Corps et âmes du mazdéen: Le lexique zoroastrien de l'eschatologie individuelle 9782296992863, 2296992862

Selon les conceptions mazdéennes, l'individu posséderait plusieurs types d'âmes. Est-ce vrai ? Et qu'advi

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French Pages [296] Year 2012

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Table of contents :
Table des matières
Avertissements
I Présentation
II Ruvan, ušt􀆗na et baudah,être, vivre et sentir
III Tan􀇌 et k􀁕p,corps et formes
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Corps et âmes du mazdéen: Le lexique zoroastrien de l'eschatologie individuelle
 9782296992863, 2296992862

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Collection KUBABA Série Antiquité

Éric Pirart

Corps et âmes du mazdéen

Le lexique zoroastrien de l’eschatologie individuelle

Corps et âmes du mazdéen Le lexique zoroastrien de l’eschatologie individuelle

Reproductions de la couverture : La déesse KUBABA de Vladimir Tchernychev Après la Terre de Jean-Michel Lartigaud

Directeur de publication : Michel Mazoyer Directeur scientifique : Jorge Pérez Rey Comité de rédaction Trésorière : Christine Gaulme Colloques : Jesús Martínez Dorronsorro Relations publiques : Annie Tchernychev, Sylvie Garreau Directrice du Comité de lecture : Annick Touchard Comité scientifique Sydney Aufrère, Sébastien Barbara, Marielle de Béchillon, Pierre Bordreuil, Nathalie Bosson, Dominique Briquel, Sylvain Brocquet, Gérard Capdeville, Jacques Freu, Charles Guittard, Jean-Pierre Levet, Michel Mazoyer, Paul Mirault, Dennis Pardee, Eric Pirart, Jean-Michel Renaud, Nicolas Richer, Bernard Sergent, Claude Sterckx, Patrick Voisin, Paul Wathelet Ingénieur informatique Patrick Habersack ([email protected]) Avec la collaboration artistique de Jean-Michel Lartigaud, et de Vladimir Tchernychev

Ce volume a été imprimé par © Association KUBABA, Université de Paris I, Panthéon – Sorbonne, 12 Place du Panthéon 75231 Paris CEDEX 05 © L'Harmattan, 2012 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-296-99286-3 EAN : 9782296992863

Collection KUBABA Série Antiquité

Éric Pirart

Corps et âmes du mazdéen Le lexique zoroastrien de l’eschatologie individuelle

Association KUBABA, Université de Paris I, Panthéon – Sorbonne, 12 Place du Panthéon 75231 Paris CEDEX 05 L’Harmattan, 5 -7 rue de l’Ecole Polytechnique 75005 Paris Bibliothèque Kubaba (sélection) http://kubaba.univ-paris1.fr/

COLLECTION KUBABA 1. Série Antiquité Dominique BRIQUEL, Le Forum brûle. Jacques FREU, Histoire politique d’Ugarit. ——, Histoire du Mitanni ——, Suppiliuliuma et la veuve du pharaon. Éric PIRART, L’éloge mazdéen de l’ivresse. ——, Guerriers d’Iran. ——, L’Aphrodite iranienne. ——, Georges Dumézil face aux démons iraniens. ——, La naissance d’Indra. ——, Kutsa. Michel MAZOYER, Télipinu, le dieu du marécage. Bernard SERGENT, L’Atlantide et la mythologie grecque. Claude STERCKX, Les mutilations des ennemis chez les Celtes préchrétiens. ——, Mythes et Dieux Celtes. Les Hittites et leur histoire en quatre volumes : Vol. 1 : Jacques FREU et Michel MAZOYER, en collaboration avec Isabelle KLOCKFONTANILLE, Des origines à la fin de l’Ancien Royaume Hittite. Vol. 2 : Jacques FREU et Michel MAZOYER, Les débuts du Nouvel Empire Hittite. Vol. 3 : Jacques FREU et Michel MAZOYER, L’apogée du Nouvel Empire Hittite. Vol. 4 : Jacques FREU et Michel MAZOYER, Le déclin et la chute du Nouvel Empire Hittite. Sydney H. AUFRÈRE, Thot Hermès l’Égyptien. De l’infiniment grand à l’infiniment petit. Michel MAZOYER (éd.), Homère et l’Anatolie Richard-Alain JEAN et Anne-Marie LOYRETTE, La mère, l’enfant et le lait en Egypte ancienne. Daniel GRICOURT et Dominique Hollard, Cernunnos, le dioscure sauvage.

À la mémoire de Xavier Tremblay

Avertissements Sur les manuscrits des textes avestiques, d’une manière générale, voir Geldner 1886-1896 et http://ada.usal.es. Sur les manuscrits F12 et G18a du VƯštƗsp Yašt, voir http://ada.usal.es. Sur les manuscrits du DƝnkard, voir Dresden 1966. Sur les manuscrits de la Zand-ƖgƗhƯh, voir Anklesaria 1956. Dans les traductions, les signes ( ) entourent ce que j’introduis pour l’intelligence des passages. Dans la translittération brute de passages pehlevis, les signes ( ) entourent les caractères biffés. J’y symbolise par W un caractère illisible. J’entoure de { } ce qui est à considérer comme une glose dans un texte pehlevi, mais, ailleurs, ce qui est sous-entendu. Les signes < > entourent ce que nous devons restituer, mais [ ], ce que nous devons considérer comme secondairement interpolé. Je fais précéder de + les formes corrigées sur la base des manuscrits ; de × , celles corrigées sans l’aide de la tradition manuscrite ; de †, les formes dont l’analyse est désespérée ou qui sont contraires à nos attentes ; de *, les formes théoriques. Les mots translittérés figurent en caractères italiques, mais les transcriptions interprétatives du vieil iranien et du pehlevi sont respectivement données en caractères gras ou soulignées. Dans les traductions, ceci n’est pas observé. En avestique, la composition graphique est notée au moyen du point séparateur. En vieil iranien et en védique, | analyse les sandhi externes ; +, les sandhi compositionnels ; -, les sandhi internes ; º indique l’amputation arbitraire ; V sépare deux vers, mais, parfois aussi, deux hémistiches ou deux syntagmes. > = est à l’origine de ; < = provient de ; √ = racine ; :: = produit.

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I Présentation 1. Introduction Il n’y a jamais eu de vivants chez les morts. Et pourtant. Que faites-vous ici ? Au delà de la mort, il y a la vie authentique, professent de multiples croyants, et ce que vous croyez être la vie n’est autre que la mort, enseignet-on çà et là, comme si mort était vie et vie, mort. Et, pour nous en convaincre, les textes nous assurent que plusieurs de nos semblables connurent la mort de façon transitoire, purent revenir du fascinant au-delà et nous rapporter ce qu’il s’y passe d’ordinaire : la vie. Qu’allons-nous devenir ? Pourquoi ? Comment y serons-nous ? Pour toujours ? Complètement ? En fonction de quels critères ? En qui faire confiance ? Sur quoi pourrions-nous tabler ? Que devons-nous faire du cadavre ? Serons-nous réduits au seul cadavre, à son inexcusable charogne ? La sépulture honore-t-elle le mort, le relègue-t-elle ou l’élimine-t-elle ? Décharge déguisée ? Quel est ce privilège qui fait des dieux ce qu’ils sont ? Si, comme d’aucuns le disent, la mort donne sur la vie authentique et que les dieux ne sont jamais que d’anciens morts, le suicide ne ferait-il pas le meilleur des raccourcis ? Questions cruciales qui se posent à l’être humain confronté à ses limites du fait même de pouvoir s’en rendre compte. L’effroi de la mort, sa question, génératrice de doubles abstraits des réalités sensibles, renvoie l’individu dans sa communauté comme le danger ou l’inconnu font se réfugier l’enfant entre les jambes de sa mère : elle apporte la réponse ou ce qui en tient lieu, la suggère. La doctrine religieuse régente l’ensemble des rapports que la communauté entretient avec le double abstrait du sensible1. Depuis l’une ou l’autre Préhistoire. Chez les Grecs de l’Antiquité, la mort ôtait toute vigueur à l’individu : il perdait son souffle vital pour se retrouver tout à la fois à l’état de corps inerte et d’âme inconsistante, ombre évanescente jetée sur les routes du monde d’en-bas sans que nous sachions exactement à quoi rime, du point de vue général ou cosmique, l’idée que l’âme devrait traverser un fleuve, affronter un Cerbère ou se soumettre aux volontés de trois juges avant de connaître soit le Tartare soit quelque Paradis sur la définition duquel il y a hésitation, les Champs Élysées ou l’Île des Bienheureux.

1

C’est la définition que Lévêque (1997 : 33) donne de la religion.

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Orphée, le visiteur de l’au-delà resté le plus célèbre, serait l’auteur d’un discours détaillé sur le sujet dont le secret n’a pu être guère levé : les textes orphiques ne nous sont parvenus que sous forme de maigres fragments2 par le biais de traditions souvent secondaires, et la haute antiquité qu’il faudrait parfois leur attribuer reste mal vérifiable. Si le caractère fragmentaire de nos informations rend leur interprétation malaisée, il semble pourtant que ce discours, pour faire état tout à la fois de châtiments ou de récompenses et de réincarnations des âmes, devait comporter une dimension éthique. Selon un processus dont la curieuse complexité, pour nous, reste injustifiée, Zeus qui, par ailleurs, se confond avec le premier né se serait pourtant uni à sa propre mère pour engendrer une fille avec laquelle il pût engendrer un libérateur, Dionysos. Ce nouveau dieu, pour jouer son rôle, mais en contradiction avec sa nature divine, meurt assassiné ou démembré avant de renaître ou d’être reconstitué, notamment grâce à l’intervention d’Athéna. Tout ceci introduit une dimension circulaire ou une idée de retour dans la conception orphique. Le châtiment des Titans criminels qui avaient ingurgité Dionysos serait à l’origine de l’homme, dès lors tout à la fois mauvais et bon pour receler conjointement les traces du dévorateur criminel et du divin dévoré. L’homme doit donc se purifier, se débarrasser de ce qu’il a hérité des Titans pour ne garder que ce qui, en lui, est divin et provient de Dionysos, mais nous ne comprenons ni la raison des incestes divins ni la nécessité que les dieux sentirent de se plonger dans la mort. Dans la Grèce ancienne, aucune doctrine, dans les limites où nous les connaissons, ne permettait de répondre avec suffisamment de cohérence à de telles questions. Dans l’Iran zoroastrien, par contre, l’excès serait presque la norme en la matière : tout le système, comme nous le verrons, gravite de façon logique et cohérente autour de la réponse donnée aux questions de la mort et du mal. Certes, les Orphée et Pythagore tentèrent d’apporter une réponse grecque. Cependant, comme la plupart des frontières du monde grec furent iraniennes et que certaines sources prétendirent que Pythagore avait écouté les leçons de Zoroastre3, nous ne pouvons faire l’économie de l’hypothèse que, pour les conceptions qu’ils développèrent en matière d’eschatologie, les Grecs fussent tributaires des Iraniens plutôt que de leurs propres ancêtres proto-indo-européens. En effet, dès le VIe siècle avant l’ère commune, l’empire perse se situait aux portes de la Grèce. Et, à des époques antérieures, la culture des Iraniens des steppes ou de l’Europe centrale, avec les chamanes thraces, scythes ou gètes, avait déjà gagné la Grèce. Les deux filières iraniennes, celle des nomades iranophones venus du Nord et celle 2

Bernabé (2003) rassemble les textes et les témoignages qui concernent l’au-delà tel que les orphiques devaient le concevoir. 3 Voir Kellens 1984b : 2.

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des Perses venus de l’Est, sans doute se retrouvèrent aux alentours immédiats des colonies grecques de la Propontide. Les deux rives furent peuplées de Thraces tandis que les Perses installèrent leur quartier général au centre de la côte asiatique. Le promontoire d’Artakè et les îles voisines permirent aux Perses de la proche Dascylium de contrôler la Propontide. Or, parmi les premiers groupes pythagoriciens, il y avait celui de Cyzique4, à la racine du promontoire d’Artakè. Le port d’Artakè, dont le nom pourrait être vieiliranien (< Ɩrta+ « farine »), actuellement Erdek, ravitaillait les îles voisines ou y donnait accès, notamment à celle de Proconnèse. Nous savons principalement par Hérodote que le cadavre d’un certain Aristéas5, mort dans la boutique d’un foulon, devait disparaître de Proconnèse et que, quelques années plus tard, ce poète y réapparut pour composer une épopée, les Arimaspées, relatant ce qu’il avait pu apprendre chez les iranophones des steppes concernant le Grand Nord et notamment le peuple fabuleux des Arimaspes dont le nom s’avère être d’origine vieil-iranienne6. Aristéas n’était donc pas mort, une donnée qui pourrait bien être reflétée par son nom : « qui n’est pas mort », en vieil iranien, se dit a+rista-7. À mes yeux, il y a là trop de coïncidences. Une étude approfondie devrait être consacrée aux indices reliant le pythagorisme ou d’autres traditions grecques à celles que diverses obédiences iraniennes véhiculaient. Qui étaient au juste les Abaris, Anacharsis, Salmoxis et Aristéas ? Quelles relations faut-il établir entre eux ? Quel parallélisme leurs enseignements présentaient-ils avec ceux de Zoroastre ? Discours essentiel de toutes les obédiences religieuses, réponse mythique qu’elles apportent à la question de la mort, le récit des événements que l’individu doit connaître après le corps fait bien évidemment aussi l’objet de nombreux développements ou de nombreuses considérations traditionnelles chez les mazdéens zoroastriens. La tradition recueille divers motifs qui peuvent les uns se retrouver ailleurs pour refléter sans doute des universaux ou reposer sur des héritages communs et les autres faire tout à fait exception, par là caractériser en propre le mazdéisme zoroastrien et en faire l’originalité. Sa singularité dérive en bonne partie de l’idée d’un temps linéaire et fini dont le grand dieu avait ouvert la parenthèse au sein de l’infinie fixité qui, en toute logique, ne pouvait qu’englober le mal. L’œuvre de l’en extirper passe par cette mise en quarantaine fatale que l’ouverture du temps linéaire et forcément fini organise. Par nature, grevé d’incapacité, le mal se 4

Brontinos, le beau-père de Pythagore, était originaire de Cyzique. Bolton (1962) qui a rassemblé les témoignages ne fait aucune allusion au contexte géographique iranien ou iranophone de Proconnèse. 6 Pirart 1998. 7 Le nom d’Aristéas pourrait être expliqué comme le bahuvrƯhi en ºa- de arista- et de ahu- : aristâhva- « possesseur d’une existence non morte ». Hérodote nous renseigne aussi sur le clan d’Aristéas :෕‫ݰ‬Ԇۭࠗๆٗߥ཯໸Ǔဂۭࠗ‫ڗݰ‬ɘໆ‫ڗ‬࿰. Passait-il donc pour le descendant du Kavi Husravah ? 5

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laisse enfermer dans le fini où le mythe parvient à le décrire et à le résorber. Nous ne savons pratiquement rien du processus par lequel le grand dieu put ouvrir la parenthèse du temps linéaire et fini, mais l’antiquité de l’idée ressort de sa communauté proto-indo-iranienne si l’Inde connaît aussi le mythe d’un temps qui, amadoué, accepta la finitude8. La question du mal ainsi aurait-elle trouvé une réponse bien ancienne. La finitude du temps linéaire implique sa structure : le début et le terme modèlent l’ensemble. Démarrages, rebondissements, signes avant-coureurs de la clôture. L’histoire du monde et de l’Iran s’ordonne à l’intérieur de ce temps linéaire ; cette histoire et les grandes étapes qui la configurent refondent ou récupèrent d’anciens mythes proto-indo-iraniens, voire protoindo-européens. L’histoire est rythmée d’événements tout comme les saisons configurent l’année ou les heures, le jour. Dans l’implacable perfection du temps linéaire, la contiguïté des instants qui ne lui laisse aucune échappatoire enferme le mal dans d’inéluctables limites. La pensée mazdéenne zoroastrienne dont les textes disponibles ne nous livrent plus que des bribes comporte une vision eschatologique de la mécanique du temps. Les fêtes de saison ou annuelles y font office de crans empêchant le retour en arrière. Les personnages de l’histoire légendaire, dieux de ce monde voués à la mort, par leurs prouesses ou grâce à l’intervention céleste, y échappent parfois ou la contournent pour revenir dans le futur eschatologique et reprendre pied sur l’échiquier décisif où les forces ténébreuses perdront face aux lumineuses. Plusieurs personnages des origines doivent réapparaître sur terre au cours des derniers millénaires comme pour assurer la cohésion du fil du temps, mais toutes les âmes, celles des hommes bons comme celles des méchants, accéderont à la corporalité immortelle une fois refermée la parenthèse linéaire où les combats auront fait rage et lorsque les forces délétères auront été extirpées de l’infini. Afin de les isoler, de les mettre en évidence et de les éliminer définitivement, les âmes des hommes subiront les opportunes expiations au delà de la mort. Dans le mazdéisme zoroastrien, d’après ce que nous pouvons comprendre d’une documentation parfois bien incomplète ou si peu explicite, les discours sur le rituel ou la liturgie, ceux de l’histoire mythique et les eschatologies individuelle ou générale se rejoignent, sont intimement liés, s’articulent les uns avec les autres de façon plus forte ou systématique que dans d’autres provinces du monde indo-européen pour répondre tout à la fois aux questions du mal, de la mort et des origines. Pour l’examen de l’eschatologie individuelle, nous disposons de textes assez généreux. Le plus célèbre d’entre eux est connu sous le sigle H 2 qui le donne pour un fragment du Livre zoroastrien mal connu intitulé Haįaoxt Nask. Je donne le titre « Les Trois Nuits » à ce fragment qui me servira de 8

Pirart 2003 : 143 n. 3.

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point de départ parce qu’il nous explique le sort que l’âme connaît les trois premières nuits qui suivent le trépas. Point de départ si ce texte ne nous dira pas tout ou s’il présentera des contradictions avec d’autres sources. Il faudra en effet non seulement comparer ce texte à d’autres témoignages, le compléter par ce biais et chercher à comprendre la multiplicité ou les hésitations de la tradition, mais aussi examiner en profondeur, sur base de l’ensemble des sources zoroastriennes, les différents ingrédients clés du discours que les zoroastriens tenaient sur l’audelà.

2. De l’éloge de l’ivresse à celui du Moi 9

L’Avesta, le corpus des textes sacrés du mazdéisme zoroastrien, contient notamment un texte intitulé Haom Staot, qui nous parle de hauma. Hauma est tout à la fois une plante que l’on pressure rituellement, le suc de cette plante obtenu par le pressurage rituel, l’ivresse que ce jus donne à celui qui l’absorbe, l’ingrédient phare des libations offertes aux divinités et le dieu qui représente et cette plante, et son jus, et son ivresse. L’emploi du hauma dans la célébration des cérémonies sacrificielles mazdéennes zoroastriennes est un héritage de la préhistoire proto-indoiranienne puisqu’il correspond à celui du sóma dans l’Inde védique. Si nous nous penchons sur le traitement qui, selon les textes, est réservé à cette plante, possible ersatz de l’homme, que les Iraniens appelaient hauma et les Indiens sóma « objet ou produit du pressurage », la mécanique du sacrifice et la conception qui le fonde peuvent être décryptées. La plante est lavée, pressurée, c’est-à-dire immolée ; son jus est ensuite filtré et additionné du lait d’une vache. Un peu de sève de grenadier fera cailler le mélange ou, du moins, l’épaissira : le suc de hauma et le lait seront ainsi intimement unis. Dans l’au-delà, le troisième jour après la mort qui, en définitive, est une immolation, l’âme du défunt, nous explique le fragment H 2, verra venir à sa rencontre une jeune femme particulièrement belle, à l’image de la beauté ou de la pieuse correction avec laquelle ce fidèle aura, de son vivant, observé et accompli les rites. Cette jeune femme représente la conscience religieuse (dainƗ) qui fut celle de ce fidèle. Détail important : elle est, semble-t-il, à peu près immédiatement enceinte : sans doute des œuvres de l’âme du défunt. Or, la vache que l’on immole est, elle aussi, une vache pleine. Il est donc bien clair qu’un parallélisme doit être tracé entre les trois paires suivantes : l’homme pieux et la vache sacrificielle, le jus de hauma et le lait, l’âme de l’homme pieux 9 Je reprends ici nombre d’idées déjà exprimées ailleurs (1996a : 4-8, 30-32 ; 2004a ; 2010b).

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et la jeune femme en question. L’âme de la vache est symbolisée par son lait et celle de l’homme pieux par le jus de hauma. Le précipité de leur mélange est à l’image de la fécondité de la vache et de la jeune femme, faut-il comprendre : un fils devra naître dans l’au-delà tout comme l’homme pieux aura eu soin d’avoir, en ce monde, des fils. Ceux-ci, en effet, ont un rôle fondamental dans le processus : à la mort de leur père, ils assureront la relève, poursuivront la suite des cérémonies cultuelles, faisant ainsi du monde sacré que les pratiques rituelles et la piété de leur père avaient charpenté un monde continué, continu, éternel. Nous voyons ainsi comment la cérémonie sacrificielle, comment le continuum espace-temps du rite est la préfiguration d’une existence éternelle dans l’au-delà. L’âme de la vache ou le lait de la vache, ce qui semble revenir au même, et, d’autre part, le suc de hauma sont eux aussi des préfigurations. Envoyés aux dieux moyennant le pressurage et l’immolation, ils occupent dans l’au-delà les places que, lors de cet ultime sacrifice qu’est la mort, l’âme du sacrifiant et sa conscience religieuse viendront occuper. Les pratiques religieuses ont donc pour fonction de produire des substituts qui préparent dans l’au-delà la venue et la vie éternelle et fructueuse de l’âme. L’ivresse de hauma, dans l’autre monde, pourrions-nous dire, réserve la place que l’âme du fidèle compte occuper aux côtés des dieux. La jeune femme que, selon les conceptions iraniennes, l’âme du défunt rencontrera dans l’au-delà sera donc mère d’un fils. Qui est donc ce fils de l’âme ? Pour moi, les fils des âmes pieuses sont à reconnaître sous le nom de saušyant, ces êtres qui, à la fin des temps, auront grossi les rangs des armées d’Ahura MazdƗ et lui permettront alors d’avoir définitivement raison des forces ténébreuses. Le plus insigne des saušyant est bien évidemment le fils de l’âme de Zoroastre (Zaraduštra), l’homme pieux par excellence, puisque c’est lui qui passe pour avoir donné au rituel sa forme le plus adéquate, sa forme correcte. Le monde éternel et spirituel s’appuie ainsi sur le monde matériel où le rituel parvient à combattre le mal et les ténèbres pratiquement sur leur propre terrain. Le rituel soustrait le spirituel au matériel et en frustre les forces ténébreuses. La mort en devient cosmologiquement utile à la victoire définitive du bien. L’homme est sacrifié pour que son âme, par de fructueuses amours, accroisse les forces lumineuses et que la fin des temps soit aussi la fin des ténèbres. La seule étymologie mystique du mot sóma- que les textes brƗhmaQiques connaissent10 confirme que sóma est l’ersatz de l’âme. La pseudo-étymologie (une paronomase) que le texte propose tire sóma- de svá- ... me « propre de moi ».

10

ĝBM 3.9.4.22.

