Sens et usages du terme structure dans les sciences humaines et sociales 9783110874570, 9789027923127


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French Pages 165 [166] Year 1972

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Table of contents :
Table Des Matières
Introduction À L'etude Du Mot «Structure»
I
Le Sens Et L'emploi Du Mot «Structure» En Biologie
II
«Structure» En Linguistique
Les Limites De La Notion De Structure En Ethnologie
Note Sur L'emploi Du Mot «Structure» En Histoire De L'art
Structures Economiques
L'attitude Structuraliste Et Le Concept De Structure En Économie Politique
Note Complémentaire Les Préférences De Structure
Les Structures En Droit Privé
Le Mot «Structure» En Droit Public
Structure En Psychologie
Structure En Psychopathologie
Structure En Psychanalyse
Le Vocable «Structure» Et La Psychologie Sociale
Le Concept De Structure Chez Marx
Le Concept De Structure En Sociologie
Note Sur La Structure En Science Politique
III
La Notion De Structure En Histoire
Structures Temporelles
Le Concept De Structure Significative En Histoire De La Culture
Appendice
Compte Rendu Du Colloque Sur Le Mot Structure
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Sens et usages du terme structure dans les sciences humaines et sociales
 9783110874570, 9789027923127

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SENS E T USAGES DU T E R M E STRUCTURE DANS LES SCIENCES HUMAINES E T SOCIALES

JANUA LINGUARUM STUDIA MEMORIAE NICOLAI VAN WIJK DEDICATA edenda curat

CORNELIS H. V A N S C H O O N E V E L D INDIANA UNIVERSITY

NR. X V I

1972

MOUTON THE HAGUE • PARIS

SENS ET USAGES DU T E R M E

STRUCTURE D A N S LES S C I E N C E S H U M A I N E S E T SOCIALES édité par ROGER B A S T I D E

deuxième édition

1972

MOUTON THE HAGUE • PARIS

© Copyright 1962 by Mouton & Co., Publishers, The Hague, The Netherlands. No part of this book may be translated or reproduced in any form, by print, photoprint, microfilm, or any other means, without written permission from the publishers.

première édition 1962

Printed in The Netherlands

TABLE DES MATIÈRES Introduction à l'étude du mot «structure» (R.

BASTIDE)

.

9

I Le sens et l'emploi du mot «structure» en biologie (ETIENNE W O L F F )

23

II «Structure» en linguistique

( E . BENVENISTE)

Les limites de la notion de structure en ethnologie

31 (CLAUDE

LÉVI-STRAUSS)

40

Note sur l'emploi du mot «structure» en l'histoire de l'art (PIERRE FRANCASTEL)

Structures économiques

46

52

(FRANÇOIS PERROUX)

L'attitude structuraliste et le concept de structure en économie politique (ANDRÉ MARCHAL) *. . .

63

Note complémentaire: Les préférences de structure (JEAN W E I L L E R )

Les structures en droit privé

68 (JEAN CARBONNIER) .

La mot «structure» en droit public Structure en psychologie (D.

ADRÉ MATHIOT)

.

.

72

. . .

76

LAGACHE)

Structure en psychopathologie (D. Structure en psychanalyse (D.

81

83

LAGACHE)

85

LAGACHE)

Le vocable «structure» et la psychologie sociale PAGES)

.

(ROBERT 89

8

TABLE DES MATIÈRES

Le concept de structure chez Marx

(HENRI LEFEBVRE)

.

.

Le concept de structure en sociologie Note sur la structure en science politique

100 107

(RAYMOND ARON)

108

III La notion de structure en histoire (P. Structures temporelles

VILAR)

( M . C H . MORAZÉ)

117 120

Le concept de structure significative en histoire de la culture ( M . GOLDMAN)

124

APPENDICE

Compte rendu du colloque sur le mot structure

139

INTRODUCTION À L'ETUDE DU MOT «STRUCTURE»

Nous pouvons partir de deux constatations sur lesquelles, je pense, tout le monde est d'accord: 1. Aucune science n'a fait de progrès essentiels sans un vocabulaire technique parfait et l'histoire même des diverses sciences nous révèle, comme le dit M. Guilbaud pour les mathématiques, le passage de l'usage des termes, progressivement de leur sens courant au «jargon scientifique». 2. Cependant les sciences humaines et plus particulièrement les sciences sociales ne présentent pas encore ce vocabulaire technique parfait indispensable à leurs futurs progrès; plus exactement, elles présentent plusieurs vocabulaires techniques, souvent un par auteur, ce qui rend impossible le travail en commun. M. Moulin le remarquait dans le discours inaugural du Colloque que nous avions organisé sur le mot «structure»: «Des mots aussi courants que «groupe», «classe», «pouvoir» ou «structure» comptent actuellement non pas deux, ou trois, ou quatre significations fondamentales — ce qui est normal — mais autant d'acceptions que d'auteurs, acceptions parfaitement irréductibles à un commun dénominateur, et même totalement autonomiques.» C'est pourquoi, dans le cadre de l'élaboration du Dictionnaire terminologique des Sciences Sociales, patronné par l'Unesco, des savants appartenant à des sciences diverses se sont réunis à Paris, en un Colloque,1 pour faire subir au moins à un de ces termes «équivoques», celui de structure, une critique impartiale. Il n'était malheureusement pas possible, en quatre séances, de confronter tous les points de vue, ou d'étudier tous les usages possibles de ce terme, dans les diverses disciplines. De là, le livre que nous pré1

Tenu du 10 au 12 Janvier 1959. On en trouvera le compte-rendu en Appendice (p. 135-63).

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R. BASTIDE

sentons aujourd'hui au public, qui veut combler les lacunes et permettre le rassemblement de toutes les sciences humaines et sociales. A une époque, où le mot que nous voulons étudier est à la mode, où il a même donné naissance à une certaine conception de l'univers humain, le structuralisme, nous pensons qu'il répond à un besoin urgent: celui de clarification, de mise au point, et si possible aussi, de synthèse. Espérons qu'il pourra servir de base à un nouvel «examen de conscience» de la part des utilisateurs du mot, en vue de faire progresser la Science de l'Homme et de ses Oeuvres, en dehors de toute confusion fallacieuse. On sait que le mot structure vient du latin structura, dérivé du verbe struere, construire. Il a donc d'abord un sens architectural, désignant «la manière dont un édifice est bâti»;2 mais dès le XVIIe siècle, son usage va s'élargir et s'élargir en une double direction, vers l'homme, dont le corps peut être comparé à une construction (arrangement des organes par exemple) chez Fontenelle3 — et vers ses oeuvres, en particulier sa langue (arrangement des mots dans le discours, composition du poème) avec Balzac et Vaugelas.4 M. L. Bernot remarque à ce propos que, dès ses débuts, «le mot désigne à la fois a) un ensemble, b) les parties de cet ensemble, c) les rapports de ces parties entre elles», ce qui explique pourquoi il a séduit si facilement les «anatomistes» et les «grammairiens», et à partir d'eux, au cours du XIXe siècle, «tous ceux qui s'intéressaient aux «sciences exactes», aux sciences de la nature et à celles de l'homme».5 Mais à celles de l'homme par généralisation de celles de la nature. Il y a donc plusieurs itinéraires possibles, comme il y a plusieurs étapes, dans ce cheminement d'un mot à travers le vocabulaire scientifique. Dans une première période, nous trouvons les initiateurs de la pensée moderne: Spencer, Morgan, Marx. Or Spencer nous pré2

Dictionnaire de Trévoux, ed. de 1771. Cité par Littré, dans son Dictionnaire de la langue française. 4 Idem. s M. L. Bernot, «Contribution à l'étude internationale des Structures Sociales», Bull. Int. des Sciences Sociales, VII, 4 (1955). '

INTRODUCTION À L'ÉTUDE DU MOT «STRUCTURE»

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sente le premier itinéraire du mot, celui qui va de la biologie à la sociologie; et certes Spencer ne confond pas l'organisme social et l'organisme biologique, il insiste au contraire sur leurs différences; il n'en reste pas moins que le terme de «structures sociales» est tiré par lui de la biologie et se trouve comme enveloppé de l'aura «organiciste».6 On pourrait suivre de là tout un chemin qui, à travers Durkheim,7 nous conduirait jusqu'à Radcliffe-Brown écrivant: «Il existe une analogie véritable et significative entre structure organique et structure sociale».8 Contre ce courant naturaliste, et à peu près à la même époque que Spencer, Lewis H. Morgan ouvre un autre courant, qui nous conduit jusqu'à M. Lévi-Strauss. Mais il faut noter tout de suite que si Spencer a bien parlé de structure, il l'identifie à l'organisation sociale et par conséquent, on peut se demander ce que le terme de «structure» apporte de nouveau et de fécond par rapport à celui d'«organisation» et que de son côté Morgan ne parle pas comme M. Lévi-Strauss de «structures», mais de «systèmes» de parenté. Dans les deux cas, les pionniers posent un problème: dans quelle mesure l'introduction d'un nouveau vocable constitue-t-elle un progrès par rapport à ceux qui existaient déjà? L'apport de Marx et de Engels nous est apparu d'une telle importance que nous avons demandé à M. Lefebvre de lui consacrer un chapitre de ce livre; on verra comment il s'insère à la fois dans le courant issu de Morgan et comment il le dépasse. Ainsi s'ébauchent, dans la seconde moitié du XIXe siècle, des itinéraires qui débouchent sur notre époque. D'autres s'ouvriront au XXe siècle. M. Bernot nous en a indiqué un, celui qui part de la géographie physique et va jusqu'à la sociologie, par l'intermédiaire de la géographie humaine. Halbwachs emploie en 1938, dans sa Morphologie Sociale, le terme de structure «ou formes de la société» à peu près dans le même sens que les géographes, pour désigner la • Cf. sur ce point G. Gurvitch, «Une source oubliée des concepts de «structure sociale», «fonction sociale» et «institution»», H. Spencer, Cahiers int. de Sociol., XXIII (1957). 7 Régies de la méthode sociologique, classant les types sociaux d'après la nature des éléments composants et «leur mode de composition», c-à-d. justement leur structure, bien que le mot ne soit pas prononçé. 8 Cité par Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, p. 334.

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R. BASTIDE

façon dont la population se distribue sur le sol ou sa composition par sexe et par âge. La structure pour lui est donc, ce sont ses propres expressions, essentiellement «matérielle», «physique». Ainsi la notion de «structure sociale» s'introduit dans la sociologie française, comme le remarquera par la suite M. Gurvitch, à deux niveaux de la réalité, celui de la base morphologique et celui de l'organisation, avec — à cause de leurs origines différentes — des sens particuliers bien difficiles à concilier. Ce sont cependant les sociologues nord-américains de l'Ecole de Chicago qui, avec l'écologie, ont fait faire les progrès les plus sensationnels à la morphologie sociale, en étudiant la structure spatiale des grandes villes ou des petites communautés. Mais ici le courant structuraliste en rencontrait un autre, pour s'interférer avec lui, celui des «types idéaux», car il ne faut pas oublier que, malgré certaines hésitations de forme, les aires écologiques ne se définissent pas comme des réalités empiriques, mais comme des modèles théoriques jamais complètement réalisés dans les faits.9 Une histoire du mot «structure» ne peut donc, croyons-nous, ignorer la contribution allemande non-marxiste, qui commence avec Tônnies, distinguant deux grands types de structure, les structures communautaires et les structures sociétaires, pour y ajouter avec Max Weber les structures de «caste» ou d'«ordres» (dans le sens qu'on lui donnait sous l'Ancien Régime) et celles des «classes sociales», pour s'achever avec Thurnwald, qui distingue les principaux types de structure politique, et avec Freyer, qui a posé le problème de la délimitation des structures sociales face à la psychologie et face à l'histoire;10 bien que ce dernier sociologue ait fait un effort pour passer de l'abstrait au concret, comme du statique au dynamique, ces «structures sociales» doivent être envisagées essentiellement comme des «images idéales», plus que comme des descriptions d'organisations empiriques. • D. J. Burgess, Needed Urban and Metropolitan Research (1953): «Les critiques de cette théorie se sont montrés bien criticables en ne s'apercevant pas que cette théorie est une conception idéale.» 10 Sur cette évolution, voir Hans Freyer, Soziologie als Wirklichkeitswissenschaft, (Leipzig et Berlin, 1930).

INTRODUCTION À L'ÉTUDE DU MOT «STRUCTURE»

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La date d'apparition du livre de Freyer, 1930, est une date capitale. Elle termine une étape de notre histoire du mot pour en ouvrir une autre, celle de l'envahissement, presque explosif, de toutes les sciences sociales par la préoccupation structuraliste et en même temps, celle du changement de sens que le terme allait subir, sous l'influence des nouvelles logiques ou des nouvelles mathématiques. Il est difficile de préciser les antériorités. Même si on donne les dates exactes des livres où pour la première fois le terme est employé (on en trouvera un certain nombre dans les contributions réunies dans ce livre), on ne peut trop faire état de ces dates, car le mot est souvent utilisé pour donner un vocabulaire plus précis à des idées déjà défendues, à l'intérieur d'un autre vocabulaire, comme c'est le cas pour la linguistique. D est difficile aussi de donner les raisons historiques de ce brusque engouement; les économistes parlent des effets de la guerre de 1914 et plus encore de la crise de 1929, qui ne pouvait s'expliquer que comme une crise de la structure du régime capitaliste; M. Gurvitch a énuméré les raisons, d'ordre pratique, qu'avaient les sociologues d'employer ce terme pour résoudre certaines apories de leur propre discipline.11 Il est probable que l'apparition du Gestaltisme a été un facteur important de cette révolution; il suffit par exemple de consulter le Vocabulaire de la Philosophie de M. A. Lalande, dont la première édition date de 1926, pour juger de la nouveauté apportée; à l'ancien sens du mot structure en psychologie: «combinaison des éléments que manifeste la vie mentale, considérée à un point de vue relativement statique» vient s'en superposer un autre, antinomique: «par opposition à une simple combinaison d'éléments, un tout formé de phénomènes solidaires, tels que chacun dépend des autres et ne peut être ce qu'il est que dans et par sa relation avec eux».12 Or dans le même moment, les progrès des mathématiques permettaient de passer de l'acception organiciste du mot structure à une acception mathématique, «la théorie des modèles permettant de désigner par structure un 11 G. Gurvitch, «Le concept de Structure Sociale», Cahiers Int. de Soc., XIX (1955). 12 Art «Structure», p. 1010-1011.

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système bien spécifié de relations, ou de lois, qui décrivent le fonctionnement du phénomène représenté par un modèle» (M. Malinvaud).13 Mais cette évolution n'est pas complète, soit qu'elle laisse subsister des résidus des anciens sens, soit qu'elle se heurte à l'opposition de la «sociologie concrète» à la «sociologie abstraite ou formelle». Si l'on ajoute à ce conflit l'apparition de termes nouveaux comme ceux de «micro» et de «macrostructures», aussi bien chez les économistes que chez les sociologues, s'ajoutant à ceux de Marx, d'infra et de superstructures, celle de mots désignant des processus, comme ceux de «déstructuration» et «restructuration», enfin la difficulté de séparer des termes voisins, comme système, forme, organisation, modèle et structure (qui constituent des complexes linguistiques changeant de signification d'une théorie à l'autre), on comprendra mieux alors ce cri de Kroeber: «La notion de «structure» n'est probablement rien d'autre qu'une concession à la mode: un terme au sens bien défini exerce tout à coup un singulier attrait pendant une dizaine d'années — ainsi le mot «aérodynamique» — on se met à l'employer à tort et à travers, parce qu'il sonne agréablement à l'oreille . . . N'importe quoi — à la condition de n'être pas complètement amorphe — possède une structure. Ainsi semble-t-il que le terme de «structure» n'ajoute absolument rien à ce que nous avons dans l'esprit quand nous l'employons, sinon un agréable piquant.»14 Malgré tout, si l'emploi du mot continue et même, comme le nombre des contributions que nous avons pu rassembler en apporte la preuve, s'il envahit sans cesse de nouveaux champs d'exploration, c'est qu'il correspond bien à un besoin, c'est qu'il est utile, et que, s'il peut conduire à des confusions, il peut aussi enrichir les disciplines qui font appel à cette notion. De là l'enquête que nous avons menée, d'abord dans le Colloque, ensuite dans ce 13 Sur cette rupture epistémologique entre les deux acceptions du terme structure dans les diverses sciences de l'homme, voir G. Granger, Méthodologie Economique (Paris, 1955), pour l'économie politique; «Evénement et structure dans les sciences de l'Homme», Cahiers de l'Institut de Science Economique Appliquée, série M, N° 1, pour la linguistique, la psychologie, ethnologie et sociologie. 14 Cité par Lévi-Strauss, o.c., p. 304.

INTRODUCTION À L'ÉTUDE DU MOT «STRUCTURE»

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livre, auprès des savants qui l'utilisent — tout au moins des savants français — et qui l'utilisent justement, comme on verra en les lisant, parce qu'ils en sentent l'intérêt et la fécondité. Mais peut-on, à partir de ces usages divers, tenter d'établir une ou deux définitions générales du mot? Si diverses disciplines utilisent un terme commun, c'est bien sans doute que ce terme présente au moins un certain nombre de traits caractéristiques qui le distinguent des termes voisins — qui lui donnent une valeur signifiante spéciale — et ne pourrait-on partir de cette caractérisation pour tenter un effort de synthèse? E n gros, nous pouvons distinguer deux sens généraux, qui peuvent naturellement se multiplier en de nombreuses nuances, celui qui fait de la structure une définition de l'objet, et celui qui en fait une construction informatrice de l'objet. Or dans un cas comme dans l'autre, nous trouvons un effort pour réaliser, autour du mot, une synthèse, ou tout au moins une convergence, des diverses sciences sociales. Commençons par les structuralistes, travaillant soit isolément soit en séminaires interdisciplinaires, pour arriver justement à une définition générale. Nous pouvons prendre ici comme exemple, les suggestions de M. Lévi-Strauss. Comme pour lui, en effet, la structure n'est pas «le noyau de l'objet», mais au contraire «le système relationnel latent dans l'objet», on pourrait retrouver dans des objets très différents les mêmes systèmes relationnels ou tout au moins les lois de passage de l'un à l'autre; ainsi «on pourrait abattre les cloisons entre disciplines voisines». Il s'y essaie à plusieurs reprises, d'abord dans les Structures Elémentaires de la Parenté, entre les faits ethnographiques et les faits linguistiques; ensuite dans son introduction au livre de Mauss: Sociologie et Anthropologie, entre les faits ethnographiques et les faits psychologiques; enfin, dans l'Anthropologie Structurale, entre les faits ethnographiques, les faits sociologiques, les faits économiques, les faits esthétiques et les faits religieux. Ces rapprochements sont effectués soit à l'aide d'opérations de conversion (des modèles statistiques en modèles mécaniques pour

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R. BASTIDE

le couple sociologie-ethnographie), soit à l'aide de la notion de «modèle» et par conséquent de la recherche de plus de rigueur, mathématique ou logique, dans des couples opérant sur des réalités différentes (couple économie, où l'échange est un échange de biens et de services — ethnographie, où l'échange est un échange de personnes, mais dans les deux cas, il s'agit de valeurs; ou encore couple linguistique, où les phénomènes ne sont pas des valeurs — science des religions où les mythèmes sont des valeurs, mais dans les deux cas, il s'agit toujours de «paquets de relations»). Il faut d'ailleurs noter que toutes les structures se ramèneraient, finalement, chez lui, à des structures mentales, car elles ne seraient que des «modalités temporelles des lois universelles en quoi consiste l'activité inconsciente de l'esprit». L e point de vue structuraliste n'en est qu'à ses débuts et nous ne pouvons dès à présent prévoir s'il sera possible d'interpréter les faits d'échange économique, de parenté, de langage, etc. en termes de structures logico-mathématiques analogues. Il faut suivre en tout cas cet effort avec beaucoup d'attention; il rencontre des opposants, comme M. Granger, qui parle de «types» de structures et ne semble pas vouloir intégrer les diverses sciences de l'homme autrement que par une méthodologie commune. Nous n'entrerons pas dans ce débat, qui nous ferait sortir de notre sujet. Il nous suffit, pour le moment, que par delà la non-universalité des modèles, M. Granger en reconnaisse l'unité epistémologique. La notion de structure pourrait alors se définir ainsi: 1. système-lié, tel que le changement apporté à un élément entraîne un changement dans les autres éléments; 2. mais ce système (c'est ce qui le distingue de l'organisation) est «latent» dans les objets — de là l'expression de «modèle» employé par les structuralistes — et c'est justement parce qu'il s'agit d'un modèle qu'il permet la prédiction et rend intelligibles les faits observés. 3. On peut espérer trouver un jour, par la méthode comparative,, des équivalences entre les divers modèles; à l'heure actuelle, les modèles sont «locaux» — non seulement en ce sens qu'il y a des modèles variables suivant les disciplines, mais encore que

INTRODUCTION À L'ÉTUDE DU MOT «STRUCTURE»

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chaque discipline peut être amenée à utiliser des modèles variables. 4. H reste un dernier caractère qui a donné lieu, lors du Colloque, à des discussions passionnées. Le concept de structure apparaît comme un concept «synchronique». Cela, surtout si l'on ramène les divers types de structure à des structures mentales (ou même à des structures culturelles, de «consciences collectives»), l'histoire n'intervenant que pour montrer les constances. On me permettra de citer ici un texte significatif de M. Dumézil: «A toute époque, l'esprit humain est intervenu dans les séquences, en marge des séquences qui s'imposaient à lui, souvent plus fort qu'elles; or l'esprit humain est essentiellement organisateur, systématique, il vit de multiple simultané — en sorte que, à toute époque, en dehors des complexes secondaires qui s'expliquent par des apports successifs de l'histoire, il existe des complexes primaires, qui sont peut être plus fondamentaux dans les civilisations, et plus vivaces.»15 Mais il faut noter que linguistes, ethnologues, économistes cherchent, dans de nouveaux types de structure, à retrouver le «diachronique». Dans cette introduction, de pure analyse terminologique, nous ne pouvons aborder ce domaine; on trouvera dans les contributions qui suivent quelques éléments de ce débat. En face de cette première définition des structures, nous en trouvons une autre, celle des sciences sociales «concrètes». Comme nous avons pris pour le structuralisme un auteur, M. Lévi-Strauss, on nous permettra, ici encore, de centrer nos réflexions sur un autre auteur, M. Georges Gurvitch. Faut-il ramener avec M. Granger l'opposition de ces deux points de vue à l'opposition évènement-modèles structurels ou structure-histoire? Nous ne le pensons pas; ce qui intervient d'histoire chez M. Gurvitch, ce sont les processus, d'ailleurs incessants, de structuration et déstructuration. Mais il reste chez M. Gurvitch forcément encore un élément «synchronique» (en ajoutant tout de suite à ce synchronique i5

Les Dieux des Indo-Européens

(Paris, 1952), p. 80.

18

R. BASTIDE

des adjectifs comme «relatif» ou «provisoire»), «équilibre ou cohésion relative entre les paliers en profondeur, entre les formes de sociabilité, entre les réglementations sociales, entre les déterminismes, entre les colorations du mental».16 Et, par conséquent, aussi violemment opposés qu'ils soient, ils reconnaissent tous les deux, une distinction entre le flux du vécu et la «structure»; la différence est que, avec M. Gurvitch, la structure devient une partie de l'objet. Peut-on, à partir de là, tenter une nouvelle synthèse des sciences sociales? M. Gurvitch distingue les structures des sociétés globales (qui définissent justement les «types» relativement stables des sociétés globales) et les structures des groupes. Or c'est ici que la question d'une convergence se pose; on verra, en effet, dans les textes qui vont suivre, que dans beaucoup de domaines, psychologie, droit, politique, économie politique, et, tout au moins chez certains auteurs, histoire, les structures sont envisagées d'une façon concrète; ne pourrait-on pas rêver à partir de là, des «rencontres fructueuses» entre disciplines voisines?17 Nous devons cependant reconnaître que M. Gurvitch envisage ces rencontres dans le cadre des «types de structure globale» et que quand il parle de groupes, il parle de groupes concrets: communes, services publics, syndicats, classes sociales, partis politiques, équipes sportives, etc.,18 non de secteurs déterminés de l'activité humaine, groupes domestiques, économiques, politiques. De là un problème: la convergence des diverses sciences sociales ne se fera-t-elle pas par leur intégration à la Sociologie, un peu comme le préconisaient Durkheim et Fauconnet dans un article célèbre de la Grande Encyclopédie? On voit donc que la notion de «structure» est une notion féconde, pour les disciplines qui l'emploient, en ce sens que ce mot est un mot de ralliement, un de ces mots qui cherche, par delà les barrières, une unification terminologique des diverses sciences de » Déterminismes Sociaux et Liberté humaine (Paris, 1955), p. 100 (certes M. Gurvitch dit que les structures ne sont jamais statiques, mais alors il change de vocabulaire et parle de structuration et déstructuration continues). 17 G. Gurvitch, «Le concept de structure sociale», o.c., p. 43. 18 La Vocation actuelle de la Sociologie, p. 269-292.

INTRODUCTION À L'ÉTUDE DU MOT «STRUCTURE»

19

l'homme. Il reste une opposition irréductible: celle du modèle et du concret, des relations latentes et des relations réelles, et cette opposition se retrouve dans toutes les disciplines: aussi bien dans la biologie où la loi de croissance introduit les dimensions relatives des composants que dans l'esthétique avec l'apparition des matériaux nouveaux; le Vocabulaire doit enregistrer ce double sens, non prendre part à la «querelle» de ses utilisateurs — tout en reconnaissant que l'un et l'autre peuvent revêtir bien des aspects ou tout au moins des nuances (aspects et nuances qui s'estomperaient, croyons-nous, si on distinguait plus soigneusement les «structures» des concepts voisins, «systèmes», «organisations», «formes», pour les sciences concrètes et «modèles structurels» des autres espèces de modèles, pour les structuralistes). Ecole Pratique des Hautes Etudes Vie Section, et Faculté des Lettres, Paris

R . BASTIDE

I

Deux tendances semblent se faire jour dans l'emploi du terme «structure», l'une qui part de la biologie et l'autre des mathématiques.

LE SENS ET L'EMPLOI DU MOT «STRUCTURE» EN BIOLOGIE* Il peut venir à l'esprit d'un groupe de biologistes d'organiser un colloque sur les «structures» en biologie. Il ne leur viendrait pas en idée d'organiser un colloque sur le sens du mot «structure». C'est assez dire que ce terme est parfaitement clair, qu'il est indiscuté. Il conserve dans notre discipline son sens étymologique, son sens banal, celui que l'on trouve défini dans le Petit Larousse: «manière dont un édifice est bâti». On trouve encore: «manière dont les parties d'un tout sont arrangées entre elles: la structure du corps». Malgré quelques réserves sur cet exemple et sur une acception aussi étendue du terme, ces deux définitions correspondent bien à l'usage qu'en fait le biologiste. Doit-on regretter que notre science ne donne pas prise, comme tant d'autres disciplines, à de savantes discussions, à des travaux d'approche sur une notion complexe que l'on cherche à circonscrire et qui échappe toujours à la définition? Le biologiste, en refusant le mystère, perdra peutêtre un peu de prestige. Mais le fait est là: la structure est une notion simple, elle correspond à quelque chose de donné, et non pas seulement à quelque chose d'intelligible. La notion de structure correspond, à quelques nuances près, à celle d'organisation. Sans doute l'exemple du Larousse, la structure du corps, déborde-t-il un peu l'acception habituelle du terme. On tend à limiter son emploi à des formes d'organisation plus précises, où l'élément fondamental est la cellule. Mais l'être vivant comprend toute une hiérarchie de structures. La structure histologique définit l'arrangement des cellules en tissus, des tissus en organes. Les cellules sont les matériaux de base de l'édifice, comme les moellons d'une construction. Les mêmes structures se retrouvent tout au long de l'échelle animale. * Pour l'autre tendance, celle qui part des mathématiques, voir Appendice, p. 139—41.

24

ETIENNE WOLFF

Des cellules polyédriques, alignées régulièrement autour d'une cavité ou à la périphérie d'un organe, forment un épithélium. Des cellules étoilées ou fuselées, disposées sans ordre en un feutrage dense ou lâche, constituent le tissu conjonctif, dont dérivent la plupart des tissus de soutien ou de remplissage. Des cellules aux formes et aux propriétés spéciales se groupent pour former les tissus nerveux, musculaires, etc. Par extension, on parle même du tissu sanguin, dont les éléments, quoique dispersés, ont une morphologie et une répartition constantes. Tout organisme métazoaire ou métaphyte est un assemblage complexe de cellules. La «théorie cellulaire», formulée pour la première fois par Schleiden (1838) et Schwann (1839), n'a plus besoin d'être démontrée. Elle est passée dans le domaine des faits, ou, si l'on préfère, des lois. Une observation plus approfondie révèle la structure cellulaire. La cellule a, elle aussi, une organisation constante chez tous les êtres vivants. Elle est composée d'un cytoplasme, d'une membrane, d'un noyau, de différents organites cellulaires, tels les mitochondries. Chacun de ces éléments a lui-même une structure plus ou moins complexe. Les Protistes se bornent à ce type d'organisation, qu'ils ont du reste souvent perfectionné à un haut degré, concentrant en une seule cellule toutes les fonctions spéciales que les organismes supérieurs réalisent à l'aide de très nombreuses cellules. Les bactéries elles-mêmes n'échappent pas à cette structure. Des recherches récentes ont montré qu'elles possèdent, elles aussi, un noyau, qui avait longtemps échappé aux investigations. On distinguait alors la structure bactérienne de la structure cellulaire proprement dite. Les bactéries rentrent aujourd'hui dans la règle générale. En poussant plus loin encore l'investigation, par des moyens qui dépassent le pouvoir d'analyse des plus puissants microscopes optiques — le microscope électronique en est un exemple — on arrive à mettre en évidence les «ultrastructures». Il s'agit encore de la morphologie cellulaire, mais de structures très fines que l'analyse microscopique ne permettait pas de discerner ou qu'elle ne laissait que deviner. La membrane du noyau, les mitochondries, les cils et les flagelles révèlent une structure constante

«STRUCTURE» EN BIOLOGIE

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et complexe.1 Les ultrastructures ainsi révélées ne sont qu'un complément et un enrichissement de la morphologie cellulaire. Toutefois, le microscope électronique permet d'aborder l'analyse de structures encore plus fines, sous-jacentes à la structure cellulaire: il s'agit des structures moléculaires. Le pouvoir séparateur du microscope électronique permet devoir soit des groupements de molécules, soit les molécules mêmes des protéines complexes, caractéristiques de toute matière vivante. Certaines formes vivantes — on hésite à parler d'organismes — échappent à la structure cellulaire, et ne montrent que ce type de structure: tels sont les virus, les bactériophages. Grâce à cette absence de morphologie cellulaire, on a pu obtenir, par des traitements chimiques modérés, la cristallisation de certains virus; le virus de la mosaïque du tabac en est un exemple. Ainsi l'on arrive à ce paradoxe d'une matière vivante cristallisable, et n'ayant d'autre organisation que sa structure chimique. Qu'on ne s'y trompe pas: de telles structures moléculaires, extrêmement complexes, sont encore caractéristiques de la matière vivante. Elles sont étudiées actuellement par les biochimistes et les biophysiciens, à l'aide de méthodes optiques, chimiques et physiques. La diffraction aux rayons X, la fluorescence en lumière ultra-violette en sont des exemples. S'il est relativement aisé d'établir la formule globale d'une protéine ou d'une nucléo-protéine, la structure stéréochimique de telles molécules est encore en discussion. Il s'agit de savoir comment les matériaux de base, les acides aminés, sont groupés entre eux. Nul doute qu'il s'agisse de structures périodiques, de longues chaînes dont les maillons sont presque identiques et où différents acides aminés sont situés aux mêmes places. Us constituent ainsi une trame, que l'on s'accorde aujourd'hui à considérer comme formée de deux ou plusieurs hélices tressées comme un câble électrique, et rendues solidaires par de nombreuses liaisons. Ces longues chaînes peuvent, suivant les conditions, s'étirer ou se contracter: on parle alors de protéines fibreuses et de proté1

Ainsi le grain basai sur lequel est inséré tout cil, tout flagelle, dans le règne animal comme dans le règne végétal, se décompose, avec une remarquable constance, en neuf granules disposés autour d'un corpuscule central.

