Boeces, De Consolacion: Edition critique d'après le manuscrit Paris, Bibl. nationale, fr. 1096, avec Introduction, Variantes, Notes et Glossaires 9783110931532, 3484522771, 9783484522770


181 8 6MB

French Pages 209 [212] Year 1996

Report DMCA / Copyright

DOWNLOAD PDF FILE

Table of contents :
Introduction
1. Les Boeces du XIIIe et XIVe siècles
2. Brève description des manuscrits
3. Études antérieures relatives au Boeces, de Consolacion
4. Filiation des manuscrits
5. Étude linguistique
5.1 Versification
5.2 Table de rimes
5.3 Langue de l’auteur
5.4 Particularités de la langue des scribes
5.5 Auteur, date et localisation du texte
6. Le Boeces, de Consolacion en tant que traduction
7. Établissement du texte
Texte
Variantes
Notes critiques
Table des noms propres
Glossaire de l’édition
Glossaire des variantes et des leçons non conservées
Commentaire sur quelques vocables
Bibliographie
Recommend Papers

Boeces, De Consolacion: Edition critique d'après le manuscrit Paris, Bibl. nationale, fr. 1096, avec Introduction, Variantes, Notes et Glossaires
 9783110931532, 3484522771, 9783484522770

  • 0 0 0
  • Like this paper and download? You can publish your own PDF file online for free in a few minutes! Sign Up
File loading please wait...
Citation preview

BEIHEFTE ZUR ZEITSCHRIFT FÜR ROMANISCHE

PHILOLOGIE

BEGRÜNDET VON GUSTAV GRÖBER FORTGEFÜHRT VON WALTHER VON WARTBURG UND KURT BALDINGER HERAUSGEGEBEN VON MAX PFISTER

Band 277

J. KEITH ATKINSON

Boeces: De Consolacion Edition critique d'après le manuscrit Paris, Β ib l. nationale, fr. 1096, avec Introduction, Variantes, Notes et Glossaires

MAX NIEMEYER VERLAG TÜBINGEN 1996

Gedruckt mit freundlicher Unterstützung des Department of Romance Languages der University of Queensland und der Australian Academy of the Humanities

Die Deutsche Bibliothek - CIP-Einheitsaufnahme [Zeitschrift für romanische Philologie / Beihefte] Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie. - Tübingen : Niemeyer Früher Schriftenreihe Reihe Beihefte zu: Zeitschrift für romanische Philologie ISSN 0084-5396 NE: HST Bd. 277. Boethius, Anicius Manlius Severinus: De consolacion. - 1996 Boethius, Anicius Manlius Severinus: De consolacion : edition critique d'après le manuscrit Paris, Bibl. Nationale, fr. 1096 ; avec introduction, variantes, notes et glossaires / Boeces. J. Keith Atkinson. - Tübingen : Niemeyer, 1996 (Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie ; Bd. 277) Einheitssacht.: De consolatione philosophiae NE: Atkinson, J. Keith [Hrsg.] ISBN 3-484-52277-1 ISSN 0084-5396 © Max Niemeyer Verlag GmbH & Co. KG, Tübingen 1996 Das Werk einschließlich aller seiner Teile ist urheberrechtlich geschützt. Jede Verwertung außerhalb der engen Grenzen des Urheberrechtsgesetzes ist ohne Zustimmung des Verlages unzulässig und strafbar. Das gilt insbesondere für Vervielfältigungen, Übersetzungen, Mikroverfilmungen und die Einspeicherung und Verarbeitung in elektronischen Systemen. Printed in Germany. Gedruckt auf alterungsbeständigem Papier. Satz und Druck: Allgäuer Zeitungsverlag GmbH, Kempten Einband: Heinr. Koch, Tübingen

ci la mémoire de Jean Rychner

Avant-propos

C'est dans les années 1967-1969, au cours de séminaires à l'Université de Neuchâtel (Suisse) sur la traduction médiévale des textes latins, qu'a pris racine dans mon esprit cet intérêt pour les traductions françaises de la Consolatio philosophiae de Boèce. Ces séminaires étaient organisés par le regretté Jean Rychner qui fut d'abord mon maître et que j'eus, par la suite, l'honneur de considérer comme un collègue et un ami. Lors de mes visites à Neuchâtel dans les années 70 et 80, c'est lui qui me dispensa ses encouragements et ses conseils lorsque, d'aventure, je me heurtais à quelque difficulté concernant l'édition de ces textes. C'est en l'honneur de son enseignement et des conseils qu'il m'a si généreusement offerts que je dédie, aujourd'hui, cette publication à sa mémoire. Outre l'agrément que peut présenter, en elle-même, une traduction médiévale, cette édition peut se justifier par l'intérêt que suscite, pour un public d'érudits, le développement de la langue française en une période formative comme le fut celle du moyen français. En prenant pour base le ms. de Paris (Ρ), nous présentons au public une édition critique (au sens traditionnel) de ce texte. On y trouvera une introduction phonétique (qui inclut des commentaires morphologiques) portant sur les quatre principaux mss; le glossaire principal se réfère à cette édition de P. Dans un désir d'être fidèle au témoignage lexicologique de toute la tradition, nous avons ajouté un glossaire des variantes où sont présentés des vocables particuliers à des mss autres que le ms. de base. La numérotation des phrases selon la segmentation du texte latin adoptée par L. Bieler dans son édition du texte latin (Corpus christianorum, Series latina, X C I V ) et par A . Bocagnano dans sa traduction française (Classiques Garnier) devrait faciliter les recherches visant à la comparaison du texte édité avec le texte latin. C'est un système à recommander pour d'autres éditions des traductions de la Consolatio·, ainsi ce système peut-il former la base d'une série d'études comparatives des traductions françaises entre elles. Ce travail n'aurait pu être mené à bonne fin sans les subventions de recherche de Γ Australian Research Grants Commission (1979-1982) et, plus récemment, les subventions de publication du Département de Langues Romanes de l'Université du Queensland et de la Australian Academy of the Humanities ni sans l'aide, l'encouragement et les conseils de beaucoup d'amis et de collègues; parmi ceux-ci, deux méritent une men-

Vili

Avant-propos

tion particulière : Margaret Bolton-Hall, d'abord, qui, outre les observations pertinentes qu'elle a pu me dispenser sur quelques aspects de la syntaxe latine, a grandement contribué à m'initier aux subtilités du traitement de textes, et à qui j'ai confié le soin, en tant qu'assistante de recherche, de rédiger une première - mais combien fondamentale - version du Glossaire et de la Table des noms propres; Annick Bouchet, ensuite, qui a accepté de bonne grâce, à titre d'assistante de recherche, de revoir le texte final sous son angle stylistique. Que toutes ces personnes trouvent ici l'expression de ma vive reconnaissance. De toute maladresse qui pourrait subsister, je revendique l'entière responsabilité. J. Keith Atkinson, En ce jour de la fête de Sainte Clotilde, de l'An de Grâce 1996

Table des Matières

Introduction ι. Les Boeces du XIII e et XIV e siècles 2. Brève description des manuscrits 3. Études antérieures relatives au Boeces, de Consolacion 4. Filiation des manuscrits 5. Étude linguistique 5.1 Versification 5.2 Table de rimes 5.3 Langue de l'auteur 5.4 Particularités de la langue des scribes 5.5 Auteur, date et localisation du texte 6. Le Boeces, de Consolacion en tant que traduction 7. Établissement du texte Texte Variantes Notes critiques Table des noms propres Glossaire de l'édition Glossaire des variantes et des leçons non conservées Commentaire sur quelques vocables Bibliographie

....

ι ι 4 10 12 16 16 19 23 32 41 43 46 49 137 150 157 161 185 189 196

Introduction

ι. Les Boeces du XIII e et XIV e siècles La traduction française de la Consolatio philosophiae de Boèce, en vers et en prose et datant de la décennie 1320-1330, dont nous présentons ici une édition, prend place dans une longue tradition de traductions d'oeuvres latines au cours des XIII e et XIV e siècles. Cette Consolatio y occupe une place privilégiée si l'on considère qu'entre les années 1230 et 1400 elle se voit traduire en français de manière plus ou moins complète non moins de dix fois. Les principales études qui leur ont été consacrées dans leur ensemble à l'époque moderne sont celles de L. Delisle (1873), Ch.V. Langlois (1928), H. R. Patch (1935), A . Thomas et M. Roques (1938), R. Dwyer (1976), R. Copeland (1991), N. H. Kaylor (1992). C'est le classement de Thomas-Roques que nous avons retenu ici 1 . F. Bérier dans son chapitre consacré aux traductions françaises de la période en question note l'importance du nombre de traductions de la Consolatio en moyen français et le classifie comme «phénomène qui réclamerait une explication plus poussée que celle donnée jusqu'à présent»2. Sans pousser l'explication jusqu'à son extrême limite, nous pouvons dire que la place privilégiée qu'occupe la Consolatio parmi les textes traduits s'explique par le fait que le texte fut, d'abord, susceptible d'attirer l'attention des commentateurs 3 et éducateurs dans des centres écoliers et universitaires par son contenu scolastique et, à la fois, approprié et 1

2

3

v. Bibliographie. Dans J. K. Atkinson, «Manuscript context as a guide to generic shift: some Middle French Consolations», Medieval Codicology, Iconography, Literature and Translation. Studies for Keith Val Sinclair, Leiden, 1994, 3 2 1 332, nous proposons l'ordre chronologique suivant: I, II, VIII, III, IV, V, VII, IX, VI, Χ. Grundriss der Romanischen Literaturen des Mittelalters, Heidelberg, 1988, Band 8(1), Chap. 14, «La traduction en français», 219-265 (225). On sait que la Consolatio faisait partie du programme des écoles et des universités et qu'elle a fait l'objet de nouveaux commentaires latins au X I V e s. en particulier (v. l'étude magistrale de P. Courcelle, La Consolation de Philosophie dans la tradition littéraire, Paris, 1967). Ces commentaires, en particulier celui de Guillaume de Conches (XII e s.) et celui du dominicain Nicolas Trevet au début du X I V e s., ont fait partie des sources utilisées par plus d'un des traducteurs.

Introduction

2

même accessible à un public plus large par sa présentation narrative, dotée de fables illustratives. A travers les prologues et les différentes m a nières de traduire> qu'on y voit discutées aussi bien que par les résultats différents, on sait que le texte fut traduit, selon le cas, pour un public recruté parmi les universitaires, les religieux, les familles royales et les laïcs instruits désireux d'avoir accès à une culture plus vaste 4 . À cet égard, les Consolations ne diffèrent pas de la variété des buts proposés et des pratiques employées dans toute une série de traductions à la même époque, activité qui connaît son apogée à la cour de Charles V 5 . À deux reprises Jean de Meun se pencha sur ce texte; il y puisa de longs segments qu'il intégra dans son Roman de la Rose et les conseils qu'il y donne sur l'intérêt que pourrait présenter une traduction complète du texte latin (donc granz biens aus gens lais feroit/ qui bien le leur translaterait)6 a presque certainement poussé d'autres traducteurs à entreprendre la tâche. Dans les toutes dernières années de sa vie il acheva une traduction en prose qu'il dédia à Philippe le Bel (Thomas-Roques III) 7 . Mais même avant le Roman de la rose il existait déjà une traduction en prose, complète et littérale, contenant d'ailleurs des extraits, également traduits, tirés des commentaires latins de Guillaume de Conches et d'Adalbold d'Utrecht (Thomas-Roques I)8. Dans sa traduction, Jean de Meun lui-même puisa très peu dans les commentaires latins, bien qu'on puisse discerner, dans son propre prologue 9 , l'influence du prologue du commentaire dû à Guillaume d'Aragon. Cette influence est perceptible aussi dans le prologue d'une autre traduction en prose hennuyère datant de la décennie précédant la traduction de Jean de Meun (Thomas-Roques

4

5

6 7

8

9

À part les études de Dwyer, Bérier et Copeland déjà citées, on peut consulter avec profit sur un plan plus général le chapitre 4, «Les traducteurs au X I V e siècle», de S. Lusignan, Parler vulgairement, les intellectuels et la langue française aux XIIIe et XIVe siècles, Montréal, 1987. v. L. Delisle, Recherches sur la librairie de Charles V, roi de France, 1337-1380, Paris, 1907, (réimpression) Amsterdam, 1967, 1, chap. 9, «Traducteurs», 8 2 119. F. Lecoy (éd.), Le Roman de la rose, 1, Paris, 1968, vv. 5009-10. Édité par V. L. Dedeck-Héry, «Boethius' by Jean de Meun», Mediœval Studies, 14, 1952, 165-275. Ce texte, écrit dans la langue du sud de la Bourgogne, a été récemment édité par M. Bolton-Hall, A Critical Edition of the Medieval French Prose Translation and Commentary of of Boethius Contained in Ms. 2642 of the National Library of Austria, Vienna, Thèse de doctorat, Université du Queensland, 1990. R. Crespo, «Il prologo alla traduzione della di Jean de Meun e il Commento di Guilelmo d'Aragona», Romanitas et Christianitas: Studia lano Henrico Wasink AD VI Kal. Nov. A. 1973, 13 lustra compienti oblata, (éd. Boer et al.), Amsterdam, 1973, 55-70; G. M. Cropp, «Le prologue de Jean de Meun et », Romania, 103, 1982, 278-298.

ι. L e s B o e c e s du X I I I e et X I V e siècles

3

II) 10 . Il est bien probable qu'au même moment Bonaventura da Demena, auteur par ailleurs inconnu, rédigeait sa version en prose (Thomas-Roques VIII) 1 1 . Par la suite, au XIV e s. à proprement parler, on n'a pas moins de six traductions: l'une, en prose, date de 1310; c'est l'œuvre de l'hospitalier Pierre de Paris, qui habitait à Chypre (Thomas-Roques IV) 1 2 ; celle qui nous occupe ici, composée en vers et en prose, date selon toute probabilité de la décennie 1320-1330 et fut écrite à l'Est de la France (ou à l'Ouest de l'Empire) (Thomas-Roques V); une autre écrite dans le dialecte picard, tout en vers, se distingue, elle, par le fait qu'elle comporte un commentaire indépendant en langue vulgaire tiré et adapté d'une variété de sources latines (Thomas-Roques VII) 1 3 ; une adaptation populaire en vers par le dominicain bourguignon, Renaut de Louhans, date de 1337 (n.s.); on surprend parfois son auteur à puiser dans les vers de V (Thomas-Roques IX)' 4 ; une autre, en vers et en prose datant du milieu du XIV e s., est aussi redevable au V de certains de ses vers. Le nombre de copies qui sont parvenues jusqu'à nous suggère que cette œuvre eut un certain retentissement (Thomas-Roques VI) 1 5 ; et enfin un autre dominicain associé à la cour du jeune roi Charles V I dans les toutes premières D e u x éditions datant de l'année 1976: J. K. A t k i n s o n , A Critical Edition of the Medieval French Prose Translation of of Boethius Contained in MS. 8ç8 of the Bibliothèque Municipale, Troyes, Thèse de doctorat, Université du Queensland, 1976; R. Schroth, Eine altfranzösische Übersetzung der des Boethius (Handschrift Troyes 8q8), Francfort, 1976. Sur le dialecte de ce texte, v. J. Κ. A t k i n s o n , «Le dialecte du B o è c e de Troyes 898; à propos d'une édition récente», Romania, 102, 1981, 250-259. 11

12

13

14

15

R. D w y e r , «Bonaventura da D e m e n a , Sicialian translator of Boethius», French Studies, 28, 1974, 1 2 9 - 1 3 3 . A . Thomas, «Notice sur le manuscrit 4788 du Vatican», Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale et autres bibliothèques, 41, 1917, 2 9 - 9 0 . J. K. A t k i n s o n , An Early Fourteenth-Century French Boethian Orpheus, Parergon, 26, 1980 (Special Issue of the Australian and the N e w Z e a l a n d Association for M e d i e v a l and Renaissance Studies) 52pp.; - , «Les travaux d'Hercule moralisés au X I V e siècle», Mélanges de langue et de littérature médiévales offerts à Alice Planche, A n n a l e s de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Nice, Nice, 1984, 4 1 - 5 0 ; - , « A Fourteenth-Century Picard Translation-Commentary of the », The Medieval Boethius (éd. A . J. Minnis), Cambridge, 1987, 3 2 - 6 2 . N o u s terminons actuellement une édition de cette traduction. B. M . A t h e r t o n , Le Roman de Fortune et de Félicité de Renaut de Louhans, édition critique, T h è s e de doctorat, Université du Queensland, 1994. Parmi la série de publications consacrées par G. M . C r o p p à cette traduction, je cite les deux suivantes: «Les manuscrits du , Revue d'Histoire des Textes, 1 2 - 1 3 , 1982-83, 2 6 3 - 3 5 2 , et «: from translation to glossed text», The Medieval Boethius..., 6 3 - 8 8 . Je tiens ici à remercier le Professeur C r o p p de m'avoir prêté des extraits inédits de ce texte.