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Autre confirmation : dans l’énumération védique des épouses des dieux, l’une des séquences préparatoires de l’AgniVWoma11, le dieu Sóma a pour épouse DƯkV», la déification de la séquence au cours de laquelle le sacrifiant, qui vient du monde profane, est refabriqué sous une forme sacrée. Sóma, immolé en lieu et place de l’homme, lui ressemble : le sacrifice de Sóma compte neuf pressurages parce que l’homme à la place duquel il est immolé comporte neuf orifices et, partant, neuf fonctions ou parties immortelles à extraire de sa matière mortelle. Le grand dieu lui-même, s’il est là-bas, ne peut qu’avoir été immolé. Le monde, qui n’est autre que sa matière, résulte ainsi d’un sacrifice primordial. Aux yeux des Indiens védiques, le mariage met les époux en condition de sacrifier ou d’installer un monde sacré tandis que les funérailles introduisent à l’au-delà. Dans l’au-delà aussi, l’âme se marie afin d’être en condition d’installer ou de maintenir son éternité tout comme le mariage avait fait de l’adorateur un homme capable d’offrir le sacrifice. Le mariage de Sóma avec la fille du Soleil, Snjry», est le modèle de tout mariage : les GUhyasnjtra (manuels des rites domestiques) exposent pour cette cérémonie l’importance de recourir à la récitation des strophes du SnjryƗsnjkta, le « poème (du mariage) de SnjryƗ »12. Le mariage de Sóma et de Snjry» doit symboliser celui de l’âme. Ce mariage est préparé, préfiguré, dans la cérémonie sacrificielle, par cette manipulation dont les textes font si souvent état, le mélange du suc de sóma et du lait de la vache. Dans l’Avesta, le hauma entre également avec le lait dans la composition de la matière oblatoire. Le début du Haom Staot a une allure similaire à celui du fragment H 2 du Haįaoxt Nask, un texte qui concerne le vécu de l’âme les premières nuits après la mort. Dans le Haom Staot, le dieu Hauma tombe sur le rite que Zaraduštra est occupé à mettre en place : il vient à la rencontre de sa pratique religieuse. Dans le fragment H 2 du Haįaoxt Nask, l’âme rencontre sa promise qui en est immédiatement enceinte. Cette promise n’est autre que sa propre conscience religieuse, sa propre dainƗ (daƝnƗ-). Celle-ci représente la façon dont le sacrifiant a eu conscience de ses devoirs religieux et a voulu s’en acquitter. Il faut donc envisager un parallélisme entre la préparation faite du hauma dans la cérémonie et celle de l’âme par la mort : le hauma, filtré, est uni au lait tout comme, dans l’au-delà, le ruvan (âmemoi), une fois rendu le verdict (srauuah-) des juges divins et dictée l’expiation, rencontre la dainƗ (conscience religieuse). Après l’étude que j’ai donnée du Haom Staot dans L’éloge mazdéen de l’ivresse13, il est ainsi tout naturel que je me penche sur le fragment H 2 du livre de l’Avesta intitulé Haįaoxt Nask, mais, avant de l’aborder, remar11

La grande cérémonie brƗhmaQique du sacrifice de Soma. 5gvedasaPhitƗ 10.85. 13 2004a. Une nouvelle mouture de la traduction de ce texte figure dans Les Adorables de Zoroastre (2010b). 12

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quons qu’il est ici question de deux termes : ruvan (uruuan) et dainƗ (daƝnƗ). L’être humain serait ainsi le siège d’au moins deux entités immatérielles immortelles, le siège de deux âmes : d’une part, ruvan, l’âme individuelle ou âme-moi, qui est masculine, et, d’autre part, dainƗ, la conscience religieuse, qui est féminine.

3. L’individu et ses biens, du matériel à l’immatériel C’est ici que les choses se compliquent puisque Jean Kellens a pensé que, selon les conceptions avestiques, l’être humain était le siège non de deux âmes, mais de cinq ; les parts immatérielles de l’individu serait au nombre de cinq14 : le baudah « la faculté de perception sensorielle », l’uštƗna « le principe du mouvement spontané, l’animation du corps, la faculté de se mouvoir », le ruvan « l’identité de l’être, l’âme-moi », la dainƗ « la conscience religieuse » et la fravUUti « l’état d’esprit avec lequel le sacrifiant rend hommage à la divinité, à savoir la préférence qu’il a pour elle, l’allégeance sélective qu’il lui porte ». À la mort, selon Jean Kellens, l’uštƗna et le baudah disparaissent ; le ruvan, la dainƗ et la fravUUti subsistent. Ces trois derniers sont les âmes impérissables. Il est à noter que le Veda ne nous offre aucune aide puisqu’aucun des termes de la liste n’y a de correspondant exact si nous laissons de côté l’exception controversée de dainƗ. Une première difficulté surgit : la disparition, la destruction du baudah et de l’uštƗna n’est clairement exposée nulle part, les textes disant simplement que la mort les sépare de l’os. Le verbe utilisé, vi+√ √ vris, littéralement, me semble signifier « former une courbe de retour séparateur ». Je ne sais s’il faut penser à des couches de peinture ou de vernis qui, se recroquevillant, se décollent d’une porte sous l’effet d’agressions climatiques : les deux facultés de la perception sensorielle et du mouvement sont-elles vues métaphoriquement comme devant se décoller du squelette avec plus ou moins de souffrance ? Sans doute le baudah et l’uštƗna jouaient-ils le rôle de relais entre les parties matérielles et immatérielles de l’individu : tout en étant immatériels, ils collent à l’os. Une autre difficulté surgit : cette liste, aussi belle et cohérente soit-elle, n’est jamais donnée dans les textes. Celles que nous y trouvons ou bien seraient incomplètes, ou bien contiendraient encore d’autres termes. Bien sûr, c’est en partie parce que de telles listes admettent en sus un certain nombre de termes connotant des parts matérielles, intérieures ou extérieures, de l’individu. Par ailleurs, soulignons que certains mots sont ambigus : ainsi 14 Le DƝnkard 3.218 dit que les principaux agents abstraits (mƗnyava) situés dans la personne humaine sont au nombre de quatre : ruvan, uštƗna, fravUUti et baudah.

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kUUp, qui désigne tout à la fois la chair, le corps ou même la charogne, mais aussi l’apparence, la forme. L’autre mot « corps », tannj, n’est pas très clair non plus : si le mot peut désigner le corps de l’individu vivant ou mort et, donc, le cadavre, c’est dans le cadre d’une opposition avec ruvan, l’âme individuelle, mais d’autres oppositions existent, notamment avec gaișƗ, les troupeaux, ou avec sti, l’ensemble des biens, oppositions qui, elles, conduisent à l’idée de « personne » et nous poussent à y reconnaître la désignation de l’individu luimême. Sans vouloir augmenter ici la liste, ce qui doit n’avoir qu’un intérêt limité, je pense qu’il faut aussi dresser un tableau provisoire des parts matérielles sur base de telles listes. Voici le tableau général provisoire que je propose donc, en partant de l’opposition tannj ļ sti, laquelle, malheureusement, n’est attestée que dans le Veda. L’individu se compose non seulement de lui-même (la tannj), mais aussi de ses biens (la sti). Voyons tout d’abord sa personne, c’est-à-dire sa tannj. Sa personne, la tannj qui est la sienne, comporte plusieurs types de composants. Certains de ces composants sont matériels et voués à la corruption à l’exception approximative du squelette. Car les cadavres sont exposés, et les os, une fois complètement nettoyés par les chiens et les vautours, sont recueillis bien blancs pour être conservés dans des ossuaires (astadƗna). La part matérielle de l’individu comporte donc, en plus des viandes, des moëlles et d’autres viscosités, une partie moins infecte : l’os. C’est sur l’os que vient se greffer la part immatérielle de l’individu. Deux composants immatériels assurent la cohérence avec la part matérielle : ce sont le baudah et l’uštƗna, les facultés de percevoir et de se mouvoir, que la mort décolle de l’os à travers des souffrances plus ou moins effrayantes ou sans que cela ne cause de souci, le tout étant de savoir si l’individu fut impie ou non. Restent trois composants immatériels, les trois âmes : l’âme-moi, la conscience religieuse et l’engagement (ruvan, dainƗ, fravUUti). Voici le tableau résumant tout cela :

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La tannj (personne) ʊ sont corruptibles : la chair, les moëlles, etc., faisant la nasu (charogne) ; ʊ incorruptible et matériel : l’ast (os) ; ʊ incorruptibles et immatériels, mais collant à l’os : ʊʊ le baudah (faculté de percevoir); ʊʊ l’uštƗna (faculté de se mouvoir) ; ʊ incorruptibles et immatériels, mais ne collant pas à l’os : ʊʊ le ruvan (âme-moi) ; ʊʊ la dainƗ (conscience religieuse, doctrine) ; ʊʊ la fravUUti (engagement, préférence).

Venons-en à ce qui appartient à l’individu, à ses possessions, à la sti. Bien sûr, en ce monde, il dispose d’un certain nombre de biens meubles et de biens immeubles. Parmi ces biens matériels (sti astvatƯ), emphase toute particulière est donnée aux troupeaux de bestiaux, les gaișƗ, la réserve de possibles victimes sacrificielles. La pratique religieuse, quant à elle, va générer certains types de richesses spirituelles (sti *manahiyƗ), en quelque sorte tout à la fois les mérites dont l’âme pourra se prévaloir dans l’au-delà et les richesses dont elle pourra y jouir, sa gloire. Les biens spirituels sont de deux types : il y a tout d’abord ceux qui dérivent de l’immolation de victimes offertes en sacrifice (sti gaișiyƗ) : leurs âmes, richesses immatérielles, sont ce que réclament les dieux. Ensuite, vu que, pour le sacrifice offert aux dieux, le sacrifiant doit adopter un comportement rituel adéquat dans lequel trois niveaux sont à distinguer, la pensée bonne, la parole bonne et le geste bon, la pratique religieuse génère un second type de richesses spirituelles : la caractéristique rituelle bonne ou mauvaise, le signe positif ou négatif de l’individu, son cișra, fait de pensée, de parole et de geste, qui constitue sa sti mƗnyavƯ « les biens découlant de l’opinion ». Résumons cela comme suit : La sti (les biens) ʊ la sti astvatƯ (les biens osseux ou matériels) : les gaișƗ (les troupeaux), etc. ; ʊ la sti *manahiyƗ (les biens mentaux ou immatériels, les mérites, la gloire) : ʊʊ les âmes des bestiaux immolés constituent la sti gaișiyƗ ; ʊʊ le cișra (le signe), qui n’est autre que la sti mƗnyavƯ (les biens dérivant de l’opinion), se compose des trois niveaux du comportement rituel : ʊʊʊ le humata (la pensée bonne) ; ʊʊʊ le huuxta (la parole bonne) ; ʊʊʊ le huvUUšta (le geste bon).

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4. Le contenu du fragment H 2 Forts de cette théorie, que l’Avesta n’expose jamais en clair, voyons maintenant ce qui se passe entre le cadavre et le paradis en lisant le fameux fragment H 2 du Haįaoxt Nask. Ce texte est fait de deux parties, la première envisageant le cas du ruvan de l’harmonieux, l’âme-moi du pieux défunt, et la seconde, celui de l’âme de l’impie. La seconde partie, sauvagement abrégée en raison du parallélisme phraséologique qu’elle présentait avec la première, est difficile à reconstituer, et le contenu de la première, qui a été corrompue sous l’influence de la seconde, est à amender çà et là. Je m’en tiens ici à la première partie, celle qui concerne le ruvan de l’harmonieux. En voici le premier mouvement : [1] Zoroastre demanda au Roi de la Sagesse : « Roi de la Sagesse qui, à mon avis, es très savant, toi l’harmonieux qui mets en place les troupeaux osseux, lorsque l’homme harmonieux trépasse, où son propre Moi passe-t-il cette nuit-là ? » [2] Et le Roi de la Sagesse répondit : « Là-bas15 pour sûr, je te le dis, harmonieux Zoroastre, il reste assis à proximité de la tête à réciter la Cantate de l’Exclamation d’abondance et à miser sur l’exclamation d’abondance qu’elle contient : "Que ce soit l’abondance pour celui, quel qu’il soit, à qui le Roi de la Sagesse a le libre pouvoir de donner autant qu’il veut !"16 À l’approche de cette nuit-là, le Moi connaît autant de quiétude que toutes les quiétudes réunies qu’il a connues de son vivant ». [3] Zoroastre demanda : « Roi de la Sagesse qui, à mon avis, es très savant, toi l’harmonieux qui mets en place les troupeaux osseux, la deuxième nuit, où son propre Moi la passe-t-il ? » [4] Et le Roi de la Sagesse répondit : « Là-bas pour sûr, je te le dis, harmonieux Zoroastre, il reste assis à proximité de la tête à réciter la Cantate de l’Exclamation d’abondance et à miser sur l’exclamation d’abondance qu’elle contient : "Que ce soit l’abondance pour celui, quel qu’il soit, à qui le Roi de la Sagesse a le libre pouvoir de donner autant qu’il veut !" À l’approche de cette nuit-là aussi, le Moi connaît autant de quiétude que toutes les quiétudes réunies qu’il a connues de son vivant ». [5] Zoroastre demanda : « Roi de la Sagesse qui, à mon avis, es très savant, toi l’harmonieux qui mets en place les troupeaux osseux, la troisième nuit aussi, où son propre le Moi la passe-t-il ? » [6] Et le Roi de la Sagesse répondit : « Là-bas pour sûr, je te le dis, harmonieux Zoroastre, il reste assis à proximité de la tête à réciter la Cantate de l’Exclamation d’abondance et à miser sur l’exclamation d’abondance qu’elle contient : "Que ce soit l’abon15

Un endroit qui est à nommer ou à préciser, là où il a trouvé la mort et où se trouve son cadavre. 16 Plus exactement, le Moi n’en récite que cette première strophe (Y 43.1).

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dance pour celui, quel qu’il soit, à qui le Roi de la Sagesse a le libre pouvoir de donner autant qu’il veut !" À l’approche de cette nuit-là tout aussi bien, le Moi connaît autant de quiétude que toutes les quiétudes réunies qu’il a connues de son vivant.

Avec ce premier mouvement, fort répétitif, nous voyons que le ruvan, complètement démuni, passe trois nuits à côté de la tête du cadavre. Toute son activité est purement mentale : immobile, il récite mentalement une strophe tirée des textes les plus vénérés, les Cantates (GƗșƗ), affichant ainsi sa piété. Il connaît aussi un bonheur tout intérieur, confusément basé sur la mémoire. Il est tranquille, très tranquille. Lisons le deuxième mouvement : [7] Au terme de la troisième nuit, je te le dis, harmonieux Zoroastre, le Moi de l’homme harmonieux se sent poindre comme l’aurore le fait, se sent transporter parmi les arbres fruitiers et les parfums. Et il sent un vent souffler sur lui depuis le côté méridional, depuis les côtés méridionaux, plus parfumé que les autres vents parfumés. [8] Et le Moi de l’homme harmonieux s’étonne de percevoir ce vent dans les narines : "D’où souffle ce vent-ci pour être vent comme jamais dans les narines je n’en ai perçu d’aussi parfumé ?"17

Dans ce deuxième mouvement, l’âme récupère la présence : elle se sent poindre comme l’aurore point ; mais, surprise : voici le ruvan du pieux défunt disposer de narines ! Lesquelles ? Car nous l’avions vu démuni, immobile à côté de la tête du cadavre. Seule hypothèse possible : le ruvan a pu acquérir un nez grâce au premier épisode au cours duquel il avait récité une strophe. Bien sûr, ceci n’est pas immédiatement compréhensible, mais, dans le Veda, lorsque le sacrifiant, pour entrer dans le monde sacré, est reconstruit, c’est le fruit de la récitation de strophes que le prêtre exécute. Le prêtre récite telle strophe pour lui donner des yeux, telles autres pour le nez, les oreilles, etc. La ville que le corps humain constitue avec les sept ou neuf portes que sont ses orifices ʊ la métaphore est exposée dans la théorie védique concernant le sacrifice humain ʊ est ainsi reconstruite sous l’effet des paroles sacrées tout comme, dans le mythe grec, Amphion, pour construire les murailles de Thèbes, la ville aux sept portes, en chantant lyre en main, a pu faire se mettre spontanément en place les blocs de pierre. Autre écho de ce mythe : dans le Veda, la fille du Soleil, lors de son mariage, est vêtue des différents types de strophes : son extérieur est fait de paroles sacrées. Nous ne comprenons pas comment une strophe sacrée peut arriver à 17 Selon certaines versions du récit, le Moi pose cette question à Srauša, l’un des psychopompes.

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construire un homme, mais un discours mythique, un discours de vérité, mythème venu des temps immémoriaux qui a laissé des traces dans plusieurs traditions indo-européennes, l’affirme. Le ruvan, disposant de l’organe, récupère dès lors le baudah, la faculté de percevoir, faculté qui nécessite un support. Les parfums qui s’additionnent au sud, la région des morts, pour la création d’un parfum exceptionnel pourraient être les pieuses âmes, déjà devenues parfums, de défunts antérieurs. Accumulation d’odeurs de sainteté. Et le vent parfumé transporte le ruvan : avec l’aide des dieux ou du vent, il récupère la mobilité, récupère l’uštƗna, la faculté de se mouvoir. Cette capacité lui permet, sait-on par d’autres textes, d’arriver à cet endroit d’où part le pont par lequel il pourra gagner le paradis. L’instant est celui de l’aurore du troisième ou quatrième jour. L’orientation que le ruvan récupère avec ce vent parfumé venu du sud, c’est aussi, si nous nous fions aux bijections upaniVadiques indiennes, la capacité d’entendre, l’une des composantes du baudah. Car, selon de telles spéculations, ce que le Soleil est à la vue, les points cardinaux le sont à l’ouïe. Troisième mouvement : [9] Dans l’avancée de cette dernière aurore et sous ce vent si parfumé, il sent vers lui s’avancer la doctrine18 qui lui est propre, sous les traits d’une belle jouvencelle, splendide, aux bras de rose, pleine d’allant, du meilleur âge, enjouée, de haute taille, les seins dressés, belle de corps, noble, avec le signe positif d’avoir fait des offrandes et le développement de celle qui a quinze ans, sous des traits d’autant de beauté qu’en présentent les très beaux et brillants produits19 du splendide Soleil. [10] Et le Moi de l’homme harmonieux lui adresse la parole pour lui demander : "Toi, qui es-tu pour être la gravide comme, parmi les gravides, d’aussi belle d’aspect je n’en ai jamais vu ?" [11] Et la doctrine qui lui est propre lui répond : "Pour sûr, moi qui suis ta propre doctrine, jeune homme de pensée bonne, de parole bonne et de geste bon, toi qui as bonne doctrine, j’appartiens à ta propre personne. Chacun de nous les dieux t’a toujours aimé pour la grandeur, l’excellence et la beauté, pour le parfum, la capacité que tu montrais de rompre les obstacles démoniaques et le caractère inaltérable, qualités qui sont comme ce que je trouve en toi maintenant. [12] Et toi qui as bonne doctrine, tu m’as toujours aimée, jeune homme de pensée bonne, de parole bonne et de geste bon, pour la grandeur, l’excellence et la beauté, qualités qui sont comme ce que tu trouves en moi maintenant. [13] Quand toi, tu voyais l’autre20 bacler 18

Nous savons par certaines versions du récit qu’elle vient de l’est, ce qui est logique si l’adorateur, en Iran comme en Grèce ou en Inde, rend un culte aux dieux en se tournant vers l’est. 19 Les rayons. 20 L’impie.

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l’allumage du feu et les préparatifs du sacrifice, effectuer les mauvaises mises d’offrandes en présence du mauvais feu et passer à l’abattage d’arbres fruitiers, toi, tu restais pourtant assis à réciter les Cantates, à consacrer dans leurs fonctions les déesses Rivières et le Feu fils du Roi de la Sagesse, à réserver bon accueil à l’homme harmonieux, le prêtre itinérant, qu’il vînt des environs ou de loin. [14] Et, me rendant, de digne des propitiations que j’étais, plus digne des propitiations ; de belle que j’étais, plus belle ; de respectée que j’étais, mieux respectée, tu me fis asseoir, d’assise sur un socle éminent que j’étais, sur un socle encore plus éminent grâce à la pensée bonne, à la parole bonne et au geste bon" ».

Ce troisième mouvement fait coïncider la venue de la jeune femme qui personnifie la conscience religieuse ou la doctrine (dainƗ) avec celle de la troisième aurore. À l’instar de cette dernière à laquelle de nombreux traits sont empruntés, la dainƗ vient de l’est, sait-on grâce aux inscriptions du grand mage sassanide KirdƯr, l’est, tandis que souffle un parfum depuis le sud, l’est, point cardinal de référence pour les cérémonies sacrificielles, car, ne l’oublions pas, la dainƗ, la conscience religieuse, représente donc aussi la pratique religieuse qui fut celle du défunt en ce monde. Le ruvan voit la dainƗ : il a donc bien récupéré la capacité de voir, autre composante du baudah. Il a récupéré aussi la faculté correspondant à d’autres orifices : la voix, puisqu’il parle, pour s’adresser à la jeune femme qui vient à sa rencontre. Dans sa réponse aux questions du ruvan, la dainƗ le dit : elle est à l’image de la pratique religieuse qui fut celle du défunt, mais le ruvan luimême, tout aussi bien : la pensée bonne, la parole bonne et le geste bon, qui ont caractérisé le mazdéen et qui constituent son signe (cișra), ont fait de lui un yuvan, un jeune mature, un être performant, lui en ont donné l’aspect (kUUp) ou fait prendre le rôle : les trois niveaux du comportement rituel correct, pensée, parole et geste, sont la semence avec laquelle il a fécondé la jeune femme ; enceinte, elle donnera naissance à un saušyant, un fils de l’âme, un combattant eschatologique qui viendra grossir les rangs des armées de la lumière victorieuse. Il n’y a pas vraiment mariage du ruvan et de la dainƗ sur le chemin de l’au-delà : le mariage a déjà eu lieu, dès avant la mort, et toute la pratique religieuse que le pieux défunt avait montrée de son vivant, faite de pensées, de paroles et de gestes adéquats, paraît avoir été le sperme avec lequel le ruvan fécondait peu à peu la dainƗ. Maintenant que le ruvan la voit, c’est pour se féliciter qu’elle est enceinte et qu’un saušyant naîtra. Si la dainƗ est à l’image de l’activité rituelle qui fut celle du défunt, c’est aussi qu’elle relève, comme le ruvan, d’une seule et même personne (tannj) : elle est lui et lui est elle, pour reprendre les mots que s’adressent le

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marié et la mariée dans le rite védique du mariage. « Toi, tu m’as toujours aimée et chacun de nous t’a toujours aimé », dit la dainƗ au ruvan. L’indicatif parfait du verbe √ kan « aimer » souligne que l’amour que la dainƗ et le ruvan éprouvent l’un pour l’autre est une caractéristique permanente dont les origines plongent dans la vie rituelle qui fut en ce bas monde celle du pieux adorateur. Le mariage du ruvan et de la dainƗ ne date pas de leur rencontre aux portes du paradis ; c’est une permanence, une caractéristique déjà présente lors des rites accomplis en ce monde. L’indicatif parfait : mode de l’accompli et de la permanence caractérisante. Étant donné que l’âme du sacrifiant, lors des cérémonies sacrificielles, était représentée par le hauma, ingrédient phare des libations offertes aux dieux, l’épithète que reçoit la dainƗ, haumacanah « qui aime Hauma », est expliquée. Et le parallélisme phraséologique du début du Haom Staot21 et de H 2.10 se justifie pleinement. On voit la dainƗ et le ruvan revêtir une apparence, acquérir un aspect, une kUUp, mais il faut à tout prix distinguer ce mot de celui homophone qui connote ce que les charognards dépècent, le cadavre. Les dernières explications que la dainƗ fournit au ruvan sont particulièrement intéressantes à l’instant de savoir où se trouve la fravUUti à l’intérieur du processus. On a souligné que cette troisième âme n’apparaissait pas dans le fragment H 2 du Haįaoxt Nask, mais, pour moi, les derniers mots de la dainƗ permettent d’entrevoir le rôle de la fravUUti : «me rendant, de respectée que j’étais, mieux respectée, tu me fis asseoir, d’assise sur un socle éminent que j’étais, sur un socle encore plus éminent». Or, le respect, la reconnaissance des mérites, bUUj, cela, sait-on par ailleurs, constitue la charnière de l’engagement du mazdéen, la charnière de sa déclaration de mazdéen zoroastrien : c’est en fonction ou sur base de la reconnaissance des mérites que l’homme pieux préfère la religion mazdéenne zoroastrienne antidémoniaque avec laquelle se confond la dainƗ. Je dirais donc que la fravUUti, littéralement « la préférence », est ce qui assure le lien entre le ruvan et la dainƗ. Nous pouvons ainsi comprendre pourquoi l’épouse du dieu védique BÌhaspáti, le maître de la reconnaissance de mérites, s’appelle DhénƗ et pourquoi, dans certaines versions du mariage de la fille du Soleil, c’est lui le mari en lieu et place de Sóma, le symbole de l’âme. La place que la préférence permet d’accorder à la dainƗ sur l’aire sacrificielle est une place gagnée de haute lutte, sait-on aussi par ailleurs, une place pour laquelle d’éminents mazdéens se servirent de la préférence comme d’une arme. Le FravardƯn Yašt, l’hymne sacrificiel qui glorifie les déesses qui représentent les préférences que les hommes pieux montrèrent pour la religion mazdéenne zoroastrienne, explique que de telles déesses servirent d’armes dans la conquête du terrain sacrificiel que les mazdéens 21

Y 9.1.

