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French Pages 106 [120] Year 1970
CAHIERS MATHÉMATIQUES
III
ÉCOLE
PRATIQUE
SIXIÈME
SECTION :
DES
HAUTES
SCIENCES
ÉTUDES - SORBONNE
ÉCONOMIQUES
ET
SOCIALES
MATHÉMATIQUES ET SCIENCES DE L'HOMME
XIII
1970 ÉDITIONS
GAUTHIER-VILLARS
55, quai des Grands-Augustins Paris - VI*
CAHIERS MATHÉMATIQUES
III
Morceaux choisis d'algèbre et de combinatoire pour les Sciences Humaines
1970 ÉDITIONS
MOUTON
7, rue Dupuytren Paris - VI e
LE N U M É R O III DES C A H I E R S
MATHÉMATIQUES
EST U N E RÉÉDITION D ' A R T I C L E S
LA REVUE Mathématiques Humaines
©
PARUS
et
DANS
Sciences
N° 3 A 15, DE 1963 A 1966
Éditions Gauthier-Viliars Editions Mouton et Cie Ecole Pratique des Hautes 1970
Études
Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est interdite. La copie ou reproduction, par quelque procédé que ce soit : photographie, microfilm, bande magnétique, disque ou autre, constitue une contrefaçon possible des peines prévues par la loi du 11 mars 19S7 sur la protection des droits d'auteurs.
Avertissement
Ce fascicule des Cahiers Mathématiques regroupe des articles publiés dans des numéros épuisés, mais souvent demandés, de la revue Mathématiques et Sciences Humaines. Le choix a été opéré de façon à fournir au lecteur un ensemble d'exercices, ou de thèmes d'exercices, dans ce que certains nomment les Mathématiques finies: Combinatoire, structures algébriques finies ou de type fini. Certains de ces textes ont servi à élaborer des émissions télévisées de la série « Chantiers Mathématiques » ; d'autres correspondent à des enseignements donnés à des étudiants débutants, en particulier dans les établissements dont la « dominante » est en Sciences Humaines. Ce recueil s'adresse d'abord à l'étudiant ; la plupart des textes sont suffisamment élémentaires pour être abordés même par le débutant. Pour l'enseignant, il fournit surtout des exemples à partir desquels celui-ci pourra imaginer des variations, des exercices de même style. Enfin, les quelques textes abordant des aspects peu connus de la Combinatoire, s'ils sont d'une lecture plus difficile, peuvent être l'occasion de travaux permettant de faire avancer les domaines concernés. Pour chaque article, on s'est efforcé de fournir quelques éléments de bibliographie ; on a d'autre part indiqué la référence exacte de la publication originale; les quelques notes complémentaires ajoutées lors de la présente réédition sont indiquées comme telles. Au début du livre, un index groupe les principaux termes mathématiques utilisés dans l'ouvrage et les pages concernées. Le chiffre en italique indique la page comportant la définition du mot correspondant.
Table des matières (*)
Avertissement Index G. Th. GUILBAUD. Présentation de quelques monoïdes. M. S. H., n° 7, 1964 M. BARBUT. Un exercice sur la génération des structures algébriques. M. S. H., n° 7, 1964 J. GARDELLE. A propos des « cadences ». M. S. H., n° 8, 1964 Cadences, M. S. H., n° 9, 1964 M. P. SCHUTZENBERGER . Sur les contraintes définissant certains modèles formels de langage. M. S. H., n° 4, 1963 G. Th. GUILBAUD. Un exercice sur les permutations. M. S. H., n° 2-3, 1963, complété en 1968. M. BARBUT. Un exercice de combinatoire. Des mots circulaires et équilibrés. M. S. H., n° 14, 1966 ; n° 17, 1967, complété en 1968. P. ROSENSTIEHL. Quelques exercices à traiter sur simpl'exes. M. S. H., n° 9, 1964 Serrures et circuits hamiltoniens. M. S. H., n° 10,1965. . . . Le problème du « commis voyageur ». M. S. H., n° 11, 1965 . . M. BARBUT. Morphismes d'algèbre de Boole. Vocabulaire et quelques exercices. M. S. H., n° 12, 1965 G. KREWERAS. Une dualité élémentaire souvent utile dans les problèmes combinatoires. M. S. H., n° 3, 1963 G. Th. GUILBAUD. Un exercice de logique formelle. M. S. H., n° 15, 1966 Un exercice de calcul logique. Chez les Indiens des prairies. M. S. H., n° 15, 1966
(*) M. S. H. : Mathématiques et Sciences Humaines.
v ix 1 11 29 31 41 49 63 69 73 77 81 87 99 103
Index
absorption, 15, 17. algèbre de Boole, 81. application, 87. associativité, 2. automorphisme, 20. binaire (numération), 73. bijection, 88. cadence, 29, 49. cardinal, 1, 5. Cayley (table de), 3. chaîne, 50. circuit hamiltonien, 73. commutativité, 4. compatibilité (entre relation et structure), 14. composition (de fonctions), 19. demi-treillis, 23. échange des moyens, 26. endomorphisme, 17. équivalence (relation d'), 6. générateurs, 2, 12, 25. grammaire, 41. groupe, 42. homomorphisme, 7, 25, 42, 46, 71, 81 idéal (d'une algèbre de Boole), 84. idempotence, 12.
infimum, 23. injection, 88. intersection, 43. involutif (élément), 4. Klein (groupe de), 20. langage C. F., 43. monoïde, 2, 41. morphisme, 81. mots en miroir, 43, 47. neutre (élément), 2, 3, 16. partition, 89. Pascal (triangle de), 91. préordre, 27, 96. produit direct, 9, 18, 72. projection, 19. Pythagore (table de), 3, 13. quotient, 9, 14, 17, 83, 85, 89. réflexivité, 89. simplexe, g2, g3. g4, etc. Si l'on admet que tous les éléments de cette suite sont distincts, on obtient alors un monoïde libre : il s'agit tout simplement de la suite des entiers naturels et du mécanisme de l'addition.
3
PRÉSENTATION DE QUELQUES MONOIDES FINIS
Mais on peut construire aussi des monoïdes non libres en imposant quelques égalités. Voici deux exemples: 1° g3 = #2> '1 e n résulte g4 = g3 (en « multipliant » par g) d'où (transitivité de l'égalité) : g4 = g1, d'où de la même façon g5 = g3 = g2 et ainsi de suite. Ce qui montre qu'alors notre monoïde ne comporte que deux éléments (outre le vide) g et g2 = g3 = g4 = etc. que nous noterons h. Pour apprendre les règles de calcul dans ce monoïde, il suffit de retenir que g*g = h*g = g*h = h*h = h ou bien sous forme de table (dite de Cayley, ou parfois de Pythagore): g
*
g h
h
h
h
h
h
ou encore donner des noms imagés : g = « singulier » h = « pluriel ». 2° g3 = g ; comme dans le précédent exemple, il est facile d'en déduire d'autres égalités : g 4 = g2, g5 = g3 = g, etc. Ici encore deux éléments distincts seulement g = g3 = g5 = g7 = • • • (impair) e = g2 = g4 = g6 = ... (pair) et la loi de composition sous la forme de table : *
g e
g
e
e
g e
g
pair
pair
pair
pair
impair
impair
impair
pair
*
ou si l'on préfère
L'élément e (pair) est neutre car les composés : e*x
ou
x* e
sont toujours identiques à x, quel que soit l'élément x. L'élément g (impair) est dit involutif (ou encore : de périodicité égale à deux) parce que le composé par répétition : donne l'élément neutre.
g*g
4
G. T H . GUILBAUD
Il sera facile (exercice recommandé au lecteur) d'étudier par des méthodes toutes semblables, les trois petits monoïdes engendrés par g, seul générateur, et définis respectivement par : 4 1° g = g 2° g4 = g2 3° g4 = g3. On pourra aussi s'exercer aux cas (plus difficiles) de deux générateurs. 4. Un monoïde est commutatif
si:
x *y = y *x pour tous les couples (x, y) de E. L'ordre dans lequel on effectue l'opération * sur x et y est donc indifférent. On démontre que dans un monoïde commutatif on peut modifier l'ordre des éléments dans la formule X! » x2 * ... * x„ sans que change l'élément qu'elle désigne. Un élément x est dit involutif si l'on a : x # x = e (neutre). Autrement dit, la composition de x à lui-même équivaut à rien. Notons que l'élément neutre est toujours involutif. Prop. 1 : un monoïde dont tous les éléments sont involutifs est nécessairement commutatif. En effet x* y étant un élément de E, il est involutif, et l'on peut écrire : (x * y) * (x * y) = e
(1)
Multiplions l'égalité (1) par y à droite. On a : (x * y) * (x * y) * y = e * y. S01t
(x * y) * x * ( * y) = y
(associativité de »)
e d'où
(x * y) * x = y.
(2)
Multiplions (2) à droite par x : (x * y) * (x * x) = y * x e soit x*y — y * x, quels que soient x et y. Désormais nous utiliserons, pour les monoïdes commutatifs et involutifs que nous voulons étudier, la notation + au lieu de * (comme il est de tradition) et 0 (zéro) au lieu de e. Ainsi x*x = e s'écrira : x + x = 0. Dans tout ce qui suit on se bornera aux monoïdes finis.
5
PRÉSENTATION DE QUELQUES MONOIDES FINIS
5. Nous allons étudier les monoïdes du type qu'on vient de définir (commutatifs, involutifs) et qui sont engendrés par des familles finies (les monoïdes en question l'étant aussi) de générateurs. On verra que le cardinal de G (nombre de ses éléments) détermine complètement E. card G = 1 : G = {0}. Le monoïde E t engendré ne contient que le zéro. C o m m e 0 + 0 = 0, on a bien un monoïde. card G = 2 :G = {0, a }. Le monoïde engendré E 2 contient 0 et a. De plus (0 + a = a ). C'est évident pour 0 = 0 + 0, a = a + 0, b = 0 + b, mais encore pour c = a + b. On dit que E 4 est somme directe de E 2 (a) et E 2 (b) ce que l'on note parfois E 4 = E2 0 E2. Généralisation : On montre que tout monoïde involutif fini E possède 2" éléments (n étant le nombre des générateurs). Ce monoïde est le produit direct de n monoïdes-quotients isomorphes à E 2 et en même temps somme directe de n sous-monoïdes isomorphes à E 2 . Remarque : Le lecteur connaissant la théorie des groupes finis n'aura pas manqué de s'apercevoir que les monoïdes étudiés sont des groupes abéliens (de caractéristique 2) ce qui explique leur structure comme somme ou produits directs. Bibliographie G. PAPY. Groupoïdes. Paris, P. U. F., 1955. Groupes. Paris, Dunod, 1961.
M. BARBUT
Un exercice sur la génération des structures algébriques
L'exercice proposé ici peut sembler un jeu gratuit. En fait, son seul intérêt est de donner un exemple de la richesse des procédés dont l'algèbre dispose pour construire des structures variées, et que l'on retrouve effectivement dans toute étude même sommaire d'une structure algébrique. A partir d'une certaine structure algébrique, on en fabrique d'autres par : passage au quotient au moyen de relations d'équivalence (§ I, II, III), produits directs (§ IV), construction de l'anneau des endomorphismes (§ V et VI), introduction de relations supplémentaires (§ VI). Ici, j'ai choisi de prendre au départ un monoïde pour plusieurs raisons : d'abord, c'est une façon, qui complète celle adoptée dans l'article précédant celui-ci, d'attirer l'attention sur l'importance de cette structure en mathématiques ; dans le même esprit, j'ai supposé certains éléments du monoïde étudié idempotents. En effet, dès qu'une opération est associative, des expressions telles que : x 3 = (x2)x = x(x2), x 4 , etc. ont un sens. On peut alors faire deux grandes classes d'hypothèses: ou bien la répétition d'un même élément efface cet élément : x2 = 0, et c'est le cas « involutif » traité dans l'article de Eytan et Guilbaud ; ou bien la répétition ne crée pas d'élément nouveau :x2 = x, c'est le cas idempotent. L'autre raison qui m'a conduit à choisir de présenter cet exercice à propos d'un monoïde est que, cette structure étant moins familière à la plupart des étudiants que les structures numériques par exemple, le dépayseNote : Je remercie G.-Th. GUILBAUD et A. REVUZ p o u r les suggestions qu'ils m'ont fournies à propos de cet exercice.
12
M. BARBUT
ment qui en résultera leur permettra peut-être de mieux prendre conscience de ce qu'ils font constamment en algèbre. Une façon utile de compléter cet exercice serait par conséquent d'en reprendre les étapes principales à partir du groupe additif des entiers, ou de telle autre structure familière. I. — Le monoide à deux générateurs idempotents Soient deux lettres a et b; on considère le monoïde (*) engendré par ces deux lettres, compte tenu des conditions : aa = a2 = a
bb = b2 = b.
On constitue ainsi des mots tels que aba, babab, qui sont les éléments du monoïde ; mais un mot tel que aababbaa se réduit, en raison des conditions imposées, à : ababa. Ainsi, les éléments du monoïde étudié sont toutes les suites alternées formées avec deux signes (a et b ici), un même signe n'étant jamais répété deux fois de suite. Si l'on classe les mots par longueurs (nombre de lettres qu'ils comportent) successives, on obtient le tableau : Longueur 1 2 3 4 5
Mots a ab aba abab ababa
b ba bab baba babab
On remarque : pour chaque longueur, deux mots seulement, conjugués l'un de l'autre (remplacement a «-> b). Réalisation possible : dans des tirages à pile ou face, on ne s'intéresse qu'aux changements d'état, et on oublie le nombre de coups passés dans un même état ; une série telle que : PPFFFPFPPF
sera resumee en :
P F P F P F. (*) O u semi-groupe, p a r f o i s d e m i - g r o u p e : angl., s e m i - g r o u p ; ail., H a l b g r u p p e ; russe, système associatif, ou polou g r o u p p (demi-groupe). O n t r o u v e r a la définition générale d ' u n m o n o ï d e d a n s l'article de
GUILBAUD et
EYTAN,
p.
1.
EXERCICE SUR LA GÉNÉRATION DES STRUCTURES ALGÉBRIQUES
13
II. — Table de Pythagore du monoide L'opération entre les mots dont on vient de donner la liste est la juxtaposition; exemple: = ababa2ba
(ababa)(aba)
=
abababa.
C'est cette opération qui donne à l'ensemble de ces mots une structure de monoïde. Désignons par a(n) le mot de longueur n commençant par a, b(ri) son conjugué (mot de longueur n commençant par b). Nous obtenons la table : Second mot
r premier mot
«(i) MD a( 2) K 2) a(3) b{ 3) a( 4)
. m
a( 1)
¿(1)
fl
(2)
6(2)
*(3)
6(3)
a(4)
6(4)
a(l) 6(2) a(3) 0(2) a( 3) 6(4) a( 5) b{ 4)
a( 2) b(l) a( 2) M3) a(4) ¿(3) a(4) fc(5)
«(2) 6(3) a(4) 6(3) a(4) 6(5) a(6) 6(5)
a(3) 6(2) a(3) 6(4) a(5) 6(4) a(5) 6(6)
a(3) 6(4) 45) 6(4) a(5) 6(6) a(7) 6(6)
a(4) 6(3) a( 4) 6(5) a(6)
a(4) 6(5) ( / : S -> S
et
Vx, VyeS, f(xy) = f x f y )
Étudier les endomorphismes de S, c'est d'abord compléter l'étude de sa structure que nous a révélée le treillis de ses sous-monoïdes par la construction de toutes les façons possibles d'obtenir ces images de lui-même que sont précisément ses sous-monoïdes ; comme ici le système S étudié est petit, faire la liste complète de tous ses endomorphismes (on en trouvera 16) n'est pas insurmontable. D'autre part, faire la liste est insuffisant, car deux endomorphismes / et g de S étant trouvés, il est clair que le composé de / et g : gf (f suivi de g : V x e S ,gf(x) = g{fx)) S
9f est encore un endomorphisme : gf(xy) = g[f(xy)] = glfxfy] =
gf(x)gf(y).
Il y a donc des relations entre endomorphismes, relations du type: h = gf
dont on veut la liste ; cette liste, elle est donnée par la table des 16 endomorphismes selon la loi de composition « f suivi de g » qui munit End (S) (et, d'une façon générale, l'ensemble des endomorphismes d'une structure
20
M.
BARBUT
algébrique quelconque) d'une structure de monoïde, puisque cette loi est associative. C'est ce que nous allons faire dans ce paragraphe ; à partir de maintenant un changement de notations est commode pour désigner les éléments de S. Celles qui ont été utilisées jusqu'ici étaient parlantes pour révéler ce que nous avons vu de sa structure : les sous-monoldes, les quotients, les produits directs; elles alourdiraient inutilement les écritures dans ce qui suit. N o u s posons : AB = P BA = P ' AA = I BB = I' 1. Cherchons d'abord les automorphismes (endomorphismes bijectifs) de S. Outre la transformation identique J, il y a évidemment parmi eux les permutations laissant invariants les sous-monoïdes de S. P
P =
ba,
I -> aba,
Y -* bab.
Exercices supplémentaires : 1. Montrer que pour un monoïde à deux générateurs, l'idempotence entraîne la condition d'échange des moyens. 2. Prouver que si un système binaire possède un élément neutre, et s'il satisfait à la condition d'échange des moyens, il est commutatif et associatif. 3. Trouver des systèmes binaires ne satisfaisant pas à cette condition.
EXERCICE SUR LA GÉNÉRATION DES STRUCTURES ALGÉBRIQUES
27
4. Dans le monoïde, idempotent à 2 générateurs, on pose : x > y xy = x
> est un préordre (réflexif, transitif) ; on a : Vx, Vy, xy > y
yx
^ x;
et : (z ^ x
et
z ^ y)
(z ^ xy
et
z^
yx)
Construire le graphique du préordre et étudier de même le préordre conjugué > : x ^ y o yx = x 5. A quoi le monoïde idempotent à deux générateurs a et b se réduit-il si l'on suppose en outre : ab =
bal
6. Considérer le treillis des sous-monoïdes de S (premier du § III) et construire toutes les structures algébriques ayant minimum d'éléments admettant ce treillis comme treillis de structures. On observera en particulier qu'elles ne sont pas morphes entre elles.
diagramme un nombre leurs soustoutes iso-
Bibliographie M. SUZUKI. Structure Springer, 1956.
of a group and the structure
of its lattice of subgroups.
Berlin,
J. GARDELLE
A propos des « cadences » Considérons un alphabet à deux symboles : a, b. On dira que le mot aabaabba
(1)
comporte une cadence d'ordre 3, en ce sens qu'on y trouve un même symbole (a, en l'occurrence) à trois places équidistantes, la 2e, la 5 e et la 8 e : aabaabba . a . . a .
.a.
On dira que la cadence est de « pas » 2, car il existe deux symboles entre les éléments successifs de la cadence. Cet autre mot, de huit lettres également, abbaabba
(2)
ne comporte aucune cadence d'ordre 3, mais on constatera sans peine qu'on ne saurait lui adjoindre une lettre sans faire apparaître une telle cadence. Il n'existe pas, dans l'alphabet à deux symboles, de mot de neuf lettres, qui ne comporte aucune cadence d'ordre 3. On cherchera les deux mots de huit lettres, autres que (2), qui ne comportent aucune cadence d'ordre 3. Dans l'alphabet à trois symboles a, b, c, le mot a b a b b c b a a c a c c b c b b a b a c c a a c c (3) ne comporte aucune cadence d'ordre 3. On vérifiera qu'on ne peut adjoindre à ce mot aucune lettre, sans y faire apparaître au moins une cadence d'ordre 3, par exemple, adjoindre c fait apparaître deux cadences d'ordre 3, l'une de pas 0, l'autre de pas 5. a b c c b c b a a b b a a b c b c c b a a c c a c a
(4)
comporte également 26 lettres, et est dépourvu de cadence d'ordre 3. Mais le mot (3) est doué d'une propriété qui nous paraît intéressante et que ne possède pas le mot (4). Laquelle ? (pour la découvrir, on amputera le mot (3) de ses lettres extrêmes a et c). On s'en expliquera ultérieurement.
J. GARDELLE (avec la collaboration de G. Th. GUILBAUD)
Cadences
Ce qui suit n'est qu'un nouvel exercice, annoncé p. 29, destiné à illustrer ce fait : il est impossible d'obtenir une suite suffisamment longue d'objets, pris dans une catégorie finie, sans qu'apparaisse dans la suite des objets une certaine régularité. « Régularités inévitables », c'est là le thème fondamental que l'on voudrait éclairer par ce nouvel exemple. Dans le numéro précédent, nous avons soumis à la réflexion du lecteur quelques exemples de suites, singulières en ce sens qu'elles possèdent les trois propriétés : 1. Elles ne renferment pas de « cadences ». 2. On ne peut leur adjoindre un élément sans faire apparaître au moins une cadence. 3. Il n'existe pas de suite qui soit formée d'un plus grand nombre d'éléments, et qui ne contienne pas de cadences. Le problème que l'on va poser consiste, en effet, d'abord à se fixer un type de régularité ; ensuite à prouver que ce type de régularité se présente nécessairement pour peu que l'on considère une suite assez longue d'éléments. Mais précisons un peu ; et, d'abord 1. — De quelle régularité s'agit-il? Quelques exemples illustreront d'abord ce que l'on entend par « cadence ». Écrire un mot, c'est composer une suite avec, pour objets, les lettres d'un alphabet ; les régularités auxquelles l'on s'intéresse sont les répétitions de lettres à intervalles réguliers ; on dira que le mot comporte une cadence d'ordre k, si la même lettre est répétée k fois à des places équidistantes. Par exemple, dans le mot INSTITUTION, les T constituent une cadence
32
J . GARDELLE
d'ordre 3, parce que les intervalles entre deux T consécutifs sont égaux ; les I constituent une autre cadence d'ordre 3. De même : dans le mot E X É G È S E , les E forment une cadence d'ordre 4. On aurait pu s'exprimer encore en langage arithmétique : les éléments d'une suite sont repérés par leur numéro d'ordre : le premier, le deuxième... On dira donc que la suite comporte une cadence d'ordre k, si le même objet se trouve en k places dont les numéros d'ordre sont en progression arithmétique. Supposons, par exemple, que l'on suive l'évolution dans le temps d'une grandeur, économique ou autre, en en relevant la valeur à intervalles de temps réguliers; on notera, pour chaque relevé, le sens de la variation par rapport au relevé précédent ; ainsi, l'alphabet comportera trois symboles : + (croissance), = (stagnation), - (décroissance). Une évolution sur 20 périodes sera représentée par une suite, telle que
+ + = + = = - + + = = + =
+ + = = +
cette suite comporte une cadence d'ordre 4 ; il existe, en effet, quatre signes ( + ) , correspondant à des relevés dont les dates sont en progression arithmétique (4, 8, 12, 16); mais aussi une cadence d'ordre 3, puisqu'il existe trois signes ( = ), correspondant à des relevés dont les dates sont en progression arithmétique (3, 11, 19). On pourra caractériser une cadence par son ordre et par la raison (') de la progression arithmétique qui lui est associée. On pourrait multiplier les exemples en les empruntant aux domaines les plus divers : suite des résultats d'un jeu de roulette, organisation d'une guirlande de perles de couleur (à distinguer du collier, qui implique une notion de circularité), mélodie musicale, ... En bref, on se donne un alphabet (lettres, nombres, signes, couleurs, notes, ...); on se fixe un type de régularité, c'est-à-dire, un ordre K de cadence ; et l'on se propose d'écrire un texte (suite de symboles, pris dans l'alphabet), qui ne contienne aucune cadence d'ordre K ; mais, bien entendu, on permet toute cadence, dont l'ordre soit inférieur à K. Le résultat essentiel, connu sous le nom de « conjecture de Baudet » s'énonce, en désignant par L le nombre des lettres de l'alphabet : Théorème. — Il existe un nombre N (L, K), tel que pour un alphabet de L lettres tout texte formé de plus de N lettres contient au moins une cadence d'ordre K. ( ' ) On a utilisé, dans l'article précédent, p. 29, le pas de la cadence qui représentait le nombre d'objets entre deux éléments consécutifs de la cadence ; le pas ainsi défini est égal à la raison diminuée d'une unité.
CADENCES
33
Ce résultat a été démontré par Van der Waerden (L). Nous donnerons d'abord une démonstration intuitive, en considérant un couple particulier de valeurs pour L et K. 2. — Description d'un cas particulier Pour comprendre le sens du théorème, nous allons constater la propriété qu'il énonce, en décrivant l'ensemble des textes que l'on peut écrire avec un alphabet de deux lettres, et qui ne comportent pas de cadence d'ordre 3. Soient donc a et b les lettres de l'alphabet ; on utilise la procédure de construction en arbre, qui s'explique d'elle-même; chaque branche de l'arbre constitue un texte ; il est clair que la première lettre est arbitraire. a
On constate que l'on ne peut prolonger aucune branche, sans faire apparaître au moins une cadence d'ordre 3. Les textes les plus longs, écrits avec deux lettres, et qui ne comportent pas de cadence d'ordre 3, sont donc formés de huit lettres, autrement dit, N(2, 3) = 8 ; ce sont aabbaabb ababbaba abbaabba On peut, bien entendu, permuter les lettres a et b ; on remarquera qu'opérer ainsi revient, pour le premier texte, à le lire de droite à gauche. ( ' ) « Beweis einer Baudet'schen Vermutung». VAN DER WAERDEN. Nieuw Archiefroor t. 15, 1927, p. 212-216.
Wiskuiule,
34
J. GARDELLE
3. — Démonstration intuitive du théorème 3 . 1 . On s'efforcera de dégager l'idée directrice de la démonstration de Van der Waerden, en considérant le cas simple d'un alphabet à deux lettres, et en fixant, comme régularités à éviter, les cadences d'ordre 3 ; soit, le cas pour lequel nous avons pu procéder à une analyse descriptive complète, et pour lequel nous sommes parvenus à la conclusion : N(2,3) = 8. 11 sera commode d'utiliser le terme de « fausse cadence » d'ordre k, pour désigner un ensemble de (k) éléments en progression arithmétique dont les (k — 1) premiers constituent une cadence d'ordre (k — 1); le k'imt, appelé « réponse », étant quelconque, c'est-à-dire pouvant éventuellement, mais éventuellement seulement, constituer avec les (fc — 1) premiers une cadence d'ordre k. Considérons des mots de 5 lettres, M 5 ; un tel mot contient nécessairement une fausse cadence d'ordre 3 ; les possibilités sont, en effet, a a x . .
ou a b a . x
ou a b b x .
Il existe 2 5 = 32, au plus, mots M 5 différents ; si, par conséquent, on considère un texte de 5.33 = 165 lettres, et si l'on découpe ce texte en mots successifs de 5 lettres, on trouvera nécessairement deux mots identiques. Ces deux mots identiques pourront être, soit contigus, soit séparés d'une distance d, qui est au maximum 165 — 2 . 5 = 155; le cas extrême étant atteint, lorsque les deux mots identiques sont respectivement le premier et le dernier des 33 mots qui composent le texte. Prenons alors un alphabet à 32 caractères (les mots de 5 lettres) on est assuré qu'un texte T de 65 caractères, soit 325 lettres, contient une fausse cadence de mots d'ordre 3 :
Il reste à montrer qu'il existe nécessairement dans T ainsi choisi une cadence d'ordre 3.
35
CADENCES
Proposition. — S'il existe, dans T, une cadence d'ordre 3, qui utilise une lettre de chacun des trois mots, M 5 , M 5 (identique au précédent), M 5 , alors cette cadence se retrouve dans le texte condensé T'.
— . —
Considérons le premier élément de la fausse cadence contenue dans M s , le dernier élément de cette fausse cadence que l'on a désigné par x et l'élément occupant la place correspondante dans M 5 , que l'on désignera par y ; puisque l'alphabet n'a que deux lettres, deux des trois éléments considérés sont identiques, ce qui met en évidence l'existence d'une cadence d'ordre 3 dans T'. En clair, prenons successivement les trois cas possibles 5.1.1. d'où
M5 = a a x . . ;
alors
M' = . . y . .
T ' = a a x . . a a x . . . .y
. .
que l'on écrira, « en allant à la ligne » a a x . . T' = a a x . . . . y . . deux des trois éléments a, x, y sont identiques : donc si x = a, lire en ligne ; la cadence est évidente, x = y, lire en colonne ; la cadence est évidente, y = a, lire en diagonale ; la cadence est évidente. 5.1.2.
M5 = a — a — x ;
et
alors
M' = . . . . y
T' = a . a . x . . . M
conclusions analogues. 5.1.3.
M5 = . b b x . ;
alors
M' =
. b b x . T' = . b b x .
et
y Mêmes conclusions.
36 3.2.
J. GARDELLE
Indications
pour
une démonstration
générale
3 . 2 . 1 . Sur L. Supposons que l'on ait eu un alphabet à 3 lettres. On eût considéré des mots de 7 lettres M 7 , qui contiennent nécessairement une fausse cadence d'ordre 3; il existe 27 mots différents; on eût alors considéré une phrase écrite dans un alphabet à 2 7 caractères, assez longue pour qu'elle contienne une fausse cadence (de mots) d'ordre 3 ; enfin un texte suffisamment long pour que, à son tour, il renferme une fausse cadence de phrases, également d'ordre 3. Pour mettre en évidence une cadence dans le texte ainsi choisi, on écrira le texte T' condensé, « en allant à la ligne », puis « en allant à la page » ; d'où, par exemple,
On considère les 4 éléments a, x, y, z encerclés ; puisque l'alphabet ne comporte que trois lettres, deux de ceux-ci sont égaux, et l'on décèle la cadence soit le long d'une arête renforcée, soit le long d'une diagonale renforcée, soit le long de la diagonale du parallélépipède. 3 . 2 . 2 . Sur K. La ligne est maintenant tracée. On considère des mots suffisamment longs pour contenir nécessairement une fausse cadence d'ordre K, puis des phrases qui contiennent nécessairement une fausse cadence de mots d'ordre K, et ainsi de suite. On porte son attention sur le premier élément de la fausse cadence de lettres contenue dans le premier mot de la fausse cadence de mots contenue dans la première phrase ..., sur la réponse de la fausse cadence de lettres, sur l'élément correspondant de la réponse de la fausse cadence de mots, et ainsi de suite, ... ; sur les (L + 1) éléments ainsi sélectionnés, deux sont égaux, qui définissent les extrémités de la cadence.
CADENCES
37
4. — Un résumé de quelques expériences On a présenté, ci-dessus, une analyse descriptive des textes que l'on peut écrire avec deux caractères, sans faire apparaître de cadence d'ordre 3. Une analyse complète pour d'autres valeurs simples de L et de K a conduit aux résultats suivants. (Bien que simples, ces valeurs semblent pourtant épuiser les possibilités d'analyse manuelle). 4.1. L = 2, K = 3. On a donc trouvé les trois textes aabbaabb abbaabba ababbaba de sorte que N(2, 3) = 8 4.2.
L = 2, K = 4. En désignant par n (noyau) l'expression n=
abaaabbbab
les textes les plus longs, à deux caractères, qui ne contiennent pas de cadence d'ordre 4 sont de la forme
L'accolade signifiant que l'on peut prendre au choix a ou b; la seule restriction consistant évidemment à ne pas prendre quatre fois le même caractère. Au lieu de n, on aurait pu prendre n=babbbaaaba obtenu à partir de n en permutant a et b ; mais, dans un même texte, on ne peut utiliser simultanément n et n. Ainsi N(2, 4) = 34 On pourrait disserter longuement sur ces textes « maximaux » ; on se limitera à deux remarques : La première concerne l'abondance des cadences d'ordre 3. La deuxième est moins évidente. Si l'on déduit de (T) un texte T r , obtenu en prenant dans (T) des éléments en progression arithmétique de raison r, T, est de même nature que T ; ainsi, pour r = 2, on a : l ^ ï b a b b b a a a b a l CAHIERS
MATHÉMATIQUES
N°
3
, } b a b b b 4
38
J. GARDELLE
OU
a a a b a
b a b b b a a a b a
4.3. L = 3, K = 3. O n a obtenu cinq types de textes maximaux. O n considère comme du même type, deux textes qui ne diffèrent que par une des six permutations des trois caractères ; de plus, pour les textes non symétriques, on ne privilégie point un sens de lecture. Type Type Type Type Type
A B C D E
a a a a a
b b b a a
c a a b b
c a b b c
b b b c b
c a c a a
b b b a a
a c a c c
a c a a a
b b c c c
b b a b b
a c c b b
a c c c c
b b b c c
c a c b b
b b b b b
c a b c c
c a a a a
b b b c c
a c a a a
a c c a a
c a c c b
c a a b c
a c a b b
c a c a a
a c c a a
Ainsi N(3, 3) = 26 Là encore, que dire de ces textes ? N o u s nous limiterons à ceci : — Les types A et B ne diffèrent que par la première lettre. — Les types D et E, symétriques, ne diffèrent que par une permutation des 4 e et 5 e lettres (et 22e et 23e). — Le type C est plus singulier. Si l'on déduit de ce texte les textes T 3 (voir 4.2 ci-dessus), on fait apparaître les textes maximaux à deux caractères, sans cadence d'ordre 3. A savoir:
a b b c c b b c c b b a a b b a a c a c a c c a c a
5. — Qu'en conclure ? Sur la recherche du nombre N(L, K). L'ébauche de la démonstration suffit à convaincre le lecteur que la borne trouvée, quant à la longueur du texte nécessaire pour affirmer l'existence d'une cadence, croît à une rapidité considérable, soit avec L, soit avec K. Déjà, pour L = 2, K = 3, il nous a fallu un texte de 325 lettres pour affirmer l'existence d'une cadence ; alors que nous avons montré, expérimentalement, que la limite N(2, 3) est égale à 8. Certes, on pourrait réduire quelque peu la borne (cf. Van der Waerden); mais l'esprit de la démonstration demeure, et montre que la croissance est du même ordre que celle d'une exponentielle d'exponentielles... On peut, alors, s'interroger sur le fait que, par sa nature, la démons-
CADENCES
39
tration s'écarte délibérément de la procédure expérimentale; c'est là, peut-être, une direction de recherche ! Sur l'existence du nombre N(L, K). Que ce soit l'économiste en présence d'une chronique, le joueur devant une série de résultats de boule, quiconque en présence d'une suite de caractères, cherche à y découvrir des régularités, puis à les interpréter. Que nous enseigne la conjecture de Baudet ? La prudence, et seulement cela ; la régularité peut n'être que la manifestation d'une nécessité arithmétique. Rien ne dit qu'elle n'est pas justiciable d'une autre interprétation.
M. P.
SCHUTZENBERGER
Sur les contraintes définissant certains modèles formels de langage
L'un des objectifs partiels de la linguistique est l'établissement de grammaires, c'est-à-dire, pour une langue naturelle donnée, l'établissement d'un système explicite de règles qui permettent, en théorie du moins, de décider pour toute suite arbitraire de phonèmes si cette suite appartient ou non à l'ensemble des phrases grammaticalement correctes de la langue considérée. L'expérience semble indiquer qu'à un certain niveau une partie de ces règles est d'une nature assez simple pour pouvoir être discutée par des procédés purement formels. C'est là le cas des règles d'emploi des parenthèses ou, si l'on préfère, le formalisme de l'emboîtement des syntagmes et le but de cet exposé est de présenter quelques résultats obtenus dans cette direction par N. Chomsky, ses amis et leurs élèves ; je renvoie aux travaux de cet auteur et G. A. Miller pour une bibliographie complète de la question. Comme les problèmes proprement linguistiques ne seront pas abordés ici, il sera commode d'utiliser les notations suivantes qui ne risquent pas d'entraîner de confusion bien que les termes de « lettres » et de « mots » y soient utilisés d'une façon qui apparaîtra sans doute incongrue aux linguistes. Soit X un ensemble fini dont les éléments sont appelés conventionnellement des lettres, F l'ensemble de toutes les séquences finies que l'on peut former avec ces lettres, ces séquences étant elles-mêmes appelées des mots. Techniquement, F est le monoïde libre engendré par X. Ceci veut dire que le mot vide (noté e) appartient à F et qu'à toute paire de mots f , f de F est associé leur produit f f , c'est-à-dire par définition, le mot formé de / suivi de / ' . Nous supposerons désormais que les lettres de X sont indexées par les nombres + i (1 i ^ n) c'est-à-dire que X est l'ensemble { x 1 ; x _ i , x 2 , x_2, . . . , x„, x_„}. Un mot / sera dit réduit s'il ne contient aucune paire de lettres consécutives ayant des indices opposés, c'est-à-dire
42
M. P. SCHUTZENBERGER
pour / = xhxh ... xim si ïj ^ - i2, i2 / - i 3 , ^ clair qu'à chaque mot / on peut associer un mot réduit, disons en effaçant dans f toutes les paires de lettres consécutives dont sont opposés et en répétant cette opération aussi longtemps possible. Par exemple &(xlx-2X3X-3X2X2X
im. Il est
af' =
x2x2
x
et comme plus haut oc(x1x_2x2- 2) = x ^ . Cette construction définit un ensemble D de mots privilégiés : ceux dont la forme réduite est le mot vide e ou, si l'on veut, ceux qui peuvent être réduits à rien par les opérations successives d'effacement. Par exemple le mot f
~ X 1 X _ 2 X 3 X _ 3 X 2 X 2 X _ iXlX-2X-
1
appartient à D puisqu'avec des notations évidentes l'on a : / = xi(x_ 2 (x 3 x_ 3 )x 2 )(x 2 (x_ 1 x 1 )x_ 2 )x_ 1 par contre le mot } ' = XjX_2X3X_ 3X2X2X_ jXJX_ i X _ 2
obtenu en permutant les deux dernières lettres de / n'appartient pas à D parce que a f est le mot non vide x 1 x 2 x _ 1 x _ 2 . D est défini algébriquement comme le noyau de l'homomorphisme ¡3 de F sur le groupe libre (engendré par l'ensemble X + des x e X d'indices positifs) qui satisfait pour chaque lettre xf la condition que /?x_, soit l'inverse de [}xi (dans le groupe évidemment). Soit d'autre part X1 un sous-ensemble de X, V un ensemble de mots de deux lettres et R(X 1; V) l'ensemble de tous les mots de F qui commencent par une lettre de X! et dont aucune paire de lettres consécutives ne forme un mot de V. Par exemple pour Xj = X + comme plus haut et V = { X;Xj : 1 < 0 < j }, R(X 1; V) est l'ensemble des mots de la forme ff où toutes les lettres de / ont des indices positifs (ce que l'on notera / e F + ), et où toutes les lettres
CONTRAINTES DÉFINISSANT CERTAINS MODÈLES FORMELS DE LANGAGE
43
de / ' ont des indices négatifs. N o u s dirons q u e l'ensemble L = D n R(X t , V) des mots appartenant à la fois à D et à R(X 1 ; V) est un langage CF (Context Free) standard. P o u r l'exemple qui vient d'être donné, L est formé de tous les m o t s de la forme f f où / appartient à F + et où / est obtenu en « retournant » le mot / , ce qui donne / , et en remplaçant dans / c h a q u e lettre xi par la lettre d'indice opposé x_,. (Par exemple pour / = x 1 x 1 x 3 x 2 , on pose / = x2x3x1x1 et / = x_2x_3x_1x_1). Plus généralement, soit donné un h o m o m o r p h i s m e q> de F dans lui-même, c'est-à-dire p o u r chaque lettre x ; de X un certain mot (pxl (éventuellement vide). Considérant un langage C F standard L, on forme l'ensemble de tous les mots q>f où / est dans L et ceci constitue ce que n o u s appellerons un langage C F général. Je rappelle q u e si f
= X X
ii Î2Xi}
' ' ' X'n
le m o t 0}
sont tous deux des langages C F mais qu'il n'en est pas de même de leur intersection L, n L 2 = { x"xn2xn3 : n > 0 }. O n pourrait illustrer, à l'aide de règles tirées de la grammaire de langues naturelles, ces deux contre-exemples et ceci montrerait, s'il le fallait, que les contraintes de type C F ne concernent qu'un horizon limité de la réalité linguistique. Une fois encore, je me bornerai à renvoyer aux travaux de Chomsky pour une discussion approfondie de ces problèmes, de la valeur explicative en linguistique des règles C F et enfin de leur rôle dans la construction de grammaires moins formelles. Cependant il convient de rappeler que dès le niveau des langages C F , les questions les plus évidentes sont, en général, indécidables au sens technique du terme. Ainsi, Bar-Hillel, Perles et Shamir ont montré à l'aide du contre-exemple classique de Post qu'il n'existe aucun algorithme permettant de décider pour deux homomorphismes r.
2° Si (x) est antérieur et supérieur à (y) on a : et
p' > p
s > s'.
Cette proposition est facile à démontrer, le soin de la mise en forme est laissé au lecteur. Notons bien que les inégalités sont strictes. (On écrit < et non pas g ). 7.3. On en déduira alors sans peine les propositions suivantes (en conservant les notations ci-dessus) : 1° Si pour (x)
(y) on a p = p' alors on a nécessairement q ± q'
et
r # r'.
et
s / s'
2° Si l'on a q = q', on a pi=p' et les deux autres analogues. 7.4. Si l'on choisit comme coordonnées d'un élément (x) les deux nombres entiers (p, q) ou bien (p, r), ou bien (r, s), ou bien (q, s), il résulte des propositions précédentes que deux éléments distincts ne peuvent avoir les mêmes coordonnées. 7 . 5 . Vérifions sur notre exemple. Voici le tableau (p, q)
.1
1.
2.
(¿0)
O'i)
.2
(¡2)
.3
(fi)
.4 .5
(«4)
(d5)
(cl)
3.
(«6)
4.
5.
te»)
m
59
EXERCICE SUR LES PERMUTATIONS
et le tableau (q, s)
.5
.1
.4
.3
.2
(60)
(Jl)
(/2)
.2
(fi)
.3
.4
.1
(«4)
(d5)
(g»)
m
(«6)
(cl)
.5
le lecteur établira lui-même les tableaux en (p, r) et en (r, s). 7.6. Il suffit d'un mot pour conclure. Quel que soit celui des quatre systèmes de coordonnées qu'on choisisse, par exemple (p, q), les deux entiers peuvent varier entre la valeur 1 et la valeur maximale, qui n'est autre que d ou c (plus longue chaîne descendante ou ascendante). l ^ p ^ d 1 éq^c. Il y a donc (cd) valeurs possibles pour le couple (p, q), et comme la correspondance est injective on a bien : N
gcd.
7.7. Reste à prouver que la borne supérieure peut être atteinte. Pour aider le lecteur à mettre en forme une démonstration, je lui mettrai sous les yeux un exemple : g j d l h b k e a i 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
c 11
f 12
Faire la figure, et vérifier que le tableau des quatre coordonnées est « complet ».
60
G. TH. GUILBAUD
Le voici : (a»)
m
(d3)
(gl)
14 13
13 24
12 33
11 43
(cil)
(«8)
(h5)
0*2)
24 12
23 22
22 32
21 42
C/12)
(¡10)
(kl)
(M)
34 11
33 21
32 31
31 41
8. Sources 8.1. Pour les- motifs indiqués au début de ce papier, j'avais fabriqué cet exercice (et aussi à cause de quelques liens avec la théorie des choix). Je n'avais pas de solution sinon la conjecture que les chaînes les plus longues devaient être au moins de l'ordre de la racine carrée de N. C'est G. Kreweras, à qui j'exposai mes difficultés, qui m'a fourni la très nette et très simple démonstration de la proposition 4 (ci-dessus, § 4). 8.2. La question a quelque rapport avec un problème posé aux XIII es Olympiades mathématiques (Moscou, 1950). On en pourra lire l'énoncé et une solution dans le Recueil Olympique de Chentsov et Yaglom dont la troisième édition russe a été traduite en anglais et publiée par Freeman et Co., San Francisco and London, 1961. 8.3. L'association (française) des Professeurs de Mathématiques ayant publié dans son bulletin (n° 215, mai 1961, p. 413) une sélection de problèmes olympiques, un lecteur (n° 224, octobre 1962, p. 46) a demandé qu'on publie une solution ; on en a publié trois (sous le titre : Le problème des cent un nombres, n° 229, janvier 1963, p. 224). Il peut être instructif de comparer les méthodes et les manières des solutions publiées, qui ont été rédigées indépendamment. 8.4. Il est fort possible que la source du problème olympique ait été un théorème énoncé par Erdôs et Szekeres dans un article de Compositio Mathematica, 1935, p. 463-470. Ce théorème (qui est notre proposition 4) servait aux auteurs pour étudier le problème déjà cité : d'un ensemble de N points dans un plan, extraire n points sommets d'un polygone convexe, et plus précisément le minimum de N (n, donné) tel que la chose soit possible.
E X E R C I C E S U R LES
61
PERMUTATIONS
8.5. O n peut a p p r o f o n d i r encore la question, en d é n o m b r a n t , p o u r c h a q u e valeur de N , p a r m i les N ! p e r m u t a t i o n s , celles qui o n t exactement c et à c o m m e longueurs m a x i m a l e s m o n o t o n e s . P o u r N = 3, le p r o b l è m e est enfantin, on t r o u v e
c= 1
= 3
= 2
d= 1
1 4
= 2 1
= 3 Pour N = 4
1 4
9
9 1
N = 5
N = 6 1
1 16
25
81 100
25
25
256
36
81
100
16 1
25
25
25 1
Si l'on veut savoir c o m m e n t construire ces tables (où l'observateur attentif a u r a n o t é la présence de carrés parfaits d a n s c h a q u e case) il faut se d o c u m e n t e r sur les tableaux de Y o u n g e n lisant par exemple : C. SCHENSTED, Longest increasing and decreasing subsequences. Canadian Journal of mathematics, 1961, 13, p. 179-192. G. KREWERAS, Une dualité élémentaire souvent utile dans les problèmes combinatoires. Ci-après, p. 87.
62
G. T H .
GUILBAUD
C. BERGE, Principes de combinatoire, Paris, Dunod, 1968, p. 57. M . P . SCHUTZENBERGER, Q u e l q u e s r e m a r q u e s s u r u n e c o n s t r u c t i o n d e SCHENSTED.
Math. Scandinav., 12, 1963, p. 117-128. Chacun de ces auteurs donnant plusieurs références, on sera bien introduit à la question, qui est vaste. 8.6. Pour terminer je donnerai une petite table fournissant le nombre des permutations de N objets ayant une plus longue chaîne m o n o t o n e de longueur 1(1 = le plus grand des deux nombres c et d).
2
3
4
5
6
7
8
9
10
1= 1
1 0
0
0
0
0
0
0
0
0
1= 2
2
4
4
0
0
0
0
0
0
2
18
86
306
882
1764
1764
0
2
32
362
3242
24564
163872
985032
2
50
842
12210
161158 1969348
2
72
1682
32930
592652
2
98
3026
76562
2
128
5042
2
162
N = 1
1= 3 /=
4
1=
5 6 7 8 9 10
2
Table qui permet d'engager des paris convenables sur la plus longue chaîne d'une permutation tirée au sort (jeu analogue à celui des rencontres d'anniversaires).
M. BARBUT
Un exercice de combinatoire. Des mots circulaires et équilibrés
Lisez attentivement (et circulairement) le message suivant : c c a a c b b a c a b c b a a a b a b b b c a c c b c il est écrit avec un alphabet de trois lettres : a, b, c. Sa longueur est 3 3 = 27, chaque lettre y apparaît 9 fois, chacun des 9 mots de deux lettres que l'on peut former avec un alphabet de 3 lettres y apparaît 3 fois, et chacun des 27 mots de 3 lettres y apparaît une fois et une seule. En voici d'autres, de la même famille : a a a b a a c a a d a b b a b c a b d a c b a c c a c d a d b . . . a d c a d d b b b c b b d b c c b c d b d c b d d c c c d c d d d Longueur : 64 = 4 3 , alphabet de 4 lettres ; chaque mot de longueur 3 que l'on peut faire avec 4 lettres y apparaît une fois et une seule, chaque mot de longueur 2... etc. 0 0 1 0 1 0 0 1
1 1 0 1 0 1
101
1 1 1 1 0 0 0 0 0 1 0 0 0 1
1
5
Longueur : 32 = 2 , alphabet de 2 lettres ; chaque mot de longueur 5 y est une fois et une seule, chaque mot de longueur 4 y est deux fois, etc. Voici l'exercice : 1. — Essayez de construire des mots possédant les régularités indiquées (commencer par des cas « petits »). 2. — Trouvez un algorithme pour en construire systématiquement. 3. — Mais ce sera beaucoup mieux (et plus difficile) que vous sachiez les construire tous lorsque l'alphabet et la longueur du mot (une puissance du nombre de lettres de l'alphabet) sont donnés. Une solution à cet exercice a été proposée par R. A . C H I A P P A et E. T. O K L A N D E R , et publiée dans M. S. H., n° 21, 1968. Cette solution originale constitue une réponse à la question qui était posée ici dans M. S. H., n° 14.
64
M. BARBUT
Histoire du problème vue à travers la bibliographie On trouve une autre bibliographie sur le problème dans S . K . STEIN, Mathematics, the man-made universe, chap. 9 (Freeman et Co.). Traduction française : « Les Mathématiques, ce monde que créa l'Homme » (Paris, Dunod, 1967). Rappelons l'énoncé du problème : On dispose d'un alphabet de n lettres ; et l'on veut construire des mots « circulaires » de longueur nr de telle sorte que chacun des n' mots de longueur r que l'on peut constituer avec l'alphabet apparaisse une fois et une seule ; exemple : accbcabba est un mot pour lequel l'alphabet a trois lettres (« = 3) et chacune des 3 2 = 9 séquences de deux lettres y apparaît une fois et une seule. La lecture des principaux articles de la bibliographie est instructive sur la façon dont, à propos de ce problème, les travaux ont toujours tourné autour des deux questions qui dominent tous les problèmes de combinatoire : — trouver des méthodes de construction des configurations cherchées, — dénombrer ces configurations. Décembre 1934: M . - H . MARTIN. — A problem in arrangements. Bull. A. M. S., 40, 1934, p. 859. M.-H. M A R T I N s'intéresse au problème à propos, dit-il, d'une question de dynamique. Il pose le problème de la construction (et par conséquent de l'existence) de mots circulaires équilibrés quels que soient n et r. Il donne une construction algorithmique de tels mots (mais non de tous les mots) pour n et /• quelconques ; sa méthode revient essentiellement à celle de la construction d'un chemin eulérien dans un réseau, méthode reprise ultérieurement par I . J . G O O D et N . G . de BRUIJN. M . - H . M A R T I N ne se pose ni le problème du dénombrement ni celui de la construction de tous les mots. Son article ne comporte pas de bibliographie. Février 1946:1. J. GOOD. — Normal recurring décimais. Journal ofLondon Math. Soc., 21, 3, 1946, p. 167. I. J. G O O D s'intéresse à notre problème à propos du développement décimal périodique des rationnels, comme contribution à des recherches antérieures d'E. BOREL ; apparemment, il ignore le travail de M . - H . M A R T I N . Il résout le problème de l'existence en termes de chemins eulériens d'un réseau, et donne même la figure désormais classique du réseau dans les cas n = 2, r = 3 et « = 2, r = 4 (on trouve cette figure dans C. BERGE,
EXERCICE DE COMBINATOIRE
65
Théorie des Graphes, Paris, Dunod, chap. 17, p. 161-162 ; T. J. FLETCHER, Some lessons in Mathematics, Cambridge University Press, p. 25 ; L A C A N , Écrits, Paris, Éd. du Seuil, p. 57). I. J. G O O D ne donne pas d'algorithme systématique de construction, et dit ne pas savoir dénombrer nos mots. Pas de bibliographie à son article. Avril 1946 : D. REES. — Note on a paper by I . J . G O O D . Journal of London Math. Soc., 21, 3, 1946, p. 169. Cette note fait suite à l'article de I. J. G O O D , dans la même livraison du Journal of London Math. Soc. ; D . REES y donne une construction de mots circulaires et équilibrés qui est essentiellement algébrique. Le nombre n de lettres de l'alphabet étant décomposé en facteurs premiers il montre comment la construction de mots pour chacun des facteurs premiers p (r quelconque) permet de construire un mot pour l'alphabet de n lettres (avec la même valeur de r). Puis il donne sa construction basée sur l'arithmétique des corps premiers. T . J. FLETCHER donne des indications sommaires sur cette méthode ; elle est retrouvée depuis par d'autres chercheurs, dont P. CAMION qui nous a écrit à ce sujet (voir P. CAMION, Codes correcteurs d'erreur, Revue du Céthédec, n° 7, 1966). Some lessons in mathematics, a handbook on the teaching of « modern » mathematics, by members of the Association of teachers of mathematics, edited by T. J. FLETCHER, Cambridge University Press, 1965. Une traduction française, à Paris O. C. D. L., 1961, sous le titre plus ambitieux : T. J. FLETCHER, L'Apprentissage de la Mathématique Aujourd'hui, adapté de l'anglais. Le texte à lire se trouve p. 24-39 de l'édition anglaise. Le nombre des mots que l'on peut construire par cette méthode est loin d'épuiser la totalité des mots circulaires et équilibrés, dont le dénombrement a été fait depuis. Juin 1946 : N. G. de B R U I J N . — A combinatorial problem, Proc. Nederd. Akad. Wetensch., 49, 1946, p. 758. De BRUIJN attribue l'origine du problème à K . POSTHUMUS (personnage réel, ou mythique ?), mais ne donne lui non plus aucune référence bibliographique, et semble ignorer l'article de M A R T I N , et ceux tout récents d e G O O D e t REES.
Son problème est celui du dénombrement, dans le cas d'un alphabet de deux lettres (n = 2 ) ; POSTHUMUS aurait fait la conjecture que ce nombre est -)(2r-
' - r )
66
M. BARBUT
De BRUIJN prouve que cette conjecture est exacte, en dénombrant les chemins eulériens du réseau dont il a été question supra. 1951 : T . Van AARDENNE-EHRENFEST and N . G . de BRUIJN. — Circuits and trees in oriented linear graphs, Simon Stevin, 28, 1951, p. 204. Le problème que se posent maintenant de BRUIJN et Van AARDENNEEHRENFEST est celui du dénombrement pour un nombre n quelconque de lettres ; cette fois-ci, les articles de M A R T I N , G O O D et REES sont cités en bibliographie. Le problème est entièrement résolu dans leur article, et le nombre cherché est «"'(n!)""" 1 . La méthode utilisée est combinatoire ; il s'agit de dénombrer les circuits eulériens pour une classe de réseaux ; mais une certaine aisance à manipuler le groupe symétrique ne nuit pas à nos auteurs pour trouver la solution. 1966 : J. LACAN. — Parenthèse des parenthèses. In Le Séminaire sur la lettre volée. Écrits, Paris, Éd. du Seuil, p. 54. Les deux fameux réseaux correspondants aux cas n = 2, r = 2 et n = 2, r = 3 se trouvent aux pages 56 et 57; LACAN s'intéresse au problème, bien qu'il ne le formule pas explicitement, car il est, semble-t-il, à la recherche de mécanismes fournissant ce mélange de régularités et d'éloignement de la répétition qui caractérisent les mots « circulaires et équilibrés » : chacune des nk séquences de k lettres ( 1 < k^ r) y apparaît n'~k fois au cours d'un cycle de longueur nr, mais l'effet de hasard est obtenu parce que chaque séquence de r lettres n'y apparaît qu'une fois et une seule. Ce sont ces mêmes raisons qui ont conduit d'autres chercheurs, comme H . D U R U P pour des travaux de psycho-physiologie, à construire ce type de configuration pour des plans d'expérience (H. DURUP, Graphes et plans d'expérience temporels. Mots circulaires et plans toriques. M. S. H., n° 18, 1967, p. 1-32). En dehors des plans d'expérience, c'est, comme on le verra dans FLETCHER (op. cit.), le problème de codes précorrecteurs qui est à l'origine de l'intérêt pour ces configurations. FLETCHER dit aussi que la musique hindoue a exploité les mots circulaires et équilibrés, non pour faire de la musique, mais comme moyen mnémotechnique ; et l'on comprend pourquoi la musique peut s'en servir : imaginez une composition musicale (dans laquelle l'alphabet est le système des notes, par exemple) constituée d'une suite de mots circulaires et équilibrés distincts. Plusieurs sens peuvent d'ailleurs être donnés à cet adjectif « distinct », selon que l'on considère comme distincts ou non deux « mots » déduits
EXERCICE DE COMBINATOIRE
67
l'un de l'autre par une permutation des lettres de l'alphabet, ou par symétrie (lire un mot à l'envers). 1967 : MARSHALL HALL, Jr. — Combinatorial Theory, chap. 9, Blaisdell Publ. Co. Le problème est désormais considéré comme l'un des classiques de la Combinatoire puisqu'un chapitre lui est consacré dans cet ouvrage, par ailleurs fondamental, et qui sera pour quelques années le livre de référence des « combinatoristes ».
P.
ROSENSTIEHL
Quelques exercices à traiter sur simplexes
Il se peut, pour certains problèmes économiques (décryptage, transport de marchandises, tournée économique), que la meilleure feuille de calcul soit encore un simplexe. Selon la dimension du calcul le simplexe est donné par un réseau comme on le fera ci-dessous, un tableau, un ensemble d'instructions permettant toute exploration locale. Dans tous les cas le simplexe sert de support au calcul. On rappelle que l'on entend par simplexe S„, l'ensemble des parties d'un ensemble quelconque à n éléments organisé par la relation d'inclusion ; ou encore tout ensemble muni d'une relation d'ordre isomorphe au précédent. Exemple : pour construire S 2 on se donne un ensemble à deux éléments noté par exemple « { a, b} » ; on peut aussi le noter simplement « 11 », ce qui revient à identifier chaque élément par son rang dans un mot.
70
P. ROSENSTIEHL
Les parties de « 11 » sont notées par les mots 00, 01,
10,
11
où un zéro au rang k signifie que l'élément de rang k n'est pas retenu pour constituer la partie en question. On donne ci-contre, un schéma d ' « inclusion » des quatre « parties » de « 11 », en omettant toutefois toute barre d'inclusion qui serait une conséquence transitive des barres qui y figurent. Avant de poser un calcul à traiter sur simplexe, jetons un coup d'oeil sur la lignée des simplexes S 1; S 2 , S 3 , S 4 , . . . , et plus précisément recherchons des correspondances entre simplexes de rangs distincts. 1. La règle du dédoublement On donne S 2 et on demande de construire S 3 . Dans nos notations en mots, il ne s'agit que d'ajouter une troisième coordonnée :
S 2 se dédouble et donne S 3
Si nous sommes bon dessinateur, il n'est pas impossible de tracer S 4 , S 5 , S 6 et même S 7 . Nous donnons ci-dessous S 4 et S 5 . Inversement on peut se demander comment séparer un simplexe en deux parties isomorphes : il suffit pour cela de choisir une coordonnée et de séparer les mots pour lesquels cette coordonnée est égale à 1 de ceux pour lesquels elle est égale à 0. On exhibe la lignée des simplexe S 0 , S 1 ; S 2 , . . . , S„ en dépliant S 0 n fois ; on peut inversement replier S„ en n opérations, en respectant ou non l'ordre des coordonnées adopté pour déplier S 0 .
QUELQUES EXERCICES A TRAITER SUR SIMPLEXES
71
Simplexe S 5
La règle du dédoublement est caractéristique du simplexe, on peut la présenter d'une façon plus riche encore. Homorphismes de S„ dans S* (lorsque k < n) Considérons par exemple le simplexe S 5 , c'est-à-dire les 2 5 mots à 5 coordonnées égales à 0 ou 1 organisés comme on sait. Nous l'avons tracé ci-dessus. Intéressons-nous au seul point de vue suivant : première et cinquième
72
P.
ROSENSTIEHL
coordonnée des mots. Nous définissons ainsi pour S une relation d'équivalence dont les classes peuvent s'écrire: 0 ... 0
0 ... 1
00
. , ou simplement
1 ... 1
01 ^^ 11.
En d'autres termes ses classes constituent un S 2 , et chaque classe (remplir les pointillés) est un S 3 . Disons aussi que nous avons appliqué S 5 dans S 2 selon un morphisme et que la partition de S 5 afférante à cette application est constituée de quatre S 3 . Cette application est un homorphisme pour l'inclusion, car il est évident que les classes de deux éléments de S 5 , inclus l'un dans l'autre, sont incluses l'une dans l'autre. Nous avons un homorphisme pour l'inclusion (et partant pour toute opération de treillis déduite de l'inclusion). Une telle relation d'équivalence peut être établie sur toute partie des coordonnées. Aussi nous écrivons et aussi
S5 S5 S5 S5
= = = =
S2 S3 S4 S5
x x x x
S3 S2 Sj S0
(règle du dédoublement)
Les simplexes se multiplient, les indices s'ajoutent. Nous avons rencontré l'une des procédures usuelles de l'algèbre : le produit direct.
Un homorphisme de S 5 dans S 2 (On ne tient plus compte des coordonnées de rang 2, 3 et 4).
Serrures et circuits hamiltoniens
U n e serrure est constituée de six broches : chacune peut être levée ou baissée. On a perdu la « combinaison », celle qui ouvre la serrure. Il faut entreprendre de les essayer toutes. D a n s quel ordre ? O n pensera tout de suite aux règles habituelles de ce type de manipulation : — n'oublier aucune combinaison, — ne pas former deux fois la même combinaison. Représentons nos broches par les rangs d'un mot à six rangs : la présence dans le mot du symbole 1 au rang i signifie que la broche i est levée, la présence de 0 au rang i signifie que i est baissée. 100111 est l'une des « combinaisons » possibles, un type de serrure. Il n'est pas interdit de regarder un tel m o t c o m m e un n u m é r o écrit dans la base deux. On peut proposer c o m m e liste complète des combinaisons possibles tout simplement la liste naturelle de la numérotation binaire de 000000 à 111111 : 000000 - 000001 - 000010 - 000011 - 000100 - 000101 - 000110 - 000111 - 001000 . . . etc. Elle satisfait aux deux exigences énoncées ci-dessus. Q u a n t à notre manipulation pas à pas, elle sera bien peu économique, si le parcours des combinaisons est fait d a n s l'ordre des mots de la liste. Passer de 000011 à 000100 nécessite de bouger trois broches. Passer de 000111 à 001000 nécessite de bouger quatre broches. La liste ci-dessus est un mauvais plan de travail. O n peut espérer faire mieux (On peut effectivement faire à peu près deux fois moins de manipulations). O n voit maintenant le problème posé: former toutes les combinaisons les unes après les autres en faisant un n o m b r e m i n i m u m d'opérations élémentaires (manipulations de broches). En fait, on va le voir, ce nombre
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P. ROSENSTIEHL
minimum est égal au nombre de combinaisons possibles, soit 2 6 — et si le seul but est d'ouvrir la serrure, il suffira en moyenne de 2 5 manipulations (25 = 2 6 x 1/2) pour y parvenir. Circuit hamiltonien sur le simplexe S„ Nos « combinaisons » sont évidemment les sommets d'un simplexe. Parcourir une arête de ce simplexe, tracée entre deux sommets (combinaisons), signifie manipuler une seule broche. Exemple : 010011 — 010111. Nouvel énoncé du problème posé Peut-on cheminer sur les arêtes du simplexe S„, de sommet en sommet, de façon à visiter tous les sommets une seule fois et revenir au point de départ ? (On veut les essayer tous et remettre les choses en l'état après les manipulations). Ce problème est célèbre : c'est le problème de la promenade d'Hamilton appliqué aux simplexes. Le simplexe S„ est de ces rares labyrinthes qui supportent une telle promenade : il appartient comme on dit, aux graphes hamiltoniens. Montrons-le. Démonstration de la proposition : S„ est hamiltonien Il nous faut revenir à la règle de base des simplexes, à savoir la règle du dédoublement : — S„ s'obtient en recopiant deux fois S„_, et en joignant deux à deux les sommets correspondants par une arête (C'est ce que nous avons appelé précédemment l'homomorphisme de S„ dans S J . Nous raisonnerons encore ici par récurrence. Imaginons trouvé un circuit hamiltonien sur S„_ r En recopiant S„ _ l deux fois, on recopie deux circuits hamiltoniens identiques de rang n — 1 ; les sommets correspondants sont deux à deux reliés par les arêtes nouvelles. Privilégions une arête xy sur l'un, et l'arête x'y' correspondante sur l'autre. On ne les empruntera pas, mais on empruntera xx' et yy'. On voit se dessiner un circuit hamiltonien sur S„ : on explore S„_! en suivant son circuit hamiltonien de x en y, puis au lieu de revenir en x par l'arête yx on emprunte yy', on explore le double de S„_ ( comme on a exploré S„_! mais en sens inverse, on arrive en x' et on rentre au point de départ par l'arête x'x. Tout sommet a été ainsi visité une fois et une seule.
SERRURES ET C I R C U I T S
HAMILTONIENS
75
Dédoublement du circuit hamiltonien de S „ - , en un circuit hamiltonien pour S , Il ne nous reste qu'à constater que S 2 est hamiltonien. Cela va de soi. S„ est donc hamiltonien. La promenade complète n'a que 2" pas. On a tracé ci-dessous un circuit hamiltonien sur S 4 (Exercice : combien en existe-t-il ?). 0000
1111 Circuit hamiltonien sur le Simplexe S 4
76
P. ROSENSTIEHL
Il nous reste à l'écrire. 0000 0001 0011 0010
1000 1001 1011 1010
0110 0111 0101 0100
1110 1111
1101 1100 sens de lecture
L'algorithme d'écriture d'un chemin hamiltonien sur S„ apparaît maintenant simplement : (0) les mots ci-dessous qui seront écrits avec les deux caractères 0 et 1 sont supposés, quand ils ne sont pas longs de n caractères, complétés à gauche avec des zéros, afin de toujours y voir des mots longs de n caractères; (1) on écrit la liste de mots suivante: 00, 01 ; puis on recopie à la suite les mots écrits en les prenant dans l'ordre inverse de cette liste et en plaçant le caractère 1 en tête de chaque mot recopié : 101, 100.
On passe en (2).
(2) Si le dernier mot écrit comporte effectivement n caractères écrits, la liste totale des mots écrits jusqu'alors, dans l'ordre d'écriture, complétée par le mot de départ qui n'a que des zéros, constitue une écriture complète d'un circuit hamiltonien sur S„. Sinon on passe en (3). (3) On recopie à la suite de la liste de tous les mots déjà écrits la même liste, en la prenant dans l'ordre inverse d'écriture, et en prenant soin de toujours placer en tête de chaque mot recopié le caractère 1. On passe en (2).
Le problème du « commis voyageur »
Toujours sur le thème des objets simpliciaux, évoquons l'un des problèmes économiques les plus célèbres : le problème du commis voyageur. Il s'agit de trouver le plus court circuit entre n villes. Ici nous prendrons six villes. On donne la table des distances — ou des coûts de passage de toute ville x vers toute ville y : T a b l e des c o û t s d e p a s s a g e de la ville-ligne à la ville-colonne.
a a
b
c
d
e
f
2
2
7
2
1
4
8
3
1
6
9
8
7
4
b
2
c
3
3
d
5
7
6
e
2
4
8
7
f
1
1
9
4
2 3
le circuit facdebf par exemple coûte 1 + 2 + 6 + 7 + 4 + 1 = 21. Les données sont élémentaires. Disons tout de suite que le commis voyageur astucieux fera mieux, il ne dépensera que 18 unités. On peut convenir que pour écrire un circuit — et pour en calculer le coût — on commence arbitrairement par la ville /, si bien que le circuit ci-dessus peut s'écrire simplement : a c d e b. D'une façon générale, il y a autant de circuits entre n villes qu'il y a de permutations à (n — 1) lettres. Ceci étant dit, le problème n'est pas pour autant résolu. Comment isoler celle des (n — 1)! permutations qui est la plus courte ? On ne connaît
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P. ROSENSTIEHL
pas d'algorithme de calcul efficace pour ce problème, d'où sa réputation. Proposons une méthode de calcul par récurrence sur simplexe, à laquelle on peut recourir, si n toutefois ne dépasse pas la vingtaine. Rappelons qu'on appelle simplexe S„ l'ensemble des 2" parties d'un ensemble E de n lettres, organisées par la relation d'inclusion et que l'une des représentations les plus commodes de cette structure abstraite est le diagramme en flèches du type présenté ci-dessous, constitué de sommets représentant les 2" parties de E, et de flèches telles (X Y), signifiant que la partie Y est constituée des lettres de X et d'une autre lettre en plus. Toutes les flèches correspondant à l'adjonction de la même lettre seront dites équivalentes, et tracées parallèles sur le diagramme. Un tel diagramme en flèches s'appelle suivant les contextes, squelette d'hypercube à n dimensions, ou générateur du treillis simplicial à n lettres. Nous l'appellerons ici simplement S„, comme le simplexe abstrait qu'il représente. Intéressons-nous aux chemins qui, dans le diagramme en flèches S„, joignent le pôle 0 au pôle E, en empruntant, bien entendu, n flèches dans le bon sens. Il s'agit, remarquons-le sur un chemin particulier, de n flèches distinctes, vu que la flèche qui joint X à Y prescrit l'adjonction à la partie X d'une lettre qui n'est pas élément de X. Un chemin 0 E représente une permutation des n lettres de E.
Feuille de calcul pour la recherche du plus court circuit entre six villes (le calcul procède par récurrence de E en 0).
LE PROBLÈME D U
« COMMIS VOYAGEUR
»
79
Deux chemins 0 E distincts représentent deux permutations distinctes. Il existe un chemin qui représente toute permutation donnée. Conclusion: l'ensemble des chemins 0 E est une représentation de l'ensemble des permutations des éléments de E. Pour revenir au commis voyageur, celui-ci trouvera sur le diagramme simplicial en flèches, S 5 , tous les circuits possibles qu'il peut effectuer. Félicitons-nous de cette écriture relativement concise de 120 objets que l'on n'a pas habituellement le courage d'écrire. Adoptons-la comme feuille de calcul pour rechercher celui des 120 circuits qui est le plus court. Notre problème est devenu un problème d'aiguillages. Il faut calculer, en tout sommet de S 5 , et pour chaque flèche qui y arrive, la flèche optimale qui en part. On programmera ainsi les aiguillages de tous les sommets de S 5 en procédant par récurrence, d'un pôle à l'autre. On partira par exemple de E, puis on traitera les sommets de la génération 4 situés sur une même horizontale à 4 flèches de distance de 0 , puis les sommets de la génération 3, etc. Les coûts optimaux de fin de circuits sont maintenant inscrits sur les flèches de S 5 . Les données du calcul elles-mêmes n'ont pas été portées surS 5 . Indiquons par exemple comment procède la méthode au point marqué W.
c
e Décisions en W d'aiguiller d sur c et a sur c.
En W, dont l'étiquette simpliciale est a, d, les villes a et d ont déjà été visitées. Si la dernière visitée est d, j'arrive en W par d et : soit je passe en b et ça me coûte 7, plus le coût de fin de programme, soit le coût 15 qui a été calculé précédemment ; soit je passe en c et ça me coûte 6, plus le coût de fin de programme, soit le coût 8 qui a été calculé précédemment.
80
P. ROSENSTIEHL
D o n c : une fois a visité, si je me trouve en d, je choisis le passage de d en c qui ne me coûte que 6 + 8 pour terminer m o n cheminement. Sur la feuille de calcul j'inscris 14 sur la flèche d qui aboutit en W, et je marque à l'extrémité de cette flèche un aiguillage qui la branche sur la flèche c issue de W. O n calcule de même en W l'aiguillage optimal de la flèche a sur la flèche c. La méthode étant maintenant comprise, on peut a b a n d o n n e r le diagramme, et la « programmer » pour un n o m b r e quelconque de villes. Résultat : fbeacdf est, avec le coût 18, le circuit optimal. Cette méthode n'est pas la seule pour résoudre le problème du commis voyageur, mais probablement l'une des plus rapides à l'heure actuelle.
M.
BARBUT
Morphismes d'algèbres de Boole. Vocabulaire et quelques exercices
1. U n e algèbre de Boole : un ensemble B, comportant deux éléments distingués, ou pôles de l'algèbre, V et A , et sur lequel sont définies deux opérations binaires V et A (lire resp. sup.-supremum et inf.-infimum), et une opération unaire ('), la complémentation. Avec comme règles d'emploi celles des opérations u et n (union et intersection) entre parties d'un ensemble pour V et A, celle du passage à la partie complémentaire pour ', et celles de la partie pleine pour V et de la partie vide pour A . O n trouvera la liste de ces règles dans M. S. H., n° 10, p. 54 et 55. Une algèbre de Boole est finie si B n'a qu'un nombre fini d'éléments. On sait (ici, on l'admettra) qu'alors B est toujours représentable par l'ensemble des parties d'un ensemble fini, muni des opérations usuelles rappelées ci-dessus, ou simplexe. Le nombre d'éléments de B est donc une puissance de 2, et à chaque puissance de 2 : 2, 4, 8, 16, . . . correspond une et une seule algèbre de Boole. (Sur les simplexes, voir les notes de P. Rosenstiehl, p. 69 à 80). 2. U n morphisme (ou homomorphisme) booléen : une d'une algèbre de Boole B sur une algèbre de Boole B 0 / :B
B0
qui « conserve » la structure :
Vx, VyeB,
Vx,
f{xVy) = f x V f y f(x A y) = f * * f y fx' = (fxï
/V /A A 0 et V 0 étant les pôles de B 0 .
= V0 = A0
application
82
M. BARBUT
Exemples : 1) B : Algèbre à 8 éléments. B 0 : Algèbre à 4 éléments.
V
V0
a b c a' b' c'
a a'
V0 a' a
A
A0 A0
A
A
a a'
b' b
V
V,
2) B : Algèbre 4 ; B 0 : Algèbre 8.
3) B : Algèbre 32 ; B 0 : Algèbre 4. Voir p. 71. 3. Un morphisme est dit (ici) épi (épimorphisme) s'il est surjectif, c'està-dire si chaque élément de B0, algèbre d'arrivée, est image d'au moins un élément de B, algèbre de départ. Inversement, un morphisme est un mono (monomorphisme) si chaque élément de B 0 est image d'au plus un élément de B. Les morphismes exemples 1 et 3 ci-dessus sont épi (ou « épis » ); le morphisme exemple 2 est mono. Exercice à faire avant d'aller plus loin : chercher sur les diagrammes simpliciaux correspondants tous les mono d'une algèbre 2 dans une algèbre 8 ; d'une algèbre 4 dans une algèbre 8. Tous les épi d'une algèbre 8 dans une algèbre 4, dans une algèbre 2. Chercher un morphisme de 8 dans 4 et un morphisme de 8 dans 8 qui ne soient ni épi, ni mono.
MORPHISMES D'ALGÈBRES DE BOOLE
83
4 . Vous avez travaillé, et vous venez de trouver un seul mono de 2 dans 8, et 6 monos de 4 dans 8. Dans chaque cas, l'ensemble des images des éléments de B forme un sous-ensemble de B 0 qui est lui-même une algèbre de Boole, réplique de l'algèbre de départ B. Sur la figure de l'exemple 2, on voit que l'image de B est constituée par les deux pôles de B 0 , un élément autre que les pôles, et le complémentaire de ce dernier: c'est une sousalgèbre de B 0 . Sous-algèbre d'une algèbre de Boole : partie de cette algèbre qui soit elle-même une algèbre de Boole, c'est-à-dire qui contienne les pôles, et soit stable pour les opérations V , A et '. Et on a la propriété générale : Si
m: B -»• B 0
est un mono (morphisme), l'image de B par m est une sous-algèbre de B 0 , réplique de B. Exercice:
Prouver cette propriété.
5. D e même qu'aux mono est associée la notion de sous-(algèbre), aux épi sera par dualité (renverser le sens des flèches, regarder le morphisme de l'arrivée B 0 vers le départ B) associée la notion d'algèbre quotient. Prenons l'épi donné en exemple 1 (ou n'importe lequel de ceux que vous avez construits) : les 8 éléments de B sont rangés en quatre classes, selon l'élément de B 0 sur lequel ils sont appliqués, et chaque classe comprend deux éléments exactement. Identifions tous les éléments d'une même
classe: il reste, entre classes une algèbre à 4, réplique de B 0 . L'exemple 3 fournit une autre image du passage au quotient : une algèbre 32 sur une algèbre 4 ; 4 classes, chacune organisée comme une algèbre 8.
84
M. BARBUT
Là aussi, la propriété est générale, quoique moins aisée à démontrer que dans le cas des mono et des sous-algèbres. Si : e : B -+ B 0 est un épi, le quotient de B par e est une algèbre réplique de B 0 . 6. Toutes les classes sont semblables (superposables sur les diagrammes) ; la donnée de l'une d'entre elles suffira à la déterminer toutes. Comment la choisir? Les pôles jouent un rôle distingué dans les algèbres de Boole; portons d'abord l'attention sur les classes associées aux pôles. Celle des classes qui correspond au pôle A 0 de l'algèbre B 0 d'arrivée : ses éléments sont par définition ceux des éléments de B qui ont pour image A 0 dans l'épimorphisme e. Désignons-la par I. On a : 1.
Ael
2.
(xel [(ex=A0
3.
et
et
puisque
ey=A0)
(xel
et
eA = A 0
y e l ) => (x V y e l ) => (e(xVy) = e x V ey = A 0 V A 0 = A 0 ) j
y e B ) => (x A y e l )
[(é?x=A 0 ) => (e(xAy) = e x A e y = A 0 e y = A 0 ) ] Toute partie d'une algèbre de Boole possédant ces trois propriétés est appelée un idéal.
En dualité (booléenne), la classe des éléments envoyés
par e sur V 0 possède les 3 propriétés duales de celles de l'idéal; on dit que c'est un
filtre.
Parmi les idéaux d'une algèbre de Boole, l'un ne sera jamais à considérer ; l'idéal « trivial » I = B. Quant aux autres, il est clair d'après la propriété (2) que dans une algèbre finie (attention, ceci n'est pas vrai pour les algèbres infinies) tout idéal possède un plus grand élément i, et est constitué d'après (3) par tous les éléments de B inférieurs ou égaux à i (dans l'ordre défini dans B par la relation d'absorption x A y = x, qui est figurée sur nos diagrammes). Nous aurons donc autant d'idéaux que d'éléments de B, et ce sont là tous les idéaux de B obtenus par la règle : choisir un élément i arbitraire dans B et retenir tous les éléments de B dominés par i. 7. Un idéal I étant choisi, les complémentaires des éléments de I constituent un filtre comprenant le complémentaire i' de i et tous les éléments de B qui dominent i'. Supposons que B soit à 2" éléments; elle comporte n a t o m e s ; si i est au niveau p dans le diagramme simplicial, I contient p atomes dont i est
85
MORPHISMES D'ALGÈBRES DE BOOLE
le sup. Soit a l'un des n — p autres atomes ; l'intervalle a = (a, i V a) est mis en correspondance bi-univoque avec I par les applications : I -> a tx —• I
x y
a Vx i Ay
dont on démontre aisément que chacune est un morphisme pour les opérations V et A (Prouvez-le) et qu'elles sont inverses l'une de l'autre.
De même, à un autre atome b non dans I correspond une classe fi constituée par l'intervalle (b, i V b) ; et I, A et B sont deux à deux disjointes. On voit la suite : I jouant le rôle de pôle inf., les (n — p) classes a , / ? , . . . celui d'atomes, l'algèbre-quotient va se constituer en définissant A V B par l'intervalle {a V b, i V a V b), A V B V C par l'intervalle (a V b V c, i V a V b V c), etc. Ce sera une algèbre à 2"~p éléments. Si donc on veut définir un épi d'une algèbre 2", B, sur une algèbre 2 \ B 0 (k < n) on procédera en choisissant un élément arbitraire i au niveau n — k dans B, on envoie l'idéal I déterminé par i sur Ap, puis les k classes « atomiques », du quotient B/I sont appliquées bijectivement sur les k atomes de B 0 . Les images de tous les autres éléments de B sont alors univoquement déterminées. Exercice : Compter les épi de 2" sur 2*. 8. Si / est un morphisme de B à B 0 qui ne soit ni épi, ni mono, nous aurons encore, associé à /, un quotient dans B. Ce quotient sera déterminé par l'idéal I des éléments de B qui ont pour image A 0 . Et l'algèbre quotient CAHIERS
MATHÉMATIQUES
N° 3
7
86
M. BARBUT
est une réplique de la sous-algèbre de B 0 constituée par l'image de B dans B„. C'est la classique factorisation de / :
B/I Exercices en guise de conclusion : — Montrer que le nombre de mono d'une algèbre 2* dans une algèbre 2" satisfait à l'équation de récurrence : M*,„ =
, +
lt„_
(k < ri)
— Montrer que le nombre de surjections d'un ensemble de n éléments dans un ensemble de k éléments satisfait à la même équation. — Calculer le nombre d'injections d'un ensemble de k éléments dans un ensemble de n éléments (k < ri). Comparer au nombre d'épi de 2" sur 2*. — Donner une explication des résultats (associer à un ensemble E l'algèbre de Boole de l'ensemble de ses parties; à une algèbre de Boole finie, l'ensemble de ses atomes). Bibliographie P. R. HALMOS, Lectures
on Boolean Algebras,
Van Nostrand.
G.
KREWERAS
Une dualité élémentaire souvent utile dans les problèmes combinatoires
Lacunes
— Doubles emplois
Injections
— Surjections
Parties
— Partitions
Pascal — Stirling Sous-Ensemble — Ensemble-Quotient Sélection — Classification A . — Applications d'un ensemble dans un autre 1. Pour illustrer la notion d'application d'un ensemble K (de k éléments) dans un ensemble N (de n éléments), nous utiliserons indifféremment soit : a) la représentation classique à l'aide de flèches partant (départ) pour aboutir en N (arrivée)
de K
de chaque élément de K part une flèche et une seule vers quelque élément de N, mais en un élément de N il se peut qu'aboutisse exactement une flèche, ou qu'il n'en aboutisse aucune, ou qu'il en aboutisse plusieurs; soit : b) l'image d'une équipe de k employés emménageant dans un étage de n bureaux ; chaque employé s'installe dans un bureau et un seul, mais il peut y avoir des bureaux occupés par un seul employé, d'autres vides, d'autres occupés par plusieurs employés.
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G. KREWERAS
2. Une application est injective (ou est une injection) si pour tout élément de N le nombre de flèches qui y aboutissent est inférieur ou égal à 1 (jamais plusieurs flèches de même extrémité). Une application est surjective (ou est une surjection) si pour tout élément de N le nombre de flèches qui y aboutissent est supérieur ou égal à 1 (jamais d'élément où n'en aboutit aucune). Il y a emménagement injectif si chaque employé a un bureau pour lui tout seul; il y a emménagement surjectif si aucun bureau n'est laissé vide. 3. Pour qu'une application de K dans N puisse être injective, il faut que k < n. Pour qu'elle puisse être surjective il faut que k ^ n. Mais bien entendu ces conditions ne sont pas suffisantes : une application définie sans précautions particulières a de fortes chances de n'être ni injective ni surjective. Il peut enfin exister des applications de K dans N à la fois injectives et surjectives (on les appelle injectives) : il est pour cela nécessaire (mais toujours pas suffisant) que k = n. 4. Il est bien connu que, K et N étant donnés, il existe nk applications distinctes de K dans N ; en effet, pour en définir une, on fait à partir de chacun des k points de K un choix entre n possibilités, d'où au total nk manières de caractériser l'ensemble de ces choix. Appl {k -> n) = nk
B. — Parties et partitions 1. Dans un ensemble N de m éléments, chacun sait ce que c'est qu'une partie de N. On dit aussi sous-ensemble au lieu de partie (*). Il est utile de considérer que N a deux parties un peu spéciales: une « partie pleine », composée de n éléments, qui n'est autre que N lui-même ; et une « partie vide », définie conventionnellement comme composée de zéro élément. 2. Dans un ensemble K de k éléments, on appelle partition R un système cohérent de réponses à toutes les questions de la forme « x et y sont-ils ou non de la même classe ? », ou en abrégé « a-t-on ou non xRy ?» x et y dési( * ) O n e m p l o y a i t a u t r e f o i s le m o t « c o m b i n a i s o n » , d a n s u n e l o c u t i o n p r o m i s e à la d é s u é t u d e m a i s q u i l a i s s e d e s t r a c e s p e r s i s t a n t e s : q u a n d u n e p a r t i e d e N s e c o m p o s a i t d e p é l é m e n t s (/> s ; n ) , o n l ' a p p e l a i t c u r i e u s e m e n t « c o m b i n a i s o n d e n é l é m e n t s p à p ». C e l a n g a g e e s t à é c a r t e r é q u i v o q u e et q u a s i m e n t
comme
absurde.
N o u s u t i l i s e r o n s c e p e n d a n t p l u s l o i n , p o u r u n e r a i s o n d e c o m m o d i t é , la l e t t r e C b i e n ne soit p a s l'initiale du m o t « partie ».
qu'elle
DUALITÉ ÉLÉMENTAIRE DANS LES PROBLÈMES COMBINATOIRES
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gnent l'un et l'autre dans ces questions des éléments quelconques de K. P a r système cohérent de réponses, n o u s entendons que l'on a t o u j o u r s xR.x
(réflexivité)
si xRy,
alors
xRy
et
vRv
(symétrie)
si yRz
alors
xRz
(transitivité).
U n e partition R de K étant donnée, on appelle classe l'ensemble de tous les éléments x de K pour lesquels on a xRa, a étant un élément d o n n é quelconque. Deux classes distinctes n'ont pas d'éléments c o m m u n s et la réunion de toutes les classes forme K. (C'est pourquoi une partition est aussi appelée relation classificatoire, ou encore relation d'équivalence). S'il y a p classes distinctes (aucune n'est vide) nous dirons que R est une partition en p classes (p = 1, 2, . . . , k). L'ensemble de ces p classes est appelé Yensemble quotient de K p a r la partition R, et se note souvent K / R . Si à chaque élément de K on fait correspondre la classe à laquelle il a p p a r tient, on définit ce que l'on appelle l'application canonique de K dans K / R . C. — Notations et conventions de calcul D a n s ce qui suit, nous appellerons
{
Ck le n o m b r e de parties de N composées de k éléments
(sélection ou choix de k parmi ri) I* le n o m b r e d'injections de K dans N P j le n o m b r e de partitions de K en n classes (classification
{
de k en ri) S j le n o m b r e de surjections de K dans N. N o u s supposerons connu le fait que si k = n = p, on a lk = Sî = Vp = p ! c'est m b r e des bijections. N ole u s n oadmettrons en outre par convention (plus ou moins naturelle) (a) que si k> n, Ck = I j = 0 (/?) que si k 1 (