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French Pages [352] Year 1996
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CHRISTINE DE PISAN, JEAN GERSON, JEAN DE MONTREUIL, GONTIER ET PIERRE COL
LE DÉBAT SUR LE ROMAN DE LA ROSE Edition critique, introduction, traductions, notes,
par Eric Hicks
Slatkine Reprints GENÈVE
1996
Réimpression de l'édition de 1977 ISBN 2-05-101362-4
AVERTISSEMENT
Ce travail n'aurait pu être mené à bien sans le concours financier de l'Université du Maryland (Graduate Research Board), du National Endowment for the Humanities, ainsi que du Centre National de la Recherche Scientifique. Il a été présenté en tant que these de troisième cycle a l'Université de ParisSorbonne. J'ai retrouve avec plaisir comme president du jury Daniel Poirion, qui m'avait initié à la littérature du moyen age et qui fut le directeur de ma thèse, a Yale, sur Jean de Meun. Il était également juste que les deux autres membres du jury fussent Felix Lecoy, qui m'avait suggéré un jour l'orientation que cette recherche devait prendre, et Gilbert Ouy, qui m'a appris la codicologie et en qui j'ai trouvé un veritable ami. Ce travail lui doit plus que je ne saurais dire. Ce fut un honneur pour moi que de retrouver tant d'amis mediévistes à cette soutenance: je ne citerais ici que G. di Stefano et Charity Cannon Willard, qui s'était spécialement déplacée. Je fus d'autant plus sensible à ce geste que Mme Willard n'a cessé, depuis notre premiere rencontre, de m'offrir ses encouragements, son aide et son amitié ; elle aussi a voulu partager avec moi sa profonde connaissance de l’œuvre de Christine. Je ne voudrais pas oublier L. Dulac et son précieux concours bibliographique, ni P.-Y. Badel, dont les recherches furent parallèles aux miennes et qui n'a jamais hésité a me faire profiter de son savoir. J'ai été associe de façon officieuse et amicale a l’équipe sur l’'humanisme français au XIVE et au XVE siecle, que dirige M. Ouy au C.N.R.S. La collaboration de C. Bozzolo et d'E. Ornato m'a été particulièrement fructueuse. Le personnel de la Bibliothèque Nationale, du Musée Conde, de la Bibliotheque Royale de Belgique, du British Library, et de l'I.R.H.T. m'ont accueilli avec gentillesse et facilité mes recherches. Je les en remercie. Pour ce qui est de la fabrication du volume, elle aurait été impossible sans les conseils que m'ont généreusement prodigues Eileen et William Peterson, à quije dois tout ce que je sais de la typographie. Il me faut encore remercier Thérèse, mon ami Kenneth Lloyd-Jones et mes beaux-parents Georgette et Fernand Moreau ; ils ont bien voulu relire le manuscrit et m'ont aidé a dépister bien des erreurs. Je ne voudrais pas, tel Jean de Montreuil, me vanter du nombre et de la distinction de mes amis, maïs je ne saurais oublier ici Michel Serres, qui m'a en-
couragé à concilier critique et érudition. Au fort, pour eviter riotes,
Je dis a toutes gens mercis.
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INTRODUCTION
VA
LA QUERELLE
DE LA ROSE DANS LA PENSÉE HISTORIQUE!
Le problème de la Renaissance est en réalité double. Il ne concerne pas seulement les faits objectifs, les incidents involontaires qui surgirent dans la réalité, mais aussi la conception subjective de la nature de ces faits, et ces conceptions ont leur propre histoire 2.
C’est une conjoncture qui ne manque pas de beauté. A l’aube des Temps Modernes, avant même les premières lueurs de la Renaissance, le premier humaniste français s’affronte à l’un des derniers représentants de l’ancien ordre, secondé par la première féministe des lettres françaises, à propos d’un ouvrage surprenant, anachronique, séditieux
même : Le Roman de la Rose de Jean de Meun.
Quelques pages de
Paulin Paris3, un chapitre d'Arthur Piaget dans son Martin Le Franc, un article du même sur la chronologie du débats, font entrer la querelle dans l’histoire littéraire. Dès lors on assiste à un recyclage des
données, à un brassage d’idées reçues que l’on ne se soucie plus de confronter avec les textes — d’ailleurs imparfaitement connusé—; (1) Une première version de ce chapitre a paru dans la revue Critique (n0 348 [mai 1976 |, p. 510-519), sous le titre: «De l’histoire littéraire comme
cosmogo-
nie: la querelle du Roman de la Rose.» Le fond éthnologique est emprunté, comme l’on s’apercevra sans peine, aux travaux de M. Eliade, notamment aux Aspects du mythe et au Mythe de l'Eternel retour. (2) W. FERGUSON, La Renaissance dans la pensée historique, tr. J. Marty, Paris, Payot, 1950, p. 8. (3) Le Roman de la Rose, dans Histoire Litteraire de la France, t. XXII, Paris, Savaète, 1856, p. 46-52. (4) Lausanne, Payot (thèse Genève), 1888, p. 66-75. (5) Chronologie des Epistres sur Le Roman de la Rose, dans Etudes romanes
dédiées a Gaston Paris, Paris, Bouillon, 1891, p. 113-20.
(6) L'article de Piaget prend souvent l'aspect d’un compte-rendu de l'édition de F. Beck (Les Epistres sur le Roman de la Rose, Neuberg, Griessmayersche Buchdrückerci,
1888).
plus loin, p. Ixxui.
Sur cette édition, et celle de Ward, voir notre discussion
X
INTRODUCTION
véhiculées
de manuel en manuel, de ces manuels vers des thèses et
des textes scolaires, elles se dirigent vers d’autres thèses encore et d’autres manuels : elles apparaissent comme dotées d’une vitalité propre lorsqu'elles aboutissent à l’ouvrage d’A. Coville sur les frères Col et le premier humanisme français7. A peine achevé, cet édifice harmonieux,
véritable
mémorial
à la laïcité
de son
époque,
est
ébranlé pierre par pierre par le travail sceptique et inlassable de Mgr. À. Combes8,
dont la ferveur historique, le doute méthodique,
Une troisième voie, celle
ne furent pas toujours sans arrière-pensée.
de l’érudition désintéressée, a été suivie par F. Simone dans sa belle synthèse sur la Renaissance française?. La seule étude d'ensemble,
le travail récent de P. Potansky!°, regroupe ces tendances diverses et contraires dans un ouvrage hétéroclite, qui se présente tantôt comme le catalogue, tantôt comme le résumé des documents : dans la mesure
où les problèmes
fondamentaux
sont abordés,
les solu-
tons s’annulent par le jeu des contraires. A en juger d’après les manuels parus depuis Combes, les schèmes puissants élaborés par le premier âge de l'Histoire Littéraire demeurent vivaces ; le livre de M. Potansky les obscurcit plutôt qu'il ne les dénonce. Il y aurait cependant quelque intérêt à suivre le processus de leur élaboration, à saisir sur le vif la genèse d’un mythe littéraire. Car il est somme toute curieux de constater à quel point l’histoire de la littérature se fait dans et par les manuels scolaires, à côté non seulement des textes, mais parfois même de recherches devenues classiques!i. HISTOIRE, MYTHE, COSOMOGONIE
Ce qui frappe, chez les historiens de cette querelle, c'est une prédilection certaine pour les formes et schèmes de la pensée mythique dans l’expression de l’histoire. C’est une tendance qui se dévoile, (7) Gontier et Pierre Col et l'humanisme en France au temps de Charles VI, Paris, Droz, 1934.
(8) Jean de Montreuil et le chancelier Gerson (Etudes de Philosophie Médievale, XXXIII), Paris, Vrin, 1942. (9) Il Rinascimento francese, Torino, Società Editrice Internazionale, 1961.
(10) Der Streit um den Rosenroman
(Münchener Romanistische Arbeiten,
33), München, Fink, 1972.
(11) Ainsi P. Le Gentil, malgré sa connaissance de Combes, en reste-t-il som-
mairement aux thèses de Coville dans son petit livre sur La Littérature française au moyen âge (Paris, Colin, 1972, p. 184-85).
Sur l'opposition humanisme/
LA PENSÉE HISTORIQUE
XI
plutôt qu’elle ne se manifeste, dans le choix des tours et des termes propres aux mythologies primitives, en particulier ceux des mythes originels où cosmogonies. Située aux origines des Temps Modernes, à une époque qui n'est déjà plus le Moyen Age mais qui n’est pas encore la Renaissance, la Querelle du Roman de la Rose domine un
devenir historique auquel elle ne participe pas. Ce début du XVE siècle (ou cette prolongation du XIVE) apparaît comme le moment privilégié d’un non-lieu historique : époque charnière d’attribution douteuse, il revêt le caractère d’un Chaos originel, se détachant des événement auxquels il va donner naissance (ou re-naissance) pour mieux les informer de ses quintessences mythiques. La Querelle échapperait ainsi au temps banal du devenir moderne pour réapparaître, véritable paradigme historique, à des moments de choix dans une nouvelle ontologie littéraire. Située au-delà de celle-ci et parée du prestige des Origines, la querelle suscitée in 1llo tempore serait d'une actualité sans cesse renouvelée ; nul ne saurait douter que «la première querelle littéraire de la France» n'ait eu des conséquences profondes pour l’évolution d’une littérature entre toutes... que!2. relleuse Rien n'est plus caractéristique que ces primautés intellectuelles dont est constellée la nuit des Temps. Voici Christine de Pizan, «bonne
fille, bonne
épouse, bonne
mère, du reste un des plus au-
thentiques bas bleus qu'il y ait dans notre littérature, la première de cette insupportable lignée des femmes auteurs...» 1# Son adversaire immédiat dans ce «debat gracieux et non haineux» 1 — du moins le premier d’entre les correspondants du parti adverse — est Justement Jean de Montreuil,
«le premier en date des humanistes français» !$.
scolastique, les faits erronés sur lesquels elle repose, et la propagation de ces erreurs à travers les manuels, voir Jean de Montreuil, p. 87-132. (12) Cette querelle se manifeste surtout chez les érudits, car la critique universitaire est seule en mesure de confronter les textes. Sur les tendances actuel-
les du paradigme, voir plus loin, p. xix-xxiii, et notre article The «Querelle de la
Rose» in the Roman de la Rose, «Les Bonnes Feuilles» III (1974), p. 152-69. (13) G. LANSON, Histoire de la littérature française, Paris, Hachette, 1952, p- 166-67.
(14) CHRISTINE DE PIZAN, Historique de la controverse, infra, p.8/ 1-8; cf. Epiître dédicatoire à Guillaume de Tignonville, p. 7 / 9-10. (15) Ce titre remonte à l'historien allemand G. Voigt, Die Wiederbelebung des Klassischen Alterthums oder das erste Jabrbundert des Humanismus, Berlin,
1859, t. II, p. 347. de Montreuil, p. 88).
Formule reprise par Langlois dès 1896 (cf. COMBES, Jean
XII
INTRODUCTION x
S’il lui faut, dans les perspectives de la querelle, partager ce titre avec Gontier
Col, celui-ci est l’ami intime,
voire l’alter ego de Jean de
Montreuil ; secrétaire du roi également, ce collègue à la chancellerie sera le destinataire de choix dans notre première correspondance humaniste : enfants des mêmes
milieux intellectuels, les deux amis
seront voués, par un destin pervers et quelque peu poète, à une même mort violente et tragique !6. Le couple fraternel suscite, par les liens de la fraternité charnelle, un troisième personnage de marque, Pierre Col, le cadet de Gontier. Lui aussi est secrétaire à la chancellerie et chargé de missions diplomatiques ; il est cependant plus connu sous les titres de chanoine de Notre Dame et de Tournai!7. Il faut remarquer comme un trait révélateur que les rôles actifs des participants, tels qu’on peut les contrôler sur les documents, sont, dans le cercle des humanistes, en pro-
portion inverse de l'importance que leur accorde l’histoire littéraire : le contenu idéologique du parti Rhodophile ne nous est connu que par une épître tardive de Pierre Col, où celui-ci se désigne, «entre les aultres disciples du dit Meung», précisément comme le moindre. L’allié de notre «première femme de lettres» — car l’on ne saurait confier à «une simple femmelette» le rôle de héros culturel éponyme — n’est, chose curieuse, premier en aucun domaine. Au chan-
celier Gerson est dévolu, tout au plus, le rôle de précurseur de ces épiphénomènes moyenâgeux que sont les Sorbonniqueurs de Rabelais.
Face au sourire enchanteur d’un paganisme retrouvé, Gerson
incarne une austérité, une cuistrerie, une autorité surtout, bien «mé-
diévales ». Ici encore le rôle est infléchi par la perception du Temps historique :Gerson sera le seul parmi les notables du débat à survivre au cataclysme de 1418. Car si Christine n’a pas été massacrée par les Bourguignons, elle semble bien s’être enterrée vivante dans une «abbaye
close»
d’où elle ne serait sortie, littérairement, que pour
saluer le passage de Jeanne!8 ; elle se figera ainsi en ce féminisme ar(16) Tous deux furent massacrés par les Bourguignons lors de la prise de Paris en 1418. On peut toujours consulter avec profit l'ouvrage d’A. LE DUC, Gontier Col and the French Pre-Renaissance, Lancaster, Pa., 1918 ; cf.«Romanic Review» VII (1916), p.414-57 ; VIII (1917), p. 145-65, 290-306.
(17) Jean de Montreuil
tin-de-Tours.
nous apprend qu'il fut également chantre de StMar-
Cf. JEAN DE MONTREUIL, Opera, vol. I: Epistolario, éd. E. Or-
nato, Torino, Giappichelli, 1963, Epist. 92 (Cui non), p.130/ 1-4.
(18) Cf. Le Dittié de Jeanne d'Arc, dans J. QUICHERAT, Proces de Jeanne d'Arc, Paris, Renouard (SHF), 1841-1849, t. V, p. 1 et suiv.
LA PENSÉE HISTORIQUE
XII
chétypal que les modernes se complairont désormais à lui décerner. Mais
à l'époque
de la querelle
(nous
sommes
en 1401-1402),
son
action se situe sur un double plan mythique et temporel : de par un féminisme
que l’on voudrait, soit maudire, soit prôner, la poétesse
est rangée parmi les héros culturels de l’époque flottante d’un «humanisme
avorté» ; de par la morale orthodoxe, somme de pruderie
sinon de puritanisme, son rôle est parallèle à celui de Gerson, dont
la carrière se prolongera, précisément, au-delà de la date fatidique délimitant le Chaos originel de l’humanisme français authentique. Puisqu'il fallait bien que la Renaissance — la vraie cette fois — pût retrouver sur son chemin la Sorbonne et sa théologie ; il fallait bien que le néopaganisme épicurien pût reconnaître en elle son ennemie, pour
se réincarner
enfin en Ronsard,
ou bien, au siècle suivant —
siècle classique — en La Fontaine, principaux représentants de cette Antiquité «bien française», rococo, languissante, un peu mièvre, que Lanson avait justement cru apercevoir pour la première fois — et ce n'est pas un hasard — dans Le Roman de la Rose de Jean de Meun!?.
Il y a sans doute un fond de vérité dans ces vues si parfaitement schématiques: il correspondrait en gros à celui que l’on reconnaîtrait aujourd’hui aux thèses de Burckhardt sur la Renaissance italienne,
qui en fournissent comme le premier canevas. Plutôt que de faire ici, avec les nuances qui s'imposent, la part de cette vérité même, 1l convient, croyons-nous, de faire celle du silence. Car on semble ignorer, au moment où cette querelle s’installe dans l’histoire littéraire, le
seul document rhodophile que l’on puisse encore consulter : le traité de Pierre Col contre Christine de Pizan et Gerson. Bien postérieur aux événements originels, ce texte présentait un prestige moindre que celui d’un traité «perdu» ; quant à l’auteur du document, il ne semblait guère de taille à s'affronter au redoutable personnage de Gerson.
Incontestablement,
le traité de Jean de Montreuil se situe
aux débuts de la querelle épistolaire, et l’on ne songe point ici à disputer son humanisme au Prévôt de Lille ;il n’en reste pas moins vrai que la conjoncture entre l'intervention de Jean de Montreuil et cette belle ferveur pour l'antiquité paienne est sortie d’un silence non rompu jusqu’à ce jour. La démarche propre à nos mythographes de (19) Histoire de la littérature française, Paris, Hachette, 1959, p. 138.
XIV
INTRODUCTION
l'Histoire Littéraire a consisté à diminuer l'importance des documents connus au profit de ceux qui ne l’étaient pas — mieux encore, au profit de textes décrétés introuvables2. Le premier des humanistes français n’a jamais été entendu ; quant à son ami Gontier Col, à part quelques lettres de menaces, il semble bien n'avoir jamais rien échits Le couple antithétique Gerson / Jean de Montreuil, si propre à exprimer — comme en témoigne l’ardeur de Mgr. Combes — une mythologie actuelle, s’est donc formé dans un silence ombrageux, à
l'écart de la documentation historique, et cela à partir d’une conception préétablie de la manière dont devait se comporter un humaniste
face à l'autorité ecclésiastique. Conception bien historique en ellemême, remous critique et historique du Voyage en Italie de Goethe et de l'Allemagne de Mme de Staël. On ignorait donc de ce traité perdu et le destinataire et le contenu; Gerson était accouru
on savait cependant que
au secours de Christine ; on savait aussi, par le
témoignage de celle-ci, qu’elle connaissait le destinataire du traité originel, ce «notable clerc» ami de Jean de Montreuil, — «lequel dit
clerc, meu de raison, estoit de la mesmes oppinion de la dicte [Cristine] contre
le dit rommant.»
On a écrit, on écrit parfois encore,
que ce clerc avait assisté à l'entretien rapporté par Christine, mais en réalité le récit qu’elle en a fait ne permet pas de l’affirmer: il semblerait même que le traité ait été conçu pour remédier, en quelque sorte, à une absence.
entre
mon
Lorsqu'il est question des «paroles meues
seigneur le prevost de Lisle maistre Jehan Johannes et
Cristine de Pizan»,
celle-ci ne relève point la présence
d’un
tiers:
l’anonyme peut avoir signifié sa désapprobation en d’autres circonstances : «et pour lui ramener avoit le dit prevost escript la dicte epistre moult notablement aournee de belle rethorique, et pour estre en deux pars vallable, envoya a elle icelle» 21.
On le voit: les textes invoqués ne permettent pas d’assimiler le notable clerc de Christine au chancelier Gerson, et ce fut en effet une démarche que l’histoire littéraire ne se hâta pas de faire ; on la voit s'accomplir en plusieurs temps, par une sorte d'amplification successive d'hypothèses émises sous l’autorité — jamais engagée dans
(20) Comme
le remarque très justement Combes, «c'est avec des formules
de ce genre qu'on réconforte l’histoire (...)» (Jean de Montreuil, p-128/n2) (21) Infra, p. 9 / 12-15.
LA PENSÉE HISTORIQUE
XV
cette voie pourtant — d'A. Thomas??. Il ne fait aucun doute que l'élaboration de ce mythe ne se fit à la faveur de ces lettres de Jean de Montreuil que l’on croyait adressées au chancelier, et ce n’est pas l'aspect le moins satisfaisant de tout l'édifice que cette amitié entre l’humaniste et le prélat. Dans ce qui est peut-être le plus grand livre qu'on ait jamais consacré à un petit problème, A. Combes a porté gravement
atteinte aux thèses formulées en dernière instance par
Coville. Il nous reste toujours le traité de Gerson contre Le Roman de la Rose, mais il semble que l'Histoire doive renoncer à titre défi-
nitif à cette belle conjoncture originelle et mythique entre la première
femme
de lettres, le premier
humaniste
et le chancelier
de
l'Université médiévale. PERSPECTIVES
Cela dit, les conclusions de l'œuvre de Combes demeurent d’une portée négative. Dire que l’on ne saurait justifier cette rencontre, c’est
dire aussi que l’on ne peut tout à fait en nier l'existence. Il paraît frappant que les premières attaques de Gerson contre Le Roman de la Rose datent du 25 août 14017 ; la première pièce de la querelle épistolaire propre, le défi lancé contre Christine par Gontier Col, date du 13 septembre de la même année. Le traité de Jean de Montreuil est évidemment antérieur à cette date, ainsi que le contre-traité de Christine, mais si l’on ignore au juste quand fut composée la «nouvelle escripture» de la poétesse, on trouve le chancelier mêlé à l'affaire longtemps avant son intervention du 18 mai 1402 (traité ou vision contre le roman), à une époque se rapprochant des origines. Dans la perspective de cette rencontre chronologique, il est significatif que Christine fasse appel, en relevant le deuxième défi de Gontier, «au jugement de tous justes preudommes theologiens et vrays catholiques», et non pas simplement aux laïcs («gens de honneste et salvable vie»).
On constate aussi, tout au long de cette af-
faire, une certaine complicité idéologique entre le chancelier et la poétesse, qui n’est peut-être pas le fruit du hasard. Enfin, à quelques allusions près, l’activité de Gerson contre le roman de Jean de Meun COMBES, Jean de Montreuil, p. 88. (23) Sermon Considerate lilia, dans Œuvres complètes, éd. P. Glorieux, t. V, Paris-Tournai, Desclée, 1963, p. 163 (n0 217). Cf. M. LIEBERMAN, Chrono(22) Cf. A.
logie gersonienne, «Romania» LXXXIII (1962), p. 71.
INTRODUCTION
XVI
cesse vers 1403, c’est à dire peu après la cessation des hostilités épistolaires.
Le monde littéraire paraît effectivement assez petit, en ce Paris des premières années du XVE siècle. Jean de Montreuil entre à la chancellerie royale à l’époque où Etienne Castel y est affecté, et c’est Christine elle-même qui nous rapporte l’existence de cet entretien originel entre la jeune veuve et maître «Jehan Johannez». L'on ne peut douter, comme semble l'avoir fait Combes, que Jean de Montreuil ait connu le chancelier Gerson : la correspondance du Prévôt, publiée par E. Ornato
en
1963, nous en fournit la preuve.
On constate d’autre part que Pierre Col est chanoine de ce même chapitre de Notre Dame auquel siège Gerson: on croit d’ailleurs apercevoir une certaine coquetterie maligne dans les allusions faites à ces rapports dans le traité adressé à Christine. Onest frappé, enfin,
par la qualité allusive des appellatifs dans toute cette correspondance polémique, où il semble avoir été de règle de ne jamais mentionner les noms des intéressés. Ce procédé est comme le signe extérieur d’une promiscuité
des milieux ; on voit se tisser, entre les différents
foyers intellectuels, une fine toile de rapports personnels : la veuve d’Etienne Castel, chambrière de la reine Isabeau, discute avec Jean de Montreuil,
secrétaire du roi, ami de Gontier Col, lui-même frère
d’un chanoine de Notre Dame qui se trouve justement à la chancellerie — véritable trait d'union entre les milieux ecclésiastiques et humanistes. Toutefois, ni l’un n1 l’autre des frères Col ne paraissent connaître Christine, et si les écrits de Gerson ne nous permettent pas d'en dire autant en ce qui concerne le chancelier, il vaudraît peut-être mieux ne pas encombrer les pages de l’histoire littéraire — encore une fois — de conclusions hâtives. En revanche, il ne paraît nullement intempestif d’affirmer que cette affaire a eu plus d’ampleur que l’on ne le dit communément, et qu'il convient d'élargir le cercle des participants. La correspondance de Jean de Montreuil révèle l'existence de deux autres person-
nages de marque, destinataires du «petit traité ordenné par belle rethorique» : le premier est à identifier avec Pierre d’Ailly, évêque de Cambrai ; le second, dont l'anonymat n’a pu être percé, est disci-
ple de Jean de Meun, le plus grand «parmi les poètes du royaume (24) Plusieurs passages de la correspondance laissent entendre que les deux hommes se connaissaient ; voir aussi la note marginale du manuscrit autographe, citée à la p. 313 de l’éd. Ornato.
LA PENSÉE HISTORIQUE
dans son genre littéraire».
XVII
L'intervention active du correspondant
est sollicitée dans l’un et l’autre cas, l'intervalle entre les deux de-
mandes étant de l'ordre d’un an. On connaît, enfin, une phase parlementaire du débat, où le Prévôt de Lille s’affronte à un homme de
loi. Le nom de Tignonville pourrait être avancé : on sait que Christune devait soumettre à son arbitrage le dossier de la querelle, et Jean de Montreuil reproche justement à son correspondant d’avoir embrassé le parti adverse. Mais cette attribution se heurte à des difficultés chronologiques, et l’on comprendrait mal qu’un secrétaire s'adresse, en termes énergiques pour ne pas dire altiers, à un personnage si haut placé. Le silence entoure, encore une fois, cet adversaire
d'un jour“. Mais c'est surtout l'opinion publique, tout un climat de controverse, qu'il convient d'évoquer ici. Gerson parle d’une «tourbe et une flote de gens sans nombre» 26, partisans de Jean de Meun, et les arguments qu'il rapporte dans ce passage de son traité ne correspon-
dent pas entièrement (quoi qu’en affirme M. Potansky, à la suite de Combes?7) à ceux des Rhodophiles connus. Dès son premier traité, Christine fait allusion à la pluralité de ses ennemis ; elle nous apprend que le premier document
du débat, le traité de Jean de Montreuil,
ne la visait pas en particulier, ni même cet «ami notable clerc» ex-
clusivement, mais «aucuns blameurs de la compilacion du Rommant de la Rose» #8. De anelque côté que l’on regarde, l'adversaire se met au pluriel : Christine lance son défi contre «tous [les] ahés et complices» de Jean de Montreuil, et Gontier Col, qui confirme l'existence d’«aultres» dans son propre camp, nous fait croire à une véritable
cabale rhodophobe, exerçant sur le petit traité de Christine une sorte de censure à rebours : Et pour ce que les denonciateurs de ceste chose tiennent et gardent — les aucuns par aventure comme envieux sur les fais du dit feu maistre Jehan — ta dicte invettive comme chose singuliere et haultement composee,
edifiee
et conduite
a leur plaisir et entencion,
si que de eulx
n’en puis avoir coppie ne originel, te pry (...)29
p. XXXVIEXXXIX. (25) Sur la phase «parlementaire» du débat, voir plus loin,
(26) (27) (28) (29)
Cf. vision du 18 mai, pièce II, 11, infra (p.64/ 126-27). Der Streit um den Rosenroman, p.61; Jean de Montreuil, p. 113-106.
Epitre a Jean de Montreuil, infra, p.12 / 13-14. Epitre du 13 septembre 1401. infra, \p.40/22-27.
XVIII
INTRODUCTION
Un an plus tard, en terminant le grand traité adressé au frère de Gontier, Christine évoquera à son tour le nombre de ses partisans : Et si ne suis mie seulle en celle oppinion; ne say pour quoy plus que aux autres vous en prenés a moy entre vous ses disciples: ce n’est mie honneur soy prandre a la plus foible partie. Il y a si grant foisson de saiges docteurs dignes de foy et plains de science, et vraiement siy a il des grans princes de ce royaume et chevaliers et nobles et plusseurs autres qui sont de la mesmes oppinion que je suis (...)30
Il ne serait pas hasardé en effet d'affirmer qu’un texte aussi connu que Le Roman de la Rose ait suscité chez tous, comme
il continue à
faire, les réactions les plus vives et diverses. Si les personnages illustres dont il a été question dans ces pages ont donné à leurs idées une existence littéraire qui paraît définitive, c’est que cette existence s'identifie à la leur : seule à se perpétuer dans l’histoire des lettres, elle laisse deviner des existences plus humbles ou du moins plus obscures, qui pour n’avoir pu revêtir une forme écrite, ne durent pas avoir une importance moindre, voire auprès des protagonistes dans la première querelle écrite des lettres françaises.
DÉBAT / ROMAN î!
Le traité de Jean de Montreuil n’est pas perdu à jamais :devenu la matrice d'un débat où le respect des formes apparaît comme un fil conducteur, il se réflète «en umbre et come par ung miroir»3? dans les différentes réfutations et défenses des partis adverses. Déjà Combes s'était arrêté à l'apologie du protagoniste du Roman de la Rose plus «avisié» que les autres, qui plaidait avec tant de passion la cause de Jean de Meun dans le traité de Gerson #3; s’il est permis de croire que
le traité de Christine, qui ne s’embarrassait pas d’un cadre allégorique, en donne une présentation plus fidèle, celle-ci n’en serait pas radica(30) Epitre a Pierre Col, infra, XII, iv, 145-46 / 993-97.
(31) Nous reprenons ici les thèses développées dans notre contribution au numéro spécial des «Bonnes Feuilles» consacré à Christine de Pizan (voir plus hauten-#12);
(32) Cf. l’allusion irrévérencieuse à cette citation de saint Paul chez Pierre Col, infra, I, 1, 92 / 109 (il s’agit du sermon Videmus ; voir la note). (33) Jean de Montreuil, p. 110-116; cf. POTANSKY, Der Streit um Rosenroman,
p. 57-65.
den
LA PENSÉE HISTORIQUE
XIX
lement différente : les écarts de la dialectique consisteraient plutôt en l'agencement des parties. Ainsi Jean de Montreuil évoquerait à son tour le plan de son traité lorsqu'il stigmatise, dans l’épître Ut sunt mores, les arguments de ses adversaires ; «cette femme Christine»
aurait exprimé, quoique sous une forme négative, des thèse homologues aux siennes : Cet homme d'intelligence si vive se serait trompé, à en croire ses détracteurs,
en bien des passages de son très excellent livre de la Rose ; il
se serait exprimé de façon insolente et impudente : premièrement dans le chapitre de Raison, qu’il aurait fait parler, paraît-il, d’une manière incompatible avec la dignité du personnage; ensuite, dans le discours outrageant du Jaloux; enfin, dans la conclusion de son traité ou plutôt de son livre, là où l’Amant raconte les passions de sa jeunesse en paroles indécentes, trop explicites à leur goût, et même lubriques#.
Ce plan n'est autre que celui du Roman, réduit à son expression la plus simple, l’ordre des «chapitres» ou discours de ses personnages. L'image inversée de cette composition se reflète encore dans le traité de Pierre Col, qui entendait réfuter la réfutation de Christine grâce aux arguments de Jean de Meun*. Fons et origo de la chaîne dialectique, le roman apparaît comme une configuration matricielle dictant, pour le traité perdu, un plan superposable à celui des traités connus. C’est ce que reconnaît implicitement Pierre Col encore, dans l’exorde de sa seconde réponse, où, vantant l'excellence de ses
maîtres, il affirme que les «palliacions extravagans» de la poétesse n’ont point porté atteinte à «la tres clere renommee maistre Jehan de Meung», et que «pour cette cause [avoit] laissié a [luy] respondre le prevost de Lisle%6 .» Si le Roman
s’est installé si aisément dans le débat, c’est donc
que le débat existait déjà dans le roman:
l'orientation plurielle de
(34) Asserentes obtrectatores predicti eundem ingenuissimum virum passibus in multis perclarissimi operis sui de Rosa erravisse et loquutum extitisse insolenter ut petulans : primo scilicet in capitulo Rationis, eam, ut aiunt loqui supra personatus faciens dignitatem; consequenter Zelotipum excessive; et in Sui tractatus seu libri decisione, ubi Amans iuveniles suas exprimit passiones indecenter, pernimiumque, ut subiungunt, ac lubrice. Cf. infra, p. 42 / 10-168, et
éd. Ornato, Epist. 154, p. 220 / 9-15.
|
(35) «Toutefois je, confiant de verité, par les raisons de luy meismes me ef-
forceray de respondre aux tiennes (...)» Cf. infra, II, ï, 89 / 21:28, (36) Epitre du 30 octobre 1402, tajre, I, v, 15374716.
XX
INTRODUCTION
ce texte centrifuge est posée dès l'entrée en scène de Jean de Meun, jetant le dévolu de la scolastique sur le frêle poème de son devancier. Cette collaboration posthume à sollicité les commentaires de toutes les critiques, et permet d’en définir, par la prise des positions originelles, les différentes thèses. Pour les premiers commentateurs français le poème de Jean de Meun était essentiellement un «antiGuillaume» : le continuateur s'était introduit dans le premier poème afin de le «ruiner» par une entreprise de destruction systématique7. Depuis une trentaine d’années, la critique anglo-saxonne, amenée au texte par le truchement chaucerien, s'efforce de démontrer l’unité
de l’ensemble bicéphale : pour les uns cette unité résiderait dans un processus de maturation ou entéléchie, où l'amour trouverait sa place au centre d’un univers sensible foncièrement bon À ; pour les autres,
la démarche fondamentale serait l’approfondissement d’une ironie primordiale, où les poètes, porte-paroles d’un ascétisme chrétien caractérisant
l’époque
tout
entière,
tourneraient
en dérision
l’idéal
courtois, ramené ici au simple péché de luxure3?. Ainsi les deux tendances se reconcilient-elles sur le plan formel d’un ensemble harmonieusement
perçu,
où
l’art
des collaborateurs
répondrait
à la
cohérence d’une vision unitaire. Or il est fait appel, dans les camps ainsi délimités, à des arguments trouvant leur expression première dans la querelle, expression pourtant seconde d’un débat originel, situé dans un Chaos, non point temporel cette fois, mais esthétique : le tourbillon guerroyant du poème de Jean de Meun4.
Nous n’entendons pas, en qualifiant le texte ainsi, souscrire aux (37) Vues exprimées par Faral, Le Roman de la Rose et la pensée française au XIIIE siècle, «Revue Des Deux Mondes»
5 (1926), p. 439-47; article repris
dans l'Histoire de la littérature française de Bédier et Hazard. (38) Ce point de vue est développé par Alan Gunn, dans son Mirror of Love, Lubbeck\(Fexas) Texas Tech.Press,
1952 p. 276597.
(39) Point de vue exposé systématiquement par J. Fleming, The Roman de la Rose : À Study in Allegory and Iconography, Princeton University Press, 1969; cf. C. DAHLBERG, Macrobius and the Unity of the Roman de la Rose, «Studies in Philology» LXVII (1961), p. 573-88. Un recensement complet des ouvrages de cette tendance allongerait inutilement cette note: la Preface to Chaucer de D. W. Robertson
(ère éd., Princeton University Press, 1962) a donné naissance
à une véritable école. (40) Cf. GUNN, Mirror of Love, premier chapitre sur la critique («Chaos or Cosmos»), et, entre autres, C. S. LEWIS, The Allegory of Love, Oxford University Press, 1959, p. 154-585.
LA PENSÉE HISTORIQUE
vues sommaires
et rapides de Lanson,
XXI
Langlois et Faral sur la com-
position du roman ; les recherches récentes nous paraissent, sur ce point, d'un acquis sûr. Nous évoquerons plutôt une idéologie originelle, féconde en contradictions savamment agencées, les nœuds d’articulation du débat présent et à venir. Car la construction matricielle qui s’est imposée aux générations futures est celle d’un roman double.
Pour Guillaume
de Lorris en effet, l'amour est initiation! ,
une connaissance à recevoir ; l'apprenti amant se pose en présence de pure bonne volonté, et ses rares objections servent immanquablement
la cause
de l’exposant (en l’occurence
le Dieu d'Amour) : ce
sont autant d'occasions offertes à des développements nouveaux et cohérents, puisés dans les archives du maître. C’est cette initiation qui donne son sens au récit, dont le fil narrateur se divide essentiellement de façon linéaire.
Tout autre est l’école de Jean de Meun,
où le monde est saisi comme une réalité multiforme : la première hérésie de Raison (dans la perspective d’une religion d'amour) sera précisément d'affirmer qu’«Amors sunt de pluseurs manieres»42. Fidèle à une initiation ayant fixé à jamais sa destinée, l’Amant rébarbatif promènera parmi ses nouveaux maîtres une volonté obstinée de chicane. C’est précisément ce refus qui génère le roman de Jean de Meun, où le progrès, s’il en est, du pèlerin se déroule en une sorte de spirale, lieu de rencontre d’un ensemble thématique où retour n’est pas reprise. Le refus de Raison appelle Ami: la voie de TropDonner, gardée par Richesse, s'ouvre comme une alternative à l’enseignement d'Ami; de cette impasse sort la figure ambiguëé de Faux Semblant,
banni des légions d'Amour,
une fois la citadelle prise. A
tout moment le roman est obstrué par la force des choses apprises; le roman consommé, la scission entre acte et connaissance demeurera entière43. On pourra parler de roman d'éducation ou Brldungsroman
dans ce seul sens que les fils sont remués par une force secrète : cette Nature qui, seule parmi les personnages de Jean de Meun, n'adresse (41) D. POIRION, Le Roman de la Rose, Paris, Hatier, 1973, p. 69.
(42) GUILLAUME
DE LORRIS et JEAN DE MEUN, Le Roman de la Rose
publié par F. Lecoy, Paris, Champion
(CFMA),
1965-1970, tel p.143 (v. 4650).
(43) Cf. W. WETHERBEE, The Literal and the Allegorical: Jean de Meun and the de Planctu Naturae, «Mediaeval Studies» 33 (1971), p. 276 : «From
Amors’ initial mustering of his barons to the point at which Venus and Nature enter the picture, the action is determined by the complex interplay of the assailants and guardians of the Rose, and seems to me to defy analysis in terms of the Lover’s psychological development.»
INTRODUCTION
XXII
pas la parole aux hypostases des protagonistes, mais qui préside en dernière instance au siège du château. De ces leçons contradictoires, celles qui portent sur la dignité de l'amour et son objet ont le plus frappé les esprits modernes. On entend de nouveau dans les premiers jugements, défavorables à l’art comme à la morale de Jean de Meun, les accents de Christine de Pizan : Guillaume ne loue et ne peint que l'amour vrai, et reprouve les «faux amants»; Jean, faisant parler Raison, trouve qu’ils sont seuls avisés, et que les autres sont des niais ; — Amour défend, dans Guillaume, d’em-
ployer des paroles grossières; Jean les justifie et met cyniquement sa théorie en pratique ;— Amour recommande avant tout, dans le premier poème, de respecter les femmes; elles reçoivent dans le second les plus sanglantes insultes qui leur ait jamais été adressées ;— l’allégorie même de la rose, délicate et gracieuse chez Guillaume, devient platement grossière chez Jean 4.
Nos contemporains ont été plus indulgents (car la critique est avant tout conflit de générations). Contre la pudeur surannée des grands universitaires, le mépris des valeurs «bourgeoises», le formalisme d'une critique nouvelle à retrouvé la défense «par personnages», c’est à dire par le biais d’une vision dramatique où l'ironie de l’auteur trouve largement son compte. C’est dans l’article désormais classique de Lionel Friedman“ que ces vues ont trouvé leur expression la plus éloquente ; on les retrouve dans le dogmatisme de l’école iconographique, ou bien, plus nuancées, dans l’œuvre monumentale d'Alan Gunn47, ou bien déjà, sous un aspect sommaire mais élégant,
dans la préface du R. P. Gorce‘8. C'est cependant dans les perspectives d’un féminisme nouveau que l'argument se fit entendre d’abord, dans The Spirit of Protest in (44) P. PARIS, La Littérature française au moyen âge, Paris, Hachette, 1890,
p. 165-66 ; cité par Langlois dans ses Origines et sources du Roman de la Rose, Paris, Thorin, 1891, p. 97.
(45) «Jean de Meun», Antifeminism and «Bourgeois Realism», «Modern Phi-
lology» 57 (1959). (46) Chez Fleming, par exemple, The Roman de la Rose, p. 154 et suiv. (47) Cette démonstration repose essentiellement sur une analyse de la rhéto-
rique scolaire. (48) Le Roman de la rose, texte essentiel de la scolastique courtoise, Paris, Aubier, 1933, p. 45.
LA PENSÉE HISTORIQUE
Old French Literature de Mary Wood.
XXII
On voit que le débat, dé-
sormais susceptible d’intervertir les schémas traditonnels, n’est pas près de s’apaiser : il se posera sans doute chaque fois que l’on se penchera sur le cas littéraire qu'est Jean de Meun. Car l’on a beau dire que les personnages expriment une pensée qui n'engage qu’eux-mêmes:
la création en revient à l’auteur. Mais écoutons plutôt Gerson : C'est trop petit deffence pour si grant crime. Je vous demande : se aucun se nommoit adversaire du roy de France et sus ce non et come tel li faisoit guerre, ce non le garderoit il d’estre traytre et de la mort ? Vous ne dirés pas. Se en la persone d’ung herite ou d’ung Sarrazin — voire du deable —, aucun escript et semme erreurs contre la Crestienté, en
sera
il escusey
? (...)
Aucun
escripra libelles diffamatoires d’une
personne, soit de petit estat ou non — soit neis mauvaise —, et soit par personnaige : les drois jugent un tel estre a pugnir et infame 50.
Les questions de la responsabilité de l’auteur et de la légitimité de la censure ont rarement été posées avec plus de nettetéS!. Maisil est exact, d'autre part, qu’une œuvre ayant «dit si proprement la verité de tous estas, sans espargnier nobles ou non nobles, pays ou nacion,
siecle ou religion» ‘?, reste foncièrement ambiguë.
L'on a
évidemment affaire à une satire polyvalente, mais dans quel sens s'exerce-t-elle ? Offusquées par le cadre d’un songe nocturne, les in-
tentions de l’auteur se dérobent encore : il faut dire que la question attend la réponse — mais s'agit-il seulement de cela ? — promise par Jean de Meun au début de son apologie : Et se vos 1 trouvez riens trouble, g'esclarcirai ce qui vos trouble
quant le songe m'orrez espondres3.
(49) Réimpression AMS Press, New York, 1966 (ère éd., Columbia
Univer-
sity Press, 1917): «In many ways [Jean] was in advance of his times in his attitude towards women. It must be noted, first of all, that the most abusive passages of the Romance of the Rose are not given as the author’s own view, but are put in the mouth of those whose cavil is slight reproach.» (p.182). (50) Cf. infra, IL, üi, 72 / 326-32, 338-40. (51) C’est ce qui ressort de la préface à l’édition de Thomassy, publiée dans Le Correspondant de 1843 (t. III).
(52) Cf. infra, IL, ii, 64 / 135-357. (53):Cf:éd. Lecoy,t. Il, p.210 (v.15115-17);
INTRODUCTION
XXIV
Il LES DOCUMENTS PÉRIRESICAUSES
DANS
L’HISTOIRE
GRANDS'EREETS
Le problème des origines est nécessairement obscur!:l'élargissement du domaine historique, objet de l’écrit et de la connaissance transmise, relègue sans cesse au chaos mythique les débuts problématiques de la chaîne temporelle. Mais sous les espèces de l'inconnu, c'est parfois l’insignifiant que rencontre l'historien : l’obscurité des origines peut correspondre à l’ordre des faits. Lorsque, pour signifier son intention de se retirer du débat, Christine de Pizan s'interroge sur les débuts de la controverse?, elle invoque avant tout le hasard: Et supplie toy et tes consors en oppinion ; ne me sachiés mal gré pour cause de mes escriptures et du present debat sur le livre de la Rose. Car d'aventure advint le commencement et non mie de voulanté proposee, quelque oppinion que g’y eusse, ainssy comme tu le pues veoir en ung petit traicité ou je devisay le premier motif et le derrenier terme de nostre debat 3.
Or on retrouve, dans le récit auquel ce texte fait allusion, la même absence de volonté, la même valorisation du hasard. Hasard,
tout d’abord, de la rencontre initiale, d’un caractère apparemment banal pour les intéressés, pourtant énigmatique pour nous ; hasard d’une seconde rencontre — mais ne serait-ce point la même
? — au
cours de laquelle le Prévôt de Lille aurait eu connaissance de l’opinion, défavorable au Roman de la Rose, du «sien ami notable clerc»:
hasard enfin des connaissances littéraires, car le traité rédigé par Montreuil,
afin de «ramener» son ami, s’inspirait d’une lecture toute
récente, faite sous une impulsion venue d’ailleurs. Ce dernier élément, perturbateur, nous est fourni par un texte (1) Il est d'usage d'évoquer cette obscurité ; ainsi dernièrement M. Potansky, Der Streit um den Rosenroman,
p. 47.
(2) Epitre à Pierre Col (2 octobre 1402): «Et quant a moy, plus n’en pense faire escripture, qui que m'en escripse, car je n’ay pas empris toute Sainne a boire (...)» Cf. 1nfra, III, iv, 149 / 1118-20. (3) Ibid., p. 148 / 1094-1100.
(4) Passage cité plus haut, p. xiv; cf. infra, [, ti, 7 / 8-9.
LES DOCUMENTS
DANS
L'HISTOIRE
XXV
de Jean de Montreuil, l’'épitre 103 (Cum ut dant), inconnue des DÉC:
miers historiens du débat$. Il s’agit cependant d’un texte capital, susceptible de provoquer de très profondes modifications dans nos conceptions sur la genèse du débat. L'épître Cum ut dant occupe une place analogue, parmi les documents provenant des Rhodophiles, au procès-verbal des événements rédigé par Christine de Pizan ; les deux narrations constituent des tentatives parallèles de figer le hasard, moteur du conflit à venir. L'épître Cum ut dant conte la genèse du petit traité de Montreuil ; Christine décrit, dans l’exergue des documents réunis par ses soins, un processus allant du traité à sa réfuta-
uon, de la réfutation à la polémique, de la polémique à l’appel en jugement. On le voit : le champ de l’origine est délimité de façon analogue de part et d’autre : il s’agit d'expliquer pourquoi, au printemps de l’année 1401, Jean de Montreuil prit soudain la défense du Roman de la Rose.
Car il n'allait pas de soi que le «premier véritable humaniste en France» connût Le Roman de la Rose : l’on peut du reste s’en étonner. La recherche des origines nous amène donc au cercle de la chancellerie royale, plus précisément à Gontier Col, à une conjoncture politique favorable à l’otium6, partant, aux lectures nouvelles. C’est
sur cet aspect de la vie des fonctionnaires qu'insiste l’épître 103, le
premier en date des documents que nous présentons ici. Jean de Montreuil apprend à son correspondant qu'il craint de commettre
quelque indiscrétion et de porter atteinte à la dignité de sa charge? : c’est pourquoi, cédant aux instances de Gontier, 1l s’est réfugié dans l’étude. La lecture du Koman a provoqué une réaction enthousiaste: (5) «(...) ut sic dicam,
novellicans,
en Gonthero
nuper me bortante — quin
potius impellente! — à me Rose videri Romantium (...)» Cf. infra, p.28 / 3-5 et éd. Ornato, Epist. 103, p. 144-45. Le texte fut publié pour la première fois par Combes
(Jean de Montreuil, p. 127-28); dans sa thèse sur le Prévôt de Lille cependant, À. Thomas en avait donné de larges extraits (De Joannis de Monsterolio vita et operibus, Paris, 1883, p. 42). Ward, qui n’a pas consulté les manus-
crits des pièces latines, a omis cette épître (The Epistles on the Romance of the Rose and Other Documents
in the Debate, Chicago, 1911). (6) Il s’agit de la période qui suivit le retour d'Allemagne (janvier 1401). Pour le récit de cette ambassade, voir JEAN DE MONTREUIL, Epist. 117 (Pernimium quamquam), éd. Ornato, p. 174-77, et l'analyse consacrée à cette question dans notre article (en collaboration avec M. Ornato) à paraître dans la «Romania» :
Jean de Montreuil et le débat sur Le Roman de la Rose. (7) «(..) ne esse rumorum dictator aut quia id supra et contra nostrum est (...)» Infra, p. 28 / 2-3; cf. ed. Ornato, p. 14+4-#5.
he officium
XXVI
INTRODUCTION
à peine le livre posé, le Prévôêt de Lille jette sur le papier un traité à la louange de son auteur8. C'est cet ouvrage en langue vulgaire qu'il s’empresse de communiquer à son correspondant. Il est difficile de réconcilier cette version de la genèse de l’opusculum gallicum avec le procès-verbal de Christine. Si l’épître 103 n’est pas absolument incompatible avec celui-ci, elle fait entièrement abstraction des faits essentiels. Il n’y est question, ni de la poétesse, ni du «notable clerc», ni de discussions mouvementées, — ni même
d’une arrière-pensée polémique. Le «notable clerc» (carc'enestun°) à qui Montreuil confie cet exemplaire de son traité ne peut être identifié avec celui qui devait le recevoir en même temps que Christine, puisqu'il n’est pas question non plus, dans l’épiître 103, de «ramener» un adversaire, mais seulement de soumettre un texte à l'arbitrage d'un juge !° ; la qualité du personnage, soulignée par le vouvoiement, n'est d’ailleurs pas celle d’un ami intime. La seule ressemblance entre les deux versions demeure cette absence d'intention ou de «voulanté proposee». Vie mondaine ou retraite studieuse, la querelle du Roman de la Rose naît au hasard des rencontres, sur le fond double, et doublement obscur, de l’otium littéraire.
On s'interroge cependant sur l'écart accusé, et à première vue, c’est de l’auteur lui-même que l’on attendrait les données les plus sûres. (8) «(...) cucurri legique quamavidissime, et actoris ingenium (...) gallica scriptione (...) designavi» (cf. infra, p. 28 / 5-9;éd. Ornato, p. 145). Voir la discussion d'A. Combes, Jean de Montreuil, p. 127-32.
(9) Appellatifs: Pater mi perquamreverendissime, ternitas, domine
mi, Vestra Dominatio
Vestra reverendissima Pa-
(cf. A. COMBES,
Jean de Montreuil,
p. 129). Il s’agit vraisemblablement de Pierre d’Ailly (cf. P. POTANSKY, Der Streit um den Rosenroman, p. 66); cette attribution est déjà dans Thomas (De Joannis de Monsterolio, p. 40): elle repose surtout sur des faits de langage (cf. HICKS
/ ORNATO,
Jean de Montreuil
et le deébai sur Le Roman
de la
Rose). L'épithète de «notable clerc» semble avoir été assez banale :Gontier Col fait allusion a «plusieurs notables clercs» dans sa première épître à Christine (nfra, I, iv, 9 / 2), et dans le traité de Gerson l’un des partisans du Roman A cherche à excuser Jean de Meun en le qualifiant de «notable clerc» (infra, II, li, 64 / 134).
(10) «Vestrum ergo fuerit, domine mi, an nimium aut minus debito seu cum temperamento actorem laudaverim decernere (...)» Infra, p.28/10-11; cf. éd. Ornato, p. 144-45. Voir la discussion dans COMBES, Jean de Montreuil,
pus Os 1e
LES DOCUMENTS
DANS L'HISTOIRE
XXVII
Le récit de Christine, qui date du Ier février 1402, est postérieur d’un an!l
aux événements : la poétesse peut, de surcroît, avoir tout
ignoré de la genèse véritable du traité : si la conversation qu'elle rapporte fut décisive pour sa propre intervention, elle peut, de ce fait, avoir faussé ses vues. L'entretien serait donc postérieur à la composition du traité, et le Prévôt de Lille, profitant de l’occasion offerte,
aurait envoyé à ses adversaires un texte rédigé dans le désœuvrement le plus total, en dehors de tout contexte polémique. D'autres considérations, favorables à la version de Christine, rendent invraisemblable cette réconciliation des contraires. Plus tard,
dans l’épiître 119 (Ex quo nugis), Montreuil fera justement allusion aux détracteurs qui pourraient lui reprocher son emploi de la langue française !?; le choix de l’idiome n'était évidemment pas sans rapport avec le sujet, mais on comprend mal pourquoi l’auteur aurait adressé une épître latine à un haut dignitaire de l'Eglise, à moins qu'il ne sollicitât, précisément, l’appui de celui-ci. Passer sous silence l’interventon de Christine resterait, au contraire, dans la lignée d'une certaine
logique. Nous savons que Montreuil ne daigna jamais répondre à la poétesse 13 ; il ne fera à son sujet que la moins flatteuse des allusions, la comparant, à la suite de la publication de ses «écrits» 14, à la courtisane grecque Leuntion, qui avait «osé médire de Théophraste»!$. Car malgré les éloges réitérés du «hault entendement»16 de Christine, on voit se multiplier sous la plume des frères Col les injures à tendance misogyne !? : ils s’efforçaient — comme on le fait encore — de vouer la femme savante au ridicule. Mais surtout, de par l'institution
même de la cléricature, la connaissance apparaît comme un attribut (11) Texte rédigé pour le premier dossier de l'affaire, soumis à la reine à cette date. (12) «(...) in eo quod vulgari sermone editum est reprebendi possem vel notari» (cf. infra, p. 30 / 8-9; éd. Ornato, p. 179). (13) Passage cité plus haut, p. xix. (14) Epist. 154 (Ut sunt mores), infra, p. 42 / 6-7; cf. éd. Ornato, p. 220.
Les mss. B. N. fr. 604 et 12779, Chantilly, Musée Condé 492 et Bruxelles, Bi-
bliothèque Royale 9561 donnent cette première rédaction des documents (voir plus loin notre discussion de la tradition manuscrite, p. lvi-lviii). (15) JEAN DE MONTREUIL, infra, p. 42 / 9-10. (16) Cf. GONTIER COL, Epiître du 13 septembre 1401, infra, 1, iv, 9/ 1-2. (17) Ce fut, en effet, le sentiment de Christine: «(...) meu de impacience
m'as escript tes deuziemes lettres plus injurieuses repprouchant mon femmenin sexe (...)» (Réponse a Gontier Col, infra, 1, vii, 25 / 20-21).
XXVIIT
exclusivement
INTRODUCTION
masculin!8 ; pour Gontier Col, ce sont les «satellites»
de Christine qui l’ont «boutee» dans l'affaire, «pour dire que plus y sauroient qu’une femme» 1. L'ironie en dit long sur l'estime qu'un clerc pouvait avoir pour la science d’une femme, même
si, de l’avis
unanime, elle «ne manquait pas entièrement d'esprit» 20. La longue lettre de Pierre Col est à cet égard un ingénieux mélange de provocations, de sophismes et de paradoxes?!. Il était donc plus habile, et certes plus noble, de faire valoir d’autres circonstances auprès du «notable clerc» de l’épitre Cum ut dant : la carrière diplomatique, le désœuvrement littéraire, une amitié qui favorisait les lectures savan«simple femmelette» 22, fût-ce le
tes, et non la discussion avec une
premier «bas bleu» des lettres françaises?3.
Il
Cupido, le dieu d’amours, Cui Amans font leurs clamours 24.
A ce traité, à cet entretien, on a cherché des antécédents.
La tradi-
ton qui les trouve dans l’Epître au Dieu d'amours remonte au XVIE siècle : en attirant l’attention sur l'édition de 1511 signalée par (18) Gerson a loué Christine, dans l’épitre Talia de me, d’avoir si bien répondu
aux arguties de Pierre Col (infra, p. 168 / 105-14) ; dans un sermon qui date de la même époque (Peonitemini III, 17 décembre 1402), il se demande «se c’est
meilleur qu’une femme sache escripre et lire que non, pour les biens d’une part et les maulx d’autre qui en peuent venir.» (Œuvres complètes, éd. Glorieux, t. VII*, Paris-Tournai, 1968, n° 370, p. 831 ; cf. POTANSKY, den Rosenroman, p. 159)
Der Streit um
(19) Epiître du 13 septembre 1401, infra, 1, iv, 10 / 40. (20) JEAN DE MONTREUIL, Epist. 154 (Ut sunt mores), infra, p. 42/8; cf. éd. Ornato, p. 220.
(21) L'école iconographique anglo-américaine a trouvé dans l'épître de Pierre Col des échos de ses propres thèses: ainsi, pour John V. Fleming, la réfutation du chanoine est une démonstration «magistrale» (The Moral Reputation of the Roman de la Rose before 1400, «Romance Philology» XVIII [1965], p. 430). (22) C'est Christine, jouant sur les deux tableaux, qui s’octroie cette épithète (Réponse à Pierre Col, infra, NX, iv, 132 / 539). (23) G. LANSON, Histoire de la littérature française (cité plus haut, p. xi). (24) Epistre au Dieu d'amours, dans Œuvres poëetiques de Christine de Pisan, éd. M. Roy, Paris, Champion (SATF), 1886-1893, t. II, p. 27 (v. 825-26).
LES DOCUMENTS
DANS L'HISTOIRE
XXIX
Harisse?$ et imprimée sous le titre de Contre-roumant de la Rose ou le Gratia Dei, À. Piaget a donné à l’histoire de la querelle une orientation durable?6. L'édition de Ch. F. Ward accorde à ce long poème
Courtois et satirique le statut de «document» 27 — le premier, par surcroît, dans le débat sur le Roman —: cette thèse, devenue monnaie
courante, a été accueillie par la plupart des histoires littéraires: elle se glisse encore dans les études spécialisées, même chez les plus averus. La mise au point récente de M. Potansky l’a reprise à son compte?8, avec toute la certitude qu’autorisait une orthodoxie littéraire
vieille d’un demi-siècle, et dont le bien-fondé n'avait jamais été mis à l'épreuve. Les origines de la polémique s’en trouveraient repoussées au IéT mai 1399, date à laquelle le Dieu d'amour adressa aux
loyaux amants de France?° une épître de quelque 800 vers : Donné en l'air, en nostre grant palais,
Le jour de May la solempnée feste Ou les amans nous font mainte requeste, L’An de grace Mil trois cens quatre vins Et dix et neuf, present dieux et divins. (v. 796-800)
La date est, à plus d’un titre, remarquable. Elle vient tout d’abord deux ans trop tôt, à un moment où, selon les indications qui paraissent les plus dignes de foi, Jean de Montreuil ignorait tout du Roman de la Rose. Le jour n’est pas moins significatif que le millésime : comme l’indiquent fort bien les vers cités, le I€T mai est la fête des Amants. Il y aurait donc lieu de supposer qu'ils fournissent le (25) Excerpta Colombiniana, Paris, Welter, 1887, p. 46: «In 89 en petits caract. gothiques, s. l. n. d., de 18 ff. Sur le titre, deux galants aux pieds d’une
dame. Commence ainsi: Cupido par la grace de lui (...)» Cet exemplaire, dérobé à la Colombine,
fut vendu
à Paris en 1864 pour 60 francs (1bid.) ; selon Roy
(Œuvres poétiques, t. Il, p.ix), il aurait été acquis parlebaron Pichon. Potansky, qui n'ignorait pas l'existence du volume, semble avoir été induit en erreur par Harisse ; celui-ci croyait en effet qu’il s'agissait d’une poésie «complètement inconnue»
(cf. Der Streit um den Rosenroman,
p. 23).
(26) Martin Le Franc, prévôt de Lausanne, p. 60-75. (27) Texte inventorié mais non publié (édition citée, p. 16; cf. Introduction, | p. 6). (28) Der Streit um den Rosenroman, p. 47 et suiv. (29) «Au Dieu d’amours», c’est à dire écrite par, et non, comme on le dit souvent, destinée à.
INTRODUCTION
XXX
cadre d’une réjouissance de cour quelconque. Sous l’emprise de ces vers gracieux, on oublie les termes d’un débat auquel n’a jamais tout à fait convenu l'épithète de «non haineux» ; éloignée dans le temps, l'Epiître au Dieu d'amours ne participe guère de cette rhétorique emportée, mais plutôt du cadre de son exposition: il y a proximité des thèmes et du décor. Le public visé est celui d’une cour raffinée et peut-être galante, non les humanistes de la chancellerie royale. L'Epiître au Dieu d'amours prône un idéal de noblesse où l’amour est le premier moteur. Aux médisants de la cour de France, objets des plaintes de «toutes femmes generaument» (v. 13), on oppose les exemples d’Othon de Grandson, de Hutin de Vermeille (v. 233, 225-26), et d’autres encore que Christine a préféré laisser dans l’anonymat, «qu’on ne deïst que ce fust flaterie» (v. 255). Ces
allusions ont valeur de signe. L’atmosphère de l’épître n’a rien d’intellectuel ni même de «littéraire», dans la mesure où la science et la littérature s’écartent de la vie de cour, — dans la mesure, précisément,
où la littérature ne serait plus fête 30. Le portrait esquissé est l’œuvre d’une moraliste ; elle s'inspire d’une actualité proche du lyrisme où évolue, depuis dix ans déjà, la veuve inconsolable d’Etienne Castel. S'il est exact qu’elle vise une misogynie, c’est une misogynie hypocrite et suave, complice des amours
furtives, de galanteries feintes,
de conquêtes amoureuses faites plus encore par jeu que par luxure, où la vantardise trouve amplement son compte. Le mal s'étend à tout le royaume, mais c’est de «chevaliers» (v. 33), d’«escuiers» (v. 34), de «gentils hommes» — chez qui «grand honte est tel vice» (v. 216), que fait état la requête des dames à la «cour d’amours» ;on
réprouve avant tout les rénégats, les «nobles gens qui plus garder les seulent» (v. 32): Les compagnons ce dient es tavernes,
Et les nobles font leurs pars et leurs sernes, En ces grans cours de noz seigneurs les ducs, Ou chieux le roy, ou ailleurs espandus.
(v. 117-20)
Par séduction ou par calomnie simple, la cour de France est tombée en proie aux faux amants, aux «deloiaux», — à Male Bouche pourrait(30) Cf. D. POIRION, Le Poëte et le prince, Paris-Grenoble, Presses Universitaires de France, 1965, p. 83 et suiv.
LES DOCUMENTS
DANS L'HISTOIRE
XXXI
on dire, n'était le peu de cas que l’on fait, dans la première partie de cette épiître, du Roman de la Rose.
Il est également question d’une misogynie plus savante, de «dittiés, rimes, proses, vers» (v. 261) donnés en tant que textes d'étude à de jeunes écoliers ; on y reconnaît la vieille tradition cléricale, is-
sue des Pères de l’Eglise3! et teintée d’ascétisme, l'éternelle mise en garde contre la Femme
luxurieuse.
Les exemples cités seront en
majeure partie bibliques : Adam, David, Samson (v. 267-68) ; mais la tradition de saint Jérôme
s'était trouvé un allié inattendu chez
Ovide, dont les Remèdes d'amour — texte sans doute édifiant, mais
aussi d’un accès facile — avaient gagné les suffrages des maîtres d'école: Si ont les clercs apris trés leur enfance Cellui livret en premiere science De grammaire…… (2291595)
Contre cette tradition prude des dévôts sur le retour d’âge (v. 495508), le Dieu d’amour évoque, dans un passage qui ne laisse pas de surprendre, dame Nature : Ne soufferons, tant com le monde dure, Que cheries et amées ne soient,
Maugré touz ceulz qui blasmer les vouldroient. (v. 298-300)
Mais la misogynie véritable, seule reconnue dangereuse, est le fait des laïcs, maîtres en séduction plutôt qu’en grammaire. C’est à leur sujet que se fait l’unique allusion au Roman de la Rose, passage qui
ne compte au total que 8 vers, et qui s’insère dans une critique de L'art d'aimer3. Plus encore que la teneur des textes, c’est la dispro(31) Voir la discussion, sommaire mais pertinente, de J. Batany, Approches du «Roman de la Rose» (chapitre V : La Satire du mariage), Paris, Bordas, 1973,
pr35-69: (32) Cf. E. PELLEGRIN, Les «Remedia amoris» d'Ovide, texte scolaire mediéval, «Bibliothèque de l'Ecole des Chartes» CXV (1957), p. 172-79.
(33) Celle-ci, en revanche, est assez longue (v. 365-406). d’une
note
Guigemar,
(CFMA),
Il ne s'agissait pas
nouvelle dans la littérature féminine; cf. MARIE DE FRANCE, dans Les Laiïs de Marie de France, éd. J. Rychner, Paris, Champion
1966, v. 239-45.
XXXII
INTRODUCTION
portion entre les moyens mis en œuvre et le but à atteindre que dénonce Christine : pour séduire «une pucelle / (...) par fraude et par cautelle» (v. 395-906), Jean de Meun a «compilé» le «long procès» (v. 390) du Roman de la Rose ; pour venir à bout d’«une ignorante petite femmellette» (v. 550), Ovide a donné, sous le faux titre d’un
Art d'aimer, le manuel complet du parfait séducteur. Lorsque plus tard Christine reviendra sur cette épître, dans sa réponse au traité de Montreuil, ainsi que dans La Cité des dames, ce sera pour évoquer le thème de la séduction, joint par elle à celui de l'honneur féminin. Par delà les textes inculpés, c’est aux lecteurs qu’elle en veut. L’Epiître au Dieu d'amours est certes un texte «féministe» (dans l'optique très particulière d’une femme du XVE siècle),
mais ce texte n’a rien d’un document polémique. Par lui et par d’autres, Christine s'était acquis une réputation d’avocate de l’«onneur et louenge des femmes», et c’est précisément dans ce contexte plus vaste qu’elle placera les épîtres sur Le Roman de la Rose: (...) ainsi
comme
je sçay
de certainne
science
leur bon
droit
estre
digne de deffence, mon petit entendement a voulu et veult soy emploier, comme cy appere et en autres miens dictiez, a debatre leurs contraires et accusans#.
L’Epiître au Dieu d'amours pose le problème d’une thématique personnelle, qui déborde, et de loin, le cadre d’un débat : c’est toute l’œuvre antérieure de la poétesse qu’il faudrait évoquer ici, les diverses complaintes, ballades et rondeaux, Le Livre des trois jugements,
Le Débat de deux amants surtout*7. Les manuscrits de Christine, qui assurait elle-même la diffusion de ses œuvres, n’établissent aucun
lien plus précis entre l’Epître au Dieu d'amours et Les Epistres sus le Romant de la Rose 8 ; le plus sage serait de leur faire confiance. (34) Idée reprise dans la rénonse à Pierre Col, infra, IL, iv, 138 / 771; voir la
note. (35) Voir notre appendice II, infra, p.193 / 36 - 194 / 62. (36) Epitre dedicatoire à Isabeau de Bavière, infra, 1, 1, 6/ 33-37. À New Look at Christine de Pizan's Epistre au Dieu
(37) Cf. C. WILLARD,
d’amours, à paraître dans les Nuova Miscellenea di Studi e Ricerche sul Quattrocento francese, a cura di Franco Simone, Torino.
(38) L'ordre des textes, dans la première édition manuscrite des œuvres de la poétesse, est le suivant: Le Débat de deux amants, Epitre au Dieu d'amours, Le
Dit de la Rose, Le Dit des trois jugements amoureux, Le Dit de Poissy, Les Epitres sur le Roman de la Rose. Il s’agit vraisemblablement d’un ordre chronologique simple.
LES DOCUMENTS
DANS L'HISTOIRE
XXXIII
II UN DÉBAT GRACIEUX
ET NON HAINEUX
Le premier document dans le débat sur Le Roman de la Rose reste donc ce petit traité en vulgaire, né de la rencontre de la poésie et de la cléricature. Entre ces mondes cependant mitoyens, s'ouvre un fossé linguistique. En envoyant son opusculum gallicum, «pour estre en deux pars vallable», à un notable clerc et à la chambrière de la reine, Jean de Montreuil vouait son texte à un destin double.
Deux
diffusions lui furent désormais ouvertes : celle, publique, de la langue française ; celle, intime, de la correspondance latine. Il semble que dans l’un comme dans l’autre cas, la voie se soit avérée sans issue.
La disparition du traité de Montreuil paraît liée à des circonstances multiples. Le contenu même du texte l’exposait «à la haine de plusieurs»? ; le sens naissant de la propriété littéraire, favorisé dans une mesure certaine par le système de patronage, venait nuancer la
stratégie polémique ; le statut de la langue française, enfin, dans le bilinguisme
humaniste,
peut aussi être entré en ligne de compte.
Ainsi la diffusion du traité aurait été empêchée, par les uns en raison d’une discrétion intéressée, par les autres en vertu d’une défense expresse. Quant à l’auteur lui-même, nous tenons pour vraisemblable l'hypothèse de Combes, pour qui l'intervention gersonienne aurait ÉTOUCCISIVE0) Les écrits de Montreuil ont tous un caractère polémique, auquel sa charge de secrétaire du roi donne une orientation particulière. A l’époque qui nous intéresse, la situation politique était défavorable à une polémique ouverte entre l’Université et les milieux de la chancellerie royale4!. Le traité de Montreuil n’avait pas non plus sa place dans un recueil d’epistolae familiares : le choix de la langue vulgaire, dicté en même temps par l'adversaire et le sujet à traiter, apparaissait
comme léger, bouffon, voire inconvenant aux ennemis du Prévôt de Lille. Paradoxalement, les pièces ancillaires — lettres de présentation (39) JEAN
DE
MONTREUIL,
Epist. 119 (Ex quo nugis), infra, p. 30 / 7;
cf. éd. Ornato, p. 179. (40) Jean de Montreuil,
(41) Cf. HICKS la Rose.
p.139.
/ ORNATO, Jean de Montreuil et le debat sur Le Roman de
XXXIV
INTRODUCTION
ou échos de la dispute au Parlement—purent donc avoir revêtu plus d'importance, aux yeux de l’auteur même, que l’œuvre originelle. La correspondance littéraire, à la fois savante et intime, s’ouvrait sur l’atemporel: la recherche d’un latin authentique, respect du passé et promesse d'avenir, détournait cette langue de ses fins utilitaires. C’est là, comme on l’a souvent fait remarquer, une tendance profonde de l’humanisme, — tendance elle aussi paradoxale, et qui entraînera, à plus ou moins brève échéance, la disparition du latin en
tant que langue vivante #2.
C'est surtout Christine de Pizan qui assura la survie des documents français; la plupart des textes connus dérivent de copies exécutées par ses soins, en vue du jugement devant la reine. La constitution des pièces en dossiers est évidemment un phénomène tardif, mais que l’on peut considérer comme décisif pour la tradition manuscrite: limitation du procédé dans l’entourage de Pierre Col témoigne de son efficacité.
Mais au commencement,
tous les textes de la série
française, y compris le traité de Montreuil, furent des documents indépendants et circulèrent comme telsfs. Les premiers échanges ne devaient guère dépasser le cercle des intéressés. Gontier Col affirme, dans son épître du 13 septembre 1401,
qu’il n’a pas eu directement connaissance du premier traité de Christine : les amis de la poétesse, gardant jalousement pour eux l’«œuvre nouvelle», en auraient empêché la diffusion, comme «chose singuliere et haultement composee, edifiee et conduite a leur plaisir et entencion, si que de eulx n’en [pot] avoir coppie ne originel (...)»4#4. On
s'étonne que l’ami intime, «le frère et le plus prudent des maîtres »4$ de Jean de Montreuil, ait pu ainsi ignorer le contenu de ce texte : une telle discrétion devait correspondre à un idéal plutôt qu’à une situation de fait. Elle garde, néanmoins, valeur de signe46. De son (42) Voir, entre autres, J. LE GOFF, Les Intellectuels au moyen âge, Paris, Seuil, 1972, p. 180.
(43) C’est assurément le cas du premier traité de Christine: la version à laquelle s'était référé Pierre Col avait, de toute évidence, échappé au contrôle de l’auteur. Voir plus loin notre discussion de la tradition manuscrite. (44) Infra, 1, iv, 10 / 23-27. (45) JEAN DE MONTREUIL, nato, p. 179.
Epist. 120 (Scis me), infra, p. 32/ 1; cf. éd. Or-
(46) On peut interpréter dans le même
sens une allusion de Pierre Col à la
LES DOCUMENTS
DANS L'HISTOIRE
XXXV
côté le Prévôt de Lille se montre peu soucieux d'engager ouvertement la polémique : les différents destinataires de son traité sont priés de donner leur jugement, mais le texte n’est pas offert à la copie : les épîtres conservées sont avares de détails sur le contenu, et évoquent plutôt les péripéties d’une polémique purement orale. La seule exception à cette règle sera justement l'épître Ut sunt mores, où Jean de Montreuil manifeste un vif déplaisir à la «publication» des écrits de Christine ; c’est là aussi qu’apparaît la seule allusion précise aux arguments du débat47. Les thèses de ce digeste correspondent,
on
l’a vu, à celles du traité de Christine‘8 : elles doivent
également correspondre, par le miroir de la polémique, aux thèses du traité perdu. Car on respectait scrupuleusement le plan de l’adversaire : nous en avons la preuve dans la grande réponse de Christine à Pierre Col, dont le traité nous a été conservé par une filiation indépendante“?. Il existe en effet des analogies frappantes entre les arguments des derniers textes conservés et ceux des premières épîtres 50. Mais en s'adressant à Gerson en même temps qu’à Christine, Pierre Col avait perturbé l’ordre primitif : la Vision du chancelier, allégorique, ne s’insérait pas dans la suite directe d’un échange épistolaire. Gerson reprochera précisément à Pierre Col le va-et-vient dialectique qui découle de cette orientation double“i. Mais la rhétorique des premières pièces fut réellement une composition «en abîme», puisque l’opusculum gallicum était moins un traité «à la louange» du Roman‘? qu'une défense de Jean de Meun. diffusion réduite de l’épître de Christine, cf. infra, IIL, ii, 89 / 6-8.
(47) Passage cité plus haut, p. xix. (48) A l'exception d’un passage sur la séduction («decepvance», dont l’auteur relève le caractère digressif). Combes, qui n’avait pas les meilleures dispositions pour la poétesse, méconnaît cet aspect méthodique de son œuvre, afin de présenter une image du traité perdu plus conforme au discours de l’«avisié» mis en scène par Gerson (Jean de Montreuil, p. 114). (49) Cf. notre étude: The «Querelle de la Rose»
in the Roman
de la Rose,
p152-54: (50) On a parfois considéré cette cohérence formelle comme le signe d’une certaine lassitude, et même d’épuisement, sur le plan du contenu. (51) «Et quia me, in opusculi mei impugnacione, cum insigni femina miscuisti (...), quamquam îta confuso ordine ut nunc ab ea ad Eloquenciam Theologicam, nunc econverso raptim migret (...)» Cf. infra, p. 166/ 104 -168/107. (52) C'est ainsi que Jean de Montreuil décrit son ouvrage dans l’Epist. 152 (Ex quo nuge); cf. infra, p. 40 / 6-7, et éd. Ornato, p. 218-19. S'appuyant sur un passage analogue de l’épître Cum ut dant, Combes mettait également en
XXXVI
INTRODUCTION
La configuration négative des différents traités reproduisait ainsi une matrice dialectique, mais au dépens des textes mêmes : on ne faisait aux écrits de l’adversaire que la part exigée par une réfutation en règle. Certes Christine n’a pas hésité à publier, dans son premier dossier de la querelle, deux épiîtres de Gontier Col : il ne s'agissait là que de situer son propre texte dans le cadre d’un échange. Ces épitres, pour menaçantes qu’elles soient, sont à peu près dépourvues de substance ; on pouvait en quelque sorte les assimiler aux rubriques. Si Christine n’a pas jugé bon de publier le traité de Montreuil, c’est que cette pièce, qui lui était destinée au même titre que les lettres de Gontier, eût été préjudiciable à sa causeS3. Mais surtout, le dossier publié par Christine a pour centre d'intérêt Gontier Col, et la nouvelle étape que celui-ci se flattait d’avoir inaugurée. Le Prévôt de Lille ne figure que par contre-coup dans les documents soumis au jugement : le petit traité est le centre invisible d’un cercle tracé par d’autres mains: ce n’est pas, à proprement parler, la réponse de Christine à Montreuil qui figure dans le dossier du I€T février ; celuici fixait, au contraire, un transfert de copie. Les épîtres de Jean de Montreuil paraissent refléter, par leur silence,
un
autre
débat,
véritablement
«gracieux
et non
haineux»,
courtois et discret. La polémique, dans la mesure où nous pouvons l’appréhender, se situe ailleurs, dans un monde à l’image de cette correspondance retorse.
Rursus igitur subiit mentem meam Paternitati Vestre mittere eam, de qua pridie in domo vestra sermonem babuimus, satirice invectionis formam tenentem epistolam, non ut transcribitur,
boc
supplico,
posco,
obsecro
requiroque,
sed solum
eam Vestra Dominatio pervideat (...)S4.
Il existe deux manuscrits de la correspondance de Montreuil : Paris avant le caractère littéraire, plutôt que polémique, du traité perdu (Jean de Montreuil,
p. 130-31).
Mais il est clair, d’après Christine, que le Prévôt de Lille
se proposait de réduire les adversaires du Roman au silence; le traité, précise-telle, était de « [ses] diz fait en reprenant (...) aucuns blameurs» (infra, I, v, 12 / 13); cf. plus loin, I, v, 12 / 25: «Et combien que moult reprenéz les contre-
disans (...)» (53) Elle ne fera pas non plus les honneurs de la publication au traité de Pierre:Col. (54) Epist.121 (Mee an fuerit), infra, p. 36 / 14-18.
LES DOCUMENTS
DANS L'HISTOIRE
XXXVII
Bibliothèque Nationale lat. 13062 et Vat. Reg. lat. 332. Ces deux volumes sont entièrement autographes$$. On peut les dater des dernières années de la vie de l’auteurS6. Les epîtres sur Le Roman de la Rose ne figurent que dans le recueil parisien. Le manuscrit du Vatican présente en effet un choix de lettres réduit : le Prévôt de Lille a procédé à une sélection sévère, tenant compte de l'importance des événements
ainsi que de la qualité du dédicataire.
Celui-ci, le
cardinal de Florence Francesco Zaberella 7, ne pouvait guère porter d'intérêt à une querelle d’intellectuels parisiens, vieille de plus de quinze ans. La composition du manuscrit de Paris en quatre «tranches» a été établie par E. Ornato8. Les épîtres sur le Roman apparaissent dans la deuxième
partie du volume, qui constitue un tout codicologique :
il s’agit d’une véritable édition, préparée en 1405 ou 1407 à l’intention de Nicolas de Clamanges. On ignore à quels critères répond la disposition des pièces à l’intérieur de l’ensemble : l’ordre chronologique n'y est pas toujours respecté, et les affinités thématiques entre textes voisins ne sont pas toujours évidentes. Comme le manuscrit ne porte ni noms
de destinataires, ni indications de lieu et de date,
l’analyse des documents pose des problèmes aussi délicats que nom-
breux. La langue de Montreuil, d’une éloquence toute particulière, volontairement allusive et obscure, n’est pas sans compliquer la tâche du critique$?. Nous avons consacré un long article® à ces problèmes
; l'exposé qui suit, nécessairement
sommaire, est le résumé de
nos principales conclusions. La confrontation
des épîtres avec d’autres textes de la querelle,
l’analyse de leur contenu, les points de repère chronologiques inter-
nes permettent d’affirmer que la suite textuelle obéit à une certaine logique: la première impression, vérifiable dans le détail, est celle (55) La démonstration en sera faite dans le troisième tome des Œuvres complètes de Jean de Montreuil (éd. N. Grévy, E. Ornato, G. Ouy, Torino, Giappichelli, à paraître).
(56) On sait que Montreuil et G. Col furent «massacrés par la soldatesque Bourguignonne» en 1418. (57) Cf. HICKS
/ ORNATO,
Jean de Montreuil et le débat sur Le Roman
la Rose. (58) Edition citée, Introduzione,
de
| p. xxxXV et Suiv.
(59) Cf. les nombreuses erreurs commises par Coville et relevées par Combes Uean de Montreuil, p. 39-43, 156-60, et passim). (60) En collaboration avec E. Ornato (article cité).
XXXVIIT
INTRODUCTION
d’une présentation conséquentef!. Un premier texte, isolé, correspond aux débuts de l'affaire (l’épître 103, Cum ut dant, mars-avril
1401) ; viennent ensuite les épîtres 118-122, qui forment un ensemble homogène consacré à la phase «parlementaire» du débat ; enfin l'épître 154 (Ut sunt mores), jointe à son épître dédicatoiref?, se
rapporte à une époque plus tardive6?, postérieure à la publication des documents français par Christine de Pizan%. On est frappé, ici encore, par le caractère intime de la correspon-
dance. Face à l’unique adversaire interpellé — l’avocat des épîtres 118 et 122 — le Prévôt de Lille manifeste une arrogance qui doit rester secrète ;en soumettant l’épître Quo magis (118) à un haut dignitaire de l'Eglise, Montreuil s'empresse de recommander, dans l’épiître 121 (Mee an fuerit), la discrétion la plus absoluef$. On retrouve les mêmes accents dans l’épître 119, adressée elle aussi à une «éminence» : ce texte annonce l’envoi d’un traité frivole en langue française, qui est de toute évidence l’opusculum gallicum, envoyé vers la même époque à Christine et au notable clerc66 : «Mais il est entendu que si je vous envoie des frivolités de ce genre (...), c’est à
condition qu’elles ne soient communiquées à personne. Car je pourrais en être repris ou blâmé (...)»67. C’est bien dans ce contexte d’un débat à huis clos qu'il convient de situer le traité perdu : l’intervention de l'avocat présente un aspect provocateur, que Jean de Montreuil seul figera dans l'écrit. Envoyer le traité chez des destinataires de choix, pour les «ramener» où pour solliciter un jugement favorable, n’équivalait pas à engager une polémique formelle: la correspondance fait état, au contraire, de «paroles hâtives» qu’on hésite
à blâmer en pleine audience, d’interruptions qui «coupent la parole» (61) Le fait n’est pas exceptionnel dans le recueil monstérolien, mais il faut procéder à des vérifications systématiques. (62) Epist. 152 (Ex quo nuge). (63) Vers 1403-1404. (64) Février-mars 1402. (65) «C’est ainsi que la fantaisie m'est encore venue d’envoyer à votre Paternité cette épître dans le style d’une invective satirique, celle dont nous avions parlé hier chez vous, non point pour qu’elle soit recopiée — je vous demande, je vous prie, vous supplie et conjure de ne rien en faire —, mais simplement pour que Votre Eminence en parcoure le texte (...)»
Cité en exergue, supra.
(66) Nous en sommes, pour l'instant, à quatre destinataires (donc, à quatre exemplaires du traité perdu: le «notable clerc», Christine, Pierre d’Ailly, et Gontier Col). (67) Cf. infra, p. 30 / 4-6.
LES DOCUMENTS
DANS L'HISTOIRE
XXXIX
aux partisans du Roman : l'agression vient d’ailleurs. L'épître 120 (Scis me), à Gontier Col, se situe au moment criti-
que de cette controverse. Jean de Montreuil rappelle à son collègue de chancellerie la responsabilité qui lui incombe en ces circonstances. Car ce fut lui qui poussa le Prévêt de Lilleà lire le Roman, et c’est parce que Montreuil partage l’admiration de son ami pour Jean de Meun qu'il se trouve visé par «plusieurs clercs, notables pour leur autorité» (a plurimis scolasticis non parve auctoritatis viris)$. Nous apercevons, au travers de cette expression, le reflet de ces «notables clercs» dont fera état Gontier Col dans sa première épître à Christune, au moment de répondre, précisément, à l'appel de son ami. Mais Montreuil a composé, d’ores et déjà, une «invective» contre «l’un de ces avocats»
se alterum
istorum patronorum) ;CCITOXTE,
qui est à identifier avec l’épître 118, est joint à l’épître Scis me71. Il n'y a donc pas lieu d’accorder une importance extiémeal, 2€
cusation d’hérésie rapportée par Montreuil ici. Il faut prendre le mot «universitaire» dans son sens le plus large, puisqu'il n’existe aucune incompatibilité d'état entre la cléricature «scolastique» et l'exercice d’une activité au Parlement.
Il s’agit encore de conversations animées,
qui ne mettent pas forcément en cause la hiérarchie ecclésiastique : Christine de Pizan jugera de même que Le Roman de la Rose est plus digne «de feu que couronne de lorier» 72. L'épître 122 (Ets: facundissimus) clôt la série. Jean de Montreuil s'adresse à nouveau à l'avocat, se félicitant d’une prompte reddition.
Ainsi donc l'affaire du Parlement prenait fin. Gontier ne pourrait plus qu’engager la lutte contre une simple femmelette, mais le traité de Christine, «nouvellement escript», se frayait déjà un chemin dans le monde.
(68) C'est ce qui ressort des mots: iugi bortatu tuo et impulsu (infra, p. 32/ 1-2); cf. éd. Ornato, p. 179: passage à comparer avec l'Epist. 103, citée plus haut. (69) Infra, p. 32 / 5-6 ; cf. éd. Ornato, p. 179.
COR CE nfras Li, 9734
(71) Comme on l’a déjà vu, cette épître «ayant la forme d’une invective satirique» a également été communiquée au destinataire de l’Epist. 121. (72) Infra, 1, v, 21 / 318-19. Notons toutefois que Gerson, vers la même
époque, met en cause les maîtres qui s'étaient ralliés aux arguments de Raison, les comparant aux hérétiques de son temps (voir plus loin, p. xlvüi).
XL
INTRODUCTION
LEUNTION
CONTRE
THÉOPHRASTE
Les ressemblances de ton et de style entre les lettres adressées à l’avocat et celles que Gontier Col envoya à Christine de Pizan, le 13 et
le 15 septembre 1401, ne peuvent qu'attirer notre attention ici. On y rencontre la même arrogance, le même appel à l'irresponsabilité, la même offre de pardon. Sans doute s’attendait-on à «bailler penitence salutaire» à Christine aussi. La réaction fut vive et certes inattendue : en portant le débat devant le public, la poétesse frappa un rude coup contre les partisans de Jean de Meun. L’épître 154 (Ut sunt mores) correspond à cette phase de la polémique ouverte ; cependant sa place dans le recueil monstérolien répond à d’autres critères aussi. L’épître 154 est étroitement liée à l’épître 152 (Ex quo nuge), dont le destinataire nous est inconnu. Celle-ci annonce en effet l’envoi de deux textes en prose, l’un «à la louange de la Rose, cet ouvrage si brillant» ; l’autre«contre celui qui
harcèle [le destinataire], pour d’autres motifs, 1l est vrai» 73. Le révé-
rend Père et maître à qui s'adressent ces pièces avait déjà reçu, sans grand enthousiasme,
la copie d’un ouvrage en vers74 ; le Prévôt de
Lille espère un meilleur accueil pour les deux échantillons de sa prose. Ces pièces ne sont pas d’actualité 7$ : il se trouve simplement que le destinataire a maille à partir avec l’avocat des épiîtres 118 et 112. L’épitre 118 (Quo magis), qualifiée ici comme ailleurs d’épître «ayant la forme d’une satire», est la première 7 ; l’épître 154 est la seconde. L'auteur ne songeait évidemment pas à recopier ici un texte qu’il avait déjà transcrit ailleurs, avec d’autres datant de la même époque; quant à l’épître 154, elle se situe peu après la publication du dossier de Christine, soit au printemps de l’année 1402.
Contre cette nouvelle Leuntion, Jean de Montreuil sollicite l’intervention de son correspondant, comme il avait, en d’autres circons-
tances, invoqué l’aide de Gontier Col.
On ignore l'identité de ce
(73) Infra, p. 70 / 7: «alio licit ex capite».
(74) 1 s’agit d’un recueil de proverbes, dont le texte n’a pas été retrouvé. Cf.
COMBES, (75) C’est
Jean de Montreuil, p. 161. ce qu'indique
le mot
pridem.
Cf. HICKS
/ ORNATO,
Montreuil et le debat sur Le Roman de la Rose. (76) Cf. plus haut, n. 68, et infra, p. 40 / 5-7; éd. Ornato, pr219)
Jean de
LES DOCUMENTS
DANS
L'HISTOIRE
XLI
poète : celui-ci semble avoir gardé le silence. Il est permis toutefois de croire que son état importe davantage à l’histoire de la querelle que ne fait son nom 77.
IV
A bonne amour je fais veu et promesse Et a la fleur qui est rose clamée A la vaillant de Loyauté deesse, Par qui nous est ceste chose informée,
Qu’a tousjours mais la bonne renommée Je garderay de dame en toute chose Ne par moy ja femme n’yert diffamée: Et pour ce prensje l'Ordre de la Rose 8.
Une querelle du Roman de la Rose a réellement existé à partir du moment où «cette femme Christine» a livré ses écrits au public”. Au dires de celle-ci, son traité contre Montreuil avait été «loing temps celey»; elle n’enfreignait la règle tacite sur la discrétion littéraire qu'au moment où elle n'était plus de mise. «Et te promet», écritelle à Pierre Col le 2 octobre 1402, «que a ma requeste n’est magni-
festé. Et se tu veulz dire que aucunes choses aye faites ou nom de singulières personnes, ce a esté depuis que ja en estoit commune renommee » 80. Il convient de s’interrosr sur la portée de ce geste. Car si Christine Jouissait déjà, en 1401, d’une réputation de femme savante (Gontier Col l’appelle «prudent, honouree et sçavant demoiselle»),
elle devait surtout sa renommée à l’œuvre lyriqueël. xième épitre dédicatoire du dossier publié, adressée Christine ne manque pas de signaler cette anomalie : soit a merveille, pour ce que mes autres dictiéz ay
Dans la deuà Tignonville, «(...) ne vous acoustuméz a
(77) Il s’agit peut-être d'Honoré Bouvet, mais plus vraisemblablement encore d'Eustache Deschamps. Cf. HICKS / ORNATO (article cité). (78) Le Dit de la Rose, dans Œuvres poetiques, éd. M. Roy, t. Il, p. 35 (v. 197-204). (79) Epist. 154 (Ut sunt mores) : «ut debinc iam in publicum scripta sua ediderit» ; infra, p. 42 / 6-7. Cf. éd. Ornato, p. 220. (80) Infra, p. 148 / 1087 - 149 / 1090. (81) Ce que Pierre Col désignait, non sans ironie, sous l’épithète d’«autres
telz chosettes» (infra, p. 89/6).
XLII
INTRODUCTION
rimoyer, cestui estre en prose»82. Au moment où le débat tombe dans le domaine
public, Christine
de Pizan, poétesse de cour, n’a
rien d’une polémiste : tout au plus comptait-elle à son actif quelques vers de l’Epître au dieu d'amours et une réputation d’avocate de la dignité féminine, — attitude qui demeurait du reste dans la tradition la plus orthodoxe du lyrisme courtois. C'est, croyons-nous, du côté de cette œuvre lyrique, plus encore que dans la pose qu’elle implique, qu'il faut chercher les raisons d’une orientation nouvelle, orientation savante et didactique, prosaique parfois, et à laquelle Christine restera fidèle, toutes proportions gardées83, jusqu’à sa retraite en «abbaye close». En effet, la rencontre chronologique entre Le Dit de la Rose, daté du 14 février 1402, et le premier dossier de la querelle ne peut être entièrement fortuite. On écrit, depuis l’édition de M. Roy ##, que ce poème est le «couronnement» du débat. Toutefois cette allégorie courtoise ne présente pas la moindre allusion polémique, et n'apparaissait pas à point pour couronner un débat qui n’en était alors qu’à ses débuts: le 14 février 1402, Gerson n'avait pas pris ouvertement position contre le Roman, Pierre Col gardait donc le silence : le document le plus considérable de tout le débat — par ses dimensions autant que par sa teneur littéraire — sera justement la réponse adressée à celui-ci par Christine, lorsque le chantre de Tours®$ aura englobé dans une même réfutation la Vision du chancelier et le traité de la poétesse. À ne voir que les dates de composition, Le Dit de la Rose se situerait au plus fort de la controverse, entre la rédaction des premiers traités et l'intervention de Gerson. En tenant compte de la provocation au second degré que constituent les épîtres de Gontier Col, on distinguerait ainsi trois phases dans le déroulement de l'affaire, (82) Infra, 1, ü, 8 / 38-40. (83) Christine n’a jamais délaissé sa première manière, à proprement parler. Voir, sur les nombreuses additions et révisions de son «capital littéraire» dans les manuscrits
tardifs,
F. LECOY,
Note sur quelques ballades de Christine de
Pisan, dans Fin du moyen âge et renaissance (Mélanges de Philologie Française offerts a Robert Guiette), Anvers, De Nederlandsche Boekhandel, 1961, p. 107-14. (84) Œuvres poétiques, t. I, p. x. Cf. S. SOLENTE, Christine de Pisan, dans Histoire Littéraire.de la France, t. XL, Paris, Imprimerie Nationale-Klincksieck, 1969, p. 20 de l'extrait; P. POTANSKY, Der Streit um den Rosenroman, p. 93.
(85) Cf. plus haut, p. xii, n. 17. Les autres attributions du personnage, plus connues, figurent dans la charte de la Cour amoureuse: voir A. PIAGET, La Cour amoureuse de Charles VI, «Romania»
XX (1891), p. 440.
LES DOCUMENTS
DANS L'HISTOIRE
XLIII
caractérisées par les trois adversaires de la poétesse % : la première, où elle engage la polémique avec Montreuil, en la compagnie du «notable clerc», n'aurait pas laissé de traces directes ; au cours de la seconde, celle de la polémique ouverte, le traité de Montreuil deviendrait le prétexte d’un échange de lettres avec Gontier ; la troisième étape, où Gerson
serait aux
côtés de Christine,
mettrait
en cause
Pierre Col, frère de Gontier et l’un des «moyens ou assez prés au dessoubz» 87 parmi les disciples de Jean de Meun. Cette construction, valable dans la perspective de l’absolu qui est celle des protagonistes, ne correspond pas tout à fait à la réalité polémique ; du point de vue de leur existence littéraire, publique et concrète, les «epistres du debat sus Le Roman de la Rose» datent de leur réunion en dossier, deux semaines avant la publication d’un poème ayant précisément pour titre : Le Dit de la Rose. Ce titre apparaît comme le seul lien entre deux événements à caractère différent. Mais pour frêle qu'il soit, ce lien existe : son aspect réfléchi, volontaire, ne saurait faire de doute. Cependant la volonté n'est pas, en première instance, celle de la poétesse. Le Dit de la Rose évoque une fête célébrée en l'hôtel d'Orléans, vers le milieu du mois de janvier 140288, fête à laquelle assista Christine, mais
où elle ne semble avoir joué aucun rôle. Il faut rattacher ces festivités — au cours desquelles les hommes de l’assistance prirent l’Ordre de la Rose pour la défense de l’honneur des dames — à la vogue du Roman d’une part, et au goût de l’époque pour les réjouissances à grand spectacle de l’autre#?. Or la gloire du Roman est imputable, dans une mesure qui n’est pas toujours appréciée, précisément à ses disponibilités picturales : plus encore qu’à la lecture, c’est à la miniature, à la tapisserie surtout, que
l’allégorie de l’amour doit d’avoir marqué de son empreinte le déclin du moyen âge”. Le poème de Jean de Meun devait peser de tout le (86) Ce fut d’ailleurs notre point de vue dans notre étude sur La Tradition
manuscrite des épîtres sur la Rose, dans Nuova Miscellenea di Studi e Ricerche sul Quattrocento francese, a cura di Franco Simone, Torino, à paraître.
(87) Première épitre a Christine de Pizan, infra, I, ui, 90 / 37.
(88) Cf. Le Dit de la Rose, v. 28-31: «L'an quatre censet un [1402|,ou mois / De janvier, plus de la moictié / Ains la date de ce dictié / Du mois passé (...)»
(éd. Roy, t. IL, p. 30). (89) Voir la belle étude de Huizinga, rééditée récemment sous un titre authen-
tique (L'Automne du moyen âge) aux éditions Payot.
FL
(90) Voir A. PIAGET, Martin Le Franc, prévôt de Lausanne, p. 60 : «en juil-
XLIV
INTRODUCTION
poids de sa philosophie sur les contemporains : on pouvait y goûter surtout les scènes qui nous semblent les moins dignes de l’écrivain, celles où, renouant avec le récit de Guillaume, le texte donnait prise à l’image®!. Les tableaux vivants décrits par Christine participent de cette sensibilité picturale, démonstrative ; elle s'affirme dans l’établissement d’une charte en règle (v. 552-91) et dans la fondation d’autres ordres du même genre: l’«écu verd a la dame blanche» de Boucicault??,
ou la fameuse
cour d'amour de Charles VI3.
Il ne
faut donc pas voir, dans l’Ordre de la Rose de la maison d'Orléans, une appellation par antuphrase ; on avait sûrement presents à l'esprit les dix commandements
de l’amour chez Guillaume, toute la dialec-
tique subtile d’une allégorie courtoise, plutôt que les propos savants et parfois mal sonnants de son continuateur. Il faut aussi se garder de confondre l’événement et sa commémoration poétique. La fondation de l'Ordre de la Rose est antérieure et
extérieure au poème de Christine : c’est le récit de cette fondation let 1386, Jacques Dourdin tissa pour le duc de Bourgogne «une grande tapisserie de l'Histoire du Roman de la Rose, mélangée d’or de Chypre et de fil d'Arras». En 1387, Pierre Baumets ou de Beaumetz fabriqua, pour le prix de mille francs, une tapisserie de «trente aunes sur six», représentant l'Histoire du Roman de la
Rose, «a l’œuvre d’Arraz, ouvré d’or», que Philippe-le-Hardi donna à son frère le duc de Berry. Parmi les nombreux travaux exécutés par le célèbre Nicolas Bataille pour Philippe-le-Hardi, je relève à la date de 1393: «Une chambre de tapisserie blanche toute ovrée à plusieurs ymages sur le contenu du Roman de la Rose.» (91) Ainsi, par exemple, le siège devant le château de Jalousie. (92) Fondé le jour de Pâques fleuries (11 avril) 1399. Pour les statuts de l'ordre, voir Le Livre des faicts du Mareschal de Boucicaut (1, xxxix). (93) La Cour Amoureuse n’a guère été étudiée depuis les travaux de Piaget
et de Huizinga; l’article de T. Straub (Die Gründung des Pariser Minnebofes von 1400,
«Zeitschrift für Romanische Philologie» 77 [1961 j p. 1-13) pose plus de
problèmes qu’il n’en résout. Les pages consacrées au Dit de la Rose par Potansky (Der Streit um den Rosenroman,
p. 93-101) font entièrement confiance à celui-
ci, et la tentative faite pour assimiler le poème à la fête de la fondation de la Cour nous paraît plus que suspecte. Il est cependant difficile de préciser la nature exacte des rapports entre les deux fêtes; si la charte de la Cour d’amour n’est pas une pure fiction, la lecture du Dit de la Rose en l'hôtel d'Orléans devait correspondre à l’une des séances obligatoires de la Cour, la première, de surcroît, depuis la fondation, à tomber le jour de la Saint-Valentin. Y a-t-il émulation, ou rivalité, déjà sur le plan mondain, entre les maisons de Bourgogne et d'Orléans?
Est-ce
seulement vrai que la Cour amoureuse
dit, «une chose de la maison de Bourgogne»
fut, comme
on le
? Une étude d’ensemble sur la
cour, ses membres et ses fonctions est actuellementen préparation (C. Bozzolo).
LES DOCUMENTS
DANS L'HISTOIRE
XLV
qui est lu le 14 février. Ainsi la fête, source et sujet du poème, se régénère à la lecture du texte, devenu à son tour événement et céré-
monie. C'est dire les liens étroits entre la poésie et son cadre social : sur le plan du réel, le 14 février est la fête de Valentine Visconti : au niveau symbolique, c’est la fête des Amants%.
Les tableaux vivants
de l’Ordre de la Rose forment un diptyque, dont les volets ont été peints de concert. Car les ballades du Dit de la Rose s'intègrent dans le corps du poème ; les vœux prononcés le mois précédent ont donc été rédigés par Christine. Le cadre poétique, compte rendu mondain des festivités, aurait été écrit par la suite, en vue d'une seconde cérémonie dont le caractère est difficile à apprécier, mais que l’on devine dans les derniers vers du poème : Si feray fin, il en est temps,
Priant Dieu qu'aux escoutans Et a ceulz qui liront mes dis Doint bonne vie et paradis. Escript le jour Saint Valentin Ou mains amans trés le matin Choisissent amours pour l’année, C'est le droit de celle journée. (v. 635-41)
C’est au cours de la seconde fête que Christine reçoit sa consé-
cration en tant que gardienne de l’Ordre de la Rose, et c’est entre la première et la seconde fête que le dossier des épîtres est soumis à la reine. Ces réjouissances, comme la poésie rédigée à leur intention, cadrent avec la réputation de la poétesse, et sans doute avec l’idée qu'elle se faisait d'elle-même. C’est pour cette raison, et d’autres encore, que Le Dit de la Rose ressemble à L'Epitre au dieu d'amours :
thème de la médisance, louange de l’honneur des dames, goût de l’allégorie et du tableau vivant, forme de l’épître royale, évocation du parthénon de la courtoisie amoureuse. Cette ressemblance entre deux poèmes que la tradition assimile au débat est signe pourtant qu’ils n'y appartiennent pas. Car c’est de la poésie qu'est faite la réalité littéraire : de la poésie et des fêtes. Il ne s’agit pas de les intégrer dans une dialectique épistolaire, mais bien de définir celle-ci par celles-là. La publication des épîtres sur Le Roman de la Rose prélude au «dit» du même nom : leur cadre prosaique et misogyne devait (94) Cf. D. POIRION,
Le Poëte et le prince, p.118 et suiv.
XLVI
INTRODUCTION
rehausser l'éclat des festivités consacrant
l’amour, la femme et son
honneur. Le débat passe ainsi au second plan. La «renommee commune» de l’affaire a pu jouer quelque rôle dans l’organisation de la fête originelle, mais l’indiscrétion commise par Christine, le I€T février 1402,
paraît surtout répondre à un souci de publicité. Ce sont les vers qui comptent pour l’auteur : ne nous y trompons pas. Que la suite des événements lui ait donné tort, que la polémique soit allée plus loin, prenant un aspect violent, tour à tour baroque ou sombre suivant l'humeur des protagonistes, voilà sans doute la part de l’inattendu. C'est bien cette provocation au bénéfice du lyrisme qui a permis aux épitres de survivre, alors que le traité de Montreuil, de même que les altercations des parlementaires, sont devenues lettre morte ; c’est elle aussi, peut-être, qui a «lancé» la poétesse... Mais cette intervention décisive auprès de ses protecteurs ne devait être à l’origine quele coup d’envoi d’une composition en vers dont Christine allait, quelques années plus tard, purger les plus beaux d’entre ses manuscrits.
Christine supprimera en effet Le Dit de la Rose dans ses recueils de 1407 et 1410 ; le dossier des épîtres, étoffé, y trouvera toujours sa place. Sans doute les raisons de ce choix ont-elles un fond pratique: le duc d'Orléans ayant refusé de prendre le fils de la poétesse à son service, Christine s'était tournée vers d’autres protecteurs’ ; l’assas-
sinat du duc, le climat politique général, peuvent aussi avoir joué un rôle. Mais surtout, la querelle avait pris une envergure telle qu’elle faisait oublier les contingences de ses origines mondaines : la prédication gersonienne dotait le traité de Christine de tout le prestige de l’Université ; la réponse de Pierre Col lui donnait l’occasion de reprendre ses thèses et de les exposer avec plus d’ampleur. Le second traité de Christine
sera donc versé au dossier de la querelle, et les
«epistres du debat sur Le Roman de la Rose» deviendront un véritable Zivre °6. (95) C. Willard a consacré un article à cette question, qui paraîtra dans le premier numéro de Curtana (Verrazzano Institute, Mercy College, 1977).
(96) La Bibliothèque Générale de l’Université de Californie a acquis récemment une plaquette de ce genre: c’est un petit volume de 41 feuillets reliés sur
LES DOCUMENTS
DANS L'HISTOIRE
Trois poèmes paraissent se rattacher à la présentation veau dossier. Comme ils ne figurent pas dans le premier la poétesse, on peut les considérer comme postérieurs à sition de celui-ci, c’est-à-dire au 23 juin 1402. Le premier
XLVII
de ce nourecueil de la compode la série
est une ballade, adressée à Isabeau de Bavière : elle annonce l’envoi
d’un livre d’étrennes dont le sujet est un débat, et dans lequel la reine est pressée d'intervenir. La pièce qui fait suite est un rondeau, adressé à un seigneur non identifié, et dont Christine implore l’aide : Mon chier seigneur, soiez de ma partie! Asaillé m'ont a grand guerre desclose Les aliez du Roman de la Rose,
Pour ce qu'a eulx je ne suis convertie 97.
La troisième
pièce, une
ballade
au refrain : «On est souvent battu
pour dire voir», fait également allusion au débat. S'il est vrai que, dans le premier poème, le titre du texte n’est pas donné, et que le nom du dédicataire manque au second, il est néanmoins permis de croire que les trois œuvres constituent une série homogène. Il semblerait donc que Christine ait formé le projet de compléter son dossier du I€T février et d’expédier ce nouveau «Livre des epistres sur Le Roman de la Rose» à ceux dont elle avait sollicité autrefois l’aide. Le I€T janvier 1403, l'affaire était toujours d'actualité : c’est précisément de cette époque que date la prédication gersonienne contre Le Roman de la Rose en l’église St-Jean-en-Grève%8. Quoi de plus logique en effet que de lancer, dans le sillage de cette condamnation publique et formelle, un dossier définitif et agrandi de la querelle ?
ais de bois, qui provient des Epistres du debat sur moirs de latton» figurait avait en garde (inventaire
de la bibliothèque du duc de Berry. Un autre «livre le Roman de la Rose, couvert de cuir rouge, a deux ferparmi les effets du duc d'Orléans que Marion Damelle du 7 janvier 1408) : il s’agit vraisemblablement d'un
volume de facture analogue (F. GRAVES, léans, Paris, Champion, 1926, p. 133).
Deux inventaires de la maison d’Or-
(97) D'après Piaget (Martin Le Franc, p. 74), il s'agirait de Tignonville ;nous tenons cette hypothèse pour plausible, mais l’ordre harmonieux des pièces ne constitue évidemment pas une preuve. (98) Sermons de la série Poenitemini,
éd. Glorieux, t. VII*, p. 810-841, nos
369-371. Ce fut L. Mourin qui signala le premier l’importance de cette prédication pour l’histoire de la querelle (Jean Gerson, prédicateur français, Brugge, de Temple, 1952).
INTRODUCTION
XLVIII
V
Le précepteur doit souvent prendre le parti de la décence et du bien contre ceux qui osent, non seulement nommer par une impudeur patente les parties honteuses du corps et les plus abominables péchés, mais par une audace plus indécente encore se défendent en disant que le personnage de Raison les invite, sans considérer qu'ils tombent ainsi dans l'erreur des Béghards et des Turlupins, qui croyaient qu'il ne fallait avoir honte d’aucune chose donnée par la nature ®.
Les interventions de Gerson dans la querelle du Roman de la Rose sont au nombre de quatre; elles se déroulent cependant en trois temps. C'est M. Lieberman qui signala le premier 1® l'importance d'un passage du sermon Considerate lila pour le débat ; l’allusion, dont nous traduisons ci-dessus l’essentiel 101, est claire en effet, et
les circonstances particulièrement significatives : ces paroles furent prononcées au Collège de Navarre, «berceau de l’Humanisme français» 102, le 25 août 1401, à peine trois semaines avant l'entrée en lice de Gontier Col, et à un moment où les amis de Christine gar-
daient son traité secret.
Ce sermon
n’avait pas attiré l’attention de
Combes : la question du rôle joué par le chancelier dans les origines du débat mérite donc d’être reposée. Non point que l'identification du «notable clerc» avec Gerson s’en trouverait réhabilitée : car si les rapports personnels entre Gerson
et Montreuil sont moins contestables que Combes ne l'avait laissé entendre 1%, ce ne sont pas ceux d’une amitié intime. Si d’autre part, par le passé, l’on a pu conclure un peu hâtivement à l’étroite colla(99) Sermon Considerate lilia, éd. Glorieux, t. V, p. 163, n° 217. (100) Chronologie gersonienne, «Romania» LXXXIII (1962), p. 71-73.
(101) Le passage renferme en outre les allusions caractéristiques à Cicéron, «Sénèque»
82757983
et saint Paul; cf. Lieberman,
590180
15-21, 182
p. 73, et infra, p. 75 / 421, 79 / 500,
96;42,
(102) Cf. G. OUY, Le Collège de Navarre, berceau de l'humanisme français, «Actes Du 95€ Congrès National Des Sociétés Savantes», Paris, Bibliothèque Nationale 1976 tp 275209;
(103) Rappelons que la conclusion du livre de Combes est d'ordre négatif: les lettres de Montreuil que l’on croyait adressées à Gerson ne l’étaient pas en effet. L'auteur n'entendait pas dire davantage, mais le lecteur, emporté par la force des arguments et la véhémence du ton, a parfois tendance à l’oublier.
LES DOCUMENTS
DANS L'HISTOIRE
XLIX
boration entre Gerson et Christine, grâce à la rencontre rapportée par celle-ci 1%, une certaine parenté entre leurs arguments reste indéniable : nous ne possédons aucune donnée positive sur les modalités de cette complicité idéologique, mais il semble bien qu’elle ait existé. Le geste de Pierre Col, réfutant ensemble ou plutôt tour à tour les thèses de la poétesse et celles de la Vision, n'était peut-être pas dénué de méthode. En tout cas la rédaction d’un traité formel, deuxième étape de l'intervention gersonienne (18 mai 1402), devait cor-
respondre à un projet lentement mûri : le chancelier, qui n’est pas le «notable clerc», peut être l’un des «notables clercs» mentionnés, à deux reprises, par les partisans du Roman. Le traité de Pierre Col n’était pas adressé à Gerson ; il semble même lui avoir été communiqué par l'intermédiaire d’un tiers. Nous ignorons à quel moment le texte lui en fut remis, mais sa réponse ne se fit pas attendre : le lendemain même de sa réception, Gerson adressa à son collègue de chapitre une longue lettre en latin, où il insista tout particulièrement sur l’aspect sérieux que prenait l'affaire à ses yeux (épître Talia de me)1.
En effet, il était entré dans la
démarche du chanoine une part d’ironie, pour ne pas dire de jeu 1% ; c’est pourquoi il serait difficilement concevable que l’affaire pût aller plus loin, lorsque Pierre Col eut pris connaissance de l’épître du chancelier. Or Christine avait déjà répondu, le 2 octobre 1402, au traité de Pierre Col197 ; celui-ci accusa réception de sa réponse le 30 du même mois, dans une seconde épître contradictoire qu’auraient autorisée «raison de droit et bonne coustume ensemble» 18. Nous sommes donc au plus :t au mois de novembre 1402, et peut-être — compte tenu des délais dont fait état Pierre Col — au début du mois suivant 1%. L'’épitre Talia de me, la dernière des épîtres sur Le Ro(104) C’est notamment
le cas de M.-J.Pinet (Christine de Pisan [Bibliothèque
du XVE Siècle, XXXV], Paris-Lyon, Champion, 1927). (105) Infra,
p. 163-175;
cf. Œuvres
complètes,
Tournai, 1960, p. 65-70, n° 15. (106) C'est l'expression même du chancelier
éd. Glorieux,
t. Il, Paris-
ven a D («postremo cessent 10c1», épitre
Talia de me, infra, p.174 / 227). (107) Gerson connaît le premier traité de Christine, mais non la réponse à Pierre Col. De son côté, Christine laisse entendre que le chancelier n'a pas encore répondu à la réfutation du Chanoine
(Reponse à Pierre Col, infra, HL, iv,
126./870-73). (108) Infra, I, v, 153 / 9-10.
(109) Nous ne pouvons admettre la datation de M. Potansky, fondée sur la date (inconnue) de la réception du traité par Gerson (Der Streit um den Rosen-
INTRODUCTION
je
man de la Rose, serait ainsi contemporaine aux sermons sur la Luxure de la série Poenitemini, qui en reprennent d’ailleurs certains passages. LUXURE
LA SOUILLARDE
C'est en l’église St-Germain l’Auxerrois que Gerson annonce, le 3 décembre 1402 (premier dimanche de l'Avent), le programme à suivrel19. Seule la première partie de ce projet ambitieux semble avoir été réalisée : la série de sermons consacrés aux sept péchés capitaux s’achèvera le 18 mars 1403. Le thème choisi est celui du «premier mot de la premiere predication Nostre Seigneur», poenitemint, puisque «penitence refait ce que pechié deffait» 111, Les quatre sermons de l’Avent auront pour sujet les «deux pechiez plus charnelz» — la gourmandise et la luxure —, mais c’est surtout cette dernière qui occupera une place de choix : dès le 10 décembre, prêchant désormais en l’église St-Jean-en-Grève, Gerson s’élève contre «Luxure la souillarde». Les sermons du 17 et du 24 décembre traiteront également de ce thème ; ceux du 31 décembre et du 7 janvier 1403, consacrés
à la chasteté conjugale, s’y rattacheront encore !1?. On a pu considérer cette prédication comme une réponse directe à la seconde épître de Pierre Col : l’impénitence du chanoine aurait motivé une condamnation publique du Roman113. Mais l’ampleur du projet n’est pas celle d’une simple querelle littéraire, et il y aurait quelque imprudence à élaborer, à partir d’un devenir psychologique présumé, une chronologie véritable. L’épître latine du chancelier et sa prédication française peuvent marquer, plutôt que deux étapes successives, deux aspects différents d’un seul moment. Les sermons de la série Poenitemint témoignent de l'intérêt soutenu du public comme de l’actualité des problèmes. Sur le plan de la dialectique cependant, ils n’offrent aucun élément vraiment neuf. roman,
p. 128) ; les délais de transmission sont parfois considérables, et si Gerson
affirme avoir répondu aussitôt, rien n’indique qu'il ait reçu l’épître de Pierre Col en même temps que Christine (ce qui autoriserait en effet une datation antérieure au 2 octobre 1402).
Cf. HICKS
/ ORNATO, Jean de Montreuil et le
débat sur Le Roman de la Rose. (110) Sur ce programme, et les importantes variations qu’il a subies, voir L. MOURIN, Jean Gerson, prédicateur français, et du même, Les Deux Versions du sermon Poenitemini du 31 décembre 1402, dans Mélanges Guiette, p. 87-95. (111) Œuvres complètes, éd. Glorieux, t. VII*, p. 810-841, n0S 369-372. (112) Ibid., p. 842 et suiv., n0S 372-373, 374. (113) Cf. L. MOURIN, Jean Gerson, prédicateur français, p.144.
LES DOCUMENTS
DANS L'HISTOIRE
LI
Reprenant les thèmes et les exemples mêmes de ses interventions précédentes, Gerson
semble avoir voulu leur donner, plutôt qu'une
dimension approfondie, un rayonnement plus vaste. Les manuscrits nous en donnent seulement une rédaction partielle 114: l’état flottant du texte, qui répond au cadre de son exposition, correspond à un destin moins littéraire, et dans la perspective qui est la nôtre, plus aléatoire. CHRONOLOGIE
La chronologie des épîtres sur Le Roman de la Rose a été établie par A. Piaget; son étude fondamentale !1$ n’a guère vieilli : si l’on a pu contester par la suite telle de ses attributions littéraires116, l'exposé des données proprement chronologiques, fondé sur une lecture intelligente des sources manuscrites, nous paraît, à un détail près!17,
au-dessus de tout reproche. Cette chronologie a été suivie par E. Langlois lorsqu'il dressa, pour son édition du traité de Gerson 118, un bordereau de l'affaire grossi des pièces latines; les travaux d'A. Combes ont permis d'y verser encore deux épiîtres de Jean de Montreuil !19, mais les dernières étapes du débat restaient toujours obscures. Elles le sont bien moins depuis les recherches de L. Mourin12 : nous ne pouvons souscrire à toutes les conclusions de celui-ci, mais les précisions apportées dans le cadre de la prédication gersonienne nous paraissent dans l’ensemble pertinentes. M. Potansky a mis à profit les travaux de ses devanciers en établissant l’inventaire complet des pièces du débat. Toutefois son tableau synoptique!?1 à le tort, à nos yeux, d’accorder le statut de document à des textes qui n’ont souvent qu’un vague rapport avec (114) Mss. B. N. fr. 24840 et 24842 ; sur les problèmes assez délicats posés par ces deux manuscrits, voir L. MOURIN, article cité à la note 110. (115) Voir plus haut, p. ix, et n. 4 (tbid.).
en effet, le processus
(116) C’est avec l’article de Piaget que commence,
d'identification de Gerson au «notable clerc» (A. COMBES, Jean de Montreuil,
p. 87; cf. Chronologie des Epistres sur Le Roman de la Rose, n. 5). (117) Hésitation sur la date du traité en faveur du Roman, ibid; pi? (118) Le Traité de Gerson contre Le Roman de la Rose, «Romania» XLV
(1918), p. 23-48.
(119) Les épîtres Cum ut dant et Ut sunt mores (Epist. 103 et 152).
(120) Textes cités plus haut, n. 110. (121) Der Streit um den Rosenroman,
p. 175-78
(en particulier, les deux
grands poèmes de Christine et le sermon Tota pulcra es).
INTRODUCTION
nl
les événements de la querelle ; par contre, l’auteur n’a pas tiré de la correspondance de Montreuil toutes les données qu’aurait autorisées une lecture attentive de l'édition critique. Une mise au net de la chronologie s’imposait ainsi. Le tableau que nous présentons ici est une version allégée de celui que nous avons préparé en collaboration avec E. Ornato, et qui doit paraître dans un des prochains numéros de la «Romania» 122 ÉVÉNEMENTS,
EPÎTRES: DOCUMENTS
ANNEXES 123
1) Jean de Montreuil
avril 1401
Lecture du «Roman de la Rose» 2) J. DE MONTREUIL TRAITÉ EN FRANCAIS SUR NÉE RO: MAN DE LA ROSE
3)
DÉBUT A FIN MAI 1401
TEXTE
mi-mai à fin
Envoi du petit traité à Christine de Pizan et au «notable clerc».
mai 1401
4) J. de Montreuil
Epître 103
à P. d'Ailly
fin mai 1401
AU PRÉVÔT DE LILLE
JUIN-JUILLET 1401
A L'AVOCAT DE L'EPÎTRE 122
FIN JUILLET OU FIN AOÛT 1401
NON
RETROUVÉE
Accompagne le traite en vulgaire.
5) CHR. DE PIZAN RÉPONSE AU TRAITÉ SUR LE ROMAN DE LA ROSE
6) J. DE MONTREUIL
EPÎTRE 118
7) J. de Montreuil Epitre 119
a un prélat de haut rang
même date
Envoi d'un exemplaire du traite sur «Le Roman de la Rose».
À GONTIER COL
MÉME DATE
ENVOI DE L'EPÎTRE 118 ET APPEL AU SECOURS
8) J. DE MONTREUIL
EPIÎTRE 120
(122) Article cité.
(123) Conventions typographiques : ITALIQUES MAJUSCULES : pièces du débat ; 1taliques : lettres accompagnant l'envoi d’une pièce ; caractères moyens : événements ou documents intéressant le débat.
CHRONOLOGIE
LIII
9) J. de Montreuil
Epitre 121
au même que
l'épitre 119?
Envoi: des épitres 118
même date
et 120.
10) J. DE MONTREUIL
EPITRE 122
AU MÊME QUE L'ÉPiTRE 118
11)
MÊME DATE
6-10 août
Retour de Gontier à Paris.
1401
Col
12) Jean Gerson Sermon
«Consi-
25 août 1401
Mise en cause des partisans de Jean de Meun.
À CHRISTINE
13 SEPTEMBRE 1401
LUI DEMANDE UNE COPIE DE LA RÉPONSE AU TRAITÉ DE MONTREUIL
A CHRISTINE
15 SEPTEMBRE 1401
AIGACOL
FIN SEPT.
derate lilia»
13) GONTIER COL EPITRE FEMME
DE HAULT ET ESLEVÉ ENTENDEMENT
14) GONTIER
COL
EPITRE POUR CE QUE LA DIVINE ESCRIPTURE 15) CHR. DE PIZAN
EPITRE O CLERC SOUBTIL 16)
1401
mi-janvier
1402
Fête de «L'Ordre de la Rose» célébrée dans la maison d'Orléans.
17) Chr. de Pizan Epiître «Tres baulte, tres puissant»
a Isabeau de
IETfévrier 1402
Lui soumet er Hd dossier sur «Le debat du Roman de la Rose»
méme date?
Idem.
14 février 1402
Présentation du «Dit de la Rose» consacrant la
Baviere
18) Chr. de Pizan
Epitre «A vous mon seigneur»
a Tignonville
19) Chr. de Pizan
fête du mois précédent. 20) J. DE MONTREUIL
EPÎTRE 154
A UN POÈTE (DESCHAMPS OU H. BOUVET®?)
FEV.-MARS / JUIL.-AOÛT 1402
21) J. GERSON TRAITÉ CONTRE LE ROMAN DE LA ROSE
18 MAI 1402
LUI ENVOIE UNE COPIE DE SON TRAITÉE SUR LE ROMAN DE LA ROSE; APPEL AU SECOURS.
LIV
INTRODUCTION
23 juin 1402
(22)
Première édition collective des œuvres de Christine. Le dernier texte en
est le dossier des «epistres du debat sus le Roman de la Rose.» 23) PIERRE COL
EPÎTRE APRÈS
A CHRISTINE
FIN ÊTEÉE 1402
ATPICOE
2 OCTOBRE 1402
CE QUE JE OY 24) CHR. DE PIZAN
EPITRE POUR CE QUE ENTENDEMENT
25)
30 octobre 1402
Réception par P. Col de l’épître de Christine.
26) P. COL
EPÎTRE CONBIEN QUE
À CHRISTINE
TU AIES
NOVEMBRE 1402
INCOMPLETE VÉE ?)
(INACHE-
27) J. Gerson 172#%enu31
Sermons de la série «Poenitemini»
décembre 1402
28) Christine de Pizan Ballade «Redoubtee, excellent»
a la reine
IET janvier 1403
a Guillaume de Tignonville?
méme date ?
Accompagne le texte d'un debat littéraire.
29) Christine de Pizan
Rondeau «Mon chier seigneur» 30) CHR. DE PIZAN
MÊME DATE ?
BALLADE JADIS AVOIT EN LA VILLE 31) J. GERSON
EPÎTRE TALIA
A P COL
DE ME
HIVER 14021403
32) J. de Montreuil
Epitre 152
a un prélat de 1403-1404 haut rang
Envoi des épitres 118 et 154
LV
IT MANUSCRITS Les savants supportent le doute et l'échec, parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement. Mais le désordre est la seule chose qu'ils ne peuvent ni ne doivent tolérer.
Ces lignes du biologiste G. C. Simpson, que nous donnons d’après une citation de Lévi-Strauss!, permettent de rendre compte, peutêtre mieux encore que les critères paléographiques ou littéraires, de la persistence de la méthode comparative dans la présentation des textes du moyen âge. Malgré les tentatives de réhabilitation, les critiques de la méthode dite de Lachmann, formulées par Bédier dans sa préface au Lai de l'ombre, demeurent pertinentes, et la suite de la citation donnée en exergue, si elle se rapporte avant tout à la taxinomie animale, ne paraît pas hors de propos : «Dans certains cas, on pourra se demander si le type d’ordre qui a été élaboré est un caractère objectif des phénomènes, ou un artifice construit par le savant.» Ainsi, pour grave qu'il fût, le coup porté par Bédier à la critique textuelle comparative n’a guère été mortel: le stemma bifide luimême, image du critique et de sa liberté méconnue, a pu être expliqué comme le résultat inéluctable des mécanismes de copie?. A vrai dire, les éditeurs n'avaient pas attendu le concours de la stastitique pour se demander si «Bédier avait raison». Malgré un regain de circonspection,
de discrétion et, pour tout dire, d'humilité envers les
sources matérielles de la littérature médiévale, le témoignage du manuscrit de base, «précellent» ou autre, n’a jamais joué d’une faveur absolue : l’exemple de J.-J. Salverda de Grave, procédant à une refonte totale de son édition d’Enéas, est demeuré à notre connais-
sance unique*. Rares en effet ont été les éditeurs à s’en tenir à la devise de l’archéologue Didron, cité en exemple par Bédier dans les dernières lignes de sa célèbre préface : «(...) conserver le plus possible, a
(1) La Pensée sauvage, Paris, Plon, 1962, p. 16. CASTELLANI,
(2) A. taires, 1957.
Bédier
|
Univers | IV), Halle, 1891 ; Eneas,
avait-il raison ? Fribourg,
(3) Enéas, texte critique (Bibliotheca normannica, roman du XII siècle, Paris, Champion (CFMA), 1925-1931.
Editions
INTRODUCTION
LVI
réparer le moins possible, ne restaurer à aucun prix»+, Le recours aux manuscrits de contrôle a permis aux anciennes méthodes de survivre sous
une
forme plus souple, et non
dépourvue de finesse : la
rigueur d’une méthode en apparence austère plie à nouveau sous le poids d’une statistique secrète. Si la reconstitution textuelle continue à exercer une certaine fascination sur les exprits, l'exigence d'ordre, fondamentale à toute démarche scientifique, n’est pas seule en cause : la méthode péchait par fonctionnement plus que par principe, le domaine d'application indiqué par ses présupposés étant somme toute assez restreint. Autrement dit, il existe des textes «passibles» de la méthode comparative et d’autres qui lui demeurent réfractaires. Les épîtres sur Le Roman de la Rose relèvent de l’un et de l’autre cas. Des multiples présupposés de la méthode comparative, retenons donc les suivants : 1) le texte à établir a réellement existé sous forme
d’original, texte définitif et univalent ; 2) l'original n’a pas été remanié, ou s’il l’a été, les retouches se distinguent aisément parmi les fautes de copie ; 3) il existe des critères plus ou moins certains — de
bon sens, de goût, ou autres — permettant de reconnaître leçons fautives et «bonnes» leçons ; 4) les fautes simples, qu'ellesressortent ou de la liberté ou du hasard, se présentent comme des innovations, tandis que les fautes communes sont reliées par la chaîne causale ; 5) les témoignages existent en nombre suffisant pour procéder à une comparaison véritable, l'intérêt des copies perdues étant négligeable ; 6) la filiation des manuscrits se fait par division simple, et les copies qui subsistent ne représentent pas une refonte critique de plusieurs traditions — ce qui empêcherait le schéma retenu de fonctionner de la même manière pour toutesles variantes. Orilest certain que : 1) les manuscrits du moyen âge peuvent transmettre différentes étapes d’une œuvre multiforme ; 2) les auteurs interviennent euxmêmes dans la transmission de leurs œuvres : 3) la notion de faute
recouvre des phénomènes divers, d’une appréciation difficile ;4) certaines données peuvent, indépendamment
de tout hasard novateur,
provoquer l'apparition simultanée d’une même erreur ; 5) des copies perdues se présentent immanquablement comme les étapes intermédiaires entre les manuscrits connus : 6) les témoins actuels reflè-
tent parfois un travail critique, c’est à dire qu’eux-mêmes résultent
(4) Paris, Champion (SATF), 1913, p. xlv.
MANUSCRITS
LVII
d'une collation «lachmannienne», et cela de haute époque. Pourtant, dans le cas précis de Christine de Pizan, les exigences d'une saine méthode peuvent souvent être satisfaites : on possède sur ses manuscrits, Voire sur des manuscrits perdus,
des renseigne-
ments concrets susceptibles de pallier les inconvénients théoriques.
Car la chaîne causale est une chaîne temporelle, et dans la mesure où
l’ordre des copies peut être établi, la notion de suite peut relayer la notion de faute. Grâce aux travaux dont les manuscrits de Christine ont fait l’objetf, depuis bientôt un siècle, c'est là une entreprise que l’on peut, sans optimisme démesuré, espérer mener à bien.
Nous avons donné ailleurs une analyse détaillée de la tradition manuscrite7. Nous n’exposerons donc ici que les faits indispensables à l'intelligence de notre méthode. Les considérations de méthode varient selon les auteurs à traiter.
Nous avons déjà évoqué le rôle de Christine, qui assura en effet le statut historique du premier débat littéraire de la France : la quasi-
totalité des manuscrits connus dérivent de copies exécutées par ses soins. Les épîtres de Gontier Col se situent dans cette tradition : le manuscrit autographe de l’Université de Californie reproduit le dossier réuni par Christine et non une version indépendante. Le manus(5) Nous
connaissons
ainsi
le contenu
exact
du volume
achevé
en
1402,
d’après la table conservée par les mss. B. N. 604 et Chantilly, Musée Condé 492. (6) Pour l'étude des manuscrits, les notices de M. Roy et de P. Meyer (Œuvres poëtiques, t. 1, p. v-xxin, t. II, p. xXxi-Xxiii) ne constituent plus qu’un point de
départ ;les recherches de P.C. G. Campbell sur L’Epitre Othéa ont mis en cause les perspectives fondamentales de cette édition: voir L'Epitre d'Othéa, étude sur les sources de Christine de Pisan, Paris, Champion, monumental
[Memorie
de G. Mombello
dell'Accademia
1924, p. 9-19; le travail
(La Tradizione manoscritta dell’«Epistre Othea»
delle Scienze
di Torino,
Classe di Scienze Morali,
Storiche e Filologiche, Serie 44, n. 15], Torino, Accademia delle Scienze, 1967)
va dans le même
sens.
Il faut également voir la Note sur quelques ballades de
Christine de Pisan, de F. Lecoy (citée plus haut, p. xlii, n. 83) etles introductions
aux différents ouvrages de Christine publiés par S. Solente (Le Livre de la mutacion de Fortune,
Paris, Picard
[SATF |}, 1958-1966,
Livre du Chemin de long estude). (Histoire Littéraire de la France,
et bientôt, on l'espère, Le
Dans l'étude d'ensemble du même auteur
t. XL), on trouvera un inventaire des manus-
crits de la poétesse, disposés par ouvrage. (7) La
Tradition
p. xlin, n. 86).
manuscrite
des épitres sur la Rose, à paraître (cf. supra,
LVIIT
INTRODUCTION
crit renfermant les épîtres de Pierre Col doit être considéré, jusqu’à plus ample informé, comme un témoignage unique. Le traité de Gerson a sa tradition propre, qui ne touche qu’un moment à celle des épîtres, la diffusion en ayant été assurée par les scriptoria monastiques, non par les voies de la littérature profane. La tradition manuscrite reflète les aléas de la polémique. A l'origine, chaque «epistre du debat» est un texte indépendant, circulant sous forme de plaquette ; dans un deuxième temps, elle vient s’intégrer dans l’un des multiples dossiers de la querelle ; les dossiers euxmêmes passent, enfin, dans des recueils à caractère synoptique. Le classement des manuscrits est conforme à cette représentation d’une publication en trois temps. La famille À remonte au dossier soumis à l’arbitrage de la reine Isabeau et de Tignonville le I€T février 1402 ; il a pour centre d’intérêt l'échange entre Christine de Pizan et Gontier Col. Les manuscrits de cette rédaction comprennent : deux épîtres dédicatoires rédigées pour la circonstance (pièces 1 et li); un petit historique des faits (pièce 11) ; une première épître de Gontier Col à Christine, datée du 13 septembre 1401, où il est demandé communication d’un traité contre Le Roman de la Rose, écrit quelque temps auparavant (pièce iv); ce traité même, rédigé à l'intention de Jean de Montreuil, prévôt de Lille (pièce v) ; une demande de rétractation, envoyée le 15 sep-
tembre 1401 dès réception du traité par Gontier Col à Christine de Pizan (pièce vi) ; la réponse de Christine à la sommation de Gontier (pièce vii).
Les exemplaires originaux de ce dossier n’ont pas survécu. Mais à l'époque où surviennent ces événements, Christine de Pizan prépare une grande édition de ses œuvres ; les Epistres du debat sus le rommant de la Rose prendront place dans le volume, qui sera achevé le 23 juin 1402. Il semble que le manuscrit original de ce volume est perdu également. Trois de nos manuscrits s’y rattachent étroitement : ils peuvent en être considérés comme les dérivés immédiats8:
A Paris, Bibliothèque Nationale fr. 12779 A2 Chantilly, Musée Condé, ms. 492-493 A3 Paris, Bibliothèque Nationale fr. 604
(8) Sur ces volumes, ainsi que sur tous les manuscrits dont il sera question ici,
voir plus loin notre catalogue codicologique.
MANUSCRITS
LIX
Deux de ces copies (42, A3) présentent une table de rubriques, précédée de la notice suivante : «Cy commencent les rebriches de la table de ce present volume, fait et compilé par Cristine de Pizan, demoi-
selle, commencié l’an de grace mil -cec- IIIIXX xix, eschevé et escript en l’an mil quatre cens et deux, la veille de la nativité saint Jehan Baptiste.» La leçon de ces deux manuscrits est presque identique: l’un pourrait être pris pour la copie de l’autre, en l’occurrence A3 de A). La table manque au ms.A7, mais sa composition est identique aux deux autres copies, au moins en ce qui concerne leur état originel. Car la table des rubriques ne correspond pas au contenu des volumes actuels, témoins d’une étape plus récente : la dernière pièce indexée est le poème des Quinze joyes Nostre Dame®. A ce texte devait faire suite, dans les trois manuscrits, une Oraïson Nostre Seigneur (ms. A mutilé). Les mss. A7 et A2 renferment en outre Le Dit
de la Pastoure, et si cet ouvrage ne figure pas dans le ms.B.N.fr. 604 (43), il n'en faisait pas moins partie originellement : l’exemplaire qui se trouve actuellement
à la Walters Art Gallery, à Baltimore, n'est
autre que le 17€ cahier du manuscrit!. Or Le Dit de la Pastoure date du mois de mai 1403 ; il faut donc croire à l'existence d’une
étape intermédiaire, faite par adjonction simple, au recueil de 1402, des trois ouvrages susdits. Le ms. A7 porte en effet, à la suite des Quinze joyes Nostre Dame, la mention expresse :«Explicit le livre de Cristine / Deo gratias.» La même mention semble avoir figuré dans le ms. A», soigneusement gratté à cet endroit : on relève également, sur le plan de la codicologie, des écarts significatifs à partir des textes conjoints !l. Cette deuxième étape dans l'élaboration du recueil ne fut peutêtre pas la dernière : le second tome du manuscrit de Chantilly (42), ainsi que le ms. Az (tomaison unique), renferment encore : Le Livre du chemin de long estude (1402-1403), Le Livre de la mutacion de
Fortune (achevé au mois d'octobre 1403), et La Lettre à Isabelle de Baviere, reine de France
(5 octobre 1405). Dans le recueil de Chan-
tilly 2, cette dernière pièce est d’une écriture différente de l’ensemble du manuscrit. Onne distingue plus les étapes successives de la copie (9) Texte mutilé dans le ms. A7; le poème manque entièrement dans le | ms. A; cf. éd. Roy, t. I, p. xxIil. (10) Voir D. FARQUHAR et E. HICKS, Christine de Pizan's Dit de la Pastoure
in Baltimore, «Scriptorium» (à paraître). 3 cxxvil. p. I, t. Fortune, de mutacion la de Livre Le SOLENTE, S. Cf. (12)
(11) Voir notre catalogue, p. Ixxii-Ixxi1.
LX
INTRODUCTION
dans le ms. A3, exemplaire tardif et d’une facture unie.
Comme
Le
Dit de la Pastoure est incomplet dans le ms. A7, mutilé de ses derniers feuillets, on ignore si ce volume reproduisait, dans son état primitif, l’une des dernières étapes du ms. A2: l'étude des variantes porterait à croire le contraire, mais cette conclusion ne s'impose pas. Car on
ne saurait conclure, d’après la seule identité du contenu,
à
une origine commune: un même dessein peut avoir présidé à la composition de nos deux volumes, qui ne refléteraient, au fond, que la chronologie des œuvres. Le stemma suivant permet de schématiser ces données : O7 =
/
Oy um
a =»
*) =.
Dossier du I€T février 1402
Recueil du 23 juin 1402
Pièces ajoutées : 1403
Pièce ajoutée : 1405
Quant à sa composition et à la disposition des pièces, le quatrième membre de la famille À est identique aux précédents. Il s’agit du ms. 9561 de la Bibliothèque Royale de Belgique (ms. 44), le troisième fascicule d’une série de quatre volumes, entièrement de la main de Guillebert de Mets (c’est à dire, «le maçon»). Les textes réunis
par le calligraphe, entre 1432 et 1442, présentent un caractère mêlé: à côté de sa Description de la ville de Paris figurent divers ouvrages de l’époque, qui revêtent en général un intérêt didactique. La copie
des Epistres du debat est assez médiocre : nombre de leçons l’opposent aux autres témoignages de la première rédaction : elles apparaissent dans l’ensemble comme des innovations fautives. Mais si les
MANUSCRITS
LXI
autres membres de la famille À reflètent une tradition homogène, conforme à leur origine commune, certaines leçons du ms. 44 accu-
sent une parenté incontestable avec les témoignages de la deuxième rédaction (mss. By, B3 et B3). C'est là un fait d’une importance considérable : Guillebert de Mets appartenait à la faction bourguignonne, et ne semble pas avoir séjourné à Paris entre 1407 et 141813; le ms. A4, qui reproduit le premier dossier de la querelle, remonterait ainsi à une copie exécutée avant les deux manuscrits prestigieux de la rédaction B (mss. B. N. fr. 835 et British Library, Harley 4431),
postérieurs à la première de ces dates. Malgré les négligences du copiste, le manuscrit de Guillebert de Mets possède une valeur de témoin inestimable sur le dossier du I€T février 1402 ; indépendant du volume constitué par la poétesse dès le 23 juin de la même année, il reflète une tradition qui réapparaît dans d’autres volumes préparés par ses soins, à un moment où la première version n’était plus d’actualité. Les manuscrits de la rédaction B présentent un nouveau l'affaire, postérieur au 2 octobre
1402.
dossier de
Ce fut en effet à cette date
que Christine écrivit sa longue réponse à Pierre Col, celui-ci ayant pris la relève de son frère Gontier, non seulement contre la poétesse, mais contre le chancelier Gerson lui-même. Il existe trois témoins de cette rédaction :
By Berkeley, University of California, UCB 109 B> Paris, Bibliothèque Nationale fr. 835 B; London, British Library, Harley 4431 Si elle a augmenté le volume du recueil, Christine n’en a guère modifié l’économie originale : la nouvelle épiître fait suite, sans notice
particulière, aux textes du premier dossier. Le nom du nouveau protagoniste ne figure pas dans les rubriques du ms. By, qui représente sans doute une première étape ; les grands recueils collectifs (mss. B2 et B3) ont réparé cette injustice. En revanche, aucune modification, si ce n’est une faute de copie!#, n’a été portée à la date du premier (13) La Description est datée de 1407, mais il y est fait allusion à quelques événements de l’année 1418. Cf. LE ROUX DE LINCY, Paris et ses historiens aux XIVE et XVE siècles, Paris, Imprimerie Nationale, 1867. (14) Le manuscrit
Epistres sur Le Roman
porte
1407
pour
1401.
Cf. PIAGET,
de la Rose, et la longue discussion dans
de Montreuil, p. 196-207.
Chronologie des
COMBES, Jean
LXII
INTRODUCTION
dossier ; il en résulte une incohérence chronologique qui n’a pas été sans dérouter les esprits. Dans le ms. Bz, l’épître dédicatoire à Tignonville a été supprimée!$, vraisemblablement en raison de la disgrâce du Prévôt de Paris, survenue en 1408. Il s’agit, ici encore, d’une tradition homogène. Néanmoins chaque témoin comporte des innovations propres: aucune copie ne dérive d'un autre membre du groupe. Les mss. B2 et B; forment un sous-groupe : B} reproduit en outre certaines leçons qui apparaissent dans B>, mais qui ontété corrigées dans ce manuscrit. Les corrections de B> sont de seconde main ; elles sont, dans l’ensemble, conformes
à la leçon de B. Les leçons de la familleB peuvent s’aligner sur celles
d'un membre ou sous-groupe quelconque de la famille À, selon le schéma suivant :
Observations : 1) l'accord de B et de A4 contre les autres membres de la famille
À est contraignant ; 2) en cas de désaccord entreÀ et
B, il est impossible de se prononcer contre l’un ou l’autre des témoins (stemma
bifide) ; 3) l'accord de x et de B contre ANOU AG
et A
plus forte raison contre A7 et 44 réunis — doit être impossible ; 4) Les témoignages isolés A, x, A4, Bj, y ne tirent pas à conséquence.
(15) J'ignore à quel manuscrit fait allusion Ward, lorsqu'il relève des variantes pour cette épître dans son apparat critique (sigle B).
MANUSCRITS
LXIII
Le ms. C (B. N. fr. 1563, copie du Roman de la Rose) présente un choix original des épîtres ; son aspect le plus remarquable est l’accueil fait aux lettres de Pierre Col. Christine de Pizan avait soigneusement banni de ses recueils l’apport idéologique de ses adversaires; vue dans cette perspective, la présence du troisième dossier dans un volume consacré à l’œuvre de Jean de Meun n’est pas indifférente. Il s'agirait selon nous de la copie d’une petite plaquette polémique, analogue par sa forme au ms. By, mais constituée par un partisan du Roman de la Rose. Le dossier aurait été amputé de ses derniers feuillets avant de passer dans le volume actuel. Si le recueil débute par deux traités contre Jean de Meun, c’est que Pierre Col avait répondu en même temps à Christine et à Gerson; le grand traité de Christine, écrit en réponse à cette réfutation double, devait être réfuté à son tour. La composition du recueil est le signe de son indépendance. Il acquiert de ce fait une valeur de contrôle indiscutable vis-à-vis des manuscrits de Christine. On constate d'emblée un accord frappant, dans l’épître du 2 octobre 1402, entre les mss. B7 et C, isolant ainsi,
et dans l'erreur, les deux manuscrits considérés jusqu’à présent comme les plus sûrs. Mais c’est quant à l'établissement du texte du premier traité de Christine, l’épître à Jean de Montreuil, que le ms. C apporte son concours le plus inattendu. C’est une copie en apparence médiocre, abrégée, remaniée et peut-être volontairement
détériorée, — il s’agit en tout cas d’un texte étrangement déformé. C'est pourtant à ce texte-làa que répond Pierre Col: les citations faites par lui ne laissent aucun doute à ce propos, et quand il en subsisterait
un,
la composition
de sa réponse,
qui reflète l’inter-
version de deux passages dans la copie, suffirait à le dissiper. Dans son épitre du 2 octobre, Christine reproche précisément à Pierre Col l’ordre fautif de ses arguments ; c’est donc que la version re-
maniée remonte au-delà de cette date : elle paraît être l’une de ces copies qui circulaient dès avant le 13 septembre 1401, auxquelles faisait allusion Gontier Col. Pierre affirme avoir eu le plus grand mal à se procurer cette copie, à une époque où Christine ne devait plus songer à ce débat, car elle croyait y avoir mis un terme. Le dossier du manuscrit C présente ainsi une cohésion interne,
LXIV
INTRODUCTION
une logique propre, et une valeur de témoignage littéraire certaines. Car la qualité du texte a pu favoriser chez Pierre Col une tendance au paradoxe, pour ne pas dire au sophisme. Le contresens ou l’abrégé textuel est peut-être entré pour une large part dans les curieuses méprises du chanoine de Notre Dame. Maisle ms. C présente également une valeur de témoignage textuel: malgré la surveillance exercée par l’auteur, le texte des volumes préparés par Christine n’est pas toujours sûr ; malgré l’état de la copie, le témoignage du ms. C, qui demeure indépendant de tout recueil constitué, peut trancher précisément les questions épineuses posées par le stemma bifide. Soit donc, pour le premier traité de Christine, le schéma suivant:
Epître originale (1401)
Dossier du Ir février Ai
3
Plus proche du destinataire que de l’expéditrice, le texte du ms. C
paraît particulièrement favorisé en ce qui concerne la grande épître du 2 octobre. Tout semble indiquer en effet que ce troisième dossier à été constitué par un partisan du Roman de la Rose, et qui plus est, dans l'entourage immédiat de Pierre Col. La seconde pièce commune aux deux traditions manuscrites peut donc dériver, selon un schéma analogue au précédent, de la copie reçue :
MANUSCRITS
DEL
ous
LXV
Op 2
Oi1 Où 3 Og 2
|
Bï ? « 1B5) * |B3
V
B2 (s.m.)
Nous avons déjà signalé l'accord des témoignages indépendants B, et C contre les manuscrits du sous-groupe y ; il convient de préciser que les corrections de B> sont conformes, dans l’ensemble, aux leçons concordantes de B7 et de C. Mais si l’on parvient à retrouver ainsi, le plus souvent, la «bonne» leçon, il existe entre C et les manuscrits de la famille B des variantes que l’on ne saurait rejeter comme fautives, et qui apparaissent précisément comme des variantes de rédaction. On aboutit donc à un stemma bifide dont les deux branches peuvent également pré‘. ndre au titre d’original, selon que l’on se place du point de vue de l’expéditrice, libre de modifier son propre texte en le recopiant, ou bien de celui du destinataire.
La tradition manuscrite gersonienne pose des problèmes complexes, sinon insolubles. La version du traité contre Le Roman de la Rose donnée par notre ms. C est la seule à s'intégrer dans une suite de documents sur la querelle ; les rapports entre son témoignage et l’ensemble des manuscrits connus ne peuvent être saisis qu'à travers leurs incidences textuelles. Or l'étude des variantes ne donne pas l'impression d’un tout cohérent. Ilexiste certes des rapports évidents entre divers témoins, et la parenté entre les manuscrits de différents sous-groupes peut être établie sans peine, mais si les dernières étapes
LXVI
INTRODUCTION
de la filiation sont claires, il nous manque sur les premières des éléments essentiels. Nous sommes d’ailleurs en présence, pour au moins l’une des copies, d’un travail critique. Dans ces conditions, l'exposé précis des problèmes risque d’être fragmentaire, et tout exposé qui se voudrait complet risquerait de tomber dans l'erreur. Cette incertitude invite à la prudence : c’est évidemment le parti de la précision que nous allons prendre. Lorsque Langlois donna, en 191816, son édition critique du traité de Gerson,
il en dénombra
sept copies.
Son choix s’arrêta sur trois
d'entre elles; leurs traditions lui paraissaient indépendantes, et la comparaison des variantes lui permettait d'établir, dans tous les cas
douteux, un texte sûr. Ces trois témoins sont les suivants : À Paris, Bibliothèque Nationale fr. 1797 B Paris, Bibliothèque Nationale fr. 1563 (notre ms. C)17 C Paris, Bibliothèque Nationale fr. 24839
Pour l'orthographe, Langlois a suivi le ms. À. Cette copie remonte au
début du siècle : d’une écriture nette et soignée, portant de nombreuses corrections de seconde main, elle jouit d’une autorité reconnue!8, elle possède en outre l’avantage non négligeable d’une lecture facile. Le travail de Langlois est d’une haute compétence philologique et d’une grande exactitude. On peut néanmoins lui reprocher d’avoir favorisé son manuscrit de base, contre les témoignages des deux autres : cette tendance, d’abord discrète, s’accuse de plus en
plus vers la fin de la transcription. Nous avons relevé en effet un grand nombre de leçons communes aux mss. B et C, imputées au
seul témoignage de l’une ou de l’autre des copies, et qui donneraient tort, selon la règle de trois que s’était imposée Langlois, au ms. A. Il (16) Voir plus haut, p. li, n. 118. (17) Nous
avons
cru faciliter notre
possible, le système adopté par Langlois. dans les sigles du ms. B. N. fr. 1563
exposé en retenant,
dans la mesure
du
Il en résulte une fâcheuse duplication
(C dans la tradition de Christine, B dans
celle de Gerson). Quel que fût le sigle adopté, une duplication de ce genre était inévitable, pour peu que nous restions fidèle à l’un ou à l’autre des systèmes de nos devanciers. Nous avons préféré celui de Campbell (comme d’ailleurs l'avait fait Mombello), bien que les sigles de Roy soient plus connus. (18) Une excellente édition de ce manuscrit, bédiériste avant la lettre, a été
donnée par A. Thomassy dans «Le Correspondant» III (1843), p. 92-109. Les extraits cités par L. Thuasne dans son petit livre sur Le Roman de la Rose (Paris, Malfère, 1929) sont pris à ce texte.
MANUSCRITS
LXVII
serait toutefois inutile de reprendre la question, si les manuscrits tardifs,
laissés de côté par l'éditeur, n'étaient susceptibles de jeter
quelque lumière sur la tradition textuelle. Un premier groupement gravite autour du ms. À de Langlois, auquel nous accorderons désormais le sigle A7. Il partage avec le ms. B. N. fr. 3887 (4) diverses leçons qui les opposent à l’ensemble des manuscrits ; on relève cependant des écarts individuels, propres à l’une ou à l’autre des copies. Les corrections du ms. A sont conformes au ms. A2, mais non point à toutes ses leçons : ces corrections paraissent authentiques, dans ce sens qu’elles s’accordent aux témoignages indépendants des autres familles. On peut croire que les deux témoins du groupe À dérivent d’une seule copie, qui ne ressemble pas aux manuscrits connus: le ms. A aurait été corrigé d’après ce témoin ou une copie analogue. Les corrections datent du milieu du siècle ; elles sont, selon toute vraisemblance, antérieures au ms. 42. Il existe, enfin, une copie du XVIIIE siècle, faite «sur un manuscrit ancien» !? par le président Bouhier (4) ; sa leçon est très proche du
ms. A> (donc des corrections du ms. A7), mais le modèle de cette copie ne s’identifie à aucun des témoins connus. Nous pouvons schématiser ces rapports comme suit :
+ ADN
x
A (s.m.) Les mss. B et C demeurent irréductibles.
En revanche, les deux
autres copies signalées par Langlois? forment, avec un troisième manuscrit dont celui-ci paraît avoir ignoré l'existence, une famille (19) Voir plus loin notre catalogue codicologique, ms. A
n.5.
(20) La copie d’«Étienne Barbizon» à la Bibliothèque de l’Arsenal (2989) n’est autre que la transcription du début de la traduction latine, d’après l’édition d’E. Du Pin (cf. LANGLOIS,
«Romania»
XL, p. 28).
LXVIII
INTRODUCTION
indépendante (mss. D).
Le témoignage le plus ancien est celui du
ms. D (Montpellier, Faculté de Médecine
H 368), qui date du début
du siècle ; il manifeste une parenté certaine avec celui, plus récent,
du ms. B. N. fr. 1556 (D2)2!.
Par suite de diverses mutilations, le
traité de Gerson est incomplet dans les deux manuscrits ; les fragments se recoupent cependant, et comme la leçon en est presque identique, l’on parvient à collationner la plus grande partie du texte. Les manuscrits de la famille D sont rubriqués : c’est un trait distinctif, novateur et vraisemblablement tardif. Les rubriques du ms. D; sont plus amples : elles se présentent comme le développement de la leçon commune et peuvent se situer à des endroits légèrement décalés dans le corps du texte. Enfin, la leçon du ms. D; manifeste une indépendance certaine, tant à l'égard des manuscrits du même groupe que de ceux des autres familles. Il se produit néanmoins des rencontres qui ne laissent pas d’être surprenantes. Soit donc le stemma, partiel :
7D
Dj
D Dans l’ensemble, les manuscrits de la famille D s'accordent avec
le témoignage du ms. B, tout en s’y opposant sur bien des points; le ms. C, de son côté, peut s’aligner sur la leçon de la famille À : l'opposition caractéristique est du type AC / BD. Mais il peut être entré dans la filiation des manuscrits un nombre plus où moins grand de copies perdues, susceptibles de bouleverser notre conception des rapports réels entre les différents témoins. C’est ainsi que le ms. C reproduit souvent, mais non point toujours, les leçons de la version latine??, et que les citations de Pierre Col peuvent donner, avec une facilité égale, le texte de B ou de C3. On relève également, dans un (21) Langlois donne une fausse cf. «Romania» XLV, p. 28). (22) D'après
Langlois,
cette
cote
pour
corrélation
ce manuscrit
(B. N. fr. 1536;
serait parfaite («Romania»
XLV,
p. 26). (23) M. Potansky
(Der Streit um
den Rosenroman,
pAl17-18/n°285
Jarre
MANUSCRITS
LXIX
grand nombre de cas, l’accord des mss. CD} avec le texte latin. Nous sommes porté à considérer le ms. D; comme un travail critique, fait d’après une copie apparentée à B, mais collationné sur un manuscrit inconnu, proche de la tradition de la branche a : cette copie figurerait également parmi les ascendants de la traduction latine. Ces rapports peuvent se représenter selon le schéma suivant:
Sri A1 (s.m.)
À e
Nous n’accordons à cette «construction stemmatique» 2 qu’une valeur relative. Il nous paraît néanmoins acquis que les leçons de la famille D donnent au ms. B une mesure d'autorité accrue. Il est évident que l’accord ACD doit condamner la leçon de B: celui-ci n’a pas le statut d’un manuscrit «précellent». Mais l'accord ACD3, et à plus forte raison l’accord AC, ne constituent plus un préjugé défavorable à l'égard de BD. La valeur d’un texte, cependant, peut répondre à d’autres critères aussi. Dans le cas présent, celui d'ensemble textuel nous paraît d'une importance primordiale. marqué la concordance du ms. C avec les citations faites par Pierre Col; il a conclu, hâtivement à notre sens, que ce fut là la copie utilisée par le chanoine. (24) Nous empruntons
ce terme à G.-P. Zarri, auteur d’une méthode pour le
traitement des manuscrits sur ordinateur selon les principes de la critique quintinienne.
LXX
INTRODUCTION
CATALOGUE
CODICOLOGIQUE
MANUSCRITS DE LA RÉDACTION A (Ier FEVRIER 1402) Paris, Bibliothèque
Nationale
fr. 12779
(ex-collection Mou-
1° chet 6 ou 10, supplément français 6259)!. Poésies de Christine de Pisan?, commencement du XVE siècle. Les «Epistres du debat sus Le Rommant de la Rose» occupent les feuillets 141 vO à 149 ro. Parchemin,
323 x 255 mm.
172 feuillets$ répartis en 24 cahiers,
régulièrement constitués de quaternions#, sans signatures anciennes; réclames. Feuillets réglés à la mine de plomb (réglure le plus souvent effacée) : justification moyenne 215 x 186 mm. ; les piqûres des traits verticaux subsistent$. Deux colonnes de 33 lignes dont 32 écrites.
Encres brune et brun foncé ; écriture cursive calligraphique:
la main de ce manuscrit apparaît dans les recueils partiellement autographes B> et Bz. Initiales peintes alternativement en bleu et en (1) Mentions consignées dans les marges du premier feuillet ;au premier feuil-
et également, de la même main que la foliotation, le chiffre XIC DITIXX x: (2) Pour
le contenu
détaillé du manuscrit, voir plus loin notre description
des mss. A2 et A3. (3) Le manuscrit a reçu deux foliotations. La première, qui s’arrête au fol. 106, ne tient pas compte des mutilations subies par le volume ; elle répète, en
outre, le chiffre 23. Une foliotation plus récente reprend l’ancienne à partir du feuillet 107 ; elle répond à l’état actuel du manuscrit. Il convient de corriger comme suit le chiffre de 174 feuillets, donné par celle-ci :au cahier V, par suite de la perte du diplôme central, il manque deux feuillets (fol. 35-36) ; au cahier VII, le fol. 49 a été coupé au rasoir ; au cahier XIV, entre les deux foliotations (fol. 106 de l’ancienne, fol. 107 de la plus récente), un autre feuillet a été cou-
pé de même : soit 4 feuillets en moins, plus le fol. 23bIS pour un total de 171 feuillets. (4) Outre les mutilations citées plus haut, il convient de remarquer la chute
des deux derniers feuillets du cahier XIV, des deux premiers feuillets du cahier XV, des six derniers feuillets du cahier XXI, et d’un nombre indéterminé de feuillets à la fin du volume (le cahier XXIV ne compte actuellement que deux
feuillets). (5) Piqûres également du côté pli, et à l’occasion du côté gouttière (écartement 212 mm.).
CATALOGUE
CODICOLOGIQUE
LXXI
rouge, à filigrane et antennes ; sous les illustrations, initiales dorées, à filigrane et antennes, sur fond bleu. Rubriques ; pieds de mouche à l’encre rouge ou bleu. Neuf peintures inachevéesé. Reliure en veau
raciné (XVIIIE siècle), aux initiales de Louis Philippe sur le dos.
ANCIENS POSSESSEURS. Manuscrit appartenant à la collection de Lacurne de Sainte Palaye, cédée au roi de France en 1765 en
échange d’une pension à vie7. Ce volume figure parmi les documents
du «Cabinet des Chartes» accordés, vers 17808, au marquis de Paul-
my. Il fut néanmoins prêté à Georges-Jean Mouchet, collaborateur de Lacurne et continuateur de son Dictionnaire, après la mort de celui-ci (1781); Mouchet le garda à son propre usage jusqu’à sa mort (1807).
Volume extrait de la Collection entre 1820 et 1862 et cata-
logué au Supplément Français? BIBLIOGRAPHIE. L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque Impériale, 4 vol., Paris, Imprimerie Nationale, 1868-1881, t. I, p. 571-75 ; M. ROY, Œuvres poétiques de Christine de Pisan, 3 vol., Paris, Champion («S.A.T.F.»), 1886-1891, t. I, D XVIIEx x) (siwle:Bl :; P.,G..C..CAMPBELIES L'Epître d'Othéa, étude sur les sources de Christine de Pisan, Paris, Champion, 1924, p. 9:19 : I.
SCHAEFER, Die Illustrationen zu den Handschriften der Christine de Pizan, «Marburger Jahrbuch für Kunstwissenschaft», X (1937), p. 181-83 ; G. MOMBELLO, La Tradizione Manoscritta dell’«Epistre Othea» di Christine de Pizan («Memorie dell'Accademia delle (6) Les feuillets coupés sont en rapport étroit avec le programme des illustrations, qui devait être à l’origine identique à celui du ms. A2, prévu également pour le ms. A3 (peintures réservées).
de deux
amants
(miniature : Christine
Le fol. 49 correspond au début du Debat
à genoux
devant le duc d'Orléans) ; la
deuxième peinture de L'Epistre Othea (don de l’épître à Hector) devait se situer à la suite du fol. 106 ; la disposition de deux autres miniatures du même texte
(Minos juge des enfers, Persée et Andromède) feuillets entre les fol. 108 et 109.
rend compte de la perte de 4
Les 6 feuillets du cahier XXI correspondent
à la totalité de l’Oraison Nostre Seigneur (miniature : Christ de pitié). La chute des fol. 35-36 (diplôme central), ainsi que des derniers feuillets du volume, pa-
raît liée aux circonstances matérielles de la reliure. /n(7) Bibliothèque Nationale, Collection Moreau, 1436. Cf. H. OMONT, 207-13. p. 1891, Picard, Paris, Moreau, Collection la de manuscrits des ventaire (8) Ibid., p. 218-26.
(9) Bibliothèque Nationale, Niles Acq. fr. 5521, fol. 206, N. 6259: «Recueil
, de poésies de Christine de Pisan (autrefois Mouchet 6). In-folio, parchemin LXXII, divers Fonds Nationale, que Bibliothè la de s (Manuscrit XVE siècle.»
Supplément français, 29, N9S 5501-6250).
LXXII
INTRODUCTION
Scienze di Torino», Classe di Scienze Moral, Storiche e Filologiche, Serie 44, n. 15), Torino, Accademia delle Scienze, 1967, p. 63-70, 292-301
(sigle À D) ; M. MEISS,
French
Painting in the Time of
Jean de Berry: UT, The Limbourgs and Their Contemporanes, 2 vol., New York, Braziller / The Pierpont Morgan Library, 1974, t. I, p.440.
Chantilly, Musée Condé 492 (anc. 1667)... Œuvres poétiques 2 de Christine de Pizan!, premières années du XVE siècle. Les «Epiltres du debat sur Le Rommant de la Rose» occupent les feuillets 148 vO à 156 r°. Parchemin, 290 x 239 mm.
comme
182 feuillets en 23 cahiers, répartis
suit : une série de 20 quaternions, le premier précédé d’un
diplôme surnuméraire
(lo, II-XXg), un cahier de 4 feuillets (XXI4),
suivi de deux quaternions (XXII-XXIII8), plus un dernier feuillet. Sans signatures apparentes ; réclames, sauf aux cahiers XX et XXI. Feuillets réglés à la mine de plomb : justification moyenne 205 x 184 mm. Deux colonnes de 33 lignes dont 32 écrites. Changement de justification au feuillet 166 (début du cahier XXII) : 212 x 184
mm. ; deux colonnes de 36 lignes dont 35 écrites. Encre brun foncé ; écriture cursive calligraphique : la main de ce manuscrit apparaît dans les recueils partiellement autographes B2 et B3. Initiales peintes alternativement en rouge et en bleu, à filigrane et antennes ; sous les illustrations, initiales bleues et dorées, à antennes. Rubriques, pieds de mouche. Quatorze peintures, dont 13 inachevées ;
,
la dernière en grisaille rehaussée de lavis, comme le seront les minia-
(1) Contenu
du manuscrit, d’après la table des matières montée sur languette
au début du volume, et qui apparaît également en tête du ms. A3: «Premierement, cent balades / Item, plusieurs virelays / Item, une balade retrograde qui se dit a droit et a rebours / Item, une balade a rimes reprises / Item, une balade a responses / Item, autres plusieurs balades de divers propoz / Item, une complainte amoureuse / Item, un lay de IIC bon vers tous leonimes / Item, un autre
lay / Item, LXXV rondeaulx de plusieurs manieres / Item, LXIX geux a vendre/ Item, le debat de deux amans qui s’adrece a monseigneur d’Orleans / Item, l’epiltre au dieu d’amours / Item, le dit de la Rose / Item, le dit des trois jugemens amoureux qui s’adresce au senaschal de Haynau / Item, le dit de Poissy / Item, l’epiltre Othea la deesse de prudence / Item, les epiltres sur le rommant de la Rose / Item, les diz mouraulx de Cristine de Pizan a son filz / Item, une priere a Nostre Dame / Item, les quinze joyes Nostre Dame rimeez.» Sur les pièces ajoutées, voir notre discussion plus haut.
CATALOGUE
CODICOLOGIQUE
LXXIII
tures du second volume?; celle qui précède l’Oraison Nostre Seigreur, à la différence des 12 précédentes, en regard du texte3. Reliure en maroquin rouge (Belz-Niedrée) ; tranches dorées.
ANCIENS POSSESSEURS. Le comte de Toustain déposa ce manuscrit chez les libraires Morgand et Fatout à la fin du siècle dernier : il passa dans la bibliothèque de Chantilly en 1888. BIBLIOGRAPHIE.
ROY, Œuvres poétiques, t. I, p. xix-xxi (sigle
B3) ; D. MORGAND et C. FATOUT, Répertoire général de la libraire Morgand et Fatout, Paris, 1882, p-190-93,N01481; CAMPBELL, Epitre d'Othéa, p. 9-19 ; S. SOLENTE, Le Livre de la Mutacion de Fortune, 4 vol., Paris, Picard («S.A.T.F»), 1958-1966, t.I, D. CXXVITcxxix (sigle M) ; MOMBELLO, Tradizione manoscritta, p. 106-16,
303-06 (sigle À 7); D. FARQUHAR et E.HICKS, Christine de Pizan's Dit de la Pastoure 1n Baltimore: Membra Disjecta, «Scriptorium» (à paraître, 1976) ; MIESS, The Limbourgs, t.1, p.291, 440. (2) Ms. Condé 493 (anc. 1668).
(3) Cette peinture est achevée ; elle représente, selon nous, une nouvelle étape dans l’histoire du manuscrit.
Paris, Bibliothèque Nationale fr. 604 (ex-de La Mare 413, Re5
gius 70872)!. Poésies de Christine de Pisan?, première moitié du XVE siècle. Les «Epistres du debat sur Le Rommant de la Rose» occupent les feuillets 112 r0 à 117 ro. Parchemin,
327 x 255 :nm.
316 feuillets répartis en 42 cahiers,
régulièrement constitués de quaternions?, plus le double feuillet de garde ; sans signatures ni réclames. Feuillets réglés à l'encre : justification moyenne 232 x 193 mm.; deux colonnes, de 36 à 42 lignes. (1) Mentions consignées au recto du deuxième feuillet. (2) Contenu primitif identique à celui du ms. A2.
(3) Nous avons consacré, en collaboration avec D. Farquhar, une petite étude
aux mutilations subies par ce manuscrit au XIXE siècle (voir notre bibliographie du ms. A)) ; elles correspondent à l'emplacement primitif de l’Oraison Nostre Dame,
des Quinze Joyes Nostre Dame,
et du Dit de la Pastoure (cahiers XVII,
XVIIDIS et XVIII). Les lacunes de l’Oraison Nostre Seigneur et du Livre du chemin de long estude paraissent liées à ces mutilations, qui reflètent un dessein prémédité et méthodique. Le dernier cahier du manuscrit ne compte aujourd’hui que 5 feuillets ; le texte qu'il renferme (L'Epistre a la reine) est incomplet.
LXXIV
INTRODUCTION
Encres brune et brun foncé, écriture cursive calligraphique®. Rubriques, pieds de mouche, manicules ; peintures réservées, préparations d'initiales. Reliure de basane marbrée (XVIIIE siècle) ; dos maroquiné rouge, aux armes de France et au chiffre de Louis XVIII.
ANCIENS POSSESSEURS. Manuscrit appartenant, dans la seconde moitié du XVIE siècles, à Claude d’Augerolles, seigneur de Commières : nombreuses annotations de sa mainé. On le retrouve au XVIIE siècle dans la collection de Philibert de La Mare, .conseiller au Parle-
ment de Bourgogne (11687). France en août 1719. BIBLIOGRAPHIE.
Collection acquise par le régent de
P. PARIS, Les Manuscrits françois de la Biblio-
thèque du roy, 7 vol. Paris, Techener,
1836-1848, t. V, p. 148-80 ;
DELISLE, Cabinet des manuscrits, t. 1, p. 361-64 ; ROY, Œuvres poétiques, t. I, p. xxii-xxiv (sigle B1) ; CAMPBELL,
Epître d'Othéa,
p. 9-19 ; SOLENTE, Mutacion de Fortune, t. 1, p.cxxix-cxxxi (sigle O) ; MOMBELLO, Tradizione manoscritta, p. 9-13, 292-301 À 11) ; FARQUHAR / HICKS, Membra Disjecta.
(sigle
(4) L'hypothèse de P. Paris, suivant laquelle ce manuscrit aurait été copié par Christine elle-même, n’a pas été retenue. (5) Restaurée récemment. (6) Le volume a été utilisé comme livre de raison: ces inscriptions, qui cou-
vrent les années 1562-1595, ont été publiées par P. Paris (Manuscrits, t. V, p. 178-80). cales.
Aux feuillets 315 et 316 ont été consignées quelques recettes médi-
Bruxelles, Bibliothèque Royale, ms. 9559-9564 (9561). Epître d'Othéa. Le Livre de Sénèque des quatre vertus1. Première moitié du XVE siècle?. Les «Epistres du debat sur Le Rommant de la (1) Contenu
détaillé du manuscrit : fol. 1 r9 à 5 r°: table; fol. 7 r© à 73 r°:
L'Epistre Othea ; fol. 76r0 à 96 vO : Des quatre principaux vertus, du pseudoSénèque, traduction de Courtecuisse ; fol. 97 r© à 109 vO: Les Epistres du debat
sur le Rommant de la Rose ; fol. 110 r© à 115 r© : Ung traité de parler et de taire (traduction en vers de l’œuvre d’Albertano da Brescia, De arte loquendi et tacendi,
attribuée
à «ung clerc de grant auctorité à Paris», datée de 1407;
fol.
116 r° à 117 r0 : Des cing lettres de la ville de Paris, «compilé par ung notable clerc normant
[Jean Meunier], l'an de grace mil quatre cens dix huit» ; fol. 118 rO à 142 vO : La Description de la ville de Paris, de Guillebert de Mets, datée de 1434.
(2) Manuscrit exécuté entre 1434, date de la composition de la Description
CATALOGUE
CODICOLOGIQUE
LXXV
Rose» occupent les feuillets 97 r0 à 109 vo. Parchemin, 331 x 235 mm. 144 feuillets3 répartis en 19 cahiers, le plus souvent de quaternions4: quelques signaturesS ; réclamessé. Ecriture a longues lignes, de 29 à 32 lignes par feuillet ; justification moyenne : 198 x 132 mm. Encre brune ; écriture cursive calligraphique («bâtarde
moyenne»),
Rubriques, initiales peintes.
main
de Guillebert de Mets (t 1445)7,
Au feuillet 7, aujourd’hui le premier
du volume, belle miniature représentant la Justice («maître de Guillebert de Mets»8 ) ; bordures, initiale dorée. Reliure en veau raciné (XIXE siècle) : encadrement à la roulette sur les plats ; sur le dos: grenades, filets dorés, armes de Belgique, titre.
ANCIENS
POSSESSEURS.
Philippe le Bon?. Signalé sur les inven-
de la ville de Paris de Guillebert de Mets, et 1445, date présumée de sa mort (ms. autographe). Cf. F. MASAI et M. WITTEK, Manuscrits datés conservés en
Belgique, Bruxelles / Gand, E. Story-Scientia, 1972, t. II, p.76 (A 122, ms. «apparemment daté de 1418»). (3) Comme
le remarque Mombello (p. 154, note 1), le manuscrit compte en
réalité 145 feuillets, la foliotation ayant été établie lorsque les feuillets 7 et 7bis étaient collés ensemble. (4) Le manuscrit
semble avoir été composé, à l’origine, de deux cahiers de 4
feuillets et d’une suite régulière de quaternions (I-Il4, III-XIX8). Pour masquer une erreur du copiste, les feuillets 7 et 7PIS furent collés ensemble. A une époque récente, sans doute pour mettre en valeur l’unique miniature du volume, ces feuillets furent déplacés, et constituent aujourd’hui les deux premiers feuillets du manuscrit. Les feuillets 1 à 4 forment un cahier de deux diplômes; les feuillets 5 et 6 sont isolés. (5) Au
fol. 51 r° (cahier VIII), la signature f;;; ; aux fol. 80 r° et 116 r°,
signatures effacées. (6) Sauf aux cahiers VIII, X (feuillet blancs), XI, XV, XVI, XVIII. (7) C'est à dire, «le maçon». Le calligraphe était originaire de la ville de
Grammont. Voir V. FRIS, Guillebert de Mets et deux épisodes de la ville de Grammont, «Annales de l’Académie d'Archéologie de Belgique» LXIV (1912), P23971: (8) SCHAEFER, Handschriften, p. 200 ; cf. L. LEROUX DE LINCY, Paris et ses historiens aux XIVE et XVE siècles, Paris, Imprimerie Nationale, 1867, p.
129.
Miniature reproduite par GASPAR
et LYNA, Manuscrits à peintures, PI.
CXXIX, et, des mêmes, Philippe le Bon et ses beaux livres, Bruxelles, Editions du Cercle d’Art, 1942, PI. 1.
(9) Guillebert de Mets était «libraire de Monseigneur le duc de Bourgogne» (GASPAR
numéro
et LYNA,
p. 54).
Sur l'inventaire de 1468-1469, le volume porte le
933 : «Ung autre livre en parchemin, couvert d’ais rouges, intitulé au
dehors : Nouveaulx
tractiez Otheas la deesse ;commençant au second feuillet
après la table, les choses qui sont advenir, et au dernier, chantans en yver.» (J.
LXXVI
INTRODUCTION
taires de la bibliothèque de Bourgogne jusqu’en 179319; confisqué par la République en 1794. Mis en dépôt à l'Eglise des Cordeliers'", le volume fut remis à la Bibliothèque Nationale le 21 avril 1796. Restitué en 1815. BIBLIOGRAPHIE.
SCHAEFER,
Handschriften,
p. 174, 200 ; C.
GASPAR et F. LYNA, Les Principaux Manuscrits à peintures de la Bibliothèque Royale de Belgique, VIE partie, Paris : Société Française de Reproductions de Manuscrits à Peintures, 1947, p. 53-55 (minia-
ture, PI. CXXIX ; également reproduite dans Philippe le Bon et ses beaux livres, Bruxelles, Edition du Cercle d’Art, 1941, p.31, PL. I); MOMBELLO, Tradizione manoscnitta, p. 153-68 (sigle D 11). BARROIS, Bibliothèque protypographique, Paris, Crapelet, 1830, p. 149, N. 933 ; identique aux N. 1818 et 2288 ; cf. MOMBELLO, Tradizione manoscritta, pr156 47) (10) Den Haag, Kononklijke Bibliotheek, ms. 71 E 1: Catalogue des manuscrits à la Bibliothèque des ducs de Bourgogne, souverains des Pays Bas, t. II, fol. 139 (cité par MOMBELLO, Tradizione manoscritta, p. 158-59,n. 7). (11) Paris, Bibliothèque Nationals, Nlles Acq. fr. ms. 5420 : Catalogue de
manuscrits de la Belgique du dépôt national littéraire aux ci-devant Cordeliers, par le citoyen Poirier, fol. 37 vo, N. 94bis (CXLL) ; cf. Nles Acq,. fr. 5424: Ca-
talogue d'un fonds de 608 manuscrits français ou en langues modernes, provenus des bibliothèques de Belgique, dresse par Méon, N. 228.
Il
MANUSCRITS DE LA RÉDACTION B (NOVEMBRE 1402)
B]
Berkeley, University of California, UCB
109! (ex-Phillipps
236)2. 4LesyEpistressduvdebatisur. Le Roman!derlafRoses Commencement du XVE siècle (1407-1418).
(1) Je dois remercier ici N. Margolis, qui m'a communiqué
les éléments de
cette description. (2) On lit également, sur la garde collée, les cotes suivantes : 0.354 (XVII£ s.), A35-186, MS 236; sur le premier feuillet de garde: 3152-1510, 3310, «From Payne,
1824».
Au premier feuillet du manuscrit, sceau de Phillipps (lion), et le
chiffre 236.
(3) Titre d’après le feuillet de garde (main moderne).
CATALOGUE
CODICOLOGIQUE
LXXVII
Parchemin, 230 x 165 mm. 41 feuillets, plus les feuillets de garde, répartis en 5 cahiers signés de ay à ep * ;réclames. Feuillets réglés à la pointe sèche, piqûres. Ecriture à longues lignes ; 25 lignes tracées, dont 24 ou 25 écrites ; justification moyenne, 144 x 93 mm. Encres noires et brunes de teintes différentes : écriture cursive calli-
graphique, main de Gontier Col$. Rubriques (jusqu’au fol. 16) et initiale du premier feuillet en rouge lie-de-vin ; initiales calligraphiées à antennes. Au feuillet #1 rO, inscriptions diverses6 ;au dernier feuillet écrit (fol. 40 r0), devise : «Sans fame»
[?].
Reliure en basane
grattée sur ais de bois, XVE siècle ; traces des deux fermoirs. Sur le plat inférieur de la reliure, étiquette de parchemin (milieu du XVE siècle) : «Christine de Pizan tres eloquente». ANCIENS
POSSESSEURS.
Jean, duc de Berry?; Sir Thomas Phil-
lipps (acheté de Payne, 1824)8.
BIBLIOGRAPHIE. DELISLE, Cabinet des manuscrits, t. III, p.340 ; A. MUNBY, Phillipps Studies, 5 vol., Cambridge, Cambridge University Press, 1951-1960 ; Catalogue ofManuscripts on Papyrus, Vellum and Paper of the 13th Century B. C. to the 18th Century À. D. B:bliotheca Phillippica, New Series: Medieval Manuscripts, Part V. Tuesday, November 25, 1969, London, Sotheby and Co., 1969, p. 61-63 ; C. BOZZOLO, L'humaniste Gontier Col et la traduction
française des Lettres d’Abélard et Héloïse, «Romania» XCV (1974),
p.214-15.
(4) ag, b7, cg, dg, e70: à la suite du feuillet signé e,, jusqu’à la fin du manus-
crit, feuillets sans signatures. (5) Main identifiée par C. Bozzolo. (6) En lie-de-vin : «Memento dantis», et «Accipito datum placide dantisque memento / Sic quod non vento des quod tibi corde precatur» (main de Col). Au bas du feuillet :«amete» [?], puis «amen dico» ; sur la dernière garde collée, à moitié
effacé : «Christine de Pizan, anno»
(main maladroite,
XVE
siècle).
(7) Ex-libris au fol. 40 r0 : «Ce livre est au duc de Berry», avec la signature :
«Jehan». Les deux inscriptions, partiellement grattées, sont lisibles sous la L’ex-ibris est de la main du ms. B. N. fr. 9100 (publié par lampe de Wood. DELISLE,
Cabinet des manuscrits, Pl. XLVI, 4). Volume non porté aux inven-
taires. (8) A la suite de la signature du duc, cette inscription, partiellement lisible :
«Ce livre est a(...) et li donat [mons.] le duc de Berry a melun de Paris» (la lecture du nom de Jean du Pré est, comme conjecturale»).
l’avoue le catalogue de vente, «très
LXXVII
INTRODUCTION
Paris, Bibliothèque Nationale fr. 835 (anc. 7217, Dupuy 466, 2 Rigault 593)!. Balades de Christine de Pizan?. Commencement du XVE
siècle (vers 1408).
«Le livre des epistres sur Le Rom-
mant de la Rose» occupe les feuillets 87 rO à 103 vo. Parchemin, 352 x 261 mm. 103 feuillets? répartis en 14 cahiers, régulièrement* constitués de quaternions, signés de ay à m4‘; réclamesé. Feuillets réglés à la mine de plomb, réglure souvent effacée ;
au bas de certains cahiers, piqûres des traits verticaux : justification moyenne?, 238 x 178 mm; deux colonnes de 39 à 41 lignes écrites.
(1) Cotes indiquées sur le premier feuillet du manuscrit ; cf. ROY, Œuvres
poétiques, t. I, p. xü. Le chiffre 191, situé au coin gauche supérieur du premier feuillet de garde (aujourd’hui collé à la reliure) est peut-être une ancienne cote: on le retrouve au ms. fr. 606, au même emplacement. (2) Table des matières établie en 1510 et consignée sur le premier feuillet de garde : «En ce livre sont / Cent balades / Lays / Virelays / Rondeaux / Jeux a vendre, autrement
ventes d’amours / Item, aprés lesdits jeux, autres balades /
Plus l’epistre au dieu d’amours / Item, le debat des deux amants / Le livre des trois jugements / Le livre du dit de Poissy / Les espitres sur le Ronmant de la Roze.» Le manuscrit renferme également une «Complainte amoureuse» et les «Ballades d’estrange façon». (3) La foliotation, moderne, reflète deux erreurs survenues au moment de la
reliure :au premier cahier, les feuillets 2 et 7 ont été intervertis par suite du renversement
du diplôme (signatures : 47, O, az, 44, / 0, 0, az, O);au deuxième ca-
hier, l’ordre des deux premiers diplômes a été renversé : LONDRES Le deuxième feuillet (l’actuel fol. 7) débute par les mots «tous mes bons jours»;
c'est ainsi que M. Roy a pu identifier le volume dans les inventaires publiés par Delisle (Cabinet des manuscrits, t. III, p. 193 ; cf. Œuvres poétiques, t. 1, p. vi). (4) Le septième cahier ne compte que 7 feuillets ; le quatorzième est un diplôme unique (VIe, VII7, VIT-XIIg, XIV). (5) Cahier XIV sans signatures. Au cahier VII, la couture intervient avant la signature f4 (entre les feuillets 43 et 44 ; réclame au verso du feuillet 47, après
trois feuillets sans signature). Le manuscrit porte également les traces d’une première série de signatures, situées au coin inférieur / gouttière du recto, le plus souvent rognées ; elles sont décalées de quatre lettres par rapport aux signatures du pli (e, f=k, g=l).
(6) Réclame effacée au cahier VIII, où une petite lacune a été comblée de seconde main. (7) Dimension horizontale de 166 ou de 182 mm., suivant les différents ca-
hiers (piqûres :0-72-101-182 mm.;0-74-92-166 mm.). Les mesures citées ont été effectuées aux cahiers renfermant les Epitres.
CATALOGUE
CODICOLOGIQUE
LXXIX
Encres brunes de teinte variée ; écriture cursive calligraphique, trois mains différentes.
Rubriques,
titres courants.
Initiales à antennes
peintes. et dorées ; pieds de mouche dorés, peints alternativement en rouge et en bleu. Six peintures$. Au premier feuillet, baguettes dorées, bordure de vrilles et de feuilles de vigne. Reliure en maroquin rouge du XVIIIÉ siècle, aux armes de France sur les plats, à la fleur de lys sur le dos ; tranches dorées. ANCIENS POSSESSEURS. Volume acheté par Jean de Berry, avec trois autres constituant un ensemble, vers 14089. «Baillé a la du-
chesse de Bourbonnais» à la mort du duc 10, il passa dans Ia bibliothèque des ducs de Bourbon à Moulins. L'existence des quatre volumes actuels!! est constatée dès 1510. Ils furent confisqués par François IT en 1523, avec les biens du connétable
transportés au château de Fontainebleau. Charles IX.
du Bourbon, et
Ils revinrent à Paris sous
BIBLIOGRAPHIE. ROY, Œuvres poétiques, t.I, p. vi-xi (sigle A7); SCHAEFER, Handschriften, p. 163-87, passim; F. LECOY, Note
sur quelques ballades de Christine de Pisan, dans Fin du Moyen Age et Renaissance. Mélanges de Philologie Française Offerts à Robert Guiette, Anvers, De Nederlandsche Boekhandel, 1961, p. 107-14 ; MOMBELLO, Tradizione manoscritta, p.16-22 (sigle B); M. MEISS,
avec la collaboration de S. Orr, The Bookkeeping of Robinet d'Estampes and the Chronology of Jean de Berry's Manuscnipts, «The Art
Bulletin»
LIII
(1971), p. 228
; MEISS,
The Limbourgs,
t. I,
p. 37 ff., passim.
(8) Fol. 1 : Christine a son écritoire (Les Cent Ballades); fol. 45 : Cupidon et
sa cour (L'Epistre au dieu d'amours) ; fol. 50 :amant agenouillé devant sa dame (Complainte amoureuse) ; fol. 52 : Christine devant le duc d'Orléans (Le Debat de deux amants) ; fol. 64: Christine devant le sénéchal de Hainaut (Le Livre
des trois jugements) ; fol. 74 : promeneurs à cheval (Le Dit de Poissy).
(9) Il fut payé 200 écus. On le signale pour la première fois sur les inventaires de 1413
(J. GUIFFREY,
Inventaires de Jean, duc de Berry, 2 vol., Paris,
Leroux, 1894-1896, t. I, p.252, N. 959). Voir cependant l’étude de M. MEISS citée dans notre bibliographie. (10) Inventaire de 1416, citée par Delisle (Cabinet des manuscrits, t. III, p.
193) ;cf. ROY, Œuvres poétiques, t. I, p. vi.
(11) La reconstitution de l’ensemble repose essentiellement sur la numérotation des titres courants (ms. 835: 1-13 ; ms. 606: 14; ms. 836: 15-21 ; ms. 605
22-25). Cette question mériterait une analyse approfondie.
LXXX
INTRODUCTION
London, The British Library, ms. Harley 4431 (catalogue de Fe
Cosler,/
4287 C2
Christine de Pisan, Poems1.
Deuxième
décennie du XVE siècle (1410-1415). «Le livre des epistres sus Le Roman de la Rose» occupe les feuillets 237 r0 à 254 r0. Parchemin, 380 x 280 mm. 398 feuillets?. Les cahiers des deux volumes actuels sont de composition variée ; nombreux feuillets montés sur onglets. Feuillets réglés à la mine de plomb : justification, 180 x 130 / 148 mm.
; deux colonnes, de 37 à 41 lignes écrites.
Encres brunes et noires ; écriture cursive calligraphique, manuscrit vraisemblablement autographe3. Volume richement décoré : 130 peintures, initiales rouges, bleues et or, à rinceaux ; rubriques, titres
courants ; pieds de mouche dorés sur fond rouge ou bleu. en maroquin vert (1962)*.
Reliure
ANCIENS POSSESSEURS. Isabeau de Bavière, reine de France. Vraisemblablement acquis par Jean de Lancastre, duc de Bedford et (1) Contenu détaillé du manuscrit, d’après la table des matières en tête du volume : «Ci commence la table des dictiez en general, balades, rondiauls et autres
particuliers livres que sont contenus en ce present volume :premierement, prologue adreçant a la royne (:-1-) ; Item, cent balades (-11-); Item, virelaiz (-ui-) ; Item, autres balades de plusieurs façons (-üi-) ; Item, une assemblee de plusieurs
rimes, auques toutes leonimes, en façon de lay, a qui vouldroit apprendre a rimer leonimement (-v-) ; Item, ung autre lay (-vi-) ; Item, rondiaulx (-vii-) ; Item, gieux a vendre (-viii:) ; Item, plusieurs autres balades (-ix-) ; Item, une complainte amoureuse (-x-) ; Item, encore autres balades (-xi-) ; Item, l’epistre au dieu d’amours (-xii-) ; Item, une autre complainte amoureuse (-xii-) ;Item, le livre du debat de deux amans (-xuii-) ;Item, le livre des -iii: jugemens, qui s’adrece au seneschal de Haynau (-xv-) ; Item, le livre de Passy, qui s’adresce a ung chevalier estrangier (-xvi-) ; Item, le livre de l’epistre Othea (-xvii-) ; Item, le livre du duc des vrays amans (-xviii-); Item, le chemin de lonc estude (:xix-) ; Item, le li-
vre de la pastoure (-xx-) ; Item, les epistres contre le Rommant de la Rose (-xx1) ; Item, une epistre que Cristine envoya a Eustace Morel, tout de rimes equivoques (-xxii:) ; Item, une oroison de la vie et passion de Nostre Seigneur Jhesu Crist (-xxii-) ; Item, proverbes moraulx (-xxiii-) ; Item, les enseignemens que Cristine de Pizan donne a son fils (-xxv-) ;Item, une oroison de Nostre Dame (-xxvi-) ; Item, les -xv- joyes Nostre Dame (-xxvii-) ; Item, le livre de prudence de l’enseignement de bien vivre (-xxviii-) ; Item, le livre de la cité des dames (-xxi1x-) ; Item, cent balades de dame et d’amant (-xxx:).» (2) Sur la foliotation du manuscrit, assez incohérente, voir MOMBELLO, Tradizione manoscritta, p. 199, n. 1.
(3) C. WILLARD, Francesi»
An Autograph Manuscript
of Christine de Pizan? «Studi
26 (1965), p. 455.
(4) Sur l’ancienne reliure du volume, voir SCHAEFER, Handschriften, p.122, 124.
CATALOGUE
régent de France, vers 1425.
CODICOLOGIQUE
LXXXI
A la mort du bibliophile, le manuscrit
passa entre les mains de Jaquette de Luxembourg®, qui épousa en secondes noces Richard Wydeville, comte Rivers : le manuscrit porte l’ex-libnis de son fils Anthony, baron Scales et second comte Rivers. On ignore comment
le volume est venu, vers 1472, dans la possession
de Louis de Bruges, sire de la Gruthuyse? ; en 1676, il est signalé parmi les effets d'Henry Cavendish, second duc de Newcastle8. Les volumes de la bibliothèque des Cavendish à Welbeck Abbey (Nottünghamshire)
passèrent à Henrietta Cavendish
(11716), qui devint
l'épouse d’E. Harley?. Notre manuscrit fut transporté à Londres à la mort de celle-ci ; il figure parmi les collections rares du British Museum depuis sa fondation (1753).
BIBLIOGRAPHIE. P. MEYER, Note sur le manuscrit offert par Christine de Pisan à Isabeau de Bavière, dans Œuvres poétiques, éd. ROY,
t. IT, p. xxi-xxiv
(sigle A2) ; SCHAEFER,
Handschriften,
p. 122-63, passim ; F. SAXL et H. HEIER, Catalogue of Astrological and Mythological Illuminated Manuscripts of the Latin Middle Ages. IIT, 1, Manuscripts in English Libraries, London, The Warburg Instiou PPS lp 172227 PCI) PI ECERESS IR SIVIT SM MEISS, 7e
Exhibition of French Manuscripts of the XIII-XVI Centuries at the Bibliothèque Nationale, «The Art Bulletin» XXXVIII (1956), p. 19394 ; LECOY, Note sur quelques ballades ; MOMBELLO, Tradizione manoscritta, p. 199-210 (sigle B1) ; MEISS, The Limbourgs, t. I,
D'13,24 32 39 #0. (5) Signature consignée au recto du troisième feuillet de garde. (6) Au troisième feu:!.et de garde : «Nulle la vault - A. Rivieres». (7) «Plus est en vous. Gruthuse.» (1b1d.). (8) «Henry of Newcastle, his booke, 1676.» (1bid.). (9) Pour l’histoire de la collection harleyienne, voir E. EDWARDS, Lives of tbe Founders of the British Museum, London, Trübner,,1870, t. I, p. 203-4#:
III MANUSCRIT
DE LA RÉDACTION
C
Paris, Bibliothèque Nationale fr. 1563 (anc. 13902 20% Col bert 4395). Recueil de pièces didactiques ou morales!. Deé-
but du XVE siècle. (1) Volume
Les épîtres sur Le Roman de la Rose occupent
consacré dans l’ensemble à l'œuvre de Jean de Meun:
fol. 1 à
LXXXII
INTRODUCTION
les feuillets 178 rO à 199 ro. Papier (filigranes : basilic, diverses variantes de l’ancre, dont les
NOS 347 et 350 de Briquet?), 263 x 184 mm. 224 feuillets répartis en seize cahiers, composés de 4 à 9 diplômes, le plus souvent de 8 (ifsediye
ia
Vie
A
AIX
Xl
A Oman
pare ENe
XVI123, plus le feuillet de garde), sans signatures apparentes. Réclames. Feuillets réglés à la pointe sèche, piqûres*. Deux colonnes de 41 à 43 lignes écrites$ : justificationé : 197 x 151 mm. Encre brune ; écritures cursives livresques : trois mains, dont deux posté-
rieures à la composition du recueil 7. Au feuillet 179 (fin du Codicille), le colophon : «Completum est opus, qui scripsit sit benedictus» ;
au feuillet 221 : «Explicit hoc totum, pro pena da michi potum / Explicit, expliceat, scriptor ludere
eat.»
Initiales à l’encre rouge,
144 vO : Le Roman de la Rose ; fol. 144 vO à 147 vO: «Lez regles du gouvernement dez batailles, estraictez du livre de Vegecez de l’Art de chevallerie» ; fol. 148 r© à 174 r© : Le Testament maistre Jehan de Meung; fol. 174 rO à 175 r° : Le Codicille maistre Jeban de Meunj; fol. 203 r° à 221 r0: Le Livre de Povreté et de Richesse ; fol. 221 r° : une «ballade» ; fol. 221 v° à 223 r0: «Ung lay fait par maistre Alain» (Le Lai de paix). (2) C. BRIQUET, Les Filigranes, 4 vol., Leipzig, Hierseman, 1923, t.I, p. 37:
le NO 347 apparaît en 1392 ; le NO 350 est signalé pour la période 1401-1410. Les types qui se rapprochent le plus de la figure non identifiée du basilic sont les NOS 2703 et 2705 ; le NO 2703 apparaît en 1417, le NO 2705 disparaît vers 1428 (ibid., p. 190-91). (3) Les deux derniers feuillets du seizième cahier ont été arrachés;il manque
également un feuillet du diplôme extérieur au cahier quatorze. (4) Pour les traits verticaux, on relève trois systèmes différents : trois piqûres
rapprochées (écartement 1 mm. environ), disposées en trois groupes, système qui caractérise les premiers cahiers du volume ; deux piqûres rapprochées, disposées en deux groupes près des marges du feuillet, système qui fait son apparition à partir du onzième cahier ; quatre piqûres, dont deux très rapprochées, qui correspondent aux quatre traits d’une réglure à deux colonnes simples, système qui prévaut à partir du fol. 178 (début des épiîtres sur Le Roman de la Rose).
(5) Seules les lignes du cadre extérieur ont été tracées. (6) La justification est variable quant à l’ensemble du manuscrit, mais cohérente pour une œuvre donnée : nos mesures ont été effectuées aux cahiers renfermant les épîtres sur le Roman. Certains cahiers sont à longues lignes (Testament, Codicille) ; le «gouvernement
des batailles», écrit à longues lignes, a été
copié sur la réglure à-deux colonnes tracée pour Le Roman de la Rose. (7) Copistes du «gouvernement des batailles» et du Lai de Paix ; dans l’état originel du manuscrit, les feuillets à la suