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French Pages 615 [636] Year 1977
DE LA
CAMPAGNES
ET
AU
SUD
REPUBLIQUE
VILLES
POPULAIRE
DU
BENIN
AGENCE DE COOPERATION CULTURELLE ET TECHNIQUE ÉGALITÉ, COMPLEMENTARITE, SOLIDARITE Organisation internationale créée à Niamey le 20 mars 1970 19, avenue de Messine, 75008 PARIS
DEFINITION L'Agence de Coopération Culturelle et Technique rassemble des pays liés par l'usage commun de la langue française à des fins de coopération dans les domaines de l'éducation, des sciences et des techniques et, plus généralement, dans tout ce qui concourt au développement des Etats membres et au rapprochement des peuples.
PAYS
MEMBRES
Belgique, République Populaire du Bénin, Burundi, Canada, République Centrafricaine, Côte d'Ivoire, France, Gabon, Haïti, Haute-Volta, Liban, Luxembourg, Madagascar, Mali, Ile Maurice, Monaco, Niger, Rwanda, Sénégal, Seychelles, Tchad, Togo, Tunisie, République Socialiste du Viet-Nam.
ETATS
ASSOCIES Cameroun,
Laos.
GOUVERNEMENT
PARTICIPANT
Québec.
LE
PROGRAMME
DE COOPERATION
SCIENTIFIQUE
ET TECHNIQUE
DE
L'AGENCE,
a pour objet : • Coopération intergouvernementale nologique ;
en matière de politique scientifique et tech-
• Coopération multilatérale dans la recherche-développement ; • Développement des réseaux nationaux et internationaux d'information fique et technologique;
scienti-
• Amélioration des applications de la science et de la technologie au développement. PHOTO COUVERTURE : Rouillé
(Photo-Ciné),
Cotonon
AGENCE
DE COOPERATION
S H I C h
CULTURELLE
ET
TECHNIQUE
CAMPAGNES ET VILLES AU SUD DE LA
RÉPUBLIQUE POPULAIRE DU
ALFRED
COMLAN
BÉNIN
MONDJANNAGNI
Préface du Professeur Jean DRESCH de la Sorbonne
PARIS • MOUTON . 1977
LA HAYE
Chez le même éditeur, dans la même collection : L. PORGES. — BIBLIOGRAPHIE DES REGIONS DU SENEGAL. Complément pour la période des origines à 1965 et mise à jour 1966-1973.
Les opinions exprimées, ainsi que les orthographes des noms propres et les limites territoriales figurant dans le présent document n'engagent que l'auteur et nullement la position officielle et la responsabilité de l'Agence de Coopération Culturelle et Technique.
©
1977, « Agence de Coopération Culturelle et Technique », Paris. I.S.B.N. : 2-7193-0804-8 (Mouton, Paris) - 90-279-7534-5 (Mouton, La Haye)
A ma femme, A mes parents, A mes
beaux-parents,
A tout le peuple du Bénin.
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L'Agence de Coopération Culturelle et Technique est heureuse d'apporter son aide à l'édition d'un ouvrage de recherche consacré par un Africain à un problème spécifiquement africain. Bien que le phénomène d'urbanisation ne soit ni propre au continent africain ni spécifique des pays en développement, il se manifeste dans nos régions avec des caractères originaux qu'a dégagés avec bonheur M. Mondjannagni. La complexité des relations qui se sont établies entre les centres urbains et les campagnes du Bénin, le poids des influences historiques, la marque qu'ont imprimée à cette région les civilisations qui s'y sont rencontrées, tout cet ensemble de relations méritait d'être analysé dans le dessein d'en faire un outil au service du développement. Voilà qui est fait. L'Agence ne saurait que se féliciter de l'impulsion qui est ainsi donnée à un ensemble de travaux dont le monde en développement a le plus urgent besoin.
Pr. Dankoulodo
DAN
DICKO
Secrétaire Général de l'Agence de Coopération Culturelle et Technique
PRÉFACE
M. A. Mondjannagni a réalisé la deuxième étude de géographie présentée comme thèse de doctorat par un Africain sur une partie de son pays. Il prouve ainsi que la recherche géographique africaine parvient à maturité, dans les pays d'expression française comme dans ceux d'expression anglaise. L'ouvrage est donc conçu et présenté conformément aux traditions des thèses d'Etat françaises. Le lecteur pourra être impressionné par l'importance de l'ouvrage, l'étendue de la surface et l'ampleur des thèmes étudiés, la masse des documents accumulés, interprétés, exprimés graphiquement et cartographiquement car l'ouvrage s'accompagne d'un véritable atlas du Bénin méridional. Il pourra craindre l'effort de lecture malgré cette abondance de l'illustration qui accompagne le texte. S'il a besoin d'un encouragement préalable, on peut affirmer que, vraisemblablement, il ne sera pas déçu. M. A. Mondjannagni a en effet appliqué des méthodes rigoureuses pour rassembler la documentation disponible, la compléter par des enquêtes personnelles, une connaissance intime du milieu physique — il avait présenté antérieurement une solide étude de la végétation — comme du milieu humain qui est celui où il a vécu, s'est formé, qu'il connaît par le dedans, dans l'intimité de la pensée et du cœur. Le travail présenté aurait été plus considérable encore si son auteur l'avait conçu comme une monographie régionale classique, dans la tradition de recherche géographique française, aujourd'hui d'ailleurs quelque peu dépassée. Il n'est pas une monographie globale et le lecteur pourra regretter l'absence d'études urbaines dans une région pourtant très urbanisée à sa façon. Mais tel n'était pas le but de l'auteur, comme l'indique le titre de son ouvrage. Certes, les villes du Bénin méridional méritent des recherches particulières dont certaines du reste sont en cours. L'originalité du Bénin méridional, par comparaison avec les pays voisins du golfe de Guinée, est d'avoir de vieilles villes précoloniales, mais, malgré la croissance dominatrice de Cotonou, de n'être pas écrasé par le développement
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de métropoles dont les activités industrielles, nent les modalités de l'organisation régionale. caractérisé par l'importance et la complexité tions sont déterminantes dans l'explication soient.
commerciales ou de service détermiLe Bénin méridional est au contraire de la vie rurale dont les manifestade ses villes, pour variées qu'elles
M. A. Mondjannagni a su mener à bien, ce qui devient de plus en plus rare, une analyse du milieu naturel, conçue dans la mesure où il peut être occupé, utilisé, transformé par l'homme, et d'autre part une étude de l'homme occupant, de la population, de son histoire, de la société. Quiconque parcourt le Bénin méridional est frappé à la fois par la densité du peuplement, la complexité des paysages agraires dont l'organisation technique paraît inachevée, mais dont l'explication par les modalités des structures familiales et des mentalités religieuses apparaît à l'œil, dans les champs comme à l'entrée des villages et des cases. Mais le fétiche n'est pas seulement un élément du pittoresque folklorique. M. A. Mondjannagni révèle quelles sont les incidences des mentalités sur le régime foncier et de la vie religieuse sur les activités productrices et d'échange et sur les possibilités de développement. L'étude du réseau urbain et des rapports villes-campagnes est conduite avec la même rigueur et la même finesse. Si le recours aux méthodes d'analyse socioreligieuse permet de comprendre les campagnes, les méthodes de l'analyse historique et socio-politique permettent de comprendre les villes et leur réseau. Les générations de villes-palais, de villes-forts pour la traite esclavagiste, de villes coloniales pour la traite des matières premières, de ville métropole dans le cas de Cotonou sont définies avec une précision qui permet de comprendre leurs relations avec les campagnes environnantes et non dépendantes. Une typologie de ces villes est proposée dans les relations avec l'évolution démographique, les structures socioprofessionnelles et foncières, les productions et le marché. Le poids des traditions précoloniales et coloniales est lourd au point que, dans un pays qui ne dispose pas de matières premières valorisées sur le marché international, les conditions et les méthodes de développement font problème. M. A. Mondjannagni expose les mesures qui ont été prises depuis l'indépendance. Il en fait la critique et donne son opinion. Il démontre ainsi, s'il en était encore besoin, que des recherches de géographie universitaires débouchent inévitablement, si elles sont de qualité, sur des conclusions applicables ; non seulement dans les pays industrialisés mais aussi, plus évidemment encore, dans les pays du Tiers-Monde. Il démontre aussi la capacité qu'acquièrent les nouvelles générations de chercheurs africains, non seulement d'égaler ceux des pays dits occidentaux, mais aussi de faire œuvre utile à leur pays, dans la mesure où administrations et services techniques veulent bien et peuvent utiliser la documentation complexe accumulée et les suggestions que comporte son traitement. Jean
DRESCH
(mai 1976)
A V A N T - P R O P O S
Cette étude sur le Bas-Dahomey (1) est un essai d'analyse de l'empreinte de l'homme sur le milieu. Elle s'efforce de définir une typologie des paysages, de comprendre le mécanisme de leur mise en place, de rendre compte des types d'aménagements créés par l'homme dans le cadre dynamique de l'organisation des espaces ruraux et urbains. Une étude de ce genre ne peut être que globale parce que touchant à un fait de civilisation et en conséquence à la connaissance de l'homme à travers son histoire, son organisation sociale, sa structure mentale, sa manière de comprendre et d'interpréter les paysages naturels. Une telle conception globale du milieu présente nécessairement des limites. Voulant démonter le mécanisme de toutes les pièces maîtresses dont l'agencement constitue cette civilisation du Sud-Dahomey, ne risquait-on pas de se laisser aller à de simples généralisations qui n'apporteraient rien de nouveau à la recherche ? Nous nous sommes bien rendus compte de ce danger au cours de plus d'une dizaine d'années d'enquêtes sur le terrain. Ce qui nous a cependant rassuré, c'est que, pour le géographe, c'est moins l'inventaire des faits, que les relations entre les faits qui est intéressant. Nous savons par exemple qu'on a beaucoup étudié les religions du BasDahomey comme un thème distinct sur le plan ethnologique et ethnographique. Or, en prenant le fait religieux comme une des pièces maîtresses de la civilisation de ce pays, son intérêt géographique devient évident lorsqu'on le met en relation avec d'autres données significatives du milieu. Aucune organisation de l'habitat,
(1) Depuis la rédaction de cet ouvrage, le nom du Dahomey a été officiellement remplacé par celui de Bénin que porte le titre adopté pour la couverture. Il n'a pu être substitué à l'ancien dans le corps de l'ouvrage.
