230 85 7MB
French Pages 509 [505] Year 2016
Jacques Augé et Marie-Christine Scherrmann
Chimie verte
Concepts et applications
S AV O I R S A C T U E L S EDP Sciences/CNRS Éditions
Image de couverture: Arête des Dômes de Miage, Massif du Mont Blanc, © Dean Moriarty/fotolia. Imprimé en France
© 2016, EDP Sciences, 17 avenue du Hoggar, BP 112, Parc d’activités de Courtabœuf, 91944 Les Ulis Cedex A et CNRS Éditions, 15, rue Malebranche, 75005 Paris. Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’oeuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle). Des photocopies payantes peuvent être réalisées avec l’accord de l’éditeur. S’adresser au : Centre français d’exploitation du droit de copie, 3, rue Hautefeuille, 75006 Paris. Tél. : 01 43 26 95 35. ISBN EDP Sciences: 978-2-7598-0976-9 ISBN CNRS Éditions: 978-2-271-09167-3
Préface Depuis la prise de conscience des problèmes de santé humaine liés à la pollution, aux rejets toxiques, au dégagement dans l’atmosphère de gaz à effet de serre, mais aussi en raison des difficultés de plus en plus grandes rencontrées lors de l’extraction des matières premières du sous-sol, l’attitude scientifique la plus responsable est de complètement revoir les produits industriels et les procédés qui les produisent afin de concevoir de nouveaux composés utiles à l’Homme en englobant tous les paramètres d’un développement durable, alliant les aspects économiques, environnementaux et sociétaux lors de leur production et de leur élimination. La chimie verte constitue alors un excellent moyen pour atteindre ces objectifs. Le but de cet ouvrage édité par le CNRS dans la très réputée collection Savoirs Actuels est de comprendre les concepts et les objectifs de la chimie verte, de connaître les indicateurs dont elle s’est dotée pour l’évaluation de la « vertitude » d’un produit ou d’un procédé, de prendre conscience des avancées récentes dans tous les domaines de la chimie, en insistant plus spécialement sur les procédés permettant de limiter les déchets, la toxicité des produits et la dangerosité des procédés de production et d’élimination. Formellement, la chimie verte est née à la fin du xxe siècle avec l’énoncé des douze principes qui constituent réellement la feuille de route des chimistes engagés dans cette voie. Ces douze principes de chimie verte ont ensuite été complétés par les douze principes d’ingénierie verte plus généraux. Le chapitre 1 rappelle l’ensemble de ces principes en expliquant leur portée. Il propose des critères et des indicateurs de chimie verte, permettant de comparer rapidement différents procédés et de mettre en valeur ceux qui sont les plus vertueux. Compte tenu de l’urgence concernant les gaz à effet de serre, l’accent est mis sur le recyclage chimique du CO2 permettant de nouvelles approches. Le chapitre 2 est consacré à « l’économie d’atomes » qui constitue la pierre angulaire de toute transformation chimique, tant du point de vue matière que du point de vue énergie. En effet, toute perte d’atomes lors d’une transformation chimique est une perte de matière et corollairement un gâchis d’entropie, qui nuit à l’organisation de la matière que l’on désire habituellement créer en chimie. Outre les réactions à économie d’atomes de 100 %, englobant les réactions multi-composants et les réactions domino, sont décrites également les réactions d’oxydation sur lesquelles des progrès
IV
Chimie verte, concepts et applications
considérables ont été réalisés récemment, puisqu’on peut se limiter souvent à une simple perte d’eau. Le chapitre 3 décrit un grand nombre de processus de catalyse, hétérogène et homogène, avec des catalyseurs enzymatiques, métalliques, acido-basiques ou organiques. S’il reprend parfois des réactions décrites au chapitre précédent, il s’attache essentiellement à décrypter les mécanismes, permettant de comprendre comment on peut accéder aux produits énantiomériquement purs, qui sont d’une importance considérable dans l’industrie pharmaceutique. Ce chapitre est donc plus précisément axé sur la catalyse asymétrique. Partant des problèmes de toxicité, et donc de sécurité, liés à l’usage intensif des solvants en chimie, le chapitre 4 est consacré aux solvants alternatifs et aux procédés multiphasiques. Les propriétés uniques de l’eau sont bien décrites afin de comprendre les potentialités d’une nouvelle chimie dans et sur l’eau. Parmi les fluides supercritiques, mention particulière est faite au CO2 supercritique qui présente de multiples avantages. D’autres solvants alternatifs tels que les liquides ioniques, parfois à tâche spécifique, les solvants fluorés, les polyéthylène glycols sont étudiés et évalués en termes de chimie verte. Enfin, en lien avec le chapitre 6 sur la biomasse, sont décrits de nouveaux solvants bio-sourcés. Le chapitre 5 a trait aux méthodes alternatives d’activation en chimie, telles que la mécanochimie, la chimie sous micro-ondes, la sonochimie, la photochimie. Ces procédés sont évalués et comparés par rapport aux procédés conventionnels. Mention toute particulière est faite aux procédés en flux continu qui commencent à être utilisés avec succès dans l’industrie pour réduire les coûts, les temps de réaction, les dangers intrinsèques liés aux effets d’échelle, pour améliorer la sélectivité des produits, réduire les quantités de catalyseurs nécessaires et pour suivre en temps réel le déroulement des réactions. Quant au chapitre 6, il est entièrement consacré à la biomasse, essentiellement d’origine végétale encore aujourd’hui. La composition chimique de celle-ci est analysée de façon à comprendre comment elle peut être disséquée pour un usage en chimie. Si la biomasse est dégradée, notamment sous forme de déchets, il peut être avantageux de l’utiliser à des fins énergétiques. En revanche, pour la chimie fine, on a intérêt à utiliser la biomasse déjà élaborée, à la modifier éventuellement car elle est déjà polyfonctionnelle (par exemple, elle possède des groupements oxygénés, ou comprenant des atomes d’azote). Cette nouvelle approche que les auteurs appellent « végétalochimie » peut permettre de s’affranchir de la pétrochimie qui nécessite des étapes d’oxydation toujours problématiques (car ne répondant souvent pas aux principes de la chimie verte) pour mettre sur le marché des produits de spécialité. Des exercices sont proposés dans tous les chapitres. Placés dans le corps du texte, ils permettent au lecteur de s’assurer de la bonne compréhension des concepts au moment où ceux-ci sont abordés. Les solutions de ces
PréfaceV
25 exercices sont données dans les annexes qui regroupent aussi quelques rappels de chimie étudiés classiquement en master. Enfin, l’intérêt de l’ouvrage, qui s’attache à mentionner les publications originales parfois anciennes, réside dans le fait que toutes les affirmations, toutes les démonstrations, tous les exemples, s’appuient sur la littérature scientifique comprenant près de 1 000 publications académiques et industrielles, ainsi que brevets et données Internet. Parmi celles-ci, la grande majorité est extrêmement récente et issue des journaux internationaux à fort indice d’impact, montrant par là les innovations fortes de la chimie, reconnues par l’ensemble de la communauté des chimistes. Le lecteur appréciera donc tout particulièrement la vue d’ensemble qu’aborde ce livre unique sur la chimie verte en ce début du xxie siècle. La prise en compte d’une approche chimie verte dans des procédés de production de composés retrouvés dans tous les aspects de la vie humaine (santé, numérique, matériaux, énergie, etc.) est devenue une obligation morale, au vu des accidents majeurs survenus au cours du xxe et au début du xxie siècle, mais surtout une obligation économique dès lors que l’on veut bien se placer à l’échelle du développement durable et du devenir de notre planète. À ce titre, les procédés en microréacteurs à flux continus sont particulièrement innovants et seront source d’inspiration sans aucun doute pour les chimistes, qu’ils soient jeunes ou confirmés, ainsi que pour nos hommes politiques et régulateurs. Dr Bruno Figadère Directeur de recherche au CNRS
VI
Chimie verte, concepts et applications
Les auteurs remercient les experts nommés par le CNRS ainsi que Dr Florian Gallier et Dr Jacques Uziel de l’Université de Cergy Pontoise et Prof. Alberto Marra de l’Université de Montpellier pour leurs relectures attentives.
Table des matières 1 Problématique du développement durable et chimie. . . . . . . . . 1 1 Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 2 Aspects énergétiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 3 Principes de chimie verte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 3.1 Énoncé des 12 principes de chimie verte . . . . . . . . . . . . . . . . 4 3.2 Principe de prévention des déchets. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 3.3 Principe d’économie d’atomes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 3.4 Toxicité et écotoxicité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 3.5 Solvants et auxiliaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 3.6 Principe d’efficacité énergétique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 3.7 Utilisation des matières renouvelables. . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 3.8 Groupes protecteurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 3.9 Principe de catalyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 3.10 Principe de biodégradabilité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 3.11 Analyse en temps réel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 3.12 Diminution des risques chimiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 4 Principes d’ingénierie verte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 4.1 Énoncé des 12 principes d’ingénierie verte. . . . . . . . . . . . . . . 9 4.2 Principe de limitation du danger intrinsèque. . . . . . . . . . . . . 10 4.3 Principe d’optimisation des opérations de séparation et purification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 4.4 Principe d’efficience . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 4.5 Tirer plutôt que pousser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 4.6 Principe de conservation de la complexité. . . . . . . . . . . . . . . 11 4.7 Durable plutôt que pérenne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 4.8 Principe d’adaptation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 4.9 Principe d’uniformisation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 4.10 Principe d’intégration des flux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 4.11 Principe de récupération. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 5 Critères de chimie verte. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 5.1 Au niveau sociétal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 5.2 Au niveau d’une infrastructure. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 5.3 Au niveau d’une compagnie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 5.4 Au niveau des procédés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 6 Indicateurs de chimie verte liés aux masses. . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 6.1 Économie d’atomes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 6.2 Indicateurs liés aux déchets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 6.3 Indicateurs liés aux entrants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 6.4 Économie de matière. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
VIII
Chimie verte, concepts et applications
6.5 Outils d’évaluation de l’économie de matière . . . . . . . . . . . . 20 Analyse de cycle de vie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 7.1 Définition des objectifs et du champ de l’étude . . . . . . . . . . . 21 7.2 Inventaire du cycle de vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 7.3 Évaluation des impacts environnementaux. . . . . . . . . . . . . . . 22 7.4 Interprétation de l’analyse de cycle de vie. . . . . . . . . . . . . . . 22 7.5 Représentation multicritères de la vertitude. . . . . . . . . . . . . . 23 8 Cycle anthropique du CO2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 8.1 Principe de calcul du facteur d’émission de CO2. . . . . . . . . . . 24 8.2 Les différentes méthodes pour réduire le taux de CO2. . . . . . . 26 8.3 Recyclage chimique du CO2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 9 Matières premières critiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 10 Aspects réglementaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 10.1 Réglementation REACH (Register, Evaluation, Authorization, Chemicals) . . . . . . . . . . 30 10.2 Réglementation CLP (Classification, Labellisation, Packaging). . . . . . . . . . . . . . . . 32 10.3 Directive européenne 2009/28/CE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Références. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 7
2 Réactions à économie d’atomes optimale. . . . . . . . . . . . . . . . . 35 1 Hydrogénation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 1.1 Réduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 1.2 Alkylation réductive. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 2 Oxydation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 2.1 Oxydation par l’oxygène moléculaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 2.2 Oxydation par H2O2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 2.3 Couplage oxydatif. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51 3 Économie redox . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 3.1 Économie redox par isomérisation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 3.2 Économie redox par transfert d’hydrogène. . . . . . . . . . . . . . . 62 3.3 Économie redox par dismutation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65 4 Addition de HY (Y = O, N, S) sur double et triple liaisons . . . . . . 66 4.1 Hydratation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66 4.2 Hydroalcoylation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 4.3 Hydrocarboxylation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68 4.4 Hydroamination. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 4.5 Hydrocarbamoylation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73 4.6 Hydrothiolation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73 5 Création de liaisons C-C via des transpositions prototropiques . . . . 75 5.1 Réactions mettant en œuvre un complexe π-allylique . . . . . . . 75 5.2 Hydro versus carbamétallation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75 5.3 Alcynylation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85 5.4 Création de liaisons C-C via un vinylidène métal. . . . . . . . . . 86 5.5 Réactions du méthylène activé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 6 Carbonylation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 6.1 Carbonylation des alcools . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89 6.2 Amidocarbonylation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90 6.3 Carbonylation de Reppe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
PréfaceIX 7
Réactions péricycliques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92 7.1 Cycloadditions [4+2]. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92 7.2 Cycloadditions [2+2]. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94 7.3 Cycloadditions [3+2] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94 7.4 Cycloadditions [2+2+2]. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97 7.5 Réaction ène, réaction et cyclisation de Prins . . . . . . . . . . . . 98 8 Réactions d’aldolisation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100 9 Additions conjuguées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102 10 Réactions domino . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103 10.1 Réactions domino biocatalysées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103 10.2 Réactions domino catalysées par un métal de transition . . . . . 103 10.3 Réactions domino radicalaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 10.4 Réactions domino Michael-α-alkylation et Michael-aldolisation. 107 10.5 Réaction domino Knoevenagel-hétéro Diels-Alder . . . . . . . . . 108 10.6 Réactions multicomposants via imine ou iminium. . . . . . . . . . 108 10.7 Réactions multicomposants à base d’isonitrile . . . . . . . . . . . . 114 10.8 Réactions multicomposants de Hantzsch et de Biginelli. . . . . . 122 10.9 Réaction de Gewald . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124 Références. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125
3 Catalyse. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 1 Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 2 Catalyse hétérogène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134 2.1 Choix du catalyseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136 2.2 Solides minéraux à caractère acido-basique. . . . . . . . . . . . . . 136 2.3 Hétéropolyacides (HPA) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137 2.4 Solides à porosité contrôlée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 2.5 Catalyseurs métalliques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147 2.6 Chimie organométallique de surface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153 3 Catalyse organométallique homogène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154 3.1 Réduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155 3.2 Oxydation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 3.3 Création de liaisons C-C ou C-N via un complexe π-allylique. . 178 3.4 Création de liaisons C-C par couplage organométallique. . . . . 180 3.5 Création de liaisons C-C par couplage organométallique avec transfert d’hydrogène. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185 3.6 Création de liaisons C-C par hydrométallation asymétrique. . . 193 3.7 Métathèse des alcènes et des alcynes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198 3.8 Autres réactions de création de liaison C-C via un métal-carbène. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204 3.9 Création de liaison C-C par cycloaddition asymétrique. . . . . . 208 4 Catalyse par des acides de Lewis et des acides de Brønsted. . . . . . . 210 4.1 Hydrolyse des dithioacétals . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 210 4.2 Cycloadditions énantiosélectives. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211 4.3 Réduction énantiosélective du groupe carbonyle. . . . . . . . . . . 213 4.4 Réactions d’aldolisation énantiosélectives . . . . . . . . . . . . . . . 214 4.5 Réactions de Friedel-Crafts énantiosélectives. . . . . . . . . . . . . 215 4.6 Activation de la liaison C-H sp3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 216 4.7 Catalyse par les sels d’or. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217
Chimie verte, concepts et applications
X 5
Catalyse enzymatique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218 5.1 Cinétique enzymatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219 5.2 Inhibition. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 220 5.3 Spécificité enzymatique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221 5.4 Hydrolases. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222 5.5 Oxydo-réductases. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228 5.6 Lyases. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240 5.7 Transférases. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 246 5.8 Isomérases. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249 6 Organocatalyse. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 250 6.1 Organocatalyseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 250 6.2 Additions nucléophiles sur une double liaison C=O . . . . . . . . 253 6.3 Additions conjuguées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 255 6.4 Additions nucléophiles sur la double liaison C=N. . . . . . . . . . 261 6.5 Fonctionnalisation en α des composés carbonylés. . . . . . . . . . 262 6.6 Cycloadditions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 264 Références. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265
4 Solvants alternatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 277 1 Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 277 1.1 Sécurité, cycle de vie et paramètres écologiques. . . . . . . . . . . 277 1.2 Propriétés des solvants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 280 2 L’eau. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 282 2.1 Structure et propriétés de l’eau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 282 2.2 Solutions aqueuses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 283 2.3 Hydratation hydrophobe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285 2.4 Interactions hydrophobes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 288 2.5 Réactivité dans et sur l’eau. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 288 3 Fluides supercritiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 304 3.1 Propriétés des fluides supercritiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 304 3.2 Réactivité dans les fluides supercritiques. . . . . . . . . . . . . . . . 305 4 Solvants bio-sourcés ou agrosolvants. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 310 4.1 Généralités et exemples. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 310 4.2 Glycérol. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 312 4.3 2-Méthyltétrahydrofurane . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 313 5 Liquides ioniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314 5.1 Structures et propriétés des liquides ioniques. . . . . . . . . . . . . 314 5.2 Liquides ioniques comme milieu réactionnel. . . . . . . . . . . . . . 318 6 Solvants fluorés et techniques associées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 324 6.1 Propriétés des solvants fluorés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 324 6.2 Solvants fluorés comme milieu réactionnel. . . . . . . . . . . . . . . 324 7 Polyéthylène glycols . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 329 7.1 Propriétés des polyéthylène glycols. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 329 7.2 Polyéthylène glycols comme milieu réactionnel. . . . . . . . . . . . 330 Références. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 333 5 Méthodes alternatives en synthèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 339 1 Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 339 2 Chimie sans solvant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 339 2.1 Principe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 339 2.2 Exemples. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 341
PréfaceXI 3
Microondes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345 3.1 Principe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345 3.2 Exemples. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 347 4 Ultrasons. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 351 4.1 Principe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 352 4.2 Exemples. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 353 5 Photochimie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 359 5.1 Principe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 359 5.2 Exemples. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 361 6 Microréacteurs et flux continu. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 372 6.1 Principe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 372 6.2 Exemples. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 378 Références. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 400
6 Biomasse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 407 1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 407 1.1 Composition chimique de la biomasse . . . . . . . . . . . . . . . . . 408 1.2 Propriétés physico-chimiques des principaux constituants. . . . 410 1.3 Dépolymérisation de la matière lignocellulosique . . . . . . . . . . 411 2 Biogaz. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 413 2.1 Biohydrogène. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 413 2.2 Biométhane. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 414 3 Biocarburants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 416 3.1 Généralités sur les biocarburants et les bioliquides . . . . . . . . 416 3.2 Biocarburants de première génération. . . . . . . . . . . . . . . . . . 416 3.3 Biocarburants de deuxième génération . . . . . . . . . . . . . . . . . 420 3.4 Biocarburants de troisième génération. . . . . . . . . . . . . . . . . . 425 4 Bioproduits et biomatériaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 427 4.1 Produits issus de la fermentation des sucres. . . . . . . . . . . . . . 427 4.2 Produits issus de la transformation fonctionnelle des sucres. . . 432 4.3 Produits issus de la dégradation des sucres. . . . . . . . . . . . . . 437 4.4 Produits issus de la dégradation de la lignine. . . . . . . . . . . . . 442 4.5 Produits issus de la filière huiles végétales. . . . . . . . . . . . . . . 442 4.6 Terpènes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 445 Références. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 446 Annexes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 451 1 Annexes du chapitre 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 451 1.1 Corrigé de l’exercice 1 (paragraphe 6.1) . . . . . . . . . . . . . . . . 451 1.2 Corrigé de l’exercice 2 (paragraphe 6.4) . . . . . . . . . . . . . . . . 452 1.3 Calcul de l’économie de matière pour un ensemble de séquences réactionnelles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 454 1.4 Corrigé de l’exercice 3 (paragraphe 8.1) . . . . . . . . . . . . . . . . 469 1.5 Corrigé de l’exercice 4 (paragraphe 8.1) . . . . . . . . . . . . . . . . 469 1.6 Corrigé de l’exercice 5 (paragraphe 8.1) . . . . . . . . . . . . . . . . 470 2 Annexes du chapitre 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 470 2.1 Corrigé de l’exercice 1 (paragraphe 2.1.4) . . . . . . . . . . . . . . . 470 2.2 Corrigé de l’exercice 2 (paragraphe 4.3.2) . . . . . . . . . . . . . . . 471 2.3 Interactions entre molécules ou fragments de molécules. . . . . . 472
XII
Chimie verte, concepts et applications 2.4 Corrigé de l’exercice 3 (paragraphe 7.1) . . . . . . . . . . . . . . . . 473 2.5 Corrigé de l’exercice 4 (paragraphe 7.3) . . . . . . . . . . . . . . . . 475 3 Annexes du chapitre 3. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 475 3.1 Corrigé de l’exercice 1 (paragraphe 3.1.1) . . . . . . . . . . . . . . . 475 3.2 Corrigé de l’exercice 2 (paragraphe 3.2.1.4). . . . . . . . . . . . . . 477 3.3 Corrigé de l’exercice 3 (paragraphe 5.1) . . . . . . . . . . . . . . . . 477 3.4 Corrigé de l’exercice 4 (paragraphe 5.6.2) . . . . . . . . . . . . . . . 479 4 Annexes du chapitre 4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 479 4.1 Constantes physiques des solvants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 479 4.2 Paramètres empiriques pour la classification des solvants . . . . 480 4.3 Corrigé de l’exercice 1 (paragraphe 2.2) . . . . . . . . . . . . . . . . 482 4.4 Corrigé de l’exercice 2 (paragraphe 2.4) . . . . . . . . . . . . . . . . 482 4.5 Corrigé de l’exercice 3 (paragraphe 4.3) . . . . . . . . . . . . . . . . 483 4.6 Corrigé de l’exercice 4 (paragraphe 5.2) . . . . . . . . . . . . . . . . 484 4.7 Corrigé de l’exercice 5 (paragraphe 5.2) . . . . . . . . . . . . . . . . 484 5 Annexes du chapitre 5. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 485 5.1 Corrigé de l’exercice 1 (paragraphe 2.2) . . . . . . . . . . . . . . . . 485 5.2 Corrigé de l’exercice 2 (paragraphe 6.1) . . . . . . . . . . . . . . . . 485 5.3 Corrigé de l’exercice 3 (paragraphe 6.2.7) . . . . . . . . . . . . . . . 486 6 Annexes du chapitre 6. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 488 6.1 Corrigé de l’exercice 1 (paragraphe 2.2) . . . . . . . . . . . . . . . . 488 6.2 Corrigé de l’exercice 2 (paragraphe 3). . . . . . . . . . . . . . . . . . 488 6.3 Corrigé de l’exercice 3 (paragraphe 4.1.1) . . . . . . . . . . . . . . . 489 6.4 Corrigé de l’exercice 4 (paragraphe 4.5.2) . . . . . . . . . . . . . . . 490 Références. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 491
Chapitre 1 Problématique du développement durable et chimie 1. Introduction La chimie est à la base du développement économique et social des sociétés modernes. La gamme de produits chimiques que nous utilisons au quotidien est extrêmement diverse et ces produits apportent une contribution inestimable à la qualité de nos vies. Dans le domaine de la santé, la conception et la synthèse de produits pharmaceutiques (antibiotiques, anticancéreux, antirétroviraux…) a permis de guérir de nombreuses maladies ou de changer notre mode de vie (contraceptifs…). La découverte et l’utilisation raisonnée de produits phytopharmaceutiques ont permis d’augmenter la quantité des denrées alimentaires de façon spectaculaire et d’en améliorer la qualité. La création de nouveaux matériaux a modifié notre habillement (fibres textiles synthétiques), l’hygiène (détergents, produits de soins), l’habitat (isolants, polymères, peintures), les transports (pots catalytiques, piles à combustible), l’électronique (circuits imprimés, cristaux liquides), le sport et les loisirs (matériaux ultralégers, composites). Toutes ces avancées ont amélioré nos conditions de vie, ce qui a contribué à l’augmentation de l’espérance de vie d’environ 60 %, parallèlement à une augmentation de la population mondiale de 1,6 à 6 milliards d’individus au cours du xxe siècle (le chiffre de 7 milliards a été atteint en 2011). Malgré toutes ces avancées, l’image de la chimie auprès de la majeure partie de la population est celle d’une industrie polluante et dangereuse, en raison principalement d’un certain nombre de catastrophes industrielles et de rejets nocifs. Depuis la prise de conscience des répercussions des activités humaines sur les systèmes naturels qui a conduit à la première conférence mondiale sur l’environnement en juin 1972 à Stockholm, divers programmes pour l’environnement ont été mis en place. Le concept de développement durable a été élaboré en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, présidée par le Premier ministre norvégien, Mme Brundtland. Ainsi le développement durable est défini comme étant la capacité des générations présentes à subvenir à leurs propres besoins sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux
2
Chimie verte, concepts et applications
leurs. Dès lors il s’agit d’être socialement Équitable, Écologiquement durable, Économiquement viable (les 3 E en français ou les 3 P en anglais pour People, Planet, Profit). Pour atteindre ce but, la chimie verte apparaît comme un outil privilégié, la plaçant au cœur même du développement durable. D’autres concepts où la chimie verte joue un rôle central concernent l’écologie industrielle, issue de l’analogie avec les écosystèmes naturels [1], et définie classiquement comme l’ensemble des pratiques industrielles destinées à réduire la pollution. Il s’agit en fait d’un ensemble d’opérations de rationalisation de la production permettant une réduction importante des consommations d’énergie et de matière, une minimisation des déchets, une réutilisation des rejets pour servir de matières premières à d’autres processus de production. Plus large encore est le concept d’économie circulaire fondé sur sept principes : l’éco-conception en amont pour minimiser les impacts environnementaux, l’écologie industrielle, l’économie de fonctionnalité (il s’agit de privilégier l’usage plutôt que la possession), le réemploi des produits, leur réparation, la réutilisation de certains éléments, le recyclage.
2. Aspects énergétiques Durant toute la deuxième moitié du xxe siècle, le développement économique s’est appuyé essentiellement sur les ressources d’origine fossile (pétrole, charbon, gaz naturel) peu chères durant toutes ces années. Dès l’instant où ces matières sont brûlées pour des besoins énergétiques, la combustion engendre du gaz carbonique avec des conséquences non maîtrisées sur le climat et les océans (1 tonne de carbone donne 3,7 tonnes de CO2). Rappelons qu’il revient à un chimiste, Arrhenius, prix Nobel en 1903, d’avoir dès 1896 lié l’utilisation industrielle des combustibles fossiles à l’effet de serre et à l’augmentation de la température terrestre [2]. Un autre aspect du problème vient du fait que les ressources conventionnelles d’origine fossile ne sont pas inépuisables, même si des progrès sont faits continuellement pour leur extraction. Il est vrai que les réserves en méthane sont immenses dans les océans et les glaces polaires, celui-ci étant emprisonné sous forme de clathrate, mais son exploitation est a priori difficile. De même, l’existence du gaz de schiste dans les roches peu perméables est connue depuis très longtemps, leur exploitation intensive ayant débuté en 2005 en adaptant la technique de fracturation hydraulique à un forage horizontal, technique qui permet aussi l’exploitation du pétrole de schiste. Ces ressources non conventionnelles, qui ont, en quelques années seulement, bouleversé la géopolitique [3], posent aujourd’hui de graves problèmes environnementaux. Faire face à ces problèmes pour les résoudre au plus vite et développer d’autres sources d’énergie sont des axes de recherche où la chimie peut jouer un grand rôle. Toutes les formes d’énergie ne se valent pas et il est nécessaire d’établir une hiérarchie et une équivalence. Odum, prix Crafoord en 1987, définit une hiérarchie liée à un facteur de qualité énergétique, encore appelé
Problématique du développement durable et chimie 3
transformité [4]. L’énergie solaire étant considérée comme de moindre qualité (a contrario du pétrole, elle ne peut à elle seule être utilisée pour créer un travail mécanique, sans dispositif sophistiqué), elle sert de référence. D’un produit, d’un flux, d’un service, on pourra tirer une énergie, appelée encore exergie. D’autre part, ce produit, ce flux, ce service a emmagasiné de l’énergie à partir de la source initiale du Soleil, appelée émergie (pour EMbedded enERGY) exprimée alors en seJ (solar emergy joule). La transformité est le rapport entre l’émergie et l’exergie, exprimé en seJ/J. Ce rapport est en général élevé. Par exemple, pour le bois, il est de 40 000 seJ/J, alors que pour l’électricité (qui a nécessité plus de transformations pour l’obtenir), il est environ cinq fois supérieur [5]. Ainsi, récupérer 1 joule en brûlant du bois a nécessité au préalable que ce bois ait emmagasiné, au cours de la photosynthèse, 40 000 joules. Cette déperdition naturelle est la conséquence d’un grand nombre de transformations chimiques qui ont eu au final un coût entropique important. Nous verrons en quoi cette notion d’entropie, introduite dès 1865 par Clausius, sert à comprendre le 6e principe d’ingénierie verte lorsque ce sera l’Homme et non plus la Nature, qui aura à en supporter le coût (paragraphe 4.6). Une autre distinction entre les différentes formes d’énergie a une grande importance ; c’est celle qui existe entre l’énergie primaire disponible directement sur Terre et l’énergie finale issue de l’énergie primaire. Les énergies primaires sont par ordre d’importance économique actuelle : yy les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel) ; yy les énergies fissiles (uranium, thorium) ; yy les énergies renouvelables (force mécanique des éléments i.e. eau et vent, biomasse, rayonnement électromagnétique du Soleil, géothermie). La transformation des énergies primaires en énergies finales, directement utiles se fait avec un rendement qui est loin d’être égal à 100 %. Il dépend de nombreux facteurs (pertes énergétiques lors des échanges de chaleur, pertes lors des transports, pertes par rayonnement électromagnétique et effet Joule pour le réseau électrique…). Les énergies fossiles donnent comme énergies finales, directement disponibles, du charbon purifié, des produits pétroliers (essence, gazole et kérosène) et du gaz naturel purifié avec des rendements énergétiques de l’ordre de 50-60 % pour le charbon, de 90 % pour le pétrole et le gaz naturel. Dans ce dernier cas, en dehors des gazoducs, le gaz est liquéfié pour être transporté dans des méthaniers, puis regazéifié dans les ports méthaniers, diminuant d’autant le rendement énergétique. Les énergies fissiles participent pour une large part en France à la production de l’électricité, énergie finale, directement disponible grâce à un réseau très dense. Ce réseau engendre des pertes, le rendement énergétique en France (en considérant que l’électricité est à peu près de 80 % d’origine nucléaire) étant de l’ordre de 30 %. L’électricité est le cas typique d’énergie finale issue d’une transformation énergétique, essentiellement à partir d’énergie thermique (issue de ressources fossiles, fissiles, biomasse), mais aussi d’énergie mécanique (hydraulique, éolien, hydrolien…) ou photovoltaïque.
4
Chimie verte, concepts et applications
3. Principes de chimie verte En 1991, Anastas qui était alors le responsable de la Direction générale de la Chimie industrielle à l’Agence pour la protection de l’environnement des États-Unis, a énoncé le concept de Green Chemistry. L’objectif de la chimie verte, également nommée « chimie en faveur du développement durable » ou « chimie éco-compatible » ou encore « chimie durable », est de prévenir la pollution en concevant les produits et les procédés chimiques permettant de réduire ou d’éliminer à la source l’utilisation et la synthèse de substances dangereuses. En 1998, Anastas et Warner ont proposé douze principes pour mettre en pratique la chimie verte, une chimie moderne respectueuse de l’environnement [6]. Tous ces principes visent à diminuer les rejets, la quantité de matière utilisée, en particulier les ressources non renouvelables, la dépense énergétique ainsi que les risques et les dangers [7]. Pour être vraiment verte, la chimie doit satisfaire complètement les douze principes. Si un seul est satisfait, on peut être très loin de la chimie verte. On s’en approche si la grande majorité des principes sont satisfaits, mais il est clair qu’il faudra se munir d’indicateurs précis pour évaluer la « vertitude » (une verte attitude, greenness en anglais) des procédés chimiques. Dans une industrie chimique idéale, les produits seraient conçus pour avoir le minimum d’impact sur l’environnement, les matières premières seraient d’origine renouvelable (biomasse), les réactions seraient faites avec des catalyseurs recyclables et non des promoteurs stœchiométriques, les procédés n’utiliseraient aucun solvant ou des solvants n’ayant pas d’impact sur l’environnement et recyclables, les synthèses se feraient dans des réacteurs de petites dimensions afin de minimiser tout risque, la dépense énergétique serait maîtrisée, les sous-produits seraient minimisés et si possible recyclés, enfin, les produits seraient manufacturés au voisinage de leur lieu d’utilisation pour minimiser les transports. Les potentialités de la chimie verte sont immenses, ce qui fait dire à Ryoji Noyori, prix Nobel de chimie en 2001 : « Green chemistry is not just a mere catch phrase; it is the key to the survival of mankind » [8].
3.1. Énoncé des 12 principes de chimie verte 1. Il vaut mieux ne pas avoir de déchets que d’avoir à les traiter. 2. Dans une réaction, il faut optimiser l’incorporation des atomes des réactifs dans le produit final. 3. Il est souhaitable de concevoir des synthèses moins dangereuses, qui utilisent et conduisent à des produits peu ou pas toxiques pour la santé et l’environnement. 4. Les produits chimiques doivent être conçus de façon à préserver leur fonction tout en réduisant leur toxicité. 5. L’utilisation des solvants et des substances auxiliaires doit être réduite au maximum.
Problématique du développement durable et chimie 5
6. La dépense énergétique doit être réduite en privilégiant les procédés ayant lieu à température et pression ambiantes. 7. Il vaut mieux utiliser les matières renouvelables plutôt que les matières fossiles. 8. Les produits dérivés (protection temporaire par exemple) doivent être évités dans la mesure du possible. 9. Les procédés catalytiques sont supérieurs aux procédés stœchiométriques. 10. Les produits chimiques doivent être conçus en intégrant leur mode de dégradation finale. 11. Des méthodes analytiques en temps réel doivent être mises au point pour contrôler le procédé avant toute formation de substances nocives. 12. Les procédés sont choisis de façon à minimiser les risques d’accidents, de rejets, d’explosions et d’incendies.
3.2. Principe de prévention des déchets Le premier principe est un principe de prévention. La conception d’un produit n’est plus uniquement faite de manière à ce qu’il réponde aux fonctions auxquelles il est destiné ; l’éco-conception du produit exige de limiter au maximum les émissions et les sous-produits qui ont nécessairement un impact sur l’environnement. Ne pas avoir à traiter, à laver et/ou à éliminer les déchets présente de plus un avantage non négligeable en termes économiques puisque le traitement des rejets peut atteindre 40 % du coût global d’un procédé. Le premier principe, dit principe de prévention, peut être quantifié par le facteur E (ou facteur environnemental de Sheldon), défini dès 1992 comme suit [9] : masse des déchets masse du produit Tout ce qui n’est pas recyclé dans le processus, tels que réactifs en excès, solvants, catalyseurs, support de chromatographie, etc., est pris en compte dans le calcul des déchets. E=
Secteur
Production (tonnes)
Facteur E
Raffinage
6
10 -10
8
environ 0,1
Chimie de spécialités
4
10 -10
6
1. L’équation (3) devient : x ( νa M A + ϕ νb M B ) + S ν MI = a (4) νP εx MP νA
En divisant chaque terme par
MI =
où AE = b= s=
x ( νa M A + νb M B ) , l’équation (4) devient : νa
νp MP
νa M A + ν b M B
( ϕ−1) νb MB
ν a MA + ν b MB
=
1 +b +s ε AE
(5)
est l’économie d’atomes de la réaction.
masse de l’excès de B masse des réactants pris en quantité stœchiométrique
S masse des auxiliaires = x masse des réactants pris en quantité stœchiométrique ( νa MA + ν b MB ) νa
Si dans l’équation (5) on omet le terme s, on obtient l’inverse de RME, si bien que
RME =
ε AE (6) 1 +b
Chimie verte, concepts et applications
18
Qu’arrive-t-il si l’on récupère les réactants (A et/ou B) ou bien les sous-produits Q ? Il suffit de soustraire ce qui est récupéré, mais attention, il faut probablement des auxiliaires pour faire ce recyclage. Dans l’équation suivante, la valeur de s est probablement accrue par rapport à la précédente. où r=
q=
MI = R
x ( νa MA + ν b MB) νa
=
1 +b +s −r −q (7) ε AE
masse des réactants récupérés masse des réactants pris en quantité stœchiométrique
Q masse des sous-produits récupérés = x masse des réctants pris en quantité stœchiométrique ( νa MA + νb MB) νa
La valeur de RME devient
RME =
ε AE (8) 1 +b −r −q
Si tous les réactants qui ne donnent pas de produits sont récupérés, alors
r = 1 + b − ε.
Si tous les sous-produits sont récupérés, alors q = ε (1 − AE ) . Ainsi, si tous les réactants et les sous-produits sont récupérés, RME = 1. Revenons à l’équation (2) ; si l’on divise numérateur et dénominateur du S x s par terme , si bien ( νa M A + νb M B ) , on obtient masse du produit νa ε AE s dans le cas où RME = 1 (réacque l’équation (2) devient MI = 1 + ε AE tants et sous-produits récupérés)
s (9) ε AE L’équation (9) montre que le facteur E dépend du rendement et de l’économie d’atomes de la réaction même si les réactants n’ayant pas réagi (diminuant de ce fait le rendement) sont récupérés et même si les sous-produits (leur existence diminuant AE) sont récupérés [19]. Comme on l’a déjà dit, ce facteur dépend fortement de l’ensemble des auxiliaires utilisés, comprenant ceux utiles à la récupération. si bien que dans ce cas E =
6.4. Économie de matière Considérons un produit P obtenu à partir de composés de départ notés Ai et nécessitant les réactifs notés Bj avec leurs coefficients stœchiométriques
Problématique du développement durable et chimie 19
nai et nbj respectivement, alors on peut définir une économie globale d’atomes GAE telle que : GAE =
∑n
npMP
aiMAi
i
+
∑n j
bj MBj
=
masse molaire du produit affectés de leur coef. stœch. masse molaire des réactants
où MP, MAi, MBj sont les masses molaires de P, Ai et Bj. On peut, par analogie, également définir une économie de matière globale GME telle que GME =
masse du produit masse des entrants
Par entrants, on considère les composés Ai et Bj, mais aussi les auxiliaires (solvants…). Pour une réaction unique, GME (inverse de MI) est proportionnel à l’économie d’atomes de la réaction (voir équation 5). Pour une séquence de réactions linéaires et/ou convergentes, nous avons démontré [20] que GME était également proportionnel à l’économie d’atomes, appelé pour l’ensemble de la séquence économie d’atomes globale (GAE). Le terme GME (Global Material Economy) a été choisi pour bien souligner l’analogie. Le fait que GME soit, pour n’importe quelle synthèse, quel que soit le nombre d’étapes et quel que soit le nombre de points de convergence, proportionnel à GEA (voir en annexes, paragraphe 3, la démonstration mathématique) est primordial car cela montre que le facteur économie d’atomes va, au premier chef, déterminer l’économie de matière et au final la quantité totale de déchets, exprimée par E, puisque E =
1 − 1 (10) GME
Exercice 2 Pfizer a reçu le prix anglais du meilleur processus vert en 2003 pour la synthèse du citrate de sildenafil (Viagra™). Pour chacune des deux premières étapes de la synthèse (Schéma 1.4) [21], dont le mode opératoire figure ci-dessous, calculer le rendement chimique, l’économie d’atomes, l’efficacité massique, l’économie de matière et le facteur E en considérant qu’aucun réactif ou solvant n’est recyclé. O HO
Me N N A
Pr
O HNO3
HO O2N
Me N N B
Pr
O SOCl2 NH3
H2N O2N
Me N N C
Pr
Schéma 1.4 : Les deux premières étapes de la synthèse du citrate de sildenafil
20
Chimie verte, concepts et applications
Le composé A (1,59 kg) en solution dans de l’acide sulfurique concentré (6,36 L) est chauffé à 50 °C et traité avec un mélange d’acide nitrique fumant (90 %, 0,55 L, 11,705 mol) dissous dans de l’acide sulfurique concentré (1,35 L). L’addition est faite sur une période de 2 h en contrôlant la température. À la fin de l’addition, le milieu réactionnel est agité pendant 8 h à 50 °C, refroidi à température ambiante, et versé avec précaution sur de l’eau froide (34 L, 4 °C) durant 1 h en maintenant la température en dessous de 25 °C. Le composé qui a précipité est isolé par filtration et séché sous vide à 50 °C pour donner B sous forme d’un solide jaune pâle (1,93 kg). Le composé B (1 kg) est mis en suspension dans du toluène (5 L) et une quantité catalytique de DMF (37 mL) est additionnée. Le mélange est chauffé à 50 °C et du chlorure de thionyle (0,544 L, 7,5 moles) est additionné sur une période de 10 min. À la fin de l’addition, le mélange réactionnel est agité et chauffé à 55-60 °C pendant 6 h. Le mélange est ensuite distillé sous vide (55 à 65 °C) jusqu’à ce que 0,5 L de solvant soit retiré. Le mélange est refroidi à 20 °C et une solution concentrée d’ammoniaque (6 L, 4 M) froid (5 °C) est additionnée pendant 100 min. Le composé précipité est récupéré par filtration, lavé avec de l’eau (2 × 2 L), et séché à 50 °C pour donner C sous la forme d’un solide blanc (0,92 kg). Données Masses molaires (g/mol) : MA = 168,19 ; MHNO3 = 63,01 ; MB = 213,19 ; MSOCl2 = 118,97 ; MNH3 = 17,03 ; MC = 212,2. Densités (g/mL) : H2SO4 1,84 ; HNO3 90 % 1,48 ; toluène 0,68 ; DMF 0,94 ; ammoniaque 4 M 0,91.
6.5. Outils d’évaluation de l’économie de matière La détermination de l’économie de matière, ou son inverse l’intensité massique, et corrollairement celle du facteur environnemental sont de bons outils d’évaluation des impacts. Dans le logiciel EATOS (Environmental Tool for Organic Syntheses) [22], ces paramètres sont complétés par l’impact environnemental des matières premières Ein = MI*Qin ainsi que par celui des produits et déchets Eout = E*Qout. Les paramètres Qin et Qout tiennent respectivement compte de la toxicité des matières premières (input), et de celle des produits et déchets (output). L’ensemble des valeurs de ces paramètres sont combinées pour donner une valeur globale pour chaque processus.
Problématique du développement durable et chimie 21
7. Analyse de cycle de vie L’analyse de cycle de vie est une méthode d’évaluation des impacts environnementaux qui peut s’appliquer à différents secteurs [23]. C’est une démarche itérative qui fait le bilan des flux de matières et d’énergies entrant et sortant à chaque étape du cycle de vie d’un produit, depuis l’extraction des matières premières qui le composent jusqu’à son élimination en fin de vie (mise en décharge, incinération, recyclage…), en passant par les phases de fabrication, distribution, utilisation (Figure 1.1). Un tel cycle est qualifié « du berceau à la tombe ». Selon les normes ISO 14040 et 14044, une analyse de cycle de vie comporte quatre stades, définis ci-dessous.
transport! matières premières ! Þn de vie! fabrication!
utilisation! distribution!
transport!
Fig. 1.1 : Analyse de cycle de vie
7.1. Définition des objectifs et du champ de l’étude Il faut tout d’abord définir dans quel but (éco-conception, communication, évaluation comparative) l’étude est réalisée. Il faut également définir une unité fonctionnelle (par exemple la production d’une tonne de produit chimique), les frontières du système (à partir de quelles matières premières fait-on démarrer l’étude, quelles étapes du cycle de vie sont prises en compte ?), les paramètres-clés (pureté du produit par exemple), les flux de référence (matière, énergie, transport…), les catégories d’impact à considérer, les méthodes d’allocation des impacts environnementaux (par exemple dans un procédé donnant accès à plusieurs produits qui peuvent être valorisés).
22
Chimie verte, concepts et applications
7.2. Inventaire du cycle de vie Il s’agit de faire l’inventaire des flux (flux entrants tels que eau, matières premières, énergie, flux sortants tels qu’émissions dans l’air, l’eau, les sols), de les quantifier pour chaque processus élémentaire, de les mettre à l’échelle de l’unité fonctionnelle, de les agréger (par exemple les émissions de CO2 de tous les processus élémentaires sont additionnées en une seule valeur).
7.3. Évaluation des impacts environnementaux L’évaluation des impacts environnementaux, rapportée à une unité fonctionnelle, s’appuie sur l’inventaire du cycle de vie, c’est-à-dire sur l’ensemble des flux qui sont agrégés dans des catégories d’impacts, donnant lieu à des indicateurs d’impact. L’évaluation des impacts du cycle de vie vise à transformer l’inventaire de flux en une série d’impacts potentiels clairement identifiés, un flux pouvant engendrer plusieurs impacts et plusieurs flux pouvant contribuer à un même impact. Du fait de la multiplicité des catégories d’impacts, il faut que celles-ci ne soient pas redondantes et ne conduisent pas à des doubles comptages. À chaque catégorie d’impact, on associe un indicateur numérique rapporté à l’unité fonctionnelle. Pour chaque impact environnemental, il existe différentes méthodes de calcul qui permettent de traduire les données d’inventaire en valeurs d’impacts. Certains indicateurs peuvent être agrégés dans des catégories d’impacts intermédiaires (appelés indicateurs orientés problèmes ou « mid-point ») telles que toxicité pour l’homme, réchauffement climatique, oxydation photochimique, acidification et eutrophisation aquatiques… Ces indicateurs intermédiaires peuvent eux-mêmes être agrégés en catégories d’impacts orientés dommages ou « end-point » tels que les impacts sur la santé humaine, le changement climatique, la qualité des écosystèmes, les ressources…
7.4. Interprétation de l’analyse de cycle de vie L’interprétation vise à établir des conclusions en mettant en avant les méthodes de vérification employées et les limites de l’étude. Ceci va permettre d’évaluer quels entrants et quels processus sont les principales sources de l’impact environnemental. Ainsi dans la synthèse totale d’un médicament par exemple, il n’est pas rare de constater que les solvants constituent 80 à 90 % des déchets et des impacts environnementaux [24], ce qui justifie l’utilisation de solvants alternatifs (voir chapitre 4). Un aspect important de l’interprétation est lié à l’incertitude due aux choix réalisés et aux hypothèses formulées tout au long des processus ainsi que des incertitudes liées aux bases de données. Une analyse de perturbation permettra d’évaluer la sensibilité d’un paramètre. Dans tous les cas, les hypothèses choisies devront être cohérentes entre elles.
Problématique du développement durable et chimie 23
Il est important que les méthodes d’analyse soient parfaitement transparentes en mettant en avant les méthodes de vérification employées afin de pouvoir évaluer la pertinence du résultat et d’établir les limites de l’étude.
7.5. Représentation multicritères de la vertitude Des représentations graphiques multicritères permettent d’avoir une vue d’ensemble de la vertitude d’un produit ou d’un procédé. Dow Europe a développé une telle méthode appelée Eco-Compass, elle comporte six axes représentant l’intensité énergétique, l’intensité de matière, le risque, la sécurité et l’environnement, la préservation des ressources, l’extension de service ou de fonction, la réutilisation ou la revalorisation des déchets (Figure 1.2) [25]. Chaque axe est gradué de 0 à 5, la valeur pour le produit de référence est de 2 par convention et la nouvelle option peut être notée de 0 (impact environnemental doublé) à 5 (impact environnemental réduit d’au moins un facteur 4). On obtient ainsi des graphes en forme de radar ou de toile d’araignée permettant de comparer diverses options. intensité de matière (MI) ! 5! 4! réutilisation ou revalorisation des déchets !
3! 2!
intensité énergétique !
1! 0!
préservation des ressources !
extension de service ou de fonction !
risque (santé et environnement) !
Fig. 1.2 : Outil Eco-Compass D’autres représentations polygonales peuvent également être utilisées à des fins décisionnelles lorsque plusieurs procédés peuvent être envisagés [26].
8. Cycle anthropique du CO2 Nous avons vu qu’Arrhenius publia en 1896 une étude prévoyant l’influence sur la température terrestre de l’augmentation de gaz à effet de serre, tels que le CO2. Les raisons anthropiques de cette augmentation sont liées à l’extraordinaire essor de l’industrie et des transports à partir de la fin du xixe siècle. Le gaz carbonique n’est pas en soi un gaz toxique ; il est même naturel, produit par la respiration animale. De forts dégagements
24
Chimie verte, concepts et applications
peuvent aussi avoir lieu lors des éruptions volcaniques par exemple. Au cours des 800 000 dernières années, son taux a régulièrement fluctué entre 180 et 300 ppm, avec une périodicité de plusieurs centaines de milliers d’années, d’après des études de carottes glaciaires en Antarctique. Aucun taux supérieur à 300 ppm n’avait été enregistré avant le début du xxe siècle. Ce taux est aujourd’hui de l’ordre de 400 ppm. La figure 1.3 représente le cycle anthropique du CO2, qui met en relief la possibilité dans un futur proche d’un recyclage chimique (voir paragraphe 8.3).
Fig. 1.3 : Cycle anthropique du CO2
8.1. Principe de calcul du facteur d’émission de CO2 Ce facteur est défini comme le rapport entre la quantité (en masse) de CO2 émis par unité d’activité (exprimée en masse, volume ou énergie). Parmi les industries fortement génératrices de CO2, citons les industries sidérurgiques et les cimenteries. La production de fonte et d’acier est fondée sur les équilibres de Chaudron (Schéma 1.5a et b), chimiste français qui a étudié la thermodynamique des hauts fourneaux, où le minerai est réduit par le monoxyde de carbone, libérant ainsi de grosses quantités de CO2. Les cimenteries utilisent la calcination du calcaire à 1 300 °C libérant également du CO2 (Schéma 1.5c). On s’aperçoit que la production d’une mole de chaux s’accompagne donc de la libération d’une mole de CO2.
Problématique du développement durable et chimie 25
a) 1/4 Fe3O4 + CO
3/4 Fe + CO2
à T< 590 K à T> 590 K
b)
Fe3O4 + CO
3 FeO + CO2
FeO + CO
Fe + CO2
c)
CaCO3
CaO + CO2
Schéma 1.5 : Équilibres de Chaudron (a et b) et calcination du calcaire (c) Exercice 3 Sachant que le ciment est formé de 62 % de chaux en masse, calculer l’émission de CO2 minimale encore appelée l’empreinte carbone minimale, exprimée en kg de CO2 par kg de ciment. Si l’on tient compte de l’empreinte carbone du fuel pour chauffer le four à 1 300 °C, l’émission de CO2 calculée (voir en annexes le paragraphe 1.4) est sensiblement augmentée jusqu’à atteindre 0,7 à 1 kg de CO2 par kg de ciment [27]. D’une façon générale, pour un composé organique de masse molaire M et contenant n atomes de carbone, l’empreinte carbone est au minimum égale à 44 n/M exprimée en kg de CO2 émis par kg de produit. Au niveau du chauffage et des transports, les fortes émissions de CO2 sont liées à la réaction de combustion. Exercice 4 Déterminer l’empreinte carbone d’une automobile, exprimée en grammes de CO2 par km parcouru, en supposant que la consommation d’essence est de 6 litres aux 100 km. On fera l’approximation que l’essence est de l’octane de masse volumique 0,7 g · mL–1. L’automobile serait-elle aux normes si l’on fixait l’émission maximale à 120 g de CO2 émis par km ? Le marché du CO2 est fluctuant. En supposant un cours fixé à 30 euros par tonne, de combien de centimes d’euros faudrait-il augmenter l’essence si l’on voulait répercuter les coûts sur l’automobiliste ? Avec l’approximation utilisée dans le calcul (voir en annexes le paragraphe 1.5), on est proche des valeurs expérimentales. En effet, pour les hydrocarbures classiques, les émissions de CO2 sont de 2,34 (essence), 2,57 (kérosène) et 2,68 (diesel) kg de CO2 par litre de carburant respectif. Plus l’hydrocarbure est lourd, plus il émet du CO2 par combustion. Ces valeurs ne constituent qu’une fraction de l’empreinte carbone de ces carburants, car il faut aussi tenir compte du CO2 émis lors de leur production et de leur distribution.
Chimie verte, concepts et applications
26
Le gaz naturel (constitué essentiellement de méthane) est l’hydrocarbure considéré comme le plus propre car produisant le moins de CO2 par unité énergétique. La réaction de combustion de CH4 montre qu’une mole de CH4 libère 44,01 g de CO2 (1 mole) et 893 kJ (Schéma 1.6). En utilisant cette énergie fossile, la production de 1 kJ entraîne au minimum une émission de 0,0493 g de CO2, soit 177,4 g de CO2 pour 1 KWh (3 600 kJ). Là encore, ces valeurs sont nettement sous-évaluées puisqu’il faut aussi tenir compte des émissions liées à la production et à la distribution du gaz naturel. CH4 + 2 O2
CO2 + 2 H2Oliq
∆rH° = - 893 kJ/mol
Schéma 1.6 : Combustion du méthane Exercice 5 Calculer l’enthalpie standard de la réaction de combustion du méthane, connaissant les enthalpies standards de formation de CO2, H2O et CH4. ∆ f H °(CO2 ) = −393 kJ / mol ∆ f H °( H 2O )liq = −285 , 8 kJ / mol ∆ f H°(CH 4 ) = −71, 3 kJ / mol
8.2. Les différentes méthodes pour réduire le taux de CO2 On peut distinguer quatre grandes méthodes qu’il faut probablement mettre en avant simultanément pour obtenir une réduction effective du taux de CO2.
Diminution de la consommation Le gaz carbonique étant émis dans tout moteur à explosion, une réduction de la consommation de carburants par exemple entraîne automatiquement une réduction de CO2. Cette diminution, qui oblige à une meilleure performance énergétique, est essentielle en termes de développement durable. Au niveau de l’isolation des bâtiments, valable aussi bien en hiver qu’en été, les marges de manœuvre sont immenses.
Utiliser les énergies renouvelables et le nucléaire Les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel) émettent par combustion du gaz carbonique. Il est clair que les centrales nucléaires émettent infiniment moins de CO2 que les centrales thermiques. L’énergie nucléaire n’est cependant pas une énergie renouvelable puisqu’il y a consommation de combustible, même s’il y a recyclage d’une grande partie des déchets (il reste des déchets ultimes qui constituent un problème majeur dans cette industrie). De plus, les réserves en combustible facilement exploitable sont
Problématique du développement durable et chimie 27
limitées. Parmi les énergies renouvelables, citons la géothermie, l’hydraulique, le solaire, l’éolien, l’hydrolien ou la biomasse. Pourquoi dit-on que les biocarburants issus de la biomasse végétale, tels que l’éthanol, permettent de réduire le taux de CO2 ? Grâce à la réaction de photosynthèse, 6 moles de CO2 sont absorbées pour produire 1 mole de glucose (Schéma 1.7). En revanche, 1 mole de glucose donne 2 moles d’éthanol par fermentation, mais aussi 2 moles de CO2. Les 2 moles d’éthanol donnent 4 moles de CO2 par combustion, si bien que 1 mole de glucose est au final transformée en 6 moles de CO2 si l’éthanol sert de biocarburant. Théoriquement, le bilan est équilibré. Ceci ne tient pas compte de l’énergie nécessaire aux procédés mis en œuvre, mais ce simple calcul permet de répondre à la question posée. 6 CO2 + 6 H2O C6H12O6
C6H12O6 + Glucose
O2
2 C2H5OH + 2 CO2
C2H5OH + 3 O2
2 CO2
+ 3 H2O
photosynthèse fermentation alcoolique combustion
Schéma 1.7 : Bilan simplifié concernant la biomasse végétale
Piéger le gaz carbonique Le CO2 émis est naturellement piégé dans les océans (avec risque de forte acidification si le taux de CO2 est trop élevé), par les forêts et les plantes (grâce à la photosynthèse). La voie biologique de piégeage du CO2 correspond donc à un reboisement. La voie chimique consiste à le piéger sous forme de carbonates comme la nature le fait pour le calcaire [28]. La troisième possibilité est la voie géologique : elle consiste à piéger le gaz en l’injectant sous pression dans le sous-sol ou dans des aquifères profonds [29]. Le diagramme thermodynamique du CO2 (voir chapitre 4, paragraphe 3.1) montre qu’il est en phase supercritique (phase condensée) à une température supérieure à 31 °C et une pression supérieure à 74 bars. Or il se trouve qu’à la profondeur de 700 mètres on est dans les conditions de température et de pression idéales pour du CO2 supercritique ayant une densité de 0,47 g · mL–1.
Réduire le CO2 en méthane ou en méthanol (voir Schéma 1.8) La réaction de réduction de CO2 en méthane sur un catalyseur au nickel a été découverte en 1902 par Sabatier, chimiste français, prix Nobel en 1912. Le CO2 peut également être réduit en acide formique ou en méthanol. L’importance de ce produit au niveau économique a été soulignée dès 1986 par le chimiste allemand Asinger [30]. Le concept de réduction du CO2 en
Chimie verte, concepts et applications
28
méthanol est pour Olah, chimiste américain, prix Nobel en 1994, la porte pour une nouvelle économie fondée sur le méthanol, après celles fondées sur le bois (xviiie siècle), sur le charbon (xixe siècle), sur le pétrole (xxe siècle) et transitoirement sur le gaz naturel [31].