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entreprirent pour y installer la bonne religion. Si, dans H 2, la fravUUti n’est pas là nommément, il est donc pourtant bien fait allusion à son rôle, celui consistant à donner à la dainƗ une place assise sur l’aire sacrificielle désencombrée et à la faire voir aux dieux. Le quatrième mouvement du texte commence avec la cérémonie des obsèques lors de laquelle sacrifice était offert aux déesses fravUUti, mais, comme notre texte, pour se contenter d’une allusion à la mécanique dans laquelle la fravUUti intervient, ne l’a pas nommée, c’est maintenant à Ahura MazdƗ que le sacrifice est offert : Le Roi de la Sagesse ajouta : « Et les hommes m’offrent ensuite le sacrifice de liturgie longue, à moi qui suis le Roi de la Sagesse, et s’entretiennent22 avec moi. [15] Le Moi de l’homme harmonieux avance un premier pas pour prendre pied dans Pensées-bonnes23. Le Moi de l’homme harmonieux avance un deuxième pas pour prendre pied dans Paroles-bonnes. Le Moi de l’homme harmonieux avance un troisième pas pour prendre pied dans Gestes-bons. Le Moi de l’homme harmonieux avance un quatrième pas pour prendre pied dans le monde des Jours qui n’ont ni début ni fin24.

Le sacrifice offert dans ce mouvement est donc vu comme un moyen d’aider le ruvan à passer le pont, guidé par la bonne religion, et à récupérer ses lettres de noblesses que sont les pensées bonnes, paroles bonnes et gestes bons. Le ruvan est comme ViVQu, le dieu védique célébré pour avoir franchi tous les espaces en trois enjambées. D’autres textes nous informent que l’âme de l’impie, quant à elle, incapable de marcher, est traînée par une sorte de ViVQu démoniaque, Vizarša, à travers tous les étages de sa déchéance25. Lisons le dernier mouvement du texte. [16] Et l’harmonieux qui a trépassé antérieurement lui adresse la parole pour lui demander : "Toi l’harmonieux, comment as-tu trépassé ? Toi l’harmonieux, comment as-tu quitté les domaines agricoles pourvus en vaches et les clans pourvus d’une organisation rituelle ? L’état osseux pour l’état mental ? L’état transitoire pour l’état définitif ? D’où vient que la longue abondance te soit advenue ?" [17] Et je lui dis, moi qui suis le Roi de la Sa22

L’ensemble du Yasna (et du VƯsp-rat) combiné avec un texte rapportant des entretiens que Zoroastre avait eus avec le Roi de la Sagesse tels que ceux que recueille la Loi qui repousse les Daiva (VƯdaƝuu-dƗt). 23 La première des trois antichambres du paradis. 24 L’une des désignations du paradis. 25 Selon la Zand-ƗgƗhƯh (ZA 27.22, 30.4), Vizarša attaque le ruvan durant les trois nuits qu’il passe sur terre. Il est assis à la porte du DƗužahava.

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gesse : "À quoi bon lui poser les questions que tu poses ? Il a parcouru le chemin qui, pour lui, fut sans effroi, sans risque et sans embûche, du décollement de l’os et de la faculté de perception ! [18] Que, parmi les nourritures, lui soit apporté du beurre de mi-printemps ! Telle est, pour le jeune homme de pensée bonne, de parole bonne et de geste bon, qui a bonne doctrine, la nourriture après le trépas. Pour sa jeune dame26 promotrice de la pensée bonne, de la parole bonne et du geste bon, qui, soumise à de bonnes instructions, en harmonieuse qu’elle fut, pouvait exercer sur nous les dieux l’influence lors des séquences rituelles, telle est aussi la nourriture après le trépas ».

Le dernier mouvement fait allusion aux biens meubles et immeubles du pieux défunt : le troupeau de vache ; mais aussi aux biens qui attendent l’âme du défunt dans l’au-delà : l’organisation religieuse du clan les avaient générés. L’existence (ahu) ou état d’être profane y avait pour modèle l’existence rituelle, et cette dernière, au delà de la mort, se convertit en existence définitive, l’excellent état d’être mental (ahu vahišta). Dans cette existence post mortem, le ruvan et son épouse la dainƗ se nourrissent du beurre frais, à n’en pas douter, le beurre que fournissent les vaches qui furent immolées et qui broutent les vastes et célestes prairies que gèrent les dieux et, tout particulièrement Mișra, le dieu qui reçoit de façon constante l’épithète de gérant de vastes prairies (varugauynjti). Le corps de l’âme, au delà de la mort, est donc le fruit d’une reconstruction : c’est au moyen d’une récitation mentale que l’âme se refait un corps. Ce nouveau corps, bien sûr, n’est pas de la même nature que celui qui avait hébergé l’âme avant la mort et qui a fini pitance des vautours et des chiens : ce nouveau corps est tout aussi immatériel que le ruvan, c’est un corps mental, un parfum, une image, une personne. Si certaines énumérations rangent tannj et kUUp aux côtés de ruvan, fravUUti et dainƗ, c’est pour la raison que le ruvan, grâce à la récitation de la Cantate (GƗșƗ), possède un corps spirituel, support dont l’indispensable acquisition constitue un préalable à la récupération des facultés de percevoir et de se mouvoir. La fravUUti n’est pas la grande absente du fragment H 2 : elle est là, mais de façon dissimulée, dans l’ensemble des procès qui, du vivant de l’adorateur, mettent en relation le ruvan avec la dainƗ. La fravUUti n’est donc pas pour moi l’âme céleste que le ruvan rejoindrait avec l’aide de la dainƗ vue comme âme du chemin, âme pérégrinante ou agente de liaison. À mes yeux, il n’y a que deux âmes : le ruvan et la dainƗ ; la fravUUti n’est jamais qu’un ensemble de procès mettant en relation le ruvan et la dainƗ ; pour leur part, le baudah, l’uštƗna, la tannj, la sti, la kUUp, etc., ne con26

= sa bonne doctrine.

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stituent jamais que des compléments que le tandem ruvan + dainƗ perd momentanément, mais récupère tout de suite. Dans ce premier chapitre de présentation, nous avons pris de l’avance par commodité, mais, avec les suivants, nous allons revenir sur les étapes brûlées : plusieurs termes affichés sur les tableaux de ce premier chapire sont d’interprétation controversée ou délicate. Suite à cette réflexion liminaire centrée sur le sort post mortem de l’âme (ruvan) tel que l’expose le fragment H 2 de l’Avesta, nous allons donc passer en revue les différents éléments constitutifs de l’individu qui aient quelque importance dans le récit des événements qui marquent les premières journées qui suivent son trépas. L’objet dernier chapitre, une marginale, est de débrouiller la difficulté morphologique d’adjectifs en -i- du type de mƗzdaiiasni- ou de Ɨhnjiri- « appartenant aux mazdéens » qui concernent la dainƗ.

II Ruvan, uštƗna et baudah, être, vivre et sentir 1. Introduction Après l’aperçu général donné de H 2 dans le chapitre précédent, nous devons à présent passer en revue les différents éléments constitutifs de l’individu qui jouent un rôle dans le récit, à commencer par l’âme-moi. L’âme-moi n’a pas de nom indo-iranien commun, et les hymnes védiques paraissent même en avoir ignoré ou négligé la notion puisque l’Ɨtmán-, au vu de la comparaison faite avec v»ta- « le vent »1, est bien plutôt le souffle vital2. L’absence de correspondant védique, cas de figure défavorable à l’étude, est fréquente dans le dossier qui nous occupe. L’illustration la plus nette en est sans doute qu’il n’y a pas en indien de mot pour « fravUti », cet ingrédient si mazdéen de l’individu3. L’unanimité des textes mazdéens zoroastriens n’est pas tout à fait complète dans le choix du mot devant désigner l’âme-moi : si presque tous recourent au mot ruvan (avestique uruuan-/ urun-, pehlevi lvb’n| [ruvƗn4]), certains passages pehlevis paraissent préférer le mot gyƗn (écrit au moyen de l’araméogramme HYA ou orthographié y’n|) qui, par ailleurs, rend habituellement l’avestique uštƗna- « faculté de se mouvoir, animation ». Cette préférence peut provenir de l’emploi que certains passages spéculatifs5 font des syntagmes ruvƗn Ư andar tan « âme située dans le corps » ou ruvƗn Ư tanƯg « âme corporelle » pratiquement au sens de « uštƗna » par opposition à ruvƗn Ư bƝrǀn « âme qui (peut) se situer à l’extérieur », l’âme qui, à rester indépendante de la matière, peut, le temps du sommeil, quitter le corps comme elle le fera lors du décès.

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RS 1.34.7d, 7.87.2a. Cette idée d’une âme vue fondamentalement comme « souffle, haleine, vie » est présente aussi en Grèce où ȥȣȤ੾ s’explique à partir de ȥ઄ȤȦ « je souffle, émets un souffle » (Chantraine 1968 : II 1295a). Pour moi, malgré les réticences de Chantraine (1968 : I 134b) ou de Mayrhofer (1992-2001 : I 164), le védique Ɨtmán-/tmán- (< pie. *H2éH1tmon-/*H2H1tmén-) est étymologiquement apparenté au grec ਕIJȝંȢ « vapeur chaude » (< pie. *H2H1tmó-), à l’homérique ਷IJȠȡ « cœur » et à l’avestique ƗtΩrΩ- « feu » (< pie. *H2éH1tU-). Sur l’évolution de la conception grecque de la ȥȣȤ੾, voir Bremmer 1983. 3 Il en sera traité au Chapitre VI. 4 Selon Mackenzie 1971, mais je suis enclin à y reconnaître un avesticisme uruuƗn reproduisant le thème fort de l’accusatif sg. uruuƗnΩm. 5 Notamment dans les VZ. 2

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Pour être complet, il faut encore mentionner l’emploi, isolé dans ce sens, du syntagme ’sn| bvd (Ɨsn bǀy)6 ou du seul mot bvd (bǀy)7 qui, normalement, correspond à celui de l’avestique baoįah- « faculté de percevoir ». Ce sont ces concurrences qui, dans le présent Chapitre II, m’ont poussé à présenter ensemble les trois notions de ruvan, d’uštƗna et de baudah.

2. Le baudah Selon Jean Kellens 8 , comme celle de mouvement autonome qu’est l’uštƗna, la faculté de perception, appelée baudah, disparaît avec la vie. Le baudah, faculté de perception sensorielle9, est mortel comme le corps dont il émane10. La disparition du baudah et de l’uštƗna, souligne Jean Kellens, fait que le ruvan qui s’échappe du corps se trouve tragiquement démuni de toute capacité à communiquer. Il est condamné en principe à rester immobile et imperceptible auprès du cadavre, réduit à l’exercice de la pensée, qui est immortelle et constitue, à travers la mort, la permanence de l’individu. Pour Jean Kellens, le fragment H 2 du HN explique que ce dénuement du ruvan ne lui interdit pas de faire entendre sa pensée si c’est au moyen d’une strophe de l’Avesta ancien. Le ruvan conserve toutes ses chances d’exister et d’être sauvé parce qu’il peut émettre une manifestation de vie qui signale aux dieux sa présence et la qualité de sa piété. Jean Kellens comprend que la magie qui le lui permet combine trois pouvoirs invincibles : le mérite religieux acquis durant la vie, le caractère sacré du texte qui l’exprime et la force merveilleuse de la parole. Pour Jean Kellens, les événements qui s’enclenchent à l’apparition de la troisième aurore correspondent à la récupération surnaturelle des facultés perdues. La rencontre et le dialogue du ruvan et de la dainƗ se situent à la charnière de ce processus, car ils ont pour condition la résurgence de la communication et préludent à celle de la mobilité. La mise en présence des deux âmes implique que le ruvan peut à nouveau entendre et voir, être entendu et vu. Ceci signifie, pour le défunt, le retour à l’exercice plein du baudah et des aspects de l’uštƗna qui permettent la manifestation de la pensée. Jean Kellens décèle que le discours de la dainƗ consiste à reconnaître les qualités pieuses de l’individu à qui le ruvan appartint et à les définir par la bonne triade rituelle : pensée bonne, parole bonne et geste bon. Cette

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Notamment Dk 9.15.5.1. Notamment Dk 9.15.5.1. 8 Kellens 1993 : 8. 9 La définition en est donnée dans le DD 15.2.3. 10 Kellens 1994-1995 : 698. 7

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définition, estime Jean Kellens11, d’une part, entérine la permanence de la pensée (manah) et le recouvrement de sa capacité de s’exprimer par le mot (vacah) et par le geste (šyƗușna) ; d’autre part, constitue la condition même du départ vers l’au-delà, puisque chaque caractéristique est une étape (d’où le nom des trois antichambres du paradis : Humata « Bien-pensé », Huuxta « Bien-dit », HuvUUšta « Bien-accompli ») sur le chemin que l’âme-moi parcourt pour rejoindre les Lumières infinies (Anagra Raucah), de sorte que la mise en présence des deux âmes, après reconnaissance mutuelle, restitue au défunt son pouvoir de mobilité autonome et détermine l’itinéraire décisif où il va l’exercer. Selon le processus que Jean Kellens décrit, le baudah et l’uštƗna se reconstituent dans le monde de l’après-mort, indépendants cette fois de toute base matérielle, et permettant l’accès au paradis, mais il est sans doute inexact de parler de « reconstitution » si les PursišnƯhƗ12, pour l’expression du procès, recourent plutôt au verbe frƗ+¥ iš « envoyer ». Il y est question de l’envoi auquel le sacrifiant procède du baudah et du ruvan de la vache immolée en même temps que de l’acuité (sauka)13 des yeux de l’homme : P 33 ×frƗ14 tƝ ×gaospÅQte gaoš.hud¿×15 V baoįasca uruuƗnΩmca [fra]ƝšiiƗmahi V 16nazdišta upa.șȕaršta raoc¿ V narš cašman¿ snjkΩm Nous envoyons (comme messagers aux dieux), lumières très proches qui ont été découpées, ton baudah et ton ruvan, vache savante, vache de bonne offrande, ainsi que l’acuité des yeux de l’homme.

Sans doute cette acuité visuelle de l’homme offre-t-elle un écho au baudah de la vache qui l’accompagne sur l’aire sacrificielle. Nous pouvons en déduire que c’est plutôt une opération rituelle exécutée à la demande de la famille du défunt qui permet à l’âme-moi de ce dernier d’être accompagnée de ses facultés de perception. Dans les Livres pehlevis, il peut arriver que la faculté de percevoir ou de sentir, pour se confondre facilement ou compréhensiblement avec celle de ressentir, prenne quelque protagonisme et joue le rôle du ruvan17 ou se fasse son interlocuteur18. 11

Kellens 1994-1995 : 699. Cette collection de fragments avestiques a été éditée et traduite par JamaspAsa & Humbach (1971). 13 Sur ce mot et ses graphies, Pirart 2007b : 98-99. 14 JH para. Les corrections sont données par rapport au texte qu’ont établi JamaspAsa & Humbach (1971 : I 52) [JH]. 15 JH gaospΩQta gaohud¿. 16 À mes yeux, le statut syntaxique de ce groupe nominatif-accusatif neutre singulier reste incertain. Selon JH, accusatif de direction dans la rection de frƗ+¥ iš. 17 Ainsi DD 15.6.1 ; Dk 9.15.7. 18 Ainsi VZ 30.33. 12

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L’étymologie de baudah (avestique baoįah-, pehlevi bvd [bǀy]) ne fait aucune difficulté : c’est le dérivé neutre en -ah- de ¥ bud (= védique BUDH) « se rendre compte, noter »19.

3. L’uštƗna Pour Jean Kellens20, l’uštƗna, faculté de mouvement autonome21, tout comme la faculté de perception qu’est le baudah, disparaît avec la vie. L’uštƗna est mortel comme le corps dont il émane22. Jean Kellens23 le déduit essentiellement d’un passage du VƯdaƝuu-dƗt, mais le contexte n’y est pas si clair : V 5.9.2-4 Ɨtarš narΩm jaiQti vƗ .·. Ɨa7 mrao7 ahurǀ mazd¿ .·. Ɨtarš narΩm nǀi7 jaiQti V astǀ.vƯįǀtuš dim baQdaiieiti V vaiiǀ24 dim bastΩm naiieiti V Ɨtarš haQdažaiti +asca25 uštanΩmca .·. « Le feu tue-t-il l’homme ? » Et Ahura MazdƗ (lui répon)dit : « Le feu ne tue pas l’homme, (mais, tandis qu’)Astah-VidƗtu 26 l’enchaîne 27 (et que) VƗyu le conduit enchaîné, le feu lui consume les os et l’uštƗna28 ».

En effet, ce passage paraît bien disculper le feu de tout crime et plutôt montrer du doigt deux Daiva29 : s’il lui consume les os et l’uštƗna, le feu ne tue pas l’homme. Comme l’eau de la rivière lors d’une noyade, la théorie veut que le feu, lors de l’incendie, ne soit pas le responsable de la mort. Nous connaissons par ailleurs l’interdiction de jeter un mort aux flots de la rivière ou aux flammes d’un bûcher si bien que, dans ce passage, c’est d’accidents qu’il doit être question : de noyades ou d’incendies. L’antinomie apparente de la négation de jaiQti « tue » avec le verbe haQdažaiti « réduit en cendres, consume » de la dernière ligne se résout-elle à penser que le feu, 19

Voir Mayrhofer 1992-2001 : II 234. Kellens 1993 : 8. 21 La définition en est donnée dans DD 15.2.3, 22.4.2. 22 Kellens 1994-1995 : 698. 23 1995a : 22. 24 Mis pour *vaiiuš. 25 Avec Kellens (1974a : 337), contre Geldner (1886-1896) asta. 26 Ces deux démons sont respectivement ceux de la dislocation du squelette et de l’espace-temps funeste ou ténébreux. 27 Ou « le rend malade », si, contre la traduction pehlevie (zand), nous considérons qu’il y a jeu entre les deux ¥ baQd (voir Pirart, apud Kellens 1995c : 80). 28 Le zand ajoute « la forme » : ’t’š ’v| hm dzyt tn| V y’n| k’lpvt. Voir Chapitre III n. 71. 29 Les divinités négatives que le mauvais rituel entretient sont les Daiva. Pour les raisons exposées dans Les Adorables de Zoroastre (2010b), je rends cette désignation catégorielle de certains démons par « les Hasardeux ». 20

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en les consumant, sauve les os et l’uštƗna ? Les réduire en cendres serait-il vu comme une façon de les préserver ? D’autre part, il faut souligner que l’uštƗna est ici consumé avec les os, sans doute pour ne pas avoir eu le temps de s’en décoller. Le passage ne peut donc servir d’argument ou de preuve à l’idée que la mort enlèverait la mobilité à l’individu : si son corps, du fait d’un accident, devait être réduit en cendres, cette mobilité ne le quitterait pas. Et, de fait, dans le cas du ruvan venant s’asseoir au chevet du cadavre, la mobilité, de toute évidence, accompagne le ruvan30. Jean Kellens fait état31 de ce que les strophes gâthiques Y 34.13 et 49.9 disent assez clairement que la dainƗ, cette partie spécialisée de l’âme du sacrifiant, projetée sur le chemin rituel, accompagne l’âme de la victime. C’est par ce motif que le sacrifice constitue une préfiguration symbolique de la mort et du voyage final. Il est tentant et parfaitement licite de lire dans quelques strophes que cette répétition funèbre se traduisait physiquement par une mort feinte, que ce soit un pur mime ou le résultat de l’extase. Dans la strophe Y 33.14, Zaraduštra fait don à Ahura MazdƗ de son uštƗna, la mobilité de son corps. Les textes ne font pourtant pas état de la destruction ou disparition du baudah et de l’uštƗna : il y est question de leur séparation de l’os (ast), ce qui est exprimé au moyen du verbe vi+√ vris dont le sens exact reste à préciser. Je propose « décoller ». Cette séparation est nécessaire, nous explique un passage du DƗdestƗn Ư DƝnƯg32, puisque le ruvan, pour se mouvoir, dépend de l’uštƗna au point d’en prendre parfois le nom pehlevi de gyƗn. La séparation, dans certains textes pehlevis, peut aussi passer par un processus douloureux, la déchirure 33 ou l’arrachement 34 , mais, dans d’autres, sa sortie du corps est comparée à celle du rougeoiement qui, faute de combustible, quitte le feu35. Jean Kellens précise36 que le mot uštƗna- n’a pas de prolongement en moyen iranien, où il semble que gyƗn (HYA ou y’n| ; manichéen gy’n) s’y soit substitué. Ce dernier, ajoute-t-il, semble correspondre à l’avestique viiƗni- « intervalle entre deux respirations », mais ceci n’est jamais qu’une conjecture puisque l’orthographe, la morphologie et le sens de ce mot avestique ne sont guère assurés37. Et ceci sans compter que le traitement moyen-iranien en gyƗº du vieil-iranien viƗº ne serait pas autrement illustré. 30

C’est ce qui ressort d’AVN 17.4.2 et de RPDD 23.19.2. Kellens 1994a : 53. 32 DD 22.4.2. 33 DD 15.2.4. 34 ZA 30.30.2. 35 DD 22.2.2. 36 Kellens 1995d : 159. 37 L’existence du mot viiƗni-/ºƯ- (Bartholomae 1904 : col. 1478) est d’ailleurs incertaine. Sur les passages censés l’attester, P 30, Y 29.6 et Y 44.7, voir JamaspAsa & Humbach (1971 : 46 sq.) et Kellens & Pirart (1988-1991 : II 308). 31

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Pour ma part, j’explique plutôt gyƗn par le vieil-iranien *gayƗna- « appartenant à la possibilité de vivre, principe de vie », le dérivé en ºƗna- de gaya- (= védique gáya-)38. L’étymologie de uštƗna- ne fait aucune difficulté : le sens premier de ce dérivé masculin en ºƗna- de ušta- (= védique uVWá-) « voulu » doit être, à mes yeux, « ce qui appartient au voulu ». Les VizƯdagƯhƗ Ư ZƗdsparam39 contiennent une classification claire et radicale des parts immortelles de l’individu dans laquelle quatre grandes divisions sont envisagées dont une est le gayƗna. Celui-ci est, à son tour, subdivisé en trois : le gayƗna proprement dit (y’n|), le baudah (bvd) et la fravUUti (plv’hl). Au terme du présent chapitre40, analyse est faite de passages du DƝnkard qui distinguent l’uštƗna du gayƗna, mais nous y reviendrons aussi à la fin du Chapitre VI.

4. Le ruvan 4.1. Sa nature Parmi les ingrédients immatériels de l’individu, l’âme-moi occupe une place centrale, mais aucun des textes avestiques ne le dit de façon explicite. Ce qu’ils nomment ruvan n’est nulle part défini : c’est bien plutôt sur base des spéculations pehlevies et du rôle étant le sien dans le récit de ce qui se passe au delà de la mort que nous pouvons en avancer une définition : le ruvan définit l’individu, lui donne le sentiment du Moi. Le fragment avestique FrW 10.39-40 nous informe sur la nature du ruvan :

dƗtarÅ †×kuua.cișra 41 ×zƯ 42 hΩQti V 43 iristanąm uruuąnǀ V y¿ a¹Ɨunąm frauua¹aiiǀ .·. 38 Sur le caractère illusoire de viiƗna- « âme » (Gershevitch [1959 : 213], d’après Benveniste [1935 : 38] et Bailey [1943 : 106 n. 4]), voir note précédente et Chapitre V n. 351. 39 VZ 30.22-35. Cf. Dk 3.218.3. 40 II 6. 41 Westergaard (1852-1854) kuua ișra. Fautif ou mis pour *ka7.cișra? De toute façon, la place de zƯ impose d’admettre un composé. 42 Westergaard (1852-1854) zi. 43 Cf. Y 16.7.1 xvanuuaitƯš a¹ahe vΩrΩzǀ yazamaide V yƗhu iristanąm uruuąnǀ ך[Ɨ]iieiQti V× yƗhu a¹aonąm frauua¹aiiǀ .·. « Nous offrons le sacrifice à la joie ensoleillée où habitent les ruvan des morts et les fravUti des Utavan » (voir ci-dessous 4.4) ; Y 26.7.1 iįa iristanąm uruuąnǀ yazamaide V y¿ a¹aonąm frauua¹aiiǀ .·. « Nous offrons ici le sacrifice aux ruvan des morts et aux fravUti des Utavan » ; Yt 3.1.2g (voir Pirart 2003b : 105 sq.) ; Vr 19.2.5.