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aucun calendrier agricole, aucun système de réseaux de marchés ne peut se comprendre en profondeur si l'on ne fait appel au fait religieux dans cette région. De toutes les manières, cette étude n'a pas la prétention de poser et de résoudre définitivement les problèmes géographiques du Bas-Dahomey. Le but poursuivi est simple : il s'agit dans un premier temps de relever un certain nombre de problèmes géographiques généraux dans ce cadre régional du Bas-Dahomey avec le souhait ardent, que ces problèmes soient repris sous un éclairage nouveau par d'autres chercheurs. C'est dans ce même objectif, que nous avions étudié en 1969, d'une manière assez générale, les paysages végétaux du Bas-Dahomey. De plus en plus dans nos pays africains, sous prétexte de rechercher un développement économique rapide, sous prétexte du retard accusé par nos pays sur les pays développés, on pose souvent le problème de ce développement en oubliant ses bases essentielles. A ce propos, nous avons le témoignage d'un ministre dahoméen à qui nous avions fait part en 1963 de nos préoccupations et qui nous disait : « Si votre étude ne finit pas avant cinq ans, elle ne correspondra plus à rien parce que toute la région aura été transformée ». Nous pouvons répondre aujourd'hui qu'après dix ans, il n'y a pas eu de grands changements dans notre région : les organisations sociales, les structures économiques, les structures mentales, les techniques agraires et même certaines productions sont restées les mêmes dans la plupart des cas. Leur connaissance demeure toujours indispensable à toutes tentatives de transformations réelles et profondes. Dans ce travail sur la vie rurale et les rapports villes-campagnes, nous pensons poser quelques bases essentielles indispensables à toutes recherches sur les problèmes de développement de ce pays. Ce thème d'étude nous a été proposé comme thèse de doctorat d'Etat en 1962 par le Professeur Jean Dresch à qui nous adressons nos sincères remerciements non seulement pour l'intérêt qu'il a porté à notre travail, mais aussi pour l'attention qu'il a toujours prêtée à toutes les recherches qui se font en Afrique. Malgré ses innombrables tâches, Monsieur Dresch est venu lui-même plusieurs fois se rendre compte de nos enquêtes sur le terrain — et chaque fois, ses observations et suggestions nous ont été toujours d'une grande efficacité. Ses critiques sur le fond et sur la forme de ce travail nous ont été d'une grande utilité. Nous devons aussi beaucoup au Professeur Paul Pelissier qui connaît le Dahomey et qui a été toujours d'une remarquable disponibilité à notre égard aussi bien en ce qui concerne les conseils scientifiques que les conditions matérielles de travail. Grâce à ses interventions nous avons pu obtenir quelques missions C.N.R.S. (Centre National de Recherche Scientifique) pour nous rendre sur le terrain alors que nous étions enseignant à l'Université d'Abidjan. Que cet organisme français trouve ici notre profonde gratitude. Nos remerciements vont aussi à notre compatriote, le Professeur Edouard Adjanohoun, alors Recteur de l'Université du Dahomey. Botaniste systématicien, il nous a toujours aidé sur le terrain en nous apprenant les plantes, et les groupements végétaux.
AVANT-PROPOS
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Recteur et chef de l'administration universitaire, il nous a toujours facilité le travail malgré les énormes difficultés matérielles de la jeune université dahoméenne. Notre reconnaissance doit aller aussi aux différentes institutions d'enseignement et de recherche dans lesquelles nous avons travaillé ou qui nous ont offert leurs services pendant la réalisation de cette étude : — I.R.A.D. - Ex-I.F.A.N. aujourd'hui C.R.A.D. (Centre des Recherches Appliquées du Dahomey) ; — L'I.G.T. (Institut de Géographie Tropicale) de l'Université d'Abidjan ; — L'O.R.S.T.O.M. (Office de Recherches Scientifiques et Techniques Outre-Mer) : centres de Cotonou, de Lomé, d'Abidjan ; — La Section de Géographie de l'Université du Dahomey. Que les collègues, chercheurs, enseignants, cartographes, dessinateurs, secrétaires de toutes ces institutions trouvent ici notre profonde gratitude. Nous ne saurions assez remercier tous nos compatriotes des différents services, en particulier ceux de la S.O.N.A.D.E.R. (1) qui ont toujours mis à notre disposition tous les documents susceptibles de nous aider dans notre travail. Nous ne saurions terminer sans remercier particulièrement les collègues Richard de Meideros, Léon Okioh, Anne-Marie Cotten, P. Verger, Renée Agboton et B. Autheaume qui nous ont aidé à corriger des chapitres importants de ce texte. On ne saurait oublier aussi de remercier notre collègue J. Bonvallot dont les observations nous ont été très utiles lors de nos sorties sur le terrain. Les remarques du professeur G. Sautter qui faisait partie du jury de soutenance nous ont permis d'apporter de nombreuses corrections au texte original. Enfin, si cet ouvrage a pu être publié, c'est grâce à l'amicale compréhension du professeur Dankoulodo Dan Dicko, secrétaire général de l'Agence de Coopération Culturelle et Technique et de ses collaborateurs, en particulier M. C. Roquet et M11" L. Porgès. Qu'ils trouvent tous ici notre profonde gratitude.
(1) Comme beaucoup d'autres sociétés, la S.O.N.A.D.E.R. (Société Nationale pour le Développement Rural) a changé de dénomination. Elle devient S.O.B.E.P.A.L.H. (Société Béninoise de Palmier à Huile). On trouvera à l'annexe n° 3 à la fin de l'ouvrage la liste des autres sociétés avec leur nouvelle dénomination.
INTRODUCTION
Le Bas-Dahomey est la partie méridionale d'un pays de 112 000 km2 et de 3 millions d'habitants environ. Sa personnalité géographique vigoureuse tient d'abord au fait qu'il rassemble plus de 50 % de la population totale du pays sur moins de 10 % de sa superficie. Ses frontières sont le résultat du partage colonial de la fin du XIX e siècle. La localité de Tado dont on a fait le berceau d'une grande partie des populations dahoméennes du Sud, se trouve aujourd'hui en République du Togo. Les Adja, les Fon, les Mina et même les Yoruba se distribuent de part et d'autre des rives du fleuve Mono. Les villes comme Ifè, Oyo, qui ont donné naissance à la brillante civilisation Yoruba, dont les Dahoméens du Sud-Est, comme les Nigérians du Sud-Ouest sont particulièrement fiers, se localisent dans le N'igéria actuel. On pourrait se demander si, dans de telles conditions, il est opportun d'étudier, comme un thème distinct, l'organisation de la vie rurale et les rapports villes-campagnes dans le cadre d'une géographie régionale du Bas-Dahomey. La réponse est que les frontières artificielles coloniales ne doivent pas constituer un obstacle à l'étude d'une région géographique en Afrique Noire, bien au contraire, ces frontières coloniales, dans la mesure où elles ont permis la mise en place de systèmes d'organisation politiques et socio-économiques différents, contribuent largement à préciser les caractères originaux d'une région donnée, d'un Etat donné, par rapport à ceux des pays voisins organisés dans des contextes politico-historiques différents. Depuis les cordons littoraux sableux, entrecoupés d'un long chapelet de lagunes, jusqu'aux pieds des molles collines cristallines du Dahomey central, s'étendent, au Sud et au Nord de la dépression argilo-marneuse de la Lama, d'immenses plateaux fertiles argilo-sableux, entaillés par un riche réseau fluviolacustre.
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MONDJANNAGNI
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n° 1 :
Carte administrative du Bas-Dahomey
INTRODUCTION
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Dans ce cadre géographique régional où s'inscrit le Bas-Dahomey apparaissent certains caractères originaux qu'on pourrait définir d'un côté par rapport à ceux des autres régions du Dahomey, Dahomey central, Dahomey septentrional, d'un autre côté par rapport à ceux de l'ensemble des autres pays de cette côte de l'Afrique de l'Ouest, en particulier le Bas-Togo, le Bas-Ghana, le Bas-Nigéria, tous situés dans la vaste aire culturelle dite de la civilisation du Bénin. A l'intérieur du Dahomey, le Dahomey méridional est un bassin sédimentaire aux sols riches et variés constitués d'argiles, de sables et de marnes, au climat subéquatorial dont les paysages morphologiques et végétaux s'opposent à ceux d'un Dahomey central et septentrional précambrien essentiellement cristallin, aux sols relativement pauvres et aux climats soudaniens et subsoudaniens. On pourrait aussi dans la recherche des contrastes régionaux faire apparaître une véritable géographie de peuplement et de civilisation urbaine précoloniale sur laquelle s'est développée assez précocement une puissante économie de traite dans le Bas-Dahomey, et une géographie de sous-peuplement, à l'exception du pays Somba, de sous urbanisation, caractéristique du Dahomey central et du Dahomey septentrional. Les caractères marquants de la forte personnalité de la région se manifestent d'abord par la mosaïque de paysages qui s'y juxtaposent, ensuite par les divers processus dynamiques qui participent à leur élaboration ; ces caractères originaux se retrouvent également dans les aptitudes techniques des hommes qui ont su modifier, transformer ces paysages à travers l'histoire, histoire précoloniale, coloniale, et récente ; c'est pourquoi l'intérêt d'une étude géographique de cette région pourrait résider essentiellement dans la recherche et l'approche des divers systèmes qui, à travers le temps, ont conduit à l'organisation et à l'aménagement de l'espace ; espace rural, espace urbain, dans la mesure où ces deux formes d'organisation de la vie humaine se complètent, s'affrontent, s'interpénétrent par une suite de relations vivantes et dynamiques hiérarchisées dans le temps. Nombreux sont les travaux de grande valeur et d'intérêt divers qui ont été réalisés sur cette région ; travaux d'historiens, d'ethnologues, de géographes (1), de sociologues, d'économistes ; mais à notre connaissance, aucune de ces recherches n'a jamais abordé l'étude de ce pays dans une vue régionale synthétique rigoureuse, complète et globale des problèmes ; bien souvent on étudie la région soit sous une forme monographique, soit à travers un thème, mais trop souvent sans replacer, ni la région, ni le thème dans un cadre naturel précis et dans un contexte chronologique général. Nombreuses sont aussi les études sérieuses traitant des rapports villescampagnes en Afrique Noire ; mais ces travaux ont souvent abordé la question suivant un schéma parfois statique, axé sur une étape privilégiée de l'organisation de l'espace, l'organisation d'un espace rural quelque peu figé, l'organisation de la grande ville, la ville récente, la ville champignon ou sur l'organisation des petites villes débouchant sur les conséquences habituelles se ramenant à l'exode rural ;
(1) Une étude approfondie publiée dans « Travaux du départ, de Géog. Fac. de Lettres-Université de Dakar 1965 » a été réalisée par M. Paul PELISSIER sur les pays du Bas-Ouémé dans un cadre régional restreint. Cette étude essentiellement rurale pose très bien le problème de la dynamique de l'espace dans le secteur oriental du Bas-Dahomey.
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problèmes des migrations, problèmes des échanges entre villes et campagnes, sur lesquels vient se greffer l'étude des axes de circulation ; un tel schéma peut certes se justifier dans un cadre différent du nôtre où les étapes ne sont pas aussi nettement définies dans les processus qui ont conduit à l'organisation et à l'aménagement de l'espace. Dans le Bas-Dahomey, il existe plusieurs étapes dans la mise en place de la paysannerie, et dans la structuration du réseau urbain ; il existe en conséquence plusieurs moments dans les styles de rapports entre villes et campagnes, campagnes et villes s'adaptant les unes aux autres soit positivement en se complétant, soit négativement en s'affrontant, suivant les caractères et les exigences de chaque période, pour créer une région dynamique en évolution constante. Ce processus semble bien illustrer le point de vue de Pierre George (1) suivant lequel il n'y a pas de région achevée, délimitée rigoureusement sur une carte ; une telle région affirmait-il, est une région morte, une région historique. Ce qui est important c'est la recherche des mécanismes et des processus dont l'aboutissement met en place la région et il faudrait se demander si ces mécanismes et ces processus ne se désamorceront pas avant d'avoir créé quelque chose d'irréversible. Nous touchons là au problème des phénomènes de la discontinuité et de la notion de seuil en géographie récemment étudiés par Roger Brunei (2). Certaines indications introductives nous permettront de présenter notre région en dégageant les caractères originaux qui lui sont propres ; ils s'inscrivent d'abord dans les paysages. En Afrique Noire on se trouve très rarement en présence d'une telle diversité, d'une telle mosaïque de paysages situés dans un cadre climatique subéquatorial cependant assez homogène dans ses grands éléments déterminants : températures, pluies, humidité relative, ensoleillement ; chaleur, humidité, pluviosité ne présentent pas un caractère excessif ; c'est un climat subéquatorial modéré par rapport au climat du Bas-Nigéria également subéquatorial mais qui présente déjà certaines tendances à une forte humidité et à des forts totaux pluviométriques ; modéré aussi par rapport aux climats du Bas-Togo et d'une partie du Bas-Ghana qui, également subéquatoriaux, présentent certaines tendances à une sécheresse relative caractérisant ce « hiatus » et cette coupure dans la bande forestière humide guinéo-congolaise parfaitement définie par A. Aubreville (3). La première indication générale de cette particularité climatique se retrouve dans les grandes formations végétales ; alors que dans le Nigéria du Sud, à quelques kilomètres à peine de la frontière séparant cette région de la nôtre, on pénètre assez progressivement dans une forêt dense humide toujours verte, comparable à celle de la Basse-Côte-d'Ivoire, nulle part dans le Bas-Dahomey on n'observe de telles formations qui exigent écologiquement une pluviométrie annuelle supérieure à 1 500 millimètres.