8.3. Recyclage chimique du CO2 Trois approches sont possibles, une approche horizontale où le CO2 est incorporé sans changement du nombre d’oxydation du carbone (préparation de l’urée à partir d’ammoniac, de polycarbonates à partir d’époxyde), une approche diagonale où le CO2 est incorporé avec réduction du nombre d’oxydation du carbone (préparation d’amides, d’esters et d’alcools) [32] et une approche verticale correspondant à une simple réduction du CO2 (pour une revue sur l’exploitation et le recyclage du CO2, voir [33]). Nous développerons ici essentiellement cette dernière car elle peut constituer, dans un proche avenir, un moyen non négligeable de réduire le taux de CO2 tout en permettant un stockage d’énergie. Certes la réduction de CO2 en méthane est consommatrice d’hydrogène (Schéma 1.8). Dans le cas de la réaction de Sabatier-Senderens, c’est un moyen de produire du méthane à des fins énergétiques, l’eau étant un sous-produit. À titre anecdotique, mais tout à fait exemplaire de retombées non prévues à l’avance et qui nous obligent à changer de paradigme, on notera que, dans le système de Sabatier mis au point par la NASA, l’eau est le composé intéressant à produire, le méthane étant le déchet ! L’approvisionnement en eau est en effet un problème majeur pour les astronautes de la station spatiale internationale. Grâce au système Sabatier, le CO2 émis par les six astronautes peuvent produire 2,5 t d’eau par an, le méthane étant rejeté [34]. CO2 + 4 H2 CO2 + 3 H2
+ 2 H2Oliq
∆rH°= - 250 kJ.mol-1
CH3OHliq + H2Oliq
∆rH°= - 131 kJ.mol-1
CH4
Schéma 1.8 : Réduction du CO2 en méthane ou en méthanol La réaction de réduction en méthanol est également exothermique et exige des catalyseurs spécifiques, tels que cuivre sur oxyde de zinc ou alumine à 220-250 °C sous 10-30 bars [35]. De même, la réduction du CO2 en acide formique est exothermique (Schéma 1.9), mais en raison d’une forte diminution d’entropie (deux molécules fusionnent pour n’en donner qu’une), la réaction est endergonique. BASF a mis au point un procédé utilisant de la trihexylamine permettant de rendre la réaction beaucoup plus exothermique et finalement exergonique [36]. Le choix de l’amine a été dicté par le fait que le procédé permet une
Problématique du développement durable et chimie 29
catalyse biphasique (voir chapitre 4), l’amine et le catalyseur étant recyclés par décantation. CO2 +
H2
CO2 + H2 + NHex3
HCOOHliq
∆rH°= - 31,2 kJ.mol-1
[HCOO] [HNHex3]sol
∆rH°= - 77 kJ.mol-1
Schéma 1.9 : Réduction du CO2 en acide formique L’hydrogène est aujourd’hui essentiellement produit via le gaz de synthèse (CO + H2) par gazéification du charbon, mais aussi par reformage du méthane ou par gazéification de la biomasse. Une méthode plus propre mais qui exige beaucoup d’énergie électrique consiste à faire l’électrolyse de l’eau. Aussi, près d’un centre producteur d’électricité, le CO2 peut-il être transformé en méthanol permettant ainsi son stockage. Cet exemple d’écologie industrielle trouve dès aujourd’hui une application en Islande où du méthanol est produit à partir de CO2 et d’H2 par CRI (Carbon Recycling International). Notons qu’un tiers de l’hydrogène se retrouve sous forme d’eau, alors même que l’hydrogène provient de l’électrolyse de l’eau. Ce cas concret montre bien l’importance du concept d’économie d’atomes. Le méthanol est un intermédiaire de synthèse pour l’industrie chimique (production de formaldéhyde, méthyl tert-butyl éther, acide acétique, esters méthyliques des huiles végétales…). Il a un excellent pouvoir de combustion avec un indice d’octane supérieur à 100 ; il peut équiper des véhicules à moteur flexible, fonctionnant au M15 ou au M85 par exemple (essence contenant 15 ou 85 % de méthanol). La déshydratation du méthanol donne du diméthyléther (DME), qui a un indice de cétane supérieur au diesel. Le DME peut être transformé en éthylène et propylène grâce à des procédés utilisant des catalyseurs de type zéolithes. Ce sont des procédés appelés MTO (Methanol To Olefins) par opposition aux procédés MTG (Methanol To Gazoline) permettant la transformation directe du méthanol en hydrocarbures aliphatiques pour la production d’essence et de diesel. Par analogie avec le cycle naturel du CO2, il existe donc un cycle anthropique du CO2 (Figure 1.2). D’une part, le CO2 est libéré par respiration animale, par fermentation, par combustion pour le chauffage et les transports, par oxydation dans l’industrie sidérurgique, par calcination dans les cimenteries, etc. D’autre part, le CO2 est piégé par les végétaux, les océans, éventuellement stocké dans des fosses profondes, mais il peut aussi être réduit en acide formique, en méthane ou en méthanol qui est lui-même utile dans l’industrie, les transports, etc. [37].
Chimie verte, concepts et applications
30
9. Matières premières critiques L’Union européenne a répertorié 14 matières premières critiques, essentiellement des métaux (Tableau 1.2) [38]. Ces matières sont considérées comme critiques car les réserves connues sont localisées dans certaines zones géographiques parfois à risques, que l’extraction des minerais coûte de plus en plus chère, qu’elles ont par ailleurs une importance économique vitale pour le développement des nouvelles technologies, notamment celles qui sont envisagées pour l’essor des énergies renouvelables [39]. Cela exige donc de porter une attention particulière à leur recyclage [40]. antimoine
gallium
magnésium
béryllium
germanium
niobium
cobalt
graphite
tantale
fluorine
indium
tungstène
métaux du groupe du platine (platine, palladium, iridium, rhodium, ruthénium et osmium) terres rares (yttrium, scandium et lanthanides)
Tab. 1.2 : Liste des matières premières critiques au niveau de l’UE À titre d’exemple, les turbines des éoliennes nécessitent de 100 à 200 kg de néodynium par MW. À l’échelle de l’Europe, une production de 350 GW éoliens est prévue à l’horizon 2050, ce qui correspondrait à 70 000 t de néodynium, soit une part non négligeable de la production totale sachant que les réserves sont estimées à 10 millions de tonnes. Il se pose alors la question d’utiliser des matériaux moins efficaces mais plus disponibles.
10. Aspects réglementaires 10.1. Réglementation REACH (Register, Evaluation, Authorization, Chemicals) Une nouvelle réglementation (REACH) sur les substances chimiques a été votée par le Parlement européen le 13 décembre 2006, réglementation qui s’applique en France depuis le 1er juin 2007, date de la mise en place de l’ECHA (European Chemicals Agency), Agence européenne chargée de la réglementation REACH, située à Helsinki. Cette réglementation s’oppose aux précédentes directives européennes en ce sens que ce sont aux industriels de fournir les preuves toxicologiques que leurs produits sont sûrs, et non plus aux pouvoirs publics de prouver qu’ils sont nocifs. Cette révolution figure dès l’article premier : Article premier : il incombe aux fabricants, aux importateurs et aux utilisateurs en aval de veiller à fabriquer, mettre sur le marché ou utiliser des substances qui n’ont pas d’effets nocifs pour la santé humaine et l’environnement.
Problématique du développement durable et chimie 31
Les principales dispositions de REACH sont : yy R (registration) : il s’agit d’enregistrer auprès de l’Agence européenne d’Helsinki (Finlande) les 30 000 substances produites ou importées dans l’Union européenne, diffusées à plus de 1 tonne par an. yy E (evaluation) : le nombre de données à fournir par l’industriel est proportionnel aux quantités de produits et aux risques liés à leur utilisation. yy A (authorization) : l’agrément est donné par l’Agence ; certains produits devront être remplacés par d’autres et si cela s’avère impossible, ils pourront être soumis à une autorisation limitée dans le temps. Parmi les substances soumises à une autorisation spécifique, citons les substances classées CMR (Cancérogènes, Mutagènes et Reprotoxiques) niveau 1 et 2, les substances nocives pour l’environnement (PBT : Persistant, Bioaccumulable, Toxique pour l’environnement), ou très nocives (vPVB : very Persistant, very Bioaccumulable). L’agence est tenue d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur tout en garantissant que les risques résultant des substances extrêmement préoccupantes (qui figurent sur une liste spéciale dans l’annexe XIV du règlement) soient valablement maîtrisés et que ces substances soient progressivement remplacées par d’autres substances et technologies appropriées, lorsqu’elles sont économiquement et techniquement viables. Une substance mentionnée dans cette liste ne pourra plus être fabriquée, importée, mise sur le marché de l’UE à partir de la date indiquée par la Commission, sauf dans le cas où une entité légale aura obtenu une autorisation pour un usage spécifique. Cette autorisation ne sera prise en compte qu’après demande expresse de l’entreprise, après avis de la Commission qui tiendra compte de la maîtrise effective des risques, d’un plan de substitution ou de recherche et développement. Une procédure de restriction peut être adoptée (voir l’annexe XVII du règlement qui interdit l’utilisation de substances pour certains usages. Exemple : l’utilisation de certains phtalates est interdite dans les jouets et les articles de puériculture dans des conditions > 0,1 % en matière plastifiée). yy CH (chemicals) : la réglementation s’applique aux substances chimiques (éléments chimiques et composés), aux préparations (mélanges et solutions) et aux articles pouvant relarguer des substances chimiques. La réglementation ne s’applique pas aux substances radioactives, aux substances en contrôle ou transit douanier, au transport de substances dangereuses, aux déchets intermédiaires non isolés. Il y a une possibilité d’une demande d’exemption par les états membres si cela est nécessaire aux intérêts de la Défense.
32
Chimie verte, concepts et applications
10.2. Réglementation CLP (Classification, Labellisation, Packaging) Cette réglementation sur la classification, l’étiquetage et l’emballage des substances chimiques, qui a été publiée le 31 décembre 2008 par le Journal officiel de l’UE, abroge depuis 2015 les précédentes directives dans ce domaine. Elle repose sur des fiches de sécurité homogénéisées (FDS), ainsi que sur un système général harmonisé d’étiquetage (SHG ou GHS pour Global Harmonized System) pour les substances dangereuses. Ce nouveau système remplace les fiches de sécurité émises par l’INRS (Institut national de recherche et sécurité), les pictogrammes sur fond orange, les phrases de risques (R) et les conseils de sécurité (S). Dans le nouveau système, chaque pictogramme a un code et à chaque substance dangereuse correspond un code de danger (H), des informations additionnelles (EUH), des conseils de prudence (P).
10.3. Directive européenne 2009/28/CE Cette directive concerne la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, avec comme objectif pour 2020 une part de 20 % pour cette énergie (éolienne, solaire, aérothermique, géothermique, hydrothermique, marine et hydroélectrique, biomasse, gaz de décharge, gaz de stations d’épuration d’eaux usées et biogaz) dans l’énergie totale au sein de la Communauté européenne. En septembre 2013, le Parlement européen plafonne les biocarburants de première génération à 6 % et fixe un objectif de 2,5 % pour ceux de deuxième dans la consommation totale d’essence et de gazole destinés au transport.3 Un des critères de durabilité attribués aux biocarburants est la réduction d’au moins 35 % d’émission de gaz à effet de serre (article 17 de la directive), soit 54,1 g CO2/MJ [41].
3 Pour une discussion sur les biocarburants de première et deuxième génération, voir chapitre 6, paragraphe 3.
Problématique du développement durable et chimie 33
Références 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25. 26. 27. 28.
Frosch, R. Proc. Natl. Acad. Sci. 1992, 89, 800. Arrhenius, S. Phil. Mag. 1896, 41, 237. Genté, R. Le Monde Diplomatique, août 2013, 22. Odum, H. T. Science 1988, 242, 1132. Amponsah, N. Y.; Le Corre, O.; Lacarriere, B. Ecol. Mod. 2011, 222, 3071. Anastas, P. T., Warner J. C. Green Chemistry: Theory and Practise, Oxford University Press, New York, 1998. Anastas, P. T., Kirchhoff, M. Acc. Chem. Res. 2002, 35, 686. Noyori, R. Tetrahedron, 2010, 66, 1028. Sheldon, R. A. Chem. Ind. 1992, 23, 903. Trost, B. M. Science 1991, 54, 1471. Dunn, P. J. Chem. Soc. Rev. 2012, 41, 1452. Anastas P. T., Zimmerman, J. B. Env. Sci. Technol. 2003, 37, 94A. Lapkin, A., Joyce L., Crittenden B. Env. Sci. Technol. 2004, 38, 5815. Byrne, P. A.; Rajendran, K. V.; Muldoon, J.; Gilheany, D. G. Org. Biomol. Chem. 2012, 10, 3531. Pommer, H.; Nürrenbach, A. Pure Appl. Chem. 1975, 43, 527. Sato, K., Aoki M., Takagi J., Noyori, R. J. Am. Chem. Soc. 1997, 119, 12386. Sheldon, R. A. Chemtech 1994, 3, 38. Constable, D. J. C.; Curzons, A. D.; Cunningham V. L. Green Chem. 2002, 4, 521. Augé, J. Actual. Chim. 2007, 314, 44. (a) Augé J. Green Chem. 2008, 10, 225. (b) Augé J.; Scherrmann M. C. New J. Chem. 2012, 36, 1091. Dunn P. J.; Galvin S.; Hettenbach K. Green Chem. 2004, 6, 43. (a) Eissen, M.; Metzger, J.O. Chem. Eur. J. 2002, 8, 3581. (b) Eissen, M.; Metzger J. O. http://www.metzger.chemie.uni-oldenburg. de/eatos/ Jolliet, O.; Saadé, M.; Crettaz, P.; Shaked, S. Analyse de cycle de vie (Presses Polytechniques et Universitaires Romandes) 2010. Constable, D. J. C.; Jimenez-Gonzalez, C.; Henderson, R. K. Org. Process Res. Dev. 2007, 11, 133. Fussler, C.; James, P., Driving Eco-Innovation: a breakthrough discipline for innovation and sustainability, London, Pitman Publishing, 1996. Green Chemistry Metrics (Eds.: A. Lapkin, D. Constable), WileyBlackwell, Chichester 2008. Treptow, R. S. J. Chem. Ed. 2010, 87, 168. Lee, S.-W.; Park, S.-B.; Jeong, S.-K.; Lim, K.-S.; Lee, S.-H.; Trachtenberg, M. C. Micron 2010, 41, 273.
34
Chimie verte, concepts et applications
29. Markewitz, P.; Kuckshinrichs, W.; Leitner, W.; Linssen, J.; Zapp, P.; Bongartz, R.; Schreiber, A.; Müller, T. E. Energy Environ. Sci. 2012, 5, 7281. 30. Asinger, F., Methanol, Chemie- und Energierohstoff, Springer-Verlag, 1986. 31. Olah G. A., Goeppert, A., Surya Prakash, G. K. Beyond Oil and gas: the methanol economy, Wiley VCH, 2006. 32. Das Neves Gomes, C.; Jacquet, O.; Villiers C.; Thuéry, P.; Ephritikhine, M.; Cantat, T. Angew. Chem. Int. Ed. 2012, 51, 187. 33. Peters, M.; Köhler, B.; Kuckshinrichs, W.; Leitner, W.; Markewitz P., Müller, T. E. ChemSusChem 2011, 4, 1216. 34. Lattes, A., Actual. Chim. 2012, 367-368, 8. 35. Olah, G. A. Angew. Chem. Int. Ed. 2013, 52, 104. 36. Schaub, T.; Paciello, R. A. Angew. Chem. Int. Ed. 2011, 50, 7278. 37. Olah G. A.; Surya Prakash, G. K.; Goeppert, A. J. Am. Chem. Soc. 2011, 133, 12881. 38. http://ec.europa.eu/enterprise/policies/raw-materials/critical/index_ fr.htm (rapport de juillet 2010). 39. Bradshaw A. M.; Hamacher T. ChemSusChem 2012, 5, 550. 40. Schüler D.; Buchert M.; Liu R.; Dittrich S. Merz C. Study on Rare Earths and Their Recycling, Öko-Institut, Darmstadt, 2011. 41. Patel, A.; Meeters, K.; den Uil, H.; de Jong, E; Blok, K.; Patel M. K. Energy & Env. Sci 2012, 5, 8430.
Chapitre 2 Réactions à économie d’atomes optimale Le premier principe de chimie verte est un principe de prévention. Il s’agit de limiter au maximum les déchets. Sur un processus complet, la mesure quantitative de ces déchets est donnée par E (le facteur environnemental). Nous avons montré au chapitre précédent (paragraphe 6.4) que E =
1 − 1 = MI − 1 GME
L’économie de matière GME (Global Material Economy) étant proportionnelle à l’économie d’atomes globale, on a tout intérêt à rendre cette économie d’atomes la plus grande possible. Ce chapitre concerne les réactions à économie d’atomes de 100 %, pour la majeure partie d’entre elles. Une seule exception sera faite concernant les réactions d’oxydation où l’eau est le sous-produit minimal qu’il faut bien accepter. La réaction idéale est une réaction à économie d’atomes de 100 %, telle une réaction d’addition où deux produits A et B ne donnent qu’un seul produit P. Rappelons que la notion d’économie d’atomes concerne uniquement le bilan de l’équation-bilan (voir le paragraphe 3.3 du chapitre 1). Cependant il ne faut pas perdre de vue que l’économie de matière de la réaction et a fortiori la vertitude de la réaction, impose qu’il n’y ait pas d’excès de réactifs, que le rendement soit le plus élevé possible, qu’il n’y ait pas de solvant ou que celui-ci soit récupérable, que le catalyseur soit en quantité limitée et qu’il puisse être recyclé. Tous ces aspects seront développés dans les chapitres suivants. Partant du principe qu’une synthèse totale, par exemple de produits pharmaceutiques, génère énormément de déchets, en raison d’une suite de réactions linéaires et convergentes, Sharpless, prix Nobel de chimie en 2001, privilégie les réactions thermodynamiquement favorisées, à haut rendement, stéréospécifiques, si possible sans solvant ou dans l’eau [1]. Ainsi, il a été amené à développer un nombre limité de réactions, englobées sous le vocable
36
Chimie verte, concepts et applications
de « click chemistry », mais permettant une grande diversité moléculaire en utilisant notamment les techniques de la chimie combinatoire. Plutôt que de rechercher à tout prix de faire une synthèse difficile, mieux vaut, selon Sharpless, rechercher de nouvelles structures contenant des liaisons carbone-hétéroatome faciles à préparer, et potentiellement intéressantes quant à leurs propriétés biologiques. Les objectifs des chimistes doivent, dans ces conditions, se focaliser sur les propriétés des molécules. Les composés de départ sont obtenus facilement à partir d’alcènes, produits de base de la pétrochimie et abondants dans la nature (terpènes). Les réactions de la chimie click sont les réactions d’addition sur la liaison C-C multiple (époxydation, dihydroxylation, aziridination, addition de Michael…), l’ouverture d’électrophiles hétérocycliques contraints (époxydes, aziridines…), la chimie non aldolique du groupe carbonyle (formation d’urées, de thiourées, d’hétérocycles aromatiques, d’oximes, d’hydrazones, d’amides…), les cycloadditions (Diels-Alder, 1,3 dipolaires…).
1. Hydrogénation 1.1. Réduction L’hydrogénation des alcènes en alcanes, des alcynes en alcènes (Z), du phényle en cyclohexyle, des aldéhydes et cétones en alcools, des nitriles, des imines et des oximes en amines, réactions qui se font toutes avec une économie d’atomes de 100 %, nécessitent un catalyseur. Dans la majorité des cas, on utilise une catalyse hétérogène (Schéma 2.1) introduite il y a plus d’un siècle par Sabatier. Dans certains cas, une catalyse homogène pourra être effectuée car elle permet d’induire de fortes énantiosélectivités. Ce domaine de la catalyse asymétrique est décrit dans le chapitre 3. Alors que l’hydrogénation partielle des alcynes en alcènes (Z) avec le catalyseur de Lindlar est bien connue et largement utilisée en synthèse, la réduction en alcènes (E) est plus difficile. Il est toujours possible d’isomériser l’alcène (Z) en alcène (E) mais cela correspond à une étape supplémentaire. Quant à la réduction de Birch donnant directement l’alcène (E), elle consomme un métal stœchiométrique dissous et n’est pas universelle. La méthode de Yin et Han [2], plus intéressante en termes de chimie verte, utilise de l’acide formique comme source d’hydrogène ; elle n’a cependant pas une économie d’atomes de 100 %. Une méthode alternative proposée par Bargon [3] et développée avec efficacité sur une large gamme d’alcynes par Fürstner [4] permet d’obtenir par hydrogénation partielle des alcènes (E) avec 100 % d’économie d’atomes en utilisant un catalyseur au ruthénium (Schéma 2.2).
Réactions à économie d’atomes optimale 37
R
R'
+ H2
R
R'
+ H2
Pd/C ou PtO2
catalyseur de Lindlar H
H
R
R'
(Pd/Pb/CaCO3)
+ 3 H2
R
+ H2
RCHO
+ H2
ArCOMe
+ H2
R
+ 2 H2
R R'
N OH
+ H2
Rh/Al2O3
Pd/C
ArCHO
C N
RCH2-CH2R'
Ru/C Pd/C
R
ArCH2OH RCH2OH Ar
OH
Me Ni de Raney Ni de Raney
RCH2NH2 R
NH OH
R'
Schéma 2.1 : Hydrogénation catalytique hétérogène
Ru Cl R
R' + H2 (10 bars)
(0,055 équiv)
AgCl (0,05 équiv) CH2Cl2, 20 °C
R
R'
60 à 96%
Schéma 2.2 : Hydrogénation des alcynes en alcènes (E)
1.2. Alkylation réductive La réaction d’alkylation réductive est une alternative verte à la réaction de Williamson de synthèse des éthers à partir d’alcools. La synthèse de Williamson, encore très utilisée même industriellement, rejette beaucoup de sels et nécessite l’utilisation de chloroalcanes (préparés à partir des alcools et HCl) et d’une base forte en quantité stœchiométrique. Dans la réaction d’alkylation réductive proposée par Lemaire en 1995 [5], les alcools s’additionnent sur des cétones, donnant transitoirement des hémiacétals,
Chimie verte, concepts et applications
38
qui libèrent par hydrogénolyse les éthers correspondants sous atmosphère d’hydrogène et sous catalyse au palladium (Schéma 2.3). Le mécanisme de l’étape d’hydrogénolyse a donné lieu à plusieurs propositions. Retenons qu’on peut aussi considérer qu’il y a déshydratation, puis hydrogénation de la double liaison de l’éther d’énol formé transitoirement [6]. Cette méthodologie est possible car le palladium, contrairement au nickel et au platine (et au ruthénium de plus en plus utilisé), ne permet pas d’hydrogéner les cétones aliphatiques. En revanche, pour les cétones aromatiques, il a été proposé de remplacer le palladium par du cuivre supporté sur silice et/ou alumine [7]. Dans ces conditions, une pression de 1 bar d’hydrogène et une température de 80 °C suffisent, conduisant alors aux éthers benzyliques. R
1OH
+
R3
R2 O
hydrogénolyse
Pd/C H2, 40 bars 100 °C R2
R3 OR1
R2
HO
R3 OR1
+ H2O
Rdt > 80% Schéma 2.3 : Préparation d’éthers par la méthode de Lemaire
2. Oxydation La chimie verte exclut les oxydants du type acide nitrique, permanganate, perchlorate, dichromate ou chromate générateurs de trop de déchets. De même, toutes les oxydations utilisant du DMSO activé seront également exclues pour la même raison. En termes d’économie d’atomes, le meilleur oxydant est l’oxygène moléculaire. Rappelons que les interactions directes entre molécules nécessitent que leur état de spin soit identique, par exemple l’état singulet, qui représente l’état de spin de la majorité des molécules dans leur état fondamental. Par contre, l’oxygène moléculaire à l’état fondamental est paramagnétique (état triplet), impliquant que l’oxydation directe de composés organiques à l’état singulet n’est pas permise. Deux possibilités s’offrent cependant. La première correspond à un mécanisme qui passe par l’intermédiaire d’un radical organique, paramagnétique, mécanisme possible si ce radical est stabilisé. La deuxième met en jeu un métal de transition paramagnétique. Parmi les oxydants les moins générateurs de déchets et qui conduisent à des économies d’atomes raisonnables, on placera en premier lieu l’eau oxygénée qui ne génère comme déchet que de l’eau. Comme autres oxydants intéressants, on peut citer les peroxydes et peracides organiques, les oxydes
Réactions à économie d’atomes optimale 39
d’azote et les hypochlorites ou bromites. Dans une réaction d’oxydation, ces composés perdent leur atome d’oxygène pour donner un sous-produit qui peut être recyclé par addition d’eau oxygénée, la seule perte d’atomes se retrouvant alors sous forme d’eau.
2.1. Oxydation par l’oxygène moléculaire 2.1.1. Procédé Wacker Le procédé Wacker est l’oxydation dans l’eau de l’éthylène en acétaldéhyde et des alcènes terminaux en methylcétones en présence de PdCl2/CuCl2. L’équation-bilan de la réaction montre qu’elle a une économie d’atomes de 100 % (Schéma 2.4). H
H
H
H
O
+ 1/2 O2
H3C
H
Schéma 2.4 : Équation-bilan de la réaction de Wacker Dans le mécanisme général de la réaction de Wacker, le palladium se complexe à l’alcène. L’alcène voit ainsi son électrophilie renforcée vis-à-vis de l’eau qui joue le rôle de nucléophile. Après cette hydropalladation, il y a une β-élimination d’hydrure suivie d’une élimination réductrice, ces deux éliminations étant classiques en chimie organométallique (voir chapitre 3). Le palladium(0) est alors réoxydé par le cuivre(II) qui est réduit en cuivre(I). Celui-ci est finalement réoxydé par l’oxygène de l’air (Schéma 2.5). 2 HCl + 1/2 O2 2 CuCl H2O 2 CuCl2 HCl
R
O
R
complexation du palladium
Pd élimination réductrice
H Pd Cl
H
PdCl2
OH ClPd β-élimination d'hydrure R
PdCl2 R H2O hydropalladation OH HCl
Schéma 2.5 : Mécanisme de la réaction de Wacker
Chimie verte, concepts et applications
40
2.1.2. Oxydation des alcanes Il existe plusieurs mécanismes d’oxydation de la liaison C-H d’un alcane RH par l’oxygène moléculaire. Barton (prix Nobel de chimie en 1969) utilise du Fe(II) comme catalyseur, ainsi que du Fe(0), du Zn(0) ou une cathode comme source d’électrons (système Gif III, Gif IV et Gif-Orsay, respectivement) et fait l’analogie avec certaines métalloenzymes [8]. Le mécanisme de l’oxydation de Barton ne passe pas par un radical, contrairement au mécanisme homolytique, fréquemment rencontré, qui conduit au radical R• et au radical HOO• (Schéma 2.6). Un initiateur de radicaux est alors nécessaire. Il s’agit en fait d’une autocatalyse puisque l’hydroperoxyde formé est lui-même initiateur de radicaux In•. initiation
In + RH
propagation
R
+ O2
R-O-O
InH + R rapide
+ RH
R-O-O R-O-O-H + R
Schéma 2.6 : Mécanisme d’oxydation radicalaire des alcanes Pour réduire l’hydroperoxyde en alcool, il faut ajouter un réducteur, ce qui diminue d’autant l’économie d’atomes de la réaction. Le réducteur le plus simple est l’hydrogène. C’est par cette voie qu’est préparé industriellement le pinanol, utilisé en parfumerie, l’économie d’atomes étant de 0,9 avec formation d’eau comme seul sous-produit (Schéma 2.7). OOH +
O2
H2 , cat.
OH + H2O
Schéma 2.7 : Préparation du pinanol Dans la synthèse industrielle du phénol par le procédé Hock, on forme intermédiairement l’hydroperoxyde de cumène qui se décompose en phénol et en acétone. Les deux produits étant valorisés à part égale, l’économie d’atomes est de 100 %. Un exemple tout à fait remarquable d’optimisation du facteur économie d’atomes est celui concernant l’oxydation du toluène en acide benzoïque. L’oxydation classique par le chlore ou l’acide nitrique génère énormément de déchets avec une perte d’atomes considérable. En revanche, l’oxydation aérobie ne génère que de l’eau comme déchet (Schéma 2.8).
Réactions à économie d’atomes optimale 41 Ar CH3 + 3 Cl2
Ar CCl3 + 3 HCl
Ar CCl3 + 2 H2O
Ar CO2H + 3 HCl
Ar CH3 + 2 HNO3
Ar CO2H + 2 NO + 2 H2O
Ar CH3 + 3/2 O2
Ar CO2H + H2O
méthode classique: déchets à traiter
minimisation des déchets
Schéma 2.8 : Oxydation de méthylarènes Des conditions particulièrement douces (1 atm de O2, 25 °C) ont été proposées en utilisant un système catalytique comprenant le N-hydroxyphtalimide (NHPI) et Co(OAc)2 dans l’acide acétique comme solvant [9]. Le mécanisme de la réaction qui a lieu avec un rendement de 81 % passe par la formation du radical N-oxyphtalimide favorisant celle du radical benzyle, qui évolue vers l’hydroperoxyde correspondant. Après un départ de H2O, on obtient le benzaldéhyde qui est alors oxydé en acide benzoïque (Schéma 2.9). O
CO2H Co(II)
O2 Co(III)OO
NHPI O
Co(III) (III)
CH2OOH
Co
NOH
OOH
CH3
O NO O
NHPI
CH2OO
CH2
NHPI
O2 Schéma 2.9 : Mécanisme d’oxydation du toluène en acide benzoïque par l’oxygène moléculaire Ces conditions ne permettent pas d’obtenir l’acide téréphtalique, précurseur des polymères téréphtalates, à partir du p-xylène. Pour cela, il faut utiliser comme catalyseur le couple Co(OAc)2/Mn(OAc)2 en présence de bromures, comme dans le procédé Amoco/MC. En présence de sels de cobalt, le cyclohexane forme un mélange de cyclohexanol et de cyclohexanone à 150-170 °C. Par contre, avec le système
Chimie verte, concepts et applications
42
catalytique NHPI/Mn(acac)2, le cyclohexane est oxydé jusqu’à l’acide adipique à 100 °C (Schéma 2.10) [10].
+ 5/2 O2
NHPI/Mn(acac)2
CO2H + H2O CO2H
100 °C, 20 h
Schéma 2.10 : Oxydation du cyclohexane en acide adipique, équation-bilan Cette oxydation permet de s’affranchir de l’oxydation du mélange cyclohexanol/ cyclohexanone par l’acide nitrique (générateur de NOx), oxydation utilisée dans l’industrie pour préparer l’acide adipique nécessaire à la fabrication des polyamides. Ce nouveau procédé de fabrication d’acide adipique est un procédé vert à économie d’atomes optimale. (Schéma 2.11, voir encadré). O très faible conversion O2 H2O
OH
CO2H CO2H
H2 5/2 O2
HNO3
N2O
H2O
Schéma 2.11 : Oxydation du cyclohexane en acide adipique, avantage par rapport à la méthode à l’acide nitrique
2.1.3. Oxydation des alcools Dans la déshydrogénation en présence d’air et de catalyseurs solides, les alcools secondaires donnent des cétones et les alcools primaires donnent des aldéhydes puis des acides carboxyliques. Les catalyseurs les plus utilisés sont le platine ou le palladium (de l’ordre de 0,05 équivalent) sur carbone ou alumine en présence de promoteurs (Bi ou Pb). Rhodium, ruthénium, argent et divers oxydes métalliques sont également utilisés. Dans le mécanisme classique de cette déshydrogénation, l’hydrogène formé est réoxydé en H2O par l’oxygène adsorbé. Ce modèle est conforté par le fait que l’oxydation des alcools peut parfois être accompagnée par une hydrogénation ou une hydrogénolyse [11].
Réactions à économie d’atomes optimale 43
L’oxydation des alcools primaires en aldéhydes a pu être réalisée avec des TOF (voir la définition du TOF dans le paragraphe 1 du chapitre 3) extrêmement élevés, atteignant 270 000 h–1, en utilisant des nanoparticules Au-Pd supportées sur TiO2 [12]. En catalyse homogène, on peut utiliser un piège à radicaux, tel que TEMPO (2,2’,6,6’-tétraméthylpiperidine-N-oxyde) en présence de CuCl ou de RuCl2(PPh3)3 permettant de transformer les alcools primaires en aldéhydes et les alcools secondaires en cétones (Schéma 2.12).
R1 R2
OH + 1/2 O2
TEMPO (0,03 équiv) RuCl2 (PPh3)3 (0,01 équiv)
R1
100 °C, 7 h
R2
O
+ H2O
Schéma 2.12 : Oxydation des alcools par l’oxygène moléculaire, équation-bilan Sheldon propose des mécanismes voisins pour la catalyse par CuCl/ TEMPO ou par RuCl2/TEMPO. Dans les deux cas, il se forme une liaison TEMPO-métal permettant l’obtention de l’alcoolate correspondant et de TEMPOH. Cette hydroxylamine est réoxydée en TEMPO par l’oxygène [13]. Dans le cas du cuivre (Schéma 2.13), on a un mécanisme monoélectronique, le cuivre(I) étant oxydé par TEMPO en cuivre(II) pour donner un complexe TEMPO-cuivre, puis un alcoolate de cuivre(II). Une deuxième molécule de TEMPO peut alors attaquer l’atome d’hydrogène en α de l’alcoolate de cuivre pour donner TEMPOH et l’aldéhyde (ou la cétone). Les deux molécules de TEMPO utilisées dans le cycle sont alors régénérées par une demi-molécule d’oxygène. Dans le cas du ruthénium, l’espèce réactive est RuH2 formée en quantité catalytique par déshydrogénation de l’alcool. Lors de l’oxydation catalytique par Ir(III) des alcools primaires et secondaires en aldéhydes et cétones, le mécanisme est totalement différent. La réaction requiert une quantité catalytique de NEt3 afin de faciliter le départ de l’hydrogène acide de l’alcool. Parallèlement, il y a élimination d’hydrure pour former de façon réversible un hydrure d’iridium et libérer l’aldéhyde (ou la cétone). L’insertion d’oxygène dans cet hydrure est l’étape limitante [14]. Finalement l’oxygène est réduit en H2O2 qui se décompose pour donner de l’eau comme seul déchet et un autre atome d’oxygène (Schéma 2.14). Ce mécanisme se rapproche de celui mettant en jeu des oxydases, enzymes qui utilisent l’oxygène moléculaire en le réduisant en H2O2 (voir chapitre 3, paragraphe 5.5.2). Une autre possibilité d’oxydation consiste à utiliser Pd(OAc)2 complexé à une diamine hydrosoluble et de profiter d’un milieu biphasique aqueux-organique (voir ce concept dans le chapitre 4 au paragraphe 2).
Chimie verte, concepts et applications
44 R1 +
HO N
R2
O O N (I)
Cu
oxydation de Cu(I)
O N
R1 R2 H
O Cu(II)
Cu(II) O N
R1 HO N
OH
R2 H
H2O
1/2 O2
2 O N
2 HO N TEMPOH
TEMPO
Schéma 2.13 : Oxydation des alcools par l’oxygène moléculaire, mécanisme avec Cu(I)/TEMPO H2O
HO-OH + NEt3 Cl Cl Cp* Ir Ir Cp* Cl Cl
1/2 O2 HNEt3+ Cl-
R H H
OH Cl O Cp* Ir Ir Cp* Cl Cl
O2
RCH2OH
H O Ir
NEt3 H Cl Cp* Ir Ir Cp* Cl Cl
HNEt3+ Cl- + RCHO
Cp* = pentaméthylcyclopentadiène
Schéma 2.14 : Oxydation des alcools par l’oxygène moléculaire, mécanisme avec Ir(III)
Réactions à économie d’atomes optimale 45
2.1.4. Oxydation de la liaison S-H L’activation moléculaire sur charbon actif est utilisée dans l’amination oxydante de la fonction -SH de benzothiazoles. Le procédé Monsanto permet l’obtention d’alkylaminomercaptobenzothiazoles dans des conditions de chimie verte (Schéma 2.15). Ces conditions permettent d’éviter l’usage de chlore comme oxydant. Dans ce procédé, le seul déchet est de l’eau. Dans le procédé classique, on doit utiliser deux équivalents de soude et un équivalent de chlore, ce qui produit deux équivalents de NaCl et H2O comme sous-produits, diminuant fortement l’économie d’atomes. Procédé Monsanto N S
SH + RNH2 + 1/2 O2
charbon actif 1 h, 70 °C
N S
SNHR + H2O
Procédé classique N SH
NaOH
S
N
S-Na+
N
Cl2
SCl
S
RNH2
N
NaOH
S
S
SNHR
Bilan du procédé classique N S
SH + RNH2 + 2 NaOH + Cl2
N S
SNHR + 2 H2O + 2 NaCl
Schéma 2.15 : Amination oxydante, mise en évidence d’un procédé vert et comparaison Exercice 1 Calculer l’économie d’atomes dans le procédé Monsanto avec R = Me. Comparer cette valeur avec celle obtenue dans le procédé classique. En vous aidant de vos connaissances et en appliquant les principes développés au chapitre précédent, que pouvez-vous conclure ?
2.1.5. Oxydation des amines L’oxydation aérobie des amines primaires en nitriles peut être effectuée par catalyse hétérogène en utilisant des complexes d’hydroxyapatite de ruthénium [15], d’hydroxyde de ruthénium supporté sur alumine [16] ou bien d’hydroxyde de ruthénium supporté sur oxyde de fer [17], de titane ou de cérium [18]. Dans ces deux derniers cas, la réaction peut être effectuée dans l’eau tout en évitant l’hydrolyse du nitrile en amide.
Chimie verte, concepts et applications
46
Avec l’hydroxyde de ruthénium supporté sur alumine, l’amine forme transitoirement un amide de ruthénium supporté. Celui-ci subit une β-élimination d’hydrure. L’hydrure de ruthénium qui en résulte se réoxyde (Schéma 2.16). Après filtration, le catalyseur peut être réutilisé. OH Ru
R H2N H
Al2O3
H
H2O 1/2 O2
R HN H Ru H Al2O3 amide de ruthénium
H Ru Al2O3
β-élimination H N
R
R N H
Schéma 2.16 : Oxydation des amines primaires en nitriles, mécanisme au ruthénium supporté
2.1.6. Oxydation directe des alcools en nitriles En présence d’une quantité catalytique de CuI, d’un ligand bipyridine et de TEMPO, l’oxydation des alcools en nitriles en présence d’ammoniac correspond au point de vue du mécanisme à une double déshydrogénation d’alcool en aldéhyde puis de l’imine formée avec l’ammoniac, en nitrile. Le seul sous-produit est de l’eau, donnant à la réaction aérobie une économie d’atomes optimale (Schéma 2.17) [19]. R
O
H + NH3 + O2
CuI, bpy (0,05 équiv) TEMPO (0,05 équiv)
R C N + 3 H2O
Schéma 2.17 : Oxydation des alcools primaires en nitriles
Réactions à économie d’atomes optimale 47
2.2. Oxydation par H2O2 2.2.1. Époxydation des alcènes La méthode classique est l’utilisation d’hydroperoxydes organiques en catalyse homogène (Mo, W, V, Ti) ou hétérogène (Ti/SiO2). Le métal ne change pas d’état d’oxydation. On passe par un métal peroxo électrophile. L’utilisation de l’eau oxygénée en solution aqueuse à 30 % permet d’augmenter très sensiblement l’économie d’atomes de l’époxydation. Ainsi, en présence d’un agent de transfert de phase et d’acide aminométhylphosphonique, le tungstate de sodium catalyse l’époxydation des alcènes ; la réaction a lieu avec d’excellents rendements (Schéma 2.18) [20]. R3 R1
R 2
R
4
+ H2O2
Na2WO4 NH2CH2PO3H2 +
R3 -
[CH3(n-C8H17)3N] [HSO4] 90 °C,
O
1
R
R4
+ H2O
2
R
0,5-4 h
Schéma 2.18 : Époxydation des alcènes par H2O2 catalysée par du tungstate de sodium Avec quatre équivalents de H2O2, il y a clivage de la double liaison. L’acide adipique peut donc être préparé par cette voie à partir du cyclohexène. Notons cependant qu’il y a alors libération de 4 molécules d’eau, soit une perte d’atomes importante. Le complexe CH3ReO3/pyridine (0,005 équiv) catalyse également l’époxydation des alcènes par H2O2 à 30 % (Schéma 2.19) [21]. Une autre alternative est l’utilisation d’un complexe du ruthénium(II) [Ru(terpyridine)(2,6-pyridinedicarboxylate)] (0,005 équiv) [22] ou du fer(II) [Fe(amine tétradentate) (CH3CN)2] [SbF6]2 (0,03 équiv) [23]. + H2O2
CH3ReO3/pyridine CH2Cl2 25 °C, 6 h
O + H2O 96%
Schéma 2.19 : Époxydation du cyclohexène par H2O2 catalysée par du rhénium
2.2.2. Oxydation des alcools L’oxydation des alcools secondaires en cétones par une solution aqueuse à 30 % de H2O2 constitue un procédé vert grâce à l’utilisation de tungstate de sodium comme catalyseur et d’hydrogénosulfate de méthyltrioctylammonium comme agent de transfert de phase (Schéma 2.20). À 90 °C, le turnover
Chimie verte, concepts et applications
48
(voir la définition dans l’introduction du chapitre 3) est de l’ordre de 500, ce qui est une valeur déjà élevée pour des réactions d’oxydation, mais peut monter jusqu’à 179 000 dans les conditions décrites, c’est-à-dire sans acide phosphonique ; la réaction est chimiosélective, un alcène ne pouvant alors pas être époxydé. D’une façon générale, l’alcool primaire est moins réactif et donne l’acide carboxylique, à l’exception de l’alcool benzylique qui peut donner sélectivement le benzaldéhyde [24]. Le mécanisme a été parfaitement décrit [25], d’où il ressort que Na2WO4 est oxydé dans la phase aqueuse en bisperoxotungstate ; ce réactif, grâce au catalyseur de transfert de phase, passe dans la phase organique où a lieu l’oxydation de l’alcool, le réactif retrouvant alors son état d’oxydation initial et repassant dans l’eau. R1 R2
OH + H2O2
Na2WO4
R1
[CH3(n-C6H17)3N]+ [HSO4]-
R2
O
+ H2O
Schéma 2.20 : Oxydation des alcools par H2O2 catalysée par du tungstate de sodium
2.2.3. Réaction de Baeyer-Villiger Cette réaction est habituellement effectuée avec des peracides. Le fait de pouvoir les remplacer par H2O2 est un gain appréciable en termes d’économie d’atomes et de limitation des déchets. Des complexes de molybdène, rhénium en catalyse homogène, de platine, palladium, titane ou des acides solides en catalyse hétérogène, peuvent être utilisés mais les meilleurs résultats en termes de rendement et de sélectivité ont été obtenus avec des zéolithes bêta contenant 1,6 % en poids d’étain [26]. Dans ces zéolithes (voir le paragraphe 2.4.1 consacré aux zéolithes dans le chapitre 3), certains atomes de silicium sont remplacés par des atomes d’étain par traitement avec SnCl4. L’étain, qui appartient à la famille des cristallogènes, comme le carbone et le silicium, est cependant beaucoup plus électrophile qu’eux ; la spectroscopie infrarouge a permis de mettre en évidence que le stannate formé jouait le rôle d’acide de Lewis activant le groupe carbonyle pour une attaque nucléophile de H2O2 (Schéma 2.21).
2.2.4. Hydroxylation des alcanes L’oxydation de la liaison C-H sp3 par H2O2 en présence d’un catalyseur au fer non hémique est sélective, en faveur de la position tertiaire. Le rendement de la réaction d’hydroxylation est correct (> 50 %) si l’on récupère le composé de départ. Dans le cas d’un atome de carbone stéréogène, il y a rétention de configuration (Schéma 2.22) [27].
Réactions à économie d’atomes optimale 49
O
O O
O O Sn O O O
O O Sn O O O
O
+
H - H2O
O O Sn H2O2 O O -H+ O H+ O OH
Schéma 2.21 : Réaction de Baeyer-Villiger avec H2O2 (SbF6)2 N N N
OAc
+ H2O2 O
O O
Fe N
NCMe NCMe
OAc
Fe (S,S-PDP) (0,15 équiv)
HO
AcOH (1,5 équiv) MeCN 20 °C, 30 min
+ H2O O
O O
Schéma 2.22 : Hydroxylation stéréospécifique des alcanes tertiaires avec H2O2 Les mêmes auteurs ont montré par la suite qu’il pouvait y avoir une oxydation sélective sur un des carbones secondaires comme dans la synthèse de la dihydropleuromutilone [28]. Afin de tirer profit de l’influence bénéfique de l’acide acétique, les auteurs ont envisagé une activation C-H orientée par un acide carboxylique interne. En présence de fer (PDP), il se forme alors un ester de fer oxo qui permet l’hydroxylation en γ puis la lactonisation (Schéma 2.23) [29]. Le temps de vie du radical dans le mécanisme proposé
Chimie verte, concepts et applications
50
n’excède pas 10–11 s. Dans certains cas, il peut se produire une double oxydation via la formation d’un alcène, montrant ainsi une activité désaturase du catalyseur. Cette stratégie d’orientation de l’activation C-H par le groupe CO2H a été appliquée pour oxyder spécifiquement le carbone 2 d’un taxane, en clivant spécifiquement la liaison C-H pro R (Schéma 2.24) [30]. O
O
O H2O2
HO H γ
Fe(PDP)
Fe O O H
HO
Fe
O R
R
R
O
O seconde HO oxydation
HO HO
R
R lactonisation - H2O
époxydation, puis - H2O lactonisation O
O
O
O HO R
R
Schéma 2.23 : Hydroxylation des alcanes tertiaires avec H2O2 suivie de lactonisation AcO
OAc H 2
AcO
OAc H CO H 2 H H + H2O2
AcO
OAc
Fe (S,S-PDP) 49%
H 2
AcO
H H O
OAc O
+ H 2O
Schéma 2.24 : Application de l’hydroxylation par H2O2 en synthèse totale de taxanes
Réactions à économie d’atomes optimale 51
2.3. Couplage oxydatif 2.3.1. Création de liaisons C-C par couplage oxydatif Ce couplage oxydatif est réalisé grâce à une activation sélective de la liaison C-H (Schéma 2.25). L’oxydant minimal est l’oxygène qui libère alors une molécule d’eau comme déchet. Tout autre oxydant libère un déchet supplémentaire. Les couplages croisés entre atomes de carbone sp3, sp2 et sp ont été largement étudiés. Référencés maintenant sous l’acronyme CDC (Cross Dehydrogenative Coupling) [31], ils peuvent conduire à des réactions à économie d’atomes optimale si l’oxydant est l’oxygène. H+
H + 1/2 O2
H+
H + tBuOOH
+ H2O catalyseur + H2O + tBuOH
Schéma 2.25 : Principe du couplage oxydatif
2.3.1.1. Activation C-H sp Le couplage oxydatif entre deux atomes de carbone sp est connu depuis 1869 sous le nom de couplage de Glaser, qui permet de faire un homocouplage entre deux alcynes vrais, en présence de sels de cuivre (Schéma 2.26). H + 1/2 O2
2 R
CuCl Base
R
R
+ H2O
Schéma 2.26 : Couplage de Glaser
2.3.1.2. Activation C-H sp2 Le premier couplage croisé entre deux carbones sp2 utilisant l’activation C-H est, à notre connaissance, un couplage stœchiométrique introduit en 1967 par Moritani et Fujiwara puis rendu catalytique en 1969 (Schéma 2.27) grâce à un système de type Wacker (O2 atmosphérique, catalyse avec PdII/ CuII) [32]. H
+
H
+ 1/2 O2 (air)
Ph
Pd(OAc)2/Cu(OAc)2
Ph + H2O
AcOH, reflux
Schéma 2.27 : Couplage oxydatif croisé entre deux carbones sp2, équation-bilan
Chimie verte, concepts et applications
52
Le cycle catalytique de la réaction de couplage aryle-vinyle (Schéma 2.28) débute par une activation de la liaison C-H aromatique via une substitution électrophile [33]. L’espèce arylpalladium s’additionne ensuite sur la double liaison comme dans la réaction de Heck (voir chapitre 3, paragraphe 3.4.1). L’énorme avantage de ce couplage vient du fait qu’il n’est pas nécessaire de former un dérivé halogéné ou pseudo halogéné ArX avec perte ensuite de HX (nécessitant alors une quantité stœchiométrique de base). H2O
Ar-H Pd(OAc)2
catalyse au cuivre 1/2 O2 + 2 HOAc
Pd + HOAc
Ar PdOAc
élimination réductrice Ar
Ar
Ph
substitution électrophile aromatique HOAc
Ph PdOAc
Ph addition sur double liaison
Schéma 2.28 : Couplage oxydatif croisé entre deux carbones sp2, mécanisme au palladium Ce type de couplage, nettement plus économique en termes d’atomes que le couplage de Heck, a été récemment revisité sur des substrats de type acide phénylacétique d’une grande utilité synthétique ; le catalyseur est également Pd(OAc)2 régénéré directement par l’oxygène sans ajout de cuivre(II). Les ligands testés ont un rôle important sur la sélectivité et la conversion. Il semble que la benzoquinone rajoutée en faible quantité joue le rôle de ligand évitant une double oléfination (Schéma 2.29) [34]. Me
Me CO2H +
Pd(OAc)2 (0,02 équiv) CO2Et Boc-Ile-OH (0,04 équiv) benzoquinone (0,02 équiv)
+ 1/2 O2
Ile = isoleucine
CO2H 99%
CO2Et + H2O
Schéma 2.29 : Couplage oxydatif croisé sur un substrat de type acide phénylacétique Bristol-Myers-Squibb a utilisé le couple Pd(II)/Cu(II) dans la synthèse de l’aglycone de la rebeccamycine et d’analogues [35]. Dans ces exemples, un noyau indolique est activé par du palladium le rendant électrophile vis-à-vis du deuxième noyau indolique qui joue le rôle de nucléophile. La réaction du schéma 2.30 a un rendement de 81 % et a été réalisée à l’échelle de plusieurs kilogrammes.
Réactions à économie d’atomes optimale 53 R N
O
O
F N H
PdCl2
2 CuCl
F
Pd + 2 HCl
2 CuCl2
N H R N
O
2 HCl + 1/2 O2
F
O
F N H
H2O
N H
R = H2C
Schéma 2.30 : Couplage oxydatif intramoléculaire à l’échelle industrielle Un autre couplage oxydatif, récemment publié, concerne la fermeture de cycle conduisant à des indoles (Schéma 2.31) [36]. Cette nouvelle stratégie de synthèse indolique pourrait avoir d’énormes applications industrielles dans le futur, pour peu qu’elle soit améliorée en ce qui concerne le solvant. L’imine est naturellement formée directement à partir de l’aniline et de la cétone correspondantes. Rappelons que dans la synthèse indolique de Fischer qui remonte à 1883, qui a certes été améliorée, on prépare une phénylhydrazone à partir d’une phénylhydrazine, qui est cancérogène, pour finalement rejeter de l’ammoniac lors de la cyclisation. R2
R2 R
N
R1
+ 1/2 O2
Pd(OAc)2 (0,1 équiv) Bu4NBr ( 2 équiv) DMSO, 60 °C, 24 h
R
N H
R1 + H2O
Schéma 2.31 : Couplage oxydatif en série indolique, équation-bilan Le mécanisme de ce couplage oxydatif débute par une palladation électrophile de l’énamine nucléophile (qui est en équilibre avec l’imine) suivie d’une déprotonation, puis d’une palladation électrophile aromatique et enfin d’une élimination réductrice (Schéma 2.32). Le palladium(0) est alors réoxydé sous atmosphère d’oxygène (1 atm). Une autre possibilité pour réoxyder le palladium est d’utiliser du cuivre(II) comme dans le procédé Wacker ; on peut alors remplacer le couple O2 (1 atm)/Bu4NBr (2 équiv) par 2 à 3 équiv de Cu(OAc)2, ce qui est moins intéressant en termes de chimie verte.
Chimie verte, concepts et applications
54
N H2O
R
N
H2O2
+ 1/2 O2
R
H Pd(OAc)2 PdOAc
2 AcOH + O2 Pd° N
R
H AcO
N Pd N R N H
R
AcOH PdOAc R N
R
AcOH
Schéma 2.32 : Couplage oxydatif en série indolique, mécanisme Le couplage croisé entre deux atomes de carbone sp2 utilisant l’activation C-H peut aussi être catalysé par des complexes de rhodium [37] ou de ruthénium [38]. Dans l’alcénylation de 2-aryloxazolines catalysée par du ruthénium(II), l’utilisation d’éthanol comme solvant à 80 °C et d’une quantité modérée de Cu(OAc)2 pour régénérer l’espèce catalytique rend le procédé attractif [39]. Le couplage croisé intermoléculaire entre deux arènes non activés (sans métal autre que le catalyseur et sans halogène) est un réel défi. Afin d’éviter l’homocouplage, le catalyseur doit s’insérer dans la liaison C-H d’un premier arène puis inverser sa réactivité en s’insérant dans le deuxième arène (voir principe sur le schéma 2.33). Ce défi a été relevé dans la réaction entre un indole et du benzène [40], mais il faut toutefois noter que les auteurs utilisent un fort excès de benzène (30 équiv) et de Cu(OAc)2 (3 équiv) afin de régénérer le palladium(II). Si l’on considère l’équation-bilan de la réaction avec de l’oxygène comme oxydant et de l’eau comme seul sous-produit, alors l’économie d’atomes est optimale, nettement plus élevée que dans les réactions de type Suzuki (voir chapitre 3, paragraphe 3.4.3).
Réactions à économie d’atomes optimale 55
Ar
H2O PdX2
catalyse au cuivre
H
et non Ar'
H
1ère insertion dans liaison C-H
1/2 O2
HX
+ 2 HX Pd
Ar
élimination réductrice Ar
Ar'
2ème insertion Ar
Pd
PdX Ar'
H
Ar'
et non Ar
H
X = OOCCF3
HX Schéma 2.33 : Principe du couplage oxydatif croisé entre deux arènes Ce défi a également été relevé dans le couplage croisé entre deux arènes [41] et entre les dérivés du thiophène et du furane [42] en utilisant une catalyse au rhodium. Là encore, une quantité substœchiométrique de Cu(OAc)2 est nécessaire pour réoxyder le métal. En revanche, le rapport stœchiométrique entre les deux noyaux aromatiques n’est plus que de 3:1 (au lieu de 30:1 dans le cas précédent). La réaction a été étendue à d’autres hétérocycles aromatiques avec le rhodium et même avec le ruthénium [43]. Une autre façon de coupler deux arènes est d’utiliser un couplage décarbonylatif, qui évite l’emploi de tout oxydant [44], mais cela exige tout de même une quantité stœchiométrique d’un anhydride d’acide diminuant d’autant l’économie d’atomes. La réaction est catalysée par du rhodium(I) (Schéma 2.34). Ar
H + Ar'
CO2H + (tBuCO)2O
Rh(I)
Ar
Ar' + CO + 2 tBuCO2H
Schéma 2.34 : Couplage décarbonylatif
2.3.1.3. Activation C-H sp3 Le couplage entre deux atomes de carbone sp3 d’une tétrahydroisoquinoline et d’un nitroalcane (ou d’un malonate) ne génère que de l’eau comme déchet, sous catalyse de CuBr [45] ou de RuCl3 [46]. Le mécanisme passe par la formation d’un iminium intermédiaire qui subit l’attaque nucléophile du composé à hydrogène acide (Schéma 2.35).