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paiti šƝ aoxta ahurǀ mazd¿ V spΩQta7 haca mainiiao7 V zarașuštra aƝšąm cișrΩm44 V vahištƗa7ca manaƾha7 .·. qui mets en place de quelle nature sont donc les Moi des défunts (et) les Préférences des harmonieux ? » Le Roi de la Sagesse lui répondit : « Leur nature, Zoroastre, est comparable à celle du Savant Avis ou du Penser excellent ».

Le ruvan n’est donc pas de nature matérielle, son niveau d’existence (ahu) étant du même type (cișra) que celui de l’opinion (manyu) ou de la pensée (manah), le niveau appelé « existence mentale » (ahu manahiya) qui, par définition, contraste avec le niveau « existence osseuse » (ahu astvant). Nous y reconnaissons respectivement les mondes immatériel et matériel. Bien évidemment, cela va de soi, si le défunt est Utavan « accompagné de l’harmonie », c’est-à-dire un pieux adorateur, il peut être précisé que son ruvan s’apparente à l’opinion que MazdƗ est savant ou à l’excellente pensée plutôt qu’à la funeste opinion ou à la très mauvaise pensée. Le passage du DƗdestƗn Ư DƝnƯg qui recourt au syntagme mynvd Y tn| (mainiiaoii Ư tan) « le mƗnyava de la tannj, le côté abstrait de la personne »45 pour désigner l’âme-moi ainsi s’inscrit-il parfaitement dans le concert général des conceptions zoroastriennes. Remarquons la préexistence des ruvan. En effet, ceux-ci, faut-il savoir, viennent des dieux et retourneront chez eux, même ayant appartenu à des drugvant « égarés » et même ayant, de ce fait, séjourné plus ou moins longtemps dans l’enfer DƗužahava. Selon le DƝnkard46, la substance du ruvan, pour venir du monde lumineux, est inaltérable, quand bien même le commerce des Daiva lui eût infligé, dans le DƗužahava, de prendre la kUUp « forme » de la grenouille ou du scorpion. Les VizƯdagƯhƗ Ư ZƗdsparam47 font, quant à elles, état d’une classification fine et complexe, voire un peu confuse, des parties immatérielles de l’individu dans laquelle, semble-t-il, le ruvan porte le nom de lvb’n| Y BYN tn| (ruvƗn Ư andar tan) s’il se trouve encore dans le corps, mais celui de lvb’n| Y BYN l’s (ruvƗn Ư andar rƗh) « ruvan qui est en chemin » s’il l’a quitté par opposition à la dainƗ qui reçoit le nom de lvb’n| Y PVN mynvd’n| ’hv’n| (ruvƗn Ư pad mainiiaoiiƗn axvƗn) « ruvan qui est dans l’existence des (dieux) MƗnyava », c’est-à-dire en donnant cette fausse impression que 44

Pour la construction de cișra- avec l’ablatif, cf. Y 32.3ab (voir Pirart 2007a : 64). DD 16.4.1 et 24.3, mais il n’est pas exclu que nous devions plutôt lire mynvd [Y] tn| « la tannj mƗnyavƯ, la personne abstraite ». Les Livres pehlevis recourent à l’avestique mainiiaoiia- (manyaviya-) pour rendre aussi bien manyu- que mƗnyava-. 46 Dk 3.22. 47 VZ 30.38-61. 45

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l’âme-moi ne serait pas un élément mƗnyava « abstrait ». En disant que la dainƗ est une âme située dans les existences des MƗnyava, il est probablement voulu dire qu’elle appartenait déjà au monde des divinités abstraites ou célestes tandis que le ruvan, dans un premier temps, tout « abstrait » qu’il soit, n’appartient pas encore à ce monde des dieux. Vu la proximité de nature qui existe entre eux, il est assez attendu que certains passages rassemblent Vahu Manah, l’allégorie de la pensée que le sacrifiant développe dans le bon rituel, et les ruvan des harmonieux (UUtavan) : Y 42.4.1 manǀ vohnj urunascƗ a¹Ɨunąm yazamaidƝ .·. Nous offrons le sacrifice au Penser bon et aux ruvan des harmonieux ; Y 49.10-11 ta7cƗ mazdƗ V șȕahmƯ Ɨdąm nip¿«hƝ V manǀ vohnj V urunascƗ a¹Ɨunąm V nΩmascƗ yƗ V Ɨrmaitiš ƯžƗcƗ V mązƗ.xšașrƗ V vazdaƾhƗ auuÈ mƯrƗ .·. a7 dušΩxšașrÈQg V duš.ĞiiaoșanÈQg dužuuacaƾhǀ V duždaƝnÈQg V duš.manaƾhǀ drΩguuatǀ V akƗiš xvarΩșƗiš V paitƯ uruuąnǀ paitiieiQtƯ V drnjjǀ dΩmƗnƝ V haișiiƗ aƾhΩn astaiiǀ .·.48 Voici ce que tu abrites dans ta demeure, MazdƗ : Vahu Manah49, les Ruvan des Utavan et Namah qu’accompagnent les (déesses) Aramati ou IžƗ et qui permet (aux pieux adorateurs) d’exercer une influence sur les dieux, de les vénérer et de les intéresser ; mais, du fait de leur mauvaise influence, de leurs gestes mauvais, de leurs paroles mauvaises, de leur mauvaise dainƗ et de leurs pensées mauvaises, leurs (propres) ruvan font tribut de mauvaises nourritures aux Drugvant50. Ils seront, pour leur (acte) cultuel, des hôtes dans la maison de Druj51 ; Yt 13.74 Ɨsn¿ [yazamaide ] man¿ yazamaide .·. daƝn¿ [yazamaide .·.] saošiiaQtąm yazamaide .·. urunǀ [yazamaide .·.] pasukanąm yazamaide .·. ... frauua¹aiiǀ yazamaide .·. Nous offrons le sacrifice aux pensées [Nous offrons le sacrifice] nobles (ou : innées). Nous offrons le sacrifice aux dainƗ [Nous offrons le sacrifice]

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tat ca mazdƗ V șvahmi Ɨ dam nipƗhai V manah vahu V rnjnah ca Utaunaam V namah ca yƗ aramatiš ižƗ ca V manzaxšașrƗ V vazdahƗ avamƯrƗ .·. at dušxšașrƗnh V duĞĞyƗușnƗnh dužvacahah V duždainƗnh V dužmanahah drugvatah V akƗiš hvarșƗiš V pati ruvanah yanti V drujah dmƗnai V hașyƗ ahan astayah .·.. 49 L’énumération comprend des entités abstraites symbolisant divers aspects ou ingrédients de la cérémonie sacrificielle : la pensée bonne, l’âme-moi des sacrifiants, l’hommage rendu aux dieux, la déférence et l’offrande. 50 Ces personnages « que le dysfonctionnement ou l’erreur accompagne », comme bénéficiaires de tributs, devraient être les démons plutôt que les impies. 51 La demeure de l’anharmonie, erreur ou dysfonctionnement, désignation d’un au-delà infernal (voir Chapitre VII 1.6). V

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des Saušyant52. Nous offrons le sacrifice aux ruvan [Nous offrons le sacrifice] des animaux domestiques .... Nous offrons le sacrifice à leurs fravUti.

4.2. Dieux, animaux, végétaux, femmes, etc. Outre l’homme ou la femme, d’autres êtres, selon les conceptions zoroastriennes, possèdent un ruvan53 : les dieux et les animaux. Si le ruvan de la vache ou celui de la Vache prototypique sont souvent mentionnés54, les textes rendent aussi un culte à ceux des différentes espèces animales domestiques et sauvages : V 13.55 para ahmƗ7 ya7 iįa udra.janǀ V hașra jatǀ nijanƗite V ya7 vƗ aƝtahe udrahe V upa.dahmΩm55 uruuƗnΩm frƗiiaz¿Qte V șri.aiiarΩm șri.xšaparΩm V 56saociQta7 paiti Ɨșra7 V frastΩrΩtƗ7 paiti barΩsmΩn V uzdƗtƗ7 paiti haomƗ7.·. jusqu’à ce que les tueurs de loutres soient exécutés simultanément ou que, feu allumé, barsman57 brandi et hauma préparé, ils offrent, durant les trois jours et les trois nuits (qui suivent son trépas), le sacrifice au ruvan assez expert de cette loutre58 ; Y 39.1-2 ișƗ Ɨ7 yazamaidƝ gÈuš uruuƗnΩmcƗ tašƗnΩmcƗ V ahmƗkÈQg Ɨa7 urunǀ pasukanąmcƗ V yǀi n¿ jƯjišΩQtƯ V yaƝibiiascƗ tǀi Ɨ V yaƝcƗ aƝibiiǀ Ɨ aƾhΩn .·. daitikanąmcƗ aidiinjnąm hiia7 urunǀ yazamaidƝ .·. a¹Ɨunąm Ɨa7 urunǀ yazamaidƝ V kudǀ.zƗtanąmcƯ7 narąmcƗ nƗirinąmcƗ V yaƝšąm vahehƯš daƝn¿ V vanaiQtƯ vƗ vÈQghΩn vƗ vaonarÈ vƗ .·. C’est ainsi que nous offrons le sacrifice à Gauš Ruvan et à Gauš Taxšan59, mais nous offrons aussi le sacrifice à nos ruvan, à ceux des bestiaux qui cherchent à gagner notre faveur60, à ceux de ceux pour qui ils sont présents, à 52 Je ne sais au juste si ces saušyant « qui apporteront l’opulence » sont les combattants eschatologiques, les « futurs invigorateurs » qui doivent naître de l’union des ruvan et des dainƗ, ou si c’est ici la désignation plus générale des sacrifiants du futur. 53 Le Dk 3.123.1 mentionne l’homme, le bétail et les « autres vivants ». 54 Sur le ruvan de la vache, voir ci-dessous 5. 55 Bartholomae (1904 : col. 1277) admet upa+frƗ+√ yaz, ce que le V 9.56 ne permet pas de confirmer. Dans upa.dahma-, je donne à upa+ la valeur d’atténuation (« assez ») qu’il peut avoir en sanscrit. 56 Les ablatifs qui suivent sont mis pour des locatifs. Le zand préfère une suite d’abstraits instrumentaux suivis de compléments à une suite de locatifs absolus : PVN svcšn| QDM ’t’š pr’c vstlšn[yh] QDM blsvm LALA dhšn| PVN hvm[Y] .·. (corrections par rapport à Jamasp 1907 : 490). 57 Faisceau de branches avec lequel le prêtre exécute certains mouvements. 58 La loutre était un animal vénéré pour l’entretien qu’il assure des rivières. 59 Sur ce tandem, voir ci-dessous 5. 60 La faveur que ces bestiaux cherchent à gagner est celle que le sacrifice qu’ils sont par nature incapables de célébrer par eux-mêmes les sauve : leur immolation est le moyen de leur assurer une existence dans l’au-delà (voir ci-dessous 5).

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ceux de ceux qui le sont pour eux, aux ruvan des animaux sauvages pour autant qu’ils soient inoffensifs. Nous offrons aussi le sacrifice aux ruvan des Utavan hommes et femmes, quelle que soit leur origine, de qui les meilleures dainƗ sont, seront ou furent victorieuses ; Yt 13.74 Ɨsn¿ [yazamaide ] man¿ yazamaide .·. daƝn¿ [yazamaide .·.] saošiiaQtąm yazamaide .·. urunǀ [yazamaide .·.] pasukanąm yazamaide .·. daitikanąm yazamaide .·. upƗpanąm yazamaide .·. upasmanąm yazamaide .·. fraptΩrΩjƗtąm61 yazamaide .·. rauuascarƗtąm yazamaide .·. +caQ graƾhƗcąm yazamaide .·. frauua¹aiiǀ yazamaide .·. Nous offrons le sacrifice aux pensées [Nous offrons le sacrifice] nobles (ou : innées). Nous offrons le sacrifice aux dainƗ [Nous offrons le sacrifice] des Saušyant. Nous offrons le sacrifice aux ruvan [Nous offrons le sacrifice] des animaux domestiques et à ceux des sauvages, qu’ils soient aquatiques, chtoniens ou ailés, libres de leurs mouvements ou attachés à une longe. Nous offrons le sacrifice à leurs fravUti.

Plusieurs autres passages se donnent la peine d’indiquer la possibilité du féminin, montrant ainsi que les femmes possèdent un ruvan au même titre que les hommes : Aog 48 †cim62 aošaƾvh¿ aošaƾvhaitƯ V ąstΩm ×isaite63 ×tanuui64 V †cim × uruni65 †cim frazΩQta V †cim vƗ gaƝșƗhuua mahrkașΩm Pourquoi rechercher, que l’on soit mortel ou mortelle66, l’affliction de sa tannj, de son ruvan et de sa descendance ou la destruction de ses bestiaux ?67 ; FrD 3 nǀi7 cahmi68 ×zazuu¿69 V yǀ nǀi7 urune70 ×zazuu¿71 V nǀi7 cahmi72 × zazuši73 V 74×yƗ nǀi7 ×urune75 ×zazuši76 V 77naƝciš ×așa78 zarașuštra snjš79 yașa80 hƯm81 ƗdarΩ ma¹iiƗka82 61

Sur ce mot, Pirart 2007b : 109 n. 479. La série de fragments avestiques appelée AogΩmadaƝcƗ a été éditée et traduite par JamaspAsa (1982) [Ja]. Le sens de l’interrogatif cim, un hapax legomenon, suggéré par la traduction pehlevie, ne peut être confirmé par ailleurs. Sans doute est-ce un adjectif accordé avec ąstΩm ... mahrkașΩm. Faudrait-il dès lors corriger cim en ×cnjm et y voir l’accusatif sg. d’un thème cƯva- ? 63 Ja isaiti. Le moyen possessif me paraît préférable. 64 Ja tanuua. 65 Ja uruna. 66 Ce sens de aošaƾvhaQt- « soumis à destruction, mortel » que la traduction pehlevie rend par ǀš-ǀmand, traditionnel, se heurte à l’étymologie : aušah+vant- « possesseur ou accompagné d’un moyen de brûler ». 67 Ja : « Why does a mortal desire affliction unto a mortal; in respect to the body, why in respect to the soul, why (does he desire) destruction unto the progeny or why unto the worldly possessions ? » 68 Jp1, Ho ; ahmi K4, Jp 129 ; jahmi B29, R ; zahi M55. Sur le texte et les manuscrits du Fragment Darmesteter (FrD), voir Hoffmann 1968 : 283 sqq. [Ho]. 69 zazuua Jp1, Ho ; zazuša K4, Jp129 ; zauua B29, R, M55. 62

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N’a rien gagné celui qui n’a rien gagné pour (son) ruvan. N’a rien gagné celle qui n’a rien gagné pour (son) ruvan. Aucune prospérité ne s’(y)83 donne, (sache-le,) Zaraduštra, qui soit du genre de celle que disent les mortels84 ; Y 26.4.1 (= Yt 13.149.1)85 paoiriianąm 7kaƝšanąm V paoiriianąm sƗsnǀ.gnjšąm V iįa a¹aonąm a¹aoninąmca V ahnjmca 86 daƝnąmca baoįasca 87 V uruuƗnΩmca frauua¹Ưmca yazamaide V yǀi a¹Ɨi88 vaonarΩ .·.

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Jp1, K4, Jp129, B29, Ho ; urąn R ; urąni M55. zazuua Jp1, Ho ; zazuša K4, Jp129, B29, R, M55. 72 Jp1, K4, Jp129, Ho ; zahmi B29, R, M55. 73 Ho ; zazuša Jp1, K4 (ou zazuši ?), Jp129 ; zazuš B29, R, M55. 74 La ligne manque dans Jp1, K4, Jp129. Pour le premier mot, Ho ; manuscrits yǀ. 75 Ho ; manuscrits uruuąni. 76 Ho ; zazuš M55 ; jazuš B29, R. 77 Manque dans B29, R, M55. 78 Comme corrélatif de yașƗ, contre les manuscrits (aįa Jp1, Jp129 ; iįa K4, Ho). 79 Jp1, Jp129, Ho ; siš K4. Sur ce nom-racine, Kellens 1974a : 100 sq. 80 K4, Ho ; yașƗ Jp1, Jp129. 81 Manque dans Jp1. 82 K4, Ho ; mašiiƗka Jp1, Jp129. 83 Dans l’au-delà? Hoffmann, qui lit iįa « ici » au lieu de ×așƗ « ainsi », donne la traduction suivante : « Here on earth there is not any prosperity, Zarathustra, as ordinary people call it ». Kellens (2006-2010 : III 106) fait de iįa l’adverbe de temps « à présent » (= védique id»). 84 La teneur de ce passage rappelle celle du MX 0.27-34 ud az abestƗg paydƗg .·. knj-š nƝ tis grift kƝ-š nƝ uruuƗn grift [.·. ud] tƗ nnjn nƝ tis gƯrƝd kƝ nƝ uruuƗn gƯrƝd [.·.] az-iz nnjn frƗz .·. cƝ mainiiaoii ud gaƝișii Ɲdǀn homƗnƗg ciyǀn ×drubušt Ư×1 dǀ .·. Ɲk Ɲvar paydƗg knj be stƗnend ud Ɲk stadan nƝ šƗyed .·. « Et, sur base du texte original, ceci est clair : n’a rien pris qui n’a pris ruvan, jusqu’ici, et ne prendra rien qui ne prendra ruvan, dorénavant. Car les (mondes) mƗnyava (= abstrait, divin) et gaișiya (= concret, matériel) sont comparables à deux forteresses : l’une se trouverait à notre portée tandis que l’autre nous resterait hors d’atteinte ». Note : 1. Anklesaria (1913) dlpvšt|yh. 85 Certains manuscrits, suivis par les traductions médiévales, rattachent à Y 26.4.1 les mots yǀi aișiiajaƾhǀ a¹auuanǀ .·. qui, chez Geldner, referment le paragraphe précédent, mais le Yt 13.149 s’y oppose. Le passage est à rapprocher de Yt 13.155.1 vanΩQtąm va«hΩQtąm × vaonušąm1 daƝnǀ.sƗcąm iįa a¹aonąm a¹aoninąmca V ahnjmca daƝnąmca baoįasca V uruuƗnΩmca frauua¹Ưmca yazamaide V yǀi a¹Ɨi2 vaonarΩ .·. « Nous offrons ici le sacrifice à l’ahu, à la dainƗ, au baudah, au ruvan et à la fravUti des Utavan et des UtaunƯ qui, pour avoir étudié la DainƗ (= la Religion), obtiennent, obtiendront ou obtinrent la victoire, pour la victoire qu’ils (obtiennent, obtiendront ou) obtinrent grâce à l’harmonie». Notes : 1. Geldner vaonƗšąm. ||| 2 . Mis pour l’instrumental ? Kellens (2006-2010 : III 106) accepte le datif : « ont [...] vaincu pour (le triomphe de) l’Agencement ». 86 Dans le zand, ce mot, rendu par ’hv’n|, est glosé par g’s « socle » (voir Chapitre VII 2), mais je ne vois pas bien pourquoi Bartholomae (1904 : col. 283) pose 2ahnj- fém. « Lebenskraft » pour ce seul passage. Pour moi, il est ici question de l’ahu manahiya « l’état d’être mental, rituel ou abstrait », c’est-à-dire le statut non profane que les sacrifices accomplis ont conféré à l’individu. Sur cet ahu, voir Chapitre VII 1.1. 87 Dans le zand, ce mot, rendu par bvd, est glosé par ’šn’k « acquainted with» (Mackenzie 1971), mais il est possible que ce soit le fruit d’une corruption pour ×’šnv’kyh « sens de l’ouïe » si ce baudah doit être celui des étudiants auditeurs. 88 Mis pour l’instrumental ? 71

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Nous offrons ici le sacrifice à l’ahu89, à la dainƗ, au baudah, au ruvan et à la fravUti des premiers docteurs et à celles des premiers Utavan et UtaunƯ à avoir écouté les leçons, pour la victoire qu’ils obtinrent grâce à l’harmonie ; Yt 13.148 90vƯspanąmca ¿ƾhąm a¹aonąm a¹aoninąmca V iįa91 yazamai× de frauua¹Ưš92 V yaƝšąm yašΩșȕa7ca93 uruuąnǀ V zaoii¿sca frauua¹aiiǀ .·. 94 vƯspanąmca ¿ƾhąm a¹aonąm a¹aoninąmca V iįa yazamaide ×frauua¹Ưš95 V yaƝšąm nǀ ahurǀ mazd¿ a¹auua V 96yesne paiti va«hǀ vaƝįa .·. vƯspanąmca97 aƝšąm zarașuštrΩm V paoirƯm vahištΩm ƗhnjirƯm snjsrnjma98 7kaƝšΩm .·. Nous offrons de la sorte le sacrifice aux fravUti de tous les Utavan et de toutes les UtaunƯ aux ruvan et aux fravUti desquels il (nous) convient d’offrir le sacrifice et d’adresser nos appels. Nous offrons de la sorte le sacrifice aux fravUti de tous les Utavan et toutes les UtaunƯ au cours de chaque sacrifice desquels Ahura MazdƗ sait ce qui est le mieux pour nous sur base de l’agencement. Et nous avons écouté que, parmi tous ces (Utavan), Zaraduštra fut le premier ou le meilleur docteur et adorateur d’Ahura (MazdƗ).

Fût-il celui d’une femme, le ruvan, faut-il souligner, est une entité masculine. Cependant, la liste complète des êtres possesseurs d’un ruvan ne peut être dressée avec certitude puisque les textes restent silencieux non seulement concernant les végétaux ou les minéraux, mais aussi concernant la plupart des divinités, car, ne l’oublions pas, parmi ces dernières, figurent aussi des montagnes, des plantes ou des rivières. Les choses ne sont claires qu’à propos d’Ahura MazdƗ ou du groupe des AmUUta Spanta : Yt 13.83-84 yǀi hapta hamǀ.manaƾhǀ V yǀi hapta hamǀ.vacaƾhǀ V yǀi hapta hamǀ.Ğiiaoșn¿ƾhǀ V yaƝšąm asti hamΩm manǀ V hamΩm vacǀ hamΩm ĞiiaoșnΩm V hamǀ pataca frasƗstaca V yǀ daįuu¿ ahurǀ mazd¿ .·.

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Voir la note 86. La corrélation ¿Ëhąm ... yaƝšąm étant boiteuse, les mots vispƗnƗm ca ƗhƗm doivent être mis pour vispaišƗm ca aišƗm. 91 Lire ×ișa ? 92 Geldner frauua¹Ưm. 93 yašÅșȕa7ca ... zaoii¿sca < yaštvƗ ca ... zaviyƗh ca : mise en parallèle du nominatif masculin pluriel de l’adjectif verbal d’obligation en -șva- de ¥ yaz avec le nominatif féminin pluriel de celui en -iya- de ¥ znj. 94 Voir la note 90. 95 Geldner frauua¹Ưm. 96 Passage inspiré de Y 27.15.3. 97 Mis pour vispaišƗm ca. 98 Cf. Yt 13.89.3. Sur l’emploi du parfait snjsrnjma, voir Kellens 1984a : 417. 90

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yaƝšąm ainiiǀ ainiiehe V uruuƗnΩm aiȕi.vaƝnaiti V mΩrΩșȕΩQtΩm99 humataƝšu V mΩrΩșȕΩQtΩm hnjxtaƝšu V mΩrΩșȕΩQtΩm huuarštaƝšu V mΩrΩșȕΩQtΩm garǀ nmƗnΩm V yaƝšąm raoxšn¿ƾhǀ paQtƗnǀ V Ɨuuaiiatąm auui zaoșr¿ºoº (les AmUta Spanta) qui tous les sept sont d’une même pensée, qui tous les sept sont d’une même parole, qui tous les sept sont d’un même geste, qui ont une même pensée, une même parole et un même geste, un même père et instructeur dans la personne du fondateur Ahura MazdƗ, (les AmUta Spanta) qui l’un de l’autre se contemplent le ruvan qui médite sur les pensées bonnes, les paroles bonnes et les gestes bons (ou : qui médite dans Humata, dans Huuxta, dans HuvUšta), qui médite dans Garah DmƗna100, (les AmUta Spanta) qui, par des chemins de lumière, descendent rejoindre les libations (qui leur sont offertes sur l’aire sacrificielle).