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ines globulaires. Ces structures sont spécifiques des protéines, donc caractéristiques de la matière vivante, puisqu'elle seule peut les élaborer, dans l'état actuel de nos connaissances. Veut-on pousser plus loin l'analyse? Les protéines se résolvent en peptides simples, les acides aminés; ceux-ci en leurs atomes constitutifs, carbone, hydrogène, azote, oxygène, éventuellement soufre et phosphore. Nous sommes alors à un niveau de structure qui relève de la chimie organique, d'où la vie et ses caractères se sont échappés. Mais ces éléments sont les matériaux fondamentaux avec lesquels s'édifie, en dernière analyse, toute matière vivante. Si, pour nous résumer et par une opération inverse, nous partons des matériaux les plus simples pour aller vers les structures les plus complexes, nous passons de la structure atomique à la structure micromoléculaire, de la micromolécule à la macromolécule, et c'est à ce niveau qu'émergent les structures vivantes élémentaires; de là nous remontons aux structures cytocorpusculaires, à la structure cellulaire, à l'organisation tissulaire, à la morphologie de l'organe et enfin à celle de l'organisme. Il est entendu que de nombreux êtres vivants peuvent s'arrêter à certains de ces types structuraux. Les plus élevés en organisation — nous n'attachons à ce qualificatif aucun jugement de valeur, mais l'idée d'une complexité relative — montrent donc une hiérarchie de structures emboîtées. Chacune d'elles est faite de l'assemblage d'unités de la structure sous-jacente. S'agit-il de simples juxtapositions, chaque forme d'organisation se réduit-elle à la somme de ses éléments? C'est ici que, par une sorte d'émergence propre aux phénomènes vitaux, chaque degré d'organisation montre des propriétés nouvelles. Ainsi un tissu montre, outre les propriétés des éléments cellulaires qui le constituent, des réactions, des facultés nouvelles qui dépassent celles de simples cellules, on pourrait dire: des possibilités accrues de libération par rapport à la matière inerte. Chaque niveau de structure définit une unité d'un caractère entièrement différent de la structure du degré inférieur. La question se pose, en dernière analyse, de savoir si une certaine complexité de structure moléculaire ne détermine pas, ipso facto, toute la hiérarchie des structures que revêt un organisme. La morphologie

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tout entière, le comportement d'une espèce, y compris son psychisme, les structures sociales qu'elle développe, les industries qu'elle crée, ne sont-ils pas en définitive conditionnés par la structure des macromolécules constitutives, comme la morphologie des cristaux dérive de la constitution des molécules? Ainsi la diversité des structures pourrait être ramenée à l'unité. Il est trop tôt pour réprondre à cette question. Avant de dériver les structures les unes des autres, il faut se contenter d'en observer et d'en étudier la diversité. On peut aussi se demander si les différents niveaux de structures ont apparu et se sont succédés dans l'ordre de la classification que nous venons d'évoquer. Il est logique et il est vraisemblable qu'il en soit ainsi. Mais ce problème se rattache à quelques-unes des plus redoutables énigmes qui se posent au biologiste. Sans doute les virus, par leur absence de morphologie cellulaire, et, malgré la complexité de leurs molécules, sont-ils les êtres vivants les plus simples qui existent actuellement. Sans doute peut-on se représenter que la matière vivante a passé par des formes ayant le même niveau de structure. Mais il est impossible que les virus eux-mêmes aient été ces premières formes, car ils sont incapables de vivre en l'absence de cellules d'organismes évolués. Ce sont les plus stricts, les plus exigeants des parasites que l'on connaisse, et l'on a souvent tendance à les considérer comme des êtres très dégradés, ayant perdu la morphologie cellulaire, plutôt que comme des précurseurs des êtres vivants. On peut encore supposer que les premiers êtres vivants avaient un même degré d'organisation, mais qu'ils étaient autotrophes, c'est-à-dire capables d'assimiler directement l'azote et le carbone du monde minéral, qu'ils possédaient en outre un équipement enzymatique propre, toutes propriétés que n'ont pas les virus. Seules les formes adaptées à un strict parasitisme auraient survécu de ces premiers stades de la vie, qui demeurent inaccessibles et purement hypothétiques. Le même hiatus se retrouve entre les Bactéries et les Protistes, malgré leur organisation cellulaire commune; entre les Protistes d'une part, les Métazoaires et les Métaphytes d'autre part. Malgré l'absence actuelle d'intermédiaires nets entre ces groupes, de telles

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discontinuités sont cependant plus faciles à combler, car de nombreux organismes unicellulaires ont tendance à former des ensembles, colonies ou agglomérats, qui évoquent les êtres pluricellulaires. Réciproquement, la plupart des organismes complexes passent, au cours de leur vie, par un stade unicellulaire, ovule ou spermatozoïde. Ce dernier présente, chez les Animaux comme chez les Végétaux, une forme flagellée caractéristique de certains Protozoaires. Les conditions dans lesquelles s'est fait le passage d'une structure à une autre restent cependant mystérieuses et ne sont encore l'objet que de considérations théoriques. Collège de France

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Le terme «structure» a pris en linguistique, au cours de ces vingt dernières années, une extension considérable depuis qu'il a acquis une valeur doctrinale et en quelque sorte programmatique. Ce n'est plus tant du reste structure qui apparaît désormais comme le terme essentiel que l'adjectif structural, pour qualifier la linguistique. Très vite structural a entraîné structuralisme et structuraliste. Il s'est créé ainsi un ensemble de désignations1 que d'autres disciplines empruntent maintenant à la linguistique pour les adapter à leurs propres valeurs.2 On ne peut parcourir aujourd'hui le sommaire d'une revue de linguistique sans y rencontrer un de ces termes, souvent dans le titre même de l'étude. Que le souci d'être «moderne» ne soit pas toujours étranger à cette diffusion, que certaines déclarations «structuralistes» couvrent des travaux de nouveauté ou d'intérêt discutable, on l'admettra sans peine. L'objet de la présente note n'est pas de dénoncer l'abus, mais d'expliquer l'usage. Il ne s'agit pas d'assigner à la linguistique «structurale» son champ et ses bornes, mais de faire comprendre à quoi répondait la préoccupation de la structure et quel sens avait ce terme chez ceux des linguistes qui, les premiers, l'ont pris dans une acception précise.® 1

Cependant aucun de ces termes ne figure encore dans le Lexique de la terminologie linguistique de J. Marouzeau, 3e éd. (Paris, 1951). Voir un aperçu historique, assez général, chez J. R. Firth, «Structural Linguistics», Transactions of the Philological Society, 1955, pp. 83-103. 2 Mais ni structurer ni structuration n'ont cours en linguistique. 3 Nous ne considérons ici que les travaux de langue française; il est d'autant plus nécessaire d'y insister que cette terminologie est aujourd'hui internationale mais qu'elle ne recouvre pas exactement les mêmes notions d'une langue à l'autre. Voir p. 36 à la fin de cet article. Nous ne tiendrons pas compte de l'emploi non technique du terme «structure» chez certains linguistes, par exemple J. Vendryes, Le Langage, 1923, pp. 361, 408: «La structure grammaticale».

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Le principe de la «structure» comme objet d'étude a été affirmé, un peu avant 1930, par un petit groupe de linguistes qui se proposaient de réagir ainsi contre la conception exclusivement historique" de la langue, contre une linguistique qui dissociait la langue en éléments isolés et s'occupait à en suivre les transformations. On s'accorde à considérer que ce mouvement prend sa source dans l'enseignement de Ferdinand de Saussure à Genève, tel qu'il a été recueilli par ses élèves et publié sous le titre de Cours de linguistique générale.4 On a appelé Saussure avec raison le précurseur du structuralisme moderne.5 Il l'est assurément — au terme près. Il importe de noter, pour une description exacte de ce mouvement d'idées qu'il ne faut pas simplifier, que Saussure n'a jamais employé, en quelque sens que ce soit, le mot «structure». A ses yeux la notion essentielle est celle du système. La nouveauté de sa doctrine est là, dans cette idée, riche d'implications qu'on mit longtemps à discerner et à développer, que la langue forme un système. C'est comme telle que le Cours la présente, en formulations qu'il faut rappeler: «La langue est un système qui ne connaît que son ordre propre» (p. 43); «La langue, système de signes arbitraires» (p. 106); «La langue est un système dont toutes les parties peuvent et doivent être considérées dans leur solidarité synchronique» (p. 124). Et surtout, Saussure énonce la primauté du système sur les éléments qui le composent: «C'est une grande illusion de considérer un terme simplement comme l'union d'un certain son avec un certain concept. Le définir ainsi, ce serait l'isoler du système dont il fait partie; ce serait croire qu'on peut commencer par les termes et construire le système en en faisant la somme, alors qu'au contraire c'est du tout solidaire qu'il faut partir pour obtenir par analyse les éléments 4

Rappelons que ce livre, paru en 1916, est une publication posthume. Nous le citons ici d'après la 4e édition (Paris, 1949). Sur la genèse de la rédaction, voir maintenant R. Godel, Les sources manuscrites du Cours de linguistique générale de F. de Saussure (Genève, 1957). 5 «Précurseur de la phonologie de Prague et du structuralisme moderne» (B. Malmberg, «Saussure et la phonétique moderne», Cahiers F. de Saussure, XII, 1954, p. 17). Voir aussi A. J. Greimas, «L'actualité du saussurisme», Le français moderne, 1956, p. 191 sq.

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qu'il renferme» (p. 157). Cette dernière phrase contient en germe tout l'essentiel de la conception «structurale». Mais c'est toujours au système que Saussure se réfère. Cette notion était familière aux élèves parisiens de Saussure;6 bien avant l'élaboration du Cours de linguistique générale, Meillet l'a énoncée plusieurs fois, sans manquer de la rapporter à l'enseignement de son maître, dont il disait que «durant toute sa vie, ce qu'il a cherché à déterminer, c'est le système des langues qu'il étudiait».7 Quand Meillet dit que «chaque langue est un système rigoureusement agencé, où tout se tient»,8 c'est pour attribuer à Saussure le mérite de l'avoir montré dans le système du vocalisme indo-européen. Il y revient plusieurs fois: «Il n'est jamais légitime d'expliquer un détail en dehors de la considération du système général de la langue où il apparaît»9; «Une langue constitue un système complexe de moyens d'expression, système où tout se tient.. .»10 De même Grammont louait Saussure d'avoir montré «que chaque langue forme un système où tout se tient, où les faits et les phénomènes se commandent les uns les autres, et ne peuvent être ni isolés ni contradictoires».11 Traitant des «lois phonétiques», il proclame: «Il n'y a pas de changement phonétique isolé. . . . L'ensemble des articulations d'une langue constitue en effet un système où tout se tient, où tout est dans une étroite dépendance. Il en résulte que si une modification se produit dans une partie du système, il y a des chances pour que tout l'ensemble du système en soit atteint, car il est nécessaire qu'il reste cohérent.»12 Ainsi, la notion de la langue comme système était depuis longtemps admise de ceux qui avaient reçu l'enseignement de Saus• Saussure (1857-1913) a enseigné à Paris, à l'Ecole des Hautes-Etudes, de 1881 à 1891. 7 Meillet, Linguistique historique et linguistique générale, II (1936), p. 222. » Ibid., p. 158. • Linguistique historique et linguistique générale, I (1921), p. 11. " Ibid., p. 16. 11 Grammont, Traité de phonétique, (1933), p. 153. 12 Ibid., p. 167.

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sure, en grammaire comparée d'abord, puis en linguistique générale.13 Si on y ajoute ces deux autres principes, également saussuriens, que la langue est forme, non substance, et que les unités de la langue ne peuvent se définir que par leurs relations, on aura indiqué les fondements de la doctrine qui allait, quelques années plus tard, mettre en évidence la structure des systèmes linguistiques. Cette doctrine trouve sa première expression dans les propositions rédigées en français que trois linguistes russes, R. Jakobson, S. Karcevsky, N. Troubetzkoy, adressaient en 1928 au Premier Congrès International de linguistes à La Haye en vue d'étudier les systèmes de phonèmes.14 Ces novateurs devaient eux-mêmes désigner ceux qu'ils considéraient comme leurs précurseurs, Saussure d'une part, Baudoin de Courtenay de l'autre. Mais déjà leurs idées avaient pris forme autonome, et dès 1929 ils les formulaient en langue française dans les Thèses publiées à Prague pour le 1er Congrès des Philologues slaves.15 Ces Thèses anonymes, qui constituaient un véritable manifeste, inauguraient l'activité du Cercle Linguistique de Prague. C'est là que le terme structure apparaît, avec la valeur que plusieurs exemples vont illustrer. Le titre énonce: «Problèmes de méthode découlant de la conception de la langue comme système» et en sous-titre: « . . . comparaison structurale et comparaison génétique». On préconise «une méthode propre à permettre de découvrir les lois de structure des systèmes linguistiques et de l'évolution de ceux-ci».16 La notion de «structure» est étroitement liée à celle de «relation» à l'intérieur du système: «Le contenu sensoriel de tels éléments phonologiques est moins essentiel que leurs relations réciproques au sein du système (principe structural du système phonologique).y)11 D'où cette règle de méthode: «Il faut caractériser le système phonologique . . . en spécifiant obli13 C'est aussi de la doctrine saussurienne que se réclame l'étude de G. Guillaume, «La langue est-elle ou n'est-elle pas un système?», Cahiers de linguistique structurale de l'Université de Québec, I (1952). " Actes du 1er Congrès International de Linguistes, 1928, p. 36-39, 86. 51 Travaux du Cercle Linguistique de Prague, I (Prague, 1929). 18 Ibid., p. 8. » Ibid., p. 10.

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gatoirement les relations existant entre lesdits phonèmes, c.-à-d. en traçant le schème de structure de la langue considérée.»18 Ces principes sont applicables à toutes les parties de la langue, même aux «catégories de mots, système dont l'étendue, la précision et la structure intérieure (relations réciproques de ses éléments) doivent être étudiés pour chaque langue en particulier».19 «On ne peut déterminer la place d'un mot dans un système lexical qu'après avoir étudié la structure du dit système».20 Dans le recueil qui contient ces Thèses, plusieurs autres articles de linguistes tchèques (Mathesius, Havránek), écrits en français aussi, contiennent le mot «structure».21 On notera dans les plus explicites de ces citations que «structure» se détermine comme «structure d'un système». Tel est bien le sens du terme, tel que Troubetzkoy le reprend un peu plus tard dans un article en français sur la phonologie22: «Définir un phonème, c'est indiquer sa place dans le système phonologique, ce qui n'est possible que si l'on tient compte de la structure de ce système. . . . La phonologie, universaliste par sa nature, part du système comme d'un tout organique, dont elle étudie la structure.» 23 Il s'ensuit que plusieurs systèmes peuvent et doivent être confrontés: «En appliquant les principes de la phonologie à beaucoup de langues toutes différentes pour mettre en évidence leurs systèmes phonologiques, et en étudiant la structure de ces systèmes, on ne tarde pas à remarquer que certaines combinaisons de « "

Ibid., p. 10-11. Ibid., p. 12. 20 Ibid., p. 26. 21 Les linguistes cités ont largement participé à l'activité du Cercle linguistique de Prague, sur l'initiative de V. Mathesius en particulier, ce qui fait que ce mouvement est souvent désigné comme 1'«école de Prague». Pour en retracer l'histoire, la collection des Travaux du Cercle Linguistique de Prague sera une des sources essentielles. Voir en particulier R. Jakobson, «La scuola lingüistica di Praga», La Cultura, XII (1933), p. 633-641; «Die Arbeit der sogenannten «Prager Schule», Bulletin du Cercle Linguistique de Copenhague, III (1938), p. 6-8; Avant-propos aux Principes de Phonologie de N. S. Troubetzkoy, trad. fr. (Paris, 1949), p. XXV-XXVII. N. Trubetzkoy, «La phonologie actuelle», Psychologie du langage (Paris, 1933), p. 227-246. 2 » Ibid., p. 233.

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corrélations se retrouvent dans les langues les plus diverses, tandis que d'autres n'existent nulle part. Ce sont là des lois de la structure des systèmes phonologiques.»24 . . . «Un système phonologique n'est pas la somme mécanique de phonèmes isolés, mais un tout organique dont les phonèmes sont les membres et dont la structure est soumise à des lois.»25 Par là, le développement de la phonologie est en accord avec celui des sciences de la nature: «La phonologie actuelle est caractérisée surtout par son structuralisme et son universalisme systématique. . . . L'époque où nous vivons est caractérisée par la tendance de toutes les disciplines scientifiques à remplacer l'atomisme par le structuralisme et l'individualisme par l'universalisme (au sens philosophique de ces termes, bien entendu). Cette tendance se laisse observer en physique, en chimie, en biologie, en psychologie, en science économique, etc. La phonologie actuelle n'est donc pas isolée. Elle fait partie d'un mouvement scientifique plus ample.»26 Il s'agit donc, la langue étant posée comme système, d'en analyser la structure. Chaque système, étant formé d'unités qui se conditionnent mutuellement, se distingue des autres systèmes par l'agencement interne de ces unités, agencement qui en constitue la structure.27 Certaines combinaisons sont fréquentes, d'autres plus rares, d'autres enfin, théoriquement possibles, ne se réalisent jamais. Envisager la langue (ou chaque partie d'une langue, phonétique, morphologie, etc.) comme un système organisé par une structure à déceler et à décrire, c'est adopter le point de vue «structuraliste».28 « » »

lbid., p. 243. lbid., p. 245. lbid., p. 245-6. 27 Les deux termes «structure» et «système» sont posés en rapport différent dans l'article de A. Mirambel, «Structure et dualisme de système en grec moderne», Journal de Psychologie, 1952, p. 30 sq. Autrement encore chez W. S. Allen, «Structure and System in the Abaza Verbal Complex», Transactions of the Philological Society, 1956, p. 127-176. 28 Cette attitude à l'égard de la langue a été étudiée dans une perspective philosophique par Ernst Cassirer, «Structuralism in Modem Linguistics», Word, I (1945), p. 99 sq. Sur la situation de la linguistique structurale par rapport aux autres sciences humaines, voir maintenant A. G. Haudricourt,

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Ces vues des premiers phonologistes, qui s'appuyaient sur des descriptions précises de systèmes phonologiques variés, avaient gagné en peu d'années assez d'adeptes, hors même du Cercle linguistique de Prague, pour qu'il devînt possible de fonder à Copenhague, en 1939, une revue, Acta Lingüistica, qui s'intitulait: Revue internationale de linguistique structurale. Dans une déclaration liminaire écrite en français, le linguiste danois Viggo Brôndal justifiait l'orientation de la revue par l'importance que la «structure» avait acquise en linguistique. A ce propos, il se référait à la définition du mot structure chez Lalande, «pour désigner par opposition à une simple combinaison d'éléments, un tout formé de phénomènes solidaires, tels que chacun dépend des autres et ne peut être ce qu'il est que dans et par sa relation avec eux».29 Il soulignait aussi le parallélisme entre la linguistique structurale et la psychologie «gestaltiste» en invoquant la définition de la «Gestalttheorie» donnée par Claparède30: «Cette conception consiste à considérer les phénomènes non plus comme une somme d'éléments qu'il s'agit avant tout d'isoler, d'analyser, de disséquer, mais comme des ensembles (Zusammenhànge) constituant des unités autonomes, manifestant une solidarité interne, et ayant des lois propres. Il s'ensuit que la manière d'être de chaque élément dépend de la structure de l'ensemble et des lois qui le régissent.»31 Reprenant après la disparition de V. Brôndal la direction des Acta Lingüistica, M. Louis Hjelmslev définit à nouveau, en 1944, le domaine de la linguistique structurale: «On comprend par linguistique structurale un ensemble de recherches reposant sur une hypothèse selon laquelle il est scientifiquement légitime de décrire le langage comme étant essentiellement une entité autonome de dépendances internes, ou en un mot, une structure. . . . L'analyse de cette entité permet de dégager constamment des «Méthode scientifique et linguistique structurale», L'Année Sociologique, 1959, p. 31-48. !9 Lalande, Vocabulaire de philosophie, III, s.v. Structure. 30 Ibid., III, s.v. Forme. 31 Brôndal, Acta Lingüistica, I (1939), p. 2-10. Article réimprimé dans ses Essais de linguistique générale (Copenhague, 1943), p. 90 sq.

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parties qui se conditionnent réciproquement, et dont chacune dépend de certaines autres et ne serait concevable ni définissable sans ces autres parties. Elle ramène son objet à un réseau de dépendances, en considérant les faits linguistiques comme étant en raison l'un de l'autre.» 32 Tels ont été les débuts de «structure» et «structural» comme termes techniques. Aujourd'hui le développement même des études linguistiques33 tend à sçinder le «structuralisme» en interprétations si diverses, qu'un de ceux qui se réclament de cette doctrine ne craint pas d écrire que «sous l'étiquette commune et trompeuse de «structuralisme» se retrouvent des écoles d'inspiration et de tendances fort divergentes . . . L'emploi assez général de certains termes comme «phonème» et même «structure» contribue souvent à camoufler des différences profondes.»34 Une de ces différences, la plus notable sans doute, est celle qu'on peut constater entre l'usage américain du terme «structure» et les définitions rappelées ci-dessus.35 Pour nous borner à l'emploi qui est généralement fait du mot «structure» dans la linguistique européenne de langue française, nous soulignerons quelques traits susceptibles d'en constituer une définition minimale. Le principe fondamental est que la langue constitue un système, dont toutes les parties sont unies par un rapport de solidarité et de dépendance. Ce système organise des 32 Acta lingüistica, IV, fase. 3 (1944), p.V. Les mêmes notions sont développées en anglais par L. Hjelmslev dans un article intitulé «Structural analysis of Language», Studia Lingüistica (1947), p. 69 sq. Cf. encore les Proceedings of the Vlllth International Congress of Linguists, Oslo, 1958, p. 636 sq. 33 Voir un aperçu d'ensemble dans notre article «Tendances récentes en linguistique générale», Journal de Psychologie, 1954, p. 130 sq. 34 A. Martinet, Economie des changements phonétiques (Berne, 1955), p. 11. 35 Une instructive confrontation des points de vue est donnée par A. Martinet, «Structural Linguistics», in Anthropology Today, ed. Kroeber (Chicago, 1953), p. 574 sq. On trouvera maintenant plusieurs définitions recueillies par Eric P. Hamp, A Glossary of American Technical Linguistic Usage (Utrecht-Anvers, 1957), s.v. Structure.

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unités, qui sont les signes articulés, se différenciant et se délimitant mutuellement. La doctrine structuraliste enseigne la prédominance du système sur les éléments, vise à dégager la structure du système à travers les relations des éléments, aussi bien dans la chaîne parlée que dans les paradigmes formels, et montre le caractère organique des changements auxquelles la langue est soumise. Collège de France

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LES LIMITES DE LA NOTION DE STRUCTURE EN ETHNOLOGIE Dans d'autres publications, je me suis suffisamment étendu sur la nature et le rôle de la notion de structure en ethnologie. Il me semble plus opportun de considérer ici quelques critiques récentes suscitées par l'emploi de cette notion, et dont on peut se demander si elles ne sont pas les signes annonciateurs d'une crise, dont il serait assez normal qu'elle survînt après l'engouement des vingt dernières années pour la notion de structure, d'ailleurs prise dans les acceptions les plus diverses, et, parfois même, contradictoires. Le signe avant-coureur de cette crise se trouve, peut-être, dans un article de G. P. Murdock, «Changing Emphasis in Social Structure», Southwestern Journal of Anthropology, Vol. 11, no. 4 (1955), assez surprenant si l'on se souvient que l'auteur avait, naguère, sacrifié avec zèle sur l'autel de la structure. Il est vrai que le structuralisme «à tant pour cení» de Murdock était plus apparent que réel, et qu'un décrochage bruyamment annoncé, six ans à peine après la publication de «Social Structure», est bien pour confirmer les doutes qu'on avait pu nourrir, dès ce moment, sur la convenance du titre donné à ce célèbre ouvrage. Quoi qu'il en soit, on ne lit pas sans gêne, dans l'article de 1955, que le travail taxinomique, en anthropologie, peut être considéré comme terminé, la démonstration étant faite que les différents types d'organisations familiales et parentales, de modes de résidences, de terminologies et d'attitudes, se combinent entre eux pour fournir «une classification systématique, comparable à celles de Linné et de Mendéléev». Il semblerait plutôt qu'une telle formule définisse un but à atteindre, qui exigera de notre part un effort prolongé. Les études minutieuses de M. Rodney Needham, qui, depuis plusieurs années, examine, une par une, les sociétés caractérisées par une règle de mariage obligatoire, ont, entre autres mérites, celui de démontrer de

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façon empirique que, dans ce vaste domaine des règles du mariage, nous n'avons guère fait qu'un travail d'ébauchage: comme à la hache, les problèmes ont été dégrossis, les principales lignes de clivage sommairement marquées. Mais tout reste à accomplir du point de vue d'une classification linnéenne, car chaque système concret, historiquement et géographiquement situé, révèle à l'observateur attentif des problèmes et des lacunes, dès qu'on prétend le définir sans équivoque, et comprendre son mode de fonctionnement. Au contraire, selon Murdock, il conviendrait d'abandonner la notion de structure, «stérile» et «statique», pour se consacrer dorénavant à l'étude des procès («process»), qui, seule, peut permettre de replacer l'homme dans l'évolution organique et biologique, la société dans la culture, la culture dans l'histoire, et l'histoire dans l'individu. «Le système linnéen», écrit-il, «n'est devenu quelque chose de vivant qu'après que Darwin a découvert les processus de variation et de sélection naturelle.» Pourtant, Darwin n'eût pas été possible s'il n'avait été précédé par Linné, c'est-à-dire, si l'on n'avait, déjà, jeté les bases théoriques et méthodologiques permettant de décrire et de définir ces espèces, qui sont sujettes au changement. De ce point de vue, en anthropologie, nous sommes encore loin de compte. Les exemples invoqués par Murdock semblent, d'ailleurs, orienter la recherche dans une direction différente. Il est sans doute exact que, quand ils ont abordé l'étude des anciennes populations japonaises de la Micronésie, les anthropologues américains ont constaté que les notions traditionnellement utilisées pour l'étude de la structure sociale étaient inopérantes. Ces structures ne pouvaient être décrites d'un point de vue purement synchronique. Comme chez les Nakanai de la Nouvelle-Bretagne, étudiés par Goodenough, des structures différentes correspondaient à diverses périodes de la vie individuelle, et une coupe instantanée ne donnait jamais qu'une distribution statistique. Cette découverte rejoignait celle de Fortes chez les Ashanti, où, selon le village considéré, l'état-civil, et l'âge des chefs de famille, la résidence devait être définie — si l'on prétendait employer les catégories classiques —

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tantôt comme patrilocale, tantôt comme matrilocale, ou avunculolocale. Il serait imprudent de conclure à un conflit entre l'ordre de la structure et celui de l'événement. Dans des cas de ce genre, il se trouve seulement que la structure est ostensiblement bi-dimensionnelle, c'est-à-dire que la structure du système se transforme selon la résidence, l'âge, et le statut des individus. La meilleure preuve en est, qu'à condition d'introduire cette correction, les auteurs précités retrouvent le moyen de faire une analyse structurale. Mais toute structure n'est-elle pas bi-dimensionnelle? Qu'on puisse, dans certains cas privilégiés, faire abstraction de la dimension du temps — soit parce que l'observation correspond à un moment déterminé de l'évolution du groupe social, soit parce que l'âge des individus, leur état-civil, leur groupe local, ne sont pas des éléments pertinents du système — ne change rien à la situation générale: en droit et en fait, il existe des structures diachroniques et des structures synchroniques. Comme la linguistique, et pour des raisons méthodologiques évidentes, l'anthropologie a commencé par envisager les secondes. Elle entreprend aujourd'hui de s'attaquer aux autres, mais, ce faisant, elle ne sort pas du cadre de l'interprétation structurale. S'il fallait s'en convaincre, il suffirait de se reporter à une étude récente de M. Zelditch Jr., «Statistical Preferences of the Ramah Navaho», American Anthropologist, Vol. 61, no. 3 (1959). Ces Indiens pratiquent des mariages qu'on a longtemps tenus pour arbitraires, tant les observations se contredisaient. En reprenant le problème dans une perspective statistique, un modèle a été dégagé, selon lequel une famille tend d'abord à disperser ses alliances; puis, après avoir parcouru le cycle entier des familles avec lesquelles elle réussit à nouer des relations matrimoniales, elle inaugure un nouveau cycle. Par conséquent, dans un cycle de mariages, le premier seul offre un caractère contingent. En dépit des apparences, les autres lui sont structuralement liés. L'opposition, aujourd'hui en vogue aux Etats-Unis, entre «structure» et «process» est aussi soulignée par M. Evon Z. Vogt dans un article: «On the Concept of Structure and Process in Cultural Anthropology», American Anthropologist, Vol. 62, no. 1 (1960).

LA NOTION DE STRUCTURE EN ETHNOLOGIE

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A la suite de Fred Eggan, il rattache la première notion aux préoccupations de l'école anglaise, l'autre à celles de l'école américaine. Mais, selon l'auteur, il s'agit plutôt de les intégrer l'une et l'autre dans un modèle théorique général, permettant d'échapper à la double antinomie sur laquelle on a buté jusqu'à présent: d'une part, celle de la structure et de l'histoire, de l'autre celle du système et de l'individu. Or, poursuit-il, nous avons commis la faute de concevoir les structures comme statiques, faisant ainsi du changement, soit un principe hétérogène, soit un phénomène interne, mais de nature pathologique. Il faut, au contraire, poser le primat du changement, et considérer la structure comme la manière dont se traduit, pour l'observateur, une appréhension instantanée et artificielle d'une réalité mouvante. Car la nature ne nous montre jamais que le changement: «Si les sociétés humaines, si les cultures, font partie de la nature, il s'ensuit que leurs structures ne sont que les intersections, dans le temps et dans l'espace, de procès, en cours de changement et de développement.» Il est impossiblè de saisir les structures, si l'on ne comprend pas les procès. L'auteur distingue deux types de procès: ceux qui se répètent de manière cyclique au sein de chaque société (cycle de la vie individuelle, activités calendaires, etc.) et les procès qu'il appelle «cumulatifs» et «directionnels», se produisant à une échelle historique macroscopique, et qui transforment progressivement le système. Les premiers restent de l'ordre de la structure, bien qu'ils impliquent une dimension temporelle; les seconds se manifestent comme altérations irréversibles de la structure, et sont responsables de l'apparition de structures nouvelles. L'existence de ce second type est généralement admise pour les grandes civilisations historiques. Peut-on les trouver aussi dans les petites sociétés traditionnelles, qu'étudient les ethnologues? L'auteur le croit, dans la mesure où, selon lui, chaque groupa possède un système de valeurs qui réagit, dans le sens d'une orientation constante, sur l'ensemble des conditions géographiques, technologiques, économiques et sociales. Ainsi, la valeur éminente que les Navaho attachent à la santé individuelle, agissant con-

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CLAUDE LÉVI-STRAUSS

curremment avec l'expansion démographique et la complication de la structure sociale, résultant, pour un peuple de chasseurs et collecteurs nomades, de l'adoption de l'agriculture et de l'élevage du mouton, expliquerait les caractères du rituel tel qu'on peut l'observer aujourd'hui: une multiplicité de cérémonies et d'observances puisant aux sources les plus diverses, mais avec la cure médicale comme principal objet. Ce qu'il s'agit pourtant d'expliquer, dans une hypothèse de ce genre, c'est d'abord — à supposer que l'observation soit exacte — la présence d'une valeur éminente et formatrice, dont l'enquête comparative seule permettrait de montrer (ce qui n'est d'ailleurs pas le cas) qu'elle «va de soi» dans une société de chasseurs et collecteurs; ensuite, pourquoi cette valeur a subsisté, et non le genre de vie (qui devrait être aussi l'objet de valeurs) auquel elle était primitivement attachée; enfin, s'il existe ou non une relation structurale entre les nouvelles formes d'activité économique et les institutions sociales adoptées. On retrouve donc les problèmes de structure, au moment où on croyait les avoir dépassés. Je n'entends certes pas récuser la notion de procès, ni contester l'importance des interprétations dynamiques. Il me semble seulement que la prétention de mener solidairement l'étude des procès et celle des structures, relève, au moins en anthropologie, d'une philosophie naïve, et qui ne tient pas compte des conditions particulières dans lesquelles nous opérons. Il a fallu attendre les anthropologues pour découvrir que les phénomènes sociaux obéissaient à des arrangements structuraux. La raison est simple: c'est que les structures n'apparaissent qu'à une observation pratiquée du dehors. Inversement, celle-ci ne peut jamais saisir les procès, qui ne sont pas des objets analytiques, mais la façon particulière dont une temporalité est vécue par un sujet. Ce qui revient à dire, d'une part, qu'il n'existe de procès que pour un sujet engagé dans son propre devenir historique, ou plus exactement dans celui du groupe dont il est membre, 1 et, d'autre part, que, dans un groupe 1 C'est la démonstration à laquelle procède Sartre dans la Critique de la Raison dialectique; ouvrage qui, pour cette raison, se situe dans un champ qui n'est pas celui de la réflexion ethnologique.

