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French Pages 177 [176] Year 2012
Muriel CHIRON-CHARRIER Illustrations de Wiebke Drenckhan
Café, crèmoen, et C ie sav La
petite chimie
n i t a m du
de
Marie Curieuse
Imprimé en France ISBN : 978-2-7598-0707-9 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.
© EDP Sciences 20012
SOMMAIRE Page MAIS QUI EST MARIE CURIEUSE ?
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1re Partie : Que prendre pour le petit déjeuner ?
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1 − LE CAFÉ, QUEL SUCCÈS ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 2 − AVEC OU SANS SUCRE ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 3 − UN CHOCOLAT CHAUD ET MOUSSEUX . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 4 − LA TARTINE DE PAIN BEURRÉ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
2e Partie : Avec quelles molécules se laver ?
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1 − IMPOSSIBLE DE SE LAVER SANS FAIRE D’HISTOIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
2 − QUEL SAVON, ON VA SE FAIRE PASSER !
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3e Partie : Une crème de jour est-elle une potion magique ?
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1 − FAIRE PEAU NEUVE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 2 − UNE PEAU FRIPÉE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113 3 − IL ÉTAIT UNE FOIS UNE CRÈME… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129 4 − 1,2,3 SOLEIL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
4e Partie : Comment le maquillage
fait-il des miracles ?
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1 − DE LA CÉRUSE AU MASCARA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153 2 − LES OXYDES DE LA BEAUTÉ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165
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MAIS QUI EST MARIE CURIEUSE ? Elle n’arrive pas à courir. Ses jambes sont de plomb. Comme si elle avait oublié ce geste réflexe. Elle n’a pas peur, mais est à la fois agacée et perplexe, de ne pouvoir s’élancer pour échapper à son poursuivant. Elle ne sait même plus de qui il s’agit. Il a changé plusieurs fois de visage et d’identité. Elle voudrait crier, mais ne réussit pas mieux à donner de la voix qu’à déplier ses jambes. Bizarre ces applaudissements… Mais s’agit-il vraiment d’applaudissements ? Tandis que son cerveau se reconnecte à la réalité, la pluie continue à mitrailler les volets de son appartement, s’assimilant étrangement à des acclamations dans les rêves de Marie Curieuse. Sept heures. Son radio-réveil hurle une chanson des Cranberries. Elle règle toujours le son trop fort, par peur de ne pas l’entendre. Le « zombie » qui sort du hautparleur est tout approprié à son air d’outre-tombe. Tous les matins, la magie opère. Le zombie blafard et échevelé qui se lève à tâtons va se transformer, en une petite heure, en une charmante jeune femme, séduisante et allègre. Par quelles étapes miraculeuses Marie va-t-elle passer pour que s’accomplisse ce prodige ?
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Café, crème, savon et C ie
Marie Curieuse, portant très bien son nom, ne peut s’empêcher de se poser mille et une questions sur tout ce qui l’entoure. Ses souvenirs de classe en sciences sont un peu clairsemés mais elle se souvient avoir appris que tout notre corps est une fantastique usine chimique, en lien permanent avec l’extérieur. Des transformations complexes s’opèrent dans un sens et dans l’autre, engendrant notre perception du monde. Tous nos sens ne sont qu’interactions entre molécules extérieures et intérieures. Aussi le matin est-il un moment privilégié pour s’intéresser à ces liaisons particulières et parfois dangereuses. Qu’y a-t-il dans notre petit déjeuner et comment thé et café sont-ils arrivés dans nos tasses ? L’hygiène a-t-elle toujours été au centre de nos préoccupations et pourquoi le savon décrasse-t-il ? Les cosmétiques nous embellissent depuis des siècles mais qu’y a-t-il dans une crème hydratante ou dans un fard à paupières ? Comment marche l’autobronzant ? Tant de questions qui affluent dans le cerveau embué de Marie, auxquelles il faudra apporter des réponses, pour satisfaire sa curiosité et lui permettre de commencer sereinement sa journée !
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1 Que prendre pour le petit déjeuner ?
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LE CAFÉ, QUEL SUCCÈS !
Le petit déjeuner est sacré ! Parmi les différents breuvages que la société moderne nous propose, l’un d’entre eux tient un rang très particulier : le café. Mais depuis quand a-t-il pris cette place exceptionnelle dans nos vies ? 9
Café, crème, savon et C ie
Blanchette excitée Ce breuvage, devenu indispensable à beaucoup d’entre nous, trouve son origine en Éthiopie. La légende dit qu’un berger s’interrogea sur l’état d’excitation dans lequel il trouva ses chèvres, après qu’elles eurent mangé les baies d’un arbuste. Des chèvres qui refusent d’aller se coucher et qui veulent parcourir la campagne, cela nous rappelle quelque chose… La chèvre de Monsieur Seguin aurait-elle mangé des grains de caféier ?
Fin d’épices Le café était connu en Orient, depuis le xve siècle, mais il ne fut introduit en France qu’au milieu du xviie siècle. L’apparition de ces nouveaux breuvages que sont le café, le thé et le chocolat, fut concomitante au recul des épices à la fin du xvie siècle. Après une entrée fracassante dans tous les mets et les boissons du Moyen Âge, elles allaient être progressivement délaissées. Après avoir abusé de poivre, piment et autre gingembre, les palais en surchauffe ont cherché le repos pour leurs papilles gustatives. La violence des épices a été peu à peu abandonnée, au profit de plats plus raffinés et plus doux. Au-delà même de l’aspect gustatif, consommer des épices était devenu trop courant ; ce n’était plus une distinction, ni un signe extérieur de richesse. Ce récent manque de prestige poussa la haute société à se tourner vers des denrées nouvelles. Parmi elles, le sucre tint une place particulière, entraînant dans son sillage les boissons citées, qui n’auraient peut-être pas rencontré un tel succès sans son accompagnement. La production américaine de canne à sucre, qui cessa de croître à partir du xviie siècle, le rendit plus accessible, même s’il allait rester, encore longtemps, un produit de luxe pour une majorité de gens.
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LE CAFÉ, QUEL SUCCÈS !
La fée café Le plaisir gustatif procuré par le café ne suffi t pas à expliquer l’attrait naissant pour cette boisson. L’effet physique qu’il engendre, son aspect stimulant, présentaient un intérêt intellectuel non négligeable. À l’époque, il semblait indiqué pour soigner les vapeurs, il permettait d’évacuer les humeurs, il aidait le sang à circuler… Il entraînait surtout l’élimination de la fatigue et stimulait l’éveil. Son influence s’étendit même au-delà du caractère physique ou psychique, puisqu’il allait devenir un lien social. De nouvelles pratiques se mirent en place, une nouvelle organisation des repas s’installa dans la haute société du xviie siècle. Le café devint la boisson digestive de fin de repas ; elle donna même son nom à ce moment particulier de la journée. Les cafetières, les services en porcelaine arrivèrent sur les tables. À la fin de ce siècle, sa consommation était tellement rentrée dans les mœurs, que se créèrent des lieux qui lui étaient dédiés. La première « maison du café » ouvrit à Paris en 1672. En 1710, on en comptait trois cents dans la capitale française, mais déjà trois mille à Londres. Ces « cafés » étaient des lieux de rencontres et de discussions, toutefois réservés à l’élite. Selon les habitués qui les fréquentaient, ils prirent des orientations diverses. Ils devinrent tantôt des lieux de réunions politiques, tantôt des repères révolutionnaires ou encore des refuges d’artistes.
La mondialisation dans une tasse Aujourd’hui le café est devenu un produit commercial phare. Il est l’un des plus exportés : il est produit par les pays du Sud mais consommé par ceux du Nord. Son prix
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Café, crème, savon et C ie est fixé par les cours de la bourse et s’échange sur les marchés internationaux, devenant objet de spéculation. Mais avant d’arriver dans votre tasse, ce petit noir aura subi bien des étapes et parcouru de très longues distances.
De la chaleur… Au commencement était le fruit. L’arbuste Coffea produit des baies ressemblant à des cerises qui sont cueillies puis séchées ou lavées pour en éliminer la chair. L’objet du désir est en effet la graine qui se trouve dans son noyau. Celui-ci doit donc être décortiqué pour libérer la graine, qui est ensuite débarrassée de la petite peau qui l’entoure. À ce stade, il est qualifié de café vert. Il existe une cinquantaine d’espèces de Coffea. Les régions de prédilection pour la culture du café doivent être chaudes et humides, situées entre les tropiques. Les régions chaudes de moyenne altitude lui conviennent aussi très bien. Le principal producteur est le Brésil, suivi par un nouveau venu qui a grandi très vite, le Vietnam. Arrivent ensuite la Colombie, l’Indonésie et l’Éthiopie. La variété arabica, la plus anciennement connue, celle qui pousse naturellement dans les hautes vallées d’Éthiopie, est cultivée surtout en Amérique du Sud. Son nom a pour origine son introduction au Yémen, vers le xive siècle. Le robusta pousse plutôt en Afrique et en Asie. Cette variété fut développée grâce aux anciennes colonies européennes et est mieux adaptée à la fabrication de café soluble.
Beaucoup de chaleur ! Après la récolte, on procède à ce que les spécialistes appellent une torréfaction, qui consiste à chauffer les
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LE CAFÉ, QUEL SUCCÈS !
graines dans des fours à 200 °C. Au cours de ce processus, diverses transformations chimiques se produisent, connues sous le nom de réactions de Maillard, de la plus haute importance, car ce sont elles qui vont donner au grain de café son odeur et sa couleur brune. Le café commence par jaunir en se déshydratant, puis il roussit et se pyrolyse à 200 °C. Le grain est alors plus friable et peut se broyer facilement. Les arômes les plus volatils se sont échappés mais d’autres sont restés prisonniers dans le grain tandis que de nouveaux se sont formés. Le robusta est plus fortement grillé que l’arabica, ce qui explique en partie la plus grande amertume du premier.
Préserver les volatils Les acides chlorogénique et caféique, la trigonelline (qui se transforme en acide nicotinique pendant la torréfaction), les sucres et les lipides présents dans le grain participent au goût et à l’odeur mais sont, pour certains, très volatils, de même que les substances aromatiques qui se forment lors du grillage. Cette connaissance est importante pour la préparation et la conservation. Ainsi, le café moulu ne doit-il pas être laissé à l’air libre, mais doit être stocké au frais dans un récipient hermétique, l’idéal étant toutefois de préparer la mouture juste avant la dégustation.
Difficile de lire l’avenir dans une capsule Nespresso™ Vous pouvez ensuite choisir de laisser infuser cette poudre dans de l’eau chaude et filtrer la mouture (souvent
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Café, crème, savon et C ie le meilleur café) ; attendre qu’elle se dépose au fond et boire délicatement le liquide (souvent nommé café turc ; profitez-en pour vous faire lire l’avenir dans le marc resté au fond de la tasse) ; faire couler de l’eau chaude sur le café moulu porté par un filtre (système des cafetières électriques traditionnelles) ; faire un « expresso » avec les machines à pression, comme dans les bars et les restaurants, très à la mode actuellement, et correspondant à des cafés serrés, plus forts. Il sera plus difficile de lire l’avenir dans une dosette… Dans tous les cas, la qualité de l’eau est essentielle pour réussir un bon café.
Chère caféine Qu’est-ce que vous appréciez le plus dans cette boisson : son goût ou sa capacité à vous tenir éveillé, alors que vous piquez du nez sur votre bureau après le déjeuner ? À qui revient le mérite de cet état d’excitation dans lequel nous plonge sa consommation ? À la caféine, bien sûr. Cette molécule fait partie d’une famille de composés nommés alcaloïdes. Elle regroupe des substances d’origine
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LE CAFÉ, QUEL SUCCÈS !
végétale, contenant au moins un atome d’azote , et présentant très souvent un caractère toxique. Les cousines de la caféine se nomment théobromine, théophylline, nicotine, strychnine… La teneur en caféine est variable selon l’origine du café. Le robusta en contient plus que l’arabica. La caféine est un stimulant des systèmes nerveux, respiratoire et circulatoire. Elle est aussi diurétique, ce qui explique cette envie pressante de se diriger vers les toilettes peu de temps après avoir vidé sa tasse. Le gros amateur de café qui s’inquiète pour son cœur, ses artères ou toute autre partie de son corps, doit savoir que la dose létale de caféine est de 10 grammes pour un adulte. Il s’agit bien de la quantité maximale admissible, avant de devoir faire son testament. Ce taux correspond à une centaine de tasses pour un dosage courant. Le drogué au café peut donc se laisser aller à son vice sans risque d’en mourir, mais attention aux troubles du sommeil !
Du supercritique pour éviter l’état critique Afin de pouvoir déguster votre boisson préférée à tout moment de la journée, différentes techniques ont été mises au point pour enlever la caféine et obtenir un café décaféiné, ou« déca ». Pendant longtemps, l’extraction par des solvants a été employée. Les grains verts étaient traités avant le grillage. On les laissait ramollir dans de l’eau avant de les faire séjourner dans un liquide particulier, pour lequel la caféine avait une grande affinité et dans lequel elle passait
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Café, crème, savon et C ie en solution. Le processus est simple mais présente l’inconvénient de laisser des traces de solvants organiques dans le café que vous consommez. Ces solvants étant souvent toxiques, la technique est aujourd’hui boudée au bénéfice de celle consistant à utiliser du dioxyde de carbone supercritique. Le dioxyde de carbone a la particularité de n’exister qu’à l’état gazeux ou solide. Point d’état liquide dans des conditions ordinaires. Pour le liquéfier, il faut lui appliquer une pression de 30 bars, qui correspond à la pression critique de changement d’état. Au-delà, on parle de dioxyde de carbone supercritique. Dans cet état, le dioxyde de carbone est très attirant pour la molécule de caféine, qui va se précipiter vers ses atomes et quitter ce grain de café, qui l’hébergeait gentiment depuis si longtemps. Quelle ingrate ! Pour le consommateur, le gros avantage est que le dioxyde de carbone ne présente aucun problème de toxicité. Vous pouvez vous gorger de décaféiné sans risque pour votre santé et sans problème d’insomnie… Marie apprécie plus volontiers la saveur grillée du café que l’amertume du thé pour se dynamiser le matin. Mais elle ne rechigne pas à varier un peu son plateau du petitdéjeuner et s’octroie de temps en temps une grande tasse de ce doux breuvage, si cher à nos voisins d’outre-Manche.
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LE CAFÉ, QUEL SUCCÈS !
Tea time Le thé, boisson tant appréciée par les sujets de Sa Gracieuse Majesté, provient de Chine. Il semblerait qu’il était déjà cultivé 400 ans avant notre ère. Le plus gros exportateur est aujourd’hui l’Inde, ancienne colonie britannique, à l’origine de ce goût immodéré des Anglais pour cette infusion. Le pays le plus gros consommateur est évidemment la Grande-Bretagne.
Infusion de bourgeons Avant d’être une boisson parfumée et légèrement amère, le thé est un arbuste, le thea camellia, dont les bourgeons et les jeunes pousses constituent la partie intéressante. Si vous souhaitez obtenir du thé noir, vous ramasserez des bourgeons fanés, que vous laisserez fermenter, puis sécher. Si vous préférez le thé vert, vous passerez l’étape fermentation pour que les feuilles restent vertes.
La théine, l’usurpatrice Que trouverait un expert procédant à l’analyse d’un échantillon de thé ? Il identifierait des tannins, des sucres, des pigments, de la cellulose et… de la caféine. La fameuse théine n’est qu’un mot inventé pour créer une analogie avec le café. Si le café contient de la caféine, il paraît naturel que le thé contienne de la théine. Sauf que théine et caféine sont les deux noms de la même molécule ! La concentration en caféine est même plus importante dans les pousses de thé que dans les baies du caféier. Cependant, une tasse de café en contient davantage, car celle du thé est moins facilement libérable et, d’autre part, l’infusion de thé est plus diluée qu’un café serré.
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Café, crème, savon et C ie
Le temps, c’est de l’amer L’amertume du thé est due à la présence des tannins, qui sont des composés phénoliques et à la caféine. Ces tannins étant très solubles dans l’eau chaude, une infusion courte limitera leur extraction. Il faut donc chronométrer pour que les arômes aient le temps de passer en solution, mais filtrer avant que les tannins ne fassent de même.
Question vitale Les Anglais boivent traditionnellement leur thé avec un nuage de lait. Mais dans quel ordre ? Doit-on ajouter le lait avant ou après avoir versé le thé ? That is the question! Certaines protéines du lait forment des liaisons avec les tannins du thé et les rendent indisponibles pour les récepteurs. L’ajout de lait améliore donc les qualités gustatives du thé en atténuant l’amertume, à condition de verser le thé chaud sur le lait froid et non le lait froid dans le thé chaud. Dans ce dernier cas, les protéines du lait seraient immédiatement dénaturées par la chaleur, ce qui aurait pour effet de modifier leur arrangement spatial en les déroulant et, par là même, de les empêcher de capturer les tannins. Le lait doit donc être froid et servi le premier. Voilà bien une question fondamentale dont Marie se ravit de connaître la réponse. Elle pourra frimer lorsqu’elle ira prendre le thé chez son oncle Isaac, en demandant un nuage de lait dans son thé, à condition qu’il arrive le premier au fond de la tasse, et pas pour une question de gravité… Pour le café, les rumeurs les plus folles ont couru sur l’association du café et du lait. Après que des générations d’enfants aient assuré leur forme de la journée en
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LE CAFÉ, QUEL SUCCÈS !
s’abreuvant de café au lait le matin, il apparut que cette cohabitation malheureuse risquait de causer la perte de tous ceux qui l’avaient consommée aveuglément et abondamment. Au-delà des aversions les plus fantasques et les plus effrayantes, il semblerait simplement que certaines molécules présentes dans le café perturbent la dégradation du lactose. Le désagrément engendré n’est qu’un petit problème digestif pour les plus vulnérables. Marie étant, pour l’instant, à l’abri de ce genre de considérations, elle peut s’adonner sans risque à ce plaisir du matin.
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AVEC OU SANS SUCRE ?
Comme tout le monde, Marie aime bien la saveur sucrée mais elle hésite à ajouter cette délicieuse poudre blanche à son café par peur d’arrondir ses hanches et alourdir ses fesses. Pourquoi faut-il toujours que ce soient les aliments les plus savoureux qui soient aussi les plus énergétiques ? Pourquoi cette substance divine est-elle si douce pour nos papilles ? Comment la nature nous met-elle à disposition de tels trésors ? 21
Café, crème, savon et C ie La douce saveur sucrée fut pendant des siècles réservée à la consommation de fruits et de miel, avant une plus grande disponibilité au xvie siècle, rendue possible par l’exploitation de la canne à sucre sur le continent américain. Les molécules sucrantes font partie d’un grand groupe nommé glucides (du grec glukos : doux). Celui-ci constitue, avec les lipides et les protides, une des trois familles de nutriments.
Histoire d’oses Les éléments les plus simples sont les « oses ». Ce sont des molécules qui comprennent 3 à 7 atomes de carbone , avec une fonction carbonyle et des fonctions alcool. Elles se présentent généralement sous forme cyclique. Les principaux exemples sont le fructose et le glucose. Lorsque plusieurs oses sont accrochés, le résultat s’appelle « oside ». Si un petit nombre d’oses sont liés (2 à 6), la molécule obtenue sera un oligoholoside (saccharose, lactose…). Les sucres font partie de ces deux catégories.
Leçon de (ch)oses Lorsqu’un grand nombre d’oses intervient (plusieurs milliers), la chaîne formée est un polyholoside, autrement appelé glycanne (cellulose, amidon…). Cela peut être le même ose qui se répète ou des oses différents, mais avec un rythme régulier. Il n’existe pas d’osides intermédiaires avec un nombre moyen. C’est soit moins de dix, soit des milliers. Chez les oses, on ne fait pas les choses à moitié ! On peut ensuite rencontrer toute une gamme de dérivés d’oses donnant des molécules complexes et variées.
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AVEC OU SANS SUCRE ?
La différence entre les petits trains d’oses et les longues enfilades est que ces derniers n’ont pas de pouvoir édulcorant. Les glucides ont pendant longtemps été baptisés « hydrates de carbone ». Cet ancien nom, qui ne correspond plus aux connaissances actuelles, doit être abandonné. On rencontre également le terme « polysaccharide », mais ce substantif devrait disparaître à son tour, car le glucide concerné n’est pas forcément un dérivé du saccharose, celui-ci étant lui-même un oside, constitué de l’association de deux oses.
Une nature pas morose Les oses qui jouent un rôle dans l’alimentation sont le glucose, le galactose, le mannose et le fructose. Le glucose est l’ose le plus répandu dans les mondes végétal et animal, qu’il soit isolé ou associé dans des osides, ou encore sous forme de dérivés. Le glucose utilisé dans l’alimentation est obtenu industriellement à partir d’amidon. Le fructose est très abondant dans les végétaux, notamment dans les fruits, comme son nom l’indique. Il a la particularité d’avoir un grand pouvoir sucrant et d’être très soluble dans l’eau. Il est actuellement produit à partir du sucre de betterave.
Le sucre et la loi L’oligoholoside le plus célèbre est, sans conteste, le saccharose (du latin saccharum : sucre). Il est le seul à avoir droit à l’appellation officielle de « sucre » (décret du 12 juillet 1977). Il est pur et cristallisé dans le sucre en poudre et en morceaux que nous consommons.
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Café, crème, savon et C ie Sa molécule est faite de l’assemblage de fructose et de glucose. Il est très abondant dans la nature. En dehors des deux principales sources de sucre, la canne et la betterave, on peut en trouver dans la sève de l’érable, offrant le fameux sirop, si cher aux Canadiens, ainsi que dans le miel. Dans ce dernier cas, il ne s’agit pas vraiment de saccharose mais du mélange des deux oses qui le constituent, mélange nommé sucre inverti. Les abeilles puisent le nectar des fleurs, liquide riche en saccharose, et le transforment, grâce à des enzymes, en glucose et fructose.
Un roseau très osé La canne à sucre est une graminée, ressemblant à un roseau de 2 à 6 centimètres de diamètre, pouvant atteindre 5 mètres de haut, poussant en climat tropical. Cette plante est connue depuis des millénaires en Inde et en Chine, mais était peu consommée. Le mot sucre trouve d’ailleurs son origine dans le sarkara indien. Il fait partie des nombreuses merveilles rapportées par les Croisés, au xiie siècle. Il ne prit son essor qu’au xvie siècle, après son introduction en Amérique, juste après la découverte de ce nouveau continent. Son importante production et son transport ont participé au développement des ports français. La Révolution et la prise de pouvoir de Napoléon Bonaparte allaient toutefois porter un coup de frein à ce commerce florissant. Les relations conflictuelles avec les Anglais rendirent difficiles les échanges avec les îles françaises.
Une bette égoïste Le procédé d’extraction du sucre de la betterave, mis au point en 1745 par l’Allemand A.S. Marggraf, allait
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AVEC OU SANS SUCRE ?
permettre le développement du sucre de betterave dans le nord de la France. Aujourd’hui, le sucre rangé sur les rayons des supermarchés provient des deux sources, de façon équivalente. La betterave est un tubercule, de la même famille que l’épinard ou la bette, de la famille des chénopodiacées. C’est la variété tuberculeuse de la bette, comme son nom l’indique. L’Europe du Nord fut pendant très longtemps son lieu de culture de prédilection, mais elle se plaît aujourd’hui à se développer en Amérique du Nord, dans certaines régions d’Amérique latine, et même dans le nord-est de l’Asie. Cette vorace doit être transformée rapidement car elle consomme égoïstement son sucre après avoir été arrachée.
Du tubercule à la mélasse Que ce soit dans la betterave ou la canne, le saccharose convoité ne s’y trouve évidemment pas tout seul. Pour l’extraire de la première, les tubercules sont lavés et coupés en lamelles, trempés dans de l’eau chaude, pour que le sucre migre, par diffusion, de la plante vers la solution. Une eau sucrée noirâtre est alors récupérée, renfermant environ 15 % de sucre et des impuretés. Pour éliminer ces indésirables, on rajoute de l’eau de chaux pour les faire précipiter sous forme de solides insolubles, qui seront ensuite filtrés. Le jus est encore très dilué ; pour le concentrer, on élimine une partie de l’eau par ébullition, sous pression réduite pour
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Café, crème, savon et C ie éviter la caramélisation. La concentration se poursuit dans des chaudières, jusqu’à ce que la saturation soit atteinte et que les cristaux précipitent. La suspension, constituée par le sucre cristallisé et le reste d’eau, est placée dans des centrifugeuses, pour éliminer le jus. Celui-ci constitue ce que l’on appelle la mélasse. Pour la canne à sucre, le procédé est à peu près le même, sauf que la canne est auparavant broyée et que l’extraction se fait par pression. Les étapes de purification sont légèrement différentes. La betterave présente toutefois l’avantage d’être proche du consommateur occidental, alors que la canne, n’appréciant que les pays chauds et humides, est nettement plus loin du gourmand européen. Le sucre exotique doit donc être parfaitement sec, pour se conserver mieux, avant d’atteindre le palais qui le dégustera.
Glace, poudre ou morceaux Il pourra se présenter broyé (sucre en poudre) ou tenir en petites briques (sucre en morceaux). Pour atteindre cette présentation, la poudre est humidifiée puis compactée dans des moules avant séchage. Pour saupoudrer les gaufres, le sucre glace est tout indiqué. Il est très finement broyé et associé à de l’amidon, pour éviter qu’il ne fasse des paquets. Le sucre roux doit sa couleur et son goût aux impuretés qu’il contient.
Caramel Le sucre est un aliment qui supporte mal le chauffage puisqu’il subit alors une pyrolyse : les molécules de saccharose sont cassées. Il se dégage en particulier une petite molécule à odeur âcre : l’acroléine. Le caramel obtenu
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AVEC OU SANS SUCRE ?
peut être utilisé pour sa saveur ou comme colorant. Il est notamment responsable de la couleur d’une célèbre boisson au cola.
La vie sauve grâce au sucre Qui n’aime pas la saveur sucrée ? Voilà bien un plaisir universel ! D’où nous vient cette sensation agréable commune à tous les individus ? Il semblerait que ce soit un produit de l’Évolution. Depuis que l’Homme existe, il a appris à reconnaître la maturité des fruits à la sensation gustative qu’ils génèrent dans sa bouche. Les fruits verts sont acides alors que les fruits mûrs ont un goût sucré. Cette détection peut même avoir un aspect salvateur lorsque l’on sait que la plupart des substances végétales toxiques sont amères. La différenciation des saveurs aide à la survie. D’autre part, les sucres, par leur métabolisme rapide, permettent un apport énergétique très prompt. Le corps sait donc instinctivement, par la saveur que lui procure l’aliment, que c’est une substance calorique. Cet instinct se retrouve d’ailleurs chez les enfants en pleine croissance, qui sont plus attirés par les bonbons que les adultes. À ne pas négliger non plus, la sécrétion d’endorphines qui fait suite à l’absorption de produits sucrés et la sensation de plaisir qui l’accompagne.