Cependant, le FravardƯn Yašt nous permet de combler, en partie du moins, notre incertitude : s’il y est fait état du culte rendu aux fravUUti de ces divinités dignes d’être l’objet des honneurs sacrificiels que sont les Yazata101, ne devons-nous pas admettre que leurs ruvan devaient tout aussi bien exister même si, dans le détail, ceci ne va pas toujours de soi102 ? Le Manșra Spanta, ensemble des textes de la religion mazdéenne zoroastrienne, passe pour constituer le ruvan du grand dieu : V 19.14.1 nizbaiiaƾvha tnj zarașuštra ×frauua¹Ưm103 V mana ya7 ahurahe mazd¿ V auuąm yąm mazištąmca vahištąmca sraƝštąmca V xraoždištąmca xrașȕištąmca 104 hukΩrΩptΩmąmca V a¹Ɨ7.apanǀtΩmąmca 105 V ye«he uruua mąșrǀ spΩQtǀ .·. 99 Ce dérivé en +vant- du nom-racine de ¥ hmar est-il mis pour le participe présent ? Quoi qu’il en soit, remarquons que l’abandon de l’octosyllabisme pour les lignes ouvertes avec ce mot reste bien suspect. 100 La « maison du chant de bienvenue », désignation d’un au-delà paradisiaque dont Humata « bien pensé », Huuxta « bien dit » et HuvUUšta « bien exécuté » sont les antichambres. Voir Chapitre VII 1.2 et VII 3.1. 101 Yt 13.85-86. 102 Que faut-il donc entendre par « fravUti ou ruvan du Végétal » ? Cf. Y 12.7ab ×yƗuuaran¿ Ɨpǀ +yƗuuaran¿ uruuar¿ (voir Chapitre VI 1.4). 103 Avec Pirart (2007b : 38 n. 10), contre Geldner frauua¹iš. 104 xrașȕišta- est monstrueux pour *xratumastΩma-. À ce propos, signalons que le Yt 1.7 donne le nom de xratumaQt- à Ahura MazdƗ. 105 ºca, interdit pour celle d’épithètes, est licite, voire obligatoire, pour la coordination d’attributs. Dans le composé a¹Ɨ7.apanǀtΩma- dont la réalité se déduit de la position de ºca, le premier terme, de valeur instrumentale, a pris, sur décision de la diascévase, la forme de l’ablatif afin d’éluder le sandhi ou de l’analyser. Kellens (2006-2010 : I 12), qui ne reconnaît pas la composition, fait confiance à la forme de l’ablatif : « qui, le premier, depuis l’Agencement, a atteint (les chemins directs) ». Le diascévaste du Yt 11.9.2 (= Yt 11a.3.2, Y 57.4.2), quant à lui, devait opter pour la forme du génitif1 : ratnjm bΩrΩzaQtΩm2 yazamaide V yim ahurΩm mazdąm V yǀ a¹ahe.apanǀtΩmǀ V yǀ a¹ahe.jaȖmnjštΩmǀ3 .·. « Nous offrons le sacrifice à Ratu BUzant2 qui n’est autre qu’Ahura MazdƗ, celui qui le mieux atteint son but avec 5ta, qui le mieux (nous) vient (en aide) avec 5ta ». Vu la position de ºca, a¹Ɨ7.apƗnǀtΩma- ne peut

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Invoque donc, Zaraduštra, la mienne fravUti si je suis Ahura MazdƗ, elle qui est la plus grande, la meilleure et la plus belle, la plus dure et la plus performante, la plus à même d’arriver à ses fins au moyen de l’harmonie, moi qui ai le Manșra Spanta pour ruvan ; Yt 13.81.1 ye«he uruua mąșrǀ spΩQtǀ V aurušǀ raoxšnǀ frƗdΩrΩsrǀ V kΩhrpasca y¿ ×raƝșȕaiiete 106 V srƯr¿ amΩ¹anąm spΩQtanąm V vΩrΩzd¿ amΩ¹anąm spΩQtanąm .·. (Ahura MazdƗ) de qui le ruvan est le Manșra Spanta, rose, brillant et admirable, qui mélange (avec la sienne) les belles kUp (= qui adopte les traits) des AmUta Spanta, les (kUp) invigorées des AmUta Spanta.

Dans ce dernier passage, le ruvan d’Ahura MazdƗ, faut-il voir, est syntaxiquement mis sur le même pied que l’ensemble de ses kUUp, mais cette précieuse indication ne peut être exploitée de façon sûre en raison de l’incertitude sémantique qui grève non seulement ce mot, grosso modo « apparence, corps, rôle », mais aussi le syntagme dans la formation duquel il entre avec le verbe raƝșȕaiia- que j’ai rendu par « adopter ». Nous y reviendrons donc dans le Chapitre III qui traitera des corps et formes, mais, pouvons-nous avancer, l’idée doit être celle du mécanisme générateur des hypostases du grand dieu que sont la série des entités divines abstraites appelées AmUUta Spanta « Immortels savants »107. qu’être un composé. Ces qualifications peuvent s’appliquer aussi à Ahura MazdƗ lui-même : Y 1.1.2 xraoždištaheca xrașȕištaheca hukΩrΩptΩmaheca a¹Ɨ7.apanǀtΩmaheca .·. « (sacrifice au cours duquel les noms de) "très dur", de "très performant", de "possesseur d’excellentes manifestations" et de "mieux arrivant à ses fins au moyen de l’agencement" (sont donnés à Ahura MazdƗ) ». La finale ablative du premier terme du composé a¹Ɨ7.apanǀtΩma- est donc d’origine diascévastique. L’alternative du génitif que nous trouvons dans le Yašt, a¹ahe.apanǀtΩmǀ ... a¹ahe.jaȖmnjštΩmǀ « le plus à même d’arriver à ses fins au moyen de l’Agencement ou de (nous) venir (en aide) au moyen de l’Agencement », ne fournit pourtant pas de réponse fiable à la question du statut sémantique du premier terme puisque le génitif arboré ne peut convenir naturellement à l’expression d’aucun type de complément que ce soit du participe apƗna-. Comme la métrique des relatives nous invitent à reconnaître sous a¹ahe une forme de deux syllabes seulement, je fais la conjecture de l’instrumental en m’inspirant de RS 9.80.1b Uténa dev»n havate divás pari « l’Agencement permet (au jet de Soma) d’appeler (et de faire venir) les Deva du haut du ciel ». Notes : 1. Quoique le zand suggère plutôt l’ablatif : MNV MN ’hl’dyh QDMtvm (scr. [pour Y 1.1] puQyƗt pradhƗnatamaPca « le plus important grâce au 5ta »). Dehghan (1982 : 27 et 59) admet un génitif objectif, ce qui est inacceptable grammaticalement : « welcher der beste Erlanger der Wahrhaftigkeit [...] (ist) ». ||| 2. « Plan Haut », désignation du sommet de l’organigramme divin et de son principe. ||| 3. Phl. MNV MN ’hl’dyh mt’ltvm. Le second terme, me semble-t-il sur base du védique ávas»gamiVWha(sur quoi Pirart 1995-2000 : II 300), sous-entend auuaƾha « en aide ». Dans cette hypothèse, la première des deux relatives en yǀ exprimerait un mouvement ascendant et la seconde, un mouvement descendant : le char du bon agencement rituel (cf. a¹auuƗzah- « qui a 5ta pour véhicule », sur quoi Pirart 2004a : 261) permettrait à la divinité tout à la fois d’être ce qu’elle est, c’est-à-dire d’avoir atteint le but, et, en retour, de venir en aide à son adorateur. Les deux mouvements, pour caractériser la divinité, sont exprimés au parfait. 106 À mes yeux, le moyen possessif est requis, contre Geldner raƝșȕaiieiti. 107 Voir Chapitre III 2.4.

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4.3. Le culte de l’âme Comme ils sont objets d’un culte au même titre que les dieux et que même ces derniers n’hésitent pas à leur offrir le sacrifice (Yt 13.50.2)108, qu’ils soient ceux d’animaux ou d’humains, à commencer par celui du propre sacrifiant ou celui de la vache qui l’accompagne sur l’aire sacrificielle, force nous est de penser que Zoroastre rangeait les ruvan au nombre des Yazata : Vr 11.1 ahurƗi mazdƗi V haomą ƗuuaƝįaiiamahƯ 109 V 110 ya7 uzdƗtΩm sΩuuištΩm V vΩrΩșraȖne frƗda7.gaƝșƗi V ya7 huxšașrƗi a¹aone V ya7 ratuxšașrƗi a¹aone .·. amΩ¹aƝibiiǀ spΩQtaƝibiiǀ V haomą ƗuuaƝįaiiamahƯ .·. aiȕiiǀ vaƾvhibiiǀ V haomą ƗuuaƝįaiiamahƯ .·. 111hauuahe urunǀ V haomą ƗuuaƝįaiiamahƯ .·. 112vƯspaii¿ a¹aonǀ stǀiš V haomą ƗuuaƝįaiiamahƯ .·. Nous consacrons les hauma pour Ahura MazdƗ, qui ont été préparés de façon à lui donner la plus grande opulence, lui qui parvient à briser les obstacles démoniaques et à multiplier les troupeaux, le Utavan sur qui l’influence rituelle est bonne à exercer, le Utavan sur qui l’influence rituelle est à exercer dans le respect des séquences. Nous consacrons les hauma pour les AmUta Spanta113. Nous consacrons les hauma pour les bonnes rivières. Nous consacrons les hauma pour notre propre ruvan. Nous consacrons les hauma pour la sti114 de chaque Utavan ; Y 3.4 ima7 barΩsma haįa.zaoșrΩm haįa.aiȕii¿ƾhanΩm V a¹aiia frastarΩtΩm Ɨiiese yešti115 V xšnnjmaine amΩ¹anąm spΩQtanąm .·. vƗca humata hnjxta 108

Voir ci-dessous 4.6. Pour le sens de ce verbe, voir Kellens 2006-2010 : I 58. 110 Mis pour l’accusatif masculin pluriel (Bartholomae 1904 : col. 719 ; voir Kellens 2006-2010 : III 92). 111 Mis pour le datif (hvahmƗi runai), mais, selon Kellens (2006-2010 : III 92 sq.), qui s’appuie sur le Y 1.18 (voir Chapitre VI 3.4), nous devrions lire hauuahe urunǀ et comprendre comme suit : « nous consacrons les haomas à (l’âme-élective de) notre âmemoi ». Ni le zand ni le Y 3.4 ne me paraissent le permettre. 112 Mis pour vispahyƗi Utaunah stayai. 113 Catégorie de divinités abstraites constituant des synecdoques du sacrifiant. À côté d’Ahura MazdƗ, la liste canonique nomme le Penser bon, l’Agencement excellent, l’Exercice recommandé de l’influence rituelle, la Déférence savante, l’Immortalité et l’Exhaustivité. 114 L’ensemble des mérites (voir Chapitre IV 2). 115 Kellens (2006-2010 : I 30), qui le traduit par « j’introduis », critique légèrement l’analyse que j’ai produite de ce syntagme (Pirart 1997b). Ne serait-il possible que la racine ¥ yas (= védique YAĝ, < pie. ¥ *HeN?), par laquelle j’explique Ɨiiese « je donne capacité » et yešti « avec don de capacité », fût aussi celle du verbe isƝ (= védique ÇĞe, < pie. *Hí-HiN-H2oi) « je suis capable » qui, dès lors, en raison de la place différente de la vocalisation radicale, ne serait pas directement apparentée au gotique aih « je possède » (< pie. √ *HeiN-, voir Mayrhofer 1992-2001 : I 207) ? 109

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huuaršta Ɨiiese yešti .·. gƗșanąmca sraoșrΩm [Ɨiiese yešti .·.] huuaršt¿ mąșr¿ [Ɨiiese yešti] .·. imąm aƾhuiiąmca ašiiąmca116 V rașȕąmca ratufritƯm[ca]117 Ɨiiese yešti V xšnnjmaine118 yazatanąm a¹aonąm V mainiiauuanąm gaƝșiianąm V [xšnnjmaine]119 hauuaheca urunǀ ºoº En même temps que la libation (ou : la fonction de zautar120) et la ceinture, je mets en vigueur de la sorte ce barsman qui a été brandi avec souci d’harmonie par égard pour les AmUta Spanta. Je valide de la sorte les deux textes bien pensés, bien dits, bien accomplis que sont le GƗșƗnƗm Sraușra et la collection des HuvUšta Manșra121. Je valide de la sorte l’ahuyƗ122, la UtayƗ123 et la ratufrƯti des ratu124 par égard pour les Yazata harmonieux, qu’ils soient mƗnyava ou gaișiya125, et mon propre ruvan ; Y 4.2 Ɨa7 dƯš ƗuuaƝįaiiamahƯ V ahurƗica mazdƗi V sraošƗica a¹iiƗi126 V amΩ¹aƝibiiasca spΩQtaƝibiiǀ V a¹Ɨunąmca frauua¹ibiiǀ V a¹Ɨunąmca uruuǀibiiǀ V ƗșraƝca ahurahe mazd¿ V rașȕaƝca bÅrÅzaite V vƯspaii¿s[ąca7]ca127 a¹aonǀ stǀiš V yasnƗica vahmƗica xšnaoșrƗi frasastaiiaƝca .·. Nous les consacrons pour honorer du sacrifice, du chant, des attentions et de la proclamation128 Ahura MazdƗ, Srauša 5taya129, les AmUta Spanta, les fravUti des Utavan, les ruvan des Utavan, ƖtU (fils) d’Ahura MazdƗ, Ratu BUzant et toute la sti du Utavan ;

116 Avec Bartholomae (1904 : col. 245 ; voir Kellens 2006-2010 : I 48), contre Geldner aĞiiąmca. 117 Avec Kellens (2006-2010 : I 48). 118 La forme est celle de l’infinitif (xšnumanai), mais la rection génitive, celle du substantif (xšnaumnai). 119 Avec Kellens (2006-2010 : I 48). 120 L’officiant chargé de réciter les manșra devant accompagner l’envoi des offrandes. 121 Parties liturgiques du corpus des textes sacrés, la première faite de récitations vieilavestiques ; la seconde, de manșra rédigés dans le dialecte moins ancien. 122 La volonté ou le projet de mettre en place l’existence rituelle. 123 La recherche du bon agencement des divers éléments du rite, la piété. 124 La satisfaction des divinités qui président aux divers éléments du rite. 125 Les entités divines abstraites et concrètes. 126 Je ne puis suivre Kellens (2006-2010 : I 59) quand il traduit sraoša- a¹iia- par « l’Effort-pour-entendre qui accompagne la Mise-en-route ». 127 Selon Bartholomae (1904 : col. 580), il existerait une particule ºca7 « auch, selbst, sogar » et nous devrions lire ×vƯspaii¿sΩ.ca7ca×, mais je vois mal comment ºca pourrait se fixer sur cette particule. Bégaiement pour ×vƯspaii¿sca avec la métrique, mais contre FiO 728 ca7ca ašaǀnǀ stǀiš cyk’mcHD ZK Y ’hlvb’n| sty {KRA AYŠ HD l’d gvptk} « quelle qu’elle soit, la sti du Utavan {pour tout un chacun en particulier} ». Cependant, comme FiO ne le reprend pas, je ne puis écarter que ×vƯspaii¿sΩ soit secondaire, se soit introduit sous l’influence des nombreuses attestations de la ligne vƯspaii¿ a¹aonǀ stǀiš. Dans cette alternative, ca7 serait une forme particulière ou atrophiée de caiti (= védique káti) « chaque ». 128 Sur cette énumération, voir Pirart 2006b : 111 n. 28. 129 Outre le grand dieu, l’énumération divine fait place aussi au Discours soucieux de l’agencement, aux principales entités abstraites, aux Préférences des sacrifiants, à leurs âmesmoi, au feu rituel, à l’Organigramme qui doit assurer le bon agencement des divers éléments du rite et à l’ensemble des mérites des sacrifiants.

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Y 63.3.1-4 ahurΩm mazdąm V a¹auuanΩm a¹ahe ratnjm yazamaide V amΩ¹Ɨ spΩQtƗ huxšașrƗ huį¿ƾhǀ yazamaide .·. apǀ †a7 130 yazamaide V a¹Ɨunąm urunascƗ frauua¹ƯšcƗ yazamaide .·. Nous offrons le sacrifice à Ahura MazdƗ, le Utavan Ratu de 5ta131. Nous offrons le sacrifice aux AmUta Spanta qui permettent d’exercer une bonne influence et de faire de bonnes offrandes. Nous offrons aussi le sacrifice aux Ap132. Nous offrons le sacrifice aux Ruvan et aux FravUti des Utavan ; Yt 6.4 yǀ yazaite huuarΩ ya7 amΩ¹Ωm raƝm auruua7.aspΩm V paitištƗtÈe tΩmaƾhąm V paitištƗtÈe tΩmascișranąm daƝuuanąm V paitištƗtÈe tƗiiunąmca hazasnąmca V paitištƗtÈe yƗtunąmca pairikanąmca V paitištƗtÈe ișiiejaƾhǀ marΩšaonahe V yazaite ahurΩm mazdąm V yazaite amΩ¹È spΩQtÈ V yazaite haom uruuƗnΩm V xšnƗuuaiieiti vƯspe mainiiauuaca yazata gaƝșiiƗca [yǀ yazaite huuarΩ ya7 amΩ¹Ωm raƝm auruua7.aspΩm]133 .·. Celui qui offre le sacrifice au Soleil splendide, l’immortel que la richesse accompagne et qui a des chevaux d’attaque, en vue de contrer les ténèbres, de contrer les Daiva apparentés aux ténèbres, de contrer les voleurs et les violents134, de contrer les YƗtu et les ParƯkƗ135, de contrer Ĭyajah qui suit de furtives routes136, c’est comme s’il offrait le sacrifice à Ahura MazdƗ, l’offrait avec les/aux AmUta Spanta, l’offrait à son propre ruvan. Il donne satisfaction à tous les Yazata MƗnyava et Gaișiya137[, qui offre le sacrifice au Soleil splendide, l’immortel que la richesse accompagne et qui a des chevaux d’attaque] ; Yt 14.54.1-2 †aįƗ7 uiti frauuaĞata 138 .·. vΩrΩșraȖnǀ ahuraįƗtǀ V nǀi7 × narš139 yesniiǀ vahmiiǀ V gÈušca uruua dƗmi.dƗtǀ V ya7 nnjrΩm140 viiƗmbura daƝuua V ma¹iiƗka daƝuuaiiƗzǀ V vohunƯm vƗ tƗcaiieiQti V 141×pairiš.haƝkΩm vƗ ×[pairiš.]hiQcaiQti .·. Alors VUșragna 142 , lui qu’Ahura (MazdƗ) mit en place, modula cet avertissement : « On ne peut offrir le sacrifice ni adresser le chant aux ruvan

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Le zand, pour donner ’ytvn|, peut inviter à corriger a7 en ×ișa. Le grand dieu est tout à la fois l’Organigramme qui doit assurer le bon agencement des diverses composantes du rite et l’une de celles-ci. 132 Tout à la fois les Rivières et l’eau lustrale qu’elles fournissent. 133 Répétition scolaire. 134 Sans doute faut-il y voir deux classes d’êtres surnaturels qui cherchent à entraver ou à saboter le parcours que les offrandes et les âmes doivent accomplir pour arriver chez les dieux. 135 Classes de génies malfaisants mâles et femelles liés à la pratique de la sorcellerie. 136 Sur ce démon de l’abandon, voir Pirart 2007a : 142 n. 566. 137 Sur la répartition des divinités dignes d’être l’objet des honneurs sacrificiels entre « abstraites » et « sériables, concrètes », voir Pirart 2006a : 25 sqq. ; 2010b. 138 Hoffmann & Narten (1989 : 65 n. 96) : « cf. RS vacyáte ‘wogen, heraussprudeln’ ». 139 Geldner narǀ. 140 Mis pour nu. 141 Avec Pirart (2006b : 32), contre Geldner frašaƝkΩm vƗ frašicaQti. 142 Sur ce dieu, voir Pirart 2006a : 57 sqq. ; 2010b. 131

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de l’homme ou de la vache, (êtres) que DƗmi143 mit en place, tant que les Daiva Viambura144 (et) les mortels qui leur rendent un culte feront couler le sang et verseront de tels liquides (sur les victimes sacrificielles)145 ».

4.4. Le couple du Moi et de la Doctrine L’importance ou le succès du récit concernant son sort post mortem fait que le ruvan apparaisse souvent en compagnie de la dainƗ ou de la fravUUti : H 1.4 aƝšǀ zƯ vƗxš zarașuštra V ΩrΩžuxįǀ framruuąnǀ V Ɨ vacǀ ahunǀ vairiiǀ fraoxtǀ V 146 amaheca vΩrΩșraȖnaheca V uruuaca daƝnaca ×spanuuaiQti147 .·. Le Vac 5žugda148 que l’on récite, (sache-le,) Zaraduštra, n’est efficace qu’avant le texte de l’Ahuna Variya149 (= que s’il en est suivi) : (ainsi en va-til des textes150 dont les incipit sont respectivement) « D’Ama151 et de VUșragna » et « Le ruvan et la dainƗ accompagnée de chiens » ; Y 46.11 xšașrƗiš ynjjÈn V karapanǀ kƗuuaiiascƗ V akƗiš ĞiiaoșanƗiš V ahnjm mΩrΩQgΩidiiƗi ma¹Ưm152 V yÈQg xvÈ uruuƗ V xvaƝcƗ xraoda7153 daƝnƗ V 143

= Ahura MazdƗ en tant qu’organisateur des mondes. Sur ces démons, voir Pirart 2006a : 177 ; 2010b. 145 Peut-être s’agit-il d’opérations rituelles néfastes ou effectuées dans un ordre de succession jugé néfaste. 146 H 1.4d = V 18.64.2c. Désignation du Yt 14 (cf. S 1.20, Yt 8.12.5) ? 147 Bartholomae (1904 : col. 1616), se fiant aux traductions pehlevies (ici amƗvandƯh ud pƝrǀzgarƯh ud ruvƗn ud dƝn be abzƗyed), range cette forme et Y 51.21 spÈnuua7 sous ¥ spƗ :: spanao-, mais Kellens (1984a : 215 n. 1) reste ici perplexe : « Que représente spanuuaQti ? ». Il s’agit en réalité du nominatif fém. sg. du dérivé en +vant- de span- « chien » (voir Chapitre V 6.6). 148 La « parole prononcée de façon rectiligne » désigne tout texte dont la récitation, faite sans pause indue et avec observation des règles concernant les liaisons devant être effectuées entre les mots, intervenait dans une célébration sacrificielle. C’est notamment le cas du Yašt permettant d’honorer une divinité : un Ahuna Variya le clôture (exemples : Yt 14.64.2, 17.62.2). 149 Sur ce manșra provenant du Y 27.13, Pirart 2006b : 112 n. 4, 115 n. 53 et 141 n. 134. 150 Ces textes sans doute sont-ils le VarhrƗn Yašt (Yt 14) et un récit concernant, comme H 2, le sort de l’âme du défunt. 151 Sur ces deux divinités, voir Pirart 2006a : 26, 30, 57 sqq. ; 2010b. 152 Fautif pour le pluriel ? 153 Cf. V 5.4 yezica aƝte1 nasƗuuǀ V yƗ apǀ.bΩrΩtaca2 vaiiǀ.bΩrΩtaca3 vΩhrkǀ.bΩrΩtaca maxši.bΩrΩtaca4 nasuš V narΩm +ƗstƗraiieiQtƯm5 ¿«hƗ76 V ×išarΩ.štƗiti Ɨ×7 mƝ vƯspǀ aƾhuš astuu¿ V 8išasΩm9 ji7.a¹Ωm10 xraoda7.uruua pΩ¹ǀ.tanuš V frÈna ¿ƾhąm nasunąm V y¿ paiti Ɨiia zΩmƗ irƯrișarΩ11 .·. « Et, si ces charognes, celle qu’apporte l’eau, celle qu’apporte l’oiseau, celle qu’apporte le loup, celle qu’apporte le vent ou celle qu’apporte la mouche, ne cessaient de mettre l’homme en état de péché, les ruvan de toute l’existence osseuse que j’ai (mise en place), ipso facto, regrettant la destruction de l’harmonie et la perte des individus, montreraient leur colère devant l’abondance de ces charognes que l’on trouverait mêlées à la terre ». Notes : 1. Mis pour le nominatif fém. plur. ||| 2. Emploi diascévastique de la forme 144

