Critiques de gaucge et opposition révolutionnaire au front populaire (1936-1938)


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Critiques de gaucge et opposition révolutionnaire au front populaire (1936-1938)

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Critiques

de gauche

et opposition

au

populaire

(1936-1938)

front

par

Pierre

révolutionnaire

BROUÊ

et Nicole

DOREY

Les souvenirs de l'époque du Front populaire sont chargés d'émotions : enthousiasme du coude-à-coude, des foules le poing levé, des chants et des cris, d'un côté, des volets fermés, dés devantures baissées, des valeurs sûres mises à l'abri, de l'autre ; « assaut du ciel » et « grande peur ». Il en est ainsi de toute période révolutionnaire. Mais faut-il en l'occurrence de période ? Les révolutionnaire parler historiens du Parti comme qui se réclament communiste, Jacques Chambaz, se sont employés à démontrer de leur parti que la politique avait été, « sans ambiguïté », pour une alliance défensive entre le prolétariat et les classes moyennes, la situation en France à l'époque du Front populaire n'étant pas « une situation encore pré-révolutionnaire, moins révolutionnaire » (1). En fait, dans les profondeurs de la classe ouvrière, de façon généralement diffuse mais explosive, toute cette période, circule, pendant un courant révolutionnaire qui perce en surface lors des émeutes de Brest et Toulon en août 35, puis en mai-juin 1936, mais qui, refoulé par l'action conjuguée des partis membres du Rassemblement populaire, devient peu à peu un contre-courant avant de se diluer en 1939 dans la passivité générale de la classe et son désarroi. Il

suffit à cet égard de se replonger dans la presse syndicale et de l'époque, ne serait-ce et le Temps, politique que dans l'Humanité pour se rendre compte de la place qui fut sur le coup accordée par les uns et les autres à ce courant révolutionnaire avant que, l'oubli aidant, il ne fût attribué au Parti communiste et simpar la droite, purement plement nié par la gauche. Courant ou contre-courant spontané ? Résulde l'action tat, au contraire, tenace de « minorités agissantes » ? Ce et bien d'autres se posent : quels furent ses rapports problème-là avec la masse qui fit la force numérique du Front populaire, de quelle manière se manifesta-t-il, notamment à l'intérieur des partis membres du Rassemblement ? Chercha-t-il à s'exprimer de façon indépendante et organique sous forme d'organisation ou groupe, fraction politique, tendance, ou sous forme de tendance syndicale ? Autant de questions encore mal connues qui n'ont guère retenu l'attention des chercheurs et sur lesquelles nous avons cru possible de faire quelque lumière. (1) J. Chambaz, Le Front p. 164.

populaire

pour

le pain, la liberté

et la paix,

PIERRE

92

LES

- NICOLE

BROUÉ

MINORITÉS

DOREY

RÉVOLUTIONNAIRES

« consdes minorités étudiant le problème ayant Georges Lefranc, : « les syn» en 1936, en retient ciemment quatre poussé aux grèves la Révolution de la revue autour dicalistes révolutionnaires groupés de la tendance », les « socialistes », les « trotskytes prolétarienne dont éléments communistes révolutionnaire », et « certains gauche suivi » (2). Nous l'avons Ferrât a été le porte-parole (3). MONATTE

ET

LA

R.P.

qui, depuis L'équipe syndicaliste Pierre Monatte et du noyau de la R.P. 1930 cependant, lutionnaires. Depuis l'unité du rassemblement rience pour

autour de 1925, s'est groupée révose réclame de perspectives et en particulier l'expédepuis du « Comité autour syndicale à se rapstalinienne l'a conduite

à la politique des 22 », son hostilité de guerre, ami des années le vieil des réformistes. Trotsky, procher devenu » (4) et d'être « franchi Je Rubicon d'avoir a accusé Monatte » (5). « l'avocat des social-patriotes et l'unité du syndicalisme En fait, ce sont l'indépendance syndi» en mala « loi et les prophètes cale qui constituent, Monatte, pour lui Il ne saurait être ouvrière. tière pour question d'organisation d'admettre

accord politique lie les organisations permet populaire conditions pour que la

qu'un ou compromette du Front clusion

et crée les en elle-même. Les modalités « L'unité d'action,

du Front populaire que celui la conEn revanche, syndicales. de l'unité la réalisation syndicale confiance classe ouvrière reprenne tel

: Monatte de quoi séduire de l'unité n'ont pas écarté où elle s'est faite, a non seulement le jour mais elle a été dominée ses partisans de la première heure, par ceux » (6). Du coup, le Front combattue le plus souvent popuqui l'avaient » (7) avec « une figure dès sa naissance, a revêtu laire, inquiétante la passivité du pacte le tournant du P.C. au lendemain Laval-Staline, » de Rrest lors des « mouvements du P.C. et de la G.G.T.U. sauvages Et Monatte accords. au lendemain desdits et de Toulon, précisément la paix et pour la résis: « Au lieu du rassemblement pour s'interroge à n'est-il le Front tance au fascisme [...] que le prélude populaire ? » (8). de la prochaine sacrée guerre : des résultats de se réjouir Ces réserves n'empêchent pas Monatte « ce n'est une singulière d'action ait pris pas une figure, que l'unité : par » (9). L'essentiel a été obtenu devenir hostile raison lui pour l'union

Histoire du Front p. 146-147. populaire, (2) G. Lefranc, : leur inanarchistes (3) Nous avons laissé de côté les organisations constitua aient toujours en France le fait contestable qu'elles originalité, « à contre courant », nous a conduit à les écarter dans le cadre des minorités de cet article. (4) La Vérité, 19 décembre 1930. 1931. (5) La Vérité, 16 janvier prolé(6) « La classe ouvrière reprend confiance en elle », la Révolution 10 juillet tarienne, 1936, p. 180, col. 1. col. 1. (7) Ibidem, col 2. (8) Ibidem, col. 1. (9) Ibidem,

CRITIQUES

DE

GAUCHE

ET

OPPOSITION

RÉVOLUTIONNAIRE

et l'unité les d'action, syndicale S'il y a « une volonté du rang, mouvement. une pensée des troupes du Front chefs, ou de l'arrière-pensée des partis pensée qui « ce n'est pas le Front faut populaire qu'il l'unité

masses

entrer en peuvent de la volonté distincte des différente de la populaire ce front », alors, mais les partis, vers un objectif de pas question

dirigent condamner,

ceux des partis mener le Front qui veulent populaire (différent de celui est annoncé » (10). Il n'est qui dénoncer : « Il faut marcher le Front avec populaire d'elles » (10). pas ; et ne pas s'éloigner TROTSKY

que

93

les masses,

à leur

ET LES TROTSKYSTES

Ce disant, Monatte, avec Trotsky. Le révolutionnaire

de

façon

voilée,

mais

sans

conteste,

polémi-

en effet, de passer en France vient, proscrit au cours il a suivi de près la vie politiannées, plusieurs desquelles « militant » effectivement, au mépris mois, que, pendant plusieurs des interdits L'axe essentiel, lui, ne peut être le syndipoliciers. pour — le cat. C'est — toute russe en témoigne l'Interl'expérience parti, de l'avant-garde ouvrière. A ses nationale, l'organisation politique les deux Internationales sont mortes l'action révolutionyeux, pour du côté de l'ordre la Seconde naire, passées définitivement bourgeois, sa trahison d'août sa faillite en depuis 1914, la Troisième depuis où elle porte la responsabilité de la victoire hitlérienne. Allemagne Il la

donc d'abord de reconstruire une s'agit des choses. Quatrième par la force à partir du Cette tâche doit être réalisée communiste 1934 l'opposition qui fut jusqu'en Elle exige la présence et l'action des militants de masses, et c'est sur l'insistance pourquoi,

nouvelle

Internationale,

de la Ligue petit noyau communiste en France. au sein d'organisations de Trotsky, les trotoù ils constituent, S.F.I.O.

sont entrés en août 1934 dans la skystes autour de l'hebdomadaire La Vérité, la tendance des « bolcheviksléninistes ». Pendant contre les staliniens années, plusieurs qui traitaient les socialistes de « social-fascistes », les « b.l. » ont été les chamcette « alliance » qui a su, en octobre ouvrière pions du front unique, 34 aux Asturies, sous le même toutes les tendances grouper drapeau ouvrières. Pour Trotsky, en effet, la lutte la construction « noud'une pour » est inséparable velle direction de la lutte défensive, unipar le front le danger En 1934, il a écrit fasciste. : que, contre Sur l'arène de l'Histoire, c'est maintenant le tour de la France prolétarienne à abattre le prolétariat fran[...]. Si le fascisme réussissait se teindrait en noir (11). çais, toute l'Europe Or

il

n'est

lui d'autre alternative pas pour que fascisme iution socialiste. C'est pourquoi le Front est à ses populaire « front » : il lie, en effet, les partis ouvriers unique dévoyé sur un programme de défense radical, de parti bourgeois, CIO) Ibidem, p. 181, col. 1. (11) La Vérité, 2 mars 1934. Il s'agit Internationalistes », rédigé par Trotsky.

du

manifeste

des

ou

révoun yeux au Parti la démo-

« communistes

94

PIERRE

BROUÉ

- NICOLE

DOREY

et vise en fait à détourner les traet de la société cratie bourgeoises, vailleurs de la voie révolutionnaire. l'instrument de lia Le Parti radical, écrit-il, politique représente et aux prégrande bourgeoisie qui est le mieux adapté aux traditions avec [...]. L'alliance extra-parlementaire jugés de la petite bourgeoisie contre le fascisme est non seulement un crime, mais unie les radicaux idiotie (12). : Et encore a actuellement besoin non seulement des bandes die La bourgeoisie Le capital « gauche » d'Herriot. La Rocque, mais aussi de la réputation ila Les staliniens restaurent financier les fascistes. s'occupe d'armer du Front à l'aide des mascarades popuréputation gauche d'Herriot laire (13). : donc catégoriquement Trotsky répond est une duperie contreà l'Union sacrée, prélude le pacte le tournant du P.C. dès avant pressent en 1935, L'exclusion de ses partisans de la S.F.I.O. franco-soviétique. les Partis socialiste des mouvela condamnation et communiste par : son analyse ment de Brest et de Toulon ne font que confirmer à » à rompre les « bolcheviks-léninistes avec la S.F.I.O. il invite afin de pouvoir les ouvriers en force s'organiser indépendante gagner révolutionnaires à la bataille de classes. Tout en défendant qui aspirent à de l'organisation d'une milice ouvrière la nécessité (14), il propose Là où Monatte le Front populaire, Il révolutionnaire.

s'interroge,

de lancer, fois qu'une action ouvrière ses camarades s'engage, chaque d'action » élus par les travailleurs en le mot d'ordre de « comités — lui — embryons à ses yeux lutte : de tels organes des soviets seuls d'assurer la direction des mouvements paraissent susceptibles ne soient le Front et d'empêcher (15). qu'ils dévoyés par populaire « comité d'action » ne verra le jour. Mais aucun L'organisation » de Trotsky en France, n'a ni les l'instrument trotskyste, historique a La Vérité idées aussi ni la même détermination claires, que lui. des milile combat ! » . Bien oui, mais pour populaire, faut sortir de la S.F.I.O., et deux des diritants regimbent lorsqu'il Molinier sont prêts à accepter les du groupe, et Pierre Frank, geants comme Trotde la direction socialiste plutôt exigences que de rompre en 1935, . Exclus international sky les en presse par le Secrétariat ils fondent leur propre La Commune. Au printemps de 1936, journal, distincts se réclamant de la IVe Internatiotrois il y aura groupes de construire révolutionnale et proclamant la nécessité un « parti à affirmer naire » : une scission dommageable Trotsky qui conduit titré

« Front

occasion qu'une unique naire » a été « gâchée PIVERT C'est dues

par

de construire » (16).

précisément

le

« parti

révolution-

ET LA GAUCHE RÉVOLUTIONNAIRE que, contrairement les trotskystes au

à

une de cours

solide, légende leur bref séjour

les

idées dans la

défenS.F.I.O.

(12) « Encore une fois, où va la France ? », Où va la France ?, p. 48. (13) Ibidem, p. 61. et réponses : la milice du peuple », la Vérité, 2 novem(14) « Objections bre 1934. et comités d'action 1934. (15) « Front populaire », la Vérité, 26 novembre de Crux à la brochure de Nicolle (16) Préface signée du pseudonyme Braun, l' « Organe de niasse » (10 juin 1936).

CRITIQUES

DE

GAUCHE

ET

OPPOSITION

RÉVOLUTIONNAIRE

95

une réelle chez les Jeunesses comme rencontré audience, y avaient de la Seine. C'est notamment leur influence dans la Fédération qui a unitaire et gauchià l'intérieur de la tendance la rupture précipité sante de la Bataille entre partisans de Zyromski et partisans socialiste sur Marceau de Pivert. Daniel Guérin a montré les trotskystes pesant une permanente douche « lui administrant écossaise, Pivert, applauvers le trotskysme, le rappeler à dissant les pas qu'il faisait pour » l'ordre selon leurs critères, il retombait dans le « centrisme quand, écrira (17). Pivert qu' un nombre croissant d'ouvriers socialistes se trouvent en accord avec les b.l. : milices défaitisme ouvrières, révolutionnaire, grève génédu prolétarale insurrectionnelle, du pouvoir et dictature conquête riat (18). est totale. Pivert se refuse à quitter Mais, à l'été 1935, la divergence la S.F.I.O., et conseille aux jeunes socialistes exclus de faire à la direction les concessions où Trotnécessaires Au moment pour y demeurer. la S.F.I.O. comme un « obstacle sur la route révolutionsky dénonce naire « soit inca», Pivert rétorque que rien ne prouve que ce parti à un niveau de la lutte des classes » (19). pable de s'adapter supérieur Persuadé n'est joué et qu'il n'est pas prouvé que rien que les dirise soient définitivement orientés vers l'union geants socialistes sacrée, il se sépare de Zyromski le pas au P.C. dans son tourqui a emboîté nant patriotique, et fonde, à l'intérieur de la S.F.I.O., la tendance de la Gauche révolutionnaire « à fleurets mouchequi luttera loyalement, tés » (20), pour une orientation révolutionnaire. La création de la « tendance révolutionnaire de la S.F.I.O. » est un coup très dur pour les plans de Trotsky » entre ses idées et qui voit en elle un « écran les éléments révolutionnaires de la S.F.I.O. Il accuse Pivert de donner à l'exclusion des trotskystes ainsi sa caution et de servir de « paravent » aux réformistes et aux social-patriotes. En réalité, les amis de Pivert du Front vis-à-vis occupent, popuune position avec celle de Monatte laire, qui n'est pas sans analogie — à la différence Le manifeste de la sont, eux, à l'intérieur. qu'ils Gauche révolutionnaire a réclamé un « Front de combat ». populaire Position fort bien analysée : Guérin ambiguë, par Daniel Nous ne pouvions entériner ni la collusion ni les comiélectorale, tés parlementaires, mais nous ne pouvions pas non plus, en condamnant sans appel le « Front populaire comme nous isolant du », apparaître issu du plus profond formidable des masses qui, depuis mouvement, la France Nous étions des adversaires du 1934, revigorait [...]. Front populaire n° 1 et des partisans enthousiastes du Front populaire n° 2 [...]. Nous crûmes trouver une solution les [...] en nous faisant d'un « Front populaire de combat » qui devait dissiper les champions

Front populaire, révolution (17) Daniel Guérin, manquée, p. 86. (18) « Réponse au camarade Trotsky », 20 août 1935 ; La Gauche révolutionnaire du Parti et le groupe socialiste bolchevik-léniniste (S.F.I.O.) lettres éditées par la XV section du Parti socialiste, (tiotskysté), p. 6. (19) Ibidem, p. 7. (20) Lettre aux camarades exclus, la Vérité, 25 août 1935.

96

PIERRE illusions

électorales parlementaire (21).

LA

NOUVELLE

OPPOSITION

BROUÉ

et faire

- NICOLE

passer

DOREY

les masses

à l'action

directe

extira-

COMMUNISTE

Le tournant du P.C. avait été suffisamment brutal pour provoquier des remous : moins Le régiaurait cependant qu'on pu le supposer. me intérieur totalement du parti des années, avait, supprimé depuis — la droite des divergences. vers La rapide évolution l'expression — du rayon dervers le fascisme de Saint-Denis, plus tard qui avait rière Doriot lutté le « front incontestable», constituait pour unique ment un obstacle des diau développement psychologique important chez les militants doutes. vergences que tourmentaient quelques à la conférence les 23 et 24 mars de Paris-ville, 1935, Cependant, le secrétaire du XI" rayon la « ligne intervient contre ce qu'il appelle » et défend des mots d'ordre de ceux des trotsopportuniste proches ne du 28 mars, qui rend compte de la conférence, kystes. L'Humanité mentionne Il est exclu avec d'autres (22). Après pas son intervention. de défense la déclaration de Staline la politique nationale, approuvant est le 17 mai, salle Bullier, devant une assemblée de militants, Thorez : « Cette déclaration n'est pas une phrase catégorique diplomatique. C'est la position de l'Internationale définie communiste par son chef Staline ». Les questions écrites il répond en bloc. affluent auxquelles Une femme : « Staline la politique du gouverl'interrompt approuve nement Et vous ? oui ou non ? ». Au vote, sur quelque 5.000 français. il n'y a que 7 abstentions déclarées et un vote contre, celui présents, ded'un membre des J.C. (23). On apprend d'Auxerre que le rayon mande un congrès lieu ont extraordinaire, que les J.C. du même contre la déclaration de Staline, pris position qu'il y a des exclusions à Lille, des suspensions aux Lilas, des menaces au Pré Saint-Gervais (24). A Nice, en août, le P.C. exclut deux militants connus, Campa et Boivert, secrétaire de l'Union (C.G.T.U.), régionale qui ont accusé le parti de mener une politique » (25). A BresL il exclut « réformiste ancien des J.C, ancien secrétaire Pau] Valière, dirigeant régional du parti en Bretagne, très connu chez les métallos et secréunitaires, taire de l'Union locale J.C. sont exclus (26). Des responsables adjoint et à Grenoble. Il y a aussi des « départs mais à Lorient », discrets celui de Gustave de la J.C, comme significatifs, Galopin, pionnier de secrétaire de la Fédération ancien unitaire des Métaux, militant choc de la lutte fois un authenantimilitariste, condamné, plusieurs ouvrier révolutionnaire à l'usine... tique qui retourne

(21) (22) (23) (24) (25) (26) adjoint 15 août

D. Guérin, op. cit. p. 93-94. Que faire ? n° 5, mai 1935. Que faire ? n° 6, juin 1935, p. 20. Que faire ? n° 7, juillet 1935, p. 34. Que faire ? n° 9-10, septembre 35, p. 30. La Vérité, 11 octobre 1935. Les détails sur l'exclusion de Paul Valière secrétairequi demeura de l'U.L. de la G.G.T. se trouvent dans le Drapeau rouge, 1er juillet1937.

DE

CRITIQUES

GAUCHE

ET

OPPOSITION

RÉVOLUTIONNAIRE

97

« révolutiondes informations sur les oppositions La minceur du P.C. démontre l'absence de toute organisation, maires » à l'intérieur un embryon groupé autour de la revue Il existe pourtant d'opposition, 1934. C'est en 1933 que se sont réunis (Que Faire ? depuis décembre à la politique tune poignée de responsables unis par leur hostilité allemande de Staline et leur méfiance à l'égard de Doriot, seul opposant déclaré. Ce sont Georges Kagan, un Polonnais qui, délégué de l'I.C, est responsable et de « l'agit-prop » ; André des Cahiers du communisme ancien des J.C, membre du C.C. et du B.P., repréFerrat, dirigeant en chef de sentant du parti à Moscou de 1930 à 1932, puis rédacteur l'Humanité et responsable de la commission et sa femme, coloniale, Jeanne. Leur noyau s'est élargi à des communistes étrangers, puis a été rejoint Pierre Rinibert et Kurt Landau par d'anciens trotskystes, qui signe Wolf Bertram. Le groupe s'affirme d'un « redressement du Parti compartisan muniste ». Dans le premier numéro de Que Faire ?, Wolf Bertram s'en prend à Trotsky « le chemin à la socialet décrit qui l'a conduit » (27). Il faut, en effet, pour ce groupe, « rénover » le démocratie Parti en faire « le réceptacle et l'expression du courant communiste, unifié du prolétariat », ce qui exige préalablement que les « révolu» (28). A partir de la S.F.I.O... leurs illusions de tionnaires perdent : 1935, le ton se durcit La

direction

de

Staline français, le abandonnent prolétarien, classes et

l'Internationale

en

dans

tête,

de

drapeau

s'engagent de l'union

communiste

dans sacrée

une la

situation

du

Parti

communiste

l'U.R.S.S., critique pour et de l'internationalisme

révolution courant

le

et

réformiste

de

collaboration

de

(29).

Les critiques sont proches de celles de Trotsky, contre le refus du P.C. de lutter pour l'armement du prolétariat, à peine son hostilité aux mouvements de Brest et de Toulon (30). En revanche, déguisée de Trotsky » ne rencontre l'appel pour un « nouveau parti que sarcasmes. — Ferrât « démasqué » par la direction — vraisemblablement n'est pas réélu au B.P. lors du congrès de Villeurbanne. ceIl demeure membre du C.C. et responsable de la commission pendant coloniale, et décide de rompre le silence. Le 2 avril, devant le Comité central, il intervient sur la politique du P.C. face au danger de guerre, prononce un réquisitoire inconnu des militants. S'affirqui demeurera mant l'écho de « nombreux révolutionnaires : », il déclare prolétaires Dans le

droit

politique pendante de notre

(27) (28) p. 1-4. (29) (30)

la

lutte

contre

le

de

nous

solidariser

fascisme avec

et

? n° 9-10, ? n° 9-10,

septembre septembre

La

propre bourgeoisie. c'est la politique de

suivre, que nous puissions du prolétariat. dénoncer Nous devons Il n'y a qu'une seule [...]. bourgeoisie

faire faire

n'avons

notre

? n° 1-2, novembre-décembre Que faire « Le problème du parti », Que unique Que Que

nous

l'hitlérisme,

1935, 1935.

les voie

3.

indé-

véritables pour

1934, p. 36-44. ? n° 1 (3), faire p.

classe

pas seule

objectifs marcher à la

janvier

1935?

98

- NICOLE

BROUÉ

PIERRE

de l'U.R.S.S., de la paix, défense des de classe (31). voie révolutionnaire Ferrât Front

ne

formule

pense Front

DES

L'ÉPARPILLEMENT

Ce

rapide minorités

nécessité

sur sur l'union

préparant leurs part,

sacrée

et

particulier, révolutionnaire

les

se couper

Il

n'est

pas

été

Front

du

politique

relations

complexes sur la accord

leur

part,

du

le

rôle

D'autre populaire. en général, de partis

Front des

qu'il possibilités enfin sur l'attitude et

populaire d'elles.

émane

unitaire adressée

de

la

offre

peut

de

nécessité

Marcel

être

réalisé

un

pour à observer

«

re-

à l'égard » « éclairer

d'

des initiatives que la coordination de secrétaire

Valière,

gé-

de à

l'enseignement. ?, Valière Que Faire

constate

le », dans conséquents partout toute dans organisation politique,

« en dehors de S.F.I.O., nombreuses ». Il faut donc ne qui S.F.I.O. ».

bannière sur

des

d'elles

révolutionnaires

naire

les

dans ces conditions surprenant l'unification ou tout au moins pour

prises ces minorités. L'une de la Fédération néral une lettre Dans des

la

»,

de

sans

comprendre 36. D'une

juin

sous

groupement d'ordre du mot masses

de

désaccords

profonds en

parti

«

la

de définir une strades perspectives révolutionnaires, et de masses, la grève, les milices l'action ouvrières, les soviets et la dictature du de tenir prolétariat, la ligne des Partis socialiste et communiste générale

d'ouvrir

réformiste

pour

a

de

MINORITÉS

exposé permet à la veille de

fondée tégie débouchant

aient

directe

critique

la

c'est

démocratiques,

montre clairement cependant, que la noucomme socialiste de Pivert, communiste, opposition l'opposition « de classe » peut être de l'intérieur menée du que l'action si elle y est imposée aux états-majors populaire, par les « masses ».

velle

tel

libertés

: le contexte,

populaire

des

aucune

DOREY

opérer ni au

un sein

«

qu'il à P.C.,

y la

sectes

des

révolution-

regroupement ni autour du

ni

P.C.

de

la

la S.F.I.O. C'est un nouveau pour congrès de Tours qui s'impose du même genre, disons le mot, une ses[...]. Pour le P.C., un travail ie sion d'un travail actif de débourrage d'éclaircissement, précédée crâne s'impose. Dans

l'immédiat, dont la base

nation résolutions

il

suggère

programmatique

formation

d'un

comité

pourrait de congrès

être

de

coordifes par

constituée

1'I.C (32). premiers quatre à la Initiative écho. La Gauche révolutionnaire demeure sans un nouveau mais non pour de Tours, S.F.I.O., congrès afin y préparer ie Ni Monatte ni aucun à un niveau révolutionnaire. d'élever son action un à recommencer leur aventure cfes ses amis ne songent instant ». » à nouveau un « parti révolutionnaire années 20 et à « construire Que P.C.

des

la

Faire est (31) (32)

? répond très

plausible

à Valière

que « l'hypothèse » et qu'il faut « rassembler

Lettre André Ferrat, ouverte ? n°11, novembre Que faire

d'un les

redressement éléments

aux membres du P.C., 1935, p. 19-20.

p. 26.

comnu-

lu

DE

CRITIQUES

ET

OPPOSITION

99

REVOLUTIONNAIRE

à la politique et au régime du parti s'opposent ? (33) Trotsky, Que Faire pour qui les bolcheviks-léninistes « comme se considérer une fraction de l'Internationale » (34) pourrait, être partie dans une certes, prenante

nistes

»

qui

de... vent bâtit

mais tative, « proclamation

les

deux » de

truction

d'une

lent

entendre

au

GAUCHE

pas

problème

IVe

sont en train de groupes trotskystes deux concurrents se réclamant partis Internationale

parler.

posé

Il

dont

n'existe

pas,

L'AFFRONTEMENT

1936

était

cadre

du

cependant

dans

les

gigantesques électorale du occasion

ou

susceptible se situaient

nécessaire

rend

ouvrière.

mouvement de

les Il

JUIN

mettre

se qui telle ten-

la préparer de la cons-

minorités

ne de

moment,

veu-

solution

est

chance

de

l'étude

de

1936 à

social en

question que leurs

minorités donc

de permis au lendemain

commencent grèves qui Front constituaient populaire

une

le

pour

DE du

rythme

lequel et avec la classe

elles

autres

doi-

Valière.

par

L'accélération

les

autour

partir aussi rapports considérer de

la

les minorités pour renverser la situation à leur profit, leurs réactions et de leur adaptation

mai

de

le

bien

entre que victoire une ce

qui aux

événements. LES

TENDANCES

AU

DÉBORDEMENT

de n'est pas question du rôle des militants

Il

cutée, ment des grèves de 36. Nous solide l'appréciation portée,

SPONTANÉ

ici

tant de fois disquestion, communiste dans le déclenche-

reprendre du Parti

la

pensons qu'on peut tenir sur le coup, par Pierre

suffisamment pour Monatte :

l'intervention Il est difficile de ne pas reconnaître des communistes du mouvement n'aient du à l'origine [...]. Qu'ils pas prévu l'ampleur c'est probable mouvement, ; mais le coup de sonde, c'est bien eux qui la nappe d'eau souterraine, le courant l'ont donné. La sonde a rencontré une de souffrance et d'espoir une issue. L'issue trouvée, qui cherchait s'est répandue partout (35). vague de grèves inattendue Que

les

militants

communistes

aient

à la grève, poussé que l'action « grève sur le tas » conformément

de immédiatement la forme pris la Gauche à une idée popularisée révolutionnaire, par le mouvement a rapidement débordé ses initiateurs.

ait

Du cette

point tendance

de au

vue

qui nous débordement

le

fait

est

est l'existence intéresse, l'important révolutionnaires que les minorités

le mouvement spontané par expliquer et syndicats partis débordés, par l'action vocatrice » des minorités révolutionnaires.

de

la

que de vont

classe

et les ouvrière, » ou « pro« irresponsable Contentons-nous de quel-

(33) Ibidem, p. 24. » : au sujet de la lettre du camarade Pivert et numéros (34) « Etiquettes la Vérité, 25 août 1935. article la Révolution 10 juillet 1936, (35) Monatte, cité, prolétarienne, p, 179, col. 1.

100

PIERRE

BROUÉ

- NICOLE

DOREY

ques points de repère : le jeudi 28 mai, alors que les usines Hotchkiss;, Renault sont occupées, les patrons Lavalette, Nieuport, exigent pour ouvrir la discussion d'abord les usines». évacuent que les grévistes Les représentants de la Fédération des métaux que les députés communistes Duclos, Bonté et Fajon accompagnent au ministère de l'Intél'évacuation. Mais les délégués des métallos rieur, acceptent protestent à la réunion qui se tient le 29 à la Bourse du Travail quand Beaccord noît Frachon transmet cette proposition (36). Malgré le premier les occupations s'étendent. Costes soulève des protestations Renault, quand il affirme que cet accord constitue un succès, et il faudra l'intervention de Benoît Frachon l'incident (37). L'assempour aplanir le 9 juin, refuse d'accepter blée des délégués, avenue Mathurin-Moreau, des accords Matignon, l'application signés le 7, « sans un rajustement des salaires » (38). Il faudra la vigoureuse intervention de préalable du P.C. s'emploient Mauice Thorez, le 11 juin, pour que les militants les grèves », ainsi qu'il le leur a demandé au nom à « faire terminer d'union du Front populaire, de la nécessité de « ne de la politique les classes moyennes de l'importance », et en fonction pas effrayer obtenus par l'accord des résultats (39). Matignon Les remous sont longs à s'apaiser : on parle couramment dans les usines des « accords Maquignon », et Eugène Hénaff avoue au co» mité central du P.C. que d' « excellents ouvriers révolutionnaires voient dans ces accords signés par Benoît Frachon la « troisième tra» (40). Jacques Chambaz résume la situation en hison de Jouhaux écrivant et provocateurs tentent de que « des éléments irresponsables et cherchent dans le mouvement à le faire s'introduire dégénérer » ; mentionnant dans une voie aventuriste les efforts des trotskystes, Chambaz affirme : C'est à l'adresse des Bureau politique précisera, n'est naire

pas une (41).

situation

ouvriers le

influencés 9 juin, pourquoi

prérévolutionnaire,

par ces éléments que le la situation en France encore moins révolution-

Maurice Thorez, dans son rapport, la nécessité souligne d'ailleurs de « réagir contre les tendances gauchistes dans le mouvement » et parle de « lutte sur deux fronts » (42). Hénaff s'en prend à certains » et de « forts en gueudélégués qu'il qualifie de « beaux parleurs le » (43). Jouhaux assure que le danger principal de Y « improvient de la masse », utilisée, dans chaque usine, par les « éléments pulsivité troubles » dont Roy pense que ce sont « moins des agents provocateurs

? n° 19, juillet (36) Que faire 1936, p. 12. ? n° 19, juillet 4 juin 1936. (37) Que faire 1936, p. 19 et l'Humanité, 10 juin 1936. (38) Le Peuple, 13 juin 1936. (39) L'Humanité, au C.C. du P.C. le 13 juin (40) André Ferrat, op. cit. « Intervention », p. Si. ici contre l'ou(41) J. Chambaz, op. cit. p. 163-164 ; l'auteur polémique de Danos et Gibelin, Juin 36 c. vrage pionnier 13 juin 1936. (42) L'Humanité, (43) Cité par Ferrat, op. cit., p. 32.

CRITIQUES

de bons que » (44). donner FORMES

DE

GAUCHE

camarades

NOUVELLES

ET

qui

OPPOSITION

attendent

D'ORGANISATION

RÉVOLUTIONNAIRE

plus

ne

qu'on

101

peut

leur

ET DE LUTTE

La

sur cette de juin-juillet fourmille d'indications presse ouvrière à la base, la volonté le de durcir et de poursuivre poussée l'action, refus de souscrire à des accords » : on les découvre jugés « insuffisants seulement en « négatif » dans les communiqués de « mise en garde » des syndicats, les « éléunions contre fédérations, départementales, ments inconnus », « louches », « provocateurs », les « surenchères — » et les « agents du fascisme ». Il est plus difficile démagogiques — du fait même que les communiqués émanent d'appareils syndicaux de déceler les tendances du mouvement à se couler dans spontané des formes de la pratique toutes nouvelles, d'organisation inspirées de la démocratie directe du système l'essence qui était précisément « soviétique » primitif. une Quelques traits cependant permettront esquisse. C'est l'initiative du comité de grève des usines Hotchkiss qui réunit une première fois les délégués de de 33, puis de 250 entreprises la région : les 350 délégués du 12 juin « jugent à la réunion présents très utile de former un comité entre les usines d'entente qui permette de former » (45). Thorez, demain de nouvelles victoires d'envisager ne sont, pas affirme aussitôt qui salue l'initiative, que « les conditions encore réunies le pouvoir » (45). Ce sont les initiades soviets pour tives de la des délégués d'atelier nouvellement élus à qui le C.C.N. C.G.T. rappellera « n'ont à l'assemblée de qu'ils pas à se substituer » souvent leurs syndicats « exagèrent dit qu'ils », et dont Dumoulin leur tâche (47). C'est enfin locaux de la C.G.T., le fait que les comités en principe en ces soient de propagande et de liaison, organismes — Daniel de véritables exécutifs Guérin du journées organes parle « soviet » des Lilas de la des syndicats (48) — au point que l'Union à aucun modevra « leur rappeler ne doivent région parisienne qu'ils » et qu' « ils devront ment se substituer aux syndicats intéressés tous'effacer devant le délégué du syndicat intéressé ou celui de jours l'Union des syndicats » (49). Il est enfin de relever des manifestations de la volonté possible ouvrière de prendre en main non seulement l'usine mais déjà occupée, de métallurgie d'usine la production elle-même. C'est un délégué qui, d' « orgaà l'assemblée du 7 juin propose, au nom de ses camarades, du travail sans le concours niser la continuation hardiment patrode chocolats de l'usine et biscuits nal » (50). Ce sont les 650 ouvriers de Marcq-en-Baroeul, de faire marcher qui décident Delespaul-Havez, et l'eau leur ayant été et qui, le courant eux-mêmes l'usine, électrique

(44) (45) (46) (47) (48) (49) (50)

rendu du C.C.N. de la C.G.T., Compte 13 juin 1936. L'Humanité, Ibidem. Le Peuple, 26 septembre 1936. D. Guérin, op. cit. p. 120-123. dans le Populaire, publié Communiqué Le Peuple, 8 juin 1936.

le Peuple,

18

juin

26

septembre

1936.

1936.

PIERRE

102

BROUÉ

- NICOLE

DOREY

les marde la ville aux nécessiteux gratuitement avant (51). Il est sil'occupation entreposées par le patron une brève sur cette initiative ait donné gnificatif que seul le Temps n'en ait pas soufflé du Front et que la presse information, populaire ouvrière ce que la Lutte craint de favoriser avait si.elle mot, comme au coeur de « solutions les plus énergiques, qui atteignent qualifiait refusés, chandises

distribuent

le

». système capitaliste Les en présence d'une situation nouvelle, réagissent minorités, et de leurs de leur de leurs en fonction antérieures, passé analyses du et dépassées sont traditions. Elles aussi, l'ampleur surprises par Pivert et Trotsky, en effet, Monatte mouvement. Au moins sur ce point : le mouvement avec Monmousseau et Frachon et Ferrat sont d'accord connu le moude juin 36 est le plus gigantesque jamais qu'ait gréviste vement

ouvrier

MONATTE

français.

ET LE « NOYAU » DE LA RÉVOLUTION

PROLÉTARIENNE

Il est avait connu et vécu les vagues de 1907 et 1919-1920. à l'avantage de 1936. Le grand : la comparaison est toute catégorique en confiance ouvrière à ses yeux, c'est que « la classe fait, -reprend Il écrit : « Par le du hasard. elle-même ». Or ce n'est pas le fruit a donné de Front le gouvernement seul fait de sa naissance, populaire d'efde six mois à la classe ouvrière espérer plus que nous n'osions : « Sans réconcilié du coup, presque forts à son abri » (52). Le voilà, de grèves n'aurait le Front la dernière pas eu populaire, explosion » (53). L'impormoins lieu. Avouons une figure inquiétante prend qu'il le rassure : tance de la vague et de ses résultats Monatte

Ne perdons pas de vue, écrit-il, le facteur décisif qu'a été le Front devant les jugements Pas de méprise de ce côté, surtout populaire. devant les condamnations que prononcent impitoyables catégoriques, un certain nombre de groupes et de sectes [...]. Nous ne devons pas nous dresser contre le gouvernement du Front ; nous ne devons populaire sur le mouverien faire qui puisse permettre, même à tort, de rejeter ment syndical la responsabilité de l'échec de cette expérience (54). « obtenir A la différence de ceux qui pensent plus », qu'on pouvait en application il se demande, de « faire entrer lui, s'il sera possible tout ce qui a été obtenu ». commenPour ce n'est donc « la révolution Monatte, qui pas de la ce » (55). On chercherait une critique vainement sous sa plume terminer une grève ». de Thorez sur la nécessité de « savoir position et au moins Il semble bien que le noyau de la R.P. soit, sur ce point dans les circonstances et la direction d'accord avec Thorez données, de la R.P., à la suite de du Front numéro Dans le même populaire. faire un l'article comment « il a fallu de Monatte, Marcel Roy narre

(51) (52) (53) (54) (55)

Le Temps, 6 juillet 1936 ; la Lutte Monatte, op. cit. p. 177, col 2. Ibidem, p. 181, col. 1. Ibidem, p. 177, col. 2. Ibidem, p. 182, col. 2.

ouvrière,

11 juillet

1936.

CRITIQUES

DE

GAUCHE

ET

RÉVOLUTIONNAIRE

OPPOSITION

103

de persuasion arriver nombre à convaincre de camarades pour travail la première représentait «que cet accord étape », et admet que l'opposition de l'assemblée des délégués d'usine a failli tout faire « échouer », « près du but », remarque-t-il sa défiance, (56). Ainsi, malgré l'équipe de la R.P. prend laire contre les

en juin du Front position, 36, avec les partis poputendances révolutionnaires au débordement, même à elle-même, elle sait se garder si, fidèle des outrances verbales qui à cette date les déclarations et les mises en garde de accompagnent Thorez ou de Gitton.

TROTSKY

ET LA FONDATION

DU P.O.I.

a écrit Trotsky de Terrorisme

au mois de mars, en guise de préface à la réédition et communisme sous le titre de Défense du terroun véritable risme, manifeste contre la politique du Front populaire (57). Il a vu dans la manifestation du Mur des Fédérés, comme dans les résultats des élections, la preuve ont voté que les électeurs pour les extrêmes et que les radicaux n'ont au désastre échappé que grâce à leur alliance avec les partis ouvriers. La majorité des électeurs communistes ont manifesté leur volonté d'aller le plus à gauche possible, leur désir d'une au prorévolutionnaire, ligne plus que l'attachement gramme

modéré résultat

premier à des états-majors radicale.

du

front.

Il

ont eu comme souligne que les élections un à direction socialiste d'imposer gouvernement à direction qui ne prévoyaient qu'un gouvernement

conteste ensuite en raison Trotsky que la grève ait été déclenchée des espoirs auraient dans le gouvernement que les ouvriers placé Blum. Il pense que c'est, au contraire, leur manque de confiance dans la force de ce gouvernement, à passer à l'action qui les a poussés pour l'aider « à la manière ». Le 9 juin, il écrit : « La révoprolétarienne lution a commencé » (58). Ce qui s'est passé, française ce ne sont pas des grèves corporatives. Ce ne sont pas des grèves. C'est la grève. C'est le rassemblement au grand jour des opprimés contre les oppresseurs, le début classique de la révolution (59). Le plus significatif, se soient lancés lui, est que les ouvriers pour dans cette sans direction, sans état-major, magnifique improvisation, sans plan ni programme : ils prennent de leur force conscience dans cette mobilisation et découvrent dans toutes les usines de spontanée, nouveaux dirigeants. Persuadé de juin sont la preuve du caractère que les grèves orgarévolutionnaire du niquement à une étape qui se déroulerait

mouvement à un niveau

et

qu'elles supérieur

ouvrent la voie avec l'apparition

de l'action des métallurgistes est (56) Marcel Roy, « De la volonté, sortie la victoire 10 juillet », la Révolution 1936, p. 183, col. 2. prolétarienne, (57) « La France a un tournant (28 mars) », in Où va la France ?, 2e éd., p. 103-108. 20 juin 1936. (58) La Lutte ouvrière, (59) Ibidem.

PIERRE

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- NICOLE

DOREY

de soviets, Trotsky n'a pas pour autant placé ses espoirs dans un dédu Front bordement immédiat des directions populaire, par la pouret du des accords Matignon suite du mouvement après le coup d'arrêt a besoin d'une discours de Thorez. Pour aller plus loin, le prolétariat savent direction se forger que si les révolutionnaires qui ne pourra les hommes du mouvement, atteindre et gagner les nouveaux dirigeants de juin 36. Une le

chose

même

première.

est caractère sera Elle

provoquée par de la politique

la du

claire

par

avance,

la

seconde

débonnaire, pacifique, presque et plus tenace mûre, plus plus des masses devant les déception Front

populaire

et

de

leur

sera

loin

printanier, car âpre,

d'avoir

le

que la elle sera

résultats pratiques offensive (60). première

comLe seul problème pour cette étape — où les masses devront mais battre non plus seulement les organisations officielles, malgré du .contre elles — est de savoir si elle se terminera par un écrasement comme les la victoire type de juin 1848 ou une demi-défaite préparant 1917. La réponse ne peut être donnée que par. les journées de juillet des révolutionnaires à construire la direction de rechange capacités dont les masses ont besoin. de Trotsky à ses caOr, sur ce point précis, toutes les allusions marades de France sont empreintes de sévérité et même de pessimisme. la vague gréviste a provoqué chez eux un sursaut. Au début Pourtant, de juin, ils ont constitué — tous ensemble — le Parti ouvrier interna» : sa protionaliste. Le nouveau « parti » ne cherche pas à « bluffer ne « signifie rien en soi ». Dans une lutte contre clamation, écrit-il, le courant, les masses inclinant vers la solution démocratique-bourelle ne constitue « première geoise du Front populaire étape qu'une très modeste ». Le P.O.I. déclare tâche doit être que sa première « la lutte pour la fusion avec les groupes et courants vers évoluant des positions plus ou moins précises de lutte de classes, même à l'intérieur » (61). des partis opportunistes — par le gouverneA peine né, le P.O.I. est frappé — le premier ment de Front populaire : les premiers numéros de la Lutte ouvrière sont saisis, ses dirigeants mi* poursuivis pour leur appel à constituer lices ouvrières et comités d'usine. LA

GAUCHE

RÉVOLUTIONNAIRE

Les événements de juin 36 semblent encore Trotsky et séparer Pivert, si proches une année auparavant. Les amis de Pivert semblent même avoir oublié la « lutte à fleuret moucheté » : à la veille de lt formation du gouvernement Blum, ils ont voté, au congrès de Huyghens de la S.F.I.O. une résolution définissant le cadre de l' « expérience Blum » comme un « exercice du pouvoir » dans le cadre du régime et de la légalité, et rejetant la conquête et, par conséquent, capitaliste l'action au-delà de cette expérience. La Gauche révorévolutionnaire,

(60) (61)

Ibidem. La Lutte

de

classes,

juin

1936.

CRITIQUES

DE

GAUCHE

ET

OPPOSITION

RÉVOLUTIONNAIRE

105

lutionnaire ainsi sa caution à ce que Daniel Guérin apporte appelle le « Front artin° 1 ». Significatif à cet égard est le célèbre populaire cle de Marceau « Tout le est possible Pivert, », dont le mot d'ordre entraînant dans le mouest celui de « Comités plus hardi populaires vement toutes les énergies sans gêner, bien au contraire, prolétariennes le développement » (62). Ce « tout est posdu Parti, ni des syndicats sible » de Pivert doit en réalité être compris au sens particulier de « tout est possible sous la direction Blum du gouvernement », l'affirmation d'une confiance n'avait une année, cessé, depuis que Trotsky de reprocher véhémentement à Pivert. Pivert va plus loin puisqu'il entre au secrétariat Or, Marceau gédu Conseil, du contrôle néral de la Présidence chargé par Blum polide Daniel de l'information. les dirigeants A l'exception Guérin, lique de la Gauche cette « mission » qui, en dérévolutionnaire acceptent va pourtant les lier, suivant de Guérin, « par un finitive, l'expression fil à la patte eux aussi, du côté du Front », et les ranger, populaire — n° 1 si l'on veut — contre » (63). les tentatives de « débordement FERRAT

ET Que

Faire

?

communiste, L'opposition intervient au Comité central nement Blum.

elle, allait sur l'attitude

se battre. du Parti

Le

25 mai, Ferrât du gouvervis-à-vis

Je ne crois pas, déclare-t-il, communiste qu'un puisse se faire : il n'est d'illusions sur le prochain gouvernement pas un gouvernement révolutionnaire. Nous savons depuis longtemps que, dans s'il la société actuelle, un gouvernement ne soit, [...], quel qu'il ne peut pas être autre chose brise pas l'appareil de l'Etat capitaliste, de la bourgeoisie (64). que le conseil d'administration estime de Blum, sous lequel Pivert que « tout gouvernement vis-à-vis est possible Ferrat un gouvernement », est pour bourgeois le Parti de conserver toute sa liberté de communiste se doit auquel à venir. Le Parti afin dé pouvoir dénoncer ses capitulations critique : « Vous n'obtiendrez communiste doit dire aux travailleurs que ce de classe » (65). que vous arracherez vous-mêmes par votre action L'Humanité fait le silence sur cette intervention, ignoqui restera rée du Parti : le danger, est grand d'une entre cependant jonction au débordement cette opposition d'un dirigeant et les tendances qui se Le 10 juin, le Bureau décide manifestent dans les grèves. politique le Comité central l'exclupour le 13, et de lui proposer de convoquer sion d'André Ferrat. Le 11, à l'assemblée d'information des militants, en passant « membre Thorez du gymnase Jean-Jaurès, indique qu'un » (l'Humanité sur la tactique du Front C.C est en désaccord populaire Duclos dresse A.la Fennot) (66). Grange-aux-Belles, erthographiera Le

p.

(62) cit. (63) (64) (65) (66)

Le Populaire, 27 mai 1936. Reproduit p. 301-304 et Lefranc op. cit. p. 450-453). Guérin, op. cit. p. 108-111. A. Ferrat, op. cit. p. 27. Ibidem, p. 28. 13 juin 1936. L'Humanité,

en

annexe

par

D.

Guérin

106

PIERRE

BROUÉ

- NICOLE

DOREY

— — un en règle, mentionnant contre Ferrat qui est présent réquisitoire à la tactique allemande de PI.C, son hostilité à la déson opposition claration de Staline, à la politique en général. du Front populaire Ferrât demande la parole Le service d'ordre l'emqui lui est refusée. et le retient la fin de la réunion. derrière la tribune poigne jusqu'à L'incident a provoqué et remous (67). stupeur Le 12, l' Humanité les directives du C.C., contient égaqui publie à lement un communiqué du 5 juin du syndicat des Métaux appelant des grèves contre le patronat obstiné. Dans la journée, la poursuite un communiqué de l'Humanité annonce le renvoi du « coupable », le communiqué des Métaux, a « facilité les Raveau, qui, en insérant » (68). manoeuvres des exploiteurs de la classe ouvrière Paris-soir, décision du écrit, responsables que « l'énergique prise par les chefs Parti communiste vis-à-vis d'un des leurs » facilite la reprise des « dans une atmosphère et plus sûre. » (69). pourparlers plus sereine » vient C'est le 13 juin Ferrat devant le également que l'affaire » s'explique et Comité central. L' « accusé sur ses désaccords passés ses griefs contre l'attitude actuelle de la direction. « Les dirigeants du entrent en conflit contre de la Parti, déclare-t-il, [...] l'avant-gardé » La politique » du gouverclasse ouvrière. de « soutien sans éclipse nement « pousse en fait le Parti à collaborer avec la bourgeoisie Blum, » (70). freiner et briser le mouvement du prolétariat pour gréviste Son propre vérité aux

cas

illustre le parti de la direction de dissimuler la pris son refus de laisser s'ouvrir une discussion militants, politiles résolutions sur l'organisation des partis commit-. que. Invoquant nistes en 1921 par le 3e congrès de l'Internationale commuadoptées : niste, il s'écrie Le principe anticommuniste qui consiste à exiger sous peine d'exclusion la confiance absolue dans une direction infailliprétendument ble a remplacé le principe du centralisme (71). démocratique Le Comité Ferrat est une

considérant soutenue central, par que la ligne politique « conception forme aventurière de la plate », « relevant de son sein à l'unanimité », l'exclut (72). trotskyste ? Ferrât va dès lors le groupe ouvertement rejoindre Que Faire Dans la revue c'est Kagan, de Pierre Lenoi", qui, sous le pseudonyme commente le mouvement « Les comités de grève et les délégréviste. ce sont les germes dès organisations d'usine, gués soviétiques ., écrit-il.

(67) Que faire ? n° 19, juillet 1936, p. 30-31. et le Populaire du du C.C. du P.C. dans l'Humanité (68) Communiqué de la vie sociale ». Après 13 juin 1936. Raveau était « rédacteur responsable — c'est peut-être un hasard — il n'y a plus de comptes son remplacement toutes des résolutions, rendus des assemblées de délégués, mais seulement dans la ligne. Notons également que c'est dans le même numéro de l'Humir de délégués de grévistes nité que parait le compte rendu de la réunion organisée par le comité de grève de Hotchkiss, dont il ne sera jamais plus question. 13 juin 1936. (69) Paris-soir, au C.C. du P.C. le 13 juin », p. 31. (70) A. Ferrat, op. cit. « Intervention (71) Ibidem, p. 37 7 juillet 1936. (72) L'Humanité,

CRITIQUES

DE GAUCHE

Quand, le 10 juin de la région parisienne, suivre, qu'est-ce d'autre Pour ce

l'opposition

ET OPPOSITION

RÉVOLUTIONNAIRE

107

à Paris, 587 délégués, représentant 243 usines se sont réunis pour décider de la conduite à que le germe d'un soviet ?

communiste,

il

« suffirait

» donc

de développer

germe. Il

suffit

de rendre ces réunions régulières, de constituer un bureau il suffit compermanent, que les délégués et ceux qu'ils représentent la portée immense des institions viennent de créer prennent qu'ils pour que ce soviet en puissance devienne un véritable organe de lutte contre le pouvoir, un élément du futur ouvrier révolutionpouvoir naire (73). des déces circonstances, « en face de la décision unanime la victoire de continuer la grève jusqu'à entière, légués métallurgistes de faire ne peut être a eu le triste courage la déclaration que Thorez autrement des patrons » (74). acte en faveur qualifiée qu'un Pourtant ? ne va pas modifier sa ligne de « redresseQue Faire » du P.C. et du Front ment Lenoir continue à distinguer populaire. entre le « Front du gouvernement Blum, qui populaire légal », autour selon lui à sauver en canalisant l'élan cherche la société bourgeoise révolutionnaire des masses, et le « front réel », les masses populaire en lutte pour le pain, la paix, la liberté, entre qui seules ont l'issue leurs mains... (75). Dans

PREMIER

BILAN

communiste a frappé Il est incontestable du Parti que la direction en Ferrat le germe d'une révolutionnaire ou, si l'on opposition pré« direction de rechange » qui aurait la tête fère, d'une pu prendre des mouvements de débordement. Est-ce seulement parce que les opposants conscients au P.C., avaient de détermination n'en plus que avaient ceux du Parti socialiste ? Il est permis d'en douter. A la conférence du P.C. en juillet, Maurice Thorez là vigueur du cousouligne » lorsque, : rant « gauchiste des nouveaux il s'écrie adhérents, parlant « Ils pensent « les soviets mot d'ordre de propagande parque notre tout » peut et doit être réalisé tout de suite » (76). Le phénomène, à vrai dire, est général. Au C.C.N. de la C.G.T., Marcel Roy fait la même à propos » à la de ceux qu'il les « nouveaux venus analyse appelle C.G.T. : « Ils attendent fasse sauter du Rassemblement populaire qu'il les cadres du régime alors qu'en réalité tout n'est pas possicapitaliste, ble » (77). Il est incontestable que les jeunes hommes qui se sont révélés les chefs, improvisés des grèves de juin 36 dans les ensouvent, ont rallié le Parti communiste en lui treprises, parce qu'ils voyaient un parti : le danger révolutionnaire de débordement a été, pour cette « La classe ouvrière (73) Pierre Lenoir, Que faire ? n° 19, juillet 1936, p. 6. (74) Ibidem, p. 8. (75) Ibidem, p. 10. 12 juillet 1936. (76) L'Humanité, (77) Le Peuple, 26 septembre 1936.

est

entrée

en

mouvement

108

PIERRE

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communiste Et il est très raison, plus aigu au Parti qu'à la S.F.I.O. vraisemblable de lettres par Ferrât que les centaines reçues après son exclusion ne reflètent ce heurt entre la polique très imparfaitement du P.C. et les couches de jeunes travailleurs dont finalement tique aucun ne connaissait à même lie Ferrât et ne se trouvait d'apprécier sens et la portée de son opposition, puis de son exclusion. Il reste que l' « affaire Ferrât de la vague, a été sans », au sommet lendemains. La classe ouvrière « L'ems'est grisée de sa propre force. thousiasme des grandes foules rascommunicatif qui grise au milieu semblées au faîte d'une immense [...] par le Front populaire vague d'enthousiasme l'admettait à la conférence na», comme déjà Ferrat tionale du P.C. en juillet et tro»p les voix discordantes (78), étouffe » L'été 1936 est celui des premiers « congés payés grêles des minorités. avec la joie de les avoir Il est aussi que les travailleurs goûtent conquis. celui du début de la guerre d'où surgira le conflit entre la d'Espagne « révolution » et la « guerre » qui prendra l'allure pour beaucoup » et « réalisme » révolutionnaires.. d'un conflit entre «.romantisme Tl est enfin celui du début de l'extermination de la vieille garde bolcheau premier de Moscou, Procès direct à l'optimisme ouvique, coup à la confiance naïve et à l'enthousiasme avaient vrier, qui précisément caractérisé à le mouvement de juin 36 et favorisé ses tendances déborder le cadre fixé par les partis du Front populaire. LENDEMAINS

DE VICTOIRE

: PREMIÈRES DÉFAITES

En

dès l'arrêt des grèves, au moment même où la Chambre fait, » qui consacraient votait les « lois sociales la victoire comouvrière, la remise en question des avantages l'érosion, mençait conquis qui était le fait du patronat, l'usure du moral ouvrier des direcqui était celui tions des partis et syndicats. Le 7 juillet, le sénateur Bienvenu-Martin demande « si le radical ». tolérera de nouvelles d'usines et de fermes gouvernement occupations Le socialiste : ministre de l'intérieur, Salengro, répond Je répète que le gouvernement est résolu à assurer l'ordre public, et si demain des occupations de magasins, de bureaux, d'usines, de fermes, étaient tentées, le gouvernement, par tous les moyens appropriés, entend y mettre un terme (79). communiste de protester n'omettent Certes, ni la C.G.T., ni le Parti à l'avenir la force pour contre cette menace à peine voilée d'employer Les uns et les autres sont néanmoins faire évacuer les usines occupées. ». « plus nécessaires d'accord pour éviter des occupations qu'ils ne jugent il de la CG.T. Jouhaux l'avis unanime des dirigeants quand exprime : déclare d'usines ne doit pas être poursuivie en raison de Si l'occupation des angoisses qu'elle fait la peur qu'elle créé dans l'opinion publique,

à la conférence (78) Ferrat, op. cit. « Intervention le 11 juillet 1936 », p. 13. du 8 juillet 1936. (79) Publié dans les quotidiens

nationale

du

P.C.,

CRITIQUES

DE GAUCHE

ET OPPOSITION

RÉVOLUTIONNAIRE

109

de désagrégation naître, des possibilités en elle, qu'elle peut comporter si l'usine ne doit plus être occupée, l'usine doit être « neutralisée » en cas de grève, c'est-à-dire de travailleurs s'est lorsqu'une majorité et que ces revendications n'ont pas prononcée pour des revendications obtenu satisfaction et qu'il s'ensuit un mouvement de grève, l'usine doit être fermée (80). Ce que

confirme

Benoît

Frachon

:

Nous

leur disons avec franchise de l'agitation que le prolongement de la continuation de l'occupation les desservides usines gréviste, rait des usines n'est pas la seule forme de grève [...]. L'occupation et la grève n'est pas le seul moyen pour obtenir satisfaction (81). ou là, des grèves avec occupation des usines. Dans éclatent, le Nord, là grève des textiles de Lille et des envic'est, le 9 septembre, rons le refus contre du patronat les salaires: 33.000 oud'augmenter vriers et ouvrières 113 entreprises. se rend, occupent Roger Sàlengro, le 14, à une assemblée de délégués des grévistes et les conjure d'évacuer s'ils ne veulent la chute du pas, par leur obstination, provoquer Or,

ici

Un délégué lui rappelle un discours récent dans lequel gouvernement. affirmé il avait à renverser le gouvernement, c'est que « si On venait la rue et tous les travailleurs ». Les dirigeants comqui se dresseraient munistes Marthe Desrumeaux et Bourneton leurs joignent adjurations à. celles de Sàlengro. Les délégués votent contre l'évacuation, pourtant de dernière heure obtient un moyen terme : évacuer, une intervention à réoccuper, si le patronat ne cédait quitte pas. Cette fois, l'évacuation est décidée, de justesse. Le lendemain, les patrons refusent tout compromis ; les grévistes de réoccuper décident (82). Au même moment, recommence à Paris. Le 8 septembre, l'agitation c'est un débrayage d'une heure à la chocolaterie Suchard (83), une et confiseurs grève d'une heure des chocolatiers contre l'interruption brutale par le patronat de négociations deux mois sur qui durent depuis le contrat collectif à la suite du licenciement (84). Le 14 septembre de 20 dessinateurs, les 1.200 ouvriers de l'usine Sautter-Harlé occuun comité de grève, pent l'entreprise hissent sur les (85). Ils élisent bâtiments le drapeau des initiales de la C.G.T. rouge (86). frappé de chocolaterie jours plus tard, onze entreprises sont en grève, Quelques dont celle de la rue des Gourmets, dans le XV, 150 qui emploie ouvriers : le comité (87). Cette fois, c'est l'impasse de grève de Sautterde la chocolaterie Harlé, des Gourmets, ne veut pas plus que celui entendre raison : l'occupation se poursuit. Le 9, la police, de après sévères fait évacuer la chocolaterie : le député communiste bagarres, Michels,

présent,

proteste,

mais

aucune

action

de

solidarité

1936. (80) Le Peuple, 26 septembre 13 juillet 1936. (81) L'Humanité, 19 septembre 1936. (82) La Lutte ouvrière, 9 septembre 1936. (83) L'Humanité, 10 septembre 1936. (84) L'Humanité, 15 septembre 1936. (85) L'Humanité, de Lazarévitch) (86) Reportage de L. Nicolas (pseudonyme lution prolétarienne du 10 octobre 1936, p. 309-310. (87) L'Humanité, 22, 23, 24 septembre 1936.

dans

ne

sera

la Révo-

110

PIERRE

BROUÉ

- NICOLE

DOREY

communiste s'adresse (88). Le 16, le député entreprise Georges Cogniot à une assemblée de Suchard des grévistes et les convainc d'évacuer (89). de Sautter-Harlé, contre Quant aux grévistes qui, à la suite de l'attaque la chocolaterie des Gourmets, ont mis l'usine en état de défense, ils sont au nom de la défense YHumanfié nationale, et, selon réquisitionnés « de bonne ouvrière « la rage au coeur », grâce » (90), selon la Lutte le travail sans avoir obtenu la garantie reprennent que la direction reviendrait sur les licenciements contre ils avaient lesquels de la C.G.T. déclare, en (91). Le bureau grève de 32 jours du point de vue de l'intérêt du pays » : général

soutenu une « se plaçant

Il est indéniable inévitables entre organisations que les divergences et patronales ouvrières ne pourront dans la période trouver présente leur solution en évitant les à-coups des arrêts de travail, grève ou lockout et l'occupation et des usines que par une procédure de discussion de solutions à tous des garanties et de sécuapportant d'impartialité rité. C'est pratiquer la véritable démocratie sur le même que mettre et droit de propriété et vouloir plan droit du travail que l'un et l'autre trouvent de justice sociale leur sauvegarde par des solutions (92). Benoit Frachon, sien des métaux dit

s'adressant :

aux

savons que les efforts ché que de nombreux différends demandons de faire plus encore. et impatience quand les injures faut garder la tête froide et ne Nous

et,

élèves

de l'école

du

syndicat

pari-

des militants ont empêsyndicalistes se transforment en grèves. Nous vous Je sais qu'il est dur de maîtriser son les parjures se multiplient. Mais il pas céder aux provocations

loin,

plus

Nous bien

vous

compris

le disons franchement réclame n'y ait qu'il

: dans plus

le présent, votre d'usines d'occupation

intérêt (93).

les patrons de Suchard font encadrer les travailleurs Quand par des surveillants la direction de Sautter-Harlé maintient armés, quand non seulement les licenciements mais licencie 69 ouvriers de prévus, le député a beau rappeler à l'arbitre a lui-même plus, Cogniot qu'il l'évacuation obtenu volontaire les décisions sont (94) de l'entreprise, maintenues : il semble bien que les partis du Front et les direcpopulaire tions syndicales aient obtenu qu'il en soit fini avec l' « abus des grèves » que Dumoulin savoir si tout taire du P.C.

(88) (89) (90) (91) (la Lutte (92) (93) (94) le conflit,

au C.C.N. de septembre. La question est ce déplorait s'est passé, comme le souhaitait ancien secréSémard, et dirigeant de la Fédération il des Cheminots, quand

12 octobre 1936. L'Humanité, 30 octobre 1936. L'Humanité, 10 octobre 1936, sous la signature de Ch. Doucet, L'Humanité, Au mois de novembre, 110 ouvriers et techniciens sont licenciés 14 novembre ouvrière, 1936). du bureau de la C.G.T., l'Humanité, 17 octobre 1936. Communiqué Extraits de cette conférence dans l'Humanité, 21 octobre 1936. Lettre de Cogniot au conseiller d'Etat Cahen-Salvador qui a arbitré 30 octobre 1936. l'Humanité,

CRITIQUES

DE GAUCHE

ET OPPOSITION

RÉVOLUTIONNAIRE

111

: « Cette masse, il faut la discipliner affirmait sans la contraindre et s*ans qu'elle ait l'impression ses intérêts » (95). qu'on trahit Le Nord, une fois encore relaie la région parisienne. Le 18 novem2.500 métallos à Fives-Lille bre, contre le licenciement débrayent Emile Meyer que la Lutte ouvrière d'un délégué, le chaudronnier qualifie de « militant révolutionnaire » (96). Le mouvement s'étend. Dormoy, de l'Intérieur, demande aux ouvriers Blum d'évacuer. nouveau ministre leur demande par télégramme « de s'incliner ». Les par patriotisme font des démarches la promesse responsables syndicaux pour obtenir » qui leur permettrait de faire accepter l'évacuad'une « neutralisation tion. Le 20, se tient à Valenciennes une réunion houleuse de délégués : le député communiste Musmeaux appuie les secrétaires syndicaux qui combattent Le 30, le syndicat des métaux se décide à l'élargissement. coiffer la grève : il réclame immédiate des quarante l'application de 15 % des salaires, un aménagement de heures, une augmentation la convention collective 15.000 grévistes et R. (97). Il y a désormais de la Fédération des Métaux écrit : « Ouvriers sidéSemât, secrétaire en constante rurgistes, pas de mouvements sauvages, soyez disciplinés liaison avec votre fédération » (98). Devant les grévistes de Maubeuge, Benoît Frachon tient un langage plus mâle : « Nous sommes capables d'obtenir en lutte l'aide efficace d'autres fracpour aider les ouvriers tions de la classe ouvrière » (99). C'est précisément ce que les grévistes demandent et que la C.G.T. refuse. L'Humanité, en caractères gras, des métaux parisiens démentant publie le 25 décembre un communiqué l'imminence d'une grève générale de la métallurgie : « provocation contre laquelle les métallurgistes et leurs organisations s'élèvent avec inet syndicats ont mis au dignation » (100). Entre-temps, gouvernement de l'arbitrage « rendu nécessaire, dit Joupoint la procédure obligatoire et tentant haux, par la manoeuvre de la C.G.P.F. rompant les pourparlers de jeter la classe ouvrière dans un mouvement » (101). inconsidéré I