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Café, crème, savon et C ie
Liaisons savoureuses Cette sensation dans la bouche a-t-elle une explication ? Il semblerait que les molécules sucrantes ont en commun un groupe d’atomes, dont la disposition dans l’espace leur permet de créer des liens avec les protéines des papilles de la langue. Celles-ci vont alors envoyer au cerveau le message correspondant à la sensation du sucré.
Un ose pas comme les autres Des trois molécules précédemment citées, le fructose est celui qui procure la sensation de sucré la plus forte, ensuite vient le saccharose puis le glucose. Cette différence vient probablement de la possibilité pour le fructose de s’attacher à plusieurs protéines en même temps. Remarquons toutefois qu’il ne suffit pas que la molécule possède les groupements d’atomes adéquats ; il faut aussi que l’approche ne soit pas rendue impossible par un trop grand encombrement du reste de la molécule. L’amidon en est un exemple. Il comporte de nombreux sites clés mais la taille de la molécule ne permet pas l’approche.
Poisons sucrés D’autres substances sont ainsi surprenantes par leur saveur sucrée inattendue car ne faisant pas partie de la famille des sucres. Ainsi l’éthylène glycol n’est pas un ose, ni un oside, mais a bien un goût sucré car il comporte les fonctions correspondantes. Ce qui le rend particulièrement dangereux pour des enfants puisqu’il s’agit d’un liquide toxique par ingestion. C’est également le cas de certains acides aminés et des sels de plomb. Ces derniers
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AVEC OU SANS SUCRE ?
sont présents dans les vieilles peintures que les enfants se plaisent à grignoter mais qui provoquent une maladie très grave, le saturnisme, qui atteint le système nerveux et peut engendrer des déficiences mentales.
Une dent contre le sucre ? Si le sucre n’était que plaisir, nous pourrions en user et en abuser à volonté. Sa consommation présente malheureusement quelques inconvénients. Chacun fera son classement en fonction de son âge. Pour les plus jeunes, le premier ennui est la carie dentaire. Les bactéries présentes dans la bouche transforment le sucre soit en glycannes (« polysaccharides »), ce qui donne la plaque dentaire, soit en acides, entraînant la formation de caries. L’émail est un rempart à l’agression mais il présente une faiblesse : il laisse une porte d’entrée pour l’attaque. Le fluor permet de renforcer l’émail dentaire. Pour comprendre l’autre gros problème engendré par la consommation de sucre, il faut aller voir ce qu’il se passe dans l’organisme après son ingestion.
Du sucre à la graisse et vice versa Le saccharose est tout d’abord fragmenté en glucose et fructose dans l’intestin. Ces deux oses passent ensuite dans le sang. Le glucose peut être directement utilisé par les cellules ou stocké dans le foie et les muscles, sous forme de glycogène, qui est un polymère de glucose, comme un long collier dont les perles sont des molécules de glucose. S’il n’est pas utilisé, il est à son tour transformé en graisse. Lorsque l’organisme a besoin d’énergie, il utilise en priorité le glucose présent dans le sang car il est disponible
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Café, crème, savon et C ie tout de suite. Il va ensuite solliciter le glycogène puisqu’il est facilement coupé en unités glucose. La graisse est mobilisée en dernier car elle doit être transformée pour être rendue soluble. Ce n’est que quand les premiers stocks sont épuisés que l’on puise dans les réserves de graisse. Ce qui explique la difficulté à réduire les bourrelets disgracieux.
Crampe éternelle Si l’effort physique ne bénéficie par d’un apport d’oxygène suffisant, la transformation du glycogène produit de l’acide lactique. Cet accroissement de l’acidité engendre des crampes. Le cas le plus extrême est la privation complète, lorsque l’on n’a plus d’oxygène du tout car on est mort. L’apport très important d’acide entraîne alors la crampe généralisée, joliment appelée rigidité cadavérique.
Insuline au boulot La quantité de glucose disponible dans le sang est d’environ 1 gramme par litre. C’est ce que l’on appelle la glycémie et que les médecins font contrôler de temps en temps, lors d’une prise de sang. Ce taux est régulé par l’insuline, une protéine fabriquée dans le pancréas. L’insuline, en contrôlant sa concentration, permet l’utilisation du glucose par les cellules.
Insuline en grève Un manque d’insuline entraîne un taux de glucose dans le sang trop élevé. Il est provoqué par une maladie :
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AVEC OU SANS SUCRE ?
le diabète. Il peut être de type I (insulino-dépendant) et causé par un déficit de cellules productrices d’insuline, logées dans le pancréas. Pour pallier ce problème, il faut procéder à des injections d’insuline. Elle ne peut pas être prise oralement car elle est détruite dans l’estomac. Le diabète de type II (insulino-indépendant) rencontré chez l’adulte n’est pas dû à un déficit d’insuline mais à une baisse de sensibilité de récepteurs. L’assimilation du fructose n’est pas sous le contrôle de l’insuline. Il est entièrement métabolisé par le foie. C’est donc le seul sucre autorisé aux diabétiques. Quelle torture pour Marie, que d’évoquer cet aliment, divin pour son palais mais source de péché pour sa balance ! Rien que la pensée de se goinfrer de bonbons et de s’empiffrer de glaces lui fait prendre une taille de plus !
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UN CHOCOLAT CHAUD ET MOUSSEUX Il arrive que Marie fasse des infidélités à son « petit noir ». Elle craque parfois pour un chocolat au lait onctueux et mousseux à souhait. Le chocolat aussi a une longue histoire. Déjà l’origine du mot reste incertaine. Entre les termes mayas, aztèques puis espagnols, son évolution n’est qu’hypothèses. À l’origine, il était consommé comme boisson sacrée par les Mayas puis les Aztèques, associé aux divinités de la fertilité. Produit de luxe, les fèves de cacao servaient même de monnaie d’échange.
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Café, crème, savon et C ie Il provient d’un arbre qui pousse naturellement dans la forêt amazonienne : le cacaoyer. Lorsque les Espagnols s’installèrent sur le continent sud-américain et rencontrèrent les indigènes, ils découvrirent cette boisson, alors additionnée de piment, et la remportèrent en Europe. Son succès auprès de la haute société permit d’étendre sa culture aux autres colonies espagnoles. Lorsqu’elle fut introduite en France, ce fut dans un but thérapeutique et elle était alors vendue par les apothicaires. Ce n’est toutefois que lorsqu’un génie eut l’idée d’y rajouter du sucre et du lait, et de remplacer le piment par de la vanille, que son succès fut total et que sa consommation se transforma en un moment de plaisir. Les populations sud-américaines rapidement décimées par les maladies apportées par leurs envahisseurs ne furent plus capables d’assurer la récolte de chocolat, dont la demande était grandissante. La continuité de la production fut assurée par une main d’œuvre africaine, réduite en esclavage.
Dégraisser : la clé du succès Le chocolat va se populariser grâce au célèbre Hollandais Coenraad Johannes Van Houten, qui, en 1828, met au point un procédé pour séparer la matière grasse et isoler la poudre de cacao dégraissée, ce qui allait permettre de doser précisément la proportion de chacun. L’année 1847 voit l’avènement du chocolat en tablettes et le début de l’industrialisation de sa fabrication.
Un arbre exigeant… Avant de devenir ce petit carreau mangé goulûment par un enfant gourmand ou cette truffe qui fond dans votre
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bouche en libérant toute sa saveur et son moelleux, le cacao sommeille au sein de la graine d’un arbre : le Theobroma cacao. Aussi nommé cacaoyer, il atteint une hauteur de 2 à 6 mètres. Inutile d’essayer d’en faire pousser dans votre jardin, ou alors il faudra envisager de déménager. Pour se développer, cet arbre a besoin de douceur, ne supportant que des températures comprises entre 25 et 30 °C, un air très humide et une pluie abondante et régulière. Ses exigences ne s’arrêtent pas là. Il se trouve qu’il n’apprécie pas le soleil direct mais nécessite de l’ombre apportée par de grands arbres plantés dans son voisinage. Ainsi les plantations de cacao ressemblent-elles à de véritables forêts. Cet arbre exigeant trouve son équilibre entre les deux tropiques. Le Brésil fut le premier producteur mondial pendant longtemps mais il est aujourd’hui dépassé par l’Afrique, grâce notamment à la Côte d’Ivoire. Toutefois, la production asiatique est en train de se développer.
…et pas très doué pour la reproduction ! Les fruits qui vont livrer ce trésor sont étonnants de par leur taille et leur aspect. Ils sont de forme ovale, d’environ 20 centimètres de long, évoquant l’allure d’un ballon de rugby, et pèsent chacun 1 kilogramme. Ils sont nommés cabosses et sont directement accrochés au tronc. À l’intérieur se trouvent une vingtaine de graines, noyées dans une chair blanche. En plus de ses exigences climatiques, le cacaoyer ne se facilite pas la tâche de la reproduction. Il éprouve de grandes difficultés à faire ça tout seul. Les graines sont tellement bien emprisonnées dans leur carapace qu’elles ont du mal à se libérer. Même si elle tombe de haut, la cabosse s’ouvre rarement toute seule. Il lui faudra l’intervention de la main de l’Homme.
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Fée cabosse : reine de la fève Lorsque toutes les conditions sont réunies, le roi de la fève peut enfin livrer ses richesses. Les grains rassemblés sont laissés à l’air pendant quelques jours, dans des caisses. La pulpe entame alors sa décomposition et libère les graines. La fermentation peut commencer. Les sucres vont dans un premier temps se transformer en alcool, puis, grâce à l’action de l’oxygène de l’air, l’éthanol va s’oxyder : il se transforme en acide acétique (le même que dans le vinaigre). Ce phénomène entraîne une modification de la membrane des cellules, libérant des enzymes qui vont catalyser un certain nombre de réactions chimiques faisant intervenir des polyphénols et des protéines. Au cours de cette étape, les arômes du cacao commencent à se développer. L’amertume s’affaiblit, la coloration typique brune commence à apparaître, des acides aminés sont libérés. Ce dernier point est très important pour la suite. À ce stade du processus, les graines sont rebaptisées et ont droit à l’appellation « fèves », ce qui stimule tout de suite la gourmandise. Un séchage au soleil ou dans un four pour les plus pressées stoppe le processus de fermentation, permet d’éliminer des substances volatiles qui nuiraient au goût et évite la formation de moisissure. La première partie est terminée : les fèves sont prêtes à être commercialisées et exportées. La suite est entre les mains du maître chocolatier.
De la fève au bol L’expert peut choisir de faire des mélanges de cacaos de différentes provenances ou préférer une source unique pour un chocolat typé de sa région d’origine. Les fèves
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sont nettoyées puis concassées et décortiquées pour enlever la coque. Elles sont ensuite torréfiées, à savoir chauffées à 100-140 °C, pendant 20 à 30 minutes. Lors de cette étape se produit la fameuse réaction de Maillard, déjà évoquée lors de la préparation du café. Elle engendre la formation de composés responsables de l’arôme et de la couleur du cacao. Ce processus fait intervenir les sucres et les protéines présents dans le grain. La libération d’acides aminés au cours de la fermentation assure le succès de ce processus et le goût final du chocolat. Les fèves subissent ensuite un broyage aboutissant à ce que l’on appelle la masse de cacao. À ce stade, le cacao contient majoritairement de la graisse (plus de 50 %), des protéines (12 %), de la cellulose (10 %), des polyphénols (6 %), de l’amidon (6 %), ainsi que de faibles quantités de théobromine, de glucides et autres composés. La suite dépend de l’objectif. Si l’on exerce un pressage à chaud, on récupère d’un côté le beurre de cacao et de l’autre des espèces de tourteaux. Le beurre de cacao était autrefois l’ingrédient principal des tubes pour les lèvres gercées. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, même si le terme est resté, car il rancit trop rapidement. Les galettes ainsi obtenues sont alcalinisées, en les plongeant dans une solution carbonatée, ceci dans le but d’en améliorer la couleur et le goût. Le produit final constitue la poudre de cacao qui finira son long parcours dans votre bol. Nous voilà arrivés à votre petit déjeuner…
Les carrés du plaisir J’imagine que vous ne croquez pas dans une tablette de chocolat au saut du lit, mais il est difficile d’en rester là. La frustration engendrée inciterait Marie à en déguster
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Café, crème, savon et C ie quelques carrés. Continuons donc à évoquer le chemin qui nous mène jusqu’au plaisir intense d’un chocolat fondant dans la bouche. Reprenons la fameuse masse de cacao et ajoutons du sucre. L’ensemble est pétri à chaud puis la pâte obtenue est écrasée entre deux rouleaux : elle est laminée pour diminuer la taille des particules du mélange afin d’éviter l’impression désagréable de manger du sable. Le conchage, inventé par Rodolphe Lindt, est la dernière opération. Il s’agit d’un brassage à chaud, de plusieurs heures, pour éliminer les derniers résidus d’eau, améliorer l’onctuosité et mieux homogénéiser. Il est possible d’ajouter de la lécithine, molécule conciliante qui vient se placer entre le sucre et la graisse du chocolat, pour assurer la cohabitation. Si vous préférez le chocolat au lait, il suffit d’ajouter de la poudre de lait à la masse de cacao. Quant au chocolat blanc, il ne contient pas un gramme de cacao, il n’est constitué que de beurre de cacao, de sucre et de poudre de lait, et germa dans le cerveau d’un employé de Nestlé, pour utiliser, justement, l’excédent de graisse de cacao.
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Tout est question de fusion Le plaisir engendré par la dégustation de chocolat n’est pas seulement dû à la présence de sucre et de composés sapides, mais aussi à la sensation physique éprouvée par sa fusion. En effet, le chocolat fond dans la bouche (mais aussi dans la main !). Cela paraît une évidence mais ce phénomène participe au ravissement. Sa température de passage de l’état solide à l’état liquide est proche de 37 °C. Probablement, les serpents n’apprécient-ils pas le chocolat autant que nous. De plus, de nombreux mélanges fondent sur des gammes larges de températures, à la différence des corps purs pour lesquels cette température est précise. Cet étalement dépend de la composition et des températures de fusion de ses différents constituants. Le beurre de cacao contient peu de glycérides différents, beaucoup moins que le beurre par exemple. Sa fusion se produit donc plus nettement que ce dernier, qui va ramollir sur une large fourchette de températures, avant de fondre véritablement. Dans le cas du chocolat, le passage à l’état liquide est plus net. Un autre phénomène physique important est le caractère endothermique de la fusion. Ce changement d’état nécessite un apport d’énergie. Pour faire fondre le chocolat en vue de préparer un délicieux gâteau, vous devez apporter de l’énergie thermique, autrement dit de la chaleur. Dans votre bouche, c’est vous qui êtes la source de chaleur : le chocolat prend un peu de votre chaleur pour fondre. Ainsi, ce phénomène s’accompagne d’une sensation de fraîcheur buccale qui vient s’ajouter au plaisir gustatif.
La brillance engendre le désir Déjà dans la vitrine du chocolatier, en cocotte ou en lapin, il brille sous son petit nœud rose. Même en simple
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Café, crème, savon et C ie tablette, tout juste dévêtu, libéré de son papier aluminium, il nous dévoile sa nudité brillante. Terne et mat, il nous séduirait moins et la tentation de lui sauter dessus deviendrait moins virulente. Voilà bien encore un des secrets d’envoûtement du chocolat. À l’état solide, il est courant que les molécules s’organisent avec régularité, construisant des figures géométriques. Différents agencements sont possibles. Dans le cas du chocolat, six formes de cristallisation différentes existent. Chacune joue différemment avec la lumière révélant un aspect variable. L’une d’entre elles est préférable car ses cristaux réfléchissent la lumière et laissent apparaître à nos yeux gourmands un chocolat brillant. Lors du refroidissement de la pâte devant conduire au chocolat solide, si la température diminue trop rapidement, des cristaux d’organisations différentes vont se former. La surface du chocolat ne sera pas lisse. Il ne brillera pas et sera moins attirant. Pour éviter ce désagrément, il faut maintenir la température à environ 34 °C pour que les cristaux soient identiques et correspondent à l’arrangement donnant la meilleure brillance.
C’est bon pour le moral, c’est bon bon ! Le chocolat est-il bon pour le moral ? Il ne semble pas contenir de substances antidépressives. C’est probablement la sensation engendrée par sa dégustation qui libère en nous une vague de plaisir hormonale. Il contient cependant une substance stimulante, la théobromine, voisine de la caféine et présentant les mêmes effets physiologiques. Attention aux excès ! Quel terrible dilemme pour Marie ! Ce chocolat sensuel, mélange d’amertume et de douceur, fondant dans
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la chaleur de sa bouche, source de jubilation gustative et de délectation gourmande, serait, sacrebleu, une tentation délicieuse, cachant des effets inattendus sur la quiétude de ses rêveries et l’harmonie de sa silhouette ! Monde cruel qui l’oblige à la modération et la retenue ! Trop dur… Mais au fait, pour le chocolat du matin, il faut bien diluer la poudre de cacao dans un liquide ? Pas dans de l’eau, sacrilège ! Le résultat ressemblerait à une infusion et serait bien insipide. Pour mettre en valeur ce trésor exotique, il faut une substance à la hauteur de l’enjeu. Un aliment archaïque. Le premier des aliments. Arreuh…
Noyé dans du lait de… ? Le lait est un liquide sécrété par les glandes mammaires des femelles des mammifères. Il peut être d’ânesse, de chèvre, de jument, de chienne, de femme… Lorsque l’on emploie le terme lait sans plus de précision, il s’agit du lait de vache. Quelle que soit sa source, il renferme de l’eau, des matières grasses (lipides), des protéines, des sucres (glucides), des sels minéraux, des vitamines, des cellules, des micro-organismes…
Composition sur mesure Sa composition précise dépend de l’animal qui le produit : elle est adaptée à son petit mammifère. Il doit être riche en protéines pour les bébés qui grandissent vite (lapin, renne), privilégier les matières grasses pour les animaux marins et ceux qui vivent dans des contrées froides (marsouin), préférer le lactose pour les cérébraux tels que les bébés humains. Le lait qui se rapproche le plus du lait de femme est celui d’ânesse ! Comme quoi, se
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Café, crème, savon et C ie faire traiter d’âne ne devrait pas être une insulte, surtout si l’on considère que son refus d’obéir à tout bout de champ, cette absence de soumission, est plutôt une preuve d’intelligence. Le lait de vache est beaucoup plus riche en sels minéraux et en protéines que le lait humain. Pour pouvoir être consommé par un bébé, il doit donc être « maternisé », c’est-à-dire transformé pour se rapprocher le plus possible (sans jamais l’atteindre) du lait de maman.
Globules… gras Si on l’examine de plus près, on constate que le lait est une émulsion dans laquelle des microgouttelettes de matières grasses (deux à cinq microns de diamètre), appelées globules, sont dispersées dans de l’eau, constituant majoritaire (93 %).
Blanc grâce aux globules Cet ensemble, a priori incompatible, tient grâce à des émulsionnants naturels : les phospholipides. La partie « lipide » de ces derniers a des affinités pour les matières grasses, tandis que la partie « phospho » aime l’eau et s’oriente de l’autre côté. Ils constituent une enveloppe dont la pellicule extérieure est électriquement chargée. Les globules se repoussent donc, évitant leur regroupement. De plus, ils diffusent la lumière dans toutes les directions, ce qui explique la couleur blanche du lait. Sa matière grasse est constituée très majoritairement de triglycérides, de carotènes et de stérols (vitamines A et D). Les triglycérides sont des molécules constituées par l’association entre un alcool, le glycérol (parfois appelé
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glycérine) et des acides carboxyliques, les acides gras. Le glycérol comprend trois fonctions alcool auxquelles s’accrochent trois acides, d’où le terme « triglycéride ». La différence entre matières grasses tient à la nature des acides, donc à la longueur de la chaîne et au nombre d’insaturations. Ces dernières sont des liaisons doubles entre atomes de carbone . Au lieu de s’accrocher à quatre atomes voisins, il ne se fixe qu’à trois mais renforce son lien avec l’un deux. Il consacre la possibilité qu’il avait de créer une quatrième liaison à doubler une des trois. Un peu comme si, au lieu de donner la main à deux personnes, vous ne vous accrochiez qu’à une seule par les deux mains. C’est ce que l’on appelle une insaturation : l’atome de carbone n’a pas utilisé tout son potentiel d’associations. Parmi les acides gras qui constituent les triglycérides du lait, les plus abondants sont les acides palmitique (chaîne à 16 atomes de carbone, saturée) et oléique (18 atomes de carbone et une double liaison). Les acides butyrique et caproïque sont responsables de son odeur caractéristique. Dans la phase aqueuse se trouvent le lactose, les sels minéraux, les caséines sous forme de micelles et les protéines hydrosolubles. Cette fraction du lait est aussi appelée lactosérum ou petit lait.
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Digestion improbable Le lactose est, comme son nom l’indique, un ose. Son pouvoir sucrant est faible ; il ne procure donc pas de sensation sucrée. Certaines personnes ne le digèrent pas car il leur manque l’enzyme (la lactase) dont le rôle est de couper la molécule de lactose. Dans les sociétés occidentales, cela semble être une particularité, mais si l’on considère l’ensemble de l’humanité, c’est d’avoir encore cette enzyme à l’âge adulte qui est étonnant. En effet, seuls les peuples des pays développés de l’hémisphère nord digèrent encore le lactose à l’âge adulte. Les Africains ou les Asiatiques qui s’aventureraient à boire du lait souffriraient d’indigestion ; le lactose passerait directement dans le gros intestin sans être transformé puis serait coupé dans le colon par les bactéries présentes, provoquant la formation de substances gazeuses, entraînant une surpression douloureuse. Ce processus est comparable à celui qui s’opère dans l’organisme d’un Français qui mange des haricots en grains. Les glucides passent l’étape estomac sans encombre mais les bactéries intestinales sautent dessus et s’en donnent à cœur joie pour les couper en petits bouts, tels que des molécules de dihydrogène, dioxyde de carbone et méthane, lesquelles insistent pour sortir, pas forcément au bon moment…
Protéines Les protéines apportées par le lait sont la caséine et les protéines du lactosérum. La caséine est majoritaire, elle constitue la principale protéine du lait. Elle n’est pas directement soluble dans l’eau mais se présente sous forme de micelles. Ce sont des petits amas de molécules qui s’associent entre elles selon leur polarité : elles orientent
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leur partie lipophile vers l’intérieur et celle hydrophile vers l’extérieur, formant des gouttelettes microscopiques. Elles sont associées à des ions calcium. Parmi les protéines du lactosérum, les globulines et les albumines ont une grande importance biologique. Le lait humain contient moins de protéines que le lait de vache, ce qui le rend plus digeste. Il est pauvre en caséine et riche en immunoglobulines et en glucides. Seuls les riches en caséine pourront donner du fromage (vache, brebis, chèvre). Inutile de tenter le camembert de Normandes ou le saint-nectaire d’Auvergnates, il ne caillera pas…
Le temps de la séparation Cet ensemble, résultant d’une cohabitation improbable entre substances antagonistes, n’est pas parfaitement stable. Deux illustrations de la séparation des incompatibles sont la formation de la crème et le caillage.
Les gras flottent mieux Lorsqu’on laisse reposer le lait juste après la traite, une décantation se produit : les globules de graisse s’agglomèrent en remontant à la surface, à cause de leur plus faible densité, tandis que la phase aqueuse reste en bas, d’autant que la température est basse. Ainsi surnage la crème du lait. Elle contient toujours un peu d’eau mais beaucoup moins que le lait (60 à 70 %). En revanche, elle contient tous les lipides et les vitamines liposolubles.
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Ça caille ! Le caillage est un phénomène au cours duquel le lactosérum se sépare des caséines et des matières grasses. Ces dernières constituent le « caillé ». Cette action est due à des bactéries qui transforment le lactose en acide lactique. Lorsque le processus est involontaire, on dit que le lait « tourne ». S’il est délibéré, c’est que l’on souhaite faire du fromage. L’augmentation de l’acidité a pour conséquence de séparer le calcium de la caséine. La modification des charges électriques fait que les micelles de caséine ne se repoussent plus et se désagrègent. Les caséines coagulent et précipitent : le lait caille. La formation de caillé selon cette méthode présente l’inconvénient d’obtenir un produit friable et pauvre en sels minéraux. Il existe une autre possibilité qui est la coagulation enzymatique. La caséine caille en présence des sels de calcium, ce qui donne un mélange riche en minéraux. Les enzymes utilisées proviennent de la présure qui est le suc gastrique présent dans l’estomac d’un veau non sevré. Hum…
Ça déborde ! La peau très fine qui se forme dans votre bol ou dans la casserole n’a rien à voir avec les phénomènes précédents. Il s’agit d’une désorganisation des protéines du lactosérum sous l’effet de la chaleur. Les liens existants entre molécules se rompent et de nouveaux se forment, aboutissant à la création d’un gel imperméable à la vapeur d’eau.
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À 100 °C, l’eau du lait bout mais ne peut plus s’évacuer car ce film forme un couvercle étanche. Résultat : le lait déborde quand la pression devient suffisante pour le soulever.
Avec ou sans bactéries ? Il est encore possible de choisir entre du lait frais, pasteurisé ou stérilisé, même si le choix se réduit fortement en faveur de ce dernier. Le lait frais contenant des bactéries, le risque de réaction avec le lactose conduisant à l’acide lactique n’est pas négligeable. C’est donc un lait susceptible de cailler facilement. De plus, il est difficile à conserver à cause de la présence de ces micro-organismes qui ne demandent qu’à proliférer.
Avec Pasteur, ça chauffe ! À la fin du xixe siècle, Louis Pasteur a montré qu’un simple chauffage pouvait détruire ces bactéries. Ce fut le début de la pasteurisation. L’inconvénient d’un traitement thermique est qu’il détruit aussi les vitamines et qu’il dénature les protéines du lactosérum. Au cours de la pasteurisation, le lait est chauffé à 75 °C pendant 15 à 20 secondes, à l’abri de l’air. Il est ensuite refroidi immédiatement. Ce procédé détruit la majorité des bactéries pathogènes. Le lait est partiellement « désinfecté ». Le produit est peu modifié et garde ses propriétés. Sa conservation est toutefois de faible durée (7 jours maximum) et nécessite une réfrigération car il reste quelques germes. Les produits laitiers sont fabriqués à partir de lait pasteurisé.
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Plus chaud mais plus court La stérilisation va permettre d’améliorer considérablement les conditions de conservation. Le lait est tout d’abord homogénéisé. Pour éviter la formation de la crème, on fait passer le lait sous forte pression dans de petits trous pour réduire la taille des gouttes de graisse, conduisant à une émulsion plus stable. Les globules gras sont tellement petits qu’ils peinent à se rassembler. Le lait est ensuite chauffé à 140-150 °C pendant 1 à 5 secondes, puis immédiatement refroidi. Il est alors placé dans des récipients stériles et opaques, tels que les bouteilles en plastique ou les briques en Tétra Pak™. La stérilisation détruit toutes les bactéries mais dégrade aussi partiellement les substances fragiles telles que les vitamines. Elle ne modifie pratiquement pas les qualités gustatives du lait. Le liquide est stérile et peut être conservé pour une longue durée, ce qui explique son succès.