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hiia7 aibƯ.gΩmΩn V yașrƗ cinuuatǀ pΩrΩtuš 154 V yauuǀi vƯspƗi V drnjjǀ dΩmƗnƗi155 astaiiǀ .·.156 Les KUpan et les Kavi157, pour les atteler aux influences et aux mauvais gestes, poussent les (mauvais) mortels à ravager l’existence rituelle, eux qui révoltent leur propre ruvan et leur propre dainƗ dès qu’est en vue le pont du Cinvant158 (qui doit faire d’eux), pour l’éternité, des hôtes dans la maison de Druj159 ; Y 51.13 160tƗ drΩguuatǀ marΩdaitƯ V daƝnƗ +ΩrΩzaoš haișƯm V yehiiƗ uruuƗ xraodaitƯ V cinuuatǀ ×pΩrΩtƗu Ɨk¿161 V xvƗiš ĞiiaoșanƗiš hizuuascƗ V a¹ahiiƗ nąsuu¿ pașǀ .·.162 La dainƗ du drugvant négligera l’utilité163 du (mot)164 rectiligne tandis que son ruvan, pour avoir perdu le chemin de 5ta165 à cause de ses actes et de d’acc. plur./gén. sg. en premier terme de composé. ||| 3. Emploi diascévastique de la forme de nominatif pluriel en premier terme de composé. ||| 4. Sur la forme du nom de la mouche, voir Chapitre III n. 130. ||| 5. Avec Kellens (1984a : 423), contre Geldner ºaQtº. Mis pour le nominatif sg. si l’accord doit se fait avec nasuš, mais pour le nominatif pluriel s’il doit se faire avec aƝte nasƗuuǀ. ||| 6. Kellens a commenté (1984a : 423) l’emploi que, dans la phrase, nous trouvons des modes et des temps, mais il me semble que le participe présent est à même d’indiquer ici une continuité ; le parfait, une prégnance. ||| 7. Geldner išarΩ.štƗitiia. Je fais la conjecture que le préverbe ×Ɨ vaudrait un indicatif présent « il se trouve ». ||| 8. Cf. Y 53.9b aƝšasƗ dÈjƯ7.arΩtƗ pΩ¹ǀ.tanuuǀ. ||| 9. Mis pour le nominatif masc. sg. Il s’agit sans doute du participe présent en ºa- de ¥ ižd :: išasa-. ||| 10. Mis pour le nominatif masc. sg. ||| 11. Je ne sais comment justifier l’emploi du parfait. 154 Ce « trieur » (cinvant) pourrait être le dieu Rašnu qui juge les âmes aux portes de l’au-delà, mais Kellens (1988) a pensé que ce serait plutôt Yama. Le zand de cinuuatǀ pΩrΩtuš « le pont du trieur » est cyh vtlg « le passage du tri ». 155 Le zand en est dlvc| tm’n. 156 xšașrƗiš yujan V kUUpanah kavayah ca V akƗiš ĞyƗușnƗiš V ahum mUUngdyƗi martiyƗnh V yƗnh hvah ruvƗ V hvai ca xraudat dainƗ V yat abigman V yașra cinvatah pUUtuš V yavai vispƗi V drujah dmƗnai astayah .·.. 157 Deux types de prêtres relevant de l’obédience réprouvée. 158 Le pont du Cinvant (« qui fait le tri »), sur lequel siège, balance en main, le juge Rašnu, s’appuie ou commence, tout comme AnƗhƯtƗ, sur le sommet de la cordillère HarƗ et conduit à l’au-delà. 159 Sur cette maison, voir Chapitre VII 1.6. 160 Pour le texte, voir Kellens & Pirart 1988-1991 : I 183 et III 259. 161 Nominatif-accusatif fém. plur. figé de Ɨka- (= védique Ɨká-) ? Selon Kellens (1974a : 340), le thème serait Ɨk¿ƾh-. 162 tat drugvatah mardati V dainƗ Uzauš hașyam V yahya ruvƗ xraudati V cinvatah pUUtƗu ƗkƗh V hvƗiš ĞyƗușnƗiš hizuvah ca V Utahya nansvƗh pașah .·.. Comme la corrélation tat ... yahya est fausse ou que l’antécédent de ce pronom relatif est en réalité drugvatah, nous devons admettre que tat est adverbial tandis que yahya est issu de la fusion de yat et de ahya. 163 Le Y 51.13 est à rapprocher du Yt 10.45 ye«he ašta1 ×arataiiǀ2 V vƯspƗhu paiti barÅzƗhu3 V vƯspƗhu vaƝįaiianƗhu4 V spasǀ5 ¿ËhƗire mișrahe V mișrǀ.drujΩm6 hišpǀsÅmna7 V + auunj8 ×aipi.daiįiiatǀ9 V +auunj8 †aipi.hišmarΩQtǀ10 V yǀi †pauruua11 mișrÅm družiQti V auuaƝšąmca12 pașǀ13 p¿Qtǀ V yim †isΩQti14 mișrǀ.drujǀ V haișƯm15 a¹auua.janasca druuaQtǀ16 « (Nous offrons le sacrifice à) Mișra au service de qui huit espions, assis sur les différents sommets et les différents miradors, à la recherche de ceux qui tentent de le léser, repèrent ou prennent note de ceux qui sont les premiers à tenter de le léser, protégeant ainsi le chemin authentique que les harmonieux doivent suivre, mais empêchant de le suivre aux égarés qui

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ceux de sa langue, se mettra en colère (une fois arrivé) face au pont du Cinvant ; Yt 13.74 : voir ci-dessus 4.1 ; FrW 10.39 : voir ci-dessus 4.1 ; N 52.7.1 a¹Ɨunąm urunasca frauua¹išca ýazamaide Nous offrons le sacrifice aux ruvan et aux fravUti des Utavan ; Y 16.7 166xvanuuaitƯš a¹ahe vΩrΩzǀ yazamaide V yƗhu iristanąm uruuąnǀ + š[Ɨ]iieiQti V ×yƗhu a¹Ɨunąm frauua¹aiiǀ .·. vahištΩm ahnjm a¹aonąm yazamaide V raocaƾhΩm vƯspǀ.xvƗșrΩm167 .·. Nous offrons le sacrifice aux plaisirs ensoleillés168 de l’harmonie169 où habitent les ruvan et les fravUti des Utavan morts. Nous offrons le sacrifice à l’excellente existence purement diurne et heureuse de chacun des Utavan ; tentent de le léser ou à ceux qui frappent les harmonieux ». Notes : 1. Cf. RS 1.35.8a aVWáu vy àkhyat kakúbhaK pUthivy»K « (SavitU) a regardé les huit sommets de la Terre ». ||| 2. = védique 2 aratí-, avec Humbach (1974 : 90), contre Geldner rƗtaiiǀ. ||| 3. Mis pour vispaišu pati barzahu (< barzah+hu). ||| 4. Lire vispaišu vidayanaišu. ||| 5. Cf. notamment RS 1.25.13c pári spáĞo ní Vedire ; 6.67.5cd, 7.87.3ab. ||| 6. Mis pour l’acc. plur. ? Kellens (1984a : 44, 193 n. 3) propose le gén. plur. ||| 7. Ou +hišpǀ.sÅmna. La chuintante, mal documentée dans les manuscrits, est attendue (Kellens 1984a : 193 n. 4). Participe présent de l’intensif thématique moyen (avec redoublement en ºiº typique de l’avestique ?) de √ spas :: hišpasyamna-. Contre Kellens (1984a : 44) qui en fait un moyen passif. ||| 8. Avec Panaino (1990-1995 : I pour Yt 8.12.3a), contre Geldner auue. ||| 9. api+dƯdyatah, contre Geldner aipi daiįiiaQtǀ. ||| 10 . Geldner aipi hišmarΩQtǀ. Que faire ? Car, pour l’intensif thématique (avec redoublement en ºiº typique de l’avestique ?), la voix moyenne est requise (api+hišmaryamnƗ < pii. *ºšmÍyamHna-) et, pour l’athématique actif, le degré zéro du suffixe de participe (api+hišmratah). Le thème de l’intensif thématique est encore attesté par le Y 19.11 où il sert (secondairement) d’adjectif d’obligation : hišmƗiriia- « à mémoriser ». Kellens (1984a : 193 n. 3) envisage une faute pour ×aipi.šmarÅQtǀ, ce qui arrange tout, mais contrevient à la métrique. ||| 11. Si c’est une forme de pouru- (Darmesteter 1892-1893), elle est mise pour paravah. Jean Kellens, pour sa part (1984a : 226), à la suite de Bartholomae et de Reichelt, reconnaît un emploi de pauruua- « premier » comparable à celui que fait le védique de pur» comme marque d’antériorité par rapport à la principale, mais cet emploi, avec un indicatif présent, me paraît fort spéculatif. ||| 12. La particule ºca empêche de considérer que le pronom auuaƝšąmº représente les mêmes êtres que +auunj ... +auunj. ||| 13. Ablatif singulier antécédent de yim (contre Kellens 1974a : 149). ||| 14. ×išÅQti désidératif de √ i (contre Kellens 1984a : 156) ? ||| 15. Voir Yt 10.38.1d, où la situation n’est pas claire non plus. S’accorde avec yim. Pour haișiia- épithète du chemin, cf. Y 43.3d. ||| 16. Nous devrions considérer ce mot comme une interpolation pour arriver à huit syllabes. 164 Uzu- ne peut sous-entendre que « le chemin » (cf. notamment Y 53.2 et RS 1.41.5) ou « la parole » (cf. notamment Uš+ugda- vac- et RS UjugƗtha-). En raison de RS satyav»c-, la présence de hașya- est en faveur de la seconde possibilité, mais il est vrai que le chemin rectiligne est aussi celui que la parole sacrée emprunte. Le caractère drugvant ainsi paraît-il congénital : le drugvant a beau recourir à la parole rectiligne, le chemin de 5ta lui échappe. 165 Le « chemin du bon Agencement », bien connu du Veda (RS 1.46.11b, 1.79.3b, etc.), est une désignation du déroulement de la fête sacrificielle dans laquelle diverses composantes doivent s’agencer. 166 Pour l’établissement du texte, voir Pirart 2006b : 172 n. 192. 167 Pirart 2006b : 79 n. 179. 168 Kellens (2006-2010 : III 17) : « Nous sacrifions aux domaines ensoleillés de l’Agencement ». Le zand y reconnaît le Garah DmƗna, mais nous pouvons y reconnaître l’allégorie

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Y 56.2.1 170sΩraošǀ iįƗ astnj V apąm vaƾvhƯnąm yasnƗi V 171a¹Ɨunąmca frauua¹ibiiǀ V y¿ nǀ išt¿ uruuǀibiiǀ V hiia7 paouruuƯm ta7 uštΩmΩmcƯ7 .·. Que soit ici présent le dieu Srauša172 pour le sacrifice offert avec les déesses rivières, avec les fravUti des Utavan auxquelles nous avons offert le sacrifice et avec leurs ruvan ! Ce qui est au début (= de notre vivant ?) est aussi à la fin (= dans l’au-delà ?) ; Y 63.3 : voir ci-dessus 4.3 ; Y 71.18 vƗca haQkΩrΩșa yazamaide [.·.] gƗșanąm auuƗurusta [yazamaide] .·. gƗș¿ spΩQt¿ ratuxšașr¿ a¹aonƯš yazamaide .·. staota yesniia yazamaide V yƗ dƗtƗ aƾhÈuš paouruiiehiiƗ .·. hauruuąm haQdƗitƯm staotanąm yesniianąm yazamaide .·. haom uruuƗnΩm yazamaide .·. hauuąm frauua¹Ưm yazamaide .·. Nous offrons le sacrifice aux deux textes contenus dans la série des GƗșƗ pour les délimiter173 [Nous offrons le sacrifice]. Nous offrons le sacrifice aux savantes GƗșƗ, les UtaunƯ174 avec lesquelles l’influence (rituelle) est à exercer (sur les dieux) dans le respect des séquences. Nous offrons le sacrifice (à cette partie des) Stauta Yasniya175 (que marque la récurrence de l’hémistiche) Y 33.1a2. Nous offrons le sacrifice à la collection complète des Stauta Yasniya. Nous offrons le sacrifice à notre propre ruvan. Nous offrons le sacrifice à notre propre fravUti ; Yt 13.148 : voir ci-dessus 4.2.

Cependant, d’autres combinaisons existent.

du caractère diurne du bon rituel constitutif du soubassement ou de la préfiguration de l’audelà paradisiaque. 169 Le bon agencement des diverses composantes du rite. 170 Voir Pirart 2006b : 30 n. 28. Kellens (2011) compare abusivement sΩraošǀ ... astnj avec RS 1.139.1a ástu ĞráuVaW « Qu’il soit là ! Qu’il écoute ! », comme si srauša- dérivait du thème de subjonctif aoriste de √ sru. Avant d’être un théonyme, srauša- est un appellatif signifiant « récitation ». 171 J’émets la conjecture que a¹Ɨunąmca frauua¹ibiiǀ ... uruuǀibiiǀ vaut pour **a¹Ɨunąmca frauua¹inąm yasnƗi ... urunąmca et que l’absence de coordination entre frauua¹ibiiǀ et uruuǀibiiǀ s’explique comme un dvandva. 172 Le dieu des récitations sacrificielles. 173 Littéralement : « les deux paroles qui, écartées (= sans y être retenues), conforment la collection des GƗșƗ ». Ces deux manșra sans doute sont-ils l’Ahuna Variya (Y 27.13) et l’Ɩryaman Išaya (Y 54.1) que nous trouvons respectivement en tête de la collection vieilavestique et en queue. Sur haQkΩrΩșa, voir Chapitre V 6. 174 Leur usage rituel justifie cette appellation de « pourvues de l’agencement » : la récitation des GƗșƗ s’agence parfaitement dans les séquences de la cérémonie sacrificielle (cf. Y 71.11, donné plus bas 4.6). 175 La partie centrale du Yasna.

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4.5. Le ruvan dans d’autres combinaisons Le ruvan peut même figurer au sein de listes assez longues : ʊ Aog 48 : voir ci-dessus 4.2 ; ʊ Y 26.4.1 : voir ci-dessus 4.2 ; ʊ Y 45.2 a7 frauuaxšiiƗ V aƾhÈuš mainiinj pouruiiƝ V yaii¿ spanii¿ V njitƯ mrauua7 yÈm aQgrΩm .·. nǀi7 nƗ man¿ V nǀi7 sÈQghƗ nǀi7 xratauuǀ V naƝdƗ varanƗ 176 V nǀi7 uxįƗ naƝdƗ ĞiiaoșanƗ V nǀi7 daƝn¿ V nǀi7 uruuąnǀ hacaiQtƝ .·.177 Je vais proclamer les deux manyu fondamentaux de l’existence, quel est celui des deux que l’on dira le plus savant et quel est le mauvais que les pensées, les définitions, les performances ni les options, les paroles ni les gestes, les dainƗ ni les ruvan ne suivent en aucun cas ; Y 55.1-2 vƯsp¿ gaƝș¿sca tanuuasca V azdÈbƯšca178 uštƗnąsca kΩhrpas179 ca tΩuuƯšƯšca baoįasca V uruuƗnΩmca frauua¹Ưmca V pairica dadΩmahƯ Ɨca vaƝįaiiamahƯ V Ɨa7 dƯš ƗuuaƝįaiiamahƯ V gƗșƗbiiǀ spΩQtƗbiiǀ ratuxšașrƗbiiǀ a¹aonibiiǀ .·. y¿ nǀ hΩQti gƗș¿ harΩșrauuaitƯš V pƗșrauuaitƯšca mainiiuš.xvarΩș¿sca V y¿ nǀ hΩQti urune.uuaƝm180 V xvarΩșΩmca vastrΩmca .·. t¿ nǀ hΩQti gƗș¿ harΩșrauuaitƯšca V pƗșrauuaitƯšca mainiiuš.xvarΩș¿sca 181 .·. [t¿ nǀ hΩQti urune.uuaƝm182 V xvarΩșΩmca vastrΩmca .·.] t¿ nǀ buiiąn183 humižd¿ V aš.mižd¿ a¹ǀ.mižd¿ V parǀ.asnƗi 184 aƾvhe V pasca astasca baoįaƾhasca vƯuruuƯštƯm .·.

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Sur ce mot, voir Chapitre VI 1.4. at fravaxšyƗ V ahauš manynj parviyƗ V yayƗh spanyƗh V uti mravat yam ahram .·. na nu manƗh V na sanhƗ na xratavah V na u varnƗ V na ugdƗ na u ĞyƗușnƗ V na dainƗh V na ruvanah hacantai .·.. 178 Ce mot n’a plus été correctement identifié par les traducteurs médiévaux qui prirent sa première syllabe pour la préposition pehlevie az et les deux suivantes, peut-être pour l’abstrait dehbedƯh (ou da«hu.paitƯh) « statut de maître de pays » : V MNV MN p’t|hš’dyh QDM tn| (ud kƝ az pƗdixšƗyƯh abar tan) « et ce qui d’autorité se trouve sur le corps ». 179 Sur ce mot, voir Chapitre III 3. 180 Mis ou fautif pour ruvabyƗ datif duel ? Le zand donne MNV LNE HVE|d ’v| lvb’n KRA 2 hvlšn| V vstlg .·. (kƝ-mƗn hend ǀ ruvƗn harv dǀ xvarišn ud vastrag) «qui nous sont pour le ruvan tout à la fois nourriture et vêtement». 181 ºca justifiable derrière attribut. 182 Mis ou fautif pour ruvabyƗ datif duel ? 183 Artificiel pour buiiƗrΩš. 184 Les traducteurs médiévaux ne purent plus identifier correctement ce mot : le zand donne BRA PVN nzdyk ’hv’n| (bƝ pad nazdƯk axvƗn) « en vue de (?) la prochaine existence » (cf. trad. scr. puraK samƗsannabhuvane | kila suvyƗpƗratayƗ puQyakƗryatayƗ ca « avant le monde prochain, c’est-à-dire en se livrant à de bonnes et saintes activités »). 177

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Nous sérions (/considérons un à un)185 et consacrons chaque troupeau, chaque tannj, chaque ossature, chaque uštƗna, chaque kUp, chaque tavišƯ186, chaque baudah, chaque ruvan et chaque fravUti. Nous les consacrons en récitant les savantes GƗșƗ, les UtaunƯ avec lesquelles l’influence est à exercer (sur les dieux) dans le respect des séquences. Les GƗșƗ, nourriture des MƗnyava187, dont nous disposons pour notre conservation et notre protection, si, pour nos ruvan, les GƗșƗ, nourriture des MƗnyava, s’avèrent être nourriture et vêtement et que nous en disposons pour notre conservation et notre protection. [Elles, pour nos ruvan, s’avèrent être nourriture et vêtement] Puissent-elles nous réserver de bonnes récompenses, de grandes récompenses et d’harmonieuses récompenses, pour l’existence qui est au delà de l’os, après la séparation de l’os et du baudah.

Parmi les listes limitées à deux entrées, soulignons les combinaisons unissant tannj, baudah ou les gaișƗ avec le ruvan : FiO 219 (= Vn 20-21)188 tanuuaƝca haosrauuaƾhΩm V 189urunaƝca darΩȖΩm hauuaƾvhΩm 190 tn| hvslvb|yh V lvb’n| dgl ’hvyh Pour la tannj, le (privilège) d’un bon sravah191 ; pour le ruvan, l’(avantage) de s’être (constitué) une bonne et longue existence ; V 19.29-30 : voir Pirart, « Les Trois Nuits dans le VƯdaƝuu-dƗt » (à paraître dans Aula Orientalis, Sabadell) ; P 33 : voir ci-dessus 2 ; Y 68.4 snjkƗi mana«he V snjkƗi vaca«he V snjkƗi Ğiiaoșnahe V hauuaƾvhƗi urune V fradașƗi gaƝșanąm V hauuaƾvhƗi a¹auuastanąm .·. Pour l’acuité 192 , pour la pensée, pour l’acuité, pour la parole, pour l’acuité, pour le geste, pour le droit d’accéder à la bonne existence, pour le ruvan, pour la prospérité des troupeaux, pour le droit que les très Utavan ont d’accéder à la bonne existence.

185 Je tire ce sens de pari+√ √ dƗ construit avec plusieurs objets coordonnés de celui qu’il montre en vieil-avestique de « séparer acc. de abl. » (sur quoi Kellens & Pirart 1988-1991 : II 36 et 236). Voir Chapitre VI 2.1. 186 La « capacité », entité divinisée (voir Pirart 2007a : 37), est-elle le droit de célébrer le sacrifice ? 187 Les êtres abstraits parmi lesquels nous devons compter les âmes et certains dieux. 188 Les fragments avestiques du Frahang Ư ƿƯm (FiO) et du VaƝșƗ Nask (Vn) ont été édités et traduits respectivement par Klingenschmitt (1968) ou Humbach & JamaspAsa (1969). 189 Cf. A 1.11f. Voir Pirart 2006b : 191 n. 364. 190 tan hu-srauuƯh ud ruvƗn dagr hu-aƾvhƯh. 191 Le privilège que les dieux, à juger de notre âme aux portes de l’au-delà, émettent un verdict favorable. 192 Sur saoka-/ snjka-, voir Pirart 2007b : 99.

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De tels tandems opposent l’âme à la personne, la corporalité de cette dernière restant présente à l’esprit ; l’âme, à la faculté de percevoir, la corporalité du sensible étant ainsi soulignée ; l’âme, à la série des troupeaux du monde concret.

4.6. Les rites au secours de l’âme De nombreux passages de tout l’Avesta font bien évidemment allusion au sort du ruvan du pieux défunt si lié au comportement rituel qui fut le sien en ce monde. L’orant met tous ses espoirs dans l’efficace du sacrifice : A 1.10-11 ƗfrƯnƗmi vauuanuu¿ V vana7.pΩ¹ΩnΩ193 buiie194 V vƯspΩm auruuașΩm 7bišiiaQtΩm V vƯspΩm aȖΩm 7bišiiaQtΩm V arașȕiiǀ.manaƾhΩm arașȕiiǀ.vacaƾhΩm arașȕiiǀ.ĞiiaoșnΩm .·. vauuanΩ195 buiie V rașȕiia manaƾha rașȕiia vacaƾha rașȕiia Ğiiaoșna V nijanΩ196 buiie V +vƯspÈ197 dušmainiinj +vƯspÈ daƝuuaiiasnÈ V zazΩ198 buiie V vaƾhƗuca mižde vaƾhƗuca +srauuahi199 V 200urunaƝca darΩȖe hauuaƾvhe .·. Par cette propitiation, j’espère vaincre les combattants adversaires, chacun de ceux qui, pour négliger l’observance, sont nuisibles et de ceux qui, mauvais, sont nuisibles pour les emplois qu’ils font à contretemps de la pensée, de la parole et du geste. Puissent la pensée opportune, la parole opportune et le geste opportun m’apporter la victoire ! Puissent-ils me permettre d’abattre tous les dušmanyu201 ou tous les daivayasna202 et de les laisser en arrière le jour où il sera question pour mon ruvan de bénéficier pour longtemps de la bonne récompense, du bon verdict et de la belle existence. 193

Fautif pour ×vana7.pΩ¹Ωnǀ ? Devons-nous admettre des composés datifs en +buiie «pour devenir ...» (Hoffmann 1968 : 285 sq. n. 12 ; Kellens 1974a : 98 sq.) ? Comme cette solution convient mal la première fois lorsque vana7.pΩ¹ΩnΩ, lui-même composé, devrait être premier terme de composé, je préfère voir dans buiie un infinitif (= védique bhuvé ; avec Bartholomae 1904 : col. 969 et 1017) et corriger la phrase comme suit : vauuanuu¿ ×vana7.pΩ¹Ωnǀ buiie ... vauuanΩ buiie ... nijanΩ buiie ... zazΩ buiie ..., mais nous pouvons tout aussi bien faire de buiie la première personne du singulier de l’optatif moyen (pii. *bhuH1iH1-H2é) aussi bizarre puisse être cette voix dans le cas de √ bnj, sur base du Y 62.1-3 qui recueille des phrases en buiiƗ7, en buii¿ et en buiie pour établir un tableau de la conjugaison de l’optatif singulier de √ bnj selon l’ordre grammatical scolaire indien (la tUtƯyƗ vibhakti est celle de la première personne). 195 Forme amputée pour *vauuanuu¿. 196 Forme atrophiée pour *nijaȖnuu¿ (nijaganvƗh). 197 Geldner vƯspe. 198 Forme amputée pour *zazuu¿. 199 Avec Kellens 1974a : 98 n. 1, contre Geldner srauuahe. 200 Cf. FiO 219b. 201 Ceux qui se font une mauvaise opinion d’Ahura MazdƗ. 202 Ceux qui rendent un culte aux démons. 194

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Le rachat d’une âme pécheresse passe bien évidemment par des expiations : A 3.7.1-2 paQcƗca cașȕarΩsatΩmca maiįiiǀi.zarΩmaiiehe V a¹ahe vahištahe dașušǀ .·. disiiƗ7 hƝ a«he auua7 miždΩm V parǀ.asnƗi aƾvhe yașa aƝtahmi aƾhuuǀ ya7 astuuaiQti V hazaƾrΩm maƝšinąm daƝnunąm paiti.pușranąm V narąm a¹aonąm a¹aiia vaƾhuiia V urune para.daișiiƗ7 V aƝuuahe203 hƗtąm cinmƗne[he] ya7 a¹ahe vahištahe .·. (Il faut compter) quarante-cinq (jours à partir du premier de l’an) pour (arriver à) la fête de Madyaizarmiya204 (si celle-ci doit avoir lieu le jour) de Dadvah205 (qui précède celui de Mișra dans le mois) de 5ta Vahišta206 (= le cinq mai). Il faut lui indiquer que la récompense, dans l’existence située au delà de l’os, en est identique à ce millier de brebis laitières pleines que, dans cette existence osseuse, par souci d’harmonie et avec piété, il livrerait à des hommes Utavan (membres de la caste sacerdotale) pour le rachat de son ruvan (ou) le seul amour des êtres de l’excellent Agencement.

