus souvent bénigne avec des régressions spontanées fréquentes. Il s’agit peut être d’une forme clinique de morphée d’involution spontanée et d’emblée atrophique. La morphée chéloïdienne ou morphée nodulaire est une sclérodermie localisée caractérisée par l’apparition de nodules chéloïdiens associés à des morphées typiques. La sclérodermie en plaques généralisée se caractérise par l’apparition de morphées multiples confluentes ou non, sur tout le corps, le visage et parfois les muqueuses. Elle peut s’accompagner de signes cliniques et biologiques de sclérodermie systémique et de difficultés respiratoires en cas d’engainement thoracique.
rare qui se manifeste par des lésions bulleuses de clivage sous-épidermique associées à des morphées typiques. Sclérodermies cutanées en bande Les sclérodermies en bandes se distinguent des formes précédentes par leur aspect clinique et leur gravité. En effet, il s’agit d’une forme sévère de sclérodermie localisée en raison de l’atteinte d’un membre supérieur ou inférieur, d’où le terme de sclérodermie monomélique. D’évolution progressive, la sclérodermie en bandes débute à la racine du membre et l’extension de l’atrophie progressive descendante se fait vers les extrémités (fig. 3.13). Des bandes scléroatrophiques apparaissent progressivement suivant les lignes de Blaschko, puis la scléro-atrophie s’étend aux muscles et aux tendons, réalisant l’aspect de morphée pansclérotique traduisant une atteinte profonde. Les radiographies peuvent par ailleurs mettre en évidence une hyperostose linéaire en coulée qualifiée de mélorhéostose. Les séquelles de ce type de sclérodermie sont principalement fonctionnelles (déformations articulaires et osseuses, arrêt ou retard de la croissance du membre), esthétiques et psychologiques. Il n’y a pas, en principe, d’évolution vers une sclérodermie systémique mais les anticorps antinucléaires peuvent être positifs.
Fig. 3.10 Morphée en plaque : sclérose cutanée centrale cernée d’un anneau périphérique rose mauve
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Sclérodermie cutanée bulleuse Elle constitue une forme clinique de sclérodermie localisée
Fig. 3.11 White spot disease : multiples petites macules porcelainées de la partie antérieure du thorax
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3-10 Sclérodermie systémique et sclérodermies cutanées
Fig. 3.12 Atrophodermie de Pasini Piérini : macules pigmentées discrètement atrophiques médiodorsales et lombaires La sclérodermie en « coup de sabre » du front débute sur le front sous la forme d’une bande paramédiane de 1 à 3 cm de large, à base supérieure débordant sur le cuir chevelu, sur lequel elle participe à une zone d’alopécie cicatricielle (fig. 3.14). Elle peut s’étendre jusqu’au nez, voire à la lèvre supérieure. Dans cette localisation, des lésions oculaires (énophtalmie, atteinte des muscles oculomoteurs, anomalie de l’iris), des anomalies des gencives, des malpositions dentaires et l’atteinte de la langue sont possibles. La peau est scléreuse, atrophique et adhère à l’os sous-jacent. Elle peut être hypo- ou hyper-pigmentée. On peut rapprocher cette La sclérodermie en « coup de sabre » de l’hémiatrophie faciale progressive de ParryRomberg dont le début est précoce, avant l’âge de 20 ans. Cette maladie relativement rare induit une atrophie progressive du tissu adipeux sous-cutané, des muscles, des cartilages et des os, provoquant ainsi une dysmorphie faciale. Sclérodermies profondes La morphée sous-cutanée atteint préférentiellement les tissus sous-cutanés et l’hypoderme. La fasciite de Shulman (fasciite à éosinophiles) est de début rapide, souvent précédée d’une fièvre, de malaises, de
Fig. 3.13 Sclérodermie linéaire du bras : bande pigmentée scléroatrophique à disposition linéaire suivant les lignes de Blaschko myalgies et de crampes. Elle succède parfois à un effort musculaire intense et se caractérise par un tégument induré, sclérodermiforme, l’induration touchant à la fois le derme, l’hypoderme et le fascia. Son développement est le plus souvent bilatéral et étendu (fig. 3.15). Sa localisation la plus fréquente est la racine des membres. Le diagnostic, suspecté cliniquement, est confirmé par la biopsie profonde permettant l’analyse histologique de la peau, du fascia et du muscle. Biologiquement, l’hyperéosinophilie, inconstante, est un élément d’orientation. La morphée panscléreuse correspond à la localisation profonde de la sclérodermie monomélique. Bilan d’une sclérodermie cutanée localisée Les différentes formes cliniques de sclérodermie localisée sont, habituellement, de bon pronostic, mais peuvent parfois, s’associer à des manifestions systémiques (encadré 3.D). Le diagnostic de sclérodermie localisée est clinique, mais il peut être confirmé par une histologie cutanée. Un bilan biologique minimal comprenant une numération-formulation sanguine (NFS), une vitesse de sédimentation (VS) et un dosage d’anticorps antinucléaires est souhaitable, les autres
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Sclérodermies cutanées 3-11
Fig. 3.14 Sclérodermie en « coup de sabre » : bande scléreuse et atrophique en « gouttière » du front avec alopécie partielle du sourcil examens complémentaires comme la capillaroscopie étant à prescrire en fonction de la clinique. Le rôle d’une possible infection borrélienne dans la genèse des sclérodermies en plaque est toujours controversé ⁴⁶. La sérologie borréliose reste recommandée en cas de sclérodermie localisée, surtout lorsqu’il existe des arguments épidémiologiques ou sémiologiques en faveur d’une infection. Évolution et traitement La sclérodermie localisée évolue exceptionnellement en sclérodermie systémique et l’espérance de vie des sujets atteints est considérée comme normale. Les morphées se
Manifestations systémiques associées à la Sc localisée − − − − −
Arthralgies. Syndrome de Raynaud. Migraines. Anomalies osseuses : anomalies vertébrales, spina bifida... Anomalies cutanées : nævus, taches café au lait, vitiligo, dystrophies unguéales, ichtyose, hypertrichose... − Anomalies viscérales : trouble de la motilité œsophagienne, syndrome restrictif pulmonaire... − Maladies auto-immunes : lupus erythémateux chronique, connectivite mixte, dermatomyosite, cirrhose biliaire primitive, pemphigoïde bulleuse, hypothyroïdie de Haschimoto, maladie de Basedow.
3.D
Fig. 3.15 Fasciite de Shulman : œdème inflammatoire des jambes, d’évolution ascendante stabilisent, en général, après 3 à 5 ans d’évolution et l’amélioration spontanée est fréquente. Les formes en « coup de sabre » peuvent cependant évoluer sur plusieurs années, jusqu’à 20 ans, avant de se stabiliser. Il n’existe pas de protocole bien défini sur la prise en charge thérapeutique des sclérodermies localisées, leur pronostic est difficile à établir et leur évolution imprévisible. Pour les morphées isolées, on peut proposer l’application quotidienne ou bi-quotidienne de dermocorticoïdes de classe I ou II sur les plaques avec ou sans occlusion. Les injections intralésionnelles de triamcinolone (Kénacort) sont efficaces sur la phase œdémateuse de la morphée mais majorent le risque d’atrophie séquellaire ultérieure. La plupart des auteurs s’accordent pour débuter précocement une corticothérapie générale à raison de 1 mg/kg/j sur plusieurs mois en cas de sclérodermie en « coup de sabre » débutante ou dans les sclérodermies monoméliques, afin d’en limiter les séquelles. Ce traitement est inefficace dans les morphées évoluées car il agit principalement sur la composante inflammatoire et œdémateuse. Le traitement de référence de la fasciite de Shulman au stade débutant est la corticothérapie générale. L’uvathérapie, la puvathérapie ainsi que la balnéopuvathé-
3-12 Sclérodermie systémique et sclérodermies cutanées rapie semblent également être des alternatives thérapeutiques intéressantes. Les UVA-1 (340 à 400 nm) sont efficaces à forte et à faible doses dans le traitement des manifestations cutanées de la sclérodermie mais peu de services hospitaliers en disposent actuellement ⁴⁷,⁴⁸. Le méthotrexate à faible dose (15 mg/sem) a été rapporté comme efficace dans le traitement des morphées sous réserve d’une confirmation de cette efficacité par des études contrôlées. D’autres traitements comme la D-pénicillamine, les antipaludéens de synthèse, la salazopyrine, les plasmaphérèses, les rétinoïdes et la ciclosporine ont été préconisés dans le traitement des morphées sans que leur efficacité n’ait été
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prouvée dans des études contre placebo ⁴⁹-⁵³. Chez l’enfant, l’association de méthotrexate (0,3 à 0,6 mg/kg/sem) et de bolus de corticoïdes (30 mg/kg, 3 jours par mois) semble donner des résultats encourageants dans le traitement de la sclérodermie localisée, sous réserve d’une confirmation de ces effets sur une plus grande cohorte de patients et versus placebo ⁵⁴. De même, certains auteurs rapportent l’efficacité de l’application de calcipotriol topique en association avec la photothérapie UVA-1 dans le traitement des morphées multiples de l’enfant ⁵⁵. Enfin, la chirurgie est une possibilité thérapeutique en cas de sclérodermie en « coup de sabre » ou d’atteinte monomélique stable cliniquement.
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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Humbert P, Puzenat È. Sclérodermie systémique et sclérodermies cutanées. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 3.1-3.13.
3-13
4
Syndromes sclérodermiformes et états pseudosclérodermiques
Didier Bessis Syndromes sclérodermiformes acquis diffus 4-1 Scléromyxœdème 4-1 Dermopathie fibrosante néphrogénique (fibrose systémique néphrogénique) 4-2 Sclérœdème de Buschke 4-4 Syndrome POEMS 4-5 Amylose primitive 4-7 Réaction chronique du greffon contre l’hôte 4-7 Syndromes sclérodermiformes médicamenteux et toxiques 4-8 Syndromes sclérodermiformes localisés 4-8 Syndromes sclérodermiformes iatrogènes 4-8 Lipodermatosclérose 4-9
L
a sclérose cutanée définit une augmentation de consistance des éléments constitutifs du derme et/ou de l’hypoderme, le plus souvent par des dépôts abondants de collagène dans le derme (fibrose cutanée) à l’origine d’une induration et d’une perte de la souplesse de la peau. Elle constitue le signe clinique caractéristique des syndromes sclérodermiformes dont le chef de file est la sclérodermie systémique (ScS). De nombreuses affections systémiques, regroupées sous la terminologie imprécise et discutable d’états pseudosclérodermiques, comportent sur le plan cutané une induration et/ou un certain degré d’atrophie mais, le plus souvent sans fibrose histologique prédominante ¹-³. Cliniquement disparates, ces affections sont caractérisées par une faible prévalence des atteintes systémiques extracutanées, l’absence de syndrome de Raynaud, d’anticorps antinucléaires et d’anomalies capillaroscopiques digitales. Le diagnostic des affections héréditaires cutanées sclérodermiformes n’est pas l’apanage de la médecine pédiatrique et il convient de garder à l’esprit que des génodermatoses comme la scléroatrophie d’Huriez ou le syndrome de Werner sont le plus souvent reconnues à l’âge adulte. Leur diagnostic est d’autant plus important qu’il s’agit d’affections prédisposant à la survenue de cancers.
Syndrome carcinoïde 4-9 Porphyrie cutanée tardive 4-9 Syndromes sclérodermiformes des mains 4-9 États pseudosclérodermiformes par induration et/ou atrophie cutanée 4-10 Acrodermatite chronique atrophiante 4-10 Hémiatrophie de Parry-Romberg 4-10 Fasciite palmaire-arthrite 4-11 Génodermatoses sclérodermiformes 4-11 Syndromes de vieillissement prématuré 4-12 Scléroatrophie d’Huriez 4-13 Références 4-13
Syndromes sclérodermiformes acquis diffus Scléromyxœdème Il constitue la forme généralisée et sclérodermiforme du lichen myxœdémateux ou mucinose papuleuse ⁴,⁵. Il touche les adultes d’âge moyen sans prédilection de sexe. L’éruption cutanée, symétrique et fréquemment prurigineuse, est constituée de papules fermes et groupées de façon coalescente, cireuses, de 2 à 3 mm de diamètre localisées avec prédilection sur les mains, les avant-bras, le visage, le cou (fig. 4.1), la partie haute du tronc et les cuisses. Les papules adoptent fréquemment une disposition linéaire en « collier de perles » et reposent sur une peau infiltrée, érythémateuse et œdémateuse, sclérodermiforme. La glabelle est typiquement sillonnée par de profondes rides longitudinales (visage léonin). Sur le dos des articulations interphalangiennes proximales, l’épaississement du pli cutané est à l’origine d’un bourrelet circulaire centré par une dépression centrale constituant le « signe du beignet » (« doughnut sign »). Les muqueuses et le scalp sont épargnés. La progression des lésions, parfois jusqu’à la quasi-totalité du tégument, s’accompagne d’une diminution de la mobilité cutanée particulièrement nette au niveau de la bouche (limitation de l’ouverture buccale) et des mains. Les atteintes systémiques extracutanées symptomatiques sont essentiellement articulaires, musculaires, digestives hautes et neurologiques (tableau 4.1). La possibi-
4-2
Syndromes sclérodermiformes et états pseudosclérodermiques
Coll. Pr L. Thomas, Lyon
Tableau 4.1 Principales manifestations systémiques extracutanées du scléromyxœdème
Fig. 4.1 Papules diffuses et coalescentes au cours du lichen myxœdémateux ; la disposition linéaire sur la face du cou est caractéristique lité de survenue d’un syndrome de Raynaud au cours du scléromyxœdème ne doit pas être méconnue. En revanche, les télangiectasies et la calcinose sont constamment absentes. L’examen histologique cutané met en évidence des dépôts de mucine (coloration par le bleu Alcian) dans la partie haute du derme réticulaire associés à des faisceaux de collagène épaissis et à une prolifération fibroblastique. Les fibres élastiques sont fragmentées et diminuées. Les follicules pileux peuvent être atrophiques et un infiltrat superficiel modéré lympho-plasmocytaire périvasculaire est souvent présent. Le scléromyxœdème est associé à une dysglobulinémie dans 80 % des cas, le plus souvent de type IgG λ. La progression vers un myélome est faible, estimée à 10 %. D’autres affections hématologiques sont rapportées : lymphomes malins hodgkininens ou non, maladie de Waldenström et leucémies. L’étiologie du scléromyxœdème est inconnue et le rôle pathogène de l’immunoglobuline monoclonale associée est incertain. Ainsi, s’il a été montré que le sérum des malades était capable de stimuler in vitro la prolifération fibroblastique, l’immunoglobuline purifiée ne permet pas cette prolifération, suggérant un autre facteur circulant plasmatique pathogène. Le traitement du scléromyxœdème n’est pas codifié. Il est réservé aux formes diffuses, invalidantes ou défigurantes. Le melphalan à faibles doses a été utilisé avec succès, mais ses DFN dermopathie fibrosante néphrogénique
Localisation
Fréquence
Signes cliniques
Œsophage
32 %
Dysphagie par troubles du péristaltisme œsophagien
Muscles
27 %
Déficit musculaire proximal ou généralisé Élévation des enzymes musculaires Tracé électromyographique myogène
Poumons
17 %
Dyspnée Atteinte restrictive ou obstructive et diminution de la capacité de difusion du DLCO Hypertension artérielle pulmonaire (exceptionnelle)
Système nerveux 15 %
Syndrome du canal carpien (10 %), neuropathie périphérique Encéphalopathie, coma, accident vasculaire, convulsions, psychose
Articulations
10 %
Arthralgies, arthrites migratrices, polyarthrite séronégative
Vaisseaux
9%
Syndrome de Raynaud
Cœur
Rare
Myocarde : infarctus, troubles de conduction Épanchement péricardique
Œil
Rare
Épaississement palpébral, lagophtalmie (déficit de fermeture palpébral), ectropion Opacités cornéennes
Larynx
Exceptionnelle Dysarthrie
effets secondaires potentiels hématologiques et septiques en limitent l’utilisation. Les autres chimiothérapies anticancéreuses telles que le cyclophosphamide, le méthotrexate, le chlorambucil et la corticothérapie générale seule sont inefficaces. De nombreuses autres thérapeutiques sont d’efficacité variable et ponctuelle : puvathérapie, radiothérapie, plasmaphérèse, photophérèse extracorporelle, rétinoïdes, ciclosporine, interféron α. Plusieurs observations récentes mettent en avant l’efficacité des immunoglobulines intraveineuses tant sur les manifestations cutanées que systémiques ⁶. Dermopathie fibrosante néphrogénique (fibrose systémique néphrogénique) Décrite en 2000 par Cowper et al., la dermopathie fibrosante néphrogénique (DFN) a été initialement rapportée comme une forme particulière de scléromyxœdème survenant chez les patients hémodialysés. Près de 170 observations de DFN étaient colligées en juin 2005, mettant en évidence la possibilité d’atteinte systémique extracutanée ⁷. La DFN est constamment associée à une insuffisance rénale terminale traitée par hémodialyse ou dialyse péritonéale, sans prédominance d’une étiologie rénale. Un antécédent de transplantation rénale est noté dans 44 % des cas. Le sex-ratio homme/femme est égal à 1 et la moyenne d’âge au moment du diagnostic est de 50 ans (8 à 81 ans). Quelques rares observations pédiatriques sont rapportées ⁷. Les lésions débutent fréquemment par des tuméfactions œdémateuses et progressivement résolutives laissant place à des plaques ou des papules confluentes et indurées, brunâtres, en « peau d’orange » et parcourues de sillons profonds. Un prurit et une sensation de brûlure de la peau
Coll. D. Bessis
Syndromes sclérodermiformes acquis diffus 4-3
État sclérodermiforme et œdémateux des membres inférieurs Fig. 4.2
Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
Placard sclérodermiforme brunâtre, en « peau d’orange », du membre inférieur
Macules pigmentées et coalescentes de type morphée de la face externe de l’avant-bras
Dermopathie fibrosante néphrogénique
atteinte sont fréquents. Les lésions cutanées touchent constamment les membres inférieurs puis s’étendent aux membres supérieurs (77 %) et parfois au tronc (30 %). Les chevilles, les faces antérieures des jambes, la partie basse des cuisses, les mains et poignets (fig. 4.2) sont les sites de prédilection ⁷,⁸. L’évolution se fait de façon proximale vers la racine des membres. En revanche, le visage et le cou sont constamment épargnés et il n’existe pas de syndrome de Raynaud associé. L’atteinte des tissus périarticulaires s’accompagne progressivement d’une limitation des mouvements de flexion responsable d’une impotence fonctionnelle souvent sévère confinant le malade au fauteuil. Histologiquement, la DFN se caractérise par un épaississement de l’ensemble du derme composé de gros faisceaux de collagène disposés en tout sens, séparés par de larges fentes optiquement vides et associés à un nombre accru de cellules fusiformes CD34 + de type fibroblastique. La teneur en mucine est augmentée (coloration bleu Alcian ou fer colloïdal) et il existe également des cellules multinucléées dispersées de petite taille (CD68 + ou facteur XIIIa +) ⁸. L’absence d’atteinte systémique, initialement proposée comme une des caractéristiques de cette entité, a été rapidement infirmée depuis, mais reste peu documentée ⁷,⁸. DFN dermopathie fibrosante néphrogénique
L’atteinte musculaire se caractérise par une induration des muscles des jambes, des cuisses et des avant-bras, sans déficit musculaire patent. Dans quelques cas, une fibrose du périmysium et de l’endomysium associée à la présence d’une atrophie musculaire a été décrite. Une polyneuropathie sensitivo-motrice peut être observée, favorisée par l’insuffisance rénale terminale associée. Une atteinte fibrosante myocardique relevée sur des cas autopsiques a été rapportée, ainsi que de rares observations d’hypertension artérielle pulmonaire. La survenue d’événements thrombotiques (occlusion vasculaire périphérique, accidents vasculaires cérébraux) ne semble pas fortuite. Aucun marqueur biologique spécifique de cette affection n’est actuellement connu. La présence d’un syndrome inflammatoire, la normalité des enzymes musculaires, l’absence de paraprotéinémie ou d’anticorps antinucléaires constituent des éléments importants dans la prise en compte des diagnostics différentiels comme la sclérodermie systémique et le scléromyxœdème. L’étiologie de cette affection reste inconnue. Le rôle des fibrocytes circulants CD45RO +/CD34 + d’origine médullaire, produits en réponse à une aggression de l’organisme (traumatisme chirurgical, vasculaire, thrombose...), est forte-
4-4
Syndromes sclérodermiformes et états pseudosclérodermiques ment suspecté. Leur migration à partir de la circulation systémique vers des tissus cibles comme la peau, mais également d’autres organes, pourrait être liée à la présence d’un agent tissulaire iatrogène attractif lié à la dialyse (produit de contraste, médicament ou autre « allergène »). L’accumulation des fibrocytes au niveau cutané serait à l’origine d’une augmentation locale de production de collagène probablement par le biais d’une hyperproduction de TGF-β (transforming growth factor), aboutissant à une fibrose ⁹. Aucun traitement n’a actuellement fait la preuve de son efficacité au cours de la DFN. Le pronostic repose sur l’extension, la rapidité d’évolution des lésions cutanées et la présence d’atteinte systémique. Il est sévère puisque près d’un tiers des patients décède et qu’un tiers ne présente aucune amélioration de la symptomatologie. La plasmaphérèse et les immunoglobulines intraveineuses sont d’efficacité modérée ou transitoire. Les corticostéroïdes, le méthotrexate, la ciclosporine et la photophophérèse sont inefficaces. Un petit pourcentage de rémission est observé après l’amélioration de la fonction rénale ou l’arrêt de la dialyse.
Coll. D. Bessis
Sclérœdème de Buschke (SB) Cette affection se caractérise par une induration progressive et parfois pigmentée, de la partie supérieure du tronc (en pèlerine) et de la racine des membres (fig. 4.3), du visage et du cou, mais épargnant les extrémités des membres. L’atteinte du visage est marquée par un effacement des rides d’expression accompagné de difficultés de plissement du front, du sourire et de l’ouverture buccale. La langue et le pharynx peuvent également être touchés, à l’origine de troubles de la déglutition. Le terme de sclérœdème de l’adulte (scleredema adultorum), initialement proposé pour le différencier du sclérœdème néonatal, doit être abandonné en raison de la possibilité de cas infantiles de SB. Trois formes cliniques de SB sont identifiées : − le type I débute brutalement dans les suites d’une infection des voies aériennes respiratoires, généralement streptococcique. Il touche électivement les femmes d’âge moyen, parfois les enfants. Son pronostic est excellent et la résolution des symptômes survient en quelques mois ;
Fig. 4.3 Œdème induré de la partie haute du dos discrètement inflammatoire au cours du sclérœdème de Buschke
Critères diagnostiques du syndrome POEMS (d’après [15]) Critères majeurs − Polyneuropathie − Gammapathie monoclonale Critères mineurs − Lésions osseuses ostéocondensantes − Maladie de Castelman − Organomégalie (splénomégalie, hépatomégalie ou lymphadénopathie) − Œdème (œdème, épanchement pleural, ou ascite) − Endocrinopathie (surrénales, thyroïde, hypophyse, gonades, parathyroïdes, pancréas) − Signes cutanés (hyperpigmentation, hypertrichose, angiomes, leuconychies) − Œdème papillaire Le diagnostic de syndrome POEMS est retenu si deux critères majeurs et au moins un critère mineur sont réunis.
4.A − le type II est associé à un diabète sévère mal contrôlé (scleredema diabeticorum) et s’observe surtout chez les hommes obèses. Son début est insidieux et sa durée prolongée, sans modification en cas d’équilibre satisfaisant du diabète ; − le type III est caractérisé par l’absence d’étiologie infectieuse ou diabétique et une évolution chronique. C’est dans ce groupe que sont intégrées les formes de SB associées à une gammapathie monoclonale ¹⁰,¹¹. L’association SB et dysglobulinémie est rapportée dans une quarantaine d’observations avec une légère prédominance féminine et un âge moyen de début de 50 ans, plus précoce qu’au cours du type II. L’immunoglobuline monoclonale associée est de type IgG (deux tiers des cas) et majoritairement de type κ, plus rarement de type IgA ou IgM. Dans la plupart des cas, le SB précède la découverte de la dysglobulinémie de quelques mois à quelques années. L’association à un myélome multiple, y compris asymptomatique, est notée dans 45 % des cas. Des associations sont plus rarement décrites : macroglobulinémie de Waldenström, polyarthrite rhumatoïde, syndrome de Gougerot-Sjögren, hyperparathyroïdie primaire, insulinome malin, carcinome de la vésicule biliaire ¹². Les manifestations systémiques peuvent être présentes dans toutes les formes de SB : épanchement pleural ou péricardique, atteintes osseuse, oculaire, parotidienne ou cardiaque. L’examen histologique met en évidence un épaississement du derme par des fibres collagènes œdémateuses, séparées par des dépôts de mucine parfois discrets. Cette atteinte œdémateuse dermique peut s’étendre à l’hypoderme remplacé progressivement par des fibres collagène. Une
DFN dermopathie fibrosante néphrogénique · SB sclérœdème de Buschke · TGF transforming growth factor
Fig. 4.4 Syndrome POEMS : large macule hyperpigmentée de la face externe d’une cuisse atteinte histologique similaire peut être observée en cas d’atteinte cardiaque ou musculaire striée. La cause exacte du SB est inconnue. Une « hypersensibilité » streptococcique, une obstruction des canaux lymphatiques par une inflammation, l’hyperinsulinisme, un traumatisme préalable pourraient jouer un rôle. Aucun traitement spécifique n’est rapporté comme étant efficace. Les corticoïdes systémiques ou intralésionnels, le méthotrexate à faibles doses, la ciclosporine, la photothérapie de type PUVA ou UVA1 longs et la photophérèse extracorporelle sont d’efficacité inconstante. L’électronthérapie a été rapportée efficace dans quelques observations ¹³. Syndrome POEMS (syndrome de Crow-Fukase, syndrome de Takatsuki) Cette affection multiviscérale correspond à l’acronyme : P : polyneuropathy, O : organomegaly, E : endocrinopathy, M : monoclonal protein, S : skin changes. Sa description clinique se heurte au caractère rétrospectif des trois grandes séries publiées ¹⁴,¹⁵,¹⁶. Cette affection est plus fréquente chez l’homme (sex-ratio homme/femme égal à 2), d’âge moyen 45 à 50 ans. Son diagnostic repose sur l’association d’une polyneuropathie et d’une gammapathie monoclonale (encadré 4.A). La présence de lésions osseuses ostéocondensantes dans le cadre d’un myélome ou d’une maladie de Castelman est quasi constante. La polyneuropathie est inaugurale dans la majeure partie des cas. Initialement sensitive, elle débute aux pieds par des picotements, des paresthésies et des sensations de froid. Elle se complète par une atteinte nerveuse motrice distale, symétrique, d’aggravation progressive et ascendante. L’organomégalie consiste le plus souvent en une hépatomégalie (25-78 %), une splénomégalie (22-52 %) et des adénopathies (26-61 %). Entre 11 à 24 % des malades atteints de syndrome POEMS ont une maladie de Castleman (hyperplasie angiofolliculaire) documentée. Les anomalies endocriniennes sont diverses et rarement symptomatiques : troubles de la glycorégulation avec diabète sucré (3-36 %), hypothyroïdie (17-36 %), plus rarement hypotestostéronémie, hyperestrogénémie, hyperprolactinémie, hypopa SB sclérœdème de Buschke
Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier
Coll. D. Bessis
Syndromes sclérodermiformes acquis diffus 4-5
Fig. 4.5 Syndrome POEMS : état sclérodermiforme des doigts et leuconychie proximale des tablettes inguéales rathyroïdie ou insuffisance surrénalienne. La dysglobulinémie monoclonale est le plus souvent de type IgG ou IgA et exprime de manière quasi constante une chaîne légère lambda. Son taux est faible et elle n’est détectée que par immunofixation dans un tiers des cas. Elle est associée à des lésions ostéocondensantes dans 54 à 97 % des cas, uniques ou multiples, en règle asymptomatiques et prédominantes sur le rachis, le bassin et le gril costal, permettant de porter le diagnostic de myélome ostéocondensant. Celui-ci est le plus souvent associé à un faible taux de plasmocytes d’origine médullaire (5 % ou moins) et rarement compliqué d’insuffisance rénale ou d’hypercalcémie. Ces caractéristiques ainsi qu’une médiane de survie nettement supérieure différencient le syndrome POEMS du myélome multiple. Un syndrome œdémateux (œdème des membres inférieurs, ascite, épanchement pleural) est présent dans près de 40 % des cas. Les autres signes sont rapportés à des fréquences variables : œdème papillaire (près d’un cas sur deux), thrombocytose (54-88 %), polyglobulie (12-19 %), hippocratisme digital (549 %), complications thrombotiques (infarctus, gangrène, accident vasculaire cérébral...), insuffisance rénale, hypertension artérielle pulmonaire et syndrome diarrhéique. Les manifestations cutanées, disparates et souvent associées entre elles, touchent 50 à 90 % des malades. Leur prévalence réelle est difficile à apprécier car elles résultent de compilations de données hétéroclites de la littérature et varient en fonction de leur recherche systématique ou non ¹⁷-¹⁹. L’hyperpigmentation (45-93 %) est le plus souvent diffuse, touchant les extrémités (fig. 4.4), le visage et le tronc, sans prédominance sur les zones photodistribuées. Elle épargne les muqueuses et ne témoigne pas d’une insuffisance surrénalienne associée. Un état sclérodermiforme est décrit dans 56 à 77 % des cas de syndrome POEMS, marqué par une infiltration et un épaississement cutané le plus souvent distal (fig. 4.5) et parfois associé à un syndrome de Raynaud. Il peut rarement être inaugural de l’affection ou associé à un syndrome restrictif pulmonaire et prêter alors confusion avec une sclérodermie systémique. Cependant, le bilan d’auto-immunité et la capillaroscopie au cours du syndrome POEMS sont normaux.
4-6
Syndromes sclérodermiformes et états pseudosclérodermiques
Coll. D. Bessis
L’hypertrichose (50-81 % des cas) peut être généralisée ou localisée au tronc et au visage (sourcils, cils, cheveux). La lipoatrophie faciale (près d’un cas sur deux) est marquée par une fonte des boules de Bichat (fig. 4.6). Elle peut être associée à une lipoatrophie des membres supérieurs et du tronc. Elle s’observe dans le contexte d’une cachexie progressive, contrastant avec un syndrome tumoral au second plan.
Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier
Fig. 4.7 Syndrome POEMS : multiples angiomes cutanés gloméruloïdes d’âge et de taille différents, reposant sur une large macule pigmentée de la face externe d’une cuisse
Fig. 4.6 Syndrome POEMS : lipoatrophie faciale associée à une hypertrichose Les angiomes cutanés (30 %) sont d’apparition brutale, le plus souvent de type tubéreux, de petite taille (moins d’un centimètre) et localisés sur le tronc et la racine des membres (fig. 4.7). Histologiquement, ils sont de type gloméruloïde dans près d’un tiers des cas, constitués par des ectasies vasculaires dermiques remplies d’agrégats capillaires évoquant une structure ressemblant au glomérule rénal ²⁰. Ils constituent une manifestation spécifique du POEMS syndrome. Ils peuvent s’associer à des télangiectasies lenticulaires ou des angiomes « rubis » qui constituent probablement le stade initial de cette prolifération vasculaire réactionnelle. Les leuconychies (fig. 4.5) constituent un signe peu spécifique bien que rapporté dès la description des premières observations.
Les autres manifestations cutanées sont plus anecdotiques : hyperhidrose, xérose cutanée ou aspect ichtyosiforme, kératoses séborrhéiques, hippocratisme digital, alopécie, nécroses cutanées multiples, livédo réticulé, acrocyanose, vasculite nécrosante. Le mécanisme pathogénique du syndrome POEMS reste inconnu. Le rôle direct des chaînes légères d’immunoglobulines semble exclu. L’augmentation des taux sériques de cytokines pro-inflammatoires telles que l’IL-1β, le TNF-α, le TGF-β, l’IL-6 et du facteur angiogénique VEGF semble impliquée. Le VEGF induit une augmentation de la perméabilité vasculaire et de l’angiogenèse. Il est normalement exprimé par les ostéoblastes et peut constituer un important facteur de régulation de la différenciation ostéoblastique. Sa sécrétion accrue pourrait entraîner une augmentation de la perméabilité vasculaire, de l’angiogenèse et de la migration des cellules de la lignée monocytes-macrophages et être ainsi à l’origine d’une oblitération artérielle réactionnelle. Une action combinée de cytokines pro-inflammatoires et du VEGF pourrait également rendre compte de l’organomégalie et de l’état cachectique (TNF-α, IL-1β), de l’œdème (IL-6, VEGF), de l’hyperpigmentation (IL-1β), du syndrome sclérodermiforme (TGF-β), des angiomes gloméruloïdes (VEGF) mais également de la polyneuropathie par le biais de microthromboses vasculaires (VEGF) et d’un œdème neuronal. Le traitement repose sur la chirurgie et/ou la radiothérapie localisée en cas de plasmocytome isolé. Les immunoglobulines intraveineuses et les plasmaphérèses sont inefficaces. Les corticostéroïdes oraux ou intraveineux seuls sont efficaces sur la composante œdémateuse et la polyneuropathie. Les agents immunosuppresseurs alkylants donnent des résultats inconstants. La chimiothérapie intensive suivie d’autogreffe médullaire ou de cellules souches périphériques est réservée au sujet jeune ayant une prolifération plasmocytaire maligne disséminée. L’expérience minime des autres agents incluant le thalidomide, le tamoxifène, l’acide tout transrétinoïque, l’interféron-α, la ciclosporine ne permet pas de conclure à leur éventuel intérêt ¹⁵.
IL interleukine · TGF transforming growth factor · TNF tumor necrosis factor · VEGF vascular endothelial growth factor
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Syndromes sclérodermiformes acquis diffus 4-7
Amylose primitive L’infiltration sclérodermiforme est rarement rapportée au cours de l’amylose systémique (une dizaine d’observations) et ne doit pas être confondue avec les dépôts amyloïdes secondaires, épiphénomènes, parfois observés au cours de la sclérodermie systémique ou des morphées généralisées. L’infiltration cireuse touche avec prédilection le visage et le cou, les mains et les doigts avec parfois un aspect de sclérodactylie ²¹. L’association à des troubles circulatoires acraux et une symptomatologie de canal carpien peuvent orienter à tort vers une sclérodermie systémique initiale. Le diagnostic est facilement redressé grâce aux autres signes cutanés et muqueux cardinaux associés (purpura, macroglossie...) et par l’examen histologique en peau lésée complété d’une coloration rouge congo spécifique. Réaction chronique du greffon contre l’hôte Les réactions cutanées chroniques du greffon contre l’hôte (GVH) après greffe de moelle allogénique s’observent par définition après le troisième mois post-greffe et sont classiquement subdivisées en réactions lichéniennes et sclérodermiformes. Les GVH sclérodermiformes surviennent le plus souvent d’emblée, sans phase lichénienne préalable et sont de sévérité variable. Leur spectre clinique et histologique résulte le plus souvent de l’intrication à des degrés variables de lésions de lichen scléroatrophique, de morphées, de sclérodermie profonde, voire de fasciite. Typiquement, les lésions sclérodermiformes débutent par des plaques fermes et circonscrites de type morphée, de couleur peau normale ou pigmentée, qui évoluent par coalescence vers des placards indurés blanc jaunâtre, à contours mal limités (fig. 4.8) généralisés ou localisés ²². Les formes limitées siègent électivement sur les grands plis et les membres inférieurs. Aux jambes, la peau peut devenir adhérente au plan profond et aboutir à des ulcérations mécaniques de cicatrisation longue et délicate. Lorsque les plaques sclérodermiformes siègent en regard des articulations, la fibrose peut engainer les ligaments et aboutir à des rétractions tendineuses avec une limitation des mouvements articulaires et des positions vicieuses à type de flessum des coudes et des pieds. Des GVH sclérodermiformes bulleuses ou très in-
Coll. D. Bessis
Fig. 4.8 Placard induré jaunâtre du membre inférieur au cours d’une réaction cutanée chronique du greffon contre l’hôte sclérodermiforme
Fig. 4.9 Multiples macules dépigmentées et atrophiques de type « white spot disease » au cours de la réaction cutanée chronique du greffon contre l’hôte sclérodermiforme validantes limitées aux membres inférieurs et compliquées d’une neuropathie axonale périphérique ont également été rapportées. La neuropathie résulterait d’un enchâssement des terminaisons nerveuses par la fibrose. Des atteintes à type de lichen scléro-atrophique ou « white spot disease » marquées par des plaques hypopigmentées, atrophiques et squameuses avec bouchons folliculaires touchant avec prédilection le cou et la partie haute du tronc (fig. 4.9) sont également décrites ²³. Elles correspondraient à la forme la plus superficielle de l’atteinte sclérodermiforme. Sur le plan histologique, la GVH sclérodermiforme est proche de la sclérodermie systémique caractérisée par une atrophie épidermique marquée, une destruction progressive des annexes, une horizontalisation de la basale et une fibrose collagène du derme papillaire et réticulaire qui s’étend progressivement à des degrés variables jusqu’à l’hypoderme. Toutefois, l’atteinte du derme superficiel est présente au stade initial contrairement à la sclérodermie classique. La fasciite est une forme rare, profonde et grave de GVH sclérodermiforme. Elle est cliniquement proche de la fasciite de Shulman d’autant qu’elle débute dans près d’un cas sur deux après un traumatisme ou un exercice physique inhabituel et s’accompagne d’une éosinophilie périphérique dans 60 % des cas. Elle est marquée par un aspect de cellulite avec tuméfaction cutanée profonde et siège préférentiellement sur les membres (fig. 4.10), mais épargne les mains et les pieds. Histologiquement, il existe un épaississement fibreux des septa interlobulaires, une fibrose et un infiltrat inflammatoire du fascia, voire du muscle sous-jacent. Le
Syndromes sclérodermiformes et états pseudosclérodermiques Médicaments, toxiques et syndrome sclérodermiforme
Fig. 4.10 Œdème diffus, inflammatoire et induré des membres inférieurs au cours d’une fasciite liée à une réaction cutanée chronique du greffon contre l’hôte chronique traitement repose sur les immunosuppresseurs par voie générale, la photophérèse extracorporelle, la photothérapie et les rétinoïdes par voie générale. Syndromes sclérodermiformes médicamenteux et toxiques Les syndromes sclérodermiformes cutanés induits par les substances sont fréquemment publiés dans la littérature, mais regroupe en fait des situations variées et discutables en terme d’imputabilité (absence fréquente de régression à l’arrêt de la substance) et de regroupement nosologique ²⁴. Ainsi le terme de sclérodermie peut dénommer des lésions cutanées de type morphée, des scléroses cutanées au site d’injection (cf. § « Syndromes sclérodermiformes localisés ») ou d’authentiques sclérodermies diffuses systémiques. Bon nombre de ces observations sont insuffisamment documentées pour conclure à la responsabilité de la molécule plutôt qu’à un simple rôle révélateur d’une sclérodermie systémique. Les principaux agents médicamenteux ou toxiques incriminés sont indiqués dans l’encadré 4.B. Les syndromes sclérodermiformes induits par la bléomycine, seule ou associée à la radiothérapie, s’observent audessus d’une dose cumulative moyenne du produit de 165 mg (90-180 mg). L’induration cutanée s’associe le plus souvent à un érythème, une infiltration et une hyperpigmentation, et est généralement limitée aux membres avec une nette prédominance acrale, sans atteinte viscérale. Un phénomène de Raynaud peut être présent et la présence d’anticorps antinucléaires est possible. L’amélioration ou la résolution des symptômes est classiquement observée quelques mois après l’arrêt du traitement. La bléomycine augmenterait la synthèse fibroblastique cutanée et pulmonaire du collagène, in vivo et in vitro. Plusieurs observations de syndromes sclérodermiformes des membres inférieurs, similaires par leur présentation clinique, sont rapportées avec le docétaxel ²⁵ et la gemcitabine ²⁷,²⁸. Les lésions localisées aux membres inférieurs débutent par une phase œdémateuse, indurée et inflammatoire, parfois pseudo-érysipéloïde (fig. 4.11), pour laisser la place à une sclérose engainante et hyperpigmentée des
Médicaments − Agents anticancéreux • Bléomycine ²⁴ • Taxanes ◦ Docétaxel ²⁵ ◦ Paclitaxel-paraplatine ²⁶ • Gemcitabine ²⁷,²⁸ • Tegafur et 5-fluorouracile ²⁹ • Doxorubicine-cyclophosphamide ³⁰ − Anorexigènes ²⁴ − Méthysergide ³¹ − Carbidopa et 5-hydroxytryptophane ³² − Sotalol et iode radioactif ³³ Toxiques ³⁴,³⁵ − Silice − Solvants (solvants chlorés, hydrocarbures aromatiques) − Chlorure de vinyle − Résines époxy − Huile toxique espagnole (huile de colza dénaturée) − L-tryptophane
4.B jambes suivie d’une régression partielle des symptômes à l’arrêt du traitement inducteur. Cette localisation exclusive aux membres inférieurs laisse supposer un rôle toxique direct et locorégional induit par la substance, ses métabolites ou son véhicule au niveau du tissu cutané profond.
Syndromes sclérodermiformes localisés Syndromes sclérodermiformes iatrogènes Des réactions cutanées sclérodermiformes peuvent s’observer après administration parentérale de vitamine K, B 12, pentazocine et progestatifs retard. Le tableau clinique le plus caractéristique est celui de l’hypodermite sclérodermiforme lombofessière après injection intramusculaire de vitamine K (syndrome de Texier). Quelques jours à quelques
Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
4-8
Fig. 4.11
Fasciite des membres inférieurs induite par la gemcitabine
Coll. Pr A. Claudy, Lyon
Syndromes sclérodermiformes localisés 4-9
Fig. 4.12 Placard sclérodermiforme lombo-fessier après injection intramusculaire de vitamine K 1
Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier
mois après l’injection se développe une large plaque érythémateuse, souvent prurigineuse puis pigmentée et sclérodermiforme en regard du site d’injection (fig. 4.12) ³⁶. L’interrogatoire et le siège des lésions permettent aisément le diagnostic. Diverses réactions cutanées sclérodermiformes, le plus souvent à type de plaques de morphée, ont été également rapportées après éveinage saphène interne ³⁷, sur site de radiothérapie ou après traumatisme. Lipodermatosclérose (panniculite sclérosante, panniculite de stase, hypodermite sclérodermiforme) Cette affection touche la femme d’âge moyen ou âgée, obèse, aux antécédents de maladie veineuse des membres inférieurs, le plus souvent d’origine variqueuse, parfois post-phlébitique. Cliniquement, il existe un érythème induré, douloureux initial qui laisse place à une guêtre sclérodermiforme des membres inférieurs, essentiellement des jambes (fig. 4.13) ³⁸,³⁹. L’histologie cutanée, rarement nécessaire, met en évidence une panniculite lobulaire avec dégénérescence adipeuse membrano-kystique associée à des degrés variables à une fibrose septale et une prolifération vasculaire du derme et de l’hypoderme.
Fig. 4.13
Guêtre sclérodermiforme au cours de la lipodermatosclérose
Syndrome carcinoïde Le syndrome sclérodermiforme est une manifestation rare et tardive du syndrome carcinoïde malin. Il se différencie de la sclérodermie systémique par l’absence de syndrome de Raynaud, la topographie acrale et prédominante aux membres inférieurs des lésions et l’absence d’atteinte viscérale associée, à l’exception de l’atteinte cardiaque liée au syndrome carcinoïde ⁴⁰. Sa survenue constitue un facteur de pronostic défavorable.
hétérogène constituent des signes classiquement associés. Un état sclérodermiforme à type de morphées multiples et situé avec prédilection sur les zones photo-exposées (cou, décolleté, visage) et le cuir chevelu est rapporté chez près de 20 % des patients. Ces lésions sont exceptionnellement au premier plan et s’observent après une longue durée d’évolution de la maladie. Elles se caractérisent par des plaques indurées, jaune pâle, hypopigmentées, entourées d’un halo atrophique et hyperpigmenté plus que d’un authentique lilas ring. Le respect des mamelons en cas d’atteinte du thorax semble classique ⁴¹. L’atteinte du cuir chevelu est responsable d’une alopécie cicatricielle lentement progressive des aires fronto-pariétales et occipitales (fig. 4.14) ⁴². Cette atteinte se complique parfois de calcifications dystrophiques ou d’ulcérations. La possibilité de l’association d’une PCT avec une authentique sclérodermie systémique, exceptionnelle mais peut être non fortuite, ne doit pas prêter à confusion ⁴³. Les lésions cutanées sclérodermiformes de la PCT s’améliorent avec le traitement de fond de la maladie.
Porphyrie cutanée tardive Les signes cliniques de la porphyrie cutanée tardive (PCT) se caractérisent par une photosensibilité et une fragilité cutanée à l’origine de lésions vésiculo-bulleuses intéressant avec prédilection le dos des mains et le visage. Une hypertrichose temporomalaire, une hyperpigmentation cutanée
Syndromes sclérodermiformes des mains De nombreuses étiologies d’atteintes sclérodermiformes exclusives ou prédominantes aux mains, congénitales ou acquises, peuvent prêter à confusion avec une forme localisée acrale de sclérodermie systémique ⁴⁴. L’absence de syndrome de Raynaud ou d’anomalie dysimmunitaire bio-
Fig. 4.14 Lésions sclérodermiformes de type morphée au cours d’une porphyrie cutanée tardive logique et le contexte de survenue ne posent généralement pas de problème de diagnostic différentiel. La cheiroarthropathie diabétique s’observe chez les patients diabétiques de type 1 ou 2 et comporte un épaississement cutané de la face dorsale des doigts responsable d’une limitation non douloureuse de l’extension des articulations métacarpophalangiennes et/ou interphalangiennes proximales (signe de la prière) et associé à un aspect micropapuleux de la peau (« finger pebbles ») (fig. 4.15). Les autres étiologies de syndrome sclérodermiforme des mains sont de reconnaissance aisée en présence de signes associés ou d’un contexte héréditaire : syndrome du canal carpien, polyarthrite rhumatoïde, « main mécanique » au cours du syndrome des antisynthétases, ostéoarthropathie hypertrophiante pneumique, déformation familiale sclérodermiforme des doigts et arthrogryphoses.
États pseudosclérodermiformes par induration et/ou atrophie cutanée Acrodermatite chronique atrophiante Elle constitue la manifestation cutanée tardive de la borréliose européenne et de la borréliose de Lyme. Elle sur-
Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier
Coll. Dr M. Dandurand, Nîmes
4-10 Syndromes sclérodermiformes et états pseudosclérodermiques
Fig. 4.15 Syndrome sclérodermiforme des mains chez le patient diabétique vient plusieurs années après la contamination et évolue en deux phases. La phase initiale infiltrative est caractérisée par un érythème violacé, œdémateux, mou, et mal délimité. Il siège surtout en regard des surfaces d’extension des membres (dos des mains, coudes, chevilles ou genoux). L’érythème évolue ensuite vers une atrophie cutanée définitive. L’épiderme s’amincit, devient fripé et prend un aspect en « papier de cigarette », laissant apercevoir par transparence le réseau vasculaire et de fréquentes télangiectasies. Dans 10 à 20 % des cas, la survenue d’une induration cutanée, de type morphée ou nodulaire, juxta-articulaire (coudes, genoux) ou en bandes (tibiale, cubitale) pouvant mimer une morphée profonde linéaire, peut être observée ⁴⁵. Le diagnostic est confirmé par le sérodiagnostic toujours très positif à ce stade. Le traitement antibiotique (pénicilline ou ceftriaxone) peut permettre une amélioration lente des lésions sclérodermiformes. Hémiatrophie de Parry-Romberg Elle se caractérise par le développement lentement progressif et limité d’une atrophie cutanée, musculaire et osseuse le plus souvent unilatérale et hémifaciale (fig. 4.16). Elle peut être précédée d’une induration cutanée, de troubles
Fig. 4.16 Hémiatrophie faciale gauche au cours du syndrome de Parry-Romberg pigmentaires (hyper- ou hypopigmentation) et d’une alopécie cicatricielle. La différenciation avec une sclérodermie linéaire en coup de sabre est délicate d’autant que les deux affections peuvent être associées. Les atteintes neurologiques (lésions infracliniques, migraines, crises convulsives...) peuvent s’observer au cours des deux affections ⁴⁶. Fasciite palmaire-arthrite Ce syndrome proche de l’algodystrophie touche la femme âgée de plus de 55 ans dans environ trois cas sur quatre. L’atteinte des mains est caractéristique, constante et bilatérale. Elle débute par une raideur matinale, un œdème et un épaississement du fascia, parfois nodulaire, responsable d’une induration et d’une rétraction en flexion irréductible des doigts (fig. 4.17). Une arthrite métacarpophalangienne évoluant vers une capsulite rétractile est associée, aggravant la déformation en griffe de la main. Une atteinte similaire plantaire est notée dans près de 25 % des cas. D’autres localisations articulaires avec capsulite rétractile peuvent être touchées : épaules, genoux, hanches. Les radiographies mettent le plus souvent en évidence une déminéralisation osseuse modérée. La scintigraphie atteste l’existence de foyers hyperfixants. La biologie est non contributive. L’examen histologique cutané est peu spécifique avec des signes de fibrose du derme et du fascia, et, dans quelques cas, une vascularite avec dépôts d’immunoglobulines et de C3 au niveau des tissus sous-cutanés et de la synoviale. Le diagnostic différentiel se pose avec : − la sclérodermie systémique, mais le syndrome de Raynaud, les modifications capillaroscopiques et les anomalies immunologiques (auto-anticorps) sont habituellement absentes ; − les algodystrophies diffuses, d’autant que des associations à des néoplasies ont été rapportées. Cette parenté clinique a fait discuter par certains auteurs l’individualité clinique de ce syndrome, mais le caractère particulièrement sévère et diffus de la fasciite palmaire semble plaider pour une entité distincte.
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Coll. Pr J.-L. Schmutz, Nancy
Coll. D. Bessis
Génodermatoses sclérodermiformes
Fig. 4.17 Œdème et épaississement palmaire au cours d’une fasciite palmaire-arthrite Les principales néoplasies associées sont l’adénocarcinome de l’ovaire (41 %) et du pancréas (14 %) ⁴⁷. Des observations ponctuelles de carcinomes pulmonaires, prostatiques, coliques, tubaire utérin, d’hémopathies (leucémie lymphoïde chronique, maladie de Hodgkin) ont également été rapportées. Le pronostic est particulièrement péjoratif, cette affection s’observant le plus souvent au stade métastatique de la néoplasie.
Génodermatoses sclérodermiformes Les génodermatoses sclérodermiformes constituent des affections exceptionnelles, le plus souvent sporadiques et de reconnaissance habituellement aisée en raison du début précoce souvent néonatal des lésions (encadré 4.C). Cependant, dans certains cas comme au cours de la scléroatrophie d’Huriez ou du syndrome de Werner (progeria de l’adulte), leur diagnostic peut être initialement dermatologique et tardif à l’âge adulte. La reconnaissance de ces dernières affections est d’autant plus importante qu’elles comportent un risque de prédisposition aux cancers.
Principales génodermatoses sclérodermiformes À révélation néonatale ou infantile précoce − Progeria ou syndrome progéroïde Hutchinson-Gilford − Acrogeria type Gottron/métageria − Stiff skin syndrome − Poïkilodermie sclérosante héréditaire de Weary − Phénylcétonurie − Mucolipidose IIIA (polydystrophie de type Pseudo-Hurler) − Dermopathie restrictive À révélation parfois tardive à l’âge adulte − Progeria de l’adulte (syndrome de Werner) − Scléroatrophie d’Huriez
4.C
Fig. 4.18 Sclérodermie d’Huriez : sclérodactylie et atrophie des éminences thénard et hypothénard (Michot C, Girard C, Guillot B, Bessis D. [Huriez syndrome]. Ann Dermatol Venereol 2005 ; 132:727) Syndromes de vieillissement prématuré Syndrome de Werner (SW) (progeria de l’adulte, pangeria) Le syndrome de Werner (OMIM 277700) est une maladie rare de transmission autosomique récessive liée à une mutation du gène WRN, codant pour la protéine WRN de la famille des RecQ helicases, impliquée dans la réparation des dommages structuraux de l’ADN liés au stress oxydatif (système d’excision-réparation) et dans le métabolisme des télomères. Des mutations du gène LMNA codant pour les lamines A et C ont été mises en évidence chez une minorité de patients atteints de SW ⁴⁸. Une petite taille (en moyenne 1,46 m pour les femmes et 1,57 m pour les hommes) et un faible poids (respectivement 40 et 45 kg) sont les premières manifestations cliniques. Le diagnostic est évoqué le plus souvent à partir de 20-25 ans devant l’apparition de signes cutanés progéroïdes : grisonnement prématuré des cheveux (canitie précoce), alopécie, dépilation diffuse (sourcils, cils, pilosité axillaire et pubienne), sclérose cutanée et sclérodactylie, atrophie des tissus sous-cutanés et musculaires du visage et des extrémités. Les autres signes cutanés rapportés comprennent des ulcères chroniques des membres inférieurs, des hyperkératoses ulcérées en regard des articulations et de la plante des pieds et des troubles pigmentaires en « motte ». Le visage adulte a un aspect caractéristique en « tête d’oiseau » (bird-like facies) en raison d’un nez fin et crochu et des yeux protubérants par lipoatrophie périorbitaire. Les signes de sénescence viscérale font toute la gravité de cette maladie ⁴⁹,⁵⁰. L’atteinte cardio-vasculaire est la principale cause de décès chez les patients caucasiens. Elle est liée au développement prématuré d’une athérosclérose diffuse et de calcifications atteignant les coronaires et les artères de gros calibres, responsables d’infarctus du myocarde et d’accidents vasculaires cérébraux. Une atteinte endocrinienne peut être associée : hyperlipidémie, hypogonadisme (80 %), insulino-résistance (quasi constante) pouvant se compliquer de diabète (70 %), hypothyroïdie (15 %)
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4-12 Syndromes sclérodermiformes et états pseudosclérodermiques
Fig. 4.19 Stries longitudinales et hypoplasie de la tablette de l’ongle (Michot C, Girard C, Guillot B, Bessis D. [Huriez syndrome]. Ann Dermatol Venereol 2005 ; 132:727) et plus rarement insuffisance surrénale. L’atteinte musculosquelettique se caractérise par une fonte musculaire, une ostéoporose (60 %) et des complications orthopédiques des membres inférieurs à l’origine de déformations articulaires (orteils, chevilles, doigts), d’hallux valgus, de calcifications ligamentaires, tendineuses et des tissus mous ainsi que d’ostéomyélites. La cataracte bilatérale précoce sous-capsulaire postérieure (92 % des cas) constitue une des premières manifestations viscérales de la maladie. Une voix haut perchée par atrophie des cordes vocales et une hypoacousie peuvent compléter le tableau. Le SW est associé à un risque élevé de cancer. Le risque de développer une tumeur mésenchymateuse ou épithéliale est estimé 10 fois supérieur à celui de la population générale. Entre 10 à 20 % des patients caucasiens développeraient un cancer. Les sarcomes des tissus mous, les ostéosarcomes, les hémopathies de la lignée myéloïde, les méningiomes bénins, les carcinomes de la thyroïde et les mélanomes, les carcinomes basocellulaires et épidermoïdes figurent parmi les cancers dont l’incidence est augmentée. L’élévation de l’acide hyaluronique urinaire est un bon marqueur diagnostique biologique du SW. Le décès survient habituellement entre 40 et 50 ans et est secondaire aux complications cardio-vasculaires (accidents vasculaires coronariens ou cérébraux) ou au développement d’une tumeur maligne. Progeria ou syndrome progéroïde de Hutchinson-Gilford Il s’agit d’une affection extrêmement rare, caractérisée par un vieillissement prématuré de début post-natal. La plupart des observations sont sporadiques, en rapport à une mutation de novo tronquante dominante et récurrente du gène LMNA qui code pour la lamine A. La progeria débute durant les deux premières années de vie et se caractérise par un retard de croissance sévère, une petite taille avec dysmorphie faciale, une alopécie, une peau fine, une hypoplasie des ongles, une absence de graisse sous-cutanée et une ostéolyse. Une atteinte sclérodermiforme cutanée des membres inférieurs et du dos des mains est également rapportée, mais il s’agit le plus souvent d’une atrophie cutanée profonde et musculaire sans sclérose ⁵¹. Le décès est
Références précoce dans un contexte d’athérosclérose, de maladie cérébrovasculaire ou de dénutrition. Acrogeria type Gottron/métagéria Ces affections sont à l’origine d’une atrophie cutanée congénitale acrale et isolée des mains et des pieds mais également d’hématomes spontanés, de cicatrices et d’une visualisation anormale de la circulation cutanée en particulier du tronc ⁵⁰. Scléroatrophie d’Huriez Cette génodermatose (OMIM 181600) rare et de transmission autosomique dominante a été décrite en 1968 par Huriez et Ménnecier dans deux grandes familles du nord de la France sous l’appellation de « génodermatose scléroatrophique et kératodermique des extrémités ». Depuis de nombreuses autres atteintes familiales ont été décrites. Ce syndrome d’expression clinique variable est caractérisé par une triade clinique ⁵²,⁵³ : 1. scléroatrophie acrale, plus marquée aux mains qu’aux pieds, caractérisée par une sclérodactylie et une atrophie des éminences thénard et hypothénard, une accentuation des plis palmaires contrastant avec une disparition des dermatoglyphes (fig. 4.18) ;
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2. kératodermie palmoplantaire diffuse, avec des accentuations focales donnant un aspect pavimenteux aux zones de pression, bien limitée aux paumes et aux plantes, sans bordure érythémateuse ; 3. anomalies des ongles, à type de déformation en verre de montre, stries longitudinales et transversales, fissures, encoches en « V » (fig. 4.19), voire hyploplasie ou aplasie. Une hyperhidrose est présente dans un cas sur deux. La triade clinique est présente dès la naissance, s’accentue progressivement pendant l’enfance pour se stabiliser par la suite. Le risque ultérieur de développement de carcinomes épidermoïdes est estimé à 15 %. Ceux-ci se développent sur la peau atrophique des paumes et des doigts et peuvent être multiples chez un même individu. Leur survenue est précoce, en moyenne au cours de la quatrième decennie. Ils sont souvent agressifs, histologiquement peu différenciés, occasionnant un taux élevé de métastases et une mortalité élevée (15 %). Les mécanismes de la tumorigenèse sont actuellement inconnus. En l’absence de thérapeutique reconnue comme efficace, une photoprotection et une surveillance clinique régulière sont nécessaires avec l’exérèse systématique de toute lésion suspecte.
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4-13
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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Bessis D. Syndromes sclérodermiformes et états pseudosclérodermiques. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 4.1-4.14.
5
Dermatomyosite
Camille Francès Épidémiologie — Critères diagnostiques 5-1 Classifications des lésions cutanées 5-1 Lésions cutanées spécifiques de dermatomyosite 5-2 Clinique 5-2 Anatomopathologie 5-3 Traitement 5-4 Lésions vasculaires 5-4 Autres lésions cutanées 5-4 Manifestations musculaires 5-6 Clinique 5-6 Biologie et autres examens complémentaires 5-7 Autres manifestations 5-8 Manifestations articulaires 5-8 Manifestations cardiaques 5-9 Manifestations pulmonaires 5-9 Autres manifestations cliniques 5-10 Formes cliniques 5-10
L
a dermatomyosite (DM) est une myopathie inflammatoire primitive associant une atteinte cutanée et une atteinte inflammatoire des muscles striés, prédominant aux racines. Elle constitue l’une des trois principales myopathies primitives avec les polymyosites et les myosites à inclusion, ces dernières n’étant pas associées à la présence de signes cutanés (encadré 5.A).
Épidémiologie — Critères diagnostiques La DM est une maladie rare, affectant tous les groupes ethniques. Son incidence est estimée entre 5 à 10 nouveaux cas par million d’habitants chez l’adulte et 1 à 3 cas par million d’habitants chez l’enfant ¹. Il existe une prédominance féminine : sex-ratio F/H de 2/1 chez l’adulte et de 5/1 chez l’enfant. Cette affection peut survenir à n’importe quel âge avec deux pics de fréquence : l’adulte entre 40 et 60 ans, et l’enfant entre 5 et 14 ans. Des critères diagnostiques ont été définis en 1975 ² par Bohan et Peter (encadré 5.B) et sont encore largement utilisés en raison de leur sensibilité (plus de 90 %) et de leur spécificité (90 %). Ils n’intègrent cependant pas les formes amyopathiques de DM, la présence d’auto-anticorps spécifiques ou les données éventuelles de l’imagerie par résonance
Dermatomyosites amyopathiques 5-10 Dermatomyosites juvéniles 5-10 Dermatomyosite et cancers 5-10 Dermatomyosites associées à d’autres maladies auto-immunes 5-11 Dermatomyosite et médicaments 5-11 Auto-anticorps 5-11 Physiopathogénie 5-11 Pronostic 5-12 Traitement 5-13 Corticothérapie générale 5-13 Immunosuppresseurs 5-13 Immunoglobulines intraveineuses 5-13 Traitements symptomatiques 5-13 Références 5-14
magnétique nucléaire (IRM) musculaire. De plus, ils ne permettent pas en règle de discriminer les nouvelles myopathies inflammatoires récemment décrites (myosite à inclusion sporadique primitive, myofasciite à macrophages...). Ils conservent cependant l’avantage de leur simplicité (par exemple pour des études rétrospectives) par rapport aux critères diagnostiques élaborés par Mastiglia et al. ³ et plus récemment par les experts de l’ENC (European Neuromuscular Centre) ⁴.
Classifications des lésions cutanées Les lésions cutanées caractérisent la dermatomyosite. Leur reconnaissance est essentielle car elles précèdent les manifestations musculaires dans plus d’un cas sur deux, le plus souvent de trois à six mois mais parfois de plusieurs années. Parfois typiques et permettant un diagnostic au premier coup d’œil pour le clinicien éclairé, les lésions cutanées de DM sont parfois difficiles à distinguer de celles des autres connectivites, en particulier du lupus érythémateux. Schématiquement, on peut distinguer les lésions cutanées « spécifiques », c’est-à-dire caractérisées histologiquement par une dermite de l’interface derme-épiderme, des lésions « non spécifiques » vasculaires ou non (encadré 5.C).
Dermatomyosite Classification des myopathies inflammatoires primitives Dermatomyosite (DM) − Forme de l’adulte DM classique − DM isolée − DM associée au cancer − DM associée à une autre maladie auto-immune (lupus, sclérodermie...) DM amyopathique − Forme juvénile DM classique DM amyopathique Polymyosite Myosite à inclusions Autres sous-groupes de myosites − Myosite nodulaire focale − Myosite proliférative − Myosite orbitaire − Myosite à éosinophiles − Myosite granulomateuse − Myofasciite à macrophages − Myopathie nécrosante dysimmunitaire
Critères diagnostiques de la DM selon Bohan et Peter 2 •
Déficit musculaire proximal avec ou sans dysphagie, avec ou sans atteinte des muscles respiratoires • Élévation des enzymes musculaires • Biopsie musculaire compatible : nécrose des fibres musculaires, infiltrat mononucléé • Électromyogramme : potentiels d’unité motrice courts et polyphasiques, fibrillations et décharges répétées à haute fréquence • Atteinte cutanée typique Diagnostic de dermatomyosite : • Certain si atteinte cutanée et 3 autres critères • Probable si atteinte cutanée et 2 autres critères • Possible si atteinte cutanée et 1 autre critère
5.B
5.A
Lésions cutanées spécifiques de dermatomyosite ⁵,⁶ Clinique Au visage, l’érythème œdémateux, rose violacé, des paupières en « lunette » est caractéristique et observé dans 30 à 60 % des cas (fig. 5.1). Il prédomine sur les paupières supérieures (érythème héliotrope) et peut s’étendre jusqu’à leurs bords libres. Il peut toucher également les joues (éminences malaires), le nez en respectant la pointe et la crête, le front, les tempes et les oreilles. Le pourtour des lèvres et les sillons nasogéniens sont classiquement épargnés. L’œdème associé est élastique et ne prend pas le godet. Son intensité est variable, parfois à l’origine d’une sensation de tension et pouvant masquer l’érythème. Il peut constituer le signe clinique prédominant ou exclusif au visage chez le patient d’origine africaine. Sur le dos des mains, l’atteinte cutanée est marquée par des macules érythémateuses et plus ou moins squameuses, disposées en bandes le long des gaines des tendons extenseurs, et se renforçant transversalement sur les faces dorsales et latérales des articulations métacarpophalangiennes et interphalangiennes (signe de Gottron) (fig. 5.2). Une atteinte cutanée similaire est fréquente sur la face d’extension des coudes, des genoux, plus rarement sur les maléoles. Cet érythème s’associe fréquemment aux mains à des papules plates, infiltrées et violines (papules de Gottron) considérées comme pathognomoniques et situées en regard du dos des articulations des doigts et sur le pourtour unguéal. Ces papules peuvent parfois évoluer en prenant un caractère
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5-2
Fig. 5.1 Érythème œdémateux, rosé et finement squameux des paupières, caractéristique de la dermatomyosite déprimé, atrophique à centre blanc porcelainé et télangiectasique (fig. 5.3). Une atteinte maculeuse en regard des plis palmaires des doigts est un signe rare mais très caractéristique, pouvant être secondaire à une mucinose cutanée. Ainsi, les lésions cutanées de DM des mains diffèrent de celles observées au cours du lupus érythémateux où elles prédominent sur les zones interarticulaires dorsales ou palmaires des doigts et sur les pulpes (fig. 5.4). Des macules érythémateuses et violacées étendues et symétriques sont fréquentes au cours de la DM. Elles peuvent intéresser le décolleté (en V) (fig. 5.5). En l’absence d’atteinte œdémateuse nette des paupières, ces lésions peuvent évoquer une photodermatose, une dermite de contact ou un lupus érythémateux. De même, le caractère parfois squameux des macules du visage, des mains ou du cuir chevelu (avec ou sans alopécie associée) peuvent rendre le diagnostic hésitant avec le lupus érythémateux ou une dermite séborrhéique. Une atteinte maculeuse, en nappe, de la face postérieure du cou, de la partie haute des épaules et de la racine des membres supérieurs constitue le signe du « châle » (shawl sign) (fig. 5.6). Au niveau de cette localisation, les macules peuvent rarement adopter une disposition linéaire à type d’érythème flagellé, spécifique de la DM ⁷ (fig. 5.7).
Fig. 5.2 Signe de Gottron de la dermatomyosite : macules rouge violine du dos des mains, disposées en bandes en regard des tendons extenseurs se renforçant en regard des articulations interphalangiennes et métacarpophalangiennes L’atteinte bilatérale et symétrique des faces latérales des cuisses (en regard des grands trochanters) et des hanches, souvent de disposition réticulée, constitue un autre signe clinique évocateur (holster sign pour le signe de l’« étui de révolver ») (fig. 5.8). Les lésions poïkilodermiques associent un érythème, des télangiectasies, des troubles pigmentaires à type d’hypo- ou d’hyperpigmentation et une atrophie (fig. 5.9). Elles se localisent avec prédilection sur la partie haute du tronc (épaules, haut du dos, décolleté antérieur) et des fesses, sont fréquemment disposées de façon asymétrique, et résultent le plus souvent d’une évolution chronique des macules violacées spontanée ou après traitement. Elles peuvent constituer la présentation clinique principale de l’affection (poïkilodermatomyosite). Dans ce cas, le diagnostic pourra être discuté avec une radiodermite, un lymphome cutané T épidermotrope (mycosis fungoïde), plus rarement un lupus érythémateux ou des maladies héréditaires (poïkilodermies congénitales). Des lésions vésiculo-bulleuses, ulcérées ou nécrotiques, peuvent être observées, mais leur mécanisme est souvent non univoque. Histologiquement, elles associent à des degrés variables une dermite d’interface sévère et une vascularite. Statistiquement, ces formes seraient plus souvent associées à une néoplasie ⁸,⁹. Dans une étude regroupant 4 séries de la littérature et colligeant 101 malades atteints de DM dont 36 associés à un cancer (35,6 %), la valeur prédictive d’une nécrose cutanée pour l’association à un cancer a été évaluée à 81 % (sensibilité de 58,3 % ; spécificité de 92,3 %) ¹⁰. L’érythrodermie, définie par un érythème généralisé, squameux et œdémateux, associé à un retentissement sur l’état général, des troubles de la thermorégulation et une lymphadénopathie dermopathique, est une forme clinique exceptionnelle de dermatomyosite. Le faible nombre de cas rapportés ne permet pas d’établir un risque accru de néoplasie associée ou un pronostic péjoratif ¹¹. Les lésions de panniculite sont exceptionnelles. Elles se caractérisent par des nodules cutanés profonds, indurés et
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Lésions cutanées spécifiques de dermatomyosite 5-3
Fig. 5.3 Papules de Gottron au cours d’une dermatomyosite juvénile. Ces papules à caractère atrophique, déprimées en leur centre et de couleur blanc porcelainé sont disposées en regard des faces articulaires d’extension du dos des mains douloureux touchant avec prédilection les bras, les fesses, les cuisses et l’abdomen ¹². La survenue de ces lésions est variable, pouvant précéder les premiers symptômes de la DM ou apparaître de façon concommitante ou tardive au cours de la maladie. Histologiquement, il existe constamment une hypodermite lobulaire composée d’un infiltrat lymphocytaire et plasmocytaire accompagné d’une dermite vacuolaire de l’interface et parfois de lésions membranokystiques. Les atteintes muqueuses buccales à type d’érythème rouge vif vernissé parfois accompagnées d’érosions ou génitales sont rares. Anatomopathologie L’aspect histologique des lésions de dermatomyosite n’est pas spécifique et peut s’observer au cours des lésions cutanées lupiques : hyperkératose, atrophie épidermique, dermite d’interface avec une vacuolisation de l’assise basale, un œdème dermique superficiel et des dilatations des capillaires, une incontinence pigmentaire et parfois dépôts de mucine ¹³ (fig. 5.10). L’infiltrat inflammatoire, périvasculaire, est surtout composé de lymphocytes CD4 +, activés et polynucléaires neutrophiles ¹⁴. Une turgescence de l’endothélium vasculaire, des dilatations vasculaires et des dépôts de fibrine dans la paroi vasculaire sont souvent présents. La présence d’une vascularite leucocytoclasique augmenterait le risque d’association avec une néoplasie sur une petite série : 4 cancers chez 5 malades avec vascularite versus 3 cancers/18 sans vascularite ¹⁵. La positivité de l’immunofluorescence directe en peau lésionnelle est statistiquement un critère distinctif de la DM par rapport au lupus érythémateux. En effet, des dépôts de C3 ou d’immunoglobulines G le long de la jonction dermoépidermique sont présents dans 90 % des cas de lupus aigus ou discoïde alors qu’ils ne sont retrouvés dans notre expérience que dans 10 à 20 % des lésions de dermatomyosite. La présence du complexe membranaire d’attaque C5b-9 le long de la jonction dermoépidermique ou
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Dermatomyosite Manifestations cutanées de la dermatomyosite Lésions spécifiques • Papules de Gottron (pathognomonique) (70 %) • Érythème violacé des paupières (héliotrope) avec ou sans œdème (très caractéristique) (30 à 60 %) • Macules érythémateuses et violacées symétriques des faces d’extension des mains (signe de Gottron) (70 %), du décolleté (en V), des épaules (signe du châle) et des faces externes des cuisses et des hanches (caractéristique) • Poïkilodermie (partie haute du thorax, poïkilodermatomyosite) (rare) • Érythème flagellé centripète (caractéristique, rare) • Panniculite (rare) Lésions vasculaires • Érythème périunguéal, télangiectasies et épaississement douloureux de la cuticule (signe de la manucure) (caractéristique) • Nécroses cutanées • Vasculite (10 %, surtout DM juvénile et paranéoplasique) • Syndrome de Raynaud (10 à 15 %) • Télangiectasies gingivales (rare, surtout DM juvénile) • Livédo (rare) Autres lésions cutanées • Fréquentes − Prurit (plus de 30 %) − Photosensibilité (20 %) − Calcinose cutanée (30 à 50 % des DM juvéniles) • Rares − Main mécanique (caractéristique, surtout syndrome des antisynthétases) − Papules folliculaires et kératosiques (type Wong) − Alopécie non cicatricielle − Hypertrichose infrapatellaire (surtout DM juvénile) − Érythrodermie − Mucinose secondaire − Ulcération cutanée sans vasculite − Ichtyose acquise − Œdèmes segmentaires
5.C de la paroi des vaisseaux a été mis en évidence au cours de la DM ¹⁶,¹⁷. Traitement Les lésions dermatologiques ne justifient pas d’un traitement spécifique car elles disparaissent avec le traitement de l’atteinte musculaire. En général, cette régression est grossièrement parallèle à celle de l’atteinte musculaire. En revanche, un traitement dermatologique est préconisé dans les formes amyopathiques primitives ou les rares formes cutanées résiduelles ou récidivantes sur un plan cutané isolé et sans atteinte clinique musculaire. Il est analogue au traitement de première intention du lupus cutané, ne
nécessitant pas de corticothérapie générale ou d’immunosuppresseurs, mais son efficacité est décevante. Une photoprotection vestimentaire et des photoprotecteurs externes sont systématiquement prescrits du fait de la photosensibilité possible des lésions. Les dermocorticoïdes en application quotidienne peuvent constituer un traitement d’appoint en cas de lésions limitées et peu affichantes ¹⁸-¹⁹. Ils sont à éviter sur le visage en raison du risque accru de complications (atrophie cutanée, rosacée cortico-induite). Les applications biquotidiennes de tacrolimus pommade à 0,1 % pendant 6 à 8 semaines peuvent améliorer les lésions à des degrés d’efficacité variable ²⁰. L’hydroxychloroquine est généralement prescrite en première intention, seule ou associée aux dermocorticoïdes, à la dose de 200 à 400 mg/j, mais son efficacité est très inconstante ¹⁸. La chloroquine a également été utilisée à la dose de 100 à 250 mg/j ¹⁹. Les associations d’antipaludéens de synthèse (chloroquine ou hydroxychloroquine avec la quinacrine) pourraient être plus efficaces ²⁰ mais la quinacrine n’est disponible qu’en pharmacie hospitalière en France. La dapsone, le mycophénolate mofétil ²² et le méthotrexate à faible dose sont des alternatives en cas d’échec des précédents traitements. Le thalidomide est inefficace. Les gammaglobulines intraveineuses à fortes doses sont, dans notre expérience, le traitement le plus souvent efficace mais leur coût en limite l’utilisation.
Lésions vasculaires L’érythème congestif, bien limité, de la sertissure des ongles des mains et parfois des pieds est très évocateur, témoignant de l’atteinte vasculaire. Le repli unguéal est douloureux à la pression ou au refoulement des cuticules (signe de la manucure). Il s’associe à un épaississement de la cuticule parfois hémorragique et à des mégacapillaires souvent visibles à l’œil nu (fig. 5.11). Un aspect similaire est parfois observé au cours du lupus. Un syndrome de Raynaud, en règle modéré, est présent dans 10 à 15 % des DM de l’adulte, pouvant précéder la maladie de plusieurs années. Il est en revanche rare chez l’enfant. Les vascularites ou les thromboses cutanées sans lésion de DM en regard sont principalement rapportées dans les formes associées à une autre connectivite ou à une néoplasie.
Autres lésions cutanées Le prurit est un signe sous-estimé de la DM, parfois associé à des excoriations cutanées secondaires. Sa présence constitue un marqueur utile de différenciation avec le lupus érythémateux au cours duquel il est rarement observé ²³. Par ailleurs, il pourrait constituer un facteur prédictif d’association à une néoplasie. Une photosensibilité est présente dans plus d’un tiers des cas avec une réduction de la dose érythémateuse minimale aux ultraviolets B dont la longueur d’ondes varie entre 480 et 320 nm ²⁴.
Autres lésions cutanées
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Fig. 5.4 Atteinte comparative des mains au cours de la dermatomyosite et du lupus érythémateux. À l’opposé de la dermatomyosite, les lésions cutanées lupiques prédominent sur les zones interarticulaires dorsales ou palmaires des doigts et sur les pulpes Tableau 5.1 Caractéristiques cliniques du syndrome des antisynthétases ²⁷
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Malades Sex-ratio F/H 1,4 à 2,7 Âge moyen au moment du diagnostic 41 à 45 ans
Fig. 5.5
Érythème en « V » préthoracique au cours de la dermatomyosite
La dermatomyosite de type Wong se caractérise par des papules érythémateuses, kératosiques et folliculaires survenant aux extrémités et sur les surfaces d’extension des membres, parfois associée à une kératodermie palmaire, voire plus rarement généralisée (fig. 5.12). Elle a été rapportée chez l’adulte et l’enfant, avec une fréquence supérieure chez le sujet d’origine eurasienne. La présentation clinique est proche du pityriasis rubrapilaire mais s’en distingue histologiquement par la présence d’une hyperkératose follicu-
Manifestations cliniques Atteinte cutanée des mains de type dermite irritative mécanique Phénomène de Raynaud Fièvre Myalgies Déficit musculaire Arthralgies Dyspnée Atteinte pulmonaire interstitielle Syndrome sec
71 % 62 à 93 % 87 % 84 % 4% 90 à 94 % 94 % 79 à 89 % 50 à 59 %
laire surmontant une myosite du muscle piloarrecteur ²⁵,²⁶. La main mécanique (terme anglo-saxon) désigne un aspect de dermite irritative des mains marquée par une hyperkératose fissuraire des doigts, parfois des paumes, bilatérale, confluente et symétrique (fig. 5.13). Elle peut s’intégrer dans le syndrome des antisynthétases ²⁷. Les caractéristiques cli-
Dermatomyosite
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Fig. 5.6 Érythème diffus du dos et des épaules (signe du châle) au cours de la dermatomyosite niques et immunologiques de ce syndrome sont résumées dans le tableau 5.1. La discrétion de l’atteinte musculaire ne doit pas conduire à sous-estimer la gravité, en particulier le risque de fibrose pulmonaire et une mortalité de 21 % à 5 ans. Une mucinose en plaques ou sous la forme d’un scléromyxœdème est rarement rapportée. Elle succède le plus souvent aux manifestations musculaires et peut se traduire cliniquement soit par des larges plaques infiltrées (fig. 5.14), soit par des lésions érythémateuses réticulées thoraciques ²⁸. Les calcifications cutanées sont plus fréquentes chez l’enfant que chez l’adulte (30 à 70 % versus 10 %). Elles peuvent être associées à des calcifications aponévrotiques et musculaires. Elles touchent les régions périarticulaires proximales des membres, les plis axillaires (fig. 5.15), les hanches, les reliefs des coudes et des genoux. À l’inverse de la sclérodermie, elles épargnent habituellement les régions paraarticulaires distales des mains et les pulpes digitales. Elles occasionnent des douleurs et une gêne fonctionnelle parfois majeure. Un traitement précoce et intensif de la dermatomyosite pourrait partiellement les prévenir. Une fois installées, ces calcinoses cutanées sont de traitement difficile ²⁹. La colchicine (1 mg/j), la warfarine, le diltiazem, l’hydroxyde d’alumine, le probénécide et l’alendronate ont été employés avec succès dans quelques cas. La chirurgie peut être utile dans le traitement des calcinoses cutanées localisées.
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Fig. 5.7 Macules érythémateuses de disposition linéaire (érythème flagellé) de la racine du membre supérieur : un signe très spécifique, rare mais sous-estimé au cours de la dermatomyosite Des œdèmes segmentaires mobiles plus ou moins sévères, variables d’un jour à l’autre, parfois au premier rang du tableau dermatologique, peuvent accompagner l’atteinte musculaire sous-jacente.
Manifestations musculaires Clinique Les manifestations musculaires peuvent être inaugurales ou secondaires à l’atteinte cutanée. Le déficit moteur touche la musculature striée de manière bilatérale et symétrique. Il s’agit d’un déficit de type myogène, non sélectif, prédominant sur les muscles proximaux de la ceinture scapulaire et pelvienne. Son intensité est variable, allant d’une simple gêne fonctionnelle à une véritable paralysie diffuse confinant le malade au lit. L’impossibilité à lever les bras de façon prolongée pour se peigner, à se lever d’un siège sans l’aide des bras (signe du tabouret) sont utiles au diagnostic. Un déficit distal est parfois noté dans les formes évoluées. L’atteinte des muscles périrachidiens est au second plan, en dehors des muscles de la nuque. L’atteinte des muscles du pharynx et de la partie supérieure
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Manifestations musculaires 5-7
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Fig. 5.9 Poïkilodermie (association d’une atrophie cutanée avec télangiectasies et troubles pigmentaires) de la face antérieure du décolleté au cours de la dermatomyosite
Fig. 5.8 Large macule rouge violine, squameuse avec renforcement folliculaire, de la face externe de la cuisse au cours de la dermatomyosite (holster sign) de l’œsophage, observée dans 25 à 30 % des cas, se traduit par une dysphagie, des troubles de la déglutition et des fausses routes et conditionne le pronostic. La musculature oculaire est épargnée. L’atrophie musculaire, les contractures et la diminution des réflexes ostéo-tendineux sont rares. Les myalgies, souvent associées, spontanées ou provoquées par la palpation des masses musculaires, peuvent être au premier plan dans les formes aiguës. Elles sont plus rares dans les formes subaiguës et chroniques. Les muscles sont d’aspect normal à la palpation ; dans les formes aiguës peut exister une augmentation œdémateuse de volume des muscles dont la consistance devient ferme ou indurée. Dans les formes évolutives et prolongées peut se développer une amyotrophie, parfois associée à des rétractions et observée préférentiellement chez l’enfant. Biologie et autres examens complémentaires L’élévation des enzymes musculaires est évocatrice mais inconstante, présente dans 75 à 85 % des cas. En pratique courante sont dosées les créatines phosphokinases (CPK), les aldolases, les lacticodéshydrogénases (LDH) et les transaminases. Ces enzymes constituent pour certains auteurs
Fig. 5.10 Lésions histologiques de la dermatomyosite : hyperkératose (HK), atrophie épidermique avec vacuolisation de l’assise basale (VB), infiltrat inflammatoire périvasculaire et dilatation des capillaires (C) (hématoxyline-éosine, × 25) un test d’évolutivité. L’isolement des iso-enzymes MM ou MB des CPK ne permet pas de différencier une éventuelle atteinte myocardique du fait d’une secrétion de l’isoenzyme MB par les fibres musculaires en cours de régénération. La myoglobine semble représenter un index sensible et précoce des nécroses musculaires. Les dosages de la créatine urinaire, de la lactacidémie ou de l’aspartate aminotransférase ont un intérêt limité. L’électromyogramme met en évidence des altérations caractéristiques dans les territoires atteints. Les potentiels d’unité motrice sont de faible amplitude, nombreux, brefs et polyphasiques avec recrutement précoce, associés à des potentiels de fibrillation, un aspect d’irritabilité membranaire lors de l’insertion de l’aiguille et des décharges spontanées de haute fréquence pseudo-myotoniques. Il n’y a pas d’atteinte neurogène et la vitesse de conduction nerveuse est normale. Ces anomalies sont cependant inconstantes et leur mise en évidence nécessite l’exploration de nombreux groupes musculaires. L’examen musculaire par résonance magnétique nucléaire (IRM) a un intérêt en cas de négativité des examens pré-
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cédents pour guider une éventuelle biopsie ou, après traitement, pour authentifier une récidive devant une faiblesse musculaire pouvant également être secondaire à la corticothérapie. Elle montre des images normales en T1 et un hypersignal en T2, témoignant d’une inflammation. Bien que fortement orienté par l’examen clinique, le diagnostic de l’atteinte musculaire repose sur l’examen histologique d’une biopsie musculaire. Son intérêt en présence d’une atteinte typique cutanée et de signes cliniques, biologiques et électromyographiques d’atteinte musculaire reste discuté. Malgré l’évidence du diagnostic, une preuve histologique paraît cependant indispensable avant de débuter un traitement aggressif et prolongé. En revanche, la biopsie musculaire semble inutile devant une forme clinique et biologique amyopathique. Les lésions de myopathies inflammatoires étant focales, une première biopsie peut s’avérer normale ; elle devra être répétée au besoin et guidée par une IRM. L’atteinte histologique de la DM est différente de celle de la PM. Il existe des lésions vasculaires avec réduction capillaire, hyperplasie endothéliale, microthrombi et nécrose vasculaire. Des dépôts de complexes d’attaque membranaires du complément (C5b-C9) et des dépôts d’IgG et de C3 sont visibles dans les capillaires et les artérioles en immunohistochimie. L’infiltrat, composé essentiellement de cellules T CD4 + et de cellules B avec quelques macrophages, est de siège périvasculaire et périmysial. Les lésions des fibres musculaires sont la conséquence directe des lésions vasculaires avec des lésions d’atrophie périfasciculaire, une lyse myofibrillaire focale, des nécroses et une regénérescence ³⁰.
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Fig. 5.11 Érythème péri-unguéal lié à la présence de mégacapillaires, visibles à l’œil nu, au cours de la dermatomyosite
Fig. 5.12 Spicules hyperkératosiques du flanc diffuses, en nappe, au cours de la dermatomyosite de type Wong
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Fig. 5.13 Hyperkératose fissuraire des faces latérales des doigts (« main mécanique ») au cours d’un syndrome des antisynthétases chez une femme de 55 ans
Autres manifestations Manifestations articulaires Elles sont notées dans 15 à 30 % des cas, surtout à type d’arthralgies de rythme inflammatoire des poignets, des genoux, des épaules, des articulations métacarpophalangiennes et interphalangiennes proximales. Elles réalisent
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Autres manifestations 5-9
Fig. 5.15 Calcinose cutanée profonde et musculaire compliquant une dermatomyosite de l’adulte
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cardiographie chez tout malade atteint de dermatomyosite.
Fig. 5.14 Macules hyperpigmentées et scléreuses au cours d’une mucinose secondaire à une dermatomyosite amyopathique évoluant depuis une dizaine d’années en règle générale une atteinte oligoarticulaire. Les arthrites, exceptionnelles, sont habituellement résolutives en quelques semaines. Il n’y a généralement ni déformation, ni destruction ostéo-articulaire, excepté au cours du syndrome des antisynthétases. Manifestations cardiaques Elles ne doivent pas être négligées car elles sont possiblement mortelles. Leur fréquence dépend des moyens mis en œuvre pour les dépister de 10 à plus de 70 % dans les formes autopsiques ³¹. Elles sont symptomatiques dans moins de 10 % des cas ³². Diverses manifestations ont été rapportées. Les plus fréquentes sont des anomalies électriques (bloc de branche, bloc auriculo-ventriculaire, anomalies du segment ST, anomalies de l’onde Q...) et des troubles du rythme (extrasystoles supraventriculaires et ventriculaires, fibrillations auriculaires, tachycardies supraventriculaires et ventriculaires...). Plus rarement ont été rapportés une vascularite coronaire ou des vaisseaux intramyocardiques, une myocardite par atteinte inflammatoire du muscle cardiaque, un prolapsus de la valve mitrale, une péricardite, une hypokinésie ventriculaire, voire une insuffisance cardiaque congestive. Les anticorps anticytoplasmiques de type anti-SRP seraient associés aux myocardites. Le risque d’atteinte cardiaque justifie la pratique systématique d’un électrocardiogramme, d’un holter électrique et d’une écho-
Manifestations pulmonaires Elles surviennent dans 5 à 45 % des cas ³³,³⁴. Les plus fréquentes sont la pneumopathie interstitielle, la pneumopathie d’inhalation liée en partie aux troubles moteurs pharyngo-œsophagiens, l’hypoventilation alvéolaire secondaire à une atteinte des muscles striés respiratoires, les pneumopathies infectieuses éventuellement opportunistes (pneumocystose) secondaires à l’immunodépression. Les autres atteintes sont moins fréquentes : hypertension artérielle pulmonaire isolée, pneumopathie interstitielle iatrogène (méthotrexate), pneumothorax ou pneumomédiastin spontané. La pneumopathie interstitielle diffuse, présente dans 10 à 15 % des cas, est inaugurale dans 20 à 50 % des cas, précédant parfois de plusieurs mois les signes musculaires ou cutanés. Elle est particulièrement fréquente au cours du syndrome des antisynthétases. Elle peut avoir plusieurs modes de présentation : aigu avec une symptomatologie pulmonaire brutale s’aggravant rapidement et un décès par insuffisance respiratoire en 4 à 6 semaines (25 % des cas), insidieux avec apparition progressive d’une dyspnée ou d’une toux sèche (60 %) ou totalement asymptomatique, découverte lors des radiographies pulmonaires systématiques. La tomodensitométrie pulmonaire haute résolution est l’examen de choix pour étudier l’étendue des lésions pulmonaires, siégeant préférentiellement dans les lobes inférieurs et les régions postérieures. Le lavage bronchopulmonaire peut mettre en évidence une alvéolite lymphocytaire ou à polynucléaires neutrophiles. Le pronostic est sombre avec des décès liés à la pneumopathie dans 14 à 30 % des cas. Le traitement fait appel aux corticoïdes et aux immunosuppresseurs. La pneumopathie d’inhalation est notée dans 10 à 20 % des séries, représentant également une cause de mortalité. Elle doit être prévenue dès l’apparition des troubles de la déglutition. L’insuffisance ventilatoire par faiblesse des muscles respiratoires est présente dans 4 à 8 % des cas. Elle est à l’origine d’images d’atélectasie radiographique. Enfin, les infections opportunistes liés au traitement sont essentiellement pulmonaires et digestives ³⁵.
5-10 Dermatomyosite
Autres manifestations cliniques Les signes généraux sont très variables d’un sujet à l’autre : possibilité de fièvre, d’asthénie (à interpréter en fonction de la symptomatologie musculaire) et d’amaigrissement. La présence d’un syndrome inflammatoire est inconstante comme la polynucléose. Les atteintes digestives se résument généralement à une dysphagie et à des troubles de la motilité œsophagienne. Des troubles de l’absorption intestinale par entérocolopathie ont été rapportés. Une atteinte rénale est exceptionnelle, le plus souvent biologique avec hématurie et leucocyturie.
Formes cliniques Dermatomyosites amyopathiques Les DM amyopathiques (dermatomyosites sans myosite) sont définies par une atteinte cutanée typique confirmée histologiquement et l’absence de myosite clinique et enzymatique patente après au moins 2 ans de suivi ⁵. Elles représentent 2 à 18 % des dermatomyosites ¹⁸,³⁷. Les lésions dermatologiques sont globalement identiques à celles observées au cours de la forme avec myosite. L’évolution tardive vers une authentique forme avec myosite est rare. En revanche, le risque d’atteinte pulmonaire interstitielle a été rapporté avec prédilection chez les Asiatiques, et ce, en l’absence d’un syndrome des antisynthétases ³⁸. Les DM amyopathiques peuvent être associées à un cancer qui doit être recherché systématiquement. La prévalence de cette association paraît similaire à celle de la DM classique. Dermatomyosites juvéniles Les manifestations dermatologiques sont proches de celles de l’adulte mais de début souvent insidieux à l’origine de retards diagnostiques ⁶. L’atteinte cutanée débute fréquemment par un érythème des extrémités, surtout périunguéal et télangiectasique persistant. Des télangiectasies muqueuses du repli gingival antérieur ³⁹, ainsi qu’une hypertrichose diffuse ou localisée, sous-patellaire ⁶ (fig. 5.16), constituent des signes cliniques rares et observés avec prédilection chez l’enfant. Les lésions de vasculite cutanée sont également plus fréquentes que chez l’adulte. Elles peuvent entraîner une occlusion vasculaire à l’origine de nécroses cutanées pouvant se compliquer d’ulcérations secondaires ⁵. La survenue d’une calcinose sur le site de l’inflammation (calcinose dystrophique) avec atteinte de la peau, mais aussi du fascia et du muscle en regard peut être responsable de douleurs sévères, d’ulcérations cutanées secondaires et de rétractions musculo-tendineuses confinant à une impotence sévère et persistante ⁷. Des lipodystrophies localisées avec perte du capital graisseux massétérien et/ou des extrémités supérieures et inférieures peuvent être obser-
vées ⁴⁰-⁴³. Elles peuvent être généralisées, s’associant dans un cas sur deux à un hirsutisme, un acanthosis nigricans, un diabète sucré insulino-dépendant et une hypertriglycéridémie. Les manifestations viscérales de la DM juvénile sont marquées par une atteinte digestive plus fréquente que chez l’adulte, pouvant occasionner une malabsorption voire des perforations. En revanche, les atteintes pulmonaires et cardiaques sont plus rares et l’association à un cancer reste exceptionnelle ⁴⁰. Dermatomyosite et cancers Le lien entre dermatomyosite et cancer est établi depuis l’étude épidémiologique suédoise de 1992 ⁴⁴ ayant démontré un risque relatif de cancer accru chez les sujets atteints de DM : 2,4 chez les hommes et 3,4 chez les femmes. Ces résultats ont été confirmés depuis dans d’autres pays avec un risque relatif oscillant entre 3 et 8 ⁴⁵-⁴⁷. La compilation des séries a montré la grande diversité des tumeurs observées et la prédominance chez la femme des cancers gynécologiques (mammaires, utérins et ovariens) et chez l’homme des cancers bronchiques, prostatiques et digestifs. Dans l’importante étude rétrospective de Hill et al. ⁴⁵, portant sur 618 patients ayant une DM et comparée à une population de même sexe et même âge, le risque relatif (RR) était augmenté pour les tumeurs suivantes : ovaire (RR : 10,5), poumon (RR : 5,9), pancréas (RR : 3,8), estomac (RR : 3,5), œsophage (RR : 2,9), col de l’utérus (RR : 2,7), sein (RR : 2,2), côlon et rectum (RR : 2,5), lymphomes de type Hodgkin (RR : 5,9) et non hodgkiniens (RR : 3,6). D’autres variétés de cancers ont été notées dont ceux de la vessie et du nasopharynx chez les Asiatiques. L’étude du lien temporel entre la DM et le cancer se heurte à des biais méthodologiques étant donné les difficultés d’appréciation du début du cancer et de la DM. Celle-ci précède l’apparition du cancer dans environ 70 % des cas. Le délai de survenue entre DM et cancer est le plus souvent inférieur à 1 an. Dans la majorité des études, le risque accru de cancer persiste au moins jusqu’à 5 ans après la découverte de la DM ⁴⁴-⁴⁷. En l’absence habituelle de paral-
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La gravité potentielle des atteintes pulmonaires justifie de pratiquer devant toute DM une radiographie thoracique, des épreuves fonctionnelles respiratoires, et une manométrie œsophagienne afin de dépister précocement ces atteintes justifiant un traitement plus intensif et un suivi plus étroit.
Fig. 5.16 Hypertrichose localisée sous-patellaire au cours d’une dermatomyosite chez un garçon de 9 ans
Auto-anticorps des malades traités pour une polyarthrite rhumatoïde ⁵¹. L’hydroxyurée est responsable, chez environ 5 % des malades traités au long cours, d’un érythème en bande des mains (fig. 5.18), évocateur de DM ⁵², mais sans atteinte musculaire associée. Un tableau de lésions cutanées de type dermatomyosite sans atteinte musculaire a également été décrit avec les thérapeutiques suivantes : étoposide, cyclophosphamide, diclofenac, acide acétylsalicylique.
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lèle évolutif, la DM associée au cancer ne constitue pas un authentique syndrome paranéoplasique. Certains critères cliniques ou biologiques sont statistiquement associés à l’association à un cancer : âge supérieur à 60 ans, nécrose cutanée ou vasculite leucocytoclasique cutanée (fig. 5.17). Le prurit est un signe peu spécifique qui doit cependant inciter à rechercher une néoplasie en particulier chez un sujet âgé. À l’inverse, le risque néoplasique apparaît faible ou nul au cours de la forme juvénile de DM, d’association à une connectivite mixte ou de syndrome des antisynthétases. Aucun consensus n’existe concernant l’ampleur ni la périodicité du bilan à réaliser chez un sujet avec DM ⁴⁸. Les recommandations varient allant de l’examen clinique attentif associé à un bilan biologique simple jusqu’à des examens paracliniques complets : scanner thoracoabdominopelvien, mammographie, examen gynécologique avec échographie intravaginale, voire cœlioscopie, fibroscopie, colonoscopie, biopsie médullaire. L’intérêt du suivi des marqueurs tumoraux CA 125 et CA19-9 paraît cependant établi ⁴⁹.
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Fig. 5.18 Lésions érythémateuses et atrophiques du dos des mains à type de pseudodermatomyosite au cours d’un traitement au long cours par l’hydroxyurée
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Auto-anticorps
Fig. 5.17 Nécroses et érosions cutanées au cours d’une dermatomyosite révélant un carcinome broncho-pulmonaire chez un homme de 80 ans Dermatomyosites associées à d’autres maladies auto-immunes Les formes intriquées représentent 10 à 20 % de l’ensemble des myosites et sont plus fréquentes en présence d’une polymyosite que d’une DM. Les maladies associées sont la sclérodermie, le syndrome de Sjögren, le lupus érythémateux disséminé, la polyarthrite rhumatoïde et les maladies thyroïdiennes ⁷. Dermatomyosite et médicaments De nombreuses classes médicamenteuses sont rapportées comme inducteurs possibles de myosite : fibrates, statines, antirétroviraux, interféron-α, isoniazide, tamoxifène, chlorpromazine, antazoline, clemizol, phénylbutazone, D-pénicillamine. En revanche, les publications faisant état d’authentiques DM médicamenteuses sont ponctuelles et de faible niveau de preuve. Ainsi, parmi les observations décrites avec les statines, seule celle induite par l’atorvastatine peut être retenue du fait d’une régression de la symptomatologie après le seul arrêt du médicament ⁵⁰. La D-pénicillamine pourrait induire des DM ou des polymyosites chez IL interleukine · TNF tumor necrosis factor
De nombreux auto-anticorps ont été mis en évidence au cours des polymyosites et dermatomyosites (tableau 5.2), sans que leur caractère pathogène ne soit établi ⁵³. Leur utilité pratique est encore modeste en l’absence de standardisation des méthodes de détection. Les anticorps antiJO1 sont les plus couramment recherchés et sont associés au syndrome des antisynthétases.
Physiopathogénie La DM serait une maladie primitivement vasculaire ayant comme cible antigénique principale l’endothélium des capillaires musculaires ⁵⁴. L’atteinte débuterait essentiellement par une activation de la fraction C3 du complément par des anticorps dirigés contre les cellules endothéliales sous l’influence d’antigènes encore inconnus. Le rôle d’agents infectieux (coxsackie, parvovirus B19, virus Epstein-Barr, rétrovirus exogènes...) a été suspecté mais non prouvé par des études par polymerase chain reaction PCR au niveau des muscles lésés ¹³. L’activation du C3 aboutit à la formation de C3b, C4b et du complexe d’attaque membranaire C5bC9 MAC (membranolytic attack complex) responsables d’une nécrose et de l’occlusion des capillaires puis secondairement d’une ischémie et d’une nécrose musculaire ⁵⁴. Le rôle de certaines cytokines pro-inflammatoires secondaires à l’activation du complément telles que l’interleukine (IL)-1-α et β, le tumor necrosis factor (TNF)-α, l’interféron (IFN)-γ mais aussi de chemokines, du transforming
5-12 Dermatomyosite Tableau 5.2
Principaux anticorps associés aux myopathies inflammatoires , d’après 45
Auto-Ac I Anticytoplasmiques Anti-t-ARN synthétases Anti-Jo-1(PLl) Anti-PL-7 Anti-PL-12 Anti-EJ Anti-JS Anti-KS Anti-OJ Anti-KJ Anti-Fer Anti-Wa Anti-SRP « signal recognition particle »
Anti-Mas
II Antinucléaires Anti-Mi-2
Anti-PM-Scl
Anti-Ku
Cible antigénique
Prévalence (PM/DM)
Particularité clinique
Amino-acyl-t-ARN-synthétase Histidyl-t-ARN-synthéthase Thréony-t-ARN-synthéthase Alanyl-t-ARN-synthéthase Glycyl-t-ARN-synthéthase Glutaminyl-t-ARN-synthéthase Asparaginyl-t-ARN-synthéthase Isoleucyl-t-ARN-synthéthase et autres enzymes du complexe Peptide de 30/34 kDa (facteur de translocation) eEFI (facteur d’élongation) Peptide de 48 kDa (fonction inconnue) Ribonucléoprotéine de 325 kDa avec 7 ARN SL ARN et 6 peptides (9, 14, 19, 54, 68, 72 kDa) associés aux ribosomes (facteur de régulation de la translocation) t-ARN (48 kDa) formant à un complexe serine-t-ARN-protéine
20 %
Syndrome des t-ARN-synthéthases — Polyarthrite parfois déformante mais non destructrice (50-60 % des cas) — Atteinte pulmonaire interstitielle (50-90 % des cas) — Syndrome de Raynaud (50-60 % des cas) — Atteinte cutanée avec mains mécaniques — Myosite souvent peu sévère
Complexe peptidique (240, 200, 150, 72, 65, 64, 50 et 40 kDa) intervenant dans la transcription (activités hélicases, ATPase, déacétylase...) Complexe peptidique (11 à 16 peptides dont 2 principaux de 100 et de 75 kDa) formant un exosome (activités exoribonucléases) Hétérodimère (80 et 70 kDa) associé à une protéine kinase ADN dépendante (350 kDa)
10-15 % DM (> 90 % des cas) avec parfois atteinte (surtout DM) pulmonaire interstitielle
< 5% < 5% < 1% < < <
0,4 g/l ou créatinine > 15 mg/l. Présence Ag ou Ac HBs. Anévrismes ou occlusions d’artères viscérales. Présence de polynucléaires avec ou sans lymphocytes dans la paroi d’artères de petit ou moyen calibre. La présence de 3 critères ou plus est associée à une sensibilité de 82,2 % et une spécificité de 86,6 %.
6.J
images de vasculite leucocytoclasique des petits vaisseaux dermiques, parfois une atteinte des artérioles hypodermiques. D’autres organes peuvent être biopsiés en fonction de la symptomatologie clinique, mais la biopsie rénale est à éviter, surtout s’il existe des micro-anévrismes. En immunofluorescence, il existe souvent sur les parois vasculaires des dépôts d’immunoglobulines, IgM surtout, et de complément. L’angiographie rénale et/ou cœlio-mésentérique, réalisée en cas de doute diagnostique, montre au niveau des vaisseaux de moyen calibre, des sténoses segmentaires et des micro-anévrismes, de taille variable (1 à 5 mm, voire plus), mais ceux-ci sont inconstants. Le diagnostic de PAN se fait donc sur un ensemble de signes cliniques, biologiques et anatomopathologiques. Le Collège américain de rhumatologie a élaboré une liste de critères diagnostiques qui ont surtout l’intérêt de distinguer la PAN des autres vasculites systémiques (encadré 6.J) ⁸³. L’évolution de la maladie se fait habituellement sans rechute (moins de 10 % des cas), une fois la rémission obtenue, en quelques mois ou années. Les décès sont dus soit à une atteinte multiviscérale non contrôlée par le traitement, soit aux complications, en particulier infectieuses, des diverses thérapeutiques utilisées. Les choix de traitement sont fonction de l’âge du patient, de la sévérité de la maladie et de son évolution probable. Plusieurs scores de gravité sont utilisés, comme celui de Guillevin et al. : Five Factor Score (FFS) colligeant une protéinurie supérieure à 1 g/l, une insuffisance rénale avec créatinine supérieure à 140 μmol/l, une cardiomyopathie, une atteinte digestive sévère, une atteinte du système nerveux central ⁸⁴. Les traitements sont différents selon que la maladie est primitive ou secondaire à une infection par le VHB ou le VHC ⁸⁵. En l’absence d’infection virale, le traitement est débuté par une corticothérapie à haute dose (1 mg/kg/jour, précédé parfois d’un ou plusieurs bolus de méthylprednisolone à la dose de 15 mg/kg/jour), habituellement diminuée dans le mois suivant, lorsqu’il y a amélioration des signes cliniques et normalisation de la VS et de la CRP. La décroissance est ensuite progressive, jusqu’à l’arrêt du traitement,
ARA American Rheumatism Association · PAN périartérite noueuse · VHB virus de l’hépatite B · VHC virus de l’hépatite C
6-20 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques
Coll. D. Bessis
en 9 à 12 mois. Les corticoïdes sont prescrits seuls lorsque le FFS est égal à zéro, associés aux immunosuppresseurs dans les formes graves (FFS supérieur ou égal à un) ou en cas de rechute. C’est habituellement le cyclophosphamide qui est utilisé, soit per os, soit en bolus. Quand l’étiologie de la PAN est infectieuse, l’association corticoïdes-immunosuppresseurs stimule la réplication virale, aggrave l’évolution des hépatites chroniques et facilite la progression vers la cirrhose. Plusieurs protocoles thérapeutiques sont alors proposés combinant corticothérapie initiale pour contrôler les manifestations les plus sévères de la PAN puis arrêt brutal du traitement, antiviraux (vidarabine, interféron alpha, lamivudine) et échanges plasmatiques. L’existence d’une PAN limitée à une atteinte cutanée et de bon pronostic spontané est connue depuis plusieurs années ⁸⁶. Dans des observations récentes, il existe fréquemment une infection associée à VHC ⁴⁴. Elle se caractérise par la présence quasi constante de nodules sous-cutanés, de 0,5 à 3 cm de diamètre, douloureux, confluant en placards érythémateux infiltrés au niveau des membres inférieurs, associés dans la moitié des cas à des œdèmes. Ils siègent plus rarement aux paumes et aux plantes, sur les membres supérieurs, le cuir chevelu. Sur ces lésions, apparaissent parfois des ulcérations très douloureuses, à l’emporte-pièce. Il existe fréquemment un livédo, parfois un syndrome de Raynaud, rarement un purpura. La biopsie cutanée montre un infiltrat polymorphe fait de lymphocytes, polynucléaires neutrophiles et éosinophiles, autour des artérioles de moyen calibre, dans le derme profond et l’hypoderme, avec une nécrose fibrinoïde et une destruction de la paroi artérielle (fig. 6.17). S’y associent parfois une vasculite leucocytoclasique dans le derme superficiel et une panniculite nodulaire focale à proximité des vaisseaux atteints. Il existe parfois des arthralgies et des myalgies et dans environ un tiers des observations une neuropathie périphérique de type sensitif, très douloureuse, siégeant dans le même territoire que les manifestations cutanées. L’évolution le plus souvent bénigne se prolonge sur des années, émaillée de rechutes, parfois favorisées par des épisodes
Fig. 6.17 Nécrose fibrinoïde et destruction de la paroi d’une artériole au cours de la PAN PAM polyangéite microscopique · PAN périartérite noueuse · VHC virus de l’hépatite C
infectieux, en particulier streptococciques chez l’enfant. Sur le plan thérapeutique, divers traitements sont proposés en première intention par certains auteurs pour éviter la corticothérapie générale : colchicine, dapsone, antiinflammatoires non stéroïdiens. Cependant, celle-ci est le plus souvent nécessaire, en particulier lorsqu’il existe une atteinte neurologique. En fait, l’existence de véritables PAN cutanées est toujours discutée. Pour certains, la présence d’une artérite nodulaire dans la région dermo-hypodermique est très caractéristique, rarement observée dans les formes systémiques dans lesquelles on voit surtout une atteinte des veinules post-capillaires, sans participation du derme profond. Cependant, chez les 7 des 9 patients de Minkowitz et al., avec cet aspect histologique, il existe une atteinte extra-dermatologique, en particulier rénale ⁸⁷. L’évolution bénigne est également contestée. Si le suivi est assez prolongé, des manifestations systémiques, bien que rares, peuvent apparaître, comme chez le patient de Dewar et Bellamy qui développe une vasculite nécrosante mésentérique 6 ans après le début de la PAN cutanée ⁸⁸. De même, chez 2 des 20 malades de Chen, une atteinte viscérale survient 18 et 19 ans après les premières manifestations dermatologiques ⁸⁹. Plutôt que deux entités distinctes, certains auteurs préfèrent voir la PAN comme un spectre allant d’une forme cutanée bénigne à une atteinte multisystémique. D’autres estiment que la PAN cutanée doit être individualisée avec une évolution, un pronostic et un traitement différents.
Polyangéite microscopique (PAM) Depuis longtemps, des observations de forme microscopique de PAN étaient rapportées. Depuis une dizaine d’années, celle-ci est individualisée sous le terme de polyangéite microscopique (PAM) définie comme une vasculite nécrosante intéressant les petits vaisseaux, artérioles, veinules et capillaires, avec peu ou pas de dépôts immuns, sans lésions granulomateuses, au niveau de n’importe quel organe mais en particulier le rein, lequel est atteint dans 90 à 100 % des cas ⁹⁰. Pouvant se rencontrer à tout âge mais préférentiellement vers 50-60 ans, aussi bien chez l’homme que chez la femme, la PAM se traduit le plus souvent par des manifestations rénales. Celles-ci peuvent être bruyantes, une insuffisance rénale aiguë apparaissant typiquement en quelques jours à quelques semaines, parfois plus progressives. Une hypertension artérielle est présente chez 30 % des patients au moment du diagnostic, chez 8 patients sur 10 au cours de l’évolution. Parfois, la symptomatologie est plus discrète, hématurie microscopique isolée ou associée à une protéinurie. L’atteinte rénale peut être isolée, mais dans deux tiers des cas, il existe d’autres manifestations systémiques, articulaires (arthralgies, plus rarement véritables arthrites), musculaires, pulmonaires (hémorragies intra-alvéolaires), digestives (douleurs abdominales, plus rarement hémorragies et perforations), ophtalmologiques (uvéites, épisclérites), neurologiques (mono- ou multinévrites).
Fig. 6.18
Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
Angéite de Churg et Strauss 6-21
Nodules cutanés profonds du visage et des extrémités au cours d’une angéite de Churg et Strauss
Les manifestations cutanés sont rapportées dans 35 à 60 % des cas. C’est un purpura maculo-papuleux qui est le plus souvent mentionné, plus rarement des nodules dermo-hypodermiques, un livédo, des ulcérations nécrotiques à contours irréguliers des membres inférieurs, des ulcérations buccales. En fait, il est difficile de savoir ce qui « revient » à la PAN et à la PAM, ces deux affections étant confondues dans beaucoup de travaux de littérature. Sur le plan biologique, on observe très fréquemment un syndrome inflammatoire (élévation de la VS et de la protéine C réactive, hyperleucocytose à polynucléose, anémie). Les ANCA sont présents dans 75 % des cas, habituellement de type périnucléaire, antimyéloperoxydase, beaucoup plus rarement antiprotéinase 3, sans qu’il y ait de rapport entre leur titre et l’évolutivité de la maladie ⁹¹. Il est difficile d’apprécier la prévalence des hépatites B et C au cours de la PAM, la recherche de ces virus ayant été faite dans des séries de la littérature où PAM et PAN étaient confondues. Le diagnostic, évoqué cliniquement, est confirmé par l’anatomopathologie. Au niveau du rein, il existe des images de glomérulonéphrite nécrosante, segmentaire et focale, parfois accompagnée d’une prolifération extracapillaire. L’examen en immunofluorescence met en évidence des dépôts de fibrine le long des capillaires glomérulaires et dans la chambre urinaire. Il montre aussi l’absence de dépôts d’immunoglobulines ⁹². La biopsie cutanée, rarement décrite dans la littérature, montre une vasculite leucocytoclasique des artérioles dermiques. L’évolution est favorable sous traitement dans environ 75 % des cas mais l’on observe des décès dus à l’aggravation du syndrome pneumo-rénal et/ou aux effets secondaires du traitement. Ce sont les corticoïdes qui sont prescrits en première intention dans les formes les moins graves, associés à des immunosuppresseurs (cyclophosphamide) dans les formes sévères. Des essais thérapeutiques sont en cours pour apprécier le bénéfice des immunoglobulines intraveineuses en cas de rechute. Celles-ci sont en effet fréquentes,
parfois des années après le diagnostic, se manifestant par les mêmes symptômes que lors de la poussée initiale ou dans d’autres localisations.
Angéite de Churg et Strauss C’est en 1951 que Churg et Strauss, à propos d’une série de 13 cas, individualisaient de la PAN une entité anatomoclinique caractérisée par l’association d’un asthme sévère, d’une hyperéosinophilie, et surtout, selon ces auteurs, de 3 critères histologiques majeurs, une vasculite nécrosante, une infiltration tissulaire éosinophilique et des granulomes à cellules géantes et cellules épithélioïdes péri- et surtout extravasculaires ⁹³. Les séries publiées ensuite ont confirmé l’originalité de ce syndrome qui partage cependant avec la PAN certaines manifestations cliniques. Apparaissant entre 30 et 50 ans, également dans les deux sexes, l’angéite de Churg et Strauss débute typiquement par un asthme de survenue tardive, le plus souvent sévère, à dyspnée continue et d’emblée corticodépendant ⁹⁴. Il existe fréquemment une atteinte des voies respiratoires supérieures associant rhinite allergique, polypose nasale et pansinusite radiologique. L’enquête allergologique montre souvent une hypersensibilité aux pneumallergènes et il existe parfois un terrain atopique familial. Cependant, les tentatives de désensibilisation sont non seulement inefficaces mais parfois même incriminées dans le déclenchement de la vasculite systémique. Celle-ci survient des années plus tard, 3 à 8 ans en moyenne, se manifestant par les signes cliniques suivants : − une fièvre et une altération de l’état général ; − des douleurs des articulations périphériques, poignets, coudes, genoux souvent associées à des myalgies ; − des signes neurologiques périphériques surtout (multinévrites sensitivo-motrices), beaucoup plus rarement centraux (céphalées, crises comitiales, accidents vasculaires ischémiques ou hémorragiques) ;
ANCA anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles · PAM polyangéite microscopique · PAN périartérite noueuse
6-22 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques − une atteinte cardiaque d’expression très variable et dominée par l’insuffisance cardiaque gauche ou globale et sous-tendue par des nécroses myocardiques à bas bruit liées à une atteinte coronaire spécifique. Plus rarement, sont observées une péricardite, des troubles du rythme ou de la conduction, une hypertension artérielle. Des anomalies électrocardiographiques sont observées dans la moitié des cas. Ces manifestations cardio-vasculaires sont responsables de la majorité des décès ; − des signes digestifs très proches de ceux de la PAN qu’il s’agisse de douleurs abdominales, d’hémorragies, de perforations, de syndromes occlusifs ; − des lésions rénales rarement graves se manifestant essentiellement par une protéinurie et/ou une hématurie microscopique. L’atteinte dermatologique, parfois révélatrice, est observée chez 40 à 70 % des malades Elle revêt différents aspects cliniques dont le plus fréquent, environ dans la moitié des cas, mais le moins évocateur est un purpura vasculaire, pétéchial ou ecchymotique, prédominant sur les extrémités, parfois accompagné de lésions urticariennes. Il existe également, chez environ un tiers des patients, des nodules souscutanés indurés et sensibles, siégeant avec prédilection sur le cuir chevelu et les extrémités des membres (fig. 6.18). Ils peuvent devenir croûteux, s’ulcérer ou se nécroser mais également persister plusieurs mois avant de disparaître en laissant une cicatrice. Des éruptions variées sont aussi décrites, vésiculeuses pouvant simuler une primo-infection herpétique, pustuleuses ou encore érythémato-papuleuses, mimant un érythème polymorphe. Un syndrome de Raynaud, un livédo, des nécroses cutanées, des hémorragies filiformes unguéales et des lésions muqueuses à type de pétéchies du voile du palais sont aussi signalées. Sur le plan biologique, l’éosinophilie sanguine est un signe essentiel. Constamment supérieure à 1 000 éléments par mm 3, elle peut atteindre des valeurs très élevées jusqu’à 15 ou 20 000 par mm 3, disparaissant spontanément ou au cours du traitement. Une élévation importante des IgE est fréquemment mise en évidence au cours des poussées, se normalisant dans les phases de rémission. Des ANCA, généralement de type p-ANCA, de spécificité antimyéloperoxydase, sont présents dans 25 à 70 % des cas ⁹⁵. Les marqueurs du virus de l’hépatite B sont constamment absents. Des cas ponctuels d’association avec une infection à VHC sont rapportés. La radiographie thoracique montre des anomalies dans environ 70 % des cas, infiltrats labiles non systématisés, opacités nodulaires exceptionnellement excavées, infiltrats interstitiels diffus, épanchement pleuraux, mais les clichés pulmonaires peuvent rester normaux tout au long de l’évolution. Sur le plan histologique, on observe une vasculite nécrosante avec dépôts fibrinoïdes des artérioles et veinules de petit calibre, un infiltrat tissulaire polymorphe à forte prédominance éosinophile et des granulomes extravasculaires dont le centre est constitué d’une nécrobiose du collagène dermique ponctuée de polynucléaires neutrophiles et éo-
Critères diagnostiques de l’ACS selon l’ARA 1. 2. 3. 4. 5. 6.
Asthme. Éosinophilie supérieure à 10 % du nombre des leucocytes. Mono- ou polyneuropathie. Infiltrat pulmonaire transitoire ou migrateur. Antécédent de sinusite maxillaire aiguë ou chronique. Biopsie d’une artère, artériole ou d’une veinule montrant un infiltrat éosinophile extravasculaire. La présence de 4 critères ou plus est associée à une sensibilité de 85 % et une spécificité de 99,7 %.
6.K sinophiles leucocytoclasiques et la périphérie d’une couronne d’histiocytes, de lymphocytes et de cellules géantes disposées en palissade. La coexistence de ces trois signes, initialement décrite par Churg et Strauss, ne doit cependant pas être exigée pour le diagnostic, le granulome extravasculaire étant absent dans près de la moitié des cas. Au niveau de la peau, on observe le plus souvent une vasculite leucocytoclasique, plus rarement un granulome extravasculaire ou l’association des deux. De plus, ce granulome n’est pas spécifique de l’angéite de Churg et Strauss et peut aussi être observé dans la peau au cours d’affections très diverses telles que la granulomatose de Wegener, la périartérite noueuse, le lupus érythémateux, la polyarthrite rhumatoïde, certains lymphomes, une endocardite bactérienne subaiguë, une hépatite chronique active ou encore une colite ulcéreuse. Certains auteurs ont donc récemment proposé, afin de lever toute ambiguïté entre l’angéite de Churg et Strauss et le granulome extravasculaire de Churg et Strauss, la dénomination de « granulome extravasculaire nécrosant de Winkelmann » ⁹⁶. Comme pour toutes ces vasculites, le diagnostic repose sur l’association de signes cliniques, biologiques et anatomopathologiques. Cependant, celui-ci est parfois difficile dans les formes de début ou les formes « frustes » de la maladie. En 1984, Lanham et al. avaient proposé 3 critères : asthme, éosinophilie sanguine supérieure à 1 500/mm 3 et vasculite systémique comportant au minimum 2 atteintes extrapulmonaires ⁹⁷. En 1990, le Collège américain de rhumatologie en a donné 6 dont 4 ou plus doivent être présents pour « classer » les patients comme angéite de Churg et Strauss (il est à noter que l’absence d’asthme n’est pas un critère d’exclusion du diagnostic) (encadré 6.K) ⁹⁸. Récemment, plusieurs observations sont rapportées au cours d’un traitement par antileucotriènes ⁹⁴,⁹⁹. La plupart des auteurs pensent qu’il s’agit en fait de formes frustes de vasculite se manifestant par un asthme sévère traité par corticothérapie générale. Lorsque celle-ci est diminuée ou arrêtée quand les antileucotriènes sont prescrits, d’autres manifestations cutanées, neurologiques, rénales apparaissent. Cependant, chez certains malades qui n’avaient pas eu de corticothérapie générale, on ne peut éliminer le rôle potentiel de ce traitement. L’évolution spontanée de l’angéite de Churg et Strauss est
ACS angéite de Churg et Strauss · ANCA anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles · ARA American Rheumatism Association · PAN périartérite noueuse · VHC virus de l’hépatite C
particulièrement grave, la moyenne de survie étant inférieure à un an, le décès étant le plus souvent dû à une défaillance cardiaque et/ou respiratoire, ou à une atteinte neurologique centrale. Actuellement, grâce à un traitement plus précoce et à la corticothérapie générale associée ou non à des immunosuppresseurs, le pronostic est très différent, une rémission prolongée étant obtenue dans 80 % des cas. Il existe cependant des rechutes soit précoces, soit tardives. Comme pour la périartérite noueuse, le score FFS (protéinurie inférieure à 1 g/24 heures ; créatininémie supérieure à 1,58 mg/dl, atteinte sévère du tube digestif, atteinte du système nerveux central, cardiomyopathie) permet d’apprécier l’évolutivité de la maladie et de proposer un traitement adapté. En effet, il ne faut pas « surtraiter » les formes modérées pour éviter des effets secondaires souvent graves mais il faut aussi savoir proposer aux patients ayant une forme grave un traitement suffisant. L’âge est aussi un facteur de mauvais pronostic, la mortalité étant plus élevée chez les sujets de plus de 65 ans ¹⁰⁰. Si ces différentes thérapeutiques permettent le plus souvent la guérison des manifestations systémiques de la vasculite, l’asthme persiste souvent longtemps, peu influencé par ces traitements ¹⁰¹.
Granulomatose de Wegener (GW) Décrite par Wegener en 1939, cette vasculite systémique granulomateuse se caractérise par son triple tropisme ORL, pulmonaire et rénal. Il s’agit d’une maladie rare, survenant à tout âge, principalement entre 40 et 50 ans, avec une légère prédominance masculine ¹⁰². L’atteinte de la sphère ORL, présente dans 70 à 100 % des cas, est souvent inaugurale, donnant un tableau de rhinite ou de sinusite chronique, inexpliquée ou rattachée à une cause allergique ou infectieuse. L’examen ne montre qu’une turgescence muqueuse ou des formations pseudo-polypoïdes. Puis apparaît une rhinorrhée sérohémorragique, parfois purulente avec des croûtes nasales, épaisses mais friables. Il existe alors des ulcérations nécrosantes de la paroi nasale aboutissant à sa perforation. Si celle-ci progresse vers l’arrière, on observe la destruction de l’arête et des os propres du nez responsable de la typique déformation en « pied de marmite » ou ensellure nasale, cependant tardive et rarement observée actuellement. Associée aux signes d’atteinte nasale, la sinusite, fréquemment maxillaire, est très gênante par sa chronicité. Elle est souvent surinfectée par le staphylocoque doré, cela pouvant favoriser les rechutes de la maladie. L’examen tomodensitométrique permet un bilan précis de ces lésions, la sinusite pouvant devenir destructrice avec lyse des parois sinusiennes et extension vers l’orbite. L’atteinte de l’oreille moyenne se traduit par des otites, séreuses ou purulentes, entraînant une otorrhée puis une surdité. Dans environ 15 % des cas, il existe une atteinte laryngo-trachéale. Les manifestations pulmonaires, apparaissant quelques semaines, mois ou même années après sont peu spécifiques : toux sèche, dyspnée d’effort, dou GW granulomatose de Wegener
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Granulomatose de Wegener 6-23
Fig. 6.19 Purpura papuleux du membre inférieur au cours d’une maladie de Wegener leurs thoraciques postéro-basales, hémoptysie récidivante parfois massive. Cependant, l’atteinte pulmonaire est parfois asymptomatique. Des hémorragies intra-alvéolaires diffuses, rapportées dans environ 10 % des cas, de mauvais pronostic, sont parfois révélatrices de la maladie. La radiographie et surtout l’examen tomodensitométrique mettent en évidence des opacités nodulaires multiples, à limites nettes, de quelques millimètres à plusieurs centimètres de diamètre, excavées dans la moitié des cas, mais également des infiltrats hétérogènes, un épanchement pleural, une atélectasie par sténose inflammatoire bronchique. L’endoscopie bronchique montre des anomalies dans 50 % des observations (sténoses, ulcérations muqueuses, lésions bourgeonnantes) et permet de faire des biopsies mais cellesci ne seront positives que dans un cas sur deux. L’atteinte rénale, fréquente, fait toute la gravité de la maladie. Elle est habituellement asymptomatique sur le plan clinique, objectivée par la biologie (protéinurie et/ou hématurie microscopique) et la biopsie rénale montrant le plus souvent une glomérulonéphrite nécrosante, segmentaire et focale, à croissants et prolifération extracapillaire. Celle-ci entraîne volontiers une insuffisance rénale, parfois rapidement progressive. D’autres manifestations cliniques sont observées, articulaires (arthralgies, plus rarement arthrites), musculaires, oculaires (conjonctivite, kératite, sclérite, vasculite rétinienne, pseudo-tumeurs inflammatoires), neurologiques périphériques (multinévrite, mononévrite) ou centrales (accidents vasculaires ischémiques ou hémorragiques, thrombophlébite), cardiaques (péricardite, coronarite, myocardiopathie)... Rarement révélateurs de la granulomatose de Wegener, les signes cutanés sont présents initialement chez environ 10 % des patients, mais au cours de l’évolution, on les observe dans 35 à 70 % des cas, témoins de l’activité de la maladie ¹⁰³.
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6-24 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques
Fig. 6.20 Lésions papuleuses et nécrotiques des genoux au cours d’une maladie de Wegener (Doutre MS, Barete S, Ly S, Francès C, Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques. EMC, Dermatologie, 98-563-A-10, Paris : Elsevier SAS, tous droits réservés 2003, avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS)
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C’est le plus souvent un purpura infiltré, ecchymotique ou nécrotique, siégeant sur les membres inférieurs (fig. 6.19) et le tronc. Les lésions papulo-nodulaires nécrotiques atteignant de façon symétrique les extrémités des membres, les coudes, les genoux (fig. 6.20) ou les fesses sont moins fréquentes mais plus évocatrices. Des ulcérations cutanées extensives et douloureuses précèdent parfois de plusieurs mois ou même années les manifestations systémiques plus typiques de la GW. Succédant à des lésions nodulaires ou pustuleuses ou déclenchées par un traumatisme local, elles peuvent simuler un pyoderma gangrenosum mais n’en n’ont cependant pas les bords surélevés. Parfois multiples, elles siègent principalement sur les membres, mais aussi sur le tronc, la face (fig. 6.21) et de façon plus caractéristique dans la région pré-auriculaire, sur le périnée ou les seins ¹⁰⁴. À ce niveau, on peut aussi observer une tumeur simulant un abcès ou une néoplasie mammaire, d’autant qu’il existe parfois une rétraction du mamelon ou une galactorrhée ¹⁰⁵. D’autres lésions cutanées sont décrites, papuleuses, vési-
culeuses, pustuleuses ou bulleuses, accompagnant habituellement le purpura. D’exceptionnelles observations de gangrène des doigts ou des orteils sont aussi signalées. Quelques cas de xanthélasma sont rapportés, sans relation avec le profil lipidique des patients ¹⁰⁶. Les ulcérations muqueuses sont très fréquentes, présentes chez près d’un malade sur deux sur la muqueuse buccale ¹⁰⁷. En nombre très variable, elles se différencient des aphtes par leur caractère persistant et non récurrent. Leur siège est ubiquitaire, lèvres, langue, face interne des joues (fig. 6.22), gencives, voile du palais, amygdales, pharynx... Ces lésions parfois inaugurales constituent chez certains patients les seules manifestations dermatologiques de la maladie. La gingivite hyperplasique qui n’est pas souvent citée dans les grandes séries de la littérature paraît cependant être pathognomonique de la GW ¹⁰⁸. Les lésions débutent au niveau des papilles interdentaires puis s’étendent à l’ensemble de la gencive qui est hyperplasique, rouge violacé, parsemée de petites taches purpuriques, friable au contact, donnant un aspect de gingivite « framboisée » (fig. 6.23). L’hypertrophie gingivale, très douloureuse, et la périodontite provoquent une raréfaction de l’os alvéolaire avec instabilité dentaire. Sur le plan biologique, il existe un syndrome inflammatoire important (vitesse de sédimentation supérieure à 80 mm à la première heure dans la quasi-totalité des cas, anémie, hyperleucocytose à polynucléose neutrophile, hypergammaglobulinémie polyclonale). Une hyperéosinophilie modérée n’est constatée que dans 10 à 20 % des cas. La recherche des marqueurs du virus B et C n’est qu’exceptionnellement positive. Des ANCA sont observés dans la GW avec une
Fig. 6.21 Ulcérations cutanées du front au cours d’une maladie de Wegener (Doutre MS, Barete S, Ly S, Francès C, Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques. EMC, Dermatologie, 98-563-A-10, Paris : Elsevier SAS, tous droits réservés 2003, avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS)
ANCA anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles · GW granulomatose de Wegener
Fig. 6.22
Ulcération jugale au cours d’une maladie de Wegener
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Granulomatose de Wegener 6-25
Fig. 6.23 Gingivite hyperplasique framboisée au cours d’une maladie de Wegener (Doutre MS, Barete S, Ly S, Francès C, Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques. EMC, Dermatologie, 98-563-A-10, Paris : Elsevier SAS, tous droits réservés 2003, avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS)
spécificité de 90 % et une sensibilité de 80 à 90 % dans les formes généralisées actives. Il s’agit le plus souvent d’ANCA de type cytoplasmique (fig. 6.24), dirigés contre la protéinase 3, plus rarement de type périphérique, de spécificité antimyéloperoxydase ¹⁰⁹. Leur valeur diagnostique n’est pas formelle, ils sont présents aussi dans la polyangéite microscopique et les glomérulonéphrites nécrosantes pauci-immunes, mais ils représentent cependant un critère important du diagnostic dans un contexte clinique évocateur. En revanche, leur intérêt pronostique pour le suivi évolutif fait l’objet de discussions. S’ils se négativent volontiers au cours des rémissions, plus de 50 % des rechutes ne s’accompagnent pas d’une élévation de leur taux et, à l’inverse, lorsque leur titre réaugmente, il n’y a pas obligatoirement une récidive mais il faut bien sûr surveiller attentivement ces malades. Sur le plan anatomopathologique ¹¹⁰, la GW associe : − des plages de nécrose contenant de nombreux débris cellulaires, surtout des polynucléaires neutrophiles picnotiques ;
− un granulome polymorphe avec des histiocytes en palissade, sans cellules épithélioïdes mais avec quelques cellules géantes plurinucléées, des polynucléaires neutrophiles, des cellules mononucléées et des plasmocytes ; − une vasculite nécrosante aiguë, circonférentielle, atteignant toutes les couches de la paroi des artères et des veines de petit et moyen calibre, sans formation anévrismale. Celle-ci se situe non seulement au sein de la nécrose et du granulome mais elle est aussi isolée, en dehors des zones nécrotiques. Cependant, ces lésions histologiques caractéristiques sont variables au sein d’un même organe et d’un organe à l’autre. Il est rare qu’elles soient toutes présentes sur une biopsie réalisée à visée diagnostique. Les granulomes sont fréquents dans le parenchyme pulmonaire et les voies aériennes supérieures, alors que les lésions d’angéite nécrosante se rencontrent également dans les poumons, mais aussi dans le rein et la rate. Au niveau des lésions cutanéomuqueuses, une corrélation anatomoclinique peut être établie : en effet, le purpura correspond habituellement à une vasculite nécrosante et leucocytoclasique des vaisseaux dermiques de petit et de moyen calibre, alors que les éléments non purpuriques, surtout papulo-nodulaires, sont significativement associés à un granulome nécrosant ¹¹¹. Le concept de forme limitée de GW a été proposé en 1966 par Liebow et Carrington. Elle se caractérise par des lésions pulmonaires constantes, associées ou non à des signes ORL et l’absence d’atteintes extrathoraciques, en particulier rénales. En revanche, les manifestations cutanées ne sont pas rares. Certaines réserves doivent cependant être apportées. En effet, l’absence d’atteinte rénale ne peut être retenue sur la normalité du bilan biologique, la pratique systématique d’une biopsie permettant parfois de révéler la présence d’une glomérulonéphrite infraclinique. De plus, il s’agit d’une définition statique de la GW, d’autres localisations de la maladie pouvant apparaître après des mois ou des années d’évolution. Le diagnostic de maladie de Wegener est habituellement facile, reposant sur la triade clinique symptomatique ORL, pulmonaire et rénale, confirmé par des données anatomopathologiques et biologiques. Cependant, une cause infectieuse doit toujours être recherchée, celle-ci pouvant entraîner des lésions de nécrose extensive avec parfois une réaction granulomateuse. Le Collège américain de rhuma-
Coll. Pr C. Francès, Paris
Critères diagnostiques de la GW selon l’ARA
Fig. 6.24 Anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (type cytoplasmique)
1. Ulcérations buccales douloureuses ou indolores, écoulement nasal purulent ou sanglant. 2. Nodules pulmonaires ou infiltrats fixes ou cavités. 3. Hématurie microscopique ou rouleaux de globules rouges dans le sédiment urinaire. 4. Biopsie avec infiltrat granulomateux dans la paroi d’une artère ou en péri- ou en extravasculaire autour d’une artère ou artériole. La présence d’au moins deux critères conduit au diagnostic avec une sensibilité de 88,2 % et une spécificité de 92 %.
ANCA anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles · ARA American Rheumatism Association · GW granulomatose de Wegener
6.L
6-26 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques tologie a proposé quatre critères de classification, qui n’ont pas de valeur sur le plan diagnostique, la présence de deux d’entre eux chez un patient présentant une vasculite permettant de le classer comme GW (encadré 6.L). Il faut néanmoins remarquer l’absence de critères biologiques et en particulier des ANCA ¹¹². L’évolution de la GW est marquée d’une part par une mortalité élevée, d’environ 20 %, due à la sévérité de la maladie (syndrome pneumo-rénal) mais surtout aux effets secondaires du traitement et, d’autre part, par la fréquence des rechutes, survenant chez environ 50 % des patients. Cellesci, parfois favorisées par un épisode infectieux ne sont pas toujours faciles à différencier des effets secondaires du traitement, en particulier les infections ORL et pulmonaires. Elles peuvent survenir à n’importe quel moment de l’évolution, pendant le traitement d’attaque, lorsque celui-ci est diminué ou plusieurs années après l’obtention d’une rémission. Le traitement repose sur l’association entre corticoïdes et immunosuppresseurs, le cyclophosphamide étant actuellement utilisé en première intention, et permet une rémission complète chez 75 % des patients. Cependant, celui-ci, même prolongé, n’empêche pas les rechutes. Il doit donc être fait pendant au moins 18 mois, parfois même plusieurs années et est responsable de divers effets secondaires, infections et affections malignes surtout. La corticothérapie générale est débutée à la dose d’1 mg/ kg/j, parfois précédée d’un ou de plusieurs bolus de méthyprednisolone (15 mg/kg/jour). Après trois ou quatre semaines, la posologie est diminuée selon un mode de décroissance variable selon les auteurs. La durée du traitement par cyclophosphamide, prescrit per os ou en bolus, varie également selon les différents protocoles thérapeutiques. D’autres traitements sont en cours d’étude, soit en entretien, soit lors des rechutes : c’est le cas de l’azathioprine et du méthotrexate, mais aussi de la ciclosporine, du mycofénolate mofétyl, des anti-TNF. Les formes limitées peuvent parfois bénéficier d’un traitement par le cotrimoxazole.
dication intermittente de la mâchoire. L’atteinte ophtalmique est très évocatrice mais il est préférable de faire le diagnostic de MH avant qu’elle n’apparaisse. C’est une amaurose, uni- ou bilatérale, qui en est le signe ophtalmologique le plus fréquent, débutant par une amputation du champ visuel, un brouillard et parfois une atteinte oculomotrice avec diplopie et ptôsis. Le fond d’œil et l’angiographie fluorescéinique permettent d’identifier le mécanisme responsable, neuropathie optique ischémique aiguë ou plus rarement occlusion de l’artère centrale de la rétine. L’atteinte oculaire représente une urgence thérapeutique car elle peut aboutir à une cécité bilatérale définitive que seul un traitement rapide peut éviter. À l’exception des signes inflammatoires en regard de l’artère temporale qui peut être saillante, rouge, dure et non pulsatile, les manifestations cutanées sont rares. La nécrose du scalp peut être révélatrice de la MH ou témoin d’une poussée évolutive lors de la décroissance des corticoïdes ¹¹⁵. Un œdème ecchymotique précède souvent l’apparition des ulcérations. Celles-ci sont très douloureuses, à bords irréguliers, festonnés, avec un fond nécrotique recouvert de croûtes adhérentes, mimant parfois un carcinome basocellulaire ou un zona. Il existe volontiers une alopécie péri-ulcéreuse. La nécrose peut être temporo-pariétale, localisée en regard de l’artère atteinte, bitemporale (fig. 6.25) ou même étendue à l’ensemble du cuir chevelu, ou peut plus exceptionnellement siéger sur d’autres régions telles que le nez, les paupières ou le cou. Le cuir chevelu étant une zone habituellement bien vascularisée, une ulcération à ce niveau signe une atteinte vasculaire extensive, synonyme de mauvais pronostic, en particulier oculaire. Ainsi, environ 70 % des patients présentant une nécrose du scalp ont une perte définitive de l’acuité visuelle. L’examen anatomopathologique de ces lésions est le plus souvent non spécifique.
Décrite en 1932, la MH atteint les sujets âgés, surtout entre 60 et 80 ans, principalement les femmes. C’est une panartérite inflammatoire subaiguë à cellules géantes, segmentaire et plurifocale, prédominant cependant dans le territoire de la carotide externe, artère temporale superficielle en particulier, vraisemblablement d’origine dysimmunitaire ¹¹³. Le tableau clinique est dominé par la triade altération de l’état général, céphalées, atteinte oculaire ¹¹⁴. Le début de la maladie est souvent progressif, sur plusieurs mois, avec un amaigrissement, une asthénie, de la fièvre. Présentes dans plus de 70 % des cas, les céphalées, frontopariétales ou fronto-temporales sont lancinantes, pulsatiles, insomniantes, souvent déclenchées par le contact, comme les paresthésies du cuir chevelu qui s’y associent avec une hyperesthésie de la face et du scalp. Elles apparaissent parfois à la mastication, réalisant la classique clau-
Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier
Maladie de Horton (MH)
Fig. 6.25 Lésions maculeuses atrophiques et pigmentées temporales séquellaires d’une atteinte cutanée au cours d’une maladie de Horton L’atteinte de la langue n’est pas exceptionnelle, mais son expression clinique dépend des anastomoses linguales homoet controlatérales ¹¹⁶. Elle débute par une glossodynie spontanée ou provoquée par les mouvements de proctation, réalisant une véritable « claudication de la langue », des dysesthésies à type de brûlures, une cyanose, une macroglossie. L’évolution se fait ensuite vers une gangrène massive, lais-
ANCA anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles · GW granulomatose de Wegener · MH maladie de Horton · TNF tumor necrosis factor
Coll. Dr N. Raison-Peyron, Montpellier
Maladie de Horton
Fig. 6.26
Nécrose massive linguale au cours d’une maladie de Horton
sant des séquelles importantes (fig. 6.26). Parfois associée à une nécrose du cuir chevelu, elle est témoin de la gravité de la MH. Au niveau des membres inférieurs, les lésions artérielles peuvent être responsables d’ulcères de jambes ou de gangrène distale. L’exploration angiographique montre de longs segments artériels effilés alternant avec des zones de calibre normal ou même augmenté, associés à des sténoses en chapelet ¹¹⁷. D’autres manifestations dermatologiques, de mécanismes physiopathologiques mal expliqués sont décrites : œdèmes fugaces et migrateurs de la face ou des membres inférieurs, érythème noueux avec soit une artérite à cellules géantes des vaisseaux hypodermiques, soit une panniculite septale aspécifique. D’autres manifestations cliniques sont décrites, témoignant du caractère systémique de la MH, rhumatologiques (myalgies, pseudo-polyarthrite rhizomélique), cardiaques, neurologiques (atteinte des nerfs crâniens autres que le nerf optique, accidents vasculaires cérébraux, neuropathies périphériques), psychiatriques, respiratoires... Sur le plan biologique, on note un syndrome inflammatoire important. Dans plus de 95 % des cas, la VS est élevée, supérieure à 50 mm à la première heure, souvent autour de 100. Il existe une augmentation des protéines de l’inflammation (protéine C réactive, haptoglobine, fibrinogène). Une anémie inflammatoire, une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles et une hyperplaquettose sont également fréquentes. On observe parfois une cholestase anictérique due à des phénomènes ischémiques hépatiques, une insuffisance rénale secondaire à l’atteinte spécifique des vaisseaux rénaux. Si ces différents signes cliniques et biologiques sont évocateurs du diagnostic de MH, celui-ci n’est porté avec certitude qu’après examen anatomopathologique. La biopsie se fait sous anesthésie locale, au niveau de la branche antérieure de l’artère temporale superficielle. L’atteinte vasculaire étant segmentaire, 3 cm au moins doivent être prélevés et des coupes sériées sont réalisées pour limiter le ARA American Rheumatism Association · MH maladie de Horton
risque de faux négatif. Ainsi, la biopsie a une sensibilité de l’ordre de 75 %, surtout si elle est guidée par la clinique et l’examen doppler, mais certains préconisent pour accroître la rentabilité diagnostique un prélèvement bilatéral. Quatre critères sont indispensables au diagnostic : destruction focale ou étendue des cellules musculaires lisses de la média, infiltrat inflammatoire polymorphe des tuniques artérielles prédominant dans la média, destruction de la limitante élastique interne avec une réaction histiocytaire au contact, absence ou discrétion de la fibrose adventicielle. Trois stades évolutifs sont observés : au stade initial, les quatre critères sont présents sans thrombus ni cellules géantes mais avec une nécrose fibrinoïde ; le stade granulomateux est le plus fréquent, associant un thrombus quasi constant, des cellules géantes, un infiltrat et une nécrose intense de la média ; enfin au stade cicatriciel, le thrombus est organisé, avec une thrombose de la média et la destruction de la limitante élastique interne, l’infiltrat inflammatoire est alors discret et les cellules géantes rares. Parfois on constate, le long de la limitante élastique interne, des dépôts d’Ig et de complément, mais cet aspect n’est pas spécifique. Différentes techniques non invasives, telles que le doppler couleur ¹¹⁸ et la scintitomographie au gallium 67 ¹¹⁹, sont actuellement proposées, et peuvent apporter des arguments supplémentaires pour le diagnostic. Le Collège américain de rhumatologie a donné cinq critères dont au moins trois doivent être présents pour porter le diagnostic de MH, celui-ci pouvant être fait en l’absence d’arguments anatomopathologiques (encadré 6.M) ¹²⁰. Le traitement repose sur la corticothérapie générale, per os ou en bolus, souvent débutée en urgence pour éviter les complications oculaires, avant même la biopsie de l’artère temporale, les lésions histologiques persistant plusieurs mois malgré le traitement, associée pour certains à un traitement anticoagulant. Celle-ci a le plus souvent une action rapide et spectaculaire. La posologie est ensuite progressivement diminuée en cherchant la dose d’entretien minima qui maintiendra le malade asymptomatique, en l’absence de syndrome inflammatoire biologique. Étant donné d’une part l’existence d’une corticorésistance dans 10 à 15 % des cas et d’autre part la fréquence des effets secondaires, en particulier osseux, de la corticothérapie prolongée chez le sujet âgé, différentes thérapeutiques alternatives sont proposées : dapsone, immunosuppresseurs (mé-
Critères diagnostiques de la MH selon l’ARA 1. 2. 3. 4. 5.
Début de la maladie après 50 ans. Céphalées récentes. Sensibilité ou diminution des battements d’une artère temporale. Vitesse de sédimentation supérieure à 50 mm. Biopsie montrant des lésions de vasculite avec infiltrat lymphocytaire ou à polynucléaires et habituellement cellules géantes. La présence de 3 critères au moins permet le diagnostic avec une sensibilité de 93,5 % et une spécificité de 91,2 %.
6.M
6-27
6-28 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques thotrexate, azathioprine), anti-TNF, mais aucune d’entre elles ne permet, à l’heure actuelle, de remplacer les corticoïdes ¹²¹.
Coll. Pr C. Francès, Paris
L’artérite de Takayasu est une aorto-artérite inflammatoire touchant électivement l’aorte et les gros troncs qui en naissent ainsi que l’artère pulmonaire. Sa physiopathologie reste obscure ¹²². Il s’agit d’une maladie ubiquitaire, rare dans nos pays, plus fréquente en Asie du Sud-Est, en Inde, au Mexique ou en Afrique, avec des différences cliniques en fonction des pays. Ainsi la phase systémique est fréquente en Europe, les atteintes rétiniennes au Japon et les formes ectasiantes en Inde. Une prédisposition génétique pourrait expliquer ces différences ainsi que les quelques formes familiales. Il a été noté une augmentation de prévalence de divers groupes leucocytaires au sein de certains pays (HLA B52 au Japon, HLA DR4 aux États-Unis...). Le rôle des conditions d’environnement et de certaines infections comme la tuberculose a été évoqué sans être confirmé. La femme jeune est atteinte dans 80 % des cas. La maladie débute par une phase systémique suivie par une période asymptomatique de quelques années puis par une phase vasculaire, le plus souvent obstructive en Europe ou aux États-Unis. À la phase systémique, présente dans 40 à 60 % des cas, le diagnostic est particulièrement difficile du fait de la banalité des symptômes : fièvre, fatigue, arthralgies, myalgies. Les manifestations cutanées sont habituellement précoces mais peuvent survenir à tous les stades de la maladie. Dans notre expérience sur 80 malades, leur prévalence était de 12 % ¹²³. Le plus souvent, il s’agissait de nodules inflammatoires (fig. 6.27) avec en histologie un aspect d’hypodermite ou de panniculite ou de vasculite granulomateuse. Les aspects de pyoderma gangrenosum (fig. 6.28) surtout rapportés au Japon, peuvent, contrairement aux autres pyoderma, correspondre histologiquement à une vasculite
Fig. 6.27 Nodules cutanés érythémateux des jambes au cours d’une artérite de Takayasu (Doutre MS, Barete S, Ly S, Francès C, Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques. EMC, Dermatologie, 98-563-A-10, Paris : Elsevier SAS, tous droits réservés 2003, avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS)
TNF tumor necrosis factor
Coll. Pr C. Francès, Paris
Artérite de Takayasu
Fig. 6.28 Ulcérations cutanées des faces antérieures des cuisses au cours d’une artérite de Takayasu (Doutre MS, Barete S, Ly S, Francès C, Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques. EMC, Dermatologie, 98-563-A-10, Paris : Elsevier SAS, tous droits réservés 2003, avec l’autorisation d’Elsevier Masson SAS)
granulomateuse. L’atteinte oculaire à type d’uvéite ou d’épisclérite responsable d’un œil rouge est diagnostiquée lors de l’examen à la lampe à fente. Dans la majorité des cas, le diagnostic n’est fait que quelques années plus tard à l’occasion des manifestations cliniques secondaires aux occlusions ou aux anévrismes. L’atteinte de la crosse aortique peut se manifester par un syndrome de Raynaud ou une gêne d’un membre supérieur à l’effort en cas d’atteinte axillo-sous-clavière. Plus souvent elle est découverte systématiquement, en constatant l’abolition d’un pouls ou une asymétrie tensionnelle. Quant les 4 axes cervicaux sont atteints, un accident ischémique transitoire ou une insuffisance vertébro-basilaire à déclenchement postural peut témoigner d’un bas débit cérébral. En raison de la constitution progressive des lésions et du rôle limité de la thrombose dans l’évolution de la maladie, les accidents déficitaires définitifs sont rares. Plus fréquentes sont les complications neurologiques de l’hypertension artérielle ainsi que les migraines. L’atteinte rétinienne avec shunts artério-veineux est rare en France. L’atteinte cardiaque se traduit par une insuffisance coronarienne en rapport avec une sténose ostiale ou tronculaire avec possibilité de lésions distales et d’anévrismes. Une insuffisance aortique est retrouvée dans 10 à 15 % des cas, l’insuffisance mitrale étant beaucoup plus rare. L’atteinte de l’aorte thoracique est souvent méconnue à moins qu’une sténose serrée ne soit responsable d’une hypertension artérielle posant un problème diagnostique difficile avec les coarctations congénitales atypiques. Les formes abdominales se manifestent essentiellement par une hypertension artérielle de type rénovasculaire. L’atteinte fréquente des artères digestives est rarement symptomatique. Les lésions artérielles pulmonaires sont fréquentes, réalisant des sténoses proximales touchant alors électivement le tronc de l’artère pulmonaire droite, des sténoses périphériques voire artériolaires. Elles peuvent être graves, compliquées d’hémoptysies massives et/ou d’hypertension artérielle pulmonaire.
La biologie est d’une aide mineure au diagnostic. À la phase initiale existe un syndrome inflammatoire qui tend à disparaître spontanément alors que des lésions pariétales histologiquement actives persistent. Le diagnostic repose essentiellement sur les données de l’imagerie qui montrent un ou plusieurs territoires d’occlusions ou de sténoses localisées avec une paroi épaissie associées à des anévrismes. L’examen de première intention est l’échodoppler artériel, toute anomalie étant confirmée par d’autres techniques modernes d’imagerie. Les sténoses et/ou occlusions des artères sous-clavières post-vertébrales et des carotides primitives sont évocatrices du diagnostic, ces territoires étant généralement épargnés par l’athérome ou les dystrophies artérielles. Les carotides externes et internes sont rarement atteintes. Les ectasies des troncs supra-aortiques siègent préférentiellement sur le tronc brachiocéphalique. À l’étage aortique, les aspects de coarctation sont les plus fréquents. Des anévrismes plutôt de type fusiforme que sacciforme prédominent sur l’aorte abdominale. L’artère digestive la plus touchée est l’artère mésentérique. L’atteinte des artères rénales est souvent bilatérale associée à une atteinte aortique. L’atteinte des artères des membres est plus rare, touchant principalement les artères iliaques et hypogastriques. L’histologie d’une artère d’aspect pathologique n’est contributive que dans 60 % des cas. L’aspect typique est celui d’une panartérite à prédominance médio-adventitielle avec épaisse sclérose adventitielle, infiltrat mononucléé prédominant à la partie externe de la média autour des vasa vasorum de l’adventice, cellules géantes, destruction des fibres élastiques de la limitante élastique externe, épaississement fibro-œdémateux de l’intima pouvant aller jusqu’à l’occlusion. Les anévrismes résultent de la destruction des fibres élastiques. Ailleurs n’existent que des lésions fibreuses ou athéromateuses parfois calcifiées. Le traitement médical repose sur la corticothérapie générale à une dose initiale variant entre 0,5 et 0,8 mg/kg/j même en l’absence de syndrome inflammatoire pendant une durée minimale de 6 mois. En présence d’une tuberculose évolutive ou antérieure insuffisamment traitée, une antibiothérapie antituberculeuse est généralement associée. Dans les formes corticorésistantes ou corticodépendantes, certains auteurs préconisent l’adjonction de cyclophosphamide (2 mg/kg/j) ; le méthotrexate dans notre expérience est utile en cas de corticodépendance à une dose de 5 à 15 mg par semaine. Un traitement antiagrégant plaquettaire (aspirine 100 mg/j) est systématiquement associé. Le traitement médical de l’insuffisance cardiaque, de l’insuffisance coronaire ou de l’hypertension artérielle n’a pas de particularité. L’utilisation des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine doit être prudente en raison de la possibilité d’une sténose bilatérale des artères rénales. Le traitement chirurgical a une place importante (greffes prothétiques, autogreffes veineuses, réimplantation directe, plus rarement endartériectomies) surtout lorsqu’il existe une hypertension artérielle réno-vasculaire ou d’autres lésions avec retentissement fonctionnel important.
6-29
Coll. D. Bessis
Thromboangéite oblitérante ou maladie de Buerger
Fig. 6.29 Nécrose digitale pulpaire et érythrocyanose pulpaire du troisième doigt gauche révélant une maladie de Buerger
Thromboangéite oblitérante ou maladie de Buerger Cette maladie est à l’origine d’une atteinte inflammatoire et segmentaire des petites et moyennes artères, des veines et des nerfs des membres. Elle diffère des autres vasculites par un relatif respect des parois vasculaires malgré la présence de thrombi inflammatoires et l’absence d’anomalies immunologiques ou biologiques, notamment de syndrome inflammatoire. De distribution universelle, elle est beaucoup plus fréquente dans les pays du Moyen-Orient et de l’Extrême-Orient qu’en Amérique du Nord ou Europe de l’Ouest. Sa physiopathogénie reste inconnue. Le lien avec l’intoxication tabagique est si fort que celle-ci, passée ou présente, est indispensable au diagnostic. Les hommes sont encore beaucoup plus fréquemment atteints que les femmes. Les rôles respectifs d’une réaction d’hypersensibilité à certains types de collagène, des anticorps anticellule endothéliale, et des facteurs endothéliaux de vasodilatation des vaisseaux périphériques sont à évaluer. La maladie débute généralement avant 45 ans par une atteinte des artères et veines distales. Il en résulte des phlébites superficielles (40 %) souvent nodulaires, des ulcérations ischémiques distales (fig. 6.29), des douleurs ou une claudication des pieds ou de la voûte plantaire, un syndrome de Raynaud (40 %). Les artères plus proximales sont secondairement touchées. Habituellement, plusieurs membres sont atteints, deux dans 16 % des cas, trois dans 41 % et quatre dans 43 % des cas de la série de Shionoya portant sur 112 malades ¹²⁴. Une atteinte infraclinique des artères des mains peut être dépistée par la manœuvre d’Allen. La biopsie d’un élément nodulaire confirme la phlébite avec obstruction de la veine par un thrombus inflammatoire avec une paroi relativement épargnée. Des infiltrats de polynucléaires neutrophiles voire des microabcès ou des cellules géantes sont cependant parfois présents. L’imagerie vasculaire met en évidence les obstructions distales avec une circulation collatérale plus ou moins développée sans manifestation d’athérosclérose ni d’autre lésion
emboligène (fig. 6.30). Plusieurs critères diagnostiques ont été proposés. Ceux de Olin ¹²⁵ sont les suivants : âge inférieur à 45 ans et intoxication tabagique récente ou actuelle ; présence d’une ischémie distale documentée ; exclusion de maladies autoimmunes, de thrombophilie, de diabète, d’une cause emboligène en amont par l’échographie cardiaque et l’artériographie ; résultats de l’artériographie compatibles avec le diagnostic. Une biopsie n’est pas obligatoire dans les formes typiques mais elle l’est dans les formes atypiques (atteinte artérielle proximale, âge supérieure à 45 ans...). Le traitement repose sur l’arrêt de l’intoxication tabagique active et passive. Les dérivés de prostaglandines (Iloprost) par voie intraveineuse se sont révélés, dans une étude contrôlée, supérieurs à l’aspirine isolée ¹²⁶. Les traitements thrombolytiques et la sympathectomie ont eu des résultats favorables dans quelques cas. Les traitements chirurgicaux sont rarement possibles. 1 Sneller MC, Fauci AS. Pathogenesis of vasculitis syndromes. Med Clin North Am 1997 ; 81: 221-242. 2 Kevil CG, Bullard DC. Roles of leukocyte/endothelial cell adhesion molecules in the pathogenesis of vasculitis. Am J Med 1999 ; 106:677687. 3 Cuchacovich R. Immunopathogenesis of vasculitis. Curr Rheumatol Rep 2002 ; 4:9-17. 4 Seo P, Stone JH. The antineutrophil cytoplasmic antibody-associated vasculitides. Am J Med 2004 ; 117:39-50. 5 van der Woude FJ, Rasmussen N, Lobatto S et al. Autoantibodies against neutrophils and monocytes : tool for diagnosis and marker of disease activity in Wegener’s granulomatosis. Lancet 1985 ; 1:425-429. 6 De Bandt M. Les ANCA (anticorps anticytoplasme des polynucléaires). Apport des ANCA à la compréhension des mécanismes pathogéniques des vascularites systémiques. Ann Med Interne 1997 ; 148:542-562. 7 Ferraro G, Meroni PL, Tincani A et al. Antiendothelial cell antibodies in patients with Wegener’s granulomatosis and micropolyarteritis. Clin Exp Immunol 1990 ; 79:47-53. 8 Cid MC, Segarra M, Garcia-Martinez A et al. Endothelial cells, antineutrophil cytoplasmic antibodies and cytokines in the pathogenesis of systemic vasculitis. Curr Rheumatol Rep 2004 ; 6:184-194. 9 Genereau T, Lortholary O, Guillevin L. Physiopathologie des vascularites virales. Pathol Biol 1999 ; 47:226-31. 10 Abdou NI. Vasculitis. Clin Allergy Immunol 2002 ; 16:435-447. 11 Wechsler J, Bruneval P, Capron F et al. Vasculite : classification anatomopathologique. Rev Med Interne 1988 ; 9:507-515.
Coll. D. Bessis
6-30 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques
Fig. 6.30 Artériographie au cours d’une maladie de Buerger : multiples obstructions distales des artères digitales
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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Doutre MS, Francès C. Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 6.1-6.32.
7
Maladie de Behçet
Serge Boulinguez Manifestations dermatologiques 7-1 Aphtose buccale 7-1 Aphtose génitale 7-2 Autres localisations d’aphtose 7-3 Pseudo-folliculite 7-3 Nodules dermo-hypodermiques 7-3 Nodules acnéiformes 7-4 Pathergie cutanée 7-4 Autres lésions cutanéo-muqueuses 7-4 Manifestations viscérales 7-4 Ophtalmologiques 7-4 Neurologiques 7-4 Rhumatologiques 7-5 Vasculaires 7-5 Cardiaques 7-5 Pleuro-pulmonaires 7-5 Digestives 7-5
a maladie de Behçet (MB) est caractérisée par des lésions de vasculite plurisystémique d’étiologie inconnue. La MB avait été décrite dans les traités d’Hippocrate (chapitre VII du troisième livre des Épidémies) comme une maladie endémique en Asie Mineure caractérisée par des aphtes, des lésions génitales, des lésions ophtalmologiques chroniques qui rendaient aveugle et des lésions herpétiques larges. Il fallut attendre le XX e siècle pour qu’un dermatologue turc, Hulusi Behçet, en 1937, décrive une triade symptomatique associant aphtose buccale, aphtose génitale et uvéite à hypopion. Cependant six ans auparavant, Adamantiades, médecin grec, avait rapporté une observation similaire. La MB est parfois appelée maladie d’Adamantiades-Behçet dans la littérature. Ubiquitaire, l’incidence de la MB varie considérablement selon les régions du monde. Elle est plus élevée le long de la « route de la soie » (du pourtour méditerranéen au Japon) que dans les pays occidentaux : 80 à 300/100 000 en Turquie ; 10/100 000 au Japon, en Corée, en Iran, en Arabie Saoudite ; 0,6/100 000 au Royaume-Uni (Yorkshire) et 0,1/100 000 aux ÉtatsUnis ¹-³. Les cas autochtones sont de plus en plus fréquents en France ⁴.
L
Urologiques et rénales 7-5 Fièvre chronique 7-5 Diagnostic positif 7-5 Diagnotics différentiels 7-6 Aphtose buccale récidivante 7-6 Aphtose complexe 7-7 Aphtose génitale 7-7 Physiopathologie 7-7 Traitement 7-8 Atteinte cutanéo-muqueuse et/ou articulaire sans atteinte viscérale 7-8 Atteinte viscérale 7-8 Autres molécules utilisées 7-8 Nouvelles molécules 7-9 Évolution et pronostic 7-9 Références 7-9
Manifestations dermatologiques Aphtose buccale Selon les critères diagnostiques utilisés, l’aphtose buccale est présente dans 90 à 100 % des cas de MB. Elle est inaugurale dans 25 à 75 % des cas et peut rester longtemps isolée ⁵-⁷. Il est impossible cliniquement de différencier les lésions buccales de la MB des lésions d’aphtose récidivante idiopathique ou d’aphtose complexe que ce soit sur le sexe, l’âge de début, le nombre de récidives annuelles, le nombre de lésions au cours de chaque poussée et la durée de guérison ⁸. L’aphtose buccale est un critère dont la présence est exigée par les critères diagnostiques internationaux du Study Group for Behçet’s Disease ⁹ (encadré 7.A). Les aphtes sont des ulcérations douloureuses, isolées ou multiples, à bords nets (à l’emporte-pièce), au fond « beurre frais » ou grisâtre, entourées d’un halo inflammatoire. Ils siègent sur la face interne des joues, le sillon gingivo-labial, le pourtour de la langue (fig. 7.1) et le frein, le palais mais aussi plus rarement sur les amygdales et le pharynx. Classiquement de forme arrondie ou ovalaire, ils peuvent prendre une forme linéaire (fig. 7.2) notamment dans le sillon gingivo-labial et au niveau de la commissure rétro-molaire. La taille varie habituellement de 1 à 10 mm. Les lésions géantes sont rares. Le nombre d’aphtes au cours d’une poussée varie de
Maladie de Behçet Critères diagnostiques du Study Group for Behçet Disease 9
Coll. D. Bessis
1. Avoir une ulcération orale récurrente : aphte mineur ou majeur ou ulcération herpétiforme, observés par le patient ou le médecin, récidivant au moins 3 fois en 12 mois. Et au moins deux des manifestations suivantes : 2. Ulcération génitale récurrente : aphte ou cicatrice d’aphte observés par le patient ou le médecin. 3. Lésions oculaires : uvéite antérieure ou postérieure ou cellules dans le vitré à l’examen à la lampe à fente ou vasculite rétinienne. 4. Lésions cutanées : − érythème noueux observé par le patient ou le médecin − ou pseudo-folliculites ou lésions papulopustuleuses ou nodules acnéiformes observés par le médecin chez un patient post-adolescent sans traitement stéroïdien. 5. Test pathergique positif : lu par le médecin à 24-48h. Critères applicables uniquement en l’absence d’autres explications cliniques.
Fig. 7.2 Aphtose labiale inférieure, de forme linéaire, au cours d’une maladie de Behçet
7.A un à plusieurs dizaines. Lorsqu’ils sont nombreux ou de grande taille, ils gênent l’alimentation et l’élocution. L’évolution vers la guérison sans séquelle en quelques jours ou semaines est la règle. Les séquelles, rares au niveau de la muqueuse buccale au cours de la MB, sont secondaires aux ulcérations de grande taille. L’absence d’adénopathie satellite est classique dans la MB. La fréquence des récidives est très variable mais les critères diagnostiques internationaux exigent au minimum 3 poussées par an. L’examen histologique est non spécifique.
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Aphtose génitale L’aphtose génitale est très évocatrice de la MB mais non pathognomonique. Elle est notée dans 60 à 88 % des cas ⁵. Les poussées sont moins fréquentes que dans la bouche. Les lésions siègent avec prédilection sur le scrotum (fig. 7.3),
Fig. 7.3 Ulcérations à l’emporte-pièce nécrotique et à fond fibrineux du scrotum au cours d’une maladie de Behçet
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7-2
Fig. 7.1 Ulcérations larges, à bords nets, au fond « beurre frais » ou grisâtre, entourées d’un halo inflammatoire situées sur le bord latéral de la langue au cours d’une maladie de Behçet
plus rarement sur le gland ou l’urètre. Elles prennent un aspect d’ulcérations à l’emporte-pièce à fond jaunâtre précédées par des lésions de pseudofolliculite qui en seraient le stade initial. Contrairement aux lésions buccales, les ulcérations génitales font place dans 50 % des cas à des cicatrices durables, souvent dépigmentées. Ces séquelles sont un élément important du diagnostic. Chez la femme, elles siègent sur la vulve (fig. 7.4). Le caractère douloureux semble moins marqué que chez l’homme, les ulcérations génitales étant dans la moitié des cas asymptomatiques et découvertes lors de l’examen systématique de la patiente. Les lésions siègent plus rarement dans le va-
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Manifestations dermatologiques 7-3
Ulcérations aphtoïdes vulvaires au cours d’une maladie de
gin ou sur le col utérin. Les séquelles cicatricielles sont moins fréquentes que chez l’homme. L’examen histologique est non spécifique. Autres localisations d’aphtose L’aphtose cutanée est décrite dans 1,2 % des cas ⁵. Les lésions seraient plus fréquentes dans les régions axillaires et au niveau des espaces interorteils ¹⁰. Elles sont caractérisées par des ulcérations peu douloureuses à bords francs dont le fond est fibrineux et entourées d’un halo érythémateux inconstant. Il est difficile de distinguer les lésions évolutives de pseudo-folliculite des aphtes cutanés. Pour certains, ces entités seraient différentes, l’ulcération de l’aphte cutané n’étant pas précédée d’une pustule. L’aphtose péri-anale (fig. 7.5) est décrite dans 3 % des cas ⁵. L’aphtose conjonctivale est exceptionnelle ¹¹. Aucune de ces localisations n’est retenue dans les critères diagnostiques. Pseudo-folliculite Les lésions de pseudo-folliculite sont présentes dans 40 à 55 % des cas ⁵,¹². Elles sont caractérisées par des pustules non folliculaires stériles entourées d’un halo érythémateux, évoluant vers une croûte ou une ulcération. La phase initiale est papulovésiculeuse. Elles siègent préférentiellement sur le tronc (fig. 7.6), les membres inférieurs, les fesses, le scrotum, mais peuvent se voir sur l’ensemble du tégument. Histologiquement, les lésions correspondent à une inflammation dermique superficielle neutrophilique périvasculaire et interstitielle non centrée par un follicule.
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Fig. 7.4 Behçet
Fig. 7.5 Pseudo-folliculite et aphtose péri-anale au cours d’une maladie de Behçet Nodules dermo-hypodermiques Les nodules dermo-hypodermiques sont notés dans 27 à 40 % des cas ⁵,¹⁰. Deux types de nodules sont distingués à la fois sur des critères cliniques et évolutifs : 1. les nodules à type d’érythème noueux qui disparaissent en quelques jours, répondant rapidement aux traitements symptomatiques anti-inflammatoires. La nature de ces nodules est controversée : véritables nodules d’érythème noueux ou nodules de panniculite septale secondaires à une vascularite neutrophilique ¹³-¹⁸. Dans une étude comparative basée sur le comptage et l’examen histologique des nodules chez des patients présentant des nodules dermo-hypodermiques au cours d’une MB, un érythème noueux en dehors de la MB et des nodules de vascularite neutrophilique en dehors d’une MB, les auteurs ont conclu que les nodules dermohypodermiques de la MB correspondaient à des lésions de vascularite neutrophilique. Les nodules étaient plus nombreux chez les patients ayant un érythème noueux en dehors de la MB : présence de plus de 3 nodules chez tous ces patients, alors que seulement 50 % des cas de MB et de vascularite neutrophilique avaient plus de 3 nodules ¹⁴ ; 2. les nodules liés aux phénomènes thrombotiques vei-
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Maladie de Behçet
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Fig. 7.6 Pseudo-folliculite de maladie de Behçet : papules, vésicules et pustules non folliculaires de la partie haute du thorax et du cou neux (phlébites et paraphlébites) que l’on distingue par leur caractère linéaire (fig. 7.7), rouge sombre ou violacé, dur, d’évolution plus torpide en plusieurs semaines. Nodules acnéiformes Des lésions papulo-pustuleuses et des nodules acnéiformes sont notés dans 7 % des cas ⁵. Quoique peu fréquentes, ces lésions sont retenues dans les critères diagnostiques. Elles siègent sur le visage et la partie haute du tronc. Pathergie cutanée Le phénomène de pathergie cutanée est caractérisé par des lésions de pseudo-folliculite induites par un traumatisme superficiel (éraflure, intradermoréaction à des antigènes variés, prélèvement sanguin). Ce phénomène est pris en compte dans les critères diagnostiques.
Fig. 7.7 Nodules disposés linéairement sur les membres inférieurs caractérisant des thromboses veineuses superficielles au cours d’une maladie de Behçet purulent à limite supérieure horizontale dans la chambre antérieure) n’est ni constante ni spécifique. Elle est en fait rare, souvent quiescente et révélée uniquement à la lampe à fente. L’uvéite antérieure expose aux synéchies cristalliniennes et à l’hypertonie oculaire. L’uvéite postérieure est pratiquement constante en cas d’atteinte ophtalmologique (fig. 7.8). Des lésions des vaisseaux rétiniens sont souvent associées (périphlébite, périartérite, thrombose) ; plus rarement une conjonctivite, une épisclérite, ou une kératite. L’atteinte ophtalmologique engage le pronostic fonctionnel car les séquelles des poussées successives conduisent à la cataracte, à l’hypertonie oculaire ou à la cécité (plus de 50 % des cas à 5 ans en l’absence de traitement). Neurologiques ²⁶ Les manifestations neurologiques sont présentes dans
Autres lésions cutanéo-muqueuses D’autres lésions cutanées associées à la MB ont été décrites : des nodules dermo-hypodermiques des membres ainsi que des lésions papulo-œdémateuses du visage, du cou et du dos compatibles histologiquement avec des lésions de syndrome de Sweet ¹⁹ ; ulcérations cutanées de type pyoderma gangrenosum parfois associées à une entéropathie ⁶,¹¹,²⁰ ; lésions vasculaires (livédo, ecchymoses spontanées, purpura infiltré, purpura acral, engelures) ¹¹,²¹-²³ ; érythème polymorphe ¹¹ ; hidradénite neutrophilique eccrine chronique ²⁴. Au niveau des muqueuses, des lésions purpuriques ou hémorragiques, des nappes érythémateuses ont été notées ¹¹.
Coll. Dr F. Mura, service d’Ophtalmologie, Montpellier
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Manifestations viscérales Ophtalmologiques ²⁵ Les manifestations ophtalmologiques sont les plus fréquentes après les manifestations cutanéo-muqueuses. Elles sont retenues dans les critères diagnostiques. L’uvéite est présente dans 60 % des cas. Elle est le plus souvent totale. La classique uvéite antérieure à hypopion (épanchement
Fig. 7.8 Atteinte oculaire angiographique au cours d’une maladie de Behçet : papillite modérée, périphlébites des gros troncs rétiniens (PP : image en « double rail » et fuite diffuse du colorant le long des vaisseaux), vasculite diffuse à prédominance veineuse, œdème maculaire cystoïde chronique (OM) et hyalite modérée (le flou du cliché est lié à la perte de transparence du vitré)
Diagnostic positif environ 20 % des cas. Elles surviennent après environ 10 ans d’évolution de la MB. Par ordre décroissant de fréquence ²⁷ : céphalée (83 %), paralysie des nerfs crâniens (33 %), atteinte motrice centrale (33 %), troubles sensitifs (25 %), œdème papillaire bilatéral (21 %), syndrome cérébelleux (21 %), troubles psychiques (13 %), et plus rarement polynévrite des membres inférieurs, névrite optique rétrobulbaire. Le pronostic est très péjoratif en cas d’atteinte neurologique engageant parfois le pronostic vital (méningo-encéphalite, méningo-encéphalomyélite, thrombophlébites des sinus caverneux). Rhumatologiques ²⁸ Les manifestations rhumatologiques sont présentes dans 32 à 68 % des cas ²⁹,³⁰ à type de monoarthrites ou d’oligoarthrites (genoux, coudes, poignets et chevilles) fugaces mais récidivantes n’entraînant pas habituellement de destruction ostéo-cartilagineuse. Elles sont classiquement précoces au cours de l’histoire de la maladie, pouvant précéder les autres manifestations de plusieurs années. L’association à une spondylarthrite ankylosante et HLA B27 est notée dans 2 % des cas. Des observations d’ostéonécroses ont été rapportées d’étiologie incertaine (MB ou corticothérapie). Vasculaires ³¹ La physiopathologie de la MB est caractérisée par un tropisme très particulier pour les vaisseaux. Les thromboses veineuses (superficielles ou profondes) sont notées dans 30 à 40 % des cas. Elles sont plus fréquentes aux membres inférieurs (fémoro-ilaques) mais elles peuvent se former dans la veine cave, les veines rénales ou les veines sushépatiques ³². L’association à un syndrome des anticorps anticardiolipides est rare mais non exceptionnelle. Les thromboses surviennent dans 25 % des cas dans la première année d’évolution et 10 à 15 % d’entre elles s’accompagnent d’une embolie au cours de la MB. Le bilan d’hémostase est normal habituellement. Les manifestations artérielles sont possibles (3 à 5 % des cas, voire 33 % sur les autopsies ³³), à type d’artérites inflammatoires, de thromboses ou d’anévrismes (anévrismes multiples des artères pulmonaires dont le pronostic est sévère : syndrome de Hugues-Stovin ; anévrismes de l’aorte, des artères rénales, poplitées et radiales). Le risque de décès est élévé. Cardiaques Toutes les structures cardiaques peuvent être atteintes, provoquant alors un tableau de myocardite ou de péricardite ou d’endocardite avec valvulopathie ou de coronaropathie par anévrisme et thrombose, un risque de mort subite, d’infarctus ou d’hémopéricarde. Pleuro-pulmonaires Des observations d’hémoptysie, d’infiltrat parenchymateux, de pleurésie, d’embolie pulmonaire et de rares cas de vascularite ont été décrits au cours de l’évolution de la MB.
Digestives La fréquence des atteintes digestives varie de 1 à 30 %. Elles sont représentées essentiellement par des ulcérations. Elles peuvent se localiser sur l’œsophage, l’estomac, l’intestin ou la marge anale. Le pronostic de ces ulcérations est lié au risque de perforation digestive. Bien que les lésions digestives des entéropathies inflammatoires (maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique) soient très semblables aux ulcérations digestives de la MB, il ne semble pas exister d’association privilégiée entre entéropathies inflammatoires et MB comparativement à une population témoin ³⁴. Des observations de pancréatites ont été décrites. Urologiques et rénales L’atteinte rénale est rare, à type de néphropathie amyloïde survenant en général après des années d’évolution d’une MB non traitée ; de néphropathie glomérulaire avec dépôts d’IgA ; de thrombose des veines rénales. Les manifestations urologiques sont à type d’orchiépididymite et d’urétrite. Fièvre chronique Un tableau de fièvre chronique est rare au cours de la MB mais peut-être le mode d’entrée dans la maladie ⁵.
Diagnostic positif Le diagnostic de MB est clinique. Il peut être difficile au début lorsque les signes sont incomplets. Les critères internationaux du Study Group for Behçet’s Disease sont les critères diagnostiques les plus utilisés (encadré 7.A). Leur sensibilité est de 90 % et leur spécificité de 95 % ⁹. Ils permettent donc à terme le diagnostic de la plupart des MB. Les manifestations cutanéo-muqueuses constituent les éléments majeurs de ces critères et l’aphtose buccale est un critère indispensable sans lequel il ne peut y avoir de diagnostic. Plusieurs points sont cependant à souligner pour utiliser correctement ces critères et obtenir ainsi la même sensibilité et spécificité. Le diagnostic ne repose pas seulement sur l’observation du médecin mais également sur l’interrogatoire du patient (même si le médecin n’a pas constaté lui-même les lésions) pour l’aphtose buccale, les ulcérations génitales et l’érythème noueux. Les autres critères doivent être constatés par le médecin. Le test pathergique est un critère diagnostique important. Il est peu sensible (positif dans 15 à 36 % selon séries) ²⁹,³⁵,³⁶ mais très spécifique ³⁵. Cependant sa valeur diagnostique diffère selon le groupe ethnique : 60 % des patients atteints de MB ont un test positif au Moyen-Orient ³⁷, 5 % chez les Caucasiens ³⁸ et 15 % chez les Coréens ³⁹. La positivité du test varie également en fonction de la technique utilisée. La désinfection locale en diminuerait l’intérêt. L’injection diffère selon les praticiens, elle peut être intraveineuse, sous-cutanée ou intradermique, avec ou sans chlorure de sodium isotonique (0,1 à 0,2 ml). Plus l’aiguille est grosse et émoussée, plus le test est positif ⁴⁰. La technique recommandée par le Study Group for Behçet’s Disease consiste à réaliser le test à la face antérieure de l’avant-bras, avec une aiguille de 21 G. L’injection doit se faire verticalement jusqu’au tissu sous-cutané
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Maladie de Behçet avec une rotation de 360◦ . Le test pathergique est positif si une papulo-pustule apparaît vers la vingt-quatrième heure et culmine à la quarante-huitième heure. Il est négatif si le médecin constate un érythème ou une lésion cicatricielle. Il est faiblement positif en présence d’une papule, moyennement positif si la papule est recouverte d’une discrète vésiculo-pustule inférieure à 2 mm, et fortement positif si la vésiculo-pustule dépasse 5 mm. Idéalement, le test est à réaliser en dehors des périodes de traitements. Les Japonais utilisent d’autres critères diagnostiques révisés en 2003. Cette classification est très détaillée (différenciant les phases actives et latentes, donnant des critères de sévérité), mais difficile à utiliser en consultation ⁴¹. Il n’existe aucun marqueur biologique spécifique de la MB. Certaines anomalies biologiques peuvent accompagner les signes cliniques : une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, des anomalies de la fibrinolyse, une élévation du facteur VIII, la présence de complexes immuns circulants, une cryoglobulinémie. Un syndrome inflammatoire biologique est rarement noté mais doit faire rechercher une artérite. Les taux sériques de β-2-microglobuline ⁴² et de ferritine ³⁶ ont été proposés comme marqueurs d’activité de la maladie. Les critères diagnostiques de la MB ne sont « applicables qu’en l’absence d’autres explications cliniques » (encadré 7.A). Ainsi, dans un premier temps, aucun bilan biologique n’est nécessaire pour éliminer une MB. Il faut demander systématiquement un examen ophtalmologique (car l’uvéite antérieure est souvent quiescente et révélée uniquement à la lampe à fente en l’absence de symptômes) avec un examen du fond d’œil et réaliser le test pathergique. La recherche de l’antigène HLA B51 n’a pas d’intérêt diagnostique. Les biopsies cutanées ou muqueuses n’ont pas d’intérêt pour le diagnostic de MB et peuvent mettre en évidence une vascularite avec dépôts de complément peu spécifiques même s’il existe un certain contraste avec la pauvreté des dépôts d’immunoglobulines ⁴³. Si le diagnostic de MB n’est pas porté au terme de l’interrogatoire, de l’examen clinique, de l’examen ophtalmologique et de la lecture du test pathergique, il faudra réaliser un bilan à la recherche des diagnostics différentiels (voir la section suivante). Cependant, la recherche d’anticorps anticoagulants circulants doit être systématique d’autant plus qu’un traitement par thalidomide est envisagé (risque thrombogène de la thalidomide). Les autres manifestations viscérales de la MB seront explorées en fonction de la symptomatologie. Une exploration veineuse ne sera envisagée en l’absence de signes cliniques de thromboses que si la MB est associée à la présence d’anticorps anticoagulants.
Diagnotics différentiels Aphtose buccale récidivante Elle est caractérisée par des poussées d’aphtose localisées uniquement au niveau de la bouche sans manifestation systémique. L’examen clinique minutieux associé à des explorations simples peut orienter le diagnostic étiologique vers une des pathologies suivantes :
− les récurrences herpétiques orales peuvent réaliser un tableau d’aphtose récidivante. La présence d’adénopathies douloureuses concomitantes, un prélèvement pour culture virale et éventuellement un test thérapeutique prolongé à l’acyclovir permettent d’affirmer ou d’infirmer le diagnostic. Les infections à VIH, CMV ou EBV peuvent réaliser un tableau d’aphtose récidivante pendant plusieurs semaines mais disparaissent habituellement progressivement ; − les toxidermies : de nombreuses molécules peuvent induire des ulcérations douloureuses buccales chroniques. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens, le nicorandil (fig. 7.9), les β-bloquants, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion sont fréquemment incriminés. Les stomatites post-chimiothérapie peuvent également induire des stomatites ulcératives. Le contexte et la chronologie des prises médicamenteuses suffisent le plus souvent ;
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Fig. 7.9
Ulcération linguale étendue induite par la prise de nicorandil
− les allergies alimentaires et de contact : quelques observations d’allergie alimentaire (propolis, eugénol et dérivés...) ou de contact (dentifrices...) ont été décrites comme facteur étiologique d’aphtose récidivante avec patch-tests positifs et épreuves de réintroduction positives. L’examen clinique peut montrer une muqueuse érythémateuse en dehors des ulcérations ou de discrètes lésions d’eczéma au niveau des commissures labiales à type de chéilite angulaire. La pose de patchtests (batterie standard et substances suspectées par l’interrogatoire) et la tenue d’un carnet alimentaire peuvent confirmer le diagnostic ; − les dermatoses bulleuses auto-immunes sont classiquement citées parmi les étiologies. L’examen clinique de la peau et des muqueuses permet facilement d’éliminer le diagnostic d’aphtose. Les lésions sont habituellement à type d’érosions, moins bien limitées, plus diffuses, marquées par un décollement périphérique. Les localisations au niveau au niveau des sillons gingivaux ou de la commissure rétro-molaire peuvent cependant prendre un aspect d’ulcération aphtoïde. La dermatite
Physiopathologie
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herpétiforme est caractérisée par des lésions de petites tailles, plus nombreuses, évoluant par poussées, très fréquemment confondues avec des aphtes. L’examen histologique, l’examen en immunofluorescence d’un prélèvement de muqueuse buccale de bonne qualité et la recherche d’anticorps circulants antimembrane basale et antisubstance intercellulaire permettent de porter le diagnostic ; le lupus, le lichen et la polychondrite chronique atrophiante sont cités parmi les diagnostics différentiels. Le cortège de lésions associées cutanéo-muqueuses permet de faire le diagnostic le plus souvent ; les entéropathies inflammatoires (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique) peuvent se présenter sous la forme d’ulcérations buccales moins douloureuses mais infiltrées en périphérie. L’examen histologique d’une ulcération permet d’obtenir le diagnostic. D’une façon générale, le bilan d’une aphtose buccale récidivante sans étiologie doit comporter au moins une biopsie ; la neutropénie cyclique est caractérisée par une neutropénie périodique de trois semaines. Des anomalies fonctionnelles des polynucléaires neutrophiles peuvent provoquer des ulcérations buccales. L’aphtose buccale est classique dans la granulomatose familiale septique associée à des lésions proches du lupus discoïde ¹⁰,⁴⁴ ; les carences en fer, en vitamine B 12, en acide folique : les ulcérations buccales sont rarement isolées. Une stomatite érythémateuse ou une glossite érythémateuse dépapillée accompagnent les ulcérations. Des signes généraux complètent le tableau avec des troubles psychiques, notamment dans les carences vitaminiques. La carence martiale s’accompagne d’anomalies des phanères. L’hémogramme révèle des anomalies fortement évocatrices ; l’aphtose idiopathique familiale.
Aphtose complexe Le terme d’aphtose complexe a été introduit en 1984 par Jorizzo et al. ⁴⁵ et défini par l’association d’aphtes récidivants oraux et génitaux ou périanaux, presque constants, multiples ( 3 aphtes buccaux) sans manifestation systémique. De nouvelles lésions apparaissent alors que les anciennes sont en cours de guérison. La différentiation entre aphtose complexe et forme débutante de la MB est difficile au début. L’aphtose complexe appartiendrait au spectre des aphtoses récidivantes et en serait la forme la plus sévère. Au niveau buccal, les cicatrices seraient plus fréquentes que dans la MB. Les poussées diminuent avec l’âge. En Corée, zone endémique, 52 % de 67 patients prospectifs suivis pour une aphtose complexe ont développé une MB dans les 8 ans qui ont suivi les premières manifestations muqueuses ⁴⁶. Ce pourcentage semble plus faible en Europe et aux États-Unis. La recherche étiologique est la même que celle effectuée pour les aphtoses buccales récidivantes. Il faut ajouter les causes d’ulcérations génitales récidivantes.
IL interleukine · TNF tumor necrosis factor
Aphtose génitale Le diagnostic différentiel des aphtes génitaux est le même que pour les lésions buccales. Il faut cependant savoir réaliser des prélèvements microbiologiques à la recherche d’infections sexuellement transmissibles (IST) (syphilis, donovanose, chancre mou). L’examen clinique peut permettre une orientation diagnostique car les lésions d’IST possèdent des caractéristiques sémiologiques différentes. Les lésions du syndrome de Reiter se distinguent par la collerette spécifique et l’association à des arthralgies. L’ulcération aiguë vulvaire douloureuse de Lipschütz apparaît dans un contexte de syndrome infectieux chez une jeune fille évoluant vers la guérison spontanée en 3 semaines sans récidive. L’aphtose tripolaire buccale, génitale et anale oriente le diagnostic vers une entéropathie inflammatoire ¹⁰.
Physiopathologie Le sex-ratio H/F de la MB est de 7/3 pour les formes symptomatiques et est égal à 1 pour les formes peu symptomatiques ⁴⁷. La MB débute pendant la troisième décennie mais peut survenir chez l’enfant ⁴⁸. Les arguments en faveur d’un facteur génétique sont : prédominance autour du bassin méditerranéen et en Asie ² ; rares cas familiaux ⁵ et néonataux ⁴⁹ ; fréquence accrue de HLA B51 (60 à 80 % des cas) ⁵⁰. La présence de HLA B51 serait associée avec un fonctionnement excessif des polynucléaires neutrophiles. Le lien entre HLA B51 et MB pourrait être un segment génomique de 46 kb situé entre le gène A du complexe majeur d’histocompatibilité de classe I (gène MICA) et le gène HLA-B mais les preuves sont très indirectes ⁵¹. L’hypothèse virale, notamment à herpes simplex virus, longtemps évoquée, semble écartée. L’hypothèse microbienne actuelle met en avant le rôle du streptocoque sanguis et la réactivité croisée avec des protéines de stress (fortes similitudes entre les Heat Shock Protein (HSP) mitochondriales humaines et les HSP microbiennes) ⁵². La stimulation des HSP serait capable d’activer la production d’interleukine (IL)-8 et de tumor necrosis factor (TNF). Il existe également des arguments en faveur de la théorie immunitaire : en immunofluorescence, dépôts de complément au niveau des ulcérations buccales, des biopsies rénales et cutanées ; complexes immuns circulants chez les patients en poussée ; profil lymphocytaire TH1/TH2 de type TH1 ⁵³ (TH : T-helper). La théorie environnementale a été avancée devant une augmentation des taux de cuivre, de zinc, d’hexachlorure de benzène ou de polychlorinate-biphényl dans le sang et les biopsies nerveuses. Génétique et environnement semblent se mêler car l’incidence de la MB chez les Américains d’origine japonaise ainsi que chez les Allemands d’origine turque est plus élevée que chez les autochtones mais reste moins élevée qu’au Japon ou en Turquie ³. Les similitudes avec la fièvre méditerranéenne familiale (FMF) ont conduit des équipes à rechercher des mutations du gène codant pour la FMF. Des mutations ont été trouvées quatre fois plus souvent dans la MB par rapport aux témoins ⁵⁴. Ce gène intervient dans le métabolisme des py-
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Maladie de Behçet rines dont la dysrégulation aboutit à une augmentation de la production du TNF et une dysrégulation des polynucléaires neutrophiles.
Traitement En l’absence de marqueurs spécifiques d’activité de la MB, un index d’activité a été proposé récemment : le Behçet’s Disease Current Activity Form. Cet index semble pratique, logique et utilisable en routine, ce qui permettrait d’avoir une comparaison standardisée entre deux consultations ⁵⁵. Une échelle de qualité de vie spécifique de la MB a été validée ⁵⁶. Ces outils ne sont pas utilisables en France pour le suivi thérapeutique car aucun n’a été validé en français. Le traitement de la MB est non codifié et reste purement symptomatique. Il faut distinguer deux situations : la MB avec atteinte viscérale et la MB sans atteinte viscérale. Atteinte cutanéo-muqueuse et/ou articulaire sans atteinte viscérale Les traitements locaux de contact sont rapidement insuffisants. Un traitement systémique est habituellement nécessaire. Colchicine Elle est proposée en première intention (1 à 2 mg/j) plus ou moins associée à l’aspirine (100 mg/j). Son efficacité a été démontrée par une étude randomisée ⁵⁷. Elle est efficace également sur les atteintes articulaires. La colchicine ne permet pas toujours la rémission complète mais peut permettre au patient de supporter des lésions moins nombreuses. La prise doit être prolongée car les récidives sont rapides à l’arrêt du traitement. C’est un traitement bien toléré au long cours : les troubles digestifs sont les plus fréquents, la leucopénie est rare et les myoneuropathies sont exceptionnelles. La colchicine peut être maintenue pendant la grossesse. Thalidomide L’intérêt de la thalidomide dans les formes cutanéo-muqueuses a été démontré par une étude contrôlée ⁵⁸. Elle est aussi efficace et mieux tolérée à la dose de 100 mg/j qu’à la dose de 300 mg/j. Les aphtes buccaux guérissent en 4 semaines, les aphtes génitaux en 8 semaines. Les lésions à type d’érythème noueux peuvent être exacerbées pendant les 8 premières semaines de traitement. La thalidomide est un traitement purement suspensif. La survenue de thrombose lors de l’induction de la thalidomide a été observée ; l’association systématique d’aspirine à dose antiaggrégante paraît intéressante mais n’a pas été étudiée. Les limites d’un traitement par thalidomide sont représentées par les risques de polynévrites sensitives (augmentés si alcoolisme ou diabète), de fœtopathies, de somnolence, de prise de poids et d’aménorrhée. Disulone (50 à 100 mg/j) Il existe une étude randomisée en double aveugle contre placebo et en cross-over chez 20 patients avec atteinte cutanéo-muqueuse et articulaire ⁵⁹. La dapsone était efficace en 1 mois environ. Les résultats n’étaient pas exprimés en termes de rémission mais en amélioration du nombre, de la taille, de la durée, de la fréquence des lésions et sur leur prévalence, ce qui rend la TNF tumor necrosis factor
lecture difficile. L’efficacité semble voisine de celle de la thalidomide mais nécessite une surveillance hématologique en début de traitement. Les accidents d’hypersensibilité à la dapsone sont rares mais parfois sévères. Atteinte viscérale Le traitement des formes viscérales est également efficace sur les lésions cutanéo-muqueuses. Mis à part certaines atteintes ophtalmologiques qui peuvent être traitées par une corticothérapie intra-oculaire, le traitement des formes viscérales repose sur une corticothérapie plus ou moins associée à des immunosupresseurs. La corticothérapie n’est pas indiquée dans les formes cutanéo-muqueuses et/ou articulaires isolées. Elle est indiscutable dans les formes vasculaires et neurologiques. La corticothérapie s’impose sous forme de bolus (1 g IV 3 heures) associée au cyclophosphamide particulièrement dans les formes neurologiques. Les immunosuppresseurs ne doivent pas être initiés seuls à cause de leur latence de réponse. Ils permettent une certaine épargne de la corticothérapie. Le cyclophosphamide peut être utilisé per os (2 mg/kg) ou en bolus de 750 mg à 1 g. La corticothérapie orale prend le relais des bolus et doit être maintenue 2 ans associée à un immunosuppresseur et à l’aspirine. La corticorésistance est exceptionnelle mais la corticodépendance est la règle, posant le problème des complications de la corticothérapie. L’azathioprine est une alternative au cyclophosphamide (mais son pouvoir mutagène supérieur en limite les prescriptions chez des patients jeunes). Il existe une étude contrôlée prouvant son efficacité à la dose de 2,5 mg/kg/j ⁶⁰. L’introduction précoce d’azathioprine semble améliorer le pronostic lointain, surtout dans les atteintes oculaires ⁶¹. La ciclosporine est très efficace sur les formes oculaires ⁶²,⁶³ mais la toxicité à long terme (HTA, néphrotoxicité) est fréquente. Son efficacité a été démontrée par une étude contrôlée versus colchicine ⁶⁴. La ciclosporine doit être évitée dans les formes neurologiques car elle pourrait aggraver les lésions neurologiques ⁶⁵. Le méthotrexate à faible dose (7,5 mg/kg) est une alternative. Il serait particulièrement intéressant dans les neurobehçet corticorésistants ⁶⁶. Le chlorambucil est à réserver aux cas résistants. L’anticoagulation efficace et prolongée est indispensable dans les formes vasculaires. L’association héparine-corticoïdes aggrave l’ostéoporose. Autres molécules utilisées La pentoxifylline a été proposée, notamment dans les formes avec uvéite, mais il n’existe pas d’étude contrôlée ⁶⁷,⁶⁸. Des plasmaphérèses et des injections d’immunoglobulines ont été essayées de façon anecdotique. Les antipaludéens de synthèse et le lévamizole se sont avérés décevants. Dans une étude contrôlée, l’association pénicilline-colchicine était plus efficace que la colchicine pour le contrôle des lésions cutanéo-muqueuses et la prévention des manifestations articulaires ⁶⁹. La benzathinepénicilline prolongée permettrait de prévenir les poussées ⁶⁹.
Références Nouvelles molécules Interféron Une revue de la littérature a permis de relever jusqu’à 2002 trente-deux articles originaux et quatre abstracts sur le traitement de la MB (au total 338 patients) par interféron α-2a (264 patients) et α-2b (74 patients) dans les atteintes cutanéo-muqueuses (247 patients) et oculaires (75 patients) ⁷⁰. Une seule étude était contrôlée montrant l’efficacité de l’interféron ⁷¹. Une seconde étude associant colchicine, pénicilline et interféron était contrôlée mais rétractée ensuite par l’éditeur du journal ⁷²,⁷³. Dans cette revue, l’interféron α apparaît comme efficace avec de meilleurs résultats pour les formes oculaires sévères ou résistantes aux traitements (94 % de réponses). L’interféron était efficace également pour les patients avec une forme cutanéo-muqueuse (84 % de réponses) et/ou articulaire (96 % de réponses) mais les rémissions complètes étaient moins nombreuses. Le temps de réponse complète variait en moyenne de 4 à 6 semaines. Les traitements avec forte dose d’interféron étaient plus efficaces mais il est difficile d’extraire de ces études la dose idéale tant les schémas variaient. À titre indicatif, le groupe des patients ayant une rémission à long terme avait reçu en moyenne 30 millions d’unités par semaine contre 16 millions d’unités dans le groupe avec rechute rapide à l’arrêt de l’interféron. Les effets secondaires étaient ceux décrits avec l’interféron. Les auteurs de cette revue proposent de commencer le traitement entre 6 et 9 millions d’unités par jour pendant 4 semaines puis de diminuer à 4,5 millions par jour pendant 4 semaines puis à 3 millions 3 fois par semaine à maintenir pendant au moins 8 semaines après la rémission. Anti-TNF-α Les concentrations de TNF-α et de son récepteur soluble sont augmentées dans le sérum des patients atteints de MB. Quelques observations de succès thérapeutique (infliximab, étanercept) chez des MB réfractaires aux traitements classiques est encourageant ⁷⁴. Il existe 13 publications concernant 20 patients avec 19 réponses sur 20 ⁷⁵. Lors de la dixième conférence internationale sur la MB en juin 2002, 35 % des médecins présents ont déclaré avoir déjà utilisé un anti TNF-α dans cette indication. Anti-CD52 Une étude ouverte incluant 18 patients a montré un taux de rémission de 72 %. Bien que le traitement ait été bien supporté, tous les patients ont eu une lymphopénie prolongée ⁷⁶.
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TNF tumor necrosis factor
Rebamipide Une étude contrôlée contre placebo chez 35 patients ayant des atteintes cutanéo-muqueuses de la MB a montré une efficacité sur la réduction du nombre d’aphtes et de la douleur (65 % pour le groupe traité versus 36 % pour le groupe placebo). Il est impossible d’évaluer les résultats en termes de rémission complète ou incomplète sur la présentation de l’article. Le rebamipide est un antiacide gastrique (stimulant la sécrétion de prostaglandines endogènes au niveau de la muqueuse gastrique) essentiellement commercialisé en Asie et aux États-Unis (seulement 2 % des ventes en France). Constituants de la fumée de cigarettes Plusieurs observations et une étude longitudinale de patients atteints de MB souhaitant arrêtant de fumer ont montré une aggravation de la MB lors du sevrage ⁷⁷. La cigarette semble améliorer non seulement les manifestations buccales mais aussi les lésions systémiques ⁷⁸. Les patchs de nicotine ne semblent pas avoir une efficacité franche. D’autres éléments de la fumée de cigarette et notamment des aldéhydes pourraient expliquer les vertus thérapeutiques de la fumée de cigarette ⁷⁸.
Évolution et pronostic Pour un malade donné, l’évolution de la maladie est imprévisible. Elle se fait par poussées, plus ou moins régressives, au cours desquelles un nouvel organe peut être atteint. Les formes avec méningo-encéphalite, accident thromboembolique ou perforation intestinale sont les formes responsables de la majorité des décès. Le risque fonctionnel majeur est la cécité due à l’uvéite. L’observance stricte et prolongée du traitement (colchicine, thalidomide, immunosuppresseurs) est un facteur positif pour le pronostic diminuant l’incidence des complications ⁷⁹. Les formes sont plus sévères autour de la Méditerranée et en Asie que dans les populations occidentales, plus sévères chez les hommes que chez les femmes. Une étude turque avec 20 ans de suivi a montré une mortalité de 9,8 % ⁸⁰ ce qui est plus fréquent que la mortalité rapportée auparavant ³⁷. La mortalité diminue avec le temps, les premières années étant les plus à risque.
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7-9
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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Boulinguez S. Maladie de Behçet. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 7.1-7.11.
7-11
8
Syndrome de Gougerot-Sjögren
Loïc Vaillant, Sophie Le Dû Manifestations cliniques 8-1 Atteinte buccale 8-1 Atteinte oculaire 8-2 Signes cutanés 8-2 Manifestations articulaires et musculaires 8-3 Manifestations viscérales 8-3 Physiopathologie 8-4 Événement déclenchant 8-4 Réactions inflammatoires et immunitaires 8-5 Mécanisme des lésions 8-5
L
e syndrome de Gougerot-Sjögren (SGS) est une maladie auto-immune chronique des glandes exocrines, caractérisée par un infiltrat lymphocytaire et une destruction des glandes salivaires, lacrymales et plus généralement des glandes exocrines. Dans moins de la moitié des cas, le SGS se manifeste uniquement par un syndrome sec (xérostomie et sécheresse oculaire), souvent associé à des douleurs articulaires et/ou musculaires et une fatigue, sans altération de l’état général. Dans la moitié des cas, il existe une atteinte systémique responsable de manifestations extraglandulaires viscérales pouvant donner, par infiltration lymphocytaire et/ou vascularite leucocytoclasique, une atteinte pulmonaire, cardiaque, rénale, gastro-intestinale, endocrinienne, neurologique centrale ou périphérique. La prévalence dans la population générale est de 0,1 à 0,6 % ¹ avec une prépondérance féminine (ratio de neuf femmes pour un homme). Il existe deux pics de fréquence : l’un entre 20 et 30 ans et un pic plus important après la ménopause, vers 50-55 ans ². Il est défini deux formes de SGS : le SGS primaire survenant isolément, et le SGS secondaire associé à une autre maladie systémique (polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux disséminé, sclérodermie, polymyosite). Le SGS secondaire atteint 30 à 50 % des malades atteints de polyarthrite rhumatoïde, 10 à 25 % de ceux ayant un lupus systémique. En dehors des SGS secondaires, des maladies auto-immunes sont plus fréquemment associées au SGS, soit dans les antécédents personnels, soit dans les antécédents familiaux (en particulier les thyroïdites autoimmunes). Près de 5 % des SGS peuvent se compliquer d’un lymphome B de bas grade de malignité.
Diagnostic 8-5 Pronostic et évolution 8-6 Mortalité 8-6 Lymphome 8-6 Traitement 8-7 Traitement de fond 8-7 Traitements symptomatiques du syndrome sec 8-7 Traitement des manifestations extraglandulaires non viscérales 8-8 Références 8-8
Manifestations cliniques Le SGS primaire est souvent révélé par une xérostomie ou parfois par des stomatodynies ³, un syndrome de fatigue chronique, une sécheresse oculaire ou une polyarthrite non destructrice. Atteinte buccale La xérostomie peut être asymptomatique ou entraîner un simple inconfort, parfois une sensation de brûlure ou des douleurs. La sensation de bouche sèche est évocatrice d’une xérostomie si elle survient au cours de l’alimentation ou si elle est accompagnée par la prise de liquide pour aider à avaler des aliments secs, ou s’il existe des difficultés à avaler toute nourriture. La prise fréquente de liquide dans la journée doit faire rechercher une xérostomie. Il peut exister également des picotements lors de la prise d’aliments épicés, salés ou amers. Les patients rapportent parfois une sensation de goût métallique, ou une diminution du goût. La xérostomie est responsable de sensation matinale de lèvres collées avec rétention de cosmétique sur les dents antérieures, et absence de réserve de salive à la base de la langue. La salive est modifiée qualitativement : salive épaisse et filamenteuse avec parfois hypersialorrhée paradoxale. La cavité buccale a un aspect sec, rouge, prédominant souvent à la langue. Celle-ci peut être dépapillée (fig. 8.1). L’abaisse-langue collant à la paroi jugale est évocateur de xérostomie. Les lèvres sont souvent sèches, parfois fissurées ou desquamant superficiellement. L’augmentation de volume des glandes salivaires principales, parfois intermittente, peut révéler une xérostomie ; lorsqu’elle est
Syndrome de Gougerot-Sjögren poussées de kérato-conjonctivite sèche n’entraînent pas habituellement de risques de perte de vision puisque la rétine est respectée dans le SGS ; néanmoins les lésions cornéennes peuvent être parfois sévères.
Coll. D. Bessis
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Fig. 8.1 Langue dépapillée au cours d’un syndrome de Gougerot-Sjögren bilatérale et non douloureuse, elle est due à un syndrome de Gougerot-Sjögren. L’hyposialie est souvent responsable de complications. Les plus fréquentes sont dentaires ⁴ : dents grisâtres, multiples caries dentaires, caries atypiques atteignant les incisives, le collet ou les cuspides. Ces caries précoces, nombreuses, évolutives, peuvent conduire à une édentation. Le tartre et la plaque dentaire sont plus abondants et se forment plus rapidement. La gingivite tartrique peut être responsable d’une parodontopathie secondaire conduisant à la résorption de l’os alvéolaire et à la chute des dents. Les candidoses buccales sont fréquentes et récidivantes. Il peut s’agir d’une perlèche habituellement bilatérale, ou d’une candidose atrophique chronique, notamment chez les patients porteurs de prothèse adjointe. Les prothèses adjointes sont souvent mal supportées du fait de la xérostomie ; elles peuvent favoriser des ulcérations traumatiques. Atteinte oculaire La sécheresse oculaire peut se manifester par une sensation de sable dans les yeux, parfois des douleurs et plus rarement des conjonctivites. Dans les cas les plus sévères, il peut exister une impression de corps étranger, une sensation de brûlure et exceptionnellement une photophobie. Les autres signes oculaires sont souvent absents ou discrets : sécrétion épaisse le matin, absence de larmes sous l’influence d’irritants ou d’émotions. La kérato-conjonctivite sèche peut être révélatrice. Devant un œil rouge et douloureux, il faut éliminer une blépharite, une kératite herpétique, une conjonctivite ou une uvéite antérieure. Les
Signes cutanés Probablement sous-évaluée, la sensation de xérose cutanée est une plainte fréquente (23-67 %) des patients atteints de syndrome de Gougerot-Sjögren ⁵. Cette xérose est souvent responsable d’un prurit (plus de 50 % des cas), exceptionnellement révélateur du SGS. Elle est significativement plus fréquente dans les SGS primaires que dans les secondaires ⁴. Certains patients atteintes de SGS se plaignent d’une sécheresse des cheveux. La cause de la xérose est controversée : altération de la sudation ⁶, trouble de la sécrétion sébacée ou altération fonctionnelle du stratum corneum proche de ce qui est observé dans la peau sénile ⁵. La vascularite leucocytoclasique est présente dans près du tiers des SGS, particulièrement en cas de présence d’anticorps anti-SSA ². Elle se manifeste dans la majorité des cas par un purpura palpable des membres inférieurs. Elle est alors souvent associée à la présence de facteur rhumatoïde, d’une hypergammaglobulinémie et parfois d’une cryoglobulinémie. Le purpura hyperglobulinémique de Waldenström doit faire rechercher un SGS qu’il vient habituellement révéler. Rarement, des ulcérations ou des nodules accompagnent les lésions purpuriques. Les récidives de purpura de vascularite sont fréquentes au cours du SGS. Le risque d’atteinte neurologique, périphérique ou centrale, est augmenté chez le patient ayant un SGS avec une vascularite cutanée. Une vascularite urticarienne est rarement observée. Elle se caractérise par des plaques urticariennes érythémateuses et œdémateuses, persistant plus de 24 heures. Ces lésions, parfois hyperesthésiques, évoluent souvent pendant plusieurs semaines. La biopsie des lésions purpuriques ou urticariennes, si elle est faite, montre une vascularite leucocytoclasique des petits vaisseaux cutanés sans particularité. Le même aspect histologique est parfois trouvé chez des patients atteints de SGS, dans des lésions cutanées à type d’ulcères digitaux, de pétéchies ou de purpura non palpable, de lésions érythémateuses à type de pseudo-cocardes, de macules, ou de nodules. Le syndrome de Raynaud est rapporté, avec ces trois phases typiques, dans près de 20 % des SGS. Sa fréquence de survenue est augmentée en cas de présence d’anticorps anticentromères, même en l’absence de sclérodermie. L’érythème annulaire du SGS est rapporté dans 6 % des SGS primitifs et 3 % des SGS secondaires ⁵. Il est habituellement associé à la présence d’anticorps SSA et/ou SSB (75 % des cas). On décrit trois types cliniques ⁷ : 1o un érythème annulaire avec bordure surélevée faisant discuter un syndrome de Sweet ⁷,⁸ ; 2o un érythème annulaire desquamant en périphérie très proche de celui observé dans le lupus subaigu (fig. 8.2) ; 3o un érythème annulaire et papuleux à guérison centrale. Histologiquement, il existe un infiltrat lymphocytaire avec parfois une dermatite de l’interface. Le lupus band test est négatif. Ces lésions atteignent surtout la face, les bras, le tronc et les plantes.
Manifestations cliniques 8-3
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velu. Les lésions cutanées peuvent laisser des cicatrices atrophiques hyper- ou hypopigmentées, mais le plus souvent elles guérissent en quelques mois sans séquelles. Un bloc auriculo-ventriculaire peut être associé. Les autres signes systémiques sont exceptionnels. L’existence d’un SGS avec présence d’anticorps anti-SSA (et/ou anti-SSB) chez une femme enceinte impose les mêmes mesures de diagnostic précoce et de surveillance qu’un lupus à SSA. En particulier, il est impératif de dépister la survenue d’un bloc auriculoventriculaire pendant la grossesse, même si le risque de survenue est faible (moins de 5 %).
Fig. 8.2 Érythème annulaire proche du lupus subaigu annulaire au cours d’un syndrome de Gougerot-Sjögren primitif Elles persistent un à trois mois et guérissent sans cicatrice. Elles sont souvent récidivantes. D’autres manifestations cutanées ont été rapportés : érythème des paupières ⁵, vitiligo ⁹, anétodermie, alopécie, lymphome cutané ¹⁰. Des cas d’amylose cutanée nodulaire localisée primitifs ont été récemment rapportés avec présence de substance amyloïde et d’immunoglobulines de chaînes légères ¹¹. D’authentiques syndromes de Sweet ont été rarement rapportés. Des éruptions médicamenteuses et des lésions d’origine virale (notamment dues au virus herpès) ainsi que des pseudo-lymphomes sont décrits ². La sécheresse vulvaire et vaginale est fréquemment observée chez les femmes, mais elle doit être recherchée systématiquement à l’interrogatoire et à l’examen. Elle est fréquemment responsable de démangeaisons et de brûlures et une dyspareunie orificielle et profonde est souvent associée. Le lupus érythémateux néonatal est lié à la présence d’anticorps anti-SSA. Il est habituellement rapporté chez les femmes ayant un lupus à SSA, mais sa survenue est possible en cas de SGS sans lupus mais avec présence d’anticorps anti-SSA. Les lésions cutanées sont celles du lupus érythémateux néonatal : lésions érythémato-squameuses annulaires, de taille variable, parfois confluentes, évoluant vers l’atrophie. Elles prédominent dans la partie supérieure du tronc et au visage avec parfois une atteinte du cuir che-
Manifestations articulaires et musculaires Les douleurs articulaires sont souvent symétriques, réalisant habituellement des polyarthralgies inflammatoires périphériques (mains, pieds). Une polyarthrite non érosive pouvant ressembler à celle d’un lupus ou d’une polyarthrite rhumatoïde est possible. Une arthrite érosive est exceptionnelle. Un gonflement articulaire asymétrique doit faire rechercher une autre cause d’arthrite (infectieuse ou microcristalline). Les douleurs musculaires sont fréquentes. Elles peuvent réaliser une myosite proximale douloureuse. Celle-ci est habituellement isolée sans augmentation des enzymes musculaires, ni anomalies à l’EMG. Une diminution de la force musculaire est parfois présente. Une polymyosite peut être associée à un syndrome sec réalisant un SGS secondaire, parfois difficile à différencier d’un SGS primaire avec manifestations musculaires prédominantes. Il faut également éliminer une myopathie médicamenteuse (notamment aux stéroïdes ou aux statines). Une grande fatigue est un signe fréquent du SGS. Il ne s’accompagne pas de signes généraux (notamment pas de fièvre ou d’amaigrissement). L’association de cette fatigue avec des douleurs musculaires sans signe objectif et une polyarthralgie fait discuter une fibromyalgie ou un syndrome de fatigue chronique. Il a été rapporté une association assez fréquente entre la fibromyalgie et le SGS ². La biopsie musculaire n’est pas toujours contributive car dans le SGS elle montre habituellement une myosite non spécifique. Manifestations viscérales Manifestations respiratoires Une toux sèche persistante est assez fréquente. Elle est souvent liée à une trachéobronchite sèche. Exceptionnellement, elle est due à un reflux gastro-trachéal. La pneumopathie interstitielle lymphocytaire est la manifestation respiratoire la plus fréquente. Elle peut évoluer vers une fibrose pulmonaire. Manifestations cardiaques La péricardite se voit dans le SGS. L’hypertension pulmonaire est rare. Manifestations rénales et urologiques La plus fréquente est la néphropathie interstitielle avec acidose tubulaire distale et parfois hypokaliémie. Une glomérulonéphrite est rare. Leur rique évolutif est l’insuffisance rénale. Une insuffisance rénale aiguë peut être observée lors de la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens. Des douleurs vésicales, favorisées par la prise importante de liquide, peuvent révéler une cystite intersititielle.
Syndrome de Gougerot-Sjögren
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Fig. 8.3
Pathogénie du syndrome de Gougerot-Sjögren
Manifestations digestives Une dysphagie est observée fréquemment, due en partie à la xérostomie, mais également à une dyskinésie œsophagienne. Une gastrite atrophique modérée de l’estomac est rare. En cas de gastrite, il faut rechercher une infection à Helicobacter pylori qui pourrait favoriser chez les patients atteints de SGS un lymphome MALT. Les complications digestives graves, essentiellement une pancréatite, sont rares. Une cirrhose biliaire primitive et une maladie cœliaque ont été décrites en association avec un SGS. Manifestations neurologiques Elles sont présentes dans 20 % des SGS. Les atteintes du système nerveux central sont dues à une vascularite ou à un processus de démyélinisation (parfois de type pseudo-sclérose en plaques). Elles peuvent être responsables de troubles moteurs ou de troubles de la parole de façon exceptionnelle. Une atrophie optique d’origine ischémique a été rapportée. Une névralgie du trijumeau est fréquente dans le SGS. Les atteintes périphériques sont plus fréquentes, prédominant sur la sensibilité superficielle, sont en général asymétriques et pourraient être dues à une vascularite des petits vaisseaux. Manifestations psychiatriques Les symptômes dépressifs et anxieux sont fréquents chez les patients atteints de SGS. Ils peuvent être favorisés par le stress induit par cette maladie, mais sont habituellement dus au SGS luimême. Les tests psychométriques mettent en évidence une atteinte du lobe frontal et des centres de la mémoire (objectivés par PETscan). Ils sont responsables de troubles des fonctions cognitives avec des troubles de la mémoire, des troubles de l’attention et de la concentration. Manifestations endocriniennes L’hypothyroïdie est sou-
vent associée au SGS et secondaire à une thyroïdite autoimmune évoluant parfois (10 %) vers une hypothyroïdie.
Physiopathologie La physiopathologie du syndrome de Gougerot-Sjögren n’est pas encore totalement élucidée. Elle est multifactorielle. Des facteurs d’environnement déclencheraient une réaction inflammatoire chez des individus ayant une prédisposition génétique à cette maladie (fig. 8.3). Événement déclenchant Des lésions des glandes exocrines provoquées par un facteur extérieur pourraient conduire à la nécrose ou à l’apoptose des glandes avec ensuite expression à la surface de la protéine SS-A. Les lésions salivaires seraient à l’origine d’une sécrétion de molécules d’adhésion et de chimiokines favorisant le homing des lymphocytes et des cellules dendritiques dans la glande ². Une cause virale est suspectée du fait de la fréquence du portage viral dans la cavité buccale et surtout de l’existence de syndrome sec associé à des virus (HCV, HTLV1, HIV, EBV). Un virus à tropisme salivaire pourrait être responsable de lésions permettant l’expression d’une maladie auto-immune chez des sujets prédisposés, ou entraînant des phénomènes inflammatoires mais sans auto-anticorps. Pour certains auteurs, le SGS est un syndrome qui inclut ces formes particulières associées aux virus. Pour d’autres, il s’agit de syndrome sec non auto-immun, proche mais différent du SGS. Les porteurs chroniques d’hépatite C ont un infiltrat lymphoïde salivaire identique à celui du SGS dans plus de 50 % des cas. De plus, un authentique SGS selon les critères de
Diagnostic Vitali ¹² est fréquent ¹³. Cette forme de SGS liée à l’HCV est plus fréquemment associée à une cryoglobulinémie (50 %) et à une hypocomplémentémie (51 %) avec des manifestations extra-glandulaires ¹³. En revanche, la présence d’anticorps anti-SSA ou SSB est rare (23 %). De même, une maladie proche du SGS a été rapportée chez les patients VIH +, en particulier des enfants. Cliniquement, il existe souvent une hypertrophie parotidienne massive associée au syndrome sec. Dans la glande salivaire, l’infiltrat est constitué de lymphocytes CD8 et non pas CD4. Le traitement associe antirétroviraux et corticothérapie. Histologiquement, l’aspect de SGS sur la biopsie d’une glande salivaire est observé dans 48 % des cas chez des patients camerounais HIV + non traités par antirétroviraux et simplement 6 % des patients américains traités par antirétroviraux ¹⁴. Avec le virus HTLV1, des lésions de SGS sont aussi observées dans les glandes salivaires. Au Japon, la sérologie HTLV1 est 5 fois plus fréquemment positive chez les patients atteints de SGS que dans la population générale. Réactions inflammatoires et immunitaires Chez des patients prédisposés génétiquement, l’apparition de lésions glandulaires serait à l’origine d’une production anormalement persistante d’anticorps anti-SSA, avec production d’immuns complexes contenant des SSA. De plus, la production d’interféron par les cellules dendritiques pourrait perpétuer le phénomène de « homing » lymphocytaire et d’activation de métalloprotéases, ainsi qu’un excès d’apoptose de cellules épithéliales salivaires avec déficit d’apoptose des lymphocytes autoréactifs. Il existe des SGS familiaux et la survenue de maladies autoimmunes dans la famille est plus fréquente en cas de SGS. Cela est lié à la présence d’un groupe HLA-DR3 ².
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est impérative pour faire le diagnostic. De plus, il a été décidé d’exclure les infections virales par hépatite C ou HIV dont les maladies salivaires sont très voisines du SGS. En pratique, certains auteurs utilisent un arbre décisionnel (fig. 8.5). En France, l’atteinte salivaire objective est rarement recherchée par l’intermédiaire des trois tests proposés. En pratique, on peut remplacer le test de flux salivaire non stimulé par un test au sucre. Celui-ci consiste à laisser fondre sous la langue un sucre n o 4. Ce dernier fond normalement en moins de trois minutes ; on utilise une variante de ce test en utilisant la moitié d’un sucre. Le temps de fonte doit être inférieur à trois minutes, ou inférieur au double du temps du témoin. Le test au sucre est un bon test de dépistage, validé et suffisant en routine. La scintigraphie salivaire est peu fiable. Elle est souvent anormale et peu spécifique. Récemment a été proposée l’utilisation d’un critère quantitatif, objectif, et reproductible : une valeur d’index présécrétoire inférieur à 40 % permet le diagnostic de SGS avec une probabilité de 79 % ¹⁵. En dehors des examens nécessaires pour établir la classification d’un SGS ¹², il faut demander un bilan biologique incluant la recherche d’une hypergammaglobulinémie, d’une immunoglobuline monoclonale (10-15 %), d’une cryoglobulinémie mixte (5-15 %), d’une hypocomplémentémie (C3, C4, CH50), d’un facteur rhumatoïde (50-80 %) et d’anticorps antinoyaux (50-80 %). Les critères d’exclusion ¹² im-
Mécanisme des lésions Les lésions des glandes exocrines sont liées à l’infiltration lymphocytaire. Celles-ci entraînent une destruction partielle mais non totale des acini avec présence de sclérose (fig. 8.4). Toutefois cette destruction est partielle n’explique pas l’intensité des du syndrome sec. Il existerait de plus une anomalie de la jonction neuro-exocrine avec inhibition de la sécrétion des acini par des cytokines, des auto-anticorps ou des métalloprotéases. Les manifestations extraglandulaires sont dues à une infiltration lymphocytaire ou à la présence d’une vascularite par dépôt d’immuns complexes circulants.
Les experts européens et américains ont établi par consensus des critères de classification ¹² pour le syndrome de Gougerot-Sjögren (encadré 8.A). Ces critères permettent d’établir le diagnostic de SGS avec une spécificité de 95 % et une sensibilité de 84 à 90 % ¹². Dans ce consensus, il faut noter que la présence d’un auto-anticorps de type SSA ou SSB (et non pas simplement d’anticorps antinoyaux) ou l’existence d’un focus à la biopsie d’une glande salivaire accessoire
Coll. Dr L. Durand, Montpellier
Diagnostic
Fig. 8.4 Lésions histologiques au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren : destruction partielle des acini remplacés par du tissu adipeux et infiltrat inflammatoire lymphocytaire glandulaire
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Syndrome de Gougerot-Sjögren Critères consensuels européens et américains du SGS 12 1. Symptômes oculaires Au moins 1 des 3 critères ci-dessous : avez-vous tous les jours une sensation persistante et gênante d’yeux secs depuis plus de 3 mois ? avez-vous une sensation fréquente de «sable dans les yeux» ? utilisez-vous des larmes artificielles plus de 3 fois par jour ? 2. Symptômes buccaux Au moins 1 des 3 critères ci-dessous : avez-vous une sensation quotidienne de bouche sèche depuis plus de 3 mois ? avez-vous eu, à l’âge adulte, des épisodes récidivants ou permanents de gonflement parotidien ? prenez-vous fréquemment des liquides pour avaler les aliments secs ? 3. Signes objectifs d’atteinte oculaire Au moins 1 des 2 tests ci-dessous positif : test de Schirmer < 5 mm à 5 minutes score de Van Bijsterveld > 4 (après examen au vert de Lissamine) 4. Signes objectifs d’atteinte salivaire Au moins 1 des 3 tests ci-dessous positif : scintigraphie salivaire anormale sialographie parotidienne (présence d’ectasies diffuses sans obstruction) flux salivaire sans stimulation < 1,5 ml/15 minutes (0,1 ml/min) 5. Signes histologiques Sialadénite avec au moins 1 focus sur la biopsie de glandes salivaires accessoires (focus = agglomérat d’au moins 50 cellules mononucléées par 4 mm 2 de tissu glandulaire). 6. Autoanticorps. Présence d’Anticorps anti-SS-A (Ro) ou anti-SS-B (La) Critères d’exclusion : Antécédents d’irradiation cervicale Infection par le VHC ou le VIH Lymphome préexistant Sarcoïdose Réaction du greffon contre l’hôte Utilisation de médicaments anticholinergiques (après une période dépassant de 4 fois la demi-vie) Le diagnostic de syndrome de Gougerot-Sjögren primitif est porté devant : ◦ la présence de 4 sur 6 items avec présence obligatoire de l’item 5 (histologie) ou de l’item 6 (sérologie) ◦ ou la présence de 3 des 4 items objectifs (items 3 à 6). Le diagnostic de syndrome de Gougerot-Sjögren secondaire est porté devant la présence de l’item 1 ou 2 associé à 2 des items 3, 4, 5, associé à une maladie systémique (polyarthrite rhumatoïde, lupus...)
8.A VHC virus de l’hépatite C
posent de rechercher par sérologie une hépatite C et une infection par le VIH. Les examens biologiques usuels sont parfois perturbés : lymphopénie (20-30 %) et parfois thrombopénie ou neutropénie, créatininémie et protéinurie. Il n’existe pas habituellement de syndrome inflammatoire (CRP normale) ; en cas de VS accélérée, il faut rechercher une hypergammaglobulinémie à l’électrophorèse des protides. À l’avenir, la recherche de nouveaux auto-anticorps pourrait aider au diagnostic (anticorps anti-αfodrine, anticorps antirécepteurs muscariniques M3, anticorps anti-ICA 69).
Pronostic et évolution Mortalité La présentation initiale du SGS détermine l’évolution. Ainsi, l’apparition d’atteinte systémique n’est pas liée à l’ancienneté de la maladie et l’existence d’un syndrome sec isolé sans aucune manifestation extraglandulaire est de bon pronostic. Il existe une surmortalité chez les patients atteints de SGS, entièrement due à la survenue d’un lymphome ¹⁶,¹⁷. Cette surmortalité ne s’observe que chez les patients ayant, au moment du diagnostic de SGS, un purpura, une diminution du C4 ou une cryoglobulinémie ¹⁷. Le meilleur marqueur de risque de mortalité dans le SGS est l’hypocomplémentémie (en particulier la diminution de C4). La diminution du C4 est associée de façon significative à une augmentation du risque de neuropathie périphérique, de vascularite cutanée, de cryoglobulinémie, de présence d’un facteur rhumatoïde et de lymphome ¹⁷. Lymphome Le risque de survenue de lymphome est 44 fois celui de la population générale. Ce risque est de l’ordre de 5 % dans le SGS ¹⁸. Bien que la prolifération lymphocytaire observée dans le SGS soit celle des lymphocytes T, les lymphomes sont tous de type B. Ces lymphomes se développent en dehors des ganglions, au sein des glandes salivaires ou plus rarement des autres muqueuses (lymphome de type MALT) ¹⁹ ou dans les ganglions (lymphome de bas grade de malignité, notamment lymphome de la zone marginale). On considère que la survenue d’un lymphome fait partie d’un processus très progressif conduisant d’une prolifération lymphocytaire polyclonale à une lymphoprolifération monoclonale B, puis à un lymphome de type MALT pouvant évoluer ensuite vers un lymphome de haut grade de malignité. En cours d’évolution, l’apparition de parotidomégalie, de splénomégalie, d’adénopathies périphériques, mais aussi d’un infiltrat pulmonaire ou d’une vascularite doit faire rechercher un lymphome. Biologiquement une hypergammaglobulinémie, une diminution du C4, l’apparition d’une cryoglobulinémie et l’augmentation rapide du taux de β-2microglobuline est en faveur de ce diagnostic. Le problème clinique le plus fréquent est celui d’une parotidomégalie plus souvent due au SGS qu’à un lymphome salivaire. L’échographie des parotides et surtout l’IRM sont d’une grande utilité en visualisant au sein du tissu parotidien un ou plusieurs nodules qu’il faut alors biopsier.
Traitement
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Coll. Pr L. Vaillant, Tours
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Arbre décisionnel diagnostique du syndrome de Gougerot-Sjögren
Traitement Traitement de fond Aucun traitement de fond n’a fait la preuve de son efficacité ²⁰. Le Plaquenil à la posologie de 6 mg/kg/jour est largement utilisé. Dans une étude ouverte ², il a montré une efficacité dans les SGS avec hypergammaglobulinémie polyclonale sur les arthralgies, les lésions cutanées, les adénopathies et l’hypergammaglobulinémie. Il est également utilisé en cas d’arthrite ou d’arthralgies invalidantes. Le méthotrexate (15 mg/semaine) peut être proposé en cas de polyarthrite et/ou après échec du Plaquenil. Les immunosuppresseurs sont utilisés en cas de complications viscérales (cyclophosphamide, aziatioprine, mycophénolate de mofétil). Il existe d’autres perspectives thérapeutiques ²⁰ : traitement par les anti-TNF comme l’infliximab, traitement par des anticorps antilymphocytes B (rituximab), mais les résultats sont actuellement contradictoires. Traitements symptomatiques du syndrome sec Traitements étiologiques Les seuls médicaments ayant TNF tumor necrosis factor
prouvé leur efficacité dans les études randomisées du syndrome sec sont : le chlorhydrate de pilocarpine et la cémivéline ²⁰. Seul le premier peut être utilisé en France, dans sa forme commercialisée (Salagen) ou en préparation magistrale. La posologie de 20 mg/j permet une amélioration de 50 % des SGS ²¹. En pratique courante, l’efficacité au long cours n’est guère probante ¹⁵. Les effets secondaires sont fréquents (40 %) conduisant souvent à l’arrêt du traitement (29 % à 1 an) ¹⁵. Ces effets secondaires sont peu graves : hypersudation et hypersécrétions (15-25 %), nausées (12-15 %), frissons, bouffées de chaleur (8-15 %), pollakiurie (12 %), céphalées (30 %). Le mauvais rapport bénéfice-risque est probablement à l’origine des fréquents arrêts spontanés observés en pratique. La parotidomégalie, lorsqu’elle évolue par poussées, peut être traitée par des cures courtes de corticothérapie 0,25 à 0,5 mg/kg/jour pendant 15 jours. Lorsqu’elle est prolongée ou résiste au traitement, un traitement par Imurel ou Chloraminophène, peut être utilisé après avoir éliminé un lymphome. Traitements substitutifs Ils sont utilisés sans restriction en fonction de la gêne pour leur efficacité sur les symptômes. On utilise des salives artificielles en spray conte-
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Syndrome de Gougerot-Sjögren nant mucines ou carboxymethyl cellulose (Artisial sous la forme d’une double pulvérisation avant et après chaque repas ainsi que le matin au lever et le soir au coucher) ou en gel (BioXtra gel trois fois par jour). Ces substituts ont une action brève. Le chewing-gum (sans sucre !) a montré dans une étude randomisée ²² qu’il augmentait la sécrétion salivaire à condition d’être mâché pendant au moins trente minutes matin et soir ; de plus il prévient la carie ⁴. Des larmes artificielles sans conservateur (Refresh, Celluvisc), ou des gels à base de carbomère sans conservateur (Lacrivisk, gel larmes), pour avoir une action un peu plus prolongée, sont prescrits en unidose. L’occlusion des canaux lacrymaux par des bouchons siliconés peut être efficace en évitant la résorption film lacrymal. Des études sont actuellement en cours pour tester l’effet de la ciclosporine en collyre. Traitements associés Il est indispensable d’éviter tous les médicaments responsables de sécheresse (anticholinergiques, antidépresseurs tricycliques, neuroleptiques, bêtabloqueurs...). Les soins dentaires et la prévention des caries sont essentiels. Il faut renforcer l’hygiène gingivo-dentaire, augmenter la fréquence des détartrages et proposer des dentifrices fluorés. Pour le traitement des candidoses buccales, les traitements antifongiques topiques (Daktarin gel buccal) sont plus efficaces et mieux tolérés que les traitements par voie générale (Triflucan) qui nécessitent souvent une sécrétion salivaire pour agir. Il n’est pas utile de faire un traitement d’entretien préventif des candidoses buccales récidivantes au long cours. Traitement des manifestations extraglandulaires non viscérales Les douleurs musculaires et articulaires doivent être traitées par des antalgiques simples sans effet asséchant (paracétamol, dextropropoxyfène). Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont parfois efficaces mais ont une mauvaise
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tolérance (responsables de dysphagie par diminution du flux salivaire et de la mobilité œsophagienne, et augmentation du reflux gastro-œsophagien). La corticothérapie est efficace avec souvent un effet rebond ; il faut privilégier les petites doses (10 à 15 mg/j), en cures courtes. D’autres antalgiques peuvent être utilisés comme les benzodiazépines (Rivotril), ou l’amitryptiline (Laroxyl) à petites doses (15 à 20 mg/j) pour éviter d’aggraver le syndrome sec. La xérose est traitée par application biquotidienne de crème hydradante (Ictyane, Cold cream...) contenant éventuellement de l’urée (Xerial...). L’érythème annulaire du SGS est parfois traité efficacement par les antipaludéens de synthèse. La sécheresse vulvaire et vaginale doit être traitée (Colpotrophine, Replens). Traitement des manifestations viscérales La pneumonie interstitielle lymphoïde est traitée par corticoïdes (0,5 à 1 mg/kg/j) parfois associés à un immunosuppresseur (Imurel). Les neuropathies périphériques multiples ont le même traitement ; dans ces cas, l’immunosuppresseur est souvent le cyclophosphamide (Endoxan) mais son utilisation doit être prudente et plutôt par bolus compte tenu du risque de lymphome dans le SGS. Le traitement d’une mononévrite est symptomatique (Laroxyl, Rivotril). La névralgie du trijumeau isolée est traitée par antalgiques (Rivotril) éventuellement associés à une corticothérapie faible (0,25 à 0,5 mg/kg/j. Les vascularites du système nerveux central relèvent de l’association corticoïde (1 mg/kg/j) et Endoxan en bolus (ou Imurel). La néphropathie interstitielle lymphoïde est traitée par corticoïde à 1 mg/kg/jour éventuellement associée à un immunosuppresseur. Lorsque la corticothérapie a été utilisée à fortes doses, certains utilisent le méthotrexate pour favoriser la décroissance des corticoïdes sans rechute.
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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Vaillant L, Le Dû S. Syndrome de Gougerot-Sjögren. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 8.1-8.9.
8-9
9
Maladie de Kawasaki
Pascal Sève, Christiane Broussolle Épidémiologie 9-1 Pathogénie et étiologie 9-2 Diagnostic positif 9-3 Fièvre 9-3 Conjonctivite 9-3 Modifications bucco-pharyngées 9-3 Exanthème 9-3 Atteinte des extrémités 9-4 Adénopathies cervicales 9-4 Diagnostic différentiel 9-4 Manifestations cardiovasculaires 9-4 Autres manifestations cliniques 9-5
a maladie de Kawasaki (MK) ou syndrome adénocutanéo-muqueux est une vascularite des artères de petit et moyen calibre qui affecte préférentiellement l’enfant d’âge préscolaire ¹. La ou les causes de la maladie restent inconnues ; les données les plus récentes sont en faveur d’une hypothèse infectieuse sur un terrain prédisposé. La gravité de cette vascularite est liée à la possibilité d’atteintes coronaires. En l’absence de marqueur biologique spécifique, le diagnostic de MK est clinique ². Le diagnostic de MK incomplète est retenu chez les patients qui présentent moins de 4 signes cliniques et des anomalies coronaires. Le manque de sensibilité des critères cliniques a conduit à l’élaboration récente d’un algorithme incluant des données biologiques et échographiques, afin de diagnostiquer plus précocement la maladie et de mettre en place le traitement spécifique ³. La MK peut exceptionnellement atteindre l’adulte jeune ⁴. Cette forme, probablement sous-évaluée, pose des problèmes de diagnostic avec le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse et le choc toxinique staphylococcique ou streptococcique. L’administration précoce d’immunoglobulines polyvalentes par voie intraveineuse diminue la fréquence des atteintes coronaires ⁵.
L
Épidémiologie La MK a été décrite par Tomisaku Kawasaki en 1967 à partir d’une série de 50 enfants ⁶. Depuis, l’affection a été reconnue dans tous les continents. Son incidence est maximale au Japon, où elle est estimée à 67 cas pour 100 000
Manifestations digestives 9-5 Manifestations douloureuses des membres 9-6 Manifestations neurologiques 9-6 Manifestations rares 9-6 Signes biologiques 9-6 Maladie de Kawasaki incomplète 9-6 Maladie de Kawasaki de l’adulte 9-6 Traitement 9-8 Aspirine 9-8 Immunoglobulines 9-8 Références 9-9
enfants ¹. Elle est moindre dans d’autres pays : aux ÉtatsUnis, elle est estimée entre 5,3 et 8,5 pour 100 000 enfants avant l’âge de 4 ans, soit 530 nouveaux cas ⁷ ; en Europe, elle varie selon les pays entre 3,1 et 7,2 cas pour 100 000 enfants âgés de moins de 5 ans. Les études réalisées aux États-Unis montrent une incidence plus importante chez les enfants de parents asiatiques ou originaires des îles du Pacifique. Le pic de la maladie se situe entre 6 et 18 mois au Japon et entre 12 et 24 mois aux États-Unis où la maladie survient dans 88,5 % des cas avant l’âge de 5 ans. Il existe une prédominance masculine avec un sex-ratio de 1,4/1 ¹. Des études récentes démontrent la survenue de MK chez des enfants plus âgés avec un taux plus élevé de complications cardiovasculaires dues au retard diagnostique ³. La proportion des cas de MK ayant un antécédent familial est de 1 %. Au Japon, la proportion de MK chez les apparentés est de 2,1 % au cours de l’année qui suit le premier cas dans la famille, ce qui est dix fois supérieur à celle de la population non affectée. Cinquante pour cent des cas secondaires se développent moins de 10 jours après le cas initial. Le risque de survenue d’une MK est de 13 % chez le jumeau apparenté. Aux États-Unis, la maladie est plus fréquente en hiver et au début du printemps ³. Le taux de mortalité standardisé (le nombre de décès observés divisé par le nombre de décès attendus) est de 1,25 pour l’ensemble de la population japonaise. Le taux de mortalité est de 0,17 % pour les patients hospitalisés aux États-Unis. Presque tous les décès sont dus aux conséquences cardiovasculaires et surviennent pour la plupart entre le 15 e et le 45 e jour après le
Maladie de Kawasaki
Fig. 9.1 Conjonctivite, glossite et chéilite au cours d’une maladie de Kawasaki début de la maladie. Cependant, des décès dus à un infarctus du myocarde peuvent survenir plusieurs années après la maladie initiale chez des enfants qui ont développé des anévrismes ou des sténoses coronaires.
Pathogénie et étiologie La physiopathologie de la MK demeure inconnue. La lésion vasculaire apparaît comme la résultante d’une interaction complexe de l’endothélium vasculaire et de plusieurs effecteurs présents dans la lumière vasculaire : polynucléaires neutrophiles, lymphocytes T et B, cytokines proinflammatoires (interleukines IL1 et IL6 ; tumor necrosis factor α [TNF-α]) ou régulatrices (interféron γ), facteurs de coagulation ¹,⁸. Les signes cliniques comportant une fièvre éruptive, une conjonctivite et des adénopathies sont évocateurs d’une maladie infectieuse. Les données épidémiologiques suggèrent la responsabilité d’un agent infectieux peu transmissible ou largement répandu contre lequel les adultes et les grands enfants sont immunisés, ou encore d’un agent responsable d’une maladie dont l’expression n’est complète que chez une minorité d’individus. L’échec des recherches bactériologiques et virologiques conventionnelles a conduit à suspecter des agents pathogènes originaux : certaines bactéries (souche mutante de Propioniobacterium acnes, rickettsies ou micro-organismes apparentés) ; des virus (virus d’Epstein-Barr, parvovirus B19) et des rétrovirus ¹,⁸,⁹. Aucune responsabilité directe n’a encore été prouvée pour ces agents. Il existe des analogies entre la MK et d’autres maladies toxiniques comme le choc toxique staphylococcique (TSS pour toxic shock syndrome) lié à TSST1 IL interleukine · TNF tumor necrosis factor
Fig. 9.2 Érythème plantaire au cours d’une maladie de Kawasaki de l’adulte (TSS toxin 1), ou le choc streptococcique lié aux toxines érythrogènes A ou B du streptocoque hémolytique. Ces différentes toxines agissent comme des superantigènes, molécules capables d’activer toutes les cellules T porteuses d’une famille de récepteurs dont la spécificité se situe au niveau de la partie variable (V) de la chaîne β du T cell receptor (TCR) ¹,⁹ (encadré 9.A). L’hypothèse d’une maladie provoquée par les toxines superantigéniques a été suggérée par la mise en évidence d’une expansion polyclonale des cellules T porteuses du récepteur Vβ2 et Vβ8 en phase aiguë, dans le sang des patients. Une étude prospective récente n’a cependant pas montré de différence pour le portage des germes produisant ce type de toxines chez les enfants atteints de MK et les témoins fébriles ¹⁰. Des études récentes sont en faveur d’une hypothèse alternative faisant intervenir une réponse immunitaire oligoclonale à un antigène conventionnel où les plasmocytes sécréteurs d’IgA joueraient un rôle central ³.
Coll. D. Bessis
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9-2
Fig. 9.3 Érythème du pli interfessier associé à une fine desquamation périphérique : un signe évocateur de maladie de Kawasaki
Diagnostic positif Superantigènes
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A. — Un antigène conventionnel est clivé en petits peptides et présenté à la surface des cellules présentatrices de l’antigène au sein d’une poche peptidique contenue dans la molécule du complexe majeur d’histocompatibilité de type II (CMH). Il stimule un clone de lymphocytes T spécifiques, soit une toute petite proportion de lymphocytes T (moins de 0,1 %), par l’intermédiaire du récepteur T. B. — Les superantigènes ne subissent pas de processus de dégradation intracellulaire. Ils se lient de manière non spécifique d’une part à la partie externe exposée de la molécule CMH et, d’autre part, à la partie externe de la chaîne β de certains récepteurs T. Ils sont capables d’activer une proportion importante de lymphocytes T (10 à 20 %).
9.A
Diagnostic positif En l’absence de test diagnostique spécifique ou de manifestation clinique pathognomonique, le diagnostic de MK est fondé sur des critères cliniques et l’exclusion des diagnostics différentiels (encadré 9.B ²). En dehors de ces signes cliniques cardinaux, la MK peut se compliquer de manifestations cardiovasculaires qui font le pronostic de la maladie et d’atteintes d’autres organes qui traduisent la diffusion de la vascularite.
Critères diagnostiques de MK Fièvre de 5 jours ou plus sans autre explication et présence d’au moins 4 des 5 symptômes suivants : 1. Exanthème polymorphe. 2. Modifications des extrémités : érythème et/ou œdème des paumes et des plantes, desquamation à point de départ péri-unguéal. 3. Rougeur conjonctivale bilatérale. 4. Signes muqueux : lèvres fissurées, langue framboisée, pharyngite. 5. Adénopathies cervicales non suppurées (supérieures à 1,5 cm de diamètre).
9.B Le tableau clinique initialement décrit par Kawasaki regroupe 6 signes cardinaux. Fièvre Elle est habituellement inaugurale (95 % des cas). Il s’agit d’une fièvre élevée (39 à 40 ◦ C), persistante (supérieure à 5 jours) et résistante aux antibiotiques et aux antipyrétiques. La fièvre est d’apparition brutale, rémittente avec plusieurs pics par jour. Elle persiste en moyenne 10 jours, mais peut se prolonger jusqu’à 40 jours. Elle s’accompagne d’une irritabilité et d’une asthénie. Conjonctivite L’hyperhémie conjonctivale bilatérale (fig. 9.1) apparaît en général au cours de la première semaine qui suit
le début de la fièvre. Il s’agit d’une hyperhémie de la conjonctive bulbaire sans photophobie ni suppuration. Elle peut persister deux semaines et disparaît dans les jours suivant le traitement par immunoglobulines intraveineuses. Modifications bucco-pharyngées L’atteinte muqueuse est très caractéristique (90 % des cas) et précoce. La chronologie est en règle la suivante : la pharyngite apparaît au troisième jour, marquée par une rougeur de la muqueuse oropharyngée sans ulcération aphtoïde, ni bulle hémorragique (90 % des cas) ; la chéilite caractérisée par des lèvres rouges, sèches, fissurées et craquelées survient en moyenne au cinquième jour (90 % des cas) (fig. 9.1) ; la langue framboisée (77 % des cas) apparaît vers le sixième jour (fig. 9.1), précédée dans de rares cas d’un enduit blanchâtre. Exanthème De nombreuses études ont montré le caractère polymorphe de cette atteinte. Il apparaît en règle vers le troisième et le cinquième jour de la maladie. Il se présente comme des macules érythémateuses de 5 à 30 mm de diamètre. Il débute par un érythème des paumes et des plantes (fig. 9.2) et gagne le tronc les deux jours suivants. Les lésions augmentent rapidement de taille et deviennent coalescentes. L’exanthème le plus fréquent est urticarien, non prurigineux, réalisant parfois des lésions en cocardes. L’éruption peut être également morbilliforme ou plus rarement scarlatiniforme. Des vésicules, des pustules ou un purpura ont parfois été décrits. On doit noter plusieurs observations faisant état de la fréquence des lésions psoriasiformes ou de psoriasis éruptif à la phase aiguë ou de convalescence de l’affection. L’exanthème périnéal qui apparaît 3 à 4 jours après le début de la maladie est évocateur du diagnostic. C’est une éruption bien limitée, maculeuse et papuleuse, confluante, parfois douloureuse, atteignant toute ou partie de la région périnéale et rapidement suivie d’une desquamation (fig. 9.3).
9-3
a Stade initial : macules érythémateuses centrées par des vésicules et des pustules (aspect d’érythème polymorphe) Fig. 9.4
Coll. D. Bessis
Maladie de Kawasaki
Coll. D. Bessis
9-4
b Huit jours plus tard : desquamation scalartiniforme
Atteinte palmaire au cours d’une maladie de Kawasaki de l’adulte
Atteinte des extrémités Les modifications des extrémités apparaissent en général aux environs du cinquième jour et se présentent à la phase initiale comme un érythème palmo-plantaire (88 % des cas) ou une éruption des faces dorsales des extrémités (érythème, urticaire). Un œdème induré des mains et des pieds apparaît en moyenne le septième jour (75 % des patients). La desquamation des doigts et des orteils, débutant au niveau de la région périunguéale, survient généralement vers la fin de la troisième semaine et doit être considérée comme un signe tardif (fig. 9.4a et fig. 9.4b). Adénopathies cervicales Il s’agit d’adénopathies non suppurées, souvent unilatérales, d’un diamètre supérieur à 1,5 cm, voire très volumineuses. Ces adénopathies sont contemporaines de l’atteinte muqueuse et présentes dans 75 % des cas.
Diagnostic différentiel L’absence de spécificité des signes cliniques et de marqueur paraclinique de la maladie nécessite l’élimination de nombreuses affections. Les recommandations de l’American Heart Association et de l’American Academy of Pediatrics ajoutent, ainsi, aux critères diagnostiques de la maladie, l’exclusion des affections pouvant être responsables d’une symptomatologie similaire ³. Il s’agit principalement des maladies infectieuses s’accompagnant d’exanthèmes fébriles chez l’enfant : rougeole, rubéole, exanthème subit, mégalérythème épidémique, mononucléose infectieuse, primo-infection à cytomégalovirus, infections à adénovirus et entérovirus. Le diagnostic est parfois difficile devant une forme incomplète de la maladie. En effet, une conjonctivite, une pharyngite et des adénopathies cervicales peuvent se voir au cours de certaines de ces infections. La fièvre prolongée plus de cinq jours, la chéilite,
un érythème périnéal desquamant rapidement et l’atteinte des extrémités sont des éléments en faveur du diagnostic de MK. Parmi les infections bactériennes (tableau 9.1), la scarlatine est le principal diagnostic différentiel. Tout tableau de scarlatine avant l’âge de 5 ans, s’accompagnant d’une conjonctivite ou d’une fièvre ne cédant pas après 48 heures de traitement antibiotique adapté, doit faire évoquer le diagnostic de MK. La présence du streptocoque β-hémolytique du groupe A au prélèvement de gorge, le streptozyme-test peuvent orienter le diagnostic. La leptospirose, l’infection à Mycoplasma pneumoniae et la yersiniose représentent d’autres diagnostics différentiels qui peuvent être aidés par le diagnostic sérologique. L’érythème polymorphe et certaines toxidermies représentent d’autres diagnostics différentiels. L’érythème polymorphe atteint la muqueuse orale (érosions polycycliques fibrinoleucocytaires) et se manifeste par des lésions cutanées en cocarde plus ou moins typiques. Parmi les toxidermies, celle induite par la carbamazépine peut mimer en tout point une MK et poser de difficiles choix thérapeutiques. La maladie de Still et l’intoxication mercurielle peuvent également poser des problèmes diagnostiques différentiels. Le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse (SHM) et le choc toxique staphylococcique (TSS) seront abordés dans la partie consacrée à la MK de l’adulte p. 9-6.
Manifestations cardiovasculaires L’atteinte cardiovasculaire fait toute la gravité de la maladie ³. À la phase aiguë, durant les dix premiers jours, elle peut comporter : une myocardite pouvant se compliquer d’insuffisance cardiaque et de troubles du rythme ; une péricardite avec épanchement ; rarement une endocardite avec insuffi-
Autres manifestations cliniques Tableau 9.1
9-5
Diagnostics différentiels de la maladie de Kawasaki Âge Fièvre
Atteinte oculaire Chéilite
Maladie de Kawasaki
Scarlatine
Syndrome de choc toxique
Syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse
< 5 ans
2-6 ans
Adolescence
Variable
Prolongée
Variable
< 10 jours
Variable
Conjonctivite bilatérale non purulente
Non
Conjonctivite bilatérale non purulente
Conjonctivite
Présente
Non
Possible
Possible
Atteinte muqueuse
Érythème diffus « langue framboisée »
Pharyngite ; pétéchies palatines ; « langue framboisée »
Érythème ; pharyngite
Ulcérations aphtoïdes
Atteinte extrémités
Érythème des paumes et des plantes
Desquamation en doigts de gant Pas d’érythème
Œdèmes des mains et des pieds Desquamation
Possible
Polymorphe
Scarlatiniforme
Scarlatiniforme
Polymorphe
Volumineuses non suppurées
Présentes (purulentes ou non) Habituellement absentes
Arthralgies et arthrites ; diarrhée, vomissements et douleurs abdominales ; méningite ; troubles de la repolarisation à l’ECG
Malaise et vomissements
Exanthème Adénopathies cervicales
Possible
Hypotension, diarrhée, Atteinte hépatique, rénale, pulmonaire, hépatite, ictère, confusion, myocardique et neurologique coagulopathie, atteinte rénale, myocardite, pancréatite
Fig. 9.5 Échocardiographie bidimensionnelle : volumineuse dilatation de l’artère coronaire au cours d’une maladie de Kawasaki du nourrisson. Ao : aorte ; VD : ventricule droit sance mitrale ou insuffisance aortique. Ces atteintes sont habituellement transitoires et de bon pronostic. L’atteinte des coronaires est plus tardive, entre 2 et 4 semaines. Son incidence varie selon les séries échographiques et angiographiques, entre 15 et 25 % des cas. Le risque est majoré chez les enfants de sexe masculin ou âgés de moins d’un an, en cas de fièvre prolongée, d’hyperleucocytose supérieure à 12 000/mm 3, du nombre de plaquettes inférieurs à 35 0000/mm 3, de valeur de protéine C réactive supérieure à plus de 3 fois la normale, d’hypoalbuminémie inférieure à 3,5 g/dl ou d’hématocrite inférieur à 35 %. Il s’agit le plus souvent d’une dilatation de la partie proximale des coronaires (trop bien visibles) découvertes à l’échographie cardiaque bidimensionnelle systématique (fig. 9.5). À un degré de plus, il s’agit de véritables anévrismes, uniques ou multiples (fig. 9.6). Ceux ci régressent le plus souvent avant le soixantième jour. Les anévrismes, surtout lors-
Coll. Dr P. Sève, Lyon
Coll. Dr S. Guillaumont, Montpellier
Autres
Fig. 9.6 Anévrismes coronariens compliquant tardivement une maladie de Kawasaki de l’adulte qu’ils sont géants (taille supérieure à 8 mm), peuvent se compliquer de thrombose ou de rupture, qui se traduisent par un infarctus, une myocardiopathie ischémique ou une mort subite. Pour les cas non compliqués, l’échographie doit être réalisée, de façon systématique, dès l’évocation du diagnostic, puis après 15 jours, puis 6 à 8 semaines après le début de la maladie ³. L’atteinte vasculaire peut plus rarement concerner d’autres artères de gros et moyen calibre : artère cæliaque, artères mésentériques, cérébrales, sous-claviaires, axillaires, iliaques primitives, fémorales et hépatiques.
Autres manifestations cliniques Manifestations digestives Elles incluent les vomissements, la diarrhée, les douleurs abdominales, et sont notées dans un tiers des cas. Une
9-6
Maladie de Kawasaki atteinte hépatique, avec ictère (10 % des cas), élévation des transaminases (40 % des observations) et cholestase est possible. Des cas d’hydrocholécystites aiguës ont été rapportés durant les deux premières semaines de la maladie (15 % des cas). La pancréatite est exceptionnelle. Manifestations douloureuses des membres Elles peuvent être d’origine musculaire (myalgies s’accompagnent rarement d’une élévation des enzymes musculaires) ou articulaire, prédominant au niveau des grosses articulations (simples arthralgies ou, plus rarement, arthrites évoluant spontanément vers la guérison). Ces manifestations articulaires sont notées au cours de 20 à 40 % des observations. Manifestations neurologiques Elles sont diverses : troubles du comportement (irritabilité, agitation, pleurs incessants) ; paralysie faciale périphérique transitoire ou surdité transitoire guérissant le plus souvent sans séquelle ; méningite aseptique (hypercytose lymphocytaire généralement modérée), présente une fois sur deux, lorsque la ponction lombaire est effectuée à titre systématique ; méningo-encéphalite rarement avec convulsions, troubles de la conscience pouvant aller jusqu’au coma, altérations électro-encéphalographiques ; exceptionnellement, atteintes centrales d’origine vasculaire à type d’hémiplégie. Manifestations rares Elle incluent une atteinte oculaire à type uvéite antérieure aiguë, fréquente au cours de la première semaine et guérissant sans séquelles, ou plus rarement une uvéite postérieure ; une urétrite, en règle asymptomatique et se manifestant par une leucocyturie amicrobienne (33 % des patients) ; une induration et un érythème au site de vaccination par le BCG ; des infiltrats ou des nodules pulmonaires, des épanchements pleuraux ; une ischémie périphérique ; un œdème testiculaire ; un syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique ou un syndrome d’activation macrophagique.
Signes biologiques Les signes biologiques ne sont pas spécifiques. Durant la première semaine, on note une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, une anémie normochrome normocytaire généralement modérée et un syndrome inflammatoire avec une élévation de la vitesse de sédimentation et de la protéine C réactive. Durant la deuxième semaine apparaît une hyperplaquettose parfois considérable (jusqu’à 1·10 6/mm 3), qui se normalise dans un délai de 4 à 6 semaines. Une thrombopénie est rare et peut traduire une coagulation intravasculaire disséminée. Il n’existe pas de signes d’auto-immunité.
Maladie de Kawasaki incomplète Le diagnostic de MK incomplet est retenu pour des patients
qui ne remplissent pas les critères diagnostiques de la maladie, en présence d’anomalies coronaires, détectées le plus souvent par l’échocardiographie. Le terme incomplet est préférable à atypique qui peut référer à des manifestations inhabituelles de la maladie telles que l’atteinte rénale et pulmonaire, par exemple. Les formes incomplètes de la maladie sont plus fréquentes chez les jeunes enfants de moins de six mois. Leur reconnaissance est importante afin de limiter le risque de développement d’anévrismes coronaires par l’utilisation précoce d’immunoglobulines polyvalentes. Le diagnostic de ces formes repose sur l’association de critères cliniques, biologiques et échocardiographiques. L’American Heart Association et l’American Academy of Pediatrics ont récemment publié un algorithme pour le diagnostic des formes incomplètes de MK (fig. 9.7) ³. Le diagnostic de MK incomplète doit être évoqué pour tout enfant qui présente une fièvre inexpliquée persistant depuis plus de 5 jours, associée à 2 ou 3 signes cardinaux de la maladie ou chez tous enfants âgés de moins de 6 mois présentant une fièvre inexpliquée de plus de 7 jours. Les signes cliniques évocateurs d’un autre diagnostic incluent une conjonctivite exsudative, une pharyngite exsudative, des lésions buccales discrètes, une éruption vésiculeuse ou bulleuse ou des adénopathies généralisées. En cas de suspicion clinique, des examens biologiques sont proposés, complétés par une échographie cardiaque en cas de mise en évidence d’un syndrome inflammatoire. Le traitement doit être débuté en cas de présomption clinique et après l’exclusion des diagnostics différentiels s’il existe un syndrome inflammatoire et plus de trois autres anomalies biologiques évocatrices ou en cas d’échographie cardiaque évocatrice.
Maladie de Kawasaki de l’adulte La MK de l’adulte est une affection rare, probablement mal connue des cliniciens ⁴. Une revue de littérature récente colligeait 57 observations ¹¹. La MK de l’adulte est fréquemment associée à l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) avec dix observations rapportées, dont deux étaient révélatrices de l’infection. Ces observations surviennent le plus souvent chez des patients au stade SIDA et peuvent poser un problème de diagnostic différentiel avec une hypersensibilité à l’abacavir. Les manifestations cliniques et biologiques des cas de MK de l’adulte et de l’enfant sont comparées dans le tableau 9.2. La fréquence des signes cardinaux de la maladie est similaire chez les enfants et les adultes. On note néanmoins une moindre fréquence de chéilite au cours des MK de l’adulte (60 % chez l’adulte pour 90 % chez l’enfant) et une plus grande fréquence d’adénopathies (93 % chez l’adulte pour 75 % chez l’enfant). Parmi les autres manifestations témoignant de l’atteinte pluriviscérale, l’élévation des transaminases est plus fréquente au cours des MK de l’adulte (65 % chez l’adulte pour 10 % chez l’enfant). L’atteinte articulaire est également plus fréquente au cours des MK de l’adulte (61 % chez l’adulte pour 24 à 38 % chez l’enfant). En revanche, l’atteinte méningée et encéphalitique est plus rare au cours de la MK de l’adulte (10 % chez l’adulte pour
Maladie de Kawasaki de l’adulte
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Coll. Dr P. Sève, Lyon
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Fig. 9.7 Diagnostic des formes incomplètes de maladie de Kawasaki (d’après ³) a. Le diagnostic de MK incomplète doit être évoqué pour tout enfant qui présente une fièvre inexpliquée persistant depuis plus de 5 jours, associée à 2 ou 3 signes cardinaux de la maladie ou chez tous enfants âgés de moins de 6 mois présentant une fièvre inexpliquée de plus de 7 jours. b. Les signes cliniques évocateurs d’un autre diagnostic incluent une conjonctivite exsudative, une pharyngite exsudative, des lésions buccales discrètes, une éruption vésiculaire ou bulleuse ou des adénopathies généralisées. c. Les anomalies biologiques complémentaires incluent une hypoalbuminémie inférieure à 3 g/dl, une anémie en tenant compte de l’âge, l’élévation des transaminases, des plaquettes supérieures à 450 000/mm 3 après 7 jours, une hyperleucocytose supérieure à 15 000/mm 3, une leucocyturie supérieure à 10/mm 3. d. Le traitement peut être débuté avant la réalisation de l’échographie cardiaque. e. L’échographie cardiaque est positive en cas de z score supérieur à 2,5 au niveau de l’artère interventriculaire antérieure ou de la partie proximale de l’artère coronaire droite, d’anévrismes coronaires, ou en cas d’existence de plus de 3 anomalies évocatrices parmi les suivantes : brillance périvasculaire, trop belle visibilité des coronaires, dysfonction ventriculaire, régurgitation mitrale, épanchement péricardique ou z score compris entre 2 et 2,5. f. Si l’échocardiographie est positive, le traitement doit être débuté en cas de fièvre persistante depuis moins de 10 jours ou en cas d’inflammation persistante. g. La desquamation commence au niveau de la région périunguéale des doigts puis des orteils. 34 % chez l’enfant). En comparaison, les signes électrocardiographiques sont moins fréquents au cours des MK de l’adulte. Les anévrismes coronariens sont également plus rares : seulement 3 cas d’anévrismes coronaires, visualisés par coronorographie, ont été rapportés chez l’adulte. Cela peut refléter la difficulté de l’analyse des artères par échographie cardiaque chez l’adulte par rapport à l’enfant. Sur le plan biologique, la MK de l’adulte se distingue par la moindre fréquence de la thrombocytose (55 % chez l’adulte contre 100 % chez l’enfant). Chez l’adulte, deux affections soulèvent plus particulièrement des problèmes de diagnostic différentiel ¹,⁸,⁹ : le syn-
drome de choc staphylococcique (TSS) et le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse (SHM). Le TSS a été décrit initialement chez l’enfant par Todd et al. ¹² comme une complication de foyers suppuratifs profonds, en particulier à type d’ostéite, de sinusite et d’infection sur cathéter. Ce syndrome a connu, à partir de 1980, une flambée épidémique chez des jeunes femmes en période menstruelle, utilisant des tampons périodiques « superabsorbants ». La forme complète comporte une fièvre en plateau supérieure à 39 ◦ C, une hypotension, une érythrodermie scarlatiniforme généralisée ou palmoplantaire suivie d’une desquamation intense au niveau des extrémités. Les atteintes viscérales
9-7
9-8
Maladie de Kawasaki Tableau 9.2 Comparaison des principales manifestations cliniques et paracliniques des maladies de Kawasaki de l’adulte et de l’enfant ¹¹ Symptômes
Adultes (%)
Enfants (%)
Conjonctivite
93
95
Pharyngite
77
90
Chéilite
60
90
Stomatite
80
77
Érythème palmoplantaire
80
88
Œdème palmoplantaire
83
75
Desquamation
96
94
Adénopathies
93
75
Arthralgies
61
24-38
Ictère
37
10-52
Méningite aseptique
10
34
Anomalies électrocardiographiques
34
50-90
Anévrismes coronariens
6
20
Thrombocytose
55
100
Élévation des enzymes hépatiques
65
40
sont habituelles, et 3 au moins sont nécessaires pour pouvoir porter le diagnostic de TSS : digestive, hépatique, musculaire, neurologique, rénale, respiratoire, syndrome hémorragique, myocardite et pancréatite aiguë. La MK se distingue du TTS par l’absence de foyer infectieux, d’hypotension, de défaillance viscérale rénale et pulmonaire, et de thrombopénie. Le SHM est une réaction médicamenteuse aiguë et sévère associant un érythème, une hyperthermie, des polyadénopathies, une éosinophilie sanguine et des atteintes viscérales ¹³. L’atteinte cutanée est absente dans 13 % des cas. Les signes cutanés sont parfois sévères et polymorphes ; il s’agit d’un érythème généralisé morbilliforme et scarlatiniforme, d’une éruption urticarienne, eczématiforme, pustuleuse ou purpurique, d’un érythème polymorphe. Un énanthème est possible avec des ulcérations aphtoïdes. Les manifestations viscérales sont hépatiques, rénales, pulmonaires, cardiaques sous forme de myocardite, et neurologiques. Le diagnostic différentiel avec la MK repose sur le type d’éruption, les atteintes viscérales, l’hyperéosinophilie et surtout sur la notion de prise médicamenteuse. Ainsi, le diagnostic de MK demeure difficile en l’absence de marqueur biologique spécifique, les critères diagnostiques de cette maladie n’ayant pas été validés chez l’adulte. L’absence d’hypotension artérielle, de défaillance polyviscérale, de foyer infectieux staphylococcique et de prise médicamenteuse susceptible d’induire un SHM semble être l’élément le plus discriminant. Toutefois, ces critères nécessitent une validation au travers d’études prospectives et rétrospectives.
Traitement Le traitement de la MK de l’enfant repose sur l’association de posologies élevées d’immunoglobulines polyvalentes et d’aspirine ².
Aspirine Les doses d’aspirine sont de 80 à 100 mg/kg/j, réparties en 4 prises, maintenues pendant 48 ou 72 heures après la disparition de la fièvre et pour d’autres auteurs, systématiquement durant les 15 premiers jours quelle que soit l’évolution de la courbe de température. L’aspirine est administrée secondairement à une dose anti-inflammatoire quotidienne de 3 à 5 mg/kg pendant 6 à 8 semaines lorsque les coronaires paraissent normales ou tant que persistent des lésions coronaires décelables en échographie bidimensionnelle. Immunoglobulines Leur intérêt a été démontré en 1984 dans un essai randomisé comparant l’administration d’immunoglobulines et d’aspirine à l’administration d’aspirine seule, considérée jusqu’alors comme le traitement de référence ¹⁴. Les immunoglobulines étaient administrées à la posologie quotidienne de 400 mg/kg pendant 5 jours. Au trentième jour d’évolution, des anévrismes coronaires étaient observés par échographie cardiaque bidimensionnelle chez 19 (42 %) des patients traités par aspirine seule et 6 (15 %) des patients traités par l’association immunoglobulines et aspirine (p < 0,01). Les lésions échographiques persistaient chez 11 des 19 patients du groupe traité par aspirine et 3 des 6 patients du groupe traité par immunoglobulines. Les données coronarographiques confirmaient ces résultats. Les auteurs ont conclu que les immunoglobulines polyvalentes administrées quotidiennement avant le cinquième jour sont efficaces dans la prévention des anévrismes coronaires. Newburger et al. ¹⁵ ont confirmé ces données en montrant qu’un traitement par immunoglobulines polyvalentes à la dose de 400 mg/kg/j administrées pendant 4 jours est efficace dans la prévention des anévrismes coronaires. Ce même auteur a montré, dans un essai randomisé incluant 549 enfants affectés par une MK évoluant depuis moins de 10 jours, que les immunoglobulines polyvalentes administrées en une seule dose de 2 g/kg sont plus efficaces qu’un traitement par immunoglobulines à la dose de 400 mg/kg/j pendant 4 jours ⁵. Après ajustement selon l’âge et le sexe, le risque d’anomalies coronaires à la deuxième semaine d’évolution est statistiquement supérieur dans le groupe de patients traités par immunoglobulines pendant 4 jours (odds ratio (OR) = 1,94 – intervalle de confiance à 95 % : 1,01-3,71). À partir de ces résultats, le traitement par gammaglobulines administrées à la dose unique de 2 g/kg est devenu le traitement de référence. Un traitement par immunoglobulines est conseillé après le dixième jour d’évolution en cas de persistance de la fièvre ou en cas de mise en évidence d’anévrismes coronaires associés à la persistance du syndrome inflammatoire ³. Le traitement par immunoglobulines n’empêche pas l’apparition d’anévrismes coronariens transitoires chez 5 % des patients et d’anévrismes géants chez 1 % des patients. En cas d’échec du traitement, défini par la persistance ou la recrudescence de la fièvre plus de 36 heures après l’administration de l’injection d’immunoglobulines, une deuxième perfusion est recommandée ³. En cas d’échec de celle-ci, une
Références corticothérapie intraveineuse est proposée ³. La place des antagonistes spécifiques du TNF-α reste à définir dans ces formes réfractaires au traitement conventionnel. La stratégie thérapeutique chez les patients à risque de développement de lésions coronaires reste également à déterminer. En cas de persistance d’anévrismes coronariens, la prise en charge ne s’envisage qu’en milieu cardiopédiatrique. Les méthodes non invasives (scintigraphie au thallium, angioIRM) permettent de limiter la pratique ultérieure de coronorographies itératives. Un geste chirurgical est parfois nécessaire. Dans ces formes, une surveillance régulière est nécessaire associant suivant les cas, une limitation de l’activité physique à un traitement antiaggrégant ou anticoagulant ³. Chez l’adulte, les modalités d’administration des traitements sont inhomogènes ¹¹. Le plus souvent, le diagnos-
1 Nasr I, Tometzki AJ, Schofield OM. Kawasaki disease : an update. Clin Exp Dermatol 2001 ; 26: 6-12. 2 Rauch AM, Hurwitz ES. Centers for Disease Control (CDC) case definition for Kawasaki syndrome. Pediatr Infect Dis 1985 ; 4:702-703. 3 Newburger JW, Takahashi M, Gerber MA et al. Diagnosis, treatment, and long-term management of Kawasaki disease : a statement for health professionals from the Committee on Rheumatic Fever, Endocarditis and Kawasaki Disease, Council on Cardiovascular Disease in the Young, American Heart Association. Circulation 2004 ; 110:2747-2771. 4 Sève P, Bui-Xuan C, Charhon A, Broussolle C. Adult Kawasaki disease. Rev Med Interne 2003 ; 24:577-584. 5 Newburger JW, Takahashi M, Beiser AS et al. A single intravenous infusion of gamma globu-
tic est évoqué après le dixième jour d’évolution de la maladie, période durant laquelle les immunoglobulines sont moins efficaces. Le traitement par gammaglobulines semble toutefois raccourcir l’évolution en comparaison avec les patients non traités. Même si l’évolution est favorable dans la majorité des cas, plusieurs types de complications sont à redouter. Cinq patients, dont trois étaient infectés par le VIH, ont présenté des évolutions prolongées pendant plusieurs mois avec un ou plusieurs épisodes de rechutes marquées par la réapparition de plusieurs signes cardinaux. Un cas d’anévrisme splénique est rapporté, d’évolution favorable après la reprise du traitement par immunoglobulines et aspirine. Deux patients ont présenté des signes transitoires d’insuffisance cardiaque, résolutifs sous traitement par diurétiques et aspirine.
lin as compared with four infusions in the treatment of acute Kawasaki syndrome. N Engl J Med 1991 ; 324:1633-1639. 6 Kawasaki T. Acute febrile mucocutaneous syndrome with lymphoid involvement with specific desquamation of the fingers and toes in children. Clinical observation of 50 patients. Jpn J Allergy 1967 ; 16:178-222. 7 Shackelford PG, Strauss AW. Kawasaki syndrome. N Engl J Med 1991 ; 324:1664-1666. 8 Prieur AM. Maladies systémiques de l’enfant. In : Kahn MF, Peltier AP, Meyer O, Piette JC, eds. Maladies et syndromes systémiques. Paris : Flammarion ; 2000. p. 1145-1156. 9 Gaudelus J, Belasco C, Ovetchkine P, Camard O. Kawasaki syndrome. Rev Prat 1997 ; 47: 1442-1446. 10 Leung DY, Meissner HC, Shulman ST et al. Prevalence of superantigen-secreting bacte-
ria in patients with Kawasaki disease. J Pediatr 2002 ; 140:742-746. 11 Sève P, Stankovic K, Smail A et al. Adult Kawasaki disease : report of two cases and literature review. Sem Arthritis Rheum 2005 ; 34: 785-792. 12 Todd J, Fishaut M, Kapral F, Welch T. Toxicshock syndrome associated with phage-group-I Staphylococci. Lancet 1978 ; 2:1116-1118. 13 Bonnetblanc JM. Drug hypersensitivity syndrome : research of etiology. Ann Dermatol Venereol 1998 ; 125:309-310. 14 Furusho K, Kamiya T, Nakano H et al. Highdose intravenous gammaglobulin for Kawasaki disease. Lancet 1984 ; 2:1055-1058. 15 Newburger JW, Takahashi M, Burns JC et al. The treatment of Kawasaki syndrome with intravenous gamma globulin. N Engl J Med 1986 ; 315:341-347.
Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Sève P, Broussolle C. Maladie de Kawasaki. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 9.1-9.9.
9-9
10
Polychondrite chronique atrophiante
Michel Rybojad Tableau clinique 10-1 Chondrites 10-1 Manifestations dermatologiques 10-2 Autres manifestations extrachondritiques 10-3 Associations, nosologie et diagnostic positif 10-5 Associations et problèmes nosologiques 10-5
a polychondrite chronique atrophiante (PCA), aussi dénommée polychondrite récidivante par les auteurs anglo-saxons, est une maladie inflammatoire rare et méconnue, touchant également les deux sexes, caractérisée par des épisodes récidivants d’inflammation et de destruction des cartilages et des autres structures du tissu conjonctif. Depuis la description du cas princeps (1923), sous l’appellation de polychondropathia, plus de 1 000 cas ont été rapportés. Les cartilages le plus souvent touchés sont le pavillon de l’oreille, le cartilage du nez et les anneaux trachéaux. Ces chondrites s’associent à d’autres manifestations touchant les structures non cartilagineuses, mais de structure antigénique voisine, tels que l’oreille interne, la sclère ainsi que les artères ou artérioles, ce qui permet de classer la PCA parmi les maladies systémiques. Les signes cutanés ou muqueux ne sont pas rares et peuvent être révélateurs de l’affection.
L
Tableau clinique La PCA peut débuter à tout âge mais dans un cas sur deux entre 40 et 60 ans. La fréquence des symptômes cliniques, le pronostic et la cause du décès sont cependant différents selon le sexe. Le début est marqué le plus souvent par une atteinte cartilagineuse ou articulaire qui apparaît de manière brusque. La PCA peut également débuter par une atteinte oculaire, audio-vestibulaire, une otite moyenne, des arthromyalgies, une fièvre isolée, voire un syndrome inflammatoire isolé. Le tableau associe diverses chondrites, indispensables au diagnostic (encadré 10.A), et le plus souvent d’autres symptômes au premier plan desquels les arthropathies et l’atteinte oculaire.
Diagnostic positif 10-5 Pathogénie 10-6 Évolution 10-6 Traitement 10-6 Références 10-7
Chondrites ¹-³ Elles doivent être recherchées systématiquement à l’interrogatoire et à l’examen clinique car elles peuvent passer inaperçues. Elles peuvent évoluer spontanément vers une atrophie cartilagineuse définitive. Chondrite de l’oreille externe C’est la localisation initiale la plus fréquente. Elle est quasi constante au cours de l’évolution. Uni- ou bilatérale, elle se traduit par une tuméfaction rouge parfois violacée, chaude, plus ou moins douloureuse, atteignant le pavillon, et respectant le lobule non cartilagineux de l’oreille (fig. 10.1). Cet épisode aigu persiste quelques jours ou semaines, puis régresse. Après une ou plusieurs poussées, le cartilage peut s’affaisser. Le pavillon de l’oreille devient fripé, flasque, parfois calcifié avec affaissement du conduit auditif externe. Chondrite du nez Parfois inaugurale, elle est aussi très fréquente au cours de l’évolution. Il peut s’agir d’épisodes aigus réalisant une tuméfaction nasale inflammatoire (fig. 10.2), parfois accompagnée de rhinorrhée ou d’épistaxis. Le plus souvent, l’effondrement de la cloison nasale survient à bas bruit, en quelques semaines ou mois et donne au nez un aspect en « selle » (fig. 10.3).
Critères de Michet de la PCA Critères majeurs : chondrite auriculaire, nasale, laryngotrachéale. Critères mineurs : inflammation oculaire, diminution de l’acuité auditive, syndrome vestibulaire, polyarthrite séronégative. Le diagnostic peut être porté s’il existe deux critères majeurs ou un critère majeur associé à au moins deux critères mineurs ¹-³.
10.A
Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
10-2 Polychondrite chronique atrophiante
Fig. 10.1 Tuméfaction inflammatoire du pavillon de l’oreille, respectant le lobule non cartilagineux au cours d’une polychondrite chronique atrophiante Chondrite laryngée et trachéale L’atteinte trachéobronchique est fréquente, responsable de 35 % des décès au cours de la PCA. Au niveau laryngé, elle se traduit par des douleurs et une dysphonie. La laryngoscopie doit être évitée car elle est dangereuse. Les troubles évoluent parfois vers la constitution de lésions sténosantes irréversibles, responsables d’une dyspnée inspiratoire, d’intensité variable. La survenue de poussées ultérieures peut parfois provoquer une asphyxie aiguë, nécessitant une trachéotomie. La prévention de cette évolution sténosante réside dans le traitement précoce des chondrites laryngées aiguës. L’atteinte des cartilages trachéo-bronchiques est la complication la plus redoutable. Elle favorise l’infection et risque d’aboutir à la sténose de l’arbre respiratoire et parfois à une bronchiolopathie distale. Ces lésions sont bien mises en évidence par l’examen tomodensitométrique. Toute investigation locale est susceptible d’entraîner une détresse respiratoire parfois fatale. Chondrite costale Moins fréquente, elle se traduit par des douleurs pariétales sterno-costales souvent trompeuses. Manifestations dermatologiques ¹,²,⁴ Dans les grandes séries de la littérature, les atteintes dermatologiques sont inaugurales dans plus de 10 % des cas.
Fig. 10.2 Tuméfaction nasale inflammatoire au cours d’une polychondrite chronique atrophiante Elles évoluent parallèlement aux poussées de la maladie dans 50 % des cas. Manifestations cutanées Les nodules inflammatoires des membres inférieurs sont les plus fréquemment rapportés, réalisant des entités anatomocliniques différentes. Leur caractère douloureux et leur évolution régressive en quelques semaines vers les teintes de la biligenèse, peuvent en imposer, à tort, pour un érythème noueux. Ils réalisent exceptionnellement un aspect de panniculite, laissant une atrophie séquellaire, du fait d’un phénomène de lipophagie. Des nodules de petite taille évoquent une vascularite nodulaire (fig. 10.4) dont le diagnostic est confirmé par l’histologie. Ils peuvent également correspondre à des thrombophlébites superficielles ou de thromboses des petits vaisseaux, siègeant dans l’hypoderme. Des phlébites superficielles migratrices ont été rapportées, réalisant un aspect de lésions indurées, de forme oblongue, suivant un trajet veineux superficiel. Des lésions nodulaires inflammatoires, siégeant sur les mailles d’un livédo inflammatoire et suspendu, peuvent en imposer pour une périartérite noueuse. Des abcès profonds amicrobiens ont été rapportés, réalisant des nodules douloureux d’évolution, parfois
Tableau clinique
ANCA anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles
Manifestations muqueuses ¹-⁴ L’aphtose buccale récidivante est notée dans 25 % des cas. Elle réalise des ulcérations douloureuses, à fond jaune pâle, dont les bords sont taillés à pic, entourées d’un mince halo érythémateux. Leur diamètre est de quelques millimètres à un centimètre, elles sont beaucoup plus rarement de grande taille. Leur nombre varie de un à plusieurs dizaines. Elles peuvent atteindre le palais, les amygdales, voire le pharynx. Les lésions régressent en une à deux semaines, sans cicatrice séquellaire. L’aphtose génitale peut s’y associer réalisant une aphtose bipolaire, et pouvant faire errer le diagnostic vers une maladie de Behçet ou une entéropathie inflammatoire. L’histologie de ces lésions n’est pas spécifique. Autres manifestations extrachondritiques Elles sont variées et peuvent être au premier plan ou inaugurer la maladie ¹-³. Arthropathie L’atteinte articulaire, inflammatoire, non destructrice et non déformante, est fréquente au cours de l’évolution de la PCA. Dans près de 25 % des cas, elle est inaugurale et reste parfois isolée pendant plusieurs mois ou années.
Coll. Pr A. Claudy, Lyon
nécrotique et/ou ulcérée. Le diagnostic sera confirmé par la négativité des prélèvements bactériologiques exhaustifs et les données histologiques. Les lésions purpuriques, infiltrées, papuleuses à évolution plus ou moins nécrotique en fonction de l’extension de l’atteinte vasculaire correspondent à une vascularite leucocytoclasique. Des lésions papuleuses fixes, cuisantes de vascularite urticarienne, parfois associées à un purpura sont parfois observées et doivent faire pratiquer un examen histologique avec immunofluorescence cutanée directe. Des éléments papuleux, de teinte violine et de consistance ferme, d’évolution chronique, en règle asymptomatique, montrant en histologie un aspect de vascularite avec prolifération fibrohistiocytaire font évoquer le diagnostic d’erythema elevatum diutinum. L’immunofluorescence cutanée directe peut retrouver des dépôts d’IgA dans les vaisseaux du derme. La présence d’ANCA de type IgA est souvent associée. Des papules en plaques inflammatoires et œdémateuses, parfois bulleuses, ont un aspect histologique orientant vers le diagnostic de syndrome de Sweet (infiltrat neutrophilique dermique prédominant, absence de vascularite). Ces lésions classées dans le cadre des « dermatoses neutrophiliques » ont une valeur pronostique essentielle car elles doivent faire rechercher, à court et à moyen terme, une myélodysplasie associée. Les lésions de pseudofolliculites sont souvent associées à d’autres lésions dermatologiques, telles que les lésions nodulaires ou les dermatoses neutrophiliques. Elles réalisent une lésion initialement papuleuse, secondairement pustuleuse, centrée par un poil, et entouré d’un halo érythémateux, évoluant vers une croûte ou une micro-ulcération et guérissant spontanément sans cicatrice. Leur origine est aseptique et elles peuvent être prises à tort pour une simple folliculite ou une acné induite par la corticothérapie générale. Les prélèvements bactériologiques sont négatifs. Les ulcérations ont des causes variées : vascularite inflammatoire ou vasculopathie thrombosante des vaisseaux dermiques et/ou hypodermiques, voire rupture avec aspect de pyoderma gangrenosum, dermatose neutrophilique caractérisée cliniquement par de vastes ulcérations phadégéniques, plus ou moins extensives, avec une bordure surélevée. Histologiquement, il existe un infiltrat dense à polynucléaires neutrophiles. Les ischémies distales peuvent être en rapport avec un processus de vascularite ou ont une origine thrombotique, imposant la recherche d’anticorps antiphospholipides, associés à la PCA. Les autres signes cutanés rapportés sont plus anecdotiques : hyperpigmentation siègeant en regard des cartilages atteints, anomalies de croissance des ongles, granulome annulaire ou dermatose d’aspect annulaire en nappe en rapport avec une dermatite interstitielle granulomateuse, documentée par l’histologie cutanée. Les manifestations rapportées telles que psoriasis, syndrome de Reiter, dermatite herpétiforme et pelade, témoignent d’une association à un processus dysimmunitaire.
10-3
Fig. 10.3 Aspect en « selle » du nez au cours d’une polychondrite chronique atrophiante
Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
10-4 Polychondrite chronique atrophiante
Fig. 10.4
Multiples nodules érythémateux du tronc au cours d’une vascularite nodulaire d’une polychondrite chronique atrophiante
Coll. D. Bessis
Localisations oculaires Rarement inaugurales, mais fréquentes au cours de l’évolution, elles peuvent intéresser toutes les tuniques ou annexes de l’œil ². Dans la majorité des cas, il s’agit d’une épisclérite (fig. 10.5) parfois compliquée de scléromalacie, d’une conjonctivite vraie ou d’une uvéite. La kératite est plus rare. Dans l’ensemble, le pronostic fonctionnel des atteintes oculaires est bon. Atteinte audio-vestibulaire Une diminution de l’acuité auditive survient dans 40 % des cas en rapport avec des mécanismes parfois intriqués ¹,³ : occlusion du conduit auditif, chondrite de la trompe d’Eustache, otite séreuse. Le plus
Fig. 10.5
Épisclérite au cours d’une polychondrite chronique atrophiante
souvent, il s’agit d’une surdité de perception, uni- ou bilatérale, de survenue brutale et généralement non régressive. Un syndrome vestibulaire uni- ou bilatéral est présent dans 25 % des cas, habituellement associé à l’atteinte cochléaire. Atteinte cardiovasculaire L’atteinte cardiovasculaire (25 % des cas) peut comporter une insuffisance aortique ou des lésions artérielles, plus rarement des atteintes veineuses ¹-³. Les atteintes vasculaires sont dominées par les atteintes artérielles. Des anévrismes parfois responsables de décès par rupture ont été rapportés. Ils siègent généralement sur l’aorte initiale, naissant au niveau de l’anneau aortique et restent souvent localisés à l’aorte ascendante. Ils s’étendent parfois plus loin vers l’aval. Les gros troncs peuvent aussi être touchés par extension d’une ectasie aortique de façon isolée. Les thromboses artérielles parfois multiples ont été observées au niveau de l’aorte, les carotides, les artères cérébrales, mésentériques ou les membres. Le tableau réalisé est celui d’une artérite inflammatoire. Les thromboses veineuses sont rapportées de façon variable dans la littérature. Il s’agit surtout de phlébites superficielles, mais aussi de thromboses veineuses profondes récidivantes, parfois compliquées d’embolies pulmonaires. Elles peuvent survenir de façon insidieuse et passer inaperçues. La présence d’un syndrome des antiphospholipides peut s’observer au cours de la PCA (SAPL). Elle doit faire rerchercher un lupus érythémateux systémique chez la femme jeune ou une myélodysplasie associée chez l’homme âgé ⁴. Les atteintes cardiaques sont dominées par les valvulopathies. L’insuffisance aortique est l’anomalie la plus fréquente. Il peut aussi s’agir d’une insuffisance mitrale ou
Associations, nosologie et diagnostic positif
10-5
JMB HF
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$IPOESPDZUFT Fig. 10.6
Coll. D. Bessis
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Atteinte histologique cartilagineuse : infiltration lymphoplasmocytaire de la substance fondamentale du cartilage
d’une localisation mitro-aortique. L’atteinte valvulaire apparaît dans un délai très variable et constitue une complication est grave, pouvant être à l’origine d’une insuffisance cardiaque fatale et imposer un remplacement valvulaire chirurgical. Des troubles du rythme et de la conduction auriculo-ventriculaire ont été rapportés. Autres atteintes viscérales L’atteinte rénale et l’atteinte neurologique au cours de la PCA témoignent de la diffusion du processus de vascularite et peuvent aggraver le pronostic. Des tableaux de méningite aseptique, voire d’accidents ischémiques focaux, sont rapportés ⁵. L’atteinte parenchymateuse pulmonaire est le plus souvent en rapport avec une surinfection et constitue une cause importante de décès. Les tests hépatiques sont parfois perturbés, parfois associés à une hépatomégalie. Les adénopathies superficielles ou médiastinales, ainsi qu’une splénomégalie ont été décrites. Au cours des poussées de la maladie, l’état général peut s’altérer, avec asthénie, amaigrissement et fièvre parfois élevée.
Associations, nosologie et diagnostic positif Associations et problèmes nosologiques L’absence de spécificité des signes cutanés observés au cours de la PCA rend difficile le diagnostic de PCA, en l’absence de signes chondritiques associés. Les signes dermatologiques sont d’ailleurs absents des critères diagnostiques de Michet. La similitude sémiologique entre la maladie de Behçet et la PCA est à noter. Certains auteurs ont tenté d’individualiser un cadre nosologique commun sous le terme de « MAGIC syndrome » (Mouth And Genital ulcers with In-
flamed Cartilage). La confusion nosologique est accrue par la présence d’atteintes vasculaires comparables. Ce concept est cependant artificiel car les deux maladies ont en effet un profil évolutif très différent. La PCA peut s’associer à d’autres maladies inflammatoires telles que la maladie de Crohn ou la maladie de Behçet. Le diagnostic peut être rendu difficile, par la présence de signes cutanés communs et de l’évolution insidieuse de cette maladie. Les connectivites les plus souvent associées sont le lupus systémique (10 %) et la polyarthrite rhumatoïde (5 %). D’autres connectivites peuvent être associées, avec une fréquence nettement moindre : syndrome des anticorps antiphospholipides, connectivite de chevauchement de type Sharp, dermatomyosite, sclérodermie, syndrome de Sjögren. La majorité de ces connectivites peuvent être à l’origine d’une vascularite cutanée ou de phénomènes thrombotiques. La prévalence des myélodysplasies au cours de la PCA est à souligner, variant de 5 % à 30 %, selon les séries. Les hommes sont plus souvent atteints, surtout après 60 ans. Les signes cutanés y sont particulièrement fréquents (80 % des cas). Il s’agit essentiellement de dermatoses neutrophiliques. Le pronostic est péjoratif. Il est indispensable de surveiller attentivement l’hémogramme dans cette sousclasse de PCA ⁶. Des observations rares de PCA ont été rapportées au cours de l’infection VIH ⁷. Diagnostic positif Le retard diagnostique est fréquent, la maladie étant rare et méconnue et d’évolution insidieuse. Les examens biologiques ont un intérêt diagnostique limité car aucune des anomalies observées n’est spécifique. Le syndrome inflam-
10-6 Polychondrite chronique atrophiante matoire est inconstant : élévation de la CRP, hyperfibrinémie, hyper-α-2-globulinémie, anémie inflammatoire, hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, complément normal ou élevé. L’intérêt diagnostique de la recherche d’autoanticorps anticollagène et d’anticorps antimatrilline 1 est limité, car très peu spécifique. Les anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles et les anticorps antiphospholipides n’ont pas de valeur diagnostique ¹-³. Sur le plan anatomopathologique, si une biopsie du pavillon est néanmoins jugée utile dans une forme débutante ou atypique, elle doit être pratiquée, lors d’une chondrite aiguë, avant toute corticothérapie générale. Elle n’a un intérêt que dans les formes débutantes ou atypiques et ne constitue pas un critère diagnostique (encadré 10.A). Les altérations histologiques du cartilage sont évocatrices lorsqu’il existe une infiltration de la substance fondamentale du cartilage par un infiltrat lymphoplasmocytaire (fig. 10.6), avec des dépôts de C3 et d’immunoglobulines.
Pathogénie Elle est mal connue, mais de nombreux arguments plaident en faveur d’une maladie auto-immune ²,⁸,⁹,¹⁰ : − prévalence élevée du groupe HLA DR4 ; − association fréquente à d’autres maladies de type autoimmun ; − dépôts d’immunoglobulines et de complément au sein des lésions chondritiques ; − présence d’anticorps anticartilage, dirigés contre les collagènes II, IX et XI, et contre la matrilline 1 ; − reproduction de la maladie après immunisation chez l’animal ; − réponse favorable à la corticothérale générale et aux immunosuppresseurs. Certains auteurs ont mis en évidence une déviation de la réponse immune vers la voie TH1, au cours des poussées de la maladie. Par ailleurs les cytokines pro-inflammatoires retrouvées à des taux élevés, modulent la fonction du monocyte-macrophage : MIP-1β (macrophage inflammatory protein) et MCP-1 (monocyte chemoattractant protein) dont la fonction est de favoriser le recrutement de ces cellules, l’IL-8 (interleukine) produite par ces cellules attirant les polynucléaires au site inflammatoire. La surveillance protéomique des autoantigènes impliqués dans la PCA laisse envisager un pannel d’autoantigènes, plus large que les antigènes cartilagineux ¹¹.
Évolution L’évolution de la polychondrite atrophiante se fait par poussées, dont la fréquence et la sévérité sont extrêmement variables d’un malade à l’autre. Les formes mineures sont rares, et la majorité des patients sont porteurs d’une affection chronique, douloureuse et handicapante, auxquels viennent s’ajouter les effets secondaires de thérapeutiques lourdes. Bien que le pronostic s’améliore, il demeure sévère, le taux de survie à 5 ans ne AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens · IL interleukine
dépassant guère 80 %. La mort résulte alors le plus souvent d’une atteinte spécifique (respiratoire ou vasculaire), d’une dysmyélopoïèse associée ou d’une infection favorisée par le traitement ¹-⁴.
Traitement ¹-³,¹²-¹⁴ L’évaluation de l’efficacité des traitements est rendue très délicate au cours de la polychondrite atrophiante en raison de sa rareté, de son hétérogénéité et du caractère spontanément fluctuant et peu prévisible de son évolution. La polychondrite atrophiante n’ayant fait l’objet d’aucun essai thérapeutique contrôlé, les recommandations qui suivent sont donc empiriques ²,³. Les formes mineures caractérisées par la survenue très intermittente de chondrites du pavillon ou d’arthralgies sont traitées soit par AINS ou colchicine à la demande, soit par dapsone (Disulone). L’emploi de celle-ci n’est envisageable que chez des malades indemnes de myélodysplasie, en lui associant systématiquement une supplémentation en acide folique. Une vérification préalable de l’absence de déficit en glucose-6-phosphate déshydrogénase, est pratiquée, quand le sexe et l’ethnie le justifient. La posologie de départ (50 mg/j) est progressivement augmentée, sous couvert d’une surveillance fréquente de l’hémogramme. L’information du malade sur la signification d’une cyanose avec ou sans dyspnée paraît plus utile que les dosages répétés de méthémoglobinémie ². La corticothérapie générale est indispensable chez plus de 80 % des malades. La posologie doit être modérée (0,3 à 0,5 mg/kg/j de prednisone [Cortancyl]) devant une polyarthrite ou une chondrite du pavillon, ou encore devant une atteinte oculaire réfractaire aux traitements locaux. En revanche, les bolus de méthylprednisolone (Solumédrol), relayés par une dose quotidienne (1 mg/kg/j de prednisone) s’imposent devant une chondrite aiguë laryngotrachéale, une surdité de perception d’installation récente, une atteinte oculaire ou rénale menaçante et/ou une vascularite systémique associée. Après quelques semaines, la corticothérapie est progressivement réduite, pour tenter de contrôler la polychondrite atrophiante, avec une dose d’entretien journalière inférieure à 0,25 mg/kg/j ²,³. Plusieurs circonstances peuvent motiver l’association d’un traitement immunosuppresseur : − d’emblée devant une atteinte respiratoire grave ou une vascularite systémique sévère (en particulier quand le doute subsiste avec une maladie de Wegener) ; − ou en cas de forte corticodépendance et/ou de survenue d’effets secondaires cortico-induits. Le recours aux immunosuppresseurs (cyclophosphamide, azathioprine, méthotrexate) sera discuté en milieu spécialisé. On optera pour la ciclosporine, voire aux échanges plasmatiques ou les perfusions d’immunoglobulines intraveineuses, quand une immunosuppression est jugée nécessaire, dans une polychondrite atrophiante associée à une dysmyélopoïèse ¹-³. Les formes résistantes à tout traitement peuvent faire dis-
Références cuter la pratique d’une intensification thérapeutique myéloablative, suivie d’une autogreffe de moelle. Les anticorps anti-TNF-α (tumor necrosis factor), anti-IL-1R et anti-CD20 (rituximab) sont en cours d’évaluation ¹²-¹⁴. À l’exception des trachéotomies de sauvetage, les indications chirurgicales se discutent en milieu spécialisé ¹-³. Une valvulopathie aortique ou mitrale sévère nécessite un remplacement valvulaire. Devant une ectasie de l’aorte initiale, la décision opératoire prend en compte la taille de la lésion, son évolutivité et l’importance de l’insuffisance aortique associée, mais la date optimale de l’intervention doit être discutée en milieu spécialisé. Une sténose artérielle, demeurant symptomatique malgré un traitement corticoïde et immunosuppresseur, peut également justifier un geste chirurgical. Un inventaire cardiaque et artériel complet doit toujours
1 Michet CJ Jr, McKenna CH, Luthra HS et al. Relapsing polychondritis. Survival and predictive role of early disease manifestations. Ann Intern Med 1986 ; 104:74-78. 2 Kent PD, Michet CJ Jr, Luthra HS. Relapsing polychondritis. Curr Opin Rheumatol 2004 ; 16:56-61. 3 Gergely P Jr, Poor G. Relapsing polychondritis. Best Pract Res Clin Rheumatol 2004 ; 18: 723-738. 4 Piette JC, El-Rassi R, Wechsler B et al. Dermatological manifestations in relapsing polychondritis. Association with myelodysplasia. Arthritis Rheum 1996 ; 39(suppl):S230. 5 Hsu KC, Wu YR, Lyu RK, Tang LM. Aseptic meningitis and ischemic stroke in relapsing polychondritis. Clin Rheumatol 2006 ; 25:265-267. 6 Saif MW, Hopkins JL, Gore SD. Autoimmune phenomena in patients with myelodys-
être réalisé, en raison de la fréquente multiplicité des lésions vasculaires. L’évaluation préanesthésique de l’arbre respiratoire est essentielle. Une surveillance cardiovasculaire prolongée est indispensable dans tous les cas. La sévérité du pronostic vital de ces polychondrites atrophiantes compliquées d’atteintes des gros vaisseaux, justifie l’emploi systématique d’une immunosuppression, dans les deux ans, suivant l’intervention. Les myélodysplasies associées à la polychondrite atrophiante sont volontiers rebelles à toutes les thérapeutiques curatives. Après mise en œuvre d’un programme transfusionnel, et malgré la prévention de la surcharge martiale et le traitement précoce des complications infectieuses liées à la neutropénie chronique, la survie ne dépasse guère quelques années ²-⁴,⁶.
plastic syndromes and chronic myelomonocytic leukemia. Leuk Lymphoma 2002 ; 43:20832092. 7 Dolev JC, Maurer TA, Reddy SG et al. Relapsing polychondritis in HIV-infected patients : a report of two cases. J Am Acad Dermatol 2004 ; 51:1023-1025. 8 Hansson AS, Johansson AC, Holmdahl R. Critical role of the major histocompatibility complex and IL-10 in matrilin-1-induced relapsing polychondritis in mice. Arthritis Res Ther 2004 ; 6:484-491. 9 Hansson AS, Johannesson M, Svensson L et al. Relapsing polychondritis, induced in mice with matrilin 1, is an antibody- and complement-dependent disease. Am J Pathol 2004 ; 164:959-966. 10 Stabler T, Piette JC, Chevalier X et al. Serum cytokine profiles in relapsing polychondri-
tis suggest monocyte/macrophage activation. Arthritis Rheum 2004 ; 50:3663-3667. 11 Tanaka Y, Nakamura M, Matsui T et al. Proteomic surveillance of autoantigens in relapsing polychondritis. Microbiol Immunol 2006 ; 50:117-126. 12 Carter JD. Treatment of relapsing polychondritis with a TNF antagonist. J Rheumatol 2005 ; 32:1413. 13 Saadoun D, Deslandre CJ, Allanore Y et al. Sustained response to infliximab in 2 patients with refractory relapsing polychondritis. J Rheumatol 2003 ; 30:1394-1395. 14 Vounotrypidis P, Sakellariou GT, Zisopoulos D, Berberidis C. Refractory relapsing polychondritis : rapid and sustained response in the treatment with an IL-1 receptor antagonist (anakinra). Rheumatology 2006 ; 45:491492.
Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Rybojad M. Polychondrite chronique atrophiante. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 10.1-10.7.
10-7
11
Fièvres périodiques
Olivier Dereure Généralités. Physiopathologie 11-1 Fièvre familiale méditerranéenne (maladie périodique) 11-3 Syndrome TRAPS 11-4 Syndrome hyper-IgD 11-5 Syndrome FAPA ou PFAPA 11-5 Fièvres périodiques avec mutation du gène CIAS1 11-5 Syndrome de Muckle et Wells 11-6
es fièvres périodiques représentent un des exemples les plus achevés des interactions entre la dermatologie, la médecine interne et la génétique moléculaire. En effet, toutes ces affections, sans exception, peuvent se manifester à un moment ou à un autre par des signes cutanés et/ou muqueux, souvent révélateurs, et le dermatologue se trouve donc souvent en première ligne pour faire précocement le diagnostic de ces maladies par essence systémiques ¹,²,³. Un diagnostic précoce est en effet important afin de limiter autant que possible certaines conséquences viscérales graves telle par exemple l’amylose rénale dans la maladie périodique, et le dermatologue peut donc jouer un rôle de premier plan dans l’évolution à long terme de ces patients. Par ailleurs, l’origine génétique de la plupart de ces fièvres a été identifiée grâce à la mise en évidence d’un certain nombre de gènes dont les modifications sont directement responsables de l’affection. Les progrès concernant la connaissance de la physiopathologie de ces différentes maladies ont permis d’élaborer une théorie assez uniciste puisque l’ensemble de ces affections peut rentrer dans le cadre des maladies dites auto-inflammatoires, caractérisées par une auto-activation ou une pérennisation indue des processus inflammatoires déclenchés par des facteurs divers (traumatiques, infectieux, etc.). Ce cadre des maladies auto-inflammatoires dépasse d’ailleurs celui des fièvres périodiques puisque certains auteurs ont proposé de classer d’autres affections, telles que le syndrome de Blau (granulomatose systémique), le syndrome PAPA (pyogenic sterile arthritis, pyoderma gangrenosum, acne) et même la maladie de Crohn dans ce cadre. Par ailleurs, le groupe des fièvres périodiques non infectieuses s’est enrichi de la description de nouvelles affections tels que les syndromes TRAPS (Tumor Necrosis Factor-
L
Urticaire au froid familiale ou syndrome auto-immun au froid 11-6 Syndrome CINCA 11-7 Neutropénie cyclique 11-7 Syndrome PAPA 11-8 Références 11-8
Receptor Associated Periodic Syndrome), hyper-IgD, PFAPA (Periodic Fever Aphthous stomatitis, Pharyngitis, and Cervical Adenitis) et CINCA (Chronic Infantile Neurological Cutaneous and Articular Syndrome). Ces syndromes sont venus s’ajouter à des maladies plus « classiques », tels la fièvre méditerranéenne familiale (ou maladie périodique) et le syndrome de Muckle et Wells. Le décryptage des anomalies génétiques sous-tendant les différentes fièvres périodiques se poursuit à un rythme rapide et a permis de mieux comprendre le fonctionnement des cellules impliquées dans l’inflammation et notamment des polynucléaires neutrophiles. La mise en adéquation des connaissances issues des découvertes de la génétique moléculaire a ainsi abouti à la description, nécessairement incomplète pour le moment, d’un certain nombre de voies intracellulaires organisées selon un schéma assez complexe, voies perturbées dans ces affections en raison des effets fonctionnels des mutations des gènes codants pour les protéines-clés. Enfin d’autres entités peuvent être intégrées dans ce cadre des fièvres périodiques et maladies auto-inflammatoires telles que la maladie de Still et la maladie de Behçet. Ces affections sont traitées à part dans les chapitres correspondants.
Généralités. Physiopathologie Il est difficile de donner une définition générale et exhaustive des fièvres périodiques. Globalement, il s’agit de syndromes très divers caractérisés par un contexte familial fréquent, des épisodes fébriles à répétition survenant à intervalles variables avec ou sans facteurs déclenchants, souvent accompagnés de signes inflammatoires focaux concernant
11-2 Fièvres périodiques
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Coll. Pr O. Dereure, Montpellier
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Fig. 11.1 Physiopathologie des fièvres périodiques. Organisation globale de la réponse des polynucléaires et des macrophages aux stimuli pro-inflammatoires : voies activant l’apoptose post-activation dépendantes de la cryopyrine ou de la pyrine et inhibées par des mutations de ces dernières et voies impliquées dans la signalétique pro-inflammatoire (interactions TNF-α-récepteur au TNF-α et sécrétion de cytokines), activées en cas de mutation de certains de ses acteurs (récepteur au TNF-α, CARD15) la peau, les muqueuses, les séreuses, les articulations, le système nerveux central, etc., un syndrome inflammatoire biologique pratiquement constant ou surtout présent lors des poussées fébriles, des anomalies de comportement des polynucléaires neutrophiles et un risque viscéral potentiel à long terme, notamment une amylose rénale. Ces fièvres périodiques peuvent être classées en affections clairement génétiques (même si les cas ne sont pas toujours familiaux) où les gènes en cause ont été identifiés dans la plupart des cas (maladie périodique, syndrome TRAPS, syndrome CINCA, syndrome de Muckle et Wells, syndrome hyper-IgD, syndrome de Blau, urticaire familiale au froid, neutropénie cyclique, syndrome PAPA) et en affections sporadiques (maladie de Still, syndrome PFAPA). La physiopathologie de ces affections a surtout été étudiée dans le cadre des affections génétiques et fait donc référence à la notion de maladies auto-inflammatoires par ana TNF tumor necrosis factor
logie aux maladies auto-immunes, ces deux groupes constituant les deux versants principaux des maladies dites de système. Ces maladies auto-inflammatoires sont en effet systémiques par essence même si leurs manifestations dominantes sont souvent focales, et doivent être considérées comme telles dans l’appréciation des risques viscéraux. Globalement, à la suite d’un facteur déclenchant « habituel » souvent inaperçu (traumatique ou infectieux notamment) se produit une réaction inflammatoire d’abord d’amplitude normale avec activation des polynucléaires neutrophiles et des macrophages, réaction qui va ensuite s’auto-amplifier et/ou se pérenniser en raison d’une prolongation anormale de cette activation soit par altération de l’apoptose postactivation précoce des cellules inflammatoires par défaut de la signalétique pro-apoptotique en raison d’une mutation inactivatrice d’un élément de cette voie (mutations de la pyrine, de la cryopyrine, etc.), soit par augmentation de la si-
Fièvre familiale méditerranéenne (maladie périodique) gnalétique pro-inflammatoire par altération de la réception au TNF-α, en principe autolimitée par clivage du récepteur membranaire (interruption de l’auto-activation initiale) ou par augmentation intrinsèque de l’activité des voies intracellulaires gouvernant l’activation cellulaire. La conséquence est une inflammation prolongée qui peut alors entraîner une fièvre, des lésions viscérales, un syndrome inflammatoire et parfois une amylose AA. Les différentes voies impliquées dans l’activation des cellules inflammatoires et pertinentes en termes de physiopathologie des fièvres périodiques sont résumées sur la fig. 11.1.
Fièvre familiale méditerranéenne (maladie périodique)
Coll. D. Bessis
Elle est la plus connue et certainement la plus fréquente de ces maladies auto-inflammatoires. Elle touche avant tout les populations arabes de l’est et de l’ouest du bassin méditerranéen, les Arméniens, les Turcs et les juifs sépharades. Dans certaines populations, la fréquence des porteurs à l’état hétérozygote d’une mutation du gène MEFV, responsable de la maladie, est supérieure à 10 %.
Fig. 11.2
Placards urticariens au cours d’une maladie périodique
IL interleukine · TNF tumor necrosis factor
Cette affection est liée à des mutations du gène MEFV, situé sur le bras court du chromosome 16 (16p13.3 ; 10 exons ; 14kb) et qui code pour une protéine appelée la pyrine ou marénostrine qui joue très probablement un rôle important dans le contrôle de l’inflammation et notamment dans le fonctionnement des polynucléaires neutrophiles puisqu’elle n’est exprimée que dans les PNN circulants et, à un moindre degré, dans les monocytes. En effet, la pyrine est le prototype d’une nouvelle famille de protéines intracellulaires possédant un « domaine de mort » (famille dont fait également partie la molécule SSA/Ro52), est constituée de 781 acides aminés pour un poids moléculaire de 86 kDa ; la localisation de la protéine est encore débattue : réticulum endoplasmique ou appareil de Golgi. Son domaine « pyrine » de 90 acides aminés sur la partie N-terminale de la molécule organisé en 6 hélices alpha peut interagir avec un domaine homotypique de la protéine ASC (Apoptosis associated Speck-like protein containing a Caspase recruitment domain) mais aussi avec l’actine et la proteine CD2BP1. La liaison pyrine-ASC entraîne une activation des caspases génératrice d’une apoptose précoce notamment des polynucléaires ⁴. La protéine ASC intervient également dans une voie de régulation de l’inflammation impliquant NF-KappaB, facteur de transcription nucléaire fondamental. Quatre mutations ponctuelles représentent au moins 80 % des mutations des sujets atteints, la plus fréquente étant la mutation M694V avec probablement un effet fondateur. Les mutations portent avant tout sur l’exon 10 et entraînent la substitution ou la délétion d’un acide aminé hydrophobe à l’extrémité carboxy-terminale de la protéine. En cas d’anomalie du gène MEFV, il est possible que l’interaction pyrine-ASC ne puisse plus se produire ; l’apoptose post-inflammatoire des polynucléaires serait alors altérée, ce qui explique probablement la pérennisation des phénomènes inflammatoires déclenchés par des traumatismes minimes notamment en raison de la persistance de l’activation de la voie dépendante de NF-KappaB aboutissant à une synthèse accrue de IL1 et IL8. Toutefois, le rôle exact des mutations de MEFV dans le mécanisme de la maladie n’est pas vraiment élucidé à l’heure actuelle. Sur le plan clinique, les symptômes apparaissent précocement, souvent avant 5 ans, et le tableau classique associe des accès fébriles, souvent intenses (39 à 40 ◦ C), le plus souvent accompagnés de tableaux viscéraux douloureux thoraciques, abdominaux (pseudo-abdomen chirurgical), testiculaires ou articulaires liés à l’inflammation des séreuses péricardiques, pleurales, articulaires et vaginales. Les accès aigus durent de quelques heures à trois jours et disparaissent spontanément en laissant une fatigue résiduelle transitoire ; ils récidivent sans périodicité particulière et les patients sont indemnes de symptômes entre les accès. Un syndrome inflammatoire et une polynucléose neutrophilique accompagnent en règle les poussées fébriles. Des signes cutanés très divers ont été décrits, le plus souvent peu spécifiques : placards urticariens (fig. 11.2), purpura infiltré ou non, érythème de la face ou des paumes, œdèmes segmentaires, papules ou nodules sous-cutanés inflammatoires des zones de friction et surtout pseudo-érysipèle des
11-3
11-4 Fièvres périodiques
Syndrome TRAPS Le syndrome TRAPS (Tumor Necrosis Factor-Receptor Associated Periodic Syndrome) ou fièvre hibernienne familiale ou fièvre périodique familiale dominante autosomique bénigne est une affection familiale autosomique dominante rare décrite en 1982, initialement chez des patients irlandais mais en fait probablement ubiquitaire ⁶. Elle est liée à des mutations (fréquentes mais non constantes) du gène codant pour la chaîne de 55 kDa du récepteur de type I au TNF-α, situé en 12p13. Plus de 20 mutations ont été décrites à ce jour, qui portent essentiellement sur les cystéines engagées dans des ponts disulfures responsables de la structure spatiale de la région extracellulaire du récepteur, notamment dans les régions CRD1 et 2 (exons 1 à 4). Plus rarement elles siègent dans d’autres régions du domaine extracellulaire. La plupart des mutations sont hétérozygotes et ont un effet dominant négatif. Quoiqu’il en soit, la mutation gêne le clivage de la protéine (exprimée notamment à la surface des polynucléaires neutrophiles) par des protéases et empêche la libération d’une forme soluble du récepteur dans le sérum où il peut alors entrer en compétition avec le récepteur membranaire. Dans d’autres cas, le récepteur est clivé mais sa fraction soluble est in PAN périartérite noueuse · TNF tumor necrosis factor
stable ou non fonctionnelle. La résultante de ce phénomène est probablement une augmentation anormale et une prolongation dans le temps de l’activité de ces récepteurs et donc des effets biologiques du TNF-α dont les effets proinflammatoires sont bien connus. Le tableau clinique débute à un âge variable, souvent dans la deuxième décennie. Il associe là encore des épisodes fébriles souvent prolongés (une semaine), des douleurs abdominales parfois très violentes et thoraciques par atteinte des séreuses, des céphalées, des arthralgies, voire des arthrites aseptiques, des myalgies et parfois des adénopathies. Les manifestations cutanées et muqueuses sont également fréquentes : exanthème maculo-papuleux migratoire peu spécifique, plaques urticariennes parfois annulaires, pseudo-érysipèle ou pseudo-cellulite très caractéristique des membres supérieurs plus qu’inférieurs (à la différence de la maladie périodique) migrant en quelques jours de la racine vers l’extrémité du membre et souvent associées à des douleurs et à une raideur du groupe musculaire sous-jacent, œdèmes inflammatoires périoculaires, voire conjonctivite ⁷. Ces signes cutanés sont souvent précoces, dans les deux premières années de vie, et peuvent durer plusieurs jours. La biopsie peut mettre en évidence un infiltrat mononucléé périvasculaire du derme superficiel, sans vasculite vraie. L’amylose rénale est plus rare que dans la maladie périodique, de type AA, et concerne environ 25 % des patients, certaines mutations semblant d’avantage à risque (portant sur une cystéine). Le diagnostic repose sur des arguments génétiques (mise en évidence de la mutation) et biochimique (élévation du TNF-α circulant sans élévation concomitante du récepteur soluble lors des accès). Le traitement n’est pas encore bien codifié, mais l’étanercept, récepteur soluble du TNF-α, représente un espoir important et finalement très logique compte tenu de la physiopathologie de la maladie. Les premiers résultats sont encourageants avec un schéma thérapeutique proche de celui du traitement de fond de la polyarthrite rhumatoïde (deux injections sous-cutanées à 25 mg/semaine au long cours). L’activité préventive de l’étanercept vis-à-vis de l’amylose rénale est encore inconnue. Le traitement des poussées repose plutôt sur la corticothérapie générale, d’efficacité en fait inconstante, mais pourrait là encore utiliser l’étaner-
Coll Pr O. Dereure, Montpellier
membres inférieurs ⁵ (fig. 11.3), quasi pathognomonique, apparaissant très souvent précocement après un traumatisme local mineur ou une marche prolongée, à bascule et localisé électivement entre la cheville et le genou. Les biopsies cutanées peuvent mettre en évidence un infiltrat dermique à polynucléaires neutrophiles, souvent peu dense, présent essentiellement à la phase initiale des lésions. Plus rarement, une authentique image de vasculite, parfois proche d’une PAN, est mise en évidence. Le diagnostic repose sur une conjonction d’arguments cliniques mais reste un diagnostic d’exclusion dans beaucoup de cas, faute d’élément clinique et biologique spécifique. Toutefois, un diagnostic génétique est possible depuis quelques années et permet un diagnostic précoce dans les populations à risque par la mise en évidence de deux mutations du gène MEFV, soit homozygotes, soit hétérozygotes composites, permettant la mise ne route d’un traitement par colchicine le plus tôt possible, notamment chez l’enfant ; la présence d’une seule mutation n’exclut toutefois pas complètement le diagnostic, notamment dans les formes d’expression atténuée. Ce diagnostic est actuellement possible en semi-routine dans les centres spécialisés. Le pronostic est bien sûr lié à l’évolution vers une amylose AA, notamment rénale pouvant aboutir à une insuffisance rénale terminale, amylose efficacement prévenue par la prise de colchicine au long cours. Cette complication n’est toutefois pas constante et il semble que l’homozygotie M694V soit associée à une forme clinique plus grave et à un risque plus élevé d’amylose. Le traitement des accès aigus n’est pas codifié. En revanche, la colchicine permet de protéger efficacement les patients contre la survenue des accès et l’amylose, à une posologie variable selon les patients, comprise entre 1 et 2,5 mg/jour.
Fig. 11.3
Pseudo-érysipèle au cours d’une maladie périodique
Syndrome FAPA ou PFAPA cept. En revanche, la colchicine n’a apparemment aucun intérêt particulier.
Syndrome hyper-IgD
Coll. D. Bessis
Ce syndrome transmis sur un mode autosomique récessif, décrit pour la première fois en 1984, atteint surtout des patients européens. Il est lié dans la majorité des cas à des mutations du gène codant pour la mévalonate kinase qui intervient dans le métabolisme des stérols ; ces mutations sont en général de type faux-sens et portent surtout sur les acides aminés 268 et 377. Elles aboutissent à une diminution de l’activité de l’enzyme avec accumulation des métabolites d’amont ⁸. Les relations génotype-phénotype sont encore mal définies, de même que la physiopathologie de la maladie même s’il semble que ce soit le déficit en isoprène, fruit du blocage enzymatique, qui soit responsable de l’activité pro-inflammatoire, en augmentant la sécrétion d’interleukine 1 β par les cellules déficitaires. L’activité antiinflammatoire des isoprènes, qui semble donc probable, reste toutefois à préciser. Il est intéressant de noter que le déficit complet de cette enzyme est responsable d’une maladie pédiatrique grave, l’acidurie mévalonique, qui associe également des troubles neurologiques et un retard de croissance. Les mutations en cause dans les deux affections affectent des régions distinctes de la molécule. Il est donc possible que le syndrome hyper-IgD soit en fait une forme atténuée et imcomplète de l’acidurie mévalonique. Enfin, l’activité de l’enzyme est plus basse à 39 ◦ C qu’à 37 ◦ C, ce qui pourrait expliquer le déclenchement des poussées par une élévation non spécifique de la température (infection, vaccination, effort, etc.).
Fig. 11.4 hyper-IgD
Érosions aphtoïdes palatines au cours d’un syndrome
Les premiers signes cliniques apparaissent le plus souvent dans la petite enfance avec des poussées fébriles périodiques lors d’épisodes infectieux ou de vaccinations, marquées par une hyperthermie importante (plus de 39 ◦ C) et pouvant s’accompagner de divers signes viscéraux, en particulier articulaires (arthralgies, arthrites périphériques), abdominaux (douleurs, vomissements, diarrhée), mais aussi adénopathies cervicales, et hépatosplénomégalie ⁹. Les ac-
cès durent en principe 7 jours et récidivent toutes les 4 à 8 semaines. Les signes cutanés sont présents chez plus de 75 % des patients, souvent concomitants aux accès fébriles et sont peu spécifiques : exanthème maculo-papuleux diffus, lésions urticariennes, voire purpuriques, nodules inflammatoire, pustules, aphtes buccaux (fig. 11.4), érythème annulaire ou encore chondrite. La biopsie cutanée ne retrouve qu’un infiltrat mononucléé et/ou à PNN en proportions variables, en situation périvasculaire. Biologiquement, c’est surtout l’élévation importante du taux sérique des IgD (au-delà de 100 mg/l) mais aussi des IgA et la présence d’un syndrome inflammatoire constant et persistant entre les poussées cliniques qui caractérisent la maladie. Le diagnostic repose sur le dosage des IgD dans le sang et sur l’étude de l’activité de la mévalonate kinase ainsi que sur l’étude du gène lui-même. Le pronostic d’ensemble est plutôt relativement favorable, sans lésion viscérale majeure, tandis que les poussées inflammatoires diminuent en général avec l’âge. Il n’existe notamment pas de risque d’amylose rénale. Le traitement n’est pas codifié et il utilise surtout la corticothérapie orale au long cours ainsi que, peut-être, la ciclosporine et les gammaglobulines intraveineuses. La simvastatine au long cours réduirait la fréquence et l’intensité des accès. En revanche, le thalidomide ne semble pas avoir d’effet particulier.
Syndrome FAPA ou PFAPA Le syndrome FAPA ou PFAPA (Periodic Fever Aphthous stomatitis, Pharyngitis and Cervical Adenitis) est une affection sporadique décrite par Marshall en 1989. Elle ne répond pas à un substratum génétique précis (pas de contexte familial) et débute souvent avant 5 ans ¹⁰. Le tableau clinique se caractérise par des épisodes fébriles souvent majeurs, 40 ◦ C ou plus, récidivant à intervalle fixe de 2 à 8 semaines, durant quelques jours, et disparaissant sans traitement particulier. Il s’y associe de façon variable un malaise général, une pharyngite, une stomatite aphtoïde et des adénopathies cervicales. Entre chaque accès, les patients, qui sont souvent des enfants, sont asymptomatiques. La biologie est normale en dehors et lors des accès avec toutefois parfois une neutrocytose modérée lors de ces derniers. Le pronostic est bon, les poussées s’atténuant souvent avec l’âge tandis qu’aucune complication viscérale particulière n’est décrite à long terme. L’étiologie est inconnue. Le traitement des poussées repose avant tout sur la prednisone orale, souvent rapidement efficace.
Fièvres périodiques avec mutation du gène CIAS1 Trois affections distinctes sont liées à des mutations du même gène, le syndrome de Muckle et Wells, le syndrome CINCA (Chronic Infantile Neurological Cutaneous and Articular Syndrome) et le syndrome auto-immun au froid.
11-5
Fig. 11.5
Urticaire diffuse et fixe du tronc au cours d’un syndrome de Muckle et Wells
Ces trois affections sont sous-tendues par des mutations du gène CIAS1 (pour Cold-Induced Auto-inflammatory Syndrome I) qui code pour la cryopyrine encore appelée PYPAF1 ou NALP3 ¹¹,¹². Les mutations retrouvées au cours du syndrome CINCA sont distinctes de celles observées dans le syndrome de Muckle et Wells et le syndrome auto-immun au froid alors que certaines sont communes à ces deux dernières entités. Toutefois, certaines familles atteintes ne présentent pas de mutations du gène CIAS1 et d’autres gènes, probablement de la même famille, restent à découvrir. Toutes les mutations décrites à ce jour portent sur l’exon 3 du gène, notamment sur la région codant pour le domaine NBS (Nucleotide Binding Site)/NACHT de la protéine. La cryopyrine, comme la pyrine (avec laquelle elle partage d’ailleurs la présence d’un domaine pyrine de 90 acides aminés en situation N-terminale), est manifestement impliquée dans la régulation de l’apoptose des polynucléaires et de la réponse inflammatoire, notamment en activant la pro-caspase 1 qui clive la pro IL-1-β et permet l’apparition de l’IL-1-β, molécule fortement pro-inflammatoire. Les mutations de la cryopyrine permettraient une prolongation de cette activité pro-inflammatoire, peut-être par échappement aux mécanismes de régulation ou par stabilisation de la protéine ¹². Par ailleurs, une liaison cryopyrine-ASC est possible par l’intermédiaire de leurs domaines pyrine, avec modulation des voies apoptotiques et inflammatoires dépendant notamment de NF-KappaB ; les mutations de la cryopyrine pourraient également modifier l’équilibre entre ces deux voies dans les PNN. IL interleukine
Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
11-6 Fièvres périodiques
Syndrome de Muckle et Wells Transmis sur un mode autosomique dominant, il associe des poussées fébriles, des frissons, des lésions urticariennes souvent fixes (fig. 11.5) et non prurigineuses, évoluant par poussées, une surdité neurosensorielle et une amylose essentiellement rénale. Conjonctivite, aphtes buccaux, dysmorphie, vasculite nécrosante, atteinte neurologique notamment sensitive, arthralgies et arthrites sont moins fréquentes. Les lésions cutanées sont souvent d’apparition retardée par rapport à la surdité et déclenchées par des variations thermiques ou la fatigue, peuvent s’accompagner d’arthralgies synchrones, durent 1 à 3 jours et récidivent à intervalles très variables. L’histologie n’est pas spécifique. Le pronostic est dominé par la survenue d’une amylose multiviscérale de type AA, notamment rénale, heureusement inconstante. La colchicine est habituellement inefficace, contrairement à la maladie périodique, mais les corticoïdes à petites doses sont souvent suffisants pour faire disparaître les poussées inflammatoires. Urticaire au froid familiale ou syndrome auto-immun au froid Cette affection est proche du syndrome de Muckle et Wells, mais s’en différencie par le déclenchement de poussées fébriles par une exposition généralisée et assez prolongée au froid, accès souvent associés à une éruption cutanée maculopapuleuse peu spécifique, prurigineuse. Les symptômes sont souvent retardés de plusieurs heures par rapport à l’exposition au froid. Arthralgies et conjonctivites sont également possibles. Le pronostic rejoint celui du syndrome de Muckle et Wells, avec une amylose rénale là encore in-
Neutropénie cyclique 11-7
Fig. 11.7
Hypertrophie de la rotule au cours d’un syndrome CINCA
Neutropénie cyclique ¹⁴
Fig. 11.6 IL interleukine
Éruption urticarienne au cours d’un syndrome CINCA
Coll. Pr A.-M. Prieur, Paris
Cette maladie rare à transmission autosomique dominante est liée à des mutations du gène codant pour l’élastase de type 2 des neutrophiles conduisant probablement à une apoptose prématurée des précurseurs médullaires des neutrophiles. Les poussées fébriles sont contemporaines des épisodes de neutropénie, et surviennent de façon brutale et souvent périodique avec des intervalles de l’ordre de 2 à 3 semaines. Il s’y associe malaise général, frissons, aphtes souvent multiples et douloureux de la cavité buccale, voire du pharynx, et infections cutanées ou viscérales (pulmonaires, péritonéales, septicémie, etc.) sans grande spécificité. Hémorragies gingivales, caries dentaires multiples, déchaussements dentaires, adénopathies périphériques sont plus rares. Le pronostic d’ensemble reste assez bon, la survenue d’une amylose viscérale AA étant rare. Les corticoïdes à doses modérées à moyennes sont souvent efficaces lors des épisodes de neutropénie. Le G-CSF peut être employé dans les cas plus sévères ou quand les épisodes de neutropénie sont rapprochés.
Coll. Pr A.-M. Prieur, Paris
Syndrome CINCA Encore appelé NOMID (Neonatal Onset Multisystem Inflammatory Disease), individualisé en 1987 ¹³, il n’est en général pas familial malgré son caractère génétique. Les symptômes, d’apparition souvent très précoce, parfois dès les premiers jours ou les premières semaines de vie, associent 1o une atteinte cutanée particulièrement précoce à type d’érythème urticarien non prurigineux (fig. 11.6), récidivant avec infiltration du derme par des PNN sur la biopsie cutanée ; 2o des signes articulaires tels que des arthralgies ou des arthrites récidivantes conduisant à un véritable rhumatisme inflammatoire déformant avec notamment une hypertrophie caractéristique de la rotule et des cartilages de conjugaison (fig. 11.7, fig. 11.8) ; 3o des signes neurologiques. Ces derniers font toute la gravité de la maladie : méningite chronique amicrobienne à neutrophiles avec céphalées chroniques, comitialité, spasticité, syndromes déficitaires centraux, atteinte progressive des différents organes sensoriels avec uvéite et conjonctivite et/ou surdité neurosensorielle progressive, retard psychomoteur fréquent et progressif. Une dysmorphie faciale avec front élargi et bombé, nez en selle, cheveux fins et fragiles est souvent associée. La fièvre est pratiquement constante lors des poussées de cette affection au pronostic redoutable, notamment sur le plan neurologique. L’évolution vers une amylose rénale est également possible. Il n’existe actuellement aucun traitement efficace du syndrome CINCA puisque corticoïdes et immunosuppresseurs sont souvent peu opérants et n’influencent pas de toute façon le cours de la maladie. Dans ces trois affections, le syndrome inflammatoire biologique est souvent majeur au cours des accès fébriles, tout particulièrement dans le CINCA qui est la plus grave des trois. Il n’existe aucun élément paraclinique spécifique et le diagnostic n’est souvent qu’un diagnostic d’élimination tardif par exemple devant un tableau inflammatoire à rechutes fébriles et atteintes multiviscérales ayant débuté très précocement pour le syndrome CINCA. Toutefois, un diagnostic génétique est actuellement possible en centre spécialisé avec étude directe du gène CIAS1.
Coll. Pr A.-M. Prieur, Paris
constante. Une option thérapeutique intéressante pourrait être les antagonistes du récepteur à l’IL-1.
Fig. 11.8
Atteinte osseuse rotulienne au cours d’un syndrome CINCA
11-8 Fièvres périodiques Syndrome PAPA Le syndrome PAPA (Pyogenic sterile Arthritis, Pyoderma Gangrenosum, Acne) est une affection très rare est familiale. Elle associe de façon variable dans les familles concernées une polyarthrite destructrice et ankylosante à PNN, un pyoderma gangrenosum, une acné nodulokystique sévère, une acné des plis, des abcès aux sites de ponction, et une myélosuppression aux sulfamides ; le mode de transmission semble autosomique dominant à pénétrance variable et l’anomalie génétique responsable de cette entité a été identifiée sur le bras long du chromosome 15 ¹⁵. Il s’agit
1 Drenth JP, van der Meer JW. Hereditary periodic fever. N Engl J Med 2001 ; 345:1748-1757. 2 Dereure O. Fièvres périodiques. Ann Dermatol Venereol 2002 ; 129:338-342. 3 Grateau G, Granel B, Hentgen V et al. Fièvres intermittentes héréditaires. Presse Med 2004 ; 33:1195-1206. 4 Centola M, Wood G, Frucht DM et al. The gene for familial Mediterranean fever, MEFV, is expressed in early leukocyte development and is regulated in response to inflammatory mediators. Blood 2000 ; 95:3223-3231. 5 Barzilai A, Langevitz P, Goldberg I et al. Erysipelas-like erythema of familial Mediterranean fever : clinicopathologic correlation. J Am Acad Dermatol 2000 ; 42:791-795. 6 Hull KM, Drewe E, Aksentijevich I et al. The TNF receptor-associated periodic syndrome (TRAPS) : emerging concepts of an autoinflammatory disorder. Medicine (Baltimore) 2002 ; 81: 349-368 7 Toro JR, Aksentijevich I, Hull K et al. Tumor necrosis factor receptor-associated peri-
de mutations hétérozygotes faux-sens de type E250Q ou A230T du gène codant pour la protéine CD2 Binding Protein 1 (CD2BP1) ; cette protéine se lie à la pyrine et à l’actine et joue probablement un rôle dans la réorganisation du cytosquelette. Les mutations décrites pourraient gêner l’apoptose pyrine-dépendante des PNN et/ou altérer de façon plus générale les mécanismes apoptotiques. Il est intéressant de noter que la protéine CD2BP1 se lie également avec la protéine WASP impliquée dans le syndrome de Wiskott-Aldrich et dans la neutropénie liée à l’X mais les mutations ne concernent pas la région de liaison avec WASP.
odic syndrome : a novel syndrome with cutaneous manifestations. Arch Dermatol 2000 ; 136: 1487-1494. 8 Cuisset L, Drenth JP, Simon A et al. International Hyper-IgD Study Group. Molecular analysis of MVK mutations and enzymatic activity in hyper-IgD and periodic fever syndrome. Eur J Hum Genet 2001 ; 9:260-266. 9 Drenth JP, Haagsma CJ, van der Meer JW. Hyperimmunoglobulinemia D and periodic fever syndrome. The clinical spectrum in a series of 50 patients. International Hyper-IgD Study Group. Medicine (Baltimore) 1994 ; 73:133-144. 10 Marshall GS, Edwards KM, Lawton AR. PFAPA syndrome. Pediatr Infect Dis J 1989 ; 8: 658-659. 11 Hoffman HM, Mueller JL, Broide DH et al. Mutation of a new gene encoding a putative pyrin-like protein causes familial cold autoinflammatory syndrome and Muckle-Wells syndrome. Nat Genet 2001 ; 29:301-305. 12 Aksentijevich I, Nowak M, Mallah M et al. De novo CIAS1 mutations, cytokine activation,
and evidence for genetic heterogeneity in patients with neonatal-onset multisystem inflammatory disease (NOMID) : a new member of the expanding family of pyrin-associated autoinflammatory diseases. Arthritis Rheum 2002 ; 46: 3340-3348. 13 Prieur AM, Griscelli C, Lampert F et al. A chronic, infantile, neurological, cutaneous and articular (CINCA) syndrome. A specific entity analysed in 30 patients. Scand J Rheumatol Suppl 1987 ; 66:57-68. 14 Rodenas JM, Ortego N, Herranz MT et al. Cyclic neutropenia : a cause of recurrent aphthous stomatitis not to be missed. Dermatology 1992 ; 184:205-207. 15 Shoham NG, Centola M, Mansfield E et al. Pyrin binds the PSTPIP1/CD2BP1 protein, defining familial Mediterranean fever and PAPA syndrome as disorders in the same pathway. Proc Natl Acad Sci U S A 2003 ; 100:1350113506.
Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Dereure O. Fièvres périodiques. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 11.1-11.8.
12
Paraprotéinémies
Dan Lipsker Signes cutanés et dermatoses associées à une paraprotéinémie 12-1 Classification anatomoclinique et pathogénique 12-1 Infiltration cutanée lymphoplasmocytaire et dépôts extravasculaires d’immunoglobulines 12-2 Dépôts intravasculaires d’immunoglobulines et cryoglobulinémies 12-3 Activité particulière de l’immunoglobuline monoclonale 12-5
a découverte d’une gammapathie monoclonale est le plus souvent banale, puisqu’elle existe chez 3 % des sujets de plus de 70 ans et qu’elle est de « signification indéterminée » (anciennement « dysglobulinémie monoclonale bénigne ») dans plus de 60 % des cas. Ailleurs, elle peut révéler un myélome, une maladie de Waldenström, un lymphome, une leucémie lymphoïde chronique, une amylose ou un plasmocytome ¹. Il est établi que 15 % environ des sujets avec une dysglobulinémie monoclonale de signification indéterminée évolueront vers l’une de ces affections, principalement un lymphome, une leucémie lymphoïde chronique ou un myélome. Du fait de la prévalence élevée des dysglobulinémies monoclonales, surtout chez le sujet âgé, l’association fortuite entre certains signes cutanés et la présence d’une immunoglobuline monoclonale est fréquente. Ce chapitre sera focalisé sur les associations qui ne sont pas fortuites, soit parce qu’il existe des arguments épidémiologiques indiscutables, soit parce qu’un lien de causalité a pu être démontré. Nous utiliserons le terme de paraprotéine pour désigner la présence anormale d’une immunoglobuline monoclonale ou d’un produit dérivé d’une immunoglobuline (chaîne lourde, chaîne légère, dépôts amyloïdes immunoglobulinémiques...).
L
Signes cutanés et dermatoses associées à une paraprotéinémie Une prolifération de lymphocytes ou de plasmocytes sécréteurs de protéines monoclonales entraîne parfois des manifestations cutanées qui peuvent en être révélatrices. Aussi, les signes cutanés qui imposent, en l’absence d’une
Sécrétion de cytokines et inflammation de contiguïté 12-7 Syndrome AESOP 12-7 Syndrome POEMS 12-7 Mécanismes indéterminés 12-7 Syndrome de fuite capillaire 12-7 Xanthogranulome nécrobiotique 12-8 Spicules kératosiques 12-9 Références 12-9
autre cause évidente, la pratique d’une électro- et d’une immunoélectrophorèse des protéines sériques ainsi que la recherche d’une protéinurie de Bence-Jones sont illustrés à l’encadré 12.A. L’encadré 12.B illustre les dermatoses fréquemment associées à la présence d’une immunoglobuline monoclonale.
Classification anatomoclinique et pathogénique La pathogénie des lésions cutanées associées aux proliférations lymphoplasmocytaires sécrétrices de paraprotéine n’est pas toujours connue. La classification anatomoclinique et pathogénique (fig. 12.1) suivante est proposée : − infiltration cutanée lymphoplasmocytaire et/ou dépôt extravasculaire d’immunoglobulines et/ou de fragments d’immunoglobulines ;
Signes cutanés évocateurs d’une paraprotéinémie Hippocratisme digital Hyperpigmentation Nécroses cutanées Œdèmes Plaque érythématoviolacée hyperhémique Purpura Réaction cutanée anormale au froid (phénomène de Raynaud, urticaire au froid, purpura au froid...) Sclérose, « sclérœdème » Spicules kératosiques Télangiectasies profuses Urticaire fébrile
12.A
Paraprotéinémies Dermatoses associées à une paraprotéinémie Angiome gloméruloïde Cutis laxa acquis Dermatoses neutrophiliques Mucinoses (mucinose papuleuse acrale, scléromyxœdème, sclérœdème) Œdème angioneurotique acquis Syndrome de Fanconi acquis Syndrome de fuite capillaire Vasculite Xanthogranulome nécrobiotique Xanthome normolipidémique
12.B Affections cutanées et dépôts extravasculaires d’Ig Macroglobulinodermie Amylose AL Amylose nodulaire et plasmocytome cutané Maladie de Randall (dépôt de chaînes légères) Hyperkératose associée au myélome (spicule myélomateuse)
12.C − dépôts intravasculaires d’immunoglobulines ; − activité particulière de l’immunoglobuline monoclonale ; − sécrétion de cytokines par la prolifération lymphoplasmocytaire et inflammation de contiguïté ; − mécanismes indéterminés.
Infiltration cutanée lymphoplasmocytaire et dépôts extravasculaires d’immunoglobulines Il peut s’agir d’une infiltration cutanée par les cellules lymphoplasmocytaires. C’est par exemple le cas des plasmocytomes cutanés (fig. 12.2), des localisations cutanées (exceptionnelles) au cours de la maladie de Waldenström (fig. 12.3) ou du myélome (fig. 12.4), via un envahissement par contiguïté à partir d’un foyer osseux ou au cours d’une localisation métastatique. Des immunoglobulines ou fragments d’immunoglobulines peuvent se déposer dans la peau au cours des diverses affections résumées dans l’encadré 12.C. Dans ces cas, cliniquement, il s’agit le plus souvent de papules (de surcharge), de plaques ou de nodules tumoraux. Dans toutes ces situations, l’examen histopathologique est un élément diagnostique s’il arrive à déterminer la nature de l’infiltrat cellulaire ou à démontrer les dépôts d’immunoglobulines. Le recours aux colorations spéciales (thioflavine T, rouge congo...), aux techniques immunohistochimiques (anticorps anti-CD20, anti-chaînes légères, antiCD79a, anti-CD138...), et parfois à l’immunofluorescence (dépôt d’immunoglobulines, de chaînes légères), est souvent nécessaire. La microscopie électronique n’est pas indispensable. Les amyloses font partie de ce groupe d’affections. Les papules de surcharge en IgM (ou macroglobulinodermie), décrites au cours de la maladie de Waldenström, dont
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Fig. 12.1
Classification anatomoclinique et pathogénique des paraprotéinémies
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Coll. D. Bessis
12-2
Coll. Pr J.-P. Lacour, Nice
Dépôts intravasculaires d’immunoglobulines et cryoglobulinémies 12-3
Coll. Pr D. Lipsker, Strasbourg
Fig. 12.3 Nodules cutanés témoignant d’une atteinte cutanée de maladie de Waldenström
elles peuvent être révélatrices, sont un paradigme de ce mécanisme ². Il s’agit de papules des extrémités, rose ou couleur chair, parfois déprimées au centre. Il n’existe en général pas plus de 10 à 15 lésions. Sur le plan histopathologique existe un infiltrat lymphoplasmocytaire périvasculaire dermique superficiel et profond ainsi qu’un aspect œdémateux du derme superficiel, qui est la conséquence des dépôts d’IgM. Une examen en immunofluorescence ou un immunomarquage des chaînes légères est nécessaire pour établir le diagnostic, qui impose une immunoélectrophorèse des protéines. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que toutes les maladies avec dépôts de paraprotéines (exemples : papules de surcharge, amyloses, maladies des chaînes lourdes/légères) sont des maladies générales. De ce fait, les dépôts de paraprotéines peuvent être présents en peau saine et en peau lésée. Les signes cliniques peuvent être la conséquence d’une densité de dépôts plus importante, comme par exemple dans les papules de surcharge en IgM. L’apparition de signes cliniques peut aussi nécessiter des facteurs surajoutés, comme la traction mécanique dans les zones de tension pour le purpura et les ecchymoses qui apparaissent dans les endroits fragilisés par les dépôts amyloïdes au cours
Coll. D. Bessis
Fig. 12.2 Plaques et nodules infiltrés périmalléolaires chez un sujet avec un plasmocytome cutané, sans signe de myélome
Fig. 12.4 Nodule cutané ulcéré témoignant d’un envahissement par contiguïté à partir d’un foyer osseux au cours du myélome de l’amylose systémique immunoglobulinémique AL. Cela explique pourquoi la biopsie cutanée, même en l’absence de signe cutané, permet parfois d’établir, ou du moins de suspecter, ce diagnostic. Le recours à la biopsie cutanée profonde (permettant l’examen de l’hypoderme) est ainsi souvent justifié devant une suspicion d’amylose ou de maladie des chaînes légères (maladie de Randall) par exemple.
Dépôts intravasculaires d’immunoglobulines et cryoglobulinémies D’un point de vue clinique, histopathologique et pathogénique, il nous paraît nécessaire de séparer les dépôts extravasculaires des dépôts intravasculaires d’immunoglobulines et/ou de fragments d’immunoglobulines. En effet, la
Paraprotéinémies conséquence clinique d’un dépôt intravasculaire d’immunoglobuline est presque toujours une vasculopathie thrombosante. Les nécroses cutanées des cryoglobulinémies monoclonales illustrent bien ce mécanisme ³. Cette vasculopathie thrombosante peut être à son tour responsable d’une prolifération réactionnelle des cellules endothéliales. Cela est le cas au cours des angiomes gloméruloïdes (fig. 12.5) qui peuvent se voir au cours du syndrome POEMS ou des cryoglobulinémies ou encore au cours des angiomatoses réactionnelles sur paraprotéinémie ⁴,⁵.
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Fig. 12.5 Angiome gloméruloïde au cours d’un syndrome POEMS (hématoxyline-éosine-safran, × 160). Il s’agit d’une prolifération endovasculaire reproduisant le dessin d’un glomérule rénal. Les dépôts amorphes intra-luminaux correspondent à des dépôts de l’immunoglobuline monoclonale Dans toutes ces situations, l’examen histopathologique peut apporter une aide déterminante dans le diagnostic et doit en tout cas permettre de suspecter la présence d’une paraprotéine et de comprendre le mécanisme lésionnel. Une coloration par le PAS, le recours à l’immunomarquage des chaînes légères ou des marqueurs endothéliaux et musculaires lisses (CD34, CD31, α-actine) est souvent très utile. Le diagnostic différentiel avec des affections thrombosantes et/ou réactionnelles micro-angiopathiques résultant d’un autre mécanisme (ex. : syndrome des anticorps antiphospholipides/cofacteurs) n’est pas toujours possible ⁶. Les cryoglobulinémies sont le paradigme de ce type de mécanisme. Une cryoglobuline est définie par la présence, lorsque le sérum est laissé à + 4 ◦ C, d’un précipité qui a les propriétés de se redissoudre lors du réchauffement du sérum. Le biologiste doit ensuite déterminer les protéines impliquées dans la cryoprécipitation, le taux de cryoglobuline et la température initiale de précipitation. L’expérience clinique montre que le diagnostic biologique d’une cryoglobulinémie n’est pas toujours facile, et cela est souvent lié à des mauvaises conditions de prélèvement (pièce insuffisamment chauffée) et/ou d’acheminement du prélèvement. Aussi, devant un tableau clinique évocateur de cryoglobulinémie, la découverte d’un facteur rhumatoïde et d’un abaissement du C4 est fortement évocateur de ce diagnostic. Les cryoglobulines sont classées de la manière
suivante, en fonction de la nature mono- et/ou polyclonale de leurs constituants : − les cryoglobulines monoclonales composées d’immunoglobulines avec uniquement une classe ou sous-classe de chaînes lourdes ou légères ; − les cryoglobulines mixtes avec un constituant monoclonal, qui sont composées d’immunoglobulines appartenant à deux classes différentes, l’une d’entre elles étant monoclonale ; − les cryoglobulines mixtes polyclonales, qui sont composées d’immunoglobulines hétérogènes appartenant habituellement à deux classes (ou plus) différentes. Les cryoglobulines peuvent parfois comporter d’autres protéines sériques, notamment des constituants du complément. Le taux d’une cryoglobuline est très variable (traces à plus de 50 g/l). Les signes cutanés associés aux cryoglobulinémies sont nombreux et il peut s’agir de façon isolée ou groupée d’un phénomène de Raynaud, d’un gonflement douloureux des extrémités, d’une acrocyanose (fig. 12.6), d’un livédo (fig. 12.7), d’une urticaire, de macules, de papules, de plaques et de nodules érythémateux, parfois purpuriques, de vésicules et/ou de bulles, de nécroses et d’ulcérations cutanées plus ou moins extensives (fig. 12.8). Certaines de ces manifestations traduisent une vasculopathie thrombosante, dont le pronostic est grave et elles sont alors associées à une cryoglobulinémie monoclonale ou à fort composant monoclonal. Les autres traduisent une maladie à complexe immun, comme une vasculite leucocytoclasique et elles sont l’apanage des cryoglobulinémies mixtes essentiellement. Ainsi, le purpura rétiforme (livédo à évolution purpurique), le purpura stellaire et les nécroses cutanées sont généralement déclenchées par le froid et en rapport avec une obstruction vasculaire thrombotique (fig. 12.9). D’autres signes sont évocateurs du diagnostic, car ils peuvent également être déclenchés par le froid. Leur topographie aux zones où la température cutanée est plus basse, comme la pointe du nez, les oreilles et les extrémités, est suggestive : phénomène de Raynaud, papules et plaques, purpura palpable ; ces deux derniers traduisent une vasculite leucocytoclasique, habituellement associée aux cryoglobulinémies mixtes. Si les nécroses cutanées extensives peuvent mettre en cause le pronostic vital du malade, la gravité d’une cryoglobulinémie est habituellement déterminée par les atteintes extracutanée, rénale (glomérulonéphrite proliférative diffuse avec dépôts endomembraneux) et neurologique (multinévrite). La néphropathie glomérulaire doit être régulièrement cherchée en cours d’évolution. Les lésions de vasculite peuvent cependant diffuser aux autres organes et entraîner des signes cardiovasculaires, pulmonaires, articulaires et neurologiques centraux. La cause d’une cryoglobulinémie doit toujours être soigneusement cherchée. Les signes de la cryoglobulinémie peuvent précéder de longue date ceux de l’affection associée, aussi faut-il savoir suivre ces malades et répéter les investigations si nécessaire. L’enquête étiologique est difficile, car la présence de cryoglobulines a été décrite au cours de très nombreuses affections aiguës ou chroniques. Il faudra notamment chercher une hémopathie
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lymphoplasmocytaire, surtout en cas de cryoglobulinémie monoclonale, une maladie auto-immune et/ou une infection. Le rôle des hépatites B et surtout C, du fait de leur prévalence importante et de par la fréquence d’une cryoglobulinémie associée (présente chez 5 à 50 % des malades infectés par le VHC, mais symptomatique chez moins de 10 % des malades), ainsi que par les conséquences thérapeutiques, mérite d’être souligné. Le traitement des cryoglobulinémies dépasse le cadre de cet ouvrage et ne sera que mentionné dans les grandes lignes. La protection contre le froid relève du bon sens. Les manifestations cutanées non nécrotiques ne justifient pas un traitement « lourd » par immunosuppresseurs ou plasmaphérèse. Les antipaludéens de synthèse, la colchicine et la dapsone, ont été crédités de quelques succès anecdotiques. Les formes graves peuvent être traitées par plasmaphérèse en cas de fort composant monoclonal avec ischémie par précipitation intravasculaire et par fortes doses de corticoïdes et de cyclophosphamide en cas de néphropathie glomérulaire. Dans tous les cas, si un traitement étiologique est indiqué du fait d’une affection associée (chimiothérapie d’une hémopathie, association ribavirine–interféron-α si hépatite), celui-ci devra être mis en œuvre.
Activité particulière de l’immunoglobuline monoclonale Dans cette situation, l’immunoglobuline monoclonale a une activité biologique spécifique lui conférant des propriétés particulières. Il en est ainsi au cours de certains myélomes où l’immunoglobuline possède une activité antiLDL. Cela a pour conséquence la formation de complexes immuns, une hypocomplémentémie et l’apparition de xanthomes plans normolipémiques ⁷. L’examen histopathologique de ces xanthomes n’a pas de spécificité et c’est au clinicien de porter ce diagnostic. L’œdème angioneurotique acquis au cours de différentes lymphoproliférations B, par activité de la paraprotéine contre l’inhibiteur du C1q, est un autre exemple de mécanisme ⁸. La dermatose bulleuse VHC virus de l’hépatite C
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Fig. 12.6 Acrocyanose et papules urticariennes fixes disposées linéairement en regard de trajets veineux superficiels au cours d’une cryoglobulinémie mixte
Fig. 12.7 Livédo racémeux des membres inférieurs au cours d’une cryoglobulinémie polyclonale de type mixte associée à la maladie de Waldenström, où se forment des bulles jonctionnelles avec des dépôts de l’IgM monoclonale le long de la jonction dermo-épidermique, pourrait également résulter d’un tel mécanisme, même si la cible antigénique n’est pas encore établie ⁹. Nous pensons qu’il faut classer les lésions cutanées du syndrome de Schnitzler dans cette catégorie. Ce syndrome rare est caractérisé par une urticaire chronique fébrile et une paraprotéinémie monoclonale IgM et le diagnostic repose sur les critères figurant dans l’encadré 12.D ¹⁰. L’éruption de ce syndrome est caractéristique. Il s’agit de macules et de plaques, fugaces, à peine surélevées, rose à rouge, initialement non ou peu prurigineuses (fig. 12.10). Les lésions ne sont pas œdémateuses et ne possèdent pas de renforcement périphérique marqué comme c’est souvent le cas dans l’urticaire commune. Le visage est souvent respecté. Il a pu être montré que l’IgM monoclonale des malades atteints de ce syndrome possédait toujours une activité dirigée contre des constituants de la région de la jonction dermo-épidermique ou de l’épiderme. Même si les anomalies immunopathologiques sont hétérogènes (activité IgM dirigée contre les filaments d’ancrage, contre les desmosomes...), elles sont constamment présentes ¹¹. Sur le plan microscopique, il s’agit le plus souvent d’une urticaire neutrophilique sans
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Fig. 12.8 Nécrose cutanée distale d’un orteil et livédo au cours d’une cryoglobulinémie mixte liée à une hépatite virale chronique C vasculite ¹². Aussi, une urticaire chronique neutrophilique fébrile (ou associée à d’autres signes systémiques comme des arthralgies, des douleurs osseuses, une organomégalie...) doit faire évoquer la possibilité de ce syndrome et imposer une immunoélectrophorèse des protéines. Le principal diagnostic différentiel du syndrome de Schnitzler est la maladie de Still de l’adulte, qui associe également une éruption urticarienne fébrile avec adéno- et organomégalie, fièvre et arthralgies et/ou arthrite. Sur le plan histopathologique, il s’agit également d’une urticaire neutrophilique. Deux éléments peuvent être discriminants au début de l’affection : − l’horaire de l’éruption cutanée : vespérale, au moment du pic fébrile, au cours de la maladie de Still de l’adulte et sans horaire particulier dans le syndrome de Schnitzler ; − la présence d’une l’immunoglobuline monoclonale IgM, mais qui peut être absente dans les formes initiales du syndrome de Schnitzler. Une restriction sur les IgM doit alors attirer l’attention du clinicien. Dans la maladie de Still de l’adulte en revanche, la ferritinémie est particulièrement élevée et sa fraction glycosylée est effondrée. Chez le nourrisson et l’enfant, le diagnostic de syndrome de Schnitzler est parfois évoqué, mais ce sont différents syndromes auto-inflammatoires alléliques d’une mutation du gène CIAS1 qu’il faut savoir évoquer à cet âge, en plus de la maladie de Still : syndrome NOMID, syndrome (ou amylose) de Muckle et Wells et urticaire familiale au froid.
Fig. 12.9 Livédo à évolution purpurique (« purpura rétiforme ») et nécrotique au cours d’une cryoglobulinémie monoclonale. Noter également les lésions purpuriques stellaires. Le purpura rétiforme et le purpura stellaire traduisent presque toujours une vasculopathie thrombosante évolutive et imposent donc une prise en charge immédiate
Critères diagnostiques du syndrome de Schnitzler Urticaire chronique, immunoglobuline monoclonale IgM et au moins deux des manifestations suivantes : 1. Fièvre 2. Arthralgies ou arthrites 3. Douleurs osseuses 4. Adénopathies palpables 5. Hépato- ou splénomégalie 6. Accélération de la vitesse de sédimentation 7. Leucocytose 8. Anomalies à l’imagerie osseuse
12.D Les autres diagnostics différentiels incluent une autre maladie auto-inflammatoire, le syndrome hyper-IgD, ainsi que la vasculite urticarienne hypocomplémentémique (notamment associée au lupus érythémateux), les maladies neutrophiliques, notamment celles qui précèdent la polychon-
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tome osseux solitaire et associée à plusieurs adénopathies régionales. La lésion est lisse, luisante et le réseau vasculaire est bien visible alors même que la lésion n’est pas atrophique. Les bords sont émoussés mais nets. Le traitement du plasmocytome entraîne la disparition de tous les signes. Certains malades avec un syndrome AESOP avaient d’emblée tous les critères diagnostiques du syndrome POEMS (Polyneuropathy, Organomegaly, Endocrinopathy, Monoclonal protein, and Skin changes), d’autres, traités insuffisamment, ont évolué vers ce syndrome. En effet, il est indispensable d’irradier le plasmocytome. Nous supposons que la lésion cutanée, qui n’est pas en contact direct avec le plasmocytome sous-jacent, résulte de la sécrétion de cytokines (notamment le VEGF [Vascular endothelial growth factor] et/ou le HIF-1 [Hypoxia-inducible factor 1]) par le plasmocytome. Cela constitue un exemple d’une inflammation de contiguïté ¹⁴.
Fig. 12.10 Macules et plaques roses à peine surélevées au cours d’un syndrome de Schnitzler drite atrophiante et l’érythème marginé rhumatismal de Bywaters, exceptionnel aujourd’hui. Il est vraisemblable que d’autres manifestations cutanées puissent être classées dans cette catégorie (mucinose papuleuse et scléromyxœdème, sclérœdème...), mais la démonstration du rôle pathogénique de la paraprotéine n’a pas encore été apportée.
Sécrétion de cytokines et inflammation de contiguïté Syndrome AESOP Jusqu’à présent, ce mécanisme n’a pas encore été démontré comme étant seul ou principalement responsable d’une manifestation cutanée associée à une prolifération lymphoplasmocytaire. Nous pensons cependant que c’est le mécanisme primordial, si ce n’est exclusif, de la lésion érythématoviolacée, d’extension progressive, localisée en regard d’un plasmocytome osseux (fig. 12.11), observée au cours du syndrome AESOP (Adenopathy and Extensive Skin Patch Overlying Plasmacytoma) ¹³. Dans ce syndrome, la macule violine est constamment située au dessus d’un plasmocy VEGF vascular endothelial growth factor
Syndrome POEMS La sécrétion de cytokines et notamment du VEGF et de l’HIF-1 est, à côté de la thrombose intraluminale (voir ci-dessus), l’un des facteurs responsables des manifestations vasculaires avec néo-angiogenèse, observée dans un contexte de paraprotéinémie, notamment avec le syndrome POEMS où, à côté de la classique éruption d’angiomes gloméruloïdes, des télangiectasies généralisées peuvent être présentes et parfois même révélatrices (communication J.-H. Saurat, JDP 2004, Paris). L’association télangiectasies profuses, syndrome œdémateux et paraprotéine monoclonale avait déjà été rapportée comme entité isolée ¹⁵. On peut cependant se poser la question si ce syndrome ne représentait pas une phase précoce du syndrome POEMS. Les autres signes cutanés du syndrome POEMS sont une hyperpigmentation, une sclérose cutanée avec parfois une sclérodactylie, une hypertrichose des membres, du thorax et de la face, un blanchiment des ongles, un hippocratisme digital et un phénomène de Raynaud. Sur le plan général, ce syndrome associe deux signes quasi constants : une neuropathie périphérique sensitivomotrice bilatérale et symétrique et la présence d’une prolifération plasmocytaire, très souvent sécrétante (immunoglobuline monoclonale sérique ou urinaire avec chaîne légère lambda le plus souvent). Les autres signes sont une organomégalie et une endocrinopathie (diabète, hypothyroïdie, hypogonadisme).
Mécanismes indéterminés Il existe de nombreuses autres manifestations cutanées qui sont fréquemment associées à la présence d’une paraprotéine monoclonale, sans que le mécanisme soit pour le moment compris ¹⁶,¹⁷. Certaines entités seront brièvement abordées. Syndrome de fuite capillaire Il a été décrit par Clarkson en 1960. Il se caractérise par des poussées œdémateuses aiguës et récidivantes, liées à une exagération transitoire de la perméabilité capillaire,
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Fig. 12.11 Plaque rouge violacé, lisse, luisante, aux bords émoussés mais nets au cours d’un syndrome AESOP. Noter une lésion similaire, de plus petite taille, située au-dessus en regard d’une adénopathie régionale (a). Cette lésion est constamment le marqueur d’un plasmocytome sous-jacent, identifié chez ce malade dans la sixième côte par scintigraphie (b) et scanner (c). L’excision chirurgicale a permis la régression complète de la lésion cutanée et des adénopathies régionales en 4 mois (d). Ce malade est décédé d’un syndrome POEMS complet 4 ans plus tard survenant chez des adultes jeunes ou d’âge moyen ¹⁸. Au moment d’une poussée, il existe une extravasation massive de fluides et de protéines du secteur intra- vers le secteur extravasculaire pouvant avoir pour conséquence un choc hypovolémique et le décès. Devant un tel tableau, les éléments suivants sont en faveur du diagnostic de syndrome de fuite capillaire ¹⁹ : − un gonflement brutal de la face et des extrémités avec oligurie, hypotension artérielle, tachycardie et parfois un aspect livédoïde et/ou purpurique du dos des mains ; − l’absence, habituellement, d’œdème pulmonaire ; − des marqueurs d’hémoconcentration : une élévation de l’hématocrite et de l’hémoglobinémie, une leucocytose et une insuffisance rénale fonctionnelle, contrastant avec une hypoprotidémie marquée ; − la découverte d’une immunoglobuline monoclonale, principalement une IgG, présente chez la plupart des malades ; − secondairement une prise de poids considérable avec risque de syndrome des loges et d’œdème pulmonaire, au moment de la réentrée des fluides dans le secteur intravasculaire. Ce syndrome peut survenir dans un contexte de sepsis ou d’hémopathies, être la conséquence d’une administration IL interleukine
à visée thérapeutique de cytokines (IL-2 notamment), apparaître au cours de certaines dermatoses (psoriasis pustuleux, pustulose exanthématique) ou être idiopathique. Le pronostic à moyen terme de la forme idiopathique est réservé, car la complication par un choc hypovolémique mortel et/ou une CIVD n’est pas rare. Xanthogranulome nécrobiotique Il a été décrit par Kossard et Winkelmann en 1980. Il se manifeste par des papules jaunes confluantes en plaques et en nodules mesurant plusieurs centimètres dont la localisation péri-orbitaire est caractéristique (fig. 12.12). Les autres localisations sont le tronc et la racine des membres. Les lésions peuvent être télangiectasiques, atrophiques et/ou ulcérées. L’examen histopathologique permet le diagnostic lorsqu’il montre des zones de nécrobiose avec des fentes cholestéroliques dans le derme moyen et profond, entourées d’un infiltrat inflammatoire granulomateux constitué de lymphocytes, d’histiocytes spumeux, de cellules géantes chargées en graisse (cellules de Touton), de follicules lymphoïdes et de plasmocytes. Des localisations viscérales et notamment cardiaques sont fréquentes. Environ la moitié des malades ont des manifestations ophtalmologiques : masse orbitaire, ectropion, ptosis, kératite, conjonctivite,
Références sclérite, épisclérite, uvéite... Cette affection est le plus souvent associée à la présence d’une dysglobulinémie monoclonale, souvent myélomateuse ou en rapport avec une autre hémopathie lympho-plasmocytaire.
assez facilement identifiable, qui doit être différencié d’une kératose pilaire simple et des autres causes de kératoses folliculaires. Elles sont parfois associées à des dépôts interkératinocytaires PAS-positif d’une immunoglobuline monoclonale et elles ont été décrites notamment chez des malades porteurs de myélome. Un tableau cliniquement proche est réalisé au cours de la carence en vitamine A, chez les insuffisants rénaux, chez les sujets atteints de la maladie de Crohn ou de syndromes paranéoplasiques et au cours du mycosis fongoïde (lymphome T cutané) folliculaire.
Fig. 12.12 Papules jaunes confluentes en plaques et en nodules, de localisation périorbitaire, au cours du xanthogranulome nécrobiotique
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Coll. Dr S. Barbarot, Nantes
Spicules kératosiques Elles se caractérisent par des papules effilées, millimétriques, rugueuses, groupées, folliculaires ou non, qui peuvent être localisées (par exemple sur le nez) (fig. 12.13) ou généralisées. Elles réalisent un tableau très particulier,
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Fig. 12.13 Spicules kératosiques chroniques du visage sans étiologie mise en évidence
Dermatol 1998 ; 39:439-442. 8 Lipscombe TK, Orton DI, Bird AG, Wilkinson JD. Acquired C1-esterase inhibitor deficiency : three case reports and commentary on the syndrome. Australas J Dermatol 1996 ; 37: 145-148. 9 West NY, Fitzpatrick JE, David-Bajar KM, Bennion SD. Waldenström-macroglobulinemiainduced bullous dermatosis. Arch Dermatol 1998 ; 134:1127-1131. 10 Lipsker D, Veran Y, Grunenberger F et al. The Schnitzler syndrome. Four new cases and review of the literature. Medicine (Baltimore) 2001 ; 80:37-44. 11 Lipsker D, Spehner D, Drillien R et al. Schnitzler syndrome : heterogenous immunopathologic findings involving IgM-skin interactions. Br J Dermatol 2000 ; 142:954-959. 12 Castro DE, Masouyé I, Winkelmann RK, Saurat JH. Urticarial pathology in Schnitzler’s syndrome (hyper-IgM) syndrome. Dermatology 1996 ; 193:94-99. 13 Lipsker D, Rondeau M, Massard G, Grosshans E. The AESOP (Adenopathy and extensive skin patch overlying a plasmacytoma) syndrome. Report of 4 cases of a new syndrome revealing POEMS (polyneuropathy, organomegaly
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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Lipsker D. Paraprotéinémies. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 12.1-12.9.
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Amyloses cutanées
Philippe Modiano Classification des amyloses à expression cutanée 13-1 Amyloses systémiques acquises 13-2 Amyloses immunoglobuliniques AL 13-2 Manifestations systémiques 13-4 Traitement des amyloses immunoglobuliniques 13-5 Amyloses cutanées secondaires ou réactionnelles 13-5 Amylose à bêta-2-microglobuline des hémodialysés 13-6 Amyloses cutanées primitives localisées 13-6 Amylose papuleuse 13-7 Amylose maculeuse 13-7 Formes rares 13-7
L
es amyloses, ou amyloïdoses, constituent des maladies liées des dépôts extracellulaires anormaux de protéines fibrillaires agencées dans différents tissus et organes en feuillets plissés selon la configuration spatiale β, leur conférant une insolubilité et une résistance aux protéases. Elles sont actuellement considérées comme une « maladie du repliement des protéines » plutôt qu’une simple maladie de surcharge ¹. La classification actuelle des amyloses repose sur la nature des protéines précurseurs des dépôts et près de 24 protéines sont identifiées ². Les dépôts amyloïdes apparaissent histologiquement sous la forme d’une substance amorphe éosinophilique en microscopie optique, colorée en rouge brique par le rouge Congo (congophilie). En lumière polarisée, cette coloration devient caractéristique et spécifique de type biréfringente vert-jaune. Les autres colorations parfois utilisées, rouge Sirius, cristal violet et thioflavine T sont moins spécifiques. En microscopie électronique, les dépôts amyloïdes se présentent comme des fibrilles désorganisées, agrégées, de 7,5 à 10 nm de diamètre, linéaires et de longueur variable ³,⁴. Du point de vue biochimique, la substance amyloïde est constamment constituée de deux groupes de molécules. Le composant commun, non fibrillaire, comprend la substance amyloïde P, les glycoaminoglycanes (GAG), l’apoliprotéine E (Apo E) et plus accessoirement les inhibiteurs de protéases et d’autres molécules de la matrice extracellulaire. Le composant spécifique protéique est à la base de l’élaboration de la classification biochimique. Au cours de l’amylose AL, il s’agit de la protéine « amyloid light-chain (AL) » composée de fibrilles formées à partir du fragment
Traitement 13-7 Dépôts amyloïdes 13-7 Amyloses héréditaires 13-7 Amyloses cutanées familiales isolées 13-7 Manifestations cutanées des amyloses systémiques héréditaires 13-7 Amylose A ApoA1 (apolipoprotéine A1) 13-8 Amylose ATTR (type portugais) 13-8 Amylose AGel (type finlandais) 13-8 Références 13-8
N-terminal de la chaîne légère d’une immunoglobuline (région variable et portion de la région constante), plus fréquemment de type lambda que kappa (ratio lambda/kappa égal à 3) et sécrétée à partir d’un clone plasmocytaire médullaire, impliquée au cours de l’amylose AL. Au cours de l’amylose AA, il s’agit de la protéine « amyloid A (AA) » formée à partir du fragment N-terminal protéolytique de la protéine plasmatique d’inflammation SAA (sérum amyloïde A), impliquée au cours de l’amylose AA. Au cours de l’amylose des hémodialysés, il s’agit de la protéine β-2microglobuline, impliquée au cours de l’amylose des hémodialysés. Au cours des amyloses héréditaires les protéines impliquées sont variables : AApoA-1 (apolipoprotéine A1), AApoA-2, AFib (chaîne α du fibrinogène), AGel (gelsoline), ACys (cystanine), ALys (lysozyme)... Les techniques immuno-histochimiques permettent actuellement la reconnaissance de la majeure partie des protéines amyloïdes grâce à l’utilisation d’anticorps monoclonaux ou polyclonaux.
Classification des amyloses à expression cutanée La classification et la nomenclature des amyloses à expression dermatologique est établie en fonction du caractère systémique ou cutané localisé, de la nature acquise ou héréditaire et du type de protéines amyloïdes (tableau 13.1) ³,⁴. L’agrégation et les dépôts tissulaires amyloïdes sont variables selon les individus atteints tant sur le plan quan-
13-2 Amyloses cutanées Tableau 13.1 Type d’amylose Systémique acquise
Cutanée localisée
Héréditaires
Classification des amyloses avec expression cutanée Forme clinique
Protéine précurseur
Immunoglobulinémique AL – primitive – associée au myélome – nodulaire Secondaire (ou réactionnelle) AA Hémodialyse
Chaîne légère d’Ig
Amyloses cutanées primitives – papuleuse – maculeuse – autres Amylose nodulaire localisée Amylose réactionnelles des dermatoses
Cytokératines
Amylose cutanée familiale isolée Amyloses systémiques familiales – Syndrome de Muckle et Wells – Fièvre méditeranéenne familiale – Amylose A ApoA1 – Amylose ATTR – Amylose A Gel
Non connue
Protéine AA β-2-microglobuline
Chaîne légère d’Ig Kératine altérée
Protéine AA Protéine AA Apolipoprotéine A1 Transthyrétine Gelsoline
titatif que sur le site tissulaire ou viscéral atteint (rein, cœur, peau, foie, système nerveux périphérique et autonome, tube digestif). Ce caractère protéiforme des dépôts amyloïdes, leur rareté et la nécessité d’une confirmation histologique rendent compte de difficultés et de retard diagnostiques. Au cours des amyloses systémiques acquises de type AL, AA et à β-2-microglobuline (hémodialyse), le précurseur amyloïde est une protéine circulante qui devient pathogène à partir d’une certaine concentration et d’une persistance plasmatique. En revanche, au cours des amyloses héréditaires systémiques, la protéine précurseur mutée est présente depuis la naissance et à des concentrations plasmatiques stables. Schématiquement, l’atteinte cutanée de l’amylose est fréquente au cours de la forme AL mais rare au cours de la forme AA. De même, à l’exception de l’atteinte rénale commune aux deux affections, l’atteinte systémique extracutanée diffère entre l’amylose AL (langue, cœur, tractus digestif, appareil musculo-squelettique, ligaments du carpe, nerfs) et l’amylose AA (foie, rate, et glandes surrénales) ⁵.
Signes cutanés et muqueux de l’amylose systémique AL Fréquents Pétéchies, purpura, ecchymoses (15 %) Macroglossie (20 %) Papules Nodules Plaques Lésions tuméfiées Rares Infiltration sclérodermiforme Dystrophies unguéales Cutis laxa acquise Bulles Alopécie Cordons indurés vasculaires
13.A plasmocytose médullaire est variable et rarement élevée, en moyenne de 5 %. Les dépôts amyloïdes cutanés et muqueux sont constitués de fragments de chaînes légères, le plus souvent de type lambda. Les signes cutanés et muqueux (encadré 13.A) sont présents dans 29 à 40 % des cas ⁶. Le plus fréquent est le purpura décrit chez 15 % des patients. Il touche avec prédilection les paupières (fig. 13.1), les faces latérales du cou (fig. 13.2) mais également les aisselles, l’ombilic, la région orale et anogénitale. Le purpura peut passer inaperçu et être déclenché par des efforts de toux, de vomissements, d’expectoration, la manœuvre de Vasalva, après proctoscopie (purpura palpébral post-proctoscopie) ou des traumatismes mineurs ⁷. Il peut se disposer sous une forme striée linéaire (fig. 13.3) ou se révéler sous la forme d’ecchymose ⁸. Il résulte d’hémorragies cutanées liées au dépôt de la substance amyloïde au niveau de la paroi des vaisseaux du derme papillaire (fig. 13.4), parfois aggravée par une coagulopathie associée (déficit en facteurs de coagulation IX, X, carence en vitamine K).
Amyloses immunoglobuliniques AL L’amylose systémique AL constitue la forme la plus fréquente (70 %). Il existe une légère prédominance masculine (57 %) et l’âge moyen du diagnostic est de 62 ans. On distingue l’amylose AL primitive en rapport avec une prolifération plasmocytaire occulte et l’amylose AL associée au myélome beaucoup plus rare (4 à 13 %) ⁴. Dans ces deux formes, la présence d’une gammapathie monoclonale est caractéristique et mise en évidence dans 65 % des cas par l’électrophorèse des protéines et dans 85 à 90 % cas en immunoélectrophorèse ou par immunofocalisation. Il s’agit d’une gammapathie monoclonale de type IgG lambda (32 %), d’IgG kappa (17 %), de chaînes légères isolées lambda (29 %), ou kappa (4 %), d’IgA (12 %), d’IgD (3 %) et d’IgM (2 %) ⁵. La
Coll. D. Bessis
Amyloses systémiques acquises
Fig. 13.1 Purpura ecchymotique des paupières au cours d’une amylose AL
Coll. D. Bessis
Amyloses systémiques acquises 13-3
Purpura des faces latérales du cou au cours d’une amylose AL
Coll. D. Bessis
Des papules, des nodules, des plaques lisses, brillantes, d’aspect cireux parfois hémorragique constituent également des signes fréquents d’amylose AL et traduisent des dépôts amyloïdes du derme papillaire. Les plis sont touchés avec prédilection : paupières (fig. 13.5), régions rétroauriculaires, cou, aisselles, ombilic, plis inguinaux et région ano-génitale ⁹. Ces lésions peuvent être coalescentes sous la forme de placards inesthétiques, dont la topographie préférentielle au niveau du visage (partie interne des paupières, zone péri-orificielle) donne un aspect léonin ¹⁰. L’atteinte de la région ano-génitale peut mimer des condylomes (fig. 13.6) et entraîne souvent un diagnostic tardif. Parfois, les lésions peuvent être de couleur jaunâtre évoquant des xanthomes (« xanthoma like eruption ») ¹¹. La coexistence de xanthomes plan normolipidiques diffus et d’une amylose immunoglobulinique de type IgG lambda a également été décrite ¹². Des aspects de cutis laxa acquise, de pseudoxanthome élastique, de cordons indurés sur les trajets vasculaires sont rarement notés ¹³. Dans ces formes, le dépôt de substance amyloïde se situe autour des fibres élastiques où le composant P associé aux fibres élastiques formerait le lit des dépôts amyloïdes. Cette forme d’amy-
Fig. 13.3 Purpura pétéchial disposé sous une forme striée linéaire d’un pli de l’abdomen au cours d’une amylose AL
Coll. Dr L. Durand, Montpellier
Fig. 13.2
Fig. 13.4 Amylose maculeuse pigmentée : hyperpigmentation de la couche basale épidermique (HB), hyperplasie des papilles dermiques contenant des dépôts amyloïdes (DA) colorés par le cristal violet lose est appelée amylose élastosique (amyloid elastosis). Les états sclérodermiformes sont beaucoup plus rares (une dizaine d’observations) et touchent avec prédilection le visage, le cou, les mains et les pieds ¹⁴. Des lésions bulleuses parfois hémorragiques associées à une fragilité cutanée ont également été décrites ¹⁵. L’atteinte des phanères au cours de l’amylose peut être trompeuse. Une alopécie diffuse ou localisée (fig. 13.7) liée à une infiltration du cuir chevelu avec un aspect de cutis verticis gyrata peut être présent. L’atteinte unguéale est rarement observée, mais peut constituer la seule manifestation dermatologique durant plusieurs années. Elle peut être prise à tort pour une onychomycose ou un lichen avant de révéler la maladie. Ces anomalies unguéales sont non spécifiques (fig. 13.8) : atrophie unguéale, hémorragies filiformes sous-unguéales, striations longitudinales, onycholyse, anonychie partielle ou complète ou paronychies chroniques ¹⁶. L’examen histologique met en évidence des dépôts amyloïdes du lit ou de la matrice unguéale. La macroglossie est la manifestation clinique la plus évocatrice, présente en moyenne dans 20 % des cas (19 % dans les amyloses immunoglobuliniques isolées, 32 % dans les amyloses associées au myélome) ³. L’amylose constitue la première étiologie de macroglossie chez l’adulte. L’infiltration amyloïde peut débuter sous une forme diffuse, entraînant une augmentation de volume modérée et régulière (fig. 13.9) de teinte jaune orangé, ou sous une forme localisée avec la présence de papules hémorragiques, de nodules, de
Coll. Pr C. Francès, Paris
13-4 Amyloses cutanées
Fig. 13.5
Papules lisses, brillantes, cireuses des paupières au cours d’une amylose AL tions amyloïdes fixant la langue à sa base. Des xérostomies liées à l’infiltration des glandes salivaires par l’amylose ont été rapportées, faisant discuter l’intérêt de la biopsie des glandes salivaires dans le diagnostic des amyloses systémiques AL. Manifestations systémiques ⁵ Les manifestations extracutanées sont nombreuses et initialement peu spécifiques. Les symptômes initiaux associent de façon quasi constante une asthénie et un amaigrissement mais parfois également des paresthésies, des œdèmes, une dyspnée, une syncope par hypotension orthostatique. L’atteinte rénale (un tiers des cas) est marquée par le risque de protéinurie, de syndrome néphrotique et d’insuffisance rénale sans hypertension. L’atteinte cardiaque (un tiers des cas) est liée à une infiltration myocardique avec un risque d’insuffisance cardiaque congestive, d’angine de poitrine ou d’infarctus, de troubles du rythme et de modifications de l’électrocardiogramme (bas voltage, onde
Fig. 13.6 Lésions pseudo-condylomateuses anales au cours d’une amylose AL
Coll. D. Bessis
Coll. Pr C. Francès, Paris
plaques ou de bulles déformant la surface linguale. L’augmentation de volume peut être progressive ou par poussées, qui sont parfois douloureuses. Les bords sont souvent marqués par l’empreinte des dents et l’augmentation de volume est parfois telle qu’elle peut entraîner des difficultés alimentaires ou respiratoires à type de dysphagie et de dysarthrie. Le plancher de la bouche peut être envahi par des infiltra-
Fig. 13.7 Alopécie modérée et localisée avec purpura ecchymotique du scalp au cours d’une amylose AL
Fig. 13.8 Amylose unguéale : striation longitudinale, atrophie et anonychie partielle de nécrose). Les manifestations neurologiques sont fréquentes : syndrome du canal carpien (25 %), neuropathie périphérique sensitivo-motrice ou autonome (hypotension orthostatique, troubles digestifs, signes vésicaux, troubles sexuels). Une hépatomégalie et une splénomégalie sont notés dans respectivement 50 et 10 % des cas. L’infiltration amyloïdienne du tube digestif peut être responsable d’une hémorragie digestive ou d’un syndrome de malabsorption. Des anomalies de l’hémostase de mécanismes divers peuvent être responsables d’un syndrome hémorragique dans 25 à 40 % des cas. D’autres localisations viscérales (pulmonaire, thyroïdienne, surrénalienne, vésicale, oculaire...) sont plus rarement rapportées. L’amylose nodulaire cutanée primitive est la forme la plus rare d’amylose AL. Il s’agit d’une amylose tumorale immunoglobulinique, le clone plasmocytaire n’étant retrouvé que dans la peau. Elle doit être considérée comme un plasmocytome extramédullaire. Les plasmocytes localisés à la peau fabriquent des chaînes légères d’immunoglobulines qui dégénèrent en substance amyloïde. Le clone plasmocytaire est parfois retrouvé par la technique de PCR (polymerase chain reaction) suggérant l’existence d’un plasmocytome cutané de faible masse tumorale avec des dépôts importants de chaînes légères ¹⁷. L’âge moyen de début est de 65 ans. La maladie est deux fois plus fréquente chez l’homme que chez la femme. Les lésions sont plus souvent multiples qu’uniques et se localisent aux extrémités (visage, jambes,
Coll. D. Bessis
Coll. Dr R. Baran, Cannes
Amyloses systémiques acquises 13-5
Fig. 13.9
Macroglossie au cours d’une amylose AL
pieds). Récemment a été rapporté un aspect d’hypercallosité du pied révélant une amylose nodulaire primitive de diagnostic difficile ¹⁸. L’amylose nodulaire, bien qu’initialement localisée à la peau, peut évoluer vers une maladie systémique. Le risque exact d’atteinte systémique n’est pas connu et est estimé entre 15 et 50 % selon les auteurs ¹⁹. Dans une étude rétrospective récente sur 16 cas d’amylose nodulaire, un seul cas était associé à une maladie systémique type myélome. Le risque est peut-être surestimé ²⁰. Il est néanmoins nécessaire de pratiquer un bilan pour éliminer un myélome et d’effectuer un suivi au long cours des patients atteints d’une amylose cutanée nodulaire primitive. Traitement des amyloses immunoglobuliniques Il repose sur le traitement de la prolifération plasmocytaire. Pour l’amylose AL associée au myélome, il faut traiter le myélome par des polychimiothérapies intensives, autogreffes de moelle. Les patients répondeurs au plan hématologique sont alors aussi habituellement répondeurs au plan de l’amylose. Le taux de bons répondeurs reste assez faible, autour de 20 %. Lorsque l’amylose AL est isolée sans myélome associé, il n’y a pas d’intérêt de proposer une polychimiothérapie intensive. L’association melphalan et prednisone reste le traitement de référence ⁴. Amyloses cutanées secondaires ou réactionnelles Elles sont consécutives au dépôt d’une substance amyloïde AA (protéine SAA). Sa survenue nécessite un état inflammatoire prolongé : maladies systémiques (rhumatismes inflammatoires, syndrome de Sjögren, dermatomyo-
Coll. D. Bessis
13-6 Amyloses cutanées
site, sclérodermie, lupus), maladies inflammatoires du tube digestif, infections chroniques ou récurrentes, tumeurs malignes solides ou fièvre méditerranéenne familiale. L’amylose AA peut également compliquer diverses dermatoses chroniques : ulcérations veineuses, psoriasis, hidradénite suppurée, brûlures chroniques surinfectées... Les signes cutanées de l’amylose AA sont exceptionnels et seules des lésions purpuriques ont été décrites ³. Cependant, des dépôts de la protéine fibrillaire sont retrouvés dans 89 % des biopsies cutanées en peau saine, 58 % des ponctions de graisse abdominale et 70 % des biopsies rectales ²¹. Ainsi, la biopsie cutanée est un moyen de diagnostic simple en cas de suspicion d’amylose AA. Les signes systémiques sont marqués dans 90 % des cas par le risque d’atteinte rénale (protéinurie, syndrome néphrotique et/ou insuffisance rénale). La seconde atteinte est digestive avec un risque de malabsorption. En revanche, il n’existe pas
Coll. D. Bessis
Fig. 13.10 Papules brunes groupées des faces d’extension des avant-bras au cours d’une amylose papuleuse
Fig. 13.12 Plaques brunâtres mal limitées du dos au cours d’une amylose maculeuse de risque d’atteinte neurologique. Il n’existe pas de traitement spécifique et le traitement de l’affection causale reste essentiel pour stopper la progression de cette affection.
Coll. D. Bessis
Amylose à bêta-2-microglobuline des hémodialysés Il s’agit de dépôts de β-2-microglobulines dans le derme, observés chez les hémodialysés après en moyenne 8 à 10 ans de dialyse. Les manifestations cliniques sont essentiellement ostéoarticulaires et ligamentaires : syndrome du canal carpien et arthropathies destructrices. Les signes cutanés sont peu spécifiques et rares : nodules sous-cutanés des fesses, fréquemment bilatéraux ²², hyperpigmentation, papules lichénoïdes, lésions infiltrées digitales et prurigo ²²,²³. Le traitement repose sur les corticostéroïdes à faible dose et surtout l’utilisation de membranes de dialyse à haut flux avec colonnes permettant l’absorption du précurseur amyloïde. La transplantation rénale permet une rapide régression de symptômes articulaires, mais son action sur les dépôts amyloïdes reste mal connue.
Fig. 13.11
Gros plan sur les lésions cutanées d’amylose papuleuse
Amyloses cutanées primitives localisées Elles se différencient nettement de l’amylose systémique tant sur le plan clinique où l’atteinte cutanée est exclusive, qu’étiopathogénique où l’origine de la substance amyloïde
Amyloses héréditaires
Amylose papuleuse Elle se présente sous l’aspect de lésions papuleuses, de couleur chair ou brune, d’aspect sale, lisse ou hyperkératosique (fig. 13.10, fig. 13.11) extrêmement prurigineuses siégeant électivement aux faces antérieures des jambes et pouvant s’étendre aux mollets et au dos des pieds de façon plus ou moins symétrique. Des ulcérations sont décrites. L’évolution est chronique, peu modifiée par la thérapeutique comme dans toutes les formes d’amylose cutanée primitive. Le pronostic vital n’est pas mis en jeu. Cette forme d’amylose est plus fréquente chez les Asiatiques. Amylose maculeuse Elle s’observe chez la femme (78 %), d’âge moyen (3060 ans). La plupart des observations proviennent d’Amérique centrale, d’Amérique du Sud et du pourtour méditerranéen. Elle se traduit par des plages prurigineuses brunâtres sur le tronc et les membres, avec une prédominance au niveau du dos (fig. 13.12). La lésion élémentaire est une macule hyperpigmentée de 2 à 3 mm de diamètre de couleur brun ou gris-noir, un peu brillante. Les lésions adoptent le plus souvent un caractère symétrique. L’évolution est chronique sur plusieurs années. Les papules d’amylose papuleuse peuvent s’associer à ces macules, constituant la forme biphasique (fig. 13.13).
Coll. D. Bessis
semble être dermo-épidermique. Elle fait intervenir des processus essentiellement locaux liés au grattage. Ces amyloses sont dues à des dépôts dermiques fibrillaires de certaines cytokératines ³,⁴. Dans une étude histochimique, il s’agissait de cytokératines spécifiques des kératinocytes suprabasaux ou de la gaine externe des follicules pilo-sébacés (kératines 1, 5, 14, 15 et 16) alors que les cytokératines des kératinocytes basaux et glandulaires n’étaient pas retrouvées ²⁴. Les amyloses cutanées primitives pourraient être liées à des dépôts de kératinocytes apoptotiques dans le derme sous la forme de corps colloïdes. Cette apoptose pourrait être secondaire aux grattages répétés.
13-7
Fig. 13.13 Amylose biphasique associant des lésions papuleuses et maculeuses amyloïdes mocorticoïdes sous occlusion peut potentialiser l’action de ces derniers. L’acide trichloracétique à 33 % en une application quotidienne permet une régression de la symptomatologie ³. Les UVB constituent une alternative thérapeutique, mais leur efficacité est rapportée de manière anecdotique de même que le calcipotriol et la dermabrasion. L’efficacité de l’acitrétine, de la vaporisation au laser CO 2 et du DMSO oral reste à confirmer ⁴. Dépôts amyloïdes Ils peuvent être présents au cours de nombreuses dermatoses et constituent des épiphénomènes : dépôts amyloïdes autour de tumeurs épithéliales (carcinomes basocellulaires, maladie de Bowen, pilomatricome, kératoses séborrhéiques).
Amyloses héréditaires
Formes rares Elles ont été décrites suivant la présentation clinique et la topographie de prédilection : − ano-sacrée localisée à la région péri-anale sous forme de lésions hyperkératosiques et lichenoïdes, plus fréquentes chez l’homme et chez le sujet asiatique ; − poïkilodermique caractérisée par une peau atrophique comprenant des zones hyperpigmentées et hypopigmentées avec des télangiectasies ; − vitiligoïde associant des lésions dépigmentées et une hyperpigmentation périphérique localisée sur le crâne d’hommes chauves et plus fréquente en Équateur.
Amyloses cutanées familiales isolées ²⁵ Ce sont des génodermatoses très rares, de transmission autosomique dominante à pénétrance et phénotype variables. Elles touchent des familles d’origines ethniques diverses. Les lésions cutanées apparaissent le plus souvent au cours de l’adolescence, parfois plus tardivement au cours de la troisième décennie. Le prurit est fréquent, souvent sévère et peut précéder de plusieurs années l’apparition des lésions cutanées. Cliniquement, il s’agit d’amylose papuleuse typiquement constituée de placards de petites papules de quelques millimètres, fermes, translucides ou hyperpigmentées à la surface kératosique. À ces lésions s’associent rarement des lésions d’amylose maculeuse. Le caractère tourbillonnant des lésions et leur topographie (jambes, bras, dos) sont évocatrices.
Traitement Les dermocorticoïdes de classe 1 sous pansements occlusifs constituent le traitement de première intention, mais il existe souvent une rechute à leur arrêt. Les antihistaminiques sont souvent associés afin de diminuer l’intensité du prurit. L’association du dimethyl sulfoxide (DMSO) aux der-
Manifestations cutanées des amyloses systémiques héréditaires Les amyloses systémiques héréditaires constituent un groupe d’affections autosomiques dominantes caractérisées par diverses mutations héréditaires de protéines aboutissant à des dépôts amyloïdes de localisation viscérale variable : cœur, nerf périphérique, cornée, rein, peau... Le
13-8 Amyloses cutanées syndrome de Muckle et Wells et la fièvre méditerranéenne familiale constituent des amyloses de type AA (cf. chap. 11, « Fièvres périodiques »). Amylose A ApoA1 (apolipoprotéine A1) Décrite initialement par Moulin en 1988 sous la dénomination « amylose disséminée primitive familiale » elle est caractérisée par une atteinte cardiaque et cutanée importante. Les localisations cutanées à type de lésions maculopapuleuses jaunâtres diffuses et une atteinte cardiaque sont prédominantes. La protéine amyloïde est constituée de fragments N-terminaux d’une apolipoprotéine A1 mutée ²⁶,²⁷.
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Amylose ATTR (type portugais) La protéine impliquée est la transthyrétine (TTR). Elle se traduit sur le plan cutané par des maux perforants plantaires secondaires à une neuropathie sensitive précoce. Amylose AGel (type finlandais) Les principales manifestations associent une cutis laxa (blepharochalasis, laxité des plis cutanés de l’extrémité céphalique et des doigts), une dystrophie cornéenne caractéristique grillagée et une polyneuropathie périphérique et des nerfs crâniens ²⁸. La protéine impliquée est la gelsoline.
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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Modiano P. Amyloses cutanées. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 13.1-13.8.
14
Dermatoses neutrophiliques
Didier Bessis Concept de maladie neutrophilique 14-1 Pathogénie des dermatoses neutrophiliques 14-2 Syndrome de Sweet 14-2 Clinique 14-2 Biologie 14-2 Anatomopathologie 14-3 Étiologies 14-4 Variantes cliniques 14-6 Traitement 14-6 Pyoderma gangrenosum 14-7 Clinique et histologie 14-7 Étiologies 14-9 Traitement 14-10 Pustulose sous-cornée de Sneddon-Wilkinson 14-10 Clinique et histologie 14-10 Étiologies 14-10
es dermatoses neutrophiliques (DN) désignent un groupe d’affections caractérisées histologiquement par une infiltration cutanée de polynucléaires neutrophiles matures, sans cause identifiable.
L
Concept de maladie neutrophilique Historiquement, le terme de « dermatose neutrophilique aiguë fébrile » a été proposé par Robert Douglas Sweet en 1964, pour définir une nouvelle entité clinique observée chez 8 patientes suivies sur une période 15 ans ¹. Par la suite, plusieurs centaines d’observations ont confirmé cette entité qui porte son nom, le syndrome de Sweet (SyS), et permis d’en définir les critères clinico-histologiques et l’association fréquente à des leucémies myéloïdes. Au cours des années 1990, sous l’impulsion des dermatologues français D. Wallach et M.-D. Vignon-Pennamen, plusieurs affections antérieurement décrites de façon autonome incluant le pyoderma gangrenosum (PG), la pustulose sous-cornée de Sneddon-Wilkinson (PSC), l’erythema elevatum diutinum (EED) et l’hidradénite neutrophilique eccrine (HNE) seront intégrées au spectre des DN ². Par la suite, près d’une dizaine de nouvelles formes cliniques et histologiques de DN seront décrites et parfois individualisées de façon discutable : pyostomatite-pyodermite végétante, dermatite
Diagnotic différentiel 14-11 Pustulose à IgA intraépidermique ou pemphigus à IgA 14-11 Traitement 14-11 Hidradénite neutrophilique eccrine 14-11 Clinique et histologie 14-11 Étiologies 14-12 Diagnostic différentiel 14-12 Erythema elevatum diutinum 14-12 Autres dermatoses neutrophiliques 14-13 Abcès aseptiques neutrophiliques 14-13 Pustulose des connectivites 14-13 Syndrome PAPA 14-13 Manifestations extracutanées 14-13 Références 14-14
neutrophilique rhumatoïde, pustulose amicrobienne associée aux connectivites, syndrome arthro-cutané associé aux maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, dermatose neutrophilique du dos des mains, syndrome PAPA, panniculite neutrophilique et abcès aseptiques neutrophiliques. Le regroupement de l’ensemble de ces affections, cliniquement disparates, sous la terminologie de « maladie neutrophilique » a été proposé à la lumière des arguments suivants ³ : 1. l’existence de formes de passage et de chevauchement entre des DN cliniquement distinctes (par exemple SyS et PG, PSC et PG) ; 2. l’association fréquente des DN avec des affections systémiques (gammapathies monoclonales, maladies inflammatoires du tube digestif, maladies rhumatismales auto-immunes et hémopathies) ; 3. la possibilité d’atteintes extracutanées viscérales spécifiques caractérisées par un infiltrat neutrophilique mature pouvant toucher divers organes (poumons, os, foie...) ; 4. la sensibilité thérapeutique habituelle aux corticostéroïdes systémiques et à la dapsone. Les principales DN clairement autonomisées sont le SyS, le PG, la PSC, l’EED et l’HNE. Il existe une bonne corrélation
DN dermatose neutrophilique · EED erythema elevatum diutinum · HNE hidradénite neutrophilique eccrine · PG pyoderma gangrenosum · PSC pustulose sous-cornée · SyS syndrome de Sweet
Coll. D. Bessis
14-2 Dermatoses neutrophiliques
Fig. 14.1 Corrélation entre les principales dermatoses neutrophiliques et la profondeur cutanée de l’infiltrat neutrophilique (GSE : glande sudorale eccrine ; VX : vaisseaux) entre le type de lésions dermatologiques observées et la profondeur cutanée de l’infiltrat neutrophilique (fig. 14.1) ⁴.
Pathogénie des dermatoses neutrophiliques Le neutrophile est une des cellules pivots de l’inflammation. Son activation inappropriée in situ au niveau cutané et dans les autres organes est vraisemblablement responsable des lésions cliniques de DN. En revanche, la cause de la migration massive de ces cellules des compartiments sanguin et médullaire vers la peau suivie de leur activation reste inconnue. Une meilleure compréhension des différentes étapes « physiologiques » de la migration du PN au cours de l’inflammation permet de mieux appréhender les mécanismes physiopathogéniques des DN (fig. 14.2) ⁵-⁸. Son intérêt réside non seulement dans une classification physiopathogénique future des DN, mais aussi, vers de nouvelles thérapeutiques ciblées, par exemple anticytokiniques.
Syndrome de Sweet ¹,⁹,¹⁰ Il s’agit de la DN la plus fréquente et du prototype des DN aiguës. Son incidence est rare, évaluée à près de 3 nouveaux cas par million d’habitants et par an dans les pays occidentaux. Il touche avec prédilection les adultes de 30 à 50 ans, mais des observations infantiles, jusqu’à l’âge de 7 semaines, sont rapportées. Il existe une prédilection féminine avec un sex-ratio compris entre 4/1 et 2/1, sauf chez l’enfant où l’incidence est équilibrée entre les deux sexes. Sa distribution est mondiale, sans prédilection de race. Le tableau typique associe une éruption cutanée de survenue brutale, accompagnée d’une fièvre élevée et d’une leucocytose avec neutrophilie. Clinique Les lésions cutanées sont constituées par des papules ou DN dermatose neutrophilique · PN polynucléaire neutrophile
des nodules de couleur rouge vif à violacé, tendant à se grouper pour former par coalescence des plaques bien limitées de quelques millimètres à 20 cm de diamètre. Leur caractère œdémateux leur confère une surface mamelonnée, comparé à un relief montagneux. La survenue de vésicules, de bulles, plus rarement de pustules au sommet des plaques peut être notée (fig. 14.3). Les lésions peuvent adopter une disposition annulaire ou arciforme avec un aspect de guérison centrale (fig. 14.4). Les lésions sont multiples, tendues et sensibles, parfois douloureuses au toucher. Elles se distribuent symétriquement avec une prédilection pour le visage, le cou, la partie supérieure du thorax (fig. 14.5) et les extrémités supérieures (face postéro-externe des avant-bras, dos des mains). Elles peuvent toucher les membres inférieurs où elles prennent parfois l’allure de l’érythème noueux. L’atteinte des muqueuses buccale et génitale est rare et peu spécifique à type de pustules, d’aphtes ou d’ulcérations. Les lésions cutanées sont parfois groupées, photodistribuées ¹¹, localisées sur une zone de traumatisme cutané (griffure, piqûre, radiothérapie...) ou en regard d’un lymphœdème. Elles persistent de quelques jours à quelques semaines et régressent en s’affaissant en leur centre pour aboutir à une pigmentation transitoire, sans cicatrice résiduelle. La fièvre, supérieure à 38 ◦ C, est présente dans 80 à 90 % des cas. Elle est le plus souvent contemporaine de l’éruption et, sans traitement, persiste toute sa durée. Elle s’associe parfois à d’autres signes systémiques : arthralgies et myalgies (10 à 60 %), conjonctivite (5 à 75 %) (fig. 14.6), ulcérations aphtoïdes orales, malaise général et céphalées. Les manifestations extracutanées spécifiques neutrophiliques sont rares et détaillées plus loin. Biologie Les anomalies biologiques sont caractérisées par une neutrophilie fréquente, supérieure à 10 000/mm 3 qui n’est cependant pas indispensable au diagnostic. Son absence
Syndrome de Sweet
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Coll. D. Bessis
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Fig. 14.2 Pathogénie des dermatoses neutrophiliques. L’attraction et le recrutement tissulaires du neutrophile relèvent de mécanismes divers : dépôts d’immuns complexes à la surface des cellules endothéliales ; activation neutrophilique par libération de cytokines telles que l’IL-8, médiée par les lymphocytes T, les fibroblastes et les macrophages ; libération de médiateurs mastocytaires ; liaison à des auto-anticorps et au complément. Sous l’action d’un ou plusieurs de ces stimuli, le neutrophile est recruté auprès des tissus suivant 3 étapes : « roulage » sur la paroi vasculaire activée dont les cellules endothéliales expriment des sélectines de types P et E ; adhésion endothéliale « solide » par liaison entre des molécules d’adhésion du neutrophile (intégrines LFA-1, MAC-1) et des cellules endothéliales (ICAM-1 et VCAM-1) ; migration à travers l’endothélium vasculaire vers la matrice extracellulaire par l’expression en surface du neutrophile de différentes intégrines (β-1, β-2 et α-4). L’expression précoce et inappropriée de ces dernières intégrines sous l’influence de diverses cytokines (IL-8, TNF-α, IL-1...) ou en raison de la présence de neutrophiles immatures (sous l’action du G-CSF) pourrait être impliquée dans la pathogénie des DN.
Coll. D. Bessis
d’une étiologie médicamenteuse. Un syndrome inflammatoire non spécifique marqué par une augmentation de la vitesse de sédimentation et de la protéine C réactive est presque constant. Une élévation modérée et transitoire des enzymes hépatiques est présente dans 30 à 50 % des cas.
Fig. 14.3 Syndrome de Sweet : aspect typique de papules et de plaques surélevées au relief irrégulier, « montagneux » dans près d’un tiers des cas, voire une neutropénie, doit orienter vers la recherche d’une hémopathie associée ou
Anatomopathologie L’examen histologique d’une lésion récente met en évidence un infiltrat dermique composé en majorité de neutrophiles matures localisés dans le derme superficiel ainsi qu’un œdème de la papille dermique et du derme en regard (fig. 14.7). L’infiltrat neutrophilique est diffus, en bande, mais peut être aussi périvasculaire. Il s’accompagne occasionnellement d’éosinophiles, de lymphocytes, d’histiocytes et de cellules néoplasiques dans les formes de SyS associées à des hémopathies. Un infiltrat prédominant de cellules mononuclées histiocytoïdes correspondant à des granulocytes neutrophiles immatures positivement marqués par la myéloperoxidase peut s’observer au cours de
DN dermatose neutrophilique · G-CSF granulocyte-colony stimulating factor · IL interleukine · SyS syndrome de Sweet · TNF tumor necrosis factor
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14-4 Dermatoses neutrophiliques
Fig. 14.4 Syndrome de Sweet : caractère circiné de certaines plaques (aspect de guérison centrale) Fig. 14.6
Syndrome de Sweet du visage associé à une conjonctivite
Coll. D. Bessis
lésions précoces et constitue une variante histiocytoïde ¹². La présence de poussières nucléaires de neutrophiles (leucocytoclasie) est fréquente. De façon typique, le SyS ne s’accompagne pas de lésions de vascularite telles qu’une nécrose fibrinoïde ou un infiltrat neutrophilique des parois vasculaires. Cependant, la présence d’une vascularite leucocytoclasique parfois secondaire à l’infiltrat neutrophilique ne constitue plus un critère d’exclusion. L’immunofluorescence directe en peau lésionnelle peut mettre en évidence des dépôts périvasculaires d’IgG, IgM, C3 et de fibrine liés à un exsudat inflammatoire non spécifique.
Étiologies Les différentes affections associées au SyS (encadré 14.A) permettent de distinguer : − les formes idiopathique ou associée à des maladies inflammatoires. Elles rendent compte de 80 à 90 % des cas de SyS. Elles affectent préférentiellement les femmes (80 %) de 30 et 50 ans, et sont précédées le plus souvent d’une infection des voies aériennes supérieures (75 à 90 %). L’atteinte cutanée des membres inférieurs est rare. La neutrophilie, l’absence d’anémie et l’absence d’anomalie quantitative plaquettaire sont quasi constantes. Elle peuvent aussi être associées à une maladie infectieuse ou inflammatoire du tube di SyS syndrome de Sweet
Coll. Dr L. Durand, Montpellier
Fig. 14.5 Localisation classique de syndrome de Sweet sur la partie haute du tronc et le cou
Fig. 14.7 Lésions histologiques du syndrome de Sweet : infiltrat dermique massif de neutrophiles et œdème du derme superficiel gestif, ou survenir au cours de la grossesse ; − la forme « maligne » associée à des hémopathies ou des tumeurs malignes ¹³. Son incidence est estimée entre 10 et 20 %, sans prédominance féminine. Les cancers associés sont dominés par les hémopathies malignes
Syndrome de Sweet
14-5
Principales affections ou substances associées au syndrome de Sweet •
Cancers • − Maladies hématologiques Leucémies aiguës, surtout de type myéloblastique Leucémies chroniques Lymphomes Autres : syndromes myélodysplasiques, thrombocytémie, myélome − Tumeurs solides (rares) : carcinomes urogénitaux, mammaires et digestifs • Infections − Voies respiratoires hautes : le plus souvent à streptocoques − Digestives : yersinioses, salmonelloses • Maladies inflammatoires du tube digestif − Maladie de Crohn − Colites ulcéreuses • Maladies dites systémiques − Maladie de Behçet − Connectivites : lupus érythémateux, polyarthrite rhumatoïde, connectivite mixte, syndrome de Gougerot-Sjögren • − Sarcoïdose •
Médicaments − Facteurs de croissance granulocytaire : G-CSF surtout GM-CSF Pegfilgrastim − Acide tout-trans rétinoïque − Antibiotiques : Minocycline Triméthoprime-sulfaméthoxazole Nitrofurantoïne − Anti-inflammatoires non-stéroïdiens : Celecoxib Diclofénac − Autres : Levonorgestrel/ethinyl estradiol Carbamazépine Diazepam Propylthiouracil Grossesse Divers − Maladies thyroïdiennes − Hépatopathies chroniques − Érythème noueux
(85 %), en particulier les leucémies aiguës myéloblastiques. L’association à des tumeurs solides (voies génitourinaires, sein, tractus digestif) est également rapportée. Ces différentes tumeurs précèdent ou sont contemporaines du SyS dans près de deux tiers des cas. L’évolutivité du SyS peut être parallèle à celle de la tumeur, définissant alors son caractère paranéoplasique. Les signes cliniques et biologiques évocateurs du SyS « malin » sont : absence de prodromes infectieux ; atteinte cutanée localisée aux membres inférieurs ou généralisée ; caractère bulleux (fig. 14.8), pustuleux ou ulcéré des plaques pouvant correspondre à une forme de passage vers un PG ; placard érythémateux et violacé du visage évoquant une cellulite infectieuse ; présence d’ulcérations de la muqueuse orale ; absence de fièvre ; absence de neutrophilie ou présence d’une neutropénie, d’une anémie ou d’une anomalie quantitative des plaquettes ; fréquence des récidives ; − la forme médicamenteuse. L’agent médicamenteux incriminé dans près de la moitié des cas est le facteur recombinant de croissance granulocytaire G-CSF (« granulocyte-colony stimulating factor ») ¹⁴-¹⁶. La totalité des observations de SyS induits par le G-CSF sont rapportés au cours d’hémopathies malignes ou d’infection VIH. Les lésions cutanées surviennent quelques jours (moyenne : 7,5 j) après le début du traitement et régressent 3 à 30 jours après l’arrêt du médicament, évoquant une relation causale. La récidive des lésions cutanées n’est pas systématique après réintro-
Coll. D. Bessis
14.A
Fig. 14.8 splénique
Syndrome de Sweet bulleux au cours d’un lymphome
duction de la substance incriminée. Le SyS lié au GCSF peut correspondre à un syndrome de récupération neutrophilique survenant dans un contexte de sortie d’aplasie post-chimiothérapie ¹⁷. Il serait directement lié au rôle du G-CSF sur la production, l’activation, la maturation, le chimiotactisme et la survie prolongée, par diminution de l’apoptose, des neutrophiles immatures. Les autres agents médicamenteux inducteurs de SyS et satisfaisant aux critères diagnostiques (encadré 14.B) ¹⁸ n’ont été rapportés que pour quelques patients. Les diagnostics différentiels cliniques et histologiques du
G-CSF granulocyte-colony stimulating factor · GM-CSF granulocyte macrophage colony stimulating factor · PG pyoderma gangrenosum · SyS syndrome de Sweet
14-6 Dermatoses neutrophiliques Critères cliniques du syndrome de Sweet classique et médicamenteux (d’après 1 et 18) Classique 1. Apparition brutale de plaques ou de nodules érythémateux douloureux. 2. Infiltrat neutrophilique dermique dense sans vascularite. 3. Fièvre supérieure à 38 ◦ C et malaise général. 4. Précession par une infection respiratoire ou gastro-intestinale ou une vaccination ou association à une hémopathie, une tumeur solide ou une maladie inflammatoire ou une grossesse. 5. Anomalies biologiques lors de l’éruption (trois anomalies sur quatre sont nécessaires) : VS > 20 mm/h ; CRP augmentée ; leucocytose > 8 000/mm 3 dont plus de 70 % de neutrophiles. 6. Réponse excellente à la corticothérapie générale ou à l’iodure de potassium. Diagnostic de SyS classique retenu si deux critères majeurs (1 et 2) et au moins deux critères mineurs (3-6) sont réunis.
Médicamenteux 1. Apparition brutale de plaques ou de nodules érythémateux douloureux. 2. Infiltrat neutrophilique dermique dense sans vascularite. 3. Fièvre supérieure à 38 ◦ C. 4. Relation chronologique nette entre la prise médicamenteuse et l’éruption, ou récidive après réintroduction orale. 5. Résolution claire des lésions cutanées après arrêt du médicament inducteur ou avec un traitement par corticothérapie générale.
Diagnostic de SyS médicamenteux retenu si les cinq critères sont réunis.
14.B
Variantes cliniques La dermatite neutrophilique rhumatoïde est probablement une forme de SyS survenant au cours de la polyarthrite rhumatoïde (PAR) ²¹. Elle s’observe durant des formes sévères de PAR associées à des titres élevés de facteur rhumatoïde. Les lésions cutanées sont le plus souvent constituées de papules, plaques, nodules ou de lésions de type urticarienne. Elles se localisent avec prédilection et de façon symétrique en regard des articulations et des surfaces d’extension des extrémités, sur le tronc et le cou. Histologiquement, l’infiltrat neutrophilique du derme est superficiel et profond sans vasculite. Le diagnostic différentiel se pose cliniquement avec les nodules rhumatoïdes et l’EED.
La vasculite pustuleuse ou dermatose neutrophilique du dos des mains est une affection récemment caractérisée par la survenue de plaques érythémateuses, pustuleuses, bulleuses, hémorragiques puis ulcérées du dos des mains survenant dans un contexte fébrile ²² (fig. 14.9). Elle est parfois récidivante, chronique et évoluant sur plusieurs années. L’examen histologique est marqué par un infiltrat neutrophilique avec leucocytoclasie et parfois une vasculite. Il s’agit vraisemblablement d’une forme topographique particulière et frontière de SyS et d’EED.
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SyS sont nombreux et ne peuvent être envisagés de façon exhaustive. En l’absence de marqueur spécifique, le diagnostic de SyS repose sur un faisceau d’arguments cliniques, histologiques et biologiques (encadré 14.B). Les lésions cutanées précoces du SyS peuvent mimer un érythème polymorphe, mais leur distribution asymétrique initiale, leur caractère sensible, voire douloureux, et l’absence habituelle d’atteinte orale ou génitale associée plaident en faveur du SyS. L’érythème noueux constitue un diagnostic différentiel délicat en cas de localisation hypodermique exclusive de SyS, comme au cours de la panniculite neutrophilique, d’autant que ces deux affections peuvent être associées ¹⁹,²⁰. Le PG ou l’EED peuvent se manifester par des lésions papuleuses « sweetoïdes » qui constituent parfois des formes de chevauchement ou de passage entre les DN illustrant le concept unifié de maladie neutrophilique. Des placards inflammatoires de grande taille et la présence d’un infiltrat dermique diffus à polynucléaires neutrophiles peuvent simuler des infections cutanées sévères telles qu’un érysipèle ou une cellulite. En cas de doute diagnostique ou de formes cliniquement atypiques de SyS, la réalisation de prélèvements infectieux, bactériens, fungiques et mycobactériens devra être systématique.
Fig. 14.9 mains
Vasculite pustuleuse (dermatose neutrophilique) du dos des
Traitement Le traitement du SyS ¹⁰ repose sur la corticothérapie générale par prednisone en première intention, à la dose quotidienne de 0,5 à 1 mg/kg/j, diminuée par la suite de 10 mg/j toutes les 4 à 6 semaines. Elle permet une régression rapide, parfois en quelques heures, des signes fonctionnels et, en quelques jours, des signes généraux et cutanés. Les récidives sont fréquentes à l’arrêt dans près d’un tiers des
DN dermatose neutrophilique · EED erythema elevatum diutinum · PAR polyarthrite rhumatoïde · PG pyoderma gangrenosum · SyS syndrome de Sweet
Pyoderma gangrenosum
14-7
Fig. 14.10 Pyoderma gangrenosum débutant : ulcération profonde à bords décollés et violacés cas. Leur prévention nécessite parfois un traitement corticostéroïde prolongé à faibles doses quotidiennes (10 à 30 mg) ou alternées durant plusieurs mois. Plusieurs alternatives thérapeutiques sont proposées : colchicine orale à la posologie initiale et quotidienne de 1,5 mg durant 7 jours, graduellement réduite les 3 semaines suivantes ; indométhacine à la dose initiale quotidienne de 150 mg durant une semaine et diminuée à 100 mg/j les deux semaines suivantes ; iodure de potassium à la dose initiale quotidienne de 900 mg, fractionnée en 3 prises, durant 2 semaines. Le propionate de clobétasol à 0,05 % ou les injections intralésionnelles d’acétonide de triamcinolone (dose initiale de 3 à 10 mg/ml) peuvent permettre le contrôle de lésions cutanées localisées. D’autres agents médicamenteux, seuls ou associés à la corticothérapie générale, ont apporté un effet bénéfique : dapsone, clofazimine, ciclosporine, étrétinate, chlorambucil, cyclophosphamide, interféron α-2a, sulfapyridine. Il s’agit cependant d’études non controlées ou de publications sporadiques rendant difficile toute conclusion définitive.
Pyoderma gangrenosum (PG) Son incidence est rare et mal connue car peu de grandes séries de PG sont rapportées dans la littérature. Il touche avec prédilection les adultes entre 25 et 54 ans et le sexratio est équilibré ²³,²⁴. Les observations infantiles sont exceptionnelles et le plus souvent associées à une maladie systémique (maladie inflammatoire du tube digestif, immunodéficience acquise ou congénitale, infection par le VIH) ²⁴. En l’absence de marqueur biologique, le diagnostic de PG est exclusivement clinique (encadré 14.C) et doit faire exclure toute autre étiologie d’ulcération cutanée, notamment infectieuse. Un examen histologique standard complété par une recherche d’agents infectieux bactériens pyogènes et mycobactériens, mycosiques et viraux par un examen direct avec colorations, l’utilisation d’anticorps monoclonaux et la mise en culture sont indispensables ²³,²⁵ (encadré 14.D). Clinique et histologie Les variantes cliniques de PG sont individualisées au nombre de quatre. Elles s’associent rarement chez un MITD maladie inflammatoire du tube digestif · PG pyoderma gangrenosum
Critères majeurs − Ulcération cutanée douloureuse, nécrolytique, de bordure mal limitée, irrégulière et violacée et de progression rapide (1 à 2 cm/j ou doublement de taille en moins d’1 mois). − Exclusion des autres causes d’ulcérations cutanées (vasculaires, tumorales, infectieuses, inflammatoires, médicamenteuses, exogènes). Critères mineurs − Antécédent de réaction pathergique ou présence de cicatrice cribriforme. − Maladie systémique associée au pyoderma gangrenosum (MITD, arthrite, gammapathie à IgA, ou tumeur maligne). − Caractéristiques histologiques : infiltrat neutrophilique dermique stérile, plus ou moins inflammation polymorphe, plus ou moins vascularite lymphocytaire. − Réponse thérapeutique rapide à un traitement corticostéroïde systémique (généralement 1 à 2 mg/kg/j avec diminution de 50 % de la taille de l’ulcération en moins d’1 mois). Diagnostic de PG retenu si deux critères majeurs et au moins deux critères mineurs.
14.C même patient. Le PG ulcéreux est la variante clinique la plus fréquente. Il débute par des petites pustules stériles cernées d’un halo érythémateux, plus rarement à partir de nodules ou sur peau normale. Les lésions pustuleuses s’étendent et se creusent progressivement en quelques jours pour évoluer vers un ulcère nécrotique et muco-purulent. Ses bords sont décollés, violacés et œdémateux, « minés » sur leur versant interne par des clapiers pustuleux (fig. 14.10). La douleur associée est quasi constante et disproportionnée par rapport à la taille de la lésion. La progression des lésions est rapide, nécrolytique, marquée par une extension centrifuge et régulière (fig. 14.11). Elle s’accompagne d’une destruction tissulaire et d’une nécrose de liquéfaction responsable de la
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Critères diagnostiques du PG (d’après 23)
Fig. 14.11 Pyoderma gangrenosum : vaste ulcération profonde nécrotique et fibrineuse entourée d’un bourrelet d’extension violacé et purulent (clapiers pustuleux) entouré d’un halo d’œdème et d’érythème
14-8 Dermatoses neutrophiliques Diagnostics différentiels du pyoderma gangrenosum
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Infections − Bactériennes : mycobactérioses, syphilis − Mycoses : blastomycose, sporotrichose, cryptococcose − Parasitaire : amibiase cutanée − Virales : herpes simplex virus Ecthyma gangréneux Ulcérations d’origine vasculaire − Vasculite livédoïde − Syndrome des anticorps antiphospholipides − Cryoglobulinémie − Maladie micro-occlusive Vascularites − Granulomatose de Wegener − Périartérite noueuse − Vasculite rhumatoïde Médicaments − Halogénides (iodides, bromides) − Hydroxyurée Tumeurs cutanées malignes − Lymphome angiocentrique − Lymphome anaplasique à grandes cellules − Mycosis fungoïde bulleux − Lymphomes indéterminés − Leucémies aiguës Pathomimie Piqûres ou morsures d’insectes
Fig. 14.12 Cicatrice atrophique et cribiforme de pyoderma gangrenosum
bordure arciforme ou serpigineuse rouge violacé et entourée d’un halo d’œdème et d’érythème. La cicatrisation des lésions, spontanée ou après traitement, est atrophique ou cribriforme (fig. 14.12) constituant un critère non spécifique mais évocateur de l’affection. Les lésions de PG sont isolées ou multiples et siègent avec prédilection sur les membres inférieurs et le tronc. Cependant, n’importe quel site anatomique peut être touché que ce soit l’extrémité céphalique, le cou, la région oculaire, les organes génitaux, le périnée et le scalp. Le « pyoderma malin » est considéré comme une variante agressive de PG ulcéreux de la tête et du cou (fig. 14.13). Il touche avec prédilection l’homme jeune et s’associe fréquemment à une maladie de Wegener ²⁶. Le PG péristomial est rapporté avec prédilection chez la femme traitée par colo-iléostomie au cours des maladies inflammatoires du tube digestif (MITD) ²⁷. Il se rapproche du PG postopératoire observé dans les suites d’interventions chirurgicales (chirurgie abdominale, splénectomie, réduction mammaire, thyroïdectomie, sonde de gastrotomie) ou après traumatisme (piqûre, ponction, vaccination). Il traduit une réaction pathergique fréquemment rapportée à l’interrogatoire (25 % des cas). L’examen histologique du PG ulcéreux, réalisé à partir de la bordure nécrotique de l’ulcération, met en évidence un infiltrat neutrophilique dense dermo-épidermique, parfois associé à un infiltrat lympho MITD maladie inflammatoire du tube digestif · PG pyoderma gangrenosum
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14.D
cytaire, plus ou moins angiocentrique, classiquement sans vascularite. L’immunofluorescence cutanée directe met en évidence, dans plus de la moitié des cas, des dépôts vasculaires non spécifiques du derme papillaire et réticulaire composés d’IgM, de C3 et de fibrine, parfois d’IgG et d’IgA. Le PG pustuleux est une forme abortive et non érosive de PG. Il se caractérise par des pustules multiples inflammatoires et douloureuses (fig. 14.14). Il survient avec prédilection au cours des maladies inflammatoires du tube digestif (MITD), notamment lors des colites ulcéreuses. Histologiquement, il s’agit d’une pustule sous-cornée, uniloculaire, parfois accompagnée d’un infiltrat dense à polynucléaires neutrophiles et d’un œdème sous-papillaire. La distinction avec le syndrome arthrocutané des dérivations jéjuno-iléales et des MITD ou vasculite pustuleuse (en fait sans vascularite histologique) est surtout nosologique ²⁸.
Fig. 14.13
Pyoderma malin : variante agressive de pyoderma du cou
Fig. 14.14 Pyoderma gangrenosum pustuleux caractérisé par des pustules non folliculaires à base érythémateuse inflammatoire
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Cette affection rare est constituée de pustules non folliculaires cernées d’une base érythémateuse inflammatoire, siégeant avec prédilection sur la face externe des membres supérieurs et la face d’extension des membres inférieurs. La pyostomatite-pyodermite végétante est une probable variante buccale du PG pustuleux. Elle affecte la muqueuse buccale sous la forme de pustules plates qui, par coalescence, donnent l’apparence de « traces d’escargots » disposées sur les gencives, les lèvres, les faces internes des joues et le palais. Une atteinte cutanée est associée dans la moitié des cas sous la forme de pyodermite végétante des plis axillaires, inguinaux et du cuir chevelu. Histologiquement, il existe un infiltrat neutrophilique épithélial avec formation d’abcès. Cette affection est très spécifiquement associée aux colites ulcéreuses et à la maladie de Crohn. Le PG bulleux se caractérise par une ulcération superficielle, suraiguë, bordée de bulles (fig. 14.15), parfois proche d’un syndrome de Sweet atypique dont il représente peut-être une variante. Il s’observe avec prédilection au cours des hémopathies malignes aiguës ou chroniques, en particulier des syndromes myéloprolifératifs dont il peut annoncer l’acutisation. L’histologie met en évidence une bulle sous-cornée ou sous-épidermique, des vésicules intra-épidermiques ac-
Fig. 14.15 Pyoderma gangrenosum bulleux au cours d’une anémie réfractaire avec excès de blastes
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Pyoderma gangrenosum
Fig. 14.16 Pyoderma superficiel végétant : les lésions cutanées initialement pustuleuses prennent un caractère chronique végétant compagnées d’un infiltrat dermique neutrophilique dense. Le PG superficiel végétant ou granulomateux est chronique, plus ou moins ulcéré et aux bords décollés (fig. 14.16). Il touche avec prédilection le tronc et les sites de traumatisme. L’histologie met en évidence un granulome constitué d’un infiltrat d’histiocytes et de cellules géantes associé à de la nécrose, avec une infiltration de neutrophiles, de plasmocytes et d’éosinophiles. Dans la plupart des cas, aucune pathologie systémique n’est associée. Étiologies Les associations morbides sont observées dans 50 à 70 % des cas de PG. Au cours de la forme ulcéreuse, il s’agit essentiellement des MITD, d’arthrites et de gammapathies monoclonales. Les PG bulleux et pustuleux s’associent avec prédilection et respectivement aux syndromes myélodysplasiques et aux MITD respectivement. Les MITD sont présentes dans un tiers des cas des PG ulcéreux, partagées à égale fréquence entre la maladie de Crohn et les colites ulcéreuses. Inversement, le PG survient dans 1,5 à 5 % des cas de MITD. Il peut précéder, accompagner ou survenir ultérieurement à l’affection digestive, le plus souvent sans évolutivité parallèle à cette dernière. Les arthrites surviennent dans près de 40 % des cas de PG ulcéreux. Elles sont le plus souvent monoarticulaires touchant les grosses articulations et séronégatives pour le facteur rhumatoïde. D’autres affections rhumatismales (PAR, spondylarthrite ankylosante, syndrome de Felty, ostéoarthrites diverses) ont également été rapportées. Une gammapathie monoclonale est présente dans près de 10 % des cas de PG. Elle est le plus souvent de type IgA, bénigne, mais des formes de passage vers un myélome sont possibles. Cette association est plus fréquemment rapportée au cours des PG gangréneux ou pustuleux. Les autres associations significatives sont décrites avec prédilection au cours des PG ulcéreux : leucémie myéloïde aiguë ou chronique, myélome, hépatite chronique active, cirrhose biliaire primitive, déficits immunitaires acquis (greffe d’organes, infection VIH) et congénitaux (hypogammaglobulinémies, syndrome hyper-IgE), maladies systémiques (maladie de Behçet, maladie de Takayasu, polychondrite
MITD maladie inflammatoire du tube digestif · PAR polyarthrite rhumatoïde · PG pyoderma gangrenosum
14-10 Dermatoses neutrophiliques
Traitement Le traitement du PG ²⁹ repose sur la corticothérapie générale, a fortiori en cas de forme disséminée. Celle-ci est débutée par de la prednisone à la dose quotidienne de 1 mg/kg et permet d’obtenir une cicatrisation des lésions cutanées en quelques semaines. L’utilisation de bolus intraveineux de méthylprednisolone (1 g/j sur 4 h, 1 à 5 jours de suite) peut être proposée comme une alternative. La réduction des doses de corticostéroïdes devra être lente, sous peine de rebond ou de corticodépendance. La ciclosporine à la dose initiale de 2 à 6 mg/kg/j constitue une alternative aux corticostéroïdes. De nombreuses autres thérapeutiques ont été proposées avec plus ou moins de succès en deuxième ou troisième intention : azathioprine (en association avec les corticostéroïdes), mycophénolate mofetil (seul ou en combinaison avec la ciclosporine ou les corticostéroïdes), cyclophosphamide, chlorambucil, tacrolimus (FK506), thalidomide, sulfasalazine, dapsone, clofazimine, minocycline et plus récemment infliximab. Les traitements locaux peuvent parfois être suffisants en cas de lésion unique, localisée et précoce de PG : corticoïdes topiques, tacrolimus en topique à 0,5 %. Dans tous les cas, il convient d’éviter les décapages agressifs ou les gestes chirurgicaux qui risquent d’aggraver les lésions cutanées par une réaction pathergique.
Pustulose sous-cornée de Sneddon-Wilkinson (PSC) ³⁰,³¹
Coll. D. Bessis
chronique atrophiante, lupus érythémateux systémique...). De rares observations de PG ont été rapportées après la prise de méthotrexate, d’azathioprine, d’hydralazine, de G-CSF et d’isotrétinoïne. La causalité de ces différentes substances dans le déclenchement du PG reste cependant non prouvée.
Fig. 14.17 Pustulose sous-cornée : pustule plate cernée d’une base inflammatoire de quelques semaines et d’intensité variable, sans altération de l’état général ni de signe d’accompagnement. L’examen histologique met en évidence une pustule sous-cornée stérile, uniloculaire, remplie de polynucléaires neutrophiles, associée de façon inconstante à une acantholyse modérée et un infiltrat neutrophilique dermique. L’examen en immunofluorescence directe et indirecte est généralement négatif. Étiologies L’association à une gammapathie monoclonale à IgA est caractéristique de la PSC, elle est rapportée dans une trentaine de cas sur les 200 observations répertoriées. Le plus souvent, elle est mise en évidence au cours de l’évolution de la pustulose (délai de 2 à 27 ans), plus rarement de façon concommitante. Il s’agit d’une gammapathie le plus sou-
Clinique et histologie Les lésions cliniques sont constituées par des pustules rondes ou ovales, flasques, de 2 à 10 mm de diamètre, peu ou pas prurigineuses. Les lésions de grande taille ont un niveau liquidien composé de pus stérile surmonté d’un liquide clair, s’accumulant en région déclive, appelé hypopion. Ces pustules sont non folliculaires, cernées d’un halo érythémateux et inflammatoire (fig. 14.17), et ont une disposition annulaire ou polycyclique, à bordure active et d’extension centrifuge. Les pustules se dessèchent pour former des croûtes mellicériques qui laissent place à des cicatrices hyperpigmentées de durée variable. Elles siègent avec prédilection sur le tronc, les plis axillaires et inguinaux, la région sous-mammaire et les zones de flexion des membres (fig. 14.18). Le visage, les extrémités palmaires et plantaires ainsi que les muqueuses sont classiquement épargnés. La maladie évolue de façon chronique, par poussées
Coll. D. Bessis
Son incidence est faible (200 cas rapportés dans une revue de la littérature de 2004 ; une série de 10 observations en 1998). Elle touche préférentiellement la femme (sex-ratio de 4F/1H), entre 40 et 70 ans, plus rarement l’enfant.
Fig. 14.18 Pustulose sous-cornée : multiples petites pustules désséchées sur une base érythémateuse groupées en formation annulaire sur le tronc
G-CSF granulocyte-colony stimulating factor · PG pyoderma gangrenosum · PSC pustulose sous-cornée
Hidradénite neutrophilique eccrine 14-11 vent bénigne, mais la survenue de myélome est possible, justifiant la surveillance annuelle clinique, biologique et radiologique du malade. L’association à une paraprotéinémie de type IgG et à un myélome à IgG a également été rapportée. Les PSC s’associent rarement à d’autres maladies systémiques : PAR, MITD, hémopathies et tumeurs malignes solides. De plus, à la différence des autres DN, la survenue de manifestations extracutanées au cours de la PSC est exceptionnelle.
Pustulose à IgA intraépidermique ou pemphigus à IgA La pustulose à IgA intraépidermique ou pemphigus à IgA constitue une entité hétérogène individualisée par D. Wallach ³². Elle est cliniquement et histologiquement proche de la PSC, mais s’en distingue par définition par la présence de dépôts d’IgA intercellulaires épidermiques. Ces dépôts sont disposés en mailles, soit en bande sous-cornée (cible antigénique : desmocolline 1), soit sur toute la hauteur de l’épiderme (cible antigénique : desmogléine 3) ³³. Les associations morbides sont les mêmes que celles rencontrées au cours de la PSC : gammapathie monoclonale à IgA, maladies inflammatoires. Traitement Le traitement de la PSC repose sur la dapsone. Celle-ci est débutée à la dose quotidienne de 100 mg, augmentée jusqu’à 3 mg/kg/j sous réserve d’une bonne tolérance hématologique. En cas de résistance à la dapsone, les rétinoïdes, la photothérapie (puvathérapie, UVB-TL01), la colchicine ou le méthotrexate constituent des alternatives thérapeutiques.
Coll. D. Bessis
Diagnotic différentiel Le diagnosic différentiel de la PSC se pose avec l’impétigo, au cours duquel la localisation des lésions est classiquement périorificielle et les examens bactériologiques positifs. Les formes annulaires de psoriasis pustuleux sont de diagnostic plus délicat. L’existence d’antécédents personnels ou familiaux de psoriasis, le caractère spongiforme des pustules à l’histologie, la présence d’une atteinte associée palmoplantaire ou des ongles ainsi que l’absence de réponse à la dapsone sont en faveur du psoriasis.
Fig. 14.19 Hidradénite neutrophilique eccrine au cours d’un traitement par cytostatiques : plaques érythémateuses du visage prédominant sur la région périorbitaire et le front Clinique et histologie La présentation clinique est variable, à type de papules ou de plaques infiltrées, œdémateuses, de taille variable, asymptomatiques ou douloureuses. Des lésions pigmentées, purpuriques ou pustuleuses ont également été rapportées. Une réaction pathergique est parfois observée. Les lésions peuvent être isolées, multiples, groupées ou disséminées. Elles se localisent de façon proximale sur la partie haute du tronc et les membres supérieurs, le visage, en particulier la région périorbitaire (fig. 14.19), ou aux extrémités. Les plis inguinaux, axillaires et les muqueuses sont classiquement épargnés. Une fièvre est associée dans deux tiers des cas, mais sa survenue dans un contexte fréquent de neutropénie induite par la chimiothérapie rend sa signification controversée. En revanche, aucune manifestation neutrophilique extracutanée n’a été rapportée.
Hidradénite neutrophilique eccrine (HNE) ³⁴
Coll. D. Bessis
Cette DN a été décrite initialement en 1982 au cours d’une leucémie aiguë myéloblastique traitée par cytarabine en chimiothérapie d’induction. Par la suite, de nombreuses observations ont confirmé son lien avec les hémopathies malignes traitées par des chimiothérapies ou des facteurs de croissance. L’incidence de cette affection est faible et probablement sous-estimée. Une récente revue de la littérature collige 95 observations entre 1992 et 1998. Il existe une prédominance masculine (sex-ratio H/F de 1,5). L’âge moyen des sujets atteints est d’environ 40 ans (extrêmes de 1 à 79 ans) sans prédisposition ethnique. Fig. 14.20
Hidradénite neutrophilique eccrine lors d’une infection VIH
DN dermatose neutrophilique · HNE hidradénite neutrophilique eccrine · MITD maladie inflammatoire du tube digestif · PAR polyarthrite rhumatoïde · PSC pustulose sous-cornée
Fig. 14.21 Hidradénite eccrine neutrophilique plantaire : nodules érythémateux plantaires évocateurs d’un érythème noueux L’examen histologique se caractérise par un infiltrat dermique neutrophilique dense entourant les glandes sudorales eccrines, associé à des degrés variables à une atteinte de la partie sécrétrice et du canal excréteur de ces glandes pouvant aller jusqu’à la nécrose. Il n’existe pas de vascularite associée. La recherche d’agents infectieux bactériens, mycosiques ou mycobactériens par examen direct et culture de biopsie cutanée est presque toujours négative. Cependant, quelques observations d’HNE caractérisées par des papules et des pustules récidivantes du tronc et des extrémités (fig. 14.20) d’origine infectieuse ont été décrites chez des malades immunodéprimés (greffe cardiaque, hémodialyse, épendymome, infection VIH). Les cultures infectieuses cutanées étaient positives (Serratia marescens, Enterobacter cloacae, Staphylococcus aureus, Nocardia). Étiologies Les associations morbides sont néoplasiques dans 90 % des cas, les hémopathies malignes représentant à elles seules 80 % de ces étiologies. Parmi celles-ci, la leucémie aiguë myéloblastique est la plus fréquemment observée. L’association à la leucémie lymphoïde chronique, la maladie de Hodgkin, les lymphomes non hodgkinien et des tumeurs solides (testicule, rein, sein, poumons et os) a également été décrite. Le rôle de la chimiothérapie est probable mais non constant. Plus de 80 % des malades ayant développé une HNE étaient traités par une chimiothérapie dans les jours précédents, le plus souvent par la cytarabine et les anthracyclines, seuls ou en association. Le délai moyen de survenue des lésions était de 9 à 10 jours. D’autres substances cytostatiques ont été incriminées : mitoxantrone, vincristine, cisplatine, bléomycine, cyclophosphamide et G-CSF. Diagnostic différentiel Le diagnostic différentiel clinique se pose dans ce contexte avec la localisation spécifique d’une hémopathie, une pathologie infectieuse opportuniste ou le SyS. L’examen histologique permet de redresser facilement ce diagnostic. L’hidradénite eccrine neutrophilique plantaire idiopathique est une affection bénigne qui touche avec prédilection l’enfant et l’adulte jeune, dans un contexte tout à fait différent ³⁵. La
présentation clinique est stéréotypée, caractérisée par des nodules érythémateux et douloureux de topographie plantaire. Leur survenue est brutale, parfois après un traumatisme mécanique ou thermique localisé, et spontanément résolutive (fig. 14.21). Histologiquement, l’infiltrat neutrophilique sudoral est nodulaire et la nécrose sudorale moins marquée qu’au cours de l’HNE induite par la chimiothérapie. Le diagnostic différentiel se pose avec l’érythème noueux plantaire et l’urticaire à la pression. Il n’existe pas de pathologie associée sous-jacente. Aucun traitement n’est nécessaire en dehors du repos qui permet une rémission des synptômes en quelques jours. L’évolution de l’HNE est spontanément favorable en quelques jours à quelques semaines. Des récidives sont possibles avec ou sans reprise du cytostatique incriminé, mais non constantes. En l’absence de traitement spécifique, la corticothérapie générale pourrait réduire la durée des poussées.
Erythema elevatum diutinum (EED) ³⁶-³⁸ L’EED est une forme distincte de vascularite cutanée chronique. Il touche avec prédilection les hommes entre 40 et 60 ans. Cliniquement, cette affection se caractérise par des papules ou des nodules, persistants, symétriques, fermes et tendus de couleur rouge, rouge-brun ou violacé. Les lésions se localisent avec prédilection sur les faces d’extension des articulations en particulier des extrémités (doigts, mains) (fig. 14.22), des coudes, des genoux et des chevilles (tendon d’Achille). Une atteinte palmo-plantaire, du tronc et des régions rétroauriculaires a également été rapportée. Les lésions peuvent confluer sous la forme de placards parfois vésiculeux, de nodules hémorragiques ou d’ulcérations. Les signes généraux associés parfois présents lors des poussées se limitent à quelques arthralgies. L’EED est une affection fréquemment chronique et récurrente qui évolue vers des lésions cutanées fibrosées, xanthomisées, de couleur jaunâtre ou brune. Histologiquement, les lésions précoces sont marquées par une vascularite leucocytoclasique associée à un infiltrat neu-
Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
14-12 Dermatoses neutrophiliques
Fig. 14.22 Erythema elevatum diutinum : papules et nodules des faces d’extension des articulations des mains
EED erythema elevatum diutinum · G-CSF granulocyte-colony stimulating factor · HNE hidradénite neutrophilique eccrine · SyS syndrome de Sweet
Manifestations extracutanées 14-13 trophilique et à des dépôts de fibrine du derme superficiel et moyen. La présence de leucocytoclasie, de macrophages, d’histiocytes et d’éosinophiles autour des vaisseaux dermiques est parfois associée. Ces lésions laissent place à un infiltrat histiocytaire parfois granulomateux puis une fibrose avec accumulation d’histiocytes xanthomisés et de cholestérol. Les associations pathologiques de l’EED sont dominées par : − l’infection VIH, rapportée dans une vingtaine d’observations, fréquemment associée à une infection par les virus des hépatites B, C ou cytomégalovirus. Les lésions cutanées, parfois violacées, peuvent simuler une maladie de Kaposi ou une angiomatose bacillaire ; − les maladies hématologiques, liées à une paraprotéine surtout de type IgA, une cryoglobulinémie ou un myélome ; − l’infection streptococcique et les maladies autoimmunes (PAR, MITD, polychondrite chronique, diabète sucré, maladie cœliaque...). Le traitement repose sur la dapsone, souvent suspensive, et celui de l’affection sous-jacente.
Autres dermatoses neutrophiliques Abcès aseptiques neutrophiliques Les abcès aseptiques neutrophiliques se caractérisent par des nodules cutanés profonds, inflammatoires, pouvant se fistuliser avec drainage d’un pus stérile (fig. 14.23) ³⁹,⁴⁰. Ces
lésions fébriles, volontiers récidivantes, peuvent s’accompagner d’une neutrophilie et de manifestations extracutanées spécifiques à neutrophiles des muqueuses ou des viscères. Les abcès aseptiques neutrophiliques se rencontrent avec prédilection au cours des colites inflammatoires (colite ulcéreuse, maladie de Crohn) ou de rhumatismes inflammatoires. Les traitements corticoïdes et immunosuppresseurs sont généralement efficaces. Pustulose des connectivites La pustulose des connectivites est une DN rare localisée dans les grands et petits plis et associée à des pustules isolées du cuir chevelu et du conduit auditif externe. Elle a été décrite au cours du lupus érythémateux systémique et d’autres maladies auto-immunes ⁴¹. Histologiquement, il s’agit d’une pustule spongiforme, sous-cornée, associée à un infiltrat dermique neutrophilique sans vasculite. Un déficit en zinc a été rapporté dans quelques cas. Les lésions sont sensibles à la corticothérapie générale ou locale. Syndrome PAPA Le syndrome PAPA (MIM 604416) est une affection génétique autosomique dominante intégrée dans le cadre des maladies auto-inflammatoires. Il associe des arthrites purulentes destructrices à des lésions de type PG et à une acné nodulokystique sévère. Il est causé par des mutations du gène codant pour la CD2 Binding Protein 1, protéine impliquée dans une voie de l’inflammation ⁴².
Manifestations extracutanées ⁴³
Fig. 14.23 Abcès aseptiques neutrophiliques : nodules cutanés profonds et fistulisés des jambes au cours d’une maladie de Crohn
Coll. Pr J. Sany, Montpellier
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Tous les organes peuvent être atteints au cours des DN, sous la forme d’infiltrats neutrophiliques aseptiques ou d’abcédations. Ces manifestations sont rares, de fréquence probablement sous-estimée et de diagnostic délicat. Les atteintes pulmonaires sont les plus fréquentes et sont rapportées surtout au cours du SyS (plus de la moitié des cas) et du PG. Les lésions sont constamment symptomatiques à type de fièvre, toux, dyspnée, douleurs thoraciques
Fig. 14.24 Nodule liquidien pseudo-kystique et aseptique (confirmation par ponction-biopsie) correspondant à la localisation spécifique neutrophilique hépatique d’un pyoderma gangrenosum
DN dermatose neutrophilique · EED erythema elevatum diutinum · MITD maladie inflammatoire du tube digestif · PAR polyarthrite rhumatoïde · PG pyoderma gangrenosum · SyS syndrome de Sweet
14-14 Dermatoses neutrophiliques et se caractérisent radiologiquement par des infiltrats interstitiels, des opacités segmentaires ou lobaires, des épanchements pleuraux ou des abcès. L’absence de spécificité des signes cliniques et radiologiques explique leur fréquente méconnaissance pour des infections broncho-pulmonaires. Les SyS avec atteinte pulmonaire sont fréquemment associés à une hémopathie maligne. Leur pronostic est réservé malgré une bonne corticosensibilité. Les atteintes articulaires sont fréquentes au cours du SyS et du PG. Il peut s’agir d’une polyarthrite chronique séronégative parfois destructrice, d’une spondylarthropathie séronégative axiale et/ou périphérique ou d’une monoarthrite aseptique. Les atteintes osseuses à type d’ostéomyélite aseptique ou d’ostéite de contiguïté sont rares et touchent avec prédilection l’enfant. Les atteintes viscérales intra-abdominales peuvent tou-
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PG pyoderma gangrenosum · SyS syndrome de Sweet
cher de manière plurifocale le foie (fig. 14.24), la rate, les ganglions profonds, le pancréas, le tube digestif. Ces localisations sont le plus souvent symptomatiques, de début brutal parfois pseudo-chirurgical, à type d’abcès des organes pleins ou d’infiltrations pariétales plurifocales du tube digestif. En outre, des anomalies biologiques transitoires des enzymes hépatiques sont fréquentes en particulier au cours du syndrome de Sweet. Les autres atteintes extracutanées ont essentiellement été rapportées au cours du SyS. Il s’agit d’atteinte du système nerveux central (méningite aseptique, neuropathie axonale et périphérique), musculaires (myalgies fréquentes et rares cas de myosite neutrophilique), cardiovasculaires (abcès et sténose aortique, infiltration neutrophilique myocardique), oculaires (blépharite, conjonctivite, épisclérite, kératite, uvéite, ulcération de la sclère) et rénales (glomérulonéphrite mésangiocapillaire, protéinurie, hématurie).
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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Bessis D. Dermatoses neutrophiliques. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 14.1-14.15.
14-15
15
Dermatoses éosinophiliques
Olivier Dereure Physiopathologie générale des dermatoses à éosinophiles 15-1 Folliculites à éosinophiles 15-2 Folliculite pustuleuse à éosinophiles d’Ofuji 15-2 Folliculite pustuleuse à éosinophiles des patients VIH 15-4 Folliculite pustuleuse à éosinophiles du scalp de l’enfant 15-4 Cellulite à éosinophiles (syndrome de Wells) 15-5 Hyperplasie angio-lymphoïde avec éosinophilie et maladie de Kimura 15-6 Granulome facial éosinophilique de Lever 15-7 Ulcère éosinophilique des muqueuses 15-7
L
es différentes entités regroupées sous ce vocable sont beaucoup plus disparates et hétérogènes que les dermatoses neutrophiliques qui partagent peut-être une physiopathologie assez proche et pour lesquelles des formes intermédiaires existent ainsi que des associations. Les dermatoses éosinophiliques (DE) ne partagent quant à elles que l’implication plus ou moins importante de polynucléaires éosinophiles (PE) dans le déterminisme des lésions histologiques, PE dont le rôle physiopathologique est d’ailleurs loin d’être évident dans beaucoup de cas. On réserve habituellement le terme de DE aux affections inflammatoires où les PE représentent la majorité ou tout au moins un pourcentage significatif des cellules présentes dans l’infiltrat. Seront en conséquence exclues de ce cadre les piqûres d’insectes, les eczémas, les histiocytoses langerhansiennes, certaines maladies bulleuses auto-immunes telle la pemphigoïde bulleuse, la gale, les urticaires et les toxidermies médicamenteuses. La présence de PE dans les lésions est parfois assez difficile à mettre en évidence et doit alors être identifiée par l’emploi de colorations particulières (HarrisSchoor).
Physiopathologie générale des dermatoses à éosinophiles Le polynucléaire éosinophile est une cellule issue de la granulopoïèse médullaire à partir d’un précurseur granulocytaire totipotent sous l’influence de facteurs de croissance IL interleukine · TGF transforming growth factor · VEGF vascular endothelial growth factor
Syndrome hyperéosinophilique primitif 15-8 Angio-œdème cyclique avec hyperéosinophilie de Gleich 15-10 Vasculite à éosinophiles 15-10 Divers 15-10 Syndrome EPPER (Eosinophilic polymorphic Pruritic Eruption of Radiotherapy) 15-10 Dermatose éosinophilique des syndromes myélo- et lymphoprolifératifs 15-10 Syndrome NERDS (Nodules Eosinophilia Rheumatism Dermatitis Swelling) 15-10 Références 15-11
tels le G-CSF et le GM-CSF et surtout l’IL-5 libérée par des lymphocytes T CD4 + TH2. Le PE passe dans le sang puis dans les tissus par un système d’« adressage » et se localise surtout sur les zones « frontières » à l’exception relative de la peau où sa présence est rare dans les conditions normales. Sa durée de vie sanguine est d’environ 8 à 12 jours. Il subit une apoptose terminale surtout liée au système Fas/FasL. Il s’agit d’une cellule au noyau bilobé et au cytoplasme éosinophile très riche en granules sécrétoires ; les organites sont très développés, ce qui témoigne d’un métabolisme actif, notamment l’appareil de Golgi. Le PE peut produire et sécréter de nombreuses molécules responsables de son activité physiologique mais aussi des lésions tissulaires : protéine basique majeure, protéine éosinophilique cationique, enzymes variés (peroxydase, protéases, métalloprotéinases), Stem Cell Factor (ligand de c-kit), NGF (nerve growth factor), neurotoxine dérivée des éosinophiles, des facteurs de croissance : FGF-2, TGF-β, VEGF, β-FGF, PDGF et des cytokines pro-inflammatoires ou angiogéniques (IL-8, IL-6, GM-CSF). Ces médiateurs sont à l’origine de ces relations cellulaires cruciales avec les mastocytes (boucle d’activation réciproque), les cellules endothéliales (action proangiogène) et les fibroblastes (effet profibrosant) (fig. 15.1). Les fonctions physiologiques majeures du PE font intervenir ses capacités de phagocytose mais aussi et surtout la libération du contenu des granules sécrétoires à l’origine d’une cytotoxicité directe et indirecte par le déclenchement d’une réaction immunitaire peu spécifique : action anti-infectieuse (parasites +++) en synergie avec les IgE, réactions d’hyper-
15-2 Dermatoses éosinophiliques 1"3
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Coll. Pr O. Dereure, Montpellier
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Fig. 15.1 Physiopathologie générale des dermatoses à éosinophiles : le polynucléaire éosinophile produit et secrète divers médiateurs à l’origine de relations cellulaires avec les mastocytes (activation réciproque), les cellules endothéliales (action proangiogène) et les fibroblastes (effet profibrosant) sensibilité immédiate ou de type III et défense antitumorale. Ces médiateurs sont également à la base de la grande majorité des lésions tissulaires induites par les PE : cytotoxicité directe de contact (PBM, PEC, neurotoxine, enzymes lytiques), inflammation peu spécifique (PG, leucotriènes), attraction de PNN et microthromboses, activation de l’angiogenèse et de la synthèse de collagène (action profibrosante), activation réciproque avec les mastocytes avec libérations des médiateurs mastocytaires qui entraînent à leur tour des conséquences tissulaires.
Folliculites à éosinophiles Trois entités voisines et peut-être distinctes partagent cette image histologique assez caractéristique. Folliculite pustuleuse à éosinophiles d’Ofuji Cette affection chronique décrite par les auteurs japonais en 1965 touche essentiellement les hommes adultes (sexratio environ 5/1) et épargne en principe les enfants de moins de 10 ans. Son étiopathogénie est mal connue mais pourrait impliquer des phénomènes d’hypersensibilité à des agents très variés (telle la présence de demodex même en faible quantité dans les follicules), notamment sur des terrains de déséquilibre immunitaire avec expansion des lymphocytes T-helper de type 2 (TH2) produisant les inter IL interleukine
leukines IL-4 et IL-5 (facteur de croissance des PE) sans qu’un clone dominant ait pu être mis en évidence dans les rares études publiées. Une hypersécrétion de la molécule d’adhésion ICAM-1 a également été rapportée. Les lésions évoluent par poussées sous forme de plaques inflammatoires parsemées de pustules ou de papulopustules stériles souvent folliculaires ¹. Elles atteignent surtout la face (parfois sous la forme d’un érythème en « ailes de papillon », fig. 15.2), les faces d’extension des membres supérieurs et le tronc (fig. 15.3), plus rarement les paumes et les plantes (pourtant en principe dépourvues de follicules pileux) ; elles sont prurigineuses dans moins de la moitié des cas. Les plaques sont souvent multiples et s’étendent souvent de façon centrifuge en dessinant des figures circinées pseudo-dermatophytiques. Des formes exclusivement palmo-plantaires ont été rapportées, indistinguables cliniquement des pustuloses palmoplantaires. Les poussées apparaissent sans facteur déclenchant notable le plus souvent et disparaissent spontanément en laissant souvent des séquelles pigmentées. L’intervalle libre entre les poussées est très variable. Il n’existe habituellement aucun symptôme d’accompagnement. Dans certains cas, et tout particulièrement chez les patients atopiques, les lésions peuvent subir une évolution nodulaire nécrotique et/ou hémorragique avec apparition de placards arciformes, infiltrés et croûteux du
Fig. 15.2 Papules et pustules disséminées du visage et du cou au cours d’une folliculite pustuleuse à éosinophiles d’Ofuji
Coll. Pr E. Delaporte, service de dermatologie, Lille
visage ². L’atteinte muqueuse est rarissime (lésions pustuloérosives). L’image histologique est assez caractéristique avec présence d’un infiltrat riche en PE occupant la partie supérieure du follicule pileux (organisé en micro-abcès, voire formant une véritable bulle) associé à une atteinte très fréquente de la glande sébacée et du derme superficiel, voire à des signes de souffrance de la gaine pilaire externe. Une mucinose folliculaire est parfois présente, notamment dans
Fig. 15.3
Atteinte des épaules et de la nuque chez le même malade
AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens
Coll. D. Bessis
Coll. Pr E. Delaporte, service de dermatologie, Lille
Folliculites à éosinophiles 15-3
Fig. 15.4 Lésions papuleuses et pustuleuses inflammatoires de la face antérieure du tronc au cours d’une folliculite pustuleuse chez un patient VIH les formes nécrotiques qui sont par ailleurs souvent caractérisées par une nécrose folliculaire, des micro-abcès, une vasculite nécrosante à PE centrée sur les follicules et des figures en « flammèches ». La présence d’une hyperplasie mastocytaire modérée est souvent notée autour des annexes cutanées. L’immunofluorescence directe est en principe négative. Une hyperleucocytose isolée à PE est présente dans les trois quarts des cas ; une élévation des IgE est également souvent notée. Les prélèvement bactériologiques et mycologiques sont par définition stériles. Quelques associations ont été rapportées telles des syndromes myéloprolifératifs (syndromes myélo-dysplasiques, maladie de Vaquez, leucémie myéloïde chronique) et lymphoprolifératifs (leucémie lymphoïde chronique ; lymphomes non hodgkiniens), parfois après allo-greffe ou autogreffe médullaire ³. Dans d’autres cas, un médicament inducteur a pu être incriminé sur des bases chronologiques (allopurinol, anticalcique, etc.) ou encore des injections sous-cutanées de silicone. Le traitement de cette affection est mal codifié et souvent délicat ⁴. Il fait appel en première intention à la dapsone, aux dermocorticoïdes ou aux AINS (indométhacine notamment ou encore naproxène) lors des poussées. Corticothérapie générale, photothérapie (PUVA ou UVB spectre étroit), métronidazole, doxycycline ou isotrétinoïne peuvent être proposés en cas d’échec. Plus récemment, le tacrolimus topique a pu donner de bons résultats ⁵ de même que les patches transdermiques délivrant de la nicotine.
Fig. 15.5 Atteinte pustuleuse du scalp au cours d’une folliculite pustuleuse à éosinophiles de l’enfant Folliculite pustuleuse à éosinophiles des patients VIH Cette « variante » de l’affection précédente (mais le lien nosologique précis reste à établir) s’individualise par quelques nuances : prurit beaucoup plus fréquent, prédominance masculine plus marquée, évolution continue, plaques parfois purement inflammatoires sans pustules visibles et pouvant toucher l’ensemble du corps (fig. 15.4), lésions associées urticariformes. L’hyperéosinophilie est également fréquente. L’histologie ne montre en général pas de pustule folliculaire bien individualisée mais plutôt un infiltrat dermique à PE se renforçant dans les zones périfolliculaires et périvasculaire. Ces lésions apparaissent surtout quand les lymphocytes CD4 sont bas, inférieurs à 200-250 par mm 3, mais aucun lien précis avec des infections opportunistes n’a pu être établi à ce jour sauf peut-être un envahissement majeur des follicules par des levures de type pityrosporon dans certains cas (mais le lien étiologique reste à établir). Le diagnostic différentiel inclut les éruptions papuleuses prurigineuses des VIH, entité en fait cliniquement très proche mais où les PE sont en principe moins nombreux. Le traitement fait appel en priorité à la cétirizine, aux dermocorticoïdes, au métronidazole topique, à la perméthrine et à la photothérapie UVB qui est en général efficace. En cas d’échec, l’isotrétinoïne, le métronidazole per os, la minocy-
Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
15-4 Dermatoses éosinophiliques
Fig. 15.6 Atteinte pustuleuse du tronc : une localisation cutanée atypique de folliculite pustuleuse à éosinophiles de l’enfant cline ou la dapsone pourront être proposés. Le traitement antirétroviral de haute activité est également un facteur important pour obtenir une amélioration clinique significative et durable dans cette affection souvent récidivante et rebelle. Folliculite pustuleuse à éosinophiles du scalp de l’enfant ⁶ Cette affection d’étiopathogénie inconnue (hypersensibilité ?) atteint en priorité les garçons entre 5 et 10 mois et réalise des papulopustules prurigineuses à évolution rapidement croûteuse qui évoluent par poussées durant quelques jours à plusieurs semaines sur une durée totale de quelques mois à quelques années. Dans certains cas, les lésions apparaissent en périodes néonatales et sont rapidement autorégressives (diagnostic différentiel avec infections notamment candidosiques, érythème « toxique » néonatal, mélanose pustuleuse transitoire, histiocytose langerhansienne). Ces éléments sont surtout, mais non exclusivement, situés sur le scalp (fig. 15.5, fig. 15.6). Les divers prélèvements infectieux sont par définition négatifs et l’histologie montre un infiltrat dermique riche en PE, notamment dans les zones périfolliculaires et intrafolliculaires mais sans véritable pustule folliculaire comme dans la maladie d’Ofuji. L’hyperéosi-
Cellulite à éosinophiles (syndrome de Wells)
15-5
Coll. D. Bessis
nophilie périphérique est fréquente, notamment au début des poussées. Il ne faut pas confondre cette entité avec d’autres causes de papules ou pustules chez l’enfant notamment la gale, l’acropustulose infantile, les histiocytoses langerhansiennes ou les folliculites infectieuses « vraies ». Le traitement doit se limiter à des dermocorticoïdes à la demande lors des poussées, avec éventuellement recours à la dapsone dans les rares formes invalidantes avec rechutes importantes et fréquentes. L’individualisation de cette entité est actuellement assez fortement contestée.
Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier
Fig. 15.7 Plaque inflammatoire annulaire de la face postérieure du membre supérieur au cours d’une cellulite à éosinophiles
Coll. D. Bessis
Fig. 15.9 Érythème annulaire à éosinophiles, une variante clinique de la cellulite à éosinophiles
Fig. 15.8 Papules et nodules prébulleux du dos des mains au cours d’une cellulite à éosinophiles
Cellulite à éosinophiles (syndrome de Wells) Cette affection se présente sous forme de placards cutanés d’apparition brutale, parfois après un facteur déclenchant précis (piqûres, prise médicamenteuse, vaccins contenant du thiomersal, récurrence herpétique, cryothérapie, etc.), souvent très inflammatoires, bien limités, œdémateux et indurés (aspect de peau d’orange), voire bulleux, situés sur le tronc et les extrémités (fig. 15.7, fig. 15.8), atteignant en priorité les adultes (rares cas pédiatriques) ⁷. Ont été également rapportés des aspects annulaires (érythème annulaire à éosinophiles évoluant par poussées d’éléments grossièrement
annulaires ou circinés, qui représente probablement une variante clinique) (fig. 15.9), des papulo-nodules profonds pouvant en imposer pour un érythème noueux (panniculite à éosinophiles) notamment sur les paumes ⁸, des lésions purement urticariennes, ou des œdèmes de la face parfois associés à des nodules conjonctivaux. Les lésions suivent parfois les lignes de Blaschko. Il n’y a en principe aucun signe général. Une hyperéosinophilie périphérique est souvent présente (50 % des cas). L’histologie montre un infiltrat œdémateux à PE matures souvent dégranulés du derme moyen et profond, voire de l’hypoderme, puis des images en « flammèches » (fig. 15.10) assez particulières qui correspondent en fait à des dépôts de protéines basique majeure des PE associés à des fibres de collagènes remaniées et à des cellules inflammatoires (effet cytotoxique des produits de dégranulation des PE). Enfin apparaissent des granulomes phagocytaires parfois palissadiques entourant et dégradant ces images en flammèches. L’évolution spontanée se fait vers la régression des lésions en quelques semaines mais des récidives sont fréquentes parfois sur plu-
15-6 Dermatoses éosinophiliques peut-être sous-tendue par des voies physiopathologiques similaires (expansion de clones T CD4 + à tropisme cutané et sécrétant de grandes quantités d’IL-5), par analogie aux maladies neutrophiliques. Le traitement fait surtout appel aux corticoïdes locaux et surtout généraux à dose moyenne, aux anti-H1, voire aux AINS et à la dapsone, et bien sûr à l’éviction du facteur déclenchant quand celui-ci est connu. Les antipaludéens de synthèse seraient particulièrement efficaces dans les formes à type d’érythème annulaire à éosinophiles. La ciclosporine à petites doses pendant 3 à 4 semaines pourrait être intéressante dans les formes récurrentes.
Fig. 15.10 Infiltrat dermique à prédominance de polynucléaires éosinophiles (à fort grossissement, image en « flammèches ») sieurs années. La biologie est le plus souvent normale mais une hyperéosinophilie sanguine est possible. La physiopathologie est discutée mais pourrait là encore faire appel à des phénomènes d’hypersensibilité à des agents très divers intervenant sur un terrain prédisposé avec déséquilibre TH1/TH2 et hypersécrétion d’IL-5 ; dans d’autres cas, un clone T dominant périphérique produisant de l’IL-5 pourrait être présent, de la même façon que dans le syndrome hyperéosinophilique primitif. Diverses associations ont été rapportées : fasciite à éosinophiles de Schulman, vasculites leucocytoclasiques, rares hémopathies malignes, maladie de Buerger, carcinome colique et bronchique, maladie de Kikuchi, syndrome hyperéosinophilique primitif ⁹, syndrome de Churg et Strauss et syndrome de Sweet. Il est donc de règle d’effectuer un bilan de principe à la recherche d’une affection associée, et tout particulièrement une hémopathie ou une tumeur maligne, dans les cas où les lésions sont subintrantes pendant au moins 6 mois et/ou en cas de manifestations systémiques. L’association de plusieurs affections médiées par les éosinophiles chez un même patient a par ailleurs conduit au concept de « maladie éosinophilique » pouvant se présenter sous divers visages cliniques mais AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens · IL interleukine
Il s’agit de deux entités clinico-histologiques assez proches, et qui ont en fait été réunies par certains auteurs sous le terme de lésions angiolymphoïdes avec éosinophilie ou d’hémangiomes épithélioïdes. Les aspects cliniques sont toutefois un peu différents avec nodules sous-cutanés chroniques œdémateux, inflammatoires de l’extrémité céphalique (cuir chevelu, oreilles) accompagnés d’adénopathies régionales et d’une atteinte des glandes salivaires chez un Asiatique jeune plutôt du sexe masculin (maladie de Kimura) ¹⁰ ou papulonodules superficiels plus nettement angiomateux, également souvent localisés sur l’extrémité céphalique (fig. 15.11) et saignotant facilement chez un sujet à peau dite blanche (plutôt une femme), sans adénopathies (hyperplasie angio-lymphoïde avec éosinophilie). Les adénopathies sont parfois beaucoup plus diffuses dans le cas de la maladie de Kimura et peuvent atteindre les ganglions thoraciques et abdominaux, notamment chez les patients immunodéprimés. L’hyperplasie angiolymphoïde avec éosinophilie peut également toucher d’autres organes que la peau et notamment les poumons sous forme de masses tissulaires suspectes de néoplasie et les os. Une hyperéosinophilie sanguine est souvent présente dans les deux cas. Histologiquement, les
Coll. D. Bessis
Coll. Dr L. Durand, Montpellier
Hyperplasie angio-lymphoïde avec éosinophilie et maladie de Kimura
Fig. 15.11 Papulo-nodule angiomateux du scalp au cours d’une hyperplasie angio-lymphoïde avec éosinophilie
Ulcère éosinophilique des muqueuses lésions sont le siège d’un infiltrat inflammatoire plus ou moins profond comprenant un contingent variable de PE (important dans la maladie de Kimura, plus limité dans l’HALE), des centres germinatifs lymphocytaires (maladie de Kimura) et une composante angiomateuse beaucoup plus nette dans l’HALE avec endothéliocytes proéminents dans la lumière vasculaire et prenant un aspect épithélioïde. La physiopathologie de ces lésions est inconnue mais fait probablement appel à une stimulation des lymphocytes TH2, parfois sous la forme d’une population clonale T dominante qu’on peut retrouver dans le sang et les divers sites lésionnels. D’autres auteurs ont incriminé une apoptose prématurée des PE avec phagocytose des débris cellulaires et réaction granulomateuse. Il est par ailleurs intéressant de noter que la maladie de Kimura peut être associée à des affections rénales telles que des syndromes néphrotiques parfois d’origine auto-immune en particulier chez des enfants où la recherche d’une telle association doit être systématique ¹¹, rejet chronique de greffe ou insuffisance rénale où l’apparition d’une maladie de Kimura peut être annoncée par celle d’un HTA réfractaire et/ou d’une anémie. En revanche, l’hyperplasie angiolymphoïde avec éosinophilie est le plus souvent isolée sauf dans quelques rares cas (lymphome T périphérique, syndrome néphrotique, carcinome épidermoïde de voisinage). Le traitement n’est pas codifié : laser CO2 ou vasculaire (laser à colorant pulsé avec longueur d’onde importante de 595 nm), radiothérapie, dermocorticoïdes, injections intralésionnelles de corticoïdes, exérèse chirurgicale, cryochirurgie, ou encore dapsone, APS, corticoïdes généraux, cétirizine (Kimura) ou AINS. L’imiquimod aurait également donné de bons résultats dans l’hyperplasie angiolymphoïde avec éosinophilie. L’utilisation d’anticorps anti-IL5 (mepozimulab) n’est encore qu’expérimentale. Toutefois, les résultats de ces différents traitements sont souvent décevants.
15-7
lymphomes et pseudo-lymphomes, les granulomes annulaires et réactionnels, l’infiltrat lymphocytaire de Jessner et Kanoff et surtout l’EED pour les lésions des membres. Le traitement est difficile : exérèse chirurgicale, injections intralésionnelles de corticoïdes, dapsone, laser CO 2 ou « vasculaire » (KTP ou à colorant pulsé), cryochirurgie, photothérapie et antipaludéens ont été proposés avec des résultats variables, souvent décevants. Plus récemment, le tacrolimus topique a pu se révéler intéressant ¹³. Le granulome facial éosinophilique peut être associé à une fibrose angiocentrique à éosinophiles de la région nasosinusienne, qui pourrait représenter un équivalent muqueux du granulome facial ¹⁴. Cette affection se caractérise par une obstruction nasale et un œdème nasal progressifs, la présence d’une masse endonasale ou endosinusienne et des douleurs du maxillaire supérieur. L’histologie montre la présence d’une fibrose périvasculaire en « pelures d’oignon » associée à un infiltrat inflammatoire polymorphe où les polynucléaires éosinophiles dominent, associés à des lymphocytes CD4 + périvasculaires. Un traitement chirurgical est possible mais des récidives sont possibles même si la lésion demeure histologiquement bénigne. Il n’y a pas d’association particulière avec des manifestations systémiques.
Ulcère éosinophilique des muqueuses ¹⁵ Cette entité dont le caractère spécifique est discuté (« voie finale commune » de diverses affections sous-jacentes ?)
Il s’agit d’une dermatose chronique apparaissant essentiellement après 30 ans et qui réalise des lésions nodulaires ou en plaques d’apparition progressive, asymptomatiques, rouge brunâtre, uniques ou multiples (mais restant toujours en nombre limité), situées essentiellement sur l’extrémité céphalique (fig. 15.12) mais aussi parfois sur le tronc et les membres supérieurs (aspects en plaques arrondies ou ovalaires à bords souvent surélevés ou en nodules isolés) ¹². L’histologie est marquée par un infiltrat important du derme superficiel, séparé de l’épiderme par une zone « frontière », et constitué essentiellement de PE et de PNN, parfois associé à des images de vasculite « vraie » avec nécrose fibrinoïde ; une fibrose concentrique autour des petits vaisseaux est souvent rapportée dans les lésions plus anciennes. Il n’existe en principe aucune anomalie biologique associée. La physiopathologie de cette affection rare est mal connue mais pourrait impliquer, comme on le soupçonne de plus en plus souvent, l’intervention de clones lymphocytaires T CD4 + à tropisme cutané et sécréteurs d’IL-5. Le diagnostic différentiel se pose avec la sarcoïdose, les
Coll. Pr B. Guillot, Montpellier)
Granulome facial éosinophilique de Lever
Fig. 15.12 Nodules brunâtres, d’aspect peau d’orange, d’une joue au cours du granulome facial éosinophilique de Lever
AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens · APS antipaludéens de synthèse · EED erythema elevatum diutinum · IL interleukine
15-8 Dermatoses éosinophiliques
Coll. Pr B. Guillot, Montpellier)
touche les adultes et enfants de tous âges avec une légère prédominance féminine. Elle atteint avant tout la cavité buccale et tout particulièrement la langue sous la forme d’un ou de plusieurs nodules ulcérés peu ou pas symptomatiques, d’apparition assez rapide et qui succèdent souvent à un traumatisme local (fig. 15.13). Les lèvres et les commissures labiales peuvent aussi être atteintes, quoique plus rarement. Il n’y a aucun signe associé et notamment aucune adénopathie de voisinage.
Fig. 15.13 Ulcérations du bord lingual au cours d’un ulcère éosinophilique des muqueuses Histologiquement, l’infiltrat inflammatoire, souvent important et constitué en grande partie de PE, atteint le chorion et parfois les muscles sous-jacents, avec un aspect en fait très proche de celui des lésions buccales de l’hyperplasie angio-lymphoïde avec éosinophilie où des lésions cutanées sont en principe également présentes (notion de spectre continu entre ces deux entités). Le diagnostic différentiel inclut par ailleurs l’histiocytose langerhansienne dans sa forme à type de granulome à éosinophiles, les lymphomes T angiocentriques (ex-granulome malin centro-facial), certaines vasculites (maladie de Wegener), les carcinomes intrabuccaux, les localisations d’hémopathies malignes, les aphtes géants et certaines infections (tréponématoses, tuberculose, etc.). Dans les très rares localisations extra-buccales, un autre diagnostic différentiel doit être évoqué, l’ulcère aigu de la vulve (ulcère de Lipschütz) qui est considéré par beaucoup d’auteurs comme une forme clinique de primo-infection virale, notamment à EBV ou à CMV ; les primo-infections herpétiques sont en revanche cliniquement souvent bien différentes. La physiopathologie de cette curieuse affection est inconnue. L’évolution est spontanément favorable avec disparition des lésions en un mois environ et seules des mesures symptomatiques s’imposent même si un traitement plus « actif » est en fait recommandé par beaucoup d’auteurs (chirurgie, corticoïdes intralésionnels ou per os, antibiotiques, etc.). Des récidives sont possibles et pourraient apparaître dans 10 % des cas environ. IL interleukine
Syndrome hyperéosinophilique primitif (SHP) ¹⁶,¹⁷ Ce syndrome a été défini par défaut par Chusid en 1975 et doit répondre aux critères suivants : plus de 1 500 PE/mm 3 pendant plus de 6 mois consécutifs ; pas d’étiologie individualisée ; présence de lésions tissulaires de tous ordres, y compris cutanées. Cette définition est donc nécessairement très large et inclut des entités probablement très différentes tant dans leur physiopathologie que dans leur pronostic. Les lésions cutanées et viscérales associées au SHP sont en revanche assez peu dépendantes des mécanismes sous-jacents et sont plutôt liées à l’ancienneté et au degré de l’hyperéosinophilie. L’hyperéosinophilie sanguine peut en effet être plus ou moins accentuée et s’accompagne souvent d’une hyperéosinophilie médullaire qui est là aussi d’importance variable mais une discordance entre les deux compartiments est possible. Les PE sont en général matures, de morphologie normale sans atypie cytologique même dans les formes dites « prolifératives ». Les dégâts tissulaires liés à l’excès d’éosinophiles sont très probablement liés à la libération des granules de sécrétions des PE qui infiltrent les tissus, granules qui contiennent des molécules cytotoxiques telles la protéine cationique éosinophilique, la protéine basique majeure et de nombreux enzymes lytiques. Ces molécules entraînent des destructions tissulaires directes mais aussi une inflammation moins spécifique qui peut elle-même contribuer à l’apparition des lésions et qui peut entraîner la survenue de microthromboses locales, voire de thromboses plus importantes comme par exemple au contact de l’endocarde lésé. Une évolution fibrosante tardive est souvent constatée. Les PE sont donc en général retrouvés dans les lésions tissulaires en quantité plus ou moins importante. Deux grands types de SHP ont été initialement individualisés, qui ont un pronostic bien différent : − SHP « allergique » où l’hyperéosinophilie est associée à un terrain atopique et à une élévation des IgE totales et reste en général modérée, avec des manifestations souvent relativement bénignes même au long cours ; − SHP « prolifératif » avec une hyperéosinophilie beaucoup plus importante et des lésions tissulaires plus menaçantes et surtout un pronostic à long terme nettement plus défavorable tant en raison des anomalies sous-jacentes que des complications viscérales de l’hyperéosinophilie. Cette distinction est actuellement assez peu usitée et seuls les SHP prolifératifs sont vraiment considérés par la plupart des auteurs. Schématiquement, deux situations sont possibles sur le plan physiopathologique : soit une hyperstimulation de la production de PE normaux sous l’influence par exemple d’un taux élevé d’IL5 produit par un clone lymphocytaire T anormal (probablement de nature TH2) souvent en fait « cryptique » pendant longtemps, sans masse tumorale visible mais caractérisé par la présence d’un clone T circulant dominant identifié par les méthodes
Coll. D. Bessis
Syndrome hyperéosinophilique primitif 15-9
Coll. D. Bessis
Fig. 15.15 Érosions muqueuses palatines au cours d’un syndrome hyperéosinophilique primitif
Fig. 15.14 Exanthème maculo-papuleux inflammatoire du tronc au cours d’un syndrome hyperéosinophilique primitif de biologie moléculaire et d’anomalies phénotypiques des lymphocytes circulants avec notamment une population CD2 +CD3 -CD4 + ou CD4 - abondante et présentant parfois des anomalies de l’expression de la molécule Fas, proapoptotique, qui est souvent abaissée ; soit des anomalies intrinsèques des PE dans le cadre par exemple d’une authentique leucémie à PE (avec alors souvent des anomalies morphologiques des PE) ou de modifications génétiques avec notamment une fusion entre le gène du récepteur alpha au PDGF et un gène pour l’instant non caractérisé, appelé FIP1-like-1 (FIP1L1) par délétion intrachromosomique du fragment située entre ces gènes sur la région 4q12. La fusion entraîne probablement l’apparition d’une activité constitutive du récepteur au PDGF à activité tyrosine-kinase avec finalement des conséquences assez proches de l’hypersécrétion du facteur de croissance des PE qu’est l’IL5. Quoi qu’il en soit, les lésions cutanées liées au SHP quelle que soit la cause de celui-ci sont fréquentes (50 % des cas), parfois révélatrices (10 à 15 % des cas), très polymorphes et ne sont pas forcément corrélées au chiffre de l’hyperéosinophilie : exanthème maculo-papuleux inflammatoire chronique ou éruptif (fig. 15.14), prurigineux, troubles pigmentaires (hyperpigmentation ++), urticaire/angio-œdème, IL interleukine
phénomène de Raynaud, voire nécroses distales, hémorragies sous-unguéales en « échardes » par microthromboses (marqueur de sévérité du SHP dans son ensemble), purpura, bulles, érosions (fig. 15.15) ou ulcérations muqueuses (qui seraient particulièrement liées aux formes avec fusion FIP1L1-PDGFR), nodules sous-cutanés, érythème annulaire, etc. Ces lésions cutanéo-muqueuses évoluent par poussées et s’accompagnent assez souvent de signes généraux (fièvre) ou viscéraux. Les éléments liés à des phénomènes occlusifs ou hémorragiques auraient une valeur pronostique péjorative. Les images histologiques sont dominées par un infiltrat polymorphe caractérisé par la présence de PE matures en quantité variable mais parfois très abondants, notamment dans les lésions muqueuses. Il peut s’y associer œdème du derme superficiel, microthromboses et fibrose dans les lésions vieillies. L’IFD est négative. La présence de PE en abondance dans des lésions cutanées inflammatoires ou non doit alerter le clinicien et faire pratiquer une NFS qui peut alors orienter vers la possibilité d’un SHP mais seul le critère temporel permettra in fine d’établir le diagnostic. Le pronostic des lésions cutanées est globalement bon mais le pronostic d’ensemble est assombri par la possibilité d’atteintes viscérales parfois menaçantes, voire mortelles, notamment cardiaques (endocardite fibrosante et thrombosante), neurologiques centrales, digestives, pulmonaires mais aussi par l’évolution des anomalies lymphocytaires sous-jacentes (émergence parfois tardive d’un lymphome « vrai », nécessitant une surveillance précise et prolongée des paramètres correspondants). Le traitement des lésions cutanées, souvent gênantes en raison du prurit, peut être soit symptomatique (anti-H1, dermocorticoïdes, photothérapie), soit plus « étiologique » en tentant de faire décroître le chiffre des éosinophiles (corticoïdes systémiques, cytostatiques tels hydroxyurée ou poisons du fuseau, interféron alpha, anticorps anti-IL5 ¹⁸, imatinib mésylate dans les formes avec fusion PDGFRFIP1L1 ¹⁹, notamment dans un contexte de syndrome lymphoprolifératif, voire polychimiothérapie en cas de lymphome constitué).
15-10 Dermatoses éosinophiliques Angio-œdème cyclique avec hyperéosinophilie de Gleich ²⁰ Cette entité très rare qui atteint surtout les adultes jeunes sans antécédent atopique notable est caractérisée par des épisodes d’angio-œdème sévères et diffus associés à une urticaire, une prise de poids d’au moins 10 %, des signes généraux (fièvre, malaise général) et à une hyperéosinophilie souvent majeure qui persiste parfois sur un mode mineur entre les poussées. Les IgE totales sont élevées dans la moitié des cas et le restent parfois entre les poussées. Ces épisodes apparaissent sans facteur déclenchant particulier et durent entre 7 et 10 jours ; ils disparaissent spontanément sans laisser de traces et se reproduisent à des intervalles très variables. L’aspect histologique est peu spécifique (œdème dermique et infiltrat périvasculaire constitué en partie de PE). La physiopathologie de cette curieuse entité est inconnue (hypersécrétion cyclique d’IL2 et d’IL5 par des clones lymphocytaires TH1 et TH2 anormaux ou activés de façon indue ?). Le principal diagnostic différentiel est représenté par les manifestations cutanées du SHP mais l’évolution est bénigne et il n’y a pas de lésions viscérales. Toutefois, des tableaux cliniques assez proches ont été observés au cours du SHP. Le traitement ne peut être que symptomatique, à base de corticoïdes à forte dose lors des poussées, efficace mais qui n’influe pas sur le cours général de l’affection.
Vasculite à éosinophiles En dehors du cadre très particulier de la vasculite granulomateuse à éosinophiles de Churg et Strauss qui représente une entité bien spécifique détaillée dans un autre chapitre, une autre affection a été décrite en 1994 par Chen et al. ²¹,²² sous le nom de vasculite éosinophilique cutanée nécrosante et récurrente. Les lésions cliniques sont dominées par des papules érythémateuses ou purpuriques, souvent prurigineuses, nombreuses, parfois coalescentes et localisées aux extrémités (face mains), souvent associées à des épisodes d’angio-œdème distaux et répondant rapidement aux stéroïdes systémiques. Des aspects annulaires urticariens sont également possibles. L’individualisation de cette entité cliniquement peu spécifique est assurée par les aspects histologiques avec vasculite nécrosante des petits vaisseaux du derme superficiel où l’infiltrat est constitué exclusivement de PE souvent en voie de dégénérescence, sans leucocytoclasie, avec libération de granules et de protéine basique majeure à proximité de l’endothélium lésé qui exprime ICAM-1 et VCAM-1 de façon importante, permettant ainsi l’adhésion d’autres PE qui expriment l’adhésine VLA-4. Le pronostic viscéral n’est pas particulièrement engagé mais ces éléments évoluent par poussées récurrentes apparaissant sans facteur déclenchant précis. Une corticothérapie au long cours à petites doses est parfois nécessaire en raison de la fréquence des poussées mais d’autres traitements on été introduits récemment tels les inhibiteurs de leucotriènes ²³. Une hyperéosinophilie sanguine est fré IL interleukine
quente lors des poussées et des associations avec un SHP ont d’ailleurs été signalées. Dans certains cas, un taux élevé d’IL5 a été identifié dans le sérum au moment des poussées, ce qui suggère la présence d’un facteur externe qui active les PE.
Divers Syndrome EPPER (Eosinophilic polymorphic Pruritic Eruption of Radiotherapy) Ce curieux tableau cutané de description assez récente ²⁴ serait assez fréquent (17 % des patients irradiés dans l’étude princeps) ; il se présente sous forme de lésions prurigineuses polymorphes (papules, vésicules, nodules, etc.) dépassant souvent le champ d’irradiation et apparaissant dans les semaines qui suivent l’irradiation. Les membres inférieurs sont souvent atteints en priorité. L’histologie des lésions montre un infiltrat peu spécifique du derme superficiel, riche en PE matures. Une hyperéosinophilie sanguine est parfois observée en parallèle. L’évolution peut être chronique et le traitement purement symptomatique (anti-H1, dermocorticoïdes). La physiopathologie est inconnue. Dermatose éosinophilique des syndromes myélo- et lymphoprolifératifs ²⁵ Il s’agit de papulo-nodules ou de lésions vésiculo-bulleuses prurigineuses résistantes aux traitements « habituels » et situés avant tout sur les extrémités notamment céphaliques, caractérisées par un infiltrat lympho-histiocytaire riche en PE du derme superficiel chez des patients ayant une hémopathie myéloïde mais aussi lymphoïde connue. Ce diagnostic nécessite l’exclusion d’autres hypothèses telles que piqûres d’insectes (hypersensibilité connue dans les LLC), toxidermies, maladies immunobulleuses, etc. L’évolution est souvent prolongée, voire désespérante, mais les UVB à spectre étroit peuvent être efficaces. Syndrome NERDS (Nodules Eosinophilia Rheumatism Dermatitis Swelling) ²⁶ Ce syndrome a été individualisé en 1994 sous la forme d’un regoupement nosologique chez deux jeunes femmes : éosinophilie sanguine marquée, nodules de topographie juxta-articulaire compressibles et peu sensibles développés aux dépens des gaines des tendons extenseurs, lésions cutanées inflammatoires eczématiformes, œdème des mains et/ou des pieds avec douleurs articulaires et musculaires de voisinage. Des poussées d’urticaire et/ou d’angio-œdème peuvent être associées. Les nodules sont riches en PE et sont le siège d’une vasculite nécrosante peu spécifique. Les PE sont dégranulés avec dépôts tissulaires de protéine basique majeure. La corticothérapie générale à petites doses est efficace. L’évolution peut être prolongée. La réalité de cette entité aux contours flous est toutefois très discutable et les cas publiés restent très rares.
Références
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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Dereure O. Dermatoses éosinophiliques. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 15.1-15.11.
15-11
16
Mastocytoses
Stéphane Barete Aspects fondamentaux 16-1 Le mastocyte 16-1 Ontogenèse 16-2 Le protooncogène c-kit 16-2 L’activité biologique du récepteur c-kit muté 16-2 Physiopathologie 16-3 Les mutations décrites chez l’homme 16-3 Médiateurs et fonctions du mastocyte 16-3 Classification des mastocytoses 16-4 Manifestations cliniques non systémiques 16-5 Manifestations paroxystiques 16-5 Manifestations dermatologiques 16-5 Anatomopathologie 16-8 Manifestations systémiques 16-10
’accumulation anormale de mastocytes dans un ou plusieurs organes caractérise les mastocytoses. Elles constituent un groupe hétérogène d’atteintes dont l’organe cible sans doute le plus souvent concerné est la peau. On distingue les mastocytoses cutanées pures des mastocytoses systémiques (MS) quand plus de deux tissus (la peau pouvant être indemne) sont atteints par une infiltration mastocytaire (moelle osseuse, tube digestif, os, foie et rate, ganglions). Elles sont rares et qualifiées de maladies orphelines en raison d’une incidence de 2/300 000 patients par an ¹, d’apparition le plus souvent sporadique, rarement familiale. Observées majoritairement dans les populations caucasiennes, avec un sex-ratio équilibré, les mastocytoses concernent les enfants dans près de deux tiers des cas, sous une forme cutanée pure le plus souvent. La régression spontanée de la maladie est présente dans près de 50 % d’entre eux à la puberté. Les adultes atteints (âge moyen de début de 32 ans) ont une atteinte systémique dans 10 à 30 % des cas avec une évolution habituellement chronique de la maladie. Certains patients plus âgés (60 ans) ont une forme plus agressive souvent associée à une atteinte hématologique faisant le pronostic défavorable de la maladie ². Les manifestations cliniques des mastocytoses sont variées et liées en partie aux médiateurs mastocytaires libérés par les mastocytes sur un mode paroxystique, et en partie à l’infiltrat cellulaire spécifique anormal pour les manifestations permanentes. Les symptômes liés à la libération spontanée
L
MS mastocytose systémique
Manifestations osseuses 16-10 Manifestations digestives et hépatiques 16-10 Manifestations hématologiques 16-11 Diagnostic 16-12 Traitement des mastocytoses 16-13 Précautions générales 16-13 Traitement symptomatique 16-13 Traitements dermatologiques 16-14 Inhibiteurs des tyrosines kinases 16-15 Autres traitements 16-15 Pronostic 16-15 Conclusion 16-16 Références 16-16
ou provoquée des médiateurs mastocytaires sont locaux ou généraux. La physiopathologie des mastocytoses est mieux connue depuis la découverte du récepteur tyrosine kinase c-kit du SCF (facteur de croissance mastocytaire) et de ses mutations autoactivatrices dont la plus fréquente est la D816V, localisée au site catalytique du récepteur. La théorie clonale semble actuellement prévaloir dans les mastocytoses de l’adulte même si près de 20 à 30 % d’entre elles n’ont pas de mutation de c-kit retrouvée.
Aspects fondamentaux Le mastocyte Les mastocytes matures décrits par Ehrlich, en 1879, sont des cellules habituellement non circulantes, principalement localisées dans les tissus conjonctifs autour des vaisseaux et des nerfs. La peau est l’organe le plus riche en mastocytes ; tous les autres organes en contiennent à des degrés variables, y compris le cerveau en regard de la barrière hémato-encéphalique et en périvasculaire. En microscopie photonique, le mastocyte est une cellule mononucléée de 8 à 20 μm de diamètre, de forme variable (ronde, ovalaire, polygonale ou fusiforme), avec un gros noyau rond central, un nucléole mal individualisé et un cytoplasme basophile rempli de très nombreuses granulations denses de 0,3 à 1,5 μm (fig. 16.1). En ultrastructure, les granulations ont des aspects très divers : homogènes, granulaires, lamellaires ou
16-2 Mastocytoses Histo-enzymologie et immunohistochimie des mastocytes Enzymes Tryptase Chymase Aminocaproate estérase Naphtol ASD chloroacétate estérase Phosphatases acides Lysozyme Elastase
O
Autres protéines Récepteur Fc pour les IgE Alpha-1-antitrypsine Alpha-1-antichymotrypsine Antigène leucocytaire commun Vimentine MCG 35 CD33 (My9) CD45 (marqueur panleucocytaire) CD68 (KP1) (marqueur des monocytes et macrophages) CD117 (c-kit) YB5B8, MAX1, MAX3, MAX11, MAX24, KIM3 (marqueur des histiocytes)
OVDM
Coll. Dr C. Prost, Paris
H
Fig. 16.1 Aspect ultrastructural du mastocyte (n : noyau ; nucl : nucléide ; g : granulations) hélicoïdaux. Elles sont colorables en rouge par le Giemsa et donnent une métachromasie rouge pourpre après coloration par le bleu de toluidine. La mise en évidence de certaines activités enzymatiques intracellulaires par des réactions cytochimiques peut aider à l’identification du mastocyte ³. Il en est ainsi de l’activité naphtol ASD chloracétate estérasique, présente également dans les granulocytes neutrophiles et éosinophiles ; de l’activité aminocaproate estérase, plus spécifique ; des activités tryptase, chymase, ou carboxypeptidase. Diverses activités enzymatiques et protéines (encadré 16.A) peuvent également être identifiées par immunomarquage et notamment le CD117 (c-kit) avec une haute sensibilité et spécificité ⁴. Ontogenèse Les mastocytes dérivent de cellules souches pluripotentes hématopoïétiques (fig. 16.2) ⁵. Les progéniteurs mastocytaires de phénotype CD34 +, c-kit +, CD13 + sous l’influence des cytokines (IL-6, IL-10, SCF, IL-9, TGF-β) et du microenvironnement médullaire colonisent différents tissus où ils terminent leur différenciation en mastocytes matures. Selon le micro-environnement tissulaire (IL-4), la maturation des progéniteurs mastocytaires donne naissance à des mastocytes exprimant essentiellement la tryptase (MCT, ou mastocytes « muqueux »), ou à des mastocytes exprimant la tryptase et la chymase (MCTC, ou mastocytes « séreux »). Les mastocytes séreux sont observés dans la peau, les ganglions et la sous-muqueuse digestive, et les masto IL interleukine · TGF transforming growth factor
Présence inconstante CD2, CD4, CD25, CD 34, HLA DR Protéine S 100 KiB3
16.A cytes muqueux sont présents dans la muqueuse du tube digestif et des bronches. Les mastocytes sont les seules cellules hématopoïétiques qui expriment le c-kit tout au long de leur différentiation. Le protooncogène c-kit Le protooncogène c-kit code pour le récepteur c-kit (CD117) d’une cytokine nommée stem cell factor (SCF), facteur principal de survie et de différentiation des mastocytes chez l’homme ⁶. Ce récepteur dont le gène est situé sur le chromosome 4q12, appartient à la famille des récepteurs à activité tyrosine kinase intrinsèque. Il comporte un domaine kinase 1, site de liaison de l’ATP, et un domaine kinase 2, site de l’activité phosphotransférase. Il est exprimé par différents types cellulaires : les mastocytes, les progéniteurs hématopoïétiques, les mélanocytes, les cellules germinales, les cellules de Merkel et les cellules interstitielles de Cajal des sarcomes digestifs ou GIST ⁷. L’activation du récepteur c-kit provoque sa dimérisation et sa phosphorylation. Les tyrosines phosphorylées servent de sites de liaison pour des molécules qui relaient la transduction du signal. Ainsi, différentes voies de signalisation sont activées telles que les voies Ras-MAP kinase, Src kinase, STATs et PI3kinase/AKT, à l’origine des signaux de prolifération, de survie ou d’activation du mastocyte ⁸. L’activité biologique du récepteur c-kit muté Des mutations activatrices de c-kit ont été décrites dans différents modèles de lignées de mastocytes d’origine murine, féline ou humaines ⁹. Elles altèrent le domaine phosphotransférase de c-kit ou le domaine juxtamembranaire et
Physiopathologie
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Coll. Dr S. Barete, Paris
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16-3
Fig. 16.2 Ontogenèse du mastocyte : les progéniteurs mastocytaires médullaires de phénotype CD34 + colonisent différents tissus et se différencient en mastocytes matures sous l’influence de cytokines (IL-10, SCF, NGF, IL-4...) confèrent au récepteur une activité tyrosine kinase permanente en l’absence du ligand SCF. Ces observations ont été confirmées in vitro grâce à l’étude de cellules de lignées exprimant de façon ectopique, le récepteur c-kit muté, après transfert de gènes ¹⁰.
Physiopathologie L’étude du mécanisme physiopathologique des mastocytoses s’est initialement orientée vers la recherche d’anomalies liées au ligand du c-kit, le SCF ¹¹. Les conclusions de ces études ont permis d’écarter cette hypothèse. Les équipes se sont alors intéressées au récepteur c-kit. En effet, l’activation de c-kit a été constatée en l’absence du ligand SCF dans des lignées de cellules mastocytaires ¹²,¹³, et dans des cas de mutations activatrices de c-kit observées au cours des hémopathies myéloïdes ¹⁴. Le rôle du c-kit muté dans des modèles de transfection du gène muté a été établi sur modèles murins. Les mutations décrites chez l’homme Ces résultats ont stimulé la recherche de mutations de c-kit dans les mastocytoses humaines ¹⁵. Actuellement, les IL interleukine
données obtenues grâce à l’étude de populations de patients ¹⁶,¹⁷ ont permis de mettre en évidence une mutation principale au codon 816 (Asp816Val), des mutations plus rares, au codon 816 (Asp816Tyr, Asp816Phe, Asp816His) et au codon 839 (Glu839Lys) dans de très rares formes pédiatriques ¹⁰ dont l’authenticité est discutée, enfin une mutation au codon 820 (Gly820Val), décrite dans un seul cas de leucémie à mastocytes et une mutation dans le domaine transmembranaire au codon 522 (Phe522Cys) dans un cas de mastocytose agressive ¹⁸. Ces observations ont conduit à une récente proposition de classification tenant compte de la nature sauvage ou muté de c-kit. Cela revêt une grande importance thérapeutique, à l’instar de ce qui se pratique couramment dans le traitement des leucémies myéloïdes chroniques, à savoir l’utilisation des inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) comme l’imatinib mésylate ¹⁹. Médiateurs et fonctions du mastocyte Les mastocytes produisent de nombreux médiateurs qui jouent un rôle important dans des processus biologiques variés : hypersensibilité de type immédiat, inflammation, défense vis-à-vis de certains parasites notamment intestinaux, réponse à une prolifération tumorale, processus
16-4 Mastocytoses Facteurs pouvant favoriser la dégranulation mastocytaire Variations thermiques marquées (bains chauds) Exercice physique, traumatismes Émotions Venins Aliments histaminolibérateurs : alcool, œufs, chocolat, fraises, ananas, fruits exotiques, crustacés, poissons, tomates... Médicaments et apparentés : aspirine*, anti-inflammatoires non stéroïdiens, anticholinergiques, myorelaxants, opiacés, codéine, codéthyline, procaïne, lidocaïne, polymyxine B, amphotéricine B, quinine, réserpine, hydralazine, pentazocine, ATP, thiamine, interféron alpha*, dextran, mannitol, produits de contraste iodés. * Indiqué cependant dans certains cas.
16.B de cicatrisation et de fibrose, angiogenèse... En clinique, la libération de ces médiateurs est responsable des manifestations paroxystiques. Histologiquement, une fibrose d’importance variable est associée à l’infiltrat mastocytaire dans de nombreux organes dont la moelle (rôle du TGF-β). Certains médiateurs préformés sont libérés lors de la dégranulation ²⁰. Il en est ainsi de l’histamine, de différents protéoglycanes tels que l’héparine ou l’acide hyaluronique, d’enzymes (sérine-protéases notamment tryptase, carboxypeptidases, superoxyde-dismutase), de l’eosinophilic chemotactic factor of anaphylaxis (ECFA) et du neutrophil chemotatic factor (NCF). D’autres médiateurs dits néosynthétisés ne sont formés qu’après activation du mastocyte : certains dérivés des lipides membranaires tels que le leucotriène B4 (puissant agent chimiotactique pour les polynucléaires neutrophiles), le leucotriène C4 qui intervient dans la contraction et la perméabilité vasculaire, le platelet activating factor (PAF) et la prostaglandine D2 (PGD2). Il en serait de même de certaines cytokines (IL-3, IL-4, IL-5, IL-6, GM-CSF et TNF-α) dont la secrétion n’a été mise en évidence actuellement que chez l’animal. La dégranulation des mastocytes peut résulter de deux mécanismes distincts ²¹. Le mécanisme immunologique est classiquement médié par les IgE, mais parfois également par certaines fractions du complément (C3a, C4a, C5a), ou par certaines lymphokines. Indépendamment de ce mécanisme, la dégranulation peut aussi être induite par divers stimulus non immunologiques (encadré 16.B) notamment alimentaires, médicamenteux, physiques, voire émotionnels. Certaines substances telles que la substance neuropeptidique P et le composé 48/80 induisent une dégranulation sélective des mastocytes du tissu conjonctif et non des mastocytes muqueux.
Classification des mastocytoses L’hétérogénéité des mastocytoses en fonction de leur ex-
Classifications et critères diagnostiques des mastocytoses Classification de Metcalfe et al. révisée (1991) ¹²⁶ I Mastocytose indolente A Instabilité hémodynamique B Lésions cutanées histologiquement prouvées C Ulcère gastrique ou duodénal D Malabsorption par infiltration mastocytaire E Infiltration mastocytaire médullaire F Atteinte osseuse G Hépatosplénomégalie H Adénopathies II Mastocytose associée à une hémopathie A Syndrome myéloprolifératif B Syndrome myélodysplasique III Mastocytose agressive IV Leucémie à mastocytes Classification des formes de mastocytose systémique en groupes, révisée en 2001 ²⁷ IA Mastocytose indolente A Instabilité hémodynamique B Ulcère gastrique ou duodénal C Malabsorption D Atteinte osseuse caractérisée en dehors de l’ostéoporose E Hépato-splénomégalie F Adénopathies IB Mastocytose indolente type smouldering II Mastocytose associée à une hémopathie A Syndrome myéloprolifératif B Syndrome myélodysplasique III Mastocytose agressive IV Leucémie à mastocytes Critères diagnostiques des mastocytoses (2001) d’après Valent et al. ²⁷ Mastocytose cutanée : Atteinte cutanée clinique (une des formes cliniques) avec histologie montrant un infiltrat mastocytaire Mastocytose systémique : Critères majeurs : infiltrat dense multifocal de mastocytes (> 15 mastocytes agrégés) détectés sur sections de biopsie médullaire et/ou sur sections d’autres organes atteints Critères mineurs : a Présence de plus de 25 % de cellules fusiformes dans les sections de moelle ou d’organes extracutanés atteints ou plus de 25 % de mastocytes atypiques de l’ensemble des mastocytes observés sur un étalement de moelle b Détection d’une mutation du codon 816 du c-kit dans la moelle ou les autres organes extracutanés analysés c Détection de mastocytes Kit+ exprimant CD2 et/ou CD25 d Tryptase sérique contrôlée > 20 ng/ml en dehors d’une autre hémopathie associée. Si un critère majeur et un critère mineur ou trois critères mineurs sont remplis, le diagnostic de mastocytose systémique est retenu. Classification des formes mastocytoses selon la WHO (2001) 1 Mastocytoses cutanées a Mastocytose maculo-papuleuse b Mastocytose diffuse c Malabsorption 2 Mastocytose systémique indolente a Mastocytose type smouldering b Mastocytose isolée sur biopsie médullaire 3 Mastocytose sytémique avec syndrome hématologique associée non mastocytaire a Syndrome myéloprolifératif b Syndrome myélodysplasique 4 Mastocytose systémique agressive 5 Leucémie à mastocytes Leucémie mastocytaire aleucémique 6 Sarcome mastocytaire 7 Mastocytome extracutané
GM-CSF granulocyte macrophage colony stimulating factor · IL interleukine · PAF platelet activating factor · TGF transforming growth factor · TNF tumor necrosis factor
16.C
Manifestations cliniques non systémiques
Manifestations cliniques non systémiques Elles sont secondaires à la libération des médiateurs mastocytaires et/ou à l’infiltration des différents organes. MS mastocytose systémique · UP urticaire pigmentaire
Manifestations paroxystiques La plus évocatrice est le flush réalisant un accès subit de rubéfaction généralisée ou limitée à la partie supérieure du corps par un mécanisme de vasodilatation (fig. 16.3). Cet érythème prurigineux dure en moyenne 15 à 30 minutes avec des extrêmes allant de quelques minutes à plusieurs heures. D’autres signes sont volontiers associés : céphalées, sensation ébrieuse, palpitations, hypotension pouvant aller jusqu’à la syncope et au décès, dyspnée, précordialgies, nausées, vomissements, diarrhée, paresthésies, parfois prurit, urticaire et bronchospasme, plus rarement hypertension. Les flushs, malgré leur durée prolongée et l’absence de cyanose, sont parfois difficiles à distinguer des flushs du syndrome carcinoïde ²⁸. Les flushs surviennent spontanément ou sont déclenchés par divers facteurs ou stimulus (encadré 16.B). Ils sont liés à la libération d’histamine et d’agents vasodilatateurs (PGD2 ou ses métabolites). Ils sont présent dans 30 % des cas d’UP et 50 % des atteintes systémiques. Parfois, le flush constitue la seule manifestation dermatologique de la maladie. L’évolution vers une rosacée est possible par la chronicité des flushs (observation personnelle).
Coll. D. Bessis
tension et de leur pronostic explique les différentes tentatives de classification. La plus ancienne classification est celle de Travis et al. en 1988 qui a été élaborée à partir de 58 cas de mastocytoses étudiés rétrospectivement ². Une révision ultérieure établie par Metcalfe et al. ²² à l’issue d’un consensus a été proposée en 1991 (encadré 16.C). Le groupe I est celui des mastocytoses indolentes regroupant les formes systémiques bénignes. Ce sont les plus fréquentes (60 à 70 % des cas). Les lésions d’UP sont très fréquentes (90 %), et précèdent parfois de plusieurs années voire décennies la découverte d’une atteinte systémique. La survie à long terme n’est pas différente de celle de la population générale. L’évolution vers un autre groupe plus agressif demeure exceptionnelle. Une nouvelle forme Ib appelée « smouldering » évoluant à bas bruit est proposée à un sous-groupe en raison d’un profil évolutif particulier, malgré un infiltrat mastocytaire important, avec survie prolongée correspondant soit à une mastocytose systémique non diagnostiquée ancienne, soit au tout début d’une forme d’un groupe II ou IV. Le groupe II (20 à 35 %) correspond aux mastocytoses associées à une hémopathie autre que la leucémie mastocytaire, qui en conditionne le pronostic ²³,²⁴. Il s’agit de mastocytoses associées à la leucémie aiguë myélocytaire (LAM 0-1-2-4), aux syndromes myélodysplasiques, aux syndromes myéloprolifératifs dont celui avec hyperéosinophilie lié à la mutation FIP1L1-PDGFRa, à la leucémie myéloïde chronique, à la leucémie myélomonocytaire chronique, au lymphome non hodgkinien. Le groupe III correspond par exclusion des autres groupes, aux mastocytoses agressives, qui comportent fréquemment des adénopathies et une éosinophilie ²⁵ ; les signes cutanés y sont inconstants. L’ostéoporose est considérée par certains comme une forme agressive de MS. La survie moyenne est de 2 à 4 ans, le décès étant lié à une infiltration polyviscérale s’accompagnant volontiers d’une malabsorption sévère ou à l’apparition d’une hémopathie associée. Le groupe IV est représenté par les rares leucémies mastocytaires caractérisées par un taux de mastocytes circulants et sur frottis médullaire > 20 % ²⁶. En 2001, un nouveau consensus ²⁷ a proposé de distinguer par des arguments cliniques, cytologiques, histologiques et immunohistochimiques, les mastocytoses cutanées des différentes formes de MS (encadré 16.C). Des critères majeurs et mineurs ont été proposés dans ce sens par Valent et al. ²⁷ (encadré 16.C). Une classification plus récente prend en compte la présence éventuelle de mutations du récepteur c-kit. Elle permettrait de cibler les indications des inhibiteurs de tyrosines kinases ¹⁴. Une autre classification de la WHO a été proposée en 2001 et décrite dans l’encadré 16.C.
16-5
Fig. 16.3
Flush du visage au cours d’une mastocytose de l’enfant
Les poussées congestives des lésions cutanées fixes, principalement observées chez l’enfant, ont des facteurs déclenchant similaires ; leur intensité est variable, parfois à l’origine de lésions bulleuses. Un prurit généralisé accompagne volontiers les flushs et les poussées congestives des lésions ; il est plus rarement permanent. Il est présent dans 50 % des cas de mastocytoses et s’amende avec l’ancienneté des lésions. Manifestations dermatologiques ²⁹ Elles sont variables en prévalence selon l’âge d’apparition avec des différences assez nettes entre l’enfant et l’adulte. Ainsi le début de la maladie survient dans près de 55 % des cas entre la naissance et l’âge de 2 ans et 65 % des cas avant la puberté ³⁰,³¹. Chez l’enfant, le mastocytome solitaire ou multiple est présent entre 10 % à 51 % des cas pédiatriques chez le nourrisson entre 0 et 6 mois puis l’UP est la forme
Coll. D. Bessis
16-6 Mastocytoses
A
Fig. 16.5 Urticaire pigmentaire au cours d’une mastocytose systémique de l’adulte. Renforcement des lésions brunâtres au niveau du pli sous-abdominal quemment décrites dans les UP pédiatriques (jusqu’à 60 % des cas) sans pour autant en faire un pronostic péjoratif ³⁶ (fig. 16.8). Le caractère bulleux s’amende en 2 ou 3 ans avec l’absence habituelle de cicatrices mais parfois des lésions post-pigmentaires. Le signe de Darier peut aussi déclencher une bulle avec hémorragie possible. Chez l’adulte, les lésions sont plus souvent petites, nombreuses, planes, de teinte plus foncée. Les principaux symptômes de l’UP sont
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clinique la plus prévalente entre l’âge de 3-9 mois avec 65 % des cas. Les formes de mastocytoses cutanées diffuses sont rares (2 à 8 %), certaines sont congénitales ³²,³³. L’UP, décrite par Nettleship in 1869 ³⁴, 8 ans avant la découverte du mastocyte par Ehrlich, est la forme la plus fréquente des cas pédiatriques et de l’adulte. Elle est la forme clinique la plus reconnaissable. Survenant à tout âge, surtout après 6 mois de vie et même chez le sujet âgé de plus de 60 ans, elle réalise une éruption relativement monomorphe faite de macules ou maculo-papules non squameuses à bord flous, présentant selon les malades une grande variabilité dans la taille de chaque élément (1 mm à plus d’1 cm de diamètre), leur nombre (moins de 10 à plusieurs centaines) et leur couleur allant du rouge violacé au brun-beige (fig. 16.4). Les lésions de distribution, globalement symétriques mais parfois groupées, prédominent sur le tronc (fig. 16.5), souvent initialement sur les seins des femmes, pouvant atteindre les membres, mais plus rarement le visage, le scalp, les paumes et les plantes de pied ou les muqueuses. Leur turgescence au décours d’une friction volontaire réalise le signe pathognomonique de Darier ³⁵ (fig. 16.6), cependant inconstant, à distinguer d’un simple dermographisme parfois associé. Certaines particularités sont propres à l’âge de survenue. Ainsi chez l’enfant, les lésions sont volontiers de grande taille, ovalaires, de teinte brun clair, légèrement saillantes, donnant chez certains enfants un aspect tigré ou « peau de léopard » (fig. 16.7). Des formes bulleuses sont fré-
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Urticaire pigmentaire de l’adulte
Fig. 16.6 Signe de Darier au cours d’un mastocytome de l’enfant. Le frottement de la lésion initiale (A) à l’aide d’une pointe mousse entraîne sa turgescence (B) UP urticaire pigmentaire
B
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Fig. 16.4
Fig. 16.7
Urticaire pigmentaire de l’enfant : aspect « peau de léopard »
16-7
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Manifestations cliniques non systémiques
Fig. 16.9 Télangiectasies profuses, groupées en une large plaque médio-dorsale et scapulaire au cours d’une mastocytose télangiectasique tronc, essentiellement chez l’adulte ³⁹ (fig. 16.9). Les mastocytoses papulo-nodulaires comprennent trois variétés : xanthélasmoïde, multinodulaire globuleuse, mastocytome, toutes observées essentiellement lors de la première enfance. La variété de mastocytose xanthélasmoïde, habituellement présente dès la naissance, se résume à un petit nombre d’éléments en placards ovalaires d’aspect xanthomateux (fig. 16.10). Le signe de Darier est inconstant alors que les poussées congestives des placards, souvent bulleuses, sont particulièrement fréquentes ainsi que les flushs ⁴⁰,⁴¹. Cette variété persiste volontiers plus tardivement que les autres formes pédiatriques.
Coll. Dr J. Mazereeuw-Hautier, Toulouse
le prurit allant de 33 à 46 % des cas ³⁷,³⁸, aggravé par le grattage et les excoriations. Ces symptômes tentent à régresser avec l’âge des lésions. La pigmentation est liée à l’excès de dépôt de mélanine dans le derme moyen. La forme télangiectasique ou telangiectasia macularis eruptiva perstans (TMEP) est plus trompeuse du fait de la prédominance des lésions télangiectasiques, de la discrétion de la pigmentation et de l’absence du signe de Darier. Les lésions, à type de macules télangiectasiques à bordure floue, sont localisées principalement sur la partie supérieure du
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Fig. 16.10 Mastocytose xanthélasmoïde : macules brunâtres du cou disposées selon les lignes de tension cutanée
Fig. 16.8 Mastocytose bulleuse de l’enfant associant des plaques érythémateuses surmontées de bulles du dos et un dermographisme du haut du tronc
La mastocytose multinodulaire globuleuse est le plus souvent multinodulaire ⁴². Elle forme alors une éruption généralisée avec de multiples éléments saillants en nodules hémisphériques de surface lisse, de teinte pâle allant du rose au jaune et parfois au blanc nacré (fig. 16.11). Cette dernière teinte explique la dénomination d’« urticaria depigmentosa » parfois donné à cette forme. Avec le temps, les nodules se décolorent, s’affaissent, donnant l’aspect d’une peau de grain de raisin vidé ou passant à un stade maculeux.
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16-8 Mastocytoses
Fig. 16.11 Mastocytose multinodulaire : petits nodules hémisphériques de surface lisse des épaules Le mastocytome, exceptionnel chez l’adulte, est très fréquent chez le petit enfant avant 3 ans. Présent parfois dès la naissance dans près de 40 % des cas ⁴³, il représente la majorité des manifestations cutanées de mastocytose avant l’âge de 3 mois. Il s’agit d’un nodule volontiers unique, hémisphérique, ferme, parfois lisse ou granité de couleur jaunâtre rosé à brun (fig. 16.6), localisé aux extrémités, simulant un xanthogranulome, un mélanome de Spitz ou même un mélanome nodulaire et parfois des lésions de maltraitance ³³. Des poussées congestives sont habituellement rapportées par les parents et une bulle peut apparaître spontanément ou après traumatisme. Le signe de Darier est à éviter pour ne pas déclencher une réaction générale parfois sévère (flush, malaise). La régression spontanée de ce nodule est habituelle. Il faut rapprocher de cette forme la localisation cutanée rarissime du sarcome à mastocytes avec des nodules rouge violacé du tronc, d’évolution rapidement fatale. La mastocytose cutanée diffuse est très rare (16 cas colligés jusqu’en 2004 ³²), elle est observée chez l’enfant de moins de 3 ans, parfois de façon congénitale, plus rarement chez l’adulte ⁴⁴. Chez l’enfant, la peau y est volontiers jaunâtre, épaissie, de consistance pâteuse sur une grande partie du corps. Du fait de papules bien visibles à jour frisant, l’aspect est granité, comme du cuir, avec une accentuation des lésions dans les grands plis de flexion. Certaines papules UP urticaire pigmentaire
jaunâtres font évoquer la forme « pseudo-xanthomateuse » proche du xanthome et du pseudo-xanthome élastique. Le prurit est parfois très intense, les bulles et les érosions postbulleuses sont fréquentes et parfois au premier plan. Le diagnostique différentiel d’épidermolyse staphyloccocique est évoqué lors de grands décollements. La forme érythrodermique est possible avec un pronostic vital engagé. Chez l’adulte, l’aspect cutané est en peau d’orange ²⁹,⁴⁵, pachydermique avec un aspect lichénifié, de consistance pâteuse. d’aspect sclérodermiforme. Ailleurs, la forme érythrodermique est décrite comme habituellement non pigmentée. L’association à une dermatoglyphie géante définit le tripe palm syndrome ⁴⁶. Les autres entités cliniques sont exceptionnelles : − variété histiocytaire et vasculite de l’enfant ⁴⁷. Il s’agit d’une entité clinicopathologique récente sur 3 cas montrant un aspect clinique d’hystiocytose avec en histologie une vasculite associée à un infiltrat histiocytaire qui, après analyse histochimique, s’avère d’origine mastocytaire ; − variété à type d’intertrigo isolé des grands plis. Il s’agit d’une atteinte de type UP apparaissant chez des femmes âgées de plus de 70 ans, caractérisée par la distribution exclusive des lésions aux grands plis ⁴⁸ ; − la mastocytose cutanée diffuse sans lésion permanente reste une entité discutable avec 6 cas rapportés de prurit et d’érythème en rapport avec une augmentation très importante des mastocytes dermiques dans certaines formes pédiatriques et de l’adulte ⁴⁹ ; − le sarcome à mastocytes : exceptionnel sur la peau, il constitue une localisation tumorale cutanée de nodules rouge violacé du tronc, d’évolution rapidement fatale par dissémination viscérale et transformation habituelle en leucémie à mastocytes ⁵⁰.
Anatomopathologie ⁵¹ L’examen anatomopathologique est bien souvent l’élément clé du diagnostic de mastocytose en confirmant le diagnostic clinique cutané ou en confirmant l’atteinte spécifique d’organe dans le cadre d’une atteinte systémique. Les mastocytes sont observés dans la peau normale en petit nombre autour des vaisseaux du derme superficiel, des follicules pileux et des nerfs ⁵². Leur nombre varie selon les zones du corps : ils sont plus nombreux sur le scrotum et les extrémités des membres ⁵³. La peau normale peut contenir jusqu’à 15 mastocytes/champ au fort grossissement (× 40) mais de très nombreuses pathologies inflammatoires, notamment chez l’enfant, peuvent augmenter leur nombre. Les mastocytes expriment entre autres le CD 45, le CD 43, le CD 68, et le CD 117 (c-kit), ce qui en fait autant de marqueurs d’immunohistochimie. Les mastocytes dégranulent facilement au moindre traumatisme rendant leur identification parfois difficile, voire impossible sur la morphologie seule. Ils prennent des aspects ovalaires, fusiformes ou étoilés, et sont alors impossibles à distinguer d’autres cellules du tissu conjonctif, en particulier des fibroblastes ou des macrophages.
Anatomopathologie tielle. Cet aspect est assez peu spécifique et, pour peu que les renseignements cliniques fournis soient insuffisants, le diagnostic risque de ne pas être porté si on omet une coloration par le bleu de toluidine ou le Giemsa. On peut alors s’aider de petits signes indirects qui, bien que non spécifiques, doivent orienter vers une mastocytose à l’hématoxylineéosine : − la présence d’éosinophiles ; − une augmentation et une dilatation du nombre de vaisseaux dans le derme superficiel ; − une fibrose du derme superficiel ; − une hyperpigmentation de la basale épidermique susjacente. Les colorations spéciales recommandées mettent en général en évidence les granulations pourpre caractéristiques dans les cytoplasmes. Toutefois, lorsque les mastocytes sont dégranulés, ces colorations peuvent être négatives. L’immunohistochimie peut alors être d’une grande aide, en particulier le CD-117 (c-kit) (fig. 16.13), les mastocytes étant les seules cellules du derme exprimant le c-kit (dans l’épiderme le c-kit marque les mélanocytes). Ce marquage sert alors de témoin positif pour vérifier la qualité la technique. Le marquage par la tryptase est parfois difficile d’interprétation, car il est faible si les mastocytes sont dégranulés ou à l’inverse présents dans d’autres cellules.
Coll. Dr L. Durand, Montpellier
Les mastocytes sont présents dans les processus de cicatrisation (plaies, chéloïdes), les inflammations chroniques et en particulier la dermatite atopique, le lichen, le psoriasis, le prurigo, les infections parasitaires, l’érythème polymorphe... Ils sont nombreux dans le stroma des neurofibromes, des hémangiomes, des carcinomes baso-cellulaires, de tumeurs myxoïdes et bien d’autres. C’est leur nombre prédominant qui permet de parler de mastocytose, sans pour autant avoir de valeur seuil consensuelle. L’autre grande difficulté est le risque de diagnostic par excès. Des études quantitatives ont montré que le nombre des mastocytes cutanés dans ces lésions de mastocytose était multiplié par 2 à 160 fois la normale. Ce nombre peut parfois être plus élevé en nombre absolu que dans une UP. C’est pourquoi il est préférable d’envisager leur nombre relatif plutôt que de les quantifier et de ne poser un diagnostic de certitude que si la majorité des cellules inflammatoires de l’infiltrat est composé de mastocytes. Quoiqu’il en soit le diagnostic sera toujours anatomoclinique. Selon la forme clinique cutanée sont décrits différents types d’atteinte histologiques. Ainsi, dans les manifestations cutanées paroxystiques, liées à la libération de médiateurs mastocytaires, la biopsie cutanée en peau apparemment saine peut mettre en évidence une infiltration mastocytaire d’intensité en général très modérée, voire minime. Le diagnostic repose alors sur la caractère isolé de ces mastocytes alors qu’il n’existe aucune autre cellule inflammatoire. Les colorations spéciales ou l’immunohistochimie ³ peuvent être d’une grande aide dans cette situation montrant des mastocytes souvent étoilés ou fusiformes autour des vaisseaux du derme superficiel, ou dispersés dans le collagène au sein d’une peau d’apparence normale.
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Coll. Dr L. Durand, Montpellier
Fig. 16.13 Marquage immuno-histochimique des mastocytes par le CD-117 (c-kit)
Fig. 16.12 Infiltrat mastocytaire dermique, prédominant en position périvasculaire, au cours d’une urticaire pigmentaire (v : vaisseau) Dans l’UP, l’infiltrat est d’intensité variable allant de rares cellules dispersées à de gros agrégats. Dans les formes denses, les mastocytes sont plus grands, bien reconnaissables dès l’hématoxyline-éosine (fig. 16.12). Cependant, l’infiltrat est le plus souvent discret, constitué de cellules ovalaires ou fusiformes, volontiers localisées dans le derme superficiel dans une topographie périvasculaire et intersti UP urticaire pigmentaire
Dans les formes bulleuses, le clivage se fait à un niveau variable : sous-corné, intra-épidermique, surtout sous-épidermique. La cavité contient des mastocytes. Le toit est souvent nécrotique et œdémateux. Dans les formes papulo-nodulaires, chez l’enfant, on voit une infiltration cellulaire dermique marquée pouvant aussi atteindre la partie superficielle de l’hypoderme. L’infiltrat est franc et monomorphe composé de cellules volumineuses, ovalaires ou polyédriques par tassement les unes contre les autres, à noyau arrondi et au cytoplasme éosinophile. Il est souvent associé à des polynucléaires éosinophiles dispersés. Les cellules sont toujours positives avec les colorations usuelles des mastocytes mettant en évidence de très nombreuses granulations rouges intracytoplasmiques et également extracytoplasmique. Le diagnostic peut parfois se poser avec un xanthogranulome juvé-
16-10 Mastocytoses nile dans sa forme non xanthomisée, une forme nodulaire d’histiocytose langerhansienne ou un nævus de Spitz achromique. Les colorations spéciales ou l’immunohistochimie résolvent facilement le problème. Toutefois, il ne faut pas se contenter d’un anti-CD68, car il marquerait aussi bien les mastocytes, les macrophages et les cellules de Langerhans. Dans la forme télangiectasique de l’adulte (telangiectasia macularis eruptiva perstans), les signes histologiques sont très subtils et sont représentés par une très discrète augmentation du nombre des mastocytes, d’allure en général fusiforme, autour de vaisseaux dilatés dans le derme superficiel. Les éosinophiles sont en général absents. Par conséquent, il s’agit de la forme dont le diagnostic histologique est le plus difficile, le nombre absolu de mastocytes pouvant être très faible. C’est là que la confrontation anatomoclinique prend son importance, et que l’on doit y penser systématiquement devant la présence de capillaires dilatés sur une biopsie discrètement inflammatoire du thorax et donc penser à demander une coloration spéciale. Dans la forme de mastocytose en plaque ou xanthélasmoïde de l’enfant, l’infiltrat en mastocytes est franc et constitué de mastocytes ovalaires ou polyédriques facilement reconnaissables. Des formes cliniques à type de vasculite ont été récemment décrites ⁴⁷. Enfin le sarcome à mastocyte, exceptionnellement cutané, montre des atypies cytonucléaires patentes de mastocytes immatures atypiques, faisant évoquer l’origine néoplasique ⁵⁰. Dans les MS, définie par l’infiltration par les mastocytes d’un organe extracutané, diverses localisations viscérales dont la moelle osseuse sont objectivées (cf. p. 16-11 : « Manifestations hématologiques »).
Manifestations systémiques Elles concernent 10 % de l’ensemble des mastocytoses, 25 à 50 % des mastocytoses de l’adulte ⁵⁴ et 10 à 70 % des adultes avec UP ²⁹. Il est important de souligner d’emblée que les manifestations systémiques ne sont pas nécessairement synonymes d’atteintes systémiques, qui, elles, sont définies par une infiltration de mastocytes pathologiques dans les tissus en dehors de la peau. Chez l’enfant, le caractère systémique doit être évoqué en cas de mastocytose cutanée diffuse (80 % avec atteinte systémique). Chez l’adulte, la forme cutanée clinique n’est pas prédictive du caractère systémique, mais l’extension cutanée progressive doit mener à la recherche d’une atteinte systémique ⁵⁵. Les symptômes de dégranulation et les symptômes fonctionnels d’organes peuvent conduire à la recherche d’un envahissement systémique, mais ils ne sont pas toujours présents, même en cas d’envahissement ostéomédullaire prouvé. Chez l’enfant, un symptôme extracutané est plus souvent lié aux médiateurs qu’à une atteinte d’organe, il n’est pas prédictif d’une dissémination de la maladie. Enfin, 50 % des MS associées à une maladie hématologique n’ont pas d’atteinte cutanée ⁵⁶, ce qui en fait un facteur de mauvais pronostic. MS mastocytose systémique · UP urticaire pigmentaire
Manifestations osseuses ⁵⁷ Les localisations osseuses, en règle asymptomatiques, se manifestent surtout lors de complications : fractures des os longs (jusqu’à 10 à 20 % des cas) ou tassements vertébraux (3 à 10 %). Les données tant cliniques que morphologiques reposent sur des études de cas cliniques ou de séries de faible ampleur et pratiquement toutes rétrospectives à l’exception de l’étude récente de Armingaud et al. ⁵⁸, ce qui rend difficile l’appréciation de l’évolution dans le temps de ces patients. Dans notre expérience ⁵⁹, 50 % des 75 patients avec atteinte systémique ont une atteinte radiologique ou ostéodensitométrique. 36 % ont une ostéoporose densitométrique dont 17 % avec fractures, 8 % ont une ostéosclérose. Les anomalies radiologiques sont plus souvent diffuses (85 % des cas) que focales pures (5 %) ou mixtes (10 %). Les lésions diffuses sont soit condensantes prédominant sur le squelette axial, observées préférentiellement dans les mastocytoses agressives ou associées à une maladie hématologique avec infiltrat spécifique important et une fibrose réticulinique, pouvant s’étendre aux os longs avec épaississement cortical ; soit déminéralisantes, plus fréquemment reconnues et souvent d’allure banale, évoquant une ostéoporose. Les lésions lytiques focalisées réalisent des lacunes de taille variable, souvent cernées par un liseré condensé, volontiers localisées sur la voûte crânienne et les os longs. Les lésions condensantes circonscrites sont de petites opacités denses, arrondies, métaphysaires ou diaphysaires, siégeant parfois au crâne ou au bassin. Les lésions diffuses et focales peuvent s’associer, réalisant des images évocatrices de mastocytose. Ailleurs, l’aspect peut faire discuter une maladie de Paget, des métastases, un myélome, un lymphome, une histiocytose, une fluorose, voire une ostéopétrose. Le bilan phosphocalcique est normal et les anomalies scintigraphiques sont présentes dans les formes condensantes ⁶⁰. Par ailleurs, des formes d’ostéomalacie par diminution de l’absorption de vitamine D, notamment en cas d’atteinte digestive spécifique ont été rapportées. Manifestations digestives et hépatiques ⁶¹ Les douleurs abdominales sont les manifestations les plus fréquentes, tantôt épigastriques calmées par les antiacides ou les antagonistes de l’histamine et alors considérées comme dyspeptiques, tantôt plus bas situées, dans la fosse iliaque droite et insensibles à ces traitements. Les douleurs dyspeptiques sont significativement associées à une hypersécrétion d’acide gastrique basale avec une secrétion gastrique acide maximale proche de la normale et, en endoscopie, à la présence d’ulcères duodénaux ou de duodénite, sans lien marqué avec l’histaminémie. La diarrhée est le plus souvent intermittente, accompagnant les flushs, rarement chronique, alors liée davantage à une hypersecrétion gastrique acide qu’à une accélération du transit digestif, très inconstante, et/ou à une malabsorption. Histologiquement, il existe fréquemment une augmentation ² des mastocytes de la muqueuse et sous-muqueuse, et parfois une atrophie villositaire d’origine inconnue.
Manifestations systémiques Les fonctions pancréatiques sont normales ; les taux plasmatiques des principaux peptides gastro-intestinaux sont normaux (motiline, neurotensine, substance P) ou abaissés (gastrine, VIP). L’étude radiologique de l’intestin grêle montre parfois des anomalies de la motilité, un épaississement des plis, voire la présence de nodules multiples. L’endoscopie peut visualiser ces saillies nodulaires ainsi que des lésions d’allure urticarienne. Les hémorragies digestives, rares, résultent de facteurs généraux, notamment thrombopénie, et de facteurs locaux variés : ulcère, gastrite, duodénite, hypertension portale, voire télangiectasies digestives. L’hépatomégalie, fréquente (50 %), est liée à la mastocytose ou à une hémopathie associée ⁶². En règle asymptomatique, elle n’a pas de traduction biologique notable en dehors d’une élévation des phosphatases alcalines, parfois d’origine mixte hépatique et osseuse, et plus rarement des gammaglutamyl transpeptidases. Ailleurs, il peut s’agir d’une cholestase ictérique avec ou sans hypertension portale. Histologiquement existent une infiltration mastocytaire des espaces portes et/ou des travées sinusoïdales avec contingent éosinophiles dans plus de la moitié des cas, et fréquemment une fibrose portale, beaucoup plus rarement une cirrhose. Quelques observations d’hypertension portale sans cirrhose ou d’ascite parfois exsudative ont été rapportées, et exceptionnellement une insuffisance hépatocellulaire ⁶³. Des cas de cholangite sclérosante et de cholecystite à mastocytes ont été décrits ⁶⁴. Manifestations hématologiques ²⁴,²⁵ Elles peuvent être en rapport avec la mastocytose ou avec une éventuelle hémopathie associée. Une splénomégalie généralement asymptomatique et associée à une hépatomégalie est souvent présente dans les formes systémiques. Les aspects anatomopathologiques associent une infiltration mastocytaire et une fibrose trabéculaire d’importance très variables, une fréquente infiltration éosinophilique et parfois des foyers d’hématopoïèse. L’architecture splénique est généralement conservée avec présence d’un infiltrat mastocytaire périvasculaire de la pulpe blanche. Lorsque la fibrose est majeure, l’infiltrat mastocytaire risque d’être méconnu en raison de sa discrétion. Une infiltration diffuse des pulpes blanche et rouge par des mastocytes atypiques ne s’observe que dans les mastocytoses leucémiques ou très agressives ²⁶. L’atteinte ganglionnaire périphérique ou profonde est moins fréquente, notée surtout dans les formes agressives ou associées à une hémopathie (20 % des cas). L’infiltrat mastocytaire, de topographie volontiers paracorticale, s’accompagne d’une prolifération vasculaire avec éosinophiles, certains aspects pouvant prêter à confusion avec un lymphome T. Ailleurs, l’infiltrat envahit les follicules, voire l’ensemble du ganglion. L’atteinte médullaire, présente dans 90 % des formes systémiques, revêt un intérêt diagnostique majeur. La présence de quelques mastocytes isolés sur la biopsie n’a qu’une valeur limitée, puisqu’elle est également observée dans les mastocytoses réactionnelles ⁶⁵. L’atteinte histologique ty MS mastocytose systémique
pique avec des nodules regroupant mastocytes (d’aspects cytologiques variables), éosinophiles et lymphocytes (lésion MEL) est presque constante chez l’adulte, moins fréquente chez l’enfant. L’évolution est parfois marquée par l’apparition d’une myélofibrose marquée. Des anomalies de l’hémogramme s’observent dans plus de 50 % des formes systémiques. L’anémie est l’anomalie la plus courante, généralement modérée, normochrome, normocytaire, avec réticulocytose basse, parfois macrocytaire. Plus fréquente en cas d’hémopathie associée, l’anémie peut aussi être liée directement ou indirectement à la mastocytose, notamment dans les formes agressives : saignement, hypersplénisme, malabsorption avec carence en fer et vitamines (B 9, B 12), voire infiltration médullaire. D’autres anomalies sont possibles, elles sont également plus souvent observées dans les formes agressives ou associées à une hémopathie : hyperleucocytose, hyperéosinophilie, leucopénie, thrombopénie, monocytose, thrombocytose, basophilie, mastocytes circulants. L’éosinophilie semble liée pour certains à l’expression anormale d’un récepteur de tyrosine kinase PDGFRa consécutive à une translocation cryptique entre le gène ubiquitaire FIP1L1 et PDGFRa. La protéine de fusion FIP1L1-PDGFRa, a été décrite initialement dans les syndromes hyperéosinophiliques idiopathiques ⁶⁶,⁶⁷. Pour les MS avec éosinophilie, ce qui représente 20 à 40 % des cas dans la littérature, certains auteurs verraient volontiers la détection de FIP1L1-PDGFRa, au cours des MS, comme le témoin d’une variante myéloproliférative des MS ⁶⁸. Cependant, dans notre expérience, sur 14 cas d’éosinophilie associée à une mastocytose, aucun n’avait la mutation de FIP1L1-PDGFRa, mais la plupart des cas en présentaient la mutation de c-kit D816V. Diverses hémopathies (groupe II) ont été décrites en association avec les MS : syndromes myéloprolifératifs (LMMC), syndrome myélodysplasiques, leucémies aiguës non lymphoblastiques LAM 0-1-2 et 4 ⁶⁹, plus rarement lymphomes malins non hodgkiniens de divers types, neutropénie chronique, myélome ⁷⁰, dysglobulinémie mono- ou biclonale. Certaines anomalies cytogénétiques ont été décrites dans les mastocytoses associées à une hémopathie myéloïde (délétion chromosome 20q, monosomie 7, translocation X8q2), mais aussi en leur absence. La fréquence de l’association mastocytose-hémopathie myéloïde est généralement interprétée comme témoignant d’une anomalie d’une cellule souche hématopoïétique commune, bien que puisse également être évoquée la filiation de deux phénomènes : sécrétion par les mastocytes de facteurs stimulant les autres lignées hématopoïétiques ou à l’inverse mastocytose réactionnelle à la myélodysplasie. Enfin, les leucémies à mastocytes (groupe IV) sont exceptionnelles, caractérisées par un pourcentage de mastocytes circulants supérieur à 20 %. Ces mastocytes, morphologiquement atypiques (lobulation nucléaire, multinucléation, hypogranularité), sont parfois difficiles à identifier (ils sont pris pour des monocytes) et de diagnostic différentiel délicat, notamment avec certaines leucémies myéloïdes chroniques transformées, notamment monoblastiques. L’infiltration médullaire, parfois accompagnée d’érythrophagocy-
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16-12 Mastocytoses tose, n’est pas toujours majeure et ne constituerait pas un critère distinctif entre les groupes III et IV ². Ces leucémies à mastocytes sont remarquables par l’absence de lésions cutanées, la fréquence des ulcères digestifs et leur résistance aux traitements : leur survie moyenne n’est que de 5 mois ², elle est améliorée actuellement par l’utilisation de cladribine. En outre, les très rares sarcomes à mastocytes rapportés dans la littérature (plutôt muqueux) peuvent évoluer en leucémie mastocytaire secondaire rejoignant le très mauvais pronostic de la forme primitive ⁵⁰. D’autres manifestations ont été décrites : neuropsychiques (comitialité, polynévrite, anxiété, troubles mnésiques, dépression proche de 10 %) ; respiratoires (dyspnée asthmatiforme ou asthme lors des flushs, infiltration mastocytaire pulmonaire d’expression radiologique avec des images réticulaires ou des nodules pleins) ⁷¹ ; cardiaques (tachycardie posturale ⁷², insuffisance cardiaque, trouble de conduction ou de la repolarisation par infiltration myocardique et péricardique, arrêt cardiaque lors d’une anesthésie générale ⁷³ ; syndrome sec par infiltration mastocytaire des glandes salivaires ; urinaires (cystite interstitielle, pollakiurie et instabilité vésicale par infiltrat mastocytaire), augmentation d’infections. La qualité de vie (QLQ), à l’instar de l’urticaire chronique, est altérée pour beaucoup de patients atteints de mastocytoses qui ont des symptômes parfois disparates, dans une pathologie rare ⁷⁴. Un score QLQ établi par l’AFIRMM en France permet d’objectiver ce handicap. Il est en cours de validation afin de mieux cibler les patients qui nécessiteraient l’entrée dans une thérapeutique protocolaire.
Diagnostic ²⁷ Le diagnostic se pose très différemment selon que le tableau clinique comporte ou non des lésions cutanées et des manifestations cliniques d’organe évoquant une forme systémique. En présence d’une mastocytose cutanée apparemment isolée confirmée histologiquement, aucun bilan paraclinique n’est justifié chez l’enfant en dehors de la forme cutanée diffuse, alors qu’une numération-formule sanguine, un bilan hépatique, un dosage de tryptase sérique, des radiographies du squelette et une ostéodensitométrie sont systématiquement pratiquées chez l’adulte. L’existence d’anomalies hématologiques, radiologiques ou densitométriques, alors évocatrices du caractère systémique, conduit à pratiquer une biopsie ostéomédullaire. Pour les MS, la principale étape diagnostique est d’en évoquer l’éventualité, même si aucun signe clinique n’est spécifique. L’étape ultérieure de confirmation histologique est de difficulté variable suivant le tableau clinique. Chez l’enfant, seule une mastocytose cutanée diffuse ou des anomalies d’organes ou des anomalies hématologiques doivent conduire à des explorations complémentaires. Chez l’adulte, la peau est systématiquement biopsiée, même en l’absence de lésion évocatrice, du fait de la possibilité de formes infiltratives significatives inapparentes cliniquement. Le diagnostic de la mutation du protooncogène c-kit D816V peut MS mastocytose systémique
Protocole initial et de suivi d’une mastocytose de l’adulte Première visite Examen clinique, recherche du signe de Darier, ou dermographisme, score de prurit Biopsie cutanée (chez l’adulte) avec recherche de mutation c-kit Réalisation d’un hémogramme, frottis sanguin, tryptase sérique • Pour les patients avec manifestations paroxystiques ou altération de l’état général ou tryptase élevée : − Biopsie ostéomédullaire, scanner thoraco-abdominal, ostéodensitométrie rachidienne, radiographies des os longs − Évaluation de la qualité de vie (score QLCQ, SCORMA, score AFIRMM...) • Pour les patients avec suspicion d’atteinte spécifique d’organe : − Endoscopie digestive avec biopsie, biopsie hépatique, scintigraphie médullaire Suivi régulier tous les 6 mois pour les patients avec atteinte systémique : Suivi de l’extension cutanée et des symptômes de dégranulation Dégradation de la qualité de vie. Autres atteintes d’organes Selon résultats : Suivi tous les 2-3 ans si stabilité avec densitométrie, échographie abdominale, tryptase, biopsie ostéomédullaire, hémogramme
16.D être proposé dans certains centres de recherche et devrait entrer dans le bilan systématique sur prélèvement médullaire ou sur biopsie cutanée en peau lésée. Cette recherche aurait un intérêt plus thérapeutique que pronostique. Une démarche est proposée dans l’encadré 16.D selon Hartmann et al. ⁷⁵. Le diagnostic biologique repose sur le dosage de marqueurs mastocytaires biochimiques et immunologiques : on observe une augmentation de l’histaminémie et de l’histaminurie, des métabolites urinaires de la prostaglandine PGD2, de la tryptase plasmatique ⁷⁶ et d’un métabolite urinaire de l’histamine, l’acide méthyl-4-imidazole acétique ⁷⁷. L’intérêt de ces dosages est limité en raison de possibles faux positifs (en cas d’allergie) ou faux négatifs (en cas de mastocytoses non sécrétantes). Le dosage de l’histamine pose des problèmes de technique (la spectrométrie de masse, méthode précise et fiable étant peu disponible) et d’interprétation des résultats, l’histamine sanguine ou urinaire n’étant pas toujours d’origine mastocytaire (dégranulation des basophiles lors du prélèvement sanguin, synthèse bactérienne à partir de l’histidine en cas d’infection urinaire, influence de l’alimentation sur l’histaminurie). L’élévation de l’histaminémie est surtout marquée en cas d’hémopathie associée. L’importance de l’infiltration viscérale semble corrélée non à l’histaminurie mais au taux urinaire d’acide methyl-4-imidazole acétique, principal métabolite urinaire de l’histamine, mais dont le dosage par chromatographie
Traitement des mastocytoses 16-13 HPLC est abandonné en raison de difficultés techniques. L’étude du métabolisme de la PGD2, reflété par l’élimination urinaire de son principal métabolite le PGEM, n’est pas encore de pratique courante. L’hyperproduction chronique d’histamine et de PGD2 étant majorée lors de l’activation mastocytaire, il est conseillé de pratiquer 2 recueils d’urine, l’un dans les 2 heures qui suivent le flush, l’autre entre la seconde et la quatrième heure. La tryptase, molécule comprenant 2 chaînes alpha (protryptase) et bêta, est actuellement le marqueur mastocytaire excrété dont le taux semble corrélé à l’importance de l’infiltrat mastocytaire ⁷⁸. C’est un marqueur sensible et relativement spécifique qui est corrélé aux différents types d’atteintes mastocytaires ⁷⁶. Une augmentation transitoire de la bêta tryptase s’observe en cas de choc anaphylactique quelle que soit son origine mais aussi de façon permanente en cas de syndrome myéloprolifératif associé ⁷⁹. Ainsi la valeur prédictive d’atteinte systémique serait de 50 % en cas de taux compris entre 25-75 ng/ml et de presque 100 % si le taux est supérieur à 75 ng/ml. Récemment, il a été montré que les MS s’accompagnent d’une augmentation du taux sérique du c-kit soluble et de CD25 (récepteur à l’IL-2). En outre, le niveau de ces 2 marqueurs semble être corrélé à la sévérité de la maladie et à l’infiltration médullaire par les mastocytes anormaux ⁸⁰. Quoiqu’il en soit, le diagnostic de mastocytose est avant tout clinique et histocytologique. En effet, lors d’une suspicion de mastocytose de l’adulte, un examen histologique du tissu impliqué et un examen morphologique des cellules des tissus (le plus souvent, biopsie de peau et de moelle osseuse), confirment le diagnostic. Il est assez classique d’avoir recours à la coloration au bleu de toluidine ou à des réactions histochimiques simples comme celle de la chloroacétate-estérase, bien que celles-ci soient peu usitées. Le typage par immunocytochimie avec un anticorps monoclonal anti-tryptase ou anti-CD117 est devenu de pratique courante ⁸¹. Enfin, il apparaît que les mastocytes médullaires anormaux, analysés par cytométrie en flux, expriment de façon concomitante les marqueurs CD2 et CD25, contrairement aux mastocytes normaux ⁸². Cela pourrait constituer une nouvelle méthode de diagnostic des MS et de mise en évidence de l’infiltration médullaire par des mastocytes anormaux.
Traitement des mastocytoses ⁸³ Le traitement des mastocytoses vise d’une part à limiter les symptômes en rapport avec la libération des médiateurs mastocytaires et d’autre part à réduire l’infiltration spécifique du ou des organes atteints. Il varie selon le caractère cutané ou systémique de la maladie. Dans tous les cas, des précautions sont à observer pour ces patients, dès la première consultation confirmant le diagnostic. Enfin, si le terme curatif n’est pas encore admis pour la majorité des traitements qui ne modifient habituellement pas le cours de la maladie, une nouvelle approche moléculaire de la maladie, impliquant les inhibiteurs de tyrosine kinase, pourrait approcher cet objectif. IL interleukine · MS mastocytose systémique
Précautions générales Certaines précautions sont conseillées afin d’éviter les crises mastocytaires ou, plus grave encore, le choc anaphylactoïde. Ces précautions ne sont ni strictes, ni exhaustives et doivent s’adapter au cas par cas. Les manifestations graves anaphylactoïdes étant plus fréquentes mais pas exclusivement chez les patients adultes avec atteinte systémique, une attention particulière doit être portée à ces facteurs. Ainsi, il est utile de supprimer les facteurs dégranulants des mastocytes (encadré 16.B ⁸³) comme certains aliments et médicaments, les exercices physiques intenses et les variations thermiques brutales. L’utilisation à portée de main d’un kit d’adrénaline type Anapen, auto-injectable, qui se conserve à température ambiante doit être proposé à tout patient présentant une forme systémique de la maladie. L’utilisation des produits de contraste iodés doit être limitée et une prémédication antiallergique est recommandée. L’IRM peut être préférée à la tomodensitométrie dans l’exploration abdominale. Les interventions chirurgicales programmées tant chez l’adulte que chez l’enfant nécessitent des précautions anesthésiques actuellement bien codifiées, avec prémédication adéquate, choix des substances sans curare et sans dérivés morphiniques, monitorage soigneux visant à traiter précocement toute hypotension. Le port d’une carte mentionnant le diagnostic de mastocytose ainsi que le médecin référent est utile en cas de chirurgie urgente, afin de limiter les risques anesthésiques. Traitement symptomatique En l’absence de traitement curatif, la thérapeutique est essentiellement symptomatique et adaptée à chaque cas, même si un certain consensus est appliqué ⁶¹,⁸³. Les anti-histaminiques anti-H1 (hydroxyzine, mizolastine, loratadine...), souvent associés aux anti-H2 (ranitidine, famotidine, cimétidine), sont les traitements clés utilisés de première intention pour bloquer via les récepteurs mastocytaires, la libération des médiateurs. Les anti-H1, de préférence non sédatifs, agissent sur les flushs et le prurit, l’effet des anti-H2 est plus net sur les manifestations gastroduodénales types (ulcère, gastrite) que sur la diarrhée. Ils peuvent être associés pour potentialiser leurs effets notamment sur les flushs et les troubles digestifs. Le kétotiféne semble efficace sur le prurit ⁸⁴. Le chromoglycate de sodium oral (en ampoule à boire), stabilisant de membrane du mastocyte, a une activité sur les manifestations digestives à la dose de 800 mg/j chez l’adulte, et de 400 mg/j chez l’enfant. Il a également une activité sur le prurit. Les inhibiteurs des leukotriènes (Montélukast) sont également proposés pour le prurit et les poussées vasomotrices ⁸⁵ et notamment en cas de cystite interstitielle ⁸⁶. L’adjonction de l’aspirine, visant à inhiber la synthèse des prostaglandines, est parfois utile après échec des traitements précédents, notamment en cas d’hypotensions répétées. Le risque de déclenchement d’une dégranulation mastocytaire (5 %) parfois mortelle justifie d’instaurer ce traitement en milieu hospitalier en commençant par des doses minimes. Une salicylémie supérieure à 15 mg/dl est
16-14 Mastocytoses nécessaire au contrôle des symptômes, l’emploi des fortes posologies étant cependant limité par l’intolérance gastroduodénale. L’utilisation d’un inhibiteur de la pompe à protons peut être proposée dans ce cas comme dans celui d’une efficacité partielle des anti-H2. L’adrénaline en perfusion (4 μg/min) est indiquée en cas de malaise sévère avec hypotension ou choc anaphylactoïde. La corticothérapie générale n’a qu’un effet suspensif ; ses risques osseux potentiels sont évidents sur ce terrain. La prednisone est utilisée à la dose initiale de 1 mg/kg/jour en cas de malabsorption ou d’ascite, puis ramenée à une posologie d’entretien beaucoup plus modeste. Les bolus de méthylprednisolone ne seraient pas plus actifs. La corticothérapie à délitement entérale type budésonide (Entocort) peut être proposée dans les atteintes digestives infiltratives avec une bonne efficacité, tout en limitant les effets secondaires d’une corticotérapie générale. Les bisphophonates sont utilisés par voie intraveineuse en cas de fractures ostéoporotiques récentes et douloureuses ⁸⁷. L’alendronate per os ou le risédronate monosodique avec supplémentation calcique sont prescrits en cas d’ostéoporose confirmée par densitométrie (Tscore < − 2,5 DS). Ils préviendraient un événement fracturaire futur en augmentant la densité minérale osseuse de façon significative ⁵⁹. Ailleurs, un supplément en vitamine D et calcium suffit en cas d’ostéopénie. Enfin, une carence vitaminique liée à une malabsorption digestive doit être recherchée et traitée. D’autres substances ont été essayées dans des cas isolés d’atteinte d’organe : inhibiteur du PAF, inhibiteur de l’histidine décarboxylase, terbutaline, nifédipine. Une anastomose porto-cave en cas d’ascite réfractaire est parfois justifiée. Traitements dermatologiques Des traitements spécifiquement dermatologiques sont justifiés par les symptômes fonctionnels (prurit, flush) ou cliniques (infiltration, bulles) mais également par les conséquences cosmétiques de la maladie. Chez l’adulte La puvathérapie est un traitement classique des mastocytoses cutanées, surtout dans la forme d’UP. Elle n’est pas efficace dans la TMEP. Selon les auteurs, ce traitement diminue l’étendue des lésions d’UP et du prurit en limitant le signe Darier spontané pour une durée de 5 à 8 mois ⁸⁸. Pour d’autres, l’effet est plus limité sur la réduction des lésions avec néanmoins un effet cosmétique obtenu par bronzage. La balnéopuvathérapie est pour tous les auteurs inefficace. De plus, ce traitement est temporaire avec un risque carcinogène à long terme non quantifié mais à prendre en considération. L’UVA1-thérapie est efficace dans l’étude de Gobello et al. ⁸⁹. Sans diminuer le nombre de lésions cliniques elle diminue le nombre de mastocytes du derme en améliorant à 6 mois le prurit et la QDV. L’UVBthérapie pourrait être efficace sur le prurit, mais aucune observation n’a été rapportée. Les dermocorticoïdes ont peu de place chez l’adulte contrairement à l’enfant, bien que certains ont montré une effica MS mastocytose systémique · PAF platelet activating factor · UP urticaire pigmentaire
cité sur l’UP lorsqu’ils sont appliqués sous occlusion et de façon prolongée ⁷⁵,⁹⁰. Le laser vasculaire ou la lampe flash pourraient être utilisés pour traiter les télangiectasies de TMEP ⁹¹. Le laser Yag a permis pour un patient de traiter une UP, mais il n’existe pas de série rapportée ⁹². Chez l’enfant En raison de multiples formes cliniques cutanées, les traitements utilisés sont divers, mais ils sont aussi plus transitoires compte tenu de la régression spontanée de la maladie dans près de 50 % des cas. Ainsi, les antihistaminiques sédatifs type hydroxyzine sont privilégiés le soir en cas de prurit. Dans le mastocytome isolé, l’emploi de dermocorticoïdes forts et sous occlusion donne de bons résulats ⁷⁵. Le bénéfice-risque doit être considéré cependant pour éviter un freinage hypothalamo-hypophysaire délétère. En cas de mastocytome associé à des manifestations vasomotrices sévères, la chirurgie peut être le traitement de second choix. Dans les formes bulleuses, la prévention des infections bactériennes et les soins locaux s’associent à la coprescription d’antihistamiques H1 et H2. Dans certaines formes sévères, des corticoïdes intraveineux et des antihistaminiques ont été efficaces en association ³¹. Dans la forme cutanée diffuse, la puvathérapie a été efficace dans près de 5 cas ⁹³,⁹⁴, la balnéopuvathérapie dans un cas ⁹⁵. Traitements immunomodulateurs et cytoréducteurs Les traitements à visée immunomodulatrices ou cytoréductrices ont été proposés de façon empirique étant donné la rareté des formes de MS, l’hétérogénéité biologique et l’absence de critère simple d’évaluation de la réponse thérapeutique ⁶⁸. Ils s’adressent principalement aux formes systémiques de mastocytoses (agressives ou associées à une hémopathie). Ces traitements ont des effets secondaires et pour la plupart un pouvoir mutagène qui doit nous amener à les prescrire avec circonspection, avec une exigence diagnostique indiscutable. Les principales substances qui ont montré un intérêt certain sont l’interféron α, le 2-chlorodesoxyadénosine (cladribine/2-Cda). L’interféron alpha est souvent considéré comme une substance de première ligne dans les MS agressive avec ou sans atteinte hématologique sous-jacente. Plusieurs publications ont rapporté son efficacité par diminution non seulement du relargage des médiateurs mastocytaires ⁹⁶ mais également de l’infiltration spécifique ⁹⁷. Cependant, l’effet antiprolifératif est modéré, les rechutes sont fréquentes dans les mois qui suivent l’arrêt du traitement et la tolérance est médiocre (dépression, troubles neuropsychiques). Ainsi, il apparaît surtout que l’interféron alpha doit être proposé pour la forme de MS indolente type smoldering ou encore à celle associée à des chocs anaphylactoïdes répétés ou encore à celle agressive du groupe III ⁹⁸. La cladribine, analogue des bases puriques, habituellement utilisée dans la leucémie à tricholeucocytes ou l’histiocytose langerhansienne grave, a récemment apporté des résultats encourageants dans les MS. Ainsi, Kluin-Nelemans et al. ⁹⁹ ont traité 9 patients (0,10 mg/j/kg de J1 à J5, une cure toute les 4 à 8 semaines, 6 cures) et ont obtenu dans toutes les formes de MS une réponse partielle avec disparition
Pronostic 16-15 des signes cliniques et effondrement de la tryptase, une régression nette de l’infiltration médullaire (9 cas sur 10) et cutanée (7 cas sur 7) en mastocytes. La meilleure réponse en médiane était de 6 mois. Cependant, une toxicité hématologique parfois sévère était présente dans 30 % des cas. Une étude de 33 patients, réalisée en France, a montré une réponse majeure (régression d’infiltration d’organe, dont la peau) pour 24 patients avec MS, dans un délai de 4 mois et pour une durée de 16 mois ¹⁰⁰. Les 4 patients avec syndrome myéloprolifératif associé n’ont pas eu de réponse au traitement. Ces résultats confirment l’intérêt de cette substance dans les MS du groupe I smoldering et III. Une observation ¹⁰¹ rapporte une efficacité sans rechute à 1 an du groupe IV en échec de l’interféron, après 4 cures de la cladribine espacée chacune de 6 mois. Enfin une observation rapporte l’effet spectaculaire du 2-Cda sur une mastocytose cutanée diffuse pure chez un adulte de 74 ans ¹⁰². Dans les mastocytoses associées aux hémopathies du groupe II, parfois découvertes de façon concomitante, la réponse au traitement dépend du pronostic de la maladie sous-jacente. Les chimiothérapies sont habituellement inefficaces sur la mastocytose associée ²². La réponse des lymphomes type hodgkinien ou non avec MS est variable, celle des leucémies aiguës non lymphoblastiques mauvaise sauf rare exception. En raison des effets secondaires de la chimiothérapie, le traitement des hémopathies moins agressives se limite souvent aux transfusions d’hématies et de plaquettes. La splénectomie peut se discuter dans les groupes II et III devant l’association d’une splénomégalie avec hypersplénisme et cytopénies marquées ; elle corrigerait la thrombopénie et améliorerait la tolérance de la chimiothérapie ¹⁰³. L’influence du traitement de l’hémopathie sur l’évolution de la mastocytose est inconstante. La greffe de moelle est utile pour traiter l’atteinte hématologique du groupe II mais est inefficace pour faire régresser la mastocytose associée ¹⁰⁴. Dans le groupe IV, il n’y a pas de consensus sur un protocole thérapeutique : l’association cyclophosphamide, vincristine et prednisone est parfois efficace ²⁶. La cladribine permettrait une rémission partielle de quelques mois ¹⁰¹. Inhibiteurs des tyrosines kinases Depuis l’avènement du mésilate d’imatinib (Glivec) dans la leucémie myéloïde chronique dont il a transformé le pronostic ¹⁰⁵,¹⁰⁶, l’utilisation des inhibiteurs de tyrosine kinase dont le Glivec a été proposée pour le traitement des MS. À ce jour, il apparaît pour certains que ce traitement est inefficace lorsque le patient possède la mutation D816V du c-kit ⁶⁸ dans la moelle et/ou la peau, comme cela avait été suggérer par Zermati et al. ¹⁰⁷ et Ma et al. ¹⁰⁸ in vitro. En effet, cette mutation modifie la conformation du récepteur, et empêche cette molécule de se lier à la poche fixant l’ATP. Néanmoins une étude de phase I/II sur 10 patients dont 8 avec mutation D816V a montré que le Glivec était efficace cliniquement et histologiquement chez 6 des patients dont 5 porteurs de la mutation D816V ¹⁰⁹. En revanche, à l’instar du traitement proposé dans les syndromes hyperéosinophiliques avec présence de la mutation FIP1L1-PDGFRa dans MS mastocytose systémique · UP urticaire pigmentaire
les PBMC ¹¹⁰, les MS sans mutation de c-kit et plus encore avec mutation du gène de fusion précité et éosinophilie chronique peuvent être efficacement traitées par l’imatinib mésylate ¹¹¹. Cette constatation renvoie à l’idée d’un dépistage moléculaire du statut c-kit systématique et du transcrit de fusion FIP1L1-PDGFRa en cas d’éosinophilie associée de tout patient avec mastocytose. D’autres inhibiteurs des tyrosines kinases et particulièrement ceux du c-kit muté en D816V sont candidats au développement ¹¹². Ainsi le PKC412, l’AMN107, l’AP23464 et l’AP23848 sont efficaces in vitro ¹¹³-¹¹⁵. Le SU11248 est également un candidat pour l’inhibition du c-kit sauvage ou muté avec résistance à l’imatinib mésylate ¹¹⁶. De même le BMS-354825, inhibiteur de Src/ABL semble efficace in vitro sur le c-kit muté en D816V ¹¹⁷. Autres traitements D’autres voies de blocage de l’activation du c-kit muté, la voie AKTmTOR par la rapamycine et celle de NF-kappaB ¹¹⁸ par des inhibiteurs spécifiques sont explorées dans un but thérapeutique. Ainsi, le 17-AAG, dérivé d’un antibiotique ansamycine déstabilise HSP-90, partenaire d’autres kinases importantes en oncogenèse, entraîne une diminution in vitro et ex vivo de l’activité de kit et des molécules de signalisation AKT et STAT3. Cet effet est observé par modification de la stabilité et de l’expression à la membrane de c-kit aussi bien sur les mastocytes mutés ou non pour le c-kit en 816 ¹¹⁹. D’autres molécules pourraient être proposées : le thalidomide, l’acide tout trans-rétinoique (blocage de la maturation et prolifération des cellules kit dépendantes ¹²⁰, les anticorps monoclonaux anti-CD25 (daclizumab zenapax, évalués dans les leucémies CD25 + ¹²¹), le béxarotène (rétinoïde de synthèse) associé au denileukin diftitox (IL-2 couplée à la toxine diphtérique), les anticorps monoclonaux anti-CD2.
Pronostic Chez l’enfant, le pronostic vital est rarement menacé sauf dans certaines formes de mastocytose cutanée diffuse, alors que chez l’adulte, il est essentiellement conditionné à l’existence d’une maladie hématologique sous-jacente associée, c’est-à-dire à l’appartenance aux groupes II ou IV. De plus, une forme indolente de type I évolue exceptionnellement vers une forme II ou III. Chez l’enfant, la mastocytose est résolutive dans 50 % des cas à l’adolescence ; chez l’adulte, la chronicité est la règle avec quelques cas spontanément régressifs possibles. Une étude de 2002 a montré une régression de 10 % sur 106 UP de l’adulte en 10 ans minimum de suivi ¹²². Peu d’études sur le pronostic sont disponibles dans la littérature. L’étude prospective de Lawrence et al. puis celle de Sperr et al. ²⁵,¹²³ ont identifiés des critères initiaux de mauvais pronostic vital. En analyse monofactorielle, ces critères sont cliniques : survenue tardive > 50 ans, absence d’atteinte cutanée, présence d’une hépato-splénomégalie, et biologiques : anémie, thrombopénie, hyperlymphocytose, élévation des LDH ou des phosphatases alcalines sériques,
16-16 Mastocytoses infiltration mastocytaire médullaire élevée en pourcentage, anomalies qualitatives des hématies ou des leucocytes circulants. En analyse multifactorielle, seuls demeurent l’âge tardif > 50 ans au début des symptômes et l’élévation des LDH. Ces critères sont probablement plus rigoureux que ceux établis préalablement en analyse multifactorielle par Travis et al. ²⁴ dans une étude rétrospective : âge, sexe masculin, anémie, néoplasie associée et présence de mastocytes médullaires avec lobulation nucléaire. L’étude de Horny et al. ¹²⁴ a montré un taux de survie de 75 % à 5 ans pour le stade I versus 17 % et 0 % respectivement pour les stades IIIII et IV ⁶⁸. L’étude de Pardanani et al. ¹²⁵ avait pour objectif d’étudier les corrélations anatomocliniques et d’identifier des marqueurs pronostiques biologiques et anatomopathologiques chez des patients atteints de MS sans atteinte hématologique sous-jacente. Sur 40 patients adultes étudiés, l’importance de l’infiltrat mastocytaire, l’existence d’un infiltrat éosinophile, et l’augmentation des phosphatases al-
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MS mastocytose systémique
calines sont apparues comme des marqueurs de mauvais pronostic.
Conclusion Si les mastocytoses sont aujourd’hui mieux reconnues en France, car recensées notamment grâce à une association (AFIRMM), leur prise en charge demeure du cas par cas. Si la stratégie diagnostique reste classique, la stratégie thérapeutique est en pleine mutation, depuis la prise en compte du statut moléculaire du récepteur c-kit des mastocytes des patients. Cette information moléculaire est essentielle et guide le projet thérapeutique qui doit tenir compte du stade de la maladie et de la qualité de vie du patient. Ainsi, de nouvelles molécules devraient être proposées dans les années à venir, ciblant les voies physiopathologiques explorées par la recherche sur les mastocytes et mastocytoses.
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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Barete S. Mastocytoses. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 16.1-16.19.
16-19
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Sarcoïdose
Didier Bessis, Pascale Huet Manifestations cutanées non spécifiques 17-1 Érythème noueux 17-1 Autres lésions cutanées non spécifiques 17-2 Manifestations cutanées spécifiques 17-2 Généralités 17-2 Lésions papuleuses ou sarcoïdes à petits nodules 17-3 Lésions nodulaires ou sarcoïdes à gros nodules 17-3 Sarcoïdes en plaques 17-4 Sarcoïdes sur cicatrice ou « scar sarcoidosis » 17-4 Sarcoïdes hypodermiques de Darier-Roussy 17-4 Autres formes cliniques 17-5 Formes topographiques 17-6 Anatomopathologie cutanée 17-7
L
a sarcoïdose, ou maladie de Besnier-Boeck-Schaumann est une granulomatose diffuse pouvant toucher n’importe quel organe. Les manifestations cutanées, multiples, polymorphes et fréquentes, occupent une place privilégiée parmi les atteintes de cette affection. Facilement biopsiables, elles permettent une orientation étiologique rapide. Leur fréquence est estimée entre 20 et 35 % selon les séries de la littérature et vient immédiatement après celle des localisations intrathoraciques et ganglionnaires. Elles constituent l’unique manifestation de la maladie dans 25 % des cas. La prédominance féminine est plus nette que pour les autres manifestations de l’affection (deux tiers des cas) et les formes familiales sont rares. Les manifestations cutanées se divisent en atteintes cutanées non spécifiques représentées essentiellement par l’érythème noueux et en atteintes cutanées spécifiques ou sarcoïdes, comportant à l’histologie des granulomes tuberculoïdes non caséeux.
Manifestations cutanées non spécifiques Elles se définissent par l’absence d’infiltrat granulomateux tuberculoïde à l’histologie. Dans la majorité des cas, elles surviennent à la phase aiguë de la maladie. Elles guérissent habituellement en quelques mois sans séquelle, tout comme les localisations pulmonaires qui les accompagnent fréquemment.
Manifestations systémiques extracutanées 17-8 Évolution, pronostic et relation entre les manifestations cutanées et l’atteinte systémique 17-9 Évolution et pronostic 17-9 Relation entre les manifestations cutanées spécifiques et l’atteinte systémique 17-9 Bilan diagnostique initial d’une sarcoïdose cutanée 17-9 Traitement de la sarcoïdose cutanée 17-10 Traitements locaux 17-10 Traitements généraux 17-10 Indications thérapeutiques 17-11 Références 17-11
Érythème noueux (EN) ¹-³ Principale manifestation cutanée non spécifique de sarcoïdose, il constitue, avec l’infection streptococcique, l’une des causes les plus fréquentes d’érythème noueux. L’histologie est non spécifique, marquée par une hypodermite septale sans vascularite avec un infiltrat composé de polynucléaires neutrophiles au début de l’évolution, puis de lymphocytes et d’histiocytes secondairement. Sa fréquence est variable selon les séries, estimée de 5 à 25 % des cas. Ces différences de fréquence sont probablement dues à des biais de recrutement selon les services de médecine, selon les pays d’origine (fréquence plus élevée en Angleterre et Scandinavie, plus rare aux États-Unis) et les groupes ethniques (rare chez les sujets à peau dite noire, en particulier originaires des Antilles). L’EN inaugure la maladie dans 15 % des cas. À l’inverse, environ 20 à 25 % des cas d’érythème noueux sont associés à une sarcoïdose. L’érythème noueux sarcoïdosique touche électivement la femme jeune (en moyenne âgée de 30 ans contre 48 ans pour les sarcoïdes), à peau dite blanche (90 %) avec une recrudescence saisonnière (printemps et automne). Sur le plan clinique, l’EN sarcoïdosique ne présente aucune particularité par rapport aux formes relevant d’autres étiologies. Il réalise des nodules érythémateux sous-cutanés, fermes, douloureux, siégeant le plus souvent en regard des crêtes tibiales près des genoux (fig. 17.1), mais parfois aussi au niveau des mollets, des cuisses, des fesses et plus rarement sur les membres supérieurs. Dans le cadre de
17-2 Sarcoïdose
Coll. D. Bessis
la sarcoïdose, l’érythème noueux est d’apparition brutale. Dans 75 % des cas, il s’associe à la présence : 1o d’adénopathies médiastinales bilatérales, de révélation parfois retardée de quelques semaines. Celles-ci s’accompagnent d’une infiltration réticulo-micronodulaire du parenchyme pulmonaire, diffuse ou localisée (27 %), souvent retardée de quelques mois mais jamais isolée ; 2o d’une hyperthermie entre 38◦ et 40◦ C (84 %), d’une pharyngite (60 %) et d’un syndrome pseudo-grippal ; 3o de polyarthalgies (70 %), volontiers migratrices, qui précèdent ou sont concomitantes de l’érythème noueux ; 4o d’une uvéite aiguë ; 5o d’une anergie tuberculinique et 6o d’un syndrome inflammatoire (44 %). L’ensemble du tableau réalise le syndrome de Löfgren, révélateur de l’affection dans 20 % des cas. Fig. 17.2 Sarcoïdes à petits nodules : papules et nodules hémisphériques rouge brunâtre de surface lisse
socié à la présence d’un corps étranger. Parmi les signes extracutanés associés à l’érythème noueux, il faut souligner la présence possible d’adénopathies périphériques, d’atteintes oculaire et cardiaque et de localisation hépatosplénique. L’EN accompagne les formes aiguës de sarcoïdose. Il régresse spontanément dans 90 % des cas en passant par les stades de la biligénie locale en 2 à 3 semaines en moyenne. Il peut évoluer par poussées successives dans 10 % des cas survenant habituellement dans les trois premiers mois, rarement au-delà d’un an. Les adénopathies médiastinales régressent spontanément dans environ 80 % des cas. Les sarcoïdoses aiguës s’accompagnant d’EN sont en général de meilleur pronostic que celles sans EN. Autres lésions cutanées non spécifiques Elles sont exceptionnelles qu’il s’agisse d’érythème polymorphe ⁵, d’hippocratisme digital ⁶, de prurigo ², de vascularite ² ou de calcifications secondaires à l’hypercalcémie ⁷.
Coll. D. Bessis
Manifestations cutanées spécifiques
Fig. 17.1 Érythème noueux : nodules érythémateux profonds des faces antérieures de jambes L’examen soigneux des genoux à la recherche de lésions cutanées granulomateuses spécifiques papuleuses ou de sarcoïdes sur cicatrice doit être systématique ⁴. Celles-ci se caractérisent par de petites papules rouge-brun, groupées, bilatérales parfois disposées de façon linéaire évoquant une réaction isomorphe de Koebner ou une origine post-traumatique. L’examen histologique objective un infiltrat granulomateux de type sarcoïdosique, parfois as-
Généralités Leur fréquence est très variable selon les séries et les pays d’origine, s’échelonnant de 9 % à 35 %. Elles s’observent à tout âge avec un pic de fréquence au cours de la cinquième décennie. Elles touchent préférentiellement les sujets à peau dite noire, surtout aux États-Unis, chez lesquels l’atteinte est plus sévère. Elles sont plus souvent observées au cours des sarcoïdoses chroniques qu’elles peuvent révéler. Multiples et polymorphes, elles se caractérisent histologiquement par la présence d’un granulome tuberculoïde non caséeux, très évocateur du diagnostic, mais non pathognomonique. D’aspect parfois trompeur, elles possèdent néammoins des caractéristiques cliniques communes permettant leur reconnaissance avant leur confirmation histologique : − l’infiltration : les lésions sont fermes, enchâssées dans le derme ou l’hypoderme, non inflammatoires et non œdémateuses ;
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Manifestations cutanées spécifiques
Sarcoïdes à petits nodules de l’avant-bras
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− la couleur : elle varie du jaune ocre au violet foncé brunissant avec le temps ; − l’absence de signes fonctionnels : les éléments sont indolores et non prurigineux ; − l’absence de modification de l’épiderme en dehors parfois d’une discrète desquamation ; − l’absence de topographie élective même si l’atteinte du visage (pourtour du nez et des paupières) est particulièrement fréquente (50 %) et évocatrice ; − la vitropression : elle fait disparaître l’érythème et apparaître des grains jaunâtres, séparés les uns des autres et semblables aux lupomes : c’est l’aspect lupoïde qui suggère la présence d’infiltrats tuberculoïdes à l’histologie ; − l’évolution chronique : après des mois ou des années d’extension périphérique avec guérison centrale (aspect annulaire), les lésions spécifiques finissent par disparaître en laissant parfois une cicatrice achromique ou pigmentée ; − l’histologie : elle n’est pas spécifique mais fortement évocatrice avec la présence d’un granulome tuberculoïde non caséeux infiltrant le derme et parfois l’hypoderme. Les lésions cutanées spécifiques sont multiples et d’aspect très varié. Elles se classent en quatre principales formes selon leur morphologie, leur topographie en peau saine ou
Fig. 17.4
Sarcoïdes à petits nodules de la nuque
Coll. D. Bessis
Fig. 17.3
Fig. 17.5 Sarcoïdes à gros nodules du visage : nodules saillants brunâtres de surface lisse sur cicatrice et leur niveau d’envahissement dermique ou hypodermique. Lésions papuleuses ou sarcoïdes à petits nodules Très fréquentes, elles réalisent de petites élevures hémisphériques bien limitées (fig. 17.2, fig. 17.3, fig. 17.4), de 2 à 5 mm de diamètre, de nombre variable (quelques-unes à plusieurs centaines). Elles sont rose jaunâtre initialement, violacées ou rouge brunâtre par la suite, fermes, infiltrées, enchâssées dans le derme, indolores, de surface lisse, lupoïdes à la vitropression, isolées ou confluentes formant des plaques érythémateuses annulaires ou lichénoïdes. Leur disposition est symétrique en particulier sur le visage (paupières, pourtour nasal), la région occipitale, le cou, les faces d’extension des membres, les extrémités, la poitrine et les épaules, plus rarement le tronc et les muqueuses. L’évolution se fait progressivement en quelques semaines, après plusieurs poussées initiales, vers la stabilisation des lésions pendant des mois ou des années. Puis elles régressent en laissant parfois une cicatrice dépigmentée. L’ulcération est exceptionnelle. Les diagnostics différentiels sont nombreux : lupus érythémateux, rosacée, granulome annulaire, lichen plan, syphilides, verrues planes, tuberculides, adénomes sébacés... Lésions nodulaires ou sarcoïdes à gros nodules Elles constituent la manifestation cutanée spécifique la plus fréquente. Il s’agit de nodules hémisphériques très saillants de un à plusieurs centimètres de diamètre, viola-
17-4 Sarcoïdose
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cés ou brunâtres, bien limités, fermes, indolores, de surface lisse, lupoïdes à la vitropression. Ils sont peu nombreux (ne dépassant pas la dizaine), isolés ou confluents en lésions irrégulières circinées à centre déprimé (sarcoïdes annulaires), siégeant volontiers sur le visage (fig. 17.5), le tronc et la racine des membres. Ils évoluent très lentement, pour disparaître en 10 à 20 ans en laissant des cicatrices. Le diagnostic différentiel se pose avec une lèpre tuberculoïde, un lupus vulgaire, une leishmaniose cutanée lupoïde, une mycobactériose atypique ou une syphilis tertiaire. L’angiolupoïde de Brocq-Pautrier, forme rare de sarcoïde à gros nodules, se rencontre surtout chez la femme. C’est un placard nodulaire isolé, arrondi ou ovalaire, bien limité, parcouru d’un important réseau de télangiectasies, qui masque l’aspect lupoïde à la vitropression. Il siège au niveau de l’angle interne de l’œil, des sillons nasogéniens ou de la joue (fig. 17.6). Son évolution est lente sans tendance à la régression spontanée.
Coll. D. Bessis
Fig. 17.7 Sarcoïdes en plaque : plaque tuméfiée et infiltrée résultant de la confluence de sarcoïdes
Fig. 17.6 Angiolupoïde de Brocq-Pautrier : placard nodulaire isolé angiomateux de la joue Sarcoïdes en plaques Il s’agit de plaques tuméfiées, infiltrées, d’aspect serpigineux, de couleur lie de vin, mesurant plusieurs centimètres de diamètre et résultant de la confluence des sarcoïdes. Leur surface légèrement squameuse et sillonnée de capillaires peut présenter des nodules superposés. Elles apparaissent lupoïdes à la vitropression. Elles se localisent sur les membres (fig. 17.7), les épaules, les hanches et les fesses. Leur évolution est lente vers l’atrophie cicatricielle, pigmentée ou achromique, voire l’ulcération. Le lupus pernio (lupus-engelures) est une forme particulière touchant avec prédilection les femmes. Il est formé de larges nodules ou de plaques, infiltrés, bleu violacé, chroniques, localisés sur le visage (fig. 17.8, fig. 17.9) ou les extrémités avec déformation fréquente des ongles et des doigts. Son évolution est tenace et se fait vers une atrophie cicatricielle et pigmentée.
Sarcoïdes sur cicatrice ou « scar sarcoidosis » Leur fréquence de survenue est estimée à 5 %. Elles se développent au niveau de cicatrices, en général anciennes (20 ans d’évolution en moyenne) et quiescentes, habituellement localisées sur les genoux. Elles touchent préférentiellement la femme (60 %), d’âge moyen de 45 ans. Il s’agit de cicatrices post-traumatiques ou chirurgicales, le plus souvent de points de ponction veineuse, de tatouages, de cicatrices de zona ou de radiodermite. Les cicatrices deviennent inflammatoires, augmentent de volume, s’infiltrent et s’indurent prenant une allure pseudo-chéloïdienne (fig. 17.10, fig. 17.11). Elles ne sont pas prurigineuses et la vitropression peut mettre en évidence des grains lupoïdes. Elles s’accompagnent habituellement d’autres lésions sarcoïdiennes en peau saine. Sarcoïdes hypodermiques de Darier-Roussy ⁸ Elles sont observées dans 2 % des sarcoïdoses systémiques et représentent près de 12 % des lésions cutanées spécifiques. Elles touchent surtout la femme, au cours de la cinquième ou sixième décennie. Elles réalisent des nodules froids, indolores, bien circonscrits, peu nombreux, fermes et aphlegmasiques, sans signe à la vitropression, se développant sous une peau de couleur peau normale, adhérant au
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Manifestations cutanées spécifiques
plan sous-jacent et prenant souvent l’aspect de formations pseudo-tumorales (fig. 17.12). Elles se localisent avec prédilection sur les extrémités des membres où une disposition linéaire est parfois observée, plus rarement sur le tronc et le visage. Seul l’examen histologique permet de faire le diagnostic et de les différencier des autres causes de panniculite tels que des nodules secondaires à une tuberculose, une lèpre ou des métastases cutanées... Elles constituent la manifestation cutanée initiale de la sarcoïdose dans plus d’un cas sur deux et ne sont pas un facteur de mauvais pronostic en cas d’atteinte systémique associée. La rémission spontanée ou sous traitement en cas de forme systémique est habituelle. Autres formes cliniques De nombreuses autres lésions cutanées spécifiques sarcoïdosiques ont été décrites, soulignant le polymorphisme de cette affection. Pour la plupart d’entre elles, le diagnostic ne sera évoqué qu’après la mise en évidence histologique de granulomes épithélioïdes, l’aspect clinique étant trop atypique. La survenue de lésions ulcérées au cours de la sarcoïdose a été rapportée dans près d’une cinquantaine d’observations ⁹,¹⁰. Elles touchent avec prédilection la femme et le sujet à peau dite noire d’origine afro-américaine. Elles peuvent se développer de novo ou compliquer secondairement des lésions spécifiques préexistantes. Elles sont toujours multiples et siègent le plus souvent sur les faces antérieures des tibias. Fréquemment indolores, elles sont de taille et de profondeur variables, cernées d’un bourrelet périphérique inflammatoire et centrées d’une croûte noirâtre adhérente. Elles peuvent s’associer à une atteinte cutanée atrophique spécifique, cliniquement proche de la nécrobiose lipoïdique. La forme ichtyosiforme de sarcoïdose ¹¹ a été décrite dans
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Lupus pernio : larges nodules et plaques annulaires du visage
Fig. 17.9
Lupus pernio de l’oreille
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Fig. 17.8
Fig. 17.10 Réactivation d’une ancienne cicatrice prenant une allure chéloïdienne au cours de sarcoïdes sur cicatrice une vingtaine d’observations, mais est peut être sousestimée par méconnaissance de l’ichtyose considérée à tort comme une « banale » xérose. Il n’existe pas de prédominance de sexe et l’âge moyen de survenue est de 48 ans chez l’homme et de 32 ans chez la femme. Les sujets à peau dite noire sont électivement touchés. Les lésions sont asymptomatiques et se développent élective-
Fig. 17.11 Sarcoïde sur cicatrice du genou gauche associée à des lésions papuleuses spécifiques
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17-6 Sarcoïdose
Fig. 17.13
tumorales ¹⁶, lichénoïdes ¹⁷, pustuleuses ¹⁸, photodéclenchée ¹⁹, hyperpigmentée ², à type de lymphœdème ²⁰ ou de prurigo ².
Formes topographiques Les localisations unguéales sont rares, mais spécifiques par l’infiltration sarcoïdosique de la matrice responsable d’ongles striés, fendillés et atrophiques ou bombés et épaissis ²¹. Elles se voient surtout dans le cadre du lupus pernio associé à une atteinte osseuse sous-jacente et rendent indispensable la réalisation systématique de clichés radiographiques des mains et des pieds devant toute dystrophie unguéale de nature indéterminée. Leur valeur pronostique reste discutée, mais leur présence témoigne le plus souvent d’une maladie évolutive avec atteinte multiviscérale (pulmonaire, oculaire). L’atteinte du cuir chevelu est rare (une trentaine d’observations) et s’observe surtout chez la femme à peau dite noire ²². Elle se présente sous la forme de plaques alopéciques atrophiques et cicatricielles circonscrites (fig. 17.13), parfois squameuses, papuleuses ou infiltrées en bordure par des papules ou des nodules. Cette atteinte s’associe dans près de 90 % des cas à une atteinte viscérale, surtout thoracique, qu’elle peut précéder.
Fig. 17.12 Sarcoïdes hypodermiques : volumineux nodules sous-cutanés associés à des lésions papuleuses sarcoïdosiques spécifiques
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ment sur les jambes, en particulier les zones prétibiales, plus rarement sous une forme érythrodermique. Elle est composée de squames polygonales, épaisses, larges et adhérentes. De rares formes érythrodermiques ichtyosiformes ont été décrites. Dans près d’un cas sur deux il existe des lésions cutanées spécifiques plus typiques associées. Une atteinte viscérale est constamment notée, survenant le plus souvent trois mois plus tard. Le diagnostic différentiel se pose avec les autres étiologies d’ichtyose acquise (néoplasique, inflammatoires, médicamenteuses, métaboliques...). La forme dépigmentante est une forme rare mais classique rapportée dans une vingtaine d’observations ¹². Elle touche avec prédilection le sujet à peau dite noire. Elle peut être localisée ou généralisée, mais siège préférentiellement sur les membres inférieurs. Elle se caractérise par des macules hypopigmentées, d’emblée ou secondairement, souvent entourées d’un halo hyperpigmenté. Le principal diagnostic différentiel se pose avec la lèpre d’autant que l’association lèpre-sarcoïdose a déjà été rapportée. De façon exceptionnelle ont également été rapportées d’autres manifestations cutanées atypiques dont certaines « recoupent » des formes préalablement décrites et sont d’individualisation discutable : formes érythrodermiques ¹³, atrophiques ², psoriasiformes ¹⁴, verruqueuses ¹⁵, pseudo-
Alopécie cicatricielle sarcoïdosique
Fig. 17.14
Atteinte nodulaire sarcoïdosique du palais
Anatomopathologie cutanée 17-7 'JCSFTEFDPMMBHÒOF mCSPTFQÏSJQIÏSJRVFQMVTPVNPJOTNBSRVÏF
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Coll. D. Bessis
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Fig. 17.15 Sarcoïdose cutanée : le derme est envahi sur toute sa hauteur par des granulomes épithélioïdes et gigantocellulaires (hématoxyline-éosine × 4) ; gros plan sur les granulomes sarcoïdosiques (hématoxyline-éosine × 25) L’atteinte de la muqueuse orale n’est pas rare bien qu’une récente revue de la littérature ne collige que 47 cas documentés cliniquement et histologiquement ²³. Elle touche avec prédilection la femme (sex-ratio F/H de 1,7), sans nette prédilection ethnique, âgée en moyenne de 37 ans (5 à 72 ans). La muqueuse buccale, les gencives et les lèvres sont préférentiellement atteintes. Les lésions sont le plus souvent nodulaires (fig. 17.14) ou œdémateuses, plus rarement ulcérées ou à type de gingivite ou d’hyperplasique gingivale. L’atteinte de la muqueuse endonarinaire est la plus souvent rapportée associée à un lupus pernio. Elle se manifeste par des signes d’obstruction nasale et peut évoluer vers l’ulcération avec destruction du cartilage et des os propres du nez. Les atteintes bucco-pharyngées (langue, muqueuse buccale, palais, amygdales) sont le plus souvent latentes. En revanche, l’atteinte génitale est exceptionnelle ²⁴.
Anatomopathologie cutanée Quel que soit le tissu atteint, l’image histologique est identique et représente l’élément indispensable au diagnostic. La lésion histopathologique élémentaire, bien que non pathognomonique, demeure le granulome épithélioïde et giganto-cellulaire. Le granulome sarcoïdosique siège dans le derme papillaire et à la partie supérieure du derme réti-
culaire pour les sarcoïdes à petits nodules et sur toute la hauteur du derme et parfois l’hypoderme dans les formes à gros nodules et en plaques. L’épiderme est intact ou discrètement atrophique. Son centre est constitué de cellules épithélioïdes abondantes groupées en amas et de cellules géantes multinucléées contenant des inclusions cytoplasmiques. En périphérie, il existe une couronne lymphocytaire avec quelques monocytes et éosinophiles. L’absence de nécrose caséeuse est classique. Les nodules granulomateux sont séparés les uns des autres par un tissu conjonctif d’aspect normal (fig. 17.15). La présence de corps étrangers lors de l’examen microscopique en lumière polarisée ne constitue pas un critère d’exclusion au diagnostic de sarcoïdose et a été rapportée dans 22 % des patients souffrant d’une sarcoïdose systémique avec atteinte cutanée spécifique granulomateuse ²⁵. En présence d’un granulome épithélioïde, il conviendra d’éliminer par des colorations spéciales une mycobactériose (Ziehl), une leishmaniose (Giemsa), une mycose profonde (PAS et Gomori-Grocott). De plus, des mises en culture sur milieu spécialisé, un examen de la coupe en lumière polarisée (microcristaux biréfringents en faveur d’un granulome silicotique), voire une PCR (polymerase chain reaction) pour la mise en évidence de génome de mycobactéries, peuvent s’avérer nécessaires.
17-8 Sarcoïdose Tableau 17.1
Principales manifestations systémiques extracutanées de la sarcoïdose Localisations
Fréquence
Poumons
> 90 %
Ganglions
30 %
Principales manifestations Image thoracique normale Adénopathies médiastinales Atteinte parenchymateuse non fibrosante Atteinte fibro-emphysémateuse Adénopathies superficielles et/ou profondes
Œil
20-30 %
Foie
20 %
Hépatomégalie, augmentation des phosphatases alcalines
Glandes endocrines
17 %
Hypercalcémie Rarement diabète insipide, insuffisance antéhypophysaire
Rate Reins
Moelle Os Articulations Estomac
10-25 %
Uvéites+++ Hypertrophie lacrymale et syndrome sec Nodules palpébraux et conjonctivaux Forme orbitaire et neuro-ophtalmique Vascularites
Splénomégalie asymptomatique
3-23 % Forme spécifique : néphropathie interstitielle chronique 40 % (si Formes secondaires : lithiase, néphrocalcinose ponction biopsie Forme glomérulaire : glomérulite extramembraneuse rénale faite) 17 % 10-15 %
Anémie, leucopénie, thrombopénie Dactylite sarcoïdosique, autres atteintes plus rares
10 %
Polyarthrite aiguë non spécifique (Löfgren) Polyarthrite chronique spécifique, spondylodiscite, sacro-iliite
10 %
Épigastralgies, dyspepsie, syndrome sténosant
Système nerveux
5-10 %
Nerfs crâniens (VII), polynévrite, convulsions
Cœur
20-30 %
Myocarde : troubles du rythme, de conduction, insuffisance cardiaque congestive. Risque de syncope ou mort subite Péricardites, endocardites
Glandes salivaires
5%
Hyposialie
Plèvre
3%
Pleurite, pneumothorax
Rare
Souvent asymptomatique
Muscles Organes génitaux
Exceptionnelle
Épididymite
Intestin, œsophage, péritoine, pancréas
Exceptionnelle
Diarrhée (pseudo-Crohn), dysphagie, ascite, fibrose péritonéale
Manifestations systémiques extracutanées Les manifestation systémiques de la sarcoïdose regroupent des signes non spécifiques observés chez un tiers des patients à type de fièvre, asthénie, malaise, perte de poids et des atteintes spécifiques d’organe (tableau 17.1). La fréquence des atteintes viscérales est très variable suivant leur recherche systématique ou non, nécropsique ou non, et la mise en évidence éventuelle par biopsie d’une atteinte granulomateuse spécifique. Les localisations médiastino-pulmonaires sont présentes dans près de 90 % des cas. Rarement isolées (25 %), elles conditionnent en grande partie le pronostic. Elles sont asymptomatiques dans deux tiers des cas, révélées par une radiologie systématique. Elles peuvent être symptomatiques soit à l’occasion de signes fonctionnels respiratoires non spécifiques (toux irritative non productive, dyspnée d’effort), soit par des signes généraux (asthénie fréquente, fièvre et amaigrissement rares), soit par le biais de manifestations extrathoraciques diverses (érythème
noueux, uvéite, arthralgies ou arthrites...). La confrontation des données de la tomodensitométrie thoracique de haute résolution coupes fines, millimétriques et des signes fonctionnels, généraux et physiques permet la classification en type de 0 à IV (tableau 17.2). Le terme de « type » est préférable à celui de « stade », ce dernier impliquant une évolutivité des lésions pulmonaires, certes fréquente, mais non constante. Il est classique de noter la discrétion relative des signes physiques en regard aux lésions pulmonaires radiologiques observées. Le retentissement fonctionnel est évalué par les épreuves fonctionnelles respiratoires qui peuvent mettre en évidence un trouble ventilatoire restrictif avec ou sans trouble de la diffusion du CO, plus rarement un trouble ventilatoire restrictif et des signes de distension au cours des formes évoluées. Les autres localisations endothoraciques bronchique, pleurale, l’hypertension artérielle pulmonaire sont rares. Les principaux signes des autres manifestations systémiques sont rappelées dans le tableau 17.1.
Bilan diagnostique initial d’une sarcoïdose cutanée 17-9 Tableau 17.2
Manifestations médiastino-pulmonaires de la sarcoïdose
Type Clinique
Images radiologiques
Fréquence
0
Absence de signe fonctionnel Examen pulmonaire normal
Image thoracique normale
I
Signes fonctionnels limités (toux sèche) ou absents Signes généraux limités (asthénie) ou absents Examen clinique normal
Adénopathies médiastinales isolées (prédominance hilaire et interbronchique)
50 %
II
Signes fonctionnels limités (deux tiers des cas) : toux sèche ou productive, dyspnée d’effort, douleurs thoraciques Signes généraux : fièvre, asthénie, amaigrissement Examen clinique normal
Adénopathies et infiltration parenchymateuse sans fibrose
25 %
III
Signes fonctionnels limités (deux tiers des cas) : toux sèche ou productive, dyspnée d’effort, douleurs thoraciques Signes généraux : fièvre, asthénie, amaigrissement Examen clinique normal
Infiltration parenchymateuse sans fibrose et sans adénopathie
15 %
IV
Signes fonctionnels quasi constants : dyspnée, toux, hypersécrétion Signes généraux : parfois altération de l’état général Examen clinique normal ou râles crépitants (rare)
Signes de fibrose
Évolution, pronostic et relation entre les manifestations cutanées et l’atteinte systémique ¹,² Évolution et pronostic L’atteinte cutanée de la sarcoïdose est le plus souvent bénigne, mais elle est souvent chronique et résistante aux traitements à l’exception du syndrome de Löfgren. Son pronostic dépend surtout des localisations viscérales associées qui sont estimées à 75 % des cas toutes formes cutanées confondues. Relation entre les manifestations cutanées spécifiques et l’atteinte systémique Les lésions cutanées spécifiques sarcoïdosiques restent isolées dans 25 % des cas, mais doivent être différenciées des réactions granulomateuses sarcoïdosiques secondaires. Les sarcoïdes à petits nodules sont de bon pronostic puisqu’elles restent le plus souvent isolées sans autre manifestation viscérale. Dans 75 % des cas, les sarcoïdes s’associent à des localisations extracutanées, le plus souvent sans corrélation avec leur extension : pulmonaires (70 %) d’évolution parallèle à celle de l’atteinte cutanée ; ganglionnaires hilaires (27 %) ou périphériques (30-70 %) ; oculaires (25-50 %) ; spléniques et/ou hépatiques (17 %) ; ostéo-articulaires (12 %) ; salivaires (8 %) ; neurologiques (5-15 %). Elles se rencontrent préférentiellement avec les lésions cutanées nodulaires (angiolupoïde), les sarcoïdes diffuses en placards (lupus pernio) et les sarcoïdes sur cicatrice. Le lupus pernio est caractérisé par une atteinte fréquente des voies aériennes supérieures (54 % contre 6 % en l’absence de lupus pernio), osseuse sous la forme de kystes sous-jacents aux lésions cutanées des doigts (43 % contre
5-10 %
5-10 %
4 % en l’absence de lupus pernio), oculaire (37 %), pulmonaire (74 %), ganglionnaire (37 %), rénale et cardiaque. Une association à une hypercalcémie et à une hyperglobulinémie est également classique. Les sarcoïdes sur cicatrice surviennent dans trois types de situation : 1o dans 60 % des cas, elles se manifestent au cours de la phase active de la maladie (phase aiguë ou au décours d’un érythème noueux) ou à un stade plus tardif, accompagnant alors d’autres manifestations viscérales ; 2o dans 20 % des cas, elles apparaissent isolées ; dans 20 % des cas, elles précèdent la survenue d’une sarcoïdose systémique ou sont contemporaines d’une rechute en particulier oculaire. Leur évolution est le plus souvent parallèle à l’activité de la maladie.
Bilan diagnostique initial d’une sarcoïdose cutanée Il repose sur l’appréciation de 4 éléments : − authentification de la maladie sur une série de données cliniques, radiologiques, biologiques, immunologiques et histopathologiques ; − bilan d’extension permettant d’orienter le pronostic et le choix du traitement ; − stade évolutif consistant à apprécier l’activité de la maladie. Cette étape est essentielle pour poser l’indication thérapeutique. La présence de manifestations inflammatoires cliniques telles qu’un érythème noueux récent, une fièvre prolongée ou tout autre manifestation viscérale récente ou s’aggravant permet d’authentifier à l’évidence une maladie active et évolutive. À l’inverse, l’absence de toute symptomatologie clinique peut aller de pair avec une sarcoïdose active (par exemple lors de lésions pulmonaires découvertes par un examen radiologique systématique) ; − caractère aigu ou chronique : les formes aiguës (syn-
17-10 Sarcoïdose drome de Löfgren par exemple) ont une tendance à la rémission spontanée au cours des deux premières années, une bonne réponse au traitement et un bon pronostic. Les formes chroniques ont un début insidieux, une évolution prolongée d’allure récidivante et un pronostic réservé en dépit du traitement, sauf en cas de lésions cutanées isolées. Le bilan initial à proposer doit comporter : − examen clinique complet ; − biopsie cutanée mettant en évidence le granulome tuberculoïde sans nécrose caséeuse, parfois complétée de colorations spécifiques (Ziehl) et de mise en culture (milieu de Loewenstein) ; − intradermoréaction à la tuberculine à la recherche d’une anergie tuberculinique ; − radiographie thoracique qui pourra être précisée par la réalisation d’une tomodensitométrie pulmonaire ; (coupes millimétriques) à la recherche d’adénopathies hilaires ou médiastinales ou d’une atteinte parenchymateuse ; − épreuves fonctionnelles respiratoires avec mesure des gaz du sang artériel et de la capacité de diffusion du CO ; − examen ophtalmologique avec examen à la fente et recherche d’un syndrome sec ; − électrocardiogramme à la recherche de trouble du rythme et de la conduction ; − bilan biologique : numération-formule sanguine (recherche de lymphopénie), électrophorèse des protéines (recherche d’une hypergammaglobulinémie polyclonale), biologie inflammatoire, hépatique et rénale, bilan phosphocalcique sanguin et urinaire des 24 heures ; − dosage de l’enzyme de conversion de l’angiotensine : son élévation est inconstante (environ 1 cas sur 2), non spécifique (observée au cours d’autres granulomatoses) sans valeur pronostique, mais son suivi peut constituer un bon marqueur d’activité de la maladie.
Traitement de la sarcoïdose cutanée Il est symptomatique et mal codifié en raison de divers facteurs : absence d’étiologie connue, évolution capricieuse, par poussées, parfois spontanément régressive, insuffisance des études contrôlées. Le but du traitement est de prévenir l’évolution et d’obtenir la régression des symptômes en ayant le minimum d’effets secondaires. L’évaluation thérapeutique sera effectuée en tenant compte du taux de réponses obtenu sous traitement et du taux de rechute à l’arrêt de ce dernier. Seuls les patients ayant une sarcoïdose évolutive et disséminée mettant en jeu le pronostic fonctionnel ou ayant un retentissement esthétique sévère justifient un traitement général. Les autres appellent une attitude plus nuancée ou abstentionniste. Traitements locaux Les dermocorticoïdes sont fréquemment utilisés dans le cas de lésions cutanées localisées et constituent à ce titre un traitement d’appoint aux traitements systémiques en APS antipaludéens de synthèse
raison de leur simplicité d’utilisation et leurs effets secondaires limités. Cependant aucune étude conséquente ne permet de chiffrer avec exactitude leur efficacité. De classe I (activité très forte) ou II (activité forte), ils sont utilisés sous une forme topique, avec ou sans pansement occlusif ²⁶. Leur utilisation sous la forme d’injections intralésionnelles (acétonide de triamcinolone ; 5 à 10 mg/ml, une fois par mois) est rapportée comme efficace dans quelques observations de lupus pernio ou d’atteinte unguéale spécifique mais avec un risque d’atrophie cupuliforme. L’exérèse chirurgicale des sarcoïdes n’est habituellement pas recommandée en raison du risque ultérieur d’infiltration sarcoïdosique des cicatrices, surtout chez le sujet à peau dite noire. Cependant la chirurgie a pu être proposée dans le traitement de certaines lésions linguales et du lupus pernio, parfois suivie de récidives. Des greffes cutanées (autogreffes, Apligraf) peuvent également être appliquées pour combler les pertes de substance en cas de lésions cutanées ulcérées ²⁷. L’intérêt de « nouvelles » thérapeutiques locales telles que le tacrolimus topique ²⁸, la phonophérèse (avec préparation hydrophile d’hydrocortisone à 5 %) ²⁹, le laser CO 2 ³⁰ ou à colorant pulsé ³¹ reste anecdotique. Traitements généraux La corticothérapie générale reste le traitement de choix des formes viscérales sévères de sarcoïdose (oculaire avec risque de cécité, cardiaque, pulmonaire de stade II symptomatique ou III, neuroméningée, hypercalcémie) ³². En revanche, il n’existe pas d’indication à l’utiliser en première intention au cours d’atteintes cutanées isolées sauf si celles-ci constituent un problème esthétique majeur, par leur aspect, leur multiplicité, leur localisation (visage), leur sévérité et leur évolutivité. Les modalités d’administration demeurent empiriques. La posologie habituelle est de 0,75 à 1 mg/kg/j durant 8 à 12 semaines suivie d’une décroissance progressive sur une période de 6 mois à 1 an. L’intérêt d’une dose d’attaque moindre et à jours alternés (30 mg, 1 jour sur 2) n’a pas été établi. Le risque de rebond lors de la décroissance nécessite parfois la prolongation du traitement à doses journalières faibles (5 à 10 mg). Les antipaludéens de synthèse (APS) n’ont fait l’objet d’aucune étude contrôlée en double-aveugle contre placebo dans le traitement des formes cutanées de sarcoïdose. Cependant, il ressort des diverses études (ouvertes, séries rétrospectives et observations) qu’ils ont une action préventive et curative sur les lésions cutanées chroniques cutanées et muqueuses ³³,³⁴. Ils sont indiqués dans trois circonstances principales : 1o lésions chroniques affichantes à l’exclusion du lupus pernio classiquement plus sévère et résistant au traitement, et pour lequel une association APScorticothérapie générale est souvent prescrite d’emblée ; 2o contre-indication aux corticostéroïdes ; 3o traitement d’épargne stéroïdienne. En revanche, leur action sur les manifestations extracutanées est imprévisible, nettement inférieure à celle de la corticothérapie générale, notamment sur les localisations pulmonaires. Ils entraînent une diminution progressive de taille des lésions débutant
Références après 1 à 2 mois après leur introduction, pour aboutir à un blanchiment en 6 mois environ avec une fréquente hyperpigmentation résiduelle. L’effet est le plus souvent suspensif et ce, quelle que soit la durée du traitement. Les lésions restent cependant sensibles à la reprise de l’antimalarique. Les posologies parfois employées dans certaines études (chloroquine [Nivaquine] > 400 mg/j ; hydroxychloroquine [Plaquenil] : 500 à 1 000 mg/j) sont supérieures à celles classiquement recommandées pour d’autres indications dermatologiques (chloroquine : 4 mg/kg/j ; hydroxychloroquine : 6,5 mg/kg/j) et adaptées au poids idéal afin d’éviter le risque de rétinopathie irréversible. Une surveillance ophtalmologique semestrielle clinique, éventuellement associée à un électrorétinogramme, permet d’éviter les complications, en particulier la rétinopathie. Les traitements immunosuppresseurs sont réservés aux formes graves de sarcoïdose chronique, en cas de corticorésistance, de contre-indication ou de mauvaise tolérance aux corticoïdes ³⁵-³⁷. Ils sont prescrits seuls ou en association avec ces derniers. Le méthotrexate semble être le plus actif dans cette indication. La dose utilisée varie selon les auteurs de 10 à 22,5 mg en une prise unique par semaine administrée par voie orale ou intramusculaire ³⁸,³⁹. À cette posologie, la tolérance hématologique est bonne et les effets secondaires réduits à la toxicité hépatique (fibrose) et pulmonaire (pneumonie d’hypersensibilité). Un effet d’épargne cortisonique a également été démontré. Les autres immunosuppresseurs cyclophosphamide, azathioprine, chloraminophène, ciclosporine ont été utilisés dans quelques observations ponctuelles et l’absence de grandes séries ne permet pas de conclure à leur intérêt formel. Le chlorambucil n’a pas été évalué dans le traitement des lésions cutanées ³⁶,³⁷. Les autres traitements sont multiples et leur efficacité n’est rapportée que par des études de petites séries ouvertes ou d’observations ponctuelles. Les tétracyclines ont été évaluées à partir d’une étude ouverte portant sur douze patients atteints de sarcoïdose cutanée chronique et résistant aux antipaludéens de synthèse, traités par minocycline (200 mg/j) ⁴⁰. Une réponse clinique a été observée chez dix malades, complète dans huit cas et partielle dans deux cas, avec un recul moyen de près de 2 ans. Un cas d’hypersensibilité médicamenteuse a été rapporté dans cette étude. La doxycyline a montré une efficacité chez les malades ayant présenté une rechute après l’arrêt de la minocycline. Ces résultats n’ont cependant pas été confirmés depuis. La thalidomide a fait l’objet de plusieurs études prospectives non randomisées soulignant son efficacité dans le traitement
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APS antipaludéens de synthèse · TNF tumor necrosis factor
des atteintes cutanées de la sarcoïdose, à des posologies variant entre 50 et 200 mg/j ³⁵,⁴¹. Ses effets secondaires neurologique, thrombotique et surtout tératogène en limitent néanmoins son utilisation et imposent une contraception efficace et une surveillance neurologique trimestrielle. Les rétinoïdes (étrétinate, isotrétinoïne), l’allopurinol et plus récemment le mycophenolate mofetil, les esters d’acide fumarique, les anti-TNF-α, la photothérapie UVA-1 ⁴² et la photothérapie dynamique ⁴³ ont été testés ponctuellement mais leur place reste à définir dans l’arsenal thérapeutique de la sarcoïdose cutanée. Indications thérapeutiques En cas d’érythème noueux, aucun traitement spécifique n’est nécessaire car son évolution est spontanément favorable. En cas de formes cutanées spécifiques, si l’atteinte cutanée est isolée, modérée (sarcoïdes de petite taille et peu nombreuses), l’abstention thérapeutique est la règle d’autant que l’évolution est capricieuse et la rémission spontanée possible. On pourra cependant recourir à un traitement local par corticothérapie topique, voire intralésionnelle. En cas d’échec et de désir thérapeutique, les antipaludéens de synthèse sont indiqués. Si l’atteinte cutanée est isolée, majeure et profuse, un traitement général s’impose d’emblée pour éviter l’évolution cicatricielle locale, disgracieuse et inesthétique. Les APS seront proposés de première intention pendant une durée de 2 ans, mais les résultats sont inconstants et les récidives fréquentes. En cas d’échec après 3 mois d’antipaludéens de synthèse, une corticothérapie générale est indiquée surtout en cas de préjudice esthétique majeur. Son intérêt reste cependant limité par l’apparition d’une cortico-dépendance à des doses incompatibles avec un traitement prolongé, ou par la survenue de troubles métaboliques qui imposent souvent l’arrêt du médicament au prix d’une récidive des lésions. Le méthotrexate à faibles doses semble offrir des garanties d’innocuité suffisantes pour être prescrit de manière prolongée sous réserve d’une surveillance hépatique régulière. Le thalidomide pourrait également constituer une alternative thérapeutique sous réserve du strict respect de ses contreindications. Si l’atteinte cutanée est associée à une atteinte viscérale mettant en jeu le pronostic vital ou fonctionnel, la corticothérapie générale est indiquée de première intention remplacée ou associée aux immunosuppresseurs (méthotrexate, cyclophosphamide) en cas d’échec.
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17-11
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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Bessis D, Huet P. Sarcoïdose. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 17.1-17.12.
18
Toxidermies avec manifestations systémiques
Annick Barbaud Principales toxidermies avec manifestations systémiques 18-1 Exanthème maculo-papuleux 18-1 Urticaire aiguë, angio-œdème et anaphylaxie 18-2 Pustulose exanthématique aiguë généralisée 18-4 Vasculites médicamenteuses 18-5 Érythème pigmenté fixe 18-5 Syndrome DRESS ou syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse 18-7 Nécrolyse épidermique toxique (syndrome de Lyell et syndrome de Stevens-Johnson) 18-8
L
es toxidermies sont définies comme les complications cutanéo-muqueuses secondaires à l’administration par voie entérale, intraveineuse, sous-cutanée ou intramusculaire de médicaments. Elles constituent l’une des complications iatrogéniques les plus courantes en termes de morbidité et de mortalité. Elles affectent 2 à 3 % des patients hospitalisés ¹. Les plus fréquentes sont l’exanthème maculo-papuleux et l’urticaire dont les évolutions sont presque toujours favorables. À l’opposé, les formes graves de toxidermie et susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital sont rares (2 à 5 %) ¹,². Elles sont représentées par l’anaphylaxie, les vasculites médicamenteuses, la pustulose exanthématique aiguë généralisée, le syndrome DRESS/syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse et la nécrolyse épidermique toxique (syndromes de StevensJohnson et de Lyell). De façon schématique, un médicament peut être responsable d’une éruption cutanée soit par un effet pharmacologique (histamino-libération non spécifique, déclenchement ou excacerbation d’une dermatose commune, interférence avec certains métabolismes, interférence médicamenteuse), soit par un mécanisme immunoallergique (tableau 18.1). Les toxidermies d’origine immuno-allergique font intervenir les réactions immunologiques de type I à IV de la classification de Gell et Coombs ³. Certaines réactions sont intriquées et rendent compte de toxidermies difficilement classables sur le plan physiopathologique telles que la nécrolyse épidermique toxique et l’érythème pigmenté fixe. Elles ont un caractère inattendu, imprévisible et touchent peu de patients. Seules les toxidermies d’origine immunoal EMP exanthème maculo-papuleux
Prise en charge des toxidermies graves 18-11 Conduite à tenir 18-11 Conseils aux patients ayant eu une toxidermie 18-11 Place du bilan dermato-allergologique dans l’exploration des toxidermies 18-12 Test in vitro 18-12 Tests cutanés (tests épicutanés, prick-tests, intradermoréaction) 18-12 Test de réintroduction du médicament (test de provocation orale) 18-13 Références 18-14
lergique avec manifestations systémiques chez l’immunocompétent seront abordées au cours de ce chapitre. Les maladies auto-immunes induites par les médicaments (lupus érythémateux, dermatomyosite, sclérodermies, pemphigus...) sont envisagées séparément dans les chapitres correspondant à l’affection primitive.
Principales toxidermies avec manifestations systémiques Exanthème maculo-papuleux (EMP) Il s’agit de la toxidermie la plus fréquente (30 %). L’EMP est composé de macules et/ou de papules érythémateuses, peu ou non prurigineuses, parfois purpuriques aux membres inférieurs ⁴,⁵. L’association de différents types de lésions rend compte du caractère classiquement polymorphe de l’éruption (morbiliforme en petites plaques, scarlatiniforme en larges plaques, roséoliforme) considéré comme un argument mineur en faveur du diagnostic. L’éruption débute le plus souvent aux coudes, aux genoux et au tronc (fig. 18.1) puis diffuse à l’ensemble du tégument en 3 à 5 jours. Elle peut être accentuée dans les grands plis (exanthème flexural) ou être associée à une atteinte viscérale sous-jacente, surtout hépatique. La recherche systématique de signes de gravité associés est indispensable et conditionne la prise en charge médicale ⁶ (tableau 18.2). L’EMP survient en moyenne 7 à 21 jours lors de la première prise du médicament responsable et 1 à 10 jours lors d’une réintroduction de ce même médicament ⁴,⁵. Il ré-
18-2 Toxidermies avec manifestations systémiques Tableau 18.2
Signes de gravité devant un exanthème maculo-papuleux Signes cliniques
Extension à plus de 60 % de la surface cutanée Fièvre > 38,5 ◦ C
Conduite à tenir Surveillance si un seul signe Hospitalisation si signes associés
Coll. D. Bessis
Adénopathies
Fig. 18.1
Exanthème maculo-papuleux du tronc
gresse en une dizaine de jours après l’arrêt du médicament causal, marqué par une fine desquamation secondaire. Les médicaments les plus fréquemment imputés sont regroupés dans l’encadré 18.A. L’examen histologique cutané est peu spécifique, mettant le plus souvent en évidence un infiltrat lympho-histiocytaire et éosinophilique périvasculaire associé à des degrés variables à une vacuolisation de la basale, des nécroses kératinocytaires et une exocytose lymphocytaire. Les diagnostics différentiels sont nombreux, dominés par les éruptions d’origine infectieuse virale ou toxinique. Chez l’enfant, l’EMP médicamenteux pose le problème particulier du diagnostic différentiel avec une éruption virale ou une intolérance transitoire à un médicament au décours d’une infection virale. Ce dernier mécanisme, assez mal connu, est pourtant probablement en cause dans la plupart des éruptions observées chez l’enfant après la prise d’antibiotiques ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens au cours d’une infection de la sphère ORL. Il s’agit d’une éruption de mécanisme voisin de celui que l’on observe au cours du « rash » de la mononucléose infectieuse après prise Tableau 18.1 toxidermies Type I Immédiate
Principaux mécanismes immunoallergiques des Production d’IgE spécifique Urticaire Liaison IgE surface des mastocytes — Angio-œdème basophiles Choc anaphylactique Liaison médicament-IgE surface Activation mastocytes et basophiles — dégranulation Libération histamine et molécules pro-inflammatoires
Type II
Cytotoxicité anticorps dépendante
Type III
Dépôts de complexes immuns circulants Vasculites médicamenteuses sur paroi des vaisseaux cutanés
Type IV Retardée
Présentation antigène-complexe majeur Exanthème maculo-papuleux d’histocompatibilité type II aux cellules de Langerhans et aux lymphocytes T du derme
À médiation Mécanismes mal connus, en partie cellulaire hypersensibilité retardée de type IV (autres que IV) avec activation de lymphocytes T cytotoxiques ou libérant de l’IL-8
EMP exanthème maculo-papuleux · IL interleukine
Pemphigus induits
Syndrome DRESS Érythème pigmenté fixe Syndrome de Stevens-Johnson Nécrolyse épidermique toxique
Hépatosplénomégalie
Hospitalisation
Œdème ferme du visage, fixe, prédominant aux paupières
Hospitalisation
Érosions muqueuses ou génitales
Hospitalisation
Bulles
Hospitalisation
Décollements cutanés spontanés ou induits (signe de Nikolsky)
Hospitalisation
Présence d’un purpura
Hospitalisation
Présence de pustules amicrobiennes
Hospitalisation
d’ampicilline. L’EMP induit par les médicaments est dû à une hypersensibilité cellulaire retardée à un médicament en rapport à une réponse cellulaire T polyclonale, majoritairement de type CD8 + cytotoxique ⁷,⁸. La nature exacte de l’antigène reconnu par ces lymphocytes T ainsi que le mode de présentation ne sont pas connus. Les tests épicutanés et intradermiques (IDR) peuvent aider au diagnostic étiologique chez les patients ayant présenté un EMP. Parmi 61 patients ayant un EMP avec une imputabilité vraisemblable ou très vraisemblable d’un médicament dans la survenue de cet accident, 33 (54 %) des patients avaient un test épicutané positif avec le médicament responsable tandis que seuls 2 sur 32 (6 %) des patients ayant une urticaire avaient des tests positifs ⁹,¹⁰. Urticaire aiguë, angio-œdème et anaphylaxie L’origine médicamenteuse de l’urticaire rend compte de 10 à 20 % des étiologies d’urticaires aiguës de l’adulte selon les séries. Il s’agit de la deuxième étiologie de toxidermie (20 %). Elle est difficile à affirmer lorsque le traitement a été prescrit pour une étiologie infectieuse, en particulier lors de la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens
Médicaments fréquemment imputés au cours d’EMP Abacavir Allopurinol Aminopénicillines Anticonvulsivants Céphalosporines Cytokines D-pénicillamine Inhibiteurs de l’enzyme de conversion Névirapine Phénothiazines Sels d’or Sulfamides antibactériens
18.A
Principales toxidermies avec manifestations systémiques 18-3
Coll. D. Bessis
ou d’antibiotiques. L’aspect clinique n’est pas discriminatif : plaques érythémateuses, œdémateuses, confluentes en carte de géographie (fig. 18.2), mobiles et fugaces et accompagnées de prurit. L’angio-œdème correspond à un œdème du derme profond et de l’hypoderme responsable d’une sensation de tension. Il touche les régions cutanées très distensibles par l’œdème (visage, organes génitaux) (fig. 18.3) et peut engager le pronostic vital en cas de diffusion à la muqueuse oropharyngée. L’anaphylaxie est d’origine médicamenteuse dans près de 20 % des cas et est alors associée quasi constamment à l’urticaire ou à l’angio-œdème. Ces signes cliniques associent par ordre de fréquence décroissante : dyspnée avec bronchospasme et/ou obstruction laryngée, chute de la tension artérielle pouvant aller jusqu’au collapsus, troubles digestifs (vomissements, diarrhée motrice) et céphalées.
Coll. Dr N. Raison-Peyron, Montpellier
Fig. 18.2 Plaques érythémateuses, œdémateuses à centre clair de l’abdomen : urticaire marginée
Fig. 18.3
Angio-œdème de la lèvre inférieure
Les médicaments les plus fréquemment en cause ¹¹ sont indiqués dans l’encadré 18.B. Le délai d’apparition le plus caractéristique entre la prise médicamenteuse et l’apparition des lésions cutanées est de quelques heures, parfois de quelques minutes. La plupart des urticaires médicamenteuses (probablement plus de 90 %) ne sont pas liées à une réaction allergique vraie par présence d’IgE spécifiques mais à un mécanisme AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens
pharmacologique non allergique (ou pseudo-allergique) : histaminolibération non spécifique (codéïne) ; blocage d’une activité enzymatique (cyclo-oxygénase pour les antiinflammatoires non stéroïdiens, bradykinines pour les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine). Dans ces cas, les tests immunoallergiques (prick-tests, intradermoréactions) sont inutiles, mais il faut savoir conseiller en pratique courante le patient qui développe ces accidents iatrogènes. Les intolérances aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) surviennent chez des sujets urticariens chroniques ou non. Quel que soit l’anti-inflammatoire non sélectif d’anti-cyclo-oxygénase 2 (anti-Cox 2) pris, le patient développe une urticaire, un angio-œdème et ou un asthme ¹². Cette intolérance aux AINS peut s’accompagner d’une polypose naso-sinusienne dans le cadre de la triade de FernandWidal. Chez ces patients, le blocage de la Cox 1 par les AINS favorise la transformation de l’acide arachidonique par la voie métabolique de la 5-lipoxygénase aboutissant à une synthèse importante de leucotriènes, à l’origine d’un asthme et/ou d’une urticaire. Cette intolérance aux AINS récidivera quelle que soit la classe d’AINS utilisée, y compris l’aspirine. Les anti-Cox 2 spécifiques (celecoxib) sont bien tolérés mais la tolérance des AINS anti-Cox 2 non strictement spécifiques comme le méloxicam doit être contrôlée en milieu hospitalier car elle est inconstante ¹²,¹³. Chez ces patients, les tests sont inutiles et il faut déconseiller tous les AINS non strictement sélectifs de Cox 2. Les urticaires profondes récidivantes dues aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) surviennent chez 0,1 à 0,5 % des patients traités ¹⁴,¹⁵. Ce sont des angioœdèmes récidivants, parfois associés à un asthme ou à une détresse respiratoire mettant en jeu le pronostic vital. Leur délai de survenue est variable de 24 h à 7 ans après la mise en route du traitement. Ils pourraient favoriser l’expression d’une allergie alimentaire associée. Ils seraient plus fréquents chez les sujets à peau noire. Leur récidive peut survenir en cas de substitution par un « sartan » (antagoniste de l’angiotensine II) ¹⁶. Les IEC bloquent l’enzyme de conversion et l’aminopeptidase P à l’origine d’une accumulation de bradykinines responsables des manifestations ¹⁵. Les urticaires au bupropion (Zyban) peuvent être dues à une stimulation du système nerveux central avec un effet sympathomimétique indirect par augmentation d’histaminémie ou à un effet central sur le métabolisme de la sérotonine ¹⁷. Les œdèmes palpébraux induits par le tadalafil (Cialis) pourraient être pris à tort pour des angio-œdèmes. Ils semblent en fait être dus à l’inhibition de la phosphodiestérase de type 5 ¹⁸. Les urticaires médicamenteuses sont parfois dues à une hypersensibilité immédiate médiée par des immunoglobulines E (IgE) spécifiques antimédicaments (anaphylaxie vraie). En l’absence d’investigations complémentaires, la réintroduction des médicaments suspects est formellement contre-indiquée puisqu’ils peuvent induire une libération d’histamine plus importante et déclencher une urticaire plus sévère, voire un choc anaphylactique. La recherche
18-4 Toxidermies avec manifestations systémiques Médicaments impliqués dans les urticaires, angio-œdèmes et anaphylaxie ACTH Anti-inflammatoires non stéroïdiens (anti COX-1) Anesthésiques généraux Anticorps monoclonaux recombinants (biothérapies) Aspirine Bêtalactamines (ampicilline, amoxicilline, cefaclor) Chymotrypsine Codéine Colistine Curare et dérivés Immunoglobulines intraveineuses Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine I
Produits de contraste iodés Substances macromoléculaires Morphine Néomercazole Néomycine Pénicillines Sulfate de protamine Quinine Sérums Thiamine Vancomycine
18.B d’IgE circulantes spécifiques est possible pour un nombre très limité de médicaments comme certaines bêtalactamines, les insulines (leur présence est non spécifique d’une hypersensibilité) et les curares. Les tests réalisés sous surveillance hospitalière dans des centres spécialisés comprenant des prick-tests et des intradermoréactions (IDR) peuvent donner des réactions positives immédiates. Par ailleurs, de nombreuses urticaires sont dues à une intolérance à un médicament sans hypersensibilité spécifique d’allergène ¹⁹. Il s’agit d’urticaires qui peuvent se développer chez des patients urticariens chroniques ou non après prise de médicaments (bêtalactamines, AINS, opiacés...), et dont les tests cutanés médicamenteux et/ou la recherche d’IgE spécifiques sont négatifs.
Fig. 18.4 Pustulose exanthématique aiguë généralisée : semis de petites pustules non folliculaires sur un placard rouge vif de l’abdomen et des plis inguinaux AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens · PEAG pustulose exanthématique aiguë généralisée
Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
Pustulose exanthématique aiguë généralisée (PEAG) La PEAG a été individualisée par Beylot et al. ²⁰ en 1980. Elle est d’origine médicamenteuse dans plus de 90 % des cas mais une étiologie infectieuse (coxsackie, échovirus, cytomégalovirus), toxique (mercure) ou alimentaire est possible. Elle se caractérise par le développement rapide en quelques heures ou jours d’un semis d’innombrables pe-
tites pustules (moins de 5 mm de diamètre), non folliculaires, stériles développées sur des placards rouge vif étendus, œdémateux prédominant sur le tronc (fig. 18.4) et dans les plis axillaires et inguinaux. La coalescence des pustules s’accompagne parfois d’un décollement superficiel pouvant préter confusion avec celui de la nécrolyse épidermique toxique (fig. 18.5). L’éruption s’accompagne de sensations de brûlures, de prurit et parfois d’une atteinte muqueuse érosive buccale ou linguale. Une fièvre élevée à 39-40 ◦ C associée à des frissons est constante ainsi qu’une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles. Il existe dans près d’un tiers des cas un antécédent de psoriasis pouvant faire discuter une poussée pustuleuse diffuse de psoriasis (forme de Von Zumbusch). L’examen histologique met en évidence des pustules intraépidermiques et/ou sous-cornées, le plus souvent multiloculaires (fig. 18.6) parfois associée à une nécrose focale des kératinocytes, un œdème du derme papillaire. De façon très inconstante peut être observé une vasculite et/ou un infiltrat périvasculaire comportant des éosinophiles. Les atteintes extracutanées sont rares, marquées par un risque d’insuffisance rénale fonctionnelle par déshydratation, une cytolyse hépatique modérée et des adénopathies périphériques.
Fig. 18.5 Pseudo-Lyell par coalescence des pustules au cours d’une pustulose exanthématique aiguë généralisée
Principales toxidermies avec manifestations systémiques 18-5 Principaux médicaments imputés au cours de la PEAG
crolides (encadré 18.C) ²²,²⁶. La réalisation de patch-tests avec une lecture tardive à 48 heures a un intérêt clairement établi. Ainsi Wolkenstein et al. ²⁵ ont montré que ces tests étaient positifs chez la moitié (7/14) des patients atteints de PEAG. Un test négatif ne permet cependant pas d’exclure la responsabilité du médicament. En revanche, la réintroduction orale est déconseillée en raison de la sévérité potentielle de cette dermatose. Outre l’arrêt immédiat de toute médication pouvant être en cause, le traitement repose sur une hydratation abondante et des soins cutanés afin de prévenir un risque d’infection cutanée. Il n’existe pas de consensus sur l’utilité et l’innocuité éventuelles des corticoïdes par voie orale ou locale dans le traitement de cette affection.
Pristinamycine Amoxicilline Hydroxychloroquine Amoxicilline + acide clavulanique Ampicilline Diltiazem Cotrimoxazole Terbinafine Carbamazépine Spiramycine Spiramycine + métronidazole
18.C
Coll. Dr L. Durand, Montpellier
Le délai de survenue entre la prise du médicament responsable et le début de l’éruption est bref (quelques heures à 2 jours) ou plus long (15 à 21 jours) ²⁰-²⁵. Cette variation de délais s’explique probablement par une sensibilisation préalable (délai court) ou non. L’éruption régresse rapidement, moins de 15 jours après l’arrêt du médicament responsable, sans traitement spécifique et au prix d’une desquamation superficielle. Les médicaments incriminés sont le plus souvent des antibiotiques tels que les β-lactamines et les ma-
Fig. 18.6 Pustulose exanthématique aiguë généralisée : pustule spongiforme sous-cornée (PS) et infiltrat mixte lymphocytaire et neutrophilique périvasculaire (V) du derme
Vasculites médicamenteuses (cf. chap. 6, « Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques ») Les vasculites médicamenteuses sont le plus souvent dues à des dépôts vasculaires de complexes immuns circulants. La présentation clinique commune est un purpura vasculaire prédominant aux membres inférieurs parfois associé à des bulles hémorragiques et/ou à des lésions pseudourticariennes. L’association à des polyarthralgies, des atteintes rénales avec protéinurie ou hématurie associée, digestives ou d’autres organes est fréquente. L’histologie cutanée met en évidence une vascularite leucocytoclasique et/ou nécrosante, parfois avec un infiltrat lymphocytaire. Biologiquement, des complexes immuns circulants, une consommation du complément et la présence d’anticorps anticytoplasme des neutrophiles (ANCA) peuvent être observés. La réadministration du médicament responsable est formellement contre-indiquée. Les médicaments en cause sont très variés : antibiotiques, AINS, sérothérapies, vaccination antigrippale... Il n’existe aucun test in vivo ou in vitro capable de reproduire ces mécanismes. Érythème pigmenté fixe (EPF) Il se définit comme un exanthème « fixe » en raison de la récurrence des lésions cutanées sur le même site en cas de réintroduction médicamenteuse. L’EPF est presque constamment d’origine médicamenteuse, mais des lésions cutanées similaires sont décrites après exposition aux ultraviolets (UVA et/ou UVB) ou après certaines prises alimentaires ²⁷,²⁸. Rare en France, l’EPF est plus fréquemment rapporté dans les pays scandinaves et en Inde. Il débute brutalement par un prurit et des sensations de brûlures localisées. Il se compose de quelques plaques (1 à 10 en moyenne) arrondies ou ovalaires bien limitées, érythémateuses ou rouge violacé, parfois bulleuses en leur centre (fig. 18.7). Elles sont souvent disposées symétriquement sur le tronc ou les membres. L’atteinte des muqueuses génitale ou labiale est fréquente (fig. 18.8). Certaines formes diffuses et bulleuses peuvent évoquer une nécrolyse épidermique toxique (fig. 18.9). Les signes systémiques sont rares et d’intensité variable allant du malaise à une prostation sévère lors de chaque poussée. La présence d’une fièvre élevée, de nausées, de diarrhée, de douleurs abdominales, d’une uré-
AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens · ANCA anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles · EPF érythème pigmenté fixe · PEAG pustulose exanthématique aiguë généralisée
Coll. D. Bessis
18-6 Toxidermies avec manifestations systémiques
Fig. 18.7 Macules ovalaires rouge violacé multiples caractéristiques de l’érythème pigmenté fixe
Coll. D. Bessis
trite ou d’une conjonctivite est rarement rapportée ²⁸. À l’arrêt du médicament inducteur, l’EPF guérit en laissant une pigmentation sur le site préalablement atteint. Lorsque le médicament inducteur est réintroduit, les lésions cutanées apparaissent en quelques heures à 2 jours (en moyenne 2 heures) sur les sites pigmentés préalablement atteints, conférant une teinte violacée au centre de la lésion. La liste des principaux médicaments incriminés est indiquée dans l’encadré 18.D. En cas de réexposition répétée, de nouvelles localisations peuvent se surajouter et les
Fig. 18.8 Atteinte de la lèvre supérieure au cours d’un érythème pigmenté fixe EPF érythème pigmenté fixe
lésions peuvent également augmenter en taille ou en intensité de pigmentation. Quelques observations d’érythème fixe de sémiologie identique à l’EPF mais sans pigmentation résiduelle ont été rapportées sous le terme d’érythème non pigmenté fixe. Histologiquement l’EPF est caractérisé à la phase aiguë par une vacuolisation des cellules basales avec parfois une nécrose kératinocytaire, un œdème dermique et un infiltrat lympho-histiocytaire périvasculaire. La pigmentation observée cliniquement est liée à une incontinence pigmentaire avec présence de dépôts de mélanine et de mélanophages dans la partie superficielle du derme (fig. 18.10). L’EPF est dû à une réaction localisée de cytotoxicité de cellules T-CD8 positives, entraînant une activation et une souffrance des kératinocytes qui expriment la molécule d’adhésion intercellulaire ICAM-1 (CD54). L’absence fréquente de généralisation des lésions pourrait être liée à une régulation immunitaire assurée par des cellules T exprimant le CD4. Les tests épicutanés et en particulier les patch-tests peuvent être intéressants pour explorer les EPF, s’ils sont réalisés sur les sites pigmentés séquellaires ²⁹.
Coll. Dr L. Durand, Montpellier
Coll. Pr J.-J. Guilhou, Montpellier
Fig. 18.9 Pseudo-Lyell au cours d’une forme diffuse et bulleuse d’érythème pigmenté fixe
Fig. 18.10 Érythème pigmenté fixe : nombreuses nécroses kératinocytaires éosinophiles (NK), associées à une vacuolisation basale épidermique (VB). Infiltrat inflammatoire polymorphe du derme papillaire et présence de quelques mélanophages dermiques (M)
Principales toxidermies avec manifestations systémiques 18-7 Principaux médicaments incriminés dans l’EPF Analgésiques Paracétamol Phénylbutazone Piroxicam Acide méfémanique Coll. Pr A. Barbaud, Nancy
Anticonvulsivants (carbamazépine) et barbituriques Antibiotiques Tétracyclines Amoxicilline Rifampicine Triméthoprime-sulfaméthoxazole
Fig. 18.11 Exanthème maculeux coalescent au cours d’un syndrome DRESS induit par la carbamazépine
18.D Syndrome DRESS (« Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms ») ou syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse (SHM) Individualisé par Bocquet en 1996, le syndrome DRESS se définit comme une réaction médicamenteuse grave et fébrile, touchant la peau et au moins un viscère, associé à la présence d’une hyperéosinophilie parfois majeure et/ou d’un syndrome mononucléosique avec des lymphocytes activés hyperbasophiles ³⁰. L’acronyme DRESS est d’utilisation préférable à la terminologie d’« hypersensibilité médicamenteuse », peu spécifique et source de confusion puisque pouvant s’appliquer à toute réaction médicamenteuse idiosyncrasique en rapport avec la classification de Gell et Coombs ³¹,³². Le syndrome DRESS est rare. Son incidence avec des médicaments « à haut risque » tels que les anticomitiaux a été estimée de 1/1 000 à 1/10 000. Un antécédent personnel ou familial de syndrome DRESS ou une ascendance africaine constituent des facteurs de risque. Les signes initiaux sont marqués par des pics fébriles élevés entre 38 et 40 ◦ C, un malaise parfois associé à une pharyngite et des adénopathies cervicales. L’éruption cutanée est présente dans 90 % des cas, à type d’exanthème maculeux et papuleux prurigineux rouge, étendu, symétrique (fig. 18.11). La présence de pustules folliculaires ou non est parfois notée. Un œdème facial, en particulier périorbitaire, persistant est présent dans un cas sur deux, rendant le patient parfois méconnaissable. L’évolution est marquée par la confluence des lésions cutanées en nappes œdémateuses, voire en une érythrodermie (plus de 50 %). L’atteinte muqueuse est rare (10 %) et le plus souvent limitée, à type de chéilite, de conjonctivite ou d’érosions aphtoïdes buccales ou génitales. Histologiquement, l’atteinte cutanée est marquée par un infiltrat lymphocytaire périvasculaire dermique non spécifique avec présence inconstante d’éosinophiles. Un épidermotropisme et la présence de nécroses kératinocytaires sont parfois notés. La possibilité d’atteinte viscérale associée au cours du DRESS est variable tant pour le nombre d’organes atteints que pour le degré de sévérité de l’atteinte. Il n’existe pas de EPF érythème pigmenté fixe
corrélation entre la gravité de l’atteinte cutanée et le degré de sévérité de l’atteinte viscérale ³¹. De plus, une atteinte viscérale peut se développer jusqu’à 1 mois après le début de la réaction cutanée. L’atteinte hépatique est la plus fréquente, marquée par une hépatomégalie inconstante, parfois associée à une splénomégalie et à une cytolyse hépatique (80 %) modérée à sévère (hépatite granulomateuse ou nécrosante fulminante). Une cholestase anictérique avec élévation des phosphatases alcalines et des γ-GT est fréquemment associée. Sur le plan hématologique, une polyadénopathie bilatérale et symétrique est présente dans 30 à 80 % des cas. Histologiquement, il s’agit le plus souvent d’une hyperplasie lymphoïde bénigne, mais la présence de lymphocytes atypiques ou d’aspect histologique évoquant un pseudolym-
Médicaments incriminés dans le syndrome DRESS Anticonvulsivants Phénytoïne Phénobarbital Carbamazépine Lamotrigine Gabapentine Sulfamides Dapsone Sulfasalazine Salazopyrine Sulfamides antibactériens Allopurinol Minocycline Autres Antirétroviraux Inhibiteurs calciques Terbinafine Méthyldopa Anti-inflammatoires non stéroïdiens Captopril
18.E
Fig. 18.12 Lésions érythémateuses en cocarde du dos des doigts caractéristiques de l’érythème polymorphe phome ou de lymphome est observée dans de rares cas (en particulier avec les hydantoïnes) et à l’origine d’une confusion nosologique initiale avec le « pseudolymphome médicamenteux ». L’éosinophilie sanguine est présente dans 70 à 80 % des cas, le plus souvent comprise entre 2 000 et 5 000 éosinophiles par mm3 et s’associe dans 50 à 60 % des cas à un syndrome mononucléosique avec hyperlymphocytose atypique (lymphocytes activés basophiles). L’atteinte rénale est variable, pouvant aller d’une hématurie et/ou d’une protéinurie modérée et/ou d’une leucocyturie aseptique à une insuffisance rénale aiguë justifiant une épuration extrarénale en urgence. D’autres atteintes viscérales ont également été décrites : colique, pulmonaire (pneumonies interstitielles à éosinophiles), pancréatique, cardiaque (péricardite, myocardite), méningo-encéphalique et articulaire et musculaire ³⁰,³¹. Le délai de survenue après l’introduction médicamenteuse est de 2 à 6 semaines (en moyenne 4 semaines). Les principaux médicaments incriminés (encadré 18.E) sont les anticomitiaux, les sulfamides, l’allopurinol et la minocycline. L’intérêt des tests épicutanés dans l’exploration étiologique du syndrome DRESS est mal documenté ³³. La physiopathologie du syndrome DRESS fait intervenir une réponse oligoclonale spécifique de lymphocytes T activés, sécrétant de l’IL-5. Les rechutes cutanéo-viscérales observées plusieurs semaines après l’arrêt du médicament inducteur seraient liées à la réactivation d’une infection par le virus du groupe herpès de type 6 (HHV-6) ³⁴,³⁵. La carbamazépine pourrait également entraîner des perturbations immunologiques propices à la réactivation d’HHV-6 ³⁶. Pour certains auteurs, cette réactivation d’HHV-6 ou d’autres virus favoriserait l’hypersensibilité cellulaire T oligoclonale au médicament en cause dans le DRESS ³⁷. Le syndrome DRESS est potentiellement grave avec une mortalité estimée à 10 %, rapportée surtout en cas d’atteinte hépatique. À l’arrêt du traitement inducteur, il guérit en 10 à 15 jours mais la corticothérapie générale (entre 0,5 et 1 mg/kg/j) peut être proposée en cas d’atteinte viscérale menaçante. Cependant, le risque de corticodépendance et de retard de guérison, peut-être par l’émergence d’une infection virale par HHV-6 ou d’autres virus, reste mal évalué.
Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
18-8 Toxidermies avec manifestations systémiques
Fig. 18.13 Nécrolyse épidermique toxique : décollement cutané en « linge mouillé » diffus du dos Nécrolyse épidermique toxique (syndrome de Lyell et syndrome de Stevens-Johnson) Le syndrome de Lyell (SL) et le syndrome de StevensJohnson (SSJ) sont des toxidermies graves qui constituent des urgences médicales. Ces deux affections associent, à des degrés divers, des décollements cutanés plus ou moins étendus et des érosions muqueuses avec des risques séquellaires sévères. Il est clairement admis, depuis 1993, à partir d’études sémiologiques multicentriques ³⁸,³⁹ que le SL et le SSJ constituent les expressions cliniques plus ou moins sévères d’une même affection, la nécrolyse épidermique toxique (NET) et diffèrent cliniquement de l’érythème polymorphe. L’érythème polymorphe bulleux ou non, avec ou sans atteinte muqueuse, se caractérise par ³⁹-⁴¹ : − un décollement cutané inférieur à 10 % de la surface corporelle ; − des lésions en cocarde ou en cible typiques, de moins de 3 cm de diamètre, à contours bien limités et composées d’au moins 3 zones concentriques, dont 2 anneaux autour d’un disque central, un des anneaux étant un œdème palpable plus pâle que le centre de la lésion ; de lésions en cocarde atypiques, mais en relief et palpables ; − une localisation symétrique et acrale, prédominant à la face dorsale des mains et sur les faces d’extension des extrémités (fig. 18.12) ; − une évolution bénigne (quasi-absence de mortalité et faible morbidité) et d’une origine le plus souvent virale (herpès récidivant, infections à mycoplasmes). L’incidence de la NET est rare, estimée en France entre 1 à 1,3 cas par million d’habitants et par an. Aucune tranche d’âge n’est épargnée et il n’existe pas de nette prédilection de sexe. Elle survient avec prédilection chez le malade immunodéprimé (infection VIH, allogreffe, corticothérapie générale au long cours). L’éruption débute une à trois semaines (moyenne 10 à 12 jours) après l’introduction du médicament inducteur. Elle peut débuter plusieurs jours après l’arrêt du médicament en cas de demie-vie longue, mais ce risque est négligeable si le traitement est pris depuis plus de 2 mois. L’érup-
IL interleukine · NET nécrolyse épidermique toxique · SL syndrome de Lyell · SSJ syndrome de Stevens-Johnson
tion est initialement maculo-papuleuse, douloureuse avec sensation de brûlures et localisée avec prédilection sur le visage et la partie haute du tronc. Elle diffuse rapidement en 2 à 3 jours (parfois quelques heures) à l’ensemble du tégument (fig. 18.13), s’associant parfois à des lésions en pseudo-cocardes, et prédomine sur le tronc et la racine des membres. Les lésions sont rapidement le siège de vésicules confluentes et de décollements épidermiques en « linge mouillé » avec un signe de Nikolsky présent (décollement provoqué par le frottement cutané en peau saine) (fig. 18.14) ⁴²,⁴³. La totalité du tégument peut être touchée. L’évaluation de l’étendue des zones épidermiques décollées s’exprime en pourcentage de surface corporelle atteinte. De façon arbitraire, le SSJ touche moins de 10 % de la surface corporelle, le SL plus de 30 % et le syndrome de chevauchement SSJ-SL entre 10 et 30 % ⁴². L’atteinte muqueuse associée est quasi constante, précédant les lésions cutanées dans un tiers des cas. Les localisations muqueuses sont par ordre décroissant oro-pharyngées, oculaires, génitales et anales (fig. 18.15, fig. 18.16). Elles sont algiques et responsables de lésions croûteuses labiales avec hypersialorrhée et troubles de l’alimentation, de photophobie avec risque de kératite et de cicatrices conjonctivales et cornéennes définitives (près d’un cas sur deux) et de brûlures mictionnelles ⁴⁴. Les manifestations systémiques associent une altération de l’état général constante avec asthénie et anxiété, une douleur cutanée et une fièvre élevée. Des troubles de la thermorégulation, des pertes liquidiennes avec désordre hydroélectrolytique, un risque de surinfection cutanée à staphylocoque doré constituent des risques classiques liés à la destruction étendue de l’épiderme. Une atteinte spécifique respiratoire marquée par une nécrose de l’épithé SL syndrome de Lyell · SSJ syndrome de Stevens-Johnson
Fig. 18.15 Atteinte érosive, croûteuse et hémorragique des muqueuses labiales et nasale au cours du syndrome de Stevens-Johnson
Coll. D. Bessis
Fig. 18.14 Signe de Nikolsky : décollement épidermique provoqué par le frottement cutané
Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
Principales toxidermies avec manifestations systémiques 18-9
Fig. 18.16 Atteinte génitale érosive au cours du syndrome de Stevens-Johnson lium trachéo-bronchique peut toucher près d’un malade sur quatre. Elle débute de façon concomittante au début de l’éruption cutanée et se manifeste par une dyspnée, une hypoxémie sévère et une toux productive non purulente ⁴⁴. L’évolution est fréquemment péjorative par œdème pulmonaire lésionnel et défaillance respiratoire. Une atteinte digestive également spécifique par nécrose de l’épithélium digestif, responsable d’érosions ou d’ulcérations muqueuses
18-10 Toxidermies avec manifestations systémiques
Coll. Dr L. Durand, Montpellier
Principaux médicaments impliqués au cours de la NET
Fig. 18.17 Nécrolyse épidermique toxique : nécrose éosinophile confluente (N) de la majorité de l’épiderme, sans modification de la couche cornée. Clivage de l’épiderme par rapport au derme en un seul bloc (bulle sous-épidermique) et infiltrat inflammatoire discret du derme superficiel parfois sévères, peut être à l’origine de diarrhées diffuses de mauvais pronostic ⁴⁴. Les anomalies hématologiques sont quasi constantes à type d’anémie arégénérative et de lymphopénie, parfois de neutropénie (30 %) considérée comme un facteur de mauvais pronostic et de thrombopénie (15 %) ¹. L’absence d’éosinophilie est habituelle. Une cytolyse hépatique franche et une élévation non spécifique des enzymes pancréatiques est observée dans 30 % des cas. La biopsie cutanée doit être systématique et met en évidence une nécrose de la totalité de l’épiderme, détachée d’un derme peu altéré (fig. 18.17). Malgré les mesures de réanimation qui ont amélioré le pronostic, le décès peut survenir dans 30 % des cas, le plus souvent par surinfection. La guérison est lente en environ 4 semaines. La cicatrisation peut s’accompagner de troubles pigmentaires tardifs (hypo- et hyperpigmentation) et de séquelles muqueuses oculaires (40 %). Le diagnostic différentiel se pose avec l’épidermolyse staphylococcique (syndrome SSS), exceptionnelle chez l’adulte et épargnant presque constamment les muqueuses, l’EPF bulleux généralisé et la PEAG. Dès que le diagnostic de NET est évoqué, le patient doit être hospitalisé en urgence et transféré dans une unité de soins intensifs ou dans un centre spécialisé dans la prise en charge des grands brûlés. Une correction des pertes hydriques et protéiques doit être faite par voie intraveineuse. Si le bénéfice d’une corticothérapie générale en phase précoce n’a pas été démontré, leur effet délétère a par contre été prouvé s’ils sont introduits tardivement ⁴⁵. La thalidomide, le cyclophosphamide, la ciclosporine A ou les plasmaphérèses n’ont pas fait preuve d’efficacité sur de grandes séries de patients ⁴⁵. Les résultats obtenus avec les immunoglobulines intraveineuses sont très variables d’une étude à l’autre ⁴⁶. Plus d’une centaine de médicaments ont été incriminés dans la survenue de la NET ⁴⁷. Les principaux médicaments à risque élevé sont indiqués dans l’encadré 18.F. Dans 5 à 10 % des cas, aucune prise médicamenteuse n’est notée à l’interrogatoire et une étiologie infectieuse en particulier à
Sulfamides antibactériens Antibiotiques Céphalosporines Quinolones Aminopénicillines Tétracyclines Macrolides Antifungiques imidazolés Anticonvulsivants Phénobarbital Phénytoïne Acide valproïque Carbamazépine Lamotrigine Anti-inflammatoires non stéroïdiens (oxicam) Allopurinol Névirapine Corticoïdes
18.F Mycoplasma pneumoniae est suspectée. La physiopathologie de la NET est mal connue, associant des mécanismes immunologiques à une toxicité directe du médicament favorisée par des anomalies du métabolisme médicamenteux d’origine génétique ou virale. Elles aboutissent au développement d’une destruction kératinocytaire par apoptose ⁴⁸,⁴⁹. L’apoptose est caractérisée par une fragmentation de l’ADN, entraînant la mort cellulaire. Un effet prédisposant des maladies auto-immunes comme le lupus érythémateux aigu disséminé et de certains groupages HLA a aussi été évoqué ⁴⁵.
Que faire en cas de toxidermie?
Examiner le patient. Décrire la toxidermie et si possible la photographier. Rechercher des signes de gravité. Établir un schéma chronologique de toutes les prises médicamenteuses. Interrompre tous les médicaments imputables, les remplacer par d’autres d’une classe chimique différente si le traitement s’avère indispensable. Remettre au patient une lettre précisant toutes les classes médicamenteuses interdites jusqu’à un éventuel bilan ultérieur. Dire au patient de ne pas jeter les médicaments suspects mais de les conserver jusqu’au bilan ultérieur. Programmer si c’est possible et si c’est nécessaire un bilan dermatoallergologique dans un centre spécialisé pour les tests cutanés médicamenteux, dans les 6 mois qui suivent. Déclarer tout accident iatrogène grave ou inattendu au centre régional de pharmacovigilance.
EPF érythème pigmenté fixe · NET nécrolyse épidermique toxique · PEAG pustulose exanthématique aiguë généralisée
18.G
Prise en charge des toxidermies graves Prise en charge des toxidermies graves Conduite à tenir Quel que soit le type de toxidermie, la prise en charge repose sur les grandes étapes indiquées dans l’encadré 18.G ⁴,⁵⁰. 1. Le conseil n’est pas donné par téléphone, tout patient ayant une toxidermie doit être examiné. Il est nécessaire de décrire la toxidermie et si possible d’en faire une photographie. 2. Il faut immédiatement faire un examen clinique à la recherche des signes de gravité de cet accident iatrogène. Devant une urticaire, un antihistaminique est administré. En cas d’angio-œdème, d’asthme ou de chute tensionnelle associés, une hospitalisation est indispensable avec, si nécessaire, mise en route du traitement de choc anaphylactique (adrénaline par voie intramusculaire). Devant une éruption érythémateuse maculeuse, les signes de gravité sont à rechercher (tableau 18.2) : extension à plus de 60 % de la surface cutanée, fièvre > 38,5 ◦ C, adénopathies ⁶. Si un seul de ces signes est présent, une surveillance clinique est préconisée. Si plusieurs signes sont associés, une hospitalisation est souhaitable. Djien et al. ⁶ ont montré que la durée d’hospitalisation est augmentée de façon significative s’il existe une éosinophilie supérieure à 500 éléments par mm3 ou si la surface cutanée atteinte est de plus de 60 %. Une hospitalisation sera systématiquement envisagée si l’examen clinique met en évidence une hépatosplénomégalie, un œdème ferme du visage, fixe, prédominant aux paupières, des érosions muqueuses ou génitales, des bulles et/ou des décollements cutanés spontanés, un signe de Nikolsky ou un purpura. En l’absence de signe de gravité, devant un EMP, on peut recommander de réaliser une numération-formule sanguine, un dosage des transaminases, des phosphatases alcalines, de l’urée et de la créatinine et une bandelette urinaire. 3. Il est indispensable de réaliser un schéma chronologique de toutes les prises médicamenteuses. Sur ce schéma, tous les médicaments pris dans les semaines qui précèdent l’éruption seront strictement reportés avec leur date de début et d’arrêt de prescription en recherchant systématiquement les prises oubliées d’antalgiques, les traitements antigrippaux, les hypnotiques... 4. Il faut interrompre tous les médicaments qui peuvent être imputables dans le déclenchement de la toxidermie (tableau 18.3). Le retard d’interruption du médicament responsable entraîne une gravité accrue de la toxidermie ⁴⁵. Il ne faut pas essayer de deviner quel médicament parmi plusieurs a déclenché l’éruption mais faire la liste de toutes les thérapeutiques prises, y compris les médicaments usuels ou supposés être sans effet secondaire comme les suppositoires, collutoires, pastilles pour maux de gorge, collyres, solutions nasales, aérosols, les antalgiques, les hypnotiques, les traitements hormonaux, les antigrippaux, l’homéopathie, la phytothérapie et les infusions. EMP exanthème maculo-papuleux
Tableau 18.3
Chronologies évocatrices dans les toxidermies
Sémiologie
Délai d’apparition après début de prise du médicament
Urticaire, œdème de Quincke
quelques min à 24 h
Vasculite
1 à 10 j
Délai de disparition après arrêt du médicament quelques h à quelques j 2 à 3 semaines
Exanthème maculopapuleux
24 h à 10 j
4 à 10 j
Pustulose exanthématique aiguë généralisée
24 h à 10 j
4 à 15 j
Nécrolyse épidermique toxique
48 h à 20 j
3 à 4 semaines
Érythème pigmenté fixe
24 h à 4 j
1 semaine, mais pigmentation persistante
Syndrome DRESS
5.
6.
7.
8.
quelques j à 6 semaines
plusieurs semaines
Il ne faut pas éliminer la responsabilité d’un médicament parce qu’il avait été rapporté antérieurement. Le plus souvent une toxidermie ne survient pas lors de la première prescription de la molécule mais lors de prises ultérieures. La sensibilisation survient lors d’une prise, mais la révélation de la sensibilisation, ici la toxidermie, se produit lors d’une prise ultérieure. Une déclaration auprès du Centre régional de pharmacovigilance doit être faite en cas de toxidermie grave ou d’un effet secondaire méconnu (non signalé dans la monographie Vidal). Il faut donner immédiatement des consignes écrites au patient vis-à-vis des classes médicamenteuses suspectes qui sont contre-indiquées jusqu’à la poursuite du bilan. En général, il est conseillé de supprimer toutes les classes auxquelles appartiennent les médicaments suspectés d’être inducteurs de l’accident iatrogène. Il faut rappeler au patient de conserver le ou les médicaments responsables car ils pourront être utiles si des investigations complémentaires sont réalisées ultérieurement. Ils permettront par ailleurs de savoir précisément quelle forme commercialisée, quel générique ont été pris lors de la toxidermie. Il faut si possible programmer dans les 6 mois qui suivent un bilan dermato-allergologique pour aboutir à des conseils précis pour le patient vis-à-vis des molécules contre-indiquées de façon définitive et de celles qui pourront être prises en remplacement.
Conseils aux patients ayant eu une toxidermie Une lettre détaillée doit être adressée à tous les soignants susceptibles de suivre le patient. Un double de ce courrier est remis au patient ⁴,⁵⁰. Une carte d’allergie médicamenteuse peut également être rédigée. Sur ce document final doivent figurer la nature de l’accident observé, le ou les noms des molécules suspectes contre-indiquées chez ce patient. S’ils ont été réalisés, les résultats des tests médicamenteux doivent y figurer. Les molécules qui peuvent donner des allergies croisées au sein de la même classe thérapeutique doivent être listées avec leurs dénominations communes internationales (DCI) et jamais sous leurs noms commerciaux (tableau 18.4).
18-11
18-12 Toxidermies avec manifestations systémiques En effet, la remise d’une liste d’éviction comportant les noms commerciaux des médicaments interdits sera dès le lendemain rendue caduque par la sortie d’un nouveau générique. Il faut éduquer le patient à ne jamais faire d’automédication, à toujours montrer son courrier ou sa carte d’allergie et lui expliquer la dangerosité de la reprise d’un médicament suspect (encadré 18.H). Il faut avoir à l’esprit qu’un même médicament avec un nom chimique ou une DCI identique, sous différents noms commerciaux, quelle que soit la forme utilisée (comprimé, sirop, topique cutané, collyre, aérosol...) pourra déclencher une réaction chez des patients sensibilisés à ce médicament. En revanche, pour éviter toute prise intempestive d’un médicament dangereux pour le patient, il est fondamental de lui fournir une liste positive. La liste positive comporte des molécules qui pourront être prises en remplacement de celles qui ont été interdites. Par exemple, pour un patient ayant une sensibilisation aux pénicillines, la liste positive comprendra : − le nom d’un médicament en DCI dont on s’est assuré par une réintroduction de la tolérance, appartenant au même groupe chimique (les bêtalactamines) ou à une autre classe (céphalosporine de troisième génération) ; − le nom de tous les groupes chimiques appartenant à la famille des antibiotiques comme par exemple les macrolides, les cyclines, les synergistines, les quinolones, à condition que le patient n’ait bien sûr pas d’antécédents évocateurs de polysensibilisation. Pour certaines classes, il faudra aussi envisager des solutions de remplacement dans différentes indications du médicament. Par exemple pour une hypersensibilité à l’ibuprofène, on pourra être amené à contre-indiquer les AINS arylcarboxyliques mais à autoriser : − en cas de besoin d’anti-inflammatoire : AINS d’autres classes (oxicams, acide acétylsalicylique, acide niflumique...), corticoïdes ; Tableau 18.4 médicaments
Définitions pour comprendre la classification des
Un médicament appartient :
Exemple 1
Exemple 2
à une famille thérapeutique antibiotique
anti-inflammatoire
comprenant des groupes chimiques
anti-inflammatoires non stéroïdiens
bêta-lactamines
comprenant des classes pénicillines A (parentés chimiques, allergies croisées fréquentes)
arylpropioniques dérivés de l’acide carboxylique
comprenant des molécules avec leur nom chimique : dénomination commune internationale (DCI)
amoxicilline
kétoprofène
vendu sous différents noms commerciaux (dont les génériques) et sous différentes formes galéniques (comprimés, injectables, topiques cutanés, gels, collyres...)
existe sous plus de 20 noms existe en comprimé, différents, seule ou en injectable en gel : Profenid, association : Clamoxyl, Ketum gel Hiconcil, Augmentin
AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens
− en cas de besoin d’antalgique : AINS d’autres classes, paracétamol, opiacés ; − en cas de besoin d’antipyrétique : paracétamol.
Place du bilan dermato-allergologique dans l’exploration des toxidermies Test in vitro Ils comportent les tests de prolifération lymphocytaire, de dégranulation des basophiles humains, les tests de libération d’histamine et de libération des leucotriènes. À l’heure actuelle, aucun de ces tests n’a été validé dans l’exploration des toxidermies. Leur sensibilité est faible et leur spécificité n’est pas déterminée. En dehors des chocs anaphylactiques aux anesthésiques généraux où la recherche d’IgE spécifiques peut être intéressante, il n’existe aucun test in vitro pouvant être utilisé à titre diagnostique pour explorer une toxidermie. Tests cutanés (tests épicutanés, prick-tests, intradermoréaction) Ils relèvent encore du domaine de la recherche clinique et doivent être réalisés dans des services de dermatoallergologie spécialisés ⁹,⁵¹. Le bilan est effectué, si possible, 6 semaines à 6 mois après la disparition de la toxidermie et après l’arrêt d’une corticothérapie générale ou locale et des antihistaminiques. Le médicament peut être testé sous sa forme commercialisée et/ou son principe actif et ses excipients. On débute par des tests épicutanés (patch-tests) qui sont lus à 20 min, 48 h, 96 h et, en cas de négativité, à une semaine. Au cours des urticaires, ces tests sont peu utiles et ne sont pas obligatoires. S’ils sont réalisés, ils doivent l’être en diluant les molécules et en surveillant le patient dans les 20 premières minutes car des réactions urticariennes étendues et des chocs anaphylactiques ont été décrits au
Conseils aux patients ayant eu une toxidermie L’auto-médication est interdite. Avoir le double du courrier médical récapitulatif sur lequel figure le type de toxidermie, les investigations faites et la liste des classes de médicaments interdits. Faire noter cette information sur le carnet de santé. Porter toujours avec soi une carte d’allergie médicamenteuse à placer entre ses papiers d’identité et sa carte de Sécurité sociale (carte Vitale). Avoir la liste des classes de médicaments interdits, les noms des médicaments étant notés en dénomination commune internationale (DCI). Avoir une liste positive de médicaments autorisés qui pourront remplacer les classes interdites. Penser à signaler son hypersensibilité médicamenteuse à tout nouveau médecin et dentiste.
18.H
Place du bilan dermato-allergologique dans l’exploration des toxidermies décours de ces tests faits chez des sujets qui avaient eu des chocs anaphylactiques aux bêta-lactamines, aminosides, diclofénac ³³. On réalise ensuite des prick-tests, dilués en cas d’urticaire, avec le médicament pur dans les autres cas, lus à 20 min et 24 h. En cas de négativité des prick-tests en lecture à 20 min, des intradermoréactions (IDR) sont réalisées sous surveillance hospitalière avec les médicaments existant sous une forme stérile et/ou injectable, préparées avec des dilutions progressives 10−4 , 10−3 , 10−2 , 10−1 et pures par rapport aux concentrations utilisées en thérapeutiques, injectées progressivement toutes les 30 min. Selon les centres, elles sont effectuées sur la face externe du bras, le dos ou l’avant-bras. Les IDR ne sont pas effectuées en cas de NET, de vasculite ou de syndrome DRESS. Les lectures sont effectuées à 30 min, 24 h, 1 semaine en cas de négativité. Les prick-tests et surtout les IDR doivent être réalisés dans des centres expérimentés dans les investigations des accidents médicamenteux car ils peuvent induire une rechute de la toxidermie initiale, surtout avec les IDR. La sensibilité de ces tests est en cours d’évaluation. À partir d’une population large de sujets ayant eu une suspicion de toxidermie, 165 patients ont été sélectionnés car ils avaient tous une imputabilité vraisemblable ou très vraisemblable d’un seul médicament (plus de 70 médicaments étaient en cause) dans leur survenue. Parmi 119 patients ayant eu des tests épicutanés et si négatifs des prick-tests et des IDR, 72 % avaient un test positif ⁹,¹⁰,⁵¹. Un test cutané médicamenteux négatif n’exclut pas la responsabilité d’un médicament dans la survenue d’une toxidermie. La sensibilité de ces tests dépend du type sémiologique de toxidermie observée. Les tests épicutanés, les IDR lues de façon retardée et même les prick tests lus de façon retardée sont intéressants dans l’exploration des toxidermies suivantes : EMP, érythrodermie, PEAG, syndrome DRESS (avec de faibles concentration du médicament), EPF. Les prick-tests sont utilisés pour l’exploration des urticaires mais ils peuvent aussi être positifs de façon retardée dans certains cas d’EMP ⁵². Les IDR sont intéressantes pour l’exploration des urticaires, angio-œdème et choc anaphylactique. La sensibilité des tests cutanés dépend également du médicament en cause. Leur spécificité est en cours de détermination. En effet, ils peuvent être faussement positifs ⁵² : IDR réalisées avec de trop fortes concentrations de médicament, tests épicutanés réalisés avec des médicaments contenant du lauryl sulfate de sodium dans leur formulation, avec la colchicine ⁵² ou le célécoxib testé pur ⁵³. Lorsqu’un test réalisé avec un des médicaments suspectés est positif, le médicament et les molécules de la même classe pouvant donner des allergies croisées sont contre-indiqués chez le patient. Les autres médicaments pris lors de l’éruption peuvent alors être réintroduits sous surveillance. Lorsque les tests cutanés sont négatifs, l’attitude doit être adaptée au type de toxidermie, au médicament en cause et à l’âge du patient.
Test de réintroduction du médicament (test de provocation orale [TPO]) Il est formellement interdit dans le SSJ ou la NET, le syndrome DRESS et les vasculites. Il peut être proposé dans certains EPF et s’effectue à doses progressivement croissantes du médicament et sous surveillance. Dans tous les autres cas, il doit être discuté soigneusement. L’attitude est différente selon que le médicament a une faible ou une forte imputabilité dans le déclenchement de la toxidermie. Lorsqu’un médicament a une faible imputabilité et si les tests sont négatifs, une réadministration du médicament progressive sous surveillance peut être faite. Lorsqu’une urticaire par intolérance médicamenteuse est suspectée, le TPO peut être réalisé avec une stricte surveillance hospitalière. Lorsqu’un médicament a une imputabilité vraisemblable, que les tests sont positifs, le TPO est éthiquement indéfendable. Lorsque le médicament a une imputabilité vraisemblable, que les tests sont négatifs, en l’absence de signes viscéraux associés à la toxidermie initiale, deux attitudes peuvent être discutées avec le patient : soit de réaliser un TPO ⁵⁴, soit de contre-indiquer définitivement le médicament mais en associant cet interdit à la recherche et à l’administration sous surveillance d’une molécule de remplacement. Il faut mettre à part le problème des EMP et des urticaires survenant au décours d’un traitement par bêtalactamines chez l’enfant. Ponvert et al. ⁵⁵ ont montré chez 325 enfants ayant présenté une éruption — 25 % d’entre eux ayant un « rash » sans sémiologie précise décrite — après prise de bêtalactamines que les prick-tests et les IDR étaient positifs dans 7,4 % des cas et que les tests de provocation orale chez des enfants qui avaient des tests cutanés négatifs étaient positifs dans 15/325 cas (4,6 %). Au total, seulement 12 % des enfants étaient réellement allergiques aux bêtalactamines. Chez un enfant, il est préférable de faire la réintroduction d’un médicament suspect sous surveillance hospitalière. Dans les toxidermies sans signe de gravité, il peut être utile de faire des introductions de médicaments de remplacement. Il s’agit de molécules appartenant à la même classe que celle qui a déclenché l’accident, mais avec une structure chimique différente, pour éviter au maximum des réactions allergiques croisées. Des tests cutanés sont réalisés avec cette molécule de remplacement puis, si ces tests sont négatifs, une introduction à doses progressivement croissantes, sous surveillance hospitalière de la molécule est faite dans un centre spécialisé dans la prise en charge des accidents immuno-allergiques médicamenteux. Il sera ainsi possible de contre-indiquer un certain nombre de molécules d’une classe suspecte mais de trouver une solution de remplacement au sein de la même classe thérapeutique. Romano et al. ⁵⁶ ont récemment montré que, chez des patients ayant une allergie immédiate aux bêtalactamines, les sujets ayant des tests cutanés négatifs aux céphalosporines avaient une bonne tolérance lors du TPO avec ces molécules de remplacement.
EMP exanthème maculo-papuleux · EPF érythème pigmenté fixe · NET nécrolyse épidermique toxique · PEAG pustulose exanthématique aiguë généralisée · SSJ syndrome de Stevens-Johnson
18-13
18-14 Toxidermies avec manifestations systémiques La valeur prédictive négative des tests cutanés médicamenteux n’est à ce jour pas déterminée. Chez 898 patients ayant une suspicion d’allergie immédiate médicamenteuse et des tests cutanés négatifs, 241/1 372 (17,6 %) des TPO
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en simple aveugle étaient positifs ⁵⁶. Parmi 106 réintroductions de médicaments dans des toxidermies avec imputabilité et sémiologie connues, 14 (13,2 %) étaient positives (Barbaud A, Watton J., communication personnelle).
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Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Barbaud A. Toxidermies avec manifestations systémiques. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 18.1-18.15.
18-15
19
Maladies systémiques à expression cutanée chez les sujets ayant la peau dite noire
Antoine Mahé, Fatimata Ly Lupus érythémateux 19-2 Lupus érythémateux disséminé 19-2 Lupus érythémateux chronique 19-2 Lupus érythémateux subaigu 19-3 Sclérodermie systémique 19-3
L
es particularités médicales des sujets ayant une peau fortement pigmentée, dite noire, sont de deux ordres ¹ : d’une part, la pigmentation, primaire préexistante ou secondaire à un processus pathologique, peut être à l’origine de modifications de l’aspect de certaines lésions élémentaires par rapport à ce qui est observé sur peau peu pigmentée dite blanche ; il en résulte des particularités sémiologiques, plus ou moins marquées, cependant méconnues par certains praticiens du fait de la description largement prépondérante dans la littérature médicale (pour ne pas dire exclusive dans de nombreux ouvrages) de la sémiologie sur peau blanche. D’autre part, certaines affections, à expression cutanée plus ou moins importante, apparaissent statistiquement plus fréquentes, ou plus rares, ou bien se caractérisent par une plus (ou moins) grande sévérité, ou par des particularités d’un autre ordre, chez les sujets ayant une peau intensément pigmentée par rapport à ceux ayant la peau claire, que cela soit une conséquence directe de la pigmentation cutanée (c’est le cas par exemple pour les pathologies induites par la lumière, qui sont beaucoup plus rares sur peau dite noire), ou dû à des facteurs d’autre nature, constitutionnels ou acquis, sans que souvent il soit possible de faire la part de ces différentes éventualités ; nous trouvons commode, à la suite d’autres auteurs ², de regrouper ce type de particularités sous l’intitulé ethnique, terme dont l’imprécision, soulignée à juste titre, permet du moins de ne pas préjuger des rôles physiopathologiques sous-jacents respectifs de facteurs génétiques, environnementaux, comportementaux, ou socio-économiques. Cette problématique concerne tous les aspects de la pratique dermatologique, aussi bien les affections purement cutanées que celles n’intéressant ce tégument qu’accessoirement. Quoi qu’il en soit, et même si nous souhaitons sou-
Dermatomyosite 19-4 Vasculites 19-5 Sarcoïdose 19-5 Références 19-6
ligner que, dans la grande majorité des situations, il n’y a aucune différence d’expression d’un désordre pathologique selon l’appartenance ethnique ou le degré de pigmentation cutanée, les originalités médicales qui sont liées (avec une physiopathologie plus ou moins élucidée) à ces paramètres nous semblent de façon peu contestable utiles à connaître, tout particulièrement aujourd’hui où les brassages de population font que tout praticien est susceptible d’être sollicité par des sujets ayant une « peau noire », quel que soit son lieu géographique d’exercice. La fréquence relative des maladies auto-immunes chez les sujets d’ascendance africaine est un sujet débattu. En effet, les données épidémiologiques disponibles ont pu suggérer que cette catégorie d’affection était plus rare en Afrique située au sud du Sahara, et au contraire remarquablement fréquente dans les pays développés chez les descendants de sujets africains transplantés, chez qui ces affections seraient en outre volontiers plus sévères que chez les sujets d’ascendance européenne ³. Des théories complexes, faisant intervenir une capacité à développer une réaction auto-immune variant en fonction, d’une part, du patrimoine génétique, et d’autre part, d’agressions infectieuses de l’environnement, ont été avancées pour expliquer ces discordances ³,⁴. En fait, il n’est pas exclu que les données statistiques, souvent purement hospitalières, à l’origine de ces interprétations, ne soient sujettes à d’importants biais de recrutement, à une méconnaissance courante du diagnostic de maladie auto-immune étant par exemple à attendre dans un contexte de pays en développement. De même, y compris dans les pays du Nord, la gravité particulière de plusieurs affections pourrait n’être que le reflet d’un retard à la consultation d’une population globalement défavorisée. En pratique, il nous semble surtout
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19-2 Maladies systémiques à expression cutanée chez les sujets ayant la peau dite noire
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Fig. 19.2 Aspect de « lupus-lichen » chez une patiente ayant appliqué des produits à base d’hydroquinone de façon prolongée. Ce type de lésion régresse plus ou moins rapidement à l’arrêt de la pratique de dépigmentation
Fig. 19.1 Lupus érythémateux chronique « vitiligoïde ». Un examen clinique superficiel aurait pu conclure à un vitiligo, mais il existe un érythème inflammatoire violacé, une hyperchromie « jonctionnelle » périphérique et de discrètes modifications de surface important de savoir évoquer une maladie auto-immune indépendamment de l’origine d’un patient, en faisant notamment preuve de scepticisme vis-à-vis de données anciennes faisant état d’un caractère plus ou moins exceptionnel de telle ou telle entité au sein de certains groupes ethniques. Sans préjuger de ses mécanismes, la notion de gravité particulière de certaines affections sur terrain « africain » est à retenir, à condition de ne pas en faire une règle absolue.
Lupus érythémateux Lupus érythémateux disséminé Aux États-Unis, l’incidence du lupus érythémateux disséminé est considérée comme étant plus élevée chez les Africains-Américains par rapport aux « Caucasiens », la maladie ayant de plus tendance sur ce terrain à survenir à un âge plus jeune et à exprimer une plus grande sévérité, avec notamment une atteinte rénale plus fréquente et un décès survenant plus souvent en cours d’évolution ⁵. À Londres, l’incidence du lupus a été rapportée comme environ quatre fois plus élevée chez les Afro-Caribéens et les sujets originaires d’Afrique de l’Ouest par rapport aux Européens ⁶. Certaines de ces différences, parfois également notées aux
États-Unis chez les « Hispaniques », sont susceptibles d’être expliquées au moins en partie par des caractéristiques socioéconomiques différentes de celles de la population caucasienne, notamment en terme d’accès aux soins, thématique faisant l’objet d’investigations croissantes, ainsi que par un biais de recrutement hospitalier, les Africains-Américains ayant par exemple tendance à consulter plus souvent dans les structures hospitalières publiques que privées. Par ailleurs, un profil clinico-immunologique particulier du lupus a été suggéré sur ce terrain : rareté d’une photosensibilité manifeste et d’ulcérations buccales, fréquence plus élevée de lésions discoïdes, de manifestations séreuses et psychotiques, ainsi que la présence d’anticorps anti-Sm et anti-RNP ⁷. Sur le plan sémiologique cutané, l’éruption du visage en « loup » est indiscutablement plus rare, ou tout au moins plus difficile à identifier en cas de pigmentation cutanée importante. En l’absence de données objectives publiées sur le sujet, le fait que la photosensibilité lupique soit moins manifeste que lorsqu’il s’agit de sujets ayant une peau claire ne préjuge pas de l’influence éventuelle d’expositions solaires intempestives sur l’évolutivité générale de la maladie ; par conséquent, il nous semble raisonnable de conseiller ici des mesures de protection solaire analogues à celles proposées aux sujets ayant la peau claire. Lupus érythémateux chronique La sémiologie classique sur peau claire (érythème, atrophie, hyperkératose) est enrichie sur peau dite noire de troubles pigmentaires, qui sont constants mais de type variable. L’aspect le plus fréquent, et le plus évocateur, consiste en une dépigmentation achromique uniforme ; une forme dite vitiligoïde, où l’achromie est au premier plan du tableau et les autres signes dermatologiques sont d’expression minime, pouvant simuler un vitiligo, a été décrite ⁸ (fig. 19.1). Une hyperpigmentation intense, « jonctionnelle », par incontinence pigmentaire secondaire à la dégénérescence liquéfiante de cellules de la couche basale de l’épiderme, est également possible. Selon la prépondérance de l’une ou l’autre de ces lésions élémentaires dyschromiques, les aspects réalisés peuvent être relativement polymorphes, mais le diagnostic reste en règle aisé. Un diagnostic diffé-
Fig. 19.3 Lupus érythémateux subaigu. L’hyperchromie est intense, étendue, et dépasse apparemment largement les zones actuellement inflammatoires rentiel supplémentaire sur peau pigmentée est représenté par les éruptions du visage décrites sous l’intitulé de « lupuslichen », secondaires à l’emploi de produits dépigmentants à base d’hydroquinone (fig. 19.2), ainsi que par le lichen actinique. Lupus érythémateux subaigu Le tableau clinique est ici marqué par la fréquence de troubles pigmentaires à type d’hyperchromie jonctionnelle, laquelle peut donner l’impression d’être disproportionnée par rapport à l’importance visible du phénomène inflammatoire érythémateux à son origine (fig. 19.3). Par ailleurs, les aspects décrits au cours de la « dermatose cendrée », entité décrite curieusement uniquement en Amérique latine, nous semblent parfois proches de ceux du lupus subaigu ; en l’absence d’explorations immunologiques poussées dans certaines séries de « dermatose cendrée », il est possible qu’une partie des observations rapportées comme telles corresponde en fait à des cas de lupus subaigu, affection qui nous semble en constituer tout au moins un diagnostic différentiel important.
19-3
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Sclérodermie systémique
Fig. 19.4 Achromie mouchetée profuse caractéristique de sclérodermie systémique
Sclérodermie systémique Sur le plan épidémiologique, les données de la littérature nord-américaine sont en faveur d’une plus grande incidence et d’un début à un plus jeune âge, ainsi que d’une atteinte cutanée plus diffuse, chez les Africains-Américains par rapport aux « Caucasiens » ⁹ ; une origine africaine a été également rapportée comme constituant un facteur de risque pour une atteinte pulmonaire spécifique ¹⁰ ; les anticorps anticentromère sont considérés comme plus rares sur ce terrain, contrairement aux anti-topo I, anti-fibrillarin, et anti-RNP qui seraient plus fréquents ⁹. En France, la sclérodermie systémique serait plus fréquente chez les sujets d’origine non européenne ¹¹. Outre un possible biais de recrutement hospitalier, pouvant également expliquer en partie la gravité relative des formes observées chez les sujets d’origine africaine, la rareté apparente des formes localisées à type de « CREST syndrome » sur ce terrain pourrait être liée à la plus grande difficulté de reconnaître un syndrome de Raynaud (de plus moins fréquent dans les pays chauds) chez les sujets ayant une pigmentation cutanée intense ; sur ce terrain, le diagnostic ne peut en effet être le plus souvent qu’un diagnostic d’interrogatoire (recherche d’une douleur des extrémités digitales au froid), l’inspection ne mettant en règle pas en évidence les modifications
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19-4 Maladies systémiques à expression cutanée chez les sujets ayant la peau dite noire
Fig. 19.6
Poïkilodermatomyosite
colorimétriques observées typiquement sur peau claire. La capillaroscopie est également ici d’un faible apport. Sur le plan sémiologique, une particularité fondamentale de la sclérodermie systémique sur peau dite noire est constitué par la présence très fréquente de zones de dépigmentation mouchetée (fig. 19.4). Les principales localisations de cette dépigmentation très évocatrice, qui ne se superposent pas obligatoirement à des zones de sclérose cutanée, sont la face antérieure du thorax, la conque de l’oreille, l’angle interne des paupières, et certaines zones intéressées par la sclérose comme les avant-bras. Il existe parfois également des zones de dépigmentation uniforme de petite taille au niveau des doigts. L’achromie peut permettre d’identifier des télangiectasies associées, autre signe évocateur de la maladie qui est sinon difficile à mettre en évidence du fait de la pigmentation. La dépigmentation peut être affichante et susciter une demande thérapeutique spécifique, mais ne semble malheureusement sensible à aucun traitement, symptomatique ou de fond ; une régression spontanée partielle est toutefois possible. Il n’y a pas d’explication connue à la fréquence de survenue de cette manifestation dyschromique si particulière sur peau dite noire, qui contraste avec son apparente absence sur peau claire ; nous suggérons que c’est la pigmentation physiologique des peaux dites noires qui révélerait une forme particulière d’achromie respectant les orifices pilaires, en
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Fig. 19.5 Œdème périorbitaire au cours d’une dermatomyosite ; l’aspect « lilacé » fait défaut
Fig. 19.7 Vascularite. Le purpura est peu visible, relégué au second plan de la sémiologie par des lésions nécrotiques secondaires fait également présente sur peau dite blanche mais inapparente par défaut de contraste. Une variante dite nodulaire de sclérodermie systémique, caractérisée par la survenue de lésions d’allure chéloïdienne multiples simultanément à des manifestations systémiques propres à la maladie sclérodermique, a été décrite de façon apparemment élective chez des sujets ayant des origines africaines ¹².
Dermatomyosite Les symptômes cutanés de la dermatomyosite sont plus difficiles à évaluer sur peau fortement pigmentée que sur peau claire, du fait d’une composante érythémateuse prépondérante qui devient peu visible : l’érythème « lilacé » des paupières est remplacé par une hyperpigmentation discrète, ou fait défaut (fig. 19.5) ; l’érythème péri-unguéal n’est pas ou peu visible. Au cours d’une observation de dermatomyosite chez une Jamaïcaine, les signes cutanés se résumaient à une hyperpigmentation du dos des mains et de la région périorbitaire, s’accompagnant de fissures des cuticules unguéales ¹³. Au contraire, les papules de Gottron ont souvent un aspect achromique facilitant leur mise en évidence. Un aspect poïkilodermique est également aisé à identifier (fig. 19.6). Des troubles dyschromiques vitiligoïdes focaux sont parfois observés, ainsi que, rarement des aspects
Sarcoïdose
Vasculites
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En France, la prévalence des vasculites systémiques graves chez l’adulte a été rapportée comme étant plus élevée chez les sujets d’origine européenne par rapport aux nonEuropéens ¹⁴. En Angleterre au contraire, la maladie de Kawasaki et d’autres formes de vasculites ont été rapportées comme étant plus fréquentes chez les enfants originaires d’Inde ¹⁵ ; un ratio analogue a été rapporté aux États-Unis chez les sujets originaires du Pacifique et d’Asie ¹⁶. En ce qui concerne la maladie de Behçet, celle-ci semble très inhabituelle chez les sujets originaires d’Afrique sub-saharienne, sans doute du fait de la rareté relative dans cette population des allèles HLA connus comme étant fortement associés à cette maladie. Sur le plan sémiologique, l’identification du purpura infiltré typique des vasculites leucocytoclasiques est plus difficile
Fig. 19.8
Sarcoïdose hypochromique profuse
que sur peau dite blanche, le purpura n’étant franchement visible que sur peau relativement claire. Souvent, des aspects secondaires, nécrotiques ou bulleux, sont en fait au premier plan de la symptomatologie (fig. 19.7). Les symptômes de la périartérite noueuse sont en règle facilement appréciables. C’est sur un autre plan qu’il nous semble important d’insister : chez les sujets originaires de zones endémiques pour la lèpre, l’érythème noueux lépreux, parfois révélateur, réalise un tableau général et cutané qui peut simuler de près une périartérite noueuse : efflorescence de nodules dermiques avec lésions histologiques de vascularite nécrosante des petits et des moyens vaisseaux, neuropathies périphériques aiguës, arthrites, et fièvre, sont en effet possibles au cours des deux entités.
Sarcoïdose La fréquence particulière de la sarcoïdose chez les sujets d’origine antillaise est une notion bien connue. À ce propos, il convient d’éviter à notre avis deux erreurs qui seraient : 1o d’étendre cette prédisposition, effectivement flagrante mais qui ne concerne qu’un groupe de population bien défini, à d’autres groupes ayant un degré de pigmentation similaire, notamment celui des Africains sub-sahariens chez qui aucune donnée n’a en fait documenté une telle prédisposition. Rappelons au contraire que la sarcoïdose est une affection considérée comme rare en Afrique, même si la méconnaissance de nombreux cas, susceptibles d’être confon-
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d’achromie mouchetée voisins de ceux observés au cours de la sclérodermie ; nous souhaitons récuser toutefois la notion selon laquelle les sclérodermies sur peau dite noire seraient majoritairement des sclérodermatomyosites : si cette éventualité existe, elle est, dans notre expérience, largement minoritaire par rapport aux cas de sclérodermie systémique (ou de dermatomyosite) « purs ».
19-5
Fig. 19.9 Aspect de Facial Afro-Carribean Childhood Eruption (FACE) chez une Africaine âgée de 14 ans. Les lésions, qui étaient satellites d’une application de corticoïdes locaux, ont régressé complètement après un traitement oral par cyclines de quelques semaines
19-6 Maladies systémiques à expression cutanée chez les sujets ayant la peau dite noire dus avec une tuberculose ou, pour ce qui est des formes dermatologiques, une lèpre, ne peut être exclue ; 2o d’attribuer toute manifestation médicale inhabituelle survenant chez un patient originaire des Antilles, surtout si elle est histologiquement granulomateuse, à une sarcoïdose. Nous ne détaillerons pas l’ensemble des manifestations dermatologiques possibles de la sarcoïdose sur peau dite noire, dont le polymorphisme a été souligné à de multiples reprises ¹⁷. Un aspect sur lequel il nous semble cependant important d’insister concerne les formes hypochromiques de cette affection, non exceptionnelles et volontiers trompeuses. Il peut s’agir d’une hypochromie accompagnant des lésions papuleuses par ailleurs typiques, par exemple à leur périphérie, mais aussi de formes purement maculeuses (fig. 19.8). La sarcoïdose nous semble ainsi constituer un diagnostic à savoir évoquer facilement devant une hypochromie sur peau dite noire, tout particulièrement lorsqu’il s’agit de lésions disséminées, au même titre qu’une lèpre, un mycosis fongoïde hypochromique, ou un vitiligo minor. Par ailleurs, une affection granulomateuse à prépondérance ethnique qui ne doit pas être confondue avec la
1 Mahé A. Dermatologie sur peau noire. Doin, Paris : 2000. 2 Cruickshank JK, Beevers DG, eds. Ethnic factors in health and disease. Oxford : ButterworthHeinemann, 1989. 3 Clark IA, Al-Yaman FM, Cowden WB, Rockett KA. Does malarial tolerance, through nitric oxide, explain the low incidence of autoimmune disease in tropical Africa ? Lancet 1996 ; 348: 1492-1494. 4 Adebajo AO. Low frequency of autoimmune disease in tropical Africa. Lancet 1997 ; 349:361362. 5 Uribe AG, Alarcon GS. Ethnic disparities in patients with systemic lupus erythematosus. Curr Rheumatol Rep 2003 ; 5:364-369. 6 Molokhia M, McKeigue PM, Cuadrado M, Hughes G. Systemic lupus erythematosus in migrants from west Africa compared with AfroCaribbean people in the UK. Lancet 2001 ; 358: 1182. 7 Ward MM, Studenski S. Clinical manifestations of lupus erythematosus. Identification of
sarcoïdose est l’entité décrite sous le nom de Facial AfroCaribbean Childhood Eruption (FACE) ¹⁸. Cette maladie est caractérisée par la survenue, chez des enfants originaires de la région Caraïbe mais aussi d’Afrique, de papules plus ou moins inflammatoires du visage prédominant dans la région médio-faciale, au niveau péribuccal et périoculaire notamment, avec atteinte possible et évocatrice des paupières (fig. 19.9). L’histologie, qui à notre avis n’est pas habituellement requise du fait de l’aspect assez caractéristique du tableau clinique, mettrait en évidence un granulome épithélioïde banal. Une régression est possible sous traitement oral par cyclines, classe médicamenteuse qui en représente le traitement de choix, ou, en cas de contre-indication, macrolides. La physiopathologie de cette affection rare, qui semble proche de cas décrits chez des enfants ayant la peau claire sous les intitulés de « dermatite périorale granulomateuse de Gianotti », ou de « dermatite périorificielle papuleuse », ou de certaines rosacées, est assez mystérieuse ; on retrouve dans certains cas une application intempestive de corticoïdes.
racial and socioeconomic influences. Arch Intern Med 1990 ; 150:849-853. 8 Jacyk WK, Damisah M. Discoid lupus erythematosus in the Nigerians. Br J Dermatol 1979 ; 100:131-135. 9 Reveille JD. Ethnicity and race in systemic sclerosis : how it affects susceptibility, severity, antibody genetics, and clinical manifestations. Curr Rheumatol Rep 2003 ; 5:160-167. 10 Steen VD, Conte C, Owens GR, Medsger TA. Severe restrictive lung disease in systemic sclerosis. Arthr Rheum 1994 ; 37:1283-1289. 11 Le Guern V, Mahr R, Mouthon L et al. Prevalence of systemic sclerosis in a French multiethnic country. Rheumatology (Oxford) 2004 ; 43:1129-1137. 12 Cannick L, Douglas G, Crater S, Silver R. Nodular scleroderma : case report and literature review. J Rheumatol 2003 ; 30:2500-2502. 13 Bottomley WW, Goodfield MDJ. A case of dermatomyositis presenting as localized hyperpigmentation of the hands and face. Br J Dermatol 1995 ; 132:670-671.
14 Mahr A, Guillevin L, Poissonnet M, Ayme S. Prevalence of polyarteritis nodosa, microscopic polyangiitis, Wegener’s granulomatosis, and Churg-Strauss syndrome in a French urban multiethnic population in 2000 : a capturerecapture estimate. Arthritis Rheum 2004 ; 51: 92-99. 15 Gardner-Medwin JM, Dolezalova P, Cummins C, Southwood TR. Incidence of HenochSchonlein purpura, Kawasaki disease, and rare vasculitides in children of different ethnic origins. Lancet 2002 ; 360:1197-1202. 16 Holman RC, Curns AT, Belay ED et al. Kawasaki syndrome hospitalizations in the United States, 1997 and 2000. Pediatrics 2003 ; 112:495-501. 17 Jacyk WK. Sarcoidosis in black South Africans. Int J Dermatol 1999 ; 38:841-845. 18 Williams HC, Ashworth J, Pembroke AC, Breathnach SM. FACE, Facial Afro-Caribbean childhood eruption. Clin Exp Dermatol 1990 ; 15: 163-166.
Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Mahé A, Ly F. Maladies systémiques à expression cutanée chez les sujets ayant la peau dite noire. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 19.1-19.6.
20
Capillaroscopie péri-unguéale
Jean-Jacques Morand Étude du réseau vasculaire péri-unguéal 20-1 Principales anomalies capillaroscopiques péri-unguéales observées en médecine interne 20-3
Références 20-6
L
Étude du réseau vasculaire péri-unguéal Elle doit être rigoureuse et porter sur l’ensemble des doigts (les auriculaires étant souvent les plus préservés, les pouces étant difficiles à examiner et volontiers traumatisés ; une légère flexion du doigt diminue les reflets lumineux ; il faut se méfier des artéfacts liés à la compression du doigt par le manipulateur) et suivre un plan précis (encadré 20.A) même si l’expérience montre qu’une observation globale et rapide parfois même à faible grossissement, permet l’évocation
Coll. Pr J.-J. Morand, Toulon
a capillaroscopie péri-unguéale est une méthode simple, non invasive, assez rapide, reproductible et de coût modeste, permettant d’évaluer in vivo la microcirculation digitale. Elle permet de dépister précocement une sclérodermie et constitue de ce fait un examen d’exploration des acrosyndromes vasculaires. Le choix de ce site d’examen s’explique par l’horizontalisation des capillaires en arrière de la cuticule unguéale ; la technique la plus usitée demeure l’analyse en microscopie optique (avec un grossissement allant de 10 à 50 fois) par technique d’épi-illumination de l’épiderme grâce à un éclairage puissant par lumière froide et après application d’une goutte de vaseline liquide ou d’huile sur la peau. La vidéomicroscopie facilite, grâce à des caméras miniaturisées avec éclairage incorporé et optique grossissante, l’étude des zones plus difficiles d’accès et notamment des orteils. La numérisation des images permet le stockage des données, leur comparaison et l’analyse qualitative et quantitative, assistée par ordinateur, des anomalies capillaires. La capillaroscopie du « médecin aux mains nues » est réalisée grâce au dermatoscope. L’élément fondamental d’analyse est la boucle capillaire (pour près de la moitié en épingle à cheveux chez le sujet normal) avec une branche afférente artérielle de 8 à 10 μm et une branche efférente veineuse plus épaisse de 10 à 14 μm (fig. 20.1). Fig. 20.1
Représentation schématique de la boucle capillaire
d’un certain « pattern » ou la vision d’une anomalie pertinente. Les dystrophies capillaires attirent ainsi le regard ; certaines sont toujours pathologiques comme le mégacapillaire (fig. 20.2) qui correspond à un capillaire dilaté de diamètre supérieur à 50 μm (habituellement autour de 100 μm) et de faible longueur (100 à 300 μm) ; d’autres ne le sont qu’en fonction de leur nombre (fig. 20.3). Il existe
20-2 Capillaroscopie péri-unguéale Recueil des données en capillaroscopie péri-unguéale
Mensurations − Densité du réseau capillaire : 9 à 13 anses / mm. − Nombre de rangées : 1 à 3, parallèles entre elles et à l’axe du doigt. − Longueur = 200 à 400 μm. − Diamètre afférent = 8 à 10 μm, diamètre efférent = 10 à 14 μm, pour les capillaires typiques en « épingles à cheveux ». − Nombre et superficie des zones avasculaires = 0. Morphologie capillaire − Aspect (sinuosités, variations de calibre) : les branches d’une boucle capillaire peuvent se croiser une à deux fois donnant une sinuosité en anneau ou en huit. − Mode de ramification : la seule ramification observable chez le sujet normal est la confluence de 2 ou 3 branches efférentes ou « candélabre veinulaire ». Fonctionnement capillaire − Flux sanguin : continu avec des variations de vitesse ou intermittent avec des arrêts sans périodicité régulière. − Vitesse 0,7 mm / seconde (branche afférente > efférente). − Couleur : rouge vif normalement (coloration plus foncée, violine en cas de stase). − Aspect (fonction de la vitesse du flux) : homogène (granulaire en cas de ralentissement, discontinu en cas d’agrégation érythrocytaire). − Vasolabilité (estimation des variations de régime d’écoulement du sang sur une minute). Veinules sous-papillaires − Visibilité (fonction de l’épaisseur de la couche cornée péri-unguéale) : diminuée chez le travailleur manuel ou le sujet pigmenté, augmentée en cas d’atrophie cutanée, chez l’enfant et le vieillard ; chez le sujet normal, les veinules sont à peine visibles. − Aspect : normalement en « candélabre » ou en « palissade », de couleur sombre bleutée, de diamètre = 20 à 35 μm. Tissus péricapillaires − Couleur de fond et transparence (fonction de la pigmentation épidermique et de la réplétion sanguine des vaisseaux sous-papillaires) : normalement rose clair, transparent, avec des contours de capillaires (en fait des colonnes de globules rouges) bien nets. − En cas d’œdème (inflammatoire ou de stase), les contours de la papille dermique sont soulignés, formant un halo clair autour de la boucle capillaire. − En cas d’hémorragie, on observe un croissant rouge orangé au-dessus de la boucle capillaire qui régresse selon les couleurs de la biligénie.
17.A des sinuosités capillaires physiologiques (fig. 20.4) et des tortuosités capillaires (en « tire-bouchon » ou en « feuille de fougère ») (fig. 20.5) qui sont pathologiques lorsque leur proportion dépasse 10 % des vaisseaux. De même l’existence de zones avasculaires (plage déserte = moins de 2 anses par millimètre) est anormale. On dénombre en moyenne une douzaine d’anses capillaires par millimètre selon une disposition parallèle répartie en deux ou trois rangées ; parfois, en raison d’une certaine atrophie cutanée (polyarthrite rhumatoïde) ou bien d’une stase (myocardiopathie) le réseau profond notamment veinulaire (plexus sous-papillaire) est plus visible et l’on observe des images en candélabre. L’aspect en « banc de poissons » n’est pas non plus spécifique mais se retrouve plus volontiers lors de micro-angiopathie diabétique. L’observation du lit capillaire et de sa périphérie permet d’observer des microhémorragies généralement en « volutes de fumée » (fig. 20.6), se transformant par phénomène de biligénie en pigments brunâtres qui migrent vers le rebord épidermique ; elles résultent d’une extravasation érythrocytaire fréquente lors de vasculite, et ne doivent pas être confondues avec des pétéchies traumatiques. On peut noter aussi un flou du fond ou un halo clair lors d’inflammation. L’analyse plus fine au fort grossissement (× 100) objective le
type d’écoulement des érythrocytes qui se déforment dans la lumière capillaire et qu’on voit cheminer : on obtient ainsi une approche dynamique. Le sludge résulte soit d’un ralentissement du flux avec un aspect granulaire ou discontinu, soit d’une agrégation érythrocytaire liée à une dyslipidémie, une dysglobulinémie, un syndrome inflammatoire ou des altérations cellulaires ; la stase est parfois majeure lors de dystrophie capillaire sévère pouvant aboutir à un microthrombus. La vasolabilité est la variabilité de vitesse du flux sanguin qui peut être estimée grossièrement en fixant son attention sur quelques capillaires durant une minute. Le test au froid (immersion de la main dans une eau comprise entre 10 et 15 ◦ C) n’est pas obligatoire lorsque la description du phénomène de Raynaud est typique ; il sera d’autant plus prudent que le malade décrit des phénomènes d’urticaire ou de malaise après exposition au froid ou à l’eau ou qu’il présente des lésions acrales à type d’engelures ou de purpura nécrotique. Le test est caractéristique lorsqu’il associe une syncope digitale distale cliniquement visible et une extinction capillaire à la capillaroscopie (en effet, elle ne visualise pas la paroi des capillaires mais les érythrocytes qui en moulent la lumière et, de ce fait, seuls les capillaires fonctionnels sont visibles) ; parfois, on observe seulement une raréfaction des boucles d’aspect grêle, un
20-3
Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
Principales anomalies capillaroscopiques péri-unguéales observées en médecine interne
Fig. 20.2 Mégacapillaires : ils sont toujours pathologiques et s’observent surtout dans la dermatomyosite, souvent lors de sclérodermie et lors de syndrome de Sharp, parfois lors de lupus 4JOVPTJUÏT QIZTJPMPHJRVFT BOOFBV QMBUFBV
²QJOHMFËDIFWFVY )VJU DBEVDÏFPVUJSFCPVDIPO 5PSUVFVTF $SÏOFBV 'FVJMMFEFGPVHÒSF
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Fig. 20.3
Représentation schématique des dystrophies capillaires
ralentissement du flux, voire une stagnation complète sur certaines anses et une pâleur du fond.
Principales anomalies capillaroscopiques péri-unguéales observées en médecine interne Le recueil de l’ensemble de ces données (mensurations et morphologie des capillaires, analyse du flux et des tissus péricapillaires) permet de s’orienter vers telle ou telle affection (tableau 20.1). Il est parfois plus difficile d’affirmer la normalité que d’objectiver une pathologie ; la capillarosco-
Coll. D. Bessis
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Coll. Pr J.-J. Morand, Toulon
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Fig. 20.4
Sinuosités physiologiques à type de caducée ou de huit
pie demeure un exercice dont la valeur prédictive est limitée en soi. En revanche, elle constitue souvent un argument supplémentaire pour poser un diagnostic (sclérodermie : atteinte capillaire quasi systématique ; fasciite de Shulmann : absence d’atteinte capillaire), classifier une maladie de système (syndrome de Sharp par exemple) ou motiver une surveillance évolutive. Ainsi c’est la synthèse des résultats de l’anamnèse, de l’examen clinique, de la capillaroscopie et parfois d’autres explorations surtout biologiques (notamment anticorps antinucléaires, anti-Scl70 ou anticentromères), qui permet de distinguer la maladie de Raynaud du phénomène de Raynaud secondaire. En somme, la capillaroscopie est un examen fondamental dans la démarche diagnostique initiale d’un acrosyndrome vasculaire. Elle est plus pertinente lors de phénomène de Raynaud. L’acrocyanose est surtout un diagnostic clinique,
Fig. 20.5
Tortuosités capillaires avec aspect en feuille de fougère
Dystrophie capillaire ectasiante
la tablette unguéale et toute manifestation syndromique faisant suspecter une maladie de système notamment lors de suspicion de sclérodermie, de dermatomyosite, de lupus ou de syndrome frontière. Le phénomène de Raynaud constitue un des principaux symptômes révélateurs de la sclérodermie : la dystrophie capillaire ectasiante (fig. 20.7) et raréfiante en est caractéristique ; elle ne peut concerner initialement que quelques doigts et elle évolue au cours du temps, les mégacapillaires pouvant laisser place à des néovaisseaux ou à des plages désertes. Il existe néanmoins une population de malades pour laquelle il est impossible d’affirmer la normalité ou bien de poser un diagnostic d’affection : ils présentent des capillaires dilatés sans mégacapillaire vrai, diverses dystrophies de proportion variable et/ou des microhémorragies avec
Coll. D. Bessis
la capillaroscopie retrouvant une stase capillaro-veinulaire responsable de la cyanose ; la fréquente association à une authentique maladie de Raynaud en rend l’interprétation plus délicate. L’érythermalgie est facilement évoquée sur l’anamnèse ; la capillaroscopie retrouve en crise une dilatation des capillaires, un fond érythémateux et un flux érythrocytaire accéléré. La capillaroscopie sera réalisée assez systématiquement devant des engelures récurrentes et sévères, des doigts boudinés avec arthralgies, un livédo a fortiori racemosa ou des télangiectasies multiples, une urticaire chronique ou un purpura vasculaire, d’autant plus s’ils surviennent après exposition au froid, des hémorragies en flammèches sous
Fig. 20.7
Fig. 20.6
Les microhémorragies capillaires migrent en « volutes de fumées » et leur coloration se modifie selon la biligénie
Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
Coll. D. Bessis
20-4 Capillaroscopie péri-unguéale
Principales anomalies capillaroscopiques péri-unguéales observées en médecine interne Tableau 20.1
Principales anomalies capillaroscopiques en médecine interne
Capillaroscopie Mensurations péri-unguéale
Fonctionnement capillaire Veinules sous-papillaires
Tissus péricapillaires
Acrocyanose Densité normale, dilatation Boucles sinueuses asymétrique des cyaniques 2 branches, ∅ efférent > 30-40 μm
Flux lent volontiers granulaire (= sludge), vasolabilité nulle
Veinules plus souvent visibles, cyaniques et dilatées
Fond pourpre, transparent, gouttelettes de sueur ++, ± hémorragies, œdème
Acrorighose ↓ densité (< 8/mm), ↓∅
Boucles grêles
Flux granulaire, vasolabilité ++
Veinules ± visibles
Fond pâle
Capillaires ramifiés ; remplissage massif en crise
Flux granulaire, vasolabilité ++
Veinules ± visibles
Flou ouaté ± halos, fond érythémateux en crise
Absence de mégacapillaire et de capillaire régressif. Anses fines fréquentes. Absence de plage déserte
Extinction capillaire après Veinules ± visibles exposition au froid et diminution de la réaction d’hyperhémie post-critique ; vasolabilité ++
Érythermalgie Densité N, ∅ variable, longueur ↑ Maladie de Raynaud Densité N ou discrète idiopathique réduction du nombre des anses (mais toujours > 7/mm), ∅ et longueur N Sclérodermie (SclS) stade I Densité N ou discrète (phénomène de Raynaud) réduction, ∅ N ou ↑ modérée, ↓ longueur
SclS stade 2 ↓ densité (< 8/mm), (microtélangiectasie) ↑ ∅ des 2 branches (> 50 μm), ↓ longueur SclS stade 3 ↓ densité (< 6/mm), (acrosclérose) ∅ > 100 μm Zones avasculaires > 500 μm SclS stade 4 ↓ densité (< 3/mm), (scléro-atrophie, ischémie) ∅ variable Zones avasculaires +++
Morphologie capillaire
Anomalies modérées, Stase localisée disséminées et distales : dystrophie anévrismale du sommet de la boucle, anses courtes et ouvertes en U
Veinules ± visibles
Flou ouaté ± œdème péricapillaire
Mégacapillaires, capillaires Flux granulaire, régressifs rares vasolabilité nulle
Veinules ± visibles
Flou ouaté ± nacré, ± halos, hémorragie, thrombose
Mégacapillaires monstrueux plus nombreux + capillaires régressifs ± capillaires ramifiés
Flux inhomogène, assez Veinules ± visibles sombre sur certaines boucles, vasolabilité nulle
Raréfaction des mégacapillaires et des capillaires régressifs
Flux sombre, vasolabilité nulle
Veinules ± visibles
Flou nacré intense, pâleur ++, dépôts pigmentaires
Flux rouge vif (hyperhémie), ± granulaire, vasolabilité nulle
Veinules ± visibles
Fond transparent et coloré, souvent halos papillaires marqués, fréquentes hémorragies
Dermatomyosite ↓ densité (< 8/mm), ∅ Mégacapillaires, ± variable souvent ↑, pas capillaires régressifs + de zone avasculaire capillaires ramifiés en feuilles de fougères et en peloton glomérulaire Lupus érythémateux Densité N, ∅ variable, disséminé longueur ↑
Fond pâle. Absence d’exsudat
Flou nacré, pâleur, ± dépôts pigmentaires, halos, hémorragie, thrombose
Polymorphe : capillaires ramifiés, parfois capillaires dilatés sur les 2 branches, tortuosités en « tire-bouchon »
Flux sombre très Veinules visibles parfois Fond coloré, légèrement granulaire à discontinu ; de disposition anarchique flou, halos plus vitesses d’écoulement très hémorragies variables, vasolabilité +++
Polyarthrite rhumatoïde ↓ densité (< 10/mm), ∅ variable, longueur ↓
Capillaires ramifiés en réseaux, en créneaux, en bouquets courts, en feuilles de fougères
Flux coloré granulaire, rapide, vasolabilité ++
Veinules visibles souvent Fond net sans halo, très de disposition anarchique pâle ± hémorragies
Syndrome de Sharp Densité, ∅ et longueur variables
Polymorphe, regroupant des signes de SS, DM, LED, PR : mégacapillaires ou anses ouvertes en U, en « corne de cerf » + capillaires ramifiés
Flux ± cyanique ± granulaire, vasolabilité +++
Veinules ± visibles
Fond coloré ± flou ouaté, ± halos, ± hémorragies
Veinules ± visibles
Halos + hémorragies ± thrombose
Vascularites Densité, ∅ et longueur variables
Capillaires ramifiés en Flux ± sombre réseaux, en bouquets, en ± granulaire, « feuille de fougère » vasolabilité ++
Maladie de Buerger Densité ↓, ∅ afférent ↓, Capillaires grêles longueur↑ rectilignes ; phénomène d’extinction après inhalation de fumée de tabac
Flux de couleur normale Veinules ± visibles granulaire, vasolabilité ++
Polyglobulie Densité, ∅ et longueur ↑ Capillaires sinueux épaissis Flux lent, rouge un peu sombre, vasolabilité + ∅ : diamètre
↑ : augmentation
Fond pâle, ± flou sans halo, gouttelettes de sueur
Veinules visibles, dilatées Fond bien coloré sans et sombres halo, hémorragies
↓ : diminution
20-5
sludge (fig. 20.8) alors que l’examen clinique et les explorations biologiques ne permettent pas d’identifier telle ou telle maladie. Il importe alors d’assurer un suivi prolongé et de renouveler les examens en fonction de l’évolution. En conclusion, la place de la capillaroscopie dans la stratégie diagnostique des acrosyndromes vasculaires se situe juste après l’anamnèse et l’examen clinique ; d’ailleurs, elle peut se faire dans le même temps grâce à un dermatoscope. En cas d’acrosyndrome au froid typique de maladie de Raynaud, si la capillaroscopie est sans anomalie majeure, qu’elle objective ou non une extinction au froid, il est inutile de poursuivre les investigations (hormis peut-être la recherche d’anticorps antinucléaires). Si l’interrogatoire et l’examen comportent des atypies, quel que soit le résultat de la capillaroscopie a fortiori si elle est anormale, il faut poursuivre les investigations biologiques et radiologiques. Lorsque la capillaroscopie objective une dystrophie capillaire ectasiante et/ou raréfiante, même en l’absence d’auto-immunité biologique (anti-Scl70, anti-centromères, anti-RoSSA), il faut assurer un suivi et répéter les examens.
1 Bergman R, Sharony L, Schapira D et al. The handheld dermatoscope as a nail-fold capillaroscopic instrument. Arch Dermatol 2003 ; 139: 1027-1030. 2 Blockmans D, Beyens G, Verhaeghe R. Predictive value of nailfold capillaroscopy in the diagnosis of connective tissue diseases. Clin Rheumatol 1996 ; 15:148-153. 3 Carpentier P, Franco A. La capillaroscopie périunguéale. Laboratoire L. Lafon, Deltacom, 1981 ; 144 p. 4 Carpentier P., Franco A, Béani JC et al. Intérêt de la capillaroscopie périunguéale dans le diagnostic précoce de la sclérodermie systémique. Ann Dermatol Venereol 1983 ; 110:11-20. 5 Cutulo M, Grassi W, Matucci CM. Raynaud’s phenomenon and the role of capillaroscopy. Arthritis Rheum 2003 ; 48:3023-3030.
Coll. D. Bessis
20-6 Capillaroscopie péri-unguéale
Fig. 20.8
Migration discontinue des érythrocytes lors de sludge
6 Fitzgerald O, Hess EV, O’Connor GT, SpencerGreen G. Prospective study of the evolution of Raynaud’s phenomenon. Am J Med 1988 ; 84: 718-726. 7 Guilmot JL, Diot E, Lasfargues G, Boissier C. Phénomène de Raynaud et connectivites. Rev Prat 1998 ; 48:1647-1652. 8 Maricq MR, Spencer-Green G, Leroy EC. Skin capillary abnormalities as indicators of organ involvement in scleroderma (systemic sclerosis), Raynaud’s syndrome and dermatomyositis. Am J Med 1976 ; 61:862-870. 9 Morand JJ. Capillaroscopie : intérêt et limites. Nouvelles Dermatol 2003, 22:233-241. 10 Nagy Z, Czirjak L. Nailfold digital capillaroscopy in 447 patients with connective tissue disease and Raynaud’s disease. J Eur Acad Dermatol Venereol 2004 ; 18:62-68.
11 Planchon B, Pistorius MA. Capillaroscopie et acrosyndromes vasculaires. J Mal Vasc 1999, 24:357-362. 12 Priollet P. Phénomènes de Raynaud : enquête diagnostique et traitement. Rev Prat 1998 ; 48:1659-1664. 13 Priollet P, Vayssairat M, Housset E. How to classify Raynaud’s phenomenon. Long term follow-up study of 73 cases. Am J Med, 1987, 83: 494-498. 14 Vayssairat M, Priollet P. Atlas pratique de capillaroscopie. Les éditions de la Revue de médecine, Paris ; 1983. 15 Zufferey P, Depairon M, Chamot AM, Monti M. Pronostic significance of nailfold capillary microscopy in patients with Raynaud’s phenomenon and scleroderma pattern abnormalities. Clin Rheumatol 1992 ; 11:536-541.
Toute référence à ce chapitre devra porter la mention : Morand JJ. Capillaroscopie péri-unguéale. In : Bessis D, Francès C, Guillot B, Guilhou JJ, éds, Dermatologie et Médecine, vol. 1 : Manifestations dermatologiques des connectivites, vasculites et affections systémiques apparentées. Springer-Verlag France, 2006 : 20.1-20.6.
21
Dermatopathologie et maladies systémiques
Janine Wechsler Généralités sur la biopsie cutanée 21-1 Mode de prélèvement 21-1 Choix de la lésion à prélever 21-1 Renseignements cliniques 21-1 Fixation de la biopsie 21-2 Colorations et immunomarquages 21-2 Congélation 21-2 Principaux aspects histopathologiques observés dans les maladies systémiques 21-3 Lésions de la jonction dermo-épidermique 21-3 Infiltrats lymphocytaires sans vasculite 21-5 Scléroses inflammatoires 21-6
Généralités sur la biopsie cutanée Mode de prélèvement C’est un geste simple réalisé sous anesthésie locale, par injection hypodermique de lidocaïne à 1 % avec ou sans adrénaline. L’adrénaline diminue le saignement mais est contre-indiquée dans les zones à vascularisation terminale (doigts, nez, verge). Chez l’enfant, une crème anesthésiante peut être utilisée avant l’injection mais elle entraîne des artéfacts qui peuvent gêner l’interprétation histologique. La biopsie à l’aide d’un trocart calibré (ou punch) est plus facile à faire et donne des résultats plus reproductibles que la biopsie au bistouri. De nombreuses techniques peuvent être réalisées à partir d’une seule biopsie si sa taille est suffisante : 4 mm en moyenne, exceptionnellement 2 mm sur le visage ou chez le petit enfant. Après fixation, il faut se rappeler que les tissus se rétractent et que la quantité utilisable est toujours inférieure à la quantité prélevée. Choix de la lésion à prélever Toute lésion cutanée ou muqueuse peut être prélevée mais le choix de la lésion est capital. Il faut biopsier des lésions représentatives de la dermatose, récentes ou en pleine évolution car elles se modifient avec le temps et peuvent devenir moins typiques du fait d’une régression partielle ou de phénomènes intercurrents (grattage, surinfection).
Dépôts anormaux 21-7 Lésions granulomateuses 21-7 Dermatoses neutrophiliques 21-9 Dermatoses éosinophiliques 21-9 Vasculites 21-10 Lexique des termes utilisés en pathologie inflammatoire cutanée 21-11 Épiderme 21-11 Derme 21-12 Hypoderme 21-12 Références 21-12
Renseignements cliniques Toute biopsie doit être adressée avec des renseignements cliniques aussi précis que possible : siège de la lésion biopsiée, répartition, aspect des lésions cutanées en cas d’éruption, éventuelle association à une atteinte muqueuse, ancienneté et délai d’apparition des lésions, mode d’évolution (régressive ou fixe), signes généraux, signes extracutanés, âge, sexe, ethnie, anomalies biologiques. Préciser le moment de la biopsie par rapport à l’histoire d’une dermatose est capital. Ainsi, une même lésion peut s’observer au cours d’une dermatose présente depuis plusieurs années, ou depuis quelques jours seulement. Les conclusions ne seront évidemment pas les mêmes. Par ailleurs, le clinicien doit informer le pathologiste d’un traitement susceptible de modifier les lésions : les corticoïdes provoquent une atrophie épidermique, des altérations de la trame élastique et collagène, des télangiectasies dont il faut tenir compte lors de l’interprétation. Lorsque les lésions sont multiples et différentes, il y a intérêt à faire plusieurs biopsies en informant le pathologiste de l’aspect clinique correspondant. Des hypothèses diagnostiques peuvent être proposées par le clinicien mais elles ne doivent pas remplacer les informations indispensables au raisonnement du pathologiste. Aucune lésion histologique n’étant spécifique d’une seule maladie, le diagnostic résulte de la confrontation anatomoclinique. Après discussion, la complémentarité des données cliniques et histologiques aboutit, dans le meilleur des cas, à un seul diagnostic, mais parfois seule l’évolution permet de trancher entre 2 ou 3 hypothèses.
21-2 Dermatopathologie et maladies systémiques Tableau 21.1 Principales colorations histochimiques Type de réactif, nom de la coloration
Structure identifiée
Hemalun, Hematéine Éosine, érythrosine
Anticorps
Cellules détectées
CD45, antileucocyte commun
Leucocytes
Noyaux
CD2, CD3, CD5, CD7
Lymphocytes T
Cytoplasmes
CD4
Lymphocytes T-helper
Safran
Collagène
CD8
Lymphocytes T-suppresseurs
Orcéine
Fibres élastiques
CD20, CD79a
Lymphocytes B
Bleu Alcian Bleu de toluidine Bleu Astra Fer colloïdal Mucicarmin
Mucine
CD68 Mac 387
Macrophages, monocytes
PS100 CD1a
Cellules de Langerhans
Giemsa Bleu de toluidine
Mastocytes
Antimyéloperoxydase
Polynucléaires, myélocytes
CD117 (C-kit)
Mastocytes
Rouge Congo Thioflavine T Violet de Paris
Substance amyloïde
Fontana
Mélanine
Perls
Hémosidérine
Von Kossa
Calcium
PAS (Periodic-Acid-Shiff)
Glycogène, mucus
Gomori-Grocott PAS
Champignons
Gram Ziehl Warthin-Starry
Germes
Fixation de la biopsie Le fixateur le plus courant est le formol dilué à 10 %, si possible tamponné avec une solution de sérum salé NaCl isotonique). Il permet une assez bonne morphologie et les immunomarquages réalisables sur coupes incluses en paraffine. Il conserve en outre les acides nucléiques qui peuvent faire l’objet de techniques de biologie moléculaire. D’autres fixateurs, comme l’AFA (mélange Alcool-FormolAcide acétique) incolore comme le formol, le liquide de Bouin jaune permettent une meilleure morphologie mais altèrent les acides nucléiques, les rendant impropres à la plupart des techniques de biologie moléculaire. Colorations et immunomarquages Colorations Après inclusion en paraffine, la coloration standard est bichromique (Hémalun-Éosine = HE) ou trichromique (Hémalun-Éosine-Safran = HES). Des colorations spéciales sont éventellement demandées par le pathologiste selon l’aspect initial. Elles mettent en évidence des structures, des pigments, des micro-organismes (tableau 21.1). La recherche de graisses ne peut se faire que sur un prélèvement congelé, le xylène nécessaire au déparaffinage dissous les graisses. Immunomarquages Grâce à l’amélioration de la qualité des anticorps du commerce, ils peuvent être appliqués sur coupes de paraffine qui permettent une meilleure morphologie que les coupes congelées. Dans le domaine de la pathologie inflammatoire, l’indication principale est l’identification des infiltrats cutanés. Elle est indispensable pour UV ultraviolets
Tableau 21.2 Principaux anticorps utilisés pour identifier les cellules des infiltrats cutanés
les distinguer des lymphomes et des localisations des hémopathies. Dans le tableau 21.2, sont listés les principaux anticorps et les cellules qu’ils identifient. Des virus peuvent être détectés par immunohistochimie, notamment HerpèsVaricelle-Zona, Herpès virus 8, cytomégalovirus... Congélation Immunofluorescence cutanée directe La technique la plus utilisée est l’immunofluorescence directe par incubation des coupes congelées avec des anticorps (anti-IgG, antiIgA, anti-IgM, anti-C 3) couplés à un marqueur fluorescent. Le résultat s’observe en lumière UV. La même technique pourrait être utilisée avec une méthode de révélation enzymatique permettant l’examen des coupes en lumière photonique, mais elle est un peu plus longue et donc moins utilisée. Théoriquement, la recherche d’immunoglobulines et de complément pourrait se faire sur coupes fixées et incluses en paraffine, mais cette technique est moins sensible du fait de l’altération des dépôts extracellulaires d’immunoglobulines par la fixation. Avant la congélation, il est conseillé de déposer la biopsie cutanée par sa face inférieure sur un petit carré de bristol puis de l’introduire dans un tube de plastique sec. Le tube fermé est immergé dans l’azote liquide. Si le lieu du prélèvement est à moins d’une heure du laboratoire, il est possible de transmettre la biopsie fraîche posée sur une compresse imbibée de sérum physiologique dans un flacon bien fermé pour éviter la dessication du prélèvement. Si le laboratoire est plus éloigné, la biopsie peut être conservée 3 à 4 jours à température ambiante dans le liquide de Michel ¹ avant la congélation, ce qui permet l’envoi postal. Dans le cadre des maladies systémiques, l’indication majeure de cet examen est le lupus érythémateux. En peau lésée, on note une spécificité de 87 % pour le lupus systémique et une sensibilité de 93 % ². La positivité se traduit par la présence d’une bande granuleuse continue ou « lupus band test », le long de la basale épidermique et des follicules pileux. Le dépôt d’IgG est le plus spécifique. Il peut s’accompagner d’IgM, d’IgA et de complément. Des faux-positifs sont vus avec l’IgM notamment dans la rosacée, les lucites. En peau saine exposée, l’intérêt de l’immunofluorescence
Principaux aspects histopathologiques observés dans les maladies systémiques
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Coll. Dr J. Wechsler, Créteil
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Fig. 21.1 Lichen plan : découpage de la basale épidermique par un infiltrat lymphocytaire (IL), présence de corps hyalins (CH), hypergranulose (HG), hyperkératose (HK) orthokératosique (coloration HES)
Fig. 21.2 Lupus érythémateux : vacuolisation de la couche basale (VCB) par nécrose des kératinocytes (NK), atrophie du corps muqueux (CM), épaississement hyalin de la zone sous-basale, infiltrat lymphocytaire (IL)
est moindre car il n’est positif que dans 50 à 60 % des cas. En peau saine non photo-exposée, l’immunofluorescence directe est utile au diagnostic de lupus mais ne permet pas de distinguer le lupus cutané du lupus systémique ³. Dans les vasculites, l’immunofluorescence directe montre des dépôts d’immunoglobulines et de complément dans les parois vasculaires. Son intérêt est limité. En effet, il confirme seulement l’aspect clinique et histologique, il ne renseigne pas sur la cause de la vasculite. De plus, cet examen peut être faussement négatif en raison de la disparition des complexes immuns au bout de quelques jours d’évolution. La présence d’IgA sur les vaisseaux est considérée comme évocatrice de purpura rhumatoïde ⁴. Techniques de biologie moléculaire La recherche de clone lymphocytaire et d’antigènes infectieux par PCR se fait habituellement sur prélèvements congelés. Cependant, certaines techniques peuvent se réaliser sur paraffine de même que la détection de certains agents infectieux, bactérien ou viral par PCR ou hybridation in situ (virus d’EpsteinBarr par la sonde Eber, papillomas virus humains).
mies — ne seront pas traitées ici car elles ont été décrites dans les chapitres correspondants.
Principaux aspects histopathologiques observés dans les maladies systémiques Des lésions très différentes peuvent se voir dans une même maladie et, inversement, une même lésion peut être commune à plusieurs maladies. Le compte rendu est une interprétation et non un résultat biologique. Il nécessite une étroite collaboration entre le clinicien et le pathologiste. Le résultat de l’examen en dépend. L’interprétation du pathologiste aboutit le plus souvent à décrire un tableau histologique qui fait envisager plusieurs hypothèses. Ce sont ces tableaux que nous évoquerons ici pour aider le clinicien à comprendre les problèmes diagnostiques qu’ils soulèvent. Certaines lésions dont la traduction histopathologique est univoque — c’est le cas des amyloses et des paraprotéiné-
Coll. Dr J. Wechsler, Créteil
)(
Lésions de la jonction dermo-épidermique Ces lésions sont dites « lichénoïdes » car elles ont pour modèle le lichen plan. Leur point commun est la nécrose, vacuolaire ou apoptotique. Elle intéresse principalement les cellules de la basale épidermique. Il s’y associe une exocytose de lymphocytes souvent disposés autour des cellules en nécrose, réalisant des images dites de « satellite cell necrosis ». L’infiltrat est d’importance variable, tantôt horizontal sous-basal, tantôt périvasculaire. Lichen plan Cette dermatose papuleuse, habituellement sans cause précise, peut toutefois accompagner d’autres affections : hépatopathies ⁵, maladies auto-immunes. Dans le lichen plan, les lésions de la basale s’accompagnent de modifications épidermiques (fig. 21.1) : hypergranulose, hyperacanthose, découpage de la basale en arcades, signes que l’on ne voit habituellement pas dans le lupus et les autres maladies systémiques comportant des lésions de la jonction dermo-épidermique. Lupus érythémateux Les lésions lichénoïdes s’observent dans toutes les formes de lupus. La nécrose est plus vacuolaire qu’apoptotique. L’épiderme est atrophique, il n’y a pas d’hypergranulose. On note souvent un épaississement irrégulier de la zone sous-basale épidermique qui a un aspect hyalin (fig. 21.2). Dans le lupus chronique, l’hyperkératose est nette, les ostiums pilaires sont dilatés avec présence de bouchons cornés. Les infiltrats ont tendance à se prolonger le long des poils aboutissant à une destruction des gaines pilaires (fig. 21.3). Ces modifications sont beaucoup moins nettes dans le lupus aigu. L’immunofluorescence directe en montrant un dépôt d’immunoglobulines, notamment d’IgG, sous la forme d’une bande finement granuleuse sousbasale (fig. 21.4) et péripilaire, est une bonne aide au diagnostic notamment dans les alopécies cicatricielles car l’examen est négatif dans le lichen plan qui est la deuxième cause d’alopécie ⁶,⁷. Le lupus peut provoquer des lésions
21-4 Dermatopathologie et maladies systémiques 0TUJVN ²QJEFSNF
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A Fig. 21.4
dermo-épidermique est prédictive de dermatomyosite dans 93,5 % des cas ¹¹. Réaction du greffon contre l’hôte Dans les formes aiguës, les lésions de la basale contrastent avec la discrétion de l’infiltrat lymphocytaire (fig. 21.7). Toutefois, aucun des paramètres histologiques — la dyskératose, l’apoptose, les images de satellite cell necrosis, la vacuolisation des cellules de la basale — ne permet de distinguer la réaction du greffon contre l’hôte des autres dermatoses pouvant survenir sur ce terrain (viroses, toxidermies, effets de la chimiothérapie) ¹². Deux formes s’observent dans la forme chronique de la réaction du greffon contre l’hôte : la forme lichénoïde, identique au lichen plan banal, et la forme sclérodermique. Cette dernière se distingue d’une sclérodermie banale par la présence constante de lésions du derme superficiel : infiltrat inflammatoire, incontinence pigmentaire, altérations nécrotiques de la jonction dermoépidermique ¹³,¹⁴. Toxidermies Les aspects lichénoïdes sont fréquents ¹⁵ (fig. 21.8). La nécrose se traduit par des kératinocytes
Coll. Dr J. Wechsler, Créteil
muqueuses qu’il est difficile de distinguer de celles du lichen plan ⁸. Le lupus érythémateux bulleux est rare. Des bulles sousépidermiques dues à l’intensité des nécroses kératinocytaires peuvent entraîner des tableaux proches d’une épidermolyse toxique ⁹. Ces lésions sont spécifiques du lupus. D’autres lésions bulleuses sont en rapport avec l’association du lupus à une maladie bulleuse de la jonction dermoépidermique (fig. 21.5) : pemphigoïde bulleuse, épidermolyse bulleuse acquise, dermatite herpétiforme, dermatose à IgA linéaire. Elles ne sont pas spécifiques du lupus ¹⁰. Le type de maladie bulleuse associée est identifié par les examens en immunofluorescence. Dermatomyosite Les lésions de la basale ne peuvent pas être différenciées de celles du lupus (fig. 21.6). La tendance atrophique de l’épiderme est moins nette que dans le lupus, On note un œdème et des télangiectasies dans le derme superficiel, mais les lésions sont parfois très discrètes et la biopsie peut même avoir un aspect presque normal. En immunofluorescence directe, l’absence de « lupus band test » associée à la présence de dépôts de la fraction C5-b9 du complément sur les vaisseaux et la jonction
Fig. 21.5 Lupus érythémateux bulleux : bulle sous-épidermique à toit intact, accumulation de polynucléaires dans le clivage témoignant de l’association à une maladie bulleuse auto-immune de la jonction dermo-épidermique
Lupus érythémateux : bande lupique sur la basale épidermique (A) et sur une basale pilaire (B) avec anti-IgG (immunofluorescence cutanée)
B
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Fig. 21.3 Lupus érythémateux : infiltrats lymphocytaires, follicules pileux atrophiques, dilatation d’un ostium pilaire avec bouchon corné
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Principaux aspects histopathologiques observés dans les maladies systémiques
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Fig. 21.6 Dermatomyosite : altérations vacuolaires (V) de la basale épidermique, au-dessus d’un derme discrètement inflammatoire et œdémateux apoptotiques étagés dans le corps muqueux. On peut noter quelques polynucléaires notamment éosinophiles. L’œdème du derme papillaire peut être important. Infiltrats lymphocytaires sans vasculite Les infiltrats périvasculaires sont les plus fréquents. Ils sont composés d’une prédominance de lymphocytes T. De nombreuses pathologies sont à évoquer. Lorsque les infiltrats lymphocytaires sont isolés, il est impossible de faire un diagnostic précis. Ce sont les signes d’accompagnement qui peuvent orienter le diagnostic. Lupus érythémateux Le lupus tumidus se caractérise par des infiltrats lymphocytaires dermiques qui peuvent être denses et profonds (fig. 21.9). Les lésions épidermiques sont souvent discrètes, voire absentes, l’immunofluorescence peut être négative. Un aide au diagnostic est apportée par la présence d’infiltrats péripilaires avec atrophie des poils ⁶. On évoquera le lupus si les infiltrats lymphocytaires s’accompagnent de dépôts de mucine, s’ils s’étendent à l’hypoderme. La panniculite lupique est caractérisée par des foyers de nécrose lobulaire et par la présence de follicules lymphoïdes disposés à la périphérie des lobules adi-
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Fig. 21.8 Toxidermie : exocytose lymphocytaire (L) autour de cellules nécrosées de la couche basale épidermique (NK), infiltrat du derme papillaire peux (fig. 21.10). Le diagnostic différentiel de la panniculite lupique est le lymphome sous-cutané T à type de panniculite dont l’évolution peut être chronique par poussées récidivantes : le diagnostic de lymphome repose sur la mise en évidence d’une population lymphoïde atypique de phénotype T cytotoxique, le plus souvent CD8 positive. Les lésions des doigts et des orteils à type d’engelures se traduisent par des infiltrats lymphocytaires périvasculaires denses (fig. 21.11). Ils s’accompagnent d’une bande lupique en immunofluorescence cutanée. Ces formes habituellement associées à un lupus facial peuvent évoluer vers un lupus systémique ¹⁶. Autres pathologies Toutes les maladies systémiques, inflammatoires ou infectieuses, peuvent prendre l’aspect d’infiltrats lymphocytaires périvasculaires sans autre particularité. Il est donc impossible de les énumérer toutes ici. Parmi les diagnostics le plus souvent discutés en dermatologie citons :
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Fig. 21.7 Réaction aiguë du greffon contre l’hôte : corps cellulaires apoptotiques (CN) dans la couche basale avec images de « satellite cell necrosis » (L), discret infiltrat inflammatoire
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Fig. 21.9 Lupus érythémateux tumidus : infiltrats lymphocytaires dermiques denses et profonds atteignant l’hypoderme, discrète atrophie épidermique
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21-6 Dermatopathologie et maladies systémiques
Scléroses inflammatoires Sclérodermie La sclérose débute dans le derme profond respectant au début le derme superficiel (fig. 21.12). L’hypoderme devient également scléreux, ce qui est responsable de l’infiltration perçue cliniquement. L’épiderme est d’épaisseur normale et n’est atrophique que tardivement. Les infiltrats lymphocytaires sont observés dans le derme profond à la périphérie de la plaque de sclérodermie. Ils ont tendance à s’horizontaliser. Les plasmocytes sont fréquents, des éosinophiles peuvent être présents. Dans la sclérodermie profonde, on peut voir une atteinte du fascia sous-cutané rendant le diagnostic difficile avec une fasciite. Fasciites L’inflammation est périvasculaire (fig. 21.13). Elle atteint les fascias et respecte le muscle. Les éosinophiles sont en nombre variable. Les lésions sont parfois
Fig. 21.11 Lupus-engelures : infiltrat lichénoïde associé à des infiltrats profonds longeant et infiltrant les vaisseaux
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− l’infiltration bénigne de Jessner et Kanoff : les infiltrats sont monotones, à prédominance CD3(+), CD8(+) ¹⁷. Il n’y a pas de lésion épidermique, toutefois cette entité dont la nosologie est discutée, pourrait être une variante de lupus érythémateux ; − les hyperplasies lymphocytaires : elles peuvent être en rapport avec un agent infectieux notamment Borrelia burgdorferi ¹⁸. Elles sont nodulaires ou diffuses, plus souvent que purement périvasculaires. Les infiltrats lymphocytaires sont mixtes B et T, avec une prédominance de lymphocytes T. Ils sont associés à des plasmocytes, des macrophages et parfois des éosinophiles ; − la rosacée au stade papuleux non pustuleux : les infiltrats sont mixtes et péripilaires. À la différence du lupus tumidus, ils comportent une quantité variable de polynucléaires et de macrophages parfois épithélioïdes ; − les lucites polymorphes à la lumière ¹⁹ : les infiltrats lymphocytaires s’accompagnent en règle de spongiose ou de nécrose épidermique.
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Fig. 21.10 Lupus érythémateux : panniculite avec follicules lymphocytaires (FL)
Fig. 21.12 Sclérodermie (morphée) : épaississement scléreux du derme, peu cellulaire, avec horizontalisation des fibres de collagène, atrophie annexielle, infiltrat lymphocytaire soulignant la périphérie de la plaque, respect du derme superficiel et de l’épiderme difficiles à distinguer d’une sclérodermie. Il existe un ensemble de syndromes sclérodermiformes dont la pathogénie présente des caractères communs ²⁰. Syndromes sclérodermiformes Certaines affections se
Principaux aspects histopathologiques observés dans les maladies systémiques
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Fig. 21.13 Fasciite : épaississement scléreux du fascia aux dépens du tissu adipeux, infiltrats lymphocytaires avec présence de quelques follicules (F) manifestent par une fibrose cutanée qui peut simuler une sclérodermie ²¹. Elles comprennent entre autres le syndrome éosinophilique avec myalgies ²² et les états sclérodermiformes induits par diverses substances toxiques et médicamenteuses ²³, des infections comme la borréliose ²⁰, la réaction chronique du greffon contre l’hôte ²⁴ et le syndrome de POEMS ²⁵. Fibrose néphrogénique Cette entité a été récemment décrite chez les malades dialysés ou greffés rénaux ²⁶,²⁷. Elle se traduit par une infiltration fibroblastique diffuse du derme de cellularité modérée associée à une augmentation du collagène (fig. 21.14). Elle s’accompagne d’une surcharge en mucine et peut donc poser un problème diagnostique avec le scléromyxœdème dont la traduction clinique est également faite de plaques indurées survenant au cours d’une maladie systémique ²⁸. Dépôts anormaux Des surcharges ou des dépôts de substances anormales peuvent être en rapport avec une maladie systémique. Parmi les dépôts les plus fréquents, citons l’amylose étudiée dans un autre chapitre, les mucines, les calcifications. Les mucines sont tantôt secondaires à des lésions inflammatoires diverses (lupus érythémateux, dermatomyosite, sclérodermie, granulome annulaire...), tantôt primaires, comme dans le scléromyxœdème (mucinose papuleuse) et le myxœdème prétibial. Sa mise en évidence est la clé du diagnostic. La mucine est une substance diffuse, optiquement vide en technique standard, elle est colorée par le bleu Alcian et le bleu de toluidine. Elle peut s’accompagner d’une hyperplasie des fibroblastes dermiques. Un autre type de dépôt est la calcification. Tout foyer de nécrose cellulaire, toute altération dégénérative du collagène ou de la substance fondamentale, toute hémorragie tissulaire peut secondairement se calcifier. Ainsi on constate des calcifications sous-cutanées dans les panniculites du lupus ou de la dermatomyosite. Les calcifications sont alors le témoin de troubles locaux et le plus souvent d’une nécrose
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Fig. 21.14 Fibrose néphrogénique : hyperplasie fibroblastique diffuse du derme avec fibrose adipocytaire. Des calcifications des vaisseaux ou calciphylaxie peuvent se voir dans le cadre d’un hyperparathyroïdisme ou d’une insuffisance rénale ²⁹. Les surcharges lipidiques extracellulaires sont habituellement contingentes (nécrobiose lipoïdique, xanthogranulome nécrobiotique), certaines surcharges intracellulaires peuvent révéler des maladies héréditaires dysmétaboliques, comme la maladie de Fabry, où l’on trouve en microscopie électronique des inclusions glycolipidiques dans les cellules endothéliales ³⁰. La maladie de Lafora se traduit par des inclusions spécifiques localisées dans les glandes sudorales eccrines et apocrines en peau axillaire ³¹,³². Un dépôt hyalin PAS-positif épaissit la paroi des petits vaisseaux dans la microangiopathie diabétique et dans les porphyries. Lésions granulomateuses On désigne habituellement par granulome un infiltrat riche en macrophages. Ces macrophages sont tantôt épithélioïdes avec ou sans cellule géante, tantôt composés d’une prédominance de cellules géantes multinucléées à corps étrangers. Le granulome peut être aussi polymorphe regroupant des macrophages mêlés à des polynucléaires, des lymphocytes, des plasmocytes. Il est alors proche du granulome pyogénique ou bourgeon charnu qui est la conséquence d’une agression, le plus souvent par un agent infectieux. Ces lésions font discuter un cadre très large d’affections qui peuvent être inflammatoires ou infectieuses. La présence ou l’absence de nécrose et de lésions associées, notamment épidermiques ou annexielles, orientent le diagnostic. Des colorations spéciales sont systématiquement faites à la recherche d’un agent infectieux : PAS, Grocott, Ziehl. L’association à une vasculite ne permet pas d’éliminer une infection. Sarcoïdose Les lésions se résument à des granulomes épithélioïdes bien limités avec ou sans cellule géante, sans nécrose caséeuse ni vasculite (fig. 21.15). Certaines maladies purement dermatologiques peuvent poser un problème diagnostique, notamment le lichen nitidus
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21-8 Dermatopathologie et maladies systémiques
qui se traduit par un infiltrat épithélioïde très haut situé dans une papille dermique. Le granulome annulaire se traduit par une infiltration macrophagique faite de cellules qui sont le plus souvent isolées avec peu de cellules géantes multinucléées (fig. 21.16). Toutefois, il existe une variante épithélioïde qui peut poser des problèmes diagnostiques avec une sarcoïdose. Parmi les lésions cutanées associées à une maladie de Crohn, les lésions granulomateuses ne peuvent pas être différenciées d’une sarcoïdose ³³. Les lymphomes T primitifs et secondaires cutanés peuvent également présenter des granulomes identiques à ceux d’une sarcoïdose ³⁴. Ces lésions sont particulièrement difficiles à distinguer d’une authentique sarcoïdose, car la population lymphomateuse est composée de lymphocytes de taille petite à moyenne. Le diagnostic repose sur la présence de lymphocytes T atypiques, d’un épidermotropisme, et d’un clone T cutané majoritaire. Infections granulomateuses sans nécrose caséeuse Certaines infections comme la leishmaniose, la syphilis, la maladie de Hansen peuvent se traduire par des granulomes sans nécrose. Outre les macrophages, d’autres éléments
inflammatoires, notamment des plasmocytes, sont souvent présents. La topographie périsudorale et périnerveuse est en faveur de la maladie de Hansen. La coloration de Ziehl montre la présence de bacilles dans la forme lépromateuse, mais elle est négative dans la forme tuberculoïde qui pose un problème difficile, voire insoluble, avec la sarcoïdose. La syphilis secondaire peut se traduire par des infiltrats épithélioïdes. L’association à une lésion lichénoïde, la présence de plasmocytes sont une aide au diagnostic. La leishmaniose se reconnaît par la présence de corps de Leishman dans les macrophages, ils sont facilement trouvés dans les formes disséminées ou systémiques, notamment chez les immunodéprimés. En revanche, ils peuvent être très rares dans les formes chroniques. Granulomes tuberculoïdes Dans la tuberculose, les mycobactérioses atypiques, la maladie des griffures de chat, les granulomes sont polymorphes avec des plasmocytes et des polynucléaires. Ils s’accompagnent inconstamment
Fig. 21.16 Granulome annulaire : infiltrat macrophagique réticulé entouré de quelques manchons lymphocytaires périvasculaires
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Fig. 21.17 Granulomatose de Wegener : foyers de nécrose basophile contenant une poussière nucléaire bleuâtre, infiltrats polymorphes contenant des amas macrophagiques mal limités
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Fig. 21.15 Sarcoïdose : granulomes épithélioïdes nodulaires, bien limités avec cellules multinucléées, sans nécrose. Petit infiltrat lymphocytaire périphérique
Fig. 21.18 Xanthogranulome nécrobiotique : nécrobiose extensive avec granulomes macrophagiques gigantocellulaires et sclérose
Fig. 21.19 Dermatite interstitielle granulomateuse : infiltrats macrophagiques entourant des fibres de collagène dégénératif. Présence de quelques éosinophiles dispersés dans le derme voisin de nécrose caséeuse. On note des lésions épidermiques : hyperplasie, ulcération. Granulomes avec nécrobiose ou collagénolyse La nécrobiose est un aspect dégénératif de derme et de la trame collagène qui accompagne certains granulomes comme le granulome annulaire, la nécrobiose lipoïdique, lésions essentiellement cutanées exceptionnellement associées à des affections systémiques et d’autres qui sont des manifestations cutanées de maladies systémiques comme la granulomatose de Wegener (fig. 21.17), la vasculite rhumatoïde, le syndrome de Churg et Strauss, les nodules rhumatoïdes, le xanthogranulome nécrobiotique (fig. 21.18). Ce dernier peut révéler une gammapathie monoclonale ³⁵. La dermatite interstitielle granulomateuse appartient à un spectre lésionnel qui comprend des infiltrats neutrophiliques palissadiques et granulomateux ³⁶. L’image la plus caractéristique est une infiltration réticulée du derme moyen et profond par des macrophages qui entourent des fibres de collagène dégénératives (fig. 21.19). Dans les formes initiales, l’infiltrat peut comporter des polynucléaires neutrophiles picnotiques qui le rapprochent d’une dermatose neutrophilique. Ces lésions accompagnent en règle une maladie systémique ³⁷. Dermatoses neutrophiliques Elles sont formées d’une infiltration à polynucléaires neutrophiles leucocytoclasiques dont le noyau a un aspect poussiéreux. On note un important œdème superficiel. Les infiltrats sont diffus. Ils n’ont pas une prédominance périvasculaire comme c’est le cas dans les vasculites ou dans les lésions inflammatoires banales. Les lésions épidermiques sont variables. On peut noter des pustules. Syndrome de Sweet L’épiderme est soulevé par un œdème papillaire prébulleux, il peut être vésiculeux, voire pustuleux. Le derme est occupé par un infiltrat diffus à polynucléaires avec leucocyto PN polynucléaire neutrophile
21-9
clasie (fig. 21.20). L’infiltrat est en règle monotone ; toutefois, il peut être intriqué avec un nombre variable de cellules mononucléées d’aspect histiocytaire correspondant à des cellules myéloïdes immatures qu’il ne faut pas confondre avec une localisation de leucémie ³⁸. Pyoderma gangrenosum L’épiderme est hyperplasique et pustuleux. L’infiltrat s’étend plus profondément que dans le syndrome de Sweet. Sur une biopsie superficielle et de petite taille, le diagnostic différentiel est parfois difficile, voire impossible, avec un syndrome de Sweet ou une infection suppurée. La variante superficielle est particulièrement trompeuse car l’infiltrat comporte des granulomes épithélioïdes qui orientent vers une mycobactériose ³⁹. Dermatoses éosinophiliques Des infiltrats riches en éosinophiles s’observent dans le derme. Ils sont périvasculaires ou diffus. Il n’y a pas de vasculite. On peut observer des dépôts acidophiles figurés dits « en flammèches » dus à la dégradation de la substance fondamentale et du collagène par la dégranulation des éosinophiles. Dans un second temps, les dépôts sont entourés par une réaction macrophagique avec cellules géantes. Urticaire Les lésions histologiques ne sont pas spécifiques. Elles associent un œdème du derme moyen, plus difficile à voir que celui du derme papillaire, des infiltrats polymorphes périvasculaires et interstitiels comportant un nombre variable de lymphocytes, neutrophiles et éosinophiles (fig. 21.21). Une distribution interstitielle des éosinophiles est évocatrice. Les infiltrats sont plus denses dans la forme chronique que dans la forme aiguë. Vasculite urticarienne Elle associe une vasculite leucocytoclasique et des lésions d’urticaire. La vasculite affecte les petits vaisseaux du plexus dermique. Syndromes hyperéosinophiliques La présence de polynucléaires éosinophiles est fréquente et banale dans la peau. Dans certaines affections, l’infiltration d’éosinophiles est le signe essentiel. La dégranulation des éosinophiles entraîne la libération de protéine basique majeure qui entraîne une
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Fig. 21.20 Syndrome de Sweet : infiltrat diffus de polynucléaires neutrophiles (PN) leucocytoclasiques, séparé de l’hypoderme par un œdème papillaire. L’épiderme est normal
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Principaux aspects histopathologiques observés dans les maladies systémiques
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21-10 Dermatopathologie et maladies systémiques
Fig. 21.23 Vasculite leucocytoclasique : thrombose d’un capillaire terminal, nécrose fibrinoïde débordant le vaisseau, leucocytoclasie
dénaturation du collagène. Celle-ci se traduit par des figures en flammèches (fig. 21.22) que l’on voit non seulement dans la cellulite de Wells mais aussi dans n’importe quelle lésion cutanée riche en éosinophiles. L’association des éosinophiles à une vasculite leucocytoclasique définit la vasculite à éosinophiles. Cette dernière se voit dans des affections variées, notamment la maladie de Churg et Strauss, dont les lésions siègent sur les artères de moyen calibre, mais peuvent s’associer à une vasculite des petits vaisseaux et à des granulomes nécrosants hyperergiques riches en éosinophiles ⁴⁰. Ces trois types de lésions peuvent être vus séparément sur des biopsies cutanées itératives ou simultanées. Les autres lésions riches en éosinophiles ont été décrites dans le chapitre des dermatoses éosinophiliques : l’hyperplasie angiolymphoïde, le granulome facial de Lever, les folliculites à éosinophiles...
Vasculites Le derme ne renferme que des vaisseaux de petit calibre (capillaires, veinules post-capillaires, artérioles). L’atteinte des artères de moyen calibre nécessite une biopsie profonde intéressant l’hypoderme. Vasculite leucocytoclasique La vasculite cutanée se traduit par un infiltrat des parois des petits vaisseaux du derme, une leucocytoclasie, une nécrose fibrinoïde vasculaire et extravasculaire (fig. 21.23). L’infiltrat est habituellement fait de polynucléaires en leucocytoclasie. Mais un infiltrat à prédominance lymphocytaire peut se voir notamment au cours de l’évolution d’une vasculite (fig. 21.24). La « pseudofolliculite », observée dans la maladie de Behçet, est due à une vasculite leucocytoclasique sans folliculite. PAN et artérites apparentées Le diagnostic de PAN ne pourra être évoqué que si la biopsie a emporté de l’hypoderme où se trouvent les artères de moyen calibre. Les lésions étant focales, il faut faire des niveaux multiples pour ne pas les méconnaître. Le principal diagnostic différentiel est l’embolie de cholestérol dont la recherche repose égale-
Fig. 21.22 Phénomène de Wells : dégranulation de polynucléaires éosinophiles avec nécrobiose acidophile, présence d’une figure « en flammèche » caractéristique du phénomène PAN périartérite noueuse
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Fig. 21.21 Urticaire : discrète infiltration de polynucléaires éosinophiles et neutrophiles entre les fibres de collagène
Fig. 21.24 Vasculite leucocytoclasique : thrombose d’une veinule avec nécrose fibrinoïde pariétale. L’infiltrat est ici à prédominance lymphocytaire
Lexique des principaux termes utilisés en pathologie inflammatoire cutanée 21-11 ment sur l’examen de niveaux multiples. Un ou plusieurs vaisseaux sont oblitérés par des cristaux reconnaissables par leur forme lancéolée (fig. 21.25). Habituellement, il n’y a pas de réaction inflammatoire. Toutefois, on peut voir une thrombose ou une cellule géante au contact des cristaux. La recherche de dépôt graisseux est déconseillée dans l’hypoderme en raison du bruit de fond causé par les adipocytes.
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Fig. 21.25 Embolie de cholestérol : oblitération de la lumière d’une petite artère hypodermique par des cristaux de cholestérol dont on ne voit ici que les empreintes (CC) laissées après dissolution du cholestérol Vasculites nécrosantes et granulomateuses La maladie de Wegener se traduit par une vasculite associée à des granulomes avec parfois nécrose extensive qui ressemble beaucoup à une mycobactériose. Les granulomes et la vasculite peuvent être dissociés. Le granulome est riche en neutrophiles (maladie de Wegener) ou en éosinophiles (maladie de Churg et Strauss). Il s’accompagne de plages de nécrobiose. La recherche de germes par examen direct, cultures, PCR est indispensable. En effet, la négativité des colorations spéciales, trop peu sensibles, ne permet pas d’éliminer une infection.
Lexique des principaux termes utilisés en pathologie inflammatoire cutanée Épiderme Acanthose, hyperacanthose Augmentation de l’épaisseur du corps muqueux. Acantholyse Dissociation des cellules épidemiques par rupture des desmosomes. Apoptose Voir nécrose. Ballonisation Gonflement et clarification cytoplasmique, forme d’altération observée dans certaines infections virales. Basale épidermique Couche génératrice de l’épiderme.
Corps muqueux de Malpighi Partie moyenne et différenciée de l’épiderme. Le corps muqueux est composé des cellules malpighiennes, cellules reliées par des desmosomes. Crêtes épidermiques Expansions épidermiques situées entre les papilles dermiques et formant le relief dentelé de la basale épidermique. Dyskératose Kératinisation prématurée d’un kératinocyte isolé. Épidermotropisme Migration intra-épidermique de cellules atypiques. Ce signe est décrit dans les lymphomes épidermotropes. Exocytose Migration intra-épidermique de cellules de morphologie normale (lymphocytes, macrophages, polynucléaires...). Exosérose Présence de sérosité entre les cellules du corps muqueux, ce qui provoque un étirement des desmosomes. Hypergranulose Épaissement par pluristratification de la couche granuleuse. Ce signe est plus difficile à apprécier aux mains et aux pieds où l’on note une granuleuse plus épaisse qu’ailleurs. Hyperkératose Épaississement de la couche cornée. Ce signe est plus difficile à apprécier aux mains et aux pieds où l’on note une couche cornée plus épaisse qu’ailleurs. Hyperpigmentation Augmentation de la pigmentation mélanique. Mélanose Augmentation de la pigmentation mélanique due soit à une hyperpigmentation des kératinocytes basaux, soit à des dépôts mélaniques dans le derme superficiel, séquelles de nécrose épidermique. Nécrose cellulaire Mort cellulaire par apoptose : la cellule se transforme en un corps globuleux, acidophile et anucléé. Mort cellulaire par vacuolisation Le cytoplasme est clair et vide. Le noyau est picnotique ou non visible. Nécrose caséeuse Plages acidophiles, homogènes, acellulaires contenant des débris de polynucléaires dans les zones périphériques et dans les lésions débutantes. Papillomatose Exagération du relief de la basale par allongement des crêtes épidermiques. Parakératose Persistance de noyaux dans la couche cornée par accélération du processus de kératinisation. Elle s’accompagne de la disparition de la granuleuse, couche de cellules contenant des grains de kératohyaline, située normalement sous la couche cornée. Pustule Cavité intra-épidermique contenant des polynucléaires altérés.
21-12 Dermatopathologie et maladies systémiques Spongiose Synonyme d’exosérose. Elle peut aboutir à la formation de vésicule Vésicule, bulle Cavité intra-épidermique ou sous-épidermique contenant de la sérosité claire et des éléments inflammatoires en nombre variable. Derme Calciphylaxie Calcification des parois vasculaires observée dans l’insuffisance rénale, l’hyperparathyroïdisme. Calcinose Dépôts extracellulaires de calcium. Élastose Augmentation et accumulation de fibres élastiques épaissies. La première cause est la photo-exposition. Fibrose, sclérose Ces deux termes sont synonymes. Ils désignent une augmentation de la trame conjonctive. Granulomes Accumulation de macrophages dans le derme. Ces macrophages forment parfois des amas épithélioïdes avec ou sans cellule géante. Ils peuvent s’associer à d’autres cellules inflammatoires : lymphocytes, plasmocytes, polynucléaires... et forment alors des granulomes polymorphes. Incontinence pigmentaire Présence de mélanine libre ou contenue dans des macrophages du derme superficiel. Elle s’accumule après nécrose des kératinocytes basaux. Ce phénomène est habituel dans les séquelles des lésions lichénoïdes. Infiltrats Amas de cellules inflammatoires dans le derme. Le diag1 Michel B, Milner Y, David K. Preservation of tissue-fixed immunoglobulins in skin biopsies of patients with lupus erythematosus and bullous diseases — preliminary report. J Invest Dermatol 1972 ; 59:449-452. 2 George R, Kurian S, Jacob M, Thomas K. Diagnostic evaluation of the lupus band test in discoid and systemic lupus erythematosus. Int J Dermatol 1995 ; 34:170-173. 3 Cardinali C, Caproni M, Fabbri P. The utility of the lupus band test on sun-protected nonlesional skin for the diagnosis of systemic lupus erythematosus. Clin Exp Rheumatol 1999 ; 17(4):427-432. 4 Ferrario F, Rastaldi MP. Henoch-Schonlein nephritis. J Nephrol 2005 ; 18:637-641. 5 Vassilopoulos D, Calabrese LH. Extrahepatic immunological complications of hepatitis C virus infection. AIDS 2005 ; 19:S123-S127. 6 Fabbri P, Amato L, Chiarini C et al. Scarring alopecia in discoid lupus erythematosus : a clinical, histopathologic and immunopatho-
nostic est discuté selon leur composition, leur topographie, les signes associés notamment épidermiques. Leucocytoclasie Fragmentation des polynucléaires, qui ont un aspect poussiéreux. Mucine Substance claire formée de mucopolysaccharides dans le derme ou les follicules pileux. La mucinose est l’accumulation de mucine. Mélanophages Macrophages contenant de la mélanine. Nécrobiose Aspect dégénératif de la substance fondamentale et de la trame conjonctive. Nécrose ou dépôt fibrinoïde Dépôt extracellulaire ressemblant à de la fibrine. Œdème Accumulation extracellulaire de sérosité dans le derme. Papille dermique Expansion du derme entre deux crêtes épidermiques. Elle est centrée par un capillaire terminal. Picnose Altération du noyau qui devient dense, homogène et ponctiforme. Hypoderme Adipocyte Cellule spécifique de l’hypoderme. Lobule adipeux Ensemble d’adipocytes entouré de cloisons conjonctivovasculaires. Cloison interlobulaire Travées de tissu conjonctif séparant les lobules adipeux et contenant les vaisseaux.
logic study. Lupus 2004 ; 13:455-462. 7 Trachsler S, Trueb RM. Value of direct immunofluorescence for differential diagnosis of cicatricial alopecia. Dermatology 2005 ; 211:98102. 8 Chung MS, Driebe WTJr. Patient with lichen planus and conjunctival immunopathologic features of lupus erythematosus. Am J Ophthalmol 1999 ; 128:364-365. 9 Ting W, Stone MS, Racila D et al. Toxic epidermal necrolysis-like acute cutaneous lupus erythematosus and the spectrum of the acute syndrome of apoptotic pan-epidermolysis (ASAP) : a case report, concept review and proposal for new classification of lupus erythematosus vesiculobullous skin lesions. Lupus 2004 ; 13:941-50. 10 Vassileva S. Bullous systemic lupus erythematosus. Clin Dermatol 2004 ; 22:129-138. 11 Magro CM, Crowson AN. The immunofluorescent profile of dermatomyositis : a comparative study with lupus erythematosus. J Cutan
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21-13
Figures 1.1 Lupus érythémateux aigu : érythème et œdème du front et des joues respectant les sillons naso-géniens 1-2 1.2 Lupus érythémateux aigu du décolleté 1-2 1.3 Lupus érythémateux aigu du dos des mains : atteinte papuleuse et érythémateuse en regard des zones articulaires et interarticulaires 1-4 1.4 Lupus érythémateux aigu muqueux buccal : érosion du palais 1-4 1.5 Lupus érythémateux aigu muqueux buccal : érosion de la face interne de la joue 1-4 1.6 Lupus érythémateux aigu labial 1-4 1.7 Lupus érythémateux subaigu : macules érythémateuses et annulaires du thorax et du cou en regard des zones photo-exposées 1-5 1.8 Gros plan sur des macules annulaires de lupus érythémateux subaigu 1-5 1.9 Lupus érythémateux subaigu bulleux à type de pseudo-érythème polymorphe 1-5 1.10 Lupus érythémateux subaigu : macules et papules érythémateuses et squameuses psoriasiformes de la partie supérieure du dos 1-5 1.11 Lupus érythémateux subaigu : macules dépigmentées vitiligineuses et lésions actives psoriasiformes 1-6 1.12 Lupus discoïde du visage et du cou : macules érythémateuses, squameuses et atrophiques 1-6 1.13 Lupus discoïde étendu du visage en « ailes de papillon » 1-7 1.14 Lupus discoïde du scalp responsable d’une large alopécie cicatricielle 1-7 1.15 Lupus discoïde des paumes 1-8 1.16 Lupus discoïde de la face interne de joue : lésion leucokératosique d’allure pseudolichénienne 1-8 1.17 Lupus tumidus : plaque papuleuse et œdémateuse sans squames ni atrophie cicatricielle 1-8 1.18 Lupus-engelures 1-8 1.19 Lupus érythémateux profond de la face externe d’un bras : nodules érythémateux et lipoatrophie cicatricielle 1-9 1.20 Lésions histologiques caractéristiques de lupus érythémateux : hyperkératose épidermique, lésions de dégénérescence des kératinocytes basaux, épaississement de la membrane basale, œdème et infiltrat lymphocytaire périvasculaire 1-10 1.21 Livédo de type racemosa (mailles non fermées) 1-13 1.22 Hémorragies filiformes (en flammèches) sous-unguéales 1-14 1.23 Lupus bulleux : vésicules et bulles groupées en bouquet du dos de la main 1-15 1.24 Mucinose papuleuse au cours du lupus systémique : lésions papuleuses couleur peau normale du bras 1-15 1.25 Anétodermie du bras au cours d’un lupus érythémateux systémique : lésions maculeuses et papuleuses couleur peau normale, « frippée » en surface 1-16 1.26 Pustulose amicrobienne du pli inguinal : multiples pustulettes parsemées sur une large macule érythémateuse et brunâtre mal limitée 1-16 2.1 2.2 2.3 2.4 2.5 2.6 2.7 2.8
Psoriasis cutané et unguéal des doigts associé à une atteinte rhumatismale inflammatoire des articulations interphalangiennes distales 2-2 Déformation des doigts au cours d’une polyarthrite psoriasique 2-2 Onycho-pachydermo-périostite psoriasique 2-2 Lésions élémentaires du psoriasis : macules érythémateuses et squameuses, arrondies et polycycliques à limites nettes, tranchées, par rapport à la peau saine 2-3 Psoriasis vulgaire ostréacé : épaisse couche squameuse et kératosique 2-3 Psoriasis en plaques du dos 2-3 Atteinte de la conque et du conduit auditif externe, classique au cours du psoriasis 2-4 Intertrigo psoriasique (psoriasis inversé) du pli abdominal 2-4
XIV Table des figures 2.9 Psoriasis du scalp : large plaque érythémateuse et squameuse traversée par les cheveux 2-4 2.10 Psoriasis de l’ongle : dépressions ponctuées cupuliformes (pitting) de la tablette unguéale 2-4 2.11 Onycholyse distale séparée de la partie saine de la tablette unguéale par une tache ovalaire (« tache d’huile ») 2-5 2.12 Anneaux leucokératosiques au cours d’une atteinte linguale psoriasique 2-5 2.13 Acrodermatite pustuleuse d’Hallopeau : pustules et squames jaunâtres des extrémités en « doigts de gant » 2-5 2.14 Destruction des tablettes unguéales remplacées par une hyperkératose et une atrophie cutanée au cours d’une forme chronique d’acrodermatite d’Hallopeau 2-6 2.15 Placards érythémateux recouverts de petites pustules et de larges squames au cours du psoriasis pustuleux généralisé 2-6 2.16 Érythème généralisé recouvert de larges squames au cours d’une érythrodermie psoriasique 2-6 2.17 Image histologique caractéristique du psoriasis : association d’une hyperkératose parakératosique, d’une acanthose et d’une papillomatose dermique avec infiltrat lymphocytaire modéré des papilles 2-7 2.18 Pityriasis rosé de Gibert 2-7 2.19 Eczématides achromiantes du dos 2-8 2.20 Lésions érythémateuses et squameuses des sillons nasogéniens et des sourcils au cours de la dermatite séborrhéique 2-8 2.21 Chaîne pathogénique du psoriasis 2-9 2.22 Proposition d’unification clinique et histologique des principales manifestations cutanées de la polyarthrite rhumatoïde 2-12 2.23 Nodules rhumatoïdes de la face d’extension de l’avant-bras 2-13 2.24 Nodules rhumatoïdes en regard des surfaces articulaires du dos de la main 2-13 2.25 Granulomes annulaires profonds 2-14 2.26 Histologie du nodule rhumatoïde : nécrose fibrinoïde entourée d’une bordure d’histiocytes disposés en palissade 2-14 2.27 Vasculite rhumatoïde : large ulcération cutanée creusante de la face externe de jambe 2-15 2.28 Micro-infarctus digital péri-unguéal au cours de la polyarthrite rhumatoïde 2-15 2.29 Dermite interstitielle granulomateuse avec arthrite : lésions cutanées caractéristiques érythémateuses et palpables disposées en bandes latérothoraciques et axillaires 2-16 2.30 Dermite interstitielle granulomateuse avec arthrite : lésions annulaires et confluentes du dos 2-17 2.31 Papules érythémateuses du coude à type de papules rhumatoïdes au cours d’une dermite interstitielle granulomateuse avec arthrite dans le cadre d’une polyarthrite rhumatoïde 2-17 2.32 Acné conglobata compliquée d’une atteinte rhumatismale axiale 2-18 2.33 Balanite circinée psoriasiforme au cours d’une arthrite réactionnelle à Chlamydia trachomatis 2-19 2.34 Kératodermie plantaire constituées de papules kératosiques et érythémateuses au cours d’une arthrite réactionnelle à Chlamydia trachomatis 2-19 2.35 Érosion du palais au cours d’une arthrite réactionnelle à Chlamydia trachomatis 2-20 2.36 Pustule hémorragique sous-unguéale au cours d’une arthrite réactionnelle à Chlamydia trachomatis 2-20 2.37 Éruption érythémateuse maculeuse, confluente au cours d’une maladie de Still de l’adulte. Le caractère parfois linéaire des lésions témoigne d’un phénomène de Koebner 2-20 2.38 Tuméfactions nodulaires « perlées » périunguéales au cours d’une réticulo-histiocytose multicentrique 2-21 2.39 Tophi chroniques de l’olécrane 2-21 2.40 Tophi chroniques du dos d’une main en regard des jointures articulaires 2-21 3.1 3.2 3.3 3.4 3.5 3.6 3.7 3.8 3.9 3.10 3.11
Phase syncopale au cours du syndrome de Raynaud 3-1 Sclérodactylie : phase initiale œdémateuse 3-2 Sclérodactylie évoluée : flexion permanente et rétractile des doigts 3-2 Calcinoses multiples en regard des tendons extenseurs 3-2 Plis radiaires de la lèvre supérieure au cours du syndrome CREST 3-3 Forme engainante et diffuse de sclérodermie systémique 3-3 Lésions histologiques caractéristiques de sclérose cutanée au cours de ScS : atrophie épidermique, infiltrat inflammatoire périvasculaire, horizontalisation des fibres collagènes 3-4 Télangiectasies au cours du syndrome CREST 3-4 Tomodensitométrie d’une pneumopathie fibrosante chronique au cours de la ScS : images linéaires réticulaires intralobulaires et en « rayons de miel » (régions postérieures) 3-4 Morphée en plaque : sclérose cutanée centrale cernée d’un anneau périphérique rose mauve 3-9 White spot disease : multiples petites macules porcelainées de la partie antérieure du thorax 3-9
Table des figures XV 3.12 3.13 3.14 3.15 4.1 4.2 4.3 4.4 4.5 4.6 4.7 4.8 4.9 4.10 4.11 4.12 4.13 4.14 4.15 4.16 4.17 4.18 4.19
Atrophodermie de Pasini Piérini : macules pigmentées discrètement atrophiques médiodorsales et lombaires 3-10 Sclérodermie linéaire du bras : bande pigmentée scléroatrophique à disposition linéaire suivant les lignes de Blaschko 3-10 Sclérodermie en « coup de sabre » : bande scléreuse et atrophique en « gouttière » du front avec alopécie partielle du sourcil 3-11 Fasciite de Shulman : œdème inflammatoire des jambes, d’évolution ascendante 3-11 Papules diffuses et coalescentes au cours du lichen myxœdémateux ; la disposition linéaire sur la face du cou est caractéristique 4-2 Dermopathie fibrosante néphrogénique 4-3 Œdème induré de la partie haute du dos discrètement inflammatoire au cours du sclérœdème de Buschke 4-4 Syndrome POEMS : large macule hyperpigmentée de la face externe d’une cuisse 4-5 Syndrome POEMS : état sclérodermiforme des doigts et leuconychie proximale des tablettes inguéales 4-5 Syndrome POEMS : lipoatrophie faciale associée à une hypertrichose 4-6 Syndrome POEMS : multiples angiomes cutanés gloméruloïdes d’âge et de taille différents, reposant sur une large macule pigmentée de la face externe d’une cuisse 4-6 Placard induré jaunâtre du membre inférieur au cours d’une réaction cutanée chronique du greffon contre l’hôte sclérodermiforme 4-7 Multiples macules dépigmentées et atrophiques de type « white spot disease » au cours de la réaction cutanée chronique du greffon contre l’hôte sclérodermiforme 4-7 Œdème diffus, inflammatoire et induré des membres inférieurs au cours d’une fasciite liée à une réaction cutanée chronique du greffon contre l’hôte chronique 4-8 Fasciite des membres inférieurs induite par la gemcitabine 4-8 Placard sclérodermiforme lombo-fessier après injection intramusculaire de vitamine K 1 4-9 Guêtre sclérodermiforme au cours de la lipodermatosclérose 4-9 Lésions sclérodermiformes de type morphée au cours d’une porphyrie cutanée tardive 4-10 Syndrome sclérodermiforme des mains chez le patient diabétique 4-10 Hémiatrophie faciale gauche au cours du syndrome de Parry-Romberg 4-11 Œdème et épaississement palmaire au cours d’une fasciite palmaire-arthrite 4-11 Sclérodermie d’Huriez : sclérodactylie et atrophie des éminences thénard et hypothénard 4-12 Stries longitudinales et hypoplasie de la tablette de l’ongle 4-12
5.1 Érythème œdémateux, rosé et finement squameux des paupières, caractéristique de la dermatomyosite 5-2 5.2 Signe de Gottron de la dermatomyosite : macules rouge violine du dos des mains, disposées en bandes en regard des tendons extenseurs se renforçant en regard des articulations interphalangiennes et métacarpophalangiennes 5-3 5.3 Papules de Gottron au cours d’une dermatomyosite juvénile. Ces papules à caractère atrophique, déprimées en leur centre et de couleur blanc porcelainé sont disposées en regard des faces articulaires d’extension du dos des mains 5-3 5.4 Atteinte comparative des mains au cours de la dermatomyosite et du lupus érythémateux. À l’opposé de la dermatomyosite, les lésions cutanées lupiques prédominent sur les zones interarticulaires dorsales ou palmaires des doigts et sur les pulpes 5-5 5.5 Érythème en « V » préthoracique au cours de la dermatomyosite 5-5 5.6 Érythème diffus du dos et des épaules (signe du châle) au cours de la dermatomyosite 5-6 5.7 Macules érythémateuses de disposition linéaire (érythème flagellé) de la racine du membre supérieur : un signe très spécifique, rare mais sous-estimé au cours de la dermatomyosite 5-6 5.8 Large macule rouge violine, squameuse avec renforcement folliculaire, de la face externe de la cuisse au cours de la dermatomyosite (holster sign) 5-7 5.9 Poïkilodermie (association d’une atrophie cutanée avec télangiectasies et troubles pigmentaires) de la face antérieure du décolleté au cours de la dermatomyosite 5-7 5.10 Lésions histologiques de la dermatomyosite : hyperkératose, atrophie épidermique avec vacuolisation de l’assise basale, infiltrat inflammatoire périvasculaire et dilatation des capillaires 5-7 5.11 Érythème péri-unguéal lié à la présence de mégacapillaires, visibles à l’œil nu, au cours de la dermatomyosite 5-8 5.12 Spicules hyperkératosiques du flanc diffuses, en nappe, au cours de la dermatomyosite de type Wong 5-8 5.13 Hyperkératose fissuraire des faces latérales des doigts (« main mécanique ») au cours d’un syndrome des antisynthétases chez une femme de 55 ans 5-8
XVI Table des figures 5.14
Macules hyperpigmentées et scléreuses au cours d’une mucinose secondaire à une dermatomyosite amyopathique évoluant depuis une dizaine d’années 5-9 5.15 Calcinose cutanée profonde et musculaire compliquant une dermatomyosite de l’adulte 5-9 5.16 Hypertrichose localisée sous-patellaire au cours d’une dermatomyosite chez un garçon de 9 ans 5-10 5.17 Nécroses et érosions cutanées au cours d’une dermatomyosite révélant un carcinome broncho-pulmonaire chez un homme de 80 ans 5-11 5.18 Lésions érythémateuses et atrophiques du dos des mains à type de pseudodermatomyosite au cours d’un traitement au long cours par l’hydroxyurée 5-11 6.1 6.2 6.3 6.4 6.5 6.6 6.7 6.8 6.9 6.10 6.11 6.12 6.13 6.14 6.15 6.16 6.17 6.18 6.19 6.20 6.21 6.22 6.23 6.24 6.25 6.26 6.27 6.28 6.29 6.30 7.1 7.2 7.3 7.4 7.5 7.6 7.7 7.8
Mécanismes physiopathogéniques simplifiés des vasculites cutanées 6-2 Vasculite leucocytoclasique 6-3 Purpura pétéchial infiltré déclive au cours d’une vasculite cutanée 6-4 Papules pseudo-urticariennes au cours d’une vasculite cutanée 6-4 Livédo ramifié au cours d’une périartérite noueuse 6-5 Vascularite cutanée. Papules purpuriques et lésions nécrotiques superficielles bulleuses 6-5 Vascularite nécrotique au cours d’un purpura rhumatoïde : plaques noirâtres bordées d’un liseré purpurique 6-5 Ulcérations torpides à type de pyoderma gangrenosum au cours d’une granulomatose de Wegener 6-6 Purpura rhumatoïde : purpura maculo-papuleux déclive des membres inférieurs 6-12 Purpura rhumatoïde : atteinte extensive purpurique pétéchiale du tronc 6-12 Purpura rhumatoïde : éruption polymorphe associant simultanément des lésions cutanées d’âge différent à type de plaques purpuriques, nécrose cutanée, ulcérations post-nécrotiques et plaques pigmentées 6-12 Œdème aigu hémorragique du nourrisson : lésions purpuriques, hémorragiques du visage et des membres supérieurs 6-14 Purpura cryoglobulinémique : association très évocatrice d’un purpura déclive et d’une dermite ocre ramifiée bilatérale séquellaire 6-14 Lésions papuleuses urticariennes fixes et symétriques des membres inférieurs au cours d’une vasculite urticarienne de Mac Duffie 6-17 Livédo ramifié et inflammatoire au cours d’une périartérite noueuse 6-19 Ulcération cutanée de jambe cernée d’un halo purpurique et d’un livédo au cours d’une périartérite noueuse 6-19 Nécrose fibrinoïde et destruction de la paroi d’une artériole au cours de la PAN 6-20 Nodules cutanés profonds du visage et des extrémités au cours d’une angéite de Churg et Strauss 6-21 Purpura papuleux du membre inférieur au cours d’une maladie de Wegener 6-23 Lésions papuleuses et nécrotiques des genoux au cours d’une maladie de Wegener 6-24 Ulcérations cutanées du front au cours d’une maladie de Wegener 6-24 Ulcération jugale au cours d’une maladie de Wegener 6-24 Gingivite hyperplasique framboisée au cours d’une maladie de Wegener 6-25 Anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (type cytoplasmique) 6-25 Lésions maculeuses atrophiques et pigmentées temporales séquellaires d’une atteinte cutanée au cours d’une maladie de Horton 6-26 Nécrose massive linguale au cours d’une maladie de Horton 6-27 Nodules cutanés érythémateux des jambes au cours d’une artérite de Takayasu 6-28 Ulcérations cutanées des faces antérieures des cuisses au cours d’une artérite de Takayasu 6-28 Nécrose digitale pulpaire et érythrocyanose pulpaire du troisième doigt gauche révélant une maladie de Buerger 6-29 Artériographie au cours d’une maladie de Buerger : multiples obstructions distales des artères digitales 6-30 Ulcérations larges, à bords nets, au fond « beurre frais » ou grisâtre, entourées d’un halo inflammatoire situées sur le bord latéral de la langue au cours d’une maladie de Behçet 7-2 Aphtose labiale inférieure, de forme linéaire, au cours d’une maladie de Behçet 7-2 Ulcérations à l’emporte-pièce nécrotique et à fond fibrineux du scrotum au cours d’une maladie de Behçet 7-2 Ulcérations aphtoïdes vulvaires au cours d’une maladie de Behçet 7-3 Pseudo-folliculite et aphtose péri-anale au cours d’une maladie de Behçet 7-3 Pseudo-folliculite de maladie de Behçet : papules, vésicules et pustules non folliculaires de la partie haute du thorax et du cou 7-4 Nodules disposés linéairement sur les membres inférieurs caractérisant des thromboses veineuses superficielles au cours d’une maladie de Behçet 7-4 Atteinte oculaire angiographique au cours d’une maladie de Behçet : papillite modérée, périphlébites des gros troncs rétiniens, vasculite diffuse à prédominance veineuse, œdème maculaire cystoïde chronique et hyalite modérée 7-4
Table des figures XVII 7.9
Ulcération linguale étendue induite par la prise de nicorandil 7-6
8.1 Langue dépapillée au cours d’un syndrome de Gougerot-Sjögren 8-2 8.2 Érythème annulaire proche du lupus subaigu annulaire au cours d’un syndrome de Gougerot-Sjögren primitif 8-3 8.3 Pathogénie du syndrome de Gougerot-Sjögren 8-4 8.4 Lésions histologiques au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren : destruction partielle des acini remplacés par du tissu adipeux et infiltrat inflammatoire lymphocytaire glandulaire 8-5 8.5 Arbre décisionnel diagnostique du syndrome de Gougerot-Sjögren 8-7 9.1 Conjonctivite, glossite et chéilite au cours d’une maladie de Kawasaki 9-2 9.2 Érythème plantaire au cours d’une maladie de Kawasaki de l’adulte 9-2 9.3 Érythème du pli interfessier associé à une fine desquamation périphérique : un signe évocateur de maladie de Kawasaki 9-2 9.4 Atteinte palmaire au cours d’une maladie de Kawasaki de l’adulte 9-4 9.5 Échocardiographie bidimensionnelle : volumineuse dilatation de l’artère coronaire au cours d’une maladie de Kawasaki du nourrisson 9-5 9.6 Anévrismes coronariens compliquant tardivement une maladie de Kawasaki de l’adulte 9-5 9.7 Diagnostic des formes incomplètes de maladie de Kawasaki 9-7 10.1 10.2 10.3 10.4 10.5 10.6 11.1 11.2 11.3 11.4 11.5 11.6 11.7 11.8
Tuméfaction inflammatoire du pavillon de l’oreille, respectant le lobule non cartilagineux au cours d’une polychondrite chronique atrophiante 10-2 Tuméfaction nasale inflammatoire au cours d’une polychondrite chronique atrophiante 10-2 Aspect en « selle » du nez au cours d’une polychondrite chronique atrophiante 10-3 Multiples nodules érythémateux du tronc au cours d’une vascularite nodulaire d’une polychondrite chronique atrophiante 10-4 Épisclérite au cours d’une polychondrite chronique atrophiante 10-4 Atteinte histologique cartilagineuse : infiltration lymphoplasmocytaire de la substance fondamentale du cartilage 10-5 Physiopathologie des fièvres périodiques. Organisation globale de la réponse des polynucléaires et des macrophages aux stimuli pro-inflammatoires 11-2 Placards urticariens au cours d’une maladie périodique 11-3 Pseudo-érysipèle au cours d’une maladie périodique 11-4 Érosions aphtoïdes palatines au cours d’un syndrome hyper-IgD 11-5 Urticaire diffuse et fixe du tronc au cours d’un syndrome de Muckle et Wells 11-6 Éruption urticarienne au cours d’un syndrome CINCA 11-7 Hypertrophie de la rotule au cours d’un syndrome CINCA 11-7 Atteinte osseuse rotulienne au cours d’un syndrome CINCA 11-7
12.1 Classification anatomoclinique et pathogénique des paraprotéinémies 12-2 12.2 Plaques et nodules infiltrés périmalléolaires chez un sujet avec un plasmocytome cutané, sans signe de myélome 12-3 12.3 Nodules cutanés témoignant d’une atteinte cutanée de maladie de Waldenström 12-3 12.4 Nodule cutané ulcéré témoignant d’un envahissement par contiguïté à partir d’un foyer osseux au cours du myélome 12-3 12.5 Angiome gloméruloïde au cours d’un syndrome POEMS. Il s’agit d’une prolifération endovasculaire reproduisant le dessin d’un glomérule rénal. Les dépôts amorphes intra-luminaux correspondent à des dépôts de l’immunoglobuline monoclonale 12-4 12.6 Acrocyanose et papules urticariennes fixes disposées linéairement en regard de trajets veineux superficiels au cours d’une cryoglobulinémie mixte 12-5 12.7 Livédo racémeux des membres inférieurs au cours d’une cryoglobulinémie polyclonale de type mixte 12-5 12.8 Nécrose cutanée distale d’un orteil et livédo au cours d’une cryoglobulinémie mixte liée à une hépatite virale chronique C 12-6 12.9 Livédo à évolution purpurique (« purpura rétiforme ») et nécrotique au cours d’une cryoglobulinémie monoclonale. Noter également les lésions purpuriques stellaires. Le purpura rétiforme et le purpura stellaire traduisent presque toujours une vasculopathie thrombosante évolutive et imposent donc une prise en charge immédiate 12-6 12.10 Macules et plaques roses à peine surélevées au cours d’un syndrome de Schnitzler 12-7 12.11 Plaque rouge violacé, lisse, luisante, aux bords émoussés mais nets au cours d’un syndrome AESOP 12-8
XVIII Table des figures 12.12 12.13
Papules jaunes confluentes en plaques et en nodules, de localisation périorbitaire, au cours du xanthogranulome nécrobiotique 12-9 Spicules kératosiques chroniques du visage sans étiologie mise en évidence 12-9
13.1 Purpura ecchymotique des paupières au cours d’une amylose AL 13-2 13.2 Purpura des faces latérales du cou au cours d’une amylose AL 13-3 13.3 Purpura pétéchial disposé sous une forme striée linéaire d’un pli de l’abdomen au cours d’une amylose AL 13-3 13.4 Amylose maculeuse pigmentée : hyperpigmentation de la couche basale épidermique, hyperplasie des papilles dermiques contenant des dépôts amyloïdes colorés par le cristal violet 13-3 13.5 Papules lisses, brillantes, cireuses des paupières au cours d’une amylose AL 13-4 13.6 Lésions pseudo-condylomateuses anales au cours d’une amylose AL 13-4 13.7 Alopécie modérée et localisée avec purpura ecchymotique du scalp au cours d’une amylose AL 13-4 13.8 Amylose unguéale : striation longitudinale, atrophie et anonychie partielle 13-5 13.9 Macroglossie au cours d’une amylose AL 13-5 13.10 Papules brunes groupées des faces d’extension des avant-bras au cours d’une amylose papuleuse 13-6 13.11 Gros plan sur les lésions cutanées d’amylose papuleuse 13-6 13.12 Plaques brunâtres mal limitées du dos au cours d’une amylose maculeuse 13-6 13.13 Amylose biphasique associant des lésions papuleuses et maculeuses amyloïdes 13-7 14.1 14.2 14.3 14.4 14.5 14.6 14.7 14.8 14.9 14.10 14.11 14.12 14.13 14.14 14.15 14.16 14.17 14.18 14.19 14.20 14.21 14.22 14.23 14.24 15.1
Corrélation entre les principales dermatoses neutrophiliques et la profondeur cutanée de l’infiltrat neutrophilique 14-2 Pathogénie des dermatoses neutrophiliques 14-3 Syndrome de Sweet : aspect typique de papules et de plaques surélevées au relief irrégulier, « montagneux » 14-3 Syndrome de Sweet : caractère circiné de certaines plaques (aspect de guérison centrale) 14-4 Localisation classique de syndrome de Sweet sur la partie haute du tronc et le cou 14-4 Syndrome de Sweet du visage associé à une conjonctivite 14-4 Lésions histologiques du syndrome de Sweet : infiltrat dermique massif de neutrophiles et œdème du derme superficiel 14-4 Syndrome de Sweet bulleux au cours d’un lymphome splénique 14-5 Vasculite pustuleuse (dermatose neutrophilique) du dos des mains 14-6 Pyoderma gangrenosum débutant : ulcération profonde à bords décollés et violacés 14-7 Pyoderma gangrenosum : vaste ulcération profonde nécrotique et fibrineuse entourée d’un bourrelet d’extension violacé et purulent (clapiers pustuleux) entouré d’un halo d’œdème et d’érythème 14-7 Cicatrice atrophique et cribiforme de pyoderma gangrenosum 14-8 Pyoderma malin : variante agressive de pyoderma du cou 14-8 Pyoderma gangrenosum pustuleux caractérisé par des pustules non folliculaires à base érythémateuse inflammatoire 14-9 Pyoderma gangrenosum bulleux au cours d’une anémie réfractaire avec excès de blastes 14-9 Pyoderma superficiel végétant : les lésions cutanées initialement pustuleuses prennent un caractère chronique végétant 14-9 Pustulose sous-cornée : pustule plate cernée d’une base inflammatoire 14-10 Pustulose sous-cornée : multiples petites pustules désséchées sur une base érythémateuse groupées en formation annulaire sur le tronc 14-10 Hidradénite neutrophilique eccrine au cours d’un traitement par cytostatiques : plaques érythémateuses du visage prédominant sur la région périorbitaire et le front 14-11 Hidradénite neutrophilique eccrine lors d’une infection VIH 14-11 Hidradénite eccrine neutrophilique plantaire : nodules érythémateux plantaires évocateurs d’un érythème noueux 14-12 Erythema elevatum diutinum : papules et nodules des faces d’extension des articulations des mains 14-12 Abcès aseptiques neutrophiliques : nodules cutanés profonds et fistulisés des jambes au cours d’une maladie de Crohn 14-13 Nodule liquidien pseudo-kystique et aseptique (confirmation par ponction-biopsie) correspondant à la localisation spécifique neutrophilique hépatique d’un pyoderma gangrenosum 14-13 Physiopathologie générale des dermatoses à éosinophiles : le polynucléaire éosinophile produit et secrète divers médiateurs à l’origine de relations cellulaires avec les mastocytes (activation réciproque), les cellules endothéliales (action proangiogène) et les fibroblastes (effet profibrosant) 15-2
Table des figures XIX 15.2 15.3 15.4 15.5 15.6 15.7 15.8 15.9 15.10 15.11 15.12 15.13 15.14 15.15 16.1 16.2 16.3 16.4 16.6 16.5 16.7 16.8 16.9 16.10 16.11 16.12 16.13 17.1 17.2 17.3 17.4 17.5 17.6 17.7 17.8 17.9 17.10 17.11 17.12
Papules et pustules disséminées du visage et du cou au cours d’une folliculite pustuleuse à éosinophiles d’Ofuji 15-3 Atteinte des épaules et de la nuque chez le même malade 15-3 Lésions papuleuses et pustuleuses inflammatoires de la face antérieure du tronc au cours d’une folliculite pustuleuse chez un patient VIH 15-3 Atteinte pustuleuse du scalp au cours d’une folliculite pustuleuse à éosinophiles de l’enfant 15-4 Atteinte pustuleuse du tronc : une localisation cutanée atypique de folliculite pustuleuse à éosinophiles de l’enfant 15-4 Plaque inflammatoire annulaire de la face postérieure du membre supérieur au cours d’une cellulite à éosinophiles 15-5 Papules et nodules prébulleux du dos des mains au cours d’une cellulite à éosinophiles 15-5 Érythème annulaire à éosinophiles, une variante clinique de la cellulite à éosinophiles 15-5 Infiltrat dermique à prédominance de polynucléaires éosinophiles (à fort grossissement, image en « flammèches ») 15-6 Papulo-nodule angiomateux du scalp au cours d’une hyperplasie angio-lymphoïde avec éosinophilie 15-6 Nodules brunâtres, d’aspect peau d’orange, d’une joue au cours du granulome facial éosinophilique de Lever 15-7 Ulcérations du bord lingual au cours d’un ulcère éosinophilique des muqueuses 15-8 Exanthème maculo-papuleux inflammatoire du tronc au cours d’un syndrome hyperéosinophilique primitif 15-9 Érosions muqueuses palatines au cours d’un syndrome hyperéosinophilique primitif 15-9 Aspect ultrastructural du mastocyte 16-2 Ontogenèse du mastocyte 16-3 Flush du visage au cours d’une mastocytose de l’enfant 16-5 Urticaire pigmentaire de l’adulte 16-6 Signe de Darier au cours d’un mastocytome de l’enfant. Le frottement de la lésion initiale à l’aide d’une pointe mousse entraîne sa turgescence 16-6 Urticaire pigmentaire au cours d’une mastocytose systémique de l’adulte. Renforcement des lésions brunâtres au niveau du pli sous-abdominal 16-6 Urticaire pigmentaire de l’enfant : aspect « peau de léopard » 16-7 Mastocytose bulleuse de l’enfant associant des plaques érythémateuses surmontées de bulles du dos et un dermographisme du haut du tronc 16-7 Télangiectasies profuses, groupées en une large plaque médio-dorsale et scapulaire au cours d’une mastocytose télangiectasique 16-7 Mastocytose xanthélasmoïde : macules brunâtres du cou disposées selon les lignes de tension cutanée 16-7 Mastocytose multinodulaire : petits nodules hémisphériques de surface lisse des épaules 16-8 Infiltrat mastocytaire dermique, prédominant en position périvasculaire, au cours d’une urticaire pigmentaire 16-9 Marquage immuno-histochimique des mastocytes par le CD-117 (c-kit) 16-9
Érythème noueux : nodules érythémateux profonds des faces antérieures de jambes 17-2 Sarcoïdes à petits nodules : papules et nodules hémisphériques rouge brunâtre de surface lisse 17-2 Sarcoïdes à petits nodules de l’avant-bras 17-3 Sarcoïdes à petits nodules de la nuque 17-3 Sarcoïdes à gros nodules du visage : nodules saillants brunâtres de surface lisse 17-3 Angiolupoïde de Brocq-Pautrier : placard nodulaire isolé angiomateux de la joue 17-4 Sarcoïdes en plaque : plaque tuméfiée et infiltrée résultant de la confluence de sarcoïdes 17-4 Lupus pernio : larges nodules et plaques annulaires du visage 17-5 Lupus pernio de l’oreille 17-5 Réactivation d’une ancienne cicatrice prenant une allure chéloïdienne au cours de sarcoïdes sur cicatrice 17-5 Sarcoïde sur cicatrice du genou gauche associée à des lésions papuleuses spécifiques 17-6 Sarcoïdes hypodermiques : volumineux nodules sous-cutanés associés à des lésions papuleuses sarcoïdosiques spécifiques 17-6 17.13 Alopécie cicatricielle sarcoïdosique 17-6 17.14 Atteinte nodulaire sarcoïdosique du palais 17-6 17.15 Sarcoïdose cutanée : le derme est envahi sur toute sa hauteur par des granulomes épithélioïdes et gigantocellulaires ; gros plan sur les granulomes sarcoïdosiques 17-7
XX Table des figures 18.1 Exanthème maculo-papuleux du tronc 18-2 18.2 Plaques érythémateuses, œdémateuses à centre clair de l’abdomen : urticaire marginée 18-3 18.3 Angio-œdème de la lèvre inférieure 18-3 18.4 Pustulose exanthématique aiguë généralisée : semis de petites pustules non folliculaires sur un placard rouge vif de l’abdomen et des plis inguinaux 18-4 18.5 Pseudo-Lyell par coalescence des pustules au cours d’une pustulose exanthématique aiguë généralisée 18-4 18.6 Pustulose exanthématique aiguë généralisée : pustule spongiforme sous-cornée et infiltrat mixte lymphocytaire et neutrophilique périvasculaire du derme 18-5 18.7 Macules ovalaires rouge violacé multiples caractéristiques de l’érythème pigmenté fixe 18-6 18.8 Atteinte de la lèvre supérieure au cours d’un érythème pigmenté fixe 18-6 18.9 Pseudo-Lyell au cours d’une forme diffuse et bulleuse d’érythème pigmenté fixe 18-6 18.10 Érythème pigmenté fixe : nombreuses nécroses kératinocytaires éosinophiles, associées à une vacuolisation basale épidermique. Infiltrat inflammatoire polymorphe du derme papillaire et présence de quelques mélanophages dermiques 18-6 18.11 Exanthème maculeux coalescent au cours d’un syndrome DRESS induit par la carbamazépine 18-7 18.12 Lésions érythémateuses en cocarde du dos des doigts caractéristiques de l’érythème polymorphe 18-8 18.13 Nécrolyse épidermique toxique : décollement cutané en « linge mouillé » diffus du dos 18-8 18.14 Signe de Nikolsky : décollement épidermique provoqué par le frottement cutané 18-9 18.15 Atteinte érosive, croûteuse et hémorragique des muqueuses labiales et nasale au cours du syndrome de StevensJohnson 18-9 18.16 Atteinte génitale érosive au cours du syndrome de Stevens-Johnson 18-9 18.17 Nécrolyse épidermique toxique : nécrose éosinophile confluente de la majorité de l’épiderme, sans modification de la couche cornée. Clivage de l’épiderme par rapport au derme en un seul bloc (bulle sous-épidermique) et infiltrat inflammatoire discret du derme superficiel 18-10 19.1 19.2 19.3 19.4 19.5 19.6 19.7 19.8 19.9
Lupus érythémateux chronique « vitiligoïde ». Un examen clinique superficiel aurait pu conclure à un vitiligo, mais il existe un érythème inflammatoire violacé, une hyperchromie « jonctionnelle » périphérique et de discrètes modifications de surface 19-2 Aspect de « lupus-lichen » chez une patiente ayant appliqué des produits à base d’hydroquinone de façon prolongée. Ce type de lésion régresse plus ou moins rapidement à l’arrêt de la pratique de dépigmentation 19-2 Lupus érythémateux subaigu. L’hyperchromie est intense, étendue, et dépasse apparemment largement les zones actuellement inflammatoires 19-3 Achromie mouchetée profuse caractéristique de sclérodermie systémique 19-3 Œdème périorbitaire au cours d’une dermatomyosite ; l’aspect « lilacé » fait défaut 19-4 Poïkilodermatomyosite 19-4 Vascularite. Le purpura est peu visible, relégué au second plan de la sémiologie par des lésions nécrotiques secondaires 19-4 Sarcoïdose hypochromique profuse 19-5 Aspect de Facial Afro-Carribean Childhood Eruption (FACE) chez une Africaine âgée de 14 ans. Les lésions, qui étaient satellites d’une application de corticoïdes locaux, ont régressé complètement après un traitement oral par cyclines de quelques semaines 19-5
20.1 20.2
Représentation schématique de la boucle capillaire 20-1 Mégacapillaires : ils sont toujours pathologiques et s’observent surtout dans la dermatomyosite, souvent lors de sclérodermie et lors de syndrome de Sharp, parfois lors de lupus 20-3 20.3 Représentation schématique des dystrophies capillaires 20-3 20.4 Sinuosités physiologiques à type de caducée ou de huit 20-3 20.5 Tortuosités capillaires avec aspect en feuille de fougère 20-4 20.6 Les microhémorragies capillaires migrent en « volutes de fumées » et leur coloration se modifie selon la biligénie 20-4 20.7 Dystrophie capillaire ectasiante 20-4 20.8 Migration discontinue des érythrocytes lors de sludge 20-6 21.1 21.2
Lichen plan : découpage de la basale épidermique par un infiltrat lymphocytaire, présence de corps hyalins, hypergranulose, hyperkératose orthokératosique 21-3 Lupus érythémateux : vacuolisation de la couche basale par nécrose des kératinocytes, atrophie du corps muqueux, épaississement hyalin de la zone sous-basale, infiltrat lymphocytaire 21-3
Table des figures XXI 21.3 21.4 21.5 21.6 21.7 21.8 21.9 21.10 21.11 21.12 21.13 21.14 21.15 21.16 21.17 21.18 21.19 21.20 21.21 21.22 21.23 21.24 21.25
Lupus érythémateux : infiltrats lymphocytaires, follicules pileux atrophiques, dilatation d’un ostium pilaire avec bouchon corné 21-4 Lupus érythémateux : bande lupique sur la basale épidermique et sur une basale pilaire avec anti-IgG (immunofluorescence cutanée) 21-4 Lupus érythémateux bulleux : bulle sous-épidermique à toit intact, accumulation de polynucléaires dans le clivage témoignant de l’association à une maladie bulleuse auto-immune de la jonction dermo-épidermique 21-4 Dermatomyosite : altérations vacuolaires de la basale épidermique, au-dessus d’un derme discrètement inflammatoire et œdémateux 21-5 Réaction aiguë du greffon contre l’hôte : corps cellulaires apoptotiques dans la couche basale avec images de « satellite cell necrosis », discret infiltrat inflammatoire 21-5 Toxidermie : exocytose lymphocytaire autour de cellules nécrosées de la couche basale épidermique, infiltrat du derme papillaire 21-5 Lupus érythémateux tumidus : infiltrats lymphocytaires dermiques denses et profonds atteignant l’hypoderme, discrète atrophie épidermique 21-5 Lupus érythémateux : panniculite avec follicules lymphocytaires 21-6 Lupus-engelures : infiltrat lichénoïde associé à des infiltrats profonds longeant et infiltrant les vaisseaux 21-6 Sclérodermie (morphée) : épaississement scléreux du derme, peu cellulaire, avec horizontalisation des fibres de collagène, atrophie annexielle, infiltrat lymphocytaire soulignant la périphérie de la plaque, respect du derme superficiel et de l’épiderme 21-6 Fasciite : épaississement scléreux du fascia aux dépens du tissu adipeux, infiltrats lymphocytaires avec présence de quelques follicules 21-7 Fibrose néphrogénique : hyperplasie fibroblastique diffuse du derme avec fibrose 21-7 Sarcoïdose : granulomes épithélioïdes nodulaires, bien limités avec cellules multinucléées, sans nécrose. Petit infiltrat lymphocytaire périphérique 21-8 Granulome annulaire : infiltrat macrophagique réticulé entouré de quelques manchons lymphocytaires périvasculaires 21-8 Granulomatose de Wegener : foyers de nécrose basophile contenant une poussière nucléaire bleuâtre, infiltrats polymorphes contenant des amas macrophagiques mal limités 21-8 Xanthogranulome nécrobiotique : nécrobiose extensive avec granulomes macrophagiques gigantocellulaires et sclérose 21-8 Dermatite interstitielle granulomateuse : infiltrats macrophagiques entourant des fibres de collagène dégénératif. Présence de quelques éosinophiles dispersés dans le derme voisin 21-9 Syndrome de Sweet : infiltrat diffus de polynucléaires neutrophiles leucocytoclasiques, séparé de l’hypoderme par un œdème papillaire. L’épiderme est normal 21-9 Urticaire : discrète infiltration de polynucléaires éosinophiles et neutrophiles entre les fibres de collagène 21-10 Phénomène de Wells : dégranulation de polynucléaires éosinophiles avec nécrobiose acidophile, présence d’une figure « en flammèche » caractéristique du phénomène 21-10 Vasculite leucocytoclasique : thrombose d’un capillaire terminal, nécrose fibrinoïde débordant le vaisseau, leucocytoclasie 21-10 Vasculite leucocytoclasique : thrombose d’une veinule avec nécrose fibrinoïde pariétale. L’infiltrat est ici à prédominance lymphocytaire 21-10 Embolie de cholestérol : oblitération de la lumière d’une petite artère hypodermique par des cristaux de cholestérol dont on ne voit ici que les empreintes laissées après dissolution du cholestérol 21-11
Tableaux 1.1 1.2
Principales manifestations dermatologiques observées au cours des lupus 1-2 Gènes en dehors du complexe majeur d’histocompatibilité potentiellement impliqués à l’origine d’une susceptibilité aux lupus cutanés ou à la production d’anticorps anti-Ro/SS-A 1-3
2.1
Manifestations cliniques de la vasculite rhumatoïde 2-15
4.1
Principales manifestations systémiques extracutanées du scléromyxœdème 4-2
5.1 Caractéristiques cliniques du syndrome des antisynthétases 5-5 5.2 Principaux anticorps associés aux myopathies inflammatoires 5-12 9.1 Diagnostics différentiels de la maladie de Kawasaki 9-5 9.2 Comparaison des principales manifestations cliniques et paracliniques des maladies de Kawasaki de l’adulte et de l’enfant 9-8 13.1 Classification des amyloses avec expression cutanée 13-2 17.1 Principales manifestations systémiques extracutanées de la sarcoïdose 17-8 17.2 Manifestations médiastino-pulmonaires de la sarcoïdose 17-9 18.1 Principaux mécanismes immunoallergiques des toxidermies 18-2 18.2 Signes de gravité devant un exanthème maculo-papuleux 18-2 18.3 Chronologies évocatrices dans les toxidermies 18-11 18.4 Définitions pour comprendre la classification des médicaments 18-12 20.1
Principales anomalies capillaroscopiques en médecine interne 20-5
21.1 21.2
Principales colorations histochimiques 21-2 Principaux anticorps utilisés pour identifier les cellules des infiltrats cutanés 21-2
Encadrés 1.A Médicaments inducteurs de lupus érythémateux subaigu 1-3 1.B Critères de classification du lupus érythémateux aigu disséminé 1-11 1.C Surveillance d’un traitement au long cours par APS 1-12 3.A 3.B 3.C 3.D
Critères diagnostiques de la ScS selon l’ARA 3-6 Examens complémentaires utiles en cas de ScS 3-6 Classification des sclérodermies cutanées localisées 3-8 Manifestations systémiques associées à la Sc localisée 3-11
4.A Critères diagnostiques du syndrome POEMS 4-4 4.B Médicaments, toxiques et syndrome sclérodermiforme 4-8 4.C Principales génodermatoses sclérodermiformes 4-11 5.A Classification des myopathies inflammatoires primitives 5-2 5.B Critères diagnostiques de la dermatomyosite 5-2 5.C Manifestations cutanées de la dermatomyosite 5-4 6.A 6.B 6.C 6.D 6.E 6.F 6.G 6.H 6.I 6.J 6.K 6.L 6.M
Éléments de classement des vasculites 6-6 Classification des vasculites selon Fauci 6-7 Classification des vasculites selon Jorizzo 6-7 Classification des vasculites (Chapell Hill) 6-8 Causes des vasculites et classification pragmatique 6-8 Médicaments pouvant induire des vasculites 6-10 Médicaments pouvant induire des vasculites avec ANCA 6-11 Critères diagnostiques du purpura rhumatoïde selon l’ARA 6-13 Maladies associées à la production de cryoglobuline 6-15 Critères diagnostiques de la PAN selon l’ARA 6-19 Critères diagnostiques de l’ACS selon l’ARA 6-22 Critères diagnostiques de la GW selon l’ARA 6-25 Critères diagnostiques de la MH selon l’ARA 6-27
7.A Critères diagnostiques du Study Group for Behçet Disease 7-2 8.A Critères consensuels européens et américains du SGS 8-6 9.A Superantigènes 9-3 9.B Critères diagnostiques de la maladie de Kawasaki 9-3 10.A Critères de Michet de la polychondrite chronique atrophiante 10-1 12.A Signes cutanés évocateurs d’une paraprotéinémie 12-1 12.B Dermatoses associées à une paraprotéinémie 12-2 12.C Affections cutanées et dépôts extravasculaires d’Ig 12-2 12.D Critères diagnostiques du syndrome de Schnitzler 12-6
XXVI Table des encadrés 13.A Signes cutanés et muqueux de l’amylose systémique AL 13-2 14.A Principales affections ou substances associées au syndrome de Sweet 14-5 14.B Critères cliniques du syndrome de Sweet classique et médicamenteux 14-6 14.C Critères diagnostiques du PG 14-7 14.D Diagnostics différentiels du pyoderma gangrenosum 14-8 16.A Histo-enzymologie et immunohistochimie des mastocytes 16-2 16.B Facteurs pouvant favoriser la dégranulation mastocytaire 16-4 16.C Classifications et critères diagnostiques des mastocytoses 16-4 16.D Protocole initial et de suivi d’une mastocytose de l’adulte 16-12 18.A 18.B 18.C 18.D 18.E 18.F 18.G 18.H
Médicaments fréquemment imputés au cours d’EMP 18-2 Médicaments impliqués dans les urticaires, angio-œdèmes et anaphylaxie 18-4 Principaux médicaments imputés au cours de la PEAG 18-5 Principaux médicaments incriminés dans l’EPF 18-7 Médicaments incriminés dans le syndrome DRESS 18-7 Principaux médicaments impliqués au cours de la nécrolyse épidermique toxique 18-10 Que faire en cas de toxidermie ? 18-10 Conseils aux patients ayant eu une toxidermie 18-12
20.A Recueil des données en capillaroscopie péri-unguéale 20-2
Index a Acné conglobata 2-19 Acrodermatite d’Hallopeau 2-5 Acrogeria 4-13 Acrosyndromes 1-13 AESOP (syndrome) 12-7 Allen (manœuvre d’) 3-1 Amylose cutanée 13-1 A ApoA1 13-8 AGel 13-8 apolipoprotéinique A1 13-8 ATTR 13-8 à bêta-2-microglobuline 13-6 et classification 13-1 et dépôts amyloïdes 13-7 finlandaise 13-8 des hémodialysés 13-6 héréditaire 13-7 immunoglobulinique 13-2 maculeuse 13-7 nodulaire primitive 13-5 papuleuse 13-7 portugaise 13-8 secondaire 13-5 Anaphylaxie 18-2 Anétodermie 1-16 Angio-œdème cyclique de Gleich 15-10 médicamenteux 18-2 Antipaludéens de synthèse 1-12 Antisynthétases (syndrome des) 5-5 Aphtose et diagnostics différentiels 7-6 et maladie de Behçet 7-1 Artérite de Takayasu 6-28 Arthrites réactionnelles 2-19 et kératodermie palmoplantaire de Vidal et Jacquet 2-19 et syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter 2-19 b Barber (psoriasis pustuleux palmoplantaire de) Behçet (maladie de) 7-1 et aphtose 7-1
2-5
et critères diagnostiques 7-2 et folliculite 7-3 et pathogénie 7-7 et traitement 7-8 Besnier-Boeck-Schaumann (maladie de) 17-1 Buerger (maladie de) 6-29 Buschke (sclérœdème de) 4-4 c Calcinose 3-3 Capillaroscopie péri-unguéale 20-1 Cheiroarthropathie diabétique 4-10 Churg et Strauss angéite de 6-21 granulome de 2-17, 6-4, 6-22 CINCA (syndrome) 11-7 CREST (syndrome) 3-3 Crow-Fukase (syndrome de) 4-5 Cryoglobulinémies mixtes essentielles (syndrome de Meltzer et Franklin) 6-16 et paraprotéinémies 12-3 et vasculite 6-13 d Darier-Roussy (sarcoïdes hypodermiques de) 17-4 Darier (signe de) 16-6 Dermatite granulomateuse interstitielle avec arthrite 2-16 Dermatomyosite 5-1 amyopathique 5-10 et auto-anticorps 5-11 et cancers 5-10 et critères diagnostiques 5-1 et histologie 5-3, 21-4 juvénile 5-10 médicamenteuse 5-11 et pathogénie 5-11 et peau dite noire 19-4 et syndrome des antisynthétases 5-5 et traitement 5-13 de Wong 5-5 Dermatose cendrée 19-3
XXVIII Index Dermatoses éosinophiliques 15-1 et angio-œdème cyclique de Gleich 15-10 et cellulite à éosinophiles 15-5 et érythème annulaire 15-5 et folliculites à éosinophiles 15-2 et granulome facial de Lever 15-7 et hémopathie 15-10 et histologie 21-9 et hyperplasie angio-lymphoïde 15-6 et maladie de Kimura 15-6 et pathogénie 15-1 et syndrome EPPER 15-10 et syndrome hyperéosinophilique primitif 15-8 et syndrome NERDS 15-10 et syndrome de Wells 15-5 et ulcère éosinophilique des muqueuses 15-7 et vasculites à éosinophiles 15-10 Dermatoses neutrophiliques 14-1 et abcès aseptiques neutrophiliques 14-13 et dermatose neutrophilique rhumatoïde 14-6 du dos des mains 14-6 et erythema elevatum diutinum 14-12 et hidradénite neutrophilique eccrine 14-11 et histologie 21-9 et maladie neutrophilique 14-1 et pathogénie 14-2 et pemphigus à IgA 14-11 et polyarthrite rhumatoïde 2-16 et pustulose des connectivites 14-13 et pustulose à IgA intraépidermique 14-11 et pustulose sous-cornée de Sneddon-Wilkinson 14-10 et pyoderma gangrenosum 14-7 et syndrome PAPA 14-13 et syndrome de Sweet 14-2 et vasculite pustuleuse du dos des mains 14-6 Dermopathie fibrosante néphrogénique 4-2 DRESS (syndrome) 18-7 e EPPER (syndrome) 15-10 Erythema elevatum diutinum 14-12 Érythème annulaire à éosinophiles 15-5 et syndrome de Gougerot-Sjögren 8-2 Érythème noueux 17-1 Érythème pigmenté fixe 18-5 Érythème polymorphe 18-8 f FACE (syndrome) 19-6 FAPA (syndrome) 11-5 Fasciite palmaire-arthrite 4-11 Fasciite à éosinophiles 3-10 de Shulman 3-10, 21-6 Fibrose systémique néphrogénique 4-2 Fiessinger-Leroy-Reiter (syndrome de) 2-19
Fièvre familiale méditerranéenne 11-3 Fièvres périodiques 11-1 et fièvre familiale méditerranéenne 11-3 et mutation de gène CIAS1 11-5 et neutropénie cyclique 11-7 et pathogénie 11-1 et syndrome auto-immun au froid 11-6 et syndrome CINCA 11-7 et syndrome FAPA 11-5 et syndrome hyper-IgD 11-5 et syndrome de Muckle et Wells 11-6 et syndrome NOMID 11-7 et syndrome PAPA 11-8 et syndrome PFAPA 11-5 et syndrome TRAPS 11-4 et urticaire au froid familiale 11-6 Folliculite à éosinophiles 15-2 et maladie de Behçet 7-3 d’Ofuji 15-2 Fuite capillaire (syndrome de) 12-7 g Gleich (angio-œdème cyclique avec hyperéosinophilie de) 15-10 Gottron (signe de) 5-2 Gougerot-Sjögren (syndrome de) 8-1 et critères diagnostiques 8-5 et érythème annulaire 8-2 et histologie 8-5 et lymphome 8-6 et pathogénie 8-4 et traitement 8-7 Goutte 2-22 Granulomatose de Wegener 6-23 Granulome de Churg et Strauss 2-17, 6-4, 6-22 et histologie 21-7 de Lever (éosinophilique) 15-7 sarcoïdosique 17-7 h Hallopeau (acrodermatite d’) 2-5 Hémiatrophie faciale de Parry-Romberg 3-10, 4-10 Hidradénite neutrophilique eccrine et hémopathies 14-11 plantaire idiopathique 14-12 Horton (maladie de) 6-26 Huriez (scléroatrophie d’) 4-13 Hutchinson-Gilford (syndrome de) 4-12 Hyper-IgD (syndrome) 11-5 Hyperplasie angio-lymphoïde avec éosinophilie 15-6 k Kaposi-Irgang (maladie de) 1-9 Kawasaki (maladie de) 9-1 de l’adulte 9-6 et critères diagnostiques 9-3
Index XXIX et diagnostic différentiel 9-4 et formes incomplètes 9-6 pathogénie 9-2 et superantigènes 9-2 et traitement 9-8 Kératodermie palmoplantaire de Vidal et Jacquet 2-19 Kimura (maladie de) 15-6 l Lever (granulome facial éosinophilique de) 15-7 Lichen plan 21-3 Lipodermatosclérose 4-9 Livédo et lupus érythémateux 1-13 Löfgren (syndrome de) 17-2 Lupus érythémateux 1-1 et acrosyndromes 1-13 aigu 1-5 et anétodermie 1-16 et antipaludéens de synthèse 1-12 bulleux 1-15 chronique 1-6 et critères diagnostiques 1-10 et dermatose cendrée 19-3 disséminé 1-10 et génétique 1-2 et hémorragies sous-unguéales 1-14 et histologie 1-9, 21-3, 21-5 et immunofluorescence directe 1-10 et livédo 1-13 lupus-engelures 1-8 médicamenteux 1-3 et mucinose 1-15 néonatal 1-11 et œdème de Quincke 1-14 et peau dite noire 19-2 et physiopathologie 1-4 profond 1-9 et pustulose amicrobienne des plis 1-16 subaigu 1-6 et syndrome de Rowell 1-6 et thalidomide 1-12 et traitement 1-11 tumidus 1-7 et ulcères de jambes 1-14 et urticaire 1-14 Lupus pernio 17-4 Lyell (syndrome de) 18-8 m Mac Duffie (vasculite urticarienne de) 6-16 MAGIC (syndrome) 10-5 Maladie de Behçet 7-1 de Besnier-Boeck-Schaumann 17-1 de Buerger 6-29 de Horton 6-26 de Kaposi-Irgang 1-9
de Kawasaki 9-1 de Kimura 15-6 périodique 11-3 de Still 2-20 de Waldenström 12-5 Mastocytose 16-1 et c-kit 16-2 et classification 16-4 cutanée diffuse 16-8 et flush 16-5 et histologie 16-8 et mastocytome 16-5, 16-7 multinodulaire 16-7 et pathogénie 16-3 et signe de Darier 16-6 télangiectasique 16-7 et traitement 16-13 et urticaire pigmentaire 16-6 xanthélasmoïde 16-7 Meltzer et Franklin (syndrome de) 6-16 Mucinose et lichen myxœdémateux 4-1 et lupus érythémateux 1-15 et sclérœdème de Buschke 4-4 et scléromyxœdème 4-1 Muckle et Wells (syndrome de) 11-6 n Nécrolyse épidermique toxique 18-8 NERDS (syndrome) 15-10 Neutropénie cyclique 11-7 Nikolsky (signe de) 18-9 NOMID (syndrome) 11-7 o Œdème aigu hémorragique du nourrisson 6-13 Œdème de Quincke 1-14 Ofuji (folliculite d’) 15-2 Onycho-pachydermo-périostite psoriasique 2-2 p Panniculite lupique 1-9 PAPA (syndrome) 11-8, 14-13 Paraprotéinémies 12-1 et angiomes gloméruloïdes 12-4 et cryoglobulinémies 12-3 et maladie de Waldenström 12-5 et pathogénie 12-1 et plasmocytome 12-7 et spicules kératosiques 12-9 et syndrome AESOP 12-7 et syndrome de fuite capillaire 12-7 et syndrome POEMS 12-7 et syndrome de Schnitzler 12-5 et xanthogranulome nécrobiotique 12-8 Parry-Romberg (hémiatrophie faciale de) 3-10, 4-10 Pemphigus à IgA 14-11 Périartérite noueuse 6-18
XXX Index PFAPA (syndrome) 11-5 Phénomène de Raynaud 3-1 Pierini Pasini (atrophodermie idiopathique de) 3-9 Plasmocytome 12-7 POEMS (syndrome) 4-5, 12-7 Polyangéite microscopique 6-20 Polyarthrite rhumatoïde 2-13 et dermatite granulomateuse interstitielle avec arthrite 2-16 et dermatose neutrophilique rhumatoïde 2-16 et nodules rhumatoïdes 2-13 et noduloses rhumatoïdes 2-13 et papules rhumatoïdes 2-17 et vasculite rhumatoïde 2-14 Polychondrite chronique atrophiante 10-1 et critères diagnostiques 10-1 et histologie 10-6 et myélodysplasies 10-5 et pathogénie 10-6 et syndrome MAGIC 10-5 et traitement 10-6 Porphyrie cutanée tardive 4-9 Progeria de l’adulte 4-12 de Hutchinson-Gilford 4-12 Psoriasis 2-1 et acrodermatite d’Hallopeau 2-5 érythrodermique 2-6 et génétique 2-8 et histologie 2-7 et infections 2-8 médicamenteux 2-7 et onycho-pachydermo-périostite 2-2 pustuleux généralisé 2-6 pustuleux palmoplantaire 2-5 et rhumatisme 2-1 et traitement 2-10 vulgaire 2-3 Purpura rhumatoïde 6-11 de Schönlein-Henoch 6-11 Pustulose amicrobienne des plis 1-16, 14-13 des connectivites 14-13 exanthématique aiguë généralisée 18-4 à IgA intraépidermique 14-11 palmoplantaire arthropathique 2-18 palmoplantaire psoriasique 2-5 sous-cornée de Sneddon-Wilkinson 14-10 Pyoderma gangrenosum 14-7 q Quincke (œdème de) 1-14 r Raynaud (phénomène de) 3-1 Réaction chronique du greffon contre l’hôte et histologie 21-4
et sclérodermie 4-7 Réticulo-histiocytose multicentrique 2-22 Rhumatisme fibroblastique 2-21 Rowell (syndrome de) 1-6 s SAPHO (syndrome) 2-19 Sarcoïdose 17-1 et cicatrice 17-4 et érythème noueux 17-1 et histologie 17-7 et lupus pernio 17-4 et peau dite noire 19-5 et sarcoïdes 17-3 et sarcoïdes hypodermiques de Darier-Roussy 17-4 et syndrome de Löfgren 17-2 et traitement 17-10 Schnitzler (syndrome de) 6-18, 12-5 Schönlein-Henoch (purpura de) 6-11 Scléroatrophie d’Huriez 4-13 Sclérodermie systémique 3-1 et calcinose 3-3 et critères diagnostiques 3-6 et grossesse 3-6 et histologie 3-2, 21-6 et hypertension artérielle pulmonaire 3-4 et manœuvre d’Allen 3-1 et pathogénie 3-6 et peau dite noire 19-3 et phénomène de Raynaud 3-1 et pneumopathie interstitielle 3-3 professionnelle 3-8 et sclérose cutanée 3-2 et syndrome CREST 3-3 et traitement 3-7 Sclérodermies cutanées 3-8 et atrophodermie idiopathique de Pierini Pasini 3-9 en bande 3-9 en « coup de sabre » 3-10 et fasciite à éosinophiles 3-10 et fasciite de Shulman 3-10 en goutte 3-9 et hémiatrophie faciale de Parry-Romberg 3-10 et morphée 3-9 et traitement 3-11 Sclérœdème de Buschke 4-4 Scléromyxœdème et syndromes sclérodermiformes 4-1 Sharp (syndrome de) 3-8 Shulman (fasciite de) 3-10, 21-6 Signe de Darier 16-6 de Nikolsky 18-9 Sneddon-Wilkinson (pustulose sous-cornée de) 14-10 Sonozaki (syndrome de) 2-18 Spicules kératosiques 12-9 Stevens-Johnson (syndrome de) 18-8 Still (maladie de) 2-20
Index XXXI Sweet (syndrome de) 14-2 et cancers 14-4 médicamenteux 14-5 Syndrome AESOP 12-7 des antisynthétases 5-5 carcinoïde 4-9 CINCA 11-7 CREST 3-3 de Crow-Fukase 4-5 DRESS 18-7 EPPER 15-10 FACE 19-6 FAPA 11-5 de Fiessinger-Leroy-Reiter 2-19 de fuite capillaire 12-7 de Gougerot-Sjögren 8-1 de Hutchinson-Gilford 4-12 hyper-IgD 11-5 hyperéosinophilique primitif 15-8 d’hypersensibilité médicamenteuse 18-7 de Löfgren 17-2 de Lyell 18-8 MAGIC 10-5 de Meltzer et Franklin 6-16 de Muckle et Wells 11-6 NERDS 15-10 NOMID 11-7 PAPA 11-8, 14-13 PFAPA 11-5 POEMS 4-5, 12-7 de Rowell 1-6 SAPHO 2-19 de Schnitzler 6-18, 12-5 de Sharp 3-8 de Sonozaki 2-18 de Stevens-Johnson 18-8 de Sweet 14-2 de Takatsuki 4-5 de Texier 4-8 TRAPS 11-4 de Wells 15-5 de Werner 4-12 Syndromes sclérodermiformes 4-1 et acrodermatite chronique atrophiante 4-10 et acrogeria 4-13 et amylose 4-7 et cheiroarthropathie diabétique 4-10 et dermopathie fibrosante néphrogénique 4-2 et fasciite palmaire-arthrite 4-11 et fibrose systémique néphrogénique 4-2 et hémiatrophie de Parry-Romberg 4-10 et lichen myxœdémateux 4-1 et lipodermatosclérose 4-9 médicamenteux 4-8 et mucinose 4-1, 4-4 et porphyrie cutanée tardive 4-9 et progeria 4-12
et réaction chronique du greffon contre l’hôte et scléroatrophie d’Huriez 4-13 et sclérœdème de Buschke 4-4 et scléromyxœdème 4-1 et syndrome carcinoïde 4-9 et syndrome de Hutchinson-Gilford 4-12 et syndrome POEMS 4-5 et syndrome de Texier 4-8 et syndrome de Werner 4-12 toxiques 4-8
4-7
t Takatsuki (syndrome de) 4-5 Takayasu (artérite de) 6-28 Telangiectasia macularis eruptiva perstans 16-7 Texier (syndrome de) 4-8 Thalidomide 1-12 Thromboangéite oblitérante 6-29 Tophi (goutte) 2-22 Toxidermies 18-1 et anaphylaxie 18-2 et angio-œdème 18-2 et érythème pigmenté fixe 18-5 et érythème polymorphe 18-8 et exanthème maculo-papuleux 18-1 et histologie 21-4 et nécrolyse épidermique toxique 18-8 et pustulose exanthématique aiguë généralisée 18-4 et signe de Nikolsky 18-9 et syndrome DRESS 18-7 et syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse 18-7 et syndrome de Lyell 18-8 et syndrome de Stevens-Johnson 18-8 et tests allergologiques 18-12 et traitement 18-11 et urticaire aiguë 18-2 et vasculites médicamenteuses 18-5 TRAPS (syndrome) 11-4 u Ulcère éosinophilique des muqueuses 15-7 et lupus érythémateux 1-14 Urticaire au froid familiale 11-6 et lupus érythémateux 1-14 médicamenteuse 18-2 pigmentaire 16-6 v Vasculite 6-1 alimentaire 6-9 et angéite de Churg et Strauss 6-21 et artérite de Takayasu 6-28 et classification 6-7 de contact 6-9 et cryoglobulinémies mixtes 6-13
XXXII
Index à éosinophiles 15-10 et granulomatose de Wegener 6-23 et histologie 6-2, 21-10 infectieuse 6-11 et maladie de Buerger 6-29 et maladie de Horton 6-26 médicamenteuse 6-9, 18-5 et œdème aigu hémorragique du nourrisson et pathogénie 6-1 et peau dite noire 19-5 et périartérite noueuse 6-18 et polyangéite microscopique 6-20 et purpura rhumatoïde 6-11 rhumatoïde 2-14 et syndrome de Schnitzler 6-18 et thromboangéite oblitérante 6-29 urticarienne de Mac Duffie 6-16
Vidal et Jacquet (kératodermie palmoplantaire de) 2-19 Von Zumbusch (psoriasis pustuleux généralisé de) 2-6
6-13
w Waldenström (maladie de) 12-2, 12-5 et macroglobulinémie 4-4 Waldenström purpura hyperglobulinémique de 6-7 Wegener (granulomatose de) 6-23 Wells (syndrome de) 15-5 Werner (syndrome de) 4-12 White spot disease 3-9 Wong (dermatomyosite de) 5-5 x Xanthogranulome nécrobiotique 12-8
Table des matières Préface Avant-propos 1 Lupus érythémateux Camille Francès Lésions lupiques 1-1 Nosologie, épidémiologie et facteurs de risque 1-1 Physiopathologie 1-4 Aspects cliniques 1-5 Aspects histologiques 1-9 Lupus cutanés et lupus érythémateux disséminé 1-10 Autres associations 1-11 Lupus néonatal 1-11 Traitement des lupus cutanés 1-11 Lésions vasculaires 1-13 Acrosyndromes 1-13 Livédo 1-13 Ulcères de jambes 1-14 Urticaire et œdème de Quincke 1-14 Hémorragies en flammèches multiples sous-unguéales 1-14 Nécroses cutanées extensives 1-14 Autres lésions vasculaires 1-14 Manifestations non lupiques et non vasculaires 1-14 Lucite idiopathique 1-14 Alopécie 1-15 Lupus bulleux 1-15 Mucinose papuleuse 1-15 Anétodermie 1-16 Calcifications 1-16 Pustulose amicrobienne des plis 1-16 Références 1-16
2 Affections rhumatismales inflammatoires Didier Bessis, Jean-Jacques Guilhou Psoriasis 2-1 Rhumatisme psoriasique 2-1 Psoriasis cutané 2-3 Pathogénie 2-8 Traitement 2-10 Polyarthrite rhumatoïde 2-13 Nodules et nodulose rhumatoïdes 2-13 Vasculite rhumatoïde 2-14 Dermatose neutrophilique rhumatoïde 2-16
XXXIV
Table des matières Dermatite granulomateuse interstitielle avec arthrite 2-16 Autres signes cutanés 2-17 Pustulose palmoplantaire arthropathique, rhumatisme acnéique et syndrome SAPHO 2-18 Pustulose palmoplantaire arthropathique 2-18 Acné conglobata 2-19 Syndrome SAPHO 2-19 Arthrites réactionnelles 2-19 Maladie de Still de l’adulte 2-20 Rhumatisme fibroblastique 2-21 Réticulo-histiocytose multicentrique 2-22 Goutte 2-22 Références 2-22
3 Sclérodermie systémique et sclérodermies cutanées Philippe Humbert, Ève Puzenat Sclérodermie systémique 3-1 Phénomène de Raynaud 3-1 Sclérose cutanée 3-2 Autres signes dermatologiques 3-2 Manifestations pulmonaires 3-3 Manifestations digestives 3-5 Atteinte rénale 3-5 Autres manifestations viscérales 3-5 Grossesse 3-6 Évolution 3-6 Diagnostic positif et explorations complémentaires 3-6 Mécanismes physiopathogéniques 3-6 Traitement 3-7 Sclérodermies d’origine professionnelle 3-8 Syndrome de Sharp 3-8 Sclérodermies cutanées 3-8 Sclérodermies cutanées en plaque 3-9 Sclérodermie cutanée bulleuse 3-9 Sclérodermies cutanées en bande 3-9 Sclérodermies profondes 3-10 Bilan d’une sclérodermie cutanée localisée 3-10 Évolution et traitement 3-11 Références 3-12
4 Syndromes sclérodermiformes et états pseudosclérodermiques Didier Bessis Syndromes sclérodermiformes acquis diffus 4-1 Scléromyxœdème 4-1 Dermopathie fibrosante néphrogénique (fibrose systémique néphrogénique) 4-2 Sclérœdème de Buschke 4-4 Syndrome POEMS 4-5 Amylose primitive 4-7 Réaction chronique du greffon contre l’hôte 4-7 Syndromes sclérodermiformes médicamenteux et toxiques 4-8 Syndromes sclérodermiformes localisés 4-8 Syndromes sclérodermiformes iatrogènes 4-8 Lipodermatosclérose 4-9 Syndrome carcinoïde 4-9 Porphyrie cutanée tardive 4-9 Syndromes sclérodermiformes des mains 4-9 États pseudosclérodermiformes par induration et/ou atrophie cutanée 4-10 Acrodermatite chronique atrophiante 4-10 Hémiatrophie de Parry-Romberg 4-10 Fasciite palmaire-arthrite 4-11
Table des matières XXXV Génodermatoses sclérodermiformes 4-11 Syndromes de vieillissement prématuré 4-12 Scléroatrophie d’Huriez 4-13 Références 4-13
5 Dermatomyosite Camille Francès Épidémiologie — Critères diagnostiques 5-1 Classifications des lésions cutanées 5-1 Lésions cutanées spécifiques de dermatomyosite 5-2 Clinique 5-2 Anatomopathologie 5-3 Traitement 5-4 Lésions vasculaires 5-4 Autres lésions cutanées 5-4 Manifestations musculaires 5-6 Clinique 5-6 Biologie et autres examens complémentaires 5-7 Autres manifestations 5-8 Manifestations articulaires 5-8 Manifestations cardiaques 5-9 Manifestations pulmonaires 5-9 Autres manifestations cliniques 5-10 Formes cliniques 5-10 Dermatomyosites amyopathiques 5-10 Dermatomyosites juvéniles 5-10 Dermatomyosite et cancers 5-10 Dermatomyosites associées à d’autres maladies auto-immunes 5-11 Dermatomyosite et médicaments 5-11 Auto-anticorps 5-11 Physiopathogénie 5-11 Pronostic 5-12 Traitement 5-13 Corticothérapie générale 5-13 Immunosuppresseurs 5-13 Immunoglobulines intraveineuses 5-13 Traitements symptomatiques 5-13 Références 5-14
6 Vasculites cutanées et cutanéo-systémiques Marie-Sylvie Doutre, Camille Francès Physiopathologie 6-1 Manifestations cutanées 6-2 Aspects histologiques 6-2 Aspects cliniques 6-4 Corrélations anatomocliniques 6-5 Stratégie diagnostique 6-6 Classification 6-7 Classification et nomenclature 6-7 Nomenclature 6-8 Vasculites de contact, alimentaires, médicamenteuses et infectieuses 6-9 Vasculites de contact 6-9 Vasculites d’origine alimentaire 6-9 Vasculites médicamenteuses 6-9 Vasculites infectieuses 6-11 Purpura rhumatoïde 6-11 Œdème aigu hémorragique du nourrisson 6-13 Cryoglobulinémies mixtes 6-13 Vasculite urticarienne de Mac Duffie 6-16
XXXVI Table des matières Périartérite noueuse 6-18 Polyangéite microscopique 6-20 Angéite de Churg et Strauss 6-21 Granulomatose de Wegener 6-23 Maladie de Horton 6-26 Artérite de Takayasu 6-28 Thromboangéite oblitérante ou maladie de Buerger 6-29 Références 6-30
7 Maladie de Behçet Serge Boulinguez Manifestations dermatologiques 7-1 Aphtose buccale 7-1 Aphtose génitale 7-2 Autres localisations d’aphtose 7-3 Pseudo-folliculite 7-3 Nodules dermo-hypodermiques 7-3 Nodules acnéiformes 7-4 Pathergie cutanée 7-4 Autres lésions cutanéo-muqueuses 7-4 Manifestations viscérales 7-4 Ophtalmologiques 7-4 Neurologiques 7-4 Rhumatologiques 7-5 Vasculaires 7-5 Cardiaques 7-5 Pleuro-pulmonaires 7-5 Digestives 7-5 Urologiques et rénales 7-5 Fièvre chronique 7-5 Diagnostic positif 7-5 Diagnotics différentiels 7-6 Aphtose buccale récidivante 7-6 Aphtose complexe 7-7 Aphtose génitale 7-7 Physiopathologie 7-7 Traitement 7-8 Atteinte cutanéo-muqueuse et/ou articulaire sans atteinte viscérale 7-8 Atteinte viscérale 7-8 Autres molécules utilisées 7-8 Nouvelles molécules 7-9 Évolution et pronostic 7-9 Références 7-9
8 Syndrome de Gougerot-Sjögren Loïc Vaillant, Sophie Le Dû Manifestations cliniques 8-1 Atteinte buccale 8-1 Atteinte oculaire 8-2 Signes cutanés 8-2 Manifestations articulaires et musculaires 8-3 Manifestations viscérales 8-3 Physiopathologie 8-4 Événement déclenchant 8-4 Réactions inflammatoires et immunitaires 8-5 Mécanisme des lésions 8-5 Diagnostic 8-5 Pronostic et évolution 8-6 Mortalité 8-6
Table des matières XXXVII Lymphome 8-6 Traitement 8-7 Traitement de fond 8-7 Traitements symptomatiques du syndrome sec 8-7 Traitement des manifestations extraglandulaires non viscérales 8-8 Références 8-8
9 Maladie de Kawasaki Pascal Sève, Christiane Broussolle Épidémiologie 9-1 Pathogénie et étiologie 9-2 Diagnostic positif 9-3 Fièvre 9-3 Conjonctivite 9-3 Modifications bucco-pharyngées 9-3 Exanthème 9-3 Atteinte des extrémités 9-4 Adénopathies cervicales 9-4 Diagnostic différentiel 9-4 Manifestations cardiovasculaires 9-4 Autres manifestations cliniques 9-5 Manifestations digestives 9-5 Manifestations douloureuses des membres 9-6 Manifestations neurologiques 9-6 Manifestations rares 9-6 Signes biologiques 9-6 Maladie de Kawasaki incomplète 9-6 Maladie de Kawasaki de l’adulte 9-6 Traitement 9-8 Aspirine 9-8 Immunoglobulines 9-8 Références 9-9
10 Polychondrite chronique atrophiante Michel Rybojad Tableau clinique 10-1 Chondrites 10-1 Manifestations dermatologiques 10-2 Autres manifestations extrachondritiques 10-3 Associations, nosologie et diagnostic positif 10-5 Associations et problèmes nosologiques 10-5 Diagnostic positif 10-5 Pathogénie 10-6 Évolution 10-6 Traitement 10-6 Références 10-7
11 Fièvres périodiques Olivier Dereure Généralités. Physiopathologie 11-1 Fièvre familiale méditerranéenne (maladie périodique) 11-3 Syndrome TRAPS 11-4 Syndrome hyper-IgD 11-5 Syndrome FAPA ou PFAPA 11-5 Fièvres périodiques avec mutation du gène CIAS1 11-5 Syndrome de Muckle et Wells 11-6 Urticaire au froid familiale ou syndrome auto-immun au froid 11-6 Syndrome CINCA 11-7 Neutropénie cyclique 11-7
XXXVIII Table des matières Syndrome PAPA 11-8 Références 11-8
12 Paraprotéinémies Dan Lipsker Signes cutanés et dermatoses associées à une paraprotéinémie 12-1 Classification anatomoclinique et pathogénique 12-1 Infiltration cutanée lymphoplasmocytaire et dépôts extravasculaires d’immunoglobulines 12-2 Dépôts intravasculaires d’immunoglobulines et cryoglobulinémies 12-3 Activité particulière de l’immunoglobuline monoclonale 12-5 Sécrétion de cytokines et inflammation de contiguïté 12-7 Syndrome AESOP 12-7 Syndrome POEMS 12-7 Mécanismes indéterminés 12-7 Syndrome de fuite capillaire 12-7 Xanthogranulome nécrobiotique 12-8 Spicules kératosiques 12-9 Références 12-9
13 Amyloses cutanées Philippe Modiano Classification des amyloses à expression cutanée 13-1 Amyloses systémiques acquises 13-2 Amyloses immunoglobuliniques AL 13-2 Manifestations systémiques 13-4 Traitement des amyloses immunoglobuliniques 13-5 Amyloses cutanées secondaires ou réactionnelles 13-5 Amylose à bêta-2-microglobuline des hémodialysés 13-6 Amyloses cutanées primitives localisées 13-6 Amylose papuleuse 13-7 Amylose maculeuse 13-7 Formes rares 13-7 Traitement 13-7 Dépôts amyloïdes 13-7 Amyloses héréditaires 13-7 Amyloses cutanées familiales isolées 13-7 Manifestations cutanées des amyloses systémiques héréditaires 13-7 Amylose A ApoA1 (apolipoprotéine A1) 13-8 Amylose ATTR (type portugais) 13-8 Amylose AGel (type finlandais) 13-8 Références 13-8
14 Dermatoses neutrophiliques Didier Bessis Concept de maladie neutrophilique 14-1 Pathogénie des dermatoses neutrophiliques 14-2 Syndrome de Sweet 14-2 Clinique 14-2 Biologie 14-2 Anatomopathologie 14-3 Étiologies 14-4 Variantes cliniques 14-6 Traitement 14-6 Pyoderma gangrenosum 14-7 Clinique et histologie 14-7 Étiologies 14-9
Table des matières XXXIX Traitement 14-10 Pustulose sous-cornée de Sneddon-Wilkinson 14-10 Clinique et histologie 14-10 Étiologies 14-10 Diagnotic différentiel 14-11 Pustulose à IgA intraépidermique ou pemphigus à IgA 14-11 Traitement 14-11 Hidradénite neutrophilique eccrine 14-11 Clinique et histologie 14-11 Étiologies 14-12 Diagnostic différentiel 14-12 Erythema elevatum diutinum 14-12 Autres dermatoses neutrophiliques 14-13 Abcès aseptiques neutrophiliques 14-13 Pustulose des connectivites 14-13 Syndrome PAPA 14-13 Manifestations extracutanées 14-13 Références 14-14
15 Dermatoses éosinophiliques Olivier Dereure Physiopathologie générale des dermatoses à éosinophiles 15-1 Folliculites à éosinophiles 15-2 Folliculite pustuleuse à éosinophiles d’Ofuji 15-2 Folliculite pustuleuse à éosinophiles des patients VIH 15-4 Folliculite pustuleuse à éosinophiles du scalp de l’enfant 15-4 Cellulite à éosinophiles (syndrome de Wells) 15-5 Hyperplasie angio-lymphoïde avec éosinophilie et maladie de Kimura 15-6 Granulome facial éosinophilique de Lever 15-7 Ulcère éosinophilique des muqueuses 15-7 Syndrome hyperéosinophilique primitif 15-8 Angio-œdème cyclique avec hyperéosinophilie de Gleich 15-10 Vasculite à éosinophiles 15-10 Divers 15-10 Syndrome EPPER (Eosinophilic polymorphic Pruritic Eruption of Radiotherapy) 15-10 Dermatose éosinophilique des syndromes myélo- et lymphoprolifératifs 15-10 Syndrome NERDS (Nodules Eosinophilia Rheumatism Dermatitis Swelling) 15-10 Références 15-11
16 Mastocytoses Stéphane Barete Aspects fondamentaux 16-1 Le mastocyte 16-1 Ontogenèse 16-2 Le protooncogène c-kit 16-2 L’activité biologique du récepteur c-kit muté 16-2 Physiopathologie 16-3 Les mutations décrites chez l’homme 16-3 Médiateurs et fonctions du mastocyte 16-3 Classification des mastocytoses 16-4 Manifestations cliniques non systémiques 16-5 Manifestations paroxystiques 16-5 Manifestations dermatologiques 16-5 Anatomopathologie 16-8 Manifestations systémiques 16-10 Manifestations osseuses 16-10 Manifestations digestives et hépatiques 16-10 Manifestations hématologiques 16-11 Diagnostic 16-12
XL Table des matières Traitement des mastocytoses 16-13 Précautions générales 16-13 Traitement symptomatique 16-13 Traitements dermatologiques 16-14 Inhibiteurs des tyrosines kinases 16-15 Autres traitements 16-15 Pronostic 16-15 Conclusion 16-16 Références 16-16
17 Sarcoïdose Didier Bessis, Pascale Huet Manifestations cutanées non spécifiques 17-1 Érythème noueux 17-1 Autres lésions cutanées non spécifiques 17-2 Manifestations cutanées spécifiques 17-2 Généralités 17-2 Lésions papuleuses ou sarcoïdes à petits nodules 17-3 Lésions nodulaires ou sarcoïdes à gros nodules 17-3 Sarcoïdes en plaques 17-4 Sarcoïdes sur cicatrice ou « scar sarcoidosis » 17-4 Sarcoïdes hypodermiques de Darier-Roussy 17-4 Autres formes cliniques 17-5 Formes topographiques 17-6 Anatomopathologie cutanée 17-7 Manifestations systémiques extracutanées 17-8 Évolution, pronostic et relation entre les manifestations cutanées et l’atteinte systémique 17-9 Évolution et pronostic 17-9 Relation entre les manifestations cutanées spécifiques et l’atteinte systémique 17-9 Bilan diagnostique initial d’une sarcoïdose cutanée 17-9 Traitement de la sarcoïdose cutanée 17-10 Traitements locaux 17-10 Traitements généraux 17-10 Indications thérapeutiques 17-11 Références 17-11
18 Toxidermies avec manifestations systémiques Annick Barbaud Principales toxidermies avec manifestations systémiques 18-1 Exanthème maculo-papuleux 18-1 Urticaire aiguë, angio-œdème et anaphylaxie 18-2 Pustulose exanthématique aiguë généralisée 18-4 Vasculites médicamenteuses 18-5 Érythème pigmenté fixe 18-5 Syndrome DRESS ou syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse 18-7 Nécrolyse épidermique toxique (syndrome de Lyell et syndrome de Stevens-Johnson) 18-8 Prise en charge des toxidermies graves 18-11 Conduite à tenir 18-11 Conseils aux patients ayant eu une toxidermie 18-11 Place du bilan dermato-allergologique dans l’exploration des toxidermies 18-12 Test in vitro 18-12 Tests cutanés (tests épicutanés, prick-tests, intradermoréaction) 18-12 Test de réintroduction du médicament (test de provocation orale) 18-13 Références 18-14
19 Maladies systémiques à expression cutanée chez les sujets ayant la peau dite noire Antoine Mahé, Fatimata Ly Lupus érythémateux 19-2 Lupus érythémateux disséminé 19-2
Lupus érythémateux chronique 19-2 Lupus érythémateux subaigu 19-3 Sclérodermie systémique 19-3 Dermatomyosite 19-4 Vasculites 19-5 Sarcoïdose 19-5 Références 19-6
20 Capillaroscopie péri-unguéale Jean-Jacques Morand Étude du réseau vasculaire péri-unguéal 20-1 Principales anomalies capillaroscopiques péri-unguéales observées en médecine interne 20-3 Références 20-6
21 Dermatopathologie et maladies systémiques Janine Wechsler Généralités sur la biopsie cutanée 21-1 Mode de prélèvement 21-1 Choix de la lésion à prélever 21-1 Renseignements cliniques 21-1 Fixation de la biopsie 21-2 Colorations et immunomarquages 21-2 Congélation 21-2 Principaux aspects histopathologiques observés dans les maladies systémiques 21-3 Lésions de la jonction dermo-épidermique 21-3 Infiltrats lymphocytaires sans vasculite 21-5 Scléroses inflammatoires 21-6 Dépôts anormaux 21-7 Lésions granulomateuses 21-7 Dermatoses neutrophiliques 21-9 Dermatoses éosinophiliques 21-9 Vasculites 21-10 Lexique des termes utilisés en pathologie inflammatoire cutanée 21-11 Épiderme 21-11 Derme 21-12 Hypoderme 21-12 Références 21-12
Table des figures Liste des tableaux Table des encadrés Index
Achevé d’imprimer sur les presses de l’Imprimerie BARNÉOUD B.P. 44 - 53960 BONCHAMP-LÈS-LAVAL Dépôt légal : novembre 2006 - N° d’imprimeur : 610040 Imprimé en France