Le tube du laitier Pour les amoureux du lait concentré sucré, il faut savoir que c’est une façon très ancienne de consommer du lait. La technique date du milieu du xixe siècle, et nous vient des États-Unis. Le lait est avant tout pasteurisé, puis l’eau est éliminée en chauffant jusqu’à l’ébullition, sous pression réduite pour limiter la température. L’addition de sirop de sucre n’a pas seulement vocation à réjouir les gourmands mais permet de stopper la prolifération des micro-organismes. Le liquide visqueux et jaunâtre est alors versé dans des boîtes ou dans les fameux tubes, dont on peut verser le contenu directement dans la bouche…
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De la poudre pour voyager léger Pour le camping, le lait en poudre déshydraté est le plus approprié puisqu’il bénéficie d’une longue conservation du fait de l’absence d’eau. Sans eau, pas de vie donc pas de micro-organismes. Il présente aussi l’avantage d’occuper un faible volume et d’être léger (sauf évidemment s’il faut apporter les bouteilles d’eau pour le reconstituer…). Il est obtenu par pulvérisation : on crée un brouillard de lait sous pression, sur lequel on envoie de l’air très chaud (150 °C). Les gouttelettes de lait sont immédiatement déshydratées et retombent en poudre. Il ne reste plus qu’à les mettre en boîte !
Petit déjeuner du futur Satisfaite, Marie trempe ses lèvres dans son chocolat chaud et mousseux, en songeant à ces trésors cachés de la Nature. Combien de fruits et de graines, dont nous ignorons encore la saveur et les bienfaits ?
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LA TARTINE DE PAIN BEURRÉ À chacun sa madeleine de Proust… Pour Marie, ce serait plutôt le pain. Tout commence avec l’odeur qui vient lui chatouiller les naseaux. Malheureusement, elle doit se contenter du pain de la veille, mais un petit passage dans le grille-pain devrait lui restituer partiellement ses qualités organoleptiques.
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Facile ! Sur le principe, la fabrication du pain est simplissime. Bien plus facile, sur le papier, qu’un éclair au chocolat ou une charlotte aux fraises ! Il faut de la farine, de la levure, de l’eau et du sel. On mélange le tout, on malaxe un peu, on laisse reposer et on met au four. Il est fort à parier que le résultat ne sera pas au niveau de vos espérances et que vous vous précipiterez chez votre boulanger pour acheter votre baguette quotidienne en le félicitant pour son talent. Faire du bon pain est tout un art ! Mais la dextérité du créateur serait vaine sans des produits de qualité.
Au commencement était la graine… Les graines de céréales doivent tout d’abord être déshabillées, abandonnant leur écorce externe, contenant cellulose et lignine, bien trop indigestes. Nos estomacs les en remercient même si le résultat est appauvri en vitamines. Après avoir été écrasée, la petite graine n’est plus qu’une poudre blanche, promettant pains et merveilles à ceux qui la consommeront. Cette farine contient essentiellement de l’amidon et des protéines insolubles dans l’eau, rassemblées sous le vocable « gluten ». Selon cette description, toutes les céréales devraient être bonnes pour le service, mais en fait une seule l’emporte très largement : le blé. Pourquoi cette suprématie mondiale des épis blonds ? Le blé tendre est pratiquement la seule céréale à pouvoir être panifiée, grâce à ses protéines, gliadines et gluténines, présentes en bonnes proportions. Grâce aux premières, la pâte est visqueuse et extensible, tandis que les secondes apportent élasticité et tenue. Il existe plus de 70 variétés de blé tendre cultivées en France. Le seigle, mais dans une moindre mesure, est
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également utilisé. D’autres céréales, parfois indiquées dans la liste des ingrédients, ne sont présentes qu’en complément du blé, pour la fabrication de pains spéciaux (maïs, avoine, orge, épeautre…).
Les grands glycannes Ces protéines, indispensables à la panification, ne représentent qu’une proportion faible des constituants de la farine. Le majoritaire est l’amidon, mélange de deux glycannes, polymères naturels constitués d’une longue chaîne sur laquelle se répète un même motif, le glucose. Ces glucides se nomment amylose et amylopectine. L’amylose est un enchaînement linéaire, les chaînons sont liés les uns à la suite des autres, tandis que l’amylopectine est ramifiée, le réseau est tridimensionnel.
Animaux, végétaux, même combat ! L’amidon est présent dans la graine du végétal car il constitue une réserve d’énergie pour la plante en devenir. Chez d’autres espèces, il se trouve dans les racines ou les tubercules. Les végétaux stockent sous forme d’amidon ce que les animaux conservent en glycogène. Les deux sont des polymères du glucose mais de structures différentes. Pour tous, l’objectif est d’utiliser du glucose, sauf que cette petite molécule est difficile à préserver du fait de sa grande solubilité dans l’eau. Si elle n’était emprisonnée sous forme de polymère, elle se faufilerait et s’échapperait facilement. Accrocher toutes les molécules ensemble permet de les garder plus facilement. Ainsi, pour retrouver des trombones, mieux vaut les accrocher entre eux, ils seront d’autant plus faciles à récupérer. Le glucose est ainsi
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Café, crème, savon et C ie fixé : libérable mais pas totalement libre ! La plante ira puiser dans son garde-manger lorsqu’elle en aura besoin. Après avoir volé à la céréale sa réserve et consommé son amidon, notre organisme va procéder à sa digestion, en coupant la chaîne en ses maillons de glucose. On détache les trombones. Il sera ensuite lui-même transformé dans les cellules en dioxyde de carbone, avec libération d’énergie.
On est dans le pétrin ! Mais avant cela, le maître du pain entre en scène, avec ses petits bras musclés (rarement ; ce n’est pas que les boulangers ne soient pas musclés, mais cette étape est aujourd’hui généralement mécanisée), ou avec sa belle machine électrique, pour procéder au pétrissage. Cette première étape est fondamentale. Malaxer longuement la pâte, après avoir mélangé les ingrédients, permet de l’homogénéiser, de bien l’hydrater et d’introduire de l’air. Ce dernier point est important car il induit des réactions d’oxydation, jouant un rôle primordial pour le futur goût. Les protéines vont également dérouler leurs pelotes, assurant leur rôle dans l’obtention d’une pâte lisse et élastique. Au cours de cette phase, très physique pour le boulanger d’autrefois, des transformations chimiques se produisent, au cours desquelles l’amidon commence à être fragmenté par des enzymes présentes dans la farine, les amylases, libérant des oses.
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Des travailleuses discrètes et méritantes Après avoir été malmenée dans tous les sens, la pâte mérite un bon repos. Mais sous cette apparente passivité se cache en réalité une activité intense de petits organismes vivants unicellulaires : les levures. Ces minuscules travailleuses de l’ombre (1 à 10 microns) se nourrissent des oses libérés par l’amidon pour produire de l’alcool, des acides organiques et du dioxyde de carbone. La consommation de ces levures ayant connu un essor au cours du xixe siècle, elles sont élevées de façon intense depuis 1850. Elles se développent sur une mélasse, un sirop épais composé majoritairement de saccharose. Elles ne doivent pas être confondues avec la levure chimique, qui n’est pas vivante, mais résulte d’un mélange de bicarbonate de sodium et d’acide tartrique. À l’état de poudre, ces deux substances cohabitent sans transformation. En présence d’eau, elles vont s’approcher de façon plus intime et réagir, entraînant la formation de dioxyde de carbone. Celui-ci forme des petites bulles qui font gonfler la pâte. Idéale pour les gâteaux, elle est à éviter pour la fabrication du pain ou des brioches.
Histoire d’eau Il est temps de mettre cette pâte, bien reposée et bien gonflée, au four. Sous l’effet de la chaleur, les gaz présents (air et dioxyde de carbone) se dilatent et font gonfler le pain en devenir. L’eau se vaporise et cherche à
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Café, crème, savon et C ie occuper tout l’espace, mais elle est retenue par la croûte en formation. Les protéines du gluten changent d’organisation et se mettent à bouder l’eau. Celle-ci, vexée, se tourne alors vers l’amidon.
Maillard, encore et toujours… Cette croûte dorée et croustillante ainsi que cette odeur si plaisante doivent leur existence à la fameuse réaction de Maillard. Il s’agit en fait d’un ensemble de réactions complexes se produisant entre des sucres et des acides aminés, aboutissant à la formation de produits bruns et de composés volatils à odeur agréable. Ces processus se produisent par chauffage, en l’absence d’eau. Ils sont donc localisés sur la face extérieure des aliments (croûte du pain, extérieur d’une viande, bords d’une tarte...).
L’amidon fainéant L’eau prisonnière se répartit dans la mie, formée par la transformation de l’amidon et des protéines sous l’effet de la chaleur. Avant la cuisson, l’amidon est à l’état semi-cristallin : une partie de l’amylose est amorphe, une autre partie est cristallisée. L’état amorphe ne signifie pas qu’un amylose fainéant regarderait travailler un amylose vaillant, mais que les molécules ne sont pas organisées, elles n’adoptent pas d’arrangement particulier. Au contraire, lorsqu’il est cristallisé, les molécules se disposent de façon très régulière. Lors de la cuisson, l’augmentation du caractère hydrophile casse la structure spatiale et tend vers un amidon totalement amorphe. Le pain est alors souple et élastique car les molécules
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peuvent se déformer, s’étirer, uniquement reliées à des petites molécules d’eau dispersées. Cette merveilleuse consistance est malheureusement éphémère. Lors du refroidissement, une partie de l’eau est libérée tandis que l’amidon se recristallise partiellement : le pain est toujours souple, mais moins que lorsqu’il était encore chaud.
Un pain rassis à cause de molécules égoïstes Une miche rassie n’est pas un pain desséché, car il rassit même si l’air est humide. Le rassissement est dû à la recristallisation de l’amidon, en particulier de l’amylopectine très ramifiée. Les molécules se replient, s’associent entre elles et rejettent une partie de l’eau qu’elles avaient tant aimée… Celle-ci, ayant retrouvé sa liberté, cherche la sortie, rejoint la croûte et par la même occasion, la ramollit. Bilan : la mie du pain est plus rigide et la croûte a perdu son croustillant ! La baguette pourra retrouver un peu de son allure de « pain frais » en la réchauffant, ce qui provoquera la rupture des liaisons responsables, mais l’effet ne durera que quelques minutes. Ensuite, vous pourrez toujours essayer de faire du pain perdu…
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L’or du lait Après un petit passage dans le grille-pain, les tranches de pain de Marie ont repris meilleure allure et dégagent des effluves doux à ses narines, mais le plaisir ne serait pas total sans la petite touche finale qui donne onctuosité, saveur et bonne mine : la fine couche de beurre. Cette fameuse crème du lait, que l’on se plait à éliminer pour des raisons de goût, de ligne ou de cholestérol, est conservée en tant que telle pour la cuisine ou pour fabriquer le pavé d’or, si onctueux et moelleux sous notre palais. La crème est une émulsion « huile dans eau », ce qui signifie que des gouttelettes de matières grasses sont dispersées dans une phase aqueuse. L’eau y est donc majoritaire. Pour faire du beurre, il faut inverser l’émulsion afin que la graisse devienne l’élément prépondérant.
SOS crème battue ! Au départ, la crème destinée à la fabrication du beurre contient 35 % de matières grasses. Elle est tout d’abord pasteurisée par chauffage à 90 °C pendant 30 secondes. On lui incorpore des ferments lactiques pour parfumer le futur beurre. Cette malheureuse crème va ensuite être remuée fortement, battue avec acharnement, le terme adéquat étant barattée. Au cours de ce processus, de l’air va être incorporé, formant de minuscules bulles entourées par une pellicule de protéines, autour desquelles s’agglomèrent les globules gras. Toute cette agitation malmène ces derniers et une partie d’entre eux finit par se libérer, formant des grains de beurre, dans lesquels l’émulsion est maintenant de type eau dans huile. La phase aqueuse résiduelle, appelée babeurre, est éliminée par lavage. La vigueur de l’agitation et la température influent sur la texture du beurre car elles
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conditionnent la quantité d’eau et d’air incorporée à la phase graisseuse. L’incompatibilité attendue entre graisse et eau est rendue possible grâce aux phospholipides, émulsifiants naturellement présents dans le lait. Dans le beurre ainsi obtenu se trouvent encore des globules gras et de l’eau au milieu d’une phase de graisse continue. La composition finale est 82 % de graisse, 16 % d’eau, 2 % d’autres substances (lactose, protéines, minéraux).
De l’eau dans la graisse ?! Le nom scientifique des corps gras est « lipides ». Ils font partie des trois nutriments, avec les protides et les glucides. Ils peuvent être d’origine animale ou végétale. Ils se présentent sous forme d’huile ou de graisse, selon leur état physique (liquide ou solide) à 20 °C. Il est toutefois courant de parler de graisses en général. Une autre différence réside dans la quantité d’eau présente. Les huiles n’en contiennent pas du tout, tandis que les graisses animales peuvent en compter jusqu’à 8 %, le beurre et la margarine 16 %. Le terme « beurre » est d’ailleurs exclusivement réservé à la matière grasse du lait ayant subi le traitement de butyrification.
Où il est question de liaisons… La plupart des graisses et huiles sont des mélanges de triglycérides, molécules composées par l’association entre le glycérol et trois acides gras. La présence d’insaturations (liaisons doubles) rigidifie la molécule, qui ne peut pas se mettre en boule, ni s’enchevêtrer, ce qui a des conséquences sur l’état physique du corps gras. Ceux qui contiennent beaucoup d’acides gras insaturés sont des huiles (liquides),
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Café, crème, savon et C ie tandis que ceux qui ont une forte proportion de saturés pouvant s’entortiller, créer des petits liens avec leurs voisins, sont « solides » et s’appellent graisses. La particularité du beurre de vache est qu’il contient un grand nombre d’acides gras très divers, mais il est pauvre en acides gras essentiels. D’un point de vue nutritionnel, l’intérêt de ces graisses est qu’elles constituent une réserve d’énergie. Lors de leur métabolisme, elles se transforment en dioxyde de carbone et en eau. Ceci n’est pas vrai pour certains acides gras : qualifiés d’essentiels car ils sont indispensables au bon fonctionnement de l’organisme, le corps ne sait pas les synthétiser. Ils doivent donc être apportés par l’alimentation. Ils sont au nombre de trois : acides linoléique, linolénique et arachidonique. Ce sont tous des insaturés.
… et de fusions Chaque triglycéride a une température de fusion différente, ce qui implique qu’un mélange ne peut pas fondre à température fixe mais dans une fourchette de
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température plus ou moins large selon la composition. Le beurre, qui contient une grande diversité de triglycérides, va commencer par devenir mou lors de la fusion de certains lipides, ces derniers devenant liquides au milieu d’autres qui sont toujours solides. Il ne deviendra totalement liquide que lorsqu’ils auront tous atteint leur point de fusion. C’est cette particularité qui donne la consistance moelleuse du beurre.
Merci le carotène Dame Nature a gratifié cette graisse onctueuse d’une belle couleur dorée, qui n’est pas sans lien avec son attrait. Imaginez une pâte blanche à étaler sur vos tartines déjà pâlichonnes ! Probablement aurait-elle moins de succès. Le petit pavé jaune doit sa couleur au carotène, initialement présent dans la plante mangée par le ruminant, et qui se retrouve dans son lait. Les caroténoïdes sont insolubles dans l’eau mais solubles dans la graisse. Ils vont donc se retrouver dans la crème, puis le beurre, et, après toutes ces péripéties, sur la tartine de Marie. La couleur du beurre dépend évidemment du régime alimentaire (celui de la vache, pas de Marie, même s’il existe probablement des vaches prénommées Marie). Il en contient plus au printemps, lorsque les bêtes à cornes peuvent se prélasser dans les pâturages (pour celles qui ont encore cette chance), se nourrissant d’une bonne herbe bien grasse. En hiver, elles doivent se contenter de fourrage, dans lequel le carotène, fragile, a été oxydé, et dont la concentration a diminué.
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Pâle imitation Le beurre présente tout de même quelques inconvénients : sa conservation est difficile et la demande n’a fait qu’augmenter depuis le xixe siècle. En 1866, Napoléon III promit d’offrir une récompense à qui saurait fabriquer un remplaçant au beurre, bon marché et se périmant moins rapidement. En 1869, le pharmacien français Hippolyte Mège-Mouriès inventa l’oléomargarine (d’oleum : graisse et de margaron : perle), fabriquée à partir de graisse de bœuf et de lait écrémé.
Rendez-leur la liberté de tourner ! Aujourd’hui la margarine est produite à partir d’huiles de soja, tournesol, maïs, arachide... Les acides oléique et linoléique sont les principaux acides gras présents dans les huiles végétales. L’insaturation de l’acide linoléique entraînant la rigidité des triglycérides est responsable de l’état liquide de l’huile, ce qui est incompatible avec la consistance d’une margarine, censée imiter le beurre. Plus le pourcentage en acides gras insaturés est grand, plus la margarine est molle. Pour changer cette situation, on doit transformer les doubles liaisons en simples, autour desquelles la rotation est possible et donc le degré de liberté plus important. Elles peuvent se rapprocher, s’enrouler, ce qui permet de tendre vers un état solide. Pour saturer cette double liaison, il faut obliger les deux atomes de carbone doublement liés à casser un de leurs liens et s’associer à d’autres atomes. Pour cela on procède à une hydrogénation, persuadant deux atomes d’hydrogène à s’accrocher à ces deux atomes de carbone , qui deviennent alors tétravalents, comme leurs voisins. Outre le fait que
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le produit obtenu a une meilleure consistance, il est aussi moins sensible à l’oxydation puisqu’il n’y a plus de sites d’attaque pour la molécule d’oxygène (qui cible justement les insaturations). L’hydrogène est envoyé sur la matière grasse, sous forte pression et haute température, en présence d’un catalyseur, c’est-à-dire une substance qui va faciliter et accélérer la réaction. Il faut tout de même limiter le processus et veiller à conserver quelques doubles liaisons car les acides gras saturés sont moins bons pour la santé que les insaturés. Il faut donc hydrogéner avec parcimonie.
Touche finale à l’imitation Comme le beurre, la margarine est une émulsion eau dans huile qui se maintient grâce à des émulsifiants. Elle contient du sel pour limiter la prolifération bactérienne et des antioxydants. Le rancissement du beurre et de la margarine est, en effet, dû à l’action de l’oxygène sur les doubles liaisons. On rajoute du carotène pour la couleur, des arômes pour s’approcher des qualités gustatives du beurre et des vitamines pour la santé.
Vive les vaches ! Pourquoi préférer la margarine au beurre ? Elle est plus facile à étaler, moins chère, sans cholestérol, et contient plus d’acides gras insaturés, certes, mais la liste des ingrédients peut parfois couper l’appétit ! Marie aime tant mordre dans sa tartine beurrée, elle a l’impression de voir la vache lui sourire…
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2 Avec quelles molécules se laver ?
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IMPOSSIBLE DE SE LAVER SANS FAIRE D’HISTOIRE L’estomac rempli, Marie Curieuse se dirige vers la salle de bains, le regard aussi pétillant que celui d’une vache, la mine défaite comme celle d’un vieux crayon, le cheveu désorienté ne trouvant plus ses racines, mais guidée par l’habitude et attirée par l’odeur du savon.
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Au nom de la loi « Toutes les substances ou préparations, autres que les médicaments, destinées à être mises en contact avec les diverses parties superficielles du corps humain, les dents ou les muqueuses buccales, en vue de les nettoyer, de les protéger, de les maintenir en bon état, d’en modifier l’aspect, de les parfumer ou d’en corriger l’odeur » : telle est la définition du cosmétique, selon le législateur (loi de juillet 1975, article L 658.1 du Code de la santé publique). Le cosmétique, pour se nommer ainsi, doit avoir une action superficielle. Si celle-ci est plus profonde, il devient un médicament, soumis à des contraintes de mise sur le marché bien plus drastiques et proposé dans des lieux de commercialisation différents. Sa description traduit d’emblée ses limites et contredit les desseins miraculeux que prônent les publicités. Marie sent déjà qu’elle va être déçue en songeant au pot de crème dernier cri, acheté à prix d’or, et qui réunit, paraît-il, toutes les innovations récentes en matière de cosmétologie. Il trône en bonne compagnie, parmi toutes les potions magiques sur lesquelles elle se jette, après avoir lu sa revue féminine préférée.
Histoire d’hygiène L’histoire des cosmétiques est intimement liée à celle de l’hygiène. Il ne semble pas évident que les hommes du néolithique étaient épris de propreté, mais ceux de l’Antiquité,
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en revanche, ont montré leur préoccupation pour l’hygiène. Ce mot vient d’ailleurs du nom de la déesse grecque Hygie, déesse de la santé et de la propreté, fille d’Asclépios, dieu de la médecine. En Mésopotamie, la découverte de baignoires en terre cuite, dans des riches demeures, laisse présumer que des pratiques de toilettes s’étaient instaurées chez les femmes de la haute société. Est-ce que cet usage, 2000 ans avant notre ère, était la preuve d’un souci d’hygiène ou un rite religieux ? La question reste posée.
Signe extérieur de richesse : le lait d’ânesse À la même époque, on constate que les Égyptiens se lavaient fréquemment, car des salles d’eau étaient souvent présentes dans les logis. Cléopâtre était connue pour consacrer beaucoup de temps aux soins du corps tandis que Néfertiti aimait se frotter le corps avec une pâte à base de carbonate de calcium (craie), pour l’effet gommage, et appréciait les masques à l’argile. S’en suivaient des massages à l’huile d’olive. Toutes deux pratiquaient avec bonheur les bains au lait d’ânesse. Ces deux beautés ne sont toutefois pas très représentatives de l’Égyptienne ordinaire de l’époque et il est probable que ces soins de toilette étaient réservés aux plus riches. Marie se laisserait bien tenter par le massage à l’huile d’olive, mais émet une réserve quant au lait d’ânesse. S’imaginer immergée dans ce liquide blanc, probablement odorant, lui soulèverait plutôt le cœur. De plus, en trouver une quantité suffisante pour remplir une baignoire lui paraît relever du défi de nos jours.
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Des Grecs propres et musclés En Grèce, au ve siècle avant J.-C., l’activité physique prônée par les médecins incitait à une meilleure hygiène du corps. Les ablutions s’effectuaient dans des salles de bains personnelles pour les plus riches, dans les gymnases ou dans des bains publics pour les autres. Cette tendance allait cependant évoluer et leur fréquentation devenir plus habituelle pour tous. Les Romains allaient non seulement perpétuer cette pratique mais la perfectionner, devenant maîtres du plaisir aquatique.
Ils sont fous (d’eau), ces Romains ! La toilette romaine s’effectuait dans des bains publics, chauds ou froids, suivie éventuellement de massages. Cette pratique n’était pas individuelle, mais s’opérait dans des thermes collectifs, où la mixité était tolérée au début, mais où des espaces et des horaires particuliers étaient proposés aux femmes qui tenaient à leur réputation. Après une recrudescence de scandales, l’empereur Hadrien imposa finalement des horaires différents pour les hommes et les femmes.
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La réalisation de ces thermes dut son succès aux compétences hydrauliques des Romains. La maîtrise de la conduite de l’eau et de son évacuation permit la création et le fonctionnement de ces établissements. Au ive siècle avant J.-C., on en comptait plus de huit cents, à Rome. Chaque ville avait les siens, fréquentés quotidiennement par tous, riches ou pauvres, sans sélection sociale. La consommation d’eau par habitant était alors colossale. Il ne s’agissait pas seulement de faire trempette dans une eau tiède, mais de s’attarder dans des saunas, de s’asperger d’eau brûlante, de s’immerger dans des bains glacés. L’eau était utilisée sous toutes ses formes, liquide ou vapeur, chaude ou froide. Il était ensuite courant de se frotter la peau avec de l’argile et de la pierre ponce, de s’épiler, de procéder à des massages avec de l’huile… Tout un art de vivre au service de la beauté du corps et de l’hygiène. Au-delà même de la propreté, ces lieux permettaient les rencontres, les échanges intellectuels, les discussions. Autour des bassins se trouvaient parfois des bibliothèques, des musées. Marie, qui fréquente assidûment la modeste piscine municipale, se sent prise de nostalgie pour cette époque bénie. L’eau froide, dans laquelle elle a le plus grand mal à pénétrer, après que l’immersion d’un timide orteil lui ait fait hérisser les poils, lui semble bien déprimante, comparée aux bassins olympiques, parfois à ciel ouvert, que l’on pouvait rencontrer dans les thermes romains. De même, la douche, pas toujours bien chaude, qu’elle prend en sortant la ferait presque pleurer, lorsqu’elle pense au sudatoria, où les Romaines allaient transpirer, avant de se délasser dans le caldarium, bain très chaud, dépassant les 40 °C. En revanche le frigidarium, au nom très évocateur (bain à 15 °C), ne la séduit pas trop. Passons rapidement sur celui-là, aussi vite que le temps de séjour supportable dans cette eau froide.
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Indispensable de se faire passer un savon Le bain était alors considéré comme un moment de détente ou de lavage, pourtant il ne s’accompagnait pas d’une hygiène parfaite. Chacun sait que l’eau ne suffit pas pour nettoyer correctement : les dépôts graisseux ne partent pas. Pour les éliminer, il est indispensable d’employer le petit pavé magique : le savon. Or, la star n’a pas encore fait son apparition lorsque sont créés les premiers thermes. Pourtant des traces de son emploi remontent à deux mille ans avant notre ère, chez les Babyloniens et les Égyptiens. Il portait alors le nom de souabou. Il était constitué d’un mélange d’argile et de cendre dont on s’enduisait le corps et que l’on rinçait ensuite avec une eau parfumée. Cette pratique constituait à la fois un acte de propreté et un rite religieux. Le savon d’Alep, en Syrie, fabriqué avec de l’huile et de la potasse, remonte lui aussi à des temps très anciens (plus de 2500 av. J.-C.). L’apparition de l’ancêtre du savon dans l’empire romain se fera grâce aux… Gaulois.
La cendre des Gauloises Les Gaulois avaient constaté qu’en se frottant directement de la cendre sur le corps et en rinçant, la peau était débarrassée de toutes les saletés qui collaient et n’étaient pas entraînées par l’eau seule. Ils avaient inventé le savon, formé directement sur la peau, par réaction entre les saletés grasses déposées dessus et certaines substances présentes dans la cendre. Quels malins ces irréductibles Gaulois ! Ils ont par la suite amélioré l’efficacité et l’aspect du produit en mêlant de
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la cendre de bois à de la graisse de chèvre. Mais il semblerait que son usage était, chez les Gaulois, réservé à leur chevelure… Marie se dit que les cendres de sa cheminée pourront toujours la dépanner le jour où elle sera en manque de gel douche. Les Romains s’en inspirèrent. Ainsi, au iie siècle, Galien préconisait l’emploi d’un mélange de graisse de chevreau, d’os en poudre et de plantes calcinées pour se laver. Là, Marie sèche un peu, malgré l’eau qui lui coule sur le visage. Les matières premières seront plus difficiles à trouver… Le remplacement de la graisse animale par de l’huile d’olive, quelques siècles plus tard, donnera naissance au célèbre savon de Marseille. Parallèlement, à différentes époques et en différents lieux, les femmes mirent en œuvre différents procédés pour trouver une aide à la lessive, en puisant simplement dans le milieu naturel. Ainsi, l’arbre sapindus est-il connu depuis des siècles en Asie et en Amérique pour produire un fruit contenant de la saponine, un détergent naturel. Les Indiens continuent à utiliser ces noix de lavage, ainsi que quelques Occidentaux attirés par des produits plus naturels.
Bains érotiques Au début du Moyen Âge, les bains publics étaient toujours fréquentés. Ils représentaient un lieu de détente mais aussi de plaisir et de volupté. L’objectif principal était souvent le jeu, voire la transgression, rarement un désir de propreté. Ils constituaient un endroit de rencontre, empreint d’érotisme. Marie se dit qu’Internet paraît bien froid comparé à ces lieux d’échanges médiévaux. Ils seront
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Café, crème, savon et C ie toutefois peu à peu délaissés, la raison de cet abandon progressif étant un changement de vision du corps, dû à des maladies telles que la syphilis et surtout la peste.
Eau maléfique À partir du xvie siècle, le corps fut considéré comme perméable : son enveloppe externe laissait passer l’eau et l’air. Si le corps était poreux, il était donc vulnérable. Cette mentalité allait complètement changer les pratiques d’hygiène. L’eau pouvant pénétrer l’intérieur du corps, elle risquait de le perturber. Inversement, elle pouvait aussi être salvatrice : l’hydrothérapie était parfois pratiquée. Mais la plupart du temps, elle était considérée comme dangereuse pour l’équilibre interne.
Des trous dans la peau Comme les pores de la peau étaient censés s’ouvrir en présence d’eau, puis rester béants, le corps était alors livré au risque d’invasion de l’air mauvais. Ainsi, les bains étaientils accusés de provoquer des maladies pouvant conduire à la mort. On pensait même qu’une femme pouvait tomber enceinte, après avoir séjourné dans la même eau qu’un homme s’étant précédemment baigné. Les rares nobles qui prenaient des bains s’entouraient de précautions pour éviter l’intrusion. Ils se reposaient et attendaient plusieurs jours avant de ressortir à l’air. Certains procédaient même à des purges et des saignées avant le passage à l’acte, pour compenser le surcroît d’humidité que l’eau allait apporter. On comptait une trentaine de bains à Paris au xive siècle ; il n’en restait presque plus du tout à la fin du xviie siècle. On assistait à leur fermeture à chaque
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épidémie. Une fois le risque passé, ils étaient rouverts mais restaient peu fréquentés par crainte d’un mal résiduel. De façon concomitante à la désaffection des bains, l’utilisation du savon fut progressivement abandonnée. La propreté se focalisa dans un premier temps sur le visage et les mains ; on se limita à ce qui était visible, puis finalement, pour ces parties également, l’eau devint sujet de méfiance et fut repoussée. On pensait que se laver avec de l’eau pouvait provoquer des troubles oculaires, pâlir le visage en hiver ou le brunir en été. L’eau n’intervint plus que pour la toilette des mains et de la bouche.
Nettoyage à sec Au xviie siècle, on prônait l’essuyage : le nettoyage se limitait à l’utilisation d’un linge sec (une toile, d’où le terme toilette). Cependant, il était impératif de changer de chemise chaque jour, parfois même plusieurs fois dans la journée. Le rejet de l’eau n’éliminait pas le souci de propreté, mais la toilette devint sèche. Cet abandon de l’hygiène s’accompagna d’un usage intense des parfums et du maquillage. Toutefois, les odeurs corporelles, ajoutées aux senteurs entêtantes des parfums, étaient parfois insoutenables pour le voisinage. Marie se demande si dans son entourage, il n’y a pas quelques nostalgiques du nettoyage à sec… La crasse était même parfois vertueuse. Sa présence créait une couche, voire une croûte, protectrice vis-à-vis des agents extérieurs. Il apparaissait plus sain de conserver cette deuxième peau, que de l’ôter et risquer d’attraper des maladies… L’aspect thérapeutique des bains était cependant toujours d’actualité. Il était évidemment conseillé de ne pas en abuser. Les villes thermales (Bourbon l’Archambault, Plombières, Vichy) étaient toujours fréquentées.
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Résurgence À la fin du xviiie siècle, le goût pour les ablutions revint peu à peu. Cette possibilité devint même un signe de distinction. Le linge blanc ne suffisait plus, il devait recouvrir une peau propre. Une condition indispensable à la toilette s’imposait toutefois : la présence d’eau. Or, ce manque constituait, à l’époque, un obstacle majeur. À ce sujet, il est intéressant de noter que ce rejet de l’eau n’était pas une réalité pour tout le monde, notamment pour les jeunes des campagnes, qui avaient toujours apprécié les bains de rivière, en période estivale, lieu d’amusement essentiellement, mais qui permettait, du même coup, de se laver.
Cuvettes et bidets Au xviiie, l’idée que l’eau était un milieu obscur, pouvant perturber l’organisme, avait perduré dans les esprits, et freiné l’usage des bains, mais elle s’accompagnait aussi d’un souci de pudeur, concernant ces derniers. La peur d’éveiller le désir sexuel, dans l’isolement, était sous-jacente. La pratique des lavages partiels s’instaura peu à peu, dans les cabinets de toilette de la noblesse et de la bourgeoisie, équipés de cuvettes et de bidets, nouveauté qui fit son apparition en ce milieu de siècle. Une centaine d’années plus tard, les avancées scientifiques incitèrent à plus d’hygiène. On découvrit l’importance de la respiration au niveau de la peau et cette connaissance entraîna un changement considérable dans sa perception. La pratique de l’eau, non seulement n’était plus effrayante, mais devenait bénéfique. Les recommandations de se laver les mains, à l’eau et au savon, commencèrent à se répandre. Pour le reste du corps, il
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fallut attendre un peu. L’éternel problème était le parcours difficile pour avoir de l’eau à disposition. Ainsi les lieux de toilette n’allaient-ils s’installer que dans les intérieurs cossus et fortunés, les modestes pouvant fréquenter les bains publics qui faisaient alors leur grand retour.
Eau tueuse ou eau sauveuse Un célèbre chimiste, dont beaucoup ignorent justement qu’il était chimiste, et non médecin, allait jouer un rôle fondamental pour les progrès de l’hygiène : Louis Pasteur. En 1877, il mit fin à la croyance sur la génération spontanée des germes. « Nous buvons 80 % de nos maladies » affirmait-il. Il montra l’existence des microbes et, par conséquent, le fait que certaines maladies étaient évitables par l’hygiène et la propreté. Le lavage n’avait pas pour seul objectif d’enlever l’odeur et la saleté visible, mais aussi de nettoyer l’invisible.
Chasse aux microbes Passant d’un excès à l’autre, on rentra dans une véritable période d’obsession de la contagion, se mettant à compter les bactéries présentes sur le corps. L’eau devint une alliée pour résister à l’invasion. Il était même conseillé de se laver la langue au savon. Mais les bains privés restaient l’affaire de privilégiés. L’eau était rare pour la plupart des gens. Elle devint de mieux en mieux partagée, plus équitablement répartie, grâce à de grands travaux. Des canaux pour l’arrivée et des égouts pour l’évacuation furent progressivement construits. Des conseils d’hygiène furent donnés à la population, tels que le remplacement des bains par des douches, pour
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Café, crème, savon et C ie limiter le contact prolongé avec la peau. Le développement des réseaux d’eau allait rendre possible cette évolution, aboutissant à une distribution domestique. C’est la connaissance des microbes qui permit l’accélération de ces grands travaux urbains, notamment ceux conduits durant la seconde moitié du xixe siècle à Paris. Vers 1900, le lavabo, nouvelle star des salles de bains, fit son apparition, pour ne plus les quitter. Les cuvettes et brocs furent délaissés, pour ne plus hanter que les étals des brocanteurs. L’usage de l’eau va finalement s’installer dans tous les foyers au cours du xxe siècle.
Excès d’eau L’eau s’est peu à peu invitée chez tout le monde, tout d’abord discrètement par la présence de robinets, les lieux d’aisance étant souvent collectifs dans les immeubles, sur des paliers. Elle investit progressivement les salles d’eau, alimentant des douches et des baignoires, puis des WC, pour finalement coloniser nos jardins, sous forme de piscines et même, plus récemment, de spas. L’hygiène est devenue une évidence, une pratique quotidienne, s’accompagnant d’une consommation d’eau colossale. Tant d’années pour réinventer ce que la civilisation romaine avait si superbement créé. Tous ces siècles d’oublis pour finalement retrouver les plaisirs aquatiques, sous toutes leurs formes, avec parfois même un souci de propreté obsédant, un désir d’hygiène exacerbé, conduisant à la chasse aux odeurs, aux bactéries, aux taches…
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IMPOSSIBLE DE SE LAVER SANS FAIRE D’HISTOIRE
Marie cra-cra Marie reste songeuse, sous le flot d’eau chaude lui coulant généreusement sur le visage. Cette abondance d’eau, sous des latitudes dociles, nous fait oublier le bonheur d’ouvrir un robinet et de voir jaillir ce liquide si précieux, si unique. Ce geste, simple et maintes fois répété au cours d’une journée, nous rend amnésiques sur ce qu’ont vécu nos ancêtres, allant chercher l’eau au puits, lorsqu’ils avaient la chance d’en avoir un à proximité, ou de solliciter les services d’un porteur d’eau, pour ceux qui en avaient les moyens. L’usage de l’imparfait est d’ailleurs inexact puisque c’est encore le sort de beaucoup d’êtres humains sur cette Terre où l’accès à l’eau est tellement inéquitable. Marie s’imagine sous une couche de crasse, puante et poilue, les cheveux gras et habités, les ongles noirs, les dents pourries… Le prochain qui lui dit que notre siècle est triste et que tout était mieux autrefois, elle lui jette sa savonnette à la figure !
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QUEL SAVON, ON VA SE FAIRE PASSER ! Aïe ! Marie Curieuse vient de se fêler le coccyx en tombant dans sa baignoire après avoir glissé sur sa savonnette au chèvrefeuille. Toute à sa douleur, elle maudit l’inventeur du savon jusqu’à la dixième génération. La souffrance l’égare car c’est une statue, un mausolée, un temple qu’il faudrait ériger à la mémoire de ce bienfaiteur de l’humanité. Elle se remémore l’évocation du souabou mésopotamien et égyptien et de ces ingénieux Gaulois qui avaient inventé le savon. Mais depuis ?
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Un savant pour un savon Les connaissances en la matière firent un bond en avant grâce à l’apport d’un des personnages les plus importants de l’histoire du savon : le chimiste français Michel-Eugène Chevreul (1786-1889), aussi connu pour son travail sur les colorants. Son étude des corps gras l’amena à comprendre le processus de fabrication d’un savon, qui n’était, jusqu’alors, qu’empirique. On savait qu’il fallait mélanger des matières grasses et ce que l’on nommait, à l’époque, des alcalis, mais ignorait totalement le processus mis en action. Chevreul démontra que le savon est issu de la réaction entre une base – telle que la soude ou la potasse – sur ces graisses, constituées généralement d’esters triples d’acides gras et de glycérol. Ces acides gras sont constitués d’une longue chaîne carbonée portant, au bout, une fonction acide carboxylique. Au moment de la séparation d’avec le glycérol, la fonction acide est immédiatement transformée en sel. Parce que le produit résultant est un savon, cette réaction fut nommée saponification. Cette connaissance lança le début de l’ère industrielle de la fabrication du savon.
Mon beau savon, roi de Marseille Les premiers étaient des sels d’acide gras palmitique (issu de l’huile de palme), stéarique (suif) ou oléique (olive) de sodium, tel que le fameux savon de Marseille, ou de potassium, comme le savon noir. Les savons obtenus avec de la soude sont plus durs que ceux fabriqués avec de la potasse. En cosmétologie, les acides gras ne suivent pas la nomenclature chimique mais sont qualifiés selon leur dénomination commune, celle qui figure dans le dictionnaire INCI
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(International Nomenclature of Cosmetic Ingredients) et qui évoque généralement sa source (mais pas toujours). Ainsi l’acide butyrique provient-il du beurre ; les acides caproïque, caprylique et caprique de la chèvre ; l’acide palmitique de l’huile de palme… En 1831, Edmond Frémy, élève de Louis Gay-Lussac, grand physicien français de la première moitié du xixe siècle, prépara, par action de l’acide sulfurique sur les huiles d’olive et de ricin, des agents tensioactifs se distinguant des savons ordinaires. Toutefois, jusqu’à la Première Guerre mondiale, le savon fut toujours fabriqué par action de bases sur des huiles végétales ou du suif. Un des défauts de ces sels d’acides gras est leur faible stabilité en présence d’eau. Si celle-ci est dure, à cause de la présence d’ions calcium et magnésium, des carboxylates de calcium et de magnésium se forment et précipitent, du fait de leur insolubilité. L’eau se trouble de petites particules blanches qui se déposent, ce qui n’évoque pas vraiment la propreté, et le savon perd de son efficacité, d’où un résultat bien décevant. Au début du xix e siècle, la demande des industries textiles pour des savons plus performants et la crainte de pénurie de matières grasses, importées d’outre-mer, incitèrent les chimistes allemands à se tourner vers des produits de synthèse.
Synthèses et mots complexes Ainsi, en 1917, fut obtenu le premier détergent entièrement synthétique, en combinant l’acide naphtalène sulfonique avec l’isopropanol. Entre les deux guerres, les programmes de recherche s’accélérèrent et l’on vit apparaître de nouveaux types de tensioactifs. Nés d’une recherche allemande, ils prirent
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Café, crème, savon et C ie place dans les années 1930 sur les marchés d’Europe et des États-Unis. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la pénurie des corps gras ne fit qu’accentuer cette tendance, mais ce n’est qu’à partir de 1945 que les détergents synthétiques connurent un développement considérable. Ils étaient fabriqués par sulfonation d’hydrocarbures dérivés du benzène ou d’alcools gras. Les produits obtenus s’appelaient joliment alkyl-benzène-sulfonates de sodium… Leur emploi fut favorisé par d’excellentes caractéristiques : une plus grande efficacité, une sensibilité moindre à la dureté de l’eau car les sulfonates de calcium et de magnésium sont plus solubles dans l’eau que les carboxylates. Ils ne présentaient pas de problèmes de précipitation et pouvaient donc être proposés en solution. Autre avantage considérable, leur prix de revient restait abordable. Pour ces raisons, ils se substituèrent peu à peu aux savons traditionnels, à la fois dans le domaine de l’hygiène corporelle et celui du lavage du linge.
Mort d’un champion Avec le développement de la pétroléochimie dans les années 1950, furent étudiées les réactions faisant intervenir l’éthylène, pouvant conduire à des sulfonates d’alcool, à longues chaînes carbonées. Puis, ce furent les débuts de la chimie des polymères, en particulier ceux formés à partir de l’oxyde d’éthylène. Ces derniers se révélèrent être parfaitement solubles dans l’eau et avoir un bon pouvoir détergent. En associant l’oxyde de propylène, on obtenait des polymères encore plus hydrosolubles. Ainsi le savon traditionnel allait-il perdre peu à peu sa place de champion du décrassage, au profit des gels douche et autres bains moussants.
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Aparté Il peut paraître étonnant que le pétrole permette la fabrication de détergents, son aspect n’étant pas très évocateur, d’autant que l’usage d’un savon est indispensable pour se débarrasser de traces d’essence. Il faut savoir que le pétrole est une matière première extraordinaire. Il est le premier maillon d’une chaîne de synthèse aboutissant à des milliers de molécules différentes intervenant dans des domaines aussi divers que la pharmacie, la cosmétologie, les matières plastique, les teintures, les peintures, les tissus, les matériaux… Quand on pense que l’on brûle depuis des décennies, cette matière fabuleuse pour faire avancer nos véhicules ou pour faire tourner des turbines afin de produire de l’électricité, on peut ressentir légitimement une impression de gâchis ! Mais ceci est une autre histoire…
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Doux sur la peau, dur dans l’oreille Marie a un peu souffert à l’écoute de ces noms biscornus mais se réjouit d’être une femme du xxie siècle. Se frotter avec de l’argile ou de la cendre ne l’enthousiasme pas plus que cela, même si elle reste un peu nostalgique de l’époque des bains collectifs. La collection de savons et gels douche colorés qui décorent sa salle de bains, dégageant des effluves de fleurs ou de fruits, lui semblent plus propices à éveiller les sens, même si les substances inscrites sur le flacon lui paraissent effrayantes, de prime abord. Mais Marie commence à comprendre que derrière un nom compliqué se cache parfois une extraordinaire substance naturelle ou une bienveillante molécule synthétique. Le danger n’est pas dans le nom. En revanche, leur lecture peut constituer un très bon exercice d’orthophonie. Elle n’a toutefois pas compris comment ces molécules bizarres pouvaient décoller le beurre de ses mains ou effacer les traces de chocolat sur son tee-shirt.
Éclaircissement du mystère Les molécules qui constituent un savon sont des sels de sodium ou de potassium d’acides gras : elles sont faites de longues chaînes d’atomes de carbone, auxquels sont accrochés des atomes d’hydrogène, avec, au bout, un groupe comportant des atomes d’oxygène, chargé négativement. Cette extrémité n’aimant pas la solitude, elle fréquente un compagnon positif : un ion potassium ou sodium. Finalement, l’ensemble ressemble un peu à un mille-pattes. Son corps est la chaîne constituée d’atomes de carbone, ses pattes sont les atomes d’hydrogène, sa tête est la partie chargée électriquement.
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Cette tête négative hydrophile est attirée par l’eau, tandis que la queue composée de la chaîne carbonée, électriquement neutre, est hydrophobe : elle rejette l’eau et aime approcher les graisses. Ce pont moléculaire assure la coexistence de deux substances insolubles : la graisse peut rencontrer l’eau et envisager un petit voyage avec elle.
La formule la plus simple se constitue d’une tête polaire et d’une queue hydrophobe mais il existe de multiples variations possibles : plusieurs têtes, plusieurs queues… Quand la chimie concurrence la mythologie…
Briseurs de gouttes Ces molécules particulières constituent ce que les chimistes nomment des tensioactifs, à cause de leur effet sur la tension superficielle des liquides. Les termes surfactifs ou agents de surface sont aussi communément employés. Il s’agit de la tension qui se crée à la frontière entre deux milieux. Par exemple, dans le cas de l’eau et de l’air, elle est responsable de la formation des gouttes. Les molécules d’eau ayant plus d’affinité pour elles-mêmes que pour les molécules de l’air, elles ont tendance à s’accrocher les unes aux autres, adoptant une forme arrondie, pour diminuer la surface de contact.
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La tornade blanche Au cours d’un lavage, les têtes hydrophiles du tensioactif s’associent aux molécules d’eau, affaiblissant les liens entre ces dernières, puisque s’interposant entre elles, comme un intrus qui viendrait casser la ronde organisée par des fillettes. Cela réduit la tension superficielle puisqu’obligeant la dispersion. Ainsi le mouillage et le trempage en sont-ils facilités. Au lieu de rester tournée vers elle-même, égoïstement, l’eau s’étale et accepte le contact avec son voisin. L’effet mouillant permet aussi d’améliorer le contact entre la peau et l’eau. Une goutte d’eau posée sur la peau reste en goutte, alors que de l’eau savonneuse va s’aplatir. Cette capacité tensio-active rend le savon très efficace pour l’élimination de la saleté, car de leur côté, les queues hydrophobes se disposent autour des globules de graisse. La crasse est emprisonnée dans une petite cage de détergent, emportée dans un tourbillon d’eau.
Objectif : dispersion ! Ces composés ont des propriétés diverses : ils peuvent être détergents, mouillants, moussants, émulsionnants, dispersants ou solubilisants. Ils peuvent avoir plusieurs qualités mais pas toutes à la fois, nul n’est parfait. Ils sont présents dans la plupart des dispersions, quelles qu’elles soient, une dispersion étant un milieu dans lequel parviennent à cohabiter des composés qui
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ne peuvent pas se mélanger normalement. Cela peut être des gouttelettes très fines de matières grasses maintenues dans un milieu aqueux : cette dispersion s’appelle alors émulsion (dans les crèmes). Elle peut aussi contenir des particules solides dans un milieu liquide, comme dans un fond de teint : on parle alors de suspension. Les aérosols sont aussi des dispersions (liquide dispersé dans du gaz) de même que les mousses mais avec une inversion de la phase dispersante (gaz dans du liquide). Les premiers sont, par exemple, utilisés pour les laques ou les déodorants tandis que les autres correspondent, comme leur nom l’indique, aux mousses à raser.
Il aime se faire mousser Un tensioactif peut avoir une action moussante. Ce phénomène est dû à la formation d’un film qui emprisonne de l’air donnant naissance à une bulle. Un produit moussant n’a aucune action nettoyante mais plaît beaucoup à l’utilisateur. Un savon ou un shampooing, qui ne mousserait pas, serait boudé par le consommateur, le croyant moins efficace.
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Café, crème, savon et C ie Les tensioactifs entrent dans la composition d’une multitude de produits cosmétiques : shampooings, bains moussants, gels douche, crèmes, laits, crèmes à raser, produits de maquillage, solaires, dentifrices… Il existe plusieurs familles de tensioactifs, en fonction de la charge électrique dont ils sont porteurs.
Dans la famille des tensioactifs, je demande… les anioniques instables et parfois agressifs Les anioniques ont leur partie hydrophile porteuse d’une charge électrique négative. Ils sont la matière naturelle du savon classique : les sels d’acides gras, dérivés d’huiles végétales ou de graisses animales. Outre leurs capacités détergente, mouillante et moussante, ils ont des propriétés antiseptiques, influencées par la nature des acides gras. Ils présentent, cependant, une certaine agressivité envers la peau. Du fait de leur caractère anionique, ils confèrent un pH élevé à la solution dans laquelle ils sont présents, plus élevé que celui de la peau, entraînant des irritations, accrues par la disparition du film lipidique. Les personnes à peau fragile et sèche doivent donc éviter leur utilisation répétée. De plus, si l’eau est très calcaire, ils forment des sels de calcium qui précipitent, laissant des dépôts grisâtres. Les tensioactifs anioniques de synthèse évitent ces inconvénients. Les sels d’acides carboxyliques peuvent être remplacés par des sulfates comportant une longue chaîne lipophile, plus stables à l’hydrolyse et pas basiques, comme le lauryl sulfate de sodium, qui fut très employé, mais considéré aujourd’hui comme trop décapant, remplacé par le lauryl éther sulfate de sodium.
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On rencontre aussi souvent dans les formulations l’oléfine sulfonate de sodium, ainsi que des anioniques très doux : les alkyl sulfo-succinates ou acétates de sodium. Plus récemment, ont été introduits des lipoaminoacides et des lipo-oligopeptides, qui dérivent de certains acides aminés. Ils sont particulièrement biocompatibles avec la peau et les cheveux. Ces tensioactifs de synthèse sont présents dans les syndets (détergents synthétiques ; en anglais, synthetic detergents = syndets), tels que les pains dermatologiques ou les « savons liquides ». Concernant les premiers, des plastifiants, des stabilisateurs de mousse ou des actifs peuvent être ajoutés (antiseptiques, surgraissants…). Leur usage est justifié lorsque les savons classiques sont mal supportés. Les gels douche contiennent des tensioactifs anioniques auxquels se joignent des épaississants, des surgraissants, des colorants, des parfums… Ils sont très doux et conviennent aux peaux fragiles et sèches.
… les cationiques coûteux et faiblards Les cationiques, chargés positivement, sont essentiellement représentés par les sels d’ammonium. La tête hydrophile comporte un atome d’azote porteur d’une charge positive. Ils présentent l’inconvénient de provoquer des précipitations de particules solides. Ils ont un pouvoir détergent plutôt faible et leur production est assez onéreuse. De plus, ils sont assez irritants pour la peau et les yeux. Cela fait beaucoup d’obstacles. Ils doivent donc être transformés pour aboutir à des produits plus tolérables. Ceux qui dérivent de la lanoline sont moins irritants. Ils présentent l’intérêt d’avoir des propriétés
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Café, crème, savon et C ie antiseptiques, aussi sont-ils utilisés comme savons médicaux. Les anioniques et les cationiques sont incompatibles. En cas de mélange, ils forment un gros assemblage insoluble dans l’eau et dans l’huile.
… les indécis, plein de douceurs Ceux qui répondent au doux qualificatif de zwitterioniques n’ont pas réussi à choisir : ils sont porteurs à la fois d’une charge négative et d’une charge positive, dans une seule et même espèce chimique. En allemand, zwitter signifie « entre ». Entre deux charges, leurs cœurs balancent. Ils sont cationiques en milieu acide, anioniques en milieu basique, les deux dans un milieu intermédiaire. On les nomme aussi amphotères. Ils sont ainsi analogues aux phospholipides naturels. Ils présentent l’avantage de n’être pas irritants et sont peu agressifs. Les plus utilisés sont des dérivés d’acides aminés naturels. Ils entrent dans différentes formulations, en association avec d’autres tensioactifs, si le pH du milieu est compris entre 5 et 8.
… et enfin les neutres, non agressifs La dernière catégorie renferme les tensioactifs qui ne sont ni l’un, ni l’autre. Il s’agit des dérivés non ioniques, qui ne portent pas de charge électrique, mais qui résultent de la condensation de l’oxyde d’éthylène sur des acides ou des alcools gras : les tensioactifs polyéthoxylés, introduits dans les années 1950 avec le développement de la chimie de l’éthylène et ses dérivés. Ce joli qualificatif signifie qu’ils sont constitués d’une longue chaîne carbonée comportant quelques atomes d’oxygène, acteurs responsables de l’attirance de la molécule pour l’eau. Ils présentent une bonne
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solubilité et sont performants à faible concentration. Bien tolérés et peu irritants, leurs molécules sont suffisamment grosses pour ne pas franchir la membrane cellulaire. Petit bémol : ils moussent peu et sont sensibles à la température. Dans cette même famille, de nouveaux composés ont fait leur apparition : des dérivés de glucosides et de polyols (esters de sorbitan) qui ont l’avantage de ne présenter aucun risque biologique, des éthers d’alcools glycérolés… Les tensioactifs constitués de polymères sont particulièrement intéressants car leur grande masse moléculaire empêche leur pénétration dans la peau et assure donc leur innocuité. Ils peuvent être utilisés seuls ou en association avec d’autres tensioactifs car ils sont parfaitement compatibles avec tous les types.