LA NOTION DE STRUCTURE EN ETHNOLOGIE

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donné, les procès sont aussi nombreux — et différents les uns des autres—qu'il existe de sous-groupes d'identification: pour un aristocrate et pour un sans-culotte, la Révolution de 1789 n'est pas le même procès; et il n'existe de «méta-procès», intégrant ces expériences irréductibles, que pour une pensée historiquement postérieure, et correspondant à l'action d'un groupe qui, lui-même, fait une place à la Révolution dans sa propre perspective historique. Pour revenir à l'ethnologie, c'est l'un de nous — E. R. Leach — qui a remarqué quelque part que «les évolutionnistes n'ont jamais discuté en détail — et moins encore observé — ce qui se produit en fait quand une société au stade A se change en une société au stade B; on s'est borné à affirmer que toutes les sociétés du stade B sont, d'une façon ou de l'autre, sorties de sociétés du stade A». Ce commentaire irriterait justement les historiens, dont la tâche propre semble passée aux profits et pertes. Mais les historiens travaillent à partir de documents qui sont l'oeuvre de témoins, eux-mêmes membres du groupe étudié. Tandis que l'ethnologue est son seul témoin, et un témoin, par hypothèse, étranger au groupe. A l'un, donc, le changement, à l'autre les structures — sans oublier qu'un historien peut, parfois, travailler en ethnologue, et un ethnologue, en historien —; mais les méthodes, elles, sont complémentaires, au sens que les physiciens donnent à ce terme: c'est-à-dire qu'on ne peut pas, à la fois et en même temps, définir avec rigueur un stade A et un stade B (ce qui n'est possible que du dehors et en termes structuraux), et revivre empiriquement le passage de l'un à l'autre (ce qui serait la seule façon intelligible de le comprendre). Même les sciences de l'homme ont leurs relations d'incertitude. Collège de France

CLAUDE LÉVI-STRAUSS

NOTE SUR L'EMPLOI DU MOT «STRUCTURE» EN HISTOIRE DE L'ART C'est par rapport aux arts, et particulièrement à l'architecture, que le terme de structure est entré dans la langue. Il ne faut pas s'en étonner, puisque le mot lui-même est dérivé de struere, construire. Ce qui est remarquable, c'est que, d'une part, l'usage du terme s'est raréfié dans le vocabulaire esthétique depuis un siècle, tandis que, d'autre part, il prenait une importance de plus en plus grande dans d'autres disciplines. Récemment pourtant, il semble que le terme ait retrouvé une place importante dans le vocabulaire plastique par suite des développements dûs, principalement en architecture, à l'emploi de nouveaux matériaux. Si l'on se reporte au Littré, on constate qu'à l'époque où il fut publié, le terme ne se rattachait encore couramment qu'à des faits de caractère littéraire ou anatomique. Les différents rapporteurs ont, en somme, décrits les phases d'une extension progressive de ce terme aux différentes disciplines qui depuis un siècle ont fait preuve successivement du plus grand dynamisme: mathématiques, linguistique, psychologie, ethnographie, sociologie, économie. Il en résulte que ce sont les arts et la biologie qui, après avoir frayé la voie, font aujourd'hui figure de disciplines secondaires. On serait ainsi tenté de considérer que le terme de structure ne prend sa valeur que dans des disciplines vivantes. Ils s'efface au profit de celui de forme ou de modèle dans celles qui se trouvent dans une phase d'immobilisme et d'académisme. Revendiquant donc pour les arts la première utilisation du terme, on reconnaît de bonne grâce que la spéculation esthétique s'est montrée extrêmement pauvre depuis un siècle, au moment où les autres disciplines qui ont fait usage du mot de structure et qui lui ont conféré de nouveaux contenus, connaissaient, au contraire, des moments d'essor remarquables. Si l'on s'efforce, en premier lieu, de fixer le sens premier du terme, on s'aperçoit que, dans son premier emploi, le terme de structure

«STRUCTURE» EN HISTOIRE DE L'ART

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semble vouloir désigner spécifiquement le mode d'arrangement des parties d'un tout. Il y a aussi la notion de corps organisé et celle d'éléments multiples et divers par leur nature. Ainsi la structure se découvre-t-elle différente aussi bien des éléments que d'un modèle. On ne parle donc pas de structure en esthétique pour désigner la conformité à un plan, mais pour caractériser la manière dont le plan a été réalisé par combinaison d'éléments qui n'étaient pas tous inclus nécessairement dans les prémisses de l'entreprise. On se rapproche ainsi plutôt de la notion d'objet — qui est le produit final et empirique d'une activité dont les mobiles et les moyens sont multiples — que de la notion de forme. On exclut, en tout cas, l'idée que la structure corresponde à la mise en relief d'une réalité exhaustive et contraignante. Elle est plutôt issue d'un projet que justifiée par le souci de reproduction d'un modèle. On se rapproche aussi de la notion de genèse mise en avant par M. Guilbaud, et de la notion d'approche concrète mise en avant par M. Benveniste. On s'écarte, en revanche, de la notion de matrice où conduisent certaines conceptions linguistiques américaines. Un point plus délicat, est de savoir dans quelle mesure, en art, la structure correspond à une formalisation et à une analyse. Elle semble plutôt être synthétique, et créatrice d'une catégorie particulière de formes. En mettant l'accent sur le fait que la structure aboutit à l'objet — le bâtiment, l'oeuvre — on touche au conflit évoqué par M. Lévi-Strauss entre ethnographes américains et européens. La structure est-elle le noyau de l'objet ou, au contraire, le système relationnel latent dans l'objet mais qui le rattache à d'autres objectivations possibles? En fait, dans le sens ancien du terme, aucun doute n'est possible, la structure, au sens monumental, constitue bien ce qui est le lien particulier d'un édifice, c'est-à-dire d'un unicum. Mais si l'on considère, en revanche, l'emploi récent du terme, notamment en architecture, il tend au contraire à désigner ce pouvoir, cette puissance latente d'engendrer des objets, à laquelle se réfère pour sa part M. Lévi-Strauss. La distinction ainsi faite entre le caractère organique, le caractère discursif ou dialectique de l'objet ne se confond pas avec une

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PIERRE FRANCASTE!.

autre difficulté signalée par les rapporteurs. Considérée comme un invariant absolu par les mathématiciens — au moins à la limite — la structure est regardée par les économistes comme un élément relativement stable. Ce qui attire notre attention sur le caractère sinon temporel du moins discontinu de la structure et ce qui nous amène à observer que, du point de vue esthétique, la même question se pose, aboutissant à la confrontation de la notion de structure et de celle de forme. Comme on l'a déjà observé, il semble que la fortune du terme de structure soit dans le domaine esthétique en raison inverse de celui de forme. Depuis quatre vingts ans, c'est autour de la notion de forme que se livrent les combats idéologiques et critiques en matière d'art. Toutes les théories relatives à la vie des formes reposent sur l'idée que la fonction de l'art est de reproduire un objet, ou un être, existant, ou encore de donner corps à une notion, à un symbole. Ainsi, la théorie réaliste et la théorie symbolique de l'art sont-elles en réalité les deux aspects d'une même croyance dans l'existence de modèles préexistants à l'activité de l'artiste. On comprend alors que la notion et le terme de structure aient été pour ainsi dire abandonnés par les critiques. Ils introduisaient une conception à la fois trop technique et trop empirique qui contredisait l'idéalisme absolu qui a régné dans ce domaine depuis le romantisme. Une difficulté particulière existe du fait que le mot forme est, au surplus, utilisé d'une manière ambiguë, désignant deux séries de phénomènes, conjoints certes mais non identiques. Quand je parle des formes en matière d'esthétique, je désigne des éléments pourvus de cet élément de cohésion stable qui fait le lien intérieur des parties et constitue ce noyau durable qui rend possible la reconnaissance usuelle. Quand je parle de Forme, je pense au contraire à ce qui transcende chaque objet, chaque oeuvre. Je me place à un point de vue voisin de celui des mathématiciens et, au fond, je pense une structure susceptible d'engendrer au delà de chaque forme accidentelle, d'autres formes semblables. Il se peut même que je la pense comme susceptible d'engendrer dans mon esprit une spéculation imaginaire au terme de laquelle je découvrirai une autre

«STRUCTURE» EN HISTOIRE DE L'ART

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manière de conduire ma pensée et mes actes, ou, à tout le moins, des connexions abstraites entre les types d'organisation qui lient les formes au premier sens du terme et d'autres types d'activité mentales empruntés à d'autres domaines de l'action. Bien entendu, il n'existe pas de conflit absolu entre les formes et la Forme, car les formes expriment nécessairement des Formes. En revanche, la Forme n'est pas engendrée, contrairement à ce qu'on croit souvent, par la multiplication ou le développement purement spatial des formes. Elle ne se peut rattacher à aucun type ou modèle extérieur à l'esprit créateur. Ce serait pourtant une erreur que de penser que la Forme, assimilable à l'aspect esthétique de la Structure, ne consiste que dans une pure intuition. La Forme, la structure, est liée autant que les formes à la matière. Elle l'est seulement autrement. Ce qui se passe aujourd'hui sous nos yeux dans le domaine de l'architecture le démontre clairement. Pendant des milliers d'années, les architectes ont disposé d'un très petit nombre de matériaux: la terre, la pierre, le bois. Le développement des industries métallurgiques leur a seulement donné, de temps en temps, des outils plus perfectionnés pour les modeler à leur volonté. Au XIXe siècle une révolution artistique complète est apparue dans ce domaine comme ailleurs, par la capacité nouvelle de produire de nouveaux matériaux. On s'imagine, du reste, trop souvent que cette capacité s'est limitée à la découverte du fer, de la fonte et du béton. Ou, plus exactement, on croit que la découverte de quelques nouveaux matériaux est venue simplement enrichir de quelques unités la liste des matières sur lesquelles s'exerce l'art du constructeur. Cependant, d'une part, le nombre des nouveaux matériaux est beaucoup plus grand qu'on ne croit (acier, agglomérés, plastiques, etc.) et, surtout, la découverte de ces matériaux a transformé les conditions d'utilisation de tous les autres. Pour ne citer que le cas du béton, on a vu, dans ces derniers mois, se construire à Paris, au rond-point de la Défense, un extraordinaire édifice où l'utilisation du béton dit précontraint, d'une part, la référence, d'autre part, au travail des plastiques, a vu se substituer comme principe possible d'équilibre à la notion im-

50

PIERRE FRANCASTE!,

muable des forces de pesanteur celle des tractions maîtrisées à l'intérieur de la masse. En même temps, le calcul s'est substitué à l'empirisme. Et, tout naturellement, on a vu reparaître dans le vocabulaire courant des réalisateurs — sinon encore d'une critique perdue dans des débats byzantins sur les formes — le terme de structure. La structure ne s'identifie pas ici soit avec la totalité, soit avec le système, soit avec le modèle. Elle désigne, certes, un principe, mais simultanément une conduite, un mode de faire. Elle est inséparable, d'autre part, d'une oeuvre réalisée. En dépit des matériaux rationalisés, chacune des formes monolithes ou des ensembles montés de pièces en série possède non seulement son originalité apparente, mais sa loi particulière d'équilibre. Bien entendu, les nouveaux objets du monde moderne — et les observations présentées ici à propos d'une architecture pourraient être appuyées d'exemples analogues empruntés à la peinture ou à la sculpture ou à n'importe quel autre domaine de l'art — ne constitueront pas une collection d'unica. Dans le nouveau système, il y aura aussi des structures issues des premiers modèles réalisés par une spéculation originale. Ces objets ne seront pas pour autant dépourvus de structures, ils garderont nécessairement, au contraire, les éléments fondamentaux d'organisation qui ont rendu possible la construction de la première structure. On retrouvera donc ici le même problème que celui qui a tant pesé sur la critique des formes. La discussion de ce problème n'est pas de notre objet actuel. Il importe seulement d'observer, en premier lieu, qu'une distinction demeure entre la Forme et la Structure. Parlant de Forme on considère l'objet dans un milieu hétérogène, parlant de Structure on le considère comme donné et on considère les relations de cohésion interne et d'assemblage. Cependant, Forme ou Structure, l'élément notionnel n'a de valeur en art que dans la mesure où il se réalise et d'intuition devient structures ou formes. C'est par là qu'en art la structure est à la fois ce qui se réalise et ce qui dépasse. En bref, l'existence d'une oeuvre d'art est impensable sans structure, mais il ne s'ensuit pas que dans chaque ouvrage la structure possède le même rôle ni la même qualité. Il est aussi important, par conséquent, de se demander devant chaque

«STRUCTURE» EN HISTOIRE DE L'ART

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cas particulier quel est aussi bien le degré d'originalité et le degré d'intégration de la structure que de ne jamais oublier que les analyses qui prennent pour objet les structures — ou les formes — n'épuisent pas les points de vue valables et même utiles pour une connaissance précise de l'objet considéré. Ecole Pratique des Hautes Etudes Vie Section

P I E R R E FRANCASTEL

STRUCTURES ECONOMIQUES

1.

LA STRUCTURATION LOGIQUE DES EXPÉRIENCES ÉCONOMIQUES

Dans les sociétés occidentales, depuis la première révolution industrielle, certaines expériences sociales sont structurées logiquement en termes dits économiques. Ces expériences englobent, par exemple, celles d'un chef d'entreprise, d'un chef de famille, d'un travailleur d'usine, d'un fonctionnaire, d'un ministre, etc. . . . Ces hommes croient agir économiquement s'ils obtiennent un résultat jugé avantageux, un rendement, moyennant un coût (exprimé en monnaie, en choses, en effort). Au sein d'une société rationalisée qui use systématiquement des sciences et des techniques pour accroître le pouvoir des hommes sur le monde extérieur et qui, par conséquent, est engagée dans un processus rationnellement contrôlé de transformation des hommes par les hommes, par l'intermédiaire des ensembles de choses qui constituent le milieu matériel de leur vie, l'efficacité maximum est recherchée. Cette efficacité se détermine rationnellement par rapport à tous les hommes, considérés ensemble, dans des luttes où les adversaires n'usent pas de violence seulement, mais affrontent les uns aux autres leurs propres calculs, c'est-à-dire leur doit et leur avoir dans l'accomplissement de fonctions sociales. Quels que soient le système, le type d'organisation, les structures des sociétés dont il est question, l'accomplissement des fonctions économiques, n'excède pas le domaine des choses comptabilisables. Comptabiliser est chercher une combinaison de nombres et de quantités en vue d'une opération dont le résultat est rendu intelligible par confrontation rationnelle, au sein d'un groupe de participants dont les projets et les conduites ne sont pas spontanément concourants ni compatibles. Cette proposition vaut pour les comptabilités privées et les comptabilités publiques; elle vaut, surtout,

STRUCTURES ÉCONOMIQUES

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pour les comptabilités dites sociales qui se proposent de synthétiser les deux précédentes. On ne comptabilise pas seulement aujourd'hui les choses qui reçoivent un prix sur les marchés que l'on dit libres, les marchés des sociétés marchandes. Des prix sont attribués aux choses par les plans, qui organisent et arbitrent les tensions entre les agents et leurs groupes. Le prix reste un indicateur de rareté. La rareté n'est plus la conséquence d'une hiérarchie sociale engendrée dans les conflits aveugles de l'histoire, mais bien d'une hiérarchie sociale consciemment modifiée par les pouvoirs politiques aux prises avec les groupes sociaux et tentant d'arbitrer les luttes que se livrent ces groupes pour l'acquisition et la jouissance des choses comptabilisables. Les activités économiques des sociétés rationalisées sont évolutives. La matière des comptes change; non moins leurs procédés. Longtemps, les coûts dits sociaux n'ont pas été parties intégrantes des comptabilités des entreprises ni des Etats. D'une part, l'individualisation fallacieuse des comptes, par imputation assez arbitraire de rendements et de coûts aux petites unités (firmes), a persisté: on commence seulement, sans en tirer toutes les conséquences pratiques, à comprendre grâce à l'analyse des effets de la firme sur l'environnement (firme motrice) et des effets de l'environnement sur la firme (external économies) que les limites de la firme, telles qu'elles sont couramment entendues, sont contestables. La firme subit des pertes et perçoit des gains qui ne sont pas imputables aux décisions du chef de firme. Les activités économiques se sont modifiées concrètement; avec un long retard, les théories générales qui les expriment ont changé de contenu et de formes. Le sens de ces transformations peut être indiqué sommairement ainsi (les termes dans chaque colonne ne se correspondent pas deux à deux):

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FRANÇOIS PERROUX

ACTIVITES TYPIQUES

THEORIES GENERALES

A. L'échange concurrentiel entre micro-unités

1. L'équilibre général de toutes les quantités et de tous les prix, sur les marchés interdépendants.

B. La combinaison d'échanges de concurrence monopolistique entre microunités

2. L'équilibre général des quantités globales (introduction d'interventions limitées). La croissance équilibrée.

C. La combinaison d'échanges privés avec des actes d'autorité (marché et plan)

3. L'équilibre général des quantités globales cherché par un plan indicatif (introduction du plan, défini comme une combinaison de variables-objectifs et de variables-moyens). La croissance équilibrée et harmonisée consciemment.

Ce tableau indicatif laisse voir une extension de la prise de conscience des activités appelées économiques. Les expériences économiques des agents et des groupes, dans des sociétés qui ne sont ni spontanément harmoniques, ni réconciliables par des arbitrages incontestables, restent dans une large mesure contradictoires les unes avec les autres. Chacune de ces expériences s'arme d'un savoir contrôlé par les procédés de la science, mais c'est pour le service d'intérêts propres. Les entreprises, les industries, les classes sociales, les nations n'acceptent qu'à regret

STRUCTURES ÉCONOMIQUES

55

la démystification de théories implicitement normatives, et les progrès dans la direction d'une société économique dont les postulats, les analyses, les régularités deviennent communicables à tous et intelligibles pour tous. Le stade actuel des expériences économiques, dans les sociétés occidentales, peut être exprimé par un concept provisoire de l'Economique. L'expérience économique d'un groupe est celle de la lutte qu'il livre à d'autres groupes pour acquérir et utiliser les choses comptabilisables, à une époque donnée et dans un lieu donné. L'expérience de l'économicité pour la totalité des hommes est celle de la maximation du rendement apprécié par chaque homme de l'emploi collectif des choses comptabilisables. Cette définition sépare la Chrématistique de l'Economique. Elle évoque la recherche rationalisée et quantitative du résultat attribué à tort aux automatismes supposés du marché et aux prétendues harmonies «naturelles» des sociétés d'hommes. 2. L'EMPLOI DE L'IDÉE DE STRUCTURE DANS LES TEXTES ÉCONOMIQUES

Supposant connue notre littérature spéciale, nous rappelons les thèmes à l'occasion desquels ni l'analyste ni l'homme d'action n'a pu éluder les phénomènes de structure. A. Réformes de structures. Après la première guerre mondiale, et au moment du Front Populaire, 1936, en France, des réformes de structures (nationalisations, arbitrages, changements dans les pouvoirs dits économiques de l'Etat) ont été préconisées ou réalisées. Le fonctionnement du marché et du prix dans les institutions et les rapports de force antécédents n'apparaissent pas utilement correctibles à moindres frais. B. Infrastructures et superstructures. Une riche et importante littérature marxiste attribue une solidité et une résistance propres à des infrastructures (Produktionsver-

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FRANÇOIS PERROUX

hältnisse, Machtverhältnisse; infrastructures de la production, infrastructure financière) par comparaison à d'autres réalités sociales (politiques, religieuses, morales). Ces analyses, indûment simplifiées par la polémique, sont souples et ouvertes. Elles impliquent que le fonctionnement de l'économie est dépendant de combinaisons durables de variables, peu plastiques par le seul effet des modifications dans la quantité des marchandises échangées et de leurs prix. C. Structure et Conjoncture. Conjoncture, terme imprécis, désigne: soit les changements de très courte période des variables économiques, soit leurs fluctuations cycliques. A travers une suite de cycles para-décennaux on constate: a) des changements obéissant à des rythmes différents des rythmes cycliques dans la population, la technique, les institutions; b) des constances approximatives dans certains rapports. En acceptant de passer sur bien des incertitudes, on signale couramment, pour des périodes de quelque 80 ans, la (relative) constance dans le rapport entre le revenu global du travail et le revenu national, dans le rapport entre le capital global et le produit global, dans le rapport entre l'épargne et la production. Les structures au sens a) et au sens b) désignent clairement des réalités observées qui ne sont pas l'une et l'autre de même nature. Dans ces cas si différents, les littératures économiques spécialisées ont fait état de réalités semblant posséder une consistance et une résistance qui ne peuvent pas être expliquées ni comprises par les mécanismes des prix et des quantités ou par les mécanismes d'interaction entre les quantités globales (consommation et épargneinvestissement). Ces «données» de la dynamique ne sont plus les «données» de la statique simple de la maximation. L'analyse économique s'emploie à rendre quelque compte des régularités dans leur changement. Les changements des structures dans l'un des sens qui viennent d'être signalés ne peuvent être assimilés aux changements résultant des interactions entre les variables saisies par l'équilibre général (prix et quantités), ni aux changements résultant des interactions

STRUCTURES ÉCONOMIQUES

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entre les variables saisies par l'interaction des quantités globales (consommation et épargne-investissement). Cela peut être démontré sur des cas très connus: inflations structurelles, déséquilibres structurels (fondamentaux) des balances extérieures, changements structurels d'une firme ou d'une industrie, etc. . . . Quelques économistes, adeptes du «libéralisme» préfèrent omettre les structures: ils sont parfaitement cohérents avec leurs prémisses, selon lesquelles les adaptations de toutes les quantités et de tous les prix sur un marché parfait s'opèrent «sans résistances ni frictions». Cette analogie de mécanique élémentaire paraît contestable à plus d'un homme de science. 3. L A F O R M A L I S A T I O N ET L'EXPRESSION Q U A N T I T A T I V E DES STRUCTURES

L'expression quantitative des structures est donnée1 par l'une des nombreuses matrices d'inputs-outputs qui sont établies et interprétées dans un dessein spécifique (v. page 58). Pour fixer les idées, raisonnons sur une petite matrice remplie de données numériques simples, arbitrairement choisies. Les secteurs dans les colonnes et les lignes sont des ensembles d'activités statistiquement définis; la production totale de l'agriculture est égale à la valeur ajoutée par elle, plus les achats aux autres secteurs, c'est-à-dire aux services et à l'industrie2: PA = V A + A i + A2

(1)

La production totale de l'agriculture est aussi l'investissement brut total qu'elle réalise, plus la vente à la consommation (finale), plus la vente aux autres secteurs (dans l'exemple retenu, à un autre secteur) l'industrie3: 1 Les circuits économiques utilisés par les comptables nationaux devraient être discutés à ce point de vue. Marquons seulement ici, que ces circuits peuvent représenter explicitement les institutions d'un régime donné (choix et dénomination des pôles) ou traduire les fonctions remplies par des institutions très différentes (Produit, Revenu, Capital, Compte extérieur). * Ce qui se lit dans la première colonne. 3 C e qui se lit dans la première ligne.

58

FRANÇOIS PERROUX

B

A Industrie

Services

Consommation

Investissement brut

Total

Production totale

C

Agriculture

Output

Agriculture

0

30

0

65

5

70

100

Industrie

20

0

20

40

20

60

100

Services

30

30

0

35

5

60

100

Valeur ajoutée

50

40

80

Production totale

100

100

100

Input

\

P a ^ I

+

VC +

170

V!

(2)

Pour tout l'ensemble relevé, la production totale est égale à la somme des valeurs ajoutées + la somme des produits intermédiaires. P T - VA + P ; (3) Elle est égale aussi à la somme des investissements bruts des ventes à la consommation et des ventes intermédiaires. P t = IB + V c + Vi (4) Les présentations algébriques sont familières et, non moins, les symbolisations courantes. La représentation est faite pour ime période déterminée, les flux étant évalués en une unité déterminée, et étant supposés additifs (le plus souvent). Un secteur (par exemple la demande de consommation finale) peut être pris comme autonome, et l'on peut chercher par la matrice comment ses changements agissent sur les autres secteurs. Les coefficients de production sont pris comme donnés et constants, ou comme variables.

STRUCTURES ÉCONOMIQUES

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Une suite de matrices établies pour des périodes successives sur une documentation statistique correcte décrirait des changements dans les flux entre un nombre donné de secteurs, ou l'apparition de nouveaux secteurs (nouvelles activités). La souplesse du procédé et sa puissance permettent des descriptions quantitatives des proportions et des liaisons, par les flux entre secteurs, pour décrire le passé, ou (sous conditions très précises qui ne peuvent être détaillées ici) pour prévoir l'avenir. C'est un ensemble d'hypothèses et de théories sur les changements dynamiques des économies concrètes qui permet de choisir (dans les limites de l'information statistique) les sortes de matrices appropriées. Comme toute technique, celle des matrices input-output est au service d'un savoir qui se veut contrôlé par la science. Elle permet de chercher systématiquement dans des cas concrets si les coefficients de production sont restés constants, ou s'ils se sont modifiés, si la consommation a entraîné la production, quels effets a engendré un accroissement de l'investissement etc. . . . Très intéressante expression des structures, la matrice input-output ne dispense pas d'une analyse et d'une théorie des structures. Plusieurs éléments majeurs des structures économiques contemporaines: les réseaux de circulation de l'information technique et économique, les réseaux de pouvoirs et les réseaux d'anticipations, ne figurent pas dans les matrices, sinon par leurs conséquences. Les réseaux de flux (et les combinaisons de stocks) à un moment donné peuvent être considérés comme la conséquence de luttes sociales antécédentes et l'amorce de luttes sociales en cours. Les variables structurales, pour un groupe, résistent à sa volonté de les changer; les variables structurales, pour une puissance politique, résistent à la volonté de cette puissance de les modifier; si une préférence de structure souhaitée est rendue explicite, la résistance de la structure se constate et se mesure par différence avec cette préférence de structure explicitée. 4. LA FRÉQUENCE ET LA RAPIDITÉ DES VARIATIONS DANS LES VARIABLES ÉCONOMIQUES

Quels services positifs peut nous rendre le classement des variables

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en variables structurelles et variables de fonctionnement, pour résoudre un problème de politique économique, dans des circonstances concrètes, par exemple la lutte contre une dépression cyclique, la réduction d'un déséquilibre de la balance extérieure? Pour résoudre un seul de ces problèmes de l'action, nous pouvons supposer données et constantes toutes les variables sauf une; ce coeteris paribus fonde l'analyse de l'équilibre partiel. Les «données» sont construites, en ce cas, par notre esprit qui, pour le faire, se réfère à des présupposés très généraux et vagues. Il procède tout autrement s'il se pose cette question: parmi les variables économiques susceptibles d'être définies sans ambiguïté et mesurées statistiquement, quelles sont celles qui, au cours d'une période bien déterminée, éprouvent des changements fréquents, importants, rapides? Quelles sont celles qui, au cours de la même période, éprouvent des changements peu fréquents, peu importants, peu rapides? Ce nouveau problème s'énonce à partir des données de l'observation statistique et, quand c'est possible, de l'enquête économétrique. Il ne s'agit plus de savoir quelles données nous avons admises logiquement mais bien quelles variables l'observation nous impose comme cadres de nos descriptions, de nos explications, de nos interventions. Nous nous imposons ainsi un choix restrictif dans le domaine de tous les possibles que l'on exprimerait et organiserait par de quelconques «données». Cette attitude est caractéristique de la recherche économique contemporaine. Aux «données» assez arbitraires et qualitatives, nous substituons des structures observables et caractérisées, au moins approximativement, dans l'ordre quantitatif. Ce n'est pas un hasard si le terme de «structure», «structure économique», ne figure pas dans de grands dictionnaires de la fin du X I X e siècle, et s'il est encore l'objet d'un accueil fort réservé de la part d'économistes qui se sont formés au cours de la même époque. Pour l'économiste moderne, le concept de structure est opératoire. Son utilisation féconde suppose: a) la définition de l'objet de con-

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naissance qu'on se propose; b) celle de la période prise en considération. Nous avons présenté ailleurs de nombreuses applications du concept de structure ainsi construit. 5. ESSAI D'UNE DÉFINITION

La structure d'un ensemble économique se définit par le réseau des liaisons qui unissent, entre elles, les unités simples et complexes, et par la série des proportions entre les flux et entre les stocks des unités élémentaires et des combinaisons objectivement significatives de ces unités. Une unité économique est une combinaison d'agents, de biens et de services, caractérisée par une finalité objective: l'aménagement des biens et des services par les agents. Une unité est simple lorsque l'aménagement des biens et des services dépend de la décision d'un seul agent. Une unité est complexe lorsque des plans d'emplois s'étagent dans des relations verticales telles que les chefs de l'unité d'un degré déterminé se voient imposer comme des données une partie des variables qui interviennent dans leur propre plan, par des chefs d'une unité d'un degré supérieur. Une liaison est le parcours habituel de biens ou de services d'une unité vers une autre unité. Un transfert est, soit un échange (supposé) libre entre deux unités, soit une attribution (supposée) contrainte d'une unité à une autre. Est économique la lutte des agents et de leurs groupes pour obtenir et employer les choses comptabilisables. Les choses comptabilisables excèdent le domaine des choses dont le prix se forme sur le marché. La finalité objective de l'économie est la réduction avantageuse à l'ensemble des tensions d'un ordre déterminé (tensions économiques), entre les groupes sociaux. Ces tensions sont mesurées par la différence entre un flux désiré et un flux effectif, ou entre un stock désiré et un stock effectif. La quantité désirée est déter-

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minée sur documentation empirique, et par relevés scientifiquement contrôlés. Les formalisations et conceptualisations opératoires, dont nous disposons présentement, ne procurent qu'une image très grossière des structures qui sont susceptibles d'être déjà appréhendées par le savoir scientifiquement contrôlé. Ces représentations commencent à nous permettre de repérer — à l'intérieur d'une période définie et explicitée — les changements des liaisons et des proportions, en les classant selon un ordre de fréquence des changements et selon un ordre de rapidité des changements. Ce classement, à l'intérieur d'une période explicitée, n'a de sens qu'en vue de satisfaire une curiosité définie et elle-même explicitée. Collège de France

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L'ATTITUDE STRUCTURALISTE ET LE CONCEPT DE STRUCTURE EN ÉCONOMIE POLITIQUE Le mot «structure» est sans doute d'usage relativement récent en économie politique. Marx avait déjà distingué l'«infrastructure» et la «superstructure», mais c'est l'allemand Ernst Wagemann, semble-t-il, qui, pour le première fois, l'a utilisé d'une façon systématique, montrant comment la structure spécifiait la conjoncture (Wagemann, Introduction à la théorie du mouvement des affaires, 1932).1 Il a été vulgarisé, en France, vers 1936, époque où les partis de gauche et la C.G.T. ont préconisé des «réformes de structure» (nationalisations). Pourtant, le concept de structure — sinon le terme — a été constamment à la base de l'opposition qui, tout au long de l'histoire de la pensée économique, s'est manifestée entre esprits concrets, empiriques, inductifs, et esprits abstraits, logiques et déductifs. On peut dire que les économistes de l'école historique allemande et leurs successeurs, les institutionnalistes américains, dédaignant l'analyse des mécanismes, procédaient à des études de structure, les premiers dans une perspective d'évolution, les seconds dans une perspective «spatiale». Il revint à Wagemann et aux économistes dits d'«économie nationale» (List, Cauwes, Brocard) de faire le pont entre les analyses de structures et celles des mécanismes. Néanmoins, si la notion de structure n'est jamais restée totalement absente des préoccupations des économistes (à chaque époque, on trouve d'éminents représentants de cette tendance), le terme de structure connaît aujourd'hui une vogue extraordinaire. Pourquoi? D'abord, sans doute, en raison d'influences communes agissant sur toutes les disciplines scientifiques et auxquelles l'économie politique n'a pas échappé. Dans son souci de copier les sciences exac1 Wagemann distingue, dans l'économie allemande, des «périodes structurales» durant lesquelles le cycle conserve un «caractère spécial».

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tes, elle a ainsi participé — avec un certain décalage tenant à la transposition qu'elle s'est efforçée d'opérer — aux mêmes tendances. Elle n'en a pas moins subi des influences propres. Pour les uns, c'est le marxisme qui serait à l'origine de ce renouveau. On peut pourtant estimer que le marxisme, à lui seul, n'aurait pu orienter la science économique dans cette direction si les bouleversements économiques et sociaux qui ont suivi la guerre de 1914 et, plus encore, la grande crise de 1929, n'avaient obligé les économistes à considérer l'économie sous son aspect structurel. Ces bouleversements peuvent s'analyser en une double transformation: transformation, d'abord, de la structure interne du capitalisme, qui devient «moléculaire», étatique et monopoleur. Ce qui a contribué à rendre cette transformation perceptible aux plus traditionnalistes, c'est la crise économique de 1929 qui apparut à tous — en raison de ses caractères particuliers et anormaux, de l'ampleur et de l'intensité de la dépression, de sa lenteur à se liquider, etc. — comme une crise, non seulement de conjoncture, mais aussi et surtout de structure. Transformation, ensuite, de la structure des relations économiques internationales. Après la guerre de 1914, plus encore après la crise de 1929 — qui, en cette matière, marque une coupure — et, enfin, après la deuxième guerre mondiale, on assiste: 1. à l'accession des U.S.A. au «leadership» des nations capitalistes, les U.S.A. prenant progressivement la place assumée au XIXème siècle par la Grande-Bretagne, alors «nation dominante» (François Perroux); 2. au renforcement de puissance et de développement de l'U.R.S.S., dont l'influence s'étend aux pays dits de «démocratie populaire», consacrant ainsi la vitalité du régime socialiste. L'U.R.S.S. devenant, avec ses «satellites», le deuxième «Grand»; 3. à l'affaiblissement des nations d'Europe, morcelées et divisées contre elles-mêmes, et qui perdent à la fois leur position de créanciers du reste du monde (d'où le déséquilibre «structurel» entre l'Europe et les Etats-Unis, faisant apparaître, à rencontre de la première, la fameuse «pénurie de dollars»), et leur

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position de métropole vis-à-vis de leurs territoires coloniaux. Affaiblissement qui les incite à former un vaste ensemble par intégration ou «restructuration» de leurs économies (C.E.C.A. et Marché Commun); 4. à la révolte des territoires d'Outre-Mer sous-développés, qui brisent les liens qui les attachaient à leurs métropoles, qui aspirent à l'indépendance et prétendent, par des voies qui ne sont peut-être pas celles du capitalisme, atteindre rapidement le stade de pays pleinement développés. D'où des modifications extrêmement profondes des courants commerciaux et l'apparition de déséquilibres de forces, dont il serait vain de s'imaginer qu'on viendra à bout par de simples mesures d'ajustement de changes et qui nécessitent des adaptations de structures. Les économistes ne pouvaient donc plus se désintéresser du problème des structures. Bien des définitions ont été données de ce concept. Mais, contrairement à ce qui se passe dans d'autres disciplines, l'accord semble à peu près réalisé. On admet généralement qu'il convient de retenir deux larges définitions de ce mot selon qu'on se place dans une perspective statique ou dans une perspective dynamique. 1) François Perroux («Pour un approfondissement de la notion de structure», Mélanges Witmeur, Paris, 1939) a été le premier à donner une définition statique, devenue classique depuis: «proportions et relations caractérisant un ensemble économique localisé dans le temps et dans l'espace». Cette définition est à rapprocher de celle de Jean Lhomme: «état des relations (internes et externes, qualitatives et quantitatives) qui spécifient un ensemble considéré par double référence: 1) dans le temps à des périodes-délais (délimitées elles-mêmes par l'irréversibilité et la discontinuité des mutations), et 2) dans l'espace, à des espaces-lieux (définis eux-mêmes par l'existence de correspondances)». On peut compléter cette définition par celle d'un économètre hollandais, Tinbergen: «ensemble des coefficients qui donnent une image architecturale de l'économie». De ce point de vue, on peut distinguer, d'une part, les structures

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économiques proprement dites (du ménage, de la firme, de l'unité complexe: groupe, secteur d'activité, nation, ensemble supra-national) et les structures d'«encadrement» (R. Barre), dont l'étude relève d'autres disciplines, mais dont l'économiste ne peut pas ne pas tenir compte: structures physiques, démographiques, sociales, institutionnelles, mentales, etc. Le concept de structure ainsi précisé présente un double intérêt: il permet, d'abord, de faire le pont entre la recherche concrète et l'analyse théorique; il invite, ensuite, l'économiste à effectuer des analyses à une échelle intermédiaire entre la micro-économie (individu) et la macro-économie (nation). L'analyse «structurale» réalise la différenciation technique (modèles Leontieff), géographique (par régions, etc.) ou sociologique (par groupes sociaux ou catégories sociales. Jean Marchai), des quantités globales nationales, groupant sous la même rubrique des ensembles d'hommes, de flux ou de stock de biens peu homogènes. C'est ainsi que la dissociation de l'investissement global en ses diverses composantes a permis aux économistes de construire des modèles expliquant les divers types de fluctuations ou de crises d'une manière plus satisfaisante que ne le faisaient les modèles en termes d'ajustement des quantités globales non-différenciées. 2) L'économiste qui désire se plaçer dans une perspective dynamique adoptera une autre définition de la structure: «éléments d'un ensemble économique qui, au cours d'une période déterminée, apparaissent comme relativement stables par rapport aux autres» (André Marchai, Méthode scientifique et science économique), ou «contexture qui, à courte échance, apparaît comme invariable» (Johan Akerman: Structures et cycles économiques), ou encore «quantités en mouvement ralenti» (François Perroux). Cette définition «dynamique» présente plusieurs intérêts: a) Elle incite opportunément à ne pas confondre «structures» et «données». Ces dernières sont des éléments de nature «exogène» que l'économiste accepte comme base de ses modèles sans les discuter. Un élément structurel peut être «donné» dans une analyse de courte période (la pyramide des âges, par exemple) et devenir «variable» dans une analyse de longue période (changement dans

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le pourcentage de la population active, par exemple). Aussi, la distinction structure-conjoncture dépend-elle avant tout de la période d'analyse. Tout est «conjoncturel» dans une période suffisamment longue. Dans une perspective dynamique, on constate, à la fois, que la structure oriente et spécifie la conjoncture (Cf. G. Gurvitch pour qui «les structures donnent leur coloration aux conjonctures») et qu'elle en subit le contre-coup (cf. également G. Gurvitch, pour qui «les conjonctures poussent vers l'éclatement des structures, favorisent la déstructuration et la restructuration»). b) Ce concept de structure introduit l'idée de «relativisme» dans la science économique, les «lois» étant valables selon les structures ou entre deux «limites structurelles» (Johan Akerman), marquant le passage d'un type de structure à un autre type de structure. c) Enfin, la notion dynamique de structure permet de définir le «système économique» et de rendre compte du mécanisme d'évolution des «systèmes». Le «système» (sous-entendu: abstrait), défini en fonction de ses structures, apparaît, soit comme «un complexe cohérent de structures» (André Marchai), soit comme «un ensemble spécifique» (Jean Lhomme). On distinguera du «système» (abstrait), le «régime» (ou système concret), dans lequel la cohérence n'apparaît pas. Le mécanisme d'évolution des «systèmes» se fonde alors sur le caractère plus ou moins «plastique» des diverses structures qui, entraînées par des «forces motrices» (Johan Akerman), évoluent à des vitesses différentes et selon des rythmes différents, engendrant, soit des «désajustements» suivis de «réajustements» (évolution du système), soit de véritables ruptures (mutation du système) au cas où l'inadaptation et l'incompatibilité des structures deviennent trop manifestes, la marge de tolérance du système se trouvant dépassée (André Marchai). Ecole Pratique des Hautes Etudes Faculté de Droit et de Sciences Economiques

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NOTE COMPLÉMENTAIRE

LES PRÉFÉRENCES DE STRUCTURE En se ralliant, il y a une vingtaine d'années, aux définitions proposées par F. Perroux concernant des concepts tels que «structures économiques» et «système économique», dans un domaine qui est strictement celui de notre discipline, plusieurs d'entre nous avaient eu le sentiment de pouvoir exprimer des constatations allant au delà même de la «révolution keynésienne». Rappelons seulement que l'utilisation du concept de structure apparaissait relativement récente en science économique et que nous avions été conduit nous-même à l'utiliser très prudemment en ce qui concerne les relations économiques internationales. Il s'agissait — et il s'agit sans doute encore généralement dans ce contexte — de structures de production et d'échanges: structures économiques strictu sensu, celles qui indiquent la proportion des branches d'activités agricoles et industrielles intéressées à un certain développement du commerce extérieur et établissent des relations de cohérence au sein du système concret des échanges internationaux. (Très concrètement, on y retrouve des produits à différents stades d'élaboration et qui sont destinés eux-mêmes à être utilisés à différents niveaux du processus productif.) En proposant l'expression «préférence de structure» pour éclairer certaines constances dans le jeu de politiques commerciales apparemment changeantes, nous nous étions placés sur le plan de l'étude de comportements collectifs et plus précisément nationaux (position des gouvernements dans l'orientation des échanges économiques extérieurs). Il s'agissait donc, d'éclairer l'arrière-plan de certaines politiques nationales et il nous a été donné de suggérer à cet égard une typologie simple. Les préférences doctrinales — celles qui étaient traditionnellement étudiées au XIXème siècle — ont une importance effective, surtout au moment de l'élaboration de règles du jeu plus ou moins conformes à un type d'organisation concret que les négociateurs entendent faire respecter dans les échanges commerciaux entre nations. Mais il faut noter incontestablement l'influence conjuguée de deux autres sortes de préfé-

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rences: tout d'abord, celles qui s'attachent au maintien ou à l'évolution plus ou moins progressive de certaines structures économiques (et c'est à leur égard qu'un effort d'interprétation statistique et théorique nous avait semblé le plus nécessaire); ensuite, celles qui sont relatives au mode d'expansion mis en oeuvre (avec l'orientation systématique des investissements vers le marché national ou la préférence accordée à la poursuite d'une expansion internationale des capitaux, et, de nos jours, avec l'aide internationale, les efforts vers une coordination supra-nationale des politiques de développement, etc.: on pourra se reporter à un grand nombre de travaux actuels concernant les choix fondamentaux relatifs à l'expansion, au développement ou à la croissance économique). Ce sont bien, avant tout, les préférences nationales de structure que l'étude statistique permettait de mettre en lumière en révélant une très grande constance des tendances de longue durée dans la répartition des courants d'échanges extérieurs par groupes de produits et par pays de provenance et de destination. L'importance théorique de l'interprétation de ces tendances structurelles tient à un renversement de perspectives. Les politiques commerciales étaient apparues très changeantes: les tarifs douaniers ou les contingentements sont fréquemment modifiés au cours des diverses phases des fluctuations économiques — mais précisément sans que ces modifications conjoncturelles s'opposent à la persistance de ces tendances. Bien au contraire, loin de témoigner d'une volonté de changer l'orientation réelle des politiques du commerce extérieur, les revirements de caractère conjoncturel dans l'établissement des tarifs douaniers et le recours aux restrictions quantitatives furent très souvent destinés à maintenir les structures existantes — ou, du moins, certaines lignes d'évolution structurelles.1 Nous ne croyons pas qu'on doive exagérer la portée doctrinale de ce changement de perspectives. On constate certains comportements nationaux. Peut-on dire que cela conduit à nier tout déter1 Cf. Jean Weiller, Problèmes d'Economie Internationale, I, 1ère partie, et II, 4ème partie; ainsi que Revue d'Economie Politique, 1949, et Cahiers de l'Institut de Science Economique Appliquée, Série P, no. 1 (1957); no. 4 (1960).

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minisme? L'emploi du terme «préférence», à cet égard, ne fait que transposer à l'échelle d'une collectivité une expression qui avait semblé commode dans l'étude des comportements individuels. On serait tenté au contraire d'affirmer (par suite de la régularité tendancielle ainsi dégagée) un déterminisme rigoureux. Disons seulement que la persistance des préférences de structure limite la portée de certains changements apparents. Leur importance permet donc de «démystifier» les préférences doctrinales, simplement relatives à un type d'organisation et qui semblent incessamment comporter un choix global et définitif entre l'orientation vers le «libre-échange» et celle vers le «protectionnisme» (ou même l'autarcie). En tout cas, il faut bannir la croyance banale en des incessants changements d'orientation à la suite des manipulations de tarifs douaniers et de l'alternance de restrictions quantitatives et de libérations d'échanges. Nous avions, en même temps, souligné l'importance des recherches à effectuer concernant les préférences nationales pour un mode d'expansion. Celles-ci prennent une importance croissante en liaison avec l'étude des rythmes différentiels de développements et des diverses politiques de croissance. Ces recherches ne peuvent, en effet, être dissociées des précédentes: on le remarquera notamment en faisant intervenir les anticipations dont ne cessent de témoigner les préférences de structure telles qu'elles s'expriment dans la politique des Etats. A côté de ces politiques gouvernementales — ou se conjuguant avec elles — on a noté (notamment dans les travaux de M. Byé) le jeu des anticipations des grandes firmes internationales (ou inter-territoriales). Plus généralement, on a fait observer les pressions exercées par les groupes d'intérêt sur les politiques commerciales. L'étude des modes d'expansion met en garde contre toute analyse unilatérale. C'est ainsi que les influences s'exerçant sur les politiques d'investissement — à l'intérieur des Etats comme dans l'ordre international — se sont souvent révélées décisives là où les politiques commerciales n'avaient encore qu'une importance limitée. Dans ce sens, compte tenu, même sous un régime approximativement libéral, de l'ensemble des politiques écono-

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miques mises en oeuvre, il était déjà nécessaire de retrouver l'importance de la stratégie des nations — cette dernière s'exprimant désormais de façon beaucoup plus nette dès qu'il existe un programme ou un plan de développement. On peut se demander si dans le jeu des stratégies internationales (ou supra-nationales) actuelles, il ne serait pas possible de dégager comment certaines préférences de structure sont induites ou même imposées de l'extérieur (cf. les effets de domination analysés par F. Perroux). Signalons enfin que la notion de déséquilibre structurel dans les relations économiques internationales — notion qui a été si longtemps contestée — s'éclaire beaucoup plus facilement si l'on fait intervenir les considérations de structure rappelées précédemment. En suivant l'explication post-keynésienne, il a été facile de retrouver l'exigence, dans chaque pays, d'un équilibre des balances extérieures qui respecte certains niveaux d'activité économique interne ou certains taux de croissance. Mais l'accent doit être mis en même temps sur les réadaptations structurelles nécessaires pour rendre compatible une double exigence: celle de l'équilibre (ou de la croissance) interne et celle de l'équilibre international (balance des paiements).1 Toute la complexité du problème ainsi posé ne tient donc pas tant à la continuité dont témoignent les préférences de structure qu'aux phénomènes d'asymétrie, de disparité et de discontinuité dont les expériences des années récentes ont permis de souligner l'importance considérable à cet égard. Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Paris

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1 Nous ne pouvons revenir ici sur un problème essentiel et qui exigerait d'assez longues explications, la notion, même de «déséquilibre de structure» ayant fait l'objet de polémiques incessantes, faute d'un accord suffisant sur les définitions de départ. On pourra se reporter aux quelques éclaircissements que nous avons cru pouvoir donner dans notre article sur «la politique de croissance équilibrée et harmonisée dans le cadre national (pays développés)». Cf. L'Encyclopédie française, IX: L'Univers économique et social, Section D, 4ème partie.

LES STRUCTURES EN DROIT PRIVÉ

Nos juristes classiques, en particulier ceux qui commentèrent le Code civil au siècle dernier, n'ont pour ainsi dire jamais employé le mot structure. La raison en est très simple: c'est qu'ils ne le découvraient pas dans le7 texte de la codification napoléonienne, où ils étaient habitués à puiser le fond de leur vocabulaire. Ce n'est guère que depuis une trentaine d'années que l'on a vu le mot pénétrer dans le langage juridique, sans doute sous l'influence d'autres disciplines sociales; de la sociologie et plus encore de l'économie politique, avec laquelle le droit cohabite au sein des mêmes Facultés.

I Cette influence est très visible dans certaines applications du mot, où l'objet considéré ne relève pas exclusivement de l'observation juridique. C'est ainsi que les juristes en sont venus à parler de la structure de la famille — en opposant, par exemple, comme deux structures familiales différentes, la famille-lignage de l'Ancien Droit et la famille-ménage du XXème siècle. Or, la matière est ici sociologique, si le revêtement est juridique. Semblablement, la notion d'entreprise connaissant à l'heure actuelle une grande vogue dans le monde du droit, il y est question de la structure des entreprises (V. par ex. Despax, L'entreprise et le droit, 1957, nos. 222 et s.). Mais c'est une transposition de l'économie politique: les économistes différenciaient déjà les entreprises suivant leur structure (individuelle ou collective, par ex.). H ne semble pas y avoir loin de la structure des entreprises à celle des sociétés anonymes: cependant, on aborde par là un domaine plus nettement juridique. Cette expression, structure de la société anonyme, vient assez facilement sous la plume des

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commercialistes contemporains (V. ainsi, Ripert, Traité élémentaire de droit commercial, nos 904 et s.), quand ils veulent décrire, en y mettant quelque ordre, les divers organes appelés à jouer un rôle dans ce type de société: conseil d'administration, président-directeur général, assemblées générales d'actionnaires, etc. Mais voici — bien qu'il ne soit pas sans analogie visuelle avec le précédent — un cas entièrement purgé des souvenirs de l'économie politique: pour présenter pédagogiquement les différents personnages et collèges qui ont la charge des intérêts d'un orphelin (tuteur, conseil de famille, etc.), on se sert volontiers de la formule «structure de la tutelle». Pourtant, la tutelle n'est pas une personne, ni un groupement, ni même, à première vue, une entité. Elle n'a pas de consistence propre; ce n'est qu'un ensemble de règles de droit. La disposition, l'arrangement des règles de droit pourrait donc constituer, au sens juridique, une structure. On ne saurait s'étonner, dès lors, de rencontrer notre vocable appliqué au contrat. L'art. 1108 du Code civil énumère les conditions du contrat (ce que le Code italien a traduit par requisiti del contratto): consentement, capacité, objet, cause. Ces conditions, nos auteurs les appellent fréquemment éléments constitutifs, ce qui est déjà plus plastique. Que l'on suppose entre les éléments une certaine ordonnance, et ce sera la structure du contrat. Il est remarquable que chez nos vieux jurisconsultes — comme aujourd'hui encore chez les Italiens — on relève des métaphores allant dans une toute autre direction, à l'imitation du droit romain: la figure, le profil juridique de tel ou tel contrat; c'est de la peinture, non de l'architecture. Nous mesurons ainsi le changement apporté par le concept de structure contractuelle: dans la description du phénomène juridique, une troisième dimension s'ajoute, et comme un sens de la profondeur. II Si des exemples proposés on tente la synthèse, elle risque de se faire assez spontanément au niveau (d'ailleurs très raisonnable)

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du Petit Larousse: la structure est la manière dont les parties d'un tout sont arrangées entre elles, une disposition, un agencement. Ce sont des idées très générales. On peut espérer les préciser quelque peu en recherchant pourquoi les juristes ont accueilli le mot structure, car c'est rechercher la tonalité qu'ils y ont sentie. L'accueil fait à «structure» semble lié à un sentiment organiciste et comme biologique du droit. L'origine pourrait bien en être dans ce passage très connu où Ihering (Esprit du droit romain, trad. Meulenaere, I, p. 36 et s.), magnifiant les institutions juridiques, les a comparées tantôt à une ossature du droit, tantôt à autant de corps juridiques. Or, s'il est des institutions, coïncidant avec des groupes humains (ex. la famille, la personne morale), pour lesquelles ce langage anthropomorphique peut sembler correspondre à une certaine réalité sociologique (encore cela reste-t-il mystérieux) — il en est d'autres, la plupart (ex. la tutelle, le contrat), qui sont tout simplement des composés de règles juridiques, de textes légaux ou de préceptes coutumiers: leur structure ne peut être que quelque-chose de purement conceptuel; parler de structure à leur propos n'est qu'un procédé de style. Nous pensons que les juristes qui emploient le mot sont conscients de la part d'artifice qu'il inclut. S'ils l'emploient, c'est probablement qu'ils en attendent certains effets didactiques. «Structure» attire opportunément l'attention de l'auditeur sur plusieurs idées: 1. Que les phénomènes juridiques occupent généralement quelque épaisseur dans la durée. Assurément, les structures ne sont pas immuables; le mot suggère, toutefois, un minimum de «durabilité». Or, rien n'est plus conforme au génie du droit que la durée, la liaison du passé au futur, du futur au passé. 2. Qu'il existe, entre les règles de droit concernant un même objet, des relations nécessaires. Relations de logique, mais peutêtre aussi d'esthétique, comme entré les parties d'un édifice. «Structure» paraît évoquer ici la notion, si malaisée à définir, d'eleganlia juris.

3. Que, parmi les règles de droit, il en est qui déterminent des organes, tandis que les autres régissent des fonctions. «Structure»,

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c'est l'anatomie, par opposition à la physiologie: on pense aux organes figés par la dissection, en contraste avec les mouvements de la vie. De là, une antithèse devenue courante dans les exposés juridiques entre structure et fonctionnement, où structure a pour synonyme organisation (ex. structure et fonctionnement de la tutelle). Il est possible, du reste, qu'aux effets didactiques se soient surajoutés des effets pratiques, et que le mot ait incliné les juristes à des solutions positives qu'ils auraient, sans lui, jugées moins naturelles. C'est ainsi qu'il semble y avoir une harmonie préétablie entre l'idée de structure et notre théorie classique des nullités dans le droit des contrats. Cette théorie fait apparaître le contrat comme une sorte d'organisme qui, pour vivre, doit réunir un certain nombre d'éléments essentiels: que l'un des éléments vienne à manquer, le contrat n'a plus qu'une structure infirme. La nullité est un vice de structure — conception architecturale qui fait encore image, mais n'est pas toujours pratiquement heureuse, parce qu'elle n'est qu'une image (V. les critiques d'E. Gaudemet, Théorie générale des obligations, 1937, p. 147 et s.). Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Paris

JEAN CARBONNIER

LE MOT «STRUCTURE» EN DROIT PUBLIC

La terminologie juridique ne manque généralement pas de netteté. Elle perd de sa précision lorsque les spécialistes du droit public utilisent le mot structure, ce qui est exceptionnel. De ce terme, les sciences politiques font un plus large emploi, mais qui n'a rien, semble-t-il, de spécifique et correspond plutôt à un emprunt de vocabulaire. I D'une manière générale, on peut dire que le terme structure n'appartient pas à la langue traditionnelle du droit public. Sans doute le droit est-il un produit naturel du milieu social; l'Etat, qui doit procurer à l'individu la sécurité et la satisfaction de ses besoins essentiels, ne peut se désintéresser des structures sociales et, comme l'a montré le professeur Scelle, les contraintes sociales que le droit englobe sont originairement d'ordre biologique. Le droit a cependant son objet propre et cet objet l'écarté des sciences où les structures sont spécialement considérées: sa fonction est de conférer, de délimiter, de réglementer des compétences qui, dans le domaine du droit public, correspondent à un pouvoir d'agir pour le compte d'une collectivité, à des fins d'intérêt général. Si le mot structure évoque l'idée d'une construction, d'un certain aménagement des parties d'un tout, d'un certain agencement de rapports, les structures concernent bien, dans une société politique, les relations des individus entre eux, celles des individus avec les groupes, organisés ou non, les relations des divers groupes entre eux, mais ces structures, passionnantes à étudier pour le juriste, ne relèvent pas nécessairement ou directement du droit. Le droit se préoccupe d'organisation. Or, de même qu'il peut y avoir structure sans organisation (classes sociales), de même

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l'organisation n'est le plus souvent qu'un élément de la structure (l'organisation constitutionnelle d'une nation à un moment donné ne rend pas compte de sa structure, en admettant qu'elle ne la méconnaisse pas; l'organisation administrative d'une ville n'est qu'un élément, parfois très secondaire, de la structure d'une communauté urbaine). Le droit tend aussi à «ordonnancer» la conduite humaine, fixant le régime des actions et des abstentions qu'impliquent les rapports entre les hommes, réglant les échanges de services et de prestations qui sont le but de ces rapports. Cette fonction se réalise par des actes juridiques, généraux ou individuels, manifestations de volonté produisant des effets de droit. Bien évidemment, si la technique juridique (formulation de la règle de droit, création ou modification de situations juridiques, contrôle de leur régularité, sanction) n'est pas détachée des structures (rien de ce qui est social n'est indifférent au droit), elle ne les concerne pas immédiatement; elle peut, d'une manière regrettable, n'en tenir compte qu'accessoirement et ces structures, qui se modifient continûment, peuvent, avec le temps, soit cesser d'être, soit devenir juridiques. S'il en est ainsi, on comprend que les auteurs classiques du droit public, plus ou moins consciemment, se soient défiés du mot structure, qui n'apparaît guère dans leurs écrits. Les termes «organisation», «organisme», ou «organe», «institutions», et «rouages», «mécanismes», «agencement», «combinaison de forces», etc. suffisent à leurs descriptions et à leurs constructions. A l'époque récente, le terme apparaît pourtant chez quelques auteurs, avec un sens voisin de celui du mot «composition» (v. Ch. Durand, «L'Etat fédéral», Le Fédéralisme, 1956, p. 197: «L'influence de la forme fédérale sur la structure et le recrutement des organes politiques fédéraux»), ou, plus souvent, du mot «organisation». Parfois, il s'agit d'une simple commodité de langage: décrivant les «organisations» internationales (groupes ou services dotés d'organes propres), on évitera de parler des «organes de l'organisation» en présentant sa «structure» (v. Reuter, Institutions in-

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ternationales, 1956, p. 326; Colliard, Institutions internationales, 1956, p. 311, § 362). Dans d'autres cas, le terme est employé patce qu'il fait image et permet d'évoquer de la manière la plus générale, derrière la construction et ses éléments, les forces qui jouent et les relations qui s'établissent. Les deux emplois les plus fréquents du mot structure en droit public se rencontrent ainsi dans la description des types d'Etats et des types d'administrations. L'opposition entre Etats unitaires et Etats composés est très généralement présentée aujourd'hui comme une opposition de structures (v. Ch. Rousseau, Droit international public, 1953, 2e partie, titre I, chap. 1er: «Collectivités étatiques à structure complexe»; p. 136, l'expression «la structure de l'U.R.S.S.» se rapporte à la fois à la compositidn et à l'organisation; v. aussi G. Burdeau, Traité de Science politique, notamment tome II, p. 391 et s.). L'étude de la «structure administrative» d'un Etat unitaire permet d'opposer les relations qui existent entre l'Etat et les collectivités publiques locales suivant que le régime est centralisé ou décentralisé (v. A. de Laubadère, Traité élém. de Droit adminitratif, 1957, titre II: «Théorie générale de l'administration locale», notamment p. 62, 78 et s.; v. aussi: M. Debré, La République et son pouvoir, 1950, p. 159, 167); cette acception rejoint celle qui est le plus souvent reconnue au terme structure.

II Les auteurs qui se sont consacrés aux études de science politique et dont les travaux doivent souvent beaucoup aux recherches et à la méthode sociologiques, font, du mot structure, l'utilisation la plus courante. Parfois, le terme est encore pris dans un sens très général et très vague; il n'ajoute pas grand chose à ce qu'évoquerait le mot organisation (v. Burdeau, Traité, tome II, p. 292 et s., où «la struc-

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ture du pouvoir» est étudiée comme un élément de la classification des formes gouvernementales et concerne l'absence ou l'existence de division du pouvoir, la classification des fonctions de l'Etat, la répartition des compétences entre les organes; de même, M. Duverger, Droit constitutionnel et Institutions politiques, 1955, p. 132 et s., consacre un chapitre à «la structure du gouvernement»; il y étudie les types d'organes gouvernementaux et les types de distinction des fonctions, les moyens d'actions réciproques, la hiérarchie des organes: c'est, comme il le dit, décomposer l'organisation gouvernementale). Plus souvent, le mot structure est employé, en science politique, avec l'intention de le charger d'un sens sociologique. Il s'agit d'évoquer plus que la simple organisation: la combinaison des influences, les liens ou les oppositions existant entre pouvoirs publics et forces économiques ou sociales, les ressorts véritables de l'action politique. De cette utilisation fréquente, on citera, en s'excusant de ne pouvoir être complet, trois exemples seulement. L'un des plus frappants est l'étude de la «structure des partis» à laquelle M. Duverger a consacré, en 1951, la moitié de son ouvrage sur les partis politiques. Qu'il s'agisse de l'armature des partis, des membres des partis ou de leur direction, cette étude, largement sociologique, dépasse de beaucoup les simples problèmes d'organisation. Il faut signaler aussi les très nombreuses pages du Traité de Science politique de M. Burdeau qui sont consacrées à des problèmes de structure, au sens qui vient d'être indiqué. A la vérité, lorsque l'auteur traite de ce qu'il appelle « la structure juridique de l'Etat fédéral» (Traité, tome II, p. 409-452) il présente en fait la théorie juridique du fédéralisme d'une manière assez classique (Constitution, organes, répartition des compétences); mais son tome V, consacré à l'Etat libéral, son tome VII, intitulé «La démocratie gouvernante, ses structures gouvernementales», examinent les divers régimes politiques dans la perspective la plus large; ici, l'emploi du mot structure correspond au désir d'évoquer tous les rapports des systèmes de gouvernement avec les réalités socia-

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les, de décrire toutes les relations existant ou susceptibles d'exister à l'intérieur des sociétés politiques. On signalera enfin que, dans son manuel relatif aux Institutions internationales, M. Reuter présente ce qu'il appelle les «relations structurelles entre Etats» (p. 236-275); sous ce titre, il décrit «les relations qui modifient d'une manière permanente la structure d'un Etat par rapport à un ou plusieurs autres Etats», ce qui comprend les problèmes du fédéralisme, mais aussi d'autres situations, considérées du point de vue des études juridiques d'organisation, mais aussi d'un point de vue partiellement sociologique. Finalement, l'emploi du mot structure par les spécialistes du droit public et des sciences politiques, pour s'être peu à peu développé par contagion et en raison d'une certaine commodité, ne correspond à aucun sens technique particulier et ne révèle pas d'originalité par rapport au langage courant. Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Paris

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STRUCTURE EN PSYCHOLOGIE

En psychologie, le terme «structure» est une façon de désigner l'idée que les parties que l'on peut distinguer dans un ensemble mental — par exemple, une conduite, une expérience consciente, une communication — sont dans des relations définies. Mais la façon de concevoir la composition des parties a changé au cours de l'histoire des idées. Jusque vers 1920, le terme «structure» a été peu employé; ceci ne veut pas dire que la préoccupation de la structure était absente: l'associationisme, par exemple, peut être considéré comme une tentative pour résoudre des problèmes de structure. Les termes «structure», «psychologie structurale», «structuralisme», semblent avoir été introduits par les psychologues américains pour désigner les conceptions qui, à la fin du XIXe siècle, s'efforçaient de reconstruire les ensembles mentaux par la combinaison d'éléments réputés simples, comme les sensations, les images, les sentiments. A ce postulat s'est opposé un mouvement de pensée représenté notamment par Bergson en France (critique de l'atomisme psychologique) et Dilthey en Allemagne. Ces influences ont été éclipsées par le succès de la «psychologie de la forme» (Gestaltpsychologie). Les principes de la théorie de la forme s'appliquent non seulement à la psychologie, mais à toutes les sciences, même physiques. En psychologie, la théorie de la forme rejette l'idée d'éléments simples, dont la composition rendrait compte de l'ensemble. Ensemble et parties sont contemporains. La connaissance de l'ensemble ne peut être déduite de la connaissance des parties. Celle-ci ne peut être complète sans référence à l'ensemble. C'est dans cette perspective que le «structuralisme» est devenu un des traits dominants de la psychologie contemporaine. Il implique, non seulement le rejet d'éléments simples — une percep-

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tion, une image, un sentiment sont eux-mêmes structurés — mais celui des antinomies de la psychologie du XIXe siècle: organisme ou entourage, individu ou société, conduite ou conscience, psychique ou somatique, passé ou présent, maturation ou apprentissage, etc.; on s'efforce d'employer ces concepts non dans une opposition qui les isole, mais dans leur articulation réciproque. La relation des faits se donne pour règle de reconstituer des ensembles, non de collecter des données isolées. L'explication se détourne de la causalité unilinéaire et des théories unilatérales qui en procèdent (biologisme, psychologisme, sociologisme); le souci dominant devient celui de «l'interaction des déterminants», de la «causalité en réseau». Le concept de structure s'applique à des objets psychologiques de dimensions variées: structures de la personnalité, de la situation, de l'entourage, du groupe; la structure la plus «englobante» est le «champ psychologique», c'est-à-dire le champ des interactions de l'organisme et de l'entourage (Kurt Lewin). Dans tous ces emplois, l'idée de structure est celle d'une unitas multiplex. Elle inspire la construction de modèles qui se distinguent de l'écoulement des phénomènes ou des processus par des caractères de latence, de cohésion interne, d'autonomie relative, enfin d'une résistance au changement qui n'est pas exclusive de remaniements structuraux. Sorbonne

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STRUCTURE EN PSYCHOPATHOLOGIE

En psychopathologie comme en pathologie, le structuralisme s'est constitué comme une réaction contre l'atomisme psychologique. Le concept de structure auquel on se réfère est aussi celui d'une unitas multiplex. A lieu de considérer le tableau clinique comme une collection de symptômes, on cherche ce qui fait de ces symptômes un ensemble; par exemple, un délire de persécution et de grandeur peut être en relation intelligible avec le caractère du sujet (structure paranoïaque), ou manifester les réactions d'un psychisme altéré et dissocié (structure paranoïde). Comme les symptômes ne sont pas «pathognomoniques», c'est-à-dire spécifiques de telle ou telle maladie, c'est la spécificité de leur structure qui distingue les affections mentales. Souvent, la détection d'une structure permet un diagnostic que n'autorise pas la pauvreté des symptômes; ainsi, on peut parler d'organisation obsessionnelle en l'absence d'obsessions caractérisées. La situation de la psychopathologie par rapport à la «psychologie normale» s'est, par suite, modifiée. Au lieu de considérer le trouble mental comme un dérangement des éléments du psychisme, on voit apparaître à partir de 1910 l'idée d'une spécificité irréductible de la maladie mentale. A cette conception se rattachent les noms de Eugène Bleuler (1911), Karl Jaspers (1911, 1913), Charles Blondel (1914), Kurt Goldstein, Eugène Minkowski. Goldstein, par exemple, en faisant abstraction des troubles purement moteurs, considère le trouble du langage chez l'aphasique comme une manifestation spéciale d'une modification générale qui affecte l'être entier. Tandis que les symptômes négatifs révèlent le déficit capacitaire, les symptômes positifs expriment la réaction du malade à la modification de sa personne et de son monde personnel. En soulignant l'originalité de la maladie, la psychopathologie se rapproche du concept de «mentalité», telle qu'on

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le trouve chez L. Lévy-Bruhl (mentalité primitive) et chez Jean Piaget (mentalité égocentrique de l'enfant). La psychopathologie s'applique à découvrir la structure à divers niveaux d'investigation. Au niveau le plus descriptif, c'est un «moment évolutif» du malade et de la maladie qu'elle révèle dans l'exploration du champ présent des relations du sujet avec son monde personnel, lui-même, son histoire. Dans une perspective plus profonde mais plus étroite, c'est la structure de la personnalité, l'organisation des traits personnels et des prédispositions morbides. Au niveau le plus radical, la structure devient la constitution psycho-biologique, c'est-à-dire l'ensemble des dispositions héréditaires et innées du sujet, de ses possibilités et de ses limitations. Sorbonne

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STRUCTURE EN PSYCHANALYSE

Dans l'emploi du terme et du concept de structure en psychanalyse, il y a lieu de distinguer deux perspectives, l'une non consacrée par l'usage, bien qu'implicite et essentielle, l'autre consacrée par l'usage, savoir: la perspective sémantique et la perspective personnologique. La perspective sémantique se réfère à la distinction entre matière et forme. La matière — on dit couramment le «matériel» — est constituée par les paroles et les actions de l'analysé. La psychanalyse est l'art d'interpréter ce matériel, c'est-à-dire d'en dégager les significations cachées: par exemple, l'analyse d'un rêve, partant de son «contenu manifeste», met en évidence «les pensées latentes» de ce rêve, au moins une partie d'entre elles; or, si je dégage dans le récit du rêve des significations qui au départ n'étaient pas «conscientes», c'est que les éléments de ce récit étaient plus cohérents qu'il n'apparaissait; mettre en évidence la signification latente du rêve, c'est aussi mettre en évidence la structure latente du récit du rêve, l'interdépendance de ses éléments. Implicite ou explicite, cet usage du concept de structure est essentiel à l'analyse; l'interprétation, seul mode d'intervention proprement analytique, invite l'analysé à un «remaniement structural» du matériel, à saisir d'une façon nouvelle les relations de ce qui a surgi dans le «champ psychanalytique». La perspective «personnologique» fait intervenir un emploi plus courant et plus spécifique du concept de structure. Quand on parle des «concepts structuraux» en psychanalyse, on fait allusion à l'idée que «l'appareil psychique» (ou la personnalité) est une structure, à l'intérieur de laquelle on distingue des «substructures» (plus souvent appelées «systèmes», ou «instances», ou «organisations»), chacune de ces substructures étant elle-même structurée. Le point de vue «structural» a d'abord été appelé par Freud le

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point de vue «topique», en ce sens qu'il distingue différentes régions dans la fiction théorique d'un appareil psychique. Dans la pensée moderne, la préoccupation de la structure de la personalité apparaît avant la psychanalyse avec l'introduction de concepts tels que ceux de «double conscience», «pesonnalité multiple». Freud s'est intéressé de bonne heure à ce problème, comme en témoigne son Esquisse d'une psychologie scientifique (1895). La «première théorie de l'appareil psychique» est exposée dans les derniers chapitres de l'Interprétation du Rêve (1900). Elle consiste dans la distinction de deux «systèmes», l'Inconscient et le Préconscient, entre lesquels la «censure» est comme la réfraction qui se produit lorsque la lumière passe d'un milieu dans un autre. Le «système inconscient» est le «heu» des pulsions sexuelles et agressives, des désirs inconscients, des fantasmes, chargés d'une énergie «mobile» qui tend à la décharge et se «déplace» facilement (par exemple, dans certains mécanismes du rêve: condensation, déplacement, compromis); le système Inconscient n'est pas une organisation cohérente; la partie inconsciente des processus psychiques se déroule sans égard pour les principes d'identité et de contradiction (etc.), d'une manière que l'on pourrait dire «syncrétique». Le «système Préconscient» est le «heu» des contrepulsions défensives, chargées d'unee énergie «liée» qui tend à inhiber ou ajourner la décharge de la pulsion, du moins jusqu'à ce que l'activité d'exploration de la pensée soit terminée; à ce système, pour autant qu'il parvient à une activité autonome, correspondent des processus mentaux qui tendent à se conformer aux principes d'identité, de non-contradiction, etc. Dans cette théorie, la conscience est le plus souvent présentée comme une dépendance du système Préconscient, lequel règle l'accès à la conscience et à la mobilité. Pourtant, Freud parle aussi du «système conscience» ou du «système perception-conscience», qu'il oppose aux «systèmes mnésiques». Sous la forme de l'attention, la conscience représente la part d'énergie libre à la disposition du système Préconscient, qui a pour fonction d'introduire dans les relations du sujet avec l'entourage une régulation plus discrimina-

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tive; en particulier, elle peut poursuivre son action propre en résistant à la pression des affects déplaisants, ouvrant ainsi la voie à la recherche de la vérité. Quant à la censure, bien qu'en faisant une articulation centrale et étendant son action au passage du Préconscient au Conscient, Freud a évité de lui donner, si l'on peut dire, un «statut structural»; elle se définit d'une manière fonctionnelle ou dynamique comme la réaction des tendances préconscientes, acceptables pour le sujet, aux tendances refoulées et inconscientes. On suit à travers l'oeuvre de Freud, surtout entre 1910 et 1920, l'élaboration de la second théorie de l'appareil psychique. Son ensemble est exposé dans Das Ich und das Es (1923). Par rapport à la première théorie et dans les grandes lignes, le Ça (das Es) correspond au système Inconscient; le Moi (das Ich) correspond au système Préconscient-Conscient, avec la différence que les «mécanismes de défense du Moi» sont conçus comme inconscients; l'introduction d'une troisième organisation, le Surmoi(dasVberich), lui rattache la censure, avec d'autres «fonctions», telles la conscience morale, l'Idéal du Moi, l'auto-observation. Le Surmoi procède d'une structuration du Moi, devenue relativement autonome; il est le reliquat de relations intersubjectives datant de l'enfance, sous la forme d'une intériorisation de l'autorité parentale, d'identifications à l'image idéalisée des parents. Chaque système possède une certaine autonomie, en même temps qu'ils est hétéronome par rapport aux autres systèmes. C'est ainsi que le Moi dépend à la fois du Ça et du Surmoi, et que son «autonomie» n'est que «relative». Les maladies mentales sont caractérisées par la dépendance du Moi; la thérapeutique analytique vise à le rendre plus autonome. De cette structure «intersystémique» de la personnalité dans son ensemble, on distingue la structure «intrasystémique» de chaque substructure, ouvrant la possibilité, dans les limites de chaque substructure, de conflit ou de coopération; par exemple, les fonctions du Moi vont dans des sens différents, voire «antinomiques», selon qu'elles tendent au refoulement ou à la levée du refoulement, à la rationalisation ou à la recherche de la vérité objective et rationnelle. La principale différence entre la première et la seconde théorie

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me paraît être la part que la seconde fait aux relations intersubjectives dans la structuration de la personnalité, par la voie de l'identification; les structures intrasubjectives ainsi constituées structurent à leur tour de nouvelles relations intersubjectives, par la voie de la projection. La deuxième théorie structurale se prête ainsi, mieux que la première, à la description de ce qui se passe dans le champ psychanalytique, c'est-à-dire des relations intersubjectives de l'analyste et de l'analysé, en particulier du transfert. A tout moment de la cure, le psychanalyste peut se demander quel rôle lui fait jouer l'analysé et, corrélativement, quel rôle l'analysé joue. Du point de vue structural, la réduction de ces identifications tend asymptomatiquement vers une relation directe de sujet à sujet. Qu'il s'agisse de la première ou de la deuxième théorie, la structure de l'appareil psychique est conçue comme un modèle conceptuel, issu de l'expérience mais à distance de l'expérience. Le langage spatialisant qu'elles utilisent ne signifie pas autre chose que la latence des substructures, la cohésion de leurs éléments, leur résistance au changement, leur autonomie relative. Les concepts structuraux ne doivent pas être transposés soit en termes biologiques, soit en termes d'intuition subjective; Freud lui-même a mis en garde contre leur emploi métaphorique, anthropomorphique ou dramatique. Sorbonne

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LE VOCABLE «STRUCTURE» ET LA PSYCHOLOGIE SOCIALE Les remarques qui suivent seront d'abord d'ordre méthodologique. Il a semblé qu'un éclaircissement de la méthodologie pouvait contribuer à faciliter la confrontation des points de vue évoqués par le mot «structure» chez les scientifiques.

1. ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES

Une assemblée de spécialistes des sciences (mathématiques, naturelles et humaines) se donne la tâche de définir le mot structure. S'il s'était agi de définir un terme technique bien particulier et, notons-le bien, de ceux qu'un débutant ignore dans une spécialité et qu'il ne peut se dispenser de chercher une fois au moins dans un dictionnaire (ou dans un équivalent), cette discussion fût apparue inutile. Un seul spécialiste aurait mieux fait l'affaire. Mais il s'agit ici d'un terme non seulement interdisciplinaire mais encore très incomplètement dégagé de l'usage commun; de ceux que l'on cherche bien dans un dictionnaire, mais moins pour s'en instruire que pour y rêver; en fait un mot-clé d'un certain moment de la poésie latente propre aux travaux scientifiques. Un «mot-clé» s'entend ici au sens du linguiste P. Guiraud 1 : celui d'un excès de fréquence d'un vocable par rapport à un usage plus ordinaire, comme il en est d' «azur», «songe», «pur» ou «chair» chez Paul Valéry. Dire cela n'emporte évidemment aucun dédain: ce serait vivre bien mal la recherche que d'en refouler le rêve et de bouder le retour des mots-clés à la rime des conclusions et des titres. Mais il y a deux attitudes possibles et distinctes de la part de celui qui s'engage dans un commentaire d'un mot-clé des sciences: 1) L'attitude participante qui fait que l'on se laisse aller à 1 Guiraud, Pierre, Les caractères statistiques 1954), 116 pp.

du vocabulaire

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associer au vocable-stimulus les riches résonances qu'il éveille en vous «Quelle sorte d'espoir mettez-vous dans la structure?» pour transposer le titre d'une enquête surréaliste. Bien sûr le rêve ici tendra à être scientifiquement orienté et à organiser les associations de façon constructive en vue de former au vocable des emplois conceptuels nouveaux combinés avec les anciens. En bref, le vocable est pris alors comme une incitation à l'élaboration conceptuelle. Le plaisir qu'on y trouve en garantit l'intérêt. 2) Un deuxième aspect consiste à unir les différents spécialistes dans un effort pour accéder aux méthodes objectives d'une seule spécialité: la lexicographie. Peut-être alors l'amateur lexicographe souhaiterait-il d'être aidé par un professionnel, soupçonnant notamment que puisque l'emploi très fréquent d'un vocable s'accompagne de sens multiples, sa «richesse» n'est, de ce biais, que «polysémie». Vendryès* a depuis longtemps énoncé trois phrases où entrait le mot «fille» en notant: «J'emploie en réalité trois mots différents entre lesquels, au moment où je parle, je n'établis aucun rapport, ni moi, ni celui qui m'écoute. Admettre que les mots aient un sens fondamental et des sens secondaires issus du précédent, c'est poser le problème du point de vue historique; ce point de vue ne vaut rien i c i . . . S'il était vrai qu'un mot se présentât toujours avec tous les sens à la fois, on éprouverait sans cesse dans la conversation l'impression agaçante que produit une série de jeux de mots.» Bref, le vocable structure, précisément parce qu'il est d'emploi très fréquent peut aussi être considéré dans son usage actuel comme une collection d'homonymes. Inversement la plupart de ces homonymes admettent eux-mêmes des synonymes. M. Lévi-Strauss a bien montré (ici même) que telle acception particulière peut être présente chez un auteur et non le mot (Morgan) et inversement (Spencer). Gestalt et ses traductions, pattern et les siennes, système, etc. fournissent tour à tour au mot structure des substituts d'ailleurs amplement polysémiques eux-mêmes. Si une certaine adhérence des concepts aux vocables accélère la pensée, elle entraîne des ris1

Vendryès, I., Le langage. Introduction linguistique à l'histoire (Paris, 1950), 457 pp.

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ques multiples faute de correspondance biunivoque entre mots et notions. Comme Berkely le signalait, le vocable «Aristote» put entraîner des convictions sans même véhiculer d'idée, à la façon d'un stimulus conditionnel. Et les plagiaires, humoristes ou exploiteurs de prestiges, savent se servir des mots-clés. D'une façon générale un mot très polysémique dans des contextes voisins devient inutilisable dans le discours scientifique proprement dit. Il acquiert alors des rallonges diacritiques (épithètes) ou se voit substituer des termes spéciaux. Inversement, les homonymies à contextes éloignés sont sans danger et par conséquent plus stables: mais elles sont aussi dénuées d'intérêt. Pratiquement, la chasse aux homonymies — et aux synonymies — aussi ascétique soit-elle, n'est pas opposée à la rêverie associative sur les mots-clés. Dans le travail conceptuel et donc le travail d'élaboration lexicale auquel se livrent en fait les scientifiques, les deux démarches peuvent être complémentaires et mutuellement correctrices. Une terminologie stricte visant l'arbitraire pur et fuyant la «motivation» (au sens linguistique) peut être d'un ésotérisme peu encourageant et peu inspiré.

2. QUELQUES USAGES PSYCHO-SOCIOLOGIQUES DU MOT STRUCTURE

Si nous considérons dans cet esprit l'usage du mot structure en psychologie sociale nous serons conduits à quelques remarques, les unes hypothétiques, relatives à l'inspiration qui apparaît parfois dans cet usage; les autres de nature plus empirique sur les usages de fait les plus fréquents. On notera que, dans la mesure où les usages précis établissent des rapports arbitraires entre mot et notions, il n'y a aucune raison a priori pour que les différents sens techniques du mot structure puissent être regroupés. Une classification exacte ne comporte pas cette exigence. Il n'est pas possible de séparer entièrement l'usage psycho-sociologique des usages sociologiques et surtout psychologiques. Plutôt que d'insister sur des usages larges et peu techniques habituels en

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sociologie (à l'exclusion de l'ethnologie de la parenté) nous nous arrêterons d'abord sur le «jargon» des psychologues. A. Plusieurs emplois du mot structure concernent les méthodes d'analyse statistique pratiquées en psychologie et en psychologie sociale. 1) En analyse factorielle, Thurstone appelle structure factorielle l'ensemble des vecteurs-tests et des axes de référence. Il distingue structure oblique et orthogonale.3 Une notion importante est encore celle de structure simple affectée par le même auteur d'une dizaine d'adjectifs différenciateurs. Il est clair que l'usage de «structure» n'est ni plus ni moins approprié que celui de «configuration simple». Il s'agit d'expressions techniques qui spécifient arbitrairement la notion très générale et presque vide de «la disposition des éléments d'un ensemble». (C'est à peu de chose près la définition du petit Larousse et en tout cas une définition minimale suffisante et parfaitement étrangère à tout jargon technique.) 2) En liaison avec l'analyse factorielle Pierre Pichot4 classe les tests (ou épreuves psychométriques) selon leur mode de validation en «empiristes, aprioristes ou structuraux». Il s'agit selon lui d'une méthode objective (l'analyse factorielle des tests) pour faire apparaître la «structure du comportement» jadis analysée a priori en «fonctions mentales». Bref, il oppose à la validation des tests par référence à un critère extérieur un procédé de validation interne. Bien entendu, on ne manquerait pas de raisons pour contester qu'une analyse quelconque des différences entre individus soit apte à faire apparaître les composantes principales, d'aucuns diraient structurales, de leur comportement (qui pourraient être très peu variables ou même identiques selon les individus). Mais notre propos est de constater un usage spécial, non de critiquer en guise de réserves sur les théories le libre usage des vocables. 3) C'est dans un esprit semble-t-il assez analogue qu'on utilise ' Piéron, Henri, et al., Vocabulaire de la psychologie, 2ème éd. revue et corrigée (Paris, 1957), 468 pp. 4 Pichot, Pierre, Les tests mentaux en psychiatrie, Instruments et méthodes (Paris, 1949), 238 pp.

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parfois «structure» et notamment en psychologie sociale pour désigner certaines propriétés des tableaux de réponses des sujets à des épreuves ou questionnaires. L'idée de validation «structurale» paraît ici s'opposer surtout à la référence externe de l'instrument de mesure pour s'attacher à sa constitution propre, interne, que le procédé soit factoriel ou non. Ainsi on parlera de la «structure hiérarchique» d'une échelle de Guttman et surtout de «l'analyse de structure latente» (Lazarsfeld5). Dans le premier cas, il s'agit d'un certain ordre implicatif entre types de réponses, dans le deuxième d'une théorie mathématique de la dépendance entre un ensemble d'épreuves élémentaires et une variable latente. Pour tous ces exemples, en dehors des définitions techniques qu'un lexique doit mettre à leur place, il y a peu de notions communes. Le mot structure apparaît volontiers dans les efforts psychométriques, au sens le plus général, peut-être avec l'espoir commun de déceler des dispositions d'éléments cachées par la surface apparente et consistant en relations mathématiques plus essentielles ou plus objectives (ordinales, fonctionnelles, corrélationnelles). Mais on voit que ce langage est plutôt celui de l'ardeur poétique ou philosophique que de la définition. Comme du temps de Platon, le théoricien cherche le solide derrière le précaire, l'invariant derrière le mouvant, l'intrinsèque derrière l'extrinsèque, le réel derrière l'apparent. A certaines époques, certains mots expriment mieux que d'autres cette fascination, sans beaucoup la spécifier. «Structure» est de ceux là, après «système», «déterminisme» . . . Il n'ajoute en fait rien de plus que la définition minimale mentionnée plus haut. B.

Structure du stimulus «Structuré» ou «non structuré» («unstructured») c'est-à-dire «amorphe» s'applique soit au matériel fourni pour une tâche (p. ex. perceptive), soit à cette tâche elle-même.8 Rien n'étant parfaitement * Lazarsfeld, Paul F., «A conceptual introduction to latent structure analysis», in: Lazarsfeld, Paul F. (éd.), Mathematical thinking in the social sciences (Glencoe, III., 1954), 444 pp. (pp. 349-387). • P. ex. Anastasi, Anne, Psychological testing (New York, 1954), 682 pp. (p. 598).

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informe, il s'agit d'un amorphisme relatif mesuré par la relative liberté de réponse des sujets au stimulus. La structure, c'est ici le degré de restriction de la variabilité des réponses, la place laissée au sujet pour «structurer» lui-même, c'est-à-dire en somme, créer pour le testeur qui l'interprète un ordre significatif (un message latent) par organisation d'un donné supposé sans ordre significatif. Et, bien sûr, le déchiffrement de ces traces de «structuration» est supposé de nature à révéler la «structure» caractérielle ou de la personnalité du sujet! On mentionnerait ici la plupart des tests dits «projectifs» (Rorschach, Thematic Aperception Test) y compris les situations ou tâches «amorphes» dans l'expérimentation sur les groupes. C. La structure du caractère ou de la personnalité qui intéresse les psycho-sociologues dans la mesure où la personnalité est largement interpersonnalité peut être abordée par des techniques très variées (cf. ici D. Lagache: le point de vue «systématique» en psychanalyse). Ce sont ces techniques qui fournissent les seules spécifications, de nature opérationnelle, qui aillent au delà de la définition minimale sus-mentionnée. Ainsi la «structure de la personnalité» selon Eysenck, c'est la structure factorielle au sens cidessus.7 D.

De la structure comme Gestalt aux réseaux et graphiques Des considérations sur la possibilité de varier les dispositions à éléments constants mais surtout de varier les éléments à dispositions constantes (ou de transposer les relations) sont fort anciennes. Elles ont pris une allure nouvelle vers la fin du 19e siècle. On connaît Von Ehrenfels. On connaît moins la pensée structurale du poètesavant Charles Cros8 qui, vers 1870, distinguait les formes temporelles (rythme), des formes spatiales (figures) et des formes plus générales résultant de la mise en correspondance des figures et des ' Eysenck, H. J., The structure of Human Personality (London, 1953), 348 pp. 8 Cros, Charles, «La mécanique cérébrale», Oeuvres complètes (Paris, 1954), 604 pp.

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rythmes. Cros faisait de cette théorie l'introduction à un modèle mécanique du fonctionnement sensoriel et neurologique. La théorie de la forme a été agissante en psychologie sociale en tant surtout que pensée inspirée à la fois de représentations mécaniques et topologiques, dans la théorie du champ de Kurt Lewin.9 Cette théorie est assez couramment interprétée dans un sens «globaliste» ou «holiste» comme souvent la Gestalttheorie ellemême hors du cadre expérimental. Il nous faut relever ce sens holiste particulier, car il se rattache aux «associations» parfois excitées par le mot «structure». Goldstein10 ne pense pas qu'il nous soit «permis de diviser l'objet particulier, de considérer les plus petites particules ainsi obtenues et à partir d'elles, de tenter de reconstruire l'objet, dans notre cas l'organisme, comme nous faisons dans les autres sciences de la nature». C'est ce débat sur l'irréversibilité de l'analyse dans les sciences du vivant, à plus forte raison dans les sciences humaines, qui a fait du mot structure un explosif incomparable. La «catégorie de la totalité» serait intimement associée à la pensée structurale. Or il semble bien que l'explosif soit plutôt désamorcé, en psychologie sociale du moins. Chez certains disciples de Lewin, notamment de l'Ecole d'Ann Arbor, on voit mal ce qui subsiste de la «théorie du champ» dans l'étude des petits groupes, hors du précepte général de ne pas oublier les situations et contextes. L'usage de plans expérimentaux traités par l'analyse de variance permet bien d'étudier des «interactions» multiples. Mais c'est un procédé tout à fait général d'analyse expérimentale. Plus profondément, Alex Bavelas11 s'est très tôt aperçu qu'il était possible de transposer la «topologie» de Lewin (cellules ou régions, frontières, contiguïtés) qui était l'aspect essentiel de sa théorie du champ, dans une représentation graphique plus féconde, plus claire et purgée d'ambiguïtés. Il suffisait de faire correspondre » Lewin, Kurt Principles of topological psychology (New York, 1936). m Goldstein, La structure de l'organisme (Paris, 1952), trad. Burkhardt et Kuntz. 11 Bavelas, Alex, «A mathematical model for group structures», Applied Anthropology, 7 (1948), pp. 16-30.

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à chaque «cellule» un point et à chaque «contiguïté» de deux cellules une ligne joignant les deux points correspondants. On obtient de la sorte un réseau, avec des propriétés (distances, centralité, etc.) qui ne doivent rien à la catégorie de totalité. On a montré ultérieurement que de tels réseaux étaient déjà l'objet de la théorie des graphes (transposables en tableaux ou en matrices).12 Une fois de plus une notion «structurale» s'est spécifiée en un traitement mathématique particulier qui n'a guère plus en commun aves les autres «structures» usitées en psychologie sociale que la puissance d'un nombre avec la puissance d'un ensemble.13 E.

Structure sociométrique et réseaux On voit chez J. L. Moreno,14 créateur de la sociométrie, un usage abondant du mot structure. «Chaque forme que peuvent prendre les relations inter-individuelles constitue une structure et le pattern complet des structures que l'on trouve au sein d'un groupe constitue son organisation» (p. 144). Forme, pattern, organisation, structure, seraient permutables à peu près sans difficulté, mais l'usage de Moreno est d'appeler structures des «couples», «triangles», etc. Ce qui est remarquable ici, c'est que Moreno est parti non pas du tout d'un esprit gestaltiste ou holiste mais, au contraire, d'une étude réputée atomistique ou individualiste, des choix personnels mutuels. Or, insoucieuses de ces «étymologies» différentes, on voit les structures issues de Lewin et de Moreno se rejoindre dans les exercices d'une même mathématique des réseaux et «matrices».

11

Harary, Frank, Norman, Robert Z., Graph theory as a mathematical model in social science (Ann Arbor, 1953), 45 pp. Depuis la rédaction de ce texte a paru l'ouvrage à tous égards bien plus avancé: Berge, Claude, Théorie des groupes et ses applications (Paris, 1958). 13 On trouverait de même, croyons-nous, que Jean Piaget, en analysant dans un esprit initialement «gestaltiste» à bien des égards, le développement cognitif de l'enfant, parvient à des objets mathématiques tout à fait particuliers (p. ex les «groupements» qui ne sont des structures qu'en un sens très spécial diversifié, au fond très voisin de l'expression «une algèbre»). 14 Moreno, J. L., Fondements de la sociométrie (Paris, 1954), 394 pp. trad, de l'anglais par H. Lesage et P. H. Maucorps.

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Structures d'influence R. Pagès15 et R. Lambert 16 s'inspirant de R. B. Cattell17 ont utilisé cette expression pour substituer à la notion d'un chef opposé aux suiveurs celle 1. d'un effet mesurable de chaque coopérateur sur le rendement d'un groupe; 2. d'une ordination des membres du groupe, notamment par leur préséance dans l'action. Dans le premier cas la «structure» est une distribution statistique par individu des effets que l'on obtient sur le rendement par «ablation» de chaque participant successivement. Cette façon de faire conduit à définir et à analyser une structure du groupe (spécifiée notamment par la tâche et les hypothèses relatives à l'opération d'ablation). Mais si l'on procédait à l'«ablation» non plus d'individus mais de certains actes ou rôles ou fonctions dans le travail du groupe, la même distribution permettrait d'analyser un autre type de «structure» (celle des rôles). D'un autre biais encore la «structure» ordinale des préséances (p. ex. des prises d'initiative dans un travail où «il faut que quelqu'un commence») peut être mise en correspondance avec le rang d'influence mesuré par la première méthode. Une autre variété de «structures» peut résulter de cette confrontation. En fait, on manque souvent de vocables pour différencier les usages et le mot structure se présente trop aisément. Bien sûr, l'introduction du mot «structure» dans ce contexte a dû être d'abord suscitée par la critique d'une vue classique presque exclusivement caractérologique sur la direction (leadership) d'un groupe. On a tenté d'expliquer la direction d'un groupe comme une propriété du groupe pris «dans son ensemble». Mais d'autres ont pu aussi bien appeler «structure» les relations meneur-suiveurs 15

Pagès, Robert, «La psychologie expérimentale des groupes. Variables et dimensions majeures», B. Psychol, 7 (1954), pp. 366-375, 442-453, 536544. Notes d'étudiants. Et «L'expérimentation psycho-sociologique comme exercice dans la formation», B. Psychol., 12 (1959), p. 337-346. " Lambert, Roger, «Structure d'influence dans des petits groupes de travail», Psychol. fr„ 2, no. 4 (1957), pp. 213-226. " Cattell, R. B., «New concepts for measuring leadership in terms of group syntality», Human Relat., 4 (1951), pp. 161-184.

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dans un groupe ou, comme on l'a vu, la façon d'être d'une personnalité. En fait, dès qu'on utilise scientifiquement une «notion» courante qu'un «seul» mot paraissait caractériser suffisamment, elle éclate en concepts multiples pour lesquels on manque de mots, un peu comme les mathématiciens à court de lettres alphabétiques recourent à quatre ou cinq alphabets. C'est qu'en fait la «notion» et le «mot» apparents étaient déjà un chaos d'homonymes, plus ou moins débrouillé à chaque emploi par le contexte circonstanciel, mais qu'un discours strict oblige à dissocier toujours davantage. Sans quoi le pouvoir fascinant des mots-clés ne servirait guère qu'à favoriser la confusion. D'autant plus que les mots-clés sont souvent des labels ou marques fort propices à la contrefaçon apte à accroître elle-même la confusion. Les oppositions de sens qui subsistent dans le discours entre les différentes «structures» ne se laissent pas résumer en une dichotomie du totalisme et de l'analytique: sur bien des points une telle dichotomie n'apparaît pas bien facile à comprendre ni à caractériser. Les oppositions autres qu'intuitives sont toutes analytiques en ce sens et ce sont avant tout des distinctions entre méthodes de construction des objets psycho-sociaux. Ces distinctions s'expriment parfois à l'aide du mot structure et parfois autrement, de façon assez arbitraire. Une étude — plus complexe — qui ne partirait pas d'un vocable mais qui porterait sur l'ensemble des notions connexes à travers l'ensemble de leurs vocables en marquerait peut-être mieux les complémentarités et les oppositions. Ce serait une étude de «champ sémantique»: une «structure» de plus, bien sûr. Une étude des styles scientifiques ou attitudes de conception trouverait peut-être que «structure» est un substantif correspondant aux questions — analytiques — du type «comment est-ce fait, constitué, construit, composé?», questions qui appellent des réponses par listes d'éléments (atomes) et relations (associations) entre ces éléments. Recouvrant avec prédilection quelques modèles analytiques récents ambitieux de transposition (opération très «structurale»), c'est aussi parfois un vocable marqué par l'ambi-

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valence des idéaux et qui signale une résistance à l'analyse (souvent à une analyse inadéquate). Aussi bien «analyse» est-il lui-même un mot fréquent et polysémique . . . C.N.R.S. et Laboratoire de Psychologie Sociale (Sorbonne)

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Avant de citer les textes extrêmement connus dans lesquels Marx détermine les rapports de la base, de la structure et des superstructures de la société, il est utile de rappeler des fragments moins célèbres mais aussi riches de sens. Dans son livre sur YOrigine de la Famille, de la propriété privée et de l'Etat, Engels se réfère à Morgan et à un commentaire de Marx sur les travaux de Morgan: La famille, dit Morgan, est l'élément actif; elle n'est jamais stationnaire, mais passe d'une forme inférieure à une forme plus élevée, à mesure que la société se développe d'un degré inférieur à un degré plus élevé. Par contre les systèmes de parenté sont passifs; ce n'est qu'à de longs intervalles qu'ils enregistrent les progrès que la famille a faits au cours du temps, et ils ne subissent de transformation radicale que lorsque la famille est radicalement transformée . . .

Après cette citation de Morgan, Engels ajoute en citant directement une phrase de Marx: Il en va de même pour les systèmes politiques, juridiques, religieux, philosophiques en général. [Pp. 34-35, trad. Bottigelli, éd. Sociales, 1954]

Ce texte rapproche donc les «systèmes de parenté» des autres «systèmes» qui s'élaborent au sein d'une société déterminée, par l'action et la réflexion des classes et des individus, et que Marx (nous le verrons) désigne comme des superstructures. D'autre part ce texte distingue et même oppose jusqu'à un certain point la forme et le système. La forme est une détermination plus profonde, plus concrète que le système. Elle saisit et elle exprime un moment du devenir. Le système ne représente pas pour autant une abstraction vide. Il n'est pas l'aspect le plus profond et le plus vivant de la réalité sociale, mais il en émerge et s'en dégage. Les «systèmes» sont des produits, résultats de forces historiques (économiques et sociales) qui les font surgir mais les dépassent tôt ou tard. On peut donc

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les extraire pour les examiner, mais on n'a pas le droit de les isoler; on ne peut les étudier en dehors d'un devenir qui déjà les laisse de côté sur sa route, au moment même où ils apparaissent comme constitués et constituants de la réalité sociale. Ne représentant ni l'aspect le plus profond ni le plus élevé de cette réalité, ils ne deviennent «systèmes» qu'en étant élaborés, formalisés, rendus cohérents (plus ou moins). Pour les élaborer ainsi, il faut des groupes différenciés, des penseurs spécialisés, des concepts et des idéologies, donc des forces sociales qui imposent ces idéologies. Dans la Préface de la première édition du même ouvrage, Engels emploie dans un sens un peu différent et plus large le terme structure: Selon la conception matérialiste, le facteur déterminant, en dernier ressort, dans l'histoire, c'est la production et la reproduction de la vie immédiate. Mais à son tour cette production a une double nature. D'une part, la production des moyens d'existence, d'objets servant à la nourriture, à l'habillement, au logement, et des outils qu'ils nécessitent — d'autre part, la production des hommes mêmes, la propagation de l'espèce. Les institutions sociales sous lesquelles vivent les hommes d'une certaine époque historique et d'un certain pays sont déterminées par ces deux sortes de production: par le stade de développement où se trouvent d'une part le travail et d'autre part la famille. Moins le travail est développé, moins grande est la masse de ses produits, et par conséquent la richesse de la société, plus aussi l'influence prédominante des liens du sang semble dominer l'ordre social. Mais dans le cadre de cette structure sociale [italiques de moi, H.L.] basée sur les liens du sang, la productivité du travail se développe de plus en plus et avec elle la propriété privée et l'échange, l'inégalité des richesses, la possibilité d'utiliser le travail d'autrui, et du même coup la base des oppositions de classe . . . Une société nouvelle prend sa place, organisée dans l'Etat, dont les subdivisions ne sont plus constituées par des associations basées sur les liens du sang, mais par des groupements territoriaux, une société où le régime de la famille est complètement dominé par le régime de la propriété . . . [Id., pp. 15-16.] Ce fragment montre clairement qu'Engels et Marx n'ont jamais accepté l'économisme, le déterminisme économique, en négligeant l'élément biologique (démographique, familial) de la société. Cependant E. Bottigelli a raison de noter, à propos de ce texte (p. 15,

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note 3) qu'il révèle un certain flottement dans la pensée d'Engels, puisqu'il met sur le même plan dans la structure sociale le travail et la famille, du moins jusqu'à la période historique où le premier élément l'emporte sur le second et devient déterminant. Dans sa polémique contre Proudhon, bien auparavant, Marx avait exposé une idée essentielle, à savoir que les éléments des «systèmes» ou des «structures» ne leur préexistent pas: Prenant les choses à l'envers comme un vrai philosophe, Proudhon n'a vu dans les rapports de production réels (le crédit, la monnaie, etc.) que les incarnations de principes et de catégories qui sommeillaient au sein de la raison impersonnelle de l'humanité. M. Proudhon l'économiste a très bien compris que les hommes font le drap, la toile, les étoffes de soie, dans des rapports déterminés de production. Mais ce qu'il n'a pas compris, c'est que ces rapports sociaux déterminés sont aussi bien produits par les hommes que la toile, le lin, e t c . . . . Les mêmes hommes qui établissent les rapports sociaux conformément à leur productivité matérielle produisent aussi les principes, les idées, les catégories, conformément à leurs rapports sociaux. Aussi ces idées, ces catégories, sont aussi peu éternelles que les relations qu'elles expriment. Elles sont des produits historiques et transitoires. [Misère de la Philosophie, Editions Sociales, p. 88.]

L'activité productrice, à la fois vitale et sociale, des êtres humains, s'exerce donc à plusieurs niveaux ou degrés: la production matérielle — la production des rapports sociaux — la production des principes, idées, catégories et «systèmes» (cette formulation comportant aussitôt une réserve importante: on trahit la pensée de Marx si l'on se représente des «niveaux» extérieurs les uns aux autres et mécaniquement superposés; dans tous les moments de la formation économique-sociale, c'est l'activité créatrice des êtres humains en groupe qui produit). Les résultats de cette production, formes, structures, systèmes, ou encore catégories et «principes», peuvent et doivent s'abstraire de l'activité productrice, mais sans jamais que cette abstraction soit fétichisée, isolée et «réifiée». Les moments de l'activité productrice se distinguent à l'analyse sans qu'elle ait le droit de les séparer. L'interaction dialectique incessante, avec les contradictions qu'elle crée et développe historiquement, fait la profondeur et la richesse de la vie sociale. C'est

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l'homme qui produit et se produit, cet homme total qui crée la société totale, s'y perd et s'y retrouve, s'y aliène et s'y reconnaît (la société n'ayant de contenu et de sens que par l'homme et réciproquement). Marx situe ainsi très précisément les éléments passifs de l'histoire par rapport aux forces actives et créatrices. Ces éléments passifs sont aussi les éléments déterminés et déterminables, ceux que l'idéologie élabore, ceux que la connaissance saisit les premiers, n'atteignant l'activité créatrice qu'à travers ses résultats. Cette théorie ne prend son sens véritable que si l'on se souvient des démarches fondamentales de la pensée dialectique. Pour elle, la détermination est une négation, mais une négation concrète et fondée. Le résultat est une chose morte si on le détache et l'isole. Restitué dans l'activité productrice (créatrice), il permet de la connaître. L'élément ou aspect passif n'est pas transcendant ou extérieur à l'élément actif de l'histoire, de la vie sociale, de l'homme. Dans beaucoup de textes assez peu connus, Marx examine sous d'autres angles les «structures» de la société. A partir d'un certain moment historique, le XVIIIe siècle, les diverses formes des rapports sociaux s'imposent à l'individu, à la fois comme une nécessité externe et comme un moyen pour ses buts privés: L'époque qui produit ce point de vue de l'individu isolé [diesen Standpunkt ... des vereinzelten Einzelnen] est précisément celle des rapports sociaux les plus développés, et universels de ce même point de vue. [Grundrisse der Kritik der politischen Ökonomie, Ed. de l'Institut Marx-Engels-Lénine, Moscou, 1939, „Einleitung", p. 6.]

L'extériorité de la structure sociale et de l'individu fait partie de cette structure, dans la société bourgeoise. L'individu trouve devant lui, extérieurement à lui (en apparence, mais cette apparence enveloppe une certaine réalité) des conditions sociales d'existence, des formes de propriété, et aussi des façons de penser, d'agir, et de sentir, qui ont été façonnées par sa classe à partir des bases matérielles et des rapports sociaux correspondants. L'individu les découvre à la fois comme des conditions et des limites de son activité, comme des données et des entraves. Ainsi dans la société capitaliste l'argent (das Geld) se présente comme une puissance

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formelle et réelle à la fois, comme une sorte d'individu (als das Individuimi des allgemeinen Reichtums: comme l'individu de la richesse générale) en face de l'individu humain. Et il n'entretient avec cet individu humain aucune relation individuelle, il n'a aucun lien concret et nécessaire avec le développement humain de l'individu. Leur rapport est étrange: à la fois nécessaire et hasardeux dans leur extériorité mutuelle et leur rencontre. C'est ainsi que l'argent est un tout, un objet (social); il comporte des déterminations, des «moments» intimement liés, donc une structure interne; il suscite des formes particulières et aliénées de l'activité et du besoin, à savoir le besoin d'argent (cf. id., p. 133). Il faut citer ces textes pour rappeller l'extrême richesse et la complexité de la pensée marxiste, trop souvent simplifiée, dogmatisée, réduite à quelques formules tranchantes. Comme il advient toujours dans l'étude des grandes doctrines, les interprétations les plus simples sont aussi les plus claires; dès qu'on approfondit, cette fausse clarté se dissipe; des obscurités mais aussi des problèmes féconds se manifestent. Le texte le plus connu de Marx sur les superstructures se trouve dans la préface à la Contribution à la Critique de l'Economie tique:

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Dans la production sociale de leur vie, les hommes contractent des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté, rapports de production qui correspondent à un niveau de développement déterminé de leurs forces productives matérielles. L'ensemble de ces rapports de production constitue la structure [Struktur] économique de la société, la base [Bosis] réelle sur laquelle s'édifie une superstructure [Ueberbau] juridique et politique, et à laquelle correspondent des formes [Formen] de conscience sociale déterminées.

Ce texte très précis, en raison même de sa précision, a été commenté isolément par les exégètes et figé comme un texte dogmatique. En fait, écrit par Marx au moment où il se spécialise dans l'économie politique (et dans la critique de l'économie politique) ce fameux fragment publié en 1859 détermine un programme, esquisse le cours des études de Marx dans ce domaine, comme il le dit lui-

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même. Il ne résout pas tous les problèmes. Il en pose. Il ne doit pas faire oublier Le Capital et la Préface au Capital où le concept de formation économique sociale apparaît comme plus complexe, plus riche que les concepts de base et de superstructure. Le terme «superstructure» traduit-il d'ailleurs correctement et complètement le mot «Uberbau»? Tantôt les commentateurs considèrent ces «superstructures» comme des effets secondaires, des efflorescences, sur la «base». Tantôt au contraire ils insistent sur l'efficacité des «superstructures» et l'action en retour vers la base. Presque tous tendent à détacher les superstructures de la base, comme l'étage supérieur d'une maison ou son toît par rapport aux fondations ou à l'étage supérieur. Déjà les plus grands marxistes (Lénine, Gramsci notamment) ont rejeté ce schéma, qu'ont répandu surtout les exégètes staliniens. Il est clair que les idées et les idéologies naissent dans les profondeurs de la conscience sociale, liée à l'ensemble de la pratique sociale (globale). Il est clair que les groupes humains actifs et surtout les classes appartiennent à la fois aux forces productives et aux rapports sociaux, donc aux deux degrés ou niveaux de la base, que l'on ne peut donc superposer comme des étages. Le schéma simplifié laisse de côté la famille. Il est clair que la famille fait partie intégrante des rapports sociaux (la production et la reproduction étant inséparables). La famille est évidemment la forme d'appartenance de l'individu à une structure sociale déterminée (structure dont nous savons que, dans des conditions historiques également déterminées, elle se détache de l'individu et s'oppose à lui, tandis qu'il s'oppose à elle; mais la famille ne disparaît pas pour cela!). Enfin, les rapports de propriété se situent dans la structure en tant que formes des rapports de production, et dans les superstructures en tant qu'expression juridique de ces rapports. La notion de formation économique-sociale englobe cet ensemble d'interactions. Pour résumer, nous pouvons dire qu'aux divers sens du mot «structure» dans la pensée actuelle correspondent chez Marx des termes divers: Structure (Struktur), Système (System), Forme (forme sociale, Gesellschafterin, forme de la production, etc.), Tout (Totalität), Individu (Individuum) ... Réciproquement, ces termes

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traduisent des nuances que le seul mot «structure», dans ses acceptions diverses et souvent confuses, laisse échapper. Faculté des Lettres et Sciences humaines de Strasbourg

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M. Georges Gurvitch, étant empêché par suite de diverses circonstances de nous envoyer sa collaboration, nous nous contentons d'indiquer, à sa demande, la bibliographie de ses écrits principaux sur le sujet traité dans son rapport au Colloque: «Les Structures Sociales», chap. IV, section II, du Traité de Sociologie, 1 (Paris, 1958), p. 205-215 — «Structures Sociales et Multiplicité des Temps», Bulletin de la Société Française de Sociologie, 52e année, no. 3 (juillet-décembre 1958), séance du 31 janvier 1958. — La Vocation Actuelle de la Sociologie, 2e éd. (Paris, 1957), I, p. 400-442.

NOTE SUR LA STRUCTURE EN SCIENCE POLITIQUE*

Le vocabulaire de la science politique n'a pas encore atteint un haut niveau de rigueur scientifique. Les mots abstraits, en particulier, y sont plus souvent employés dans une acception proche de l'usage vulgaire que selon une définition exacte. Ainsi en va-t-il pour des termes comme équilibre, structure, que la science politique utilise avec moins de précision encore que l'économie. Aussi ne me paraîtil guère possible d'analyser la ou les significations du mot structure en science politique. Il sera plus profitable, me semble-t-il, de montrer comment la problématique propre au concept se dégage peu à peu des emplois multiples et spontanés du terme. De la manière la plus générale, la structure désigne les relations spécifiques des éléments (ou des parties) à l'intérieur d'un ensemble donné. La diffusion du mot est contemporaine du succès de la théorie de la forme. Cette dernière théorie implique la réalité (parfois même la réalité première) de l'ensemble. La structure désigne le caractère propre des relations réciproques des éléments dans l'ensemble. Reste à savoir, et c'est l'essentiel, de quels éléments il s'agit, quelles sont les relations spécifiques entre les éléments, quels ensembles sont en question. Procédons non par définition, dogmatiquement posée, mais par exemples. On parle de la structure d'un parti. Que veut-on désigner par là? Avouons d'abord que l'usage n'est guère fixé. Parfois la structure d'une parti est confusément interprétée comme englobant tous les traits caractéristiques d'un parti, l'organisation locale, l'organisation centrale, la répartition de l'autorité entre les diverses instances, etc. En cette acception vulgaire, la structure désigne toutes les relations entre tous les éléments d'un parti. Il va sans dire qu'un tel usage est fâcheux. Il importe de préciséret de limiter le sens de la notion. La structure d'un parti diffère de l'organisation d'un * Le lecteur n'aura pas de peine à découvrir que cette note a été écrite au temps de la IVe République Française.