Le rachat n’est guère toujours aisé : V 13.3 yasca dim jana7 V spitama zarașuštra V ... V nauua.naptiiaƝci7 hƝ207 uruuƗnΩm para.mΩrΩQcaite V yaƝšąm208 aƾha7 dužƗpƯm cinuua7.pΩrΩtnjm V yǀ nǀi7 juuǀ sraošiiąm uzuuΩrΩziieiti .·. Et, s’il le frappe, (sache-le,) Zaraduštra descendant de SpƯtƗma, c’est sur neuf générations qu’il nuit à son propre ruvan en ce sens que le pont du Cinvant leur restera d’un accès difficile s’il ne se soumet à l’expiation de son vivant ; V 13.8-9 yǀ aƝtaƝšąm snjnąm jaiQti V yim pasuš.hauruuąmca209 višhauruuąmca 210 V vohunazgąmca 211 draxtǀ.hunaranąmca 212 V xraosiiǀ.taraca213 [nǀ] ahmƗ7 voiiǀ.taraca214 V huuǀ uruua parƗiti V parǀ.asnƗi aƾvhe V yașa vΩhrkǀ vaiiǀi215 tnjite216 V ×draomnǀ217 barΩzište raznjire .·. 203

Complément déterminatif de hƗtąm, explicité par ya7 a¹ahe vahištahe. Fête de mi-printemps. 205 Nom donné à Ahura MazdƗ lorsqu’il patronne le premier jour de la seconde semaine ou le premier jour de chacune des deux huitaines. Sur le calendrier, voir Pirart 2006a : 28 sqq. 206 Sur les mois avestiques, voir Pirart 2006a : 32. 207 Fautif pour ×haom ? 208 Mis pour le datif. 209 Mis pour *ºum[ca]. 210 Mis pour *ºum[ca]. 211 Fautif pour ׺Ωm[ca]. 212 Fautif pour ׺narΩmca. 213 Comparatif du participe en ºa- du divƗdi de √ xrus (vieil-iranien xrusya+tarah ca). Sur √ xrus :: xraosiia-, voir Kellens 1984a : 35, 124. Il ne s’agit pas de l’adjectif verbal en iya- (pace Kellens 1974a : 97). Le zand donne hlvsytl. 204

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nǀi7 hƝ aniiǀ uruua haom uruuƗnΩm V paiti irista bązaiti V xraosiiƗca218 voiiaca219 aƾvhe V naƝįa spƗna pΩ¹u.pƗna220 V paiti irista bązaiti221 V ×xraosiieiti222 voiiaca223 aƾvhe .·. Celui qui frappe, parmi ces chiens, le gardien de bétail ou de volaille, le vahunazga ou le dressé, en le rabrouant et en le poursuivant encore davantage, son propre ruvan gagnera par malheur224 l’existence qui est au delà de l’os. C’est comme si un loup, capable de poursuite, avait à courir dans une très épaisse forêt225. Nul autre ruvan ne vient lui soutenir le propre ruvan lors du décès : (tous) le rabroueront et le pourchasseront lors(qu’il gagnera) l’existence (qui est au delà de l’os)226. Et les deux chiens gardiens du pont ne viennent pas non plus le soutenir : (tous) le rabroueront et le pourchasseront lors(qu’il gagnera) l’existence (qui est au delà de l’os)227. Comparatif du participe en ºa- de l’adƗdi de √ vƯ (vieil-iranien v(i)ya+tarah ca). Le zand donne hvystktl. 215 Infinitif radical ou datif sg. du nom-racine tiré de √ vƯ (voir Kellens 1974a : 96 sq.). 216 Voir Kellens 1984a : 79, 88. 217 Avec Kellens (1984a : 106 n. 13), contre Geldner dramne. Sans reflet dans le zand. 218 Subjonctif (vieil-iranien xrusyƗt ca). Selon Kellens (1984a : 124), xraosiieiti de V 15.5 serait la seule attestation du thème xraosiia-. Quant au thème xraosa-, il serait attesté, selon Klingenschmitt (1968 : 227) et Kellens (1984a : 102), par fraca +xraosǀi7 de A 3.13 et xraosΩQtąm upƗ de Y 53.8, mais, pour la première, Bartholomae (1904 : col. 534) lit xraosiiǀi7 et, pour la seconde, une lecture xrusyantƗm upa est parfaitement envisageable. L’argumentation que Klingenschmitt développe, non retenue par Kellens (1984a : 124 n. 3), selon laquelle xraosiieiti de V 15.5 serait fautif pour ×xraosƗiti sous l’influence de vaiieiti ne tient pas compte de V 15.5cde yǀ gaįȕąm yąm apușrąm V janaiti vƗ vaiieiti vƗ V xraosiieiti vƗ pazdaiieiti vƗ .·. « celui qui frappe, poursuit, rabroue ou chasse la chienne qui attend un petit », mais il est vrai que n’avaient été reconnus ni le statut de verbe conjugué des formes xraosiiƗca et xraosiiƗiti (×xraosiieiti, ×xraosiiƗ7 ou ×xraosiiƗca ?) contenues dans V 13.9 ni la confusion graphique régulière et générale que le subjonctif présent des verbes en ºiia- montre à la 3e personne sg. act. en -ti avec l’indicatif. 219 Subjonctif (vieil-iranien vayat | ca). 220 Sur les chiens gardiens du pont, voir Chapitre V 6.6. 221 Mis pour le duel. 222 Subjonctif. Geldner xraosiiƗiti. Si cette ligne est la répétition (diascévastique?) de 9c, xraosiiƗca et xraosiiƗiti sont à considérer comme des variantes. Et, si nous devions y trouver huit syllabes, il faudrait restituer ×xraosiiƗ7 : xrusyƗt vayat ca ahavai. 223 Subjonctif. 224 Avec la locution « par malheur », je rends la nuance défavorable que le préverbe parƗ apporte au verbe. 225 Je ne vois pas l’opportunité de cette comparaison. 226 Datif de temps. 227 Le zand passe par une compréhension assez différente : MNV OLEš’n KLBA’n| MHYTVNyt| psvšhvlv| V vyšhvlv| V vhvnzg V dlhthvnl { ...} .·. hlvstytl MN ZK Y LNE glvtm’n| hvystktl ZK Y NPŠE HYA BRA lpyt BRA PVN ZK Y nzdyk ’hv| .·. cygvn gvlg hvysyšn| tvb’nyk {MNV hvysyšn| tvb’n| krtn|} MN ZK Y bvlnd vyšk {MN dvšk Y vyšk AMT PVN lcvl gvspnd} .·. LA ’v| ZK Y ZK-HD lvb’n {Y ’p’ryk} ’š ZK Y NPŠE lvb’n| PVN BRA vtylšnyh b’lynyt| {AYKš hdyb’l’vmndyh krtn| LA tvb’n|} MN hlvstkyh V hvystkyh ZYš BYN ’hv| krt| .·. LA KLBA pvhlp’n| {KLBA Y KLBA’n| .·. AYT MNV ’pzvnyk pvhlp’n| YMRRVNyt| .·. yaii¿ asti aniiǀ rašnuš razištǀ .·. PVN BRA vtylšnyh b’lynyt {AYKš hdyb’l’vmndyh krtn| LA tvb’n|} MN 214

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L’orant, avec le sacrifice offert, demande aux dieux de lui être favorables le jour venu de mourir : Vr 5.1 vƯse228 vǀ amΩ¹a spΩQta V staota zaota zbƗta yašta V framarΩta aibijarΩta V ynjšmƗkΩm yasnƗica vahmƗica V xšnaoșrƗica frasastaiiaƝca V ya7 amΩ¹anąm spΩQtanąm V ahmƗkΩm hauuaƾvhƗica V ratufritaiiaƝca a¹auuastƗica V vΩrΩșraȖniiƗica huruniiƗica V ya7 saošiiaQtąm a¹aonąm .·. Je me fais, vous les AmUta Spanta, votre laudateur, libateur, invocateur, sacrificateur, déclamateur et chantre lorsque nous vous offrons le sacrifice, à vous qui êtes les AmUta Spanta, vous adressons le chant, vous réservons des attentions et proclamons vos prouesses dans le but, nous qui sommes les Utavan saušyant229, d’avoir accès à la bonne existence, d’être capables de satisfaire les dieux selon les séquences, de jouir du statut de Utavan, d’être capables de briser les obstacles (que les Daiva peuvent dresser devant nous) et de posséder un bon ruvan.

L’emploi qui est fait du hauma dans le sacrifice est justifié par rapport à la mort : Y 9.16.4 yașa xvarΩQte vahištǀ V urunaƝca230 +pƗșmainiiǀ.tΩmǀ231 .·. (Hommage soit rendu à Hauma) puisqu’il est excellent pour celui qui le boit et que c’est, pour le ruvan, le meilleur moyen de prendre son envol. hlvstkyh V hvystkyh ZYš BYN ’hv’n| krt| ºoº « Celui qui frappe, parmi ces chiens, le gardien de bétail, le gardien des oiseaux, le vahunazga ou le dressé {...} avec de grands cris, loin de notre Garah DmƗna, et avec de grandes persécutions, son propre ruvan s’en va pour le monde prochain, comme le loup capable de persécutions {qui est capable de mener la persécution} s’éloi(gne) de la grande forêt {loin du fond (?) de la forêt alors que le mouton est dans la forêt}. Du ruvan autre {d’autrui} alors son propre ruvan, lors du trépas, ne trouve aucun appui {= ne peut se le rendre secourable} du fait des cris et des persécutions qui (furent) les siens dans le monde. Des chiens gardiens du pont {chiens des chiens (= les meilleurs des chiens) ʊ Il y a, (dans les textes de la DainƗ, des passages) selon lesquels les gardiens du pont sont utiles : "L’un des deux est Rašnu rectiligne"}, lors du trépas, il ne trouve aucun appui {= ne peut se les rendre secourables}, du fait des cris et des persécutions qui (furent) les siens dans le monde ». 228 Modernisation artificielle de vƯsƗi (Y 14.1), la première personne du singulier de l’indicatif présent de voix moyenne de √ vƯ :: vƯsa- « servir ». 229 Je ne sais si ce sont les fameux combattants eschatologiques ou la désignation, moins prégnante, de sacrifiants « qui ont l’intention de se rendre utiles ». 230 Kellens (2006-2010 : II 58) paraît faire de ºca le corrélatif de yașa. 231 Avec Bartholomae (1904 : col. 887), contre Geldner ºǀtº. Ce genre de correction que je n’ai pas toujours opérée est inutile en raison du caractère redondant que prend le point séparateur à la suite du maquillage de ºa+ en ºǀ. L’allongement de la syllabe initiale est secondaire. Superlatif en +tama- du participe en *ºá- du dénominatif de pașman- (Y 46.4 ; = védique pátman-). Jean Kellens (1995a : 28) souligne que pașman- signifie non « le chemin », mais « le vol ». Cependant, le sens exact de ce verbe ne peut être vérifié : « donner envol », selon Kellens (2006-2010 : II 58).

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La récitation de l’Ahuna Variya, ce manșra qui passe pour le concentré de tout le corpus des textes ou leur germe, par sa force, est pour le ruvan la clé qui donne le plus sûrement accès aux étages paradisiaques : Y 19.6-7 yasca mƝ aƝtahmi aƾhuuǀ ya7 astuuaiQti V spitama zarașuštra V baȖąm ahunahe vairiiehe marƗ7 V frƗ vƗ marǀ drΩQjaiiƗ7 V frƗ vƗ drΩQjaiiǀ srƗuuaiiƗ7 V frƗ vƗ srƗuuaiiǀ yazƗite V șrƯšci7 tarǀ pΩrΩtnjmci7 hƝ uruuƗnΩm V vahištΩm ahnjm frapƗraiieni V azΩm yǀ ahurǀ mazd¿ V 232Ɨ vahištƗ7 aƾhao7 V Ɨ vahištƗ7 a¹Ɨ7 V Ɨ vahištaƝibiiǀ raocÈbiiǀ .·. yasca mƝ aƝtahmi aƾhuuǀ ya7 astuuaiQti V spitama zarașuštra V baȖąm ahunahe vairiiehe V drΩQjaiiǀ aparaoįaiiete V ya7 vƗ naƝmΩm ya7 vƗ șrišum V ya7 vƗ cașrušum ya7 vƗ paƾtaƾhum V 233pairi dim tanauua V azΩm yǀ ahurǀ mazd¿ V uruuƗnΩm haca vahištƗ7 aƾhao7.·. auuauuaitiia bązasca frașasca V pairi.tanuiia 234 yașa Ưm z¿.·. astica Ưm z¿ auuaiti bązǀ V yauuaiti frașasci7 .·. C’est à trois reprises que je ferai passer le pont au ruvan de celui qui, dans l’existence osseuse, (sache-le,) Zaraduštra, toi qui descends de SpƯtƗma, me mémorise la bagƗ de l’Ahuna Variya 235 ou, la mémorisant, l’étudie ou, l’étudiant, la récite ou, la récitant, y recourt pour offrir le sacrifice. (Je le lui ferai passer) pour qu’il rejoigne l’Existence excellente, moi qui suis Ahura MazdƗ, 236avant (= jusqu’à ce qu’il atteigne [?]) l’Existence excellente, avant l’Agencement excellent, avant les Jours excellents. Si quelqu’un, dans l’existence osseuse, (sache-le,) Zaraduštra, toi qui descends de SpƯtƗma, se refuse à l’étude de ma bagƗ237 de l’Ahuna Variya, de sa moitié, de son tiers, de son quart ou de son cinquième, moi qui suis Ahura MazdƗ, j’empêcherai à son ruvan d’accéder à l’Existence excellente. (Comme si) je (l’en) empêchais au moyen d’une (barrière)238 aussi vaste en épaisseur et en largeur que cette terre. Et cette terre est aussi épaisse que large, (faut-il savoir).

Le Manșra, forme réalisée de la DainƗ, pour être la salvation de l’âme, est comparable à l’Athéna orphique, salvatrice de Dionysos.

232 233

La concurrence de vahištΩm ahnjm et de Ɨ vahištƗ7 aƾhao7 est inattenue. Collage ? Cf. ci-dessous Y 71.15. Sur le sens de pairi+√ tan « retenir loin de », Kellens 1974 :

164.

234 235

Optatif évocatif (Kellens 2006-2010 : III 31). Sur ce manșra provenant du Y 27.13, Pirart 2006b : 112 n. 4, 115 n. 53 et 141 n.

134.

236

Sur cette triade paradisiaque, voir Chapitre VII 1.6. La bagƗ paraît être l’emploi d’un manșra comme balise des chapitres ou mouvements d’une récitation liturgique. 238 L’idée de cette barricade apparaît notamment aussi dans DD 36 (Pirart 2007a : 125). 237

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Déjà les Cantates liaient le sort du ruvan à l’activité rituelle, à la recherche d’un bon agencement et à l’emploi de paroles récitées ou chantées : Y 28.4 yÈ uruuƗnΩm ×mÈm239 gairƝ V vohnj dadƝ hașrƗ manaƾhƗ V a¹ƯšcƗ ĞiiaoșΩnanąm240 V vƯduš mazd¿ ahurahiiƗ V yauua7 isƗi tauuƗcƗ V auua7 xsƗi aƝšƝ a¹ahiiƗ .·.241 Moi qui, pour rendre un culte à Ahura MazdƗ, impose à mon propre ruvan de chanter en ne recourant qu’à la pensée bonne et aux envois de gestes, je me dois de scruter autant que je le puis et en suis capable à l’instant de rechercher l’Agencement ; Y 34.2 a7cƗ Ư tǀi manaƾhƗ V +mainiiÈušcƗ +vaƾhÈuš vƯspƗ dƗtƗ V spΩQta[iiƗcƗ nΩrΩš ĞiiaoșanƗ V yehiiƗ uruuƗ a¹Ɨ hacaitƝ V pairigaƝșƝ xšmƗuuatǀ V vahmƝ mazdƗ +garǀibƯš stnjtąm .·.242 Comme tu as établi toutes ces données (= dispositions, lois ?) en recourant, selon le cas, à la pensée que dicte la bonne opinion ou au geste de l’homme savant qui, le ruvan accompagné de l’Agencement, vous révère lors du vahma parigaișa 243 , (concernant cet homme,) (Ahura) MazdƗ, (tu) recour(s) aux chants de bienvenue parmi les éloges ; Y 44.8 ta7 șȕƗ pΩrΩsƗ V ΩrΩš mǀi vaocƗ ahurƗ V mΩQdaidiiƗi V yƗ tǀi mazdƗ Ɨdištiš V yƗcƗ vohnj V uxįƗ frašƯ manaƾhƗ V yƗcƗ a¹Ɨ V aƾhÈuš arÈm vaƝdiiƗi V kƗ mÈ uruuƗ V vohnj uruuƗxša7 ƗgΩma7.tƗ .·.244 Je te le demande, dis-le-moi de façon rectiligne245, Ahura, pour mon information et en vue d’une connaissance utile de l’existence : quelle est ton indication ; quelle, la pensée bonne avec laquelle je m’entretiens au moyen de la parole ; quel, l’agencement ? (Dis-moi) par quel bon (chemin) mon ruvan arrivera au but ; Y 45.7 yehiiƗ sauuƗ V iš¿Qti rƗdaƾhǀ V yǀi zƯ juuƗ V ¿ƾharΩcƗ buuaQticƗ V amΩrΩtƗitƯ V a¹Ɨunǀ uruuƗ aƝšǀ V utaiinjtƗ V yƗ nΩrąš sƗdrƗ drΩguuatǀ V tƗcƗ xšașrƗ V mazd¿ dąmiš ahurǀ .·.246 +

239 Geldner mÈn. Mis pour *xvÈm puisque le sujet du verbe est identique au possesseur ? Autre hypothèse chez Kellens & Pirart 1988-1991 : I 105, II 287 et III 22. Les traductions médiévales font de mÈQgairƝ le locatif d’une forme du nom du Garah DmƗna. 240 Kellens & Pirart 1988-1991 : I 105. 241 yah ruvanam hvam garai V vahnj dadai hașra manahƗ V ƗrtƯš ca ĞyƗușnƗnaam V viduš mazdaah ahurahya V yƗvat ƯsƗi tavƗ ca V Ɨvat xsaai aišai Utahya .·.. 242 at ca it tai manahƗ V manyauš ca vahauš visvƗ dƗtƗ V spantahya ca nUUš ĞyƗușnƗ V yahya ruvƗ UtƗ hacatai V parigaișai xšmƗvatah V vahmai mazdƗ garbiš stutaam .·.. 243 Type de séquence chantée en présence des victimes sacrificielles ? 244 tat șvƗ pUUsƗ V Uš mai vauca ahura V manh+dadadyƗi V yƗ tai mazdƗ Ɨdištiš V yƗ ca V vahnj ugdƗ fraši manahƗ V yƗ ca UtƗ V ahauš aram vaidiyƗi V kƗ mah ruvƗ V vahnj vrƗxšat ƗgmatƗ .·.. 245 En observant une diction continue afin que les forces mauvaises ne puissent intervenir. 246 yahya suvƗ V Ưšaanti rƗdahah V yai zi jƯvƗ V Ɨhar ca buvanti ca V amUUtƗti V Utaunah ruvƗ aišah V utaynjtƗ V yƗ nÍÍnš sƗdrƗ drugvatah V tƗ ca xšașrƗ V mazdƗh dƗmiš ahurah .·..

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Le ruvan du Utavan vers les succès duquel les dieux qui certes furent et seront vivants cherchent à venir est capable d’accéder à AmUtatƗt et à Utaynjti247 qui se dérobe(nt) aux hommes drugvant. C’est bien grâce à l’influence (exercée sur lui) qu’Ahura MazdƗ est le fondateur (de l’Agencement) ; Y 49.10-11 : voir ci-dessus 4.1.

L’orant est soucieux du sort réservé à son âme-moi, mais aussi du sort qui attend ses troupeaux : Y 50.1 ka7 mǀi uruuƗ V isƝ cahiiƗ auuaƾhǀ V kÈ mǀi pasÈuš V kÈ mÈ.nƗ șrƗtƗ vistǀ V aniiǀ a¹Ɨ7 V șȕa7cƗ mazdƗ ahurƗ V azdƗ znjtƗ V vahištƗa7cƗ manaƾhǀ .·.248 Quand et de quelle aide mon ruvan dispose-t-il ? Qui nous a-t-il été clairement trouvé comme protecteur, pour mon bétail et pour moi-même, d’autre que vous, 5ta, Vahu Manah et toi, Ahura MazdƗ, lors de l’appel (à l’aide) ? Y 60.11 249 yașa nǀ †¿ƾhąm 250 ĞiiƗtǀ man¿ 251 V +vaštǀ 252 uruuąnǀ V 253 v x ƗșrauuaitƯš tanuuǀ V +hΩQtǀ254 255†vahištǀ aƾhuš† V ak¿scǀi7256 ×ahnjire mazdƗi×257 jasΩQtąm258 .·. 247

Les déesses de l’immortalité et de la jouvence. kat mai ruvƗ V Ưsai cahya avahah V kah mai pasauš V kah mana șrƗtƗ vistah V anyah UtƗt V șvat ca mazdƗ ahura V azdƗ znjtƗ V vahištƗt ca manahah .·.. 249 = Y 71.29, Hb 5.1. 250 J’accepte l’hypothèse que Kellens (1974a : 341 sq. ; 1995a : 35 n. 37) fait du subjonctif : ×aƾhΩn. La corruption pourrait être due à l’interprétation pehlevie du passage. En effet, le traducteur médiéval a fait de nǀ un nominatif ; de ¿ƾhąm, la première personne du pluriel du subjonctif de ¥ ah ; de ĞiiƗtǀ man¿, un bahuvrƯhi : cygvn LNE HVEym š’t| mynšn (ciyǀn amƗ hem šƗd-menišn). 251 Kellens (1974a : 341 sq. ; 1995a : 35 n. 37) fait de ĞiiƗtǀ le locatif de ĞiiƗiti- ou de ĞiiƗtu-. Je préfère y voir le nominatif pluriel, maquillé en singulier (ou en premier terme de bahuvrƯhi), de l’adjectif verbal en -ta- de ¥ ĞiiƗ. 252 Avec Bartholomae (1904 : col. 1394, sur base de Mf1, Pt4 et d’après le zand k’mk Y lvb’n|1 que Geldner cite pourtant), contre Geldner vahištǀ. Jean Kellens (1974a : 341 sq. ; 1995a : 35 n. 37) fait de +vaštǀ le locatif de vaštu- « vouloir ». Je préfère y voir l’adjectif verbal en -ta- de ¥ vaz, lequel, au vu du Yt 14.43.2de vašt¿Ëhǀ ahmiia nǀi7 vazii¿Qte2 V jat¿Ëhǀ ahmiia nǀi7 janii¿Qte .·. « emmenés, ils ne sont alors pas emmenés ; frappés, ils ne sont alors pas frappés », montre le degré plein radical. Le singulier serait mis pour le pluriel. Notes : 1. Les manuscrits ne sont pas unanimes sur Y : J2, par exemple, donne V ou |. Pour ma part, je considère un bahuvrƯhi second attribut et lis donc V k’mk| lvb’n| .·. (ud kƗmagruvƗn .·.) « et possesseurs d’un ruvan qui est comme il est souhaité ». ||| 2. Avec Geldner, contre Kellens 1984a : 42 n. 2, 127 n. 6, 128 sq. 253 Le zand saute cette ligne. 254 Avec Bartholomae (1904 : col. 274), contre Geldner hΩQti. Kellens (1974a : 341 sq. ; 1995a : 35 n. 37) fait de +hΩQtǀ le locatif de hΩQtu- « conquête », ce que j’accepte, mais Kellens (1995a : 35) achève la phrase trop tôt ou trop tard avec +hΩQtǀ. En effet, pour moi, il faut faire de vahištǀ aƾhuš son complément (nominatif mis pour le génitif) et considérer que c’est xvƗșrauuaitƯš qui est à mettre sur le même pied que ĞiiƗtǀ et +vaštǀ, non +hΩQtǀ. Certains manuscrits tels que J2, pour +hΩQtǀ vahištǀ aƾhuš, donnent comme zand ’m’n YHBVN’t ZK Y p’hlvm ’hv’n, mais d’autres tels que Mf4 corrigent assez logiquement : (’m’n| YHBVN’t) ’m’n 248

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(L’espoir) que, pour gagner le Vahišta Ahu, nos pensées soient tranquilles ; nos ruvan, transportés ; nos personnes, bienheureuses, à nous rendre individuellement en présence d’Ahura MazdƗ ; Y 68.2 xšuuƯįaƝca ƗznjtaiiaƝca V mƗuuaiiaca zaoșre paiti.jamii¿ V dasuuarΩ baƝšazƗica V fradaișe 259 varΩdașƗica V hauuaƾvhe a¹auuastƗica V haosrauua«he huruniiƗica V vΩrΩșraȖne frƗda7.gaƝșƗica .·. Puisses-tu aller, (déesse Rivière,) à la rencontre du lait et de la libation que je t’offre en tant que zautar260 et m’assurer ainsi le bel aspect et le remède, la prospérité et la croissance, le droit d’accéder à la bonne existence et le statut de Utavan, le privilège d’un bon verdict et la possession d’un bon ruvan, la capacité de briser les obstacles démoniaques et celle de multiplier les troupeaux ; Y 71.11 vƯspaƝca 261 aƝte V a¹iš.hƗgΩ7 Ɨrmaitiš.hƗgΩ7 V yazamadaƝca V nipƗtaiiaƝca nišaƾharΩtaiiaƝca V harΩșrƗica aiȕiiƗxštrƗica V hauuaƾhum mƝ buiiata .·. gƗșƗbiiǀ spΩQtƗbiiǀ V ratuxšașrƗbiiǀ a¹aonibiiǀ V zbaiiemi yazamadaƝca V nipƗtaiiaƝca nišaƾharΩtaiiaƝca V harΩșrƗica aiȕiiƗxštrƗica V hauuaƾhum mƝ buiiata .·. 262mƗuuǀiia hauuƗi urune V zbaiiemi yazamadaƝca V nipƗtaiiaƝca nišaƾharΩtaiiaƝca V harΩșrƗica aiȕiiƗxštrƗica V .·. Mon invocation de tous les (dieux) avec $rti 263 et Aramati 264 nous permet de leur offrir le sacrifice et de les inviter à nous abriter, préserver, protéger et surveiller : « Puissiez-vous être (de ceux qui m’assureront) la bonne existence ! » Pour (leur) invocation et le sacrifice (que nous leur offrons), nous recourons aux savantes GƗșƗ, les UtaunƯ avec lesquelles l’influence rituelle est à exercer (sur les dieux) dans le respect des séquences, afin YHVVN’t ZK Y p’hlvm ’hv’n ([Ɨ-mƗn dahƗd] Ɨ-mƗn bavƗd Ɨn Ư pahlom axvƗn) « Que l’excellente existence nous soit alors accordée ! ». En effet, le complément attendu avec le verbe « qu’il donne » était **OL LNE (ǀ amƗ) au lieu de ’m’n| (Ɨ-mƗn). Le traducteur médiéval, pour le rendre par YHVVN’t, faisait-il donc de +hΩQtǀ une forme de l’impératif de ¥ ah ? 255 Mis pour le génitif ? 256 Sur Ɨk¿sº, voir ci-dessus n. 162. Sur le conglomérat particulaire ºcǀi7 « individuellement », voir Kellens & Pirart 1988-1991 : II 129 sqq. 257 Locatif dans la rection de Ɨk¿sº, contre Geldner Ɨhnjire mazda. Pour cette rection, cf. Y 51.13b2 cinuuatǀ ×pΩrΩtƗu Ɨk¿. 258 Accordé avec nǀ. Le traducteur médiéval y voit la première personne (du pluriel ?) de l’optatif (?) présent : ’šk’lk ’v| ’vhrmzd YHMTVNm « Que nous arrivions en présence d’Ahura MazdƗ ! ». 259 Par jeu ou dans un souci d’homogénéisation, la diascévase, pour chaque couple de mots, a chaque fois choisi ºe pour le premier et ºƗi pour le second. 260 L’officiant chargé de verser les offrandes et de réciter les manșra qui doivent les accompagner. 261 Ces mots donnés au nominatif (masculin pluriel) sont mis pour l’accusatif. 262 Curieuse concurrence du pronom fort mabya « pour moi » et du syntagme hvahmƗi runai « pour la propre âme-moi ». 263 Sur cette déesse, Pirart 2006b. 264 Sur cette déesse, Pirart 2006b : 120 n. 67 ; 2007a : 37 n. 28 et passim.

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qu’elles nous abritent, préservent, protègent et surveillent : « Puissiez-vous être (de ceux qui m’assureront) la bonne existence ! » En faveur de mon propre ruvan, je (les) invoque et nous leur offrons le sacrifice afin qu’ils (ou elles) l’abritent, préservent, protègent et surveillent : « Puissiez-vous être (de ceux qui m’assureront) la bonne existence ! ».

Le grand dieu promet à Zoroastre de sauver son ruvan si, au terme de son existence terrestre, il est capable de réciter les premiers mots de la deuxième Cantate : Y 71.15-16 yeiįi zƯ zarașuštra 265aƝte vƗcǀ V ustΩme uruuaƝse gaiiehe framrauuƗi266 V 267pairi tƝ tanauua V azΩm yǀ ahurǀ mazd¿ V uruuƗnΩm haca acištƗ7 aƾhao7 V auuauuaitiia bązasca frașasca V pairitanuiia yașa Ưm z¿ .·. astica Ưm z¿ auuaiti V bązǀ yauuaiti frașasci7 .·. yașa vaši a¹Ɨum iįa268 aƾhǀ a¹auua V frapƗraii¿«he269 uruuƗnΩm V tarǀ cinuuatǀ pΩrΩtnjm V †vahištahe aƾhÈuš† 270 a¹auua 271 jasǀ V uštauuaitƯm gƗșąm srƗuuaiiǀ V uštatƗtΩm nimraomnǀ .·. [zǀ7 u raspƯ .·.] uštƗ ahmƗi ... gaƝm manaƾhǀ ºoº (Sache-le,) Zaraduštra, si tu récites ces paroles au dernier tournant de ta vie, moi qui suis Ahura MazdƗ, j’empêcherai que ton ruvan rejoigne l’existence très mauvaise. (Comme si) je le faisais avec une (barrière) aussi épaisse et vaste que cette terre. Et, (faut-il savoir,) cette terre est bien aussi épaisse que large ; 5tavan, pour vouloir être Utavan et l’être, tu permettras à ton ruvan de franchir avec succès le pont de Cinvant, de rejoindre en Utavan l’Existence excellente et de réciter l’UštƗvatƯ GƗșƗ272 en misant sur le mot «à volonté ! » (qu’elle contient) [Les différents prêtres (récitent)] : « Y 43.1 ».

265

Mis pour l’accusatif ? Mis ou fautif pour *framrauuahi (voir Kellens 1984a : 253). 267 Cf. ci-dessus Y 19.7. 268 × așa corrélatif de yașa ? 269 Moyen possessif par rapport à Y 19.6 (Kellens 1984a : 61). 270 Mis pour l’accusatif (ou le locatif d’après Y 43.6a ou 51.15b) dans la rection de √ gam, mais la raison du changement ou la cause de la corruption me demeurent obscures. 271 Occupe la place qui est celle de a¹aonąm dans Y 9.19.1c. Les nominatifs a¹auua jasǀ ... srƗuuaiiǀ ... nimraomnǀ devraient s’accorder avec uruuƗnΩm. Ceci, sans compter que la chronologie est bafouée, dénonce le caractère de copié-collé de ce passage. Cependant, si les deux lignes suivantes coïncident avec H 2.2.2cd et la précédente, avec V 19.30.2e (voir Pirart, « Les Trois Nuits dans le VƯdaƝuu-dƗt », à paraître dans Aula Orientalis, Sabadell), celle-ci, en revanche, manque tout à fait de traçabilité. 272 Sur ce texte mis dans la bouche du ruvan les premières nuits qui suivent le décès, voir H 2.2.3. 266

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L’orant, dans l’espoir que les juges divins rendront un verdict favorable et que son ruvan connaîtra l’excellente Existence, s’adresse à diverses divinités : Yt 10.33 dazdi273 ahmƗkÅm ta7 ƗiiaptÅm V yasÅ șȕƗ yƗsƗmahi snjra V × uruuaite dƗtan¾m srauuaËh¾m V ƯštƯm amÅm vÅrÅșraȖnÅmca V hauuaËhum a¹auuastÅmca V haosrauuaËhÅm hurunƯmca V mastƯm spƗnǀ vaƝiįƯmca V vÅrÅșraȖnÅmca ahuraįƗtÅm V vanaiQtLmca uparatƗtÅm V yąm a¹ahe vahištahe V paiti.parštƯmca mąșrahe spÅQtahe .·. Accorde(-nous) la faveur qui nous revient et que nous te demandons, à toi l’opulent, durant l’observance des DƗta Sravah274 : la capacité sacrificielle, l’élan et la force de briser les obstacles, le droit d’accéder à la bonne existence et le statut de Utavan, le privilège d’un bon verdict 275 et la possession d’un bon ruvan, la force d’étudier, celle d’enseigner et la science, (cela nous vous le demandons,) à toi (Mișra), à VUșragna AhuradƗta276, à 277 VanantƯ UparatƗt de 5ta Vahišta et à PatipUšti de Manșra Spanta.

Les dieux eux-mêmes avaient formulé le souhait que le sacrifice offert les rendît à même de sauver le ruvan des hommes pieux : Yt 13.50.1-2 278 kǀ nǀ stauuƗ7 kǀ yazƗite V kǀ ufiiƗ7 kǀ frƯnƗ7 kǀ paiti.zanƗ7 V gaomata zasta vastrauuata V a¹a.nƗsa nΩmaƾha V 279kahe nǀ iįa280 nąma ƗȖairiiƗ7 V kahe ×nǀ281 uruua fraiieziiƗ7 V kahmƗi nǀ ta7 dƗșrΩm daiiƗ7 V ya7 hƝ aƾha7 xvairiiąn ajiiamnΩm V yauuaƝca yauuaƝtƗtaƝca .·. (Les FravUti dirent :) Qui va nous honorer de l’éloge, nous offrir le sacrifice, nous adresser le chant, nous propitier, nous accueillir, le (pot de lait de) vache et le vêtement rituel à la main, avec l’hommage qui arrive jusqu’au (bout du chemin rituel de) 5ta282 (ou : jusqu’au terme de la cérémonie 273

Pour l’établissement du texte, voir Pirart 2007b : 77 sq. Nom d’un texte inconnu qui devait constituer une partie juridique du Manșra Spanta. 275 Ceci fait sans doute allusion au sravah « verdict » (Pirart 2009a : 228) que Rašnu, balance en main, fait connaître à l’âme-moi du défunt. 276 Sur ce dieu, Pirart 2006a : 57 sqq. 277 Sur ces deux déesses, Pirart 2006a : 116. 278 Cf. RS 6.47.15a ká ƯP stavat káK pUQƗt kó yajƗte. 279 Les anomalies grammaticales de l’emploi des désinences actives pour le passif et de celui de l’enclitique nǀ pour en exprimer l’agent se répètent ici trois fois. La langue de l’auteur de ces lignes me paraît bien étrange. Kellens (1984a : 277), dans la dernière de ces trois interrogatives, fait de nǀ le complément de ta7 dƗșrΩm, mais pareille analyse qui, effectivement, pourrait offrir aussi une solution dans la première ne fonctionne pas dans la deuxième. 280 = védique id» ou ihá? 281 Geldner vǀ. 282 Le chemin du bon agencement est une façon de désigner le déroulement correct de la célébration sacrificielle. 274

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lorsque le 5ta Vahišta283 est récité) ? De qui allons-nous ici accepter pour bonne la (récitation qu’il ferait de nos) noms ? De qui allons-nous consacrer le ruvan ? À qui allons-nous assurer une nourriture inépuisable pour toujours et pour l’éternité ?

Bref, le sort du ruvan fait l’objet de toutes les attentions aussi bien des mazdéens que de leurs dieux. Soulignons que rien de semblable ne pourra être dit des autres composants (ou composantes) immatériels de l’individu.

4.7. Étymologie L’étymologie que Jean Kellens a donnée284 de uruuan- en y voyant un dérivé de la racine √ ru/rnj « bruire, faire du bruit » doit être exacte, mais je ne sais si cela renvoie bel et bien au fait que le ruvan, au début de l’aventure, récite la strophe gâthique285. En effet, un argument objectif, c’est-à-dire non-contextuel ou non-sémantique, y existe : parmi les diverses racines *ru et *rnj de l’indo-iranien ancien, c’est la seule qui, en védique, produise un dérivé en -an-. Ce dérivé est indirectement attesté en védique par le verbe dénominatif ruvaQyáti «faire du bruit». Certes, c’est un hapax legomenon : on ne le trouve que dans la phrase m» ruvaQyaK «ne crie pas!»286 qui est adressée au prêtre qui récite les paroles sacrées. Quant à l’adjectif ruvaQyú- «bruyant»287 qui est tiré de ce verbe dénominatif, autre hapax legomenon, Louis Renou288 émet la conjecture que c’est un nom de BÌhaspáti. Belle coïncidence donc ! Par la récitation de la strophe, le ruvan se reconstruit un corps réceptacle des facultés de se mouvoir et de percevoir, un corps pourvu de portes. Et, dans le Veda, BÌhaspáti récite les paroles sacrées pour détruire les murailles des citadelles des impies289. Il reste que, pour la désignation précise de l’âme-moi, le sens premier du mot ruvan ne se justifie pas immédiatement : comment l’idée de bruire 283

Nom du manșra Y 27.14 (sur quoi Pirart 2006b : 151 n. 35) avec lequel toutes séquences et, partant, tous textes étaient refermés. 284 1995a : 24 n. 13. 285 Le ĝBM 14.8.10.1 paraît offrir un écho à cette idée d’une âme qui bruit : ayám agnír vaiĞvƗnaráK | yò ’yám antáK púruVe yénedám ánnaP pacyáte yád idám adyáte tásyaiVá ghóVo bhavati yám etát kárQƗv apidh»ya ĞUQóti sá yadòtkramiVyán bhávati nàitáP ghóVa0 ĞUQoti «C’est Agni VaiĞvƗnara qui se trouve à l’intérieur de l’individu, par qui est cuite la nourriture que l’on mange. Il est à l’origine de ce bruit que, les oreilles bouchées, l’on entend. Dès lors, quand il est sur le point de s’échapper, l’on n’entend plus ce bruit». 286 RS 8.96.12c, où, selon Renou (1955-1969 : IV 27), le chantre est prié de ne pas crier en récitant les paroles sacrées. 287 RS 1.122.5a, avec la traduction de Renou 1955-1969 : V 6. 288 1955-1969 : IV 27 et V 6. 289 Résultat inverse de celui qu’Amphion obtient en chantant lyre en main lors de la construction des murs de la ville aux sept portes.

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vaut-elle celle d’être Moi ? La conception zoroastrienne de l’âme est ainsi l’aboutissement de l’évolution d’une conception préhistorique dont l’Inde ancienne ne conserve que de rares traces.

5. Gauš Ruvan La conception du mécanisme de la cérémonie sacrificielle place pratiquement sur un pied d’égalité le sacrifiant et la vache qui l’accompagne. Celleci doit fournir le lait nécessaire à la composition de l’offrande. Le lait, pour servir à couper le Hauma qui représente le ruvan du sacrifiant, sans doute symbolise-t-il le ruvan de la vache. Dans les textes, l’occasion de l’immolation de la vache n’est pas plus explicitée que celle de sa traite, mais nous savons290 que sa mise à mort avait pour objet d’envoyer son âme aux dieux. Ceci serait logique si l’occasion en était les obsèques du sacrifiant puisque la mort de ce dernier, en définitive, n’est rien d’autre que l’envoi de son âme-moi chez les dieux, mais aucun texte non plus ne nous l’expose clairement. Toujours est-il que la mise en tandem de l’homme (nar) et de la vache (gau) est bien répertoriée291. Cependant il existe aussi le tandem Gauš Ruvan + Gauš Taxšan. Je partage l’opinion de Kellens292 qui s’est penché de façon approfondie sur l’identification de ce Gauš Taxšan pour y reconnaître la déification du rôle de l’immolateur de la vache. Sa mise à mort rituelle confère à la vache cette existence mentale qui lui faisait défaut. Au départ, comme elle ne pouvait prendre part aux cérémonies à la manière d’un sacrifiant, seule293 lui était acquise l’existence osseuse (ahu astvant). L’existence mentale (ahu manahiya) que son immolation lui octroie doit lui permettre de rejoindre les dieux ou l’au-delà. La Zand-ƗgƗhƯh294 nous informe que la vache de laquelle le dieu Gauš Ruvan est le Moi n’est autre que la Vache archétypique (Gau AivadƗtƗ). L’immolation de la vache sacrificielle doit donc reproduire l’opération par laquelle Ahura MazdƗ avait pu tirer l’ensemble des quadrupèdes de la Vache archétypique, mais nous en ignorons et les raisons et les modalités. Je fais alors l’hypothèse que la vache immolée symbolise aussi la conscience religieuse (dainƗ) du sacrifiant aux frais de qui, ne l’oublions pas, l’existence mentale avait pu être générée jour après jour. En effet, l’une 290

Notamment par Strabon. Cf. ci-dessus Yt 14.54.1-2 et Pirart 2007a : 47 sq. 292 1995b : 347-357. 293 Y 29.6b nǀi7 aƝuuƗ ahnj vistǀ V naƝdƗ ratuš a¹Ɨ7cƯ7 hacƗ « Jamais celui qui n’a qu’un seul état n’a trouvé ni (un Maître) ni un plan adapté à l’Agencement » (traduction Kellens 1995b : 355). 294 ZA 4A.2, 26.26. 291

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des formes que la dainƗ adopte sur le chemin de l’au-delà où le ruvan du sacrifiant défunt vient à la rencontrer est précisément celle d’une vache295. Le souhait qu’il en aille bien ainsi ouvre les GƗșƗ. Le sacrifiant y montre sa conviction qu’Ahura MazdƗ, en réponse au recours fait à la pensée bonne, accueillera son âme et celle de la vache au delà de la mort296 : Y 28.1 ahiiƗ yƗsƗ †nΩmaƾhƗ V ustƗnazastǀ rafΩįrahiiƗ†297 V mainiiÈuš mazdƗ paouruuƯm V spΩQtahiiƗ a¹Ɨ vƯspÈQg ĞiiaoșanƗ V vaƾhÈuš xratnjm298 manaƾhǀ V yƗ299 xšnΩuuƯšƗ gÈušcƗ300 uruuƗnΩm º du bƗr º .·.301 (La conviction que tu es) secourable et savant ou que tu pourras accueillir (mon ruvan) et celui de la vache, cette conviction m’amène à dresser les bras pour (vous) rendre hommage, MazdƗ, et à adresser à tous une première demande en recourant au bon agencement, en faisant les gestes que pareille conviction me dicte ou avec l’efficace du penser bon [(Strophe à réciter) deux fois].

6. Deux textes fondamentaux 6.1. Dk 3.123.2 La deuxième des quatre parties du chapitre 123 du troisième livre du DƝnkard302, texte fondamental pour notre propos, traite des entités abstraites (mƗnyava) situées dans le concret ou en rapport avec lui que sont le ruvan « le Moi », l’uštƗna « le principe de vie ou faculté de mouvement », le baudah « la faculté de perception », le cișra « le signe » et la fravUUti « la préférence » (lvb’n| ; y’n|, HYA ou ’všt’n| ; bvd ; cyhl ; plv’hl ou plvš). Pour devoir y revenir dans de prochains chapitres303, je ne me pencherai pas ici 295

VZ 30.52.5, 30.57-58. Y fait partiellement écho le V 19.31 dans lequel Vahu Manah se lève de son trône d’or pour accueillir le ruvan du pieux défunt. Jean Kellens et moi avions traduit autrement cette strophe (1988-1991 : I 105 et III 19 sq.). 297 rafΩįra- est le dérivé adjectif de raftar- « secourable ». Étant donné que le vers est catalectique, que la césure désarticule le syntagme nΩmaƾhƗ ustƗnazastǀ et que le pronom « vous » manque, je considère que ce premier vers est endommagé. 298 xratnjm est un instrumental que le passage du saPhitƗpƗWha au padapƗWha, par une erreur due à la présence d’un mot commençant par m à sa suite, a maquillé en accusatif. 299 Il est impératif de faire de ahiiƗ le corrélatif de yƗ. Dès lors, ce pronom relatif est à l’instrumental, et son antécédent est forcément ahiiƗ ... rafΩįrahiiƗ mainiiÈuš ... spΩQtahiiƗ. 300 Coordination elliptique du type BºcƗ. 301 ahya yƗsƗ ×rafșrahya V ustƗnazastah namahƗ× V manyauš mazdƗ parviyam V spantahya UtƗ vispƗnh ĞyƗușnƗ V vahauš +xratnj manahah V yƗ xšnavƯša gauš ca ruvanam .·.. 302 Dk 3.123.2 (Dresden 1966 : 742.15-741.17 ; Madan 1911 : 122.5-123.13 ; Bailey 1943 : 207 sq. ; de Menasce 1973 : 126 sq.). 303 IV 4, VI 3.2, VI 10. 296

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sur les conclusions qu’il faut tirer de la lecture de cet exposé médiéval concernant les deux dernières entités. Rien de ce que les textes avestiques et pehlevis nous ont dit du ruvan, du baudah et de l’uštƗna n’entre réellement en contradiction avec ce texte. Parmi les difficultés rencontrées à l’instant de comprendre ce texte304 qui, comme la plus grande part du DƝnkard, figure dans le seul manuscrit de Bombay (B), il convient de signaler que bǀy (bvd QE) y est souvent écrit BRA (DQE)305 ou que, plusieurs fois, il est malaisé de décider entre vaxš « principe de croissance ; esprit [?] »306 et gyƗn « principe de vie » : ';Q (vhš) ou '($(HYA) ? En réalité, à l’exception de la deuxième phrase où nous trouvons ×y’n| (déformé en ’hv| ?), nous devons partout y lire l’araméogramme HYA (gyƗn). Le ductus, qui n’est guère fiable, paraît avoir subi une simplification avec le changement de page, ce que Dh. M. Madan (1911) reproduit fidèlement : sur la première des deux pages (Dresden 1966 : 742), le ductus comporte '(tandis que, sur la seconde (Dresden 1966 : 741), nous trouvons plutôt V(et même une fois