Du lait pour un teint de pêche Certaines délaissent les savons et gels douche pour leur préférer les laits de toilette, plus doux à leurs yeux, mais surtout pour leur peau. Ces laits renferment une émulsion huile dans eau, dans laquelle les corps gras sont présents en plus grande quantité. Les tensioactifs non ioniques employés sont peu agressifs, non moussants et n’ont pas besoin d’être rincés mais simplement essuyés. Ils sont particulièrement adaptés aux peaux très sensibles ou très sèches mais peu recommandés pour les peaux grasses.
Une fin de chapitre tirée par les cheveux Pour les cheveux, le shampooing doit remplir plusieurs fonctions. Il doit nettoyer évidemment, cela constitue son premier rôle, mais pas seulement. Il doit en même temps déposer un film qui va assurer souplesse, brillance et protection
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Café, crème, savon et C ie du cheveu, faciliter le démêlage, donner du volume. Il doit permettre au cheveu de supporter des épreuves telles que le brushing, le lissage, le bouclage... Ce cahier des charges est assuré par tout un cocktail de polymères. Parmi eux, se trouvent toujours des tensioactifs, auxquels s’ajoutent des additifs destinés à traiter un problème particulier (cheveux gras, secs, plats, avec pellicules…), des conservateurs pour permettre un stockage durable du produit, des épaississants afin que l’émulsion ne soit pas trop liquide pour faciliter l’application : le shampooing doit pouvoir aller de la main à la tête sans se perdre en route. Comme l’utilisateur a l’impression que son produit est plus efficace s’il génère une mousse abondante, il faut souvent rajouter des composés qui vont remplir cette fonction. Il contient également des surgraissants, car après avoir dégraissé le cheveu pour le nettoyer, il faut souvent redéposer un film gras lors du rinçage, pour éviter de trop le dessécher. Dans ce mélange, on trouve aussi des séquestrants, pour piéger certains sels qui rendraient le cheveu terne en se redéposant dessus, des parfums pour le plaisir de l’utilisateur, des colorants en phase avec l’odeur et l’idée véhiculée... Que d’objectifs enfermés dans un flacon ! Il est bien loin le temps des Gaulois lavant leur précieuse chevelure avec de la cendre. Marie comprend mieux pourquoi la liste est si longue, quoique cela puisse paraître un rien vexant qu’il faille autant de constituants pour mettre en valeur sa somptueuse chevelure. En tout cas, elle apprécie de pouvoir mieux décrypter les étiquettes et ne s’arrachera plus les cheveux pour comprendre comment les rendre plus beaux !
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3 Une crème de jour est-elle une potion magique ?
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Désormais toute propre et sentant bon le savon, Marie Curieuse observe avec attention le reflet de son visage dans le miroir. Comme lui, elle réfléchit. Certes, sa peau est débarrassée de toute saleté, ses pores sont débouchés, sa couche cornée est délestée des dernières cellules mortes qui l’encombraient, mais elle a la sensation désagréable que son enveloppe cutanée est moins souple, moins élastique ; elle tiraille et la moindre petite ridule semble avoir pris de la profondeur. Horreur ! 97
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Peau de pêche pour ma pomme Heureusement que l’armoire de toilette de Marie regorge de crèmes en tous genres, pour redonner à sa peau si douce plus de souplesse. Elles vont regonfler son épiderme, afin d’atténuer ces ombres incongrues sur son beau minois. Quelle femme peut, aujourd’hui, se passer de crèmes hydratantes ? Comment résister à l’appel de ces onguents miracles et leurs promesses de transformer nos vieux épidermes en peaux de bébé ?
Crème vitale contre carte Vitale Depuis qu’ils existent, le cinéma, la télévision et la presse féminine incitent à utiliser des cosmétiques. Les images de rêve de visages aux traits lisses, à la peau parfaite, sans défauts, au teint éclatant, aux formes parfaitement symétriques, poussent les femmes vers un objectif de perfection irréel. Aucune crème ne pourra jamais concurrencer l’œil indulgent d’une caméra, dans les faisceaux de projecteurs judicieusement placés, ni les retouches photos de logiciels. L’image que nous renvoie la société de l’importance d’être une femme, éternellement belle et jeune, ainsi que le matraquage publicitaire dont nous sommes victimes, nous laissent croire que ces produits sont indispensables à notre bien-être, notre santé mais aussi notre vie professionnelle et privée.
De l’extrait de vache, parce que je le vaux bien Pour nous en convaincre, les industriels de la cosmétologie n’hésitent plus, sous couvert de résultats d’essais en laboratoire, et, en utilisant des termes scientifiques
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incompréhensibles pour la majeure partie des acheteurs, à accorder à leurs produits des propriétés souvent disproportionnées, au regard de leur efficacité réelle. Marie n’aime pas se sentir bernée et déteste ce sentiment d’impuissance lié à l’ignorance. Elle a besoin de savoir si sa crème hydratante vaut le prix qu’elle y met. Est-ce que toutes ces molécules miracles, que les industriels n’hésitent plus à écrire en gros sur leurs emballages, et dont ils font même leurs arguments de vente, sont des attrapes-gogo, ou justifient-elles les coûts exorbitants des produits dans lesquels elles sont incorporées ? Quelles sont les molécules qui ont un effet et sur quels récepteurs agissent-elles ? L’apport scientifique est-il illusoire, purement commercial, ou bien réel ?
Folles de l’huile Ce besoin de s’appliquer toutes sortes de substances sur la peau ne date pas d’aujourd’hui, bien évidemment. L’aspiration à la beauté est intemporelle. De tout temps à jamais, toutes les matières possibles ont été testées, du monde végétal à l’animal, en passant par le minéral. C’est fou tout ce qu’on a pu se mettre sur la peau ! Déjà, vers 3 000 av. J.-C., les femmes égyptiennes utilisaient des pots d’onguents parfumés, à base d’huiles végétales telles que l’huile de palme, d’olive ou de noix, mélangées à des herbes aromatiques, pour protéger la peau du vieillissement et de la déshydratation causés par le soleil. Dans la Grèce antique, il était courant de s’enduire d’huiles parfumées, réalisées en puisant dans les plantes mais aussi les minéraux, en fonction du soin désiré ou de l’embellissement attendu. La crème de beauté la plus utilisée par les Grecques était constituée d’une émulsion à base d’huile d’olive, de cire d’abeille et d’eau de rose, tandis que
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Café, crème, savon et C ie les Romaines se confectionnaient des masques avec de la mie de pain trempée dans du lait. Sur tous les continents, les matières premières de base se trouvaient dans l’environnement immédiat. Les peuples vivant de la chasse ou de l’élevage s’appliquaient des graisses animales (phoque, ours, bison, bœuf, mouton) ou élaboraient des produits à base de lait. Le lait d’ânesse a ainsi traversé les âges et continue à être utilisé de nos jours. Les fruits et les légumes ont également été source d’inspiration depuis des temps très anciens.
Eau de chair… fraîche ? Au xviie siècle, dans son traité de Chymie charitable et facile, une femme nommée Marie Meurdrac, curieuse et érudite, fait un bilan très complet des connaissances de chimie de son époque, à l’usage des femmes, plus particulièrement les recettes de cosmétiques de l’époque. On peut y lire le protocole pour préparer des eaux composées pour conserver et embellir le visage. La liste des ingrédients est assez surprenante, associant des plantes, des animaux, des minéraux, dans des préparations peu séduisantes pour les belles d’aujourd’hui. Dans l’une d’entre elles, nommée de façon évocatrice eau de chair, sont cités des pieds et de la
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rouelle de veau, un poulet écorché vif et quatre petits chiens nés d’un jour ou deux… Si elle était actuellement commercialisée, il est peu probable qu’elle trouverait une clientèle. Autre particularité de l’époque, le bronzage n’étant pas encore à la mode, on y découvre une eau qui lève le hâle. Plus sympathique que la précédente, elle est à base de plantes telles que le plantain, le nénuphar, le pourpier, la laitue, les roses et les fraises. Dans la même gamme, Marie Meurdrac propose également une eau pour blanchir le teint : « Prenez un chapon, bien gras, duquel vous ôterez la peau, la tête, les pieds, et tout ce qui sera dans son corps : coupez-le par morceaux, et le mettez dans une cucurbite, avec un fromage de crème douce, le blanc et coques de six œufs frais, deux dragmes de céruse, une once de borax, et un demi setier d’esprit de vin ; puis distillez au bain-marie. Il faut mettre de cette eau pour embellir, et se nourrir la peau, et se donner de garde du grand air. » La cucurbite est la chaudière de l’alambic, dans lequel on procède à la distillation. L’once est une ancienne mesure de masse représentant 30,5 grammes, un seizième d’une livre de l’époque, de même que le dragme, correspondant à la huitième partie d’une once, soit 3,8 grammes environ. Dans d’autres recettes, Marie Meurdrac évoque la nécessité d’utiliser « l’urine d’une jeune personne qui ne boive que du vin », ce qui serait peut-être plus difficile à trouver de nos jours.
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Café, crème, savon et C ie Dans ce recueil, Marie Meurdrac présente des recettes de pâtes et pommades pour le visage ou les mains, des teintures, mais aussi des tisanes pour engraisser. Décidément, les désirs de peaux blanches et de rondeurs sont bien loin de nos aspirations d’aujourd’hui. Inutile de vous donner la recette, elle n’intéressera personne. Tout de même, que n’étaient pas prêtes à faire ces contemporaines de Marie Meurdrac pour paraître plus belles ! Si le désir de blancheur et de rondeurs a évolué, il est en revanche un point sur lequel les périodes convergent, un souci esthétique qui turlupinait déjà les belles du xviie siècle : les rides.
Pommade contre les rides du visage
« Prenez six œufs frais, et les faites durcir ; ôtez-en les jaunes, et mettez en leur place de la Myrrhe, et du sucre candi en poudre, partie égale : rejoignez les œufs et les exposez sur une assiette devant le feu : il en sortira une liqueur que vous incorporerez avec une once de graisse de porc. Il faut s’en mettre le matin, et la laisser sécher, et puis s’essuyer. » Pour celles qui meurent d’envie d’essayer, il est bon de préciser que la myrrhe est une résine odorante, produite par l’arbre à myrrhe Commiphora myrrha qui pousse dans les régions sèches du nord-est de l’Afrique et sur la péninsule arabique. En cherchant bien, ça doit pouvoir se trouver…
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Science et beauté La cosmétologie prend son envol au xxe siècle, de façon concomitante à l’évolution des connaissances en chimie et en biologie, dont elle est une cousine directe. Son entrée dans le quotidien des femmes débute avec la création de nombreux parfums. Les crèmes évoluent, des recettes maison vers des émulsions plus sophistiquées, les fards se démocratisent. Les crèmes solaires font leur apparition en même temps que les corps se dénudent, tandis que le dentifrice et le vernis à ongles arrivent sur les tables de toilette. La science cosmétologique est née. Ses produits sont de plus en plus spécifiques, destinés à certaines parties du corps ou du visage, et font intervenir des domaines scientifiques différents. Parmi les progrès accomplis par les scientifiques tout au long du xx e siècle, les avancées en matière d’analyse vont être essentielles pour la cosmétologie car les nouvelles techniques instrumentales permettent de percer les secrets de la matière vivante et sa structure. Mieux connaître la peau aboutit à un travail plus précis sur la nature des produits cibles à appliquer. De plus, l’amélioration de l’identification des substances actives et de leur purification constitue une étape importante.
Sur ma peau, sur ma paupière, mais pas plus loin Qu’attend-on de toutes ces crèmes, huiles, laits, que l’on s’applique plus ou moins raisonnablement sur la peau ? Ils ne sont pas seulement destinés à la décoration, mais aussi au soin, à la prévention et à la réparation,
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Café, crème, savon et C ie tout en présentant des garanties d’innocuité. Les mises en garde sont toutefois fréquentes sur les possibilités de réactions allergiques.
Acide hyaluro…? Alpha hydro…? Polyiso…? Kezaco… ? Concernant la composition de ces indispensables, l’absence de lisibilité des ingrédients ne permet pas au consommateur un achat réfléchi. Ce n’est pas Marie qui me contredira (Curieuse, pas Meurdrac, qui est retournée dans son époque). Non seulement c’est écrit en tout petit, mais les noms sont incompréhensibles. On dirait un catalogue sorti tout droit de chez le professeur Nimbus. L’utilisateur est forcément la proie du marketing publicitaire, victime naïve de slogans utopiques, admirateur béat et envieux de la beauté de stars vantant les mérites de crèmes comparables à des potions magiques, crèmes qu’elles n’utilisent probablement pas. Ah, si seulement Marie était tombée dedans quand elle était petite !
Vecteur de rêve La recherche en cosmétologie nécessite une grande connaissance de la biologie de la peau, pour identifier la cible concernée et savoir fabriquer le principe actif qui devra l’atteindre. Il s’agit alors de choisir le bon vecteur, le transporteur qui amène l’acteur au receveur, sous forme
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d’émulsion, de cire, de micelles, véhiculé par des liposomes, enfermé dans des argiles… Cet aspect est essentiel pour l’efficacité du produit : trouver le moyen d’amener la molécule active à l’endroit où elle devra agir.
Élastique et fantastique ! Arrêtons-nous un instant sur la constitution de cette fameuse peau. Celle de Marie est douce et fine, d’une teinte très claire, au point d’en paraître transparente, laissant deviner ses vaisseaux sanguins, tandis que sa jeunesse lui conserve un aspect lisse. Celle de son voisin, charpentier, est plus rugueuse et épaisse ; l’exposition au soleil l’a brunie et opacifiée. Ses quelques années supplémentaires lui valent le privilège de quelques rides profondes. L’aspect de la peau change d’un individu à l’autre, marqué par son patrimoine génétique et son environnement. Mais pour chacun, il s’agit d’un organe couvrant une surface de 2 mètres carrés et pesant environ 4 kilogrammes, alors que son épaisseur ne dépasse pas les 5 millimètres. La peau est élastique, heureusement pour la future maman qui voit son ventre s’arrondir et sa peau s’étirer sous la poussée de bébé. Elle est aussi imperméable, propriété importante sur laquelle nous reviendrons.
Quel pot d’avoir une peau ! Ses rôles sont multiples. Elle nous protège des rayons UV émis par le soleil et nous évite l’intrusion d’agents microbiens extérieurs. Elle retient l’eau à l’intérieur du
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Café, crème, savon et C ie corps (ouf, pas de fuites !) ou au contraire permet son élimination. Elle assure la thermorégulation, nous évitant une surchauffe interne (sauf pour la personne qui caresse une jolie peau, lui donnant un coup de chaud !). Grâce à elle, sous l’action de la lumière du soleil, nous fabriquons de la vitamine D, indispensable à la fixation du calcium dans les os. Organe du toucher, elle transmet les informations sensorielles à notre cerveau, telles que le chaud, le froid, la douleur, l’humide, mais aussi l’identification des surfaces, l’aspérité et tout ce que vous pouvez imaginer... En cas de choc, elle se comporte comme un amortisseur. Elle produit du sébum qui assouplit sa surface et l’imperméabilise. La peau est l’un des organes les plus importants du corps humain. Une personne, brûlée sur 80 % de sa surface corporelle, ne peut survivre, bien que le reste de son organisme fonctionne. Cette réalité est due au rôle protecteur de la peau, formant une barrière contre les agressions extérieures et faisant obstacle à la perte d’eau de l’organisme.
Elle est pas belle ma couche cornée ?! La peau est constituée de plusieurs niveaux. La partie la plus externe est la couche cornée. D’elle, dépendra l’apparence de la peau, donc sa beauté. Elle est constituée des cellules mortes qui ont migré vers l’extérieur et assure l’hydratation de l’épiderme, situé juste en dessous. L’eau y est retenue par des corps gras qui proviennent du sébum. Son rôle esthétique est primordial, puisque sa capacité à maintenir le taux d’hydratation détermine l’apparence et la douceur de la peau.
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Des réactions épidermiques Sous la couche cornée, l’épiderme est formé de la superposition de cellules en perpétuel renouvellement. Il assure l’imperméabilité de la peau et sa résistance. Il n’a pas seulement une fonction de barrière mécanique protégeant des agressions extérieures, mais aussi biologique et immunologique : si un agent extérieur réussit à passer la couche cornée, des cellules particulières de l’épiderme vont reconnaître l’intrus et déclencher une réaction du système immunitaire. L’épiderme est constitué d’une dizaine de couches de cellules, nommées kératinocytes, qui fabriquent les kératines, protéines fi breuses présentes non seulement dans la peau, mais aussi dans les cheveux et les ongles. Ces longues molécules assurent imperméabilité et protection. Les kératinocytes se renouvellent toutes les quatre semaines. Dans cette construction stratifiée, les cellules migrent depuis la frontière avec le derme (dessous l’épiderme) jusqu’à la surface puis meurent et s’éliminent, au niveau de la couche cornée. Ainsi vous faites peau neuve ! On y trouve aussi des mélanocytes, cellules du système pigmentaire. Elles synthétisent un pigment brun appelé mélanine, à l’origine de la couleur de la peau. La mélanine protège les noyaux des cellules de l’épiderme des effets néfastes des UV. Le bronzage est donc un mécanisme de protection naturelle de la peau.
Des fibres, des glandes et des vaisseaux Le derme a un rôle de charpente. Consistant en une couche plus épaisse et centrale, il assure la cohésion et la nutrition de la peau. Il contient les vaisseaux sanguins, les follicules pileux, les fibres de collagène et d’élastine, les
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Café, crème, savon et C ie glandes sudorales et sébacées, les récepteurs du toucher et de la détection de température. Les fibres d’élastine et de collagène assurent la solidité de l’ensemble.
C’est un GAG ? Les molécules de collagène sont torsadées et assemblées par trois grâce à des liaisons particulières, qui ne sont pas des liens fixes, mais des systèmes légers d’accrochages, ayant un rôle essentiel dans la géométrie adoptée par les molécules : les liaisons hydrogène. Elles sont ainsi nommées car elles font intervenir certains des atomes d’hydrogène qui entrent dans leur constitution. Les fibres d’élastine assurent aussi, comme leur nom l’indique, l’élasticité de la peau. Elles sont entrelacées avec les fibres de collagène et constituent avec elles un réseau tridimensionnel. Leur dégradation est à l’origine de l’apparition des rides. Elles sont noyées dans un substrat, imprégné d’eau, dans lequel baignent les vaisseaux, les glandes et les cellules énoncées plus haut. Cette réserve d’eau permet de conserver la tonicité et l’élasticité de la peau. Cette fonction est notamment remplie par les protéoglycanes, nom poétique pour les uns et effrayant pour d’autres, qui désigne de longues protéines sur lesquelles sont accrochées des chaînes assimilables à des sucres : les glycosaminoglycanes (GAG en abrégé). La nature et la quantité de GAG évolue avec l’âge. Leur taux diminue au cours de la vie, ce qui entraîne l’amincissement de la peau et sa déshydratation. Le plus célèbre d’entre eux est l’acide hyaluronique. D’autres molécules jouent un rôle important dans la conservation de l’eau intradermique : les dermatanes et les chondroïtines sulfates. Dites-le à voix haute, vous verrez, c’est très beau. Les noms scientifiques sont comme
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une langue étrangère qui vous mène dans des contrées lointaines, étranges, pleines de surprises. Il ne faut pas être rebuté mais accepter leur complexité apparente, sans y attacher trop d’importance. Il est difficile d’évoquer ces molécules sans les nommer, elles se vexeraient…
Un point noir : le comédon Au niveau des follicules pileux, les glandes sébacées sécrètent le sébum, substance graisseuse. Il traverse l’épiderme le long du poil, s’étale à la surface de la peau et gaine les poils ou les cheveux par capillarité. Cette action s’accompagne malheureusement parfois de la formation de comédons, petits sacs de sébum qui bouchent les pores de la peau, faisant apparaître les fameux points noirs, où les bactéries peuvent proliférer. Ah, souvenir nostalgique de cette époque adolescente, où les boutons fleurissent sur un nez déjà trop gros ou sur des joues difficiles à cacher derrière un rideau de cheveux ! Pour contrer ces irruptions souvent traumatisantes, à un âge où l’on n’est pas toujours bien dans sa peau justement, et on comprend pourquoi, vu l’état de la peau, le cosmétique aura pour objectif de détruire les bactéries et de faciliter l’évacuation des matières graisseuses.
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Ça fait suer ces odeurs de transpiration ! La sécrétion de sueur s’opère très profondément dans le derme, au contact de terminaisons nerveuses, ce qui explique en partie le lien étroit entre sudation et stress. La sueur s’élimine par de petits canaux qui traversent le derme et l’épiderme et, en surface, au niveau de pores microscopiques. Au contact de l’air, les molécules produites s’oxydent et se transforment en substances malodorantes. Pour contrer ce phénomène, désagréable pour certains, les déodorants agissent en détruisant, par réaction chimique, les composés responsables de l’odeur. Ils n’empêchent pas la formation de transpiration, mais luttent seulement contre l’odeur. Le blocage de la sudation se fait en amont des pores : c’est l’action menée par les anti-transpirants contenant des sels d’aluminium.
Les réserves pour l’hiver Encore plus profondément se trouve l’hypoderme, constitué de tissus graisseux. À ce niveau se trouvent des amas de cellules, appelées adipocytes, qui stockent facilement la graisse. Cette dernière couche est un très bon isolant thermique et constitue un réservoir énergétique. C’est notre « matelas protecteur ». Évidemment, si le matelas est trop épais, cela peut poser un problème pour l’esthétique du corps dénudé, laissant apparaître quelques bourrelets disgracieux. Cette couche de gras est aussi un bon indicateur pour la présence de cholestérol dans le sang. Aussi mesure-t-on son épaisseur au niveau de la taille, pour estimer le risque de maladies cardio-vasculaires. Marie échangerait bien le futon de ses hanches contre un tapis de gym…
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UNE PEAU FRIPÉE Marie l’a dans la peau Marie Curieuse se sent toute bizarre maintenant qu’elle sait ce qu’elle a dans la peau. Mais pourquoi a-t-elle aujourd’hui cette mine flétrie ?
Une eau vagabonde L’eau est le constituant principal du corps humain. Elle représente 75 % de sa masse totale. La peau est alimentée en eau par le sang. Elle migre des vaisseaux sanguins vers le derme, car la pression est plus élevée dans les premiers que dans le second. Une partie de cette eau alimente les cellules, une autre se lie aux fameux GAG dans le substrat extracellulaire et une dernière reste libre. Tout l’enjeu est de conserver cette eau, à 37 °C, à moins d’un millimètre de la surface, alors que tout l’invite au voyage : l’atmosphère gazeuse à sa surface, la température extérieure variable et le taux d’humidité fluctuant. Pour se rendre compte de cette difficulté, il suffit de laisser une coupelle contenant une fine pellicule d’eau à l’air libre : l’eau va s’évaporer, d’autant plus rapidement qu’il fera chaud et sec.
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Café, crème, savon et C ie L’élimination de l’eau du corps s’opère selon deux processus : la perspiration et la transpiration. La première consiste en une émission d’eau s’évaporant dès la surface, lente et permanente, se produisant quelles que soient les conditions. Il s’agit d’un phénomène normal de déshydratation, au cours duquel un individu perd environ 500 millilitres par jour. La seconde est une production d’eau liquide due à l’action des glandes sudoripares, se situant à la frontière entre le derme et l’hypoderme. Elles sont présentes partout sur le corps, mais sont plus abondantes aux aisselles, et dans les régions où la peau est plus épaisse, telles que les pieds et les paumes de la main. La sudation est plus importante lorsqu’il fait chaud, car la chaleur active la circulation sanguine, ou sous le coup d’une émotion, car la sécrétion de sueur s’opère très profondément dans le derme, au contact de terminaisons nerveuses. La quantité d’eau ainsi éliminée est évidemment variable selon les circonstances et l’individu.
Le liquide produit s’évapore ensuite à la surface de la peau. Cette transformation consomme de l’énergie, prise à l’organisme, ce qui entraîne un refroidissement. Ainsi, lorsque vous sortez du bain, vous avez moins froid une
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fois séché que tant que vous êtes mouillé. Cette sensation est due à la vaporisation de l’eau, qui vous prend de la chaleur, afin de passer à l’état gazeux. De même en été, le ventilateur ne produit pas de froid mais génère du vent qui accélère l’évaporation de l’eau de votre corps et vous procure ainsi une sensation de fraîcheur. À utiliser avec modération pour les personnes en risque de déshydratation.
Un imperméable sur mesure L’organisme doit lutter en permanence contre cette déshydratation. L’eau seule n’hydrate pas la peau car le film hydrolipidique l’empêche de passer. Si ce n’était pas le cas, nous gonflerions dans la baignoire, envahis intérieurement par l’eau du bain, ou fuirions, notre eau intérieure dégoulinant le long de notre corps. En résumé, nous pouvons considérer que, grâce à notre peau, nous sommes étanches. Il suffit d’observer qu’une goutte d’eau, posée sur la peau, ne s’étale pas et ne disparaît pas, pour comprendre que la peau est imperméable. L’eau nécessite donc des agents de transport pour forcer le passage.
Des GAG à gogo pour être belle Nous avons vu que l’eau se situe dans le derme, associée à des substances appelées protéoglycanes. Rappelons qu’elles ne désignent pas de nouveaux ecclésiastiques, ni d’adeptes d’une secte, mais des protéines associées à des glycanes, c’est-à-dire de grosses molécules constituées par accrochage d’oses ou leurs dérivés, ayant un rôle fondamental pour notre beauté. Ces composés hydrophiles sont constitués d’une longue chaîne moléculaire dans laquelle un même
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Café, crème, savon et C ie motif se répète (un GAG), liée à une protéine. Leur rôle est essentiel dans le maintien de l’hydratation. Cette capacité est due à leur structure, comportant des fonctions capables de créer des liens avec les molécules d’eau. L’ensemble constitue le gel dans lequel se trouvent les fibres de protéines, qui assurent les propriétés mécaniques de la peau.
Ô eau, ne me quitte pas ! Au cours du processus de perspiration, l’eau migre du derme vers l’extérieur, en passant par l’épiderme, puis la couche cornée. Elle s’évapore ensuite plus ou moins facilement, selon le taux d’humidité ambiant et la capacité de la couche cornée à freiner son départ. Les produits « hydratants » qui vont maintenir un bon degré d’hydratation agissent selon des processus variables et sont donc de natures très diverses. Réguler l’hydratation peut consister à fixer l’eau dans la couche cornée, à l’aide de substances hygroscopiques, pour l’empêcher de migrer ou bien créer un film hydrophile (littéralement qui aime l’eau) en surface de la couche cornée, ou encore améliorer l’imperméabilité de celle-ci par des films hydrophobes (qui fuient l’eau).