(1) GEORGE (P.) : La démographie face aux problèmes régionaux. Rév. Population n* 1, janvier-février 1965. (2) BRUNET (R.) : Les phénomènes de la discontinuité en géographie. Mem. et Doc. C.N.R.S. - Nouv. série, vol. 7, 1970. (3) AUBREVILLE (A.) : Les lisières, forêts, savanes dans les régions tropicales. Adansonia : Tome V. Fasc. I - 1966.
INTRODUCTION
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Du côté Ouest, dans le Bas-Togo et le Bas-Ghana, on est souvent en présence d'étendues de savanes littorales qui rappellent en plusieurs points les savanes intérieures soudaniennes et subsoudaniennes du Dahomey central et septentrional. Dans le Bas-Dahomey, même si ces formations existent, elles sont très localisées et n'ont jamais l'ampleur de celles de la vaste plaine d'Accra. De plus, ces micro-savanes guinéennes incluses de notre région sont souvent envahies par des espèces isolées de forêts denses semi-décidues qui définissent climaciquement la région et qui n'existent actuellement que sous forme de reliquats ponctuels à l'exception des galeries forestières, elles-mêmes plus ou moins dégradées. Un peu plus au Nord, et toujours dans ce même cadre d'un climat subéquatorial modéré, apparaissent des formations forestières denses sèches qui correspondent à la dépression argilo-marneuse de la Lama : ces formations servent de transition entre le domaine des îlots forestiers semi-décidus et celui des savanes arborées, arbustives ou herbeuses qui progressent au fur et à mesure qu'on monte vers les collines du Dahomey central. A ces paysages végétaux nettement tranchés se mêle une gamme de formations et groupements en liaison avec les diverses situations topographiques et morphologiques : groupements d'Elaeis guineensis aussi bien sur les plateaux que sur les rives fluviales, prairies marécageuses des rives lagunaires et lacustres, mangroves fortement dégradées des estuaires, cocoteraies des cordons littoraux, etc. Particularité des paysages végétaux, mais aussi diversité des paysages topographiques et morphologiques. L'importance des nappes d'eau et surtout leurs étendues constituent un autre fait remarquable dans le Bas-Dahomey. La façade maritime est assez modeste par sa longueur (120 kilomètres à peine). Mais si le complexe lagunaire qui caractérise cette façade est un élément ordinairement commun à tout ce littoral du golfe de Guinée depuis la Côted'Ivoire jusqu'au Nigéria, le phénomène est nettement amplifié au Dahomey, non seulement par la présence de ce chapelet quasi ininterrompu de lagunes comme celles de Grand-Popo, de Ouidah et de Porto-Novo, mais aussi par l'existence de ces larges entailles plus ou moins profondes constituées par les lacs Nokoué, Ahémé, Toho, véritables rias plus ou moins colmatées prolongeant un réseau hydrographique au tracé subméridien. On comprend facilement tout ce que ce milieu particulièrement ouvert peut comporter d'intéressant dans la mise en place d'une économie agricole et d'une paysannerie. Il associe les conditions de fertilité des sols alluviaux hydromorphes des vallées fluviales, des rives lagunaires et lacustres à celles des plateaux argilo-sableux. A partir des ressources de l'eau se sont développées des activités diverses se rapportant aussi bien à la pêche traditionnelle qu'à la pêche moderne. Les voies d'eau fluviales, lagunaires et lacustres ont favorisé autrefois et favorisent encore aujourd'hui les communications interrégionales. On connaît enfin le rôle joué par les lacs et lagunes dans la fixation des populations qui ont créé de véritables habitats sur pilotis.
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Quant aux plateaux d'argiles et de sables, on dispose rarement en Afrique Noire de formations pédologiques aussi étendues d'un seul tenant et aussi homogènes. Leur richesse et leur grande fertilité n'ont pas manqué de frapper les premiers navigateurs portugais à qui nous devons d'ailleurs le terme de « terra de barro », c'est-à-dire terre d'argile. Ces sols dits faiblement ferrallitiques selon la terminologie des pédologues, constituent une des données fondamentales sur laquelle repose la forte densité humaine caractéristique du Bas-Dahomey ; en effet, dans une Afrique Noire généralement connue pour son sous-peuplement, le Bas-Dahomey fait partie des cas exceptionnels avec une densité moyenne de près de 100 habitants au kilomètre carré. Dans certaines régions comme la banlieue de Porto-Novo, elle dépasse même 500 habitants au kilomètre carré. Cette population dense organise patiemment sur ces sols riches, la majeure partie de ses activités agricoles fondées sur une civilisation du maïs, du palmier à huile. Au total, l'homogénéité de ces terres de barre, riches et fertiles, n'est interrompue que par la vaste dépression argilo-marneuse de la Lama à laquelle correspond la forêt dense sèche qui se prolonge de part et d'autre des frontières dahoméennes. C'est également dans notre région que ces sols argilo-marneux sont les mieux développés. Ils se présentent aujourd'hui comme une zone répulsive interdisant une répartition homogène de la population après avoir cependant abrité autrefois dans certains secteurs des populations réfugiées. Par leurs caractères instables, ils constituent un frein aux activités agricoles et aux communications. Diversités des paysages végétaux, diversités des paysages morphologiques et pédologiques, mais aussi diversités dans les étapes d'occupation humaine. Le Bas-Dahomey est un véritable carrefour : carrefour de civilisations africaines autochtones, auxquelles sont venues se juxtaposer sans jamais avoir pu les assimiler ou les détruire complètement des nouvelles formes de vie non africaines. Carrefour de civilisations africaines autochtones, ce pays l'est par l'histoire de son peuplement avec la rencontre de cultures et de techniques des Yoruba de l'Est, venus d'Ifè (Nigéria actuel) et des Adja de l'Ouest, venus de Tado (Togo actuel). Cette rencontre a abouti à une organisation politique, socio-économique originale d'un très haut niveau, dont l'ancienne monarchie d'Abomey fut une des plus brillantes illustrations. La civilisation Yoruba, si elle reste diffuse et inégalement répartie entre l'Est, le Centre et l'Ouest du Bas-Dahomey actuel, demeure un élément quasi permanent, à des degrés divers, dans la vie quotidienne de cette région. La naissance et l'organisation des villes précoloniales comme Savi, Kétou, Allada, Abomey, Porto-Novo, furent une synthèse provisoire de la rencontre de ces deux grandes civilisations Adja et Yoruba. Certes, la puissance et la forte personnalité d'une monarchie comme celle d'Abomey, ont pu créer des structures originales, en particulier dans les organisations de noyaux ruraux préexistants, isolés les uns des autres. En s'appuyant sur une politique d'unification de ces noyaux ruraux autour des centres majeurs, ces royaumes ont fréquemment entrepris des guerres
INTRODUCTION
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de conquête. Sur le plan économique, ils ont pour mieux contrôler le pays, créé des droits sur les marchés ruraux, sur les produits agricoles et artisanaux, sur les voies de communication, etc. Ces formes d'intervention ont conduit très tôt à une certaine adaptation aux conditions naturelles, à une certaine domestication de l'espace. Carrefour de civilisations, cette région l'est aussi par sa rencontre précoce avec les apports non africains. Ces apports ont été favorisés par l'existence d'une façade maritime et par les caractères relativement ouverts de la végétation côtière. Ces apports se définissent par une colonisation globale allant de la traite des esclaves jusqu'à la période actuelle. La traite a donné naissance aux villes dénommées « forts », de la côte ouest-africaine. Elle a mis en place dans notre région un certain nombre de centres d'accueil et de dépôts d'esclaves destinés à être embarqués vers les Amériques : (Grand-Popo, Agoué, Ouidah, Godomey et plus tardivement Porto-Novo dans la phase clandestine de la traite). C'est là une nouvelle étape dans l'organisation de l'espace rural et dans les relations entre villes et campagnes : problèmes migratoires dûs à la chasse aux esclaves, problèmes de nouveaux marchés, de nouvelles voies de circulation, problèmes de conflits culturels entre les religions chrétiennes et les religions traditionnelles dahoméennes. Ces conflits ont eu de nombreuses répercussions sur l'organisation socio-économique de la région, en particulier au niveau des droits fonciers. Le prêtre du temple religieux ne dépossède-t-il pas sa communauté de ses droits une fois que ses enfants et lui se convertissent au christianisme, entraînant ainsi le morcellement et le partage du bien indivis entre ses seuls enfants alors qu'il n'était que le simple gérant des terres lignagères traditionnelles ? Tous ces apports se complètent encore par le retour de certains esclaves libérés, revenus des Amériques. Ceux-ci ont plus ou moins assimilé une mentalité de propriétaires terriens ; ce qui conduisait souvent à la restructuration des anciennes fermes suivant les principes chers aux planteurs du Nouveau Monde. La période coloniale française marque une deuxième étape dans l'organisation de l'espace sud-dahoméen ; les travaux forcés ont permis l'ouverture de nouvelles pistes, véritables circuits commerciaux reliant les marchés ruraux les plus importants entre eux alors que sur les voies ferrées se greffent de nouveaux établissements humains, sans compter les innombrables marchés-gares. Pendant cette période certains centres importants précoloniaux se sont réorganisés en centres de relais et de distribution des produits de traite, produits agricoles et manufacturés, aussi bien sur le littoral qu'à l'intérieur. Au cours de ce cheminement, Cotonou s'est affirmé peu à peu comme ville portuaire, dotée d'une infrastructure commerciale solide de traite entraînant le déclin progressif des anciens ports comme Ouidah, Grand-Popo, Agoué et Porto-Novo (1) ; une typologie urbaine se définit, une hiérarchie du réseau urbain s'établit, de nouveaux axes de circulation se créent, un style original de relation (1) Le port de Porto-Novo se trouvait à l'emplacement actuel du village de Sème, donc en bordure de la mer.
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villes-campagnes s'organise conduisant à une croissance démographique et spatiale lente et continue de la ville de Cotonou. Cette organisation de l'espace était en cours d'élaboration lorsque les récents systèmes régionaux s'installent dans les trois provinces du Sud autour de grandes coopératives et des vastes périmètres d'aménagement ruraux, véritables systèmes agro-industriels fondés sur le palmier à huile sélectionné, le coton, les arachides, les cultures vivrières, etc. : ce sont le système du Mono autour du bloc de palmiers sélectionnés de Houin-Agamè entre Lokossa et Dogbo-Tota ; le système de la province de l'Ouémé autour de la palmeraie sélectionnée d'Agonvi ; le système de l'Atlantique autour du bloc de Hinvi au Nord d'Allada. On pourrait bien ajouter un quatrième système dans le Zou, en cours d'organisation autour du coton, de l'arachide, du kénaf, avec des usines textiles et des huileries d'arachide. Cette nouvelle structuration exige une infrastructure économique extrêmement coûteuse donc dépendante de l'extérieur. Si elle ne s'arrête pas en cours de route, si elle ne se désamorce pas avant d'avoir créé quelques processus irréversibles, elle ne manquera pas d'installer un paysannat moderne et stable autour de nouveaux centres semi-urbains qui maintiendront en place les populations paysannes. Enfin cette régionalisation du Bas-Dahomey n'aura de sens national que si, parallèlement, les domaines soudaniens et subsoudaniens du centre et du nord du pays qui ne font pas pour l'instant partie de notre étude, se développent également pour devenir des régions complémentaires intégrées à l'ensemble du Dahomey. Cette introduction à notre région nous montre combien elle est complexe et dynamique ; ces deux caractères apparaîtront constamment dans les différents thèmes que nous allons aborder : les paysages en tant que cadre naturel dans lequel s'inscrit la région, les hommes en tant que facteur d'élaboration de cette civilisation globale sud-dahoméenne. A travers l'étude de l'organisation rurale traditionnelle on pourra relever les fondements les plus importants sur lesquels s'est organisée la société du BasDahomey : analyse des structures foncières, des civilisations alimentaires, des techniques culturales, de la production agricole, des échanges et des marchés ruraux, etc. Ensuite, en essayant de mettre en place les différentes générations de villes qui ont pris successivement naissance dans cet espace rural traditionnel, on pourra voir apparaître les différentes mutations qui ont été introduites dans cette société globale. Ces mutations sont les conséquences des types de rapports entretenus entre la campagne et les différentes générations de villes jusqu'à ce « pôle économique » de Cotonou dont d'ailleurs certaines activités sont déjà contrariées par la nouvelle régionalisation en cours. Les recherches dont les résultats sont rassemblés dans cet ouvrage ont fait l'objet d'une thèse de doctorat d'Etat soutenue à Paris (Université de Paris VII). Nous sommes très reconnaissant à l'Agense de Coopération Culturelle et Technique d'avoir bien voulu en assurer l'édition.
PREMIÈRE
PARTIE
LES PAYSAGES ET LES HOMMES
LES
PAYSAGES
LES PAYSAGES NATURELS ET LEURS FONDEMENTS
Les paysages : Un modelé simple et peu varié, une véritable mosaïque de paysages végétaux. Le Bas-Dahomey est le secteur central d'un immense bassin sédimentaire qui s'étend de l'Est du delta du fleuve Niger jusqu'aux embouchures de la Volta à l'Ouest. Ce bassin fait partie de la grande famille des cuvettes sédimentaires ouest-africaines. Comme les bassins de la Basse-Côte-d'Ivoire, comme les bassins du Sénégal et de la Mauritanie, il a été plus ou moins alimenté à partir d'un socle précambrien ancien, de faciès varié ; souvent la sédimentation de caractère détritique s'accompagne d'une altération chimique qui s'est poursuivie en général jusqu'à l'Eocène moyen. C'est dans ce cadre qu'il faut replacer l'analyse des différents types de paysages morphologiques de la région. A la première approche, l'impression d'ensemble qui se dégage, est celle d'une grande monotonie. A l'exception de quelques buttes plus ou moins isolées, le Bas-Dahomey ne présente aucun relief important ; c'est partout une topographie calme qui caractérise ces vastes plateaux sédimentaires, à peine ondulés, entaillés et ciselés par un réseau hydrographique généralement orienté Nord-Sud. Ainsi, le voyageur qui descend de Kétou à Porto-Novo en suivant la route parallèle à la vallée de l'Ouémé sur la rive gauche, traversant les villes de Pobè et de Sakété, comme celui qui part de Bohicon vers Ouidah, traversant la ville d'Allada en suivant l'ancienne voie royale qui passe par Tori-Bossito et Savi, enfin comme celui qui descend d'Abomey par Grand-Popo par les localités d'Aplahoué et d'Athiémé, longeant plus ou moins le cours du Mono, retrouve toujours à quelques nuances près les mêmes unités de paysages morphologiques et végétaux : les plateaux de terre de barre argilo-sableux ou sablo-argileux, plateaux de Kétou, de Zangnanado, d'Abomey-Bohicon, d'Aplahoué au Nord ; puis la dépression argilomarneuse de la Lama qui selon les secteurs prend une appellation différente.
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CARTE N° 2 : Esquisse
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du
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LES
PAYSAGES
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A ces dépressions succèdent presque symétriquement par rapport aux plateaux du Nord, les plateaux de terre de barre du Sud : plateau de Pobè-Sakété à l'Est, plateau d'Allada au Centre, plateau de Lokossa, Comé-Bokpa à l'Ouest. Enfin la dernière grande unité morphologique est constituée par un complexe côtier formé par des cordons littoraux sableux, des lacs et des lagunes.
I. — LES PLATEAUX SEDIMENTAIRES DU NORD ET LES SAVANES GUINEENNES Ils occupent tous la frange nord du Bassin sédimentaire et comprennent de l'Est à l'Ouest le plateau de Kétou, le complexe de plateaux Zangnanado-CovèAbomey, le plateau d'Aplahoué. Recouverts tantôt par une savane guinéenne arborée ou arbustive, tantôt par une palmeraie plus ou moins dégradée, associée à des jachères arbustives et à des champs de cultures vivrières, ces plateaux dominent souvent la pénéplaine centrale par un front de côte festonné, entaillé par de nombreuses petites rivières au tracé obséquent, qui descendent vers les grandes vallées conséquentes de l'Ouémé, du Couffo et du Mono : tous ces plateaux monoclinaux d'argiles et de sables s'inclinent vers le complexe côtier du Sud en pentes douces.
1 ) L E PLATEAU DE KÉTOU
Il correspond à la partie la plus septentrionale de tout le bassin ; découpé par une série de petites vallées sèches : vallée de la Yewa, et petits affluents de la rive gauche de l'Ouémé, il descend en pente douce vers l'Ouest. Il est surtout constitué au Nord par le Continental Terminal sablo-argileux et au Sud par les terrains du Crétacé supérieur (Maestrichien) de formations tantôt marines, marneuses et gréso-calcaires, tantôt continentales argilo-sableuses. Quelques sommets modestes plus ou moins cuirassés se détachent assez nettement de la région. Au Nord, un premier sommet haut de 250 mètres en moyenne marque, par un front à peine découpé, le contact entre le socle cristallin constitué surtout de migmatite et la couverture sédimentaire sablo-argileuse du Continental Terminal. Le paysage présente l'aspect de collines modestes aux versants à peine découpés par un réseau hydrographique pauvre et qui ne paraît que très discrètement par le tracé de petites vallées sèches ; l'orientation de ce contact, peu uniforme dans l'ensemble, suit une direction générale Sud-Ouest - Nord-Est conformément aux affleurements des grès et des sables de colluvionnement indurés. Un deuxième sommet au Nord-Est de la ville de Kétou, d'une altitude moyenne de 200 mètres, s'allonge dans le sens Sud-Est - Nord-Ouest, parallèle au tracé de la Yewa et suivant à peu près une ligne qui relierait les localités d'Illikimou, d'Idigny, d'Adekambi. Le paysage présente un aspect beaucoup plus découpé en particulier sur le versant Est qui descend en pente assez brutale vers la vallée de la Yewa. Le versant Ouest au contraire, assez dissymétrique par rapport à l'Est, descend en pente plus douce vers le plateau sablo-argileux de Kétou ;
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le matériau dans lequel a été façonnée cette hauteur se compose de grès, de sables, d'argiles du Crétacé plus ou moins indurés suivant les secteurs. Une troisième série de hauteurs un peu plus complexe que les deux premières est un rebord d'escarpement correspondant à une grande faille Sud-Ouest Nord-Est. Elle a donné naissance à un alignement de petites collines disposées en chaîne et dont les sommets descendent lentement du Nord vers le Sud, d'Adakplamè vers le lac Aziri (286 m au Nord-Ouest d'Adakplamè, 122 m au Nord du lac Aziri). Les pentes des versants occidentaux de ce chapelet de collines descendent brutalement vers la vallée de l'Ouémé alors qu'elles sont lentes et douces vers la région de Kétou. Comme les autres hauteurs, ces collines sont constituées par du matériau gréseux, sablo-argileux du rebord Ouest des affleurements du Crétacé. Ainsi le plateau de Kétou proprement dit, bien encadré des trois côtés par ces séries de hauteurs apparaît assez peu élevé : son altitude ne dépasse pas 80 mètres. D'allure monotone et plate, il n'est troublé par aucun relief important à l'exception de quelques légères ondulations de surface à grand rayon de courbure. L'altitude du plateau qui s'abaisse peu à peu du Nord au Sud, passant de 100 mètres à 40 mètres fait penser à un revers de côte. De Kétou vers Issaba, après une quarantaine de kilomètres, la topographie se modifie : les gravillons ferrugineux de surface provenant de matériau peu profond et mal emballé dans un ciment sablo-argileux peu épais disparaissent pour faire place à des formations de couverture noires grisâtres nettement argileuses. Sur ce plateau de Kétou aux sols bien drainés, c'est la savane qui est prédominante : une savane arborée à Daniellia oliveri, à Lophira lanceolata, à Parkia biglobosa formant la strate ligneuse haute, la strate basse, étant une formation herbacée plus ou moins continue constituée par des Panicum phragmitoïdes et des Schizachyrium sanguineum. Vers le Nord du plateau, c'est une vraie forêt claire qui apparaît, une forêt claire assez homogène, parfois coupée de reliques forestières humides suivant les conditions de la topographie comme par exemple cet îlot forestier humide qui recouvre les pentes de la butte cuirassée située à l'entrée du village d'Adakplamè à une douzaine de kilomètres au nord de la ville de Kétou. Entre Kétou et Odométa ce sont parfois des taches de savanes herbeuses à Trystachya kerstinguii qui se développent de place en place sur les dalles gréseuses. Ce paysage naturel se complète par des jachères arbustives d'âges variés comportant constamment des palmiers à huile aux stipes élancés et filiformes ; il comprend aussi des champs de coton, de maïs, de manioc et même parfois, autour des quelques rares vallées et dépressions humides, quelques modestes plantations de cacao.
2 ) L E S PLATEAUX DE ZANGNANADO ET D'ABOMEY
Succédant à l'Ouest au plateau de Kétou dont il est séparé par l'Ouémé, le plateau de Zangnanado est légèrement décalé vers le Sud par rapport à celui de Kétou. De dimensions plus faibles, il se moule dans l'entonnoir dessiné par l'Ouémé et le Zou : le paysage est beaucoup plus complexe et beaucoup plus mou-
LES
PAYSAGES
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vementé que partout ailleurs sur les autres plateaux. Le premier fait remarquable est qu'on n'observe nulle part sur ce plateau, des affleurements de sédiments Crétacé qui apparaissent toujours au Sud des formations argilo-sableuses du Continental Terminal. Par contre des sols sableux colluvionnaires sur grès indurés affleurent tout autour de ce Continental Terminal avec une très grande ampleur dans la partie nord du plateau. Topographiquement, une certaine symétrie relative s'observe dans les paysages que constituent les versants de l'Ouémé et du Zou, le faîte étant l'axe nord-sud qui parcourt le plateau jusqu'à la confluence des deux fleuves. La moitié sud des versants des fleuves constitue une véritable plaine d'inondation dans laquelle l'écoulement fluvial est lent : c'est un paysage amphibie, de marécages et de petits îlots sableux à travers lesquels les fleuves se frayent un passage par un tracé en méandres. De 100 à 120 mètres à Zangnanado, les pentes descendent lentement vers les basses plaines situées à une vingtaine de kilomètres de cette localité. Alors que le Sud du plateau reste assez massif et peu découpé malgré les marais qui le bordent des deux côtés, la partie nord du plateau est au contraire beaucoup plus complexe avec un paysage plus troublé, découpé et fortement cuirassé. Il suffit de suivre la piste qui conduit de Zangnanado au village d'Assiangbomé vers le Nord pour découvrir ce magnifique paysage de cuirasse qu'on ne rencontre nulle part dans le Bas-Dahomey sous cet aspect regroupé et qui a littéralement fossilisé le plateau dans la région de Gbannamê. Le paysage prend tantôt la forme de buttes cuirassées, tantôt la forme de véritables escarpements coupés par une série de vallées encaissées comme celles de Linsouvou, de Kébo, de Assiangba, de Gbonfitou, qui descendent orthogonalement vers l'Ouémé, comme celles de Loukoso, de Zozoungo, de Asouma, qui descendent de la même manière vers le Zou. Cette cuirasse pourrait être mise en rapport avec la présence de la faille dont nous avons déjà observé certaines manifestations dans les paysages du rebord Ouest du plateau de Kétou et qui se prolonge vers le Sud en occupant le rebord Sud-Est du plateau de Zangnanado. Cette cuirasse est probablement le témoin d'un vieux sommet qui avait intéressé toute la frange nord du Bas-Dahomey puisqu'elle n'est pas très différente de celle qu'on observe au nord de Kétou et de celle qu'on décrira dans la région de Dan, au nord du plateau d'Abomey. Les versants dominés au nord par la cuirasse sont pavés d'énormes blocs éboulés situés juste au contact des terrains précambriens. Le faciès vacuolaire, riche en éléments quartzeux plus ou moins anguleux que présentent ces cuirasses, peut les faire comparer au faciès de la cuirasse des hauts glacis d'Afrique Occidentale (1). Cette constatation laisserait supposer qu'elle daterait du quaternaire. Plus à l'Ouest, s'étend très amplement et bien délimité par le Zou et le Coufïo, le plateau d'Abomey légèrement plus élevé que celui de Kétou et de Zangnanado. Le passage entre les terrains granitiques de la pénéplaine centrale et les formations argilo-sableuses du Continental Terminal se fait par un abrupt bien marqué dans le paysage formant un véritable escarpement à peine émoussé par l'érosion et de place en place chapeauté par de belles cuirasses ferrugineuses. Le front de côte, comme à l'Est, est très festonné et découpé par des entailles de nombreuses petites rivières au tracé obséquent qui rejoignent la vallée du Zou à
(1) L'étude de ces glacis a été faite par MICHEL (P.) dans sa thèse : Les bassins des fleuves Sénégal et Gambie : étude géomorphologique. Mem. O.R.S.T.O.M. n° 63, Paris, 1973.
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l'Est, la vallée du Couffo à l'Ouest. Souvent précèdent ce front, quelques buttestémoins aux formes très variées. La région de Dan-Montchi, haute de 249 mètres, à une vingtaine de kilomètres au nord de Bohicon, illustre bien ce phénomène : la courbe de niveau de 240 mètres, au tracé particulièrement sinueux, enveloppe localement quelques petits escarpements gréseux orientés Est-Ouest et plus ou moins découpés par de nombreuses petites rivières qui descendent vers le Toga, un affluent du Zou. D'autres exemples de ces escarpements se retrouvent également dans la région de Za-Tanta et dans la région de Mtekpinta. Du Sud vers le Nord, on a l'impression de monter progressivement et lentement jusqu'à Dan. Ce palier est suivi d'une descente dont la pente s'accentue au fur et à mesure qu'on aborde le socle cristallin de la pénéplaine ; la dénivellation est assez forte entre le rebord (Dan 249 mètres) et la pénéplaine (150 mètres à Kassehou) sur une distance d'à peine 10 kilomètres entre les deux localités. Vers l'Est, le plateau descend lentement et progressivement vers la vallée du Zou mais avec un certain caractère massif et plat, observable facilement lorsqu'on suit la route qui va de Bohicon jusqu'à Allahè. Ce caractère massif disparaît dans la bordure qui prend une allure quelque peu découpée par les méandres que dessine le Zou dans ce secteur. Vers l'Ouest au contraire, le contact entre le plateau et la plaine du Coufïo est plus brutal. La dénivellation atteint près de 80 mètres sur à peine 3 kilomètres ; les égratignures marquées par les affluents du Couffo ont laissé peu de traces sur ces formations colluviales sur grès du rebord du Continental Terminal au plateau d'Abomey : la surface du plateau demeure subhorizontale surtout dans sa partie la plus homogène en ce qui concerne le matériau argileux et située entre les localités de Dan, de Oungbègamè, d'Abomey, de Bohicon et de Sinhoué. En descendant vers le Sud, le passage des formations argilo-sableuses meubles du Continental Terminal aux terrains du Maestrichien se laisse facilement percevoir dans le paysage par l'importance relativement plus grande du réseau hydrographique qui devient plus dense en particulier dans la région de Zogbodomey du fait de la plus grande imperméabilité des sédiments argilosableux remaniés. C'est un paysage morcelé et découpé qui caractérise la partie Est. Les affluents du lac Hlan, le Da, le Hounto, le Hoho aux vallées sèches et encaissées sillonnent le plateau par de véritables digitations avant de se jeter dans cette zone marécageuse amphibie située à l'aval de la confluence Zou-Ouémé. A partir de cette région, les pentes deviennent légèrement plus fortes et le raccord avec la dépression centrale de la Lama se fait progressivement par des terrains colluvionnaires sablo-argileux souvent hydromorphes. La végétation qui recouvre ce complexe de plateau Abomey-Zangnanado comporte plusieurs composantes. D'abord un décor de fond constitué par la savane arborée à Daniellia oliveri, à Adansonia digitata, à Lophira lanceolata, trois espèces formant la state arborée haute, caractérisée par des peuplements denses et homogènes. Quelques Vitex doniana accompagnent les jeunes pousses de ces grands arbres pour définir une strate arbustive assez pauvre dans l'ensemble, et qui est pratiquement détruite tous les ans par les feux de brousse. La strate herbacée est moins haute que celle observée dans les savanes de Kétou bien qu'elle comporte les mêmes graminées comme le Panicum phragmitoïdes, le Schizachyrium sangineum, des légumineuses comme Eriosema glomeratum, Tephrosia bracteolata. Les cuirasses ferrallitiques sont le domaine privilégié des petites prairies d'herbes rases peu hautes, verdoyantes en octobre-novembre pendant leur
LES
PAYSAGES
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optimum de végétation. Dans les fissures où se sont accumulés quelques sols légers, se développent de maigres arbrisseaux rabougris. Ces prairies sont bien représentées dans la région de Dan et dans la région des cuirasses au nord de Zangnanado. Paysages dominants de savanes mais aussi présence constante du palmier à huile qui, dans cette région, ne se trouve pas dans les conditions écologiques les plus favorables. Sur le plateau d'Abomey, sur des formations du Continental Terminal, malgré un climat modérément plus sec, s'est développé un beau peuplement d'Elaeis guineensis : c'est une palmeraie qui a été mise en place par l'homme grâce à une politique des rois d'Abomey en particulier le roi Guézo. En remontant vers le Nord, cette palmeraie s'éclaircit, les arbres deviennent moins beaux et les seuls peuplements encore vigoureux sont associés aux végétations humides des galeries fluivales et des petites dépressions. On relève sur le plateau de Zangnanado, la conquête de certaines espèces humides de forêts, échappées des galeries fluviales. C'est ainsi qu'entre Sagon et Dovi-Dovè, de beaux peuplements d'Elaeis guineensis et même quelques fromagers font penser aux paysages de certains plateaux du Sud.
3) LE
PLATEAU D'APLAHOUÉ ET DE
DOGBO-TOTA
Il est nettement situé plus au Sud que les plateaux de Kétou, de Zangnanado et d'Abomey. Subhorizontal et peu élevé, son altitude moyenne est de l'ordre de 150 mètres. Le contact avec la pénéplaine précambrienne granitique se marque dans le paysage par une série d'escarpements hauts en moyenne de 200 mètres et souvent précédés par quelques buttes-témoins aux formes allongées, dont celle de Godohou sur la route d'Abomey-Aplahoué, un peu après le pont de Lanta sur le Couffo est un exemple typique. La face nord du front domine, par une dénivellation de 50 mètres environ, une plaine bien drainée par les bras d'un affluent du Coulïo, le Sahoua, et ceux d'un affluent du Mono, le Lahiougan. Le revers du plateau descend en pente douce et d'une manière continue vers le lac Togbadji et le lac Toho : Aplahoué est à 153 mètres d'altitude, Djakotomè à 134 mètres, Dogbo à 70 mètres, Devè à 40 mètres, Houin à 20 mètres. Aucune rivière ne perturbe le caractère subhorizontal de ce plateau dans sa partie centrale. En revanche vers le versant du Mono, le paysage est déjà plus mouvementé : le cours du Mono y contribue par la série de rapides qui le barrent dans ce secteur : rapides de Belia, d'Adjarala, d'Agbako. C'est aussi par une suite de paliers successifs qu'on arrive sur la rive gauche de ce fleuve, dominée par une ligne continue d'escarpements gréseux allongés dont les flancs sont découpés par les affluents permanents ou temporaires qui descendent vers la plaine. Du côté Est, au contraire, la topographie redevient calme et c'est par des pentes douces qu'on descend au NordEst vers la vallée du Couffo. Enfin vers la dépression argilo-marneuse, les dénivellations apparaissent plus fortes et dépassent souvent 50 mètres : 112 mètres d'altitude à Lokogba, 50 seulement à Madjrè. Le paysage végétal qui recouvre ce plateau Adja d'Aplahoué et de Dogbo est très hétérogène. Des espèces de forêts denses humides comme des Iroko, des Samba, se mêlent isolément aux jachères arbustives à Dialium guineense et aux palmiers à huile dont les peuplements sont moins denses que sur le plateau d'Abomey. Le passage vers la pénéplaine est observable dans le paysage par les
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S km
FIG. 1 : Coupe schématique des grandes formations de Kétou, de Pobé et de la dépression
végétales du plateau du de la Lama (Hollidjè)
continental
LES
F i g . 2 : Coupe
schématique
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PAYSAGES
des grandes formations végétales bassin. sédimentaire.
à travers
le contact
cristallin
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savanes à Daniellia, à Parkia et à Adansonia, fortement dégradées par l'homme. A côté des galeries forestières, elles aussi abîmées par l'homme, de petites mares à Pistia, à Typha et à Cyperus accompagnent souvent les bras morts associés aux fleuves et aux lacs Toho et Togbadji.
II. — LA DEPRESSION CENTRALE ARGILO-MARNEUSE ET LES FORMATIONS VEGETALES DENSES SECHES Faisant suite vers le Sud aux plateaux argilo-sableux de Kétou, de Zangnanado, d'Abomey et d'Aplahoué au Nord, la dépression argilo-marneuse centrale s'allonge de l'Est à l'Ouest sur près de 130 km de longueur et sur une largeur variant entre 5 et 25 km suivant les secteurs. Elle se prolonge de part et d'autre des frontières du Dahomey en se rétrécissant vers le Togo et vers le Nigéria. En fait, c'est la partie centrale au Sud du plateau d'Abomey qui est couramment connue sous le nom de « Lama » (1) ; le secteur sur la rive gauche de l'Ouémé porte le nom de la dépression du pays Holli ou « Hollidjè » parce qu'il est habité en partie par les populations Holli. Le secteur Ouest est appelé la dépression du pays Tchi à cause des populations Tchi qui y habitent. La grande originalité de cette dépression de la Lama réside dans la nature de ses sols constitués d'un complexe d'argiles noires (montmorillonite), particulièrement gonflantes, donnant au paysage son double aspect variable suivant les saisons : pendant la saison sèche, ce sont des sols fissurés et craquelés qu'on observe, tandis que pendant la saison de pluies, les sols extrêmement bourbeux entravent la circulation dans la dépression. Le deuxième caractère de cette dépression se trouve dans l'horizontalité d'une topographie essentiellement basse : les altitudes moyennes sont souvent inférieures à 50 mètres et peuvent descendre parfois jusqu'à 30 mètres. Enfin, une troisième particularité réside dans l'homogénéité relative d'une couverture végétale, constituée essentiellement de forêt dense sèche. Mais au total, ces trois caractères communs à l'ensemble de la grande dépression ne manquent pas de nuances de détails, lorsqu'on examine de près les différents secteurs du fossé.
1) LA DÉPRESSION DU PAYS HOLLI
Dans le pays Holli, la dépression est limitée au Nord, par les pentes Sud du revers du plateau de Kétou constituées surtout par un matériau sablo-argileux colluvial. Ce matériau a glissé du plateau en formant une étroite bande allongée Est-Ouest, localement morcelée par la vallée de la rivière Vissa, qui indique cette rupture de pente qu'on observe sur la route de Kétou, entre Odometa et Oni-
(1) Lama signifie boue en Portugais, il n'est pas de doute que ce sont les Portugais qui ont donné ce nom à la dépression à cause de son caractère boueux pendant la saison des pluies.
LES
PAYSAGES
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gbolo : Odometa est à 120 mètres d'altitude alors que Onigbolo, distante seulement de 5 kilomètres, se trouve à 40 mètres. Après cette forte dénivellation, le paysage reste uniformément plat vers le Sud : 40 mètres à Issaba, 40 mètres également à Illémon. La topographie d'ensemble s'abaisse cependant jusqu'à une vingtaine de mètres vers la vallée de l'Ouémé, où la limite Est du fossé se définit par un vaste affleurement de sédiments sablo-argileux du Crétacé aussi plat et sans relief que le reste de la dépression proprement dite ; les altitudes sont autour de 30 mètres en contrebas du plateau de Pobè. Enfin, le fait le plus marquant à travers tout ce pays, est l'absence quasi intégrale d'une empreinte quelconque du réseau hydrographique à l'exception des quelques rares petites dépressions allongées, souvent temporairement occupées par les eaux de pluies. De temps en temps à l'Ouest, apparaissent les argiles excavées par les têtes des affluents de l'Ouémé, principalement dans la région basse et boisée de Ouinhi. Au total, cette monotonie presque générale n'est interrompue progressivement que par le passage de la dépression au plateau de Pobè, la ligne de rupture étant bien définie par un escarpement grossièrement orienté Nord-Ouest. La transition entre les formations argilo-marneuses de la dépression et les formations argilo-sableuses du Continental Terminal, se marque dans le paysage par la présence d'un sol à horizon de colluvionnement sableux ou argilo-sableux, plus ou moins induré, correspondant à un escarpement vigoureux, continu et festonné. Les dénivellations y sont très fortes : d'une vingtaine de mètres à Adjaouèrè, on passe, sur une distance de quelques kilomètres, à 120 mètres dans la région de Logou. La ville de Pobè, à quelques cent mètres d'altitude, est située sur une sorte d'éperon d'où l'on a une magnifique vue sur la dépression encerclée par de petits ravins.
2 ) L A DÉPRESSION DE LA LAMA PROPREMENT DITE
Elle prolonge au Sud le plateau d'Abomey ; légèrement décalée par rapport à celle du pays Holli, elle a une orientation d'ensemble Est-Ouest. Entre Sèhouè et Massi, c'est un fossé étroit qui s'allonge en s'élargissant progressivement vers l'Ouest, où il est limité par la vallée du Couffo. Les pentes douces descendent du versant Nord. Elles portent de légères ondulations qui correspondent à de petits bombements calcaires insérés dans la masse argileuse ; les altitudes varient dans cette région entre 20 et 60 mètres. Le rebord Sud qui marque le contact avec le plateau d'Allada est plus brutal ; suivant approximativement une ligne qui relierait les localités de Kpomê, Agon et Toffo, il constitue un front découpé et festonné, taillé dans un matériau colluvial sableux parfois induré. Le drainage est peu signifiant dans la partie centrale de la dépression alors que les bordures Est et Ouest sont souvent disséquées par les petites rivières comme Dohoui et ses affluents Koto et Ahouintan à l'Est, comme Mokpê et ses affluents Alledo et Agbé à l'Ouest.
3 ) L A DÉPRESSION DU PAYS TCHI
Orientée Sud-Ouest - Nord-Est, elle s'allonge vers le Sud jusqu'au lac Toho. Son altitude moyenne est partout de l'ordre de 40 mètres sauf à l'Ouest de Tchi-Ahomadégbé où elle s'élève localement à 60 mètres dans la région de ligne
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de partage des eaux entre le Couffo et l'Adiko, un affluent du lac Ahémé. A l'Ouest paraît se dessiner un certain drainage dans les zones d'inondation associées au lac Toho. Les raccords entre les plateaux de Dogbo-Aplahoué et le plateau de Bokpa se font par des pentes insignifiantes. Ainsi l'ensemble formé par les trois dépressions a créé un véritable complexe de dépressions d'érosion orientées globalement Sud-Ouest - Nord-Est. Cette érosion a été favorisée par la structure. M. Slansky suppose quelques petites failles dans la région d'Issaba, au pays Holli, dans la région de Zakpo entre Hlagba et Lonmè et dans la région de Lokossa. Sur le plan de la végétation, les paysages gardent une réelle unité en harmonie avec les sols, complexe d'argiles, de marnes et de calcaires. La formation végétale la plus représentative est une forêt dense sèche à Dyospyros mespiliformis comportant souvent et isolément des espèces de forêts denses humides semi-décidues en particulier sur les lisières et les zones de contact entre les plateaux du Sud et la dépression. C'est dans la Lama proprement dite que cette formation en liaison avec la forêt classée de « Kô » (1) est la plus vigoureuse. Elle se caractérise par une strate arborescente haute regroupant des espèces plastiques de forêts denses humides comme Chlorophora excelsa, Antiaris africana, Cola cordifolia, Ceiba pentandra, alors qu'on relève l'absence générale du Triplochiton Scléroxylon. La strate moyenne, pauvre floristiquement, est dominée par des espèces de forêts claires à Dyospyros mespiliformis, un arbre remarquable par son fût noirâtre et sa cime particulièrement feuillue, et par des Anogeissus leiocarpus souvent disposés en petits bosquets. Deux autres espèces transgressives de forêts ripicoles, Cynométra megalophylla et Dialium guineense, caractérisent également cette strate arborescente moyenne. Le sous-bois clair et aéré, presque dépourvu d'herbes à cause des conditions difficiles du milieu édaphique, admet à peine quelques lianes de taille modeste comme Loncocarpus cyanescens, Landolphia ovariensis. Les lisières nord de ces formations denses sèches, indiquent une reconquête de la forêt sur la savane par la présence fréquente d'un fourré arbustif regroupant à la fois des espèces forestières et savanicoles. De place en place, dans ces forêts denses sèches, apparaisent de taches d'herbes à éléphant d'ailleurs en voie de disparition : ce qui permet de conclure à une occupation assez ancienne de ces forêts. Même actuellement, les paysans Fon de ces régions ne cessent de s'adonner péniblement aux cultures du maïs, du manioc, du haricot. Enfin, quelques plantations de teck et de Gmelina ont également pris place à l'intérieur de ces divers paysages de la grande dépression.
III. — LES PLATEAUX SEDIMENTAIRES DU SUD ET LE CLIMAX DE FORET DENSE HUMIDE Les plateaux de Pobè-Sakété, d'Allada, de Bokpa-Comé-Lokossa font suite, vers le Sud, à la vaste dépression centrale de la Lama. Le contact entre les deux ensembles, plateaux et dépressions, se fait par une topographie assez uni-
Ci)
Forêt de Kô signifie forêt d'argile =
K ô veut dire argile en langue Fon.
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forme d'escarpements plus ou moins festonnés. C'est par leur revers que, dans un ensemble monoclinal faiblement et régulièrement incliné vers la mer, tous ces plateaux descendent vers le complexe des cordons littoraux des lacs et des lagunes. Tous édifiés dans un matériau d'argiles et de sables du Continental Terminal, ces plateaux éventrés et ciselés par un réseau hydrographique riche, recouvrent des domaines climaciques de forêts denses humides semi-décidues, largement disparues de nos jours et remplacées par des jachères arbustives, des palmiers à huile et des champs de cultures vivrières.
1) LE PLATEAU DE POBÈ-SAKÉTÉ
Il s'allonge du Nord au Sud, sur une centaine de kilomètres, depuis le rebord de l'escarpement dominant la dépression Holli, jusqu'à la lagune de PortoNovo. Les limites Ouest et Est sont, d'une part définies par la vallée de l'Ouémé, d'autre part par la frontière nigériane en partie parcourue jusqu'à Banigbé par la rivière Aguidi. A l'Ouest, le plateau domine, par un escarpement vigoureux, la vallée de l'Ouémé, et entre Fanvi et Bonou, par exemple, un véritable escarpement a été sapé par le fleuve. Les dénivellations varient entre 40 et 100 mètres suivant les secteurs. En certains endroits, le rebord du plateau est nettement sculpté par des ravins d'érosion, véritables cirques colonisés par la végétation. Ces cirques qui ne sont plus actuellement fonctionnels, sont parfaitement observables à partir de la région de Mitro. La surface d'ensemble s'incline légèrement vers le sud par des pentes peu marquées : Pobè 135 mètres, Sakété 80 mètres, Porto-Novo 29 mètres. On relève souvent sur cette surface quasi plane, la présence de quelques petites dépressions fermées, plus ou moins circulaires, d'une centaine de mètres de diamètre et très distinctement reconnaissables sur les photographies aériennes : ce sont de véritables entailles découpées dans la masse sablo-argileuse. Souvent alignées de part et d'autre des têtes des principaux talwegs, elles sont surtout nombreuses sur les rebords du plateau. En saison des pluies, elles se présentent comme de véritables étangs parsemés de plantes marécageuses et aquatiques. De telles cuvettes existent dans les formations du Continental Terminal Ivoirien où elles ont été étudiées par F.X. Humbel (1) qui attribue leur origine à un soutirage au sein d'une nappe phréatique au-dessus d'un niveau imperméable accompagné d'un affaissement du sol. Ces cuvettes correspondraient « à une zone de faiblesse de niveau argileux (perméabilité plus forte ou diminution d'épaisseur) favorisée par la proximité d'une entaille du réseau hydrographique à l'origine de l'affaissement et obligeant les eaux de ruissellement à se rassembler », ou bien il s'agirait simplement d'anciens bassins d'évaporation datant du dépôt des sédiments. Dans notre domaine, c'est sur le plateau de Sakété et dans la région de Porto-Novo que ces cuvettes sont les plus nombreuses : elles sont généralement disposées le long des vallées encaissées affluentes de la Yewa comme Adjarra et Akoligbé.
(1) H U M B E L (F.X.) : Etude pédologique des dépressions fermées circulaires sur les plateaux de sables argileux néogènes en Basse-Côte-d'Ivoire. O.R.S.T.O.M. Adiopoudomé :
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Un deuxième élément marquant du paysage de ce plateau, est l'apparition de temps à autre, à partir de Sakété et vers le Nord, de quelques affleurements de grès ferrugineux tantôt sur les pentes entre Affamé et Bonou, le long de la vallée de l'Ouémé par exemple, et tantôt près de la surface en particulier dans la région Ouest de Pobè à Ouignan Akouho. Non loin de Sakété même, une carrière a été exploitée à Gbokoutou à l'Ouest de la voie ferrée. Ce phénomène de cuirassement est dû à une simple induration des formations du Continental Terminal. Plus on descend vers le Sud, plus le paysage devient vallonné et morcelé par un complexe de rivières aux vallées encaissées : ce sont en particulier, les rivières de Gbadahoui, Aho, Adjarra qui, par une véritable digitation, convergent lentement vers les basses régions marécageuses situées à proximité de la lagune. De tous les plateaux du Sud, le plateau de Pobè-Sakété, par sa situation, est le plus favorablement placé dans les conditions climatiques subéquatoriales. On y enregistre les totaux pluviométriques les plus importants. 11 est aussi le domaine privilégié de la palmeraie dahoméenne qui s'étend de la banlieue portonovienne jusqu'au rebord escarpé qui le sépare de la dépression du pays Holli. A peine sorti de la ville de Porto-Novo vers le Nord, on pénètre immédiatement dans une belle palmeraie avec, en sous-bois, de maigres cultures de haricot, de maïs, de manioc. Dans les jachères herbeuses qui servent de sous-bois à ces palmeraies paissent, en toute tranquillité, des vaches villageoises au piquet ; c'est pourquoi ces palmeraies ont l'aspect de véritables parcs. En effet, lorsque le sous-bois n'est pas cultivé, il est rapidement conquis par des groupements herbacés, en particulier l'Imperata cylindrica, une graminée très significative de la dégradation du sol, conséquence de la forte occupation humaine de la région. De place en place, juxtaposées aux groupements herbacés, ce sont des jachères arbustives relativement jeunes et par conséquent assez aérées. Plus on remonte le plateau vers le Nord, plus les jachères vieillissent à cause d'une densité de population relativement plus faible : la végétation y est alors plus fermée, et elles sont surtout peuplées d'essences arbustives hétérogènes, assez diversifiées, avec une strate ligneuse comportant des Agelae obliqua, des Paullina pinnata, des Fagara xanthoxyloïdes, des Cardiospermum grandiflorum, des Strophantus sarmentosus : toutes ces espèces sont toujours accompagnées de jeunes Elaeis guineensis et surtout du cortège des plantes pionnières comme des Uvaria chamae, des Psidium guyava, des Dialium guineense. La strate graminéenne de ces jachères, peu développée et de caractère messicole, n'est importante que les premières années avec lmperata cylindrica. Elle est souvent relayée par des espèces lianescentes constituées par des Adenia lobata, Rhigiocarya racemifera, et auxquelles le paysage végétal doit son aspect fermé. Dans ces jachères existent également, à côté de quelques grands palmiers élancés, des arbres isolés : essences de forêts denses humides semi-décidues qui ont été respectées lors des défrichements : elles sont les témoins vivants des anciennes formations forestières denses climaciques de la région. De ces forêts denses humides, il ne reste aujourd'hui que quelques reliques « vodoun » précieusement conservées par les croyances religieuses ; quelques îlots sont également sous le contrôle des services de protection de la nature comme les Eaux et Forêts. Dans la région de Pobè et de Sakété, ces îlots forestiers, surtout situés sur des sols argilosableux bien drainés, présentent des physionomies variables suivant les conditions écologiques particulières locales. La forêt de Dogla, entre Adjohoun et Dangbo, est un véritable dôme verdoyant qui occupe le rebord du plateau de Sakété à l'Ouest. Elle présente un paysage qui contraste fortement avec la végétation envi-
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ronnante constituée de jeunes jachères arbustives, de champs de maïs, de haricot. Les grands arbres qui se dressent au-dessus de ce dôme sont des Ceiba pentandra (fromager), Antiaris africana (faux iroko), Chlorophora excelsa (Iroko). Très fortement dégradée, cette forêt comprend certains arbustes savanicoles comme Vitex doniana, Annona senegalensis. Sur les lisières poussent quelques lianes auxquelles se mêlent des herbes. La forêt « relique » de Houèzoumè, située sur la route de Porto-Novo-Lagos, est du même type ; encore plus dégradée que la forêt de Dogla, elle comporte dans sa strate supérieure des Triplochiton scleroxylon, des Chlorophora excelsa, des Ceiba pentandra. Elle est plus vieille que la forêt de Dogla. Ses lisières externes, nettement transformées, sont conquises par des plantes anthropophiles comme des Cola nitida et Chrysophyllum. Au nord du plateau, la forêt de Pobè a été protégée par les Eaux et Forêts. Située sur le rebord du plateau, sur des sols rouges argileux plus ou moins sableux, qui comportent, de place en place, des dalles gréseuses et des sables colluvionnaires, cette forêt, floristiquement très riche, a été très peu abîmée par l'homme qui, depuis bientôt un demisiècle, l'a laissée intacte. Ces différentes strates bien définies comportent une strate haute de Samba, d'Iroko, de Dabema, de fromagers, tous dotés d'une puissante vitalité ; une strate moyenne de tendance caducifoliée comporte, en plus des arbres jeunes de la strate supérieure, des Antiaris, des Cola, des Celtis ; la strate arbustive également riche se compose d'une futaie toujours verte parfaitement fermée, cicatrisée par les lisières regroupant un grand nombre de plantes dont Hildegardia Barteri, Rothmannia urcelliformis, Cola milennii, Mallotus oppositifolius, Olax subscorpioïdea, Chaetame aristata, Loncocarpus cyanescens, etc. Enfin, sur ces plateaux de l'Est, de Porto-Novo à Pobè, il est rare de rencontrer des formations de savanes étendues. Seuls les quelques affleurements de cuirasses gréseuses isolées portent des îlots de savanes incluses : savanes herbeuses à Trystachya. Les sols argilo-sableux dégradés par une longue exploitation portent quelques petites savanes arborées à Daniellia, à Parkia et à Borassus.
2) LE
PLATEAU
D'ALLADA
Vaste plateau argilo-sableux, il est bien délimité au Nord par la dépression de la Lama, au Sud par le complexe littoral qui s'allonge depuis la rivière Aho jusqu'à Godomey, à l'Est par la vallée de l'Ouémé et de la Sô, à l'Ouest par le Couffo et le lac Ahémé. Moins disséqué par les rivières tout au moins dans sa partie centrale, ce plateau est plus massif que celui de Pobè-Sakété. Le front de côte qui domine la dépression de la Lama est plus élevé que celui de PobèSakété mais les pentes de raccordement à la dépression sont plus douces et s'allongent sur une distance plus grande. L'escarpement est bien visible à partir d'Agon lorsqu'on descend en suivant la route vers le Nord en direction de Sèhouè : Agon est à 180 mètres, Sèhouè est à peine à 60 mètres. Ces pentes, convexes au sommet passent progressivement à des talus rectilignes légèrement concaves. Le rebord du plateau ne constitue pas un obstacle comme à Pobè et bien qu'il domine la plaine d'une centaine de mètres et se trouve donc situé à une altitude plus forte qu'à Pobè, le relief n'a rien d'énergique. Dans sa partie nord, il domine par de véritables escarpements sablo-gréseux de 120 mètres de commandement la grande vallée de l'Ouémé. A l'Ouest, du côté de la vallée du Couffo, la dénivellation est de 60 mètres dans la région de Toffo-Gomey. Vers le Sud, les pentes s'inclinent
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en descendant vers le littoral comme pour le plateau de Sakété : Ouagbo Aliho 165 mètres, Allada 94 mètres, Tori-Bossito 39 mètres, Ouidah 22 mètres. Le paysage présente l'aspect d'une vaste surface subhorizontale tournée vers le littoral, éventrée par une série de vallées à fond plat, vallées de Datin, de Bakanmè, de Todouba, de Toho, qui convergent toutes vers la côte dans la région située entre Cococodji et Ahozon. Ces vallées en doigts de gant vont en s'élargissant de l'amont vers l'aval ; elles ont été tronquées par la mer et les cordons littoraux ; c'est ce qui explique leur remblaiement par des sédiments vaseux fluvio-lagunaires. Dans leur partie amont, elles deviennent souvent sèches, formant de larges berceaux à fond plat, sans écoulement, tapissé de sables blancs colluvionnaires. De très belles coupes de ces vallées sont facilement observables dans le paysage grâce aux routes qui les franchissent. De Ouidah à Tori-Bossito par exemple, on observe une première coupe à la sortie de Ouidah juste avant le Séminaire Saint-Gall, une deuxième au nord de Savi, à la sortie de la ville, enfin une troisième à l'entrée de Tori-Bossito. Le dernier fait remarquable sur ce plateau est l'absence quasi totale de dépressions fermées circulaires comme celles qu'on observe sur le plateau de Sakété. Peut-être qu'ici la nature de l'argile de cette région n'a pas favorisé la mise en place de telles dépressions. Sur le plan du couvert végétal, ce sont les mêmes paysages de jachères arbustives, de palmiers à huile, de forêts « vodoun » qui dominent toute cette région. Les forêts reliques « vodoun » sont beaucoup plus nombreuses ici que partout ailleurs à cause de l'importance particulière des couvents et des temples dans les pays Aïzo d'Allada, d'Abomey-Calavi et dans les régions Fon et Pédah de Ouidah. Datinzoun, Sabèzoun, Ahouannonzoun sont de véritables forêts temples abritant les vodoun Datin, Sabè et Ahouannon. A l'entrée d'Attogon, village situé à sept kilomètres au nord d'Allada, se dresse en bordure de la route une belle forêt relique « vodoun » comprenant surtout des Celtis mildbraedii, dans sa strate supérieure haute. La strate arborescente peu fournie est une futaie continue. Le sousbois est caractérisé par un tapis herbacé à Streptogyne gerontogea : ce lambeau forestier localisé entièrement sur un sol sablo-argileux bien drainé est déjà quelque peu différent de celui de Niaouli sur la station de recherches agricoles. Par son site de bas-fond, il présente un faciès hygrophile marqué surtout par l'importance des épiphytes. Mais en réalité, ce n'est pas dans l'existence de ces îlots forestiers que réside l'originalité du paysage végétal du plateau d'Allada par rapport à celui de Sakété-Pobè : elle réside non seulement dans le fait qu'au fur et à mesure qu'on descend vers le Sud, les jachères arbustives deviennent de moins en moins fermées, mais aussi dans l'apparition de véritables savanes guinéennes incluses sur les cordons littoraux anciens, et même sur les terrains d'argile. Entre Pahou et Ouidah par exemple, une véritable savane à faux karités (Lophira lanceolata), s'allonge le long de la voie ferrée. Ces Lophira se regroupent à l'intérieur d'une strate arbustive tantôt étalée en bosquets, tantôt fermée. La présence dans la strate herbacée de graminées comme Pobeguinea arrectata et Schizachyrium semiberbe indique bien que cette savane est liée au caractère sablonneux du sol et à la présence d'une nappe phréatique peu profonde. Ces savanes annoncent de loin les savanes de la partie Ouest de notre région ainsi que les savanes littorales du Togo et du Ghana.
LES 3 ) L E S PLATEAUX DE
PAYSAGES
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BOKPA-COMÉ-LOKOSSA
Encadrés par le fleuve Mono et le lac Ahémé, ces plateaux sont beaucoup moins étendus que ceux d'Allada et de Sakété-Pobè. Ils sont taillés comme les autres dans les formations d'argiles et de sables. Leur altitude généralement faible ne dépasse guère 90 mètres. Les escarpements qui les bordent au Nord au-dessus de la dépression du pays Tchi, comme ceux qui les bordent à l'Est au-dessus du lac Ahémé sont peu élevés. Leur altitude est de l'ordre de 50-60 mètres. La partie Nord-Est de ce complexe de plateaux laisse apparaître quelques faciès gréseux ferrugineux dans la région de Bokpa où se sont constitués d'autres petits escarpements de 3 à 10 mètres de hauteur. La surface d'ensemble subhorizontale s'incline lentement vers l'Ouest et vers le Sud en s'enfonçant sous les alluvions du Mono et les formations fluvio-lacustres du Sud de la région de Comé. La couverture végétale présente une physionomie beaucoup plus dégradée qu'à l'Est. Les îlots forestiers deviennent moins nombreux que sur le plateau d'Allada et de Sakété, et lorsqu'ils existent, ils ont l'aspect nettement moins fermé. Certes, on est toujours dans le climax forestier ; mais la faiblesse relative des totaux pluviométriques révèle quelque tendance à la sécheresse. Les savanes deviennent plus nombreuses même si elles n'ont pas l'ampleur de celles de la plaine d'Accra : savanes à Baobabs dans lesquelles les Borassus ont tendance à se grouper comme sur le plateau d'Abomey. Dans la région de Comé, sur la route d'Athiémé et Bokpa, se présentent de magnifiques exemples de ces bush qui, ne comportant pratiquement plus de graminées, sont transformés en de véritables fourrés arbustifs à Baobabs auxquels se mêlent des recrus de forêts denses humides caractérisés par des essences comme les Mallotus oppositifolius, Antiaris africana, Dracena arbórea, Dialium guineense, Uvaria chamae, etc. Ces savanes arborées à faux karités et à rôniers ont le même aspect que celles observées entre Ouidah et Pahou ; l'exemple le plus typique se trouve dans la région de Kpinnou. Ce paysage végétal se complète dans les autres cas par les jachères arbustives à palmiers à huile. Mais ces jachères ont un âge récent à cause de l'intensité de la vie agricole de la région ; en effet les Adja sont parmi les paysans les plus habiles du BasDahomey, et le plateau Adja est considéré comme l'un des principaux greniers à maïs de notre pays.
IV. — LES MOYENNES ET LES BASSES VALLEES FLUVIALES ET L E COMPLEXE LACUSTRE ET LAGUNA1RE COTIER Plateaux du Nord, plateaux du Sud et dépression centrale de la Lama sont tous entaillés et compartimentés par les moyennes et basses vallées d'un réseau hydrographique de direction méridienne comprenant l'Ouémé, la Sô, le Couffo et le Mono qui viennent tous se jeter vers le Sud contre un système de cordons littoraux sableux. Ces grandes vallées basses se présentent généralement comme de larges auges à fond plat caractérisées par des versants francs et escarpés. Ils sont coupés dans les formations argilo-sableuses : leurs pentes diminuent de l'amont vers l'aval. Véritables percées conséquentes à travers une couverture sédimentaire à pendage général orienté vers le Sud, ces rivières reçoivent très peu
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C A R T E N°
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: Le réseau
hydrographique
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d'affluents à l'exception de leur secteur de la dépression de la Lama où le ruissellement superficiel est favorisé par des sols particulièrement imperméables. Ailleurs, dans les formations argilo-sableuses, ce sont surtout des sources qui jaillissent dans les zones de contact entre versants et plaines alluviales. L'Ouémé, le plus important fleuve, pénètre dans le bassin sédimentaire par le nord-est du plateau de Zangnanado ; il reçoit à l'ouest de Dasso à la latitude de Pobè, son principal affluent, le Zou. De ce fait, on peut distinguer deux secteurs : un premier, à l'amont de la confluence avec le Zou dans lequel la plaine alluviale s'y rétrécit au fur et à mesure qu'on monte vers le plateau de Zangnanado. Lorsqu'on atteint le socle granito-gneissique, cette plaine est pratiquement confondue avec la plaine d'inondation ; au pont routier entre Zangnanado et Bohicon, la vallée du Zou est une large plaine d'inondation de 500 à 600 mètres dans laquelle le fleuve est encaissé d'une dizaine de mètres ; une basse terrasse domine cette plaine de quelques mètres et plus loin sur le flanc droit de la vallée, à une hauteur de 30 mètres environ au-dessus de la rivière, apparaissent des placages de galets rubéfiés, résidus d'une haute terrasse (1) largement démantelée. Le secteur à l'aval du confluent avec le Zou est formé par une vallée marécageuse à fond plat large de 10 à 15 kilomètres ; peu d'accidents marquent cette plaine à l'exception des bourrelets de berge sur lesquels se sont fixés des villages ; ces bourrelets sableux au Nord et argilo-sableux au Sud ne sont jamais hors de l'eau toute l'année ; discontinus aussi bien le long de l'Ouémé que le long de la Sô, ils sont souvent troués par de larges brèches par l'intermédiaire desquelles la crue pénètre dans la plaine d'inondation. En d'autres endroits comme dans la région de Gbèko et de Dekin Afico, ce sont de véritables terrasses qui ont été façonnées à quelques mètres audessus de la surface de la plaine ; il semble qu'il y ait eu dans cette basse plaine de l'Ouémé un épisode de remblaiement à quelques mètres au-dessus du niveau actuel. Enfin l'Ouémé et la Sô terminent leurs cours par de vastes deltas aux paysages amphibies parcourus de chenaux anastomosés. Le delta à l'ouest de Porto-Novo montre une sédimentation continue jusqu'aux cordons littoraux, tandis que celui situé dans la région d'Abomey-Calavi est beaucoup moins important. Le second fleuve important est le Mono qui par son cours inférieur sert de frontière entre le Dahomey et le Togo. Il descend dans le bassin sédimentaire par l'ouest du plateau d'Aplahoué qu'il traverse par une suite de méandres avant de se jeter dans l'Océan par la lagune de Grand-Popo, qui communique avec la mer par la passe dite de la Bocca del Rio (2). Cette lagune de Grand-Popo est un exutoire de nombreux affluents et défluents dont les axes d'écoulement orientés Nord-Nord-Ouest, Sud-Sud-Ouest, correspondent aux anciens emplacements successifs de l'ancien chenal principal du Mono sur la rive gauche. Toute cette basse vallée ressemble à celle de l'Ouémé par l'importance de la sédimentation et la présence de bourrelets de berge sur lesquels ont pris également place quelques établissements humains ; on peut relever par exemple une basse terrasse dans la région d'Athiémé ; mais il semble qu'il n'y ait pas eu de hautes terrasses comme celles observées le long du Zou ;
(1) Notre collègue BONVALLOT (J.) à cause de la ressemblance du matériau de cette terrasse avec celle qu'il a observée en Côte-d'Ivoire le long des moyennes vallées du N'Zi et de Bandama, la daterait du quaternaire ancien. (2) La Bouche du Fleuve et non la Bouche du Roi, comme on le dit très communément.
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PAYSAGES
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le façonnement de cette basse terrasse a dû avoir été assez brusque et c'est ainsi que les dépôts sédimentaires ont barré complètement les cours de certains affluents pour favoriser la formation des lacs Togbadji et Toho de part et d'autre de Lokossa. Les petits affluents n'ont pas eu la force de lutter avec succès et de déployer les apports longitudinaux du Mono. Enfin, la présence d'une forte dérive littorale en provenance de l'Ouest traduit le fait que le cours du fleuve soit complètement déjeté vers l'Est par les cordons littoraux. Le Couffo est le cours d'eau le moins important ; il longe successivement les plateaux d'Abomey et d'Aliada pour se jeter dans le lac Ahémé qui communique avec l'Océan par l'Aho. La vallée de ce fleuve est un témoin de l'histoire quaternaire des basses vallées du Dahomey méridional. Le lac Ahémé, peu profond et formant le secteur sud du fleuve, est une véritable plaine de sédimentation vaseuse. Il est fort probable que tous les fleuves du Bas-Dahomey ont eu autrefois cette même physionomie en terminant leurs cours par des lacs et des lagunes peu profonds. L'Ouémé et le Mono ont comblé totalement ou en partie les leurs alors que le Couffo en a été incapable et c'est ce qui laisse subsister aujourd'hui cette vaste entaille dans la masse argilo-sableuse que constitue le lac Ahémé. Toutes ces vallées sans exception viennent butter vers le Sud contre le complexe côtier formé par les cordons littoraux sableux et le chapelet de lagunes étiré le long de la façade maritime. Du plateau de Sakété, le passage au complexe côtier se marque par une pente graduelle qui descend jusqu'à 20 mètres d'altitude sur les rives de la lagune de Porto-Novo. Cette lagune est une large entaille reliée à l'Ouest par des chenaux anastomosés, lourdement étalés sur la basse plaine vaseuse et le delta de l'Ouémé. Vers l'Est, la lagune se rétrécit en dessinant un léger coude qui se prolonge vers le Nigéria. En arrière de la lagune, on pénètre dans un paysage complexe de marais vaseux et de marécages à l'intérieur desquels s'étalent de place en place des îlots sableux, résidus d'anciens cordons littoraux plus ou moins épargnés par les inondations et abritant quelques modestes établissements humains. Dans ce secteur Est de la région, les cordons littoraux sont très largement développés et c'est avec facilité qu'on peut les délimiter sur les photographies aériennes. On distingue très nettement dans la région de Sèmè des cordons récents et anciens qui s'allongent depuis la plage jusqu'au campement des Eaux et Forêts. Ces cordons récents ont une direction Est-Ouest du côté de la mer. Ils s'inclinent doucement vers les lagunes. Constitués de matériau sableux grossier, ils sont séparés par d'étroites dépressions qui se prolongent régulièrement sans aucun phénomène d'anastomose. Les alignements des cordons anciens, constitués de matériau fluvio-lacustre sont à peine perceptibles dans le paysage : seules quelques dépressions marécageuses traduisent de temps en temps l'existence de ces cordons composés de sols sableux fins podzoliques, lessivés et oblitérés par l'érosion ; ils sont particulièrement observables en bordure de la cocoteraie le long de la route Cotonou-PortoNovo. Les altitudes y sont plus faibles que sur les cordons récents : par exemple, dans la région de Tohoué au sud de Porto-Novo (6 mètres), dans celle de Djeffa Hètégbonou (7 mètres). Les paysages végétaux associés à la basse et moyenne vallée de l'Ouémé et au complexe côtier vers lequel elle débouche sont très variés ; ce sont d'abord
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