Chimie verte, concepts et applications
56
N
+ RCH2NO2 + 1/2 O2 Ph
CuBr H2O 60 °C
N R
N
CO2R
+
CO2R
Ph
+ 1/2 O2
CuBr H2O 60 °C
N
O2
N
Ph
Ph
NO2
N
RO2C
+ H2O
+ H2O Ph
CO2R
Ph
Cu-O H
H NuH
Schéma 2.35 : Couplage oxydatif entre deux carbones sp3 La réaction peut être étendue à des couplages entre des composés possédant une liaison C-H oxydable et des composés à hydrogène acide comme dans l’alkylation oxydante des liaisons C-H benzyliques avec des composés 1,3-dicarbonylés (Schéma 2.36) [47]. Dans ce cas, il est nécessaire de rajouter un initiateur de radicaux comme NHPI (voir son rôle dans la formation du radical benzyle dans le paragraphe 2.1.2). O Ph
Ph + Ph
O OEt
+ 1/2 O2
NHPI (0,2 équiv) CuCl (0,05 équiv) FeCl2 (0,05 équiv)
O
O OEt + H2O
Ph Ph
Ph
Schéma 2.36 : Couplage oxydatif entre deux carbones sp3 dont l’un est oxydable
2.3.1.4. Couplage sp3-sp2 Des analogues de chalcones ont pu être préparés par couplage entre des cétones énolisables et des (hétéro)arènes (Schéma 2.37) [48]. Les auteurs suggèrent qu’en présence de base (LiOAc), il y a palladation en α de la cétone, conduisant après β-élimination d’hydrure à la cétone insaturée. Par la suite, le couplage oxydatif par activation du carbone sp2 entre cette double liaison C=C et l’aromatique conduit aux chalcones et à leurs analogues
Réactions à économie d’atomes optimale 57
hétérocycliques. La réaction est loin d’avoir une économie d’atomes maximale puisque l’oxydant est Ag2CO3 (3 équiv), le TEMPO étant un co-oxydant utile pour l’amélioration des rendements. Finalement, c’est Ag(I) qui sert à réoxyder Pd(0) en Pd(II). Cela peut sembler paradoxal en termes de chimie verte, puisque l’argent est un métal dont les réserves mondiales sont plus faibles que celle du palladium [49]. Nous avons pourtant jugé utile de mentionner cette réaction ici en raison de son analogie avec les exemples précédents ; nous pouvons aussi penser qu’elle pourra être améliorée pour tenir compte des remarques précédentes. Notons que cette réaction est une alternative extrêmement intéressante à la réaction d’aldolisation et à la réaction de Heck, qui requiert un dérivé halogéné ou pseudo halogéné. O + Ar-H
LiOAc (1,5 équiv) Ag2CO3 ( 3 équiv)
O Ar
TEMPO (0,4 équiv) Pd(OAc)2 (0,01 équiv) PCy3 (0,02 équiv)
Schéma 2.37 : Couplage oxydatif entre un carbone sp3 et un carbone sp2
2.3.2. Création de liaisons C-O et C-N par couplage déshydrogénatif Par rapport aux couplages oxydatifs précédents, ici on libère de l’hydrogène et non plus de l’eau. Ce couplage déshydrogénatif peut avoir un avantage supplémentaire en raison de la valeur ajoutée de l’hydrogène. Il faut par contre se mettre a priori à l’abri de l’oxygène. Un premier exemple d’un tel couplage mettant en œuvre deux molécules d’alcool pour donner un ester avec libération d’H2 est mentionné par Murahashi qui observe la formation de butyrate de butyle en chauffant durant 24 heures en tube scellé à 180 °C du butanol dans le toluène, en présence de RuH2(PPh3)4 [50]. Le TON (voir la définition dans le paragraphe 1 du chapitre 3) de la réaction est de 40. Une telle stratégie a été rationalisée par Milstein pour la formation d’esters (TON > 900) [51] à partir d’alcools, et d’amides [52] à partir d’alcools et d’amines (Schéma 2.38) avec d’excellents rendements. [Ru] 2 RCH2OH
toluène à reflux R [Ru]
RCH2OH + R'NH2
O
toluène à reflux R
OCH2R
+ 2 H2
H
PtBu2 N Ru CO NEt2
O NHR'
+ 2 H2
[Ru]
Schéma 2.38 : Couplage déshydrogénatif entre deux alcools et entre un alcool et une amine
Chimie verte, concepts et applications
58
Il faut bien noter qu’un accepteur d’hydrogène n’est pas nécessaire, le catalyseur permettant le piégeage et le relargage d’hydrogène par le métal lui-même, mais aussi grâce à la coopération du ligand via aromatisation/ désaromatisation (Schéma 2.39). Notons aussi qu’il y a formation d’un hémiaminal entre l’alcool et l’amine et que cet hémiaminal est susceptible de se déshydrater pour donner une imine qui, si cela se produisait, piègerait alors l’hydrogène libéré. Cette réaction isohypsique a lieu avec d’autres catalyseurs au ruthénium (voir paragraphe 3.2) conduisant alors à l’amine alkylée. H
PtBu2 N Ru CO
2 H2 libération de 2 H par désaromatisation et 2 H par le métal 2B
O R
NEt2 A
piégeage de H par le métal H
PtBu2
N H Et2 B OH
Et2N
NHR' piégeage de H par aromatisation A
H
N Ru
PtBu2 N Ru CO O R R
OH
piégeage de H par aromatisation
2A H
NHR'
R
Et2N
PtBu2 N Ru CO O R
piégeage de H par le métal RCHO R'NH2
NHR'
hémiaminal
Schéma 2.39 : Mécanisme du couplage déshydrogénatif entre un alcool et une amine Naturellement, au lieu de coupler un alcool et une amine avec libération de deux molécules d’hydrogène, il est possible de coupler un aldéhyde avec une amine avec libération d’une seule molécule d’hydrogène. C’est ce qui a été réalisé avec un catalyseur au ruthénium, hydrure de Ru(II) ou complexe de Ru(0) [53]. Avec un catalyseur au rhodium et en rajoutant un oxydant (H2O2), un couplage déshydrogénatif a pu être réalisé à température ambiante. Ce que l’on gagne alors en température est perdu au niveau économie d’atomes. La réaction permet cependant de préparer des acides, des esters ou des amides dans de bonnes conditions de chimie verte (Schéma 2.40) [54].
Réactions à économie d’atomes optimale 59
2 RCH2OH + 2 H2O2
RCH2OH + R'NH2 + 2 H2O2
RCH2OH + H2O + 2 H2O2
O
[Rh] R
OCH2R
+ 4 H2O
O
[Rh] R
NHR'
+ 4 H2O
O
[Rh] R
+ 4 H2O
OH
Schéma 2.40 : Couplage déshydrogénatif médié par H2O2
2.3.3. Procédé oxydatif tandem Dans un procédé oxydatif tandem, on remplace une séquence de réactions distinctes telle qu’oxydation puis addition nucléophile par un seul procédé permettant in situ cette séquence. Pour illustrer ce concept, reprenons l’exemple du couplage entre un alcool et une amine pour donner l’amide avec libération d’hydrogène. Si la réaction est effectuée en présence d’oxygène et d’un catalyseur permettant d’abord l’oxydation de l’alcool en aldéhyde, puis, après la formation de l’hémiaminal, l’oxydation de celui-ci en amide, alors on aura globalement uniquement de l’eau comme sous-produit. Cette stratégie a été mise en œuvre par Kobayashi en utilisant comme catalyseur des nanoparticules d’or ou de mélanges or-métal peu onéreux (fer, nickel, cobalt) incarcérées dans des matériaux composites polymères/noir de charbon [55]. Des rendements de l’ordre de 80-90 % ont pu être obtenus à condition de rajouter un équivalent de soude dans un milieu THF/eau où alcool et amine sont à la même concentration de 0,75 M (Schéma 2.41). Le catalyseur peut être filtré, aucune perte de catalyseur dans le filtrat n’ayant été détectée, puis réutilisé après lavage à l’eau et réactivation à 170 °C.
R
OH + HN
R1 R2
+ 1/2 O2
NaOH R catalyseur THF/ eau : 19/1
O N
R1 + H2O R2
catalyseur : nanoparticules dans des matériaux composites Au (0,015 équiv), 40 °C Au-Co (0,01 équiv), 25 °C Schéma 2.41 : Procédé oxydatif tandem de préparation d’amides
Chimie verte, concepts et applications
60
2.3.4. Éthérification et amination aromatiques En présence de catalyseur au palladium, les dérivés de cyclohexanone peuvent conduire aux phénols correspondants sous atmosphère d’oxygène [56]. Si l’on effectue la réaction en présence d’amines primaires et secondaires, alors on forme les arylamines correspondantes avec comme seul sous-produit de l’eau (Schéma 2.42). Il se forme d’abord une énamine. Après palladation et tautomérisation de cette énamine, la β-élimination d’hydrure donne l’arylamine, le palladium étant réoxydé par l’oxygène [57]. O +
R
R1 N H + O2 2 R
Pd(II)
R1 N R
R2
+ 2 H2O
Schéma 2.42 : Amination aromatique oxydante Une réaction, qui a une analogie avec la précédente, est celle qui utilise un alcool au lieu d’une amine. Ainsi sous catalyse au Pd/C, en condition aérobie, les dérivés de cyclohexanone donnent des éthers aryliques (Schéma 2.43) [58]. La réaction peut aussi être effectuée en condition non-aérobie libérant alors de l’hydrogène. O R
+ R'OH
+ O2
Pd/C
OR' R
+ 3 H2O
Schéma 2.43 : Éthérification aromatique oxydante
3. Économie redox Dans une synthèse multi-étapes, il y a parfois une ou plusieurs étapes d’oxydation et de réduction. Ne peut-on pas faire une économie redox en les supprimant ou en les intégrant dans un même processus ? Un tel concept conduisant à des réactions isohypsiques (où l’état d’oxydation ne change pas) est né des travaux d’Hendrickson dans les années 1970 [59], l’expression d’économie redox ayant été introduite formellement par Baran en 2008 (pour une revue, voir [60]). Cette économie redox est d’autant plus justifiée que les réactions d’oxydation et les réactions de réduction conduisent souvent à de nombreux déchets nocifs, l’oxydant ne pouvant pas être toujours O2 ou H2O2 et le réducteur ne pouvant pas être toujours H2. Rappelons que globalement les produits chimiques issus du pétrole sont élaborés après une ou plusieurs étapes d’oxydation, toute étape de réduction étant un retour en arrière. Par opposition à la pétrochimie, la végétalochimie qui utilise une biomasse naturellement oxygénée pourrait plus facilement se contenter d’étapes isohypsiques, les étapes de réduction étant cependant nécessaires pour la production de biocarburants de grande capacité énergétique (voir chapitre 6).
Réactions à économie d’atomes optimale 61
3.1. Économie redox par isomérisation L’isomérisation des alcools allyliques en aldéhydes (ou cétones) est typiquement un exemple d’économie redox. En effet, par cette isomérisation, on évite à la fois l’étape de réduction de la double liaison C=C et l’étape d’oxydation de l’alcool (Schéma 2.44). Cette isomérisation peut être réalisée avec un catalyseur au ruthénium en présence d’hexafluorophosphate de triéthylammonium [61]. PPh3 Ru PPh 3 Cl
O R
R'
Cp
OH R
R'
PPh3 Ru PPh3
PPh3 + H+
PPh3 + H+ Cp
Cp Ph3P Ru O H R'
Ru O
Ph3P
Cp: η5-cyclopentadiényle
R
R'
R
R'
Cp Ph3P H Ru O
R
Schéma 2.44 : Isomérisation isohypsique d’alcools allyliques en cétones L’isomérisation d’alcools propargyliques en aldéhydes α,β-éthyléniques permet également d’éviter des étapes de réduction et d’oxydation. L’addition de In(OTf)3 au catalyseur RuCl(PPh3)2(η5-indényl) a permis d’améliorer le procédé [62]. Le mécanisme d’isomérisation est totalement différent du précédent dans la mesure où l’étape clé est ici une migration 1,2 d’hydrure (Schéma 2.45) [63]. Ind
O R
Ru+
H
OH
R
Ph3P PPh3 H+ + PPh3
Ph3P Ru
Ph3P Ru
O
R
H H
H++ PPh3
Ind
Ind
O
R
transfert d'hydrure
H
H
Ind: η5-indényl
Schéma 2.45 : Isomérisation isohypsique d’alcools propargyliques en aldéhydes conjuguées
Chimie verte, concepts et applications
62
3.2. Économie redox par transfert d’hydrogène Le concept d’économie ici est différent. Il ne s’agit plus de supprimer les étapes d’oxydation et de réduction, mais de les intégrer dans un seul et même processus. On réalise en fait des réactions tandem où la première étape est une déshydrogénation alors que la dernière étape est une hydrogénation. Dans ce concept, une molécule d’hydrogène a été transférée ou encore « empruntée » pour être restituée ; ces réactions sont maintenant répertoriées sous le mot clé « hydrogen borrowing ». Le premier exemple d’un tel concept (qui n’avait pas été formalisé à l’époque) avait trouvé une application au xixe siècle avec la réaction de Guerbet [64], i.e. la condensation de deux molécules d’alcool qui donne un alcool supérieur avec comme seul rejet une molécule d’eau (Schéma 2.46). Le mécanisme [65] prévoit quatre étapes successives : déshydrogénation de l’alcool pour donner un aldéhyde, condensation aldolique, déshydratation pour donner un aldéhyde insaturé, enfin hydrogénation. 2 R
OH
cat.
R
base ∆
R
OH + H2O
Schéma 2.46 : Réaction de Guerbet originale (1899) Concernant le rendement d’une telle réaction, une des limites est la formation de produits de Tishchenko ou de Cannizzaro. De bons rendements dans la réaction de Guerbet ont cependant été obtenus avec des catalyseurs à base de métaux de transition, palladium ou iridium [66]. Une base telle que KOH ou tBuOK, ainsi qu’une petite quantité d’accepteur d’hydrogène, tel que le 1,7-octadiène, sont nécessaires (Schéma 2.47). 2
OH
[Cp*IrCl2]2 (1%) 1,7-octadiène (10%) t BuOK (40%) 120 °C, 4 h, xylène
OH
+ H2 O
93%
Cp*= pentaméthylcyclopentadiényle
Schéma 2.47 : Réaction de Guerbet catalysée à l’iridium (2006) On peut naturellement avoir un couplage croisé en mélangeant par exemple une cétone méthylée avec un alcool primaire (Schéma 2.48). L’alcool est déshydrogéné en aldéhyde qui joue le rôle d’électrophile vis-àvis de la cétone méthylée nucléophile. Après crotonisation, la double liaison est hydrogénée. Cela a été réalisé pour la première fois par Rhône-Poulenc en 1969 en présence d’acétylacétonate de ruthénium, en co-catalyse avec de la soude, à 145 °C [67], puis, plus récemment, dans des conditions plus douces avec d’autres complexes au ruthénium [68] ou iridium [69].
Réactions à économie d’atomes optimale 63
R1
R1
O
R
OH +
R2
H2 1
O
O
OH
100 °C sans solvant
O
R1
R2
[Ir (COD)Cl]2 (1%) KOH (20%) PPh3 (20%)
O + H2O
O R2
80%
H2O
Schéma 2.48 : Couplage avec économie redox entre un alcool et une cétone Dans le même ordre d’idées, on peut réaliser, avec de l’eau comme seul déchet, le couplage entre un alcool et un dérivé à méthylène activé incluant les accepteurs de Knoevenagel. L’exemple qui suit est l’alkylation en α d’un arylnitrile (Schéma 2.49) [70]. R1
OH
Ar
1
R
H2 R1
O
R1 Ar
Ar
CN
CN
CN H2O
Ar
CN +
R1
OH
sans solvant 100 °C, 12-17 h [Ir (Cp*)Cl2]2 (2,5%) ou KOH (15%) 110 °C, 10 min, microondes R1 + H2O Ar
CN
Schéma 2.49 : Couplage avec économie redox entre un alcool et un composé à méthylène activé Un autre exemple d’économie redox par transfert d’hydrogène concerne la transformation d’un alcool en amine. La méthode classique consiste en l’activation de l’alcool en dérivé halogéné, puis sa transformation en amine, mais ce processus est générateur de déchets. Afin de se libérer de tout dérivé halogéné intermédiaire, le principe consiste à déshydrogéner l’alcool en présence d’un catalyseur (Ru , Ir…), à faire l’imine puis à hydrogéner l’imine avec le même catalyseur (Schéma 2.50) [71]. Cette stratégie a aussi été utilisée en catalyse hétérogène avec des nanoparticules d’or supportées sur TiO2 [72].
Chimie verte, concepts et applications
64
R
OH
R
NHR'
R
NR'
H2 R
O R'NH2
H2O
Schéma 2.50 : Conversion d’un alcool en une amine secondaire Par analogie avec la réaction précédente, on peut déshydrogéner une amine en imine, puis additionner une autre amine sur l’imine ainsi formée (Schéma 2.51). Le couplage croisé entre une amine primaire et une amine secondaire a même pu être réalisé en évitant tout homocouplage avec comme catalyseur [Cp*IrI2]2 [73]. Le seul sous-produit est de l’ammoniac. Il s’agit là d’une alternative verte au couplage de Buchwald-Hartwig qui nécessite un dérivé halogéné. R
NH2
R
NHR'
R
NR'
H2 R
NH R'NH2
NH3
Schéma 2.51 : Conversion d’une amine primaire en une amine secondaire Un exemple remarquable d’emprunt d’hydrogène concerne la stratégie utilisée pour réaliser la métathèse des alcanes. Les premiers exemples utilisent la catalyse hétérogène : Pt sur alumine combiné avec de l’oxyde de tungstène sur silice à 400 °C [74] ou bien hydrure de tantale supporté sur silice à des températures nettement inférieures [75]. La réaction a également été étudiée en catalyse homogène [76]. À titre d’exemple (Schéma 2.52) l’alcane est déshydrogéné avec un catalyseur à l’iridium ; l’alcène obtenu subit alors une métathèse avec un catalyseur de Schrock au molybdène (voir métathèse des alcènes et des alcynes dans le paragraphe 3.7 du chapitre 3). Le nouvel alcène est ensuite hydrogéné avec le même catalyseur à l’iridium. R
2 R [Ir]
R [Mo]
+
R
+
[Ir]
2 H2
2 R
R
Schéma 2.52 : Principe de la métathèse des alcanes
Réactions à économie d’atomes optimale 65
Un exemple qui permet de bénéficier à la fois d’une économie redox et d’une économie totale d’atomes concerne la synthèse d’amides à partir d’alcools et de nitriles catalysée par un hydrure de ruthénium (Schéma 2.53) [77]. Cette stratégie illustrant parfaitement les principes 1 et 2 de chimie verte permet d’éviter les réactions d’oxydation d’alcool en acide et de réduction de nitrile en amine. Elle permet également de se passer du réactif de couplage nécessaire pour faire réagir l’acide avec l’amine, limitant ainsi fortement les déchets. OH +
R
N C R'
RuH2(CO)PPh3 (0,1 équiv) ligand (0,1 équiv) base (0,2 équiv) toluène, 100 °C
O R
N H
R'
Schéma 2.53 : Synthèse isohypsique d’amides à partir d’alcools et de nitriles
3.3. Économie redox par dismutation Nous avons fait allusion, dans le paragraphe précédent, aux réactions de Cannizaro et de Tishchenko. Dans la réaction de Cannizaro, le benzaldéhyde se dismute en alcool et en acide (en fait en benzoate de sodium puisque la réaction a lieu dans la soude aqueuse). Dans la réaction de Tishchenko qui a lieu en milieu acide non aqueux, on obtient l’ester ; deux aldéhydes différents peuvent être utilisés. Il y a transfert d’hydrure non plus intermoléculairement comme dans la réaction de Cannizaro (ce qui impose l’utilisation d’aldéhydes aromatiques) mais intramoléculairement. Un tel transfert d’hydrure se retrouve dans la réaction d’Evans-Tishchenko qui induit une stéréosélectivité anti supérieure à 99 % (Schéma 2.54) [78]. O OH O Me
SmI2 R1
Me
R2CHO
Me2HC R
1
H O
O
Sm
H 2
R
R2 Me
O
Schéma 2.54 : Réaction d’Evans-Tishchenko
O
OH R1
Me
anti
Chimie verte, concepts et applications
66
4. Addition de HY (Y = O, N, S) sur double et triple liaisons Ces réactions d’addition sont des réactions isohypsiques qui ont lieu avec une économie d’atomes de 100 %. Sur les alcènes et les alcynes non activés, il s’agit en général d’une addition électrophile catalysée par activation de la double ou de la triple liaison par un proton ou un acide de Lewis, addition qui conduit en général à une orientation de type Markovnikov. Cependant une addition anti-Markovnikov peut avoir lieu lors d’une hydrométallation où l’atome d’hydrogène s’additionne comme un hydrure et non plus comme un proton, ou encore lors d’une addition radicalaire telle que l’addition thiol-ène.
4.1. Hydratation L’hydratation des alcènes est une réaction bien connue. Catalysée en milieu acide, elle conduit majoritairement au produit d’addition de Markovnikov. Pour obtenir le produit anti-Markovnikov, on peut passer par l’addition de boranes, mais cette réaction n’est pas du tout économe en atomes. L’hydratation des alcynes catalysée par un acide de Lewis conduit majoritairement aux cétones selon une addition de type Markovnikov. Ainsi dans le cas des alcynes vrais, on obtient les cétones méthylées correspondantes. Cette réaction a longtemps été effectuée en milieu acide sulfurique en utilisant, comme catalyseur, des sels de mercure extrêmement polluants à l’origine de la catastrophe de Minamata dans les années 1960. D’autres sels de métaux de transition ont alors été proposés, incluant Fe, Ru, Ir, Pd, Pt, Ag, Au. Un procédé particulièrement vert est celui qui utilise un catalyseur solide, sans solvant (Schéma 2.55) [79]. Ce catalyseur dont la composition en Ag peut varier, de formule générale AgxH4-xSiW12O40, est préparé à partir de l’acide silicotungstique. Notons que, pour le recycler, il faut utiliser tout de même un solvant (acétate d’éthyle). Avec (Ph3P)AuCH3 en présence d’un acide, le produit de type Markovnikov peut être obtenu avec un rendement très élevé et un TOF pouvant atteindre 15 600 h–1 [80]. R
R O
CH3
H
Ag+-catal. H
R
R
Ag+-catal.
HO
R H+
O
H
H2O H+ Ag-catal. H
Ag-catal. H
Schéma 2.55 : Procédé vert d’hydratation des alcynes avec orientation de type Markovnikov
Réactions à économie d’atomes optimale 67
La régiosélectivité peut être inversée, donnant le produit anti-Markovnikov, en présence de complexes de ruthénium. On sait que ceux-ci donnent facilement à température ambiante des complexes de vinylidène ruthénium à partir d’alcynes vrais [81]. La formation des vinylène métaux débute par la coordination du métal suivie d’une tautomérie permettant un transfert de l’atome d’hydrogène de l’alcyne vrai (Schéma 2.56). Lors de l’hydratation des alcynes vrais, ce mécanisme classique, dont nous verrons plusieurs applications au paragraphe 5.4, rentre en compétition avec la protonation directe du complexe h2-alcyne. Cette protonation est d’autant plus facile que le milieu est aqueux. Après transfert d’hydrure, on obtient un hydrure de vinylidène ruthénium où le carbone lié au ruthénium est électrophile acceptant ainsi une molécule d’eau. Il en résulte qu’après élimination réductrice l’hydrogène de l’alcyne se retrouve sous forme aldéhydique [82]. Ce mécanisme a été parfaitement élucidé en présence de RuCl2/phosphine ou bien de RuCpCl(phosphine)2 dans le milieu protique 2-propanol/eau. R
Ru
H tautomérie [Ru] H
R O R
R
[Ru]
vinylidène ruthénium
H
complexe η2-alcyne
protonation H+
H OH R H
Ru H R
attaque nucléophile de H2O
H
mécanisme classique
Ru H
R
Ru
H
H transfert d'hydrure du carbone au ruthénium adjacent
hydrure de vinylidène ruthénium
Schéma 2.56 : Hydratation des alcynes avec orientation de type anti-Markonikov
4.2. Hydroalcoylation Une réaction importante sur le plan industriel est la réaction, en milieu acide, d’alcools (méthanol ou éthanol) sur l’isobutène, conduisant au MTBE et à l’ETBE (voir chapitre 6, paragraphe 3.2). La réaction passe par un ion
Chimie verte, concepts et applications
68
carbénium stabilisé. En présence de sels de palladium, l’addition des alcools sur les alcènes activés par un groupe électroattracteur conduit aux éthers. En présence d’un excès d’alcool ou en présence d’un diol, on obtient des acétals. Le palladium peut être régénéré comme dans le procédé Wacker (Schéma 2.57) [83].
+ ROH
GEA
-HX
H+
PdX
PdX2 GEA
GEA: groupe électroattracteur
OR ROH
OR
GEA
OR
GEA
OR
Schéma 2.57 : Hydroalcoylation des alcènes
4.3. Hydrocarboxylation Par hydrocarboxylation, on entend généralement l’addition d’un acide carboxylique RCOOH sur un alcène ou un alcyne pour former des esters grâce à la création d’une liaison C-O. Il existe également une possibilité d’ajouter HCOOH avec création d’une liaison C-C.
4.3.1. Hydrocarboxylation avec création d’une liaison C-O Comme pour l’hydratation, l’hydrocarboxylation des alcynes pour donner des esters d’énol était effectuée autrefois par les sels de mercure ; cette réaction peut être remplacée avantageusement par l’utilisation de ruthénium(II) qui permet, selon un mécanisme classique, l’activation électrophile des alcynes vrais, donc une addition de type Markovnikov (Schéma 2.58) [84]. O R
OH
+
O R
OH
+
R'
(p-cymene)RuCl2(PR3)
O O R
(p-cymene)RuCl2(PR3)
R'
O O R
Schéma 2.58 : Procédé vert d’hydrocarboxylation des alcynes avec orientation de type Markovnikov Bruneau et Dixneuf ont montré cependant que l’on pouvait avoir l’addition opposée, de type anti-Markovnikov, en proposant un mécanisme passant par un vinylidène ruthénium, tout en mentionnant que le mécanisme précédent postulant une protonation du complexe h2-alcyne n’était pas
Réactions à économie d’atomes optimale 69
exclu, l’eau étant remplacée par un acide carboxylique [85]. Un ester d’énol (Z) peut être obtenu avec une excellente sélectivité en jouant sur le design des ligands (Schéma 2.59). Nous verrons au chapitre 3 dans le paragraphe 2.3, que l’hydrocarboxylation d’alcènes est utilisée industriellement pour produire de l’acétate d’éthyle à partir d’éthylène et d’acide acétique en présence d’un hétéropolyacide à base de silicium et de tungstène. O R
OH O
R
+
+
H
H
R'
R
RuL2L'
O
R'
H
H
O R
OH
L=
O
RuL2L'
O H
H
L' = Ph2P(CH2)nPPh2 n = 2 ou 4
Schéma 2.59 : Hydrocarboxylation des alcynes avec formation d’esters de type anti-Markovnikov
4.3.2. Hydrocarboxylation avec création d’une liaison C-C Inspiré par l’hydrocarboxylation des alcènes avec l’acide formique [86], Leitner simplifie le processus avec un catalyseur au rhodium en utilisant directement CO2 + H2 dans l’acide acétique. Ce processus vert conduit aux acides carboxyliques correspondants [87]. Exercice 2 Écrire l’équation-bilan de l’hydrocarboxylation des alcènes par HCO2H et par CO2 + H2. Donner un mécanisme plausible pour cette dernière réaction avec les indications suivantes. Premièrement, plutôt que de favoriser la réduction de CO2 en acide formique, le catalyseur à base de rhodium accélère la réaction du gaz à l’eau inverse (voir Schéma 6.4). Deuxièmement, en présence d’acide acétique, le rhodium s’additionne sur la double liaison de l’alcène, il y a ensuite insertion de CO puis hydrolyse de l’acylrhodium.
Chimie verte, concepts et applications
70
4.4. Hydroamination L’hydroamination des alcènes et des alcynes [88] n’est facile que si les alcènes et les alcynes sont activés par conjugaison avec un groupe électroattracteur ; il s’agit alors de la réaction de Michael (voir paragraphe 9). Dans le cas d’alcènes ou d’alcynes non activés, une méthode d’hydroamination peut consister à rendre l’amine plus nucléophile en utilisant l’amidure de lithium correspondant, mais cette méthode n’est pas économique en atomes. Pour avoir une économie d’atomes de 100 %, on peut activer soit l’amine soit la liaison carbone-carbone par un complexe de métal de transition ou de lanthanide utilisé en quantité catalytique.
4.4.1. Hydroamination des alcènes Pour mener à bien l’hydroamination intermoléculaire des alcènes, il n’est pas rare de voir l’amine utilisée avec de très forts excès [89], ce qui limite la vertitude du procédé. Nous nous limiterons donc à l’hydroamination intramoléculaire des alcènes. Deux cyclisations, 5-exo-trig et 6-exo-trig, la première étant plus rapide que la seconde, ont été particulièrement étudiées, conduisant aux pyrrolidines et pipéridines correspondantes (Schéma 2.60) [90]. H2N
H2N
complexe de métaux de transition ou lanthanides
HN
HN
cyclization 5-exo-trig
cyclization 6-exo-trig
Schéma 2.60 : Cyclisations exo-trig dans l’hydroamination des alcènes En présence de complexes de lanthanides (Ln) de type métallocène, le point crucial du mécanisme est la formation d’une espèce comportant une liaison N-Ln par déprotonation de l’amine. L’étape déterminante de la vitesse est alors l’insertion de la double liaison C=C dans la liaison N-Ln, ce qui explique que la réaction est d’ordre zéro par rapport au substrat et d’ordre 1 par rapport au catalyseur [91]. Il s’ensuit une reprotonation qui fait intervenir le substrat, mais cette étape rapide n’intervient pas dans la vitesse globale (Schéma 2.61). Les mêmes auteurs ont montré qu’un complexe chiral de lanthanide pouvait induire des énantiosélectivités jusqu’à 71 % [92]. D’autres métaux trivalents autres que les lanthanides (Sc, Y) ont conduit à des excès supérieurs [93].
Réactions à économie d’atomes optimale 71
L L
H2N
Ln E(SiMe)3 catalyseur NH
H E(SiMe)3 L L
H Ln N
reprotonation rapide H2N
E = CH ou N
L L
H N
Ln
lent insertion de C=C dans la liaison N-Ln H L L Ln N état de transition cyclique
Schéma 2.61 : Mécanisme de l’hydroamination des alcènes
4.4.2. Hydroamination des alcynes La cyclisation des aminoalcynes est plus rapide que celle des aminoalcènes. D’autre part, les alcynes terminaux réagissent aussi rapidement que les non terminaux, ce qui n’est pas le cas pour les alcènes. La cyclisation des aminoalcynes conduit à l’énamine exo qui peut se réarranger en imine (Schéma 2.62). En présence de lanthanides, le mécanisme est similaire au mécanisme de cyclisation des aminoalcènes, l’insertion de la triple liaison dans la liaison N-Ln étant plus facile que dans le cas des aminoalcènes [94].
R R
H2N
complexes de lanthanide
R
H2N
HN
L R
insertion de la L Ln triple liaison L étape lente R
R
N
R
R L Ln N
N
HN
N
protonation
H
étape rapide R
Schéma 2.62 : Hydroamination intramoléculaire des alcynes
N
Chimie verte, concepts et applications
72
Un autre mécanisme est envisagé avec les catalyseurs de métaux du groupe 4 (titane par exemple) qui sont utilisés couramment avec des alcynes internes ou des alcynes terminaux, en inter- ou en intramoléculaire. Avec un alcyne symétrique, on ne forme qu’une seule imine. Avec un alcyne dissymétrique, on obtient les deux produits Markovnikov et anti-Markovnikov (Schéma 2.63). +
R
Ph N
H2N Ph
produit de Markovnikov
R N tBu +
R
H2N tBu
anti
R
produit anti-Markovnikov
Schéma 2.63 : Hydroamination intermoléculaire des alcynes Le premier stade du mécanisme est la formation d’une double liaison N=Ti. Après complexation de la triple liaison par le titane, il y a cycloaddition [2+2] puis reprotonation de l’azamétallocyclobutane (Schéma 2.64). NR'
NR' ou
R R
R
L L
Ti N R'
L L R' L L N Ti N Ti N R' ou H H N R'
R'
R
L R' L Ti N R
R
ou
L R' L Ti N R
R'NH2 L L
Ti N tBu R
défavorable
L L
L
Ti N Ph
R favorable addition de Markonikov
L
Ti N tBu
R favorable addition anti Markonikov
Schéma 2.64 : Mécanisme de l’hydroamination des alcynes catalysée par le titane
Réactions à économie d’atomes optimale 73
Un autre mécanisme possible est celui rencontré avec les complexes de métaux de transition en d8 (Pd, Pt) ou d9 (Ag, Au) qui jouent le rôle d’acides de Lewis permettant d’activer la triple liaison et de la rendre plus électrophile (Schéma 2.65). (n-1)+
n+
M
M
NH2
H
H
H
N H H
H
N H
+ M
n+
Schéma 2.65 : Mécanisme de l’hydroamination des alcynes catalysée par les métaux de transition d8 et d9
4.5. Hydrocarbamoylation L’obtention régiosélective (addition de type anti-Markovnikov) de carbamates d’alcényle directement à partir d’alcynes vrais, d’amines et de CO2 a été réalisée pour la première fois en 1986 en utilisant des complexes de ruthénium [95]. Les auteurs postulent que l’on passe par un intermédiaire vinylidène ruthénium où le carbone lié au ruthénium est suffisamment électrophile pour accepter le carbamate préformé entre l’amine et le CO2, la protonation du ruthénium intervenant dans l’étape suivante (Schéma 2.66). O R
O
H
H
NR'2 O
R
O
H
Ru H
R H
NR'2
H
R
[Ru]
vinylidène ruthénium
Ru
O O H
R
O
H
Ru
NR'2
O NR'2
CO2 + HNR'2
Schéma 2.66 : Mécanisme de l’hydrocarbamoylation des alcynes
4.6. Hydrothiolation L’hydrothiolation des alcènes terminaux a été découverte au début du siècle dernier par Posner [96] tandis que son mécanisme radicalaire a été décrit beaucoup plus tard par Kharasch [97]. Les couplages thiol-ène et thiol-yne peuvent être initiés par le plus vert de tous les catalyseurs tels que l’irradiation à une longueur d’onde proche de la lumière visible ou même par la lumière du soleil.
Chimie verte, concepts et applications
74
4.6.1. Hydrothiolation des alcènes : couplage thiol-ène Une réaction majeure de la chimie « click » est l’addition radicalaire d’un thiol sur un alcène non activé (Schéma 2.67). Le radical thiyle (RS•) est généré à partir du thiol par irradiation lumineuse et/ou en présence d’un initiateur radicalaire. Le radical thiyle s’additionne aux alcènes de façon anti-Markovnikov, conduisant à un radical thioalkyle centré sur le carbone qui, par abstraction d’un radical hydrogène du thiol, conduit au thioéther et à un nouveau radical thiyle. Cette réaction de haute efficacité, d’économie d’atome totale, et compatible avec l’eau et l’oxygène, est largement utilisée en chimie moléculaire et macromoléculaire [98] et les conditions remarquablement douces dans lesquelles elle a lieu permettent également son utilisation dans le domaine des biomolécules [99]. RS
RS
R' RSH
.
RS
R'
R'
Schéma 2.67 : Mécanisme du couplage thiol-ène
4.6.2. Hydrothiolation des alcynes : couplage thiol-yne Une addition similaire peut se faire sur les alcynes. L’addition du radical thiyle conduit au radical thioalkyle le plus stable. Si la réaction est menée avec 1 équiv de thiol, on obtient le sulfure d’alcényle. Ce dernier composé peut additionner un second radical thiyle pour former le dithioéther (Schéma 2.68) [100]. R
R' R
S
S RSH
R'
R R
S
RS
R'
RSH
R
R
S
S
S
R'
Schéma 2.68 : Mécanisme du couplage thiol-yne
R'
Réactions à économie d’atomes optimale 75
5. Création de liaisons C-C via des transpositions prototropiques Ce sont des transformations à économie d’atomes de 100 % mises en valeur par Trost [101]. Elles concernent aussi bien des réactions intermoléculaires qu’intramoléculaires.
5.1. Réactions mettant en œuvre un complexe π-allylique C’est le cas lors de l’isomérisation du groupe allyle en propényle en présence de palladium, étape indispensable à la déprotection du groupe allyle. Le principe général est mentionné dans le schéma 2.69. M H
H+
-H+
M
-M
H
Schéma 2.69 : Principe de formation du complexe π-allylique Dans la réaction de Tsuji-Trost, il y a également formation d’un complexe π-allylique. Sur un vinyloxirane, l’ouverture du cycle conduit à un alkoxyle qui est suffisamment basique pour arracher le proton acide du malonate (Schéma 2.70). Globalement, il y a transfert du proton malonique sur l’oxygène, justifiant le terme de transposition prototropique à la réaction.
H
PdL2 O
+ PdL2
CO2Me
CO2Me
CO2Me MeO2C
O-
O H
Schéma 2.70 : Réaction de Tsuji-Trost avec économie d’atomes de 100 %
5.2. Hydro versus carbamétallation Les réactions d’hydro- et de carbamétallation sont des réactions d’addition syn sur des doubles et triples liaisons. Classiquement, ces réactions de métallation sont précédées d’une addition oxydante de métal dans une liaison C-H, puis suivies d’une élimination réductrice.
Chimie verte, concepts et applications
76
Nu M
Nu H
M
H
Nu M H ou hydrométallation carbométallation
Nu M H addition oxydante
-M Nu M
H
ou
insertion dans la liaison M-H
Nu
M H
Nu
H
élimination réductrice
Nu
H
insertion dans la liaison Nu-M
Schéma 2.71 : Étapes fréquemment rencontrées en chimie organométallique
5.2.1. Hydrocyanation des alcènes L’hydrocyanation des alcènes est une hydrométallation initiée par un complexe de nickel(0) (Schéma 2.72) [102]. CN
R
Ni L4 R
H L Ni L CN
élimination réductrice
insertion de C=C dans la liaison Ni-H
R
HCN
- 2 L addition
H L Ni L NC
oxydante
H NC
Ni
L L R
Schéma 2.72 : Hydrocyanation des alcènes L’application industrielle la plus connue (procédé DuPont) est l’hydrocyanation du butadiène catalysée par du nickel complexé par des phosphites. Une première hydrocyanation donne un mélange de nitriles qui sont isomérisés avant d’additionner une deuxième molécule de HCN pour conduire ensuite à l’adiponitrile (Schéma 2.73). L’addition énantiosélective de HCN sur les alcènes catalysée par du nickel entouré de ligand chiral est traitée dans le paragraphe 3.6.1 du chapitre 3.
Réactions à économie d’atomes optimale 77
O Ph3B
+ HCN
CN
P 3
CN
CN
HCN
NC
CN adiponitrile
Schéma 2.73 : Synthèse de l’adiponitrile
5.2.2. Hydroacylation des alcènes et des alcynes L’hydroacylation intra- et intermoléculaire des alcènes permet de passer d’un aldéhyde à une cétone avec 100 % d’économie d’atomes. Les catalyseurs le plus souvent employés sont des catalyseurs au rhodium ou au ruthénium (pour une revue de l’hydroacylation des alcènes et des alcynes, voir [103]). Si l’alcène est remplacé par un alcyne, on obtient une cétone possédant une double liaison de configuration E en raison de l’orientation syn de l’addition [104]. Le mécanisme de la réaction d’hydroacylation intramoléculaire des alcènes est représenté dans le schéma 2.74. La décarbonylation de l’intermédiaire acylmétal conduit à un sous-produit. C’est un facteur limitant qui a été récemment surmonté en ajoutant une molécule chélatante, telle une 2-aminopyridine, mais celle-ci doit être présente en quantité stœchiométrique, diminuant d’autant l’économie en atomes [105]. O
O H
[M]
addition oxydante
élimination réductrice
O
O
M
M
H
CO M H
O insertion de C=C dans la liaison M-H
M H
complexation
décarbonylation parasite
Schéma 2.74 : Mécanisme de l’hydroacylation des alcènes
Chimie verte, concepts et applications
78
5.2.3. Hydroarylation des alcènes et des alcynes L’alkylation du benzène avec de l’éthylène pour former l’éthylbenzène est une réaction de type Friedel-Crafts qui se fait avec une économie d’atomes de 100 %. D’une façon générale, l’addition sur les alcènes se fait selon l’orientation de Markovnikov, c’est-à-dire en faveur du produit ramifié. En revanche, dans la réaction de Murai catalysée par du ruthénium (0), on obtient le produit anti-Markovnikov régiosélectivement sur la position ortho d’un groupe directeur (Schéma 2.75) [106].
O
+
RuH2(CO)(Ph3)2
R
O
Toluène, reflux
R
Schéma 2.75 : Hydroarylation des alcènes, orientation de type anti-Markovnikov Le catalyseur est d’abord réduit en une espèce Ru(0). La liaison C-H en ortho du groupe directeur est alors activée par une attaque nucléophile de Ru(0) permettant ainsi l’addition oxydante de Ru(0) dans cette liaison C-H [107]. La suite du mécanisme, qui fait intervenir une hydrométallation puis une élimination réductrice, est plus classique (Schéma 2.76). RuH2CO(PPh3)2 O
O Ru(0)
R
élimination réductrice
complexation par Ru
O Ru
O
H
H Ru R insertion de la double liaison dans la liaison Ru-H
activation de la liaison C-H O
O R
Ru H
H
Ru oxaruthenacyclopentène
Schéma 2.76 : Mécanisme de la réaction de Murai Globalement, la réaction de Murai correspond à une hydroarylation régiosélective d’alcènes. Elle a été étendue à l’hydroarylation d’alcynes, permettant
Réactions à économie d’atomes optimale 79
ainsi un couplage sp2-sp2 avec 100 % d’économie d’atomes. En remplaçant le noyau aromatique par une double liaison C=C activée, on peut, via le même mécanisme, établir les mêmes types de couplage (Schéma 2.77) [108]. OMe Ph
O
RuH2CO(PPh3)3
OMe
Ph
O
OMe C4H9
SiMe3
O
RuH2CO(PPh3)3
SiMe3 C4H9
Schéma 2.77 : Hydroarylation de Murai des alcynes et des alcènes Si le noyau aromatique est un hétérocycle, on peut isoler un complexe de rhodium-NHC (carbène N-hétérocyclique) intermédiaire dans la réaction d’hydrohétéroarylation d’alcènes (Schéma 2.78) [109]. N
H
+
R
Y
[RhCl (COE)2]2 (0,05 équiv) PCy3 (0,1 équiv)
N
R
Y
Y = O, N, C H N Y
PCy3
COE = cyclooctène
Rh Cl PCy3
complexe Rh-NHC Schéma 2.78 : Hydrohétéroarylation des alcènes
5.2.4. Hydroformylation La réaction d’hydroformylation permet d’accéder aux aldéhydes à partir d’alcènes sans perte d’atomes. Le procédé Shell utilise un catalyseur au cobalt, HCo(CO)4 (Schéma 2.79). Le mécanisme débute par une hydrométallation de la double liaison C=C. Nous n’avons représenté que le régioisomère qui conduit au produit linéaire, majoritaire par rapport au produit ramifié. On discutera au chapitre 4 (paragraphe 2.5.4) du procédé RuhrchemieRhône-Poulenc qui utilise du rhodium (métal de la même famille que le
Chimie verte, concepts et applications
80
cobalt) en milieu biphasique, permettant un recyclage aisé du catalyseur et une meilleure régiosélectivité. D’autre part, on discutera au chapitre 3 (paragraphe 3.6.2) de l’hydroformylation asymétrique. HCo(CO)4
O R
- CO
H
HCo(CO)3
élimination réductrice O R
R
16 e-
HCo(CO)3
CoH2(CO)3
18 e-
18 e-
R
insertion de C=C dans la liaison H-Co
addition oxydante H2 R
O 16 e-
H Co(CO)3
insertion de CO dans la liaison C-Co
R
Co(CO)4
Co(CO)3
R
16 e-
CO
18 e-
Schéma 2.79 : Mécanisme de l’hydroformylation des alcènes
5.2.5. Dimérisation des hydrocarbures insaturés 5.2.5.1. Dimérisation des alcènes La dimérisation des alcènes est une réaction très utilisée en pétrochimie. Ainsi la dimérisation de l’éthylène, issu du vapocraquage du pétrole, donne du butène selon un mécanisme qui implique une hydro- et une carbamétallation (Schéma 2.80) [110]. Nous verrons dans le chapitre 4 au paragraphe 5.2 comment l’utilisation de liquides ioniques à l’échelle industrielle a permis d’améliorer le procédé de dimérisation des butènes en octènes (procédé Difasol de l’IFP).
β-élimination d'hydrure
Ni-H
hydrométallation Ni
H
Ni carbamétallation
Ni
Schéma 2.80 : Mécanisme de dimérisation des alcènes
Réactions à économie d’atomes optimale 81
5.2.5.2. Dimérisation des alcynes et couplage croisé La dimérisation des alcynes vrais donne, selon un mécanisme qui débute par une carbamétallation, des énynes-1,3 sans perte d’atomes [111]. On peut même obtenir un couplage croisé sélectif entre un alcyne vrai et un alcyne portant un groupe électroattracteur (Schéma 2.81). OMe P
3
Pd(OAc)2
2
R
R
OMe
R
temp. amb.
+ R2
R1
CO2Me
R2
id
CO2Me
produits d'addition tête-queue
R1 Schéma 2.81 : Dimérisation des alcynes L’espèce catalytique réactive est un acétate d’alcynylpalladium qui pourrait résulter d’une insertion de Pd dans la liaison C-H de l’alcyne vrai, rendue possible par la coordination de la triple liaison sur le palladium. La complexation de cette espèce alcynylpalladium sur une autre triple liaison favorise alors la carbamétallation conduisant à un énynepalladium (Schéma 2.82). Un autre mécanisme de dimérisation d’alcynes vrais passe par la formation de vinylidène métal (voir paragraphe 5.4). H R
L PdOAc
R R
L H Pd
OAc
R
L alcynylpalladium PdOAc
R Pd OAc R
H
R
carbamétallation
énynepalladium
Schéma 2.82 : Mécanisme de dimérisation des alcynes
Chimie verte, concepts et applications
82
5.2.5.3. Télomérisation des diènes-1,3 Il s’agit d’une oligomérisation de diènes en présence d’un nucléophile. La réaction est en général catalysée par du palladium et conduit aux produits linéaire et ramifié. Le nucléophile peut être de l’eau, un alcool, un polyol, un phénol, un acide carboxylique ou une amine (Schéma 2.83) (pour une revue, voir [112]).
linéaire 2
+ HY nucléophile
[Pd]
Y
ou Y ramifié
Schéma 2.83 : Télomérisation des diènes 1,3
5.2.6. Cycloisomérisation des énynes-1,6 La cycloisomérisation des énynes-1,6 donne des diènes-1,4 et des diènes-1,3. Plusieurs mécanismes ont été envisagés [113].
5.2.6.1. Mécanisme via une hydrométallation de l’alcyne Ce mécanisme de cycloisomérisation des énynes-1,6 débute par une hydrométallation sur l’alcyne (Schéma 2.84) suivie d’une carbamétallation intramoléculaire puis d’une β-élimination d’hydrure [114]. La formation de diènes-1,3 nécessite l’élimination d’un hydrogène endocyclique. Globalement, la formation des diènes-1,4 à partir des énynes-1,6 correspond à une réaction ène intramoléculaire.
5.2.6.2. Mécanisme via un métallocycle Ce mécanisme conduisant aux diènes-1,4 s’applique à la réaction ène intramoléculaire des énynes-1,6 catalysée par du ruthénium (Schéma 2.85) [115]. La formation du diène-1,3 n’est alors pas favorable car l’hydrogène en jonction de cycle (cet atome n’est pas spécifiquement mentionné sur le schéma) n’a pas une bonne orientation spatiale par rapport à la liaison C-Ru. En effet, l’angle dièdre entre les plans C-C-H et C-C-Ru doit être proche de 0° pour induire une β-élimination.
Réactions à économie d’atomes optimale 83
ou
Pd(0)+AcOH HPd(II)OAc
β-élimination d'hydrure
H Pd(II) OAc
Pd(II)OAc H
H
hydrométallation
H
carbamétallation
Pd(II)OAc
Schéma 2.84 : Cycloisomérisation des énynes-1,6 via hydrométallation de l’alcyne
Ru+
élimination réductrice
Ru+
Ru+
H β-élimination de l'hydrure le plus accessible
addition oxydante
Ru
+
H Schéma 2.85 : Cycloisomérisation des énynes-1,6 via un métallocycle
Chimie verte, concepts et applications
84
Une version intermoléculaire de cette réaction ène est possible. Elle constitue une bonne méthode de préparation des diènes-1,4 à partir d’un alcyne et d’un alcène, sans perte d’atomes (Schéma 2.86).
Cl
R
élimination réductrice
+
Ru
R
+ Ru COD
+ COD Ru H
+ Ru COD
R
R
+ COD Ru H
β-élimination d'hydrure
R
COD = cyclooctadiène Schéma 2.86 : Préparation de diènes-1,4 par réaction ène sur un alcyne Si l’alcène est remplacé par un alcool allylique, alors on obtient des cétones γ,δ-éthyléniques (Schéma 2.87) [116] ou des aldéhydes γ,δ-éthyléniques [117] selon le même mécanisme. Notons à ce stade qu’il est important que le ruthénium n’ait pas de ligand phosphine trop labile (voir mécanisme du paragraphe 5.4.2).
Cl R
H
R'
R'
R
OH
+
O
Ru
+
NH4+PF6- , 100 °C
O R'
R Schéma 2.87 : Préparation de cétones γ,δ-éthyléniques par réaction ène sur un alcyne
Réactions à économie d’atomes optimale 85
5.3. Alcynylation L’alcynylation des composés carbonylés, des imines et des nitrones permettent d’accéder aux alcools, amines et hydroxylamines propargyliques correspondants. La méthode classique consiste à utiliser un acétylure nécessitant alors la formation d’un dérivé organométallique. La méthode peut avoir une économie d’atomes de 100 % si le métal est utilisé en quantité catalytique et si les deux seuls réactifs sont le composé carbonylé (l’imine ou la nitrone) et l’alcyne vrai (Schéma 2.88). HO
O R1 N R1 O R1
R3 R2
N
R3 R2
R
R1
R2
+
R
H
sel métallique base (catalyseurs)
R2
R3HN R
R1 HO
R2 3 N R
R1
R R2
Schéma 2.88 : Alcynylation de cétones, imines, nitrones Ainsi une avancée considérable a-t-elle été effectuée dans la réaction entre des alcynes vrais et des nitrones grâce à l’utilisation d’une quantité catalytique de Zn(OTf)2 (0,1 équiv) et d’amine tertiaire (0,25 équiv) [118]. Les auteurs ont montré qu’il y a formation rapide et réversible d’un acétylure de zinc (la bande de vibration CH de l’alcyne vrai à 3 275 cm–1 disparaît complètement entre 2 et 5 minutes) qui joue alors le rôle de nucléophile (Schéma 2.89) [119]. Le point central qu’il faut souligner réside dans le fait que la complexation de la triple liaison avec le sel métallique augmente considérablement l’acidité du proton acétylénique permettant une déprotonation avec une base faible telle une amine encombrée (non nucléophile). Ce cycle catalytique a également été appliqué en série aldéhyde avec des sels de zinc [120] d’indium [121] ou d’argent [122]. On peut dans certains cas obtenir des alcools propargyliques avec d’excellentes inductions asymétriques en rajoutant des ligands chiraux catalytiques. En utilisant une amine non encombrée en quantité stœchiométrique, on forme l’imine à partir de l’aldéhyde, imine qui subit de même l’addition nucléophile d’un acétylure. Cette stratégie introduite par C.-H. Li conduit à des amines propargyliques énantiomériquement pures en présence de cuivre(I) et de ligands chiraux, aussi bien dans l’eau que le toluène [123]. D’autres méthodes d’alcynylation dans l’eau seront développées dans le chapitre 4.
Chimie verte, concepts et applications
86
Bn N
OH R
R1
R
H
Zn(OTf)2 iPr2EtN H+ -OTf Bn N
O Zn OTf R
R1 O
N
R1
R
H Zn(OTf)2 iPr2EtN
Bn
R
Zn-OTf iPr2EtN H+ -OTf
H
Schéma 2.89 : Mécanisme de l’alcynylation
5.4. Création de liaisons C-C via un vinylidène métal Comme nous l’avons vu dans le paragraphe 4.1, la formation des complexes vinylidène métaux débute par la formation d’un complexe h2-alcyne qui peut évoluer directement par une migration de l’atome d’hydrogène. Le complexe peut aussi favoriser une addition oxydante du métal dans la liaison Csp-H pour donner un complexe qui se transforme en vinylène métal par tautomérie (Schéma 2.90). [M] R
H
+[M]
R
R
1 étape
H
M
H
complexe η2-alcyne
vinylidène métal 2 étapes
addition oxydante
H R
tautomérie
M
Schéma 2.90 : Formation d’un vinylidène métal
5.4.1. Dimérisation des alcynes vrais Alors que l’alcynylpalladium s’additionne via une carbamétallation sur une autre molécule d’alcyne vrai (voir paragraphe 5.2.5.2), l’alcynylruthénium conduit à un vinylidène ruthénium avec une autre molécule d’alcyne vrai (Schéma 2.91). Cela implique que la condensation de deux molécules d’alcynes vrais ne peut aboutir qu’à des produits d’addition tête-tête (noter la différence avec les complexes de palladium qui donnent les produits d’addition tête-queue). Les produits d’addition peuvent éventuellement se réarranger en cumulènes.
Réactions à économie d’atomes optimale 87 H R
produits d'addition tête-tête
H
2 R
H
H
R
H R H
R
R
R cumulène
R
Ru
intermédiaire vinylidène ruthénium H
R
Schéma 2.91 : Dimérisation des alcynes vrais
5.4.2. Formation de cétones β,γ-éthyléniques Les complexes de vinylidène ruthénium peuvent coordiner la double liaison d’un alcool allylique avec départ d’une phosphine ; l’alcool peut alors réagir de façon intramoléculaire sur le carbone électrophile du vinylidène ruthénium donnant intermédiairement un carbène de ruthénium (Schéma 2.92). Il y a ensuite transposition sigmatropique de type Claisen, puis élimination réductrice. Globalement, l’addition de l’alcool allylique sur l’alcyne vrai conduit à une cétone β,γ-éthylénique avec une économie d’atomes de 100 % [124]. Notons avec attention que l’alcool en tant que nucléophile s’additionne sur la double liaison C=C et non sur la double liaison C=Ru comme on aurait pu le penser. À vrai dire, l’addition sur la double liaison C=Ru se produit avec d’autres complexes de ruthénium conduisant alors à des allylvinyl éthers qui se réarrangent partiellement dans les conditions de la réaction donnant des mélanges [125].
R'
In(OTf)3
R
PPh3 Ru PPh 3 Cl
PPh3 Cp Ru PPh3
O PPh3 Ph3P Cp
réarrangement sigmatropique de Claisen
Ph3P Cp Ru Ph3P
R
Ru
H
O R'
R R vinylidène ruthénium H OH R'
R
Ph3P
Ph3P Cp Ru
Cp Ru O
carbène de ruthénium R'
R OH
PPh3
H
R'
Schéma 2.92 : Préparation de cétones β,γ-éthyléniques via un vinylidène métal
Chimie verte, concepts et applications
88
5.5. Réactions du méthylène activé Les β-dicétones, β-diesters et β-cétoesters possèdent un groupe méthylène activé permettant la formation aisée des énols correspondants pouvant jouer le rôle de nucléophile. L’addition de composés dicarbonylés-1,3 sur des alcynes vrais peut être catalysée par In(OTf)3 (de 0,05 à 5 %) à 100-140 °C sans solvant [126]. Cette α-alcénylation qui ne nécessite pas de base passe par la formation d’un énolate d’indium (Schéma 2.93). La réaction a une économie d’atomes de 100 %. R
TfO OTf In O O
H O
O In(OTf)2 R
O
H
O O
O
H R
H
H
Schéma 2.93 : α-alcénylation de composés dicarbonylés-1,3 Quant à l’α-alkylation des composés dicarbonylés-1,3, elle peut être réalisée avec des alcools en présence d’une quantité catalytique d’InCl3 [127]. Le seul sous-produit est de l’eau permettant d’optimiser l’économie d’atomes pour ce type de réactions. Un des mécanismes possible est celui où l’énolate d’indium réagit directement avec l’alcool (allylique ou benzylique) activé par InCl3.
6. Carbonylation La carbonylation est l’insertion de CO dans une molécule. Plusieurs mécanismes sont possibles. Nous avons déjà vu le mécanisme qui débute par une hydrométallation, comme dans le cas de l’hydroformylation des alcènes. Nous décrivons maintenant deux autres mécanismes. Le premier d’entre eux concerne les réactions où la première étape est l’insertion d’un métal dans une liaison carbone-halogène (paragraphes 6.1 et 6.2) ; le deuxième mécanisme passe par un complexe π qui se transforme en complexe σ. Si le substrat est un alcyne, alors on passe par un vinylmétal (paragraphe 6.3).
Réactions à économie d’atomes optimale 89
6.1. Carbonylation des alcools La carbonylation des alcools permet d’accéder aux acides carboxyliques correspondants sans perte d’atomes. Ainsi, la carbonylation du méthanol catalysée par du rhodium donne de l’acide acétique. Le procédé Monsanto utilise du rhodium, alors que le procédé Cativa utilise de l’iridium, métal de la même famille que le rhodium. Les deux mécanismes sont similaires. Avec le catalyseur à l’iridium, CH3OH et CO sont utilisés en quantité équimoléculaire. La première étape est une insertion de Ir dans la liaison C-I de CH3I présent en quantité catalytique (Schéma 2.94). CH3OH
CH3COOH HI O
H2O
H2O I
H3C
élimination réductrice
CH3 CO I C O Ir I CO -I
18 e
CO
I CO Ir I CO 16 e-
CH3 I C O Ir I CO I 16 e-
CH3I addition oxydante
CH3 I CO Ir I CO I 18 einsertion de CO dans la liaison Ir-C
Schéma 2.94 : Mécanisme du procédé Cativa de production d’acide acétique à partir du méthanol Un autre exemple concerne la synthèse de l’ibuprofène, un analgésique, selon le procédé Hoechst-Celanese [128] catalysé au palladium, synthèse qui s’appuie sur deux réactions à économie d’atomes de 100 %, dont une carbonylation. (Schéma 2.95). Là encore, le mécanisme débute par une insertion de palladium dans la liaison C-Cl du chloroalcane présent en quantité catalytique (Schéma 2.96). CO2H
OH
O H2
CO
Pd/C
PdCl2/Ph3P/HCl
Schéma 2.95 : Procédé Hoechst-Celanese de préparation de l’ibuprofène
Chimie verte, concepts et applications
90 O R
ROH
OH O
R
H2O
Ph3P
RCl
Cl
Pd
CO
Cl
Ph3P
O
Pd
Ph3P
Cl CO
R
R Ph3P
CO
addition oxydante
Pd(PPh3)2CO
élimination réductrice
Ph3P
H2O
HCl
Ph3P
Pd
Cl
O
R
insertion de CO dans la liaison Pd-C
Schéma 2.96 : Mécanisme général de la carbonylation des alcools par le palladium Les alcools pouvant être préparés par hydratation d’alcènes sans perte d’atomes, on peut donc préparer des acides carboxyliques à partir d’alcènes avec une économie d’atomes de 100 %. C’est le cas dans la synthèse industrielle du naproxène catalysée par le couple PdCl2/CuCl2 et HCl (Schéma 2.97). Le mécanisme est très proche du précédent. En présence d’une quantité catalytique de HCl, la double liaison exocyclique du naproxène subit une addition de type Markovnikov. Le chloroalcane correspondant insère le palladium comme précédemment. La suite est strictement identique.