Introduction

4

années de sa règne (vers 1380-82) refit en vers la version de Renaut de Louhans en respectant plus exactement et plus fidèlement la source latine (Thomas-Roques X)' 6 . On sait quel est l'intérêt de présenter au public des éditions de ces traductions médiévales. Elles ont déjà servi à une série d'études importantes portant sur des questions linguistiques (vocabulaire et syntaxe en particulier) et des questions littéraires et culturelles 17 . Bien que l'édition présente ait son propre intérêt, c'est aussi en vue de telles études linguistiques, syntaxiques et en particulier celles qui se donnent comme but l'examen des techniques de la traduction que nous la publions. Pour faciliter les recherches sur les traductions de la Consolatio - nous disposons, à l'heure actuelle, de cinq d'entre elles au moins' 8 - nous avons numéroté chacun des segments des proses du texte selon les divisions adoptées par L. Bieler dans son édition du texte latin' 9 , numérotation qui correspond en même temps à la segmentation de la traduction française d'A. Bocognano 20 .

2. Brève description des manuscrits Quant au témoinage des manuscrits confirmant la traduction V, il y en a six 2 ': deux complets, Ρ = Paris, Bibliothèque nationale, fr. 1096; Β = Berne, Bürgerbibliothek, 365; un acéphale (il lui manque le premier cahier) M = Montpellier, Bibliothèque interuniversitaire, Section Médecine, H. 43; un autre qui se termine au début de IV,1 ( 5 ) " et qui a été achevé pour une 16

17

18

19

20 21

22

Sur la base des vers d'un épilogue unique au ms. Toulouse, Bibliothèque municipale, 822, f. 85 r°, Blans est mon corps, noirs ses habis, on l'a attribuée jusqu'ici à un bénédictin anonyme; selon nous, la paternité reviendrait plutôt à un dominicain anonyme. M. Noest de l'Université du Queensland en prépare actuellement une édition critique. C'est dans un autre contexte que l'on établira l'intérêt que les dominicains ont porté à la Consolatio en Europe au XIII e et XIV e siècles, et la forte influence qu'ils ont exercée sur elle. On peut se référer à la bibliographie du Grundriss der Romanischen Literaturen des Mittelalters, Heidelberg, 1988, Band 8(1), 400-402 et éventuellement Band 8(2). II et III déjà publiées, et trois déposées comme thèses, I, II et IX. Nous espérons terminer d'ici peu l'édition de VII. Le IV, V I et le X sont toujours en préparation. Anicii Manlii Severini Boethii , Corpus christianorum, Series latina, XCIV, Turnholt, 1957. Boèce: La Consolation de la Philosophie, traduction nouvelle, Paris, 1937. Le ms. de Modène donné par R. H. Lucas, «Mediaeval French Translations of the Latin Classics to 1500», Speculum, 45, 1970, 225-253 (233), est une fausse attribution; il s'agit d'un texte partiel de V I (v. G. M. Cropp, Revue d'Histoire des Textes, 1 2 - 1 3 , 1982-83, 337). Nous indiquons les livres de la Consolatio par de grands chiffres romains, I, II, III, IV, V; les chiffres romains et arabes placés après l'indication du livre per-

2. Brève description des manuscrits

5

grande partie du livre V par une transcription du texte de Jean de Meun, A = Amiens, Bibliothèque municipale, 412; et enfin deux fragments S = Strasbourg, Bibliothèque nationale et universitaire, 508, et Br = Bruxelles, Bibliothèque royale Albert Ier, 10394-10414, f. 202 v° 23. A. Amiens, Bibliothèque municipale, 412 Parchemin, I + 1 1 7 f t + I, ff. 1 - 9 1 , XIV e s.; ff. 9 2 - 1 1 7 , début du X V e s.; justification: 165 χ I20 mm, 28 longues lignes par page, ff. 1 —91 ; 26 longues lignes par page, ff. 9 2 - 1 1 7 ; foliotation moderne en chiffres arabes. Cahiers: le manuscrit se compose de quatre parties assez distinctes; la première, ff. 1 - 3 9 , fragment du Boeces de Consolacion correspondant au texte édité, Prologue au début de IV, 1(5), comprend cinq quaternions dont le premier feuillet a été coupé; initiales alternativement bleues et rouges; une grande initiale de huit interlignes de hauteur au f. 1 r°; trois grandes initiales ornées de cinq interlignes de hauteur aux ff. 10 r°, 21 v°, 39 v°, qui correspondent ainsi au début des livres II, III et IV du Boeces; écriture: textualis-, la deuxième, ff. 40-53 (fragment du Livre de confort de Boeces de Jean de Meun correspondant au Livre V,i(8) à la fin du texte édité par V. L. Dedeck-Héry, in Mediœval Studies, 14, 1952, 257, 1. 20-275), comprend deux quaternions dont les deux derniers feuillets du second coupés; le f. 53 v° est blanc; écriture: textualis formata; la troisième, ff. 5 4 - 9 1 (Le Testament de Jean de Meun 24 ), comprend cinq quaternions moins les deux derniers feuillets; écriture: textualis-, la quatrième partie, ff. 9 2 - 1 1 7 (un recueil de quelques 27 textes dévots et religieux dont au moins 24 correspondent aux textes retrouvés dans M), comprend deux quaternions plus un quinion; écriture: textualis formata-, encre noire partout. Les armes de la ville d'Amiens se trouvent à l'extérieur du plat inférieur. - ff. 1 - 3 9 v°: Fragment du Boeces de Consolacion correspondant au texte édité, Prologue au début de IV,1(5). Inc.: Chiaux qui sont en grans tritreches... Expl.:... sueffre tormens en lieu des mes fais et que che Possesseur et copiste: A l'intérieur de la lettre initiale du premier feuillet, un écu: d'argent, à la croix de gueules, chargée de cinq coquilles d'or, qui

23

24

mettent de distinguer les mètres des proses; I,i correspond au livre I, mètre 1; I,i doit se lire livre I, prose i; enfin les chiffres arabes (3), (4) etc. qui suivent se réfèrent aux phrases numérotées par Bieler dans son édition de la Consolatio et par Bocognano dans sa traduction. Nous espérons publier prochainement une description beaucoup plus détaillée de ces mss et de leur contenu. v. S. Buzzetti-Gallarati, Le Testament Maistre Jehan de Meun. Un caso letterario, Alessandria, 1989. Cette étude comprend une transcription commentée du texte du ms. Genève, Bibliothèque publique et universitaire, 178.

6

Introduction

est de Séricourt (Pas-de-Calais, arr. Arras); à l'intérieur de celle du f. 39 v°, un autre: échiqueté d'or et d'azur, de vingt-cinq pièces, qui est de Lannoy D'Ameraucourt; Lannoy est une maison de Flandre d'où sont sortis, parmi d'autres, les seigneurs d'Ameraucourt. Au f. 117 v° se trouve un explicit qui s'applique au manuscrit composite tel qu'il se présente aujourd'hui: Explicit, Boece de comtemplatiorv, au-dessous, le nom du scribe, au moins de la quatrième partie du manuscrit, Egidius de Porta, scriptor, et le nom du lieu, Genly25 (Genlis, Aisne, arr. Laon). Bibliographie: Catalogue général des manuscrits. Départements, 19, Paris, 1893, 202. - J. K. Atkinson, «Some further confirmations and attributions of manuscripts of the mediaeval French Boethius», Medium /Evum, 47, 1978, 22-23. B. Berne, Bürgerbibliothek, 365 Parchemin, XIV e s. (premier tiers), IV (papier bernois du début du XVIII e s.) + i6iff. + IV, justification: 160 χ 100/105 m m > 2 9 longues lignes par page; deux séries de foliotation, l'une, moderne, en chiffres arabes et au crayon en haut à droite de chaque feuillet, ff. 1 - 1 6 1 [c'est cette foliotation que nous avons adoptée bien que les ff. 1 - 2 (Table initiale) soient ajoutés au début des neuf premiers cahiers (ff. 3-74)]; l'autre, une foliotation continue, encre rouge, de la fin du XIV e s., en chiffres romains, contemporaine de la table initiale à laquelle elle sert de référence, ff. i (= f. 3)-clix (= f. 160) 26 (l'ancien f. lxxxxv manque, visiblement coupé, sans interrompre la foliotation ancienne ou moderne); encre noire; rubrication. Pour le Boeces seul, le texte est régulièrement segmenté par des signes en rouge ou bleu, H, qui correspondent, à quelques exceptions près, aux lemmata latins en forme de manchettes qui, elles, sont signalées par des H dans la couleur opposée; initiales rouges et bleues, filigranées bleues et rouges alternativement. Au f. 3 r° (début du Boeces), une grande lettrine historiée Q, bleue sur fond doré, dans un encadrement en or sur rose foncé, et dont la queue, joliment colorée en rouge, or et bleu, s'étend jusqu'en bas de la page et continue en bas et à droite, pour former 3/4 d'un encadrement à la page. Du f. 3 jusqu'au milieu du f. 73 v°, l'écriture est une scriptura textualis; pour le reste du ms. on trouve une scriptura textualis formata', les deux écritures peuvent être datées de la première moitié du XIV e s. Tout ceci suggère que les neuf premiers cahiers formaient à l'origine un manuscrit indépendant qui aurait eu un dernier feuillet en blanc; c'est à ce moment que l'écriture change; la textualis formata pour le reste du ms. ressemble à celle dont use le scribe du Paris,

25

26

Bénédictins du Bouveret, Colophons des manuscrits occidentaux des origines au XVIe siècle, Fribourg (Suisse), 7 vols, 1 9 6 5 - 1 9 7 9 , 2, n° 3680. C'est cette foliotation qu'ont adoptée Fäh et Bertoni dans leurs études sur ce ms. (v. Bibliographie de ce ms.).

2. Brève description des manuscrits

7

Bibl. nat., fr. 17115, et de laquelle on peut rapprocher le ms. de Berne. Voici ce qu'en dit M. Oswald qui les a examinés tous les deux (Romania, 91, 1970, 108, η. 2): [Ils] pourraient bien sortir d'un même atelier. La facture d'ensemble, de la décoration en particulier, m'en a paru se ressembler... nous avons affaire dans les deux cas à des recueils où sont semblablement mêlés des textes à préoccupations religieuses, philosophiques, et morales ... plusieurs de ces textes sont communs aux deux mss. 27 ... Tous deux sont écrits dans une langue à forte teinture lorraine; le 1 7 1 1 5 contient un calendrier à l'usage de Metz, le ms. de Berne a appartenu aux Célestins de Metz. Ajoutons que l'un et l'autre portent en grandes lettres rouges, au bas du premier feuillet qui suit la table, la signature KBURKTRANK, trop tardive, semble-t-il pour être une marque de copiste, mais peut-être celle d'un ornementateur ou d'un possesseur.

- Le texte du Boeces de Consolacion se trouve aux ff. 3 - 6 9 r°. Inc.: Quar ceulz qui sont en grant tristesces... Expl.:... quant vous ovreiz devant les iex a celui qui tout voit. Possesseurs et copiste: Au f. 5 se lit l'indication suivante: Cest livre appertient aux freres celestins du convent de Mets. .H.; ce serait de la bibliothèque des Célestins de Notre-Dame de Metz28. Par la suite, le ms. aurait appartenu à Jacques Bongars (mort en 1612), érudit, philologue, ambassadeur d'Henri IV auprès des princes protestants d'Allemagne. En 1612, sa bibliothèque fut léguée au fils de son ami, René Graviset de Strasbourg, dont le legs fut recueilli par Jacques Gravisset en 1622; ce dernier, marié, se fixa à Berne et c'est en 1628 qu'il fit don de la bibliothèque héritée au canton de Berne. Bibliographie: H. Hagen, Catalogus codicum Bernensium, Bernae, 1875, 350. - G. Bertoni, Testi antichi francesi per uso delle scuole di filologia romanza, Roma-Milano, 1908, n o - 1 1 7 (édition des ff. 1 - 2 ) . G. Bertoni, Notice sur deux manuscrits d'une traduction française de la Consolation de Boëce conservés à la bibliothèque cantonale de Fribourg (Suisse), Fribourg, 1910, 5 4 - 5 8 . - L. Fäh, Die Sprache der altfranzösischen Boëtius-Uebersetzung, enthalten in dem Ms. 365 der Stadtbibliothek Bern, Freiburg (Schweiz), 1915 (c. r. in Romania, 44, 319). - E. Ruhe, Les Proverbes Seneke le philosophe, München, 1969, (en part. 26-29, 4 7 49, 64-65). - M. Oswald, «Les , note additionnelle», Romania, 91, 1970, 1 0 6 - 1 1 3 .

27

28

Nous ajoutons que quelques-uns de ces mêmes textes pieux, d'origine lorraine, se retrouvent dans les mss Paris, Bibliothèque nationale, fr. 940 et Metz, Biblio-

thèque municipale, 534.

Sur l'histoire de cet ordre et des mss du couvent de Metz en particulier, voir E. Brayer, «Recherches sur quelques mss en ancien français provenant du couvent des Célestins de Metz», Bulletin d'Information de l'Institut de Recherche et d'Histoire des Textes, 9, i960, 3 9 - 5 1 .

8

Introduction

Br. Bruxelles, Bibliothèque royale Albert i e r , 10394-10414 Ce manuscrit sur papier, daté de 1435, vient de la région de Tournai. Il contient un recueil de textes pieux et moraux. En fait ce n'est que le f. 202 v° qui concerne notre texte. La traduction de la Consolatio qui s'y retrouve, ff. 163-227, est bien celle en prose de Jean de Meun; mais dans quelques-uns des mss de cette version il y a une lacune au livre V, pr. 4 du texte. C'est pour suppléer à cette lacune, qui correspond au passage allant de la dernière expression de V,4(i) jusqu'à la fin de ¥,4(14), ne fermement ...en leurs naturez nulle que le copiste a eu recours au passage correspondant de la traduction n° V. Les variantes de ce fragment ont été notées (v. Variantes). Bibliographie: G. M. Cropp, «Quelques manuscrits méconnus de la traduction en prose de la ' III,iv:i [-eus A]; els/eux III,ix:25 [-eus : deux A]. La graphie de cette terminaison dans les textes de BM est, sans exception, -ous. 52. eure II, 1:7, V,111:15, [-oure BM] 53. ié I,v:33, [piés M]\ chié III,v:3 [-iés AM; -iez B]; tié IV,iv:i3 54. ier/er III,11:25, [repairier ABMJ; ier III,viii:7, III,viii:i7, Épi. IV,15, IV,iv:9 [guerroieir M] , IV,vii:5; cier IV,iv:i [porchassier M]; angier IV,111:17 [chaingier : maingier B; maingier M]; engier/angier III, 11:15 [maingier : do(i)ngier B(M)] 55. iert I,vi:7 56. iet I,vii:9 57. iez III,viii:i [-ié A; -iés BM], III,xii:i3 [-iés ABM], IV,vi:29 [-iés : -iez M]; giez III,iii:i [-giés ABM] 58. i'ez 1,1:27 [clamiiez : saviiez B] 59. iere I,ii:i, 1,111:7, I,vii:3 [l. : fondriere A; l. : foudriere BM], III,viii:n, III,ix:4i, V,iv:2i; iere/ere IV,v:io [l. : arriéré BM]; ieres III,x:7 60. ¡ent IV,11:13 1e· '• contient M] 61. i II,111:13, Épi. IV,ιγ, endi/andi IV,vii:7 [-endit : -andit BM] 62. ir III,ix:37, III,xii:i [falir A], IV,v:i5, IV,v:2i, V,iv:25; nir V,iv:i3; enir IV,vi:33, V,iv:i9; offrir V,iv:7 63. is I,v:35, IV,vii:25

22

Introduction

64. ist I I , v : 2 5 ; I V , v i i : 9 , I I I , x i i : i 7 , I I I , x i i : 2 i , I V , v i : 3 i , I V , v i i : 3

65. iz IV,v:i3 [escris : estaublis BM] 66. i e 1,1:9,

I>v:25, I , v i i : i 5 , I I , v i i : i 7 , III,111:5, I I I , i x : 9 [-rilliee

BM],

III,ix:33 [essauchie A; assauciee B], III,xii:5; ee II, 111:7 Λ; -illiee : -aissie B; -illiee : -aisiee M]\ al(l)ie II,viii:9 [baillie AM]\ gnie II,viii: 17; ies III,ix:i5; ient 6 7 . i c e I I , v i i i : i 3 f-isce

IV,iv:7 A],

IV,111:25; ' c e s I H , i v : 7 [niches

A]

68. i r e I , i : i , I , i i : 2 i , I , i v : n , I V , 11:9, IV,111:7 69. i s e I , v : 3 7 , I I , 111:9; i s e s / i v e s 70. i t e I I I , x : 3 [habitet 71. ivre

M],

V , v : i ; - r i s e I,iv:7; t i s e I I , i i : n

IV,1:15

I I , v i i : 2 i ; ivrez/ivres

Pro.