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parti, qu'il s'agisse de l'organisation officielle, telle qu'elle est prévue dans les textes constitutionnels, ou de l'organisation telle qu'elle fonctionne effectivement. Je propose d'appeler structure d'un parti les relations entre militants et dirigeants, sections locales (ou régionales) et congrès (ou état-major). II n'y a pas de motif de considérer seulement une espèce d'éléments (par exemple, militants et dirigeants), et une seule sorte de relations (par exemple, la répartition de l'autorité). Pour analyser la structure d'un parti concret, il faut tenir compte des éléments principaux (militants, dirigeants, constitution écrite, pratique des congrès etc.). Pour comparer les structures des différents partis, il faut dégager les variables considérées comme essentielles. En fait, la typologie des partis est établie en retenant pour variables principales le nombre des militants et le degré d'organisation du parti. Ainsi place-t-on aux deux extrêmes le parti de masse organisé (social-démocratie) et le parti de cadres (ou le groupe parlementaire) presque sans militants et sans bureaucratie permanente. Mais la structure n'est pas définie concrètement par la juxtaposition ou l'addition de ces deux variables mais par les relations spécifiques, à l'intérieur du parti, qui résultent de ces deux variables (et d'autres éventuellement). Cette même analyse deviendra probablement plus claire si nous la reprenons pour un ensemble plus vaste, que nous appellerons «le système des partis». Chaque pays de régime constitutionnelpluraliste a un système de partis, déterminé par des causes multiples, historiques et actuelles, économiques et psychologiques, sociales et constitutionnelles. Décrire le système français des partis ne présente pas de difficultés: expliquer pourquoi il est ce qu'il est oblige probablement à remonter des siècles de l'histoire de France et à mettre en lumière d'innombrables particularités de la réalité présente du pays. En ce qui concerne le système des partis, l'élément est le parti, les relations spécifiques entre ces éléments sont ceux qui résultent non pas tant de la constitution que des caractères propres des partis. On pourrait dire que les structures des divers partis déterminent en se combinant la structure du système. Par exemple, un système de deux partis disciplinés, avec une loi électorale majoritaire à un tour et des circonscriptions étroites, n'a pas

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la même structure qu'un système de deux partis non-disciplinés, avec une grande hétérogénéité à l'intérieur de chacun d'eux et une liberté de vote au congrès pour chaque sénateur ou membre de la Chambre des Représentants. Il me paraît légitime d'employer le mot structure en ce cas, puisqu'il ne s'agit pas d'une organisation mais de l'unité créée par les relations entre les éléments (unité autre concrètement en chaque cas, selon de multiples déterminations). J'ai employé personnellement le terme structure à propos du jeu politique ou parlementaire français. A l'intérieur de chaque parti, de chaque assemblée, se déroule un jeu dans lequel les joueurs sont les individus ou les groupes et l'enjeu l'acquisition de biens rares (présidence de la République, présidence du Conseil, secrétariat du parti, etc.). La structure du jeu français au moment d'une élection du Président de la République ou d'une investiture du Président du Conseil m'a paru analogue à la structure du jeu à l'intérieur d'un parti américain au moment de l'élection du candidat à la présidence de la République: les joueurs sont, en général, nombreux (plus de deux); chaque joueur représente plus ou moins confusément à la fois des idées (ou des intérêts) et line ambition personnelle; les joueurs sont les uns des individus, les autres des groupes; les groupes sont hétérogènes, les uns nombreux et disciplinés, d'autres nombreux et non disciplinés, d'autres peu nombreux et disciplinés, d'autres encore peu nombreux et peu disciplinés. Le déroulement des crises ou de l'élection du candidat est pour une part déterminée par cette structure du jeu. Seule l'expérience permet de savoir avec certitude si tel candidat à l'investiture obtiendra ou non la majorité absolue nécessaire. Il faut donc recourir à l'expérience «pour lever l'hypothèque». Il faut mettre à l'épreuve, tour à tour les diverses solutions possibles et les épreuve ssuccessives donnent à tel groupe ou à tel individu des chances qu'ils n'avaient pas ou qu'on ne leur attribuait pas au point de départ. Certaines similitudes dans le jeu du parlement français et dans celui d'un parti américain s'expliquent aisément par référence à la structure du jeu: les groupes nombreux s'équilibrent approximativement et les petits groupes peuvent faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre. C'est pourquoi les petits groupes du centre en France obtiennent

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un nombre de portefeuilles disproportionné avec leurs effectifs. Ainsi M. A. Stassen, en assurant la majorité dès le premier tour au Président Eisenhower, s'assura du même coup un portefeuille ministériel. Dans les deux cas, la structure détermine le fonctionnement. Les emplois du mot structure, tels que nous venons de les analyser, sont semblables à l'emploi du mot en économie politique. On parle de la structure de l'économie pour désigner la répartition de la main d'oeuvre et de la production entre les divers secteurs ou les diverses industries (pour reprendre les expressions de M. François Perroux, les proportions et relations qui caractérisent un ensemble économique localisé dans le temps et l'espace). Mais cette définition très générale ne s'accorde pas avec certains usages vulgaires: les réformes dites de structure concernent le statut de propriété, qui n'a rien à voir avec la structure au sens rigoureux du terme. De même, «les structures anachroniques de l'agriculture française», dont il est si souvent question, sont, selon les cas, le statut de propriété, la dimension des entreprises, les modes de culture, etc. Une autre précision (ou équivoque) en économie politique vient de l'opposition structure-conjoncture. Cette opposition, plus conceptuelle que réelle, incite à mettre dans la structure tout ce qui n'appartient pas à la conjoncture et la conjoncture elle-même est définie par un modèle ou le choix d'un certain nombre de variables. Selon l'économiste, la même variable peut être structurelle ou conjoncturelle. Dans son analyse des conjonctures, Keynes se donnait un certain état de la technique. Et pourtant, à notre époque, la technique change trop rapidement pour qu'on la puisse supposer stable, caractéristique d'une structure. Si l'on ne veut pas donner l'opposition structure-conjoncture pour purement méthodologique, il faut chercher les distinctions réelles entre l'une et l'autre. En fait, il me semble que les économistes ont recours à deux sortes de distinctions: ou bien entre les facteurs proprement économiques et les variables de l'environnement social, ou bien entre les phénomènes à variation rapide et les phénomènes à variation plus lente. Mais l'une et l'autre et surtout la deuxième sont, en dernière analyse, relatives. La répar-

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tition de la main d'oeuvre entre les diverses industries, la part des mines, de la chimie, de la mécanique changent moins vite que le niveau des prix ou le pourcentage de chômage. Mais ces relations changent dans et par la conjoncture. L'essence de l'économie moderne est précisément le changement incessant de ces sortes de structure. Quant aux phénomènes non économiques, ils sont structure par rapport aux variables économiques en tant que telles, mais ils ne forment pas nécessairement soit une unité soit des données relativement stables par rapport aux changements de la conjoncture. Transposons à la politique. Retrouvons-nous l'équivalent de l'opposition structure-conjoncture? L'usage n'existe guère de distinguer, en politique, entre ces deux termes, ces deux sortes de phénomènes. Mais si nous considérons un système politique particulier, par exemple celui de la France, rien ne serait plus facile que d'opposer une conjoncture politique (celle qui résulte, par exemple, du nombre de députés d'extrême-gauche et d'extrêmedroite dans l'Assemblé élue en 1956) à la structure permanente du système français (multiplicité de partis hétérogènes, absence de majorité stable, etc.). De même que l'économiste appelle volontiers structure l'ensemble de l'environnement socio-politique, le politique reconnaît que le système politique existe dans un certain environnement économico-social. Quand l'économiste parle de la structure pour désigner l'environnement dans lequel fonctionne une économie, quand le politique recherche les causes extérieures de la structure politique, l'un et l'autre renvoient à un autre spécialiste la détermination des structures, c'est-à-dire de l'unité que composent les divers éléments de l'ensemble extérieur à l'objet propre de leur discipline. Les mêmes phénomènes sont considérés selon les spécialistes soit somme objet propre de leur recherche, soit comme cause externe. Ce qu'est' essentiellement la structure de l'ensemble politique ou la structure de l'ensemble économique, ce que sont les relations entre ces structures, demeure encore indéterminé, matière d'analyse et de controverse. L a science politique est encore loin d'avoir élaboré une conceptualisation générale.

NOTE SUR LA STRUCTURE EN SCIENCE POLITIQUE

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La raison première est l'absence d'accord sur les relations entre ce que j'appellerai système et régime. Nous avons parlé des structures des différents systèmes de partis. Il s'agissait donc de structures très proches du concret et tous les systèmes ressortissaient à un même genre, celui des régimes que j'appelle constitutionnelspluralistes, où le pouvoir, objet de compétition permanente, s'exerce selon des règles précises. Mais, dans un régime soviétique, la pluralité des partis et la constitutionnalité de l'excercice du pouvoir ont disparu. Le système soviétique russe etle système soviétique chinois ont-ils chacun une structure? Quels en sont les éléments? A quel niveau d'abstraction retrouverait-on les variables dont les combinaisons structurées définiraient les différentes espèces de système à l'intérieur d'un même régime ou les différents régimes?1 L'économie politique est, dans cette recherche, en avance sur la science politique. Elle a dégagé effectivement nombre de variables ou de fonctions qui ne peuvent pas ne pas se retrouver dans toutes les économies d'un certain type. Elle est donc en voie de reconnaître le régime, puis les systèmes concrets et les structures de ces systèmes. L'élaboration conceptuelle des variables ou fonctions politiques a moins progressé. Les structures dont on parle légitimement sont encore proches de la réalité concrète. Pourtant, déjà, les comparaisons des structures ou systèmes nous oblige à reconnaître constances et singularités. A une étape ultérieure d'abstraction, peut-être découvrirons-nous les fonctions essentielles de tout ordre politique et la manière propre dont chaque régime exerce chacune d'elles et toutes ensemble. A ce moment, il sera possible de parler de structure des régimes, alors que nous en sommes, pour l'instant, à la structure des systèmes. Faculté des Lettres, Paris

RAYMOND ARON

1 II va de soi que l'emploi des deux termes système et régime est décisoire et que d'autres pourraient inverser le sens des deux mots.

m

LA NOTION DE STRUCTURE EN HISTOIRE Pour l'historien, les problèmes de structure sont ceux de la composition organique des groupes qu'il soumet à l'observation. Cette composition organique est décelable à la fois par les proportions quantitatives des sous-groupes les plus caractéristiques et par l'étude de leurs relations multilatérales. Il est concevable que l'historien procède par coupes instantanées: à une date donnée, recensements démographiques, statistiques professionnelles, documents fiscaux, sondages notariaux, effectifs des groupes organisés (partis, syndicats), résultats électoraux, tirages de presse. Précisons que l'observation implique des hypothèses de travail sur les définitions, que l'analyse ultérieure doit confirmer, infirmer, ou éclairer. Mais les structures sont en perpétuel changement, de sorte que le procédé ne serait valable que si nous possédions des coupes homogènes, nombreuses et rapprochées. C'est un idéal généralement inaccessible, même dans «l'ère statistique». Et de toute façon les cent cinquante dernières années ne peuvent suffire à notre besoin de connaissance historique. Il faut donc atteindre les structures indirectement. Nous le pouvons par l'observation «conjoncturelle» de certains signes, et par l'observation empirique, descriptive, des mouvements historiques de masse (luttes de classes, luttes de catégories au sein des classes, luttes et rapports de puissance entre groupes organisés). Les courbes de conjoncture concernent ce qui, même dans un passé assez lointain, offre des fragments mesurables: prix, salaires, monnaies, taux démographiques, finances publiques, types de revenus. Observés sur longue période, ces signes marquent les croissances et les déclins du groupe dans son ensemble, les successions d'équilibres et de déséquilibres, la profondeur et la résultante des crises périodiques, les causes d'apaisement ou d'exaspération des conflits internes, et souvent les changements brusques dans l'allure des courbes, ou de

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leurs relations réciproques, signalent des mutations profondes (technologiques, institutionnelles, etc.), qu'ils ont l'avantage de bien dater dans leur implantation et leurs conséquences. L a conjoncture, souvent, témoigne pour la structure. Mais il faut replacer dans le cadre conjoncturel les signes des autres relations de groupe, même si on ne peut les quantifier. Dans ce cas, des descriptions raisonnées, des «analyses causales» peuvent suffire. Deux notions se rattachent à l'analyse des structures: l'opposition entre microstructures et macrostructures, celle entre infrastructures et superstructures. L a première a son importance dans l'histoire de l'historiographie: longtemps l'histoire a passé pour reconstituer les relations entre individus remarquables et événements remarquables. On s'aperçoit assez vite que, très souvent, ces interventions sont conséquences autant que causes, ou représentent des faits hors série dont l'effet s'efface vite à l'échelon macrostructurel. De la même façon, les essais de sociologie microstructurelle ne peuvent servir l'histoire, et les hypothèses microstructurelles qui ont longtemps fondé l'économie théorique pas davantage. L'événement et l'individu ne sont pas hors de l'histoire, mais ils ne sont pas son domaine caractéristique. Le travail historique consiste précisément à les replacer dans les ensembles macrostructurels. L a distinction entre infrastructures et superstructures a aussi un rôle important à jouer. Le terme infrastructures doit s'appliquer à ce qui concerne la vie matérielle des hommes. Le primat donné à l'infrastructure par le marxisme doit s'entendre: l'infrastructure est le seul domaine où s'exerce le caractère spécifique de l'homme: l'appropriation de la nature à son service, avec des progrès dans le sens d'une plus grande appropriation pour un même effort, ou d'un moindre effort pour une même appropriation. C'est à cause de ce caractère spécifiquement humain de la «production» qu'elle seule est le fondement des mutations historiques. L'économique est également le domaine privilégié des sciences humaines parce qu'il est le plus mesurable. Les structures institutionnelles sont des superstructures parce qu'elles enregistrent et défendent un certain type

LA NOTION DE STRUCTURE EN HISTOIRE

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de rapports noués autour de la production, trait spécifique et fondamental. Elles sont les structures les plus résistantes, et c'est pourquoi leurs mutations sont souvent brusques (révolutions). Les superstructures spirituelles sont liées aux institutions, mais sont à la fois plus instables et plus résistantes: plus instables puisqu'elles font la critique du rapport entre institutions et réalités sous-jacentes, préparant ainsi les «révolutions» ; plus résistantes car elles survivent longtemps aux institutions auxquelles elles étaient liées. Bien entendu les éléments critiques et les éléments conservateurs, dans les structures spirituelles, ne caractérisent pas les mêmes classes au sein du groupe, ni les mêmes groupes dans l'ensemble humain. L'histoire est en effet intéressée encore plus par les éléments différentiels que par les éléments communs de l'évolution des structures. Ce sont les «développements inégaux», les décalages, qui, constituant autant de «cas cliniques» à étudier, donnent à l'histoire sa complexité, et dominent les relations de groupe à groupe. La ligne de développement de la pensée sociologique structurelle va des mercantilistes à Cantillon, Quesnay, Marx. Elle a commencé à devenir science, c'est-à-dire expérience pratique et action sur le réel, avec celui-ci et ses disciples actifs. La position structuraliste en histoire implique une réalité structurée, donc exprimable mathématiquement dans ses caractères et ses variations. Mais la prise sur le réel d'une science commence bien avant sa formulation mathématique, et celle-ci (dont la science économique seule accepte déjà quelque intervention) aura besoin de progrès inconcevables d'avance pour exprimer la multiplicité des variables dans le domaine social. Ecole Pratique des Hautes Etudes VI Section, Paris

P . VILAR

STRUCTURES TEMPORELLES

Peut-on parler de structures temporelles? Problème de définition. Le mot est généralement employé pour évoquer la stabilité au moins relative. C'est donc à un élargissement du sens qu'il faudrait convier les utilisateurs pour que, par structure, ils comprennent aussi l'agencement des lignes de forces de l'évolution. Pour l'historien, le problème se pose schématiquement dans les termes suivants. A une époque tl l'analyse d'un phénomène révèle une structure spatiale organisée autour d'un groupe limité de facteurs g. A une époque t2 l'étude du même phénomène révèle que le groupement de facteurs est devenu g + n (n étant positif ou négatif). La tâche du chercheur est de faire parcourir à son analyse la période 11—12 de manière à découvrir la période tn où apparaît (ou bien disparaît) pour la première fois le facteur n. Avoir fixé la date de cette modification n'est nullement suffisant à la science historique moderne. Reste à savoir comment l'ensemble des facteurs g a pu ou créer ou détruire le facteur n. C'est la part relative de chaque élément de g dans cette action, et la combinaison des forces mises en jeu par tous les éléments de g qui caractérisent la structure temporelle tl—12. La structure spatiale de l'époque tn est caractéristique de l'apparition du phénomène n. S'il se trouve que ce phénomène n apparaît à une époque déterminée pour disparaître à une autre époque déterminable, on a intérêt alors à considérer la période tnl—tn2, caractérisée par la présence de n. On ne peut limiter assez précisément le nombre des facteurs intéressés par n que s'ils constituent un ensemble cohérent, cet ensemble sera la structure temporelle tnl—tn2, caractérisée par la présence de n. Prenons un exemple simple: vers la fin du XVème siècle, la loi de gravitation universelle n'est pas soupçonnée; pourtant les origines de la plupart des éléments nécessaires à sa formulation ont déjà leur place; vers la fin du XVIIIème siècle, le principe de

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STRUCTURES TEMPORELLES

la gravitation (et le rôle des masses) est l'objet d'applications générales dans la pensée scientifique. Nous venons de définir tl et t2 encadrant l'époque tn de la découverte de Newton. Dans l'exemple choisi, l'épaisseur, si l'on nous permet d'écrire ainsi, de t est de plusieurs années. Pour déterminer la structure temporelle tl—12, il faut analyser la part des découvertes de Galilée, de Kepler, de Descartes etc. dans les travaux de Newton. Selon l'échelle, la combinaison de ces divers éléments sera l'objet d'une analyse fonctionnelle ou d'une étude largement historique. On voit assez bien dans l'exemple choisi que les phénomènes commerciaux ou politiques joueront si peu de rôle qu'ils sont négligeables (ce qui ne serait pas le cas pour la locomobile, moins encore pour la Spinning jenny). La structure temporelle tl tn t2 comportera surtout des facteurs rationnels, et aussi géographiques (de communication). Cette combinaison peut se traduire par un graphique du type cidessous: ti

tn1

tz

tna

9 ni

n2

Considérons la période tnl tn2. Elle débute avec l'apparition des principes de Newton. On peut considérer qu'elle se termine avec le succès de la Relativité (la première) d'Einstein — suggérons vers le début du XXème siècle. Le phénomène qui marque la fin de l'universalité Newtonienne est l'expérience sur la vitesse de la lumière qui apporte une contradiction éclatante à la mécanique devenue classique. Cette préoccupation nouvelle l n'existait pas vers 1850; elle existe (avec d'autres) en 1900, ce qui nous permet de déterminer les cadres temporels d'une nouvelle étude organisée cette fois autour de l'analyse de /.

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M. CH. MORAZÉ

tni

tn2

De cette étude dépendra la précision avec laquelle peut être daté tn2 et donc être mesuré tnl tn2, période marquant la prédominance des Principes dans l'exemple considéré. Si l'on a imaginé en tn 1 une étude étroitement limitée à l'Europe occidentale, le déclin des Principes de Newton ne s'expliquera que par un appel à des facteurs non strictement occidentaux (expérience de Nicholson à Chicago, géométrie de Lobatchewsky), notre structure temporelle tn 1 tn 2 présente alors cette forme caractéristique:

marquant l'intervention d'éléments extérieurs au cadre de l'étude. Ceci nous invite à cette réflexion qu'aucune explication strictement rationnelle du temps historique ne peut être présentée sans analyses globales, géographiquement globales, c'est-à-dire couvrant l'histoire mondiale. Notons que l'importance du phénomène n est toujours difficile à définir et il faut faire la part des proportions. Par exemple en 1500 comme en 1900 le pain figure dans l'alimentation; mais n'y

STRUCTURES

TEMPORELLES

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figure pas dans les mêmes proportions, car on ne peut dire que la structure de la nourriture européenne en 1600 et en 1900 soit sur ce point identique (structure spatiale dont l'analyse fait intervenir des phénomènes biologiques, agricoles, commerciaux, géographiques etc.). Il n'y a pas, entre tl et t2, d'époque tn où disparaisse le pain de l'alimentation. L'analyse des courbes doit alors se concentrer sur les ruptures de pente. H existe des villes françaises en 1820 et en 1870 — ce sont les mêmes — mais l'évolution de leur population n'est pas régulière. Dans tous les cas elles présentent un moment de brusque accélération. Le jeu des échelles permet de donner à cette accélération l'acuité désirable. C'est alors cette nouvelle accélération qui est le phénomène n. L'apparition de cette difficulté dans l'analyse de la structure temporelle invite à une plus grande finesse d'analyse dans les structures spatiales. Ici l'étude de tl et de t2 devra comporter non seulement la recherche du nombre d'habitants des villes, mais aussi du rythme propre d'accroissement, celui-ci étant plus caractéristique que celui-là. En conclusion, il est possible de parler de structures temporelles bien qu'il soit encore extrêmement difficile d'en définir les types avec précision. Il nous paraît prudent de nous en tenir pour l'instant à une suggestion: savoir qu'elles existent, et se préciseront dans les recherches futures, doit inviter à plus de finesse dans les analyses spatiales. La structure spatiale peut être évoquée soit pour insister sur la stabilité d'un phénomène (type tnl tn2) considéré à une certaine échelle et dans un certain cadre; soit pour insister sur l'apparition révolutionnaire d'un phénomène nouveau (type tl t2) qui peut être soit un objet soit un rapport. La structure spatiale peut révéler des interventions accidentelles si elle se limite à une aire géographique: elle ne peut prétendre à la rationalité que dans le cadre mondial. Ecole Pratique des Hautes Etudes, M . C H . MORAZÉ Vie Section

LE CONCEPT DE STRUCTURE SIGNIFICATIVE EN HISTOIRE DE LA CULTURE Dans l'étude des faits humains en général et plus précisément des oeuvres philosophiques, littéraires ou artistiques (nous les désignerons par la suite par le terme global de «culture»), il nous semble que la différence essentielle par rapport aux sciences physico-chimiques et peut-être à certains domaines partiels des sciences humaines (linguistique, etc.), réside dans l'existence d'une finalité interne de ces faits, ou, si on les regarde sous l'angle de la recherche, en ce qu'il faut pour les étudier spécifier le concept général de «structure» en lui ajoutant le qualitatif de «significative». Les oeuvres valables dans les domaines que nous venons d'énumerer se caractérisent en effet par l'existence d'une cohérence interne, d'un ensemble de relations nécessaires entre les différents éléments qui les constituent et, chez les plus importantes d'entre elles, aussi entre le contenu et la forme, de sorte qu'il est non seulement impossible d'étudier de manière valable certains éléments de l'oeuvre en dehors de l'ensemble dont ils font partie et qui seul détermine leur nature et leur signification objectives, mais aussi que la possibilité de rendre compte de la nécessité de chaque élément par rapport à la structure significative globale constitue de plus le guide le plus sûr du chercheur.1 1

«Nous dirons d'abord qu'il y a structure (sous son aspect le plus général) quand des éléments sont réunis en une totalité présentant certaines propriétés en tant que totalité et quand les propriétés des éléments dépendent, entièrement ou partiellement, de ces caractères de la totalité.» (Etudes d'épistémologie génétique, Jean Piaget. p. 34 II Logique et équilibre). Piaget pense aussi que les «structures» peuvent être interprétées comme le produit ou le résultat d'un processus autonome d'équilibration. Sur le fond nous sommes entièrement d'accord avec lui. Il nous semble seulement que c'est limiter le sens du mot structure à son aspect statique alors que les «processus autonomes d'équilibration» ne sont eux-mêmes que des structures dynamiques dont le chercheur doit dégager dans chaque recherche particulière la nature spécifique.

STRUCTURE EN HISTOIRE DE LA CULTURE

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Nous avons dit par ailleurs a) que cette cohérence interne des grandes oeuvres philosophiques, littéraires et artistiques vient du fait qu'elles expriment au niveau de l'extrême cohérence des attitudes globales de l'homme devant les problèmes fondamentaux que posent les relations interhumaines et les relations entre les hommes et la nature, attitudes globales (nous les avons appelées «visions du monde») qui sont en nombre limité, bien qu'il soit impossible de faire leur inventaire ou leur typologie avant de posséder un nombre suffisant d'études monographiques, b) que l'actualisation de telle ou telle vision du monde à certaines époques précises résulte de la situation concrète dans laquelle se trouvent les différents groupes humains au cours de l'histoire, et enfin, c) que la cohérence structurale n'est pas une réalité statique mais une virtualité dynamique à l'intérieur des groupes, une structure significative vers laquelle tendent la pensée, l'affectivité et le comportement des individus, structure que la majorité d'entre eux ne réalise qu'exceptionnellement dans certaines situations privilégiées, mais que des individus particuliers peuvent atteindre dans des domaines limités lorsqu'ils coïncident avec les tendances du groupe et les poussent vers leur dernière cohérence. (C'est le cas de certains chefs politiques ou religieux, des grands écrivains, des grands artistes ou des grands penseurs philosophiques.) L'interdépendance des éléments constitutifs d'une oeuvre ne fait ainsi qu'exprimer dans son domaine propre l'interdépendance à l'intérieur de la même vision du monde, les réponses aux différents problèmes fondamentaux posés par des relations interhumaines et les relations entre les hommes et la nature.2 Ceci dit, nous voudrions, dans cette étude envisager un des 1

II est évident que ces remarques générales n'ac quièrent de valeur que par les nombreuses analyses concrètes dont elles ne font que tracer le schéma. Le mieux serait bien entendu de donner ici un ou plusieurs exemples. Etant donné les limites de cette étude cela est malheureusement impossible et nous sommes obligés de renvoyer le lecteur à nos travaux sur Kant, Pascal, Racine et Goethe publiés par ailleurs.

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principaux problèmes méthodologiques qui se pose à une recherche inspirée de ces constatations. Dans l'histoire de la culture le problème de la structure se pose en effet à plusieurs niveaux dont nous n'envisagerons ici que les deux plus importants. H est évident qu'une étude sérieuse des grandes oeuvres doit tout d'abord s'efforcer de mettre en lumière leur cohérence interne c'est-à-dire leur structure propre. Il n'y a d'ailleurs là rien de nouveau car implicitement ou explicitement ce principe a servi de guide à de très nombreux historiens. Pascal déjà au XVIIe siècle savait que: On ne peut faire une bonne physionomie qu'en accordant toutes nos contrariétés, et il ne suffit pas de suivre une suite de qualité accordantes sans accorder les contraires. Pour entendre le sens d'un auteur, il faut accorder tous les passages contraires. Ainsi pour entendre l'Ecriture, il faut avoir un sens dans lequel tous les passages contraires s'accordent. Il ne suffit pas d'en avoir un qui convienne à plusieurs messages accordants, mais d'en avoir un qui accorde les passages même contraires. Tout auteur a un sens auquel tous les passages contraires s'accordent, ou il n'a point de sens du tout. [684] Nous n'allons donc pas trop insister sur une méthode de travail déjà connue et appliquée depuis longtemps; tout au plus nous permettrons-nous de mentionner que le concept de structure cohérente et significative a dans l'histoire de la philosophie, de la littérature et de l'art une fonction à la fois théorique et normative dans la mesure où il est, d'une part le principal instrument de compréhension de la nature et de la signification des oeuvres, et d'autre part le critère même qui nous permet de juger de leur valeur respectivement philosophique, littéraire ou esthétique. C'est en effet dans la mesure où elle exprime une vision cohérente du monde sur le plan du concept, de l'image verbale ou sensible, que l'oeuvre est philosophiquement, littérairement ou esthétiquement valable3 et c'est dans la mesure où l'on arrive à 9 Ce qui ne signifie bien entendu pas que ceci constitue le seul critère d'après lequel on doit la juger. Il existe en effet encore en philosophie le critère de la vérité et en art le critère correspondant du réalisme. Il n'en

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dégager la vision qu'elle exprime que l'on peut la comprendre et l'interpréter de manière objective. (C'est d'ailleurs pourquoi l'interprétation scientifique d'une oeuvre est inséparable de la mise en lumière de sa valeur ou de sa non-valeur philosophique ou esthétique). Il reste néanmoins que le caractère à la fois théorique et normatif du concept de structure en histoire de la culture pose un problème dont l'élucidation nous amènera à l'autre niveau, beaucoup moins connu et moins usuel, de l'utilisation de ce concept dans le domaine que nous étudions. Car si le rôle théorique du concept de structure en sciences humaines tout en gardant en effet sa spécificité propre à chaque domaine de la recherche ne représente néanmoins pas quelque chose de qualitativement différent par rapport aux sciences de la nature, sa fonction normative par contre ne saurait s'expliquer que par l'existence d'une finalité commune à l'objet et au sujet de l'étude qui sont l'un et l'autre des secteurs de la réalité humaine et sociale. Dans les sciences naturelles le savant cherche sans doute un maximum d'intelligibilité: il ne lui viendra cependant pas à l'esprit d'en faire une norme appliquable à l'objet de son étude. H suppose sans doute à juste titre l'existence d'un minimum d'intelligibilité sans lequel la science, et avec elle la vie, seraient impossibles. Plus encore, il parie dans sa recherche sur le fait que l'intelligibilité du monde naturel dépasse de loin ce minimum et se rapproche d'une intelligibilité totale. Néanmoins sa tâche consiste en premier lieu à adapter ses théories à la réalité et on ne voit pas un astronome affirmant sur le plan normatif que les planètes devraient avoir une trajectoire circulaire, ou qu'elles devraient avoir toutes le même nombre de satellites. reste pas moins vrai qu'alors qu'une théorie scientifique perd toute valeur une fois qu'elle est reconnue fausse, un système conceptuel peut être erroné sans pour cela perdre sa valeur philosophique, de même qu'une oeuvre poétique ou une oeuvre d'art, peut être entièrement étrangère à tout réalisme (encore ceci ne se réalise-t-il que dans la société moderne pour certaines oeuvres romantiques) sans pour cela perdre rien de sa valeur esthétique.

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Inversement lorsqu'il s'agit de sciences humaines et notamment de l'histoire de la culture, le principal concept d'intelligibilité, celui de structure significative, représente à la fois une réalité et une norme précisément parce qu'il définit à la fois le moteur réel et la fin vers laquelle tend cette totalité qu'est la société humaine, totalité dont font partie à la fois l'oeuvre à examiner et le chercheur qui l'étudié. On ne saurait pas supposer que la nature évolue progressivement vers des structures légales, géométriques ou causales alors que l'hypothèse d'une histoire dominée par des tendances vers des structures significatives et cohérentes de plus en plus vastes jusqu'à une société finale transparente composée uniquement de semblables structures, constitue une des principales hypothèses positives dans l'étude des réalités humaines. Ceci explique pourquoi l'historien des oeuvres qui constituent la culture, ou plus exactement les cultures, ne saurait se contenter d'employer le concept de structure significative au niveau de l'interprétation immanente de celles-ci. Et cela d'abord parce qu'une pareille interprétation immanente ne saurait en tout cas donner de résultats satisfaisants que pour les grands chefs-d'oeuvre philosophiques, littéraires ou artistiques de l'histoire, c'est-à-dire pour les créations qui ont réalisé dans leur propre domaine une structure presque rigoureusement cohérente que l'historien pourrait dégager à la rigueur, par un hasard exceptionnel, en se limitant à l'étude de l'oeuvre, ensuite parce que même dans ces cas privilégiés l'oeuvre fait partie de tout un ensemble de structures significatives plus vastes dont la mise en lumière facilite en tout cas énormément le travail du chercheur. En théorie on ne saurait nier toute possibilité de dégager par exemple la structure interne des Pensées de Pascal ou du théâtre de Racine à l|aide de l'étude exclusive des textes, étude qui aboutirait à une compréhension adéquate de leur signification. En réalité cependant une telle réussite ne saurait être que le résultat d'une intelligence ou d'une chance exceptionnelles, à laquelle une méthodologie scientifique ne saurait en aucun cas se limiter. Le mieux serait peut-être d'illustrer tout cela à l'aide d'un

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exemple concret. Faisant appel à notre propre expérience il nous semble évident que nous ne serions jamais arrivés aux résultats auxquels nous avons abouti lors de l'étude des textes de Pascal et de Racine si nous ne nous étions aidés de la recherche de ces structures significatives plus vastes qu'ont été les différents courants jansénistes, le jansénisme dans son ensemble, les classes sociales au temps de Louis XII, de Louis XIII et de Louis XIV et leur antagonismes sur le plan économique, social et politique. Les Pensées de Pascal, des pièces comme Britannicus, Bérénice, Phèdre et Athalie sont sans doute des oeuvre à peu près rigoureusement structurées et cohérentes. Il serait difficile cependant d'en dire autant des autres pièces raciniennes et aussi de tous les fragments des Pensées pris en particulier. D'autre part Les Provinciales expriment une vision du monde différente de celle des Pensées. Au point de départ de la recherche, l'historien qui se trouve devant cet ensemble de textes se heurte d'emblée aux deux principales difficultés: a) Comment distinguer ce qui dans chacun de ces écrits est essentiel, c'est-à-dire ce qui fait partie de la structure cohérente de ce qui est secondaire, c'est-à-dire de ce qui se trouve dans l'oeuvre pour une des innombrables raisons autres que celle de la nécessité interne.4 b) Même à supposer — sans que nous le concédions — qu'une étude immanente du texte puisse arriver à séparer par des méthodes intuitives les éléments essentiels des éléments secondaires, il reste encore le problème non moins difficile du découpage à l'intérieur de ces éléments essentiels entre ceux qui appartiennent à la même structure significative ou à des structures significatives apparentées, et les éléments, essentiels eux aussi, mais appartenant à des structures significatives plus ou moins différentes des pre4

II va de soi qu'une fois la structure de l'oeuvre dégagée cette séparation est très facile à faire. Mais il s'agit précisément du début de la recherche et des possibilités de dégager la structure à un moment où rien ne permet de dire que tel passage est plus ou moins important que tel autre pour la compréhension de l'oeuvre.

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mières. Ainsi Bérénice et Britannicus sont deux expressions complémentaires d'une seule et même vision du monde, plus précisément d'un seul et même type de la vision tragique, mais Phèdre exprime déjà un autre type de vision tragique qui s'apparente aux Pensées. Quant à Athalie ou aux Provinciales elles expriment chacune une vision dramatique, mais néanmoins apparentée à la vision tragique par leur place à l'intérieur de cette structure signilicative globale qu'on pourrait appeler l'idéologie janséniste. On voit d'emblée que du point de vue pratique il faudrait une intelligence et une intuition surhumaines pour dégager tout cet ensemble de relations structurales (dont l'expression est essentielle pour la compréhension des ouvrages en question) par la simple étude des textes si approfondie et si prolongée soit-elle. Le problème devient par contre sinon tout à fait simple du moins d'un ordre de difficulté analogue à celui que les chercheurs rencontrent quotidiennement dans n'importe quel domaine de la recherche scientifique, dès qu'on ne se contente plus d'étudier les textes et qu'on applique les mêmes principes de recherche de structures globales significatives à des totalités plus vastes dont les textes qu'on se propose d'étudier constituent seulement un élément partiel. Dans le cas précis nous avons très vite abouti au premier résultat décisif le jour où essayant d'insérer les textes de Racine et de Pascal dans l'ensemble de la pensée et du mouvement jansénistes, ce qui n'était en rien nouveau (la plupart des historiens ayant déjà essayé de le faire avant nous), nous nous sommes demandé qu'elle était la structure significative — l'essence — de ce qu'on appelait coutumièrement sans très bien savoir en quoi il consistait: le jansénisme. Il ne saurait bien entendu être question de faire ici l'historique détaillé de notre recherche. Contentons-nous de dire que nous avons pu très vite dégager un thème central du jansénisme «le refus du monde et de la société», thème dont la réalité dynamique a abouti à une structuration interne de ce mouvement en quatre courants: modéré, centriste et deux courants extrémistes de forme différente, courants dont les historiens pendant longtemps n'avaient vu qu'un seul — le courant centriste — et récemment seulement

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(grâce aux travaux de M. Orcibal) un second — le courant modéré. Or, parmi les ouvrages qui nous intéressent, seuls Les Provinciales, Esther, et jusqu'à un certain point Athalie, se rattachaient au courant centriste, et aucun ne se rattachait au courant modéré, ce qui explique les difficultés rencontrées par la plupart des historiens de la philosophie, de la religion et de la littérature pour rendre compte du jansénisme des Pensées et du théâtre de Racine. Or c'est ici que l'histoire de notre travail nous paraît méthodologiquement intéressante, car c'est l'existence dans le théâtre de Racine et dans les Pensées de Pascal de positions envers la vie sociale et étatique et envers les problèmes logique et moral de la contradiction tout à fait différentes de celle rencontrée dans les secteurs connus et explorés du jansénisme qui nous amena à formuler l'hypothèse de l'existence d'au moins un autre courant inconnu des historiens à l'intérieur de ce mouvement. Et c'est la découverte des textes de Barcos qui a par la suite éclairé non seulement toute une série de problèmes les plus controversés de l'histoire du jansénisme et de la vie de Pascal, mais qui nous a aussi permis de voir, presque d'emblée, la structure interne des ouvrages littéraires et philosophiques que nous voulions étudier. Citons une seule illustration concrète: les historiens discutaient depuis presque trois siècles du problème de l'attitude de Pascal envers l'Eglise durant les derniers mois de sa vie, et de la possibilité de concilier les deux témoignages en apparence contradictoires, de l'Ecrit qui refusait toute signature du Formulaire et de la confession à Beurier auquel Pascal avait affirmé se soumettre depuis deux ans à toutes les décisions de l'Eglise (laquelle avait précisément exigé la signature du Formulaire). La découverte du fait que Barcos et ses partisans défendaient une position rigoureusement cohérente qui impliquait à la fois la soumission à la décision de signer le Formulaire et le refus de le signer, a permis non seulement d'éclaircir le problème des dernières années de Pascal, mais de mettre en lumière la structure interne du théâtre racinien et des Pensées. Il suffit de penser à la situation analogue d'Andromaque devant rester fidèle à Hector et sauver la vie d'Astyanax, ou bien

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à Titus qui doit rester empereur et ne pas se séparer de Bérénice, alors que chacune des ces exigences semble précisément contredire l'autre. On voit à quel point la recherche de structures significatives sur le plan de l'histoire des mouvements idéologiques, sociaux, politiques, et économiques peut avoir et a le plus souvent une importance capitale lorsqu'il s'agit de dégager la cohérence et la structure interne des oeuvres littéraires, artistiques ou philosophiques qui se rattachent à ces mouvements. Au fond il s'agit là de l'application concrète des deux principes généraux qui nous semblent devoir régir toute étude sérieuse dans le domaine des sciences historiques et sociales, à savoir: a) Tout fait humain s'insère dans un certain nombre de structures significatives globales dont la mise en lumière permet seule d'en connaître la nature et la signification objectives. b) Pour découper dans la réalité un ensemble de faits qui constituent une telle structure significative, et pour séparer dans le donné empirique brut l'essentiel de l'accidentel, il est indispensable d'insérer ces faits encore mal connus dans une autre structure plus vaste qui les embrasse (par exemple les écrits de Pascal et de Racine dans l'ensemble du mouvement janséniste), sans jamais oublier cependant que les connaissances provisoires qu'on a des faits dont on est parti sont — dans la mesure précisément où ils constituent un élément de la structure plus vaste — un des points d'appui les plus importants pour dégager cette dernière. (Les écrits de Pascal et de Racine comme point de départ pour l'hypothèse de l'existence d'un jansénisme extrémiste, et la découverte de celui-ci comme moyen essentiel de comprendre ces ouvrages.) Il nous reste pour terminer cette étude à aborder un problème auquel certains de nos lecteurs ont certainement déjà pensé. S'il s'agit d'insérer les oeuvres dans une totalité significative plus vaste, insertion qui permet seule de dégager leur structure et leur signification, pourquoi recourir à la totalité si éloignée des mouvements intellectuels, sociaux et économiques, et non pas comme l'ont fait explicitement ou implicitement la plupart des historiens qui ne se sont pas limités aux textes à cette totalité significative

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bien plus proche et en apparence bien plus liée à l'oeuvre que sont la biographie et la psychologie de son auteur. La réponse en apparence paradoxale mais en réalité rigoureusement fondée, est simple: pour des raisons non pas de principe mais de possibilité pratique, d'efficacité dans le travail de recherche. Il est certain que le théâtre de Racine et les Pensées de Pascal ne sont liés au mouvement janséniste qu'à travers les individualités de leur auteur, et qu'une étude idéale ne saurait en aucun cas sauter par dessus un palier intermédiaire de cette importance. En pratique malheureusement nous ne possédons aucun moyen solide et positif de reconstituer la psychologie d'un individu. La plupart, et pratiquement toutes, les tentatives de ce genre sont des constructions plus ou moins intelligentes et ingénieuses qui n'ont cependant pas beaucoup en commun avec la science positive. Dans l'état actuel des sciences humaines c'est beaucoup plus l'interprétation de l'oeuvre qui détermine l'image que l'on se fait de son auteur que l'inverse. C'est pourquoi il nous semble qu'au stade actuel de la pensée scientifique en sciences humaines on peut formuler le bilan suivant: 1) Le concept de structure significative constitue le principal instrument de recherche et de compréhension de la plupart des faits humains passés et présents. Nous employons consciemment le terme «plupart» étant donné que certains secteurs de la réalité sociale semblent devoir se limiter au concept de structure et non pas de structure significative. 2) Dans chaque analyse concrète la mise en lumière de la structure significative spécifique qui régit les faits qu'on veut étudier, se heurte d'abord à deux problèmes qui sont à la fois les premiers et les plus difficiles à résoudre: le découpage de l'objet, ou si l'on veut du secteur de la réalité qui correspond à cette structure significative, et la distinction à l'intérieur de ce secteur de l'essentiel et de l'accidentel. 3) La démarche scientifique la plus importante pour résoudre ces problèmes réside dans l'insertion des structures significatives

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recherchées, avant même qu'elles soient entièrement dégagées, dans des structures plus vastes dont elles constituent des éléments partiels, démarché qui suppose un va-et-vient permanent de la partie au tout et inversement. 4) Si le concept de structure significative a une importance primordiale dans l'ensemble des sciences historiques et sociales, cette importance est particulièrement renforcée dans le domaine de ces faits culturels que sont les oeuvres philosophiques, littéraires et artistiques caractérisées précisément par la coïncidence non seulement virtuelle mais réelle avec ces structures significatives rigoureusement cohérentes que sont les visions du monde. 5) C'est pourquoi aussi bien la critique littéraire que l'histoire de la philosophie, de l'art et de la littérature, ne sauraient dépasser le niveau de la réflexion plus ou moins intelligente et spirituelle pour acquérir un statut réellement positif, que dans la mesure où elles prendront une orientation structuraliste essayant de mettre en relation les oeuvres qu'elles étudient avec les structures fondamentales de la réalité historique et sociale. 6) Etant donné le caractère pour l'instant particulièrement insuffisant de nos connaissances psychologiques, une pareille étude doit se situer aujourd'hui en premier lieu sur les deux plans de l'analyse immanente de l'oeuvre et de l'insertion de celle-ci dans les structures historiques et sociologiques dont elle fait partie. Quant à la structure intermédiaire constituée par la biographie et la psychologie du philosophe, de l'artiste et de l'écrivain, si l'on ne saurait en aucun cas l'éliminer d'avance, elle ne peut constituer pour l'instant qu'un instrument secondaire de recherche à employer avec beaucoup de méfiance et le maximum d'esprit critique. 7) Le nombre de situations historiques et d'oeuvres littéraires, philosophiques et artistiques qui leur correspondent étant incomparablement plus grand que celui des visions du monde (ce qui explique entre autres les renaissances) de telles recherches devront s'orienter naturellement vers la mise au point d'une typologie des visions du monde qui constituerait déjà sur le plan de la recherche un inappréciable instrument de travail.

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Il ne saurait cependant être question d'établir dès à présent une telle typologie sur des bases psychologiques (comme l'a tenté par exemple Karl Jaspers) ou logiques. De telles tentatives relèvent du domaine de la réflexion intelligente qui a fait tant de mal à la science et qu'il serait enfin temps de surmonter. Comme toute méthode scientifique sérieuse, le structuralisme n'est pas une clef universelle, mais une méthode de travail qui demande de longues et patientes recherches empiriques et qui doit elle-même être perfectionnée et mise au point au cours de ces recherches. Il y a sans doute une dialectique des relations entre les recherches empiriques et les idées générales, il ne faut cependant pas oublier trop facilement la priorité des premières et leur fonction indispensable dans tout travail scientifique digne de ce nom. Ecole Pratique des Hautes Etudes

M.

GOLDMAN

APPENDICE

C O M P T E R E N D U D U COLLOQUE SUR LE M O T S T R U C T U R E

1ère J O U R N É E V E N D R E D I 10 JANVIER Présidence: M.

Moulin

Monsieur BRAUDEL, Président de la Vie Section de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, salue les délégués présents et les délégués étrangers. Introduction par Monsieur MOULIN rappelant les raisons qui ont inspiré une telle réunion et dans quel esprit doivent être orientés les débats. I. On peut constater qu'une science bien faite est avant tout représentée par un vocabulaire précis; or, celui des sciences sociales ne l'est pas. Il faut tâcher de faire une mise au point temporaire. Etudier de près certains mots-clefs, ainsi qu'il va être fait pour le mot: «structure». II. L'accent doit être mis surtout sur l'aspect conceptuel du mot. On indiquera quelle discipline a fourni le premier usage du mot; quel sens particulier a influencé les autres disciplines. Il faudra préciser si l'utilisation généralisée a enrichi ces autres disciplines ou si elle a amené des confusions. (Dans ce cas ne faudrait-il pas envisager l'emploi de mots différents?) Enfin, pourra-t-on, à l'issue d'une telle discussion, établir une définition du mot: «structure»? Monsieur GUILBAUD M. Guilbaud va définir l'usage du terme: Structure, et l'idée qu'il exprime dans les mathématiques. (Peu de références directes à ce sujet, il faudra donc se livrer à une analyse de la langue mathématique.) Remarque sur la langue mathématique. — Elle peut être considérée comme un mélange de plusieurs dialectes: la langue commune, et la langue technique, «jargon» propre aux mathématiques (avec des frontières assez floues). Le mot «Structure» a quitté aujourd'hui le langage courant (non complètement d'ailleurs) pour prendre des acceptions techniques particulières (la métamorphose n'est toutefois pas achevée). L'évolution du mot. — L'évolution du mot «structure» a été extrê-

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mement lente (alors qu'on assiste pour d'autres mots à de véritables mutations brusques). 1. Il y a un usage commun du mot, celui-ci est alors employé dans son sens usuel (il faut toutefois tenir compte du contexte culturel dans ce cas précis). 2. D'autre part des emplois techniques. 3. Des emplois mixtes tels que par exemple des titres d'ouvrages: «Théorie générale des structures»; «La structure algébrique des théories mathématiques» etc. Usage commun du mot. — Guilbaud cite Lalande: «Le mot structure est employé pour désigner par opposition à une simple combinaison d'éléments, un tout formé de phénomènes solidaires, e t c . . . . » et note qu'il n'existe pas en mathématique de telle référence indiquant une «coloration oppositionnelle»: le terme «combinaison» est en effet peu ou pas employé; quant au mot «juxtaposition» il appartient à un langage périmé (ex: tout et somme des parties); si bien qu'une combinaison n'est jamais opposée à une quelconque solidarité, en mathématique tous les assemblages sont solidaires et cohérents. En mathématiques, le mot structure n'est pas le contraire de quelque chose, c'est une charpente d'échafaudage, toujours quelque chose de caché, d'intérieur, mais aussi une genèse, une sorte de principe, un schéma, un patron; car la meilleure façon de comprendre une construction, c'est de la faire (en présence «d'objets mathématiques» pour les comprendre, il faut les construire, on doit donc recourir à un patron). Usage technique. — Il aura fallu un siècle pour que le mot acquière un véritable sens technique. L'idée apparaît pour la première fois dans le discours inaugural de Riemann en 1847, où celui-ci tente d'expliquer l'Espace; il s'agissait pour lui de bâtir la mathématique de l'espace et trouver quelques faits simples pour construire un certain schéma de l'espace: mais le problème est indéterminé; on peut donner plusieurs schémas; ici commence une longue histoire à peine achevée et qui comprend toute une série de programmes entre lesquels il fallut faire un choix et donner les raisons de ce choix. Le mot structure revêt alors le sens de: «ce que je vais dire» ou «ce que je vais faire». Cependant le texte de Riemann n'emploie pas le mot «structure». Il faudra attendre 15 ans pour le trouver, désignant la même chose, à savoir la réalisation d'un des programmes d'étude initiale. S. Lie semble avoir été le premier à utiliser le mot dans son sens technique, vers 1875-1880; il étudiait à l'époque les groupes de transformation, par ses travaux il est arrivé à la «structure d'un groupe», c'est-à-dire «l'ensemble des paramètres qui le constituent».

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Dans la thèse d'Ellie Cartan en 1894, La structure des groupes continus, le mot comporte un double sens: il s'agit des éléments constitutifs et du mode de construction. D'autre part si «isomorphisme» et «structure» ont été confondus de 1895 à 1920 cela ne se produit plus aujourd'hui (il y a donc un glissement, une véritable évolution du terme). Dès Galois (1830) on trouve l'idée d'éléments générateurs qui permettraient de reconstituer toute un système mathématique. Or, les éléments de Lie sont aussi des générateurs; et Riemann a bien dit qu'on peut donner un privilège à une genèse par rapport à une autre. Le mathématicien norvégien Ore va donner au terme «structure» une forme explicative: «J'appelle structure un système algébrique des plus simples, des plus fondamentaux» sorte de mère de toutes les autres; d'où avec le Russe Glivenko parlant des théories générales des structures: «il s'agit d'éléments généraux qui doivent expliquer toute l'algèbre». (Cet emploi technique particulier a disparu et l'on dit aujourd'hui: «latis» en français, ou treillis; lattice en anglais; Verbände, en allemand.) Enfin, avec l'étude des «Espaces uniformes» (A. Weyl, H. Cartan) on est arrivé à la thèse qu'il y a beaucoup d'autres structures que celle au sens de Ore; ainsi est apparu un «arsenal» de structures différemment qualifiées par des épithètes. A notre époque, bien que l'évolution du terme et de la chose ne soit pas terminée, l'usage n'en est pas moins quasiment universel, on assiste à une «canonisation» du terme, on peut dresser une liste canonique des structures, on a ainsi 3 ou 4 catégories: 1. Dans les ensembles: structures d'appartenance; 2. Structures d'ordre; 3. Structures algébriques: groupes, anneaux, corps, c'est-à-dire lois de composition; 4. Structures spatiales ou topologiques. (Il y a peu de raisons de distinguer en fait les catégories 2 et 3.) Conclusion. — On peut distinguer deux démarches, deux modes de pensée, deux usages du mot: Avec Lie un moment où deux objets ayant une même structure sont indiscernables (le sens est alors proche de l'isomorphisme). Plus tard, la «conquête» de structures multivalentes, et l'apparition d'une idée de «liberté», il s'agit d'un processus de genèse plus une possibilité de liberté: il y a quelque chose de commun qui est qualitatif. Monsieur BENVENISTE

Sens du mot structure en linguistique. — Le terme de «Structure» est chargé de signification; on peut parler de structure linguistique ou

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de linguistique structurale; cette notion enfin a donné naissance à une doctrine: le structuralisme. Il existe actuellement deux grands courants issus en Europe de Saussure, en Amérique de Bloomfield. Il n'y a pas de définition du mot programmatique ni dans l'un ni dans l'autre; mais deux groupes d'acceptions: 1. Sens usuel — celui donné par le Larousse: on parle de l'arrangement des parties dans le tout, sans référence à une doctrine; il s'agit d'une approche concrète; ex. dans le mot «lentement*, on peut analyser celui-ci selon les éléments de sa forme, on distinguera alors, d'une part «lente-», d'autre part «-ment». 2. Dans un sens plus abstrait, le mot peut mettre en relief des éléments constants, tout à fait signalétiques, d'une langue particulière. (L'usage est alors voisin de celui qu'il a dans l'algèbre.) Aux U.S.A. — Le mot structure est très fortement caractérisé. En partant d'un corps de données empiriques on constituera progressivement, par voie d'analyse et de dissociation, des ensembles formels, rangés dans une même classe; ceci d'après leurs fonctions communes; ce seront les éléments de la structure d'une langue. 1. Le mot peut désigner toutes les opérations linguistiques; dans l'analyse distributionnelle le son est défini par rapport à la place qu'il occupe et par rapport aux combinaisons où il entre. Les classes ainsi obtenues constituent des structures. 2. La structure peut aussi représenter une matrice (on s'interdit toute référence au sens car celui-ci conduit à un autre problème, celui de la relation entre la langue et la culture); la langue est décomposée en éléments de plus en plus menus jusqu'à obtenir des unités qui permettront de définir les lois qui expliqueront comment se font les combinaisons entre ces unités. (On trouve l'aboutissement d'une telle recherche dans le livre de Harris, La méthode en linguistique structurale.) En Europe. — Le sens en est très différent. Il s'agit d'une opération de formalisation. Les données formelles sont certes considérées en premier, mais on se préoccupe avant tout du système. La connaissance totale de la langue sera le fondement. Il y à une pression du système sur les unités. Ce qui compte, c'est de déterminer quels sont les caractères distinctifs qui se conditionnent mutuellement et qui sont fonctionnels. Opérations donc synchroniques qui n'empêchent pas les considérations historiques, le système linguistique à une date donnée ne se confondant pas avec celui d'une autre époque. Ce sont les systèmes qui sont comparés, et non les éléments de la langue. Ceci s'oppose à ce que l'on appelait autrefois: la linguistique historique et la linguistique générale, notions qui se retrouvent, mais en un autre sens, dans ces deux conceptions du structuralisme.

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Monsieur lévi-strauss Il n'existe pas d'objet ethnologique méritant le mot de structure; on trouve en ethnologie l'utilisation du terme avec des sens tout à fait différents. Ces différents sens sociologiques recouvrent une intention, une attitude, une méthode plus qu'une réalité préexistante, que l'on aurait à définir. Nous n'avons donc pas ici à définir un concept, mais à établir une histoire et ensuite à faire un inventaire. Histoire du terme. — Il faut distinguer une origine théorique et une origine pratique. Pratique: L'ethnologue est submergé par les informations et son problème est celui de la méthode comparative qui met en oeuvre un nombre énorme de termes de comparaisons. Il doit faire un tout avec des éléments disparates; il recherchera un moyen de rendre comparables des informations différentes. Il s'agit d'une recherche inconsciente, aveugle, maladroite, pour trouver quelque chose de plus résistant que les matériaux recueillis, et ce qui constitue leur noyau commun. Théorique: Les recherches structurales et le mot structure apparaissent à peu près en même temps, mais pas chez les mêmes auteurs. Spencer serait (vers 1860-'65) le père oublié du terme structure, dit M. Gurvitch dans les Cahiers Internationaux de Sociologie. RadcliffeBrown le déclare aussi; il cite parmi les précurseurs Montesquieu, Spencer et Durkheim; il remonte donc plus haut que M. Gurvitch (au «système» de Montesquieu). Mais si chez Spencer, dans la distinction qu'il fait entre la structure et la fonction dans l'organisme social, distinction qu'il tire de la biologie, nous trouvons le mot, il n' y a pas la chose. Or, dans un même temps existe la chose et non le mot, chez Lewis Morgan, dans ses travaux sur les Iroquois, qu'on commence à connaître peu avant 1850, où il fait une analyse structuraliste en employant ultérieurement le terme de système. (Il isole les systèmes de parenté et essaye de trouver un langage commun qui soit récurrent dans un grand nombre de sociétés, et tel qu'il soit possible de passer de l'une à l'autre par une série de transformations.) Inventaire des sens contemporains. — Il n'y a pas de filiation directe depuis Spencer et Morgan jusqu'aux recherches structurales contemporaines. De 1930 jusqu'à l'époque actuelle le mot «structure» connaît une vogue extraordinaire, mais il a été plutôt re-découvert que transmis. Actuellement, la notion a des sens aussi différents que les auteurs eux-mêmes. Radcliffe-Brown voit les origines du mot dans Montesquieu, Comte, Durkheim et Spencer; Lévi-Strauss a emprunté le terme au marxisme et à la Gestalttheorie. Entre ces deux auteurs, où l'on rencontre deux sens extrêmes du mot, des emplois intermédiaires peuvent être signalés. Enfin si l'utilité pratique du terme est contestée par

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certains auteurs comme Evans-Pritchard, l'usage se situe très en dehors des deux sens qui seront indiqués. Pour Radcliffe-Brown, une société consistant en un grand nombre de relations sociales à un moment donné, l'ensemble de ces relations constituera une structure; celle-ci se définit par sa cohérence interne et par sa permanence dans le temps. Radcliffe-Brown a donc voulu distinguer ce qui est contingent de ce qui ne l'est pas, mais peut au contraire se reproduire. Kroeber (U.S.A.) se situe dans une tradition spencérienne. Sa conception de la structure reste imprégnée de considérations biologiques. Ella se définit comme un ensemble de caractères significatifs, permettant de constituer en classe une collection d'individus du même type. Chez les auteurs américains, le terme de structure a un sens programmatique, non opérationnel. Cl. Lévi-Strauss (cf. Les structures élémentaires de la parenté): Les structures élémentaires de la parenté consistent en propriétés finies dont les combinaisons et les transformations permettent de passer d'un système à un autre et de comprendre leurs rapports; alors M. LéviStrauss note l'importance de l'aspect de prévision (chaque système permet des prévisions différentes) et celui de transformation (il est impossible de parler d'une seule structure par société; chaque société comporte des niveaux structurés et d'autres qui nous apparaissent rebelles à l'analyse structurale, soit en raison de la connaissance incomplète que nous en avons, soit parce que leur nature est irréductible). Il faut pour qu'il y ait structure que nous puissions passer par une série de transformations d'un niveau à un autre. Par conséquent, alors que pour Radcliffe-Brown la structure doit être définie comme une partie de l'objet, la partie dure, résistante, pour Lévi-Strauss, ils s'agit plutôt d'une puissance de l'objet, par quoi «je peux le dépasser», construire une sorte de «super-objet» qui est, en définitive, un système de relations. APRÈS-MIDI D U 10 JANVIER

Monsieur FRANCASTEL regrette que l'on ne se soit pas référé aux Arts Plastiques, surtout en ce qui concerne l'histoire des Sociétés et des Civilisations. Il faudrait en effet ne pas oublier la notion de forme et faire un examen des éléments de caractère artistique, plastique. Monsieur GUILBAUD note que le mot structure en ethnographie est pris tantôt comme quelque chose de présent (Radcliffe-Brown) et tantôt comme programme de méthode (Lévi-Strauss). Les auteurs mathéma-

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ticiens pourraient se ranger également ainsi; pour certains la structure est un objet et pour d'autres un programme. Mais en mathématique le passage de la méthode à l'objet est constant: la méthode en somme devient objet. Et réciproquement, Radcliffe-Brown pour distinguer dans le social la partie résistante du contingent doit bien utiliser un critère, c'est-à-dire que l'objet à son tour implique un programme. Monsieur LÉVI-STRAUSS Radcliffe-Brown utilise le critère de la comparaison d'une seule et même société à divers moments du temps alors que M. Lévi-Strauss utilise la comparaison externe, entre sociétés. Bref, l'opposition entre les deux, c'est que la construction est comprise par le premier dans un sens historique, par le second dans un sens génétique. En mathématique par contre, de pareilles confusions entre objet et programme ne peuvent se produire. Monsieur LEFÈBVRE La contribution de Marx est importante pour le concept de structure; il rappelle la distinction entre «infra-structure et superstructure». La «structure» n'est pas quelque-chose de fermé mais s'ouvre sur quelque-chose de plus profond; c'est une notion souple, dialectique. 1. S'il y a mouvement de la super-structure à l'infra-structure, il y a aussi mouvement contraire de l'infra-structure à la super-structure. 2. Il n'y a pas trace d'opposition entre mouvement et structure; rien de fixiste dans la pensée de Marx, mais une notion souple, mouvante. La structure exprime un aspect du devenir. Ses caractéristiques sont: souplesse, implication successive des structures, mobilité (appel à l'histoire), implications philosophiques diverses, telles que: essence et loi. Monsieur RYGALOFF expose à l'aide d'exemples empruntés à la linguistique chinoise une définition de la structure qui retiendrait les deux éléments de «totalité d'une collection énumérée» et de «relations à l'intérieur de cette collection». Monsieur MOULIN Ce qui semble ressortir de la discussion de ce matin, c'est que l'idée de structure implique l'idée de dominance, de construction, d'intelligibilité dans le mouvant; dans ce qui bouge, il y a une loi qui reste. Les mathématiques ont bien fait ressortir que la structure n'est pas quelque chose de donné, mais quelque-chose d'intelligible.

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Ilème J O U R N É E MATINÉE DU 11 JANVIER Présidence: M. Girod Monsieur le Dr. LAGACHE 1. Psychologie. — Le terme de psychologie «structurale» a été introduit à la fin du XIXe siècle par les Américains pour désigner la psychologie de Wundt et de Titchnener: «les états mentaux sont composés de sensations, d'images et de sentiments» (Harriman, Warren, Murphy), par opposition à la psychologie fonctionnelle ou «act psychology» de J. R. Angelle et la psychologie «analytique» de Dilthey, qui décrit au lieu de construire. Mais ces mouvements de pensée ont été éclipsés par la Gestalttheorie, qui a introduit une nouvelle conception de la structure en psychologie. Alors que l'ancienne conception essayait de reconstruire la structure à partir des éléments, la nouvelle aborde directement les structures qui s'offrent à l'observation; la structure est considérée comme une «unitas multiplex», irréductible sinon antérieure à ses éléments. 2. Psychopathologie. — Comme en psychologie, le structuralisme constitue une réaction contre l'atomisme psychologique: au lieu de considérer un tableau clinique comme une somme de symptômes, on cherche ce qui fait de ces symptômes un ensemble; la structure est alors la formule constitutive ou le degré d'organisation du trouble considéré; on peut parler ainsi de structure paranoïaque, de structure obsessionnelle, etc. La situation de la psychopathologie par rapport à la psychologie normale s'en trouve modifiée; alors que jusqu'au début du XXe siècle, on considérait les troubles mentaux comme des variations quantitatives par rapport à la normale, on voit aujourd'hui apparaître l'idée d'une spécificité de la maladie mentale et par cette voie, le concept psychopathologique de structure se rapproche de celui de mentalité, tel qu'on le trouve chez Lévy-Bruhl (mentalité primitive) et Piaget (mentalité égocentrique de l'enfant). Cette notion des spécificités de structures psychopathologiques n'entraîne pas cependant une discontinuité avec la psychologie normale, grâce au fait qu'à la préoccupation structuraliste s'articulent des vues génétiques sur l'évolution et la dissolution (H. Jackson), la structuration et la déstructuration (H. Ey). 3. Psychanalyse. — Alors que jusque vers 1920 la pensée psychanalytique était centrée sur l'exploration de l'inconscient, à partir de là elle s'est montrée plus sensible aux préoccupations structurales:

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relations interpersonnelles, communication, rôle de l'entouiage et de l'analyste, «champ psychanalytique» (Dr. Lagache). Dans un sens plus spécial, le terme structure s'applique plus spécialement à l'appareil psychique ou à la personnalité pour désigner sa division en «substructures» reliées par des relations d'autonomie et d'hétéronomie réciproques: Dans le 1er système de Freud le système inconscient et le système pré-conscient-conscient; dans le 2ème, le ça, le moi et le surmoi. Les substructures sont souvent désignées par les mots «système», «organisation» ou «instance». Le point de vue structural est encore appelé le point de vue «topique» ou «systématique» et il se distingue des points de vue dynamique, économique (Freud), génétique et d'adaptation. Les considérations «métapsychologiques» s'efforcent d'envisager les faits en combinant ces diverses perspectives. Monsieur PAGÈS En psychologie sociale, la notion de «structure» devient de moins en moins claire; le rapport de Monsieur le Dr. Lagache fait apparaître cette pluralité d'usage. Deux pôles: 1. D'un côte, la structure est voisine de la catégorie de totalité (Goldstein). 2. De l'autre, tendance à l'analyse de la structure, par exemple avec J. Piaget (c'est un mouvement de pensée type gestaltiste mais avec une analyse de plus en plus poussée de la pensée de l'enfant; dans cette analyse J. Piaget emploie le langage des mathématiques et des logiciens). La pensée de Lewin suit une orientation assez semblable avec la théorie du champ; elle représente un développement de la psychologie gestaltiste. Les événements qui font l'objet de la psychologie, individuelle ou sociale, ne se présentent pas comme de purs prédicats du sujet, mais forment un tout indissoluble avec les propriétés de l'entourage. Il essaie d'utiliser des notions topologiques. Szondi parle aussi de la notion de «Structure de la personnalité», par exemple dans l'analyse du_destin; mais il fait dépendre le destin du sujet d'éléments caractérologiques; ce qui est à l'opposé de la pensée de Lewin; il faut donc faire attention à l'emploi du mot structure, puisque chez des auteurs différents, il peut signifier les choses les plus contraires. Chez les disciples de Lewin, il y a un véritable «éclatement» de la notion de structure. Ann Arbor dans ses expériences sur les petits groupes se livre à des analyses statistiques de variance, de plans expérimentaux. Bavelas essaie d'interpréter directement la topologie; il parvient à

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une théorie des réseaux; le mode de fonctionnement d'un individu dans un groupe dépend de la façon dont est construit le réseau de communications dans lequel il intervient. Il montre que le comportement des individus dépend de la structure des réseaux. (Les réseaux de Bavelas sont assez semblables aux réseaux de Moreno, bien que l'inspiration de ces deux psychologues soit très différente puisque la pensée de Moreno n'est pas structuraliste, qu'il décompose au contraire la réalité sociale en ses éléments ou atomes.) Pour Cattell, la structure est interprétée différemment; faisant l'analyse factorielle des facteurs mis en jeu dans la psychologie sociale il cherche à découvrir des variables a posteriori en utilisant une matrice d'intercorrelations; et il en tire la notion de structure. Cattell utilise donc le mot de structure quand il veut étudier dans un groupe le poids effectif de direction que chaque individu exerce (ce que Lambert et Pagès appellent «facteur d'influence»). Cette structure d'influence peut n'être qu'une simple distribution statistique d'influence, mais il peut s'agir aussi d'une relation d'ordre, de préséance, et on a alors une structure. Conclusion. — Devant un tel état de fait, on ne peut attendre une progression que d'une pensée analytique, le danger persistant du concept de structure résidant dans un globalisme intuitif. Monsieur BASTIDE excuse M. Fr. PERROUX et se fait l'interprète de l'assemblée pour présenter les meilleurs voeux de prompt rétablissement à Madame Perroux. Monsieur ANDRÉ MARCHAL 1. Distingue en économie politique la structure statique de la structure dynamique. Statique: M. Marchal cite la définition donnée par M. F. Perroux: «les proportions et relations qui caractérisent un ensemble économique localisé dans le temps et dans l'espace». Dynamique: Idée de vitesse de développement; éléments d'un ensemble économique qui, dans une période donnée, varient plus lentement que les autres; sorte de constante (on oppose alors structure et conjoncture); la structure est ce qui est stable, la conjoncture ce qui varie (intervention de la «notion de quantité» en mouvement). Les deux notions sont l'une et l'autre utilisables. 2. On peut établir un classement des différents types de structures: physique; sociale; économique proprement dite; institutionnelle ou politique; psychologique ou mentale; Il y a donc des Structures économiques et puis, tout le reste que l'on peut considérer comme des «structures d'encadrement».

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M. Marchai s'élève contre cette dichotomie qui implique une idée de fixité alors qu'il y a des possibilités d'évolution des institutions par exemple, ou des comportements mentaux collectifs; de plus ces structures évoluent en agissant ou réagissant les unes sur les autres. Avec l'encadrement, on sort de l'économie pour faire de la sociologie; certaines structures (techniques, démographiques) sont plus que d'autres à l'origine de phénomènes économiques, ce sont des «forces motrices» essentielles. 3. Les structures E., S., I. etc. qui ont entre elles des liens cohérents plus ou moins stables constituent les systèmes économiques. On peut distinguer: système économique et régime économique; dans le système (ex.: capitalisme, socialisme) il y a une idée de cohérence; dans le régime, c'est-à-dire dans les économies concrètes, il y a hétérogénéité (par ex. en France, il y a un secteur pré-capitaliste dans l'agriculture, un autre capitaliste et un autre post-capitaliste avec planification). Comment évolueront les systèmes économiques? Par des ajustements et reajustements de ces diverses structures. Ruptures et adaptations successives des unes aux autres.

Monsieur malinvaud

Reprend la distinction entre structure statique et structure dynamique; elle est relativement faible, et cette distinction varie avec les auteurs. Certains donnent une définition portant surtout sur les caractères mesurables d'un ensemble, d'autres sur le fonctionnement et les liaisons de cet ensemble. Pour certains, décrire la «Structure d'une économie» c'est: faire un inventaire. Pour d'autres, c'est en définir le mécanisme (les liaisons qui existent à l'intérieur d'une économie à condition que cela soit relativement stable). Mais il existe un emploi précis et codifié du terme structure dans la «théorie des modèles». Le «modèle» est la représentation formelle d'un ensemble de relations construit en vue de l'étude d'un problème particulier. Mais il faut: 1. bien spécifier le cadre de raisonnement et les hypothèses; 2. faire un choix des connaissances empiriques pour estimer une structure à partir du modèle.

Monsieur guilbaud

Cette dernière définition (de M. Malinvaud) rapelle celle de S. Lee. Il y a une idée de permanence, de durabilité, un cadre de raisonnement mais cette idée est relative à un phénomène particulier étudié; c'est

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donc une différence par rapport à l'usage classique du mot en économie, où l'on ne tient pas compte (ou peu) des phénomènes. Monsieur MORAZÉ La distinction entre «structure» et conjoncture dépend du niveau d'analyse auquel on se place; on ne peut décrire une structure sans rappel à la conjoncture. Monsieur GUILBAUD La préoccupation «structuraliste» des économistes est très différente de l'idéal des mathématiciens; l'idéal des mathématiciens est de chercher un invariant; celui des économistes de définir les choses qui bougent peu ou qui bougent lentement. C'est pourquoi, structurel ou conjoncturel suivant les cas. Ce qui manque ici, ce sont les critères objectifs de lenteur et de rapidité; il faut donc toujours ajouter une qualification au terme et dire structurel pour une époque donnée. Monsieur GIROD La différence entre la structure et la conjoncture n'apparait pas très claire dans les exemples cités en économie; mais dans d'autres cas, la notion de structure paraît, pour certains auteurs, tout à fait indépendante du temps, elle s'applique à une forme instantanée, par ex. en linguistique pour De Saussure, à des relations synchroniques indépendamment de l'évolution de la langue. De même, chez certains logiciens, il y a «Structure» quand la pensée est dé-temporalisée. Monsieur c. LÉVI-STRAUSS Non, pour les linguistes, la structure ne peut se définir dans l'instant; ils ont le souci de définir leurs notions par rapport à des axes de diachronie et de synchronie. En ethnologie, le même problème de structure et conjoncture se pose. Par exemple, en mythologie, il faut distinguer des variations de caractère conjoncturel et d'autres structurel. (Il n'y a pas le problème de l'évolution dans le temps, mais celui du continu et du discontinu. Pas de structure sans discontinuité, entre une structure et une autre.) Monsieur GUILBAUD Dans le modèle, tout dépend de la signification. D'autre part, si l'on se trouve en présence d'un système: 1. il faut savoir comment on caractérise ce système (y a-t-il des critères opérationnels?), 2. distinguer ce qui est labile de ce qui est fondamental, 3. enfin s'attacher à ce que l'on appelle des relations.

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Monsieur MORAZÉ Donne un exemple concret, tiré de la démographie, pour mieux développer sa critique de l'opposition conjoncture-structure et au sujet duquel une longue discussion s'engage, à laquelle prennent part de nombreux participants, soulevant deux grandes questions: a. les rapports entre l'aléatoire, le conjecturel, le structurel et les modèles cachés, b. la question de savoir s'il y a des structures démographiques. Monsieur GIROD 1ère remarque. — Remarque sur la psychologie sociale: Lewin, Moreno, etc. étudient le même genre de phénomènes, cette convergence jettera une lumière sur le mot structure. Ils étudient en effet les interactions des individus les uns sur les autres dans un processus qui leur est indépendant (à l'intérieur de petits groupes). Tous les individus ont un rôle, mais ces rôles ne jouent que dans le «réglage» général de l'activité collective qui les fait participer à une même action. Et c'est cela la structure. La notion de structure est donc essentielle en psychologie sociale. 2ème remarque. — Remarque générale: dans toutes les disciplines, on appelle «Structure» les formes d'organisation qui sont encore obscures et inconnues: jusqu'à maintenant, la notion paraît revêtir quatre aspects différents: 1. Appellera-t-on «structure» l'organisation, la composition dans ses aspects les plus généraux, dans la mesure où il s'agit de formes obscures? 2. Ou, les formes générales de toutes les espèces d'organisation? 3. Ou, aura-t-elle pour fonction de désigner une expèce particulière de l'organisation qui ne serait ni une totalité, ni un système, ni un organisme? 4. S'agit-il d'une forme spécifique d'organisation? Xlèmc J O U R N É E APRÈS-MIDI DU 11 JANVIER Monsieur GEORGES GURVITCH Rappelle en commençant les antécédents historiques de l'emploi du mot structure en sociologie (Spencer, Marx, Durkheim), mais aujourd'hui on assiste à un rebondissement d'intérêt pour ce terme. Raisons: 1. désir de se débarrasser des termes valorisant «ordre» et «progrès»; 2. de briser la fausse division de la sociologie en statique et dynamique;

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3. de sortir de la sociologie de la compréhension de Max Weber ou du «culturalisme» nord-américain; 4. influence de la Gestalttheorie et de la théorie de Mauss des «phénomènes totaux»; 5. mettre en lumière l'importance des «ensembles globaux en marche», car la typologie des sociétés globales n'est possible qu'à partir des structures; certes les phénomènes globaux sont plus riches que leurs structures qui ne sont que leurs oeuvres, mais pour les saisir, il n'y a pas d'autre moyen que de passer par leurs structures; 6. mettre fin à l'abus du terme «institution» en sociologie, qui implique des valuations inconscientes de la part du sociologue; d'ailleurs les structures sont plus que l'ensemble des institutions si l'on veut garder ce terme; 7. mettre fin à l'abus du terme «organisation» ; certes les organisations peuvent entrer dans l'équilibre des structures, mais n'en constituent qu'un des éléments; des collectivités peuvent être structurées sans être organisées (ex. classes sociales); les organisations politiques, syndicales, etc., ne représentent jamais complètement la structure de la classe prolétarienne ou bourgeoise; 8. besoin de distinguer entre structure et conjoncture en sociologie. Les rapports entre ces deux phénomènes sont complexes: il y a des conjonctures qui poussent vers l'éclatement des structures, d'autres qui favorisent la structuration et la déstructuration; enfin les structures donnent souvent leur coloration aux conjonctures. En résumé, les structures ne se confondent pas avec les phénomènes sociaux totaux; il y en a qui sont astructurels (les formes de sociabilité par exemple); les structures n'apparaissent qu'à l'échelle macrosociologique, mais les macrocosmes sociaux débordent la structure, englobent des éléments structurés et d'autres non structurés. D'où la définition suivante: «Toute structure sociale, qu'elle soit partielle (structure d'un groupe) ou totale (d'un société globale), est un équilibre précaire, sans cesse à refaire par un effort renouvelé, entre une multiplicité de hiérarchies au sein d'un phénomène social total de caractère macrosociologique, dont elle ne représente qu'un secteur ou aspect; équilibre entre des hiérarchies spécifiques des paliers en profondeur, des formes de sociabilité, des réglementations sociales, des temporalités, des colorations du mental, des modes de division du travail et d'accumulation, et, le cas échéant, des groupements fonctionnels, des classes et de leurs organisations; cet équilibre des hiérarchies multiples est armé et cimenté en particulier par des modèles, signes, symboles, rôles sociaux réguliers et habituels, valeurs et idées, en bref par les oeuvres culturelles qui sont propres à ces structures, et, si celles-ci sont globales, par une civilisation

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entière qui les déborde et à laquelle elles participent à la fois comme forces créatrices et comme bénéficiaires» (Vocation Actuelle de la Sociologie, 2ème édition, I, 1957, p. 441). Monsieur MORAZÉ Présente quelques remarques sur l'emploi du concept en histoire. Il commence par définir l'histoire comme un effort scientifique, mais s'attachant à des objets qui ont complètement disparu, dont il ne reste que des traces. Par conséquent, l'histoire a besoin de recourir à d'autres sciences, dites «auxiliaires» de l'histoire; suivant qu'on les utilisera bien ou mal, on dira que la recherche a été bien ou mal structurée. Et c'est le premier usage du mot structure en histoire, un usage méthodologique. D'autre part, quand l'histoire dresse une classification, elle a recours à la notion d'époques; par exemple l'Antiquité, le Moyen Age, etc. Or chaque époque comporte une certaine organisation des phénomènes différenciée, que l'on peut appeler la «structure» de l'époque. Cependant, l'historien tâche de concevoir le réel dans son ensemble et pour cela il est obligé de prendre tous les sens du mot «structure», en sociologie, en économie, en ethnographie. Ne faudrait-il pas la définir alors comme «la structure des structures». Mais d'un autre côté, chaque discipline étudie l'objet de cette discipline, plus l'histoire de cet objet; tout ce qui évolue appartient à l'histoire; si bien que l'ethnologue par exemple étudiant certains phénomènes à une époque, puis à une autre, cesserait de faire de l'ethnologie pour faire de l'histoire. Il serait donc essentiel de savoir si le mot «structure» s'applique seulement à des «états» ou s'il recouvre une évolution temporelle. Dans le premier cas, il appartiendrait à toutes les disciplines; dans le second, on pourrait parler de «structure historique». Le changement est-il donc structuré? Si on ne l'accepte pas, alors le mot serait réservé pour définir des phénomènes intemporels; si on l'accepte, comme M. Morazé, alors il est possible de donner une définition de la structure historique. Elle serait: une organisation, un agencement de facteurs susceptibles de donner une explication claire de l'évolution d'un phénomène donné, à une époque donnée. Monsieur M. MERLEAU-PONTY Le concept de «Structure» désignerait des actions philosophiques bien antérieures au mot lui-même. On parle quelquefois d'un faisceau de relations par rapport au tissu (cf. B. Russel: notion de structure à mettre au premier plan). Il usait d'une notion que l'on trouvait chez Kant, non dans un sens structurel, mais plutôt dans un sens mineur. 1. La structure est un simple substitut de la notion d'essence (cf.

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M. Ruyer, de Nancy, Philosophie de la Structure). Ce sont thèmes de comportement qui émergent, qui ne se comprennent pas par l'action de «déclencheurs» mais se rapporteraient à un ordre d'essence. Il a en effet trouvé dans le mot structure la notion classique d'essence, mais ici la notion est «tirée» vers le haut. 2. Dans d'autres cas, la notion est «tirée» vers le bas (ex. pour désigner une simple solidarité de faits, distribution empiriquement constatable) ainsi dans l'école structuraliste nord-américaine en linguistique. Elle ne suppose pour être saisie aucune intellection; la structure serait une pure connexion de faits enregistrés. 3. Recherche se situant entre les deux précédentes: Chez les mathématiciens, on ne s'occupe pas de collections, mais d'objets structurés; les mathématiques modernes sont tellement structurales que l'on ne trouve rien qui ne soit structurel. Guilbaud a défini la structure par un schéma de construction; mais en soulignant que a) pour l'objet en question, il y a une pluralité de genèses et que b) les structures doivent toujours être mises au pluriel. Alors on peut se poser plusieurs questions: 1. Quand les mathématiques parlent de structures, se désintéressentelles des objets? 2. Parle-t-on de structure parce que l'on ne veut plus parler d'objets mathématiques? 3. N'y-a-t-il pas eu des mathématiques portant sur des «natures»? (Ex. Descartes et les natures simples.) 4. Les structures dans les mathématiques modernes ne sont-elles pas dues à l'abandon de cette idée de «nature»? N'y aurait-il pas une nouvelle manière de concevoir les «êtres mathématiques»? Cf. Eddington: «Nous pouvons concevoir une structure sans préjuger des matériaux employés» (Physique toute mathématique traduisant une réforme de l'ontologie de l'Etre Physique). Dans la pensée structuraliste on découvre une nouvelle manière de voir l'Etre; il s'agit d'un principe intérieur d'une distribution observable; ce n'est pas une unité que l'on peut se représenter et encore moins que nos sens peuvent appréhender. Chez Brunschwig: idée de «factice». Usage nouveau et fécond dans les sciences humaines; il ne suffit pas d'utiliser un instrument mathématique pour être «structuraliste», ici les moyens d'expression n'interviennent pas. En psychologie: La «Structure» doit être une nouvelle manière de concevoir la psyché; état stationnaire d'une histoire individuelle qui prend place dans toute une dynamique. Le sens de la chose perçue habite en dehors de l'ordre habituel, il n'est pas révélé d'emblée. On trouve en linguistique un usage très proche de celui de la psycho-

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logie: la langue est une structure parce qu'elle se réfère à un signifié grâce à un terme signifiant (à la langue elle-même qui est «l'acte de parler»). Donc mécanisme de pensée, et ordre intentionnel. En sociologie: M. Merleau-Ponty est d'accord en tous points avec M. Gurvitch. En ethnologie: La structure n'est pas une réalité comme le croit Radcliffe-Brown, elle n'est pas une fiction non plus. Mais un noyau de significations de certains ensembles de faits. Notion donc d'efficacité: Elle rend compte du fonctionnement de la Société, elle permet une prévision. C'est un «sur-objet» une «puissance» de l'objet, dit M. LéviStrauss, il veut sans doute dire quelque-chose de mieux que l'objet, le corpuscule résistant, l'organisation probable cachée. En conclusion, la structure ainsi définie est souple, non synchronique, mais dialectique; on doit donc réformer notre Ontologie, se détacher de notre vieil attachement à l'objet. L'effort scientifique doit consister à donner à la notion de structure une validité définitive. Nouvelle philosophie du sens en tant qu'il se présente comme un négatif, comme un écart par rapport à une norme. Une telle philosophie ne peut faire de coupure entre les différentes structures. Il ne doit y avoir aucune coupure entre le corps perçu et le corps parlé, seulement intelligible en terme de structure. (Cf. Wertheimer qui a dit: «On doit construire la théorie structurale de la vérité».) APRÈS-MIDI DU 11 JANVIER Monsieur GUILBAUD Réponse de M. G. sur l'opposition Structure/Nature. Elle est présente, mais les mathématiciens en parlent peu. Oui, les mathématiciens ont renoncé à l'objet, tâchent d'y renoncer. On parle d'objet en terme: «ce qui est programme». On dit une algèbre, une géométrie, mais non l'algèbre, la géométrie. Déjà, à l'époque de Descartes, il y avait des savants qui cherchaient au delà des natures simples (droite, cercle, etc. de Descartes). Pascal n'a-t-il pas dit: «Nous cherchons des effets, des réalités provisoires» et encore: «Vous ne comprendrez rien à une théorie mathématique si vous ne la regardez pas de toutes les façons possibles.» On perçoit donc aujourd'hui une sorte de renonciation à quelque chose de réaliste. Actuellement il y a plusieurs façons de construire; l'ambition du mathématicien est de concevoir toutes les genèses possibles comme le prescrivaient Gallois et Pascal. (Ils s'opposent en cela à Descartes qui fut accusé de «réalisme naïf».) Klein a défini les «objets» des mathématiques comme des ensembles de toutes les transformations qui conservent les mêmes propriétés. Mais un groupe de transformation

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est encore entaché de réalisme; aussi les algébristes avec S. Lee diront: ce qui importe, c'est comment s'organisent les groupes de transformation. Il y a donc une tentative continue pour rejeter l'objet; on voit alors apparaître un outillage mental qui n'est autre que les structures. Monsieur R. PAGÈS Précise que l'on cherche à faire actuellement un travail lexicographique, il faut donc s'attacher à faire une description et non pas une critique de tel ou tel usage. S'il existe un stock tout fait sur le mot structure dans les mathématiques, cela est loin d'être le cas des sciences humaines, où l'on ne trouve pas d'unité du vocable. D'autre part, il précise à nouveau le caractère d'éclatement du concept, de juxtaposition, qui domine actuellement, la lexicographie doit le constater. Monsieur MOULIN La lexicographie ne doit pas moins aussi y mettre de l'ordre. MONSIEUR M. MERLEAU-PONTY

Jusqu'à présent Freud et Marx ont plus fait pour la notion de structure que les travaux factoriels. Monsieur R. PAGÈS Il y a cependant une nécessité de dresser un inventaire, car s'il y a des concepts communs, il y a aussi des acceptions opposées. Monsieur H. LEFÈBVRE Se dit en désaccord sur la notion d'objectivité avec M. MerleauPonty. M. Merleau-Ponty certes a raison dans toute la partie négative de son exposé; la vieille notion d'objet se décompose et se restructure dans le domaine de la recherche; il y a une dialectisation de la notion d'objet. Mais il est en désaccord avec lui sur la notion d'objet. Ex. le coquillage a une structure qui permet de le classer; mais cette coquille est sécrétée par une petite bête vivante et celui qui l'étudié la replace dans une évolution de la vie, qui nous fait parvenir à un degré supérieur d'objectivité. Les conceptions nouvelles qui s'attachent au mot structure ne suppriment pas la notion ou le problème de l'objectivité; il faut seulement savoir quel degré d'objectivité on a atteint. La structure provient des produits d'un moment plus ou moins calme dans un devenir, elle n'atteint donc qu'une certain degré d'objectivité. On n'a pas atteint le plein degré de l'objectivité: en tout cas la décou-

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verte des structures n'empêche pas le problème de l'objectivité de se poser. Alors qu'il semble que pour M. Merleau-Ponty, la structure se situerait à mi-chemin entre l'objet-réalité et l'idée. Il conférerait à la structure une sorte d'existence. MONSIEUR M .

MERLEAU-PONTY

Ne voit pas l'opposition entre sa pensée et celle de M. H. Lefèbvre. Monsieur CL. LÉVI-STRAUSS Réponse à M. Merleau-Ponty. Celui-ci a fait une analyse de la notion de structure à l'échelon le plus élevé et a défini une tendance générale. Or, ici on essaye d'en faire l'analyse à travers les Sciences Sociales, où cette tendance se particularise. Quant à la notion d'objet, M. LéviStrauss l'emploie dans son sens banal: ce peut être une population X par exemple. Il précise qu'il ne pense pas, contrairement à M. Gurvitch, que la notion de structure puisse se formuler au niveau de la Société Globale, mais au niveau des systèmes (parenté, rituel, mythe, cérémonials); il ne lui attribue pas une «réalité». La structure n'a de valeur que dans la mesure où elle permet d'expliquer les faits considérés et permet de replacer ces faits dans un ensemble, de prévoir les états antérieurs ou postérieurs, d'expliquer par une série de transformations les formes voisines. Monsieur GIROD 1. Nous mêlons différents niveaux d'abstraction. Il faut distinguer des structures «fabriquées», comme celles de M. Pagès ou des mathématiciens, et des structures qui, sans être réalistes, expriment des rapports sociaux concrets. 2. Il faut distinguer différents degrés de généralité des structures. Le sociologue prétend décrire des relations dynamiques concrètes qui se manifestent par des transformations visibles des éléments, modifications qui dépendent des relations, organisées par une réglementation générale que l'on peut appeler structure. De cette première structure, on peut abstraire des structures plus générales, comme celles de M. Lévi-Strauss. 2. A propos de l'exposé de M. Gurvitch: Tableau complet et saisissant. Mais comment ce système conceptuel doit-il s'appliquer à la réalité que nous avons à observer? Ex. pour un problème démographique, la pyramides des âges: où se situe la structure? Par ailleurs, il existe des relations dynamiques entre classes sociales; où s'arrêtent l'organisation, les institutions et où commence la structure?

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Monsieur GEORGES GURVITCH Refuse de parler de structure démographique car pour lui toute structure sociale est toujours pluridimentionnelle; elle met en question plusieurs paliers à différentes profondeurs. Une classe sociale est un ensemble social très fortement structurel. Elle dispose ses paliers selon une hiérarchie. Intervention d'un grand nombre de facteurs. Mais une classe n'est jamais organisée, elle a certes des représentations: syndicats, partis politiques; mais ils ne la représentent que d'une façon fragmentaire et peu adéquate. Monsieur Cl. Lévi-Strauss lui fait dire qu'il n'y aurait que des structures globales, alors qu'il reconnaît qu'il existe aussi des structures partielles et que ce qu'il a dit à propos des structures globales, c'est qu'elles permettent de mieux définir les sociétés totales, sans se confondre avec elles. Les structures sociales sont comme des t habits»; il y a en dessous autre chose, quelque chose qui les fait mouvoir et même les éclater. La structure qu'elle soit partielle ou globale n'est jamais une «partition» que les participants jouent. La réalité sociale n'est pas un orchestre. La structure sociale se recrée et se modifie tout le temps. D'où l'impossibilité d'appliquer les mathématiques au problème des structures, et ici encore il est en opposition avec M. Lévi-Strauss. Il y a intérêt à opposer les structures réelles aux structures mathématiques, aux structures biologiques, physiques. Il existe des passages mais il n'est peutêtre pas impossible d'élaborer un concept général. Un Interlocuteur: At-t-on envisagé l'historique du mot? Il faudrait préciser aussi les rapports entre structure et système; structure et concept. La structure se déployant dans le temps traduit une temporalité (cf. Durkheim). Monsieur MOULIN L'exposé historique est prévu par le projet de l'Unesco, mais dans la mesure seulement où il pourra éclairer le sens du mot. D'un autre côté, il faudra en effet que le Vocabulaire renvoie, pour les mots-clefs, d'un terme à un autre; il faut que les définitions se correspondent. Monsieur GEORGES GURVITCH Le terme Structure est emprunté à Spencer, qui l'a lui-même emprunté à la biologie. A ce propos, il ne faut pas oublier que Marx a vécu en Angleterre et qu'il a dû être informé de ce courant de pensée. Il précise encore: quand le démographe parle de «structure de population», c'est un abus du terme. Enfin, quant au rapport «structure» et «Institution», il dit que le mot institution est dépassé, qu'il faut le rejeter; on ne peut le conserver qu'avec l'aide des structures.

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Monsieur LÉVI-STRAUSS répondant à M. Gurvitch qui lui a reproché de confondre la notion de structure et celle de modèle; il n'a pas agi ainsi pour apporter une terminologie calquée sur celle des mathématiques ou des économistes; mais uniquement, en réfléchissant sur les structures de parenté, il a trouvé que la multiplicité des observations empiriques pouvait se ramener à un petit nombre de propriétés et c'est cela qu'il a appelé: modèle. Il ne fait donc pas de référence à un modèle sinon dans la mesure où il peut être manoeuvré; c'est un procédé artisanal, opératoire. Il est d'accord avec M. Gurvitch sur la nature de la réalité sociale, qui est aussi pour lui mouvante et imprévisible. Le désaccord est sur le mot structure; ils ne parlent pas de la même chose. Monsieur VILLARD Désire reprendre le dialogue entre économistes et mathématiciens. Voudrait, à propos des réflexions de M. Guilbaud, faire quelques remarques: Est-ce que les mathématiques enrichissent les sciences sociales ou lui portent-elles préjudice? 1. La réalité sociale et physique est structurée; c'est elle qui nous dicte l'effort que l'on doit faire: il faut que les mathématiques se renouvellent pour répondre à nos problèmes et non nous, qui devons calquer notre science sur les mathématiques. 2. Les fondateurs de l'Economie ont fait de l'analyse causale structurale de type mathématique: ils ont cherché à établir des rapports entre 1 ou 2 facteurs extrêmement simples; mais à partir d'un certain moment, ils ont vu que la réalité économique était plus complexe, comme l'a dit M. Marchai, et qu'il y a d'autres réalités, politiques, sociales, etc. à côté. D'où la nécessité d'une analyse globale. Or, pour les comprendre, il n'est pas nécessaire d'avoir des modèles mathématiques; il nous suffit d'avoir des représentations sociologiques ou historiques. Monsieur GUILBAUD S'explique sur la notion de réalisme, et dit dans quel sens il l'a employée. Quand le réalisme semble réapparaître à un certain niveau, cela tend plutôt à dire que l'on a tendance à estimer que l'on a fini, que l'on a terminé, or, c'est cette attitude qui est dangereuse. Par ailleurs, il précise bien qu'il a fait l'histoire interne des mathématiques, sans tenir compte de l'environnement; les mathématiques peuvent profiter des sciences humaines, mais il ne faut pas prendre des modèles «tout-faits» dans les mathématiques pour les utiliser dans les sciences humaines. Il est d'accord avec M. Gurvitch contre l'abus des traitements ma-

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thématiques sur des phénomènes sociaux qui ne le supportent pas. Il faut réinventer des modèles pour celles-ci, il faut que les mathématiciens se mettent à l'école des sociologues. Apologie, avec M. LéviStrauss, du travail artisanal.

Illème JOURNÉE MATINÉE DU 12 JANVIER Présidence: M. Moulin Monsieur BASTIDE rappelle l'objet de cette dernière réunion, qui doit tenter d'apporter une conclusion aux débats. Monsieur LAZARSFELD Ne parlera dans son exposé que de micro-sociologie. Il établit une séparation entre: variable structurelle, et proposition structurelle. A. Variable structurelle. — Exemple: Si on étudie des cités, des villes, on peut considérer la criminalité des jeunes gens et voir qu'elle diminue si une grande proportion du budget municipal est consacré aux écoles; on peut dès lors faire une corrélation entre: la criminalité, et le budget scolaire. Il s'agit ici de deux variables, mais il n'y a pas de variable structurelle. On peut faire une autre proposition sur ces mêmes villes: on peut voir si le nombre des grèves a une relation avec le nombre des contacts entre travailleurs et classe moyenne. Or, si le budget n'est pas une variable structurelle, par contre le nombre des contacts entre les diverses classes est une variable structurelle, car caractéristique possible d'une communauté. B. Proposition structurelle. — Exemple: Pris sur des collèges des U.S.A. (nombre: 170). On étudie l'idéologie des professeurs de sciences humaines. Et plus particulièrement le «gauchisme». Le «gauchisme» a une relation avec l'âge, il décroît assez rapidement. Or, cela est-il dû à un phénomène de «vitalité» ou à un environnement social? Pour le savoir, on distingue les 170 collèges en trois groupes: conservateurs; gauchistes; intermédiaires; puis on caractérise chaque collège par la proportion de professeurs gauchistes. Si c'est un phénomène social, il doit y avoir un effet différent du conservatisme de l'âge dans les divers collèges. Le facteur politique est donc étudié en relation avec des groupes (les 3 types de collège) et avec l'âge. C'est ce que l'on appelle une proposition structurelle, car il y a relation entre deux variables.

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Cette distinction permet de répondre à la question posée par M. Girod hier à M. Gurvitfch sur la pyramide des âges. I. Sociétés jeunes: peu de gens âgés: Pour une société jeune, dans la classe moyenne, les jeunes gens sont plus conservateurs que les jeunes travailleurs, car ils savent qu'ils accéderont rapidement au pouvoir: il y a une grande mobilité politique. II. Sociétés où il y a beaucoup de gens âgés: Pour une société âgée, peut de mobilité politique, car la jeunesse sait qu'elle a peu de chance d'avoir le pouvoir, les gens d'âge détenant la puissance. Il y a proposition structurelle, car il y a relation entre deux variables: position de classe et idéologie. Or, celle-ci est différente d'après la pyramide des âges. Quand il y a une corrélation, on appelle cela «une proposition structurelle». (La pyramide des âges n'est pas une variable structurelle car il faut des contacts.) Monsieur le Dr. ROUMEGUÈRE Celui-ci a le sentiment d'une absence, tout au long de ces discussions; une perspective n'a pas été évoquée: celle de la cybernétique. Il faut replacer la notion de «structure» dans une perspective d'épistémologie génétique et historique. La notion de «structure» est en effet une notion engagée; elle est au maximum épistémologique. Chaque chercheur engage une forme, une structure de pensée; il insère sa pensée au niveau de la réalité. Quelques réflexions sur l'apparition du concept le montreront bien: Il est apparu vers 1847; son émergence dans la pensée représente une prise de conscience épistémologique de certains penseurs (il y aurait eu par la suite contamination, c'est-à-dire que le mot a été repris par d'autres penseurs). Mais prise de conscience de quoi? Non du mot qui existe déjà, mais de la situation de la pensée scientifique. Un besoin nouveau a percé le seuil de la conscience collective. On a parlé d'abord de forme, de système. Comment est-on passé de là à la notion de structure? Avant le XVIIIe siècle, la pensée peut être qualifiée de «pensée rationaliste statique». A partir du Romantisme, notions telles que: devenir; évolution; dialectisation des concepts... le réel se met à bouger, à se cliver; des notions de: négation; complémentarité; implications réciproques apparaissent. Il s'agit déjà de la notion de «structure». Parallèlement à ces processus nouveaux de forme de pensée, la notion d'objet se modifie. Le «rationalisme statique» représente une monovalence de la réalité; le «rationalisme dynamique» introduira

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une polyvalence, enfin un «rationalisme dialectique»: une structure feuilletée de la réalité. On voit dès lors l'apparition de toutes les nouvelles logiques. Enfin en physique, psychologie, ethnographie, intervention de l'observateur dans l'observé, et cette interaction entre l'observateur et l'observé amène l'implication réciproque. Implication et relation entre nommant et nommé inhérents à la matière même de ce nouvel aspect de la réalité. Le concept de «structure« revêt un triple halo d'incertitude: 1. parce que notion en devenir, en évolution; 2. parce que notion dangereuse: polymorphisme des structures; 3. l'interaction entre le nommant et le nommé invite à un examen dialectique de la formulation du terme. Monsieur VEXLIARD Fera quelques remarques générales. Il y a dans le concept moins d'oppositions et de contradictions qu'il ne semble. Les définitions ont été données dans des perspectives différentes parce que chaque personnalité s'attache à une réalité différente. Mais si les formes changent, le fond reste le même. Le danger réside dans le fait de détourner un terme de son sens primitif. Quant au terme «structure» il faut revenir au sens originel qui est celui des architectes quand ils parlent de la structure d'un bâtiment. Il faut réexaminer le mot dans cette perspective, et mettre les autres acceptions sous une rubrique différente. Eléments essentiels à retenir. — Disposition ou division des parties ou éléments d'un ensemble unitaire, global, selon leurs fonctions et leur hiérarchie, entendu que les dispositions et divisions sont en perpétuelle transformation et souvent en superposition et opposition. Monsieur MOULIN En effet, il faut partir du terme primitif. Car, comme le fait remarquer M. Guilbaud: il reste des adhérences au langage commun, même dans les sens les plus techniques, toujours. Monsieur GUILBAUD En fait pas au sens primitif, car le langage évolue. Monsieur MOULIN L'étude sémantique du mot peut cependant nous éclairer. Monsieur GURVITCH Réponse à M. Lazarsfeld: 1. Dit être arrivé aux «structures» avec la macro-sociologie, car il

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a constaté que les éléments micro-sociologiques n'ont pas cette notion de structure. M. Lazarsfeld et moi, ne donnons pas aux mots micro et macrosociologie le même sens. Ex.: Un collège est structuré, organisé: c'est un groupement (macrosociologie). En micro-sociologie les éléments sont non-structurés et non-structurables dans la vie sociale (Ex: formes de sociabilité). 2. Est d'accord avec M. Lazarsfeld quand il oppose: variable structurelle à variable a-structurelle. Ex. la pyramide d'âges ne touche pas à la structure; c'est une simple distribution de certains éléments. Mais de la façon dont M. L. pose le problème, on introduit bien la notion de structure, car il la prend en fonction de la classe sociale, qui a une structure; on peut alors se demander comment la variable d'un groupement, c'est-à-dire une variable structurelle agit sur les éléments a-structurels, a-structurés et non structurables d'une société, comme les classes d'âge. 3. Les structures partielles ou globales présupposent des groupes et des Sociétés qui peuvent régler certains équilibres et hiérarchies. (Equilibres et hiérarchies ne doivent pas être assimilés à organisation); on ne peut donc les trouver en micro-sociologie. 4. M. Gurvitch relève l'expression d'élément intermédiaire employé par M. Merleau-Ponty; mais en quoi et entre quoi? Cela dépend des sciences. En tout cas, cette fonction d'intermédiaire est extrêmement importante. Actuellement, il n'est pas prudent de donner une définition générale de la «Structure* ; mieux vaut donner un concept différent dans chacune des disciplines, mais en évitant trop de nuances. Monsieur GIROD

Craint justement de donner une de ces définitions avec nuances. Structure sociale concrète: quelque chose d'observable et qui traduit une relation dynamique entre des éléments. Réglage d'ensemble ou mode d'organisation des interactions par lesquelles les membres d'un groupement s'influencent mutuellement dans leur conduite et leurs états physiques. Les mêmes influences se répartissent dans la même direction dans la mesure où les groupes sociaux se maintiennent selon la même structure. Monsieur LAZARSFELD

En réponse à M. Gurvitch, complète sa pensée sur: variable et proposition. Il définit la microsociologie par: étude des petits groupes.

1 6 4 COMPTE RENDU DU COLLOQUE SUR LE MOT STRUCTURE Monsieur v e x l i a r d

Le concept de structure peut contenir des éléments spontanés et naturels et des éléments voulus, créés par l'homme. Le terme construction pourrait être utilisé pour définir ces éléments créés par l'homme, et celui de structure pour désigner l'interaction des différents éléments. Monsieur w e i l l e r

Fait quelques remarques sur la question économique: se dit d'accord avec M. Perroux. En économie politique, il faut remonter un siècle moins loin que pour les autres sciences pour trouver l'utilisation du concept de Structure: vers 1935. Cela est dû à la résistance des anciens groupes d'âges à l'égard du mot. Le mot s'imposa, car: 1. il permettait l'introduction de l'idée d'une variable structurelle (idée de relations et de propositions); 2. ensuite à cause de l'opposition entre micro et macro-économie (vers 1936); trouvant des difficultés avec le maniement des quantités globales, les économistes en vinrent à l'étude des structures, comme intermédiaires pour passer de l'une à l'autre de ces deux économies. Cette notion d'intermédiaire est donc très importante; mais elle se complique de deux faits: a. on parle de caractère dynamique parce que l'on pense au changement, mais on en revient toujours là: ce qu'on appelle «Structure», c'est ce qui varie le moins, un phénomène de longue durée. b. il y a donc deux sens: 1) celui de «bâtiment» et les relations à l'intérieur de chaque bâtiment, 2) celui d'évolutions relativement lentes en opposition aux conjonctures, qui sont des mouvements relativement rapides. c. mais il y a aussi un troisième sens, qui est celui d'une structure sociale et non plus économique (par ex. les structures politiques, qui peuvent changer sans que les structures économiques se modifient et réciproquement). Mademoiselle a n d r i e u x Parle des différents emplois chez les psychologues: 1. Certains l'emploient dans le sens «d'idée abstraite» (modèle); 2. En psycho-pathologie: on parle de structure paranoïaque; avec l'idée d'objet comme contenu; 3. Sens plus concret: représentant tous les éléments permanents, dans une organisation. Conclusion

prononcée

par Monsieur

Moulin

Pour des mots tels que celui de «structure» employée par d'innombrables disciplines, il a paru intéressant de mettre en contact les spécialistes de celles-ci.

COMPTE RENDU DU COLLOQUE SUR LE MOT STRUCTURE

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On s'est demandé à propos de cela si l'on pouvait faire des rapprochements, qui paraissaient d'ailleurs nécessaires, dans un esprit interdisciplinaire, afin de profiter des diverses expériences. Il apparaît que les contacts ont été fructueux et la bonne volonté générale. Monsieur GUILBAUD Il doit y avoir une mise en ordre des différentes acceptions du mot, de ses emplois. Dans le sens «interdisciplinaire» un effort scientifique doit être fait. Il faut tenir compte également de l'effort fait par M. Benveniste, par M. Lévi-Strauss et aussi M. Merleau-Ponty pour définir une préoccupation structuraliste. Il ne faut pas pour autant donner une définition unitaire. Monsieur BENVENISTE Propose: de fixer un emploi empirique; de montrer qu'il existe une tendance dans certaines disciplines pour dégager une «attitude structuraliste» vis-à-vis de l'objet scientifique; dans cette dernière attitude pré-existerait une tentative pour créer un cercle d'idées interdisciplinaires. Par ailleurs, il souhaite qu'une réunion de rapporteurs soit organisée pour que ceux-ci tentent de définir le concept de «structure» dans leur propre discipline.