Des agents de la circulation… de l’eau Dans le premier cas, des substances hygroscopiques ralentissent l’évaporation de l’eau. Celle-ci reste alors plus longtemps dans la couche cornée. Parmi les composés jouant ce rôle, le glycérol est un des plus anciens. Il est connu pour améliorer l’élasticité de la peau et sa souplesse. Étalé à la surface, il pénètre dans la couche cornée, s’associe aux molécules d’eau présentes et réduit leur vitesse d’évaporation. L’amélioration de l’aspect de
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la peau est très nette, notamment en ce qui concerne sa douceur. Du fait de sa solubilité dans l’eau, il est incorporé dans la phase aqueuse des émulsions, mais en faible quantité (moins de 10 %) pour éviter de rendre le produit final trop collant. Étant très volatil, il a une fâcheuse tendance à s’évaporer et limite, de fait, la durée de vie du produit. Un autre agent hygroscopique intéressant est le sorbitol. Il agit de façon similaire au glycérol, en diminuant la vitesse d’évaporation de l’eau, mais présente l’avantage d’être moins volatil. Dans une autre catégorie, l’acide lactique et ses sels (les lactates) peuvent aussi être employés. Leur tendance à se lier à l’eau améliore l’élasticité de la peau. De plus, ils peuvent modifier la structure des protéines, aboutissant notamment à une kératine moins rigide. Du fait de sa nature, l’acide lactique provoque une acidification du milieu, parfois incompatible avec les autres constituants. Il est possible de l’associer à de l’urée pour une meilleure stabilité de l’ensemble. Dans la continuité de l’acide lactique, d’autres acides ont été testés, tels que les alphahydroxydes acides (AHA), autrement nommés acides de fruits, ce qui est tout de suite plus sympathique. Ils sont peu hygroscopiques mais ont des effets plastifiants. On peut aussi citer les acides aminés qui ont un pouvoir de fixation de l’eau, ou encore les sucres, qui ont aussi cette capacité à maintenir l’eau dans la couche cornée.
Un film pour garder l’eau et ce n’est pas du cinéma ! Une autre catégorie de produits améliorant l’hydratation de la peau est celle des filmogènes hydrophiles. Les plus appropriés sont ceux naturellement présents dans
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Café, crème, savon et C ie la peau : l’acide hyaluronique et le collagène. Le premier a une très grande capacité d’hydratation : il peut absorber plusieurs centaines de fois son poids en eau. Il forme alors un gel, aux excellentes propriétés d’élasticité et de viscosité. Il est introduit dans les préparations sous forme de sel : le hyaluronate de sodium. L’inconvénient de ce produit est qu’il est difficile à isoler : il est extrait de la crête de coq et des cordons ombilicaux. Pour apaiser les âmes sensibles, sachez que les Japonais ont mis au point une technique de synthèse « naturelle », faisant travailler des bactéries sur des sucres.
Placenta humain et peau de poisson Le collagène appartient à une famille de protéines très abondantes du monde animal. Il tient un rôle important dans la constitution de la peau. Son approvisionnement est d’origine animale : il est extrait de la peau de jeunes veaux, de poissons, ou de placenta humain. Marie commence à se demander si elle ne va pas se contenter d’huile d’olive et tant pis pour l’odeur ! En tout cas, elle sait maintenant pourquoi sa voisine est une véritable peau de vache. Elle a abusé de collagène d’origine bovine ! La première source est peu à peu abandonnée, car depuis l’épidémie de la vache folle (tiens, on parle encore de sa voisine !), les dérivés bovins n’ont pas bonne réputation.
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Depuis quelques années, avec la diminution du temps de préparation des repas, les filets de poisson sont devenus très à la mode, ce qui génère beaucoup de déchets de peaux dont on ne sait que faire. L’emploi du collagène en cosmétologie leur permet de trouver là un débouché intéressant. « Et si je me faisais directement des masques avec des sardines ? », se demande cette incorrigible Marie. Ce serait probablement plus économique. Pas sûr que ce soit mieux que l’huile d’olive, côté odeur… Le collagène a bien des atouts : il présente des propriétés hydratantes et un effet tenseur ; il améliore l’aspect de la peau en lui donnant brillance et douceur. Il agit également sur le développement cellulaire. Il est utilisé en médecine pour améliorer la cicatrisation des brûlures, sachant qu’il est bien toléré par l’organisme et qu’il est biodégradable. En injection sous-cutanée, il peut combler les rides et atténuer les cicatrices.
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Désormais, vous allez aimer les araignées Un dernier produit très en vogue est le chitosane. Cette molécule est rare dans la nature, puisqu’on la trouve uniquement chez certains champignons et insectes. Elle peut toutefois être obtenue à partir de la chitine, qui est plus abondante. Cette dernière se trouve chez de nombreux invertébrés (arachnides, insectes, crustacés), étant l’un des constituants de l’exosquelette. Le zooplancton est également une source importante de chitine. La molécule de chitine fut tout d’abord découverte à partir de champignons. Elle fut par la suite isolée de l’aile d’un insecte. Cette substance forme un ensemble de fibres, ressemblant un peu à de la cellulose. Sa structure est similaire à celle d’un glycanne. Le chitosane est de la chitine qui a subi une transformation. Il a des propriétés différentes, plus intéressantes pour la cosmétologie. Comme pour les peaux de poissons, qui ont trouvé un débouché intéressant dans la production de collagène, les déchets de crustacés, tels que les carapaces de crevettes et de crabes, sont devenus une source de chitosane. Celui-ci trouve de nombreuses applications pour les cheveux, la peau ou les dents. Il est intéressant dans l’incorporation des crèmes pour ses effets filmogène, humectant et émollient. Il a une capacité à fixer l’eau encore meilleure que celle de l’acide hyaluronique, au point qu’il serait, selon certains spécialistes, son futur remplaçant.
La graisse sur la peau, pas dessous Glissons sur la technique la plus ancienne pour freiner l’évaporation de l’eau, qui consiste à déposer tout simplement des substances hydrophobes telles que des corps gras (vaseline, huiles, paraffine, cires…). Leur usage
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remonte à la nuit des temps, mais leur caractère occlusif et le toucher collant qu’ils confèrent à la peau expliquent qu’on les utilise rarement seuls. Ils sont toutefois très présents dans les crèmes, mais sous forme d’émulsions. Une autre méthode consiste à utiliser des molécules à tête lipophobe (qui fuit les graisses) et à queue lipophile (qui aime les graisses). Elles organisent leurs extrémités en fonction de l’environnement. Ainsi, les acides gras tels que les acides linoléique (extrait du pin, du tournesol, du soja ou des noix) et linolénique (bourrache, onagre) participent à freiner le mouvement de l’eau.
Tout ça pour ça ! Le souci de l’hydratation est aujourd’hui omniprésent dans tous les produits cosmétiques, qu’il s’agisse de crèmes pour le visage, de soins de contour des yeux, de baumes pour les lèvres, de produits solaires, autobronzants ou non, de produits de maquillage… Le produit final est souvent le résultat d’un savant mélange, il n’y a qu’à regarder la liste des ingrédients d’une crème de jour pour s’en convaincre. Ils sont écrits en tout petit, pour arriver à les faire tenir sur l’emballage. Exploit impossible sur un rouge à lèvres ! L’émulsion hydratante est la base des cosmétiques. Mais contrairement à ce que son nom laisse entendre et en dépit des promesses avancées par les slogans publicitaires, elle ne fait qu’aider la régulation de l’eau. Elle limite sa diffusion et son évaporation. L’effet produit ne peut l’être qu’à court terme. Elle ne peut pas hydrater durablement l’épiderme de façon extérieure. Une crème pour le visage ou pour le corps contient une émulsion hydratante, constituée d’une phase grasse (huile végétale ou triglycéride synthétique, esters ou alcools gras)
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Café, crème, savon et C ie et d’une phase aqueuse (eau purifiée et agents hygroscopiques) à laquelle s’ajoutent divers produits émollients, astringents, adoucissants, antiseptiques, tonifiants… en fonction de l’usage spécifique (pour peaux sèches, à tendance acnéique, matures, contre les rougeurs, pour le contour des yeux…).
Aloès, calendula, hamamélis, de jolies plantes pour faire de belles plantes L’apport des plantes est non seulement toujours d’actualité, mais il est même, de plus en plus souvent, un argument de vente. Dans l’herbier du cosmétologue, on peut rencontrer l’aloès. C’est le jus extrait de ses feuilles qui est utilisé. Il contient 99,5 % d’eau et tout un cocktail de molécules différentes. Il calme les irritations et les inflammations et présente des propriétés émollientes. Les fleurs de calendula contiennent des substances pouvant diminuer les rougeurs et agissant comme antiseptique. Le concombre (ah, les fameuses rondelles sur les yeux !) renferme un jus connu pour ses propriétés adoucissantes. Les feuilles et l’écorce d’hamamélis contiennent un grand nombre de substances astringentes, décongestionnantes, calmantes et antibactériennes. Des feuilles et fleurs de lavande, on extrait une essence relaxante, antiseptique et cicatrisante. L’eau de rose est connue pour ses propriétés astringentes et décongestionnantes. Parmi les plantes exploitées pour leur huile, citons l’amandier dont on extrait des fruits la célèbre huile d’amande douce, à éviter sur les peaux à tendance acnéique car comédogène. L’huile d’arachide issue de la cacahuète est plus connue pour l’alimentation mais est également utilisée dans les cosmétiques. Le jojoba, arbre adapté au
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climat désertique, contient dans ses graines une huile aux propriétés émollientes et adoucissantes. L’huile d’onagre, appelée aussi primerose oil, est extraite des graines noires des fruits de la plante herbacée du même nom. Le ricin est une plante à grandes feuilles dont l’huile est également dans les graines du fruit. Cette huile est nommée castor oil selon l’INCI, mais les castors n’y sont pour rien ! Le karité, le cocotier et le cacaoyer sont des arbres dont les graines contiennent des matières grasses solides : le beurre de karité, de coprah ou de cacao.
Des algues pour jouer les sirènes Le monde marin est aussi une source intéressante de substances pour la cosmétologie. Les algues représentent un réservoir important, qui compte des milliers d’espèces différentes, dans des quantités phénoménales. La cueillette n’est cependant pas toujours aisée. La récolte est constituée de mélanges complexes à exploiter, mais devant être traités rapidement, compte tenu de leur vitesse de décomposition. Les principaux clients sont les centres de thalassothérapie, particulièrement friands de fucus. De façon générale, les algues ont une grande capacité de rétention d’eau et contiennent de l’iode et des vitamines. Elles ont un pouvoir hydratant, détoxiquant et, selon certains, amincissant.
Nos meilleurs ennemis ou nos pires amis ? L’essentiel des cosmétiques vendus aujourd’hui essaie de trouver une solution à l’angoisse devant l’inexorable : le vieillissement. Il provoque un amincissement du derme et de l’épiderme. Le réseau de fibres de collagène se densi-
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Café, crème, savon et C ie fie et les élastines se dégradent, ce qui rend la peau moins élastique. Le taux d’acide hyaluronique diminue, d’où une plus grande sécheresse de la peau. On observe aussi une raréfaction des mélanocytes, ce qui explique que les peaux âgées soient plus blanches et peinent à bronzer. Mais pourquoi est-ce inévitable ? D’une part, parce que la division cellulaire entraîne des erreurs de copies et qu’à long terme celles-ci s’accumulent, d’autant plus que la peau est soumise à un environnement extérieur qui peut endommager les cellules. D’autre part, parce que se forment en permanence des radicaux libres qui vont entraîner des réactions qui vont altérer tout ce que contient la cellule, ainsi que son enveloppe. Dans le processus de vieillissement, l’oxygène de l’air joue un rôle de premier plan. Il est surprenant de constater que l’oxygène et la lumière, éléments ô combien vitaux, sont aussi nos pires ennemis. Comme les poumons, la peau respire. L’apport d’oxygène est donc vital, mais en même temps, mortel pour nos cellules. Au cours de processus biologiques normaux, se forme un ion particulier, l’ion radicalaire superoxyde formé par fixation d’un électron sur la molécule d’oxygène. Or, cette entité perturbe la chimie du renouvellement cellulaire. Donc, pas si super que cela !
Les célibataires sèment la pagaille Les composés radicalaires sont des espèces chimiques possédant un électron célibataire, qui supporte mal son isolement et fait tout pour retrouver un partenaire électron. On peut le comprendre. Cette situation crée une instabilité qui procure aux radicaux une très grande réactivité et une durée de vie courte. S’en suivent des phénomènes de réactions en chaîne. Dès qu’il a trouvé un électron avec
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lequel s’apparier, il crée un nouveau malheureux qui va chercher à son tour un camarade… Bilan, pour votre peau, c’est le carnage ! Un autre mécanisme fréquent du vieillissement est l’insertion d’une molécule d’oxygène dans la chaîne hydrocarbonée des molécules. Cette réaction est lente mais accélérée par la lumière. Il se forme, cette fois encore, des intermédiaires radicalaires générant des réactions en chaîne. La création de radicaux libres est fortement accélérée par le rayonnement UV : la moindre séance de bronzette laisse des traces, invisibles sur l’instant mais qui se dévoileront un jour. L’effet bénéfique esthétique ne dure qu’un temps. Le bronzage est éphémère mais les rides et les taches sont éternelles. Sachant que le tabac renforce le processus et que la ménopause apporte sa contribution à la métamorphose de votre peau, les traitements antirides ont de l’avenir…
Traitement radical contre les radicaux La vitesse de vieillissement cutané dépend de nombreux facteurs, parmi lesquels la durée et la fréquence des expositions au soleil, ainsi que la consommation de tabac. Pour en pallier les effets, pas de traitements miracles : la peau doit être entretenue avec des produits hydratants contenant des pièges à radicaux. Celui qui joue ce rôle doit être non toxique et conduire à des substances après piégeage, elles-mêmes inoffensives. Le but des cosmétiques est donc d’introduire des anti-radicaux libres dans ses formules et de freiner l’activité catalytique de la lumière, qui facilite la réaction d’oxydation de certaines liaisons chimiques par insertion d’oxygène (vous pouvez relire une deuxième fois, je vous attends). Autrement dit, la petite molécule d’oxygène, pas gênée, s’incruste dans une autre molécule
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Café, crème, savon et C ie qui n’a rien demandé, provoquant de grosses perturbations, aidée en cela par la lumière, la traîtresse. Et tout cela sournoisement, sans que vous ne vous rendiez compte de rien, jusqu’au jour où, horreur, vous remarquez la première ride dans le miroir. Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah ! (cri d’effroi). Heureusement les Zorro de la peau, les Robin des Bois dermiques accourent avec leurs remèdes. Les principes actifs ajoutés à l’émulsion hydratante pour la rendre « anti-âge » sont multiples. Dans la famille des actifs anti-radicalaires, les plus connus sont la vitamine C (acide ascorbique), la vitamine E (tocophérol) et la glutathione. Ces composés réagissent avec les radicaux en s’accrochant à eux ou en leur donnant un petit bout de leur molécule pour les neutraliser. Appréciez le sacrifice ! Des enzymes permettent de reconstituer les actifs après transformation des radicaux pour repartir à la guerre.
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Un placebo pour être beau Parmi les stars du rajeunissement en direct, tout le monde connaît l’acide hyaluronique et le collagène. L’effet de ce dernier sur le vieillissement, lorsqu’il est incorporé dans des crèmes, n’est pas confirmé car c’est une molécule probablement trop grosse pour atteindre le derme. Pour la même raison, l’acide hyaluronique n’est pas très efficace contre les rides lorsqu’il est simplement appliqué en surface. En revanche, il a fait ses preuves en injection intradermique, tout comme le collagène. Une parade à ce problème de taille consiste à introduire dans la formulation des hydrolysats de ces molécules, à savoir des morceaux plus petits, pouvant se faufiler plus facilement et aux propriétés voisines.
Et après ? Marie s’interroge sur l’action à long terme, donc en profondeur, des molécules utilisées dans les produits antirides. Elle pense que leur effet est plutôt éphémère, mais le bienfait sur le mental est incontestable et influe donc quelque part sur notre bonne mine et notre rayonnement. Leur application et les promesses qui l’accompagnent suffisent parfois à se sentir plus épanouie. Mais leur innocuité après des années d’utilisation est-elle garantie ? Ce dont Marie est sûre, c’est qu’elle ne risquera pas sa peau pour l’avoir plus belle !
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IL ÉTAIT UNE FOIS UNE CRÈME… Marie Curieuse a parfois succombé aux sirènes de la beauté. Elle a foncé sur une crème aux arguments irrésistibles ou acheté une autre vantée par son actrice préférée. Mais elle l’a parfois regretté. Sa crème idéale ne peut pas se contenter de lui donner bonne mine ; son application doit être un moment de plaisir : elle doit avoir une onctuosité parfaite.
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Droits et devoirs d’une crème Une crème ne peut pas se contenter d’être un mélange d’eau et de corps gras, à la cohabitation rendue possible grâce à des tensioactifs, d’agents hydratants, de molécules miracles antirides, de filtres solaires… Quel que soit l’objectif souhaité, elle doit avoir un toucher agréable, ne pas couler du tube sans y être invitée, avoir de la tenue, éviter de former un emplâtre sur le visage, les goûts d’aujourd’hui n’étant plus ceux de la cour de Louis XV, elle doit s’étaler, ne pas coller… La liste des devoirs d’une crème est très longue. Toutes les petites choses à rajouter pour lui donner l’onctuosité désirée sont essentielles. On les appelle d’un nom pas très poétique : agents de texture. Il s’agit essentiellement de macromolécules, qui ont la propriété d’augmenter la viscosité des phases aqueuses. Elles sont utilisées depuis longtemps comme épaississants ou gélifiants, en agroalimentaire. Ce sont de longues molécules, dispersées dans le liquide, qui gênent la mobilité de l’eau, en créant avec elle des liaisons. Si elles ne font qu’augmenter la viscosité, ce sont des épaississants ; si en plus, elles s’accrochent entre elles, formant un réseau tridimensionnel dans lequel le liquide est piégé ; on parle alors de gélifiant. L’origine de ces molécules naturelles est animale, végétale ou microbienne. Elles peuvent aussi être semi-synthétiques ou entièrement synthétiques. Elles ont toutes en commun leur structure : ce sont des glycannes.
Mets la gomme ! Parmi les végétales, les gommes sont des substances visqueuses qui s’écoulent de certains arbres. La plus utilisée est celle d’acacia, mais elle se cantonne
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au domaine alimentaire. En cosmétique, une des plus connues est la gomme de caroube, extraite par broyage des graines du caroubier, un arbre poussant autour de la Méditerranée. Ce n’est donc pas une vraie gomme puisqu’elle n’exsude pas d’un arbre, mais bénéficie tout de même de cette appellation, du fait de sa ressemblance. L’ose majoritaire est le mannose associé à du galactose. La gomme de guar provient d’une légumineuse qui pousse en Inde et au Pakistan, mais qui est aujourd’hui cultivée au Texas. Elle ressemble beaucoup à la gomme de caroube mais en moins onéreuse. Les deux sont des agents épaississants. Des extraits d’algues marines sont parfois utilisés. L’alginate de sodium, sel de l’acide alginique, est le plus employé. Il provient d’algues brunes récoltées sur les côtes atlantiques européennes et américaines. Le maillon est un acide uronique (acide formé à partir d’un ose). Les carraghénanes sont aussi très utilisés. Ils sont extraits d’algues rouges, dont on trouve certaines variétés en France, au Chili ou encore en Indonésie. Ils ont une structure linéaire à base de galactose. La gomme xanthane a une origine microbienne. Il s’agit d’un glucane (le glucose est l’unité de base) obtenu par fermentation à l’air de sucres, grâce à une bactérie isolée du chou. Elle agit, le plus souvent, comme épaississant, mais peut former des gels mixtes, en association avec la gomme de caroube ou avec les carraghénanes.
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Des pavés d’argile dans ma crème ?! Dans les agents de texture d’origine animale, le principal est le chitosane déjà évoqué. Chez les minéraux, les argiles se partagent la vedette avec les silices. Les premières sont des silicates d’aluminium ou de magnésium. Elles se présentent sous la forme de petits pavés comprenant trois couches et comportant différentes charges électriques sur leurs faces. Ils s’organisent entre eux en fonction des polarités, ce qui aboutit à un assemblage dans l’espace comprenant des interstices dans lesquels le liquide est piégé. Les silices sont des dioxydes de silicium. Ils ont l’aspect de petits grains créant des liaisons dans toutes les directions, formant ainsi un filet de mailles de silice qui emprisonne le liquide. Ce résultat correspond bien à un gel. Les semi-synthétiques sont des composés qui ont une origine naturelle mais subissent une transformation. C’est le cas de la cellulose qui est un polymère naturel dont le glucose est le monomère. Elle est extraite du bois et du coton. Par réaction chimique, on peut la modifier pour conduire à un polymère aux propriétés différentes, jouant le rôle d’épaississant. Ce produit a un nom compliqué mais facile à reconnaître dans une liste car finissant justement par « cellulose ». Les synthétiques sont des polymères dérivés de l’acide acrylique.
Des conservateurs au pouvoir La liste des ingrédients ne s’arrête pas là car si vous ne voulez pas que des micro-organismes se développent dans votre crème de jour, elle doit aussi contenir des conservateurs. Tous les cosmétiques n’en ont pas besoin car certains des composés actifs peuvent jouer ce rôle. L’objectif est d’empêcher la prolifération de microbes malsains, sans
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détruire ceux qui font naturellement partie de la flore cutanée. Le pH peut avoir une influence : un milieu acide ou basique limite la survie des bactéries. D’autre part, les micro-organismes, comme tous les êtres vivants, ont besoin d’eau et prolifèrent d’autant plus facilement dans un milieu dilué. La présence de substances dissoutes créant des liaisons avec l’eau freine leur multiplication. Le chlorure de sodium, le glycérol, le glucose, le saccharose peuvent remplir cette fonction. Ils ne détruisent pas les bactéries mais limitent leur reproduction. Le conservateur, par définition, peut les détruire. Il doit satisfaire des critères d’innocuité, avoir un large spectre d’activité, être soluble dans l’eau car c’est dans cette phase que vivent les organismes, il ne doit pas interagir avec les autres constituants de la formule, ni avec l’emballage.
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C’est essentiel d’être bien conservée La crainte de l’apparition d’effets gênants pousse à se tourner vers des substances naturelles, pensant qu’elles sont inoffensives, ce qui est une vision un peu angélique de la réalité. Les recherches menées sur les plantes traditionnellement utilisées pour lutter contre les infections, ont permis d’identifier des molécules intéressantes. Ainsi, l’acide benzoïque et ses dérivés proviennent du baume du Pérou et du benjoin du Laos. L’acide sorbique, comme son nom l’indique, se trouve dans les fruits du sorbier. L’acide salicylique est extrait d’écorces de saules. Les huiles essentielles ont aujourd’hui un grand succès. Dans celles de cannelle, d’eucalyptus et d’origan sont présentes des substances antiinfectieuses, souvent des dérivés phénoliques. Le monde du vivant recèle des trésors de composés à activité antimicrobienne encore à découvrir. Derrière cette vision idyllique se cachent des problèmes de variabilité des produits naturels selon la saison, l’environnement, les modifications au sein d’une même espèce, qui perturbent la qualité des extraits obtenus. Une solution consiste à extraire les molécules actives, à les isoler du mélange naturel souvent complexe, ou bien à les fabriquer de façon synthétique, en les copiant.
La concurrence des radicaux Le problème de conservation des cosmétiques n’est pas seulement microbien, il est aussi lié à l’oxydation des composants par l’oxygène de l’air, qui touche particulièrement les corps gras. Les formulations doivent donc intégrer des anti-oxydants. Comme pour la peau, les responsables de ce phénomène sont des radicaux libres. Le rôle de l’antioxydant est d’empêcher la production des premiers radicaux qui induisent la réaction en chaîne.
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Les huiles végétales qui entrent dans la composition des cosmétiques sont des mélanges de triglycérides. Il s’agit souvent des huiles d’olive, d’amandes douces, de coprah, de palme, de bourrache ou du beurre de karité. Ils sont d’autant plus facilement oxydables qu’ils sont utilisés en films minces ou en émulsions, ce qui favorise le contact avec l’oxygène. Les plus riches en acides gras polyinsaturés sont les plus vulnérables mais ils contiennent des tocophérols (vitamine E) qui les protègent. En revanche, le beurre de cacao n’en contient pas et évolue de façon désagréable, avec une tendance au rancissement, ce qui explique qu’il soit de moins en moins utilisé. Les antioxydants les plus employés sont les tocophérols (vitamine E), ainsi que des composés de structure très voisine, tels que le palmitate d’ascorbyle, un dérivé de l’acide ascorbique. Comme pour tout ce que l’on se met sur la peau, il doit présenter une totale innocuité.
Place aux verts En cosmétologie comme dans les autres domaines, la mode change vite, les comportements évoluent. Mais l’industrie cosmétique s’adapte très vite. Elle s’est mise au vert en créant la biocosmétique, consistant en l’utilisation d’extraits naturels ou de substances créées par les biotechnologies, mettant en œuvre des bactéries. Un des intérêts est la grande diversité de molécules. Ce choix n’est, en réalité, pas vraiment nouveau, puisque les plantes ont toujours été la ressource essentielle de la pharmacopée et de la cosmétologie anciennes. Dès l’Antiquité, les qualités cosmétologiques des céréales et des oléagineux étaient connues. Les végétaux ne sont toutefois pas toujours utilisables en l’état. Il faut parfois les purifier en éliminant les toxines qui pourraient s’y trouver. D’autre part, puiser dans le milieu
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Café, crème, savon et C ie naturel peut conduire à épuiser certaines ressources. Mais si la culture de ces végétaux nécessite l’utilisation de pesticides et d’engrais, l’emploi ne s’avère plus très intéressant pour vanter les bienfaits des plantes. Le succès des produits spécifiques (collagène, acide hyaluronique, liposomes…), malgré leur coût dû à des difficultés d’approvisionnement et de fabrication, incite l’industrie cosmétique à chercher d’autres procédés et de nouveaux composés. Une des voies de recherche actuelle est la synthèse biologique par des bactéries. Ainsi peut être produit l’acide hyaluronique ou la shikonine, un pigment rouge, dont le végétal réservoir se raréfie. Quant aux nouvelles molécules, elles devront être d’origine naturelle, pour être en phase avec la mentalité actuelle. Mais l’exploration du vivant nécessite la mise au point de nouvelles méthodes d’extraction et de nouvelles synthèses biocompatibles… Une crème de jour hydratante est donc constituée d’une phase grasse, d’une phase aqueuse, d’émulsionnants et parfois de parfums. Dans la partie grasse se trouvent des huiles végétales, des beurres ou des triglycérides synthétiques, des esters gras pour leur effet filmogène et émollient, des cires pour la consistance, des alcools gras comme épaississants. La partie aqueuse contient des agents hydratants tels que le glycérol et le sorbitol, des gélifiants, des conservateurs. À cette composition de base viennent se rajouter d’autres principes actifs à objectif ciblé.
Quelle crème ! Quelle crème, cette crème ! Heureusement qu’elle est là pour veiller sur l’épiderme fragile de Marie !
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1, 2, 3… SOLEIL Marie Curieuse désespère de bronzer. Sa peau, d’une blancheur cadavérique, refuse obstinément de passer par une teinte dorée. L’offrir sans retenue au soleil ne réussit qu’à la transformer en écrevisse tout droit sortie de la marmite. Le temps des sacrifices au dieu Râ n’étant plus de mode, elle s’abstient donc, ou sort son arme fatale : l’écran total.
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Mélanie et ses mélanines Mais pourquoi Marie est-elle si blanche, alors que son amie Mélanie arbore un teint hâlé en toute circonstance ? Parce que Mélanie a beaucoup de mélanines, des macromolécules responsables de la couleur de la peau et des cheveux. La densité des mélanines dépend du patrimoine génétique de chacun. La couleur de la peau en fonction de la géographie montre bien le rôle protecteur des mélanines vis-à-vis du soleil. La peau ne filtre que partiellement sa lumière, heureusement, car elle nous est vitale. Elle permet en effet la synthèse de la vitamine D, indispensable à la croissance car elle participe à la fixation du calcium sur les os. Une carence entraîne une maladie grave : le rachitisme. Marie aimerait tant se mettre dans la peau de Mélanie…
Onde, fréquence et énergie Ce que nous appelons lumière est un ensemble d’ondes électromagnétiques, dont les fréquences correspondent au domaine du visible. De part et d’autre se trouvent les infrarouges et les ultraviolets (UV). Les infrarouges et la lumière visible représentent une part plus grande du rayonnement que les UV mais leur plus grande longueur d’onde les rend moins pénétrants et donc moins nocifs. Plus la longueur d’onde est petite, plus la fréquence est grande, l’énergie transportée importante et donc plus c’est dangereux.
A,B,C l’abécédaire des UV Dans le domaine des UV, on peut considérer trois types, différenciés par une lettre : UVA, UVB et UVC. Les UVA ont une longueur d’onde comprise entre 320 et
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400 nanomètres (1 milliardième de mètre). Ils peuvent traverser l’épiderme et atteindre le derme, provoquant au passage vieillissement, rides et cancers de la peau. Les UVB (290-320 nm) ont une longueur d’onde plus courte. Ils sont donc plus énergétiques et entraînent brûlures (coups de soleil) et cancers. Remarquons que le verre bloque les UVB mais laisse passer les UVA. Ainsi vous ne pouvez pas attraper un coup de soleil derrière une vitre. Pas de risque d’érythème derrière le pare-brise ; en revanche, si vous roulez la fenêtre ouverte, le bras appuyé sur la portière dans un style décontracté « regardez, je conduis avec un seul bras (et demain sans les mains ?) », vous risquez de le retrouver cramoisi avant l’arrivée. Cela fera moins classe… Les UVC (190-290 nm) ayant une longueur d’onde encore plus courte, sont encore plus énergétiques, donc plus dangereux mais ils sont arrêtés par la couche d’ozone. En effet, la lumière du soleil est dispersée et absorbée partiellement par l’atmosphère, par bonheur, car si ce n’était pas le cas, la vie serait impossible. L’ozone, en particulier, est fabriqué par interaction entre la lumière et l’oxygène de l’air. L’ozone, ainsi formé, filtre les UV. Un ciel nuageux filtre un peu plus qu’un ciel dégagé, mais à peine plus. Il faut donc se méfier et ne pas se croire protégé.
Des corps blancs généreux La terre renvoie une partie de la lumière reçue. Selon la nature du sol, ce retour sera plus ou moins important.
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Café, crème, savon et C ie Les corps blancs, tels que la neige, en renvoient pratiquement la totalité. La peau diffuse une partie de la lumière visible et des infrarouges mais très peu des UV qui sont plus pénétrants. Ce qui est absorbé engendre une augmentation de la production de kératines et de mélanines. Les premières provoquent un épaississement de la peau et les deuxièmes un brunissement, que nous appelons bronzage. Il y a deux types de bronzage. L’un est instantané et causé par les UVA. Il s’en suit l’apparition d’une teinte colorée pendant l’exposition qui disparaît au bout de quelques heures. Ce phénomène est dû à une activation enzymatique, ayant pour but d’alerter l’organisme d’une exposition solaire, et entraînant un changement de coloration rapide, mais de courte durée. L’autre bronzage est plus lent et met en jeu un spectre plus étroit d’UV. On observe que la peau met deux ou trois jours à se colorer et la teinte persiste plusieurs semaines. Le rayonnement stimule les cellules produisant la mélanine, dont la migration jusqu’à la surface se fait en deux ou trois jours.
Self-défense Un excès d’exposition au soleil provoque différents types de lésions. La première est le fameux coup de soleil, dû aux UVB et UVC. Très désagréable pour la teinte rouge pas toujours assortie à vos plus beaux vêtements, un peu humiliant à côté des jolies peaux dorées qui pensent que ce n’est pas bien malin de s’être mis dans un état pareil, franchement douloureux lorsque votre meilleur ami vient vous taper sur l’épaule gaillardement, cauchemardesque lorsque vous essayez de trouver une position dans votre lit, s’apparentant à de la lévitation pour éviter tout contact. Il s’agit d’un état inflammatoire de la peau, souvent passager (ouf !). Il disparaît, au fur et à mesure
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que les cellules se renouvellent, ce qui s’accompagne généralement d’une pelade aussi peu séduisante que la teinte rouge initiale. Vous passez de l’écrevisse après cuisson au serpent qui mue. Il peut, dans certains cas, provoquer des lésions profondes et entraîne toujours un vieillissement prématuré de la peau (snif, regrets éternels…). Une des conséquences les plus graves d’un abus de soleil est l’apparition d’un cancer de la peau. Si l’effet nocif cancérigène des UVB et UVC est connu depuis longtemps, le rôle des UVA dans le processus de déclenchement fut longtemps sous-estimé. Aujourd’hui, ils sont reconnus comme acteurs dans la survenue des cancers. Dans tous les cas, la réaction de la peau, exposée au rayonnement, dépend de sa pigmentation. L’apparition du bronzage est une réaction de défense de l’organisme. Quelle panique, l’été sur la plage, toutes ces peaux qui luttent désespérément ! Quel vacarme si on les entendait crier !
L’absorption du rayonnement UV par la peau provoque la fabrication de radicaux libres. Encore eux ! En effet, ces UV très énergétiques induisent la rupture de liaisons chimiques au sein des molécules des tissus. Les réactions produites ne se voient pas sur l’ins-
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Café, crème, savon et C ie tant, mais nous savons que l’ampleur des dégâts peut être importante. Marie savait bien qu’il fallait se méfier de ces célibataires, toujours à l’origine de ruptures dans les liaisons. Des radicaux en plus !
Remerciements éternels pour services rendus à l’humanité Un filtre naturel existe, heureusement pour nous, et il se situe à 25 km au-dessus de nos têtes. Il s’agit de cette fameuse couche d’ozone, qui ne se trouve pas là exprès pour nous protéger, mais s’est formée toute seule, ou plutôt grâce à l’action des UV sur la molécule d’oxygène de l’air. L’ozone interagit en permanence avec les UV et limite la quantité de rayonnement qui atteint le sol. Sans ce gaz, la vie ne serait jamais sortie des océans.
Combinaison intégrale ou écran total À notre niveau, la meilleure des protections reste le port de vêtements et de lunettes. Signalons toutefois qu’un tee-shirt n’est pas un rempart infranchissable pour ce rayonnement. Il constitue un « grillage » limitant le passage des photons mais ne les arrêtant pas tous. Il n’y a que les vêtements étiquetés anti-UV qui procurent une barrière efficace. Lorsqu’une tenue couvrante est incompatible avec l’activité, l’esthétique ou le sex-appeal, les crèmes peuvent être la dernière arme possible. Elles comportent un facteur de protection solaire (FPS ou SPF), déterminé en fonction du temps écoulé lors d’une exposition, avant l’arrivée du coup de soleil. Cet indice va jusqu’à 60. Sa définition traduit sa relativité, la durée
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précédant l’érythème variant d’un type de peau à l’autre, et l’ensoleillement lui-même étant évolutif. Ce facteur est parfois rebaptisé indice de protection (IP). Plus le SPF est élevé, plus la protection solaire est grande. Son application doit être renouvelée toutes les deux heures, pour prolonger son efficacité.
Laissez-passer Pour être digne de ce nom, une crème solaire doit filtrer les UVB. Si elle se veut très efficace, elle doit aussi s’attaquer aux UVA. Si elle permet tout de même de bronzer, c’est qu’elle laisse passer un peu d’UVA. Et pour être transparente, invisible sur la peau, sans vous transformer en geisha, elle doit laisser passer la lumière visible. Le cosmétologue dispose de quantités de substances, capables d’absorber entre 190 et 400 nm. Elles doivent toutefois respecter un certain nombre de critères : ne pas être nocives, être stables, ne pas générer de produits de dégradation toxiques. Elles peuvent avoir une fonction de filtre ou bien d’écran, empêchant tout rayonnement de passer et le renvoyant vers l’extérieur. Une huile ou une crème solaire contient ces composés photo-protecteurs à une concentration qui dépend du niveau de protection souhaité. Le bord de la zone d’absorption doit être aussi abrupt que possible en dessous de 400 nm, pour ne pas
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Café, crème, savon et C ie empiéter sur le domaine du visible et prendre l’aspect d’un emplâtre blanchâtre.
Titane ou zinc, à chacun son oxyde Parmi les composés jouant le rôle d’écran, les plus utilisés sont les oxydes de titane et de zinc. Ce sont ce que l’on appelle des filtres minéraux. En couvrant très bien le domaine des UV, ils procurent une très bonne protection. Ils sont d’une grande innocuité car ils ne pénètrent pas dans la peau. Ils ne provoquent pas d’allergies et sont donc recommandés pour les enfants et les peaux sensibles. Il arrive toutefois que l’ajout de parfums et de colorants abaisse les performances optiques initiales. Par ailleurs, il peut s’avérer nécessaire de déposer, sur les grains d’oxyde de titane, une fine couche d’alumine et de silice, afin de faciliter l’enrobage lors de la création de l’émulsion. Malheureusement, cette étape entraîne une diminution des propriétés d’absorption.
Rouge ou blanc, il faut choisir Ces oxydes ont une très bonne tenue dans le temps mais présentent un inconvénient plus ou moins acceptable selon les personnes : ils sont blancs du fait de leur capacité à diffuser la lumière visible, en plus de la lumière UV. Des progrès ont tout de même été réalisés, puisque les premiers étaient de véritables peintures blanches. Aujourd’hui le diamètre des particules a été considérablement réduit, améliorant cet aspect peu esthétique. Il est aussi possible de les déposer sur de fines particules de mica, conférant à ce type de crèmes les meilleurs indices solaires.
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Des corps excités En parallèle à ces filtres minéraux, existent des filtres dits organiques, moins efficaces pris isolément, car n’absorbant que partiellement le domaine UV. Ce sont des composés possédant des groupements fonctionnels excitables aux fréquences des UV. Cette excitation n’a rien à voir avec celle qu’éprouvent certains à voir des corps harmonieux allongés sous le rayonnement UV. Certaines portions de molécules, ce que les chimistes appellent des fonctions, ont des électrons voyageurs. Les électrons sont situés sur des orbitales (un peu comme les planètes autour du soleil mais en beaucoup plus compliqué). Ils s’agitent dans l’espace qui leur est « attribué » autour du noyau de l’atome jusqu’à ce que de la lumière UV vienne les exciter (c’est le terme scientifique) et leur apporte de l’énergie. Elle est alors elle-même absorbée et leur permet de changer d’orbitale. Ce phénomène se produit lorsque l’énergie du rayonnement correspond à l’énergie de transition entre les deux orbitales. En jouant sur la nature de la molécule, on peut sélectivement lui faire absorber une certaine longueur d’onde. Ces composés présentent une bonne solubilité dans les huiles ou les émulsions, mais sont parfois à l’origine d’irritations ou d’allergies car ils peuvent pénétrer dans l’épiderme. De plus, leur efficacité diminue rapidement puisqu’ils sont détruits par les UV. Ils se sacrifient pour vous.
Pas bon, le PABA L’acide para-aminobenzoïque est une des plus anciennes substances utilisées. Son nom commercial est le PABA. Il présente des problèmes de conservation, de
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Café, crème, savon et C ie formulation et de réactions cutanées. Pour ces raisons, il fut progressivement abandonné au profit de ses dérivés. Les composés de la famille de la benzophénone sont également très efficaces, sur un large spectre UVB. Ils sont toutefois, eux aussi, allergisants. Les filtres des UVA sont de plus en plus introduits dans les formulations depuis que l’on connaît leur implication dans la survenue de cancers. Parmi les molécules les plus utilisées actuellement, citons l’avobenzone (butyl methoxydibenzoylmethane selon la nomenclature INCI) et les esters de l’acide methoxycinnamique. Ne soyons donc pas effrayés de lire ces noms barbares sur une étiquette, ces composés sont des protecteurs qui veillent sur nous.
De l’huile contre la toast attitude Il faut être vigilant quant à l’utilisation de filtres naturels, tels que les huiles de sésame, d’olive, de coco, qui ne doivent pas être employés seuls, car leur couverture n’est pas suffisante. Il n’est pas sûr que les senteurs dégagées vous assurent un grand succès. Ou alors par jour de grand vent… Un des problèmes importants des écrans solaires est leur instabilité, du fait de leur tendance naturelle à la photo-dégradation. Les molécules filtrantes se détruisent rapidement, en formant des produits, dont l’éventuelle nocivité peut poser problème. Peut-être est-il bon de rappeler qu’une crème solaire ne fait pas tout et qu’elle ne doit pas empêcher les gestes de protection élémentaires. Pour limiter les effets néfastes du soleil, nous devons surtout changer nos comportements en limitant nos expositions. La tendance qui consiste à s’appliquer beaucoup de crème solaire, pensant bien faire, peut s’avérer nocive, compte tenu des effets à long terme,
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inconnus, de ces filtres organiques. Le terme « écran total » est d’ailleurs aujourd’hui interdit puisqu’il est mensonger, aucune crème ne pouvant assurer un renvoi de tous les UV reçus.
Un bronzage chèrement payé… De la jeune femme désirant garder un teint hâlé toute l’année, parce qu’elle se trouve plus jolie, au cadre dynamique, travaillant 10 heures par jour, mais qui souhaite garder la bonne mine d’un vacancier, les mauvaises raisons sont toujours vivaces pour se bousculer dans les salons de bronzage artificiel. Pourtant l’Académie nationale de médecine s’est déclarée opposée à cette pratique et écrit dans un rapport publié en 2003 qu’elle « doit être considérée aujourd’hui comme un grave problème de santé publique ». Les lampes utilisées dans ces appareils fonctionnent selon le même principe que les fameux « néons » ou les nouvelles fluo-compactes. Elles sont constituées d’un tube de quartz, matériau transparent aux UV, contenant de la vapeur de mercure et de l’argon. Une décharge électrique est produite dans ce mélange gazeux par des électrodes situées aux extrémités du tube. Les atomes de mercure sont excités et reviennent à leur état fondamental (position de départ) en restituant l’énergie reçue sous forme d’émission de photons. Ces derniers produisent une lumière dans la gamme des UVC, trop dangereux pour la peau. Pour cette raison, la paroi interne du tube en verre est recouverte d’une matière fluorescente qui va absorber le rayonnement UVC, et produire en retour une lumière dans le domaine du visible et des UVA. Les lampes « basse pression », les plus anciennes, sont tapissées de dérivés phosphorés, alors que les lampes « haute pression », plus récentes, contiennent des halogénures métalliques, souvent des iodures de lanthanides.
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Les UVA sont moins énergétiques mais aussi dangereux puisque reconnus cancérigènes. L’Agence Internationale de Recherche sur le Cancer (CIRC) a révisé en 2009 les différents types de rayonnement dangereux pour l’Homme. Une étude a conduit à la conclusion que le risque de mélanome cutané est augmenté de 75 % pour les personnes ayant commencé l’exposition avant l’âge de 30 ans. Ne provoquant pas de brûlures, ils donnent une apparence d’innocuité. Leur action profonde au niveau du derme, générant des radicaux libres à l’origine de mutation de l’ADN, se fait de façon insidieuse et prendra souvent des années avant de se manifester. Les appareils les plus récents comprenant des lampes « haute pression » permettent des séances plus courtes car la dose reçue est plus importante. La quantité d’énergie absorbée par une même surface de peau est la même si le temps de pose est diminué, mais l’agression plus violente. D’autant que les clients de ces bancs de bronzage sont souvent des adeptes de la bronzette naturelle, entamant encore plus rapidement leur capital soleil. Il faut savoir qu’en dehors du dessein esthétique, cette pratique n’a aucun intérêt médical, puisqu’une peau ainsi dorée n’est pas protégée de l’exposition solaire. Le bronzage en cabine provoque une pigmentation en agressant les cellules mais ne produit pas l’épaississement engendré par un brunissement à l’extérieur. Les risques ne sont d’ailleurs pas seulement d’ordre cutané, puisque de nombreux accidents oculaires ont également été signalés.
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On peut s’interroger sur la tolérance du législateur vis-à-vis de ces lieux, encadrés par des personnes ayant reçu 8 heures de formation, censées interroger ou alerter les usagers sur les risques encourus.
Une viande dorée et cuite à point Pour avoir une jolie peau dorée, même en hiver, sans fréquenter les cabines UV, les cosmétologues ont inventé les autobronzants. Ces crèmes sollicitent le bronzage immédiat, celui qui ne dure pas. Elles contiennent une molécule, la dihydroxyacétone ou DHA, qui réagit avec les protéines de surface de la peau pour colorer la couche supérieure, selon une réaction qui ressemble à la fameuse réaction de Maillard, responsable de la coloration brune des aliments lors de la cuisson. Le phénomène ne dure pas car les cellules teintées s’éliminent naturellement. Il faut également veiller à bien en appliquer partout pour éviter le look zèbre. Toutefois, la production de mélanine n’étant pas sollicitée, la jolie teinte caramel n’est qu’une coloration pas un vrai bronzage, et ne protège donc pas la peau des coups de soleil. Elle reste toujours vulnérable.
Vieilles peaux ! C’est peut-être la meilleure solution pour Marie ? Non, ce qu’elle voudrait c’est une révolution des mœurs, un retour à la blancheur. Pouvoir éviter les regards apitoyants
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Café, crème, savon et C ie des collègues de bureau, dévisageant son visage d’albâtre au retour des vacances. La pauvre, elle n’est pas partie ! Quand on pense qu’autrefois la peau brunie était mal considérée, signe de travail dans les champs, donc de basse condition. Aujourd’hui, nous vivons la situation inverse, les visages pâles n’ont pas les moyens de partir en vacances aux Seychelles, tandis que les cadres dynamiques sont bronzés toute l’année.
Elles peuvent bien se pavaner, ces vieilles peaux ! L’heure des comptes viendra, quand il s’agira de mesurer les rides, lorsque leurs peaux usées en auront assez de se défendre et rendront les armes…
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4 Comment le maquillage fait-il des miracles ?
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DE LA CÉRUSE AU MASCARA Quand Marie pique un fard Et voilà, avec tous ces préparatifs, Marie est en retard, mais pour rien au monde, elle ne sortirait sans maquillage. Sans khôl, ni mascara, ni fond de teint, elle ressemble à une poule albinos. Elle rougit à l’idée de sortir sans fard. Mais au fait, depuis quand se maquille-t-on se demande notre curieuse ?
Cro-mignon Cette attirance pour les peintures corporelles ne date pas d’hier, ni d’avant-hier. Nos lointains ancêtres en faisaient usage durant la Préhistoire. Des vestiges très anciens (environ 15 000 ans av. J.-C.) traduisent cette volonté très archaïque de se parer. Des oxydes de fer ou de l’ocre étaient employés pour obtenir la couleur rouge, en particulier pour colorer les ossements des morts, tandis que l’oxyde de manganèse ou le charbon permettaient de se couvrir de noir. Il semblerait, qu’en ces périodes lointaines, le « maquillage » s’opérait dans un contexte funéraire, lors de manifestations rituelles. Les archéologues ont aussi trouvé des accessoires permettant de travailler les matières colorantes tels que des bâtonnets, des spatules ou des creusets.
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Cléopâtre et ses emplâtres Plus près de nous, aux alentours de 1 500 av. J.-C., les Égyptiens appréciaient le maquillage. Qui ne connaît pas ces illustrations de Cléopâtre, les yeux soulignés au khôl ! La légende dit qu’elle avait une prédilection pour le bleu et le vert. Ces parures étaient toutefois destinées, dans un premier temps, aux prêtres et aux pratiques mortuaires. Comme nous l’avons vu pour Cro-Magnon, les fards ont, de tout temps, été associés aux rituels. Il en était de même pour les Égyptiens qui les employaient lors de l’embaumement et les ajoutaient dans les offrandes. Parmi les nombreux objets laissés aux défunts dans leurs tombes, se trouvaient des miroirs, des accessoires pour la coiffure, ainsi que des cosmétiques, histoire de se refaire une petite beauté dans l’au-delà. Sait-on jamais ? Et si le concierge des cieux se prenait pour le président du jury de Miss France ? Il est plus prudent de se mettre sur son trente et un pour assurer sa sélection.
Attention aux confusions métalliques Les fards étaient conçus à partir de pigments tirés de minerais de fer, cuivre, chrome, plomb, manganèse. Ces dérivés des métaux sont des carbonates, oxydes, sulfates, sous forme cristallisée, que vous pourriez porter en boucles d’oreilles, autant qu’en parures corporelles. Ils sont bien différents des métaux purs. Évitez donc d’utiliser un fil
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électrique en cuivre, pour rougir vos joues, un clou en fer, pour vous embellir les yeux, un bout de tuyau en plomb pour vous souligner le regard !
Un métal contient un seul type d’atome, mais le moindre échantillon en contient des millions. Ils sont reliés entre eux selon une organisation très régulière, ce que les scientifiques nomment une structure cristalline. Dans les oxydes, l’organisation est aussi géométrique mais l’atome métallique n’est pas le seul représentant, il est relié à un ou plusieurs atomes d’oxygène, d’où le terme d’oxyde métallique. Dans les carbonates, des atomes de carbone sont présents, tandis que les sulfates contiennent des atomes de soufre. Ces cristaux étaient broyés en poudre fine dans un mortier et intimement mêlés à un corps gras pour une application plus facile et une meilleure tenue. Côté couleur, les teintes dominantes étaient le vert, le noir, le blanc et par mélanges le gris.
Les couleurs du succès Le vert a été, pendant longtemps, la couleur la plus prisée. Ce fard était obtenu à partir de malachite broyée, qui n’est pas le nom de code d’une pâte à
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Café, crème, savon et C ie mâcher illicite, mais du carbonate de cuivre. La teinte verte était associée à la nature, la jeunesse, la renaissance. Vous pouvez toujours essayer de vous habiller en vert mais l’effet rajeunissement n’est pas assuré. Le vert était la couleur d’Osiris, dieu de la végétation, puis de la résurrection. Le noir va prendre peu à peu l’ascendant sur le vert pour devenir la couleur de prédilection. Le pigment employé pour la préparation de ces fards noirs était essentiellement le sulfure de plomb (la galène), mais aussi de l’oxyde de manganèse, du charbon ou des composés à base d’antimoine. La couleur noire était associée au dieu Horus, dieu du soleil, ce qui peut paraître un brin paradoxal. Cette teinte, symbole de deuil et de mort dans nos sociétés occidentales, évoquait au contraire la fécondité, le renouvellement, dans la civilisation égyptienne. Cette association était inspirée par le limon noir, très fertile, laissé par le Nil au cours de ses crues. D’ailleurs selon certains, le terme cosmétique trouverait son origine étymologique dans le mot égyptien kemet, nom donné par les Égyptiens à leur pays et traduit par terre noire, en référence à ces dépôts sombres. Pour d’autres, il viendrait du grec kosmêtikos, signifiant « la parure ».
Créateurs de matières Parmi les fards analysés, outre la galène, les chercheurs eurent la surprise de découvrir des minéraux particuliers, la laurionite et la phosgénite, deux chlorures de plomb assez rares, dont la présence en Égypte
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ne peut s’expliquer que par la capacité de ses habitants à les fabriquer. La chimie de synthèse existait donc déjà au temps des pharaons, 2 500 ans avant notre ère.
Tous maquillés ! La trousse de maquillage de l’Égyptienne antique ne se limitait pas à un fard noir. Elle pouvait en nuancer la teinte par ajout de poudres blanches, telles que la céruse (carbonate de plomb), et la texture par l’addition de graisse, de cire d’abeille, de résines. Ces dames n’avaient rien à envier à nos starlettes. En ces temps-là, déjà, l’apparence comptait beaucoup et ne concernait pas seulement les plus riches. Il semblerait que tous les Égyptiens se maquillaient, quels que soient l’âge, le sexe et la position sociale. Tel qu’il apparaît sur les peintures de l’époque épargnées par les années, les yeux étaient particulièrement soulignés. Cet ornement n’était pas seulement destiné à embellir, mais constituait une protection contre le vent et le sable. Les fards pouvaient également contenir des plantes médicinales à visée thérapeutique : les maladies des yeux étaient fréquentes et les Égyptiens expérimentaient de savants mélanges pour créer des produits, afin de guérir ces affections oculaires : les Égyptiens ont inventé les collyres.
Beau comme un Grec ! Comme nous l’avons vu précédemment et contrairement à l’idée reçue, qui laisse croire que nos ancêtres se vautraient dans la saleté et que c’est l’homme moderne qui a mis en valeur le savon, l’hygiène et les bonnes
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Café, crème, savon et C ie odeurs, les Grecs anciens étaient épris de propreté. Entre 700 et 200 ans av. J.-C., ils prenaient des bains, assaisonnés d’huile d’olive (mais sans vinaigre), d’amande ou de sésame. Ils se lavaient les cheveux et les dents et s’enduisaient le corps d’onguents aromatiques. Ils soignaient leurs mains et leurs ongles. Les fards ne firent leur apparition en Grèce qu’avec l’arrivée des caravanes venues d’Orient qui introduisirent les épices et les cosmétiques. Le maquillage fut tout d’abord réservé aux courtisanes, puis prit progressivement une place importante dans les ornements corporels. Ainsi la céruse fit son apparition pour blanchir la peau, le khôl pour la noircir, la racine d’orcanète ou la mûre écrasée pour la rougir. Il était très à la mode de repasser ses sourcils en noir et de les rejoindre par un trait unique. Les Grecs savaient extraire d’une algue, le fucus, un pigment rouge dont la molécule colorante est la fucoxanthine. Environ 200 ans av. J.-C., pendant la période de la Rome antique, ce souci de propreté, de soins pour la peau, allait perdurer jusqu’au début de l’ère chrétienne, où la religion allait imposer sa vision du corps.
Sang de lézard ou de chauve-souris ? Le Moyen Âge fit tomber un voile de pudeur sur les corps. La religion chrétienne tolérait peu les manifestations de la séduction. La beauté devint chaste, blanche, à la chevelure dorée. Les femmes s’appliquaient des masques à base d’amidon ou de lait d’ânesse. Les sourcils s’affinaient ou disparaissaient tandis que le front s’agrandissait. Il était courant de se brûler les cheveux au-dessus du front avec de la chaux. Le maquillage symbolisait la débauche, la tentation du diable. Seule une touche de rose sur les joues ou la bouche était tolérée. L’utilisation
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d’onguents relevait de la sorcellerie. Des recettes hétéroclites circulaient alors, à base de sang de chauve-souris, de sulfure d’arsenic, de lézard ou de soufre. Les fards furent réhabilités timidement à partir du xiie siècle, grâce à leur réintroduction par les croisés.
Vénus en rouge et blanc Heureusement, le corps des femmes va ressusciter à la Renaissance, continuer à s’épanouir et se montrer lors des siècles suivants, avec plus ou moins de discrétion... Elles ont enfin le droit de montrer leurs atouts, pour piquer les cœurs des courtisans. Le teint se doit d’être diaphane, contrastant avec des lèvres, des joues et des ongles rouges. Les cheveux se déploient blond doré, le nec plus ultra étant le fameux blond vénitien, eldorado obtenu en s’appliquant des cataplasmes à base de safran et de citron, pour les malheureuses n’étant pas naturellement pourvues de la teinte vénusienne. L’hygiène n’est toujours pas revenue au goût du jour, d’où l’utilisation abondante de parfums pour masquer les odeurs…
Quand la céruse érode et use Cette mode pour les teints pâles (ah, si Marie avait vécu en ce temps-là !) va marquer les débuts d’un cosmétique appelé à avoir un succès à faire pâlir de jalousie tous les industriels de la beauté. Cette poudre blanche qui a lessivé des générations de visages est la céruse, la plus prestigieuse étant celle en provenance de Venise. L’aristocratie en importe aussi d’Angleterre et de Hollande. Ce minéral n’est pas seulement utilisé pour éclaircir le teint de quelques oies blanches, mais également pour effacer les
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Café, crème, savon et C ie rougeurs, les taches de rousseur, les rides et autre aspérité ou rugosité de toute la bourgeoisie parisienne. La liste suffit à faire pâlir de frayeur ! En effet, la céruse ne sert pas uniquement à masquer, mais possède aussi des propriétés astringentes, voire corrosives.
Mais que contenait donc cette fine poudre blanche, si douce au toucher ? Elle était probablement constituée de carbonate de plomb, du moins pour celle de Venise. Pour les autres, comme il arrive souvent avec les produits de luxe, les contrefaçons étaient nombreuses et leurs compositions restent inconnues. Selon l’imagination des concepteurs, la céruse pouvait être associée à divers produits d’origine animale, végétale ou encore minérale, pour donner des onguents, des pommades, des eaux parfumées… Envers du décor, sous le maquillage s’exercent les ravages de la céruse. Ses effets nocifs étaient connus depuis le xvie siècle, mais comme pour les fumeurs rétifs du xxie siècle qui connaissent les dangers du tabac et continuent de se croire immortels, les visages en quête de pâleur continuent à s’enfariner. Les malheureuses victimes qui s’en couvrent les lèvres dénoncent la tendance de la
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céruse à noircir et corroder les dents, ainsi qu’à rendre l’haleine puante. Lorsqu’elle s’approche des yeux, elle provoque des maladies oculaires et lorsqu’elle s’étale sur la poitrine, elle peut affecter les poumons. Le comble pour cette poudre, censée lisser la peau et homogénéiser le teint, est qu’elle provoque l’apparition de rides prématurées et de tâches disgracieuses. La pratique de blanchiment de peau continue malheureusement de nos jours dans certains pays. Au-delà d’un dessein esthétique, c’est tout un contexte historique et social qui explique cette démarche. L’hydroquinone a aujourd’hui remplacé la céruse mais reste tout aussi dangereuse. Cette molécule inhibe la production de mélanine, responsable de la couleur de la peau, mais dont le rôle est de la protéger des rayons UV du soleil. Sans ce bouclier, les femmes qui pratiquent le blanchiment de peau voient le risque de brûlures et de cancers augmenter.
Gomme adragante Dans son livre, Marie Meurdrac propose plusieurs recettes de rouges pour le visage. Parmi les pigments employés, on rencontre la cochenille, le bois du Brésil, le bois de santal. La gomme adragante intervient souvent dans la fabrication, en tant que substrat, pour donner une consistance, une tenue à l’ensemble. Il s’agit d’un mucilage, à savoir un liquide visqueux, d’origine végétale, qui a la particularité de gonfler en présence d’eau. La plante dont elle est extraite s’appelle l’astragale, poussant en Iran et en Turquie, dans des régions montagneuses désertiques. En incisant ses racines, la gomme s’écoule et peut alors être recueillie.
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Bozo à Versailles Au xviiie siècle, on se farde de jour comme de nuit. Le rouge, sur les lèvres et les joues, jure avec le blanc du teint et les constructions chevelues rivalisent de hauteur et d’originalité. Les courtisans se lavent très peu mais s’appliquent beaucoup de produits sur la peau. Le temps n’est pas à la discrétion. Bozo, le clown serait probablement passé inaperçu au milieu des courtisans de Versailles. Le grand rasoir de la fin du xviiie siècle va mettre un terme à cette exubérance et signer le retour de la simplicité. Finie la céruse, abandonnée la perruque, vive le naturel (pour ceux qui ont encore leur tête) !
Beauté maladive Quelques dizaines d’années plus tard, avec l’ère du romantisme, le naturel n’aura plus très bonne mine. Les beautés se doivent alors d’être mélancoliques, presque maladives. Le teint est blafard ; le regard, cerné et fatigué, est rendu triste par des contours bleutés. Si la méditation et le manque de sommeil ne suffisent pas, un peu d’encre sous les yeux se révèle d’un grand secours pour se donner l’air ténébreux. Ce goût pour le morbide est encore perpétué de nos jours par les adeptes du style gothique. Heureusement qu’ils sont là pour écouler les stocks de poudres diaphanes, invendables depuis la mode des peaux bronzées, les fards
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bleu sombre qui donnent des idées suicidaires ou les noirs à lèvres pour lesquels les fabricants n’imaginaient pas trouver preneurs. Le xixe siècle est finalement celui au cours duquel les femmes, et surtout les hommes, se maquillent le moins. Priorité est donnée à l’hygiène plutôt qu’au camouflage. C’est pourtant à cette époque que le mot maquillage va prendre le sens que nous lui connaissons. Le terme fard va se spécialiser, pour finalement, ne désigner que certains produits cosmétiques : le fard à paupière ou le fard à joue. Autrefois, maquillage était un mot d’argot signifiant travail. Il a d’ailleurs la même racine que make, en anglais, ou machen, en allemand. Il va peu à peu être associé à la notion de falsification, de tricherie. Ce sens perdure de nos jours : on parle toujours de maquiller une scène de crime, maquiller des comptes... Au cours du xixe siècle, dans cet esprit, le théâtre a repris le mot pour désigner le fait de se grimer, de changer son apparence, de tricher sur son image. Il n’a pris le sens que nous lui connaissons que vers 1860.
Rouge baiser Les privations dues à la Première Guerre mondiale, l’absence d’hommes, les blessures physiques et psychologiques n’incitent guère au culte du corps et de la beauté. Les progrès de la chimie qui vont s’amorcer dans les années 1920, ainsi que les débuts du cinéma hollywoodien vont changer radicalement l’image de la femme et des modèles de beauté. Le rouge à lèvres va devenir l’élément indispensable de la trousse de maquillage. Il sera suivi dans les années 1940 du fond de teint, véritable emplâtre coloré. Gare aux bisous ! Plus légère, la poudre a toujours eu beaucoup de succès. À l’origine poudre de riz, elle est devenue talc, puis carbonate de magnésie ou de chaux. Elle unifie le
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Café, crème, savon et C ie teint, absorbe l’excès de sébum et peut colorer légèrement, grâce à de l’oxyde de fer. L’évolution des produits va être étroitement liée à celle de la mise en forme et de l’emballage. Le tube en matière plastique va être un atout de poids pour la commercialisation des fonds de teint, de même que les poudres compactes deviendront plus pratiques et plus sûres à glisser dans un sac à main. L’évolution des stars de cinéma, tendant vers plus de naturel, incitera l’industrie cosmétique à promouvoir un maquillage plus léger, plus sobre. Les dernières innovations vont concerner le maquillage résistant à l’eau (waterproof ), permettant de s’ébattre dans une piscine ou dans la mer et de ressortir avec des yeux de vamp et des lèvres gourmandes.
Des rondes, des blanches et des noires Marie s’imagine sous la Renaissance, une couche de céruse sur la peau, les lèvres écarlates et les hanches généreuses, ou dans les années 1940, un cataplasme de fond de teint sur le visage et les formes girondes. À l’ère du bronzage et des formes faméliques, il ne fait pas bon être blanche et ronde, ou alors sur une partition ! La beauté, voilà une notion bien relative.
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LES OXYDES DE LA BEAUTÉ Pas de sang de rat dans mon mascara Marie est tout de même un peu inquiète. Certes, la céruse est passée aux oubliettes et elle espère qu’on laisse les chauves-souris tranquilles, mais la composition de son rouge à lèvres lui est totalement inconnue. Et d’où vient le gris de son fard à paupière ? Quant à ce mascara qui lui coule dans les yeux, à chaque fois qu’elle pleure au cinéma, est-il sans danger ? La composition de tous ces produits est bien complexe, du moins lorsqu’elle est inscrite sur l’emballage. Essayez donc de faire tenir une liste d’une douzaine de substances sur un bâton de rouge à lèvres ! D’après les spécialistes, il n’y a pas d’inquiétude à avoir, le maître-mot de la cosmétologie actuelle étant « innocuité ».
Ni de lézard dans mes fards ! Les fards sont aujourd’hui utilisés pour unifier le teint, cacher les petites imperfections (fond de teint, crèmes teintées, poudres), souligner le regard (ombre à paupières, khôl, eye-liner, mascara), velouter les lèvres (rouge à lèvres), transformer l’apparence, le style.
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Dans tous les cas, il s’agit d’une dispersion de pigments colorés dans un milieu solide ou pâteux. Le produit fini doit être compact, mais doit pouvoir s’étaler, tout en gardant sa texture. La principale préoccupation du fabricant, outre le fait d’atteindre l’objectif de modification de l’apparence, est l’innocuité du produit, directement liée à sa pureté. Aujourd’hui, les réglementations concernant l’emploi de substances dans les cosmétiques sont très strictes mais variables selon les pays. Le risque allergique ne peut pas être écarté ; il est minimisé. Toutefois, vous ne trouverez pas de substances nocives dans votre fond de teint, ni de toxines dans votre rouge à lèvres.
Des pigments pour tricher L’élément central d’un produit de maquillage est le pigment. Par définition, il s’agit d’une substance colorante, non soluble dans l’environnement d’utilisation, pour rester là où elle sera déposée, utilisée sous forme de particules très fines. Depuis l’homme de Cro-Magnon, quantité de substances d’origine animale, végétale ou minérale ont été utilisées. Certaines ont été abandonnées, d’autres sont toujours au goût du jour.
Rouge cochenille Parmi les substances d’origine animale, encore d’actualité, trône le carmin de cochenille. Plus scientifiquement, la
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molécule responsable de la couleur rouge est l’acide carminique. Sa source réside dans le corps des femelles d’un insecte, le coccus cacti, vivant en Amérique du Sud, essentiellement au Pérou. La cochenille fut pendant longtemps le seul colorant rouge autorisé par la puissante FDA américaine (Food and Drug Administration) pour les maquillages proches de l’œil. Tous les autres candidats étaient considérés comme potentiellement nocifs dans cette zone sensible. Quelques heureux élus ont finalement obtenu leur autorisation mais le rouge cochenille conserve toujours cet intérêt particulier d’innocuité, malgré un prix élevé et une offre irrégulière, du fait de sa source d’approvisionnement. Il présente aussi l’inconvénient d’être moyennement stable à la lumière et de constituer un milieu propice au développement de micro-organismes. L’acide carminique après extraction est présenté sous forme de laque insoluble, c’est-à-dire que le colorant est fixé sur un support inerte, une poudre blanche qui va absorber le colorant.
Écailles et peaux de poissons Toujours dans le registre des substances animales, à partir d’écailles et de peaux de poissons, sont extraits des cristaux, dont les deux constituants principaux portent les noms de guanine et d’hypoxanthine. Placés en suspension dans de l’huile de ricin, ils lui confèrent une teinte nacrée, qui fit le succès de la fameuse essence d’Orient. Aujourd’hui, l’utilisation de celle-ci s’avère exceptionnelle, pour des
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Café, crème, savon et C ie problèmes d’approvisionnement (il faut une tonne de poissons pour obtenir 250 g de guanine !) mais aussi de conservation et d’odeur…
Des minéraux pour être beaux Autrefois, les pigments employés dans les fards étaient très souvent d’origine minérale. Toutefois, le souci de tolérance cutanée et la recherche d’innocuité, liée à une grande pureté, ont poussé à l’abandon des minéraux naturels. Actuellement, ils sont tous obtenus par synthèse. Dans cette liste, nous allons évoquer de nombreux composés rencontrés lors de notre exploration de la cosmétique à travers les âges. D’autres ont été heureusement abandonnés. Nous nous contenterons de les nommer, sans aller plus loin dans le détail de la structure chimique, pour ne pas rebuter le néophyte avide de connaissances scientifiques, capable de supporter quelques noms tarabiscotés, mais effrayé par des formules chimiques, qui l’abandonneraient au bord de la route du savoir.
T’as de beaux oxydes, tu sais ! Nous retrouvons donc les oxydes de fer rouge, jaune, noir, brun, connus depuis des temps primitifs, qui présentent l’intérêt d’être très résistants à la lumière. L’oxyde de titane est un très bon pigment blanc, particulièrement stable. Lorsque la taille de ses particules est très réduite (20 à 80 nanomètres), il perd sa teinte blanche mais devient intéressant comme filtre UV. Les outremers sont des sulfosilicates d’aluminium, donnant des teintes violettes, bleues, roses ou verts. Ces variations de couleurs sont également liées à la granulométrie : plus
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les particules sont fines, plus la couleur est intense et tend vers le vert ; inversement, en augmentant la taille des particules, la couleur rouge ressort davantage mais avec une puissance de coloration moindre. L’oxyde de chrome affiche une belle couleur vert olive. Pour obtenir une superbe teinte bleue, vous pouvez opter pour les bleus de Prusse, des ferrocyanures ferriques. Ce sont des colorants puissants qui se dispersent difficilement à cause d’une très faible granulométrie. Les violets de manganèse sont des phosphates ou pyrophosphates de manganèse et d’ammonium. Leur capacité colorante étant faible, il faudra en prévoir de grosses quantités pour un effet réussi. Enfin, les oxydes de zinc, de nuance blanche, ont un pouvoir opacifiant intense, ce qui leur confère un rôle de premier plan comme filtre UV. Ils sont notamment responsables de la couleur blanche des crèmes solaires. Ils possèdent aussi des propriétés antiseptiques ; ils entrent ainsi dans la composition de certaines crèmes, en particulier des pommades contre les fesses rouges du nourrisson.
Pigments nacrés Certains pigments ont un aspect particulier : ils sont nacrés. Cette spécificité est due au jeu intime entre matière et lumière. Un pigment ordinaire absorbe une partie de la lumière et renvoie le reste. La lumière résultante donne la couleur apparente. Un pigment nacré est légèrement transparent donc transmet un peu de la lumière qu’il reçoit et réfléchit le complément. Comme il est constitué de paillettes aux surfaces planes et parallèles, le phénomène est démultiplié pour le plaisir de nos yeux. Dans cette famille, on rencontre l’oxychlorure de bismuth ainsi que le mica enrobé d’oxyde de titane ou d’oxyde de fer.
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Synthèse organique et cosmétique Quittons les minéraux pour les matières organiques de synthèse. La plupart appartiennent à un groupe de molécules, les azoïques, qui ont en commun la présence d’un groupe « azo », dont la particularité est de posséder une double liaison entre deux atomes d’azote. Leurs teintes vont du jaune au rouge en passant par toutes les nuances orangées. L’ensemble des quinoléines ou celui des xanthènes est aussi couramment employé dans les produits de maquillage. La grande diversité de molécules rencontrées empêche de dresser une liste qui deviendrait rapidement ennuyeuse.
Gare à ceux qui dégorgent Les pigments minéraux sont assez résistants si l’on tient compte de leur stabilité en milieu acide ou basique, propre à chacun, mais leur pouvoir colorant est peu intense, ce qui nécessite l’emploi de quantités importantes. Toutefois, ils ne pénètrent pas dans la peau donc ne provoquent pas de coloration permanente. De leur côté, les pigments organiques arborent des teintes plus vives, possèdent un pouvoir colorant élevé, justifiant des quantités moindres que les minéraux mais peuvent laisser une trace rémanente sur la peau après nettoyage : les spécialistes disent que le pigment dégorge. Pour les yeux, les lèvres ou les joues, que trouve-t-on dans ces produits miracle qui agrandissent vos yeux, font briller vos lèvres ou vous donnent bonne mine ?
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Regard de braise Pour vous faire de grands yeux langoureux, vous les soulignerez peut-être avec un crayon, fabriqué simplement à base de cires et d’huiles imprégnées de pigments. La recette de base est finalement toujours la même, depuis Cléopâtre, mais avec des substances plus inoffensives. Des khôls (mot d’origine arabe qui donnera plus tard « al-khol » puis alcool) appelé aussi kajal, contenant de la galène, sont aujourd’hui encore utilisés pour souligner les yeux des femmes d’Asie ou d’Afrique du Nord. Chacun sait que le plomb peut être à l’origine de maladies graves, telles que le saturnisme, lorsqu’il est ingéré. Les enfants, qui se frottent les yeux et mettent les doigts à la bouche, sont les plus vulnérables.
Le cil le plus long Vos cils vous paraissent trop courts ? Attrapez la petite brosse magique et ils doubleront de longueur. Évitez de vous la mettre dans l’œil sinon tout coulera et vous n’aurez plus qu’à tout recommencer. Le premier mascara était un simple mélange de charbon et de vaseline. Celui qui se trouve dans votre salle de bains contient probablement de l’eau (ou un solvant s’il est résistant à l’eau), un corps gras tel que l’huile de ricin (castor oil), de la cire d’abeille ou de carnauba, un tensioactif tel que le stéarate de glycérol ou de triéthanolamine, afin que cohabitent des substances antagonistes du point de vue de l’affinité à
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Café, crème, savon et C ie l’eau ou la graisse, des résines pour l’adhérence sur les cils, et bien sûr des pigments. Le mot maskara ou mascarra désigne depuis longtemps, en Espagne et au Portugal, une tache noire, une salissure. Le terme Rimmel, qui est une marque déposée, est devenu plus désuet.
Jeux d’ombre et de lumière Pour modifier votre regard, il peut être utile d’accentuer la profondeur des contours ou d’illuminer le bas des sourcils. Dans ce rôle, les ombres à paupières jouent les premiers plans. Elles contiennent une poudre telle que le talc, des pigments pour la couleur, du mica associé à l’oxyde de titane pour l’effet nacrant, un corps gras qui joue le rôle de liant pour la cohésion de l’ensemble. Le tout est compressé pour donner une plaquette qui ne s’effrite pas trop mais permette de prélever de petites quantités. Les colorants sont rarement d’origine organique car ils sont pour la plupart rejetés par la FDA, par manque de garantie de leur innocuité dans la zone de l’œil. Cette fonction est donc tenue par des minéraux. La grande variété de couleurs proposées pour les fards à paupière fait que nous retrouvons presque tous ceux mentionnés plus haut.
Des yeux arc-en-ciel Lorsque l’embellissement de vos yeux nécessite des fards blancs pour éclairer certaines parties, leur composition mentionne de l’oxyde de titane, connu aussi pour ses qualités de filtre dans les crèmes solaires. D’autres zones peuvent au contraire être assombries, pour les creuser un peu plus, à l’aide d’oxydes de fer pour des teintes allant du jaune au noir, en passant par l’orange et le marron.
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Pour des paupières plus colorées, dans les teintes bleu, vert, mauve, les fards contiennent les outremers, violets de manganèse, oxydes de chrome, bleus de Prusse, cités dans les pigments minéraux les plus fréquemment utilisés. Pour des teintes plus chaudes, nous avons vu que le rouge cochenille est un des seuls tolérés dans la région de l’œil et pour des nuances nacrées, vous déposerez des paillettes de mica/titane ou d’oxychlorure de bismuth.
Lèvres pulpeuses Vous trouvez vos lèvres un peu blafardes ? L’industrie cosmétique vous propose toutes les gammes de rouges et roses pour mettre vos lèvres en valeur. Les bâtons se revendiquent mats ou brillants, de teinte discrète ou très vive. Dans ce registre, les pigments minéraux sont nettement battus par les organiques car leur pouvoir colorant est plus important. Mais ces colorants ne peuvent pas être utilisés directement sur la peau car ils sont trop pénétrants, ils doivent être transformés en laques. Nous retrouvons des membres de la famille des azoïques et de la fluorescéine. Ces somptueuses molécules sont conçues par synthèse, mais les pigments minéraux n’ont pas à rougir devant ce succès car ils peuvent tout de même être présents dans la composition d’un rouge à lèvres, pour l’éclaircir (oxyde de titane) ou au contraire le brunir (oxyde de fer). Le carmin de cochenille est parfois encore utilisé.
Attention fragile ! Une des particularités des lèvres est que la peau qui les recouvre est extrêmement fine. Elles ne contiennent pas de glandes sébacées, par conséquent ne graissent pas.
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Café, crème, savon et C ie De plus, elles sont humectées en permanence par la salive et donc sujettes à l’évaporation et au dessèchement. Ainsi, le rouge à lèvres n’a pas pour seule fonction l’esthétique mais aussi la protection.
Une bonne pâte Son constituant essentiel n’est pas le pigment mais bien le substrat pâteux qui va lui donner sa consistance. Il s’agit de cires d’abeille, de carnauba (extraite d’un palmier du Brésil), de candelilla (issue d’une plante du même nom) pour la brillance et la consistance, de corps gras pâteux tels que les beurres de coprah ou de karité, de vaseline, de lanoline, d’huiles de paraffine ou de ricin et d’alcools gras. En plus des pigments qui apportent la teinte recherchée et des corps gras qui protègent de la déshydratation et lustrent vos lèvres sensuelles, se trouvent des additifs divers et variés tels que des agents d’humidification, des dispersants, des émulsionnants, des parfums. Cela n’a l’air de rien, mais un rouge à lèvres est un savant dosage de différentes substances. Il s’agit d’obtenir un bâton qui doit rester solide et compact dans son tube, doit s’étaler harmonieusement sur vos lèvres en laissant une très fine épaisseur, doit y rester de longues heures, en essayant désespérément de résister à vos bavardages, vos repas, vos embrassades, en donnant du brillant et de la sensualité. C’est beaucoup pour un si petit objet, qui en plus, doit être bon marché, sentir bon et avoir bon goût. Sans compter que vous devez évidemment pouvoir vous mordre les lèvres, vous les lécher ou les partager avec quelqu’un, sans risques toxicologiques.
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Un teint de pêche Les poudres sont essentiellement constituées de minéraux. On y trouve majoritairement du talc, de l’amidon (autrefois extrait du riz, d’où le terme poudre de riz), du carbonate et du stéarate de magnésium, pour la légèreté mais aussi l’adhérence sur la peau, des pigments tels que l’oxyde de fer, des agents nacrants, des conservateurs. Le compactage est assuré par des esters d’acides gras ou des mucilages. Si les poudres vous font éternuer et que vous préférez des matières plus onctueuses, vous opterez pour des fonds de teint. Les cosmétologues ont fait heureusement de gros progrès pour alléger leurs formules et éviter les emplâtres qui vous collaient à la joue pour le malheureux tenté par une bise. Ces crèmes colorantes ont la même composition que celles destinées à hydrater la peau, à laquelle se rajoutent simplement des pigments, des oxydes de fer dans la plupart des cas.
Des joues roses et fraîches La petite touche de rose aux joues, le blush, qui achève de donner bonne mine, n’est qu’un hybride entre le rouge à lèvres et la poudre. Un peu moins gras que le premier mais plus coloré que la deuxième, il contient, comme les fonds de teint, des oxydes de fer, plus ou moins concentrés pour se rapprocher du hâle bronzé de celui qui vient de passer un mois sous le soleil des tropiques ou du teint pâle aux joues légèrement rosies de celle qui s’est prélassée quelques jours à la campagne. Toutes ces parures de peaux devront embellir, tout en dégageant une odeur discrète et agréable, et n’avoir aucun goût dans le cas du rouge à lèvres.
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Maquillage invisible Ce besoin ancestral de se parer, de se farder pour améliorer son apparence, est de nos jours, extrêmement lié à un désir d’hygiène et de protection. Dans sa quête d’apparence de jeunesse, l’utilisateur cherche avant tout un aspect bonne mine au naturel. Le maquillage doit se faire discret, embellir en restant invisible. Les crèmes de soin censées protéger la peau jouent aussi avec la lumière pour améliorer l’aspect du teint et atténuer les rides. Les pigments trompent le regard et semblent combler les creux.
Masque au concombre Dans cette mouvance, la bio-cosmétique prend son envol. L’apport de substances naturelles devient un argument de vente car il entre en résonance avec un désir actuel. L’intérêt pour le fabricant est bien sûr la grande diversité de produits mais puiser dans le catalogue de Dame Nature n’est pas récent. Elle a toujours été la source de substances actives. Le cosmétologue ne cherche qu’à l’imiter, voire l’améliorer. Il faut toutefois rappeler que tout ce qui est naturel n’est pas forcément bon pour nous. Un environnement « naturel » regorge de substances toxiques et y puiser, sans connaissances affûtées, risque de provoquer bien des désagréments. L’utilisation de substances naturelles en cosmétologie nécessite des traitements : dans un cocktail de molécules, il faut savoir extraire celle qui a des propriétés intéressantes, la séparer d’autres potentiellement nocives, la purifier. Marie est d’accord pour un masque au concombre mais préfère éviter les recettes de Marie Meurdrac !
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