+ H2O + CO MeO
OH
PdCl2/CuCl2 HCl
O
MeO
Schéma 2.97 : Synthèse industrielle du naproxène
6.2. Amidocarbonylation Le procédé Hoffmann-La Roche [129] pour la préparation du lazabémide, un antiparkinsonien, est un exemple d’amidocarbonylation, autre réaction à économie d’atomes totale (Schéma 2.98). Cl
Cl N
+ CO + H2N Cl
NH2
H N
Pd (0,0002 équiv) N
NH3+Cl-
O
Schéma 2.98 : Procédé Hoffmann-La Roche de synthèse du lazabémide
Réactions à économie d’atomes optimale 91
Comme dans les précédentes synthèses, il y a d’abord insertion de Pd dans la liaison C-Cl puis insertion de CO dans la liaison Pd-C, addition de CO et enfin élimination réductrice pour donner un chlorure d’acyle. Celui-ci permet alors la monoacylation de l’amine (Schéma 2.99). O Cl
NH2
H2N
N
N
NH3+ Cl-
O Cl N
élimination réductrice
Ph3P Ph3P
Cl
Pd
Cl
Cl Pd(PPh3)2CO
addition oxydante
OC O
Cl N
OC
Cl CO
Pd
N
CO N OC OC
Cl
Pd
Cl
O N
CO
Cl insertion de CO dans la liaison Pd-C
Cl
Schéma 2.99 : Mécanisme de l’amidocarbonylation du procédé Hoffmann La Roche
6.3. Carbonylation de Reppe La carbonylation de Reppe sur les alcènes et les alcynes permet d’obtenir les acides carboxyliques et les esters méthyliques correspondants si le nucléophile est l’eau ou le méthanol (Schéma 2.100) [130]. Nu
+ CO + Nu-H O
Nu
+ CO + Nu-H O
Schéma 2.100 : Carbonylation de Reppe Nous avons vu un mécanisme possible dans le cas de la synthèse du naproxène où l’alcène subit une attaque de type Markovnikov (voir paragraphe 6.1). Un autre mécanisme, qui n’implique pas d’ajouter une quantité catalytique d’acide, peut intervenir comme dans la fabrication de méthacrylate de méthyle à partir de propyne (Schéma 2.101).
Chimie verte, concepts et applications
92
CH3
CH3OH
CO2CH3 P P Pd A N
-
A P Pd N P P
N A-
CH3 CO2CH3 NH+
NH+ P P Pd OCH 3 N CO
NH+ H3C P Pd N O P
P P CO Pd OCH 3 N
OCH3
NH+ H3C
NH+
P P Pd N O
NH+ OCH3
P
NH+
Schéma 2.101 : Mécanisme de la carbonylation de Reppe sur un alcyne vrai
7. Réactions péricycliques Les réactions péricycliques sont des réactions où l’état de transition est cyclique. Elles sont souvent concertées et stéréosélectives. Ce sont des réactions à économie d’atomes de 100 % permettant de créer des liaisons C-C dans des conditions souvent modérées grâce à un large choix de catalyseurs. Nous n’aborderons dans ce chapitre que des aspects généraux, réservant l’implication du catalyseur à base de métal de transition dans ces réactions au chapitre 3.
7.1. Cycloadditions [4+2] Les cycloadditions [4+2] sont des réactions de Diels-Alder ou d’hétéro Diels-Alder. Dans ces dernières, un hétéroatome (O ou N) remplace un atome de carbone. Toutes ces réactions mettent en jeu 6 électrons π de façon concertée et sont donc permises thermiquement selon les règles de Woodward-Hoffmann. Connue depuis 1938, la réaction de Diels-Alder met en jeu un diène conjugué et un alcène (appelé diénophile). Le diène doit adopter la conformation cissoïde (nettement moins stable que la transsoïde) pour réagir, ce qui explique en partie l’énergie d’activation importante de la réaction.
Réactions à économie d’atomes optimale 93
Pour l’abaisser, un catalyseur, type acide de Lewis, est souvent nécessaire. D’autre part, la réaction de Diels-Alder a un volume d’activation fortement négatif, ce qui implique que la vitesse de réaction augmente avec la pression, à température constante (voir discussion de cet aspect dans le paragraphe 2.5.2 du chapitre 4). La règle d’Alder énoncée en 1939 précise que la réaction a lieu entre un diène riche en électrons (qui joue alors le rôle de nucléophile) et un alcène pauvre en électrons (l’électrophile). Cependant on sait maintenant que l’on peut avoir rigoureusement l’inverse. On parle alors de réaction de DielsAlder à demande inverse, résultant de l’interaction entre un diène appauvri en électrons (l’électrophile) et un alcène riche en électrons (le nucléophile). La réaction de Diels-Alder est régiosélective, stéréospécifique et endosélective. Une fois le problème de régiosélectivité réglé, se pose le problème stéréochimique. On peut former jusqu’à 24 = 16 stéréoisomères (Schéma 2.102). En série racémique, cela ne fera que huit produits. La stéréospécificité de la réaction, directement liée au fait que la réaction est concertée, s’exprime au travers des configurations relatives des substituants. Si l’on a un diène (E,E), alors la configuration relative au niveau des carbones portant X1 et X2 est cis. Si l’alcène est (Z), la configuration relative au niveau des carbones portant Z1 et Z2 est cis. La configuration relative au niveau des carbones portant X1 et Z1 est liée à l’endosélectivité, qui n’est pas toujours de 100 %. Si elle s’en approche, alors on pourra considérer que la réaction est un réel atout en termes de chimie verte. Le problème de l’induction asymétrique qui peut se résoudre par catalyse asymétrique sera traité au chapitre 3. X1
X1
Z1
Z1 +
Z2
Z2
X2
2
diène (E,E) alcène (Z)
X composé racémique issu de l'attaque endo X1
X1
Z1
Z1 + 2
Z2
X
diène (E,E) alcène (E)
Z2 X2 composé racémique issu de l'attaque endo (par rapport à Z1)
Schéma 2.102 : Aspects stéréochimiques dans la réaction de Diels-Alder
94
Chimie verte, concepts et applications
Exercice 3 En utilisant la théorie de Fukui, prix Nobel de chimie en 1981, démontrer la règle d’Alder, i.e. la réaction de Diels-Alder a lieu préférentiellement entre un diène riche en électrons et un diénophile appauvri en électrons. Montrer que l’on peut avoir rigoureusement l’inverse. Montrer que la réaction peut être régiosélective. Quel est le facteur essentiel qui explique son endosélectivité ?
7.2. Cycloadditions [2+2] Selon les règles de Woodward-Hoffmann, les cycloadditions [2+2] concertées ne sont pas permises thermiquement, mais elles sont permises photochimiquement. Ainsi on prépare facilement par voie photochimique des cyclobutanes (voir le principe de la photochimie dans le chapitre 5 au paragraphe 5.1). Il existe également des cycloadditions [2+2] non concertées. Ainsi par voie thermique, on peut préparer des cyclobutanones par cycloaddition d’un alcène avec un dichlorocétène, électrophile très puissant (mais aussi très toxique). Quant à la réaction de Paternò-Büchi qui donne accès aux oxétanes par voie photochimique, elle passe par un intermédiaire biradicalaire comme nous le verrons dans le chapitre 5, au paragraphe 5.2.2.
7.3. Cycloadditions [3+2] Il y a trois types de cycloadditions [3+2] : les cycloadditions 1,3-dipolaires, les cycloadditions diradicalaires et les cycloadditions d’organométalliques. Même si ces dernières peuvent être catalytiques comme dans la formation intermédiaire de triméthylèneméthane stabilisé par du palladium [131], il y a des groupements activateurs perdus au cours de la réaction. Nous nous limiterons donc au premier type, car elles ont toujours une économie d’atomes de 100 %. Les cycloadditions 1,3-dipolaires mettent en jeu 4 électrons π provenant d’un dipôle 1,3 et 2 électrons π d’un alcène (ou d’un alcyne). Elles sont permises thermiquement, l’alcène pouvant jouer le rôle de nucléophile ou d’électrophile. La régiosélectivité peut être expliquée par la valeur respective des populations orbitalaires (démonstration identique à celle qui prévaut pour la réaction de Diels-Alder, voir en annexes le paragraphe 2.4). À titre d’exemple, les nitrones, obtenues facilement à partir de la cétone (ou de l’aldéhyde) et de l’hydroxylamine correspondantes, ont une population orbitalaire sur l’oxygène nettement supérieure à celle sur le carbone, dans leur HO (orbitale moléculaire la plus haute occupée). C’est cette orbitale frontière qui intervient vis-à-vis de la BV (orbitale moléculaire la plus basse vacante) d’un alcène appauvri donnant ainsi accès à un seul régioisomère (Schéma 2.103).
Réactions à économie d’atomes optimale 95
Me
-0,65 Me
N
CO2Me
Me
O +0,74
Me
CO2Me N O
Schéma 2.103 : Coefficients orbitalaires de la nitrone impliquant la régiosélectivité observée La cycloaddition 1,3-dipolaire est stéréospécifique, les alcènes (Z) conduisant aux composés cis et les alcènes (E) conduisant aux composés trans, comme dans l’exemple du schéma 2.104, mettant en jeu un oxyde de nitrile comme dipôle 1,3 [132]. Ar
N O + R
(Z)
R
N
Ar R
cis
O R
Ar
N O R + (E) R
N
Ar R
O
R trans
Schéma 2.104 : Stéréospécificité dans une cycloaddition 1,3-dipolaire Un exemple de cycloaddition 1,3-dipolaire très employée à l’heure actuelle en raison de son efficacité et de sa portée scientifique est la cycloaddition entre un alcyne et un azoture, découverte par Huisgen [133], mais revisitée indépendamment par Meldal [134] et Sharpless [135] dans le cadre de la chimie « click » (revoir l’introduction de ce chapitre). Alors que la réaction de Huisgen nécessite un chauffage et conduit à un mélange quasi équimoléculaire de 1,2,3-triazoles 1,4-disubstitués et 1,5-disubstitués, les conditions de Meldal et Sharpless sont plus douces et conduisent aux triazoles 1,4-disubstitués avec une excellente régiosélectivité. Plus récemment, il a été montré que les catalyseurs au ruthénium permettent d’obtenir les triazoles 1,5-disubstitués de manière régiosélective [136]. Cependant, contrairement à la catalyse au cuivre, la réaction nécessite l’utilisation de solvants aprotiques et des températures plus élevées (Schéma 2.105). L’accélération peut atteindre un facteur de 107 grâce à l’utilisation d’un catalyseur, du cuivre(I) ou du cuivre(II) réduit in situ par de l’ascorbate de sodium, voire éventuellement du cuivre(0) qui libère Cu(I). De nombreux mécanismes faisant intervenir un acétylure de cuivre(I) ont été proposés. Grâce à des études isotopiques sur le cuivre4, Fokin a récemment mis en évidence un intermédiaire où deux atomes de cuivre agissent de concert pour rendre régiosélective la réaction (Schéma 2.106) [137]. En greffant du cuivre(I) sur une zéolithe, on obtient un catalyseur qui peut être filtré pour une utilisation ultérieure [138]. 4
Les deux isotopes naturels du cuivre 63 et 65 sont dans le rapport 69/31.
Chimie verte, concepts et applications
96
R2
+
R1
N N N
N N
∆ R2
+
N N N
R1
N N
Cu(I)
N R1
R2 1,2,3-triazole 1,5-disubstitué
1,2,3-triazole 1,4-disubstitué R2
N N
+
N R1
N R1
R2 1,2,3-triazole 1,4-disubstitué
R2
+
N N N
R1
N N
Ru(II)
N R1
R2 1,2,3-triazole 1,5-disubstitué
Schéma 2.105 : Cycloadditions azoture-alcyne
N
N
1
R
N
R2 R1
H
[Cu]
H+ Cu
H+ N R2 N N R1 Cu
H
R1
Cu R2 N N Cu N R1
Cu
N N
R1
Cu
R2 N
N N N R2 Cu Cu
Schéma 2.106 : Mécanisme de la cycloaddition de Huisgen catalysée par Cu(I) Du cuivre(II), en absence de réducteur, a été récemment utilisé, impliquant vraisemblablement un mécanisme différent. Particulièrement intéressant en termes de chimie verte est l’utilisation de CuSO4 immobilisé sur chitosane car ce catalyseur est recyclable et aucun relargage de cuivre n’est détecté dans la solution [139]. Ce second facteur est à prendre en considération pour la préparation de triazoles à des fins biologiques.
Réactions à économie d’atomes optimale 97
Il existe également une cycloaddition 1,3-dipolaire entre un azoture et une cétone, qui ne libère que de l’eau comme sous-produit (Schéma 2.107). La réaction organocatalysée (voir chapitre 3, paragraphe 6) peut être effectuée dans l’eau [140]. Par voie thermique, la cétone doit être activée. Le mécanisme montre que la forme énolique de la cétone, ou de l’énamine dans le cas de l’organocatalyse par un dérivé de la proline, s’additionne sur le dipôle 1,3 de l’azoture et qu’il y a ensuite déshydratation pour former la double liaison C=C [141]. 1
R
N3 +
N
R3
O
R1
R2
N R3 + H2O
N R2
Schéma 2.107 : Cycloaddition organocatalysée entre une cétone et un azoture Exercice 4 Quelles sont les deux principales méthodes pour préparer le dérivé RN3. Montrer que l’économie d’atomes d’une synthèse utilisant la réaction de Huisgen est finalement faible. Quel solvant est à exclure dans la réaction de substitution d’un dérivé halogéné par NaN3 ?
7.4. Cycloadditions [2+2+2] La cycloaddition [2+2+2] est une réaction de trimérisation de triple ou double liaisons catalysée par des métaux de transition (Co, Ru, Rh, Ni, Pd, Ir…) (pour une revue récente, voir [142]). Parmi ceux-ci, le cobalt, introduit par Vollhardt, a été largement utilisé dans de nombreuses synthèses [143]. Le mécanisme général de trimérisation des alcynes catalysée par le cobalt passe par un intermédiaire cobaltcyclopentadiène qui peut être isolé (Schéma 2.108) [144].
alcyne
CpCo(PPh3)2
t.a.
Cp Co
Cp Co Ph3P
alcyne 80-90 °C
PPh3
Schéma 2.108 : Trimérisation de triples liaisons
Chimie verte, concepts et applications
98
Des nitriles peuvent participer à la trimérisation, donnant accès aux pyridines correspondantes. À titre d’exemple, citons la trimérisation sur support solide, sous microondes à 300 W (voir chapitre 4, paragraphe 3), d’azadiynes avec un nitrile (Schéma 2.109) [145]. R +
Y N
R
CpCo(CO)2 N
Y support solide
Y N
N
toluène microonde, 300 W 110 °C, 10 min
Schéma 2.109 : Trimérisation impliquant un nitrile
7.5. Réaction ène, réaction et cyclisation de Prins Si dans la réaction de Diels-Alder, on remplace une double liaison du diène par une simple liaison C-H, on obtient la réaction ène. Elle nécessite des températures extrêmement élevées peu compatibles avec les produits organiques fragiles. Celles-ci sont fortement abaissées en remplaçant la liaison C-H par une liaison C-Métal, mais on perd alors pour cette réaction métallo-ène le bénéfice d’une réaction à économie d’atomes de 100 %. Plus intéressant est de remplacer l’alcène par un composé carbonylé ou une imine car ces réactants peuvent être activés par catalyse acide permettant des conditions plus douces en température, surtout dans des réactions intramoléculaires. À vrai dire, la réaction entre un alcène et le formaldéhyde est connue sous le nom de réaction de Prins. Celle-ci n’est pas une réaction péricyclique, mais elle est traitée ici par analogie avec la réaction carbonyl ène. Elle passe par un ion carbénium donnant éventuellement le même produit que dans la réaction carbonyl ène mais pouvant évoluer différemment (Figure 2.1). H
réaction ène
M
réaction métallo-ène
H
H+ X
réaction hétéro-ène
R
O H H réaction de Prins
Fig. 2.1 : Analogies entre réactions ène et réaction de Prins Un mécanisme de type Prins est observé dans l’étape-clé de la synthèse de l’exiguolide [146]. L’ion carbénium intermédiaire est alors piégé par l’eau donnant une économie d’atomes de 100 % à la transformation. La réaction a lieu à température ambiante (Schéma 2.110).
Réactions à économie d’atomes optimale 99 H+ O
OBn
MeO O
MeO
H+
O
OBn
O
O
puis H2O
AE= 1
O
HO 81%
Schéma 2.110 : Mécanisme de type Prins dans la synthèse de l’exiguolide Examinons le mécanisme de la réaction de Prins entre un alcène et un aldéhyde (Schéma 2.111) (pour une revue de la réaction de Prins, voir [147]). Comme indiqué, la réaction en milieu acide passe par l’intermédiaire d’un ion carbénium. Comme tout ion carbénium, il peut évoluer vers la substitution (avec de l’eau ou un nucléophile présent) pour donner les produits de Prins ou vers l’élimination conduisant à un alcool homoallylique. Notons que cet alcool peut être considéré comme issu d’une réaction carbonyl ène. Il peut, dans les conditions de la réaction, s’additionner sur l’aldéhyde présent. L’ion oxocarbénium intermédiaire peut alors se cycliser selon un processus 6-endo majoritaire (5-exo minoritaire) conduisant à des tétrahydropyranes (et tétrahydrofuranes), produits de la cyclisation de Prins [148]. OH
R1 H+
O R1
X-
OH
R1 R2
X R2 produits de Prins
R2
OH
H2O R1 substitution
élimination produit de la réaction ène
R2
R2CHO O
R1 2
R
R2CHO
R2
R2
O
R1 OH
R2
OH + H
OH
-H2O
+
H
R2
1
R
R1 R2
R2
OH
OH
R1
O
cyclisation R1 de Prins O
R2
2
R
+
R
R O 6-endo
O 5-exo
X X
R1
+ O
O
R2 2
2
X
R2
R1
R2
R1
R2 R2
O
Schéma 2.111 : Mécanisme de la réaction de Prins et évolutions possibles
Chimie verte, concepts et applications
100
8. Réactions d’aldolisation La réaction d’aldolisation a été découverte il y a un siècle et demi, indépendamment, par le chimiste français Wurtz et le compositeur russe Alexandre Borodine (qui était aussi médecin et chimiste). C’est l’une des très rares grandes réactions qui ne portent pas le nom de leur inventeur. Elle a une importance considérable, la structure aldol étant fréquente dans de nombreux produits naturels à partir desquels sont issus de nombreux médicaments. Elle met en jeu deux composés carbonylés dont l’un au moins est énolisable, i.e. possède un hydrogène en α du groupe carbonyle. Cette cétone (ou aldéhyde) énolisable est appelée donneur, l’énol ou l’énolate étant le nucléophile, alors que l’autre cétone (ou aldéhyde) est l’accepteur, jouant le rôle d’électrophile (Schéma 2.112). O
HO
O O
O
OH
H aldolisation
+ H2O crotonisation
Schéma 2.112 : Couplage croisé entre l’énol de la cétone et un aldéhyde Il apparaît que la réaction d’aldolisation a une économie d’atomes de 100 %. La réaction de déshydratation qui s’ensuit (essentiellement en conditions acides, mais parfois aussi en conditions de base forte) ne libère que de l’eau et au final la cétone conjuguée ou produit de condensation de ClaisenSchmidt, est obtenue avec une économie optimale. Cette situation idéale n’est pas une garantie que le processus soit vert [149]. Soyons bien conscients des difficultés inhérentes à la réaction d’aldolisation. Tout d’abord on peut imaginer un homocouplage ou bien un couplage croisé. Dans l’exemple choisi, l’homocouplage peut se faire avec la cétone ou bien avec l’aldéhyde, le couplage croisé pouvant aussi avoir lieu entre l’énol de l’aldéhyde et la cétone. D’une façon générale, l’aldéhyde est plus électrophile que la cétone (qui est elle-même plus électrophile qu’un ester) et la cétone est plus facilement énolisée que l’aldéhyde. Cela donne déjà une première indication quant à la chimiosélectivité observée. L’énol représenté au Schéma 2.112 est l’énol thermodynamique, souvent un mélange (Z)/(E), par opposition à l’énol cinétique plus rapidement formé. Il s’ensuit donc de nouveau un problème de chimiosélectivité. Quant à la diastéréosélectivité, elle apparaît car l’aldol peut avoir une configuration relative syn ou bien anti. Pour mémoire, selon la convention introduite par Masamune [150] et utilisée aujourd’hui fréquemment, la chaîne carbonée est représentée en zigzag, i.e. dans une conformation anti (attention à la polysémie de ce qualificatif) ; dans ces conditions le syn correspond au composé où les deux substituants sont du même côté, alors que dans l’anti, ils sont de part et d’autre du plan (Figure 2.2).
Réactions à économie d’atomes optimale 101
La diastéréosélectivité d’une réaction peut être évaluée par l’excès diastéréomérique (ed) des produits, défini par la différence des pourcentages de chacun des deux diastéréisomères. Ainsi un excès diastéréomérique ed = 90 % signifie que les deux diastéréoisomères sont dans le rapport 95/5. OH
OH Me
Me
syn
anti
Fig. 2.2 : Convention de Masamune concernant les configurations relatives syn/anti Les conditions de la réaction peuvent influencer l’économie d’atomes. La catalyse acide permet de favoriser la formation de l’énol et augmente l’électrophilie de l’aldéhyde. En revanche, il ne sera pas possible de s’arrêter au stade aldol et la réaction conduira à la double liaison. En conditions basiques, on peut avoir une réaction de Cannizzaro, qui correspond à une disproportionation de l’aldéhyde en carboxylate et en alcool. Cela se produit par exemple dans la synthèse industrielle du pentaérythritol (voir son utilisation en annexes dans le paragraphe 1.3.3). Après trois condensations aldoliques successives d’acétaldéhyde (le donneur) avec du formaldéhyde (l’accepteur), la réaction de Cannizzaro donne le pentaérythritol et du formiate. L’économie d’atomes est loin d’être optimale puisque de la chaux est utilisée en quantité stœchiométrique, mais le procédé est simple. Afin de favoriser l’énolate cinétique et la diastéréosélectivité de l’aldolisation, on est amené à utiliser à basse température une quantité stœchiométrique de base lithiée. Le contrôle régiochimique et stéréochimique de la réaction se fait donc au détriment de l’économie d’atomes sauf dans des cas particuliers, notamment en catalyse par des acides de Lewis ou par des aldolases (voir chapitre 3, paragraphes 4.4.1 et 5.6.2). Nous verrons dans le chapitre 4 que l’eau favorise cette réaction à volume d’activation négatif. Ainsi un mélange stœchiométrique de méthylcétones énolisables et d’aldéhydes particulièrement réactifs donne à température ambiante, en présence d’une quantité catalytique de Na2CO3 dans l’eau, l’aldol correspondant de façon quantitative (Schéma 2.113) [151]. La catalyse asymétrique a aussi été appliquée à la réaction d’aldolisation permettant de la rendre énantiosélective (voir chapitre 3). O R
+ ArCHO
O
Na2CO3 H2O
R
OH Ar
Schéma 2.113 : Réaction d’aldolisation éco-compatible
Chimie verte, concepts et applications
102
9. Additions conjuguées Les additions conjuguées sont des additions de nucléophiles sur des accepteurs de Michael, tels que amides, esters, cétones, nitriles conjugués. Au lieu de réagir sur le carbone lié à l’hétéroatome (addition-1,2), le nucléophile réagit sur le carbone situé à l’extrémité du système π (addition-1,4). On dit alors que l’on est sous contrôle frontalier (voir en annexes le paragraphe 2.3). Considérons le cas où le nucléophile est associé à un cation. Si ce cation ne peut pas se complexer avec l’oxygène de l’accepteur de Michael, soit parce qu’il forme avec son partenaire une paire intime (par opposition à une paire lâche), soit parce qu’il est fortement solvaté (le solvant séquestre le cation qui ne peut alors se coordiner à l’oxygène), alors l’addition de Michael est favorisée par rapport à l’addition-1,2 sur le groupe carbonyle. Pour avoir une économie d’atomes de 100 %, on utilise une quantité catalytique de base favorisant la nucléophilie de NuH (Schéma 2.114). L’avantage de cette réaction réside dans le fait qu’il est possible de faire des réactions tandem (voir paragraphe 10). On ajoute alors dans le milieu un électrophile, tel un agent alkylant (induisant cependant une production de sels sauf si c’est un oxirane) ou un aldéhyde. H Y + NuH
Nu
Y
O
Nu
Y
O
O
Schéma 2.114 : Principe de l’addition conjuguée Une réaction qui débute par une addition conjuguée est la réaction de Baylis-Hillman, catalysée par divers nucléophiles, tel que DABCO (Schéma 2.115). Cette réaction permet d’additionner des esters acryliques ou des nitriles conjugués sur des aldéhydes avec une économie totale d’atomes. Si le catalyseur est chiral, on peut avoir une réaction asymétrique, tout en préservant l’économie d’atomes. Cela a été réalisé avec des hydroxypyrrolizidines et des dérivés d’alcaloïdes [152]. N N
OEt
attaque nucléophile de DABCO
N
R
O
N
OEt O
O piégeage de RCHO
N
R
O
N
OEt O
élimination de DABCO
R
OH CO2Et
Schéma 2.115 : Réaction de Baylis-Hillman catalysée par DABCO
Réactions à économie d’atomes optimale 103
10. Réactions domino Les réactions domino ou tandem correspondent à des suites réactionnelles ayant lieu dans un même contenant (« one pot ») en conservant le milieu réactionnel (même catalyseur, même solvant). Elles peuvent faire intervenir deux ou plusieurs composants. Une première réaction a lieu entre deux réactants (ou éventuellement plus dans le cas de réactions multi-composants) conduisant à un produit intermédiaire qui, dans les conditions réactionnelles (ou éventuellement après addition d’un autre réactif), subit une seconde réaction, voire plusieurs réactions successives. On peut avoir une véritable cascade réactionnelle. Les exemples sont extrêmement nombreux et l’imagination dans ce domaine peut permettre d’accéder à une très large librairie de structures originales. Ont été exclues de ce paragraphe les réactions utilisant du monoxyde de carbone dans des réactions à trois composants comme l’hydroformylation, les couplages avec carbonylation, la réaction de Pauson-Khand, étudiées par ailleurs.
10.1. Réactions domino biocatalysées La biosynthèse du cholestérol nous fournit un bel exemple de cascade réactionnelle. L’étape qui est étudiée ici est la transformation du squalène en lanostérol. Cette étape débute par une époxydation catalysée par une monooxygénase (voir chapitre 3, paragraphe 5.5.2) pour donner le 2,3-oxydosqualène. Celui-ci subit la cascade réactionnelle catalysée par la lanostréol synthase, enzyme qui apporte localement à la fois la basicité et l’acidité, pour donner un protostérol qui se réarrange ensuite en lanostérol [153]. La force motrice de la première étape enzymatique de la cascade réactionnelle est dominée par la protonation de l’époxyde qui crée un carbocation tertiaire qui évolue jusqu’au protostérol. Quant à la deuxième étape de la cascade réactionnelle, elle débute par l’attaque d’un résidu basique de l’enzyme sur le proton H9 conduisant à la double liaison C8=C9 et transférant le groupe méthyle de la position 8 à la position 14. Cette migration de méthyle, qui se fait avec inversion de configuration, est accompagnée d’une seconde migration de méthyle de C14 à C13, puis de deux migrations d’hydrure de C13 à C17 puis à C20, migrations qui se font toujours avec inversion de configuration (Schéma 2.116).
10.2. Réactions domino catalysées par un métal de transition La cascade réactionnelle peut débuter par une insertion du métal dans une liaison C-X (X = halogène ou pseudo-halogène). Le complexe organométallique s’additionne ensuite sur une double liaison (éventuellement une triple liaison) pour donner via une carbamétallation un nouveau complexe σ-alkylé. S’il n’y a pas de β-élimination d’hydrure (déshydrométallation), alors le processus peut continuer. À tout moment, une molécule de CO peut s’insérer. La terminaison se produit soit par β-élimination d’hydrure, soit par piégeage d’un nucléophile. Le schéma 2.117 où le métal est le palladium donne le principe général, mais on n’est pas limité à deux carbamétallations.
Chimie verte, concepts et applications
104
H H
H
H
Enz
H
H
O
HO protostérol
2,3-oxydosqualène
20 13 14
9
17H
8
HO lanostérol
Schéma 2.116 : Cascade réactionnelle au cours de la biosynthèse du cholestérol OMe O
piégeage par un nucléophile (ex. MeOH)
PdX O
2ème carbamétallation avec insertion de CO
X
insertion du métal puis 1ère carbamétallation
PdX
2ème carbamétallation en absence de CO déhydrométallation
PdX
Schéma 2.117 : Cascade réactionnelle par carbamétallations
Réactions à économie d’atomes optimale 105
La réaction précédente n’a pas une économie d’atomes optimisée. On peut cependant construire une cascade réactionnelle utilisant les métaux de transition et dont l’économie d’atomes est totale. Rappelons que la cycloisomérisation des énynes-1,6 passe par un intermédiaire organopalladié via une hydro- puis une carbamétallation (voir paragraphe 5.2.6). Celui-ci peut continuer à réagir en cascade sur des doubles liaisons bien positionnées, par carbopalladations successives suivies de la β-élimination finale. Il n’y a aucune perte d’atomes. Ainsi la cyclisation de l’ényne-1,6 du schéma 2.118 peut-elle être réalisée avec un rendement de 86 % par hydropalladation suivie de cinq carbapalladations. On dit qu’il s’agit d’une réaction de type fermeture éclair (zipper reaction) [154]. hydrométallation puis carbamétallation (voir schéma 2.84)
OMe E
(dba)2Pd2,CHCl3 (0,025 équiv) Ph3Sb, AcOH (0,1 équiv)
E E = SO2Ph
OMe
OMe E
PdL
E
E
PdL
E OMe
4 carbamétallations successives
PdL E E OMe
β-élimination réductrice E E Schéma 2.118 : Réaction de type fermeture éclair
Chimie verte, concepts et applications
106
Dans la cycloisomérisation des énynes-1,6, l’intermédiaire organopalladié conduit aux diènes-1,3 et -1,4. Une excellente régiosélectivité en faveur du diène1,3 a été observée lorsqu’une fonction alcène ou alcyne se trouve espacée de 2 à 3 carbones du système diénique, permettant ainsi une seconde cycloisomérisation (réaction de Diels-Alder thermique) en tandem (Schéma 2.119) [155]. Pd(OAc)2 (0,05 équiv)
E E E = CO2Me
toluène reflux
E E
espaceur 72% E E
ed 33%
Schéma 2.119 : Réaction tandem cycloisomérisation/Diels-Alder
10.3. Réactions domino radicalaires Le point qui nous intéresse tout particulièrement dans ce chapitre sur l’économie d’atomes est la formation du radical qui peut initier une cascade réactionnelle. Celui-ci est classiquement généré via une réduction de dérivés halogénés ou pseudo-halogénés par un métal, par Et3B ou par Bu3SnH. Même si ce réactif peut être remplacé par une quantité catalytique de Bu3SnCl en présence d’un autre réducteur (comme un borohydrure ou mieux encore un sous-produit de l’industrie, voir chapitre 3, paragraphe 3.1.5), on est loin d’une économie d’atomes optimale. La cycloaromatisation thermique, introduite par Bergman [156], peut être une solution intéressante, mais elle ne s’applique que sur des cas bien spécifiques. C’est le cas si la molécule possède un enchaînement de type (Z)-1,2,4-heptatrièn-6-yne qui se réarrange spontanément par chauffage en un biradical alkylbenzènediyle (transposition de Myers) [157], début d’une cascade réactionnelle (Schéma 2.120) [158]. Un exemple récent de transposition de Myers est celui qui a été réalisé dans des matériaux mésoporeux (de type MCM 41 ou SBA 15, voir chapitre 3, paragraphe 2.4.2) où une amine a été greffée [159]. Cette base permet l’obtention de la fonction allène par isomérisation propargylique. L’avantage de la méthode repose sur le fait que la silice mésoporeuse qui sert à promouvoir la réaction en cascade peut être filtrée et réutilisée.
Réactions à économie d’atomes optimale 107
R
R
R
.
H
80°C
sous-unité (Z)-1,2,4-hetpatrién-6-yne R
R
trans Schéma 2.120 : Cascade réactionnelle radicalaire
10.4. Réactions domino Michael-α-alkylation et Michael-aldolisation Cette stratégie a été beaucoup étudiée dans la synthèse de prostaglandines à partir de cyclopentènes, l’addition du nucléophile puis de l’électrophile se faisant de façon séquentielle (Schéma 2.121). Notons que, par rapport à la simple addition de Michael qui se termine par une hydrolyse, le proton est remplacé soit par un agent alkylant, soit par un aldéhyde. O
O
O E
Nu
Nu
E Nu
Schéma 2.121 : Addition de Michael suivie d’une α-alkylation ou d’une aldolisation Le nucléophile est souvent un organométallique qui s’additionne en 1,4 (organocuprate par exemple), mais dans ce cas on n’a pas une réaction à économie d’atomes maximale. Nous donnons ici un exemple de réaction à économie d’atomes de 100 %, conduisant, de plus, à un composé avec un excès énantiomérique de 97 % (Schéma 2.122) [160].
Chimie verte, concepts et applications
108
O
O
O +
H
CO2Me t BuONa 5 (0,09 équiv) CO2Bn
TBSO
OH
(S)-ALB TBSO (0,1 équiv)
CO2Bn
CO2Me 5 CO2Bn CO2Bn
Li O O Al O O (S)-ALB
Schéma 2.122 : Exemple de réaction domino Michael-aldolisation énantiosélective
10.5. Réaction domino Knoevenagel-hétéro Diels-Alder La réaction de Knoevenagel conduit à un système oxadiène qui peut jouer le rôle d’électrophile dans une réaction d’hétéro Diels-Alder inverse. Comme nous l’avons vu, la réaction de Diels-Alder fait en général intervenir un diène riche en électrons et un diénophile pauvre en électrons. L’inverse peut cependant avoir lieu si le diène (ou l’oxadiène pour la réaction d’hétéro Diels-Alder) est très électrophile (BV basse) et si le diénophile (ou oxadiénophile) est enrichi (HO élevée). C’est le cas dans la réaction tandem du schéma 2.123 qui a lieu dans le dichlorométhane à 20 °C et qui ne libère que de l’eau comme sous-produit [161]. Si l’aldéhyde ne contient pas de fonction alcène comme précédemment, on peut rajouter un troisième composé tel qu’un vinyl éther particulièrement nucléophile dans la deuxième étape de la réaction tandem. Cette stratégie a été utilisée récemment dans la synthèse de la (+)-D-forosamine [162].
10.6. Réactions multicomposants via imine ou iminium Dans ces réactions, le premier stade de la réaction est la formation d’une imine ou d’un iminium, qui jouent le rôle d’électrophile vis-à-vis de divers nucléophiles : cyanure (réaction de Strecker), cétone énolisable (réaction de Mannich), adduit de Michael (réaction d’aza Baylis-Hillman), acétylure (couplage A3), isonitrile (réaction d’Ugi). Compte tenu de son importance, cette dernière réaction sera traitée dans le paragraphe 10.7 dédié aux isonitriles.
Réactions à économie d’atomes optimale 109
O CHO
condensation de Knoevenagel
N
+ N
O
O
H3N
O N
NH3 2 AcO
N
O
O
Energie de la BV abaissée par le groupe amide
Energie de la HO augmentée par les groupes Me
hétéro Diels-Alder
HO: orbitale moléculaire occupée la plus haute BV: orbitale moléculaire vacante la plus basse
H
O N
H N
O
O
Schéma 2.123 : Exemple de réaction domino Knoevenagel-hétéro Diels-Alder
10.6.1. Réaction de Strecker La réaction de Strecker est l’une des toutes premières réactions à trois composants (Schéma 2.124) [163]. Elle conduit à des nitriles α-aminés, précurseurs d’acides α aminés, pouvant être intégrés dans un peptide. Une version asymétrique de la réaction de Strecker conduisant à des excès énantiomériques allant jusqu’à 94 % a été décrite par Kobayashi 150 ans plus tard (Schéma 2.125) [164]. O R1
R2
+
H2N R1
NH3 + HCN
CN R2
+
H2O
α-aminonitriles
Schéma 2.124 : Réaction de Strecker originale (1850) HO
O R1
H
+
+ HCN
H2N R2
catalyseur Zr binucléaire HO (0,01-0,05 équiv) CH2Cl2 - 45 °C
+ H2O
HN R1
R2 CN
Schéma 2.125 : Réaction de Strecker énantiosélective (2000)
Chimie verte, concepts et applications
110
10.6.2. Réaction de Mannich La réaction de Mannich est une réaction à trois composants comprenant un aldéhyde, une imine et une cétone énolisable. La réaction a lieu en général dans des solvants protiques au pH optimum de 4-5. Notons que, dans cette réaction, l’aldéhyde joue le rôle d’électrophile, alors que la cétone joue le rôle de nucléophile (Schéma 2.126). Afin d’éviter des problèmes de sélectivité, on utilise parfois une voie indirecte en préformant l’imine ou l’iminium. Ce dernier étant plus électrophile que l’aldéhyde, cela permet de faciliter la réaction avec la forme énolique de la cétone et d’éviter la réaction parasite d’aldolisation. La réaction de Mannich est sous contrôle cinétique, à condition de ne pas la prolonger trop longtemps. Des deux énols (thermodynamique et cinétique), c’est l’énol le plus substitué donc le thermodynamique (sauf s’il est trop encombré) qui conduit au produit majoritaire. L’énol le plus substitué est en effet, pour des raisons électroniques, le plus réactif (ne pas oublier que l’effet d’un substituent tel que le méthyle est de rehausser le niveau de la HO) conduisant au produit majoritaire d’autant plus que la constante d’équilibre est en faveur de cet énol en vertu du principe de Curtin-Hammett (voir en annexes le paragraphe 3.1 qui fait un rappel de ce principe). Celui-ci s’applique dans la mesure où l’équilibre entre les deux énols est rapide par rapport à leur addition nucléophile sur l’iminium. Indépendamment du problème de régiosélectivité lié aux énols, se pose un problème de diastéréosélectivité et d’énantiosélectivité lié aux centres stéréogènes. L’organocatalyse asymétrique est un moyen de résoudre ce problème (voir chapitre 3, paragraphe 6.4.1). La réaction de Mannich peut faire partie d’une réaction domino plus complexe comme dans la méthodologie introduite par Overman d’une séquence aza-Cope-Mannich [165]. O R1
H
+
R2
N H
R3
O +
R5
R4 R6
H R2
N
OH
R3 R4
R1 H iminium électrophile
R5
R6 énol nucléophile
3 R2 R N O + H2O * * R1 R4 5 R6 R
* centres stéréogènes
Schéma 2.126 : Réaction de Mannich
10.6.3. Réaction d’aza Baylis-Hillman Dans la réaction de Baylis-Hillman, l’adduit de Michael s’additionne sur un aldéhyde (voir paragraphe 9). En présence d’un sulfonamide, d’un aldéhyde
Réactions à économie d’atomes optimale 111
aromatique et d’un accepteur de Michael, on a une réaction à trois composants (Schéma 2.127). On forme transitoirement la sulfonimine qui joue le rôle d’électrophile en lieu et place de l’aldéhyde de la réaction de Baylis-Hillman [166]. O Ar
H
O O + S R NH2
+
O
O OMe
NEt3
R
Acide de Lewis
S
O NH
O
Ar
OMe
Schéma 2.127 : Réaction d’aza Baylis-Hillman
10.6.4. Couplage A3 Cette réaction à trois composants met en jeu un aldéhyde, une amine et un alcyne (les 3 A), donnant accès à des amines propargyliques. Celles-ci peuvent être obtenues, de façon classique, en utilisant des quantités stœchiométriques d’acétylures métalliques sur des imines préformées, ce qui ne satisfait pas aux principes de chimie verte. La réaction multicomposants qui fournit directement l’amine propargylique utilise différents catalyseurs métalliques [M] à base de cuivre, argent, or, indium, fer, ruthénium, iridium, etc. ; l’équation-bilan montre que seule l’eau est un sous-produit (Schéma 2.128). Le couplage fut principalement optimisé avec des amines secondaires et avec des anilines. En ajoutant dans le milieu réactionnel une quantité catalytique de ligand chiral, il est possible d’obtenir des amines propargyliques avec des excès énantiométriques supérieurs à 95 % [167]. R2 O R1
H
+
N H H
R3
R2 [M] R4
R1
N
R3 *
+ H2O R4
Schéma 2.128 : Principe du couplage A3 (aldéhyde, amine, alcyne) L’alcyne complexe le métal rendant l’hydrogène de la liaison H-Csp suffisamment acide dans le milieu réactionnel. L’acétylure de métal qui en résulte joue alors le rôle de nucléophile vis-à-vis de l’iminium formé entre l’aldéhyde et l’amine de départ (Schéma 2.129). La toute première réaction entre ces trois partenaires fut introduite par un chimiste français, Guermont, il y a plus de 60 ans [168]. Elle utilisait du trioxane (générant du formaldéhyde), de l’acétate de cuivre(I) comme catalyseur et du dioxane comme solvant à une température (90 °C) proche de son reflux. Dans des conditions voisines (même solvant, même température) mais en utilisant du chlorure de cuivre comme catalyseur et en accrochant l’alcyne sur une résine de Rink, toute une gamme d’amines propargyliques a pu être obtenue [169].
Chimie verte, concepts et applications
112 R2
N
R3
R1
H R4
O R1
H
+
R2
N H
R3
R2 R1
N
[M]
R4
+
R3 OH M
R4
H
R4 [M]+
H2O
OH
Schéma 2.129 : Mécanisme du couplage A3 En milieu aqueux, la réaction a été testée avec succès en présence de CuBr/RuCl3 [170], AuBr3 [171], ou AgI [172], chacun de ces catalyseurs ayant leur spécificité concernant les amines. Sous microondes, la réaction utilisant CuI est plus générale [173]. Afin de récupérer le catalyseur pour des usages successifs, différentes techniques ont été développées, soit par extraction, soit par précipitation. Lorsque la réaction a lieu dans un liquide ionique tel que [bmim] PF6 (voir chapitre 4, paragraphe 5), l’extraction du produit par de l’éther laisse dans la phase liquide ionique le catalyseur (CuCN) permettant sa réutilisation [174]. Une technique plus classique est d’imprégner le catalyseur sur un support solide. La technique a été utilisée avec succès en utilisant de l’or sur de l’oxyde de cérium [175]. Particulièrement vert est le procédé mis au point par Pale qui utilise comme catalyseur une zéolithe sur laquelle est greffé du cuivre(I) ; le catalyseur peut être filtré et réutilisé [176]. Le couplage A3 peut être inclus dans une séquence de réactions domino. Nous décrivons ici une réaction à quatre composants comprenant un aldéhyde, une amine allylique, un alcyne et un diénophile (Schéma 2.130). Une fois le couplage A3 réalisé en présence de CuBr2, on est en présence d’un ényne-1,6. Le milieu réactionnel est alors filtré sur Florisil® ; le filtrat est évaporé puis le résidu est traité dans les conditions de la deuxième réaction domino permettant une cycloisomérisation conduisant à un diène1,3. Celui-ci, en présence de diénophile, donne transitoirement l’adduit de Diels-Alder qui s’aromatise. Le catalyseur choisi pour la deuxième réaction domino est un catalyseur à l’iridium, connu pour favoriser les réactions de déshydrogénation (voir au paragraphe 3.2 plusieurs exemples de déshydrogénation avec des catalyseurs à l’iridium) si bien que l’on obtient en définitive la séquence suivante : couplage A3, cyclodimérisation d’énynes, réaction de Diels-Alder, déshydrogénation [177].
Réactions à économie d’atomes optimale 113 Première réaction domino O EtO2C
+ Ph
H
+ H
N H
R
CuBr2 (0,1 équiv) 20 °C, 24 h toluène
Deuxième réaction domino Ph
N + H2O
EtO2C
[Ir(COD)Cl]2 (0,03 équiv) AcOH (0,12 équiv)
R
110 °C, 24 h, toluène cycloisomérisation
N Ph EtO2C
R
O O
O
O
+ 1/2 O2 (air)
réaction de Diels-Alder suivie de déshydrogénation
N
Ph
O
EtO2C
+ H2O
O
R
jusqu'à 74%
Schéma 2.130 : Réactions domino successives Dans l’exemple précédent, nous avons fait état de deux réactions domino (couplage A3 d’une part, cycloisomérisation-Diels-déshydrogénation d’autre part) et non d’une seule réaction domino qui engloberait les deux. En effet, si la réaction a bien lieu dans un même contenant (« one pot »), elle requiert toutefois une filtration pour changer de catalyseur. Dans l’exemple du schéma 2.131, le couplage A3 se fait en tandem avec une cycloisomérisation suivie d’une déshydrogénation. Il s’agit d’une seule réaction domino car un seul et même catalyseur sert aux deux processus [178]. R2
O R1
H
NH2
+ R3
+ H
+ 1/2 O2
R1
N
FeCl3 (0,1 équiv) toluène 110 °C, 24 h R2
+ 2 H2O R3 air
H N
R2
H N
R1 [M] R2 R3
R1 [M]
R3
N
R2
R1
R3
Schéma 2.131 : Réaction domino à quatre composants
Chimie verte, concepts et applications
114
10.6.5. Couplage KA2 Le couplage KA2 est l’équivalent du couplage A3 dans lequel l’aldéhyde est remplacé par une cétone. Là encore le seul sous-produit est de l’eau. Il faut toutefois noter que ce couplage est plus difficile que le couplage A3. Un catalyseur de choix semble être le chlorure du cuivre(II) qui permet l’utilisation en quantité strictement stœchiométrique des trois composants, cyclohexanone, amines, alcynes à 110 °C [179].
10.6.6. Cas particulier des cyclopropylimines Préparées in situ à partir des cyclopropylaldéhydes, les cyclopropylimines peuvent insérer un atome de rhodium pour donner intermédiairement un azarhodacycle (voir par analogie la formation d’un oxaruthénacycle au paragraphe 5.2.3) qui est susceptible d’additionner un alcyne pauvre en électrons par cycloaddition [5 + 2] pour donner des dihydroazépines (Schéma 2.132). Les meilleures conditions permettant des rendements supérieurs à 95 % sont réalisées en utilisant un appareil de Dean-Stark pour évacuer l’eau avant de rajouter le catalyseur (0,05 équiv), puis très lentement l’alcyne [180]. E R
H
H
N [Rh(CO)2 Cl]
E
O
NR
E = CO2Me
E
H2O
+ RNH2
cycloaddition insertion de Rh [5+2]
E
R R
N
Rh
N
Rh
H
azarhodacyclopentène Schéma 2.132 : Mécanisme de formation de dihydroazépines
10.7. Réactions multicomposants à base d’isonitrile 10.7.1. Généralités La première de ces réactions IMCR (Isonitrile MultiComponent Reaction) a été découverte en 1921 par le chimiste italien Passerini [181]. Dans ces réactions, un isonitrile (Figure 2.3) joue le rôle de nucléophile vis-à-vis soit d’un composé carbonylé (réaction de Passerini), soit d’une imine formée à partir d’un dérivé carbonylé et d’une amine (réaction d’Ugi), ainsi que le rôle d’électrophile vis-à-vis d’un acide carboxylique. Ces réactions sont
Réactions à économie d’atomes optimale 115
catalysées par des acides minéraux et des acides de Lewis. Compte tenu de la diversité moléculaire que l’on peut introduire dans les réactants partenaires, ces réactions ont une grande portée en chimie combinatoire [182]. Il existe également un autre type de réactions, moins connues, exploitant la faculté des isonitriles à insérer une liaison carbone-métal. Nous en verrons un exemple particulier conduisant à une économie d’atomes de 100 %. En termes de chimie verte, il faut toujours avoir à l’esprit la façon dont les composés de départ peuvent être préparés car cela permet de relativiser l’impact des réactions qui les utilisent. Il faut donc rappeler ici que les isonitriles, composés malodorants et toxiques, peuvent être préparés selon deux voies principales. La première voie, dite voie carbylamine, est l’addition d’une amine primaire sur du chloroforme en présence de potasse qui sert à neutraliser l’acide chlorhydrique formé. La seconde voie est la déshydratation du formamide formé à partir d’une amine primaire et du formiate de méthyle (avec libération de méthanol). L’impact ici est lié au déshydratant nécessaire à la formation de l’isonitrile. Beaucoup de progrès restent à accomplir dans ce domaine. R N C
R N C
Fig. 2.3 : Formes mésomères des isonitriles
10.7.2. Réaction de Passerini La réaction de Passerini a une économie d’atomes de 100 % et met en jeu les trois partenaires suivants : composé carbonylé (aldéhyde ou cétone), isonitrile et acide carboxylique (Schéma 2.132). Elle conduit à des α-acyloxy amides.
R1
O
O
O R2
+
R3
OH
+
C N R4
R3
O 2
N H
R4
O R1 R α-acyloxy amides
Schéma 2.133 : Réaction de Passerini Deux mécanismes ont été postulés : un mécanisme ionique favorisé en milieu polaire passant par un intermédiaire nitrilium et un mécanisme concerté favorisé dans les solvants non polaires où les rôles nucléophile et électrophile de l’isonitrile en tant que carbénoïde ont lieu de concert (Schéma 2.134). Dans les deux cas, il y a une transposition irréversible (réarrangement de Mumm) avec migration d’un groupe acyle. Lorsque le composé carbonylé est prochiral (R1 ≠ R2), un nouveau carbone asymétrique est créé. Les deux faces énantiotopiques de ce composé peuvent être différenciées soit par un isonitrile, soit par un acide carboxylique optiquement purs.
Chimie verte, concepts et applications
116 Mécanisme ionique O R1
4
HO
C N R R2
C
N
R4 O
R1
R2 nitrilium
H
R3
O
R3 HO R1 R2
O
O
R3
réarrangement O O de Mumm R1 2
R
N R4
O HN R4
H intermédiaire Mécanisme concerté
O R1 R2
R3
H
O
O
R1 R2
R3
H O
O N R4 état de transition
O
C N R4
Schéma 2.134 : Mécanismes de la réaction de Passerini Le composé carbonylé peut être généré in situ par oxydation de l’alcool correspondant. Si cet oxydant est l’oxygène moléculaire, on a alors une réaction à quatre composants très économe en atomes (Schéma 2.135) [183]. CuCl2 (0,15 équiv) TEMPO (0,15 équiv) R1CH2OH + R2CO2H NaNO2 (0,15 équiv) + R3NC + 1/2 O2
toluène, 20°C
R3
R1
H N
O R2 + H2O
O O
Schéma 2.135 : Réaction de Passerini-Zhu
10.7.3. Réaction d’Ugi La réaction d’Ugi met en jeu quatre partenaires, les trois partenaires de la réaction de Passerini plus une amine. Elle libère une molécule d’eau (Schéma 2.136) et conduit à des α-acylamino amides. RNH2 +
O R1
R2
+
R3CO2H
+
R4NC
R3
R N
O 2
N H
R4 + H2O
O R1 R α-acylamino amides
Schéma 2.136 : Réaction d’Ugi
Réactions à économie d’atomes optimale 117
La libération d’une molécule d’eau est liée au fait que la première étape correspond à la formation d’une imine entre l’amine et le dérivé carbonylé. Cette imine peut éventuellement être préformée. La suite correspond à l’analogue aza de la réaction de Passerini (Schéma 2.137). Le mécanisme est en réalité plus complexe et deux autres chemins réactionnels qui ont lieu en milieu polaire sont basés sur une attaque de l’ion carboxylate sur l’iminium précédant une substitution par l’isonitrile [184]. Comme dans la réaction de Passerini, on introduit un carbone stéréogène ; une induction asymétrique est possible grâce à la grande variété d’amines chirales. O 1
RNH2
R
2
R
R1
R H N R2 C
R3 O R4
O
O
R3 NH
R
O
R1 R2
O N
R
H
R3
réarrangement N de Mumm R1
O
R2
N R4
NHR4
Schéma 2.137 : Mécanisme concerté de la réaction d’Ugi Avec des isonitriles convertibles, par exemple lorsque le groupe R4 est le groupe 1-cyclohexènyle, on peut obtenir facilement les acides, esters et thioesters correspondants, après rupture de la liaison C-N d’une fonction amide (Schéma 2.138). O RNH2
R1
H R1
R H N H C
R3 O O N
R R1
O N
H
R3 O HN
NuH
R R1
O N
H
R3 O Nu
NuH = H2O, R'OH, R'SH
Schéma 2.138 : Réaction d’Ugi sur des isonitriles convertibles Le mécanisme de cette coupure, qui est dans le cas général très difficile, passe ici par un intermédiaire appelé münchnone (Schéma 2.139), comme cela a pu être montré par son piégeage par l’acétylènedicarboxylate de diméthyle conduisant à des pyrroles après élimination de CO2 [185]. En utilisant l’acide 3-aminopropanoïque qui joue le rôle à la fois d’amine et d’acide carboxylique, on obtient un β-lactame (Schéma 2.140) [186]. En utilisant un isonitrile convertible comme précédemment, on obtient un β-lactame diversement fonctionnalisé.
Chimie verte, concepts et applications
118
R 1
R
O N
H
R3
R3
R
O
H
R1
O O
N
H
HN
R
R3 N
R1
N H
H
O
R NuH
R1
O N
H
O
R3 O Nu
-H R N R3 MeO2C O MeO2C
R1
MeO2C
CO2Me
cycloaddition 1,3 dipolaire
O
R
N
O
R1
O münchnone
- CO2 MeO2C
R3
R3 N R
MeO2C
R1
Schéma 2.139 : Mécanisme de coupure de la liaison C-N de l’amide via une münchnone O O R1
H2N H
CO2H
C N R2
1
R
N H C
O N
H
R1
N
O NHR2
O R2
Schéma 2.140 : Formation de lactames par la réaction d’Ugi On peut modifier la réaction d’Ugi en utilisant une diamine. On forme un intermédiaire réactionnel du même type que précédemment, mais celui-ci se réarrange par l’attaque nucléophile du second atome d’azote lors du transfert du groupe acyle [187]. Les réactions de Passerini et d’Ugi peuvent être utilisées en tandem avec une réaction de Diels-Alder si les partenaires possèdent à la fois un système diénique suffisamment nucléophile (système furanique dans l’exemple choisi) et une bonne diénophilie comme dans l’acide carboxylique choisi (Schéma 2.141) [188]. Dans la réaction de Passerini, on peut, dans certains cas, remplacer l’aldéhyde par un époxyde car celui-ci peut être isomérisé dans les conditions de la réaction en aldéhyde [189]. En revanche, avec une aziridine la réaction conduit au produit d’homo-Ugi avec 100 % d’économie d’atomes (Schéma 2.142).
Réactions à économie d’atomes optimale 119
CH2Cl2 X=O R1
H O
O
CHO O
X R1
O C
N
O
O
O
O
NHR2 R2
X
R1
O
NHR2
racémique
MeOH RNH2 X = NR
Schéma 2.141 : Réactions tandem Passerini-Diels et Ugi-Diels
H N Ph
NH2
C N R1 H
Ph
position homologue par rapport à la réaction d'Ugi
O
NH2 O
C N R1 nitrilium
R2
O R2
Ph
O
H
N R1
réarrangement R2
O NH
produit d'homo-Ugi Ph
O HN R1
Schéma 2.142 : Réaction d’Ugi homologue L’isonitrile ouvre l’aziridine selon une orientation de type SN1 pour donner un nitrilium qui joue le rôle d’électrophile vis-à-vis du carboxylate, l’intermédiaire obtenu subissant un réarrangement comme dans la réaction d’Ugi. Une autre modification de la réaction d’Ugi concerne l’utilisation d’un isonitrile particulier, l’ester méthylique de l’acide 3-(diméthylamino)-2-isocyanoacrylique qui peut conduire à une librairie d’imidazoles, thiazoles et cétopipérazines [190]. Le schéma 2.143 représente la formation de thiazoles en présence d’acide thioacétique par une réaction à quatre composants, pouvant être transposable en synthèse en phase solide supportée sur résine. Le mécanisme est identique à ce qui a été proposé précédemment, le réarrangement permettant alors une addition-élimination sur l’accepteur de Michael.
Chimie verte, concepts et applications
120
O
+ PhCH2NH2
CHO
O
NMe2 + C N
S
PhCH2N
N
+
+ H2O + Me2NH CO2Me
SH
CO2Me PhCH2 O HN
HS N
NMe2
réarrangement incluant une addition- PhCH2 élimination HN
O S N
CO2Me
H NMe2 CO2Me
Schéma 2.143 : Formation de thiazoles par une réaction de thio-Ugi Si l’on omet d’ajouter un acide carboxylique dans la réaction d’Ugi, alors c’est l’eau libérée par l’étape de formation de la base de Schiff qui attaque le nitrilium. Ainsi peut-on former en une seule étape la lidocaïne, un anesthésique local et un anti-arythmique (Schéma 2.144). Et2N O H
NC + Et2NH + H
H
N H2O
Et2N -H
N O
nitrilium
Schéma 2.144 : Synthèse de la lidocaïne via une réaction d’Ugi On peut également imaginer qu’un des composés présents joue le rôle de nucléophile à la place de l’eau. Si la réaction d’Ugi est effectuée en absence de quantité stœchiométrique d’acide carboxylique, mais en présence d’amines portant une autre fonctionnalité nucléophile, on peut accéder à une grande variété d’hétérocycles. Ainsi Bienaymé et Bouzid (Rhône-Poulenc) ont montré que la 2-aminopyridine et la 2-aminopyrimidine réagissent avec des aldéhydes et des isonitriles pour donner, avec d’excellents rendements, toute une variété de 3-aminoimidazoles, en présence d’un catalyseur acide (HClO4) dans le méthanol [191]. Le mécanisme a une grande analogie avec celui de la réaction d’Ugi, la nucléophilie de l’azote aromatique remplaçant celle du carboxylate (Schéma 2.145).
Réactions à économie d’atomes optimale 121 Y N
NH2
N
R1CHO
Y
CNR2
Y = C ou N
N
N
N C
R1
Y
Y
N
N
R1
NH R2 librairie d'imidazoles
N
R2
R2
cycloaddition [4+1] R H N
R1
C
N
R1
R3 O O N
R2
première étape de la réaction d'Ugi
Schéma 2.145 : Réaction de Bienaymé Un autre exemple de cette stratégie où l’acide carboxylique est omis concerne la formation de 5-aminooxazoles à partir d’isocyanoacétamides [192]. Après la formation de l’imine, puis de l’ion nitrilium, il y a une cyclisation intramoléculaire qui correspond globalement à une O-alkylation d’énolates (Schéma 2.146). Si on rajoute un chlorure d’acyle α,β-insaturé en présence de triéthylamine une fois l’oxazole formé, on observe une N-acylation suivie d’une réaction de Diels-Alder intramoléculaire puis d’une réaction de rétro-Michael pouvant ainsi conduire à des pyrrolopyridines. O
O N
O R1CHO + R2NH2
- H2O
R2 N
C
R3
N
R1
R1 O N
N
R1
O C N
R2HN
H
O
R2HN
N
H R3
R2HN R1
O
R3 N
oxazoles
Schéma 2.146 : Synthèse d’oxazoles
O C N
R3
Chimie verte, concepts et applications
122
Une autre possibilité est de remplacer l’acide carboxylique par un phénol (ou un thiophénol) appauvri en électrons tel que le p-nitrophénol [193]. On retrouve les étapes de la réaction d’Ugi avec une grande similitude. Alors que dans la réaction d’Ugi classique, le réarrangement final est une addition-élimination permettant de passer de façon irréversible d’un ester à un amide, ici le réarrangement correspond à une substitution nucléophile aromatique dont le mécanisme est aussi une addition-élimination (Schéma 2.147).
O R1
H
+ R2NH2 + R3 N C
R2
NH
R1 H
Ar O N R3
+ ArOH
R1
R2 H N C
O Ar N
R3
R2 Ar substitution N nucléophile O aromatique 1 R réarrangement HN R3 de Smiles
Schéma 2.147 : Réaction d’Ugi, variante où un phénol remplace l’acide carboxylique
10.7.4. Insertion de l’isonitrile dans une liaison carbone-métal Des β-iminoamines α,β-insaturées ont pu être préparées à partir d’alcynes, d’amines et d’isonitriles. Cette réaction à trois composants à économie d’atomes de 100 % est catalysée par du titane [194]. Le mécanisme passe par un métalloazacyclobutène comme dans l’hydroamination des alcynes (voir paragraphe 4.4.2). L’isonitrile doit être présent au moment de la formation du métalloazacyclobutène sinon celui-ci évolue vers la formation irréversible de l’imine comme dans l’hydroamination. L’insertion réversible de l’isonitrile dans la liaison Ti-C est par contre favorisée, donnant un complexe qui se protone de façon irréversible en β-iminoamine α,β-insaturée (Schéma 2.148).
10.8. Réactions multicomposants de Hantzsch et de Biginelli Ces deux réactions ont été découvertes à la fin du xixe siècle. Elles présentent une certaine analogie entre elles. La réaction de Hantzsch met en œuvre quatre molécules et conduit à des dihydropyridines avec libération de trois molécules d’eau (Schéma 2.149) [195]. Cette réaction est beaucoup moins utilisée que la réaction de Biginelli qui conduit à partir d’urée, de β-cétoesters et d’aldéhydes à des dihydropyrimidinones (Schéma 2.150) [196].
Réactions à économie d’atomes optimale 123 R2 1
R
R3
N
protolyse 1
R NH2
R1
R2
R1
N Ti
3
R N
R
R2
R1 N Ti
N R4 H
R3
R2
N Ti
protolyse
N R3
R2
R3
insertion de l'isonitrile dans la liaison Ti-C
C N R4
4
R1
Schéma 2.148 : Réactions à trois composants où l’isonitrile s’insère dans une liaison carbone-métal
Ar O
H
EtO
O
OEt
+
Me
O
O NH3
Ar
O
O
OEt
EtO Me
Me
O
N H
+ 3 H2O
Me
dihydropyridine
Schéma 2.149 : Réaction de Hantzsch
Ph O
H
EtO Me
O O NH2
+ O
H2N
O
Ph NH
EtO Me
N H
O
dihydropyrimidinone
Schéma 2.150 : Réaction de Biginelli
+ 2 H2O
Chimie verte, concepts et applications
124
Le mécanisme, revu en 1997, a permis d’établir que l’étape clé est la formation d’un N-acyliminium après condensation de l’urée sur l’aldéhyde. Cet iminium est piégé par la forme énolique de l’acétylacétate d’éthyle pour donner un intermédiaire qui se cyclise pour conduire à une tétrahydropyrimidinone qui, après libération d’une seconde molécule d’eau donne une dihydropyrimidinone (Schéma 2.151) [197]. Une réaction secondaire, qui peut dans certains cas donner des sous-produits, parfois à l’état de traces, est l’attaque de l’acétylacétate d’éthyle directement sur l’aldéhyde. La réaction a lieu en général à reflux d’éthanol en présence d’un catalyseur acide, tel que acide protique ou acide de Lewis, en catalyse homogène ou hétérogène. Les catalyseurs solides, comme les zéolithes, ont l’avantage de pouvoir être réutilisés facilement après usage, rendant vert le procédé [198]. La réaction fonctionne beaucoup mieux avec les aldéhydes aromatiques qu’avec les aliphatiques. L’acétylacétate d’éthyle peut être remplacé par d’autres composés possédant une liaison C-H acide. L’urée peut être remplacée par la thiourée ou par ses dérivés. Comme pour les réactions précédentes, la réaction de Biginelli est particulièrement adaptée à la synthèse combinatoire [199]. Ar Ar H
NH2
+ H2N
O
O
H
N
- H2O
Ar NH
EtO
H2 N O N-acyliminium
Me
N H
O
O
O EtO
EtO Me
O
H
O
-H
Me
- H2O
OH O
NH
EtO Me
O
Ar
O
O NH2
EtO HO Me
Ar NH N H
O
Schéma 2.151 : Mécanisme de la réaction de Biginelli
10.9. Réaction de Gewald Cette réaction découverte par le chimiste allemand Gewald [200] fait intervenir trois composants, le soufre, une cétone énolisable et un cyanométhylène portant un groupe attracteur. La réaction nécessite un promoteur basique, tel que la triéthylamine ou la morpholine, utilisé souvent en quantité stœchiométrique [201]. La réaction débute par une condensation de Knoevenagel suivie d’une γ-sulfénylation, d’une cyclisation puis d’une
Réactions à économie d’atomes optimale 125
transposition prototropique (Schéma 2.152). Les 2-aminothiophènes obtenus ou leurs dérivés ont des propriétés biologiques intéressantes [202]. R1 R2
O
Z +
+
S8
EtOH
CN
Z
R1
B
R2
S
réaction de B Knoevenagel - H2O R1 R2
Z
B
N - B-H
R2
γ-sulfénylation Z = CN, CO2R, CONH2, COR
R1
Z
R1 S Sx
B N
H-B
H R2 S
NH2
+ H2O
Z NH H-B
B = base (morpholine, NEt3, ...)
Schéma 2.152 : Réaction de Gewald
Références 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14.
Kolb, H. C.; Finn, M. G.; Sharpless, K. B. Angew. Chem. Int. Ed. 2001, 40, 2004. Shen, R.; Chen, T.; Zhao, Y.; Qiu, R.; Zhou, Y.; Yin, S.; Wang, W.; Goto, M.; Han, L.-B. J. Am. Chem. Soc. 2011, 133, 17037. Schleyer, D.; Niessen, H. G.; Bargon, J. New J. Chem. 2001, 25, 423. Radkowski, K.; Sundararaju, B.; Fürstner, A. Angew. Chem. Int. Ed. 2013, 52, 355. Bethmont, V.; Fache, F.; Lemaire, M. Tetrahedron Lett. 1995, 36, 4235. Shi, Y.; Dayoub, W.; Chen, G.-R.; Lemaire, M. Green Chem. 2010, 12, 2189. Zaccheria, F.; Psaro, R.; Ravasio, N. Tetrahedron Lett. 2009, 50, 5221. Barton, D. H. R.; Doller, D. Acc. Chem. Res. 1992, 25, 504. Yoshino, Y.; Hayashi, Y.; Iwahama, T.; Sakaguchi, S.; Ishii, Y. J. Org. Chem. 1997, 62, 6810. Iwahama, T.; Syojyo, K.; Sakaguchi, S.; Ishii, Y. Org. Process Res. Dev. 1998, 2, 255. Mallat, T.; Baiker, A. Chem. Rev. 2004, 104, 3037. Enache, D. I.; Edwards, J. K.; Landon, P.; Solsona-Espriu, B.; Carley, A. F.; Herzing, A. A.; Watanabe, M.; Kiely, C. J.; Knight, D. W., Hutchings, G. J. Science 2006, 311, 362. Sheldon, R. A.; Arends, I. W. C. E.; Ten Brink, G.-J.; Dijksman, A. Acc. Chem. Res. 2002, 35, 774. Jiang, B.; Feng, Y.; Ison, E. A. J. Am. Chem. Soc. 2008, 130, 14462.
126
Chimie verte, concepts et applications
15. Mori, K.; Yamaguchi, K.; Mizugaki, T.; Ebitani, K.; Kaneda, K. Chem. Commun. 2001, 461. 16. (a) Yamaguchi, K.; Mizuno, N. Angew. Chem. Int. Ed. 2003, 42, 1479. (b) Mizuno, N.; Yamaguchi, K. Catalysis Today, 2008 132, 18. 17. Kotani, M.; Koike, T.; Yamaguchi, K.; Mizuno, N. Green Chem. 2006, 8, 735. 18. Zhang, Y.; Xu, K.; Chen, X.; Hu, T.; Yu, Y.; Zhang, J.; Huang, J. Catalysis Commun. 2010, 11, 951. 19. Yin, W.; Wang, C.; Huang, Y. Org. Lett. 2013, 15, 1850. 20. Sato, K.; Aoki, M.; Ogawa, T.; Hashimoto, T.; Noyori, R. J. Org. Chem. 1996, 61, 8310. 21. Rudolph J.; Reddy, K. L.; Chiang, J. P.; Sharpless, K. B. J. Am. Chem. Soc. 1997, 119, 6189. 22. Tse, M. K.; Klawonn, M.; Bhor, S.; Döbler, C.; Anilkumar, G.; Hugl, H.; Mägerlein, W.; Beller, M. Org. Lett. 2005, 7, 987. 23. White, M. C.; Doyle, A. G.; Jacobsen, E. N. J. Am. Chem. Soc. 2001, 123, 7194. 24. Sato, K.; Aoki, M.; Takagi, J.; Noyori, R. J. Am. Chem. Soc. 1997, 119, 12386. 25. Noyori, R.; Aoki, M.; Sato, K. Chem. Commun. 2003, 1977. 26. Corma, A.; Nemeth, L. T.; Renz, M.; Valencia, S. Nature 2001, 412, 423. 27. Chen, M. S.; White, M. C. Science 2007, 318, 783. 28. (a) Chen, M. S.; White, M. C. Science 2010, 327, 566. (b) White, M. C. Science 2012, 335, 807. 29. Bigi, M. A.; Reed, S. A.; White, M. C. Nature Chem. 2011, 3, 216. 30. Bigi, M. A.; Reed, S. A.; White, M. C. J. Am. Chem. Soc. 2012, 134, 9721. 31. (a) Li, C.-J. Acc. Chem. Res. 2009, 42, 335. (b) Li, Z.; Bohle, D. S.; Li, C.-J. Proc. Natl. Acad. Sci. USA 2006, 103, 8928. 32. (a) Moritani, I.; Fujiwara, Y. Tetrahedron Lett. 1967, 8, 1119. (b) Fujiwara, Y.; Moritani, I.; Danno, S.; Teranishi, S. J. Am. Chem. Soc. 1969, 91, 7166. 33. Jia, C.; Kitamura, T.; Fujiwara, Y. Acc. Chem. Res. 2001, 34, 633. 34. Wang, D.-H.; Engle, K. M.; Shi, B.-F.; Yu, J.-Q. Science 2010, 327, 315. 35. Wang, J.; Rosingana, M.; Watson, D. J.; Dowdy, E. D.; Discordia, R. P.; Soundarajan, N.; Li, W.-S. Tetrahedron Lett. 2001, 42, 8935. 36. Wei, Y.; Deb, I.; Yoshikai, N. J. Am. Chem. Soc. 2012, 134, 9098. 37. Morimoto, K.; Itoh, M.; Hirano, K.; Satoh, T.; Shibata, Y.; Tanaka, K.; Miura, M. Angew. Chem. Int. Ed. 2012, 51, 5359. 38. Weissman, H.; Song, X.; Milstein, D. J. Am. Chem. Soc. 2001, 123, 337.
Réactions à économie d’atomes optimale 127
39. Li, B.; Devaraj, K.; Darcel, C.; Dixneuf, P. H. Green Chem. 2012, 14, 2706. 40. Stuart, D. R.; Fagnou, K. Science 2007, 316, 1172. 41. Wencel-Delord, J.; Nimphius, C.; Patureau, F. W.; Glorius, F. Angew. Chem. Int. Ed. 2012, 51, 2247. 42. Kuhl, N.; Hopkinson, M. N.; Glorius, F. Angew. Chem. Int. Ed. 2012, 51, 8230. 43. Dong, J.; Long, Z.; Song, F.; Wu, N.; Guo, Q.; Lan, J.; You, J. Angew. Chem. Int. Ed. 2013, 52, 580. 44. Pan, F.; Lei, Z.-Q.; Wang, H.; Li, H.; Sun, J.; Shi, Z.-J. Angew. Chem. Int. Ed. 2013, 52, 2063. 45. Baslé, O.; Li, C.-J. Green Chem. 2007, 9, 1047. 46. Yu, A.; Gu, Z.; Chen, D.; He, W.; Tan, P.; Xiang, J. Catal. Commun. 2009, 11, 162. 47. Correia, C. A.; Li, C.-J. Tetrahedron Lett. 2010, 51, 1172. 48. Shang, Y.; Jie, X.; Zhou, J.; Hu, P.; Huang, S.; Su, W. Angew. Chem. Int. Ed. 2013, 52, 1299. 49. Clark, J. 2nd International Symposium on Green Chemistry, 2013, La Rochelle, France. 50. Murahashi, S.-I.; Naota, T.; Ito, K.; Maeda, Y.; Taki, H. J. Org. Chem. 1987, 52, 4319. 51. Zhang, J.; Leitus, G.; Ben-David, Y.; Milstein, D. J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 10840. 52. Gunanathan, C.; Ben-David, Y.; Milstein, D. Science 2007, 317, 790. 53. Muthaiah, S.; Ghosh, S. C.; Jee, J.-E.; Chen C.; Zhang, J.; Hong, S. H. J. Org. Chem. 2010, 75, 3002. 54. Zweifel, T.; Naubron, J.-V.; Grützmacher, H. Angew. Chem. Int. Ed. 2009, 48, 559. 55. Soulé J.-F.; Miyamura, H.; Kobayashi, S. J. Am. Chem. Soc. 2011, 133, 18550. 56. Izawa, Y.; Pun, D.; Stahl, S. S. Science 2011, 33, 209. 57. Girard, S. A.; Hu, X.; Knauber, T.; Zhou, F.; Simon, M.-O.; Deng, G.-J.; Li, C.-H. Org. Lett. 2012, 14, 5606. 58. Sutter, M.; Sotto, N.; Raoul, Y.; Métay, E.; Lemaire, M. Green Chem. 2013, 15, 347. 59. (a) Hendrickson, J. B. J. Am. Chem. Soc. 1971, 93, 6847. (b) Hendrickson, J. B. J. Am. Chem. Soc. 1975, 97, 5784. 60. (a) Richter, J. M.; Ishihara, Y.; Masuda, T.; Whitefield, B. W.; Llamas, T.; Pohjakallio, A.; Baran, P. S. J. Am. Chem. Soc. 2008, 130, 17938. (b) Burns, N. Z.; Baran, P. S.; Hoffmann, R. W. Angew. Chem. Int. Ed. 2009, 48, 2854. 61. Trost, B. M.; Kulawiec, R. J. J. Am. Chem. Soc. 1993, 115, 2027. 62. Trost, B. M.; Weiss, A. H. Org. Lett. 2006, 8, 4461. 63. Trost, B. M.; Livingston, R. C. J. Am. Chem. Soc. 1995, 117, 9586.
128
Chimie verte, concepts et applications
64. Guerbet, M. C. R. Acad. Sci. 1899, 128, 1002. 65. Veibel, S.; Nielsen, J. I. Tetrahedron 1967, 23, 1723. 66. Matsu-ura, T., Sakaguchi, S.; Obora, Y.; Ishii, Y. J. Org. Chem. 2006, 71, 8306. 67. Chabardes, P.; Querou, Y. (Rhône-Poulenc SA) FR1582621, 1969. Chem. Abstr. 1970, 73, 61760. 68. Cho, C. S.; Kim, B. T.; Kim, T. J.; Shim, S. C. Tetrahedron Lett. 2002, 43, 7987. 69. Taguchi, K.; Nakagawa, H.; Hirabayashi, T.; Sakaguchi, S.; Ishii, Y. J. Am. Chem. Soc. 2004, 126, 72. 70. Löfberg, C.; Grigg, R.; Whittaker, M. A.; Keep, A.; Derrick, A. J. Org. Chem. 2006, 71, 8023. 71. Hamid, M. H. S. A.; Slatford, P. A.; Williams, J. M. J. Adv. Synth. Catal. 2007, 349, 1555. 72. He, L.; Lou, X.-B.; Ni, J.; Liu, Y.-M.; Cao, Y.; He, H.-Y.; Fan, K.-N. Chem. Eur. J. 2010, 16, 13965. 73. Saidi, O.; Blacker, A. J.; Farah, M. M.; Marsden, S. P.; Williams, J. M. J. Angew. Chem. Int. Ed. 2009, 48, 7375. 74. Burnett, R. L.; Hughes, T.R. J. Catal. 1973, 31, 55. 75. Vidal, V.; Théolier, A.; Thivolle-Cazat, J.; Basset, J.-M. Science 1997, 276, 99. 76. Goldman, A. S.; Roy, A. H.; Huang, Z.; Ahuja, R.; Schinski, W.; Brookhart, M. Science 2006, 312, 257. 77. Kang, B.; Fu, Z.; Hong, S. H. J. Am. Chem. Soc. 2013, 135, 11704. 78. Evans, D. A.; Hoveyda, A. H. J. Am. Chem. Soc. 1990, 112, 6447-6449. 79. Venkateswara Rao, K. T.; Sai Prasad, P. S.; Lingaiah, N. Green Chem. 2012, 14, 1507. 80. Mizushima, E.; Sato, K.; Hayashi, T; Tanaka, M. Angew. Chem. Int. Ed. 2002, 41, 4563. 81. Bruneau, C.; Dixneuf, P. H. Acc. Chem. Res. 1999, 32, 311. 82. Tokunaga, M.; Suzuki, T.; Koga, N.; Fukushima, T.; Horiuchi, A.; Wakatsuki, Y. J. Am. Chem. Soc. 2001, 123, 11917. 83. Hosokawa, T.; Ohta, T.; Kanayama, S.; Murahashi, S.-I. J. Org. Chem. 1987, 52, 1758. 84. Bruneau, C.; Dixneuf, P. H. Chem. Commun. 1997, 507. 85. Bruneau, C.; Dixneuf, P. H. Angew. Chem. Int. Ed. 2006, 45, 2176. 86. Simonato, J.-P. J. Mol. Catal. A Chem. 2003, 197, 61. 87. Ostapowicz, T. G.; Schmitz, M.; Krystof, M.; Klankermayer, J.; Leitner, W. Angew. Chem. Int. Ed. 2013, 52, 12119. 88. Müller, T. E.; Hultzsch, K. C.; Yus, M.; Foubelo, F.; Tada, M. Chem. Rev. 2008, 108, 3795. 89. Ryu, J.-S.; Li, G. Y.; Marks T. B. J. Am. Chem. Soc. 2003, 125, 12584. 90. Hannedouche, J.; Schulz, E. Chem. Eur. J. 2013, 19, 4972.
Réactions à économie d’atomes optimale 129
91. Gagné, M. R.; Stern, C. L.; Marks, T. J. J. Am. Chem. Soc. 1992, 114, 275. 92. Hong, S.; Kawaoka, A. M.; Marks, T. J. J. Am. Chem. Soc. 2003, 125, 15878. 93. Gribkov, D. V.; Hultzsch, K. C.; Hampel, F. J. Am. Chem. Soc. 2006, 128, 3748. 94. Li, Y.; Marks, T. J. J. Am. Chem. Soc. 1996, 118, 9295. 95. Mahé, R.; Dixneuf, P. H.; Lécolier, S. Tetrahedron Lett. 1986, 27, 6333. 96. Posner, T. Chem. Ber., 1905, 38, 646. 97. Kharasch, M. S.; Read A. T.; Mayo, F. R. Chem. Ind., 1938, 57, 752. 98. Hoyle, C. E.; Bowman, C. N. Angew. Chem. Int. Ed. 2010, 49, 1540. 99. Dondoni, A.; Marra, A. Chem. Soc. Rev., 2012, 41, 573. 100. Dondoni, A.; Marra, A. Eur. J. Org. Chem. 2014, 3955. 101. Trost, B.M. Angew. Chem. Int. Ed. 1995, 34, 259. 102. Gillespie, J. A.; Dodds, D. L.; Kamer, P. C. J. Dalton Trans 2010, 39, 2751. 103. Willis, M. C. Chem. Rev. 2010, 110, 725. 104. Tsuda, T.; Kujor, T.; Saegusa, T. J. Org. Chem. 1990, 55, 2554. 105. Beletskiy, E. V.; Sudheer, C.; Douglas, C. J. J. Org. Chem. 2012, 77, 5884. 106. Murai, S.; Kakiuchi, F.; Sezkine, S.; Tanaka, Y.; Kamatani, A.; Sonoda, M.; Chatani, N. Nature 1993, 366, 529. 107. Matsubara, T.; Koga, N.; Musaev, D. G.; Morokuma, K. Organometallics 2000, 19, 2318. 108. Trost, B. M.; Imi, K.; Davies, I. W. J. Am. Chem. Soc. 1995, 117, 5371. 109. Lewis, J. C.; Bergman, R. G.; Ellman, J. A. Acc. Chem. Res. 2008, 41, 1013. 110. Chauvin, Y.; Olivier, H.; Wyrvalski, C. N.; Simon, L. C.; de Sousa, R. F. J. Catalysis 1997, 165, 275. 111. Trost, B. M.; Chan, C.; Ruhter, G. J. Am. Chem. Soc. 1987, 109, 3486. 112. Behr, A.; Becker, M.; Beckmann, T.; Johnen, L.; Leschinski, J.; Reyer, S. Angew. Chem. Int. Ed. 2009, 48, 3598. 113. Lloyd-Jones, G. C. Org. Biomol. Chem. 2003, 1, 215. 114. Trost, B. M.; Romero, D. L.; Rise, F. J. Am. Chem. Soc. 1994, 116, 4268. 115. Trost, B. M.; Dong, L.; Schroeder, G. M. J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 10259. 116. Trost, B. M.; Martinez, J. A.; Kulawiec, R. J.; Indolese, A. F. J. Am. Chem. Soc. 1993, 115, 10402. 117. Dérien, S.; Jan, D.; Dixneuf, P. H. Tetrahedron 1996, 52, 5511. 118. Frantz, D. E.; Fässler, R.; Carreira, E. M. J. Am. Chem. Soc. 1999, 121, 11245. 119. Frantz, D. E.; Fässler, R.; Tomooka, C. S.; Carreira, E. M. Acc. Chem. Res. 2000, 33, 373.
130
Chimie verte, concepts et applications
120. Anand, N. K.; Carreira, E. M. J. Am. Chem. Soc. 2001, 123, 9687. 121. Takita, R.; Yakura, K.; Ohshima, T.; Shibasaki, M. J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 13760. 122. Halbes-Letinois, U.; Weibel, J.-M.; Pale, P. Chem. Soc. Rev. 2007, 36, 759. 123. (a) Wei, C.; Li, C.-J. J. Am. Chem. Soc. 2002, 124, 5638. (b) Wei, C.; Mague, J. T.; Li, C.-J. Proc. Natl. Acad. Sci. USA 2004, 101, 5749. 124. Trost, B. M. Acc. Chem. Res. 2002, 35, 695. 125. Gemel, C.; Trimmel, G.; Slugovc, C.; Kremel, S.; Mereiter, K.; Schmid, R.; Kirchner, K. Organometallics 1996, 15, 3998. 126. Nakamura, M.; Endo, K.; Nakamura, E. J. Am. Chem. Soc. 2003, 125, 13002. 127. Yasuda, M.; Somyo, T.; Baba, A. Angew. Chem. Int. Ed. 2006, 45, 793. 128. Elango, V.; Murhpy, M. A.; Smith, B. L.; Davenport, K. G.; Mott, G. N.; Moss, G. L. US Patent 4981995, 1991. 129. Roessler, F. Chimia 1996, 50, 106. 130. Kiss, G. Chem. Rev. 2001, 101, 3435. 131. Trost, B. M. Angew. Chem. Int. Ed. 1986, 25, 1. 132. Houk, K. N.; Firestone, R. A.; Munchausen, L. L.; Mueller, P. H.; Arison, B. H.; Garcia, L. A. J. Am. Chem. Soc. 1985, 107, 7227. 133. Huisgen, R.; Szeimix, G.; Moebius, L. Chem. Ber. 1967, 100, 2494. 134. Tornoe, C. W.; Christensen, C.; Meldal, M. J. Org. Chem. 2002, 67, 3057. 135. Rostovtsev, V.V.; Green, L. G.; Fokin, V. V.; Sharpless, K. B. Angew. Chem. Int. Ed. 2002, 41, 2596. 136. (a) Zhang, L.; Chen, X.; Xue, P.; Sun, H. H. Y.; Williams, I. D.; Sharpless, K. B.; Fokin, V. V.; Jia, G. J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 15998. (b) Rasmussen, L. K.; Boren, B. C.; Fokin, V. V. Org. Lett. 2007, 9, 5337. (c) Boren, B. C.; Narayan, S.; Rasmussen, L. K.; Zhang, L.; Zhao, H.; Lin, Z.; Jia, G.; Fokin, V. V. J. Am. Chem. Soc. 2008, 130, 8923. 137. Worrell, B.T.; Malik, J.A.; Fokin, V. V. Science 2013, 340, 457. 138. Chassaing, S.; Sido, A.S.S.; Alix, A.; Kumarraja, M.; Pale, P.; Sommer, J. Chem. Eur. J. 2008, 14, 6713. 139. Nasir Baig, R. B.; Varma, R. S. Green Chem. 2013, 15, 1839. 140. Yeung, D. K. J.; Gao, T.; Huang, J.; Sun, S.; Guo, H.; Wang, J. Green Chem. 2013, 15, 2384. 141. Zeghada, S.; Bentabed-Ababsa, G.; Derdour, A.; Abdelmounim, S.; Domingo, L. R.; Saez, J. A.; Roisnel, T.; Nassar, E.; Mongin, F. Org. Biomol. Chem. 2011, 9, 4295. 142. Dominguez, G.; Pérez-Castells, J. Chem. Soc. Rev. 2011, 40, 3430. 143. Gandon, V.; Aubert, C.; Malacria, M. Chem. Commun. 2006, 2209. 144. Agenet, N.; Gandon, V.; Vollhardt, K. P. C.; Malacria, M.; Aubert, C. J. Am. Chem. Soc. 2007, 129, 8860.
Réactions à économie d’atomes optimale 131
145. Young, D. D.; Deiters, A. Angew. Chem. Int. Ed. 2007, 46, 5187. 146. Sang Kwon, M.; Kook Woo, S.; Wook Na, S.; Lee, E. Angew. Chem. Int. Ed. 2008, 47, 1733. 147. Greco, S. J.; Fiorot, R. G.; Lacerda, V.; dos Santos, R. B. Aldrichim. Acta 2013, 46, 59. 148. Yang, X.-F.; Mague, J. T.; Li, C.-J. J. Org. Chem. 2001, 66, 739. 149. Mestres, R. Green Chem. 2004, 6, 583. 150. (a) Masamune, S.; Ali, Sk. A.; Snitman, D. L.; Garvey, D. S. Angew. Chem. Int. Ed. 1980, 19, 557. (b) Masamune, S.; Kaiho, T.; Garvey, D. S. J. Am. Chem. Soc. 1982, 114, 104, 5521. 151. Wang, G.-W.; Zhang, Z.; Dong, Y.-W. Org. Process Res. Dev. 2004, 8, 18. 152. Langer, P. Angew. Chem. Int. Ed. 2000, 39, 3049. 153. Abe, I.; Rohmer, M.; Prestwich, G. P. Chem. Rev. 1993, 93, 2189. 154. Trost, B. M.; Shi, Y. J. Am. Chem. Soc. 1991, 113, 701. 155. Trost, B. M.; Tanoury, G. J.; Lautens, M.; Chan, C.; MacPherson, D. T. J. Am. Chem. Soc. 1994, 116, 4255. 156. Bergman, R. G. Acc. Chem. Res. 1973, 6, 25. 157. Myers, A.; Dragovitch, P. S. J. Am. Chem. Soc. 1989, 111, 9130. 158. Andemichael, Y. W.; Huang, Y.; Wang, K.K. J. Org. Chem. 1993, 58, 1654. 159. Nechab, M.; Besson, E.; Campolo, D.; Perfetti, P.; Vanthuyne, N.; Bloch, E.; Denoyel, R.; Bertrand, M. P. Chem. Commun. 2011, 47, 5286. 160. Yamada, K.-I.; Arai, T.; Sasai, H.; Shibasaki, M. J. Org. Chem. 1998, 63, 3666. 161. Tietze, L. F.; Stegelmeier, H.; Harms, K.; Brulby, T. Angew. Chem. Int. Ed. 1982, 21, 863. 162. Tietze, L. F.; Böhnke, N.; Dietz, S. Org. Lett. 2009, 11, 2948. 163. Strecker, A. Ann. Chem. 1850, 27. 164. Ishitani, H.; Komiyama, S.; Hasegawa, Y.; Kobayashi, S. J. Am. Chem. Soc. 2000, 122, 762. 165. Martin, C. L.; Overman, L. E.; Rohde, J. M. J. Am. Chem. Soc. 2008, 130, 7568. 166. Balan, D.; Adolfsson, H. J. Org. Chem. 2002, 67, 2329. 167. Peshkov, V. A.; Pereshivko, O. P.; Van der Eycken, E. V. Chem. Soc. Rev. 2012, 41, 3790. 168. Guermont, J. P. Bull. Soc. Chim. Fr 1953, 386. 169. Dyatkin, A. B.; Rivero, R. A. Tetrahedron Lett. 1998, 39, 3647. 170. Li, C.-J.; Wei, C. Chem Commun. 2002, 268. 171. Wei, C.; Li, C.-J. J. Am. Chem. Soc. 2003, 125, 9584. 172. Wei, C.; Li, Z.; Li, C.-J. Org. Lett. 2003, 5, 4473. 173. Shi, L.; Tu, Y. Q.; Wang, M.; Zhang, F. M.; Fan, C. A. Org. Lett. 2004, 6, 1001.
132
Chimie verte, concepts et applications
174. Park, S. B.; Alper, H. Chem. Commun. 2005, 1315. 175. Zhang, X.; Corma, A. Angew. Chem. Int. Ed. 2008, 47, 4358. 176. Patil, M. K.; Keller, M.; Reddy, B. M.; Pale, P.; Sommer, J. Eur. J. Org. Chem. 2008, 4440. 177. Yamamoto, Y.; Hayashi, H.; Saigoku, T.; Nishiyama, H. J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 10804. 178. Cao, K.; Zhang, F.-M.; Tu, Y.-Q.; Zhuo, X.-T.; Fan, C.-A.; Chem. Eur. J. 2009, 15, 6332. 179. Pierce, C. J.; Larsen, C. H. Green Chem. 2012, 14, 2672. 180. Wender, P. A.; Pedersen, T. M.; Scanio, M. J. C. J. Am. Chem. Soc. 2002, 124, 15154. 181. Passerini, M. Gazz. Chem. Ital. 1921, 51, 126. 182. Dömling, A. Chem. Rev. 2006, 106, 17. 183. Brioche, J.; Masson, G.; Zhu, J. Org. Lett. 2010, 12, 1432. 184. Banfi, L.; Basso, A.; Guanti, G.; Riva, R. Multicomponent reactions (Eds Zhu, J; Bienaymé, H.), Wiley-VCH, Weinheim, 2005, p 1. 185. Keating, T. A.; Armstrong, R. W. J. Am. Chem. Soc. 1996, 118, 2574. 186. Dömling, A.; Ugi, I. Angew. Chem. Int. Ed. 2000, 39, 3168. 187. Giovenzana, G. B.; Tron, G. C.; Di Paola, S.; Menegotto, I. G.; Pirali, T. Angew. Chem. Int. Ed. 2006, 45, 1099. 188. Wright, D. L.; Robotham, C. V.; Aboud, K. Tetrahedron Lett. 2002, 43, 943. 189. Kern, O. T.; Motherwell, W. B. Chem. Commun. 2005, 1787. 190. Dömling, A.; Illgen, K. Synthesis 2005, 11, 662. 191. Bienaymé, H.; Bouzid, K. Angew. Chem. Int. Ed. 1998, 37, 2234. 192. Sun, X.; Janvier, P.; Zhao, G.; Bienaymé, H.; Zhu, J. Org. Lett. 2001, 3, 877. 193. El Kaïm, L.; Gizolme, M.; Grimaud, L.; Oble, J. J. Org. Chem. 2007, 72, 4169. 194. Cao, C.; Shi, Y.; Odum, A. L. J. Am. Chem. Soc. 2003, 125, 2880. 195. Hantzsch, A. Liebigs Ann. Chem. 1882, 215, 172. 196. Biginelli, P. Gazz. Chim. Ital. 1893, 23, 360. 197. Kappe, C. O. J. Org. Chem. 1997, 62, 7201. 198. Radha Rani, V.; Srinivas, N.; Radha Kishan, M.; Kulkarni, S. J.; Raghavan, K. V. Green Chem. 2001, 3, 305. 199. Lewandowski, K.; Murer, P.; Svec, F.; Fréchet, J. M. J. Chem. Commun. 1998, 2237. 200. Gewald, K.; Schinke, E.; Böttcher, H. Chem. Ber. 1966, 99, 94. 201. Barnes, D. M.; Haight, A. R.; Hameury, T.; McLaughlin, M. A.; Mei, J. Z.; Tedrow, J. S. J.; Toma, D. R. Tetrahedron 2006, 62, 11311. 202. Hulme, C. Multicomponent reactions (Eds Zhu, J.; Bienaymé, H.), Wiley-VCH, Weinheim, 2005, p 311.
Chapitre 3 Catalyse 1. Introduction Le principe n° 9 de la chimie verte met l’accent sur la catalyse dont l’intérêt est rappelé dans le chapitre 1 (paragraphe 3.9). L’importance de la catalyse peut être résumée par cette phrase de Noyori : “The need for efficient and practical synthesis remains one of the greatest intellectual challenges with which chemists are faced in the 21th century” [1]. Dans cet esprit, on s’intéressera essentiellement aux réactions catalytiques respectant le principe de limitation des déchets (le premier des principes de chimie verte). Certaines de ces réactions, en particulier si elles ont des économies d’atomes de 100 %, ont été décrites dans le chapitre 2. D’autres réactions catalytiques seront décrites dans le chapitre 4 lorsqu’elles mettent en jeu un milieu non conventionnel permettant une réutilisation aisée du catalyseur. Les réactions catalytiques utilisant des modes d’activation alternatifs seront traitées dans le chapitre 5. Celles qui utilisent la biomasse sur des forts tonnages seront traitées dans le chapitre 6 consacré plus spécifiquement à son utilisation en végétalochimie. Tout cela montre bien que la catalyse est omniprésente dans tous les aspects de la chimie verte. Ce chapitre est plus particulièrement axé sur les aspects mécanistiques de la catalyse et ses applications industrielles les plus novatrices, tout spécialement sur la catalyse asymétrique, concept qui n’est pas particulièrement développé dans le chapitre précédent. Rappelons que la catalyse permet d’abaisser l’énergie d’activation des réactions chimiques, conduisant à une augmentation de leur vitesse, mais qu’elle ne joue pas sur leur thermodynamique. L’énantiosélectivité des réactions peut être évaluée par le rapport énantiomérique obtenu ou bien par l’excès énantiomérique (ee) qui est la différence des pourcentages des deux énantiomères. Ainsi un excès énantiomérique ee = 96 % signifie qu’il y a 98 % d’énantiomère majoritaire pour seulement 2 % de minoritaire. On dit aussi que la pureté énantiomérique est de 96 %, ce qui peut correspondre à la pureté optique, mais cela implique que la loi de Biot soit linéaire en fonction de la concentration.
Chimie verte, concepts et applications
134
Lorsque le catalyseur est un solide (catalyse hétérogène), la surface spécifique du catalyseur est un facteur essentiel, d’où l’importance des zéolithes dans le domaine. L’intérêt de cette catalyse vient du fait que le catalyseur peut être facilement recyclé. La catalyse homogène où le catalyseur est dissous dans la phase homogène permet un excellent contact entre les réactants et le catalyseur. Le recyclage du catalyseur est souvent plus difficile. Si celui-ci est chiral (enzyme, molécule organique chirale ou bien métal de transition entouré de ligands chiraux), alors on peut espérer obtenir des produits de grande pureté optique, c’est-à-dire pour lesquels l’excès énantiomérique (ee) est le plus proche possible de 100 %. La catalyse homogène supportée et la catalyse multiphasique permettent de concilier les avantages de la catalyse hétérogène et de la catalyse homogène. Le catalyseur est utilisé en faible quantité, substœchiométrique. Pour évaluer son efficacité, on utilise deux paramètres, TON et TOF. Le TON (TurnOver Number) est le rapport entre le nombre de moles de substrat converti en produit et le nombre de moles de catalyseur. Ce nombre n’a pas de dimension. Si la réaction a un taux de conversion de 100 %, le TON correspond à l’inverse du nombre d’équivalent de catalyseur (les industriels utilisent aussi fréquemment le rapport S/C, rapport entre le nombre de moles de substrat et celui de catalyseur). TON = t S / C où τ est le taux de conversion (en fraction). Le TOF (TurnOver Frequency) correspond à un TON par unité de temps. Il est donc exprimé en s–1, min–1 ou h–1. En catalyse organométallique, le TOF peut être défini comme la dérivée du TON par rapport au temps [2]. Dans ce cas, le TOF sera déterminé à t = 0 ou bien à 50 % de taux de conversion. De façon plus simple, certains auteurs divisent le TON par le temps de la réaction pour avoir le TOF. Ainsi pour un rapport S/C de 100 000 et une réaction dont le taux de conversion est de 97 % au bout de 5 heures, on pourra dire que TON = 97 000 et TOF = 19 400 h–1. Dans une catalyse enzymatique qui suit la cinétique de MichaelisMenten, le TOF est beaucoup mieux défini et correspond à la constante k3 (vitesse d’apparition du produit), appelée couramment turnover et mesurée au temps t = 0 (voir paragraphe 5).
2. Catalyse hétérogène La catalyse hétérogène est caractérisée par le fait que le catalyseur solide est dans une phase différente de celle des réactifs (gazeux ou en solution), ce qui facilite sa séparation et son recyclage. De ce fait, 80 % des procédés industriels utilisent la catalyse hétérogène (contre 17 % pour la catalyse homogène et 3 % pour la biocatalyse) [3].
Catalyse 135
Dans la grande majorité des cas, le catalyseur est un métal (ou son oxyde) très souvent supporté, notamment sur un oxyde, qui joue alors le rôle de promoteur. Comme exemple typique de catalyse appliquée à de gros tonnages (pétrochimie), citons le reformage du naphta catalysé par le platine sur alumine. Lors de la catalyse hétérogène, les réactifs, au moins certains d’entre eux, sont adsorbés à la surface du catalyseur solide d’autant plus facilement que la surface spécifique du catalyseur est importante. C’est pourquoi des poudres, des fils métalliques, des dépôts pulvérulents, des matériaux mésoporeux ou des nanomatériaux seront privilégiés. Une fois que la réaction a eu lieu, le produit doit être désorbé afin de libérer les sites actifs du catalyseur pour un nouveau cycle catalytique. Dans le mécanisme de Langmuir-Hinshelwood, la réaction se fait entre espèces adsorbées à la surface du catalyseur, ce qui exige une première étape d’adsorption des réactifs, alors que dans le mécanisme d’Eley-Rideal, la réaction a lieu entre une espèce adsorbée et une espèce non adsorbée. Enfin, il existe un troisième mécanisme de type redox (Mars Van Krevelen) que l’on retrouve par exemple dans l’oxydation des hydrocarbures sur oxydes métalliques. Dans ce dernier cas, l’espèce réactive est un atome d’oxygène du réseau de l’oxyde (sous la forme de O2–) ; l’oxyde métallique étant réduit en métal, celui-ci est ensuite régénéré par l’arrivée d’oxygène de la phase gazeuse. L’histoire de la catalyse hétérogène liée au développement durable est marquée par la décision en 1974 de la Californie d’imposer des pots catalytiques pour réduire la pollution due à la combustion des moteurs automobiles. La complexité de la chimie qui a lieu dans un pot catalytique vient du fait que le catalyseur joue deux rôles contradictoires. Il doit à la fois favoriser des réactions d’oxydation et des réactions de réduction, à savoir l’oxydation de CO toxique (dû à une combustion incomplète) en CO2 non toxique, l’oxydation des hydrocarbures (COV) imbrûlés et la réduction de NO par le CO résiduel (Schéma 3.1). NO + CO
CO2 + 1/2 N2
Schéma 3.1 : Oxydation de CO et réduction de NO Les catalyseurs utilisés sont des métaux de transition (Pd, Pt, Rh) déposés sur alumine de grande surface spécifique (100 à 300 m2 · g–1) et de bonne stabilité thermique (1 000-1 100 °C), ou bien sur silice ou oxyde de titane (pour les moteurs diesel ne nécessitant pas une température aussi élevée). Des progrès restent à faire pour diminuer encore les hydrocarbures imbrûlés, le CO et les NOx. Il est clair que la connaissance des mécanismes permettra de faire de nouvelles avancées. À titre d’exemple, en utilisant un laser femtoseconde pour déclencher la réaction de réduction de NO par CO catalysée par Ag/Al2O3, et en suivant la réaction par spectroscopie
136
Chimie verte, concepts et applications
IR à transformée de Fourier, Thibault-Starzyk et al. ont pu montrer que l’étape clé est le basculement d’un groupe nitrile d’une nanoparticule d’argent vers le support d’alumine formant ainsi intermédiairement un isocyanate d’aluminium [4].
2.1. Choix du catalyseur Le choix du catalyseur est souvent fait de façon empirique, par suite d’essais et d’erreurs. Notons que ce choix peut être facilité maintenant pas les techniques de la chimie combinatoire appliquées à la catalyse hétérogène (pour une revue de la catalyse hétérogène combinatoire, voir [5]). Il y a tout de même quelques règles à garder en mémoire. Pour les réactions d’hydrogénation, réactions à économie d’atomes de 100 %, le métal joue le premier rôle. Au contact du métal dispersé sur son support (charbon, alumine, silice…), l’hydrogène subit une adsorption dissociative. Le substrat, par exemple un alcène à hydrogéner, se lie par coordination au métal de transition, ce qui facilite l’addition syn d’hydrogène. Dans le cas de la réduction des alcènes, on comprend bien pourquoi les métaux de configuration électronique d8 (Ni, Pd, Pt) qui complètent leur couche de valence par coordination avec l’alcène, sont bien adaptés pour la catalyse. Pour la réduction de la fonction C=O, si elle n’est pas conjuguée avec un noyau aromatique, c’est le ruthénium sur charbon qui sera souvent le catalyseur de choix. En revanche, pour les déshydrogénations oxydatives, le catalyseur de choix est constitué d’oxydes présentant des propriétés acido-basiques adéquates, ainsi qu’un fort potentiel redox ou d’aptitude à dissocier l’oxygène, comme des oxydes de type V2O5, MoO3, Fe2O3, GaO, MgO, La2O3 [6].
2.2. Solides minéraux à caractère acido-basique Une grande variété de solides minéraux naturels est utilisée en catalyse hétérogène pour leurs propriétés acides ou basiques, telles que les alumines, les silices, les argiles, les hydrotalcites. Les alumines ont une surface spécifique de 200 à 500 m2 · g–1. Calcinées vers 400-600 °C, elles ont des propriétés d’acides de Lewis. Non activée, l’alumine a un caractère de base de Lewis. Cette propriété peut être utilisée dans l’activation anionique. Notons que l’alumine peut fortement exalter le caractère basique de F– par imprégnation de KF [7]. Le couple KF/Al2O3 peut alors catalyser de nombreuses réactions exigeant une catalyse basique (synthèse de Williamson, β-éliminations, additions de Michael, réactions de Knoevenagel…) [8]. Les silices peuvent avoir une surface spécifique élevée (500-600 m2 · g–1) et ont un caractère acide en raison de groupes silanol SiOH à leur surface. La
Catalyse 137
faible acidité de la silice peut être exploitée pour améliorer la sélectivité des réactions, telles que, par exemple, la désacétalisation des acétals en présence de silice humide [9]. Par opposition, les argiles peuvent avoir une acidité forte. Les argiles, de surface spécifique extrêmement variable (70-700 m2 · g–1) sont des aluminosilicates amorphes constitués d’un empilement de feuillets. La structure sous-jacente est constituée de tétraèdres SiO4 et d’octaèdres MO6 où M = Al, Mg, Fe. Dans la mesure où certains sites Si4+ sont remplacés par des sites moins multivalents comme Al3+, Fe3+, Fe2+ou Mg2+, par compensation et afin de maintenir la neutralité électrique, il y a insertion de cations alcalins (Na+, K+) ou alcalino-terreux (Ca2+) occupant l’espace interlamellaire. Ainsi la montmorillonite, une argile fréquemment utilisée (qui tire son nom de Montmorillon, petite ville du département de la Vienne en France) a pour formule (Na,Ca)0,3(Al,Mg)2Si4O10(OH)2,nH2O. Les cations lamellaires sont échangeables. Par traitement en milieu acide sulfurique, on obtient ainsi une montmorillonite possédant une acidité de Brønsted forte (montmorillonite K-10 ou KSF selon le traitement). Par échange avec un cation acide de Lewis (Al3+, Fe2+), on obtient une montmorillonite à activité de Lewis plus ou moins marquée selon le cation. De nombreuses réactions traditionnellement catalysées en milieu acide de Brønsted ou de Lewis peuvent avantageusement être catalysées par ce type d’argiles : transpositions, acétalisation, additions nucléophiles sur les alcènes, ouverture d’époxydes, éliminations, cycloadditions, réactions de Friedel-Crafts… Dans de nombreux cas, la réaction peut être effectuée sans solvant, ce qui représente un avantage en termes de chimie verte. Les argiles basiques telles que les hydrotalcites sont des hydroxydes doubles (magnésium, aluminium) de formule brute Mg8-xAlx(OH)16(CO3)x/2,nH2O et de structure lamellaire. Les anions carbonates qui sont situés entre les feuillets d’hydroxydes sont faiblement liés, ce qui permet à ce type de matériaux d’avoir la capacité d’échange d’anions. Par calcination, on obtient des oxydes mixtes de magnésium et d’aluminium qui peuvent être utilisés comme catalyseurs basiques facilement recyclables, dans des condensations aldoliques, de Knoevenagel, de Claisen-Schmidt ou dans des méthanolyses d’huiles végétales [10].
2.3. Hétéropolyacides (HPA) Les HPAs sont des acides protiques contenant un métal (M = W, Mo, V), de l’oxygène ainsi qu’un hétéroélément (X = Si, Ge, P, As). L’anion conjugué est un polyoxométallate, formé par un agrégat d’atomes métalliques reliés par des atomes d’oxygène et contenant en son centre un ou plusieurs hétéroatomes. La structure de Keggin (Figure 3.1) la plus courante a pour formule [XM12O40]n-. L’hétéroatome est au centre d’un tétraèdre dont les sommets appartiennent aussi aux 12 octaèdres MO6 qui l’entourent.
Chimie verte, concepts et applications
138
Fig. 3.1 : Structure d’un anion phosphotungstate Les HPAs peuvent être utilisés comme catalyseurs acides, aussi bien en phase hétérogène supportée qu’en phase homogène. Parmi les procédés industriels en phase hétérogène, citons l’isomérisation des alcanes, la conversion du méthanol en alcènes (MTO), les réactions de Friedel-Crafts, l’hydratation des alcènes, la déshydratation des alcools, les estérifications ou les trans-estérifications. À titre d’exemple, mentionnons le procédé Avada mis au point par BP de production d’acétate d’éthyle à partir de l’acide acétique et d’éthylène gazeux en utilisant comme catalyseur de l’acide tungstosilicique sur billes de silice (Schéma 3.2) [11]. Il faut noter que l’économie d’atomes de cette réaction qui correspond à une estérification sans libération d’eau est de 100 %. En fait, afin d’augmenter la durée de vie du catalyseur, de la vapeur d’eau (0,06 équiv) est injectée, l’éthanol produit par hydratation de l’éthylène étant recyclé. CH3CO2H + CH2=CH2
H4SiW12O40/ SiO2
CH3CO2CH2CH3
170-200 °C, 10 bars Schéma 3.2 : Procédé Avada de production d’acétate d’éthyle En association avec du ruthénium sous atmosphère d’H2, des hétéropolyacides peuvent catalyser l’hydrogénolyse du glycérol en propylène glycol (voir chapitre 6, paragraphe 4.5.2) ou bien la conversion de la cellulose en alcools [12]. On peut même atteindre directement l’isosorbide (voir chapitre 6, paragraphe 4.2.1). Le (+)-citronellal produit selon le procédé Takasago (voir paragraphe 3.3.2) peut subir une réaction ène accélérée par du ZnBr2 (voir chapitre 6, paragraphe 4.6), mais cette réaction exige de grandes quantités de ZnBr2 et conduit à des déchets importants ; elle est avantageusement remplacée par une catalyse hétérogène utilisant H3PW12O40 supporté sur silice. On obtient alors le (-)-isopulegol. Ce même catalyseur dopé au palladium
Catalyse 139
peut permettre l’obtention du (-)-menthol avec 92 % de rendement à partir du (+)-citronellal (Schéma 3.3) [13]. H O
+
H2
Pd-H3PW12O40
(+)-citronellal
OH
70 °C
(-)-menthol
Schéma 3.3 : Synthèse du menthol par catalyse hétérogène
2.4. Solides à porosité contrôlée D’après la classification IUPAC, on distingue trois types de solides poreux selon le diamètre φ des pores : microporeux (φ 20:1 conditions B : 91%, ee 90% , syn:anti > 20:1 Me2PhSi
O +
H
conditions B : O
RuHCl(CO)(PPh3)3 (0,05 équiv)
O
(R)-SEGPHOS (0,05 équiv) Toluène, 95 °C, 48 h iPrOH (2 équiv)
Schéma 3.73 : Alkylation d’alcools et d’aldéhydes par des diènes-1,3 Avec les énynes-1,3 la réaction est régiosélective, en ce sens que seule la double liaison C-C est touchée (Schéma 3.74) [138].
Chimie verte, concepts et applications
190
R1
+
HO
RuHCl(CO)(PPh3)3, ligand (0,05 equiv)
OH R2
R1
THF, 95 °C
R2
ligand = 1,1'-bis(diphenylphophino) ferrocène Schéma 3.74 : Alkylation d’alcools par des énynes-1,3
3.5.2.2. Via un allyl métal L’alkylation des alcools par transfert d’hydrogène sans perte d’atomes peut également être réalisée avec des alcynes en présence d’iridium [139]. On obtient des alcools allyliques comme dans la réaction de Krische (Schéma 3.68) mais on ne passe pas par un oxametallacyclopentène, mais plutôt par un complexe π-allylique d’hydridoiridium. L’allyliridium joue alors le rôle de nucléophile vis-à-vis de l’aldéhyde obtenu par déshydrogénation de l’alcool (Schéma 3.75). La réaction est diastéréosélective, conduisant exclusivement à l’alcool homoallylique de configuration relative anti. [Ir(OH)COD]2 (0,1 équiv) RCH2OH + Ar
OH
P(nOct)3 (0,3 équiv)
Me
Toluène, 100 °C, 15 h
R Ar anti
OH R
RCH2OH Ar
Ar
RCHO "LnIrH2"
LnIr RCHO H
Ir
Ln
Ln H
Ar
Me
Ir
Ln
H Ir Ar
H Me
Ar Schéma 3.75 : Alkylation d’alcools par un alcyne
Catalyse 191
3.5.2.3. Via une interaction C-H agostique Dans ce type de mécanisme, fréquent en chimie organométallique, un métal se lie à la fois au carbone et à l’hydrogène de la liaison C-H. Cet atome d’hydrogène peut alors être directement transféré. Ce type de mécanisme a été proposé dans l’alkylation directe d’alcools (directe car ne passant pas par leur déshydrogénation) par des alcènes (Schéma 3.76) [140]. La réaction ne nécessite que du chlorure ferrique comme catalyseur la rendant particulièrement attractive en chimie verte, compte tenu du faible impact environnemental de FeCl3. R
R1
R
R1 H R2
OH
OH
+
R2
H
Fe(III)
R 1
Fe(IV)
R H
R
H
OH
R1 R2
R2 H R1 R2
Fe(IV)
OH Fe
interaction C-H agostique
R OH
Schéma 3.76 : Alkylation d’alcools par des alcènes via une interaction C-H agostique
3.5.3. Allylation d’alcools par transfert d’hydrogène avec perte d’atomes L’équation-bilan de l’allylation des alcools primaires par un acétate d’allyle fait apparaître une perte d’acide acétique. En revanche, d’excellentes énantiosélectivités ont été obtenues avec de l’iridium complexé par un ligand chiral, tel que Cl,MeO-BIPHEP (Schéma 3.77) [141]. Le mécanisme fait intervenir l’acide 3-nitrobenzoïque et une base (Cs2CO3) rajoutés en petite quantité. Le complexe d’iridium(III) formé avec l’acide 3-nitrobenzoïque peut être déprotoné par Cs2CO3. Après addition oxydante avec l’acétate d’allyle, on obtient un complexe π-allylique d’iridium
Chimie verte, concepts et applications
192
OAc
+
OH
[Ir(COD)Cl] (2,5%) OH (R)-Cl,MeO-BIPHEP (5%) R
R = (CH2)3Ph
+ AcOH
R
Cs2CO3 (20%) 3-NO2PhCO2H (10%) THF, 100 °C, 20 h
ee 95%
Cl PPh2 PPh2
MeO MeO
(R)-Cl,MeO-BIPHEP =
Cl
Schéma 3.77 : Allylation d’alcools par un acétate d’allyle qui s’additionne à l’aldéhyde transitoire pour donner un alkoxyde d’iridium, qui ne peut pas subir de β-élimination grâce à la coordination de l’iridium sur la double liaison. Un simple échange avec l’alcool de départ conduit au produit, alors que le nouvel alkoxyde d’iridium(III) peut subir une β-élimination libérant l’aldéhyde et favorisant le cycle catalytique (Schéma 3.78). OH R
NO2
O
R
O R H
HO H
O R
NO2
O
Ir(III) O Ln
O
H O
addition oxydante
Ir(III) Ln
base
Ln
AcO
OAc
base-H
NO2
O O - Ir(I)
(III)
Ir H
NO2
O
H
NO2
allylation O
H
pas de possibilité de β-élimination, d’où l’échange avec l’alcool de départ réduction de Ir
O
R
Ir(III) β-élimination Ln d'hydrure
H
O R
échange d’alcool
O
Ln
Schéma 3.78 : Mécanisme de l’allylation des alcools par l’acétate d’allyle
Catalyse 193
3.5.4. Alkylation régiosélective d’amines cycliques L’équation-bilan de l’alkylation en position 3 d’amines cycliques par un aldéhyde libère de l’eau comme sous-produit, ainsi que du CO2 si l’acide formique est le co-donneur d’hydrogène associé à l’amine (Schéma 3.79) [142].
n
N R'
O +
R
H
+ HCO2H
n = 0, 1, 2
n
N R'
R + H2O + CO2
70-82%
Schéma 3.79 : Équation-bilan de l’alkylation régiosélective d’amines cycliques Le ruthénium, comme l’iridium, peut catalyser la déshydrogénation d’alcool en aldéhyde (voir le paragraphe 3.5.3 précédent, ainsi que le paragraphe 3.2 du chapitre 2), mais peut également catalyser la déshydrogénation des amines en énamines. La position 3 du cycle est ainsi le site nucléophile dans l’attaque sur l’aldéhyde (Schéma 3.80). La réaction a lieu à 140 °C dans le toluène en présence de 0,02 équiv de ruthénium et de 0,1 équiv d’acide camphorsulfonique (CSA). Afin d’éviter d’utiliser un fort excès d’amine, il est nécessaire de rajouter une quantité stœchiométrique d’acide formique qui apporte à la fois un proton et un hydrure. Si l’acide formique n’est pas rajouté, alors c’est l’amine qui joue le rôle de donneur d’hydrogène, d’où une perte en réactif. Naturellement, si l’on remplace l’aldéhyde par un alcool qui apporte de l’hydrogène par déshydrogénation, il n’y a pas besoin d’un donneur externe. La réaction utilise le même catalyseur au ruthénium (Schéma 3.81) [143]. Elle s’apparente donc aux couplages du troisième type, i.e. via autotransfert d’hydrogène avec perte d’atomes (ici uniquement H2O). Notons que, dans l’exemple choisi, il y a à la fois alkylation en position 3 de l’amine et alkylation de l’azote.
3.6. Création de liaisons C-C par hydrométallation asymétrique 3.6.1. Hydrocyanation asymétrique Nous avons vu dans le chapitre 2 le mécanisme d’addition de HCN sur un alcène catalysé par du nickel(0). Si celui-ci est entouré d’un ligand chiral, on peut obtenir une addition énantiosélective. C’est le cas avec un phosphinite dérivé de sucre (Schéma 3.82). Ainsi un précurseur de naproxène optiquement pur (après cristallisation) a pu être préparé selon cette stratégie [144].
Chimie verte, concepts et applications
194
R
n
n
N R'
N R'
Ru CO2
H2, RuH-
site nucléophile R
n
n
N R'
HCO2H
N R'
OH n
RuH-, H+
R RCHO
N R' Ph
H+
tBu P
Ru O Cl S O O
catalyseur :
Schéma 3.80 : Mécanisme de l’alkylation régiosélective d’amines cycliques
n
N H
OH +
n = 0, 1, 2
Ar
Ru (0,015 équiv) CSA (0,4 équiv) Toluène, 150 °C 16 h
Ar
n
+ 2 H2O
N Ar
52-70%
Schéma 3.81 : Alkylation régiosélective d’amines cycliques sans donneur externe d’hydrogène Ph + HCN O
O O R2PO
CN
O
OPh OPR2
Ni (COD)2
O ee 85%
Schéma 3.82 : Hydrocyanation asymétrique d’alcènes
Catalyse 195
3.6.2. Hydroformylation asymétrique L’hydroformylation asymétrique du lactame bicyclique du Schéma 3.83 est utilisée à l’échelle de la tonne par Chirotech pour produire différents cyclopentènes énantiomériquement purs [145]. Le produit d’hydroformylation obtenu sous une pression de CO/H2 de 4,5 bars a un excès diastéréomérique de 92 %, le produit majoritaire pouvant être obtenu après cristallisation avec une pureté énantiomérique de 99 %. N
Boc
CO/H2 RhL
O
OH
Boc NaBH 4 N
OHC
NHBoc
O OH
MeONa NHBoc
OHC
HO
NHBoc
oxydation de Baeyer-Villiger CO2Me
R O
O
O P O O
P O
RR
CO2Me
R
L = (R,R)-Kelliphite R = tBu
Schéma 3.83 : Procédé Chirotech de préparation de cyclopentènes optiquement purs L’hydroformylation énantiosélective de l’acétate de vinyle sous une pression de CO/H2 de 32 bars conduit à 75 °C avec un rendement de 86 % à un aldéhyde ramifié optiquement pur à 97 % (Schéma 3.84). Un TOF particulièrement élevé (jusqu’à 19 400 h–1) peut être atteint. Le produit ramifié permet d’accéder à des dérivés d’isooxazoline et d’imidazole énantiomériquement purs [146]. Deux revues récentes donnent d’autres exemples d’hydroformylation asymétrique [147].
Chimie verte, concepts et applications
196
OAc
CO + H2
CHO
(S,S)-diazaphospholane Rh(CO)2(acac)/ toluène
OAc ramifié
+ OHC
OAc
linéaire
ee 97% ramifié/linéaire = 46,9
Ph
N
Ph
N O N N
(S,S)-diazaphospholane : Ph
O
O N O P
P
N N O
O
N
Ph
O
O
Schéma 3.84 : Hydroformylation asymétrique d’acétate de vinyle
3.6.3. Hydroacylation asymétrique Nous avons vu au chapitre 2 (paragraphe 5.2.2) le mécanisme de l’hydroacylation des alcènes, réaction à économie d’atomes de 100 %. Cette réaction a été rendue énantiosélective (ee de 94 à 99 %) grâce à l’utilisation de différents ligands chiraux, particulièrement BINAP, MeDUPHOS (Figure 3.4) autour du rhodium (Schéma 3.85) [148]. R H O
Rh (ligand)ClO4 (4%)
R
ligand: (S,S)-MeDUPHOS ou (S)-BINAP
O
Schéma 3.85 : Hydroacylation asymétrique
3.6.4. Hydroarylation asymétrique Nous avons également vu au chapitre 2 (paragraphe 5.2.3) le mécanisme de l’hydroarylation, autre réaction à économie d’atomes de 100 %, utilisant du ruthénium(II) dans la réaction de Murai sur les cétones aromatiques. Ce même type de réaction a été utilisé sur les imines aromatiques avec le catalyseur de Wilkinson [149]. Alors que dans la réaction de Murai on passe du ruthénium(0) au ruthénium(II) par insertion de Ru dans la liaison C-H, ici
Catalyse 197
on passe du rhodium(I) au rhodium(III) par insertion de Rh dans la liaison C-H (Schéma 3.86). CH2Ph
N
N
R
élimination réductrice N
RhCl(PPh3)3
complexation de Rh(I)
CH2Ph N
Rh(III)
CH2Ph
H Rh(I)
H insertion de la R double liaison dans la liaison Rh-H
N R
CH2Ph
CH2Ph
insertion de Rh(I) dans la liaison C-H
Rh(III) H
Schéma 3.86 : Mécanisme de l’hydroarylation catalysée par Rh CH2Ph N [RhCl(COE)2]2 (0,05 équiv) H Ligand (0,15 équiv) activation de la liaison C-H par RhI
Ligand :
O P N(CHCH3Ph)2 O
CH2Ph N H ee 88%
COE = cyclooctène
Schéma 3.87 : Hydroarylation asymétrique catalysée par Rh
Chimie verte, concepts et applications
198
La version asymétrique de cette réaction en série intramoléculaire conduit à d’excellentes énantiosélectivités (Schéma 3.87) [150]. La liaison C-H en ortho de la fonction imine qui complexe le rhodium est alors activée ; il se forme intermédiairement une liaison Rh-H qui insère alors la double liaison éthylénique voisine sur sa face la moins encombrée.
3.6.5. Cycloisomérisation asymétrique d’énynes-1,6 Le mécanisme de cette réaction intramoléculaire conduisant aux diènes-1,4 en série racémique est détaillé dans le schéma 2.85. Un exemple de ce type d’isomérisation particulièrement performante au niveau de l’énantiosélectivité est donné dans le schéma 3.88 [151]. Bu O
Bu [LRhCl]2
H H L=
O
AgSbF6
OPPh2 OPPh2
ee 98%
Schéma 3.88 : Cyclomérisation asymétrique des énynes-1,6
3.7. Métathèse des alcènes et des alcynes Le mot métathèse vient d’un mot grec qui signifie transposition. Ainsi, dans la métathèse des alcènes et des alcynes terminaux, la transposition donne des alcènes et des alcynes non terminaux, ainsi que de l’éthylène et de l’acétylène (Schéma 3.89). Cette réaction est particulièrement intéressante car elle donne des molécules volatiles permettant de déplacer les équilibres et d’optimiser au mieux l’économie d’atomes. Des métathèses croisées peuvent également avoir lieu. Particulièrement intéressant est la métathèse intramoléculaire. Toutes ces réactions ont été beaucoup étudiées au cours des vingt dernières années, suite aux travaux de Schrock et Grubbs. Un mécanisme tout à fait original a été proposé dès 1971 par Chauvin [152]. Pour ces découvertes, le prix Nobel de chimie a été attribué en 2005 à ces trois chimistes.
2
R1
H
R1
R1
R2
H
R2
R2
2 R
H
R
R
+
H
H
H
H
+ H
H
Schéma 3.89 : Métathèse d’alcènes et d’alcynes terminaux
Catalyse 199
3.7.1. Mécanisme de la métathèse des alcènes L’originalité du mécanisme proposé par Chauvin et confirmé quelques années plus tard par Katz [153] est fondée sur l’existence d’un complexe métal-carbène comme espèce réactive. Ce métal alkylidène se coordine à l’alcène de départ, conduisant à deux métallacyclobutanes qui ont alors la possibilité de libérer ensuite un autre alcène (Schéma 3.90). Le premier Y R1
Y
X
R1
R1
R1
2
Y
R2 R1
1
R2
R2
R
M X M
+
M
M R1
1 R2 R R
R1 M
R2
R2
+
R2
R2
X R2 R1
M
Y X catalyseur
M
R1
M
R2
X
R2
Y X
R1
X
R2
Y
R1
R2
R1 M
Y
R2
X
M
R2
X M
2
Y
M
M
+
R1
+
R
R2 R2
R1
M
R2
R1
R2 R1 Y +
R1
M R1
X R1
R1
R1
R2
R2
Y
X Y
Schéma 3.90 : Mécanisme de la métathèse des alcènes
Chimie verte, concepts et applications
200
métal alkylidène qui a été utilisé pour une telle réaction est un complexe de niobium, mais les plus couramment utilisés furent d’abord des complexes de molybdène et de tungstène. Aujourd’hui on utilise essentiellement des catalyseurs au ruthénium, introduits par Grubbs, tels les catalyseurs stables à l’air et à température ambiante de première et deuxième génération (Figure 3.6).
PCy3 Cl Ru
Cl
PCy3
N Cl
Ph
N Ru
Cl
PCy3
catalyseur de Grubbs de 1ère génération (GI)
Ph
catalyseur de Grubbs de 2ème génération (GII)
Fig. 3.6 : Catalyseurs de Grubbs
3.7.2. Métathèse intramoléculaire des alcènes, fermeture et ouverture de cycle À titre d’exemple de métathèse intramoléculaire, citons la réaction du schéma 3.91 utilisant le catalyseur de Grubbs de 2e génération [154]. EtO2C
CO2Et
tBu
GII (5 mol %)
EtO2C
CO2Et +
45 °C, 1 h
tBu 99%
Schéma 3.91 : Fermeture de cycle par métathèse D’une façon générale, les diènes-1,5 et -1,6 se cyclisent facilement par métathèse intramoléculaire ; cette fermeture de cycle peut être contrebalancée par la réaction intermoléculaire conduisant à des polymères (Schéma 3.92). Réciproquement, un diène cyclique peut s’ouvrir pour donner lieu à cette même polymérisation, sans perte d’atomes. Un exemple classique d’ouverture de cycle (ROMP) est la polymérisation par émulsion de l’exo-5,6-bis-méthoxy-7-oxanorbornène en présence de RuCl3 (Schéma 3.93) [155]. Dans cette réaction utilisant un catalyseur aussi simple que RuCl3, on passe effectivement par l’intermédiaire Ru=alkylidène.
Catalyse 201
fermeture de cycle par métathèse ring closing metathesis (RCM)
+
+ polymérisation +
n
n ouverture de cycle ring opening metathesis polymerization (ROMP)
n
Schéma 3.92 : Ouverture de cycle avec polymérisation O OMe OMe
O
RuCl3 H2O
n MeO
OMe 95%
Schéma 3.93 : Polymérisation par émulsion catalysée par RuCl3
3.7.3. Métathèse intermoléculaire des alcènes En général, l’un des deux partenaires doit être utilisé en excès pour obtenir de bons rendements. À titre d’exemple, signalons la métathèse entre un ester méthylique issu d’huile de ricin et l’acrylonitrile catalysée par le catalyseur de Grubbs de deuxième génération. En couplant cette réaction avec une hydrogénation, il est possible d’obtenir un aminoester, précurseur de polyamides (Schéma 3.94) [156].
CO2Me +
8
CN
(2,2 équiv)
GII (0,03 équiv)
NC
100 °C
H2 (20 bars) 80 °C
CO2Me H2N base 8 (0,15 à 0,6 équiv) aminoester
Schéma 3.94 : Métathèse d’alcènes croisée
CO2Me 8
Chimie verte, concepts et applications
202
3.7.4. Métathèse entre alcène et alcyne La métathèse entre un alcyne et un alcène conduit à une économie d’atomes de 100 % (Schéma 3.95) [157]. Ph
+
HO
cat (5 mol%)
Ph
25 °C, 2 h
HO
99%
Schéma 3.95 : Métathèse entre alcyne et alcène La version intramoléculaire de cette réaction a été beaucoup étudiée sur les énynes-1,6, qui conduisent à des vinylcyclopentènes (Schéma 3.96). Me Me
Ts N
25 °C, 22 h GI
Ts N 99%
R
R M R
R M
M = [Ru]
R
M
M
Schéma 3.96 : Transposition des énynes-1,6 en vinylcyclopentènes par métathèse intramoléculaire
3.7.5. Métathèse asymétrique Bien que la métathèse des alcènes n’engage que des atomes de carbone sp2, on peut imaginer une métathèse asymétrique. La catalyse asymétrique de la métathèse peut avoir lieu sur des substrats prochiraux (de type méso). La métathèse permet en effet de les dissymétriser. Les trois types de métathèse asymétrique figurent au Schéma 3.97 [158]. Un exemple de métathèse énantiosélective avec fermeture de cycle (premier type) est donné dans le schéma 3.98 [159].
Catalyse 203
groupe pro S
groupe pro R
R
R ou R
R
R
fermeture du cycle fermeture du cycle avec le groupe pro R avec le groupe pro S R1 +
groupe pro R groupe pro S si R1 = alkyl si R1 = alkyl
+
R1
R2
R
méso
ou
R2 métathèse croisée avec le groupe pro R
R1 R2
métathèse croisée avec le groupe pro S
R
ou
R
métathèse croisée avec ouverture de cycle asymétrique Schéma 3.97 : Principes de la métathèse asymétrique par dissymétrisation
tBu
O O
groupe pro S O
N Mo
Ph
tBu
O
(5 mol%) groupe pro R
sans solvant fermeture du cycle avec le groupe pro R ee 99%
Schéma 3.98 : Métathèse asymétrique par fermeture de cycle
Chimie verte, concepts et applications
204
Il y a encore peu d’exemples de métathèse croisée asymétrique (deuxième type) ; par contre, la métathèse croisée asymétrique avec ouverture de cycle (troisième type) a donné de bons résultats aussi bien au niveau du rendement du produit formé qu’au niveau de la sélectivité E/Z du produit formé et de son excès énantiomérique (Schéma 3.99) [160].
iPr iPr N Cl Ru Cl O
O O O
N
+
Ph 5 équiv.
(0,01 équiv) CH2Cl2
Ph H
H
O
O O 98% E/Z >30/1 ee 93%
Schéma 3.99 : Métathèse asymétrique par ouverture de cycle
3.8. Autres réactions de création de liaison C-C via un métal-carbène Nous avons vu que la métathèse des alcènes passe par la formation d’un métal-carbène. Il existe d’autres réactions permettant de créer des liaisons C-C dont le mécanisme engage un métal-carbène. Celui-ci peut s’insérer dans une double liaison C-C donnant ainsi un cyclopropane, ou bien s’insérer dans une liaison C-H.
3.8.1. Cyclopropanation asymétrique Le mécanisme général de la cyclopropanation par addition de diazoacétates sur les alcènes, catalysée par des métaux de transition, passe par un métal-carbène. La réaction est l’une des toutes premières à avoir été rendue asymétrique, les catalyseurs les plus utilisés étant à base de cuivre(I), cobalt(III) et Ru(II) (Schéma 3.100). Dans la synthèse d’antagonistes de la mélatonine effectuée par BristolMyers-Squibb, le cycle cyclopropanique a été introduit par cyclopropanation asymétrique grâce à un catalyseur de ruthénium [161]. La réaction du schéma 3.101 a été effectuée jusqu’à une échelle de 500 kg avec des TON et des TOF pouvant excéder 100 et 8 h–1 respectivement.
Catalyse 205
H
CO2Et N2 CHCO2Et
LnM
MLn
H CO2Et N N MLn
H CO2Et N2
M = Cu(I), Co(III), Ru(II), ... L = ligand Schéma 3.100 : Mécanisme de la cyclopropanation par addition de diazoacétates CO2Et O
O
cat. + N2CHCO2Et
ee 86% O catalyseur =
O
N N Cl
N Ru
Cl
Schéma 3.101 : Procédé Bristol-Myers-Squibb pour la préparation d’antagonistes de la mélatonine
3.8.2. Insertion d’un carbène dans une liaison C-H L’insertion d’un carbène dans la liaison C-H, catalysée par du cuivre, rhodium, ruthénium ou fer, a été réalisée par voie intramoléculaire et intermoléculaire. L’espèce réactive est un intermédiaire métal-carbène, formé après décomposition du diazoacétate. Les carbènes possédant à la fois un groupe donneur et un groupe accepteur sont les plus réactifs et sélectifs vis-à-vis des liaisons C-H. Du point de vue géométrique, l’ordre de réactivité est : C-H primaire > secondaire > tertiaire du fait de l’encombrement
Chimie verte, concepts et applications
206
stérique du métal-carbène. En revanche, les effets électroniques s’opposent à cet ordre. Ces effets sont liés à la faculté du carbone de développer une charge positive à l’approche du métal-carbène [162]. La meilleure réactivité concerne finalement les liaisons C-H secondaires. D’autre part, les liaisons C-H en α de toute fonction permettant une stabilisation de charges positives, comme les systèmes π, les hétéroatomes, seront les plus réactives. La réaction d’insertion d’un carbène dans une liaison C-H est représentée dans le schéma 3.102, indiquant la vitesse relative d’activation de la liaison C-H par un rhodium-carbène. Dans les mêmes conditions, l’insertion du carbène dans la double liaison C=C du styrène a une vitesse relative de 24 000, montrant ainsi l’activation toute particulière de certaines liaisons C-H.
A D
N2
Rh
A D
X H C Y Z
Rh
A D
X Y Z
H
A : groupement attacteur D : groupement donneur H
H O
vitesse relative de l'activation C-H
26000
H
H
2700
N 1700
H
Boc
1
0,011
Schéma 3.102 : Insertion d’un carbène dans la liaison C-H
Cette activation a été mise à profit pour effectuer plusieurs synthèses totales dans lesquelles l’étape clé est une insertion énantiosélective d’un carbène dans une liaison C-H (Schéma 3.103) [163]. En série intramoléculaire, la température de la réaction peut être fortement abaissée, permettant également d’atteindre de fortes énantiosélectivités. Dans l’exemple du schéma 3.104, le catalyseur est immobilisé permettant son recyclage [164].
Catalyse 207 N2
CO2Me Rh2(S-DOSP)4 TBSO (0,01 équiv)
+
TBSO
50 °C
OMe
OMe
OMe OTBS
OTBS
N O Rh SO2Ar 4
50 °C
Ph
O Rh
O N O
Ph
R
R
Rh2(S-PTTL)4 =
Ar = p-C6H4-C12H25
OTBS CO2Me
Rh2(S-PTTL)4 CO2Me (0,01 équiv)
N2
+ N2
OMe OTBS ee 92%
O Rh
H Rh2(S-DOSP)4 =
+
CO2Me H
+ N2
ed 89- 95%, ee 91-98%
O Rh
4
Schéma 3.103 : Insertion énantiosélective d’un carbène dans la liaison C-H CO2Me N2 O
Rh2(S-PTAD)4 (0,01équiv)
Ph O
-60 °C
Ph
CO2Me + N2
ed 94%, ee 95%
Rh2(S-PTAD)4 =
O Rh
O N O
O Rh
Schéma 3.104 : Insertion intramoléculaire énantiosélective d’un carbène dans la liaison C-H
Chimie verte, concepts et applications
208
3.9. Création de liaison C-C par cycloaddition asymétrique Dans la plupart de ces réactions, notamment dans les cycloadditions de Diels-Alder, d’hétéro Diels-Alder ou dans les réactions carbonyl-ène, la catalyse est due à l’activation du groupe carbonyle du diénophile (ou de l’énophile) par sa coordination avec le métal du catalyseur. La réaction n’a pas lieu dans la sphère de coordination du métal, mais en dehors de celle-ci, l’induction asymétrique ayant lieu si les ligands chiraux accrochés au métal différencient nettement les deux faces énantiotopiques du diénophile. Il s’agit donc d’une catalyse de type acide de Lewis qui est traitée dans le paragraphe 4. La réaction de Pauson-Khand est une cycloaddition qui fait réellement appel à la chimie de coordination du métal. Il s’agit d’une cycloaddition [2+2+1] entre un alcyne, un alcène et du monoxyde de carbone catalysée par du dicobalt octacarbonyle (Schéma 3.105) [165]. Les alcènes dissymétriques ne conduisent en général à aucune régiosélectivité, sauf en version intramoléculaire.
R3
R3 O R1
Co2(CO)8
R2
O R1 (ou R2)
E
CO
E
cat.
R2 (ou R1)
E O E
E = groupe électroattracteur Schéma 3.105 : Réaction de Pauson-Khand
L’élimination de CO du complexe hexacarbonyle dicobalt est l’étape déterminante du mécanisme (Schéma 3.106). Après coordination de l’alcène, celui-ci s’insère dans une liaison Co-C formant un cobaltacycle, étape qui détermine la régio- et la stéréochimie de la réaction. Après réinsertion de CO et double élimination réductrice, on obtient la cyclopenténone. La réaction de Pauson-Khand avec ce catalyseur est suffisamment performante pour être utilisée comme étape clé dans la synthèse totale du (+)-fusarisetin A, un agent anticancéreux [166].
Catalyse 209
O R
Co2CO8
élimination réductrice OC CO OC Co O
OC
CO CO OC Co Co CO CO OC
élimination réductrice CO O
OC OC Co Co OC
R insertion de CO dans la CO liaison Co-C
H
Co2CO6 CO
OC Co OC R
R
R élimination de CO puis coordination de l'alcène
CO CO OC Co Co CO OC
CO CO OC Co Co CO OC R insertion de C=C dans la liaison Co-C
R
Schéma 3.106 : Mécanisme de la réaction de Pauson-Khand catalysée par du cobalt Les phosphines sont susceptibles d’augmenter les rendements de la réaction. En présence de ligands phosphorés chiraux, on peut même obtenir d’excellentes énantiosélectivités [167]. D’autres complexes de métaux de transition ont été utilisés, comme le molybdène hexacarbonyle ou des catalyseurs au rhodium, type Wilkinson. Ceux-ci exigent dans certains cas un co-catalyseur (triflate d’argent). Le mécanisme avec les catalyseurs au rhodium est beaucoup plus simple qu’avec les métaux carbonyles. Il a une grande analogie avec le mécanisme de cycloisomérisation des énynes-1,6 passant par un métallocycle. On a vu qu’après la formation du métallocycle, on pouvait avoir élimination d’un hydrure facilement accessible (voir chapitre 2, paragraphe 5.2.6.2). Dans le cas présent, s’il n’y a pas d’hydrure facile à éliminer, le métallocycle insère alors une molécule de CO présente et par élimination réductrice, on obtient directement la cyclopenténone (Schéma 3.107). Si le rhodium porte des ligands chiraux, on peut accéder à des cyclopenténones avec des excès énantiomériques atteignant 95 % [168].
Chimie verte, concepts et applications
210
O
X
X
Rh(I) élimination réductrice O X
insertion de CO liaison C-Rh CO
Rh(III)
X
Rh(I)
X= C(CO2Et)2, O, NTs
addition oxydante X
Rh(III)
(pas d' hydrure métallocycle facile à éliminer)
Schéma 3.107 : Mécanisme de la réaction de Pauson-Khand catalysée par du rhodium
4. Catalyse par des acides de Lewis et des acides de Brønsted En dehors du proton qui est un catalyseur de choix, la catalyse par un acide de Lewis concerne principalement les sels métalliques. On a notamment exclu de ce paragraphe les acides de Lewis organiques utilisés en organocatalyse (voir paragraphe 6). D’autre part, devant le grand nombre de catalyseurs et de réactions, nous n’avons donné que quelques exemples permettant au lecteur d’entrevoir cette diversité. D’une façon générale, si un métal est impliqué, son nombre d’oxydation est conservé au cours du processus catalytique, la catalyse ayant lieu en dehors de sa sphère de coordination. La catalyse asymétrique repose sur le fait que le complexe métal-ligand chiral coordine l’électrophile pour lequel seule une des deux faces est accessible au nucléophile. Dans le cas des acides de Brønsted, la coordination se fait par liaison hydrogène avec les réactants.
4.1. Hydrolyse des dithioacétals La méthode traditionnelle d’hydrolyse des dithioacétals utilisait des sels de mercure, en raison d’une excellente affinité du soufre pour le mercure (d’où le nom de mercaptans pour les thiols). D’autres méthodes utilisent l’acide o-iodobenzoïque (IBX), ce qui nécessite une quantité stœchiométrique d’iode hypervalent générant une grande quantité de déchets. Une méthode nouvelle consiste à générer l’iodonium avec de l’eau oxygénée à 30 %, en présence d’une quantité catalytique d’iodure dans un milieu micellaire de dodécylsulfate de sodium dans l’eau (Schéma 3.108) [169]. L’ion I+ en se complexant au soufre joue alors le rôle d’un acide de Lewis.
Catalyse 211
H2O2 à 30%
S S
O
NH4+I- (0,1 équiv)
H
Schéma 3.108 : Hydrolyse des dithioacétals par activation du soufre avec I+ catalytique
4.2. Cycloadditions énantiosélectives 4.2.1. Activation par un acide de Lewis Différents métaux de transition (Ti, Ni, Pd, Pt, Cu, Rh, Co, Cr…) portant des ligands chiraux ont été utilisés dans ces réactions. À titre d’exemple, des complexes BINOL-Ti peuvent catalyser des cycloadditions de Diels-Alder énantiosélectives (Schéma 3.109) [170]. Des effets non linéaires positifs, i.e. des amplifications de l’excès énantiomérique du produit en fonction de l’excès énantiomérique du ligand, sont même observés. L’état de transition montre que le diénophile, qui adopte une conformation transsoïde, est complexé en anti au titane présentant alors la face si dans l’état de transition (la face re du diénophile est la moins accessible). L’approche endo exige alors que le diène présente sa face re dans l’état de transition.
O O
Ti
Cl Cl
OCOMe
OCOMe CHO
(R)
CHO
+ endo 99% ee 94% face re (la moins accessible)
conformation transsoïde anti O TiLn OR attaque sur la face si du diènophile
attaque sur la face re du diène état de transition endo
Schéma 3.109 : Réaction de Diels-Alder énantiosélective sous catalyse acide de Lewis
Chimie verte, concepts et applications
212
Le même type de catalyseur a été utilisé dans des réactions d’hétéro Diels-Alder. On obtient majoritairement les composés cis, issus d’un état de transition endo (Schéma 3.110). Là encore la conformation transsoïde anti du glyoxylate complexé explique sa réactivité sur la face re (attention, celle-ci s’appelle maintenant re bien qu’elle soit comme précédemment en dessous sur le dessin, voir convention spécifique re/si). OMe
OMe +
(R)-BINOL-Ti
O
O
CO2Me MeO
cis 78% ee 94% O
CO2Me
TiLn
attaque sur la face si OMe du diène
O H attaque sur la face re H du diènophile état de transition endo
Schéma 3.110 : Réaction d’hétéro Diels-Alder énantiosélective sous catalyse acide de Lewis De même, la réaction ène sur le glyoxylate de butyle induit une énantiosélectivité de 98 % en faveur du produit (R) avec du (R)-BINOL-Ti. Comme dans le schéma précédent, le glyoxylate est attaqué sur sa face re, la plus accessible (Schéma 3.111).
+ Ph
(R)-BINOL-Ti
O
Ph
CO2Bu BuO
OH CO2Bu ee 97%
O
TiLn
O
H attaque sur la face re Ph de l'énophile état de transition endo Schéma 3.111 : Ène réaction énantiosélective sous catalyse acide de Lewis
Catalyse 213
4.2.2. Activation par un acide de Lewis associé à un acide de Brønsted Le premier exemple de la catalyse par un acide de Brønsted associé à une oxaborolidine chirale concerne la réaction de Diels-Alder entre le cyclopentadiène et la méthacroléine, conduisant à l’adduit exo, re avec un excès énantiomérique de 97 % (Schéma 3.112) [171]. L’état de transition montre que l’on a une conformation transsoïde pour la méthacroléine et que seule la face re est facilement accessible. TfO O +
cat.
CHO
H N O B
O
attaque sur la face re catalyseur complexé à la méthacroléine Schéma 3.112 : Réaction de Diels-Alder énantiosélective par un acide de Lewis associé à un acide de Brønsted
4.3. Réduction énantiosélective du groupe carbonyle Nous savons que le ruthénium est un catalyseur de choix dans l’hydrogénation de la double liaison C=O (paragraphe 3.1.2). Nous verrons au paragraphe 5.5 que les oxydo-réductases sont aussi des catalyseurs qui permettent une réduction énantiosélective des cétones. La réduction énantiosélective des cétones peut aussi être catalysée par des acides de Lewis chiraux. Cependant un hydrure en quantité stœchiométrique est nécessaire. S’il n’est pas régénéré, on sort du cadre de la chimie verte. Signalons pour mémoire la réduction énantiosélective des cétones induite par une oxaborolidine chirale [172]. Dans cette réduction catalytique, Corey, prix Nobel de chimie en 1990, utilise BH3 comme réducteur stœchiométrique, ce qui conduit après traitement à beaucoup de déchets (acide borique, borates). Cette réaction pourra cependant, en fin de synthèse ou d’hémisynthèse de produits de haute valeur ajoutée, être très avantageuse et c’est pourquoi nous l’évoquons tout de même.
Chimie verte, concepts et applications
214
4.4. Réactions d’aldolisation énantiosélectives 4.4.1. Aldolisation Un exemple particulièrement performant de catalyse asymétrique concerne la réaction d’aldolisation où le donneur est une α-hydroxycétone. Grâce à une complexation avec du zinc entouré d’un ligand chiral, la réaction peut conduire à des excès énantiomériques de 98 % et des excès diastéréomériques de 94 % (Schéma 3.113) [173].
OMe O
OMe O OH + PhCHO
OH
Et2Zn (0,02 équiv)
Ph OH
(S,S)-BINOL lié
95% syn/anti = 97/3 ee (syn) = 98% O (S,S)-BINOL lié =
OH HO OH HO
Schéma 3.113 : Aldolisation énantiosélective
4.4.2. Nitroaldolisation Un système catalytique bimétallique a été mis au point pour induire une réaction de Henry anti et énantiosélective. Le nitroaldol formé avec 85 % de rendement a un excès diastéréomérique de 87 % et un excès énantiomérique de 83 % en ce qui concerne l’isomère anti. Après une simple hydrogénation sur Pd/C, une amine intermédiaire est obtenue et transformée par amination réductrice en (-)-ritodrine et autres β-agonistes (Schéma 3.114) [174]. Des systèmes ont également été développés de manière à pouvoir recycler efficacement les catalyseurs [175].
Catalyse 215
O H
+
NO2
BnO
OH
Pd/La/(S,S) (0,1 équiv) - 30 °C, 85 h
H2 OH
HO
HN
Pd/C OH
ArCH2CHO puis H2, Pd Ar
HO
N Pd/La/(S,S) =
NO2
BnO
NH2
N Pd O
O La O
O
O
Br Schéma 3.114 : Nitroaldolisation énantiosélective
4.5. Réactions de Friedel-Crafts énantiosélectives Il existe de nombreux catalyseurs chiraux permettant d’obtenir les produits d’alkylation de Friedel-Crafts avec de très bons excès énantiomériques (pour une revue, voir [176]). Les époxydes et les cétones donnent des alcools, les imines donnent des amines et les cétones conjuguées donnent les produits d’addition de Michael. Contrairement au métal-salen de Jacobsen (voir paragraphe 3.2.1.3), ici le métal ne change pas d’état d’oxydation. D’autre part, en utilisant un acide phosphorique chiral qui permet de coordiner par liaison hydrogène à la fois l’azote de l’indole et l’azote d’un énamide, on peut réaliser entre ces deux composés une réaction d’aza FriedelCrafts asymétrique avec d’excellents rendements [177]. Partant du dérivé du (S)-BINOL, seule la face re de la N-acétylimine conjuguée au noyau aromatique est facilement accessible (Schéma 3.115).
Chimie verte, concepts et applications
216
AcHN + N H
Ar
catalyseur (0,1 équiv) Ar
NHAc
N H
face re accessible O
R
Ar
N H
O
Ar
N
O
O
O
P
O O
H
N
Ar
H N
R Schéma 3.115 : Réaction de type Friedel-Crafts énantiosélective
4.6. Activation de la liaison C-H sp3 Nous avons vu plusieurs réactions faisant intervenir l’activation C-H d’alcools ou d’éthers (pour une revue récente, voir [178]) via une chimie de coordination centrée sur des métaux de transition (voir par exemple les paragraphes 3.5.2.3, 3.5.3 et 3.8.2). En présence d’un acide de Lewis qui active une double ou une triple liaison C-C, on peut imaginer un transfert d’hydrure en α de l’oxygène d’un éther donnant un oxocarbénium, véritable force motrice de la réaction. Globalement, une liaison C-H sp3 a été activée, donnant naissance à une annélation avec 100 % d’économie d’atomes (Schéma 3.116) [179]. Acide de Lewis (AL) 3 R
R3
AL
H
H R1
O
H
R2
R1
O
H
R3
R3
AL R2
R1
O
R2
R1
O
R2
Schéma 3.116 : Annélation énantiosélective par activation de la liaison C-H Un transfert d’hydrure a aussi été mentionné dans le cas d’un alcane tertiaire en présence d’acide. L’alcane peut alors jouer le rôle d’agent alkylant dans une réaction de Friedel-Crafts intramoléculaire [180]. La réaction
Catalyse 217
nécessite la présence d’un alcène auxiliaire donnant un ion carbénium en présence d’un acide de Lewis ou de Brønsted. Ce carbocation active alors la liaison C-H de l’alcane tertiaire formant un ion carbénium susceptible d’être l’agent électrophile dans la réaction de Friedel-Crafts. Outre le fait que la chimiosélectivité (compétition entre les deux carbocations pour l’alkylation de Friedel-Crafts) est parfois délicate, la présence de quantité stœchiométrique d’alcène auxiliaire fait chuter l’économie d’atomes.
4.7. Catalyse par les sels d’or L’or est un métal plus abondant que le platine, le palladium, le rhodium ou encore d’autres métaux largement utilisés en catalyse, ce qui justifie pleinement l’intérêt qu’on lui porte [181]. Les espèces Au(I) ou Au(III) sont de bons acides de Lewis en raison de l’électronégativité de Au (l’électronégativité de Pauling est de 2,4 pour Au comparé à 1,9 pour Ag). Les sels de degré d’oxydation 1 ou 3 complexent les composés carbonylés et les imines, mais aussi tout spécialement les électrophiles mous, tels que les alcynes, les allènes et les alcènes activés [182]. En particulier, les sels d’or sont d’excellents alcynophiles. La coordination de type h2 par Au+ active la triple liaison, qui peut être attaquée par un nucléophile carboné, azoté, oxygéné donnant un intermédiaire comportant une liaison C-Au. Cet intermédiaire n’évolue pas vers la β-élimination, la liaison C-Au étant facilement convertie en liaison C-H ou C-X (X = halogène) par protonation ou halogénation (Schéma 3.117). nucléophile Au
(I)
ou
Nu
Au
H+ ou X+
Nu
H ou X
Au(III)
coordination η2 Schéma 3.117 : Activation de la triple liaison par l’or Ainsi dans la réaction ène de Conia, une quantité catalytique de Au(I) formé in situ à partir de Ph3AuCl et AgOTf permet la formation en 15 minutes à température ambiante de l’exométhylènecyclopentane (Schéma 3.118) [183]. Les auteurs ont montré qu’il y avait complexation de l’alcyne par Au(I) puis addition anti de l’énol en tant que nucléophile carboné pour former un intermédiaire vinyl or. Des nucléophiles oxygénés s’additionnent en anti par rapport à l’or pour donner des oxazoles en présence de AuCl3 [184]. On peut accéder à des hétérocycles asymétriques par hydroalcoylation ou hydroamination d’allènes complexés par Au(I) et portant un ligand chiral [185]. Les nucléophiles utilisés sont des alcools, des amines, des hydroxylamines, des hydrazines formant ainsi des tétrahydrofuranes, pyrrolidines, des isoxazolidines, des pyrazolidines pouvant avoir dans certains cas d’excellentes puretés énantiomériques.
Chimie verte, concepts et applications
218
O
O Ph3AuOTf (0,01 équiv)
OMe
O
MeO
O 94%
O H
O
MeO
D
Au
D MeO2C
Au(I)
O
Schéma 3.118 : Réaction ène de Conia catalysée par l’or Dans la plupart des réactions d’hydroarylation des alcynes, des allènes et des alcènes activés, ceux-ci forment un complexe h2 avec Au(I) ou (III) permettant une attaque en anti d’un noyau aromatique (Schéma 3.119) [186]. Au H R noyau aromatique
H R
R -H+
Ar
H
Au H R
Schéma 3.119 : Hydroarylation d’alcènes catalysée par l’or
5. Catalyse enzymatique Dans la catalyse enzymatique ou biocatalyse, le catalyseur est une protéine spécifique appelée enzyme. La biocatalyse est bien connue depuis les travaux de Van’t Hoff à la fin du xixe siècle, qui ont montré que les enzymes (comme les autres catalyseurs) ne modifiaient pas l’équilibre thermodynamique ; par contre elles augmentent parfois d’un facteur 107 ou 109 les vitesses de réaction. La biocatalyse régit de nombreux phénomènes biologiques, notamment le métabolisme. Les chimistes ont appris à domestiquer ces catalyseurs pour leur propre besoin ; on parle alors de bioconversion ou de biotechnologie blanche. Un exemple industriel majeur est l’isomérisation du glucose (produit à partir de l’amidon issu du maïs et de la pomme de terre) en fructose.
Catalyse 219
L’enzyme n’est pas nécessairement purifiée et isolée. On peut utiliser le microorganisme entier, ce qui a un double avantage. D’une part, l’enzyme peut perdre de sa stabilité et de son efficacité lors de la purification. D’autre part, si l’enzyme requiert un cofacteur, la régénération de celui-ci ne se pose pas dans la cellule entière. Une approche moderne, appelée concept d’usine cellulaire, permet de combiner dans un même microorganisme différents gènes encodant pour la biosynthèse du produit à synthétiser. Le substrat, s’il a une certaine affinité pour l’enzyme, forme un complexe enzyme-substrat qui peut évoluer vers la formation d’un produit. C’est la chiralité de cet intermédiaire, enzyme-substrat, qui est à l’origine de l’intérêt de la biocatalyse en synthèse asymétrique. Pour mettre à profit la biocatalyse, on peut faire un screening de microorganismes et choisir le plus adapté, ou bien faire de l’ingénierie enzymatique par mutagenèse dirigée ou par évolution directe. Les mécanismes enzymatiques sont très variés. La cinétique la plus simple, que l’on rencontre souvent, est celle dite de Michaelis-Menten.
5.1. Cinétique enzymatique La cinétique de Michaelis-Menten est le résultat de deux actes élémentaires (Schéma 3.120) où ES représente le complexe enzyme-substrat. Dans ce complexe, les liaisons qui s’établissent entre le substrat et l’enzyme sont de type liaison hydrogène et liaison de van der Waals. La vitesse initiale (qui permet de ne pas tenir compte de la réversibilité de la deuxième étape) est : v = k3 [ES] = k3/KM [E][S] :
E+S
k1
ES
k3
E+P
k2 Schéma 3.120 : Actes élémentaires d’une cinétique de Michaelis-Menten La constante k3 est le nombre maximum de moles de substrat converti par mole d’enzyme (plus exactement sites actifs) et par unité de temps ; cette constante, qui a une unité de fréquence, s’appelle couramment turnover. On parle aussi d’activité spécifique, c’est-à-dire du nombre de moles de substrat converti par unité de temps et par mg d’enzyme ou d’efficacité catalytique, c’est-à-dire de la masse de produit formé par masse de catalyseur (nombre sans dimension). Le rapport k3/KM représente la constante de vitesse apparente, appelée efficacité de l’enzyme. La constante de Michaelis KM correspond à l’affinité de l’enzyme ; si l’enzyme a une bonne affinité pour son substrat, alors KM est petit ; une bonne affinité correspond à des KM inférieurs à 10–5 M.
220
Chimie verte, concepts et applications
Exercice 3 Dans le cadre de la cinétique de Michaelis-Menten et en utilisant le principe de l’état stationnaire, exprimer la vitesse initiale de réaction (apparition de P) en fonction de la quantité totale d’enzyme et de substrat. Montrer que l’on peut obtenir une relation linéaire entre l’inverse de la vitesse et l’inverse de la concentration en substrat, permettant de réaliser un essai enzymatique en mesurant les vitesses initiales en fonction de différentes concentations. Que se passe-t-il si le milieu contient un inhibiteur réversible compétitif ?
5.2. Inhibition Nous ne rentrerons pas dans les détails des différents types d’inhibition des enzymes, mais il nous a semblé intéressant de rappeler quelques éléments essentiels afin de mieux comprendre les mécanismes enzymatiques. Tout d’abord, on distingue les inhibiteurs réversibles des inhibiteurs irréversibles. Ces derniers détruisent le site actif de l’enzyme de façon irrémédiable par la création d’un lien covalent entre l’enzyme et le substrat ; l’étude de tels inhibiteurs est un outil précieux pour l’étude du site actif de l’enzyme. Par exemple, les agents alkylants sont des inhibiteurs irréversibles des protéases qui contiennent une cystéine dans leur site actif. On dit parfois que de tels inhibiteurs sont des substrats « suicide ». Parmi les inhibiteurs réversibles, nous nous limiterons pour simplifier aux inhibiteurs compétitifs. Ils rentrent en compétition avec les substrats pour le site actif de l’enzyme. Comme pour les substrats il y a formation d’un complexe, appelé EI (enzyme-inhibiteur défini par une constante KI), de même nature (en termes d’interactions moléculaires) que le complexe ES, mais qui ne peut pas évoluer vers la formation d’un produit. L’inhibiteur, en occupant le site actif, va gêner la formation du complexe ES. Les inhibiteurs réversibles sont utilisés comme médicaments pour bloquer la réaction enzymatique impliquée dans la pathologie. C’est le cas par exemple d’inhibiteurs de protéases comme les antiprotéases utilisées en trithérapie contre le virus HIV du SIDA. De même, la neuraminidase du virus de la grippe est une enzyme qui clive l’acide sialique de la surface de la cellule infectée, étape première à la propagation du virus ; deux inhibiteurs de cette enzyme ont été mis sur le marché, le phosphate d’oséltamivir (Tamiflu® des laboratoires Roche) et le zanamivir (Relenza® de GlaxoSmithKline). Un bon inhibiteur d’enzyme a une grande analogie structurale avec le substrat naturel de l’enzyme. Idéalement, il doit simuler l’état de transition tout en n’autorisant aucune réaction. La figure 3.7 représente les deux inhibiteurs de la neuraminidase précédemment cités et son substrat naturel, l’acide sialique. Ces deux inhibiteurs ont des constantes d’inhibition KI de l’ordre de
Catalyse 221
10–9 M, c’est-à-dire qu’ils ont une excellente affinité pour la neuraminidase du virus de la grippe. OH
OH HO H
OH CO2H O OH
OH HO
O H
CO2H
AcHN
AcHN
acide sialique
CO2Et
AcHN HN
OH
O
Relenza®
NH2 NH
NH2 H3PO4 Tamiflu®
Fig. 3.7 : Analogies structurales entre inhibiteurs compétitifs et substrat
5.3. Spécificité enzymatique Considérons deux réactions compétitives avec deux substrats SA et SB ; SA et SB peuvent représenter soit deux molécules différentes, soit deux énantiomères ou encore deux groupes énantiotopiques d’une molécule prochirale. Exprimons les vitesses initiales en supposant [SA] = [SB]. C’est naturellement le cas pour un racémique ou pour les deux branches énantiotopiques d’une molécule prochirale ; c’est une hypothèse légitime pour deux molécules en compétition si l’on veut exprimer la spécificité de l’enzyme vis-à-vis de chacune d’elles.
k k v A = 3 [E ][S A ] ; de même vB = 3 [E ][S B ] KM B KM A D’où
v A k3 k3 / = vB K M A K M
B
Ce nouveau rapport exprime la spécificité de l’enzyme vis-à-vis de SA et de SB. Dans ce rapport, si SA et SB désignent les deux énantiomères (R) et (S) d’un substrat, alors ce rapport est appelé énantiosélectivité (E) de l’enzyme. Une énantiosélectivité E = 100 signifie que l’enzyme réagit 100 fois plus vite sur l’un des deux énantiomères du racémique. C’est le paramètre clé dans le dédoublement cinétique enzymatique puisqu’il détermine, en fonction du taux de conversion, l’excès énantiomérique eeP du produit formé à partir du substrat racémique, ainsi que l’excès énantiomérique eeS du substrat n’ayant pas réagi. Ce dédoublement cinétique est une alternative éco-compatible au dédoublement classique qui utilise des auxiliaires chiraux générant en général beaucoup de déchets, la
Chimie verte, concepts et applications
222
séparation des diastéréoisomères formés par couplage du racémique avec l’auxiliaire chiral étant souvent délicate. Cette opération a une importance considérable dans l’industrie pharmaceutique qui exige l’obtention de produits optiquement purs.
5.4. Hydrolases Ce sont des enzymes qui hydrolysent diverses fonctions. Dans la nomenclature EC (Enzyme Commission numbers), fondée sur la réaction qu’elles catalysent, les hydrolases appartiennent au groupe EC 3.
5.4.1. Lipases Les lipases sont des estérases qui hydrolysent les esters de glycérol et de cholestérol. Elles tolèrent une grande variété de substrats, mais peuvent induire de bonnes énantiosélectivités (E > 100), suffisantes pour atteindre de bons excès énantiomériques. Ainsi dans l’hydrolyse énantiosélective des diesters, la PLE (Pig Liver Esterase) hydrolyse spécifiquement le groupe pro R parmi les deux groupes esters énantiotopiques (Schéma 3.121). HO MeO2C
CH3 CO2Me
PLE
HO MeO2C
CH3 CO2H
ee 99% Schéma 3.121 : Hydrolyse spécifique de la branche pro R par la PLE L’activité enzymatique des lipases peut s’exercer non seulement dans le sens de l’hydrolyse, mais aussi dans le sens de l’estérification. Il est clair que l’eau qui est le solvant naturel de l’enzyme est un facteur défavorable au déplacement de l’équilibre d’estérification. Les lipases peuvent cependant être utilisées dans des solvants organiques ou des liquides ioniques. Le déplacement de l’équilibre peut également avoir lieu dans une transestérification par départ d’un sous-produit volatil, tel l’acétaldéhyde (Schéma 3.122). ROH +
OAc
ROAc + CH3CHO
Schéma 3.122 : Déplacement de l’équilibre d’estérification par départ d’acétaldéhyde volatil Si l’alcool est un racémique, alors on peut réaliser un dédoublement cinétique. C’est ce qui a été effectué dans une étape clé de la synthèse de l’antibiotique FR9000482 (Schéma 3.123) [187]. Un tel dédoublement cinétique est réalisé par BASF pour produire la (S)-méthoxypropylamine.
Catalyse 223
OH
OBn
OH
OBn
Pseudomonas lipase
OH OAc
18 h, 35 °C OBn
OBn ee > 95%
Schéma 3.123 : Dédoublement cinétique dans la synthèse d’un antibiotique L’activité enzymatique des lipases peut également s’exercer sur les réactions d’amidation, pour lesquelles il y a un réel besoin de réactifs et de catalyseurs efficaces afin d’éviter les réactifs de couplage générateurs de déchets. Ce problème touchant une réaction des plus classiques a été tout spécialement souligné par l’ACS GCIPR (American Chemical Society Green Chemistry Institute Pharmaceutical Roundtable) [188]. Une étude portant sur des biocatalyseurs de type lipase a été réalisée en ce sens. La lipase de Pseudomonas stutzeri (PSL) s’avère plus intéressante que celle issue de Candida antarctica (Novozym 435) (Schéma 3.124) [189]. La réaction enzymatique a été effectuée dans du méthoxytertbutyl éther (MTBE) exempt d’eau afin d’éviter une hydrolyse concurrentielle. Le tamis moléculaire s’avère être d’une très grande importance car il piège, en dehors de l’eau, le méthanol dont les études ont montré son action comme inhibiteur compétitif. O OMe
O Enzyme
+ MTBE, 20°C tamis moléculaire
N H
N
+ MeOH
PSL 99% NOV 435 34%
Schéma 3.124 : Amidation enzymatique
5.4.2. Protéases Les protéases peuvent aussi avoir une activité d’estérases, mais leur activité naturelle est d’hydrolyser la liaison peptidique sur des positions bien spécifiques. Sans rentrer dans les détails des mécanismes enzymatiques, il est vital de comprendre qu’il s’agit de cascades de réactions chimiques ordinaires qui impliquent plusieurs résidus d’acides aminés réunis dans le site actif. Par exemple, la chymotrypsine possède dans son site actif trois acides aminés qui interviennent de la façon suivante : le carboxylate de l’aspartate 102 active
Chimie verte, concepts et applications
224
le noyau imidazole de l’histidine 57 qui active à son tour l’hydroxyle de la sérine 195 le rendant ainsi suffisamment basique pour attaquer le carbonyle de la liaison peptidique à cliver. Cet acide aminé particulier possède un résidu hydrophobe (phénylalanine, tyrosine, tryptophane) qui se place dans la poche hydrophobe de l’enzyme (Figure 3.8). Un intermédiaire tétraédrique covalent entre l’enzyme et le substrat est ainsi créé, intermédiaire qui évolue vers un acylenzyme par rupture de la liaison C-N du peptide. La même cascade réactionnelle a ensuite lieu pour activer l’hydroxyle de l’eau afin d’obtenir finalement la fonction acide carboxylique. Ser195 Hist 57
N
HO O
N H O
R
O
1
N H
H H N
R2
liaison Ar à cliver poche hydrophobe
Asp102
Fig. 3.8 : Modèle de la chymotrypsine Les protéases peuvent aussi être utilisées dans le sens de la synthèse peptidique. Ainsi l’aspartame peut être synthétisé par couplage de la phénylalanine et de l’acide aspartique convenablement protégés (Schéma 3.125). Le procédé Holland Sweetener utilise l’ester méthylique de la phénylalanine racémique ; l’ester D n’ayant pas réagi est racémisé puis recyclé. H N
PhCH2O
-
CH2COO +
H3N
PhCH2O
COO
-
O
H N O
thermolysine pH 7, 40 °C
CH2O2Me
H3N
CH2Ph racémisation pour recyclage
O
CH2Ph
N CO2Me H CH2COO
+ CO2Me
1. HCl 2. H2
CH2Ph O H2N
CH2Ph
N CO2Me H CH2COO aspartame
Schéma 3.125 : Procédé Holland Sweetener de préparation de l’aspartame
Catalyse 225
Depuis les années 1990, on a pu préparer l’insuline humaine à partir de l’insuline de porc. Comme ces insulines ne se différencient que par le dernier acide aminé, il suffit de cliver cet acide aminé sur l’insuline de porc grâce à la carboxypeptidase A, une exopeptidase, et de faire un nouveau couplage peptidique grâce à une trypsine. Une alternative est de réaliser directement une transamidation sur l’insuline de porc avec une thréonine protégée (ThrOtBu) en utilisant une protéase de Achromobacter lyticus (Schéma 3.126).
Cys Cys
B1 Phe Val Asn Gln
S
Leu
A1 Ile Gly
Thr S
Ser
S
His
Gln
Glu Val
Ile Cys
S
structure primaire de l’insuline de porc B30 Asn A21
Ser
Cys
Leu Tyr Gln
Gly
Leu Glu
Asn
Cys Tyr S S
Ser His
Leu
Gly Glu Val Glu Ala Leu Tyr Leu Val Cys
Arg
chaîne A S S
S S
chaîne B insuline de porc
Ala
Lys
Gly
Phe
Phe
Tyr
Thr
Pro
chaîne A carboxypeptidase Pro-Lys-Ala
Achromobacter lyticus
S S
S S
chaîne B
Pro-Lys
chaîne A S S
S S
chaîne B
trypsine Pro-Lys-Thr
insuline humaine Schéma 3.126 : Transformation enzymatique de l’insuline de porc en insuline humaine
Chimie verte, concepts et applications
226
5.4.3. Acylases D’une façon générale, les acylases hydrolysent les acides aminés N-acylés. La pénicilline acylase hydrolyse spécifiquement la pénicilline G en acide 2-aminopénicillanique. Ce composé est utilisé dans l’industrie pharmaceutique pour produire d’autres antibiotiques dérivés de la pénicilline et de céphalosporines. La méthode biotechnologique [190] a permis de se soustraire de l’utilisation de réactifs à fort impact environnemental en termes de déchets (Schéma 3.127). Ainsi l’étape de type Vilsmeier-Haack utilisant PCl5 (transformé en POCl3) et nécessitant un fort refroidissement est avantageusement remplacée par une simple hydrolyse à 37 °C. Ph
NH H O O
S
N
1. Me2SiCl2/PhNMe2 2. PCl5 3. Hydrolyse
O
CO2H
pénicilline G
H2N H H
pénicilline acylase
S
N
CO2H acide 2-aminopénicillanique
Schéma 3.127 : Avantage en termes de chimie verte de la méthode enzymatique sur la méthode chimique L’acide 2-aminopénicillanique a été, dans le passé, transformé chimiquement par extension du cycle thiazoté (trois étapes) puis diversement acylé en céphalosporines. Cette cascade de réactions chimiques est aujourd’hui remplacée par un procédé biotechnologique. Ainsi le nouveau procédé DSM utilise des techniques de génie génétique et d’évolution dirigée. Dans la souche productrice de pénicilline G (Penicillium chrysogenum), on introduit les gènes codant pour une expendase permettant ainsi d’obtenir par fermentation en présence d’acide adipique le dérivé N-adipoyle de l’acide 7-amino-céphalosporanique [191]. La glutaryl acylase hydrolyse ce dérivé qui est ensuite de nouveau acylé par la pénicilline acylase pour donner diverses céphalosporines, comme la céphalexine produite à 100 kt/an (Schéma 3.128).
5.4.4. Nitrile hydratases Les nitriles hydratases hydrolysent la fonction nitrile en fonction amide, cette fonction pouvant être hydrolysée en acide carboxylique par une amidase. Les cellules entières de Rhodococcus botanica contiennent ces deux fonctionnalités, mais on peut jouer sur les spécificités et les énantiosélectivités propres des enzymes pour assurer la chimiosélectivité en acide carboxylique ou en amide optiquement purs (Schéma 3.129) [192].
Catalyse 227
HO2C HH H N S
Penicillium chrysogenum modifiée Sucre Acide adipique
O O
Ph
NH2 Ph
NH H S O O
O
N
CO2H céphalexine
CO2H glutaryl acylase
NH2 NH2
N
H2N H H S
pénicilline acylase
O
N CO2H
Schéma 3.128 : Procédé DSM de préparation de la céphalexine
Rhodococcus CN butanica O
O
CO2H + ee 99%
CONH2 O
ee 99%
Schéma 3.129 : Hydrolyse chimio- et énantiosélective par les nitriles hydrolases
L’activité des nitriles hydratases a été largement exploitée à l’échelle industrielle (Schéma 3.130). Aujourd’hui l’acrylamide est produite à plus de 120 kt/an à partir de l’acrylonitrile par la nitrile hydratase de Rhodococcus rhodocrous (utilisation de la cellule entière) selon le procédé Nitto (devenu Mitsubishi Rayon) [193]. Ce procédé biotechnologique remplace le procédé catalytique classique utilisant du cuivre et un chauffage à 70 °C. De même, la dernière étape de la synthèse du nicotinamide (un des deux constituants de la vitamine B3) selon la firme suisse Lonza utilise également ce microorganisme [194]. La cellule entière de Pseudomonas chlororaphis qui contient également une nitrile hydratase est utilisée par DuPont pour hydrolyser l’adiponitrile (produit par hydrocyanation du butadiène catalysée au nickel, voir Schéma 2.73) en 5-cyanovaléramide avec une efficacité catalytique de 3150 [195].
Chimie verte, concepts et applications
228
+ H2O
CN
CONH2 CONH2
CN
+ H2O CN
NC
+ H2O
vitamine B3
N
N
CONH2
NC
Schéma 3.130 : Procédés Nitto, Lonza et DuPont utilisant des nitrile hydratases
5.4.5. Déhalogénases L’acide (S)-chloropropionique, intermédiaire pour de nombreuses synthèses, est préparé à une échelle de 2 000 t/an par dédoublement cinétique du racémique à l’aide d’une déhalogénase surexprimée chez Escherichia coli (Schéma 3.131). Cet α-chloro acide permet d’obtenir, après substitution nucléophile stéréospécifique (SN2), l’acide (R)-phénoxypropionique, autre intermédiaire très important. CO2H
2-haloacide déhalogénase
Cl racémique
CO2H
Cl acide (S)-chloropropanoïque
+
CO2H OH acide L-lactique
Schéma 3.131 : Procédé Zeneca de préparation de l’acide (S)-chloropropionique
5.5. Oxydo-réductases Les oxydo-réductases (groupe EC 1) catalysent les processus d’oxydo-réduction dans de nombreux systèmes biologiques. Elles requièrent très souvent un cofacteur. Parmi les cofacteurs les plus courants, on trouve les couples NAD+/NADH ou NADP+/NADPH. Dans ce dernier cas, un phosphate est en position 2 du cycle ribose (Figure 3.9).
5.5.1. Réductions enzymatiques Les alcool déshydrogénases catalysent la réduction des cétones en alcools et réciproquement l’oxydation des alcools en cétones (Schéma 3.132). Ces réactions montrent que le cofacteur, étant impliqué dans les équilibres d’oxydo-réduction, doit être présent en quantité stœchiométrique.
Catalyse 229
O NH2
O-
+
N
O P O
O
O
OH OH N
O P O O-
N
O
H O
H
NH2 N N
NH2
ON
O P O
O
O
OH OH N
O P O O-
O
NH2 N
N
N
OH Y
OH Y
NAD+ Y = OH NADP+ Y =OPO32-
NADH Y = OH NADPH Y =OPO32-
Fig. 3.9 : Cofacteurs courants des oxydo-réductases + 2 H+ + 2 eOH
O NAD+
+ H+ + 2 e-
NADH
Schéma 3.132 : Équilibres redox catalysés par des alcool déshydrogénases Dans les systèmes biologiques, le cofacteur est régénéré par une cascade de réactions d’oxydo-réduction. Si l’on désire réduire une cétone en alcool par une déshydrogénase, alors on doit faire appel à une deuxième enzyme pour régénérer le NADH (Schéma 3.133) en utilisant par exemple une quantité stœchiométrique de formiate. Le formiate est perdu sous forme de CO2 diminuant d’autant l’économie d’atomes de la réaction globale. Cela est cependant totalement justifié pour accéder à un alcool énantiomériquement pur. On évite alors l’étape de dédoublement classique ou de dédoublement cinétique. O
+ NADH
CO2 + NADH
alcool déshydrogénase formiate déshydrogénase
NAD+ +
OH
NAD+ + HCO2-
Schéma 3.133 : Régénération du NADH par du formiate
Chimie verte, concepts et applications
230
Le formiate peut être remplacé par d’autres réducteurs comme l’isopropanol (transformé alors en acétone volatile), le glucose (transformé en gluconolactone), le phosphite (transformé en phosphate) ou l’hydrogène. Ce dernier cas a été récemment mis en œuvre [196], le NADP+ étant hydrogéné par une hydrogénase pour régénérer le NADPH. Il s’agit là de la réaction idéale en chimie verte puisqu’elle a une économie d’atomes de 100 % (Schéma 3.134).
+ NADPH
Thermoaerobium sp. alcool déshydrogénase
NADPH
hydrogénase Pyrococcus furiosus
O Ph
Me
OH NADP+ +
Ph
Me
NADP+ + H2
Schéma 3.134 : Régénération du NADPH par de l’hydrogène Un exemple de réduction utilisant le glucose comme sucre réducteur est la synthèse d’un intermédiaire clé de la préparation de la béfloxatone [197], un antidépresseur produit par Lonza. La cellule entière d’Escherichia coli contient à la fois une aldéhyde réductase et une glucose déshydrogénase (Schéma 3.135). OH
O F3C
CO2Et + NADPH
Gluconolactone + NADPH
Sporobolomyces NADP+ F C + 3 salmonicolor Bacillus megaterium
CO2Et
NADP+ + Glucose
Schéma 3.135 : Procédé Lonza de préparation d’un intermédiaire clé de la synthèse de la béfloxatone L’énantiosélectivité de la réduction du composé carbonylé varie en fonction de l’alcool déshydrogénase utilisée. Avec la déshydrogénase de foie de cheval, c’est l’hydrogène pro R du NADH qui est transféré sur l’aldéhyde deutérié par sa face re, la face si de l’aldéhyde étant coordinée à un atome de zinc appartenant au site actif de l’enzyme (Schéma 3.136). La diversité des alcool déshydrogénases est telle que les quatre possibilités stéréochimiques existent : attaque sur la face re ou si de la cétone, hydrure pro R ou pro S du cofacteur engagé.
Catalyse 231 enzyme Zn2+ R
O D HR
OH R
HS N
O
D
H
NH2 NADH
Schéma 3.136 : Aspects stéréochimiques du mécanisme de la déshydrogénase de foie de cheval La réduction de la tétrahydrothiophène-3-one catalysée par l’alcool déhydrogénase de foie de cheval conduit au (R)-tétrahydrothiophène-3-ol avec seulement 33 % d’excès énantiomérique ; un meilleur résultat (63 %) a été obtenu avec une cétoréductase. Après évolution dirigée de l’enzyme, un excès énantiomérique de 99,3 % a pu être obtenu (Schéma 3.137) [198]. Le procedé biocatalytique utilise deux enzymes, une glucose déshydrogénase étant rajoutée pour régénérer le cofacteur. Le pH de la réaction doit naturellement être contrôlé par addition de soude puisque de l’acide gluconique est formé. Ce procédé est utilisé à l’échelle de 100 kg par Codexis pour fabriquer le (R)-tétrahydrothiophène-3-ol, synthon précurseur d’un antibiotique, le sulopenem produit par Pfizer. Il faut souligner que le procédé a permis de supprimer cinq étapes de synthèse chimique (rendement global de 45 %), étapes problématiques à maints égards, notamment en raison d’une diazotation avec HNO2/HBr et d’une réduction avec BH3/diméthylsulfure et sources de déchets importants par suite de protections/déprotections. OH
O + NADPH
NADP + S
S Acide D-gluconique + NADPH NaOH
cétoréductase
+
glucose déshydrogénase
NADP+ + D-Glucose
D-Gluconate de sodium
Schéma 3.137 : Procédé Codexis de préparation du (R)-tétrahydrothiophène-3-ol Les acides 2-oxo-carboxyliques peuvent être réduits en acides aminés L en utilisant une amino acide déshydrogénase, couplée à la formiate déshydrogénase en présence du cofacteur NADH/NAD+ (Schéma 3.138). Ainsi, à l’échelle industrielle, selon le procédé BMS (Bristol-Myers-Squibb), une phénylalanine déshydrogénase recombinante jointe à une formiate déshydrogénase et en présence d’une quantité catalytique de NADH, a permis de
Chimie verte, concepts et applications
232
préparer 15 kg de l’acide (S)-2-aminopentanoïque portant un groupe dioxolane en position terminale, avec un rendement de 97 % à partir de l’acide 2-oxo carboxylique correspondant [199]. O R
CO2H
NH2
+ HCOO- NH4+
R
CO2H
+ CO2 + H2O
Schéma 3.138 : Équation-bilan de la transformation des acides 2-oxo-carboxyliques en acides aminés L
5.5.2. Oxydations enzymatiques On distingue cinq classes d’enzymes pouvant effectuer des réactions d’oxydation : yy les alcool déshydrogénases qui nécessitent un cofacteur tel que NAD(P)+ comme oxydant, étudiées dans le paragraphe précédent dans le sens de la réduction ; yy les oxydases qui ne nécessitent pas de cofacteurs, utilisant O2 qui est réduit en H2O2 ; yy les dioxygénases qui transfèrent les 2 atomes d’oxygène de O2 dans le substrat, ne nécessitant pas de cofacteur ; yy les monooxygénases qui ne transfèrent qu’un seul atome d’oxygène de O2 dans le substrat ; l’autre atome est réduit en H2O, cette réduction nécessitant un cofacteur de type NADH ; yy les peroxydases qui utilisent H2O2 comme oxydant, réduit en H2O et ne nécessitant pas de cofacteur. Comme exemple d’oxydases, citons la glucose oxydase, une enzyme à flavine, qui catalyse l’oxydation du glucose en gluconolactone (Schéma 3.139). La catalase est une enzyme rajoutée permettant la décomposition rapide du H2O2 formé en H2O. N HO HO
OH O OH
OH
glucose oxydase OH O HO HO O OH
O NH
N
H2O2
O catalase H N N H
O NH
O2
H2O
O
Schéma 3.139 : Bilan de l’oxydation enzymatique du glucose par une oxydase
Catalyse 233
De même, l’acide glycolique (HOCH2CO2H) peut être oxydé en acide glyoxylique sans cofacteur [200]. Cette méthode développée par DuPont permet de s’affranchir de l’oxydation par l’acide nitrique génératrice d’importants déchets. Certaines oxydases peuvent catalyser la formation oxydative de liaison C-C (voir couplage oxydatif chapitre 2, paragraphe 2.3). Ainsi la BBE (Berberine Bridge Enzyme) impliquée dans la biosynthèse d’alcaloïdes chez les plantes a été utilisée pour activer sélectivement la liaison C-H de substrats N-méthylés afin de préparer 14 alcaloïdes optiquement purs [201]. Dans l’exemple choisi (Schéma 3.140), on réalise de plus un dédoublement cinétique, l’enzyme n’étant active que sur le substrat (S). Un tel couplage n’a pas d’équivalent en chimie à l’heure actuelle. Il est donc intéressant d’en étudier son mécanisme. O N
HO
OH O
46%, ee >97% (S) N
HO
+ OH
réticuline racémique
O
O
O2
H2O2
O HO
N OH O
37%, ee >97% (R)
Schéma 3.140 : Couplage oxydatif catalysé par une oxydase Deux mécanismes ont été proposés, l’un en plusieurs étapes, l’autre concerté, faisant intervenir dans les deux cas une flavine comme pour la glucose oxydase. Des expériences récentes d’effets isotopiques cinétiques suggèrent un mécanisme par étapes [202]. La première étape est le transfert d’un hydrure du substrat sur la flavine de l’enzyme, formant ainsi un ion iminium intermédiaire (Schéma 3.141). Dans une deuxième étape, le glutamate 417 de l’enzyme sert de base pour arracher le proton phénolique du substrat rendant le carbone adjacent suffisamment nucléophile pour une attaque sur l’iminium (dans le mécanisme concerté, ces deux étapes se font de concert). La flavine est régénérée par l’oxygène qui est réduit en H2O2 comme pour la glucose oxydase.
Chimie verte, concepts et applications
234
H N
H+ N
O N
HO
N H
NH
N
MeO
O
H H H OH
NH O
417 Glu
O
MeO HO
O
N
O O H OMe
OMe
MeO HO
N OH OMe
Schéma 3.141 : Mécanisme du couplage oxydatif par une oxydase Comme exemple de dioxygénases, citons la toluène dioxygénase surexprimée dans un microorganisme recombinant d’E. coli qui permet l’obtention de cyclohexadiène-1,2-diols optiquement purs (Schéma 3.142) [203]. R1 R2
R1 = H ou Me R2 = H ou Me
R1 + O2
E. coli JM 109 (pDTG 601)
R2 OH OH
Schéma 3.142 : Équation-bilan d’une oxydation catalysée par une dioxygénase Quant aux monooxygénases, elles requièrent un cofacteur, qui est souvent régénéré en utilisant la cellule entière. Les monoxygénases peuvent catalyser les réactions suivantes : oxydation des amines en hydroxylamines
Catalyse 235
ou en amine-oxydes, des sulfures en sulfoxydes, hydroxylation aromatique ou aliphatique, époxydation et oxydation de Baeyer-Villiger (Schéma 3.143). N H
N OH
N
N
O
S O
S
O H
OH
H
O
O
OH
O Schéma 3.143 : Réactions catalysées par des monooxygénases L’hydroxylation régiosélective de pyridines et de pyrazines substituées a été mise à profit par Lonza pour préparer de nombreux intermédiaires dans la chimie des insecticides [204]. À titre d’exemple, la niacine hydroxylase permet l’hydroxylation régiosélective de l’acide nicotinique (niacine) qui peut être produit par une nitrilase à partir du nicotinonitrile ou par une amidase à partir du nicotinamide. La cellule entière de Agrobacterium sp. contient à la fois l’activité nitrilase et hydroxylase conduisant à l’acide 6-hydroxynicotinique à l’échelle de 40 g par litre (Schéma 3.144). CN nitrile hydratase
N
amidase
N acide 6-hydroxynicotinique hydroxylase HO
nitrilase
CONH2 N nicotinamide
CO2H
Agrobacterium sp .
CO2H N niacine
Schéma 3.144 : Procédé Lonza de préparation de l’acide 6-hydroxynicotinique Le schéma 3.145 représente le mécanisme de la cyclohexanone monooxygénase, avec implication de la flavine de l’enzyme [205]. Le peroxyde de la flavine, après déprotonation, joue le rôle de nucléophile vis-à-vis de la cyclohexanone selon le mécanisme classique de la réaction de BaeyerVilliger, passant par un intermédiaire de type Criegee [206]. On voit bien qu’un atome d’oxygène de O2 est intégré dans le produit (lactone) et que
Chimie verte, concepts et applications
236
R N
N
N O H O O
R N
O NH
N
N O H O O O
O
O NH
intermédiaire de Criegee R N
NADP+
N H
R N
N
NH R N
O
O
R N
N
O
NH N O H O H O hydroperoxyflavine
flavine NH oxydée
N
O2
O
O flavine réduite
NADPH
H2O
H N
N
N H O O H
O
O NH O O
Schéma 3.145 : Mécanisme de la cyclohexanone monooxygénase
l’autre se retrouve sous forme d’eau, ce qui exige un cofacteur (NADPH) utilisé en quantité stœchiométrique. Si l’on part d’un racémique et non plus d’une molécule achirale, alors on peut obtenir une lactone énantiosélective. Ainsi, en utilisant un mutant de la phénylacétone monooxygénase, le dédoublement cinétique enzymatique de diverses 2-alkylcyclohexanones a pu être effectué, un seul des deux énantiomères étant substrat (Schéma 3.146) [207].
Catalyse 237
O R
O
O
O2 NADPH, H+
R
O
+
R
monooxygénase
énantiomère non substrat
racémique
Schéma 3.146 : Dédoublement cinétique avec une monooxygénase Un excès énantiomérique supérieur à 99 % a été obtenu lors de l’oxydation du méthylphénylsulfure avec la cyclohexanone monooxygénase (Schéma 3.147) [208].
Ph
S
O2, NADPH, H+ Me
monooxygénase
O Ph
S
Me
(R) Schéma 3.147 : Oxydation de sulfure en sulfoxyde asymétrique catalysée par une monooxygénase Il existe d’autres types de monooxygénases qui peuvent avoir une application synthétique, telles que les monooxygénases à cytochrome P450, hémoprotéines contenant un atome de fer. Ainsi, dès 1952, la première étape de la fabrication de la cortisone a été réalisée par oxydation sélective du carbone 11 de la progestérone par Pharmacia et Upjohn, devenu Pfizer (Schéma 3.148) [209]. O
O
HO
Rhizopus nigricans
H H
O
H
H H
O2
H
O
Schéma 3.148 : Procédé Pharmacia-Upjohn pour la fabrication de la cortisone D’autres médicaments, comme la pravastatine, l’érythromycine ou l’alcool périllique ont également été préparés grâce à une monooxygénation en utilisant ces enzymes [210]. Ainsi l’alcool périllique, un agent anti-angiogénique, anticancéreux est préparé à partir du limonène, un déchet de l’industrie alimentaire (jus d’orange).
Chimie verte, concepts et applications
238
Le mécanisme des monooxygénases à cytochrome P450 est lié à la faculté du fer de coordiner un atome d’oxygène. Dans la protéine native, l’atome de fer(III) est entouré de six ligands via les quatre atomes d’azote des cycles pyrroles de l’hème, l’atome de soufre d’une cystéine et l’atome d’oxygène de l’eau. Ce sixième ligand est labile et peut être remplacé par le substrat qui a une bonne affinité pour le site actif, ainsi que par l’oxygène. La première étape du cycle catalytique débute donc par la coordination du substrat RH. Un cofacteur du type NADPH est alors nécessaire pour apporter un électron et réduire le fer(III) en fer(II) connu pour coordiner l’oxygène (qui remplace alors RH comme sixième ligand). Avec l’apport d’un deuxième électron du cofacteur, l’oxygène passe à l’état peroxo O22– et le fer à l’état III. La protonation de cet intermédiaire conduit à un hydroperoxyde de fer(III) qui évolue vers un fer(IV) oxo par reprotonation. L’insertion de l’oxygène dans la liaison C-H du substrat s’accompagne d’une réduction du fer à l’état (III). Un simple échange du ligand permet de retrouver la forme native avec l’eau comme sixième ligand (Schéma 3.149) [211]. H
ROH R
O
H
H2O
N Fe N N N 3+
N Fe N N N 3+
RH
H O
S protéine native
S O
RH
H2O RH N Fe 3+ N N N
1 e-
S RH
N Fe N N N
N Fe2+ N N N
S
S
H2O H+
RH OOH-
RH RH
N Fe3+ N N N S hydroperoxyde
O22-
N Fe3+ N N N H+
S
O2 O2
N Fe 2+ N N N S 1 e-
Schéma 3.149 : Mécanisme d’oxydation catalysée par des monooxygénases à cytochrome P450 Concernant l’apport de la chimie verte sur les problèmes de toxicité et d’écotoxicité, mentionnons que les monooxygénases peuvent être utilisées
Catalyse 239
pour effectuer une remédiation biologique des sols et des eaux polluées. En effet, des cytochromes P450 permettent d’oxyder des composés extrêmement toxiques comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques [212], ainsi que les dérivés benzéniques polychlorés, récalcitrants aux dioxygénases [213]. De même, il est à noter que la méthane monooxygénase, qui possède deux atomes de fer(III) dans son site actif, est une enzyme extraordinairement peu spécifique capable de dégrader des xénobiotiques polluants variés. Par exemple, le nitrobenzène est transformé en 4-nitrophénol. L’enzyme dégrade aussi les composés organochlorés, tels que le tétrachloroéthylène, le chlorure de vinyle, tous les isomères du dichloroéthylène [214]. Pelmont [215] souligne que le méthane n’est pas le meilleur substrat pour l’enzyme : le rapport Vmax/KM de l’enzyme vis-à-vis du chloroforme est 4 fois supérieur, celui vis-à-vis du dichorométhane et du 1,2-dichloroéthylène (Z) est environ 2 fois supérieur au rapport Vmax/KM vis-à-vis du substrat naturel qu’est le méthane ! Les peroxydases les plus étudiées sont les peroxydases de raifort (HRP pour HorseRadish Peroxidases). Elles contiennent également un groupe hémique et catalysent les réactions d’hydroxylation et de transfert d’oxygène, de couplage oxydatif, de nitration, de sulfoxydation, l’oxydant étant H2O2 qui se réduit en H2O. Leur avantage est qu’elles ne nécessitent pas de cofacteur. Elles peuvent être utilisées dans la décoloration et la remédiation des eaux polluées [216]. Le dernier exemple d’oxydation enzymatique que nous décrivons est celui qui utilise une réaction tandem avec une monooxygénase d’une cellule entière, jointe à une alcool désydrogénase à NAD+, la génération de ce cofacteur étant assurée par de l’acétone (Schéma 3.150) [217]. Cette réaction tandem permet ainsi un rendement en N-benzyl-pipéridone de 80 %, remplaçant trois étapes de synthèse chimique avec 39 % de rendement. O
OH
alcool déshydrogénase
O2 monooxygénase E. coli (P450pyr)
N Ph
N
N Ph OH
NAD+
Ph
NADH O
Schéma 3.150 : Oxydations enzymatiques tandem avec régénération du cofacteur
Chimie verte, concepts et applications
240
5.6. Lyases Les lyases (groupe EC 4) catalysent la coupure de diverses liaisons par des procédés différents de l’hydrolyse ou de l’oxydation. Dans ce sens, elles ne requièrent qu’un substrat. Dans le sens inverse de la création de liaisons, elles doivent avoir une bonne affinité pour deux substrats très différents.
5.6.1. Hydroxynitrile lyases Dans la nature, les hydroxynitrile lyases catalysent la réaction de dégradation des cyanhydrines en aldéhydes, libérant de l’acide cyanhydrique qui sert alors de défense à de nombreuses plantes contre des prédateurs. Réciproquement, les hydroxynitrile lyases permettent de synthétiser de façon énantiosélective des cyanhydrines, synthons de base pour l’obtention de nombreuses fonctionnalités. À titre d’exemple, la première étape de la synthèse de l’énalapril est l’addition de HCN sur le phénylpropionaldéhyde en présence de Prunus amygdalus génétiquement modifié [218]. L’énalapril est un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et, à ce titre, il est utilisé comme médicament contre l’hypertension artérielle (Schéma 3.151). O H
+ HCN
Prunus amygdalus modifié
OH CN
Schéma 3.151 : Hydrocyanation catalysée par une hydroxynitrile lyase
5.6.2. Aldolases Les aldolases sont des enzymes qui catalysent la réaction d’aldolisation et de rétroaldolisation. Au niveau biologique, elles dégradent les cétoses et les transforment en deux fragments (réaction de rétroaldolisation). Réciproquement, en chimie, on pourra utiliser ces mêmes aldolases pour créer une liaison carbone-carbone selon une réaction d’aldolisation énantiosélective ; deux carbones asymétriques peuvent être créés. De nombreux exemples ont été décrits par Whitesides et Wong [219]. La fructose 1,6-diphosphate aldolase (aldolase de type I, i.e. ne requérant pas de cofacteur) décompose le fructose 1,6-diphosphate en dihydroxyacétone phosphate (DHAP) et en glycéraldéhyde phosphate (GP) (Schéma 3.152) mais on peut l’utiliser dans le sens de la synthèse. Si l’on incube le DHAP en présence d’aldolase et de NaBH4, on obtient, après clivage acide de la protéine, l’aminodiol du schéma 3.153. En revanche, il n’y a pas de réaction avec le GP.
Catalyse 241
CH2OPO32O H HO H H
CH2OPO32O OH
OH OH CH2PO32-
DHAP
H +
H
O OH CH2PO32GP
Schéma 3.152 : Substrats naturels de la fructose 1,6-diphosphate aldolase NaBH4
DHAP
H3O+
CH2OH NH
Enzyme
OH
CO2H NH3+
Schéma 3.153 : Preuve de la formation d’une base de Schiff entre une lysine et le DHAP Cette expérience montre que le mécanisme de la réaction enzymatique passe par une base de Schiff (ou imine) formée entre le DHAP et une lysine du site actif de l’enzyme. Il y a ensuite attaque de l’hydrogène pro S de la fonction CH2OH transformant la base de Schiff en une énamine de configuration (Z). Dans la réaction d’aldolisation avec la fructose 1,6-diphosphate aldolase, par exemple extraite du muscle de lapin, il y a une attaque si-si selon le schéma 3.154. H O face si devant
CH2OPO32OH H
NH-Enz
HO H
attaque si-si
CH2OPO32face si derrière
2H CH2OPO3 OH HO O H HO CH2OPO32H après hydrolyse de l’imine
Schéma 3.154 : Aldolisation énantiosélective catalysée par l’aldolase de muscle de lapin L’attaque re-re a lieu avec la rhamnulose 1-phosphate aldolase (Rha 1-PA), alors que la L-fuculose 1-phosphate aldolase (Fuc 1-PA) induit une attaque de la face si de l’énamine par la face re du glycéraldéhyde phosphate. Wong a pu ainsi préparer séparément trois diastéréoisomères, mimes du déterminant antigénique sialyl Lewis X et permettant ainsi d’inhiber son interaction avec plusieurs types de sélectines, ce qui constitue une cible thérapeutique dans le cas de certaines maladies inflammatoires (Schéma 3.155) [220].
Chimie verte, concepts et applications
242
HO HO HO rabbit muscle aldolase HO HO HO
OH O O O + DHAP
Rha 1-PA H
OH O OH O
O attaque si-si HO HO HO
OH O OH O
O attaque re-re
Fuc 1-PA HO HO HO
OH OPO32-
OH OPO32-
OH O
OH O O attaque si-re 2(énamine-DHAP) OH OPO3
Schéma 3.155 : Synthèses diastéréosélectives de mimes du déterminant antigénique sialyl Lewis X
L’aldolase de l’acide sialique (ou N-acétylneuraminate pyruvate lyase) catalyse la condensation entre la mannosamine et le pyruvate (Schéma 3.156). Cette enzyme a été utilisée sous forme immobilisée pour synthétiser de larges quantités d’acide sialique [221], un sucre porté fréquemment à l’extrémité de chaînes oligosaccharidiques à la surface des cellules humaines et donc fortement impliqué dans les phénomènes de reconnaissance moléculaire. C’est la face si de l’aldéhyde qui est attaquée par le nucléophile, ici l’énamine formée avec le pyruvate et la lysine de l’aldolase. Cette réaction, optimisée pour la porter à l’échelle industrielle [222], est utilisée dans la préparation du Relenza® par GlaxoSmithKline (voir paragraphe 5.2 et Figure 3.7). L’aldolase de l’acide sialique accepte un grand nombre de substrats (plus de 60 sont connus) et de nombreux dérivés ont pu être préparés selon la même méthodologie [223]. Ainsi la condensation du mannose et du pyruvate donne, avec un excellent rendement [224], le KDN (l’acide 3-déoxy-β-D-glycéro-galacto-2-nonulosonique), un acide neuraminique désaminé naturel découvert pour la première fois l’année précédant sa synthèse [225].
Catalyse 243
HO HO HO
HO NHAc O
O OH
mannosamine
+
Me
OH
HO AcHN
CO2-
OH O
CO2-
HO acide sialique
pyruvate
Schéma 3.156 : Préparation de l’acide sialique par aldolisation enzymatique Exercice 4 La fructose 1,6-diphosphate aldolase, isolée du muscle de lapin, catalyse l’équilibre du schéma 3.152. On étudie une réaction similaire en remplaçant le substrat naturel, le glycéraldéhyde 1-phosphate, par le 2-hydroxyaldéhyde racémique de formule NaOOC-CH2-CH2-CHOH-CHO. On a ainsi pu préparer 1 à l’exclusion de 2 (Figure 3.10). Discuter de tous les aspects stéréochimiques de cette réaction : sur quelle face l’aldéhyde est attaqué, quel est l’énantiomère substrat de l’aldolase, quelle est la configuration du 2-hydroxyaldéhyde qui n’a pas été consommé dans la réaction ? À partir de cet exemple, illustrer le concept du dédoublement qui a été effectué. O
O
OH
2-O PO 3
COONa OH OH 1
OH
2-
O3PO
COONa OH OH 2
Fig. 3.10 : Obtention d’un épimère par dédoublement cinétique
5.6.3. Autres lyases Il existe des lyases qui permettent de réaliser des condensations de type benzoïne. Elles font intervenir comme substrats un aldéhyde accepteur ainsi qu’un donneur, qui peut parfois être aussi un aldéhyde. C’est le cas lors de la condensation de deux molécules de benzaldéhyde pour former de façon énantiosélective l’acyloïne (Schéma 3.157) (pour une récente revue sur l’utilisation des lyases en synthèse organique, voir [226]). Le mécanisme enzymatique de formation de l’acyloïne ressemble au mécanisme chimique. Alors que ce dernier utilise l’anion cyanure comme nucléophile, le mécanisme enzymatique fait intervenir l’ylure de la thiamine comme nucléophile dans le cycle catalytique. Le point commun aux deux mécanismes concernés est la prototropie permettant de transférer la nucléophilie de l’oxygène vers le carbone voisin. La particularité tout à fait étonnante de cette réaction est
Chimie verte, concepts et applications
244
possible en raison de la labilité du cyanure (voie chimique) ou de la thiamine (voie enzymatique). La grande supériorité de la voie enzymatique vient du fait que seule la face si du benzaldéhyde est accessible. O Ph
Ph
R1 N
OH acyloïne
S ylure
Ph
PhCHO (donneur) R2
R1 N
Ph OH
O
échange de proton Ph
R2
S
prototropie R1
1
R
Ph
N
Ph O
Ph H O
R2
S
R1 N
OH
S
2
R
attaque sur la face si
HO
PhCHO
N S
R2
(aldéhyde accepteur)
R1 = 4-amino-2-méthyl-5-pyrimydyl R2 = β-hydroxyéthyldiphosphate Schéma 3.157 : Mécanisme de la benzaldéhyde lyase Dans le mécanisme de la benzaldéhyde lyase appliqué au substrat naturel, le benzaldéhyde joue à la fois le rôle de donneur et d’accepteur. L’enzyme est-elle suffisamment aspécifique pour tolérer deux aldéhydes différents dont l’un serait donneur et l’autre accepteur ? Dans l’exemple suivant, qui conduit à de très bonnes sélectivités (un seul produit est obtenu parmi les quatre théoriquement possibles), nous nous apercevons que le même aldéhyde peut être soit donneur, soit accepteur, en fonction du partenaire. Dans les deux cas, il y a attaque sur la face si de l’aldéhyde accepteur (Schéma 3.158) [227].
Catalyse 245 H
O
O
+
H
O
O
O
O
O
O
donneur
O OH
accepteur O
O H
H
O
+
ee 90%
O
O O
accepteur
O
OH ee 93%
donneur
Schéma 3.158 : Condensations croisées de type acyloïne catalysées par la benzaldéhyde lyase La formation asymétrique des cétones α-hydroxylées peut également être effectuée grâce à des décarboxylases. Le mécanisme est proche du précédent, l’hydrogène aldéhydique de l’aldéhyde donneur étant remplacé par CO2H. La décarboxylation est favorisée par l’azote positif de la thiamine donnant ainsi une énamine nucléophile qui s’additionne également sur la face si du benzaldéhyde (Schéma 3.159). Le composé formé permet d’obtenir la (-)- éphédrine par amination réductrice de la cétone α-hydroxylée.
Ph
Me
S ylure
OH
Ph
O
R1 N
O
R
OH
O
O O Me
R2
S
R1 N S
OH
R2
décarboxylation
échange de proton Ph
O (donneur)
H+
R1 N
Me
O
Me
2
Me O
OH
CO2
R1
R1 N S
Me
2
R
HO attaque sur la face si
N S
R2
énamine
PhCHO
(aldéhyde accepteur)
Schéma 3.159 : Préparation d’une cétone α-hydroxylée par couplage catalysé par la pyruvate décarboxylase
Chimie verte, concepts et applications
246
5.7. Transférases Ces enzymes (groupe EC2) catalysent le transfert d’un groupe fonctionnel.
5.7.1. Transcétolases La transcétolase EC 2.2.1.1 (qui est parfois assimilée à une lyase EC 4 car elle coupe et crée une liaison C-C avec comme cofacteur un dérivé de la thiamine) transfère le groupe hydroxyacétyle d’un sucre phosphorylé vers le ribose (Schéma 3.160). Le mécanisme est proche du précédent, le xylulose phosphate jouant le rôle de donneur et le ribose phosphate le rôle d’aldéhyde accepteur, tandis que le départ de CO2 est remplacé par le départ de glycéraldéhyde phosphate (GP). Par contre le transfert se fait sur la face re de l’aldéhyde (Schéma 3.161). OH
OH
O
2-O PO 3
OH
+
2-
OH
OH
H O
GP
H
OH O D-ribose-5-phosphate
OH D-xylulose-5-phosphate
2-O PO 3
OH
O3PO
+
2-O PO 3
OH
O OH
OH OH D-sedoheptulose-5-phosphate
Schéma 3.160 : Transaldolisation catalysée par une transcétolase
5.7.2. Aminotransférases Les aminotransférases, appelées encore transaminases, permettent de transférer de façon énantiosélective un groupe amino. Elles requièrent du phosphate de pyridoxal comme cofacteur. Les transaminases α transfèrent le groupe amino d’un acide aminé vers un α cétoacide, permettant ainsi d’obtenir une grande variété d’acides aminés (Schéma 3.162). Les transaminases ω permettent de transférer tout groupe amino. Ainsi la transaminase ω AT117 a permis de préparer la sitagliptine optiquement pure (Schéma 3.163), un hypoglycémiant appartenant à la classe des inhibiteurs de la dipeptidylpeptidase 4. La réaction a été réalisée après plusieurs mutations de l’enzyme native. Un excès de propylamine ou mieux encore l’élimination de l’acétone formée (principe n° 5 d’ingénierie verte, voir chapitre 1) permet d’obtenir de très hauts rendements [228]. Pour cette réalisation, Merck and Codexis ont reçu en 2010 l’une des plus hautes distinctions du Gouvernement américain pour l’Environnement, i.e. le Presidential Green Chemistry Challenge Award.
Catalyse 247
OH O 2-
OH
OH
2-
O3PO
OH
OH OH
R1 N
OH
(donneur)
S ylure OH OH OH 2-
O3PO
OH OH
R2
R1 N S
O
R1 OH N OH
R2
2-O PO 3
OH O échange de proton
OH OH
OH
O3PO
O
OH OPO32-
H
OH
OH S
O OH
R2
S
échange de proton
R1 N
2-
OH
OH
O3PO
O
2-
R2 OH
R1 N
O3PO
O OH
R1
R2
S
N
R2 attaque S face re HO énamine
OH OH
OH 2-
H
O3PO
(aldéhyde accepteur)
(GP)
O
Schéma 3.161 : Mécanisme de la transcétolase
O R1
CO2H O
R1
CO2H
+
+
NH2 R2
CO2H
NH2 R1
NH2 R2
CO2H
CO2H NH2
R1
CO2H
+
+
O R2
CO2H O
R2
CO2H
Schéma 3.162 : Transaminations enzymatiques
série L
série D
Chimie verte, concepts et applications
248
F
F F
F F
F
O +
O
NH2
H2N
N
N N N
O
+
O
N
N
N N
CF3
CF3
Schéma 3.163 : Procédé Merck-Codexis de préparation de la sitagliptine
5.7.3. Glycosyltransférases Ces enzymes permettent de transférer une unité sucre (glucose, galactose, acide sialique…) sur un accepteur. Les donneurs de sucres sont des esters glycosylés de nucléosides mono ou diphosphates. Ainsi l’UDP-Gal (l’α uridine diphosphate de galactose) peut être transféré sur de la N-acétylglucosamine pour former la N-acétyllactosamine (Schéma 3.164). HO OH HO HO
OH O HO
OUDP
donneur de sucre
HO HO
O
OH NHAc accepteur de sucre
HO
OH O HO
OH O HO
O OH NHAc
N-acétyllactosamine + O O O P O P O O O UDP
O NH O
N
HO OH
Schéma 3.164 : Formation d’un disaccharide catalysée par une glycosyltransférase
O
Catalyse 249
Pour son exploitation à grande échelle, cette réaction enzymatique pâtit du fait qu’elle nécessite un nucléotide-sucre, alors que le nucléotide est perdu en fin de synthèse. Il revient à Whitesides d’avoir imaginé une stratégie multi-enzymatique permettant de régénérer l’UDP (Schéma 3.165) [229]. Parmi les six enzymes qui interviennent dans le cycle catalytique, notons la présence d’une épimérase permettant l’épimérisation du glucose en galactose. Il est cependant nécessaire d’introduire en quantité stœchiométrique du phosphoénol pyruvate. Pi = phosphate inorganique PPi = pyrophosphate inorganique HO OH 2Pi
OH O
HO HO
OH NHAc
O
HO
pyrophosphorylase PPi
HO
OUDP UDP-Gal
β 1,4-galactosyltransférase HO
UDP-Glc pyrophosphorylase et UDP-Glc épimérase OH HO HO
HO
OH O HO
UDP pyruvate kinase UTP
O HO OPO
3
2-
phosphogluco mutase
OH O HO
O OH NHAc
OPO32CO2-
O CO2-
OPO32HO HO
O OH
OH
Schéma 3.165 : Glycosylation catalysée par une galactosyltransférase avec régénération de l’UDP-Gal
5.8. Isomérases Les isomérases appartiennent au groupe EC5. Citons par exemple la transformation par voie biotechnologique du glucose en fructose par la glucose isomérase, réaction utilisée à très grande échelle aux États-Unis
250
Chimie verte, concepts et applications
pour fournir du fructose (beaucoup plus sucrant que le glucose et même que le saccharose) à partir de glucose obtenu par hydrolyse de l’amidon.
6. Organocatalyse Nous venons de voir que, dans les mécanismes enzymatiques, une protéine (l’enzyme) se liait à un substrat par affinité grâce à des liaisons faibles de type liaison hydrogène ou liaison de van der Waals. Le complexe ainsi formé évolue vers la formation d’un intermédiaire très réactif qui donne accès au produit, l’enzyme étant libérée. Peut-on alors imaginer une molécule plus simple que la protéine qui puisse former un même type d’intermédiaire accélérant la réaction ? Cette molécule serait ainsi douée d’une activité catalytique ; si de plus elle est douée d’activité optique, alors elle peut engendrer une catalyse asymétrique. On peut aussi faire l’analogie avec la catalyse organométallique où l’énantiosélectivité provient du ligand entourant le métal. Si le ligand chiral est capable d’interactions directes avec les réactifs (par liaison hydrogène par exemple), alors on pourra se passer du métal et le ligand sera un organocatalyseur. En fait l’organocatalyse asymétrique est connue depuis que Bredig en 1913 a montré qu’un alcaloïde (comme la quinine ou la quinidine, produits naturels doués d’une activité optique) pouvait accélérer une réaction de Strecker [230]. Ce type de catalyse a été redécouvert en 1971 avec la L-proline comme catalyseur d’une annélation de Robinson asymétrique [231]. Ces deux exemples illustrent les deux moyens d’engendrer de l’organocatalyse, soit on utilise les propriétés acide de Brønsted/acide de Lewis, base de Brønsted/base de Lewis de l’organocatalyseur pour favoriser des liaisons supramoléculaires (interactions faibles) avec les réactifs, soit on exploite la faculté de l’organocatalyseur à former une liaison covalente avec le substrat le rendant plus réactif.
6.1. Organocatalyseurs 6.1.1. Catalyseurs biomimétiques Par analogie avec le mécanisme enzymatique des aldolases qui utilise une lysine du site actif, l’azote d’un cycle pyrrolidine ou imidazoline peut former avec un substrat comportant une fonction cétone un iminium qui évolue vers une énamine de configuration (Z) ou (E). Celle-ci joue alors le rôle de nucléophile vis-à-vis de différents réactifs électrophiles. Le contrôle de la configuration de l’énamine est un élément essentiel pour l’énantiosélectivité de la réaction à catalyser. Le deuxième élément essentiel réside dans l’équilibre des rotamères (anti et syn) qui doit être fortement déplacé (Schéma 3.166). Dans le cas de la proline qui contient un groupe CO2H,
Catalyse 251
celui-ci peut former une liaison hydrogène avec l’électrophile orientant la face d’attaque. Si le groupe CO2H de la proline est remplacé par un groupe stériquement encombrant, alors l’orientation se fera sur l’autre face. O R
+
CO2H
N
énamines rotamères anti
iminiums CO2H
N
CO2H
N
R
(Z)
rotamères syn
R
N R
CO2H O
E
(Z)
R
H2O N
CO2H
CO2H
N
R
R
N
+ L- proline
R
(E)
E
CO2H
E = électrophile (E)
Schéma 3.166 : Formation des iminiums et des énamines Les imidazolidinones de MacMillan (Figure 3.11), qui fonctionnent de la même façon, peuvent avantageusement remplacer la proline pour accéder à de bonnes énantiosélectivités. O Ph
Me N N H
Me Me
O Ph
Me N
tBu
N H
Fig. 3.11 : Imidazolidinones de MacMillan Les catalyseurs construits à partir de flavine permettent, par analogie avec les enzymes à flavine (voir paragraphe 5.5.2), d’effectuer différents types d’oxydation (oxydation de sulfures en sulfoxydes, d’amines en nitrones, de cétones en esters…).
6.1.2. Organocatalyseurs acido-basiques Nous avons vu le rôle essentiel des alcaloïdes, substances naturelles, dans la dihydroxylation de Sharpless. Le même type d’alcaloïdes peut être utilisé
Chimie verte, concepts et applications
252
comme organocatalyseur. On dispose facilement de deux couples de pseudoénantiomères. Le caractère basique de l’azote en tête de pont pour les quatre alcaloïdes de la figure 3.12 permet une déprotonation des substrats à hydrogène acide engendrant une paire d’ions chirale, permettant de différencier les deux faces énantiotopiques de l’anion [232]. R
R OH
OH N
N
N
N R= OMe R=H
(+)-quinidine (+)-cinchonine
R= OMe (-)-quinine (-)-cinchonidine R=H
R OH N
N H
face d'attaque différenciée
paire d'ions chirale Fig. 3.12 : Alcaloïdes utilisés comme organocatalyseurs Les catalyseurs à symétrie axiale sont particulièrement appréciés pour leur induction asymétrique. Font partie de ce groupe le TADDOL, le BINOL et dérivés, les diamines (Figure 3.13). Le TADDOL et le BINOL sont des acides de Lewis chiraux qui peuvent, par exemple, complexer un groupe carbonyle et bien différencier les deux faces de cet électrophile. Ar Ar O
OH
O
OH
R R
R H2N
Ar Ar Ar = Ph : TADDOL
R = OH BINOL R = PPh2 BINAP
Fig. 3.13 : Organocatalyseurs à symétrie axiale
R NH2
Catalyse 253
6.2. Additions nucléophiles sur une double liaison C=O 6.2.1. Aldolisation La vertitude de la réaction d’aldolisation a été discutée dans le chapitre 2 au paragraphe 8. Nous nous intéresserons ici uniquement au mécanisme de l’organocatalyse permettant d’expliquer les forts excès énantiomériques observés. Plusieurs mécanismes ont été proposés pour l’annélation de Robinson catalysée par la L-proline [233]. Les calculs DFT (Density Functional Theory) sont en faveur du mécanisme où l’énamine intermédiaire joue le rôle de nucléophile vis-à-vis de la cétone activée par liaison hydrogène (Schéma 3.167).
O
O
O
O
L- proline
N
O
OH ee 98%
O O
N
O
- L- proline
O
CO2H O
O
O
O2C
H O
N
OH
O
Schéma 3.167 : Aldolisation intramoléculaire organocatalysée
Dans la réaction d’aldolisation intermoléculaire, on a le même mécanisme passant par une base de Schiff avec la proline, qui se transforme en un mélange d’énamines E et Z (E majoritaire), reflet de la sélectivité anti/syn. Afin de favoriser la condensation croisée, la température doit être maintenue à 4 °C [234]. Dans ces conditions, l’état de transition majoritaire, représenté dans le modèle un peu simpliste de Zimmerman et Traxler (Schéma 3.168) conduit à l’isomère anti avec une excellente énantiosélectivité. C’est la face re de l’énamine qui attaque la face re de l’aldéhyde.
Chimie verte, concepts et applications
254
O
O
H
+
H
Me
N H
Me Me
CO2H (0,1 équiv)
Me Me
O
Me Me
H
O
Me Me
Me H
Me
N H O
OH
H
4 °C
H Me
O
88% anti/syn = 3/1 ee 97%
OH O
H H
Schéma 3.168 : Aldolisation intermoléculaire organocatalysée
6.2.2. Réaction de Henry Dans la réaction de Henry, appelée aussi nitroaldolisation (voir paragraphe 4.4.2), le nitrométhane a un hydrogène acide marqué permettant une bonne complexation par l’azote de la benzoylcupréidine ou cupréine (Schéma 3.169). Ces dérivés d’alcaloïdes portent une fonction hydroxyle libre en position 6 afin de permettre une complexation supplémentaire avec le groupe carbonyle de l’électrophile. Les deux énantiomères (R) et (S) ont ainsi pu être obtenus avec de très bonnes puretés optiques [235].
O R
CO2Et
cat. (5%)
+ CH3NO2
CH2Cl2, - 20 °C R
OH 6
OBz
cat. =
N N
HO
CH2NO2 CO2Et
R = Ph
R = 4-Cl-Ph
ee 95% (S) rdt = 96%
ee 97% (S) rdt = 98%
ee 93% (R) rdt = 96%
ee 96% (R) rdt = 96%
OH OBz
6
N N
Schéma 3.169 : Réaction de Henry organocatalysée
Catalyse 255
6.2.3. Hydrocyanation L’addition de HCN sur un aldéhyde ou une cétone peut être réalisée avec Me3SiCN en présence de trifluoroéthanol. Avec un organocatalyseur chiral qui complexe à la fois le groupe carbonyle et le nitrile, on peut accéder à de bonnes énantiosélectivités, les calculs DFT confirmant les hypothèses mécanistiques illustrées par l’état de transition (Schéma 3.170) [236].
O
H
H N
Ph
Me + Me3SiCN
tBu S N N H H O (0,05 équiv)
N(iPr)2
CF3CH2OH
H N Me
H
iPr N iPr H
S tBu
N N H N H O C O Ph Me Ph CN
Me3SiO
Me ee 97% Schéma 3.170 : Hydrocyanation organocatalysée
6.3. Additions conjuguées 6.3.1. Réaction de Michael L’organocatalyseur qui conduit à une énamine peut s’additionner à un accepteur de Michael comme électrophile (Schéma 3.171) [237].
O + Ph
H Me
NO2
N H
N
HCl (15%)
(15%)
Ph
O
NO2
H Me
syn/anti = 94/6 85% ee Schéma 3.171 : Réaction de Michael organocatalysée
Chimie verte, concepts et applications
256
Curieusement, si l’aldéhyde est remplacé par une cétone, l’énantiosélectivité est inversée, mais toujours en faveur de la configuration relative syn. L’énamine formée à partir de l’aldéhyde est de configuration (E) avec un déplacement très net vers le rotamère anti, alors que l’énamine formée à partir d’une cétone est fortement déplacée vers le rotamère syn. L’état de transition conduisant au produit syn avec un excès énantiomérique de 85 % indique une attaque de la face re de l’accepteur de Michael sur la face re de l’énamine (Figure 3.14). O N
N O
N H
Ph
H Me
Ph
H
CH2NO2 CHO Me
Ph OHC
H
CH2NO2 Me
attaque re, re
Fig. 3.14 : État de transition de la réaction de Michael organocatalysée L’énantiosélectivité de cette réaction peut également être contrôlée par l’utilisation de bases chirales telles que les alcaloïdes de la figure 3.12 ou leurs dérivés. De manière à permettre son recyclage, la cupréine a été greffée sur de la silice, et l’organocatalyseur supporté a été utilisé efficacement pour l’addition asymétrique du malonate de diméthyle sur le trans-β-nitrostyrène [238].
6.3.2. Réduction sélective Un accepteur de Michael peut être réduit sélectivement sur la double liaison C=C en présence de métal. Une hydrogénation catalytique sans métal et sans enzyme est possible en utilisant des 1,4-dihydropyridines (pour une revue sur les réductions catalytiques sans métal, voir [239]) appelées esters de Hantzsch (Schéma 3.172). R2 R1
O +
EtO2C
H
H
Bn N CF3CO2 H H (0,05 équiv)
Bn
H
THF, 20 °C, CO2Et 5-15h
H R2 R1
EtO2C
H OH
CO2Et
+ N
81-96%
N H
Schéma 3.172 : Réduction chimiosélective des accepteurs de Michael par les esters de Hantzsch
Catalyse 257
Selon un mécanisme similaire à celui décrit avec le NADH, ces réactifs se comportent comme des donneurs d’hydrure. Alors que dans la réaction enzymatique avec les alcool deshydrogénases la liaison C=O est activée par le zinc de la métalloenzyme, ici la liaison C=O est activée par l’organocatalyseur via un iminium (Schéma 3.173) [240]. R2 R1
H
CF3CO2
EtO2C
O
H2O
R2
H CO2Et
CF3CO2 R1 Bn Bn N H H R2
H
R1
N
R2
H
N Bn
Bn
EtO2C
CO2Et N H
CF3CO2
EtO2C
O
H2O
H Bn N CF3CO2 Bn
R1
H
H
H
H
CO2Et
N H
Schéma 3.173 : Mécanisme de l’organocatalyse lors de réduction par les esters de Hantzsch La réaction n’est pas optimisée sur le plan économie d’atomes et n’est intéressante en termes de chimie verte que pour des molécules hautement élaborées et énantiomériquement pures. Ainsi des imidazolidinones chirales du type de celles de la figure 3.11 peuvent induire d’excellentes énantiosélectivités (jusqu’à des excès de 97 %) sur le carbone en β du groupe C=O [241]. Cette méthodologie a été étendue à des énals contenant des oxazoles ou des thiazoles en β et intégrée dans une synthèse totale montrant ainsi son efficacité (Schéma 3.174) [242]. Il est possible d’envisager des réactions domino. Celles-ci sont classiques dans le processus de Michael puisque, d’une façon générale, l’énolate formé peut additionner un autre électrophile (autre accepteur de Michael, aldéhyde, agent alkylant, etc.). Dans l’exemple traité (Schéma 3.175), c’est l’énamine intermédiaire formée par l’addition conjuguée d’hydrure sur l’iminium issu de l’aldéhyde insaturé, qui joue le rôle de nucléophile vis-à-vis de la cétone (ou ester) insaturée lors de l’addition de Michael intramoléculaire asymétrique [243].
Chimie verte, concepts et applications
258
R2
O
H
N
R2
Cl3CCO2H
H
R1
O 77-90% N R1 O Ph (0,1 équiv) ee 90-96% H + + H dioxane, 13 °C, 48 h H H MeO2C CO2Me MeO2C CO2Me N H
R2
tBu
O
H
R1
N
H
F3CCO2H
iPr H
R1
O 74-95% ee 90-97% + H EtO2C CO2Et
N (0,1 équiv) H
O H
R2
tBu
+ EtO2C
N
iPr
CHCl3, - 30 °C, 0,5-72 h CO2Et
N H
N
Schéma 3.174 : Réduction énantiosélective par les esters de Hantzsch COPh F
COPh
O Ph
CHO + EtO2C
H
H
N H
CO2Et
F
N
CHO
tBu N HCl H (0,2 équiv)
95% ee 97%, ed 91%
dioxane, 20°C, 2 h
+ H EtO2C
CO2Et N
Schéma 3.175 : Réduction par les esters de Hantzsch suivie d’une réaction de Michael
Catalyse 259
6.3.3. Réaction de Baylis-Hillman La réaction de Baylis-Hillman débute par une addition conjuguée d’une amine ou d’une phosphine sur un accepteur de Michael (voir chapitre 2, paragraphe 9). L’intermédiaire additionne ensuite un électrophile comme un aldéhyde. Les organocatalyseurs qui possèdent à la fois une fonction amine nucléophile pour s’additionner sur l’accepteur de Michael ainsi qu’un proton acide pour activer l’électrophile sont donc des catalyseurs de choix. C’est le cas lors d’une étape clé de la synthèse de la (-)-mycestericine (E) (Schéma 3.176) [244]. De même la combinaison phosphine, BINOL est particulièrement adaptée pour la réaction de Baylis-Hillman énantiosélective [245]. CHO O
O
O
+
OCH(CF3)2
OH O N
- 55 °C, 24 h
N OH O O
O
OCH(CF3)2 47% ee 97%
Schéma 3.176 : Réaction de Baylis-Hillman organocatalysée
6.3.4. Réaction de Stetter La réaction de Stetter s’apparente à la condensation benzoïne catalysée par les ions cyanure. Si le catalyseur est un organocatalyseur chiral tel un carbène issu d’un sel de triazolium, alors on peut obtenir une benzoïne énantiosélective [246]. Dans la réaction de Stetter, l’aldéhyde est condensé sur un accepteur de Michael. Un intermédiaire issu de l’addition d’un carbène N-hétérocyclique sur un aldéhyde a récemment été isolé et analysé par RMN validant le mécanisme (Schéma 3.177) [247]. D’excellentes diastéréosélectivités (ed jusqu’à 99 %) et énantiosélectivités (ee jusqu’à 99 %) ont pu être obtenues [248]. Le catalyseur est un sel de triazolium mis en présence d’une base (hexaméthyldisilazane de potassium) pour donner un carbène nucléophile qui s’additionne sur l’aldéhyde. L’état de transition lors de l’addition de l’équivalent synthétique d’un anion acyle est représenté selon le modèle de Zimmerman et Traxler induisant une protonation intramoléculaire sur la face la plus encombrée de l’intermédiaire de Michael (face arrière sur le schéma 3.178).
Chimie verte, concepts et applications
260
O Ph
GEA N
R
PhCHO
N N
N N
N O Ph
GEA
Ph
O
R addition conjuguée d'un équivalent d'anion acyle R
N N
N
HN
N N Ph
HO
GEA
transfert de proton GEA: groupe électroattracteur
Schéma 3.177 : Réaction de Stetter organocatalysée par un carbène hétérocyclique
O
N N
GEA F3C
R
Ph
O
Ar X
N
Ph
R O H H
OEt O
GEA R
Toluène, 23 °C, 24 h N N
H
(0,2 équiv)
X X= C ou O GEA= CO2Et par exemple
N
X
Ar X
N N
N O H
Ph HR
OEt
O
Schéma 3.178 : Réaction de Stetter énantiosélective organocatalysée par un carbène hétérocyclique
Catalyse 261
6.3.5. Cyclopropanation Un ylure d’azote ou de soufre peut s’additionner sur un accepteur de Michael pour donner un adduit qui évolue vers un cyclopropane. Cette réaction a pu être réalisée avec différents organocatalyseurs soufrés ou azotés. Le schéma 3.179 donne un exemple d’une telle stratégie conduisant à des cyclopropanes de grande pureté énantiomérique [249]. AEG
OMe
O
O OMe
R
Br
R N
N OMe
OMe
OMe
OMe
N
N O
N AEG
N
R
addition de Michael AEG
déprotonation ylure d'azote
BH
Br O
R B (base telle que carbonate)
Schéma 3.179 : Cyclopropanation organocatalysée
6.4. Additions nucléophiles sur la double liaison C=N 6.4.1. Réaction de Mannich La réaction de Mannich est une variante de la réaction d’aldolisation, où l’énamine majoritairement (E) joue le rôle de nucléophile vis-à-vis de l’imine préformée. La cinétique de la réaction de Mannich est plus rapide que celle de l’aldolisation car, comme le suggère Hayashi [250], l’imine plus basique se coordine mieux au proton acide de la proline. L’état de transition est différent puisqu’on a souvent une diastéréosélectivité syn. D’autre part, alors que l’aldéhyde électrophile présente sa face re dans la réaction d’aldolisation (avec la L-proline comme organocatalyseur), l’imine électrophile présente sa face si dans la réaction de Mannich (Schéma 3.180) [251].
Chimie verte, concepts et applications
262
OMe
OMe Me
O
O +
H
Me
CO2H
N
+
O
90%
H
Me
N
NH2
MeO
Me ee 93%
MeO N H
N
O O
H
N O
H H
attaque de l’enamine sur la face si de l’imine
H
Schéma 3.180 : Réaction de Mannich organocatalysée
6.4.2. Amination réductrice L’amination réductrice peut être réalisée avec des esters de Hantzsch par transfert d’hydrure selon un processus décrit dans le paragraphe 6.3.2. On accède à des amines optiquement pures en utilisant comme organocatalyseur un acide phosphorique dérivé du BINOL. Sur une cétone α-ramifiée racémique, il est même possible de faire un dédoublement cinétique (Schéma 3.181) [252]. La réaction est diastéréosélective (jusqu’à 98 %) et énantiosélective (jusqu’à 96 %). Ar' O
NH2 R +
EtO2C
+
N H
O O P O OH
NHAr R
racémique H
Ar' = 2,4,6-(iPr)3-phényl
OMe H
CO2Et
Ar' (R)-TRIP (0,01 équiv) cyclohexane 50 °C, 72 h
+ EtO2C
CO2Et N
Schéma 3.181 : Amination réductrice organocatalysée
6.5. Fonctionnalisation en α des composés carbonylés Nous avons vu qu’un aldéhyde ou une cétone peuvent former une base de Schiff puis une énamine avec un organocatalyseur contenant un cycle pyrrolidine
Catalyse 263
ou imidazolidine. En présence d’un électrophile comme un azodicarboxylate RO2C-N=N-CO2R ou un agent alkylant, on peut réaliser une α-amination ou une α-alkylation. L’énantiosélectivité de ces réactions a pour origine une attaque préférentielle d’une des faces de l’énamine formée avec le catalyseur chiral. Dans le cas de l’α-amination, la réaction catalysée par la L-proline donne un composé α-hydrazino [253]. Dans le cas de l’α-alkylation, on peut atteindre jusqu’à 96 % d’énantiosélectivité en utilisant une imidazolidone de MacMillan et de l’acide benzoïque comme co-catalyseur (Schéma 3.182) [254]. O
N H
Ph
S
CHO +
R
BF4
S
Me N
Me Me
S R
puis NaBH4
S CHO 96%
96% ee
Schéma 3.182 : α-alkylation de composés carbonylés L’α-acétoxylation des cétones peut être réalisée en utilisant un type tout à fait original d’organocatalyse où l’organocatalyseur est en fait le sous-produit réactionnel. Il est connu que l’iode hypervalent PhI(OAc)2 permet d’effectuer des réactions d’oxydation en libérant comme sous-produit de l’iodure de phényle. Si l’on rajoute dans le milieu réactionnel un oxydant pour régénérer PhI(OAc)2, alors PhI pourra être utilisé en quantité catalytique. C’est ce qui a été réalisé dans la réaction d’α-acétoxylation de cétones en présence de 0,1 équivalent de PhI et d’une quantité stœchiométrique d’un peracide dans l’acide acétique (Schéma 3.183) [255]. Même si le processus n’est pas encore totalement vert en raison de l’oxydant utilisé, nous l’avons mentionné car il ouvre des perspectives intéressantes. O OAc
Ar
CO3H PhI
AcOH O OAc I Ar Ph O Ar
OH
+
CH3
H
Ar
CH2
Cl CO2H PhI(III) Cl
Schéma 3.183 : Oxydation organocatalysée
Chimie verte, concepts et applications
264
6.6. Cycloadditions 6.6.1. Cycloadditions [4+2] La réaction de Diels-Alder étant catalysée par des acides de Lewis ou de Brønsted, il est possible d’utiliser un organocatalyseur tel que TADDOL pour obtenir de très bonnes énantiosélectivités. La liaison hydrogène entre TADDOL et le diénophile permet d’abaisser l’énergie de sa BV, donc de catalyser la réaction tout en l’orientant sur l’une des deux faces énantiotopiques [256]. L’autre stratégie en organocatalyse est, comme nous l’avons vu, l’utilisation d’amine (ou d’acide aminé) chirale qui se lie de façon covalente au substrat. C’est cette stratégie qui est utilisée dans la réaction d’hétéro Diels-Alder inverse du schéma 3.184 [257]. En présence du catalyseur, on forme l’énamine de configuration (E) permettant une bonne accessibilité de l’une des deux faces. Sachant que l’état de transition est endo, on en déduit l’état de transition puis la configuration du produit formé. La silice sert à hydrolyser l’hémiaminal en hémiacétal ; par oxydation on isole la lactone.
O
H
SiO2, CH2Cl2 puis [O]
O
Me H N
Me
O Ar
Ar énamine (E) rotamère anti
Me MeO2C
O O ee 89% Ph Me
Ph
MeO2C
H
Ph Me
Ar N (0,1 équiv)
Me
+ MeO2C
Ar
Me
Ph
H
Me Me
N
Me H Ar état de transition endo
MeO2C
N
Ar
Ar
interactions orbitalaires favorables entre la HO de l'énamine et la BV de la cétone conjuguée
O
Ar hémiaminal Me Ar =
Schéma 3.184 : Réaction d’hétéro Diels-Alder inverse
Me
Catalyse 265
6.6.2. Cycloadditions [2+2] Les β-lactames peuvent être formés par cycloadditions [2+2] d’une imine et d’un cétène. Le cétène est généré in situ par un chlorure d’acyle en présence d’une amine tertiaire. Celle-ci peut être un dérivé de la quinine permettant d’envisager une organocatalyse asymétrique (Schéma 3.185) [258]. O R
Cl +
HN
EtO2C
Ts
O Cat
Cl
Ts = SO2C6H4Me
R
N
Ts
O
MeOH MeO
CO2Et
CO2Et
NHBz R ee 94-96%
OMe OBz
Cat =
N N Schéma 3.185 : Cycloaddition [2+2] énantiosélective organocatalysée
Références Noyori, R. Adv. Synt. Catal. 2001, 343, 1. Kozuch, S.; Martin, J. M. L. ACS Catal. 2012, 2, 2787. Coq, B.; Basset, J.-M.; Caullet, P.; de Bellefon, C.; Daturi, M.; Denicourt-Nowicki, A.; Galarneau, A.; Gérardin, C.; Granger, P.; Khodakov, A. Y.; Lefebvre, F.; Paillaud, J.-L.; Payen, E.; Huu, C. P.; Roger, A.-C.; Roucoux, A.; Savinova, E.; Serp, P.; Thibault-Starzyk, F. Actual. Chim. 2010, 338, 64. 4. Thibault-Starzyk, F.; Seguin, E.; Thomas, S.; Daturi, M.; Arnolds, H.; King, D. A. Science 2009, 324, 1048. 5. Cypes, S.; Cizeron, J.; Hagenmeyer, A.; Volpe, A. Green catalysis-Heterogeneous Catalysis (Ed Crabtree, R. H. Wiley VCH) 2009, Vol 2, p 247. 6. Mirodatos, C. Actual. Chim. 2000, 9, 35. 7. Clark, J. H. Chem. Rev. 1980, 80, 429. 8. Loupy, A. Top. Curr. Chem. 1999, 206, 153. 9. Lescure, P.; Huet, F. Synthesis 1987, 404. 10. Xie, W.; Peng, H.; Chen, L. J. Mol. Cat. A : Chem. 2006, 246, 24. 11. Dobson, I. D. Green Chem. 2003, 5, G78. 12. Palkovits, R.; Tajvidi, K.; Ruppert, A. M.; Procelewska, J. Chem. Commun. 2011, 47, 576. 1. 2. 3.
266
Chimie verte, concepts et applications
13. Da Silva Rocha, K. A.; Robles-Dutenhefner, P. A.; Sousa, E. M. B.; Kozhevnikova, E. F.; Kozhevnikov, I. V. Gusevskaya, E. V. Appl. Catal. A 2007, 317, 171. 14. Molinier, M.; Martinez, C.; Corma, A. Angew. Chem. Int. Ed. 2015, 54, 3560. 15. De A. A. Soler-Illia, G. J.; Sanchez, C.; Lebeau, B.; Patarin, J. Chem. Rev. 2002, 102, 4093. 16. Brown, S.H. Green catalysis-Heterogeneous Catalysis (Ed Crabtree, R. H. Wiley VCH) 2009, Vol 2, p 1. 17. Weisz, P. B. Pure & Appl. Chem. 1980, 52, 2091. 18. Ratton, S. Chem. Today 1998, 3-4, 33. 19. Izumi, Y.; Ichihashi, H.; Shimazu, Y.; Kitamura, M.; Sato, H. Bull. Chem. Soc. Jpn 2007, 80, 1280. 20. Hölderich, W. F. Pure & Appl. Chem. 1986, 58, 1383. 21. Zhao, D.; Feng, J.; Huo, Q. S.; Melosh, N.; Fredrickson, G. H.; Chmelka, B. F.; Stucky, G. D. Science 1998, 279, 548. 22. Baccile, N.; Reboul, J.; Blanc, B.; Coq, B.; Lacroix-Desmazes, P.; In, M.; Gérardin, C. Angew. Chem. Int. Ed. 2008, 47, 8433. 23. Comerford, J. W.; Clark, J. H.; Macquerrie, D. J.; Breeden, S. W. Chem Commun. 2009, 2562. 24. Chaudhari, P. S.; Salim, S. D.; Sawant, R. V.; Akamanchi, K. G. Green Chem. 2010, 12, 1707. 25. Komura, K.; Nakano, Y.; Koketsu, M. Green Chem. 2011, 13, 828. 26. Mereo, J. A.; van Grieken, R.; Morales, G. Chem. Rev. 2006, 106, 3790. 27. Huh, S.; Chen, H.-T.; Wiench, J. W.; Pruski, M.; Lin, V. S.-Y. Angew. Chem. Int. Ed. 2005, 44, 1826. 28. Czaja, A. U.; Trukhan, N.; Müller, U. Chem. Soc. Rev. 2009, 38, 1284. 29. Fujita, M.; Kwon, Y. J.; Washizu, S.; Ogura, K. J. Am. Chem. Soc. 1994, 116, 1151. 30. Horcajada, P.; Surblé, S.; Serre, C.; Hong, D.-Y.; Seo, Y.-K.; Chang, J.-S.; Grenèche, J.-M.; Margiolaki, I.; Férey, G. Chem. Commun. 2007, 2820. 31. Hermes, S.; Schröter, M.-K.; Schmid, R.; Khodeir, L.; Muhler, M.; Tissler, A.; Fischer, R. W.; Fischer, R. A. Angew. Chem. Int. Ed. 2005, 44, 6237. 32. Seo, J. S.; Whang, D.; Lee, H.; Jun, S. I.; Oh, J.; Jeon, Y. J.; Kim, K. Nature 2000, 404, 982. 33. Wu, C.-D.; Hu, A; Zhang, L.; Lin, W. J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 8940. 34. Cho, S.-H.; Ma, B.; Nguyen, S. T.; Hupp, J. T.; Albrecht-Schmitt, T. E. Chem. Commun. 2006, 2563. 35. Beamson, G.; Papworth, A. J.; Philipps, C.; Smith, A. M.; Whyman, R. J. Catal. 2011, 278, 228. 36. Gaunt, M.; Yu, J.; Spencer, J. B. J. Org. Chem. 1998, 63, 4172.
Catalyse 267
37. Fujii, Y.; Furugaki, H.; Tamura, E.; Yano, S.; Katsumi, K. Bull. Chem. Soc. Jpn. 2005, 78, 456. 38. Daniel, M.-C.; Astruc, D. Chem. Rev. 2004, 104, 293. 39. Sharifi, S.; Behzadi, S.; Laurent, S.; Forrest, M. L.; Stroeve, P.; Mahmoudi, M. Chem. Soc. Rev. 2012, 41, 2323. 40. Haruta, M.; Kobayashi, T.; Sano, H.; Yamada, N. Chem. Lett. 1987, 405. 41. Min, B. K.; Friend, C. M. Chem Rev. 2007, 107, 2709. 42. Zhu, B.; Angelici, R. J. J. Am. Chem. Soc. 2006, 128, 14460. 43. Hayashi, T.; Tanaka, K.; Haruta, M. J. Catal. 1998, 178, 566. 44. Caps, V. Actual. Chim. 2010, 337, 18. 45. Claus, P.; Brückner, A.; Mohr, C.; Hofmeister, H. J. Am. Chem. Soc. 2000, 122, 11430. 46. Wang, M.-M.; He, L.; Liu, Y.-M.; Cao, Y.; He, H.-Y.; Fan, K.-N. Green Chem. 2011, 13, 602. 47. Stratakis, M.; Garcia, H. Chem Rev. 2012, 112, 4469. 48. Noujima, A.; Mitsudome, T.; Mizugaki, T.; Jitsukawa, K.; Kaneda, K. Angew. Chem. Int. Ed. 2011, 50, 2986. 49. Zhang, X.; Corma, A. Angew. Chem. Int. Ed. 2008, 47, 4358. 50. Kidwai, M.; Bansal, V.; Mishra, N. K.; Kumar, A. Synlett 2007, 1581. 51. Rosier, C.; Niccolai, G. P.; Basset, J.-M. J. Am. Chem. Soc. 1997, 119, 12408. 52. Dufaud, V.; Basset, J.-M. Angew. Chem. Int. Ed. 1998, 37, 806. 53. Marciniec, B.; Szubert, K.; Potrzebowski, M. J.; Kownacki, I.; Lęszczak, K. Angew. Chem. Int. Ed. 2008, 47, 541. 54. Sakaki, S.; Mizoe, N.; Sugimoto, M. Organometallics 1998, 17, 2510. 55. Basset, J.-M.; Copéret, C.; Lefort, L.; Maunders, B. M.; Maury, O.; Le Roux, E.; Saggio, G.; Soignier, S.; Soulivong, D.; Sunley, G. J.; Taoufik, M.; Thivolle-Cazat, J. J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 8604. 56. Copéret, C. Green catalysis--Heterogeneous Catalysis (Ed Crabtree, R. H. Wiley VCH) 2009, Vol 2, p 117. 57. Nozaki, H.; Moriuti, S.; Takaya, H.; Noyori, R. Tetrahedron Lett. 1966, 7, 5239. 58. Noyori, R. Angew. Chem. Int. Ed. 2013, 52, 79. 59. Young, J. F.; Osborn, J. A.; Jardine, F. H.; Wilkinson, G. Chem. Commun. 1965, 131. 60. Knowles, W. S.; Sabacky, M. J. Chem. Commun. 1968, 1445. 61. Horner, L; Siegel, H; Büthe, H. Angew. Chem. Int. Ed. 1968, 7, 942. 62. Dang, T. P.; Kagan, H. Chem. Commun. 1971, 481. 63. Kagan, H.; Dang, T. P. J. Am. Chem. Soc. 1972, 94, 6429. 64. Knowles, W. S.; Sabacky, M. J.; Vineyard, B. D. Chem. Commun. 1972, 10. 65. Knowles, W. S. Angew. Chem. Int. Ed. 2002, 41, 1999.
268
Chimie verte, concepts et applications
66. Vineyard, B. D.; Knowles, W. S.; Sabacky, M. J.; Bachman, G. L.; Weinkauff, O. J. J. Am. Chem. Soc. 1977, 99, 5946. 67. Landis, C. R.; Halpern, J. J. Am.Chem. Soc. 1987, 109, 1746. 68. Knowles, W. S. Acc. Chem. Res. 1983, 16, 106. 69. Miyashita, A.; Yasuda, A.; Takaya, H.; Toriumi, K.; Ito, T.; Souchi, T.; Noyori, R. J. Am. Chem. Soc. 1980, 102, 7932. 70. Burk, M. J. J. Am. Chem. Soc. 1991, 113, 8518. 71. Burk, M. J.; Bienewald, F.; Challenger, S.; Derrick, A.; Ramsden, J. A. J. Org. Chem. 1999, 64, 3290. 72. Johnson, N. B.; Lennon, I. C.; Moran, P. H.; Ramsden, J. A. Acc. Chem. Res. 2007, 40, 1291. 73. McGarrity, J. F.; Brieden, W.; Fuchs, R.; Mettler, H.-P., Schmidt, B.; Werbitsky, O. Large Scale Asymmetric Catalysis (Wiley-VCH) 2003, p 283. 74. Kumobayashi, H.; Miura, T.; Sayo, N.; Saito, T.; Zhang, X. Synlett 2001, 1055. 75. Foubelo, F.; Nájera, C.; Yus M. Tetrahedron: Asymmetry 2015, 26, 769. 76. Noyori, R.; Ohkuma, T.; Kitamura, M.; Takaya, H.; Sayo, N.; Kumobayashi, H.; Akutagawa, S. J. Am. Chem. Soc. 1987, 109, 5856. 77. Saito, T.; Yokozawa, T.; Ishizaki, T.; Moroi, T.; Sayo, N.; Miura,T.; Kumobayashi, H. Adv. Synth. Catal. 2001, 343, 264. 78. Klingler, F. D. Acc. Chem. Res. 2007, 40, 1367. 79. Noyori, R.; Ohkuma, T. Angew. Chem. Int. Ed. 2001, 40, 41. 80. Ohkuma, T.; Koizumi, M.; Muniz, K.; Hilt, G.; Kabuto, C.; Noyori, R. J. Am. Chem. Soc. 2002, 124, 6508. 81. Sandoval, C. A.; Ohkuma, T.; Muniz, K.; Noyori, R. J. Am. Chem. Soc. 2003, 125, 13490. 82. Xie, J.-H.; Liu, X.-Y.; Xie, J.-B.; Wang, L.-X.; Zhou, Q.-L. Angew. Chem. Int. Ed. 2011, 50, 7329. 83. Hofer, R. Chimia 2005, 59, 10. 84. Noyori, R.; Hashiguchi, S. Acc. Chem. Res. 1997, 30, 97. 85. Nordin, S. J. M.; Roth, P.; Tarnai, T.; Alonso, D. A.; Brandt, P.; Andersson, P. G. Chem. Eur. J. 2001, 7, 1431. 86. Guijarro, D.; Pablo, O.; Yus, M. Tetrahedron Lett. 2011, 52, 789. 87. Métay, E.; Dayoub, W.; Andriolett, B.; Lemaire, M. Actual. Chim. 2011, 353-354, 21. 88. Zhou, S.; Junge, K.; Addis, D.; Das, S.; Beller, M. Angew. Chem. Int. Ed. 2009, 48, 9507. 89. Sunada, Y.; Kawakami, H.; Imaoka, T.; Motoyama, Y.; Nagashima, H. Angew. Chem. Int. Ed. 2009, 48, 9511. 90. Pehlivan, L.; Métay, E.; Laval, S.; Dayoub, W.; Demonchaux, P.; Mignani, G.; Lemaire, M. Tetrahedron Lett. 2010, 51, 1939. 91. Arai, M. A.; Kuraishi, M.; Arai, T.; Sasai, H. J. Am. Chem. Soc. 2001, 123, 2907.
Catalyse 269
92. Hip, K.-T.; Yang, M.; Law, K.-L.; Zhu, N.-Y.; Yang, D. J. Am. Chem. Soc. 2006, 128, 3130. 93. Katsuki, T.; Sharpless, K. B. J. Am. Chem. Soc. 1980, 102, 5974. 94. Rossiter, B. E. Asymmetric Synthesis 1985, 5, 193. 95. Chang, S.; Galirn, J. M.; Jacobsen, E. N. J. Am. Chem. Soc. 1994, 116, 6937. 96. Larrow, J. F.; Roberts, E.; Verhoeven, J. R.; Ryan, K.M.; Senanayake, C. H.; Reider, P. J.; Jacobsen, E. N. Org. Synth. 1999, 76, 46. 97. Jacobsen, E. N.; Marko, I.; Mungall, W. S.; Schröder, G.; Sharpless, K. B. J. Am. Chem. Soc. 1988, 110, 1968. 98. Umbreit, M. A.; Sharpless, K. B. J. Am. Chem. Soc. 1977, 99, 5526. 99. Chen, M. S.; Prabagaran, N.; Labenz, N. A.; White, M. C. J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 6970. 100. Stang, E. M.; White, M. C. Nature Chem. 2009, 1, 547. 101. Yi, C. S.; Kwon, K.-H.; Lee, D. W. Org. Lett. 2009, 11, 1567. 102. Zhang, J.; Khaskin, E.; Anderson, N. P.; Zavalij, P. Y.; Vedernikov, A. N. Chem. Commun. 2008, 3625. 103. Zhang, Y.-H.; Yu, J.-Q. J. Am. Chem. Soc. 2009, 131, 14654. 104. Fraunhoffer, K. J.; White, C. J. Am. Chem. Soc. 2007, 129, 7274. 105. Breslow, R.; Gellman, S. H. J. Am. Chem. Soc. 1983, 105, 6728. 106. Espino, C. G.; Du Bois, J. Angew. Chem. Int. Ed. 2001, 40, 598. 107. Collet, F.; Lescot, C.; Dauban, P. Chem. Soc. Rev. 2011, 40, 1926. 108. Huang, H.; Panek, J. S. Org. Lett. 2003, 5, 1991 109. Lebel, H.; Huard, K.; Lectard, S. J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 14198. 110. Zalatan, D. N.; Du Bois, J. J. Am. Chem. Soc. 2008, 130, 9220. 111. Milczek, E.; Boudet, N.; Blakey, S. Angew. Chem. Int. Ed. 2008, 47, 6825. 112. Leung, S. K.-Y.; Tsui, W.-M.; Huang, J.-S.; Che, C.-M.; Liang, J.-L.; Zhu, N. J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 16629. 113. Nörder, A.; Herrmann, P.; Herdtweck, E.; Bach, T. Org. Lett. 2010, 12, 3690. 114. Reddy, R. P.; Davies, H. M. L. Org. Lett. 2006, 8, 5013. 115. Paradine, S. M.; White, M. C. J. Am. Chem. Soc. 2012, 134, 2036. 116. Dohi, T.; Fukushima, K.; Kamitanaka, T.; Morimoto, K.; Takenaga, N.; Kita, Y. Green Chem. 2012, 14, 1493. 117. Tesevic, V.; Gladysz, J. A. Green Chem. 2005, 7, 833. 118. Ryu, J.; Shin, K.; Park, S. H.; Kim, J. Y.; Chang, S. Angew. Chem. Int. Ed. 2012, 51, 9904. 119. Guo, S.; Qian, B.; Xie, Y.; Xia, C.; Huang, H. Org. Lett. 2011, 13, 522. 120. Brunel, J.-M.; Diter, P.; Duetsch, M.; Kagan, H. B. J. Org. Chem. 1995, 60, 8086. 121. Palucki, M.; Um, J. M.; Yasuda, N.; Conlon, D. A.; Tsay, F.-R.; Hartner, F. W.; Hsiao, Y.; Marcune, B.; Karady, S.; Hughes, D. L.; Dormer, P. G.; Reider, P. L. J. Org. Chem. 2002, 67, 5508.
270
Chimie verte, concepts et applications
122. You, S.-L; Zhu, X.-Z.; Luo, Y.-M.; Hou, X.-L.; Dai, L.-X. J. Am. Chem. Soc. 2001, 123, 7471. 123. Spencer, A. J. Organometallic Chem. 1983, 258, 101. 124. Blaser, H.-U.; Indolese, A.; Naud, F.; Nettekoven, U.; Schnyder, A. Adv. Synth. Catal. 2004, 346, 1583. 125. Corriu, R. J. P.; Masse, J. P. Chem. Commun. 1972, 144a. 126. Tamao, K.; Sumitani, K.; Kumada, M. J. Am. Chem. Soc. 1972, 94, 4374. 127. Tamura, M.; Kochi, J. K. J. Am. Chem. Soc. 1971, 93, 1487. 128. Sherry, B. D.; Fürstner, A. Acc. Chem. Res. 2008, 41, 1500. 129. Hassan, A.; Krische, M. J. Org. Process Res. Dev. 2011, 15, 1236. 130. Skucas, E.; Ngai, M.-Y.; Komanduri, V., Krische, M. J. Acc. Chem. Res. 2007, 40, 1394. 131. Komanduri, V.; Krische, M. J. Am. Chem. Soc. 2006, 128, 16448. 132. Williams, V. M.; Kong, J. R.; Ko, B. J.; Mantri, Y.; Brodbelt, J. S.; Baik, M.-Y.; Krische, M. J. J. Am. Chem. Soc. 2009, 131, 16054. 133. Garner, S. A.; Krische, M. J. J. Org. Chem. 2007, 72, 5843. 134. Bee, C.; Han, S. B.; Hassan, A.; Iida, H.; Krische, M. J. J. Am. Chem. Soc. 2008, 130, 2746. 135. Lam, H. W.; Joensuu, P. M. Org. Lett. 2005, 7, 4225. 136. Han, S. B.; Kim, I. S.; Han, H.; Krische, M. J. J. Am. Chem. Soc. 2009, 131, 6916. 137. Zbieg, J. R.; Moran, J.; Krische, M. J. J. Am. Chem. Soc. 2011, 133, 10582. 138. Patman, R. L.; Williams, V. M.; Bower, J. F.; Krische, M. J. Angew. Chem. Int. Ed. 2008, 47, 5220. 139. Obora, Y.; Hatanaka, S.; Ishii, Y. Org. Lett. 2009, 11, 3510. 140. Zhang, S.-Y.; Tu, Y.-Q.; Fan, C.-A.; Zhang, F.-M.; Shi, L. Angew. Chem. Int. Ed. 2009, 48, 8761. 141. (a) Kim, I. S.; Ngai, M.-Y.; Krische, M. J. J. Am. Chem. Soc. 2008, 130, 6340. (b) Kim, I. S.; Ngai, M.-Y.; Krische, M. J. J. Am. Chem. Soc. 2008, 130, 14891. 142. Sundararaju, B.; Achard, M.; Sharma, G. V. M.; Bruneau, C. J. Am. Chem. Soc. 2011, 133, 10340. 143. Sundararaju, B.; Tang, Z.; Achard, M.; Sharma, G. V. M.; Toupet, L; Bruneau, C. Adv. Synth. Catal. 2010, 352, 3141. 144. RajanBabu, T. V.; Casalnuovo, A. L. J. Am. Chem. Soc. 1992, 114, 6265. 145. Cobley, C. J.; Noonan, G.; Clarke, M. L. WO Patent 2011150205, 2011. Chem. Abstr. 2011, 156, 10965. 146. Thomas, P. J.; Axtell, A. T.; Klosin, J.; Peng, W.; Rand, C. L.; Clark, T. P.; Landis, C. R.; Abboud, K. A. Org. Lett. 2007, 9, 2665. 147. (a) Klosin, J.; Landis, C. R. Acc. Chem. Res. 2007, 40, 1251. (b) Franke, R.; Selent, D.; Börner, A. Chem. Rev. 2012, 112, 5675.
Catalyse 271
148. Wu, X.-M.; Funakoshi, K.; Sakai, Tetrahedron Lett. 1992, 33, 6331. Barnhart, R. W.; McMorran, D. A.; Bosnich, B. Chem. Commun. 1997, 589. 149. Jun, C.-H.; Hong, J.-B.; Kim, Y.-H.; Chung, K.-Y. Angew. Chem. Int. Ed. 2000, 39, 3440. 150. Thalji, R. K.; Ellman, J. A.; Bergman, R. G. J. Am. Chem. Soc. 2004, 126, 7192. 151. Cao, P.; Zhang, X. M. Angew. Chem. Int. Ed. 2001, 40, 278. 152. Chauvin, Y.; Hérisson, J.-L. Makromol. Chem. 1971, 141, 161. 153. Katz, T. J.; McGinnis, J. J. Am. Chem. Soc. 1975, 97, 1592. 154. Scholl, M.; Ding, S.; Lee, C. W.; Grubbs, R. H. Org. Lett. 1999, 1, 953. 155. Novak, B. M.; Grubbs, R. H. J. Am. Chem. Soc. 1988, 110, 7542. 156. Miao, X.; Fischmeister, C.; Bruneau, C.; Dixneuf, P. H.; Dubois, J.-L.; Couturier, J.-L. ChemSusChem 2012, 5, 1410. 157. Smulik, J. A.; Giver, S. T., Org. Lett. 2000, 2, 2271. 158. Kress, S.; Blechert, S. Chem Soc. Rev. 2012, 41, 4389. 159. Tsang, W. C. P.; Schrock, R. R.; Hoveyda, Organometallics 2001, 20, 5658. 160. Tiede, S.; Berger, A.; Schlesiger, D.; Rost, D.; Lühl, A.; Blechert, S. Angew. Chem. Int. Ed. 2010, 49, 3972. 161. Simpson, J. H.; Godfrey, J.; Fox, R.; Kotnis, A.; Kacsur, D.; Hamm, J.; Totelben, M.; Rosso, V.; Mueller, R.; Delaney, E.; Deshpande, R. P., Tetrahedron: Asymmetry 2003, 14, 3569. 162. Davies, H. M. L.; Morton, D. Chem. Soc. Rev. 2011, 40, 1857. 163. (a) Davies, H. M. L.; Jin, Q. Tetrahedron: Asymmetry 2003, 14, 941. (b) Davies, H. M. L.; Hedley, S. J.; Bohall, B. R. J. Org. Chem. 2005, 70, 10737. 164. Reddy, R. P.; Lee, G. H.; Davies, H. M. L. Org. Lett. 2006, 8, 3437. 165. Blanco-Urgoiti, J.; Anorbe, L.; Pérez-Serrano, L.; Dominguez, G.; Pérez-Castells, J. Chem. Soc. Rev. 2004, 33, 32. 166. Huang, J.; Fang, L.; Long, R.; Shi, L.-L.; Shen, H.-J.; Li, C-C; Yang, Z. Org. Lett. 2013, 15, 4018. 167. Hiroi, K.; Watanabe, T.; Kawagishi, R.; Abe, I. Tetrahedron: Asymmetry 2000, 11, 797. 168. (a) Fuji, K.; Morimoto, T.; Tsutsumi, K.; Kakiuchi, K. Tetrahedron Lett. 2004, 45, 9163. (b) Kwong, F. Y.; Li, Y. M.; Lam, W. H.; Qui, L. Lee, H. W.; Yeung, C. H.; Chan, K. S.; Chan, A. S. C. Chem. Eur. J. 2005, 11, 3872. 169. Ganguly, N. C.; Mondal, P. Synth. Commun. 2011, 41, 2374. 170. Mikami, K.; Motoyama, Y.; Terada, M. J. Am. Chem. Soc. 1994, 116, 2812. 171. Corey, E. J.; Shibata, T.; Lee, T. W. J. Am. Chem. Soc. 2002, 124, 3808. 172. Corey, E. J.; Helal, C. J. Angew. Chem. Int. Ed. 1998, 37, 1986.
272
Chimie verte, concepts et applications
173. Kumagai, N.; Matsunaga, S.; Kinoshita, T.; Harada, S.; Okada, S.; Sakamoto, S.; Yamaguchi, K.; Shibasaki, M. J. Am. Chem. Soc. 2003, 125, 2169. 174. Handa, S.; Nagawa, K.; Sohtome, Y.; Matsunaga, S.; Shibasaki, M. Angew. Chem. Int. Ed. 2008, 47, 3230. 175. (a) Didier, D.; Magnier-Bouvier, C.; Schulz, E. Adv. Synth. Catal. 2011, 353, 1087. (b) Ibrahim, F.; Jaber, N.; Guérineau, V.; Hachem, A.; Ibrahim, G.; Mellah, M.; Schulz, E. Tetrahedron: Asymmetry, 2013, 24, 1395. 176. Bandini, M.; Melloni, A.; Umani-Ronchi, A. Angew. Chem. Int. Ed. 2004, 43, 550. 177. Jia, Y.-X.; Zhong, J.; Zhu, S.-F.; Zhang, C.-M.; Zhou, Q.-L. Angew. Chem. Int. Ed. 2007, 46, 5565. 178. Zhang, S.-Y; Zhang, F.-M.; Tu, Y.-Q. Chem Soc. Rev. 2011, 40, 1937. 179. Pastine, S. J.; McQuaid, K. M.; Sames, D. J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 12180. 180. Wang, J.; Zhou, P.; Wang, Y. Eur. J. Org. Chem. 2011, 264. 181. Corma, A.; Leyva-Pérez, A.; Sabater, M. J. Chem. Rev. 2011, 111, 1657. 182. Gorin, D. J.; Toste, F. D. Nature 2007, 446, 395. 183. Kennedy-Smith, J. J.; Staben, S. T.; Toste, F. D. J. Am. Chem. Soc. 2004, 126, 4526. 184. Hashmi, A. S. K.; Weyrauch, J. P.; Frey, W.; Bats, J. W. Org. Lett. 2004, 6, 4391. 185. LaLonde, R. L.; Wang, Z. J.; Mba, M.; Lackner, A. D.; Toste, F. D. Angew. Chem. Int. Ed. 2010, 49, 598. 186. Bandini, M. Chem Soc. Rev. 2011, 40, 1358. 187. Fellows, I. M.; Kaelin, Jr, D. E.; Martin, S. F. J. Am. Chem. Soc. 2000, 122, 10781. 188. Constable, D. J. C.; Dunn, P. J.; Hayler, J. D.; Humphrey, G. R.; Leazer, J. L.; Linderman, R. J.; Lorenz, K; Manley, J.; Pearlman, B. A.; Wells, A.; Zaks, A.; Zhang, T. Y. Green Chem. 2007, 9, 411. 189. Van Pelt, S.; Teeuwen, R. L. M.; Janssen, M. H. A.; Sheldon, R. A.; Dunn, P. J.; Howard, R. M.; Kumar, R.; Martinez, I.; Wong, J. W. Green Chem. 2011, 13, 1791. 190. Danzig, J.; Tischer, W.; Wandrey, C. Chem Eng. Technol. 1995, 18, 256. 191. Wegman, M. A.; Janssen, M. H. A.; van Rantwijk, F.; Sheldon, R. A. Adv. Synth. Catal. 2001, 343, 559. 192. Kakeya, H.; Sakai, N.; Sugai, T. Ohta, H. Tetrahedron Lett. 1991, 32, 1343. 193. Kobayashi, M.; Shimizu, S. Curr. Opin. Chem. Biol. 2000, 4, 1014. 194. Heveling, J. Chimia 1996, 50, 114.
Catalyse 273
195. Hann, E. C.; Eisenberg, A.; Fager, S. K .; Perkins, N. E.; Gallagher, F. G .; Cooper, S. M.; Gavagan, J. E.; Stieglitz B.; Hennessey, S. M.; DiCosimo, R. Bioorg. Med. Chem. 1999, 7, 2239. 196. Greiner, L.; Müller, D. H.; van den Ban, E. C .D.; Wöltinger, J.; Wandrey, A.; Liese A. Adv. Synth. Catal. 2003, 345, 679. 197. Shaw, N. M.; Robbins, K. T.; Kiener, A. Adv. Synth. Catal. 2003, 345, 425. 198. Liang, J.; Mundorff, E.; Voladri, R.; Jenne, S.; Gilson, L.; Conway, A.; Krebber, A.; Wong, J.; Huisman, G.; Truesdell, S.; Lalonde, J. Org. Process Res. Dev. 2010, 14, 188. 199. De Wildeman, S. M. A.; Sonke, T.; Schoemaker, H. E.; May, O., Acc. Chem. Res. 2007, 40, 1260. 200. Gavagan, J. E.; Faget, S. K.; Seip, J. E.; Payne, M. S.; Anton, D. I.; DiCosimo, R. J. Org. Chem. 1995, 60, 3957. 201. Schrittwieser, J. H.; Resch, V.; Wallner, S.; Lienhart, W.-D.; Sattler, J. H.; Resch, J.; Macheroux, P.; Kroutil, W. J. Org. Chem. 2011, 76, 6703. 202. Gaweska, H. M.; Roberts, K. M.; Fitzpatrick, P. F. Biochemistry 2012, 51, 7342. 203. Gonzalez, D.; Schapiro, V.; Seoane, G.; Hudlicky, T. Tetrahedron: Asymmetry 1997, 8, 975. 204. Petersen, M.; Kiener, A. Green Chem. 1999, 1, 99. 205. Kayser, M. M. Tetrahedron 2009, 65, 947. 206. Pour une revue récente sur les Baeyer-Villiger monooxygénases, voir: Leisch, H.; Morley, K.; Lau, P. C. K. Chem. Rev. 2011, 111, 4165. 207. Reetz, M. T.; Wu, S. J. Am. Chem. Soc. 2009, 131, 15424. 208. Van Beek, H. L.; de Gonsalo, G.; Fraaije, M. W. Chem. Commun. 2012, 48, 3288. 209. Peterson, D. H. J. Am. Chem. Soc. 1952, 74, 5933. 210. Urlacher, V. B.; Eiben, S. Trends Biotechnol. 2006, 24, 324. 211. Monti, D.; Ottolina, G.; Carrea, G.; Riva, S. Chem. Rev. 2011, 111, 4111. 212. Carmichael, A. B.; Wong, L.-L. Eur. J. Biochem. 2001, 268, 3117. 213. Jones, J. P.; O’Hare, E. T.; Wong, L.-L. Eur. J. Biochem. 2001, 268, 1460. 214. Tsien, H.-C.; Brusseau, G. A.; Hanson, R. S.; Wackett, L. P., Appl. Environ. Microbiol. 1989, 55, 3155. 215. Pelmont, J. Enzymes, catalyseurs du monde vivant (Presses Universitaires de Grenoble) 1995. 216. Hussain, Q. Rev. Environ. Sci. Biotechnol. 2010, 9, 117. 217. Zhang, W.; Tang, W. L.; Wang, D. I. C.; Li, Z. Chem. Commun. 2011, 47, 3284.
274
Chimie verte, concepts et applications
218. Weis, R.; Gaisberger, R.; Skranc, P.; Poechlauer, P.; Dreveny, I.; Majer, S.; Wubbolts, M.; Schwab, H.; Gruber, K. Angew. Chem. Int. Ed. 2005, 44, 4700. 219. Whitesides, G. M.; Wong, C.-H. Enzymes in organic synthesis (Tetrahedron Org., Chem. Series, Pergamon Press, Oxford) 1994, Vol 12. 220. Lin, C.-C.; Moris-Varas, F.; Weitz-Schmidt, G.; Wong, C.-H. Bioorg Med. Chem. 1999, 7, 425. 221. Augé, C.; David S.; Gautheron, C. Tetrahedron Lett. 1984, 25, 4663. 222. Wandrey, C.; Liese, A.; Kihumbu, D. Org. Process Res. Dev. 2000, 4, 286. 223. Augé, C.; Gautheron-Le Narvor, Preparative Carbohydr. Chem. (Ed. Hanessian, S, Marcel Dekker) 1997, p 469. 224. Augé, C.; Gautheron, C. Chem. Commun. 1987, 860. 225. Nadano, D.; Iwasaki, M.; Endo, S.; Kitajima, K.; Inoue, S.; Inoue, Y. J. Biol. Chem. 1986, 261, 11550. 226. Brovetto, M.; Gamenara, D.; Méndez, P. S.; Seoane, G. A. Chem. Rev. 2011, 111, 4346. 227. Ayhan, P.; Şimşek, I.; Çifçi, B.; Demir, A. S. Org. Biomol. Chem. 2011, 9, 2602. 228. Savile, C. K.; Janey, J. M.; Mundorff, E. C.; Moore, J. C.; Tam, S.; Jarvis, W. R.; Colbeck, J. C.; Krebber, A.; Fleitz, F. J.; Brands, J.; Devine, P. N.; Huisman, G. W.; Hughes, G. J. Science 2010, 329, 305. 229. Wong, C.-H., Haynie, S. L.; Whitesides, G. M. J. Org. Chem. 1982, 47, 5416. 230. Bredig, G., Fiske, P. S. Biochem. Z. 1913, 46, 7. 231. (a) Hajos, Z.G.; Parrish, D.R.; Ger Pat DE 2102623, 1971. (b) Eder, U.; Sauer, G.; Wiechert, R. Ger Pat DE 2014757, 1971. 232. Chauhan, P.; Chimni, S. S. RSC Adv., 2012, 2, 737. 233. Cheong, P. H.-Y.; Legault, C. Y.; Um, J. M.; Çelebi-Ölçüm, N.; Houk, K. N. Chem. Rev. 2011, 111, 5042. 234. Northrup, A.; MacMillan, D. W. C. J. Am. Chem. Soc. 2002, 124, 6798. 235. Li, H.; Wang, B.; Deng, L. J. Am. Chem. Soc. 2006, 128, 732. 236. Zuend, S. J.; Jacobsen, E. N. J. Am. Chem. Soc. 2007, 129, 15872. 237. Alexakis, A.; Andrey, O. Org. Lett. 2002, 4, 3611. 238. Billault, I.; Launez, R.; Scherrmann, M.-C. RSC Adv., 2015, 5, 29386. 239. Rueping, M.; Dufour, J.; Schoepke, F. R. Green Chem. 2011, 13, 1084. 240. Yang, J. W.; Hechavarria Fonseca, M. T.; List, B. Angew. Chem. Int. Ed. 2004, 43, 6660. 241. (a) Yang, J. W.; Hechavarria Fonseca, M. T.; Vignola, N.: List, B. Angew. Chem. Int. Ed. 2005, 44, 108. (b) Ouellet, S. G.; Tuttle, J. B.; MacMillan, D. W. J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 32.
Catalyse 275
242. Hoffman, T. J.; Dash, J.; Rigby, J. H.; Arseniyadis, S.; Cossy, J. Org. Lett. 2009, 11, 2756. 243. Yang, J. W.; Hechavarria Fonseca, M. T.; List, B. J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 15036. 244. Iwabuchi, Y.; Sugihara, T.; Esumi, T.; Hatakeyama, S. Chem Commun. 2001, 2030. 245. McDougal, N. T.; Trevellini, W. L.; Rodgen, S. A. Adv. Synth. Catal. 2004, 346, 1231. 246. Enders, D.; Kallfass, U. Angew. Chem. Int. Ed. 2002, 41, 1743. 247. Collett, C. J.; Massey, R. S.; Maguire, O. R.; Batsanov, A. S.; O’Donoghue, A. C.; Smith, A. D. Chem. Sci. 2013, 4, 1514. 248. Read de Alaniz, J.; Rovis, T. J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 6284. 249. Gaunt, M. J.; Johansson, C. C. C. Chem. Rev. 2007, 107, 5596. 250. Hayashi, Y.; Urushima, T.; Shoji, M.; Uchimaru, T.; Shiina, I. Adv. Synth. Catal. 2005, 347, 1595. 251. List, B.; Pojarliev, P.; Biller, W. T.; Martin, H. J. J. Am. Chem. Soc. 2002, 124, 827. 252. Wakchaure, V. N.; Zhou, J.; Hoffmann, S.; List B. Angew. Chem. Int. Ed. 2010, 49, 4612. 253. Dalko, P. I.; Moisan, L., Angew. Chem. Int. Ed. 2004, 43, 5138. 254. Tak-Tak, L.; Dhimane, H.; Dalko, P. I. Angew. Chem. Int. Ed. 2011, 50, 12146. 255. Ochiai, M.; Takeuchi, Y.; Katayama, T.; Sueda, T.; Miyamoto, K. J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 12244. 256. Huang, Y.; Unni. A.K.; Thadani, A. N.; Rawal, V. H., Nature 2003, 424, 146. 257. Juhl, K.; Jorgensen, K. A. Angew. Chem Int. Ed. 2003, 42, 1498. 258. Taggi, A. E.; Hafez, A. M.; Wack, H.; Young, B.; Ferraris, D.; Lectka, T., J. Am. Chem. Soc. 2002, 124, 6626.
Chapitre 4 Solvants alternatifs 1. Introduction Les solvants contribuent fortement à l’impact environnemental des procédés chimiques. Le 5e des 12 principes de la chimie verte (voir chapitre 1, paragraphe 3) préconise l’utilisation de solvants plus sûrs. Pour répondre à ce besoin, des solutions alternatives à l’utilisation des solvants organiques traditionnels ont été proposées. Soulignons que le seul fait d’utiliser un solvant éco-compatible ne rend pas un procédé vert, les autres principes doivent aussi être respectés.
1.1. Sécurité, cycle de vie et paramètres écologiques Les solvants sont utilisés en chimie pour faciliter les transports de masse et de chaleur lors des synthèses mais également lors des séparations et purifications. Lors du choix d’un solvant, de nombreux paramètres doivent être pris en compte. La sélection d’un solvant se fait dans le but d’améliorer la réaction, en termes de durée, de sélectivité ou de rendement et, dans cette optique, le choix est fondé sur les propriétés physico-chimiques des solvants. Dans un objectif de chimie éco-compatible, d’autres paramètres doivent aussi être pris en compte et divers critères permettant d’évaluer l’éco-compatibilité d’un solvant ont été suggérés. La méthode basée sur les critères EHS (Environmental Health and Safety) classe les composés chimiques dont les solvants selon neuf critères (Tableau 4.1) [1]. Un programme simple permettant d’obtenir un score des solvants selon ces critères est disponible gratuitement en téléchargement (http://www.sust-chem.ethz.ch/tools/ehs accès septembre 2015). La méthode basée sur l’analyse de cycle de vie (LCA) consiste à évaluer l’impact environnemental en considérant toutes les étapes de la vie du produit : la provenance des réactifs, la synthèse et l’utilisation de substances auxiliaires, le transport, l’utilisation ainsi que le devenir dans l’environnement (voir chapitre 1, paragraphe 7). L’étude complète du cycle
Chimie verte, concepts et applications
278
Risque de libération
Toxicité chronique
Incendie/explosion
Persistance
Réaction/ décomposition
Polluant atmosphérique
Toxicité aiguë
Polluant de l’eau
Irritation Tab. 4.1 : Critères pris en compte pour établir le classement EHS des composés chimiques de vie de 26 solvants a été entreprise par l’équipe de Fischer en utilisant un programme (http://www.sust-chem.ethz.ch/tools/ecosolvent/ accès septembre 2015) qui prend en compte la production du solvant et deux options de traitement : incinération et distillation. Sur la base de ces données, d’un point de vue du cycle de vie, le THF, l’acétate de butyle, la cyclohexanone et le 1-propanol ne sont pas de bons solvants ; ceci est principalement dû à l’origine pétrolière de leur production. Toujours selon cette analyse, l’éther diéthylique, l’hexane et l’heptane sont considérés comme de bons solvants ; or l’éther diéthylique est très dangereux en termes d’inflammabilité, de risque d’explosion (à cause des peroxydes) et de point éclair bas. Ces résultats ont conduit à combiner les deux méthodes EHS et LCA afin d’avoir une vision plus réaliste de l’impact environnemental des solvants [2]. Les méthodes décrites ci-dessus n’ont pour le moment été appliquées qu’aux solvants organiques. D’autres outils ont également été développés pour évaluer l’impact des solvants alternatifs [3]. Clark et Tavener proposent une notation de ces solvants selon divers paramètres (Tableau 4.2).
Solvant Propriété principale (note/5)
scCO2
Liquides ioniques
Solvants fluorés
Eau
Mauvais solvant pour de nombreux composés, peut être amélioré avec des co-solvants ou des tensioactifs (1)
Conçus avec des propriétés sur mesure ; toujours polaire (4)
Limités aux solutés très apolaires ; meilleure utilisation en milieu biphasique (3)
Peut dissoudre au moins de très petites quantités de nombreux composés. Généralement mauvais solvant pour les composés apolaires (3)
Solvants bio-sourcés Large gamme : éthers, esters, alcools, acides (4)
Solvants alternatifs 279 Solvant
scCO2
Liquides ioniques
Solvants fluorés
Eau
Solvants bio-sourcés
Facilité de séparation et réutilisation (note/5)
Excellent : facile, efficace et sélectif (5)
Produits volatils faciles à séparer, d’autres peuvent être difficiles, la réutilisation peut dépendre de la pureté (2)
Forment facilement deux phases ; peuvent être distillés et réutilisés (4)
Peut être séparé de la plupart des matières organiques, la purification peut être énergivore (3)
Peuvent être distillés (4)
Santé et sécurité (note/5)
Non toxique, réacteurs à haute pression nécessaires (4)
Des données limitées disponibles, certains sont inflammables et/ou toxiques (2)
Bioaccumulables, gaz à effet de serre ; perfluoropolyéthers conçus pour être moins problématiques (2)
Non toxique, non inflammable et sans danger à manipuler (5)
Toxicité généralement faible, peuvent être inflammables (4)
Coût d’utilisation (note/5)
Coût de l’énergie élevé, réacteurs spéciaux ; CO2 ne coûte pas cher et est abondant (3)
Chers ; des versions à faible coût peuvent devenir disponibles à terme (2)
Très chers (1)
Très faible coût ; coût énergétique élevé pour l’évaporation et la purification (4)
Coûts variables ; diminueront avec l’augmentation du marché et grâce aux progrès de la biotechnologie (4)
Impact sur l’environnement « du berceau à la tombe » (note/5)
Durable et globalement disponible, pas de préoccupation significative de fin de vie (5)
Principalement produits à partir du pétrole, mais certaines variantes durables existent ; leurs synthèses peuvent être source de déchets et énergivores ; leur devenir dans l’environnement n’est pas encore bien compris (3)
Très consommateurs de ressources ; peut persister dans l’environnement (2)
Durable et sûre pour l’environnement; peut nécessiter des purifications (4)
Ressources durables biodégradables ; les COV peuvent générer des problèmes (3)
Score total /25
18
13
12
19
19
Tab. 4.2 : Avantages et inconvénients de solvants alternatifs, notes 1 (faible) à 5 (très bon) pour cinq catégories pour donner un score global maximum de 25
280
Chimie verte, concepts et applications
Comme on le voit d’après cette analyse, il n’existe pas réellement de solvant idéal, il convient donc de faire des choix en fonction des réactions et des procédés mis en œuvre. Dans ce but, de grandes entreprises ont proposé des guides de sélection (Tableau 4.3) et de remplacement (Tableau 4.4) des solvants. À titre d’exemple, les chercheurs de Pfizer ont évalué les solvants selon trois critères [4] : yy sécurité des opérateurs : effets cancérogènes, mutagènes, toxicité pour la reproduction, absorption cutanée et sensibilisation de la peau, toxicité ; yy sécurité du processus : inflammabilité, potentiel d’émissions lié à la pression de vapeur, électricité statique, potentiel de formation de peroxydes, odeurs ; yy considérations environnementales et réglementaires : écotoxicité, contamination des nappes d’eau souterraine, éventuelles restrictions réglementaires, effets sur la couche d’ozone, potentiel photoréactif, conformité aux règlements et directives de l’entreprise. L’utilisation de ce guide par les équipes de recherche chez Pfizer a permis de réduire de 50 % l’utilisation de solvants chlorés durant la période 20042006. GlaxoSmithKline (GSK), qui avait proposé un guide de sélection des solvants dès 1998 [5], a étendu son analyse à 110 solvants [6]. Chaque solvant est noté de 1 à 10 dans plusieurs catégories telles que : yy les déchets générés (recyclage, incinération…) ; yy les impacts environnementaux (devenir et effets des solvants sur l’environnement) ; yy la santé (effets aigus et chroniques sur la santé humaine, risques d’exposition) ; yy l’inflammabilité et le risque d’explosion (stockage et manipulation) ; yy la réactivité et la stabilité ; yy le cycle de vie (comprenant les étapes de production du solvant) ; yy les indicateurs réglementaires ; yy les températures de fusion et d’ébullition. Une réflexion commune de différentes compagnies regroupées dans The American Chemical Society Green Chemistry Institute Pharmaceutical Roundtable (ACS GCIPR) a conduit à un guide général [7].
1.2. Propriétés des solvants Les solvants ont une influence considérable sur les réactions chimiques et les traitements associés comme les extractions et les cristallisations. En synthèse, le solvant joue différents rôles : il solubilise les substrats et réactifs, il peut stabiliser des états de transition et/ou des intermédiaires réactionnels,
Solvants alternatifs 281
Solvants à privilégier Eau Acétone Éthanol 2-Propanol 1-Propanol Acétate d’éthyle Acétate d’isopropyle Méthanol Méthyl éthyl cétone 1-Butanol t-Butanol
Solvants utilisables Cyclohexane Heptane Toluène Méthylcyclohexane Méthyl t-butyl éther Isooctane Acétonitrile 2-Méthyl THF THF Xylènes DMSO Acide acétique Éthylène glycol
Solvants à ne pas utiliser Pentane Hexane(s) Diisopropyl éther Diéthyl éther Dichlorométhane Chloroforme DMF N-Méthylpyrrolidinone Pyridine Diméthylacétamide Dioxane Diméthoxyéthane Benzène Tétrachlorure de carbone
Tab. 4.3 : Guide de sélection des solvants mis en place chez Pfizer pour la chimie médicinale
Solvants à ne pas utiliser
À remplacer par :
Pentane
Heptane
Hexane(s)
Heptane
Di-isopropyl éther ou éther diéthylique, dioxane ou Diméthoxyéthane
2-MeTHF ou méthyl t-butyl éther
Chloroforme, tétrachlorure de carbone ou DMF
Dichlorométhane
Diméthylacétamide ou N-méthylpyrrolidinone
Acétonitrile
Pyridine
Et3N (si pyridine utilisée comme base)
Dichlorométhane (extraction)
EtOAc, MTBE, toluène, 2-MeTHF
Dichlorométhane (chromatographie) EtOAc/heptane Benzène
Toluène Tab. 4.4 : Solvants de remplacement (Pfizer)
282
Chimie verte, concepts et applications
il peut déplacer des équilibres ou encore agir comme acide ou base [8, 9]. Les processus de solvatation dépendent des forces intermoléculaires entre le soluté et les molécules de solvant qui l’entourent, à savoir : yy les interactions électrostatiques résultant d’interactions coulombiennes entre ions chargés et molécules dipolaires ; yy les forces de polarisation entre dipôles induits par des ions voisins ou des molécules polaires ; yy les forces spécifiques telles que les liaisons hydrogène entre ions ou molécules accepteurs et donneurs de liaison hydrogène ou les forces entre accepteurs et donneurs de paires d’électrons. De nombreux paramètres ont été proposés pour classifier/comparer les solvants [10]. Les plus communément utilisés sont définis en annexes (les valeurs de ces paramètres pour la plupart des solvants organiques peuvent être trouvés sur le site : http://www.stenutz.eu/chem/, accès septembre 2015). Le choix d’un solvant alternatif plus éco-compatible pour remplacer un solvant donné nécessite de connaître les propriétés de ces solvants verts. L’étude des propriétés solvatochromiques (ET(30), π*, α et β) d’un nombre considérable de tels solvants a été publiée par Jessop [11].
2. L’eau L’eau est un solvant peu cher, disponible, non toxique et non inflammable. Il représente donc une alternative intéressante d’un point de vue économique et environnemental. De plus, comme nous le verrons à travers quelques exemples développés ci-dessous, les réactions dans l’eau peuvent être plus sélectives et rapides qu’en solvant organique et ces avantages vont dans le sens d’une chimie plus éco-compatible. Bien qu’ayant été le solvant dans lequel la première synthèse chimique ait été réalisée (préparation de l’urée par chauffage d’une solution aqueuse d’isocyanate d’ammonium, cette synthèse a été réalisée en 1828 par le chimiste allemand Wöhler), l’eau a été longtemps oubliée par les chimistes organiciens. Plusieurs raisons peuvent expliquer la préférence pour les solvants organiques. La principale vient certainement du fait que la plupart des molécules organiques sont faiblement solubles voire insolubles dans l’eau. Or cette insolubilité n’est pas nécessairement un problème, bien au contraire puisque les réactions peuvent être menées sur l’eau, ce qui permet des séparations aisées.
2.1. Structure et propriétés de l’eau La distribution des molécules dans un fluide est liée à l’énergie des interactions entre ces molécules. Dans le cas de l’eau, les liaisons hydrogène, dont la force moyenne est de 20 kJ/mol, contribuent principalement à l’énergie d’interaction.
Solvants alternatifs 283
Des expériences de diffraction neutronique ont montré que le nombre de plus proches voisins d’une molécule d’eau en phase liquide est de 4,4 alors qu’il est de 4 en phase solide. Cette observation a conduit à formuler un modèle selon lequel l’eau liquide résulterait de l’équilibre entre deux types d’eau (Figure 4.1) : yy une eau structurée de basse entropie, dont la structure est voisine de celle de la glace. Ces zones structurées peuvent comporter jusqu’à 280 molécules d’eau [12] ; yy une eau dense, non structurée, d’entropie élevée dont chaque molécule possède plus de quatre voisins.
Fig. 4.1 : Équilibre entre une eau dense et une eau structurée La position de cet équilibre peut être influencée par la pression, la température, les solutés… Cet arrangement est responsable des propriétés physico-chimiques uniques de l’eau liquide telles que : yy une densité d’énergie de cohésion (2302 MPa) nettement plus grande que pour tous les autres solvants, en raison du réseau dense de liaisons hydrogène et de la petite taille de la molécule d’eau ; yy une très grande capacité calorifique (4,18 J · g–1 K–1), qui est divisée par deux à l’état vapeur ou solide ; yy une grande tension de surface (72 10–3 N · m–1) ; yy une faible compressibilité ; yy une diminution de viscosité avec la pression ; yy une dépendance forte et anormale du coefficient d’expansion thermique avec un maximum de la densité à 4 °C.
2.2. Solutions aqueuses D’un point de vue thermodynamique, les solutions aqueuses ne constituent pas un mélange idéal. L’écart à l’idéalité est donné par les grandeurs thermodynamiques d’excès. Celles-ci sont différentes pour les solutés hydrophobes et les solutés hydrophiles (Tableau 4.5).
Chimie verte, concepts et applications
284
Fonction thermodynamique d’excès GE
Soluté hydrophobe
Soluté hydrophile
>0
| H |
< 0, | HE |>T| SE |
C pE
>0
~0
V