V,i

7 2 . in I I , v i : i 5 , III,ii:29, I I I , v : 5 , t i n I V , v : i ; i n s I I I , x i i : 3 7

73. ime Pro. 11 [leoline P; leonine A; leonime B]; mine Épi. IV, 1 7 4 . o r s I I I , v i i : 5 , I I I , x i : 5 [tresours

MJ; V , i v : 2 3 [cors

BM]

7 5 . o r t 1,1:15, I I I , x : 5 , I V , i i : n , IV,111:3, V,111:9 7 6 . o s I I I , i x : 4 5 , IV,1:7 7 7 . o t I I , v i : 13 78. o l e V,v:5 79. c o r d e III,xi: 15, IV,vi: 19, V,iii:i 80. o s e P r o . 9 8 1 . o n I , v i : i i , I I , i v : 3 , I I , v i i : i 3 [-ons III,i:3; '

o n

M];

a i s o n I V , i v : n [chascun

V , i v : 3 ; i o n / o n I I , i v : 7 , I I I , x i i : 9 , I V , v i i : 1 7 , Épi.

Pro.3 [-tion A], II, 111:15 [generation

ABM;

portion: convention BM; proportion 82. i o n s / o n s I I , v i : i [Ñoirons 83. o n t I I I , v i i i : 9 [sunt

M],

ABM],

P];

son

c(s)ion

mantion A], III,ix:i7 [pro-

A]

III,vii:i; o n s III,xii:33

I I I , v i i i : i 5 , IV,111:23, I V , v i : 3 , I V , v i : 9 , V,i:3; e r o n t

II,ii:9, I I I , i : i 3 , I I I , v i i i : i 9 [desirront 84. o m p t e / o n t e I V , v i i : i [conte

A]

BM]

85. o n d e I I , v i : n ; u n d e s / o n d e s 1,11:13 [ondes 86. o n d r e I V , v : i 7 [fundre

IV,7,

AB]

M]

87. o i III,ii:3; I H , i x : 2 9 ; I I I , x i i : 3 5 , I V , v i : i . O n n o t e q u e l q u e s g r a p h i e s e n oy d a n s l e s m a n u s c r i t s 88. e i l / u e i l IV,1:5 [souluel

ABM. : uel BM];

oil/eil V,ii:9 [souloil

89. o i r Ι , ν . 3 1 , I I , v : i 5 , I I I , x : i 5 , I V , i i : i , I V , i i i : 2 i , Épi.

BM]

IV,g,

V,iv:i7;

voir

II,ii:3; a v o i r I I I , v i i i : i 3 90. o i s P r o . 5 ; o i t I , v i i : n , I I , v : i 9 [croist IV,v:23, IV,vi:39, IV,vi:43; eroit

BM],

I I , v i i i : n , III,xi:3, III,xi:i3,

IV,11:5 [vairoit

M]\

rouvoit

I,ii:n

[-rovoit B] 9 1 . o i e I , v i : i 7 , III, 11:19, I I I , i x : 4 7 , I V , i i i : i , Pro.

K j , Pro.

V,g\ v o i e I V , v i i : 3 7 ;

o i e n t I I , v : i 3 , I I , v i i i : i 9 , III,11:5, I V , v i : 4 9 , I V , v i : 5 i ; v o i e n t I I , v : 5 92. o i r e I I , v i i : i [glore

M],

I I , v i i : i 9 [glore

M],

V,iv:3i

93. o i n g II,vii:9; o i n g t / o i n t II,viii: 15 [joint

ABM]·,

94. ongnent/oingnent V,i:5 [s'esloingnent

BM]

9 5 . o u r I I , v i i i : 5 , I V , v i : i 7 [amours

: cours

BM],

oint II,v:i7

I V , v i : 4 7 ; o u r s III,11:27, V , i : i 3

5· É t u d e linguistique

96. oulz/ouz III,i:5 f-ous

23

ABM]

97. ourent/orent V,i:7 [queurent (cueurent) : seurent Β (M)] 98. u III,xii:3i [-uit B; -ut M] 99. us III,xii:27; a-us III,vi:7; rus I,v:i5 [Artigas BMJ·, enuz 1,1:13 A; chanus : -us Β]

l'us

ιοο. ue I,iii:i; uent III,ii:ii; ues Ι,νϊΐ:ι ι ο ί . ument ΙΙΙ,χ:9 102. a-ure Ι,ν:ΐ9, ΙΙΙ,ϋ: ι ; ature V,v:9; ure Ι,ν:7, ΙΙΙ,νιγ, IV,v:7; cure 1,11:3; ture IV,1:9, V,i:9; urent IV,iii: 13 103. ue(f)s/eus III,111:3 [bués ABM; oeus A] 104. uet II,iv:9, IV, 1:3 105. ui I,vii:i3; uy 1,1:25 /" Μί AB]·, uit/uyt 1,111:5, I , v : i i , II,iii:i, III, 1:9, III,x: 13, IV,vi: 13; uyst/uit IV,vi:2i [nuit BM]

5.3 Langue de l'auteur Puisque c'est à partir des voyelles, des consonnes et de quelques traits morphologiques retrouvés à la rime ou assurés par le rythme des vers que nous allons pouvoir déterminer la langue de l'auteur, nous avons décidé d'examiner le dialecte de l'auteur et les dialectes des scribes autant que possible en deux temps. D a n s un premier temps, nous allons examiner quelques graphies qui se retrouvent à la rime toujours dans un effort pour y discerner ce qui est dû aux scribes et ce qui peut revenir à l'auteur. Les voyelles protoniques ne sont que rarement attribuables à l'auteur dans ce texte où il y a un mélange de rimes consonantes et de rimes léonines 5 4 . Dans les déterminations dialectales c'est toujours le francien plus ou moins du X I V e s. que nous prendrons comme point de repère. Dans un deuxième temps, nous essaierons de localiser chacun des mss par des traits graphiques, morphologiques ou syntaxiques qui semblent être plus particulièrement dus aux scribes. L'examen des principales graphies de chacun des scribes nous révèle que le manuscrit Ρ est écrit dans un francien plus ou moins normatif de la fin du X I V e s. mais avec des traits qui suggèrent une origine des environs de l'Est ou du Sud-Est de la région parisienne; A est un manuscrit picard de l'Ouest de la Picardie (Vermandois ou Pontieu), datant pour le Boeces du X I V e s.; et Β et M, datant tous les deux du premier tiers du X I V e s., sont dus à des scribes lorrains.

54

Sur les précautions à prendre pour interpréter de telles rimes v. S. Sandqvist, «Rime léonine et critique textuelle», Revue de Linguistique Romane, 55, 1991, 1 4 9 - 2 0 9 , v. aussi n.c. Pro. 12. E n effet, et à part le compte des syllabes, seules les rimes léonines masculines, là où on est plus ou moins sûr d'être en présence d'une telle rime, peuvent nous renseigner sur les voyelles protoniques.

Introduction

24

En ce qui concerne la langue de l'auteur, la conclusion de L. Fäh est nuancée: Wenden wir uns dem Osten zu. Die Champagne, Lothringen und Burgund, als auch die Franche Comté, können für die Heimat des Uebersetzers herangezogen werden. Es lässt sich aber an Hand des von unserem Texte gelieferten und durch die Reime gesicherten Materials nicht sicher bestimmen, welcher der drei Gegenden der Uebersetzer angehört (49-50).

Les rimes auxquelles il fait référence à ce moment sont corporels : duex; veaus : nouveaux; courent : sorent; vole : fole. La rime veaus : nouveaux appartient à la Bourgogne selon Nagel (4) et à la Lorraine en même temps selon Fäh § 36. La rime courent : sorent nous rapproche, toujours selon Fäh, de la Bourgogne et de la Franche-Comté, de même que la non-élision de e qu'il dit plus pratiquée dans les textes littéraires bourguignons que dans d'autres (48). Une rime a échappé à l'attention de Fäh: retournoit : courboit III,xi:3, où on a affaire à des subj. pr. bourguignons ou franc-comtois, mais qui ne sont pas totalement inconnus en Lorraine. Nous reviendrons sur ces rimes par la suite. Pour notre part, nous sommes amené à croire qu'il s'agit d'un auteur lorrain qui avait quand même quelque contact avec la Franche-Comté. Nous reviendrons sur cette conclusion sommaire à la fin de cette étude. Voyelles accentués i)

55 56

Les rimes 27, 88 -aus, -iaus; -oil, -eil. Nous avons choisi de traiter ensemble ces rimes qui sont parmi celles qui nous aident le mieux à déterminer la langue de l'auteur. La rime ruissiaux : arbrussiaux (II.viç) où il s'agit de voyelles < sk + -ELLU n'est pas déterminante. Le suffixe -ELLOS et le suffixe -ICULOS > -iaus, résultat qui rime avec veaus (viaus ABM) < VOLES et iaus < OCULOS. Une rime telle que soulaus:iaus 1,111:9 désigne un texte provenant d'une aire assez grande du Nord, du Nord-Est et de l'Est jusqu'au Sud-Est et au SudCentre (Gossen § 12 55 ; Pope, § 501; 489, N. § xvii; 494, E. § ix; 499, S. C. §xi). La rime veaus .-nouveaux (I,vi:9) va dans le même sens (Pope § 501 ii, § 540) et serait certainement rencontrée à l'Est. Comme le dit Schwan-Behrens «uel (cf. voles) + consonne est devenu..., dans une région plus restreinte de l'Est, en passant par l'étape intermédiaire ieu, ¿au50.» Ρ a fait accorder la graphie du mot Ch. T. Gossen, Grammaire de l'ancien picard, Paris, 1970, [= Gossen]. Schwan-Behrens, Grammaire de l'ancien français, 4 è m e éd. fr., Leipzig, 1932, § 245 R. Nagel ( 3 - 4 ) donne une explication différente pour cette rime mais il la place toujours dans l'Est, en Bourgogne; de même pour Fäh § 58, qui cite E. Goerlich, Der burgundische Dialekt im XIII. und XIV. Jahrhundert, Französischen Studien, 7(1), Heilbronn, 1889, 81, qui dit que la graphie viaus est particulièrement fréquente en Bourgogne.

5· Étude linguistique

25

veaus visuellement avec son nouveaux; mais les graphies originales seraient presque certainement cette fois en (i)aus; et une forme telle que solaus serait parfaitement normale au X I V e s. en Lorraine, en Wallonie et en Bourgogne 5 7 . A v e c la rime oil (< oculum) : soleil (< -iculum) V,ii-9, et soleil : ueil ΐν,ι.5 5 8 , on est plus sûrement orienté vers l'Est que pour le trait précédent et vers la Lorraine en particulier où la diphtongue ei se différencie en oi rimant ainsi avec oil < o c u l u (Pope §408(3); 495, E. § xxii). C'est une rime délibérément évitée par l'auteur bourguignon, Renaut de Louhans. Parmi ses emprunts, le mètre V,ii. est parmi ceux où il suit de très près sa source, sauf pour la rime finale. Pour mieux révéler ce qu'il a fait, je donne le texte d'après l'édition de B. Atherton 59 . Ainsi, il est douteux que le texte original provienne de la Bourgogne. Le souleil qui les rays a clers Löe moult li bons clers Omers, Mais sa clarté ne puet entrer Dedens terre n'en fons de mer. Tel n'est pas Dieu qui tout a fait, Car son ray riens ne se soustrait; Quanqu'est, qui fut et qui sera Voit ne pour ce [ne] miiera; La simplesse de sa veiie En toute chose est clere nue.

7224

7228 [5or-a]

Renaut ne traduit pas du tout IV,i. ii) Les rimes 10, 11, 13, 14, 15, 44, 46, 47, 48 -an, -en. L'examen de toutes les rimes comportant les voyelles toniques a, e fermé et ouvert + nasale + consonne donne les résultats suivants: il y en a sept où a + nasale rime avec lui-même: chant : tournant; tournant : errant; bobant : volant; anz : enfans\ tiranz : forsenanz', pesance : balance; anges : changes: 23 où e + nasale rime avec lui même: et 13 qui montrent un mélange de rimes en an et en: forment : pesant; instrumenz : chanz; glant : enchantement; grant : ygaument; avant : clerement; talent : avant; temps : champs; anz : venz; durant : avenant; s'estant : pesant; Cancre : destrampre; nonpourquant : s'estant; prouveance : ordonnance. C e mélange de rimes 60 en an et en n'exclut, en principe, que le picard et le wallon. E n effet, à l'époque du moyen français seuls quelques 57

58 59 60

F. T. H. Fletcher, Etude sur la langue des , roman en vers du XIVe siècle de Jacques de Longuyon, Paris, 1924, 57 (= Fletcher). Les graphies de Β M sont en oil V,ii:9 et uel IV,1:5. v. n. 14. De ce mélange, P. Fouché, Phonétique..., 234 dit: «Le résultat de e ouvert et fermé + nasale + consonne, confus avec le résultat de a + nasale + consonne, est commun au francien, champenois, lorrain et normand.»

26

Introduction auteurs de ces régions séparent encore les résultats de ces deux combinaisons (M-Nizia 78). Le même mélange peut se retrouver à la voyelle protonique dans la rime léonine entendí : espandi ΐν,νϋ.7.

iii)

Les rimes 32, 36, 37, 39, 40, 42, 43 -e-, Bourciez (§ 55, H ) parle d'une distinction entre le résultat de e fermé et entravé et e ouvert et entravé qui a persisté à l'Est (en Lorraine et en Bourgogne) bien après le X I I e s. O n serait tenté peut-être de le voir confirmé par les rimes discutées ici où il n'y a que la rime en -ernes (-ermes) (Ι,ν.3) où les deux voyelles sont rapprochées. En ce qui concerne la prononciation de ces combinaisons Marchello-Nizia suggère que: «devant une consonne (au moins devant r) [elles] avaient abouti à [ε]» (63). Selon Pope § 729, la gémination des consonnes qu'on retrouve pour certaines de ces rimes irait dans le même sens comme indice d'un e ouvert. C'est ainsi que la rime (IV, 111:5) deesse : enchanteresse (Pope § 778) pourrait y être incluse. Quoi qu'il en soit, il y a des rimes qui révèlent une coïncidence des sons dérivant d'un a accentué et libre, de a + yod et d'e fermé et entravé et d'e ouvert et libre: apert ( < PARET) : pert ( < PERDIT)[I,V:I7]; clers ( < C L A R U S ) : Omers61 (V,ii:i); vespre : nestre (1,11:15); Ρ lane tes : mettes ( < METTA) (1,11:9); tristeces : Boeces (Pro. 1).

iv)

Les rimes 50, 95 -eur(e), -our. C'est à partir d'une rime telle que ours : plusieurs (IV,iv:5) où le résultat de o fermé tonique et libre + r rime avec le résultat de o fermé et entravé qu'on pourrait attribuer la valeur de [w] aux voyelles dans les rimes en -eur, -eure. C'est un trait qui suggère un texte provenant de l'Est (Pope 494, E § viii et §230 (ii); Bourciez § 72, II; Gossen 82; Fouché, Phonétique..., 307, R vi; Philipon, les §§ 29 de Romania 39, 41, 43 62 ), bien que de semblables rimes soient employées un peu partout. C'est de là qu'on peut interpréter les rimes heure : desseure (11,1:7), labeure : l'eure (V,111:15) dans le même sens (Fletcher §§ 44,47). Ainsi peut-on rapprocher les rimes du groupe 95 en -our < o fermé et entravé avec les précédentes. Pour l'inclusion des rimes avec amour dans ce groupe, v. Bourciez § 72 II. C e n'est que P, du moins au niveau de la graphie, et si l'on excepte cremour : errour ( I V , v : n ) (qui aurait échappé à son attention?), qui essaye d'établir une distinction nette entre les deux séries.

61

62

Sur la difficulté d'interprétation de Ve ouvert de Omers (< HOMERU, avec un e long) v. Fouché, Phonétique..., 262-263. E. Philipon, «Les Parlers du Duché de Bourgogne aux XIII e et XIV e siècles», Romania 39, 1910, 476-531; «Les Parlers du Duché de Bourgogne aux XIIIe et XIV e siècles, II, La Bourgogne occidentale», Romania 41, 1912, 541-600; «Les Parlers de la Comté de Bourgogne aux XIII e et XIV e siècles», Romania 43. 1914, 495-559 (= Philipon).

5· Étude linguistique ν)

27

L a rime 51 -eus, -eux, -els. A part corporels : duex (III,ix:24), il s'agit de la suffixe étymologique ou analogique < -osu. O n note la même répartition de graphies ou, eu qu'on a déjà remarquée pour les rimes en -eur, -our. L a rime corporels : duex requiert un commentaire. L e l de corporels (P) ne serait que graphique, et duex serait une graphie inverse; selon E. Langlois (354) cette rime ne serait certainement pas acceptée dans la langue de Jean de Meun; ainsi peut-on assumer que les graphies de P, qui vient de la même région, cacheraient l'origine dialectale de cette rime. C e serait une rime tout à fait acceptable en Picardie (Gossen 81, § 26); ainsi le scribe A n'aurait-il aucune difficulté à l'accepter. Mais s'agit-il exclusivement d'une rime picarde? C e serait la seule à nous mener vers cette région en ce qui concerne l'auteur. L e s graphies de BM sont corporous : dous. C e résultat corporous ( < C O R P O R A L I S ) qui rime avec dous ( < * D O S ) est peut-être un peu insolite; mais dans le même champ sémantique on a le charnous (f. pl.) ( < C A R N A L I S ) III,vii:i et le cruous (m. pl.) 'cruel' III,vii:6 de ces deux mss lorrains. Il est hors de doute que la forme dous [dus] est la forme du nombre à l'Est et au Sud 6 3 . Mais comment expliquer le développement C O R P O R A L I S > corporous, à moins que ce ne soit tout simplement un suffixe analogique avec une certaine valeur sémantique, comme on vient de suggérer? O n va voir que le résultat de -ALIS pour BM est -eilz, -eiz, -eis, et moins fréquemment -alz, -aulz, -elz. L. Fäh a pensé un instant à la possibilité d'une forme avec suffixe analogique * C O R P O R O S U S ; c'est une hypothèse qu'il a rejetée, avec raison, nous semble-t-il 64 . O n pourrait peut-être évoquer l'argument de l'échange qui a pu avoir lieu entre A L E et E L L U dont parle Fouché, Phonétique..., 319; en effet, le pron. masc. * E L L O S apparaît sous la graphie lorraine oulz IV,iv:io aussi bien que sous les graphies alz, aulz, aus, ealz, eaulz dans BM. Mais cet argument ne changerait pas la difficulté de l'explication. Enfin, on se demande si - A L I S ne pourrait pas se présenter, dans des cas particuliers qui restent encore à définir, comme -ous, dans une aire où on trouve une forme

63

64

v. Schwan-Behrens § 237, R, où il note que le développement de la diphtongue ou, d'origines diverses, n'est pas allé jusqu'à eu dans un domaine encore insuffisamment délimité du Sud et de l'Est; le dous se rencontre dans sa charte XXXIII, émanant des Vosges. Voilà ce qu'en dit Fäh: «corporous könnte also auf corporosus mit Suffixwechsel zurückgehen neben richtigem corporeils analog dem cruous [III,vii:6],.. Dem ist aber wohl nicht so. charnous (< *carnosus) neben charneiz (< Carnalis) müsste ein fem. charnouse...zur Seite habe, analog dem cruoses [II,v:i6], während charneus (carnalis) eingeschlechtig ist. charneus(ous) verlagt auch die Silbenzahl, ein corporous (corporalis) entsprechend dem charnous (carnalis) reimend mit ous (eus) ist wohl kaum belegt für das 13. Jahrhundert.»

28

Introduction

telle que PAULUS > Pous65. On pourrait penser ainsi à une région de l'Est, en particulier à la Franche-Comté. Il est intéressant de voir que cette rime fut rejetée par le bourguignon, Renaut: A s mis es membres corporelz Et les as si bien ordonnez. (III,ix:5425)

vi) Les rimes 66 -ie. La réduction de -iee à -ie des participes féminins et des substantifs, résultant de palatale + ATA, est un trait normand, picard, wallon, lorrain, bourguignon et franc-comtois dont parlent Gossen § 8; Pope § 513; Philipon, Romania, 43, 536, § 13. Ce trait est confirmé par les rimes avec vie et envie. Ce n'est qu'A M qui préservent systématiquement les graphies en -ie(e). Les rimes occient : contralient; ralie : ballie; seignourie : lie semblent assurer la forme lier comme celle de l'auteur aussi bien qu'une forme loier, comme le montre la rime soient : loient III,11:5. vii) La rime 78 -oie. En ce qui concerne la rime (V,v:5) vole (< VOLÂT) : foie ( < *FULLAT), le o graphique recouvre probablement la monophtongue ou (cf. voulee Épi. IV,12 et deffoulee [PAM], defolee [5] I,v:27). La voyelle de vole reprend la voyelle atone de voler, volons. C'est plutôt dans les dialectes de l'Est, et plus particulièrement dans le franc-comtois, qu'on retrouve des rimes de o ouvert avec le résultat d'un o fermé et entravé roman 66 . Cette rime serait inacceptable au Centre (Langlois 355). viii) Les rimes 87, 89, 90, 91, 92 -oi. A part les exemples des terminaisons oi < e fermé libre qui riment avec elles-même, tels les infinitifs en -oir; loi : soi : roi; françois : bourgois et les terminaisons verbales régularisées -oit, -oient, on est en présence de rimes avec les oi résultant aussi d'au + yod, e fermé et entravé par un yod, o ouvert + yod, o fermé + yod. Ainsi trouvet-on joie qui rime avec desroie ( I , v i : I 7 ) 6 7 et voie; droit (< *DRECTU68) : soit (< *SI[A]T69) (I,vii:n), orendroit : croit ( c, ch. La fréquence de ch dans A est un trait picard (Gossen § 38; Pope 487, N. § i) et mettrait ce texte dans une aire de la Picardie qui inclurait le Boulonnais, Amiens, Pontieu, Beauvais. On retrouve des exemples à la rime en -anche, -eche. On a aussi des formes telles que niche, ehernes I,v:3, franchois, forche, merchi et les démonstratifs chis, chelui, che, eheste. vii) A emploie presque exclusivement la terminaison en s final < ts ou dentale + s (Gossen § 40; Pope 489, N. § xxi). A la rime on retrouve un certain nombre d'exemples de -és (terminaison verbale ou participiale) et des formes telles que ans, chans, dedans, gous, talans, vans 'vents'. La graphie ζ comme terminaison verbale signifie plutôt la présence du 2 sg.: estoiez impf. 2, aiez, soiez pr. subj. 2, auroiez cond. 2. La terminaison -ez s'emploie au fém. pl., amez 'ames' Pro.7, terrïennez III,xii:3, entremeslez I,vi:i3, phénomène déjà noté par Gossen (§ 40). Le même choix de la part de Β M se voit à la rime devisee ζ : assembleez V,iv:i5· Morphologie viii) Adjectifs possessifs: On trouve se adj. poss. f. (II,vi:6 etc.) à côté de sa; sen adj. poss. m. [111,3(44) e t c · ] pour son (Gossen § 66). En vertu du critère de l'alternance des formes me, se: ma, sa de l'adjectif atone du f.s. (Dees II, 35), on serait orienté vers la Somme, le Pas-de-Calais, l'Oise; la préférence d Ά est pour ma, sa. De même on a des formes des adj. poss. distinctivement picardes telles que vo cuers II,viii:i9 (m.pl.c.s.); nos procès III,10(10) (m.s.c.s.) (Gossen § 67). ix)

Démonstratifs: On trouve abondamment des formes picardes des démonstratifs (Gossen § 70): ch'il,chelui, chelle, chiaus, chis, chestui, che. Le mélange (50/50) de formes en ch: c dans la forme du pronom (Dees 11,4) situerait toujours A dans la Somme, le Pas-de-Calais.

Syntaxe x)

A a régulièrement recours au pronom personnel de la troisième personne plutôt qu'au réfléchi soi, même dans des cas où le pronom dépend effectivement de la préposition et dans des conditions où les

Introduction

36

autres emploient so/82. On a ainsi en li III,xi:3, 111,12(37), s a n ?· h mouvoir 111,12(7), honte de li 111,12(23), Par mesmes 111,12(14), tous masculins. Les seules exceptions sont les trois exemples de soi à la rime. Particularités de BM. La langue de Β est lorraine, comme l'a montré l'étude détaillée de L. Fäh. Sa conclusion, qui confirma celle de G. Bertoni avant lui83, fut que le scribe pourrait être localisé dans la région de Metz, conclusion qui s'accorde bien avec les anciens possesseurs, les Célestins de Metz. Le ms. M était inconnu à ces deux érudits. Un examen des Variantes nous révèle la proche parenté de ces deux mss quant aux leçons qui leur sont communes; un examen des graphies montre en même temps leur communauté linguistique. Il nous est donc loisible de traiter brièvement de la langue de ces deux mss ensemble. Il y a, cependant, quelques traits idiosyncratiques qui pourraient nous aider éventuellement à les localiser plus spécifiquement à l'intérieur du domaine lorrain. D'après les quelques fragments de S, ce manuscrit, qui partage avec BM les graphies suivantes i) ait 'a', saige; iv) abasse 'abaisse', glore; vii) queil, teil·, viii) dignitei, felicitei, delivreir, et la graphie beneurous, est certainement lorrain. Graphies i)

La graphie de ai (v. les rimes 1, 4, 5, 6, 8, 9). La palatalisation de a en e ouvert devant les affriquées prépalatales [tj] et [dj] est commune à des régions différentes, à l'Est et au Sud-Est, à la Wallonie, à l'Est de la Picardie et à la Normandie, avec des graphies de ai, e (rares dans nos deux textes), ei (aussi rare). Dans le corps du texte on note, parmi d'autres, les formes estaiche, saichent, saiges, bevraige, coraige, teiches (B); outraiges, lignaige, saige, sachent (M). Plus particulièrement lorrain (Pope 494, E. § xv) est le même phénomène devant les dentales ts, s, t, d: ais (ind. pr. 2 ), pais 'pas1, abait, estait, ait (ind. pr. 3 ) (BM)\ faicent, graices, pourchaicent, dirais (fut. 2), comensait (p.s. 3) (B)\ lais 'las' (M).

ii)

Unique à M est ce même développement devant r (Pope 494, E. § xv): airt, airme 'âme', chair (le Saint Martin), desairmé, l'esgairt 111,8(4) (= l'esgart; la leçon des autres est l'agait), tairt 'tard', trait qui nous aiderait éventuellement à localiser M plus spécifiquement dans la région lorraine. Il faudrait peut-être y inclure le vairreiz et le vairront de M (III,viii: 19) dans la même catégorie où il s'agit d'un a protonique devant r < er.

82

Ce qui est à remarquer peut-être c'est la régularité avec laquelle PBM utilisent la forme soi dans ces conditions (v. M-Nizia 189). G. Bertoni, Notice sur deux mss.., 38.

83

5· Étude linguistique

37

iii) D'autre part, on trouve la graphie ai pour représenter un a dans les monosyllabes: ai 'à', jai 'ja', lai 'là', sai 'ça', mai 'ma'. iv) ai, oi > a, o: Le phénomène inverse s'observe dans les graphies communes de maistresse, mastresce, gloire > glore M, prosier Β 11,5(4),fobletei Β III,8(io) et les terminaisons verbales de la première personne en a, dont au moins trois exemples dans B: j'a 1,4(9), ie m'opposa 1 , 4 ( 1 2 ) , pourchassa 1 , 4 ( 1 5 ) ; de même, on peut signaler j'o (M) p.s. 1, où Β a ¡'oi I,3(2). La réduction ai > a est commune aux dialectes du Nord, du Nord-Est, de la Lorraine et de la Franche-Comté; la réduction de oi > o à l'Est est plus caractéristique en Franche-Comté 84 . v) -eis pour -as. La graphie de -eiz (on trouve aussi -eis au corps du texte) pour la terminaison du fut. 2, commune à BM, graphie qui apparaît aussi au fut. 5, même pour des verbes de la classe I, est un trait presque exclusivement lorrain (Fäh § 13). vi) Dans ces deux mss la graphie la plus fréquente pour représenter -ALI(S) est -eil (temporeil, teil), -eiz (teiz, morteiz), -eis (charneis, morteis), -eilz (crueilz, queilz), qués une fois, (Β) IV,5(50); plus rarement on a -eiz, (morteiz, telz), et quelques exemples avec -al (rime 2, mal, governai), -aul (royaul), -alz (rime 26, generalz, malz), -aulz (desloiaulz) et même une fois -ail, vulgail. C'est la graphie en ei qui définit le mieux les mss BM comme lorrains plutôt que bourguignons ou franc-comtois puisque le résultat de -ALI(S) en Franche-Comté et un peu plus tardivement en Bourgogne est normalement -aul(s), (Philipon, les §§ 6, Romania, 3 9 , 4 1 , 4 3 ) à part quelques cas de -el ( < TALIS, QUALIS). Pour le cas de la rime corporous : dous v. 5.3.V). vii) Selon Pope § 3 9 1 ( 3 ) , il y avait une tendance dans toutes les régions de l'Est à effacer l après voyelle. Comme on a déjà vu -ALIS > -eiz dans ces deux mss. On trouve un certain nombre d'exemples des formes telles que roiames, novias, acune = aucune I I I , 4 ( 1 5 ) , a = au I I , 4 ( I 8 ) , atre = autre, ateil = auteil 111,7(4), phénomène qui n'est pas inconnu dans Β (Fäh § 59) mais qui est plus fréquent dans M. Une comparaison avec de telles formes répertoriées par Dees (II, 45, 86, 97) nous mène toujours vers la Franche-Comté et les Vosges. viii) La graphie ei pour représenter le résultat de a tonique libre (v. les rimes 29, 30, 33, 38) est un trait de l'Est et du Nord-Est (Pope 494, E. § iv; 491, N.-E. § iv); mais comme le remarque Philipon: «Contrairement à ce qui s'est passé en champenois, en lorrain et en wallon, Yé venu de a tonique libre ne s'est développé en éi que lorsqu'il se trouvait à la finale en roman» (Romania, 39, 506; cf. 41, 575 et 43, 544). Ces traits, qui ne sont pourtant pas assurés par la rime, sont des traits qui distinguent le mieux BM comme lorrains et non bourguignons ou franc-comtois. 8

4 P. Ruelle, Recueil général des Isopets,

3, Paris, SATF, 1983, X X X I I - X X X I I I .

Introduction

Quant aux terminaisons infinitives de la classe I précédées d'un élément palatal, quelques remarques s'imposent: et à la rime et ailleurs dans le texte, B n'emploie que la graphie -/er, par ex. cha(i)ngier, ma(i)ngier, couchier. M écrit guerroieir pour rimer avec perillier IV,iv:9; le fait qu'il emploie ailleurs dans le texte une terminaison verbale -ieir, glorifieir 11,4(43), multiplieir 11,7(37) e s t u n des traits graphiques qui le distingue de B. - eis, eiz < -ΆΤΙs, caractéristique de BM, est commun aussi aux dialectes du Nord, du Nord-Est et de l'Est. Ce qui est plutôt caractéristique de l'Est est la même terminaison < -ETIS (Fouché, Le Verbe..., § 96a): cf. oeis, occieiz, veneiz, saveis, meteis. La préférence de Β est pour la terminaison -eis·, la préférence prédominante de M est pour -eiz, presque sans exception. En même temps, il faut noter la coïncidence de cette terminaison du pl. avec le développement de -eis, -eiz comme terminaison du fut. sg. 2; cf. pourreiz, (poreiz) II,iv:i2. Unique à Β est la graphie ei pour représenter e ouvert et entravé + l, r, s, cf. teirre à la rime. Dans le corps du texte on a les formes suivantes: apeirte, aqueirre, beistes, ceirtes, eistre, feivre, iveir, peirdre, seirvet, seneistres, teirme, veirs. Il y en a toute une série dans le passage qui va de 11,4(23) à 11,4(27). Tous les autres mss ont régulièrement e. L. Fäh (§ 18), se basant sur F. Bonnardot, La guerre de Metz en 1324 (436), et le Psautier lorrain (éd. F. Apfelstedt, XVIII), localise ce trait dans le dialecte de Metz. On doit remarquer que cette graphie est totalement absente de M, et du texte du Nord de la Lorraine, Les voeux du paon, où on a assez régulièrement la graphie ie (Fletcher, 7 1 - 7 2 ) , graphie largement répandue en Wallonie et en Hainaut. La graphie oi pour représenter la voyelle < e fermé + n/n mouillé (BM ont des formes telles que poinne, demoinne) est caractéristique des dialectes de l'Est et du Sud-Est (Bourciez § 60, I; Schwan-Behrens § 258). Pour cette voyelle et celle < a + n/n mouillé on trouve aussi les graphies ai, a, e, ei: plaine B, plenne M < P L E N A ; penne B, peinne M < P O E N N A ; aranne BM < A R E N A ; mundannes B, mundainnes M. Le passage de ai à e paraît s'être effectué de bonne heure en Bourgogne (Philipon Romania, 39, 509; Pope § 533). Selon M. Lübke ce serait dans la Lorraine méridionale que e fermé a passé à ai puis à a (Philipon Romania, 39, 521). Toutes les graphies citées se trouvent dans les document bourguignons et franc-comtois examinés par Philipon (Romania, 41, 582; 43, 541) 85 . Dans le corps du texte la réduction de ai > a est fréquente: ansi, mantenir 1,4(9) (Fäh § 38). La réduction de ai, ei + l ou η mouillé > i est un trait qui se retrouve fréquemment en Lorraine [Pope 495, E. § xxii; § 408(3X4)]. ComPour l ' é q u i v a l e n c e des graphies ai, a, e dans des textes picards, v. G o s s e n § 6.

5· Étude linguistique

39

muns à BM sont les exemples suivants: mervilleus 111,12(30), millour V,5(7), signorie I,vii:I5, travillier II,1(4); mais orilles Β III,vii:3 à la rime où M a oreilles. En fait le phénomène est plus caractéristique de Β comme le montrent les exemples avigne 11,3(8) tingnes 11,3(4) où M préfère aviegne, tiegnes. Ce sont des graphies qu'on retrouve dans le Psautier lorrain (Apfelstedt, XXI, § 62; XXXIII, § 68). - Une autre possibilité est la réduction de ces mêmes diphtongues au premier élément; ainsi s'aparelle Β (à la rime), soluel IV,1:5, aparelle, fuelles, semalles. xii) Les préfixes a-, es-, en-. On remarque l'alternance des préfixes a- et es- (et même en-) pour noter le produit de divers préfixes latins et diverses syllabes initiales ayant abouti au même résultat, y compris une voyelle prosthétique. C'est un trait lorrain et franc-comtois qui s'explique mieux comme dérivant d'une équivalence graphique a- = es- que par une substitution de préfixes 86 . L'examen de formes relatives à ce trait donne les résultats suivants: - es-, en- pour a-: i) communs à BM, escuseis 1 , 4 ( 1 4 ) , escort I , 4 ( 3 2 ) , ( 3 5 ) , encuseour 1,4(22), encroist 1,4(43); ii) unique à B, esresteir 11,1(19); üi) unique à M, espovrissement 11,5(7), es pendre (= a pendre) 111,5(6), esproicherait IV,iv:3, espoiee IV,7(1). - a-, as-, ax- pour es-, en-: i) communs à BM, aprovee 11,4(15), abaissement 1,1(4), astaissement IV,5(5), apace 11,7(3), apuissiee IV,6(2), asme (Β) ame (M) (= esme) 11,7(17); ii) unique à Β aclineiz (= enclinez), assaierai V,4(3), axellant 11,5(26); iii) unique à M, affacier I I , 6 ( 2 ) 8 7 , aleescier 11,5(19). - C'est cette alternance qui aurait créé des leçons divergentes telles que a coustume (PA), escostumei (BM) 111,4(2). A une exception près (assil 1,4(36)-/! ß; exil-PM) c'est une alternance qui est absente du ms A, mais dont quelques traces restent dans le ms. P: ainsi afacer ma II,6(2), abaissement 1,1(4) i s esbaissement ailleurs et le verbe est toujours esbahir, s'atrece ( < *STRICTIAT) II,vii:4, aveilleement III,i2(i6). xiii) 5, c, se, ζ, χ• La confusion de s et de c est fréquente dans les dialectes de l'Est, en particulier le lorrain et le franc-comtois 88 . - Ainsi, à l'initiale la pratique de Β et celle de M se rapprochent; on trouve chez tous les deux bien des exemples de s et c interchan86

87 88

C'est ainsi que l'explique J. Ch. Herbin, XLII. Les ressemblances graphiques sur bien des points entre ce ms. lorrain du deuxième tiers du XIII e s. et B M confirment leur origine lorraine. Herbin propose une hypothèse plus large qui trouverait une équivalence graphique entre a/ai et e/es, ce qui aiderait à expliquer les cas de est = ait = a; ai = a, etc. ß a afaner. P. Ruelle, Recueil général des Isopets, 3, 1983, XXXIII; J. Bédier, Les Chansons de Colin Muset, Paris, XLII, § 17.

Introduction

40

geables: ciecle 'siècle' IV,vi:3I; sa pour ça\ ce pour se IV,5(6); si pour ci et l'inverse; c'est pour s'est et l'inverse - s'est M 1,3(2), IV,4(i8) = c'est; ces pour ses et l'inverse; c'il pour s'il III,vi:I3. On a un seul exemple d'un x pour s initial, xuerons B 1,2(6). Le p r o n o m démonstratif apparaît dans M comme sous [v. Variantes II,6(11), 111,2(6)]. E n ce qui concerne le chaison de B IV,iv:ii, on se demande si la graphie ch ne serait pas l'équivalent de cet x89. - A la finale Β emploie assez souvent x: on trouve parmi d'autres boix, maix, maraix, palix\ c'est une habitude que ne partage pas M. C'est une graphie qui est fréquente en bourguignon (Philipon Roma39> 53!» § 53) e t e n franc-comtois (Philipon Romania, 43, 549, § 53). Par contre un trait particulier à M est la fréquence avec laquelle il emploie un Ζ final: asseiz, neiz (< NATUS), SOZ, lez, mez, dez, touz, formes avec ζ qu'on ne retrouve pas dans B. Mais enfin, pour Β et plus rarement pour M on note quelques exemples d'un ζ final comme terminaison du fém. pl: partiez, establiez- A l'intérieur des mots et à des moments différents et dans des conditions quelquefois légèrement différentes, Β M emploient un mélange de s, c, se, ss, χ 9°: vosissent, vousist, vousise Β - voxissent, vocist, vocisse M; essil, assil Β - exil M; aussi Β - auci M; avarisce Β - avarice M; ancienne Β - ansienne M; amolixent, vaixiaulz Β (ν. les graphies aux rimes 8, 20, 36). xiv) La représentation de u long par ui, fréquente dans BM [cf. les p.p. deffendui 1,2(3), Ρ erdui 11,2(5), tolluit (M) I,6(io) aussi bien que le p.s. Ι crui (M)

1,6(4), P-S· 3 fuit II,v:22, V , 4 ( I 9 ) e t l ' a d j . nuit ( < NUDUS)

11,2(4), S U ' r 'sur 1 1,4(32)], est aussi un trait lorrain, bien qu'il ne soit pas inconnu en Bourgogne et dans la Franche-Comté (Fäh § 35); par contre, la réduction d'un ui protonique à u dans les mêmes textes [cf. Β cuderent 1,3(2), BM cudiés 111,3(19)] est plus particulièrement lorraine (Fäh § 52). xv) Le copiste Β et moins souvent M emploient w pour noter l'hiatus entre deux voyelles: Β M lowier 1,4(33), pawerous 1X3(19); Β seul espowentés 1,4(46), assowaigemens 11,3(3); M seul iuwialz (Β joiaus) 11,4(5)· Morphologie xvi) La terminaison verbale pr. ind. 6 apparaît quelquefois dans B M comme -et\ cf. donet III,2(10), esmuevet V,5(i), machinet III,4(10), 89

90

Herbin, L, note une graphie ch dans le dialecte de Metz pour un s intervocalique qui a eu tendance à se palataliser; quant à la valeur d'un x initial il croit probable que x représente un son proche de [Î/I] plutôt que [s], Nous ne donnons que quelques exemples pris plus ou moins au hasard; pour B, Fäh (§§ 72, 73) en donne beaucoup d'exemples.

5· Étude linguistique

41

sembiet III,vii:3, et les Variantes III,3(16). Cette forme apparemment dénasalisée est attestée dans le liégeois dès le début du X I V e s.91. 5.5 Auteur, date et localisation du texte Si on prend ensemble le Prologue, commun à PAB, et le passage en vers inséré entre les livres IV et V (BM), qu'on est en droit d'attribuer à l'auteur, on peut en déduire que l'auteur serait presque certainement un religieux, probablement membre d'un des nouveaux ordres mendiants; il aurait originellement entrepris de translater en françois, en vers et en prose, les quatre premiers livres de la Consolatio à l'intention d'au moins deux classes sociales, les chevaliers et les dames aussi bien que les bourgois. Il imagine ses lecteurs dans un état de grans tristeces; le message de sa traduction peut leur porter confort, s'ilz ont triboul de corps et d'ames. A la fin, il leur demande de prier pour lui. Ces quatre livres auraient eu un certain succès. Les livres déjà rédigés, ajoutés aux titres des matières subtiles traitées dans le cinquième livre, piquent la curiositeit de ces lais: il semble qu'ils aient insisté pour qu'il poursuive sa tâche jusqu'à la fin du livre V, croyant qu'ils pourraient en tirer enfin un certain profit en dépit de la haute subtiliteit. Il se peut que ce passage intermédiaire ne soit rien d'autre qu'un procédé de rhétorique; en fait, le traducteur poursuivit de la même manière qu'avant une interprétation simple, claire et fidèle du texte-source; il n'ajouta ni commentaire ni explications comme tant de ses contemporains. On sait que le texte précède le Roman de Fortune et de Félicité de Renaut de Louhans, achevé en 1337 (n. s.), puisque Renaut l'utilisait en partie comme source. Du point de vue de la langue et de la datation des mss Β ti M (premier tiers du X I V e s.) on ne se tromperait pas en plaçant cette traduction dans la décennie 1320-1330. Du point de vue des références intérieures au texte, il y a très peu de choses à tirer. Par exemple, les références à Pierre de la Broce et le seigneur de Marigny sont uniques à A92; ce sont des cas d'infortunés bien connus au début du X I V e s., et en particulier dans la région où on a pu situer ce ms. particulier. Bien que le traducteur dise qu'il va translater son texte en françois, c'est une expression assez répandue au Nord de la France, même parmi des auteurs dialectaux; mais puisque les quelques rimes distinctivement dialectales nous mènent certainement vers l'Est et plus particulièrement vers un territoire situé entre la Lorraine et la Franche-Comté, entre les Vosges et la Haute-Saône, l'expression translater en françois pourrait s'expliquer comme politiquement motivée chez un

L. Remacle, Le problème de l'ancien wallon, Liège, Faculté de Philosophie et Lettres, 1948, 81, § 44 (2). " 2 c.n. III,5(io). 91

42

Introduction

écrivain lorrain habitant la Franche-Comté, heureux d'être associé au royaume de France, comme faisant partie de cette association entre la Comté et le royaume après 1318 9 3 . Les chevaliers, bourgois et les dames de la région connaîtraient bien les changements de la Fortune et c'est pour eux qu'aurait écrit le traducteur, pensant ainsi leur porter confort dans un moment où ils pourraient connaître triboul de corps et d'ames. Ainsi serait expliqué le choix de la Sainne (III,viii:8, BM) pour rendre le sens de la référence latine aux «Tyrrhena vada». Pour l'auteur, la Seine serait distante mais assez connue pour avoir la résonance qu'il recherchait. Les scribes PA, connaissant mieux le fleuve, ont tout simplement remplacé le terme de Sainne par celui d'aiguës. Serait-il dominicain94? On ne peut pas en être sûr. Il est vrai que le texte du Boèce suscitait beaucoup d'intérêt parmi les frères prêcheurs et que le texte de notre auteur fut mis à contribution, peu après sa composition, par Renaut, dominicain du couvent de la Franche-Comté à Poligny. Par la suite cette deuxième traduction fut reprise et réécrite par un autre dominicain qui la dédia au jeune Charles VI vers 1380. Bien qu'il y eût des commentaires latins de la Consolatio, notre auteur n'y puise pas d'additions. Par contre, peu après, en 1337, Renaut met à contribution celui du dominicain anglais, Nicholas Trevet et presque certainement un autre commentaire connu depuis longtemps sous le nom de Pseudo-Thomas 95 . Ce serait ainsi un auteur, un religieux, qui venait de la région des Vosges, d'un côté ou de l'autre. Le fait que Renaut, auteur bourguignon, évite, à deux reprises au moins, des rimes dues à notre auteur (v. Voyelles accentuées i), v) semble contredire la thèse de l'origine bourguignonne96. 93

94

95 96

L'extinction de la branche des comtes directs fit entrer la Franche-Comté dans l'orbite de la France en l'associant à la Bourgogne ducale par le mariage en 1318 de Jeanne de France (t 1347), petite-fille du dernier comte, avec Eudes IV, duc de Bourgogne ( 1 3 1 5 - 1 3 5 0 ) . C'est Nagel qui, le premier, a suggéré un auteur dominicain, mais il s'est basé sur une interprétaion douteuse d'un passage du Prologue de Renaut, où il s'agit plutôt de reconnaissance de la part de Renaut envers Nicolas Trevet. Et non pourtant je n'ay pas dit Chose qu'au livre soit contraire; Mais ay bien regardé rescript, Du quel l'on puet moult de bien traire, 36 Que un frere prescheeur fist, Qui le livre moult bien declaire; Car du frere porte l'abit; De lui ay fait mon exemplaire. 40 (éd., Atherton) v. B. Atherton, 206-209 e t G- Bertoni, Deux manuscrits..., 3 9 - 4 1 . C'est ainsi qu'on voudrait nuancer un peu l'hypothèse courageuse de Nagel: «Ist die in M [V] erhaltene Übersetzung mit dem von Renaut erwähnten escript identisch - welcher Annahme nichts im Wege steht - so erfahren wir damit zugleich, dass sie das Werk eines Domikaners ist. Vielleicht dürfen wir noch weiter gehen und ihn für einen Landsmann Renaut's, für einen Burgunder halten wenn es erlaubt ist, auf einen Dialektreim, der sich in den wenigen von mir

6. Le Boeces, de Consolacion

en tant que traduction

43

Sur les six exemplaires qu'il nous reste de cette traduction, trois sont rédigés dans le dialecte lorrain, dont deux au moins à l'époque où aurait écrit l'auteur. Sans constituer une preuve suffisante, ce fait doit être pris en considération, ne serait-ce que pour étayer une intuition née de longues réflexions. On va donc chercher la langue de l'auteur dans un domaine où ces deux rimes se retrouvent en même temps que d'autres qui soient compatibles avec le bourguignon et le franc-comtois. Ce domaine serait le sud de la Lorraine, dans les Vosges, territoire voisin de la Comté, territoire où les subj. pr. en -oit et des rimes telles que celles de soleil et solaus se retrouvent en même temps. Si nous voulions poursuivre des recherches pour mieux localiser la traduction V, nous serions tentés de nous tourner vers les maisons religieuses de la région des Vosges, aux environs de la Comté et particulièrement vers les couvents des frères prêcheurs.

6. Le Boeces, de Consolacion en tant que traduction Il n'est pas dans notre intention de donner ici une analyse détaillée des techniques et des procédés de traduction employés; on trouvera des analyses d'une sélection des parties en prose et plus particulièrement des mètres dans deux des études déjà citées 97 . Nous espérons cependant que cette édition et d'autres de la même veine permettront à d'autres de poursuivre des études plus poussées relatives à la syntaxe des traductions et à l'influence de cette syntaxe sur la langue française au X I V e et X V e s.98. On trouvera quelques remarques sur la traduction dans les Notes critiques; entre autres, la manière de rendre les gérondifs [n.c. IV,3(19)].

97

98

benutzen Stücken findet, eine Vermutung zu gründen. Es ist dies: veaus: nouveaux..» (3-4). En identifiant avec V Γ escript.. .que unfrere prescheeur fist, qui le livre moult bien declaire.. .De lui ay fait mon exemplaire, auquel fait référence Renaut dans son prologue (vv. 35-40), Nagel s'est trompé; il s'agit de toute évidence du commentaire latin de Nicolas Trivet. Cette erreur ne contredit en rien les conclusions de Nagel sur les emprunts faits par Renaut à V. E. Langlois, Romania, 42, 1913, en part. 358-369; J. K. Atkinson et G. M. Cropp, Romania, 106, 1985, en part. 212-232. On peut penser à des études portant sur une construction spécifique, telle notre «Les compléments prédicatifs dans

  • de Jean de Meun», Studia Neophilologica, 42, 1974, 391-408 ou à d'autres d'une nature plus générale dans le style de J. Rychner, «Les traductions françaises de la de Jacques de Cessoles», Recueil de travaux offert à M. Clovis Brunei, Paris, 1955, 2, 480-492; - , «Observations sur la traduction de Tite-Live par Pierre Bersuire (1354-1356)», L'Humanisme médiéval, 1 6 7 192; G. di Stefano, Essais sur le moyen français, Padova, 1977; C. Buridant, «Translatio medievalis. Théorie et pratique de la traduction médiévale», Travaux de linguistique et de littérature, 21(1), 1983, 81 - 1 3 6 ; l'étude de S. Lusignan déjà citée (n. 4); G. Contamine (éd.), Traduction et traducteurs au moyen âge, Paris, 1989.

    44

    Introduction

    Il n'y a pas lieu de contester les jugements antérieurs sur ce texte en tant que traduction. Nagel l'avait déjà décrit assez favorablement en 1891: [V] schliesst sich streng an das lateinische Original an und zeigt, soweit sich dies aus den untersuchten Stücken erkennen lässt [les mètres du livre I, ΙΙ,ί,ϋ,ίϋ, V,v] nichts, was auf die Benutzung einer anderen Quelle überhaupt schliessen Hesse (3).

    Le jugement de Fäh ( V I - V I I ) allait dans le même sens. Il le voyait comme une simple reproduction de l'original latin, fidèle sans devenir trop littérale. Dans son étude comparative de III, V et VI, les jugements d'E. Langlois furent plutôt favorables". L e jugement de Ch. V. Langlois fut que cette traduction était «plus coulante, plus libre (et moins exacte) que celle de Jean de Meun» (283). Plus récemment Dwyer, tout en admettant que cette traduction était moins exacte que celle de Jean de Meun, estimait justement qu'il restait fidèle à la source latine. Il n'y trouvait aucune tentative d'introduire des interpolations narratives ou doctrinales (13), interpolations qu'on retrouve dans d'autres Boeces. Les quelques additions ou éléments de commentaire qu'il introduit sont dus aux besoins de la syntaxe française plutôt qu'à un désir d'ajouter quoi que ce soit à l'original. Comparé à d'autres traducteurs, il se révèle concis, serré et même sec. On n'y trouve pas, par exemple, ces expressions binaires et même ternaires employées si constamment par d'autres 1 0 0 pour une raison ou pour une autre. D'autre part, il n'y a que très peu d'omissions, et celles qui existent sont pour la plupart dans les mètres où on peut les attribuer aux besoins de la forme métrique ou aux besoins d'éviter une référence trop recherchée 1 0 1 . Quand l'auteur raccourcit son original il le fait avec intelligence et dans le respect du sens du latin. Pour les besoins de l'édition et pour éviter des redites ennuyeuses dans les notes critques, il nous est loisible de revenir brièvement dans cette section sur deux problèmes auxquels devaient faire face les traducteurs de Boèce; les citations grecques et les allusions à l'antiquité classique.

    99

    Ιϋο

    101

    À la page 368 il parle de l'aisance et de la souplesse des vers de V. A propos des vers 1 , 1 1 : 1 - 4 , il écrit: «Ces vers ne laissent rien à désirer ni pour la versification, ni pour la clarté, ni pour l'exactitude de la traduction» (359). ν. Κ. V. Sinclair, The Melbourne Livy, Melbourne, 1 9 6 1 , 3 4 - 3 6 ; M. J. Walkley, «The French Humanist Robert Gaguin's Translation of Caesar's v:I 9 «Bóreas», bise ou li froiz venz\ 1,111:9, IV,v:i6 «Phoebus», li soulaus, li chaux du soleil·, I,vii:6, II,iv:9, II,111:7 «Auster», li venz ou li durs vens\ II,iii:n «Aquilo», li venz de bise\ II,6(11) «Poenorum», ceulx d'Affrique; IV,v:i «Arcturi sidera», le char Saint Martin; IV,vi:7 «Phoebes», la lune; IV,vi:9 «Ursa», Septemtrion\ IV,vi: 14 «Vesper», L'estolle qui au vespre luit-, IV,vii:2 «ultor Atrides», li rois grezois; IV,vii: 14 «Centauros», Les gens qui sont demis chevaulx; IV,vii:22 «Hydra», serpent105. En ce qui concerne les «Tyrrhena vada» de III,viii:8, on a déjà vu que la référence contemporaine à la Seine de Β M se voyait remplacée par les aiguës de PA\ «Boethius' Donkey and Other Greek Quotations in the Medieval French Translations of the , New Zealand Journal of French Studies, 9(1), 1988, 1 9 - 2 3 . III,6(i) «O gloria gloria milibus hominum mortalium nihil aliud facta nisi aurium flatio magna» (cité d'après l'édition de Johann Kolhoff, Cologne, 1482); 111,12(37) «rerum orbem mobilem rotat dum se immobilem ipsa conservât» (Cropp 26); IV,6(38) «Hoc corpus sacri viri edificaverunt virtutes» (Cropp 26). 1,4(1) «Esne asinus ad liram»; 1,4(38) «deo et non diis»; 1,5(4) «unus domus est et unus rex, unus et princeps»; 11,2(13) «duo dolia unum quidem malum aliud autem bonum» (tous cités d'après l'éd. Cologne, 1482). Bien que «Hydra» soit identifiée à un serpent qui en feu fu mis (vv. 2 5 - 6 ) , il semble d'après ces vers que ce soit Hercule lui-même qui périsse du venin de ce serpent.

    46

    Introduction

    iii) mais certains sont conservés tels quels (v. Table des noms propres): Acheleon «Achelous»; Arturus «Arcturus»; Bootez «Bootes»; Cancre «Cancer»; Cerberon «Cerberus»; Eilrus IV,111:3 rend «Eurus» (mais l'«Eurus» de II,iv:ç), vent); Evandre «Evandri»; Hercules «Herculem» (IV,vii:i3); Pollifemus «Polyphemus»; Sy rus «Sirius»; Tantalus; Yxïonus; Zephirus. Le Tyce «Tityi» de P III,xii:29 est certainement une correction; la leçon de l'auteur aurait été pecheour. iv) Pour d'autres une périphrase latine a été identifiée et réduite à un nom propre: III,xii:6 «vates Threicius», Orpheüs; III,xii:29-30 «tergeminus.. .ianitor», Li portiers... Cerberus qui avoit trois testes; IV,vii:8 «Ithacus», Ulixes. v) Quelques-uns d'entre eux sont traduits mais seraient difficilement reconnaissables: 1,4(12) «Campaniam», C(h)ampaigne P(A) ou Campas (BM); le Hethne de Ρ pour représenter «Aetna» II,6(1) semble plus sûr que le Hanne ou Henne d'ABM; IV,vii:30 «Cacus», Cathon (P), Chascum (B); la leçon de M Chacun représente probablement l'original; il n'est pas sûr qu'Antée (IV,vii:3i) serait reconnu sous Ancheon. vi) Enfin il y a des cas de fausses identifications: notre traducteur n'est pas le seul à prendre le «Persi régis» Tersée, roi' de 11,2(12) pour le roy de Perse; II,6(11) «Regulus» devient tout simplement uns rois; IV,iii:i «Neritii ducis», Hercules, où il s'agit évidemment d'Ulysse.

    7. Établissement du texte Dans cette édition, on a présenté le texte de P, avec, en bas de page, toutes les leçons non conservées avec indication des variantes des autres mss relatives à ce changement. En effectuant ces corrections pour établir le sens, la rime ou la mesure des vers, on a tenu compte des graphies et de l'usage des mots attestés dans la langue de P. En même temps on a indiqué en bas de page les omissions et quelques additions marginales dues à P. En fin de volume on trouvera toutes les variantes non graphiques d'ABM. La division en livres, proses et mètres est justifiée par toute la tradition. Mais l'introduction des paragraphes et la numérotation des segments des proses selon les segments ainsi numérotés par Bieler et Bocognano est la nôtre. En fait, BM ont un système de segmentation des proses avec des lemmata et des signes de paragraphe qui se rapprochent et les situent toujours du même côté de la tradition manuscrite (v. Brève description des manuscrits). Le but de notre système de segmentation et de numérotation est de faciliter des études linguistiques comparatives entre ce texte, la source latine et d'autres éditions du Boeces en préparation.

    η. Établissement du texte

    47

    La ponctuation, quelquefois la coupe des mots et l'emploi de majuscules pour quelques-uns des noms propres sont les nôtres. Pour les accents, le tréma et la cédille, la résolution de i et u consonantiques en j et v, nous avons suivi en général les conseils édictés par M. Roques 1 0 6 et repris par A. Foulet et M. Blakely-Speer 107 . En développant les abréviations dont se servent les copistes 108 , nous tenons compte des formes écrites en toutes lettres; ainsi par, partie, moult pour P; per, pertie, troup, moult pour B. Ρ emploie un l barré pour représenter ul; ainsi a-t-on résolu quelx, telx (avec / barré) comme queulx, teulx; la forme queulx apparaît en toutes lettres au moins une fois, 111,12(23).

    106

    107 108

    «Établissement de règles pratiques pour l'édition des anciens textes français et provençaux, Société des Anciens Textes Français, Compte rendu de la séance tenue à Paris les 18 et 19 octobre 1925», Romania, 52, 1926, 143-49. On editing Old French texts, Lawrence (Kansas), 1981. En général ces abréviations ne posent pas de problème d'interprétation; le dictionnaire de L. A. Chassant fournit une description précise des plus courantes, Dictionnaire des abréviations latines et françaises (cinquième édition), Hildesheim, 1965.

    Texte

    [Prologue]

    51

    [Prologue] Quar ceulx qui sont en grans tristeces Conforte doucement Boeces, C'on dit de Consolacion, Propos ay et entencion De lui translater en françois Si que chevaliers et bourgois Y praingnent confort, et les dames, S'ilz ont triboul de corps et d'ames. Ou livre a vers et si a prose: Si vueil si ordonner la chose Que li vers soient mis en rime Ou consonant ou leonime; La prose est mise plainnement. Or oëz le commencement:

    [1 r°]

    4

    8

    12

    Pr. 12 leonime ] leoline Ρ leonine A

    I,i Je, qui sueil diter et escrire Les livres de haute matire Et d'estude avoie la fleur, Fais or diz de duel et de pleur. Les muses, qui aux premiers anz Ensaignent rimer les enfans, Que j'amay mout en ma jonnece, Me confortent en ma veillece: Tant ay au mains de compaingnie En ceste douloureuse vie De vieillece qui s'est hastee, Quar douleur l'a tost amenee. Je suis ja fronciez et chenuz Ainçois que temps en soit venuz. L'en devroit moult priser la mort Qui home qui a son confort Ne sourprant ne tolst sa leesce; Mais, quant il chiet en tel tristesce Qu'il est annuyez de sa vie, Tantost le prant que il l'en prie. Mais a moy fait tout le contraire: Quant fortune m'est debonnaire Par un pou qu'elle ne m'estaint; Mes or, quant elle m'a empaint En la grant douleur ou je suy,

    4

    8

    [1 v°] 12

    16

    20

    24

    52

    Boeces, de Consolacion

    Vivre me fait a grant anuy. Amy, pour quoy me clamiez Bieneüré? Ne saviez Que cil n'est pas bieneürez Qui ne puet estre asseürez? N'estoit pas certain mon estât Quant si bas fortune m'abat.

    28

    32

    24 empaint ] empraint

    ι, I [2 r°] 1) Quant je pourpensoie a ce et escrivoie ma doulereuse complainte, il me fu avis que une dame s'estut devant moi a chyere de trop grant reverence, les yeulz ardanz et cler veanz plus que nuls hons ne puet avoir, la couleur vive et de tres grant vigour. Combien que elle feust de si tres grant aage que elle passast tretouz ceulx qui vivent, sa longueur n'estoit pas certainne: 2) quar une foiz sembloit que elle feust ygaus aux hommes; puis sembloit que elle touchast le ciel de son chief; et puis se levoit si tres haut que elle passoit le ciel si que yeul d'omme ne la pouoit veoir. 3) Sa robe estoit de tres deliez filz, texue a tres soutil artifice et de matire durable, la quelle elle avoit texue de ses mains, si comme elle recognut après, mais elle estoit obscure aussi comme ymages enfumez pour negligence de veillesce. 4) Ou bort dessoubz avoit une lettre .P., qui veult dire pratique; au dessus une autre .Th., theorique; et estoient fais degrés de bourdeure par queux l'en montoit de [2 v°] l'une lettre a l'autre. 5) La robe estoit desciree, quar aucuns l'avoient roupte a force et en avoient porté aucunes pieces. 6) En sa destre main elle portoit livres, en la senestre un sceptre. 7) Quant elle vist les musetes devant nostre lit, qui m'amenistroient les paroles de ma complainte, elle fu moult esmeue et ot les yeulz enflamez et crueuls. 8) «Et qui, fist elle, a laissié venir vers ce malade ces ordes puterelles, qui ne li assoageroient mie ses douleurs mais le paistroient de douls venins? 9) Cestes sont qui par les espines de fausses affections destruient le blé de raison qui porte fruit plantureus. Elles atraient les cuers des gens senz donner garison de maladie. 10) Se voz losanges me fortraississent aucun paysant rude, je ne m'en correceroie pas tant, quar mon travail n'y seroit pas si bleciez. Mais cestui si souef nourri de noz dottrines? 1 1 ) Mais alez vous en, Syrennes, qui par vostre chant attraiez et puis ocriez.» 12) Quant celle compaignie s'ouï ainsi blasmer, le chief encliné vers terre, rouges de vergoigne, yssirent hors de la chambre. 13) Et je, qui avoie la veue troublee de plourer si que je ne pouoie cognoistre qui estoit celle dame de si haute seignourie, m'esbahi et tourné mon vis vers terre et attendoie, en taisant, qu'elle entendoit a faire après. 14) Et elle

    53 s'aproucha plus près et s'assist sus l'esponde de mon [3 r°] lit et regarda mon vis pesant de pleur et a terre encliné. Et par tels vers se commença a complaindre de ma turbación: 7 ) les p. ] le p. 9) atraient] aichent Ρ Elle atrait Β 14) s'aproucha] s'aproi u cha Ρ

    I, ii «Hé! raison d'ommë et lumiere, Con tu dechiez en grant maniere Et deviens trouble et obscure, Trestost maintenant que la cure T'assaut des choses terriennes Qui sont si fausses et si vainnes! Cil qui sieult ou ciel habiter, Soleil et lune visiter, Les estoilles et les plannetes, Leur cernes, leurs cours et leur mettes Par giet de nombres esprouvoit: Et causes et raisons trou voit D'où vient li vent qui muet les undes, Et pour quoy se tourne li mondes, Que li soulaus qui couche au vespre Vient au matin d'autre part nestre, Qui le printemps fait atemprer Et fleurs de la terre engendrer, Et qui fait auton plantureus Quant li raisin sont bien vineus; Tout savoit enseigner et dire. Or est devenuz de l'ampire Qu'il ne scet plus le ciel requerre, Mais est enclinez vers la terre.

    4

    8

    12

    16

    20

    [3 v°] 24

    10 cernes] cerne Ρ termes Β i j atemprer] atremper

    1,2 1) Mais li temps est de medicine, non pas de complainte.» 2) Adonq elle mist toute s'entente a moy regarder: «N'es tu pas, dist elle, cilz qui es nourri de nostre lait et repeuz de noz viandes si que tu estoies ja hons parfaiz? 3) Certes, nous t'avions donnees telles armes que, se tu ne les eusses premiers delessees, elles t'eussent deffendu fermement. 4) Ne me cognois tu pas? Pour quoy te tais tu? Est ce par honte ou par esbaïssement? J'ameroie mieuz que par honte mais bien voy qu'abaissement t'a

    Boeces, de Consolation

    54

    sourpris.» 5) Quant elle me vist du tout muet et sanz office de langue, elle mist sa main souef sur mon piz et dist: «Il n'y a point de perii; il est en litargie, qui est commune maladie de ceuls qui ont les cuers deceuz. 6) Il s'est un pou entrobliez, mais il se recognoistra legierement seulement qu'il nous recognoisse avant. Et pour ce qu'il le puisse fere, nous li terdrons les yeulz qui sont obscurciz par la nue des mortelx choses.» 7) Lors plia un chief de sa robe et essuya mes yeulz qui estoient tuit moilliez de larmes. 4) J'ameroie] J'ameraie 6) s'est] est

    I, iii Adonq m'est ma clarté rendue, Et reprist force ma veüe: Si com les nues, par mol vent, Vont les estoilles escondent, Ne soleil ne estolle ne luit, Mais semble en terre qu'il soit nuyt; Se la bise ist de sa tesniere, Les troubles nues chace arriéré, Li jours revient et li soulaus Esbahist de son rai les iaus.

    [4 r °] 4

    1,3 1) Tout en autel guise la nue de tristece se departi et choisi le ciel; et pris euer de recognoistre ma fisicienne. 2) Et quant j'eu bien fiché mes yeulz en lui, je recognu ma nourrice en cui maison j'avoie conversé des m'enfance, c'est Philosophie, 3) et li dis: «O, maistresse de toutes vertuz, comment as tu lessiez les sieges souverains pour venir ou desert de nostre exil? Est ce pour estre blasmee avec moi que tu soies accusee faussement de estre coulpable? 4) - Comment, dist elle, te lairoie je, qui est mes nourriz? Ne ne sourporteroie aveq toi la charge que tu portes par la raison de moi? N'auroie je part en ton travail? 5) Certes, il n'estoit pas raison que Philosophie n'acompaignast la voye de l'innocent. Doubteroie je donq mon blasme aussi come chose nouvelle fust avenue, par [4 v°] quoi je eusse horreur? 6) Cuides tu que or, a primes, sapience soit persigue des mauvés? Ne ses tu que ou temps ancien, avant que nostres Platons fust nez, nous eusmes mainz estrifs contre la presumpeion de folie? Et en son temps, son maistre, Socrates, reçut mort a tort en ma presence? 7) Le cui heritage li Epicurien et autres pluseurs cuiderent prandre et moi reclamant et contredisant trainerent a force et rompirent ma robe que je avoie texue de mes mains, et chascuns emporta sa piece, et me cuiderent avoir toute

    I, iv

    55

    entiere. 8) E t pour ce que ils avoient aucunes de noz traces, li fols cuiderent que ils fussent des nostres; ils les parsiguirent jusqu'à la mort. 9) E t se tu ne sees la fuite d'Anaxagoras, ne l'anvenimement de Socrates, ne les tormenz de Zenon, quar c'est chose tres vieille, au mains pues tu savoir les maus que souffrirent Canious et Seneques et Sorain; car ce n'est pas chose tres ancienne et lour renommee est moult commune, 10) les quels nulle autre chose ne mist a destruction, fors ce que ils estaient enformez de nos bonnes meurs et estoient dessamblant as mauvais. 1 1 ) Pour ce ne te dois tu pas merveillier se nous sommes triboulee par la tempeste du monde, quant nostre principaus propos est de desplaire as mauvais. 12) Et combien que ils soient grant compaignie, ils font [5 r°] a despriser, quar ils n'ont nul bon gouvernement, mais comme esgarez vont pelle melle, or ça, or la. 1 3 ) Et se il avient que ilz facent bataille contre nous et soient plus fort, nostre guirresse retrait sa gent ou donjon et cils s'occupent a recuillir un pou de vil harnois. 14) E t nous nous mocons d'eulx de ce que ils prennent ce que riens ne vault. E t nous sommes tout asseur, enclos de tel paliz ou la cruauté de folie ne puet ataindre. 8) 10) 11) 13)

    ils les parsiguirent] ils le par. Ρ il lez parsivirent A si les persuirent B M as] au as ] au sa] la; vil h.] un h. Ρ teil hernois (hernex) B M

    I, iv Qui pourroit son euer ordonner E t fortune soubz piez menner Que l'une et l'autre regardast Tout droit que son vis n'enclinast, Cils ne doubteroit la tempeste D e mer, ne nulle autre moleste D e feu ne de fouldrë emprise Qui les tours abat et debrise. Chetis, pour quoy doubtez tiranz Qui sont sanz force forsenanz? Qui ne craint riens, ne ne desire, A s tiranz a desarmé l'ire. Mais cilz que couvoitise abat Ou paour, il n'a point d'estat: Son escu pert; enchaennez Est par son fait et traînez.

    4

    8

    12

    3 l'une et l'autre] l'un a l'autre Ρ l'un et l'a. B M 8 abat] abast 2 As] Au

    56

    Boeces, de Consolacion

    1,4 [5 v°] ι ) Entens tu ce? N'entre il point en ton euer? Ou es tu comme li asnes au chant de la harpe? Pour quoy ploures tu? Pour quoi espens tu tes larmes? Se tu atens la garison du fisicien, il te couvient monstrer ta plaie.» 2) Adonq je pris euer et dis: «Et quoi couvient il moustrer? Chascun puet veoir appertement coment Fortune forsenne asprement contre nous. Ne te chaut il de la vilté du lieu ou nous sommes? 3) Est ce la chambre de mon estude que tu avoies esleue en maison ou tu seoies avec moi et me devisoies la science des choses humaines et divines? 4) Ay je tel chiere et tel habit comme j'avoie quant j'encerchoie aveq toi les secrets de nature, con tu me monstroies la voie des estoilles a la broche, con tu enformoies les meurs de nostre vie a l'exemple de l'ordre du ciel? Est ce le guerdon que nous avons d'obeïr a toy? 5) Certes, tu avoies donnee ta sentence, par la bouche de Platon, que les choses communes estoient beneurees se li sages les gouvernassent ou se leur gouverneurs estudiassent a sens acquerre. 6) Tu avoies amonesté les sages, par celui mesmes, que ils devoient prendre le gouvernement de la communauté pour ce que, se il che[6r°]oit en la main des mauvais, que ils ne feissent honte ne vilennye as bons. 7) Et je, pour ensuir ceste auctorité, desiroie emploier au profit de l'administracion commune ce que je avoie apris en secré de toi. 8) Tu et Dieux, qui t'a mise es cuers des sages, m'estes tesmoing que nulle autre cause ne m'esmut a prendre maistrise fors que le commun profit de touz. 9) Et de ce est avenu que j'ai tousjours grieves discordes eues aus mauvais. Et pour la franchise de ma conscience pour droit maintenir, je ne doubtai onques puissance d'omme. 10) Quantes foiz me suy je opposez a Cognigaste pour ce que il vouloit toldre aus plus foibles le leur! Quantes foiz ay je retrait Transguille, le prevost de l'ostel le roy, de l'injure qu'il vouloit faire ou avoit ja faicte! Quantes foiz ai je mis mon auctorité en peril pour deffendre les chaitis des chalonges aus barbarins qu'ilz leur faisoient pour leur avarice qui oneques n'avoit esté punie! Nulz ne me pot onques mener de droit au tort. 1 1 ) Quant li paisant et leur bien estoient grevé, ou par rapines ou par malestoltes, j'en estoie aussi dolanz comme ilz meismes qui les mauls souffroient. 12) Quant la grant famine fu, un bans fu criez par le prevost du pretoire, crueulx et griefs; que cilz de la province de Champaingne [6 v°] morussent de fain, je m'oposay contre le prevost a la seue du roi et pourchacay tant que li bans fu laissiez. 13) Paulin, un des conseilz de Rome, le cui avoir li chiens du palais pour leur avarice vouloient devorer et ja en estoient près, je l'estraïs des bouches hiees. 14) Et Albin, un autre consul qui faussement estoit accusez, que il ne feust puniz a tort, a la mauveillance de Cyprien qui l'avoit accusé je me mis encontre. 15) Sem-

    57 ble il bien que j'ai esmeues encontre moy grans discordes! Certes, mais deusse estre plus asseur envers touz autres qui, pour amour de droiture, je ne pourchacei onques envers ceulx du palaiz pour quoi je feusse plus asseur envers eulx. Et qui sont cilz qui nous ont accusé? 16) Basiles, qui avoit esté dechaciez du service le roi, contrains par la neccessité d'autrui deniers, fu receuz en nostre accusacion. 17) Opilions et Gaudenz, pour leur grans baras et injures, furent condempné de par le roy d'aler en exil, qui ne voussirent obeïr, mais se midrent en la franchise du temple. Et quant li rois le sot, il commenda que, se dedanz un terme ils n'aloient a Ravenne en exil, que l'en les seignast ou front et les chacast on a force. 18) O cruauté nonpere, le jour mesmes lour accusacion fu receue contre nous! 19) Et comment ont ce desserviz [7 r°] noz ars? Ou la condempnacion des accuseurs les a fait justes? Fortune n'a elle pas honte - et se non par innocence faussement accusee, au mains pour la vilté des accuseurs! 20) Et se tu demandes de quel blasme nous sommes accusé, l'en nous met sus que nous pourchacames le sauvement des senateurs. 21) Et veuls tu la maniere? L'en nous blasme que nous empeschames leur accuseur que il ne portasi les lettres par quoi ilz feussent tenuz d'avoir faict contre le roial magesté. 22) O maistresse, que t'en semble? Nierons nos cest blasme pour ce que tu n'aies honte pour nous? Je recognois que je vueil leur sauvement ne ne m'en faindrai ja du vouloir; mais d'empescher l'accuseur ne m'entremis je onques. 23) Desirer le sauvement de cest ordre, dirai je qu'il soit pechiez? Endroit d'eulz, avoient ilz fait envers moy, par leur decrez, que ce fust pechiez. 24) Mais folie, par ses mençonges, ne puet changier le mérité des choses ne il ne m'est pas avis, selon la sentence de Socrates, que je aie licence de celer la vérité ne d'octroier la mençonge. 25) Mais, en quelque maniere que ce soit, je le met ou jugement de toy et des sages. Et pour ce que ces choses ne soient celees a ceulx qui sont a venir mais en sachent l'ordre et la vérité, je les ai mises en escript. 26) Quar des lettres [7 v°] faussement dictees, par les quelx je suis blasmez de esperer la franchise de Rome, que vault il a parler? Des quels la fausseté fust sceue appertement se l'en m'eust fait 0'1'r la confession des accuseurs; car ce donne grant vertu en toutes besougnes. 27) Mais quele esperance puis je avoir de nule autre franchise? Par mon gré, aucune! Je respondisse la parole de Canion, cui, con Gaius, filz de Germain, mist sus que il avoit bien sceu la conjuración qui estoit faite contre lui, il dit: .

    II, vii

    77

    2 i ) Et quoi appartient il aux vaillans hommes (quar [26 v°] de ceuls parlons nous) qui quierent gloire par euvres de vertuz de acquerre renommee après la mort? 22) Car se li homme muerent du tout, que riens ne demeure (la quel chose nous ne créons pas), quel seroit celle renomee quant cil de qui elle seroit feust néant? 23) Et se l'ame demeure après le corps, qui a en soi bonne conscience, elle s'en va ou ciel, delivree de la chartre terrienne, et desprise toute besongne terrienne. Car elle s'esjoït ou ciel de ce que elle est exempte de la terre. 5) so uss traiz 8) Marke Tulle] Make Culle Ρ Marke de Tulles A Marque Tulle Β ; Caucase] Canease; tant çreinte creue 9) est la gloire] est la voie; p. la gloire] par le nom 10) tiennent] treuuent; tiennent] treuuent 12) celle] selle Ρ ceste Β M 16) a fin] au f. Ρ ait f. A B M 19) aus] au Ρ as A B M 20) r. c.] r. tantost c.; poignant] poiguant 22) murrent

    Roma 6 ;

    II, vii Qui en ce mont quiert vainne gloire Et la tient pour beneurté voire, Regart le ciel et sa largesce Au cui semblant terre s'atrece, Quar petit c'est. Et nonpourquant Son non par tout pas ne s'estant. Hé, orgueilleux, pour quoi levez Les testes? Quar se vous avez Renomee qui aille loing, La mort qui vient n'a de ce soing; Ainz prant le petit et le grant Et hauls et bas mett ygaument. Ou est Brutus, ou est Caton, Qui furent de si grant renon? Maintennant est lour renomee En poi de lettres devisee; Mais pour beaux diz que l'en en die Ne tourneront en ceste vie. Gisez donq orgueilleux sanz gloire, Quar estainte est vostre memoire. Et se pour lui cuidez plus vivre, Quant la mort vendra a délivré, Toute vostre gloire estaindra Et seconde mort vous tendra.

    4

    8

    12

    16 [27 r°]

    20

    24

    78

    Boeces, de Consolacion ι mont] monde PA 5 Qua petist 6 non pas par tout ne

    II, 8 ι ) Mais pour ce que tu ne cuides que je aie pris guerre contre Fortune sanz oïr parler de paiz, en Fortune treuve l'en chose a loer: c'est quant elle se montre appertement, quant elle descouvre son front et recognoist ses meurs. 2) Tu ne sees encore que je di. C'est merveille que vueil dire, et a painnes le puis je desploier par paroles. 3) Je cuit que la fortune averse fait plus de bien aux hommes que la bonne; quar la bonne, quant elle atrait par semblance de beneurté, elle ment adés, mais l'autre est toudiz vraie, quant elle moustre que elle n'est point estable. 4) Celle déçoit, ceste t'enseigne; celle lie les cueurs par l'aparence des faus biens, ceste les deslie par la cognoissance de la beneurté chetive; celle tu verras tousdiz plainne de venz et decourant et soi descognoissant, [27 v°] ceste sobre, recourcie et plainne de sens par l'usage d'aversité. 5) A la fin celle retrait par ses losanges du vrai bien, ceste moult de foiz remaigne aux vrais biens, aussi comme a un crochet. 6) Et cuides tu que ce soit petis biens que la fortune aspre t'a descouvert les cuers de tes vrais amis? Ceste a devisé les amis loiaux des faux, car, au despartir, elle en mena les siens et te leissa les tiens. 7) Combien eusses tu acheté ce quant tu estoies beneurez a ton avis? Mais ores qui te plains pour les richeces perdues as trouvées les plus precieuses que puissent estre, vrais amis! 2) vueil] weil Ρ weul B M 4) sobre] semble

    II, viii Que li mondes par foi estable Acorde le temps si muable; Que li element si contraire Sont ensemble si debonnaire; Et li soulaus fait le cler jour, Puis vient la nuyt a son retour; Et la mer ses ondes restraigne Que sus la terre ne s'espaigne; Tout ce vraie amour ralie Qui tout le mont a en ballie. Et se il son frain relachoit, Entre touz ceauls guerre seroit Et destruiroient l'ediffice Dou mont par guerre et par malice. Ceste amour les cuers des sainz joingt

    4

    8

    12 [28 r°]

    III, ι

    Et mariage tient enpoint Et fait la loi de compaignie. O vous de l'umaigne lignie, Voz cuers beneürez seroient Se par cestui se gouvernoient.»

    79

    20

    III, ι ι) Elle avoit ja finé son chant et je estoie couvoiteus de ouir, car la douceur de son ditier me tenoit esbahi, a oreilles tendues, 2) si que un poi après je dis: «O souverains confers des cuers desconfortez, com tu m'as alegié, ou par la force de tes raisons, ou par la douceur de tes diters, si que je recognois que je ne suis pas ygaus aux cops de fortune et les remedes que tu apeloies plus aigres je ne redoubte pas, mais ai grant désir de les ouir et les demande moult.» 3) Lors dit: « J'ai bien sentu quant tu ravisoies, sanz mot dire, nos paroles; si atendoie la disposición de [28 v°] ton euer et, a voir dire, je l'ai parfaicte. Et ce qui demeure est de tel maniere que, au goust, est amer, mais quant il est entré dedenz, il est doulz. 4) Mais quant tu dis que tu as grant désir de l'ouir, comment seroies donq ardenz se tu savoies ou nous t'entendons amener! - Et quel part? fis je. 5) - A vraie felicité, fit elle, la quelle tes cuers songe, mais ta veue est si pourprise de semblances fausses qu'elle ne la puet choisir.» 6) Lors dis je: «Je te pri que tu les faces et monstre sanz desiai quelle elle est. 7) - Je le ferai, fist elle, pour l'amour de toi. Mais il couvient ainçois te mener par paroles et toi enfermer de celle que tu mielx cognois si que, quant tu la regarderas et tourneras tes ieulz a la partie contraire, tu puisses veoir la nature de vraie felicité. 3) d. de ton] d. de de ton 7) couvient] couuuent

    III, i Qui champ plantureus veult semer Avant le couvient délivrer D e fougierë et de buisson Pour avoir du blé a foison. Le miel semble estre plus doulz S'avant estoit amers li gouz. Estoilles luisent plus forment Quant cessent a tonner li vent. Plus gracieusement jour luit Quant Lucifer chace la nuit. Ainsi regarde les faus biens Et t'esloingne de lours liens, Puis li vrais se demonstreront Et en ton courage entreront.»

    4

    8 [29 r°] 12

    8o

    Boeces, de Consolacion III, 2

    ι ) Lors elle ficha un poi son vis et, aussi comme se elle se recuillist dedenz l'estroit siege de sa pensee, commença a dire: 2) «Toute la cure des mortelx qui se travaillent en diverses estudes si va par divers sentiers, mais elle tant a une fin, c'est a felicité, qu'ilz soient bieneurez. E t c'est le bien, quant on l'aura acquis, qu'il ne faille riens plus a desirer, 3 ) et le souverain bien qui contient en soi toute maniere de touz autres biens. E t se il en failloit riens, il ne seroit pas souverains quar hors de lui seroit aucune chose c'on porroit desirer. D o n q est il certain que felicité est uns estas parfais par assemblement de touz biens. 4) Cestui, si comme nous avons dit, tuit mortels s'esforcent d'acquerre par diverses voies; car comme le désir de vrai bien soit assis dedenz les cuers des hommes naturelment, li errours les en destourne par fausseté. 5) E t li aucun cuident que cilz vrais biens soit non avoir souffrete de riens, si se travaillent d'avoir richeces; li autres, que ce [29 v°] soit dignitez de houneur et de reverence, si s'efforcent d'estre en reverence entre leurs voisins pour acquerre dignitez. 6) E t sont aucun qui le souverain bien cuident estre puissance, si se painent de regner ou de soi joindre a ceulx qui regnent. E t sont autres qui cest bien cuident estre glorieux; et cils, ou par guerre ou par paiz, se hastent de provaignier la gloire de leur nom. 7) Plusieurs mesurent le fruict du vray bien a joie et a leece; cils tiennent a parfaitte felicité estre plongés en delices. 8) E t sont aucuns qui les causes et les fins de ces choses entremeslent, comme cils qui quierent richeces pour pourchacier delices ou puissance, ou qui vuelent avoir puissance pour avoir richeces ou gloire de nom. 9) E n ces choses et en semblables tuit le fait humain et li désir s'antendent, comme a noblece ou a f a v e u r de pueple, qui semblent appartenir a gloire, f e m m e et enffanz, qui appartiennent a joie. Mais li ami ne font a compter entre les biens de fortune, mais de vertu, car c'est tres saínete chose. L i remenanz si est pris pour cause de puissance ou de délit. 10) L e s biens corporels, c'est certain que ils sont ordonné aus choses dessus dictes, quar force et grandece de corps donnent force; beauté et legereté, gloire; sancté, délit. 1 1 ) A u x quels choses seulement l'en quiert felicité. Quar ce que chascuns [30 r°] desire plus, ce tient il a son bien souverain. Mais nous avons determiné que felicité est souverains biens, pour quoi cil juge tel estât estre felicité que il desire sur touz autres. 1 2 ) Tu as donques devant tes yeux la forme de la felicité humaine richeces, honeurs, puissance, gloire, délit - les quels regardant, Epicurus, tant seulement, si dist que delices estoient li soverain bien pour ce que toutes les autres font joie et leesce au euer. 1 3 ) Mais je retourne aux estudes des hommes, quar ils requierent touzjourz leur biens, combien que leur memoire soit oscursie, mais ainssi comme li ivre, ils ne scevent retourner a leur maison. 14) Errent donques cils qui s'esforcent que riens ne leur faille? E t certes, c'est la perfection de vraie felicité avoir estât

    8i

    III, ii

    habundant de touz biens et que riens n'i faille. 15) Ne li autres ne chancelent pas qui cuident que li souverains biens soit dignes de reverence et de honneur, car ce n'est pas vilz chose ne a desprisier a qui s'adrece l'entencion de touz pour li avoir. 16) Et puissance ne sera elle pas du nombre? Et quoy donques? Sera ce qui vaut plus que riens chose foible et senz force? 17) Et clarté de gloire, fait elle a despire? Certes l'en ne la puet dessevrer, car ce qui est tres excellent ne [30 v°] soit tres noble. 18) Quar que felicité soit angoisseuse ne triste ne cou vient il ja dire, car en chascune petite chose quiert on ce qui plaist a avoir et a user delitablement. 19) Ce sont or que li homme desirent. Et pour ceste cause ils covoitent richeces, dignetez, roiaumes, gloire, delices; quar par cestes cuident ils avoir soffisance, reverence, puissance, renommee et leece. 20) C'est donq le bien que touz li hommes desirent par tant de diverses manieres; ou quel, con grant force il ait de nature, l'en puet legierement moutrer, car, combien que les opinions de luy soient diverses, en l'amour de lui s'acordent toutz. 4) 5) 6) 7) 8) 9) 10) 11) 12) 17)

    dit] dist Ρ omis A si s'e. . . . reverence omis de soi] de si Ρ d'aus A; cest bien] ces biens PB M de chest b. A du] de et les fins] et f.; quierent] quirent; v.] welent Ρ veult A veullent RM tres omis c'est] est Ρ sont A; b. et 1.] b. et et 1.; santé] sancté Ρ sans A santeit BM ce que] se Ρ che que A ce qui B M ; desire sur] desirent sur forme] fortune ne soit] ne ne soit

    III, ii De montrer en chant met ma cure La grant puissance de nature Qui met a toutes choses loi; Chascune fait tourner a soi. Combien que li líen bel soient Qui les lions d'Affrique en loient, Et se sueffrent a la main pestre Et doubtent les cops de leur maistre, Se le sane entaint leur viaire, Li vieilz courage leur repaire; Si fremissent et leur cuers muent, Rompent liens, leur maistre tuent. Li oiseaux qui chante au bocage, S'il est pris, enserrez en cage, Combien qu'il ait bien a mengier Et a boire sanz nul dangier, Se de leans puet eschapper,

    4

    8

    12 [31 r°]

    82

    Boeces, de Consolacion

    Son mangier fait aux piez verser; Vers le bois a tourné sa voie, Ou bois chante et mainne sa joie. Se la plante est enclinee Et vers terre a force menee, Se cil qui l'encline la lesse, Maintennant vers le ciel s'eslesse. Li solaux qui se va couchier Au matinet veult repairier. Toute riens revient a son cours Ne de retourner n'est séjours Ne ne prennent autre chemin Tant que reviennent a leur fin.

    20

    24

    28

    25 vait 26 repairer

    111,3 1) Et vous, bestes terrienes, songiez vostre encommencement, combien que ymaginacion soit moult tenvre en vous, et celle vraie fin de felicité recognoissiez, combien que ce ne soit pas parfaictement, et l'entencion naturele vous y ramainne, mes maintes manieres d'errours vous destournent. 2) Regarde se les choses par [31 v°] quelles les hommes cuident avoir felicité peuent a ce avenir. 3) Quar se avoir ou hounours et les autres peuent faire bien a qui rien ne faille, nous ottroierons que aucuns seront beneurez par les avoir. 4) Et se elles ne peuent faire ce que elles promettent, mais y faut plusieurs biens, tantost l'en verra que leur felicité est fausse. 5) Premièrement a toi meisme, qui soloies avoir grans richeces, je demande se, entre celle grant habundance de richeces, ton euer fu onques troublé par aucunes injures que tu soffrisses? 6) - Certes, fis je, il ne me membre que mes cuers feust onques si frans qu'i n'eust aucune chose a soffrir. 7) - N'estoit ce, fist elle, pour ce que te failloit ce que tu vousisses avoir, ou avoies ce qui ne te plaisoit? - Ainsi est, fis je. 8) - Donques desiroies tu a avoir ce qui te failloit, ou estre délivrés de ce qui te nuysoit? - Je le confesse, dis je. 9) - Donq a cils deffaute, dist elle, de ce qui est désiré? - Faute y a il, fis je. - Et cils qui a faute n'est pas en parfaicte soffisance? - Non voir, fis je. 10) - Et tu, en la planté de richeces ou tu estoies, souffroies ceste faute? - Quoi donq? fis je. 1 1 ) - Donq ne peuent fere les richeces soffisance parfaicte a ceulx qui les [32 r°] ont; et toutesvoies elles le promettent par semblant. 12) Et fait encore a regarder que pecune ne puet avoir par nature c'on ne la puisse tollir a celui qui l'a, maugré sien. - Je le confesse, fis je. 13) - Pour quoi, fist elle, ne le confesseroies tu, con nous veons chascun jour que le plus fort le toit au plus foible, malgré sien? Dont viennent donques Ii piaist fors de ce

    III, iii

    83

    que aucuns se plaint que l'en lui a tollu, ou par barat ou par force, son argient, si le redemande? - Ainsi est il, fis je. 14) - Donques a il mestier d'aide forainne par quoi il puisse deffendre le sien? - Nuls ne le puet nier, fis je. 15) - Et il n'en eust nul mestier, se il ne eust point d'argent qu'il peust perdre. - C'est sanz doubte, fis je. 16) - Donq est la chose tournee a la partie contraire; quar les richeces, qui promettoient faire soffisance, amainnent la soffrete d'autrui aide. 17) Et quelle est la maniere par quoi richeces facent les riches qu'ils n'aient riens de souffrete? Li riches, ne puent ils avoir faim et soiff? Ne cils qui ont richeces, ne peuent ils sentir le froit en y ver? 18) Mais tu diras, quar li riches ont dont ils saoulent leur fain et dont ils dechacent soif et froit, donq peuent elles donner aucun [32 v°] remede contre souffrete - mais oster ne la puent elles du tout! Quar se cil qui a souffrete desire tousdis qu'elle soit remplie par avoir, adés remaint qu'il a mestier de remplir. 19) Il ne me chaut de dire que a nature souffist poi, mais a avarice ne soffit riens. Pour quoi se les richeces ne peuent soffreite chacier, mais en font la leur, dont vient ce que tu cuides qu'elles doignent souffisance? 5) premieremient; meisme omis 8) avoir] avoier 9) cils d.] ci d.P chil d. A cil d. BM

    III, iii Se riches estoit engorgiez D'or, et de gemmes touz chargiez, Et eüst cent paires de buefs Pour arer grans champs a son eus, N'auroit il ja paiz en sa vie N'a la mort des biens compaignie.

    4

    ι richeces estoient

    111,4 1) Les dignetez si donnent honeur et reverence a ceulx qui les ont; mais ont elles celle force qu'elles puissent mettre vertuz es cuers de ceulx qui en usent ou dechacier vices? 2) Elles n'ont pas a coustume de mauvaistié oster, mais de la moustrer. Dont il avient que nous avons grant indignación quant nous voions souvent que li felon les ont. Donques Catullus appella Nonium boce combien que il seist en siege de maistre. 3) Ne vois tu con grant mal les dignetez font aux mauvais? [33 r°] Certes, leur mauvaistié ne seroit si magnifestee si ils ne les avoient! 4) Tu mesmes ne peus onques estre amenez, pour nul peril, que tu voussisses estre compains en magistrat au felon Decore, quar tu veoies qu'il avoit euer de tres mauvais ribaut et mesdisant. 5) Et nous ne pouons pas jugier dignes de reverence ceulx qui ne sont pas digne des dignetez, selon nostre avis, pour

    84

    Boeces, de Consolacion

    digneté qu'ils aient. 6) Mais se tu vois un sage, tu ne pourroies pas jugier qu'il ne feust dignes d'onneur ou du sens qu'il a! Non voir. 7) Quar dignetez si est si naturelement jointe a vertuz que, se elle se met en aucun, tantost elle apporte aveq soi sa digneté. 8) Ce ne peuent pas faire les honeurs mondaines, pour quoi il est certain que elles n'ont pas en soi la beauté de digneté. 9) Et ce fait encor plus a regarder quar, se cil est plus despiz que plusieurs desprisent et la digneté ne donne nulle reverence au felon, en tant comme elle le moustre a plusieurs, tant est il despiz a plusieurs. 10) Et c'est droit, quar li felons machinent les dignetez qu'ils ont par leur vilz compaignie et ainsi leur font autel comme elles a eulz. 11) Et que ces dignetez fantastiques ne puissent donner vraie reverence, entent ensint: Se aucuns avoit plusieurs seignouries de consulaz ou de senatorie et il aloit en [33 v°] pais de barbarins, li porteroient ilz reverence pour ce? 12) Se celles dignetez avoient naturelment reverence en soi, elles feroient adés leur office entre quelque gent [la ou] l'en venist aussi com li feus fait adés chaut ou qu'il soit portez. 13) Mais pour ce qu'elles n'ont riens de leur nature, mais seulement par la fausse opinion du pueple, tantost sont avilees quant elles viennent la ou l'en ne les cognoist. 14) Mais c'est entre les estranges nacions. Or prenons ou pais dont elles sont nees, peuent elles touzjours durer? 15) Certes, la prefecture souloit estre jadis grant puissance; or n'est de nul renon fors que grant charge a la rente des senateurs. Se aucuns avoit jadis la cure du blé, comme l'en le tenoit a grant! Or n'est office plus vil. 16) Donques ce qui n'a point de valeur propre de soi, selon l'oppinion de ceulx qui en usent, ore a pris, ore le pert. 17) Se donq les dignetez ne donnent reverence, mais sont aviltees par les felons qui les ont et perdent leur beauté selon la muance de temps et sont avilees par l'oppinion des genz, quel biauté ont elles qui face a desirer dont ne la peuent elles pas donner a autrui? 2) Nonium] Novium Ρ Novion ABM\ boce] beste PA 11) porteroient] portoient Ρ A 17) temps] teulx Ρ tamps A ; dont] donq Ρ donc Β M; la] les Ρ A

    III, iv Combien que Néron l'orguilleux Fust de soy parer curieux, Et de margantes couvers, Haïz estoit comme pervers, Piain de luxure et de douleurs. Et si donnoit il les honneurs Aux preudommes et les offices. Qui sera donq li fouls et nyces Qui tiengnë honeurs a bien vrais, Quant donnees sont par les mauvais?

    [34 r°] 4

    8

    111,5

    «5

    III, 5 ι ) Et les roiaumes ou les familiaritez des rois, peuent ilz donner puissance? Oïl, se leur felicité duroit touzjours. 2) Mais nous avons d'essemples, et en l'ancien temps et ou present, des rois qui venoient a grant chetivier en la fin. O noble puissance qui n'a pouoir de soi garder! 3) Et se la puissance de royaumes puet donner felicité, si lui faut aucune chose, elle sera amenuisie et aura misere aveq lui. 4) Mais combien que les roiaumes soient larges, il couvient que moult de nacions soient hors a qui leur pouoir ne s'estent pas. 5) Donques la ou la puissance qui donne ceste felicité fault, la puissance entre qui fait chetiveté et misere; et ainsi il couvient que li rois aient plus de misere que de felicité. 6) Un tirans qui avoit esprouvé la paour des roys le voulst montrer par le [34 v°] glaive que il fist a pendre sur son chief. 7) Quelx est donq ceste puissance qui ne puet oster les mors de cuisançons, ne les aguillons de paours? Et certes, ils desirent a vivre en seurté, mais ilz ne peuent; et nonpourquant, ils se glorifient en leur pouoir! 8) Juges tu donq a puissant qui ne puet ce que il veult? Juges tu a puissant qui environne ses coustés de genz armees; et qui doubte plus ceulx que il espoente; qui, pour sembler puissant, est ou pouoir de ses sergens? 9) Que dirai je donq de ceulx qui sont familiers aux rois, quant li roiaumes sont si foible? Les quels, la puissance roial, quant elle chiet, les met au bas. 10) Nerons, a Seneque son mais tre, donna chois de eslire la maniere de mort que il vouldroit. Anthoines abandonna aus glaives de chevaliers Pampaniam qui avoit esté moult puissant et longuement a la court. 11) Et nonpourtant Ii uns et li autres vouloient renoncier a leur puissance, et plus, quar Seneques vouloit donner a Néron tout son avoir et laissier toutes besongnes. Mais quant la pesance trahit ceulx qui devoient choir, ne Ii uns ne li autres ne pot empetrer ce que il vouloit. 12) Quelx est donques ceste puissance qui fait paour a ceulx qui l'ont? Quant tu la vouldras avoir, tu ne seras pas seür. [35 r°] Et se tu la vieuls laisser, tu ne porras. 13) Et cils qui sont ami par fortune, non pas par vertu, te seront ils a deffensse? Certes, ceulx que fortune fait amis, mescheance fait annemis. 14) Et quel pestilence est plus fort a nuire que privez ennemis? 4) 7) 10) 14)

    leur] le paours] paoours de chevaliers omis a nuire] enuire Ρ a injure M

    III, ν Cil qui desire estre puissanz Dompte son euer et ses talenz, Qui ne soit sousmis a pechié

    86

    Boeces, de Consolacion

    Ne de foies meurs entachié. Autrement se jusque la fin Li mondes lui feust tout enclin, Quant ne pourroit dompter sa cure, Ja puissance n'en auroit pure.

    4

    8

    III, 6 ι ) Et la gloire si est tres fausse et vils! Et pour ce li poetes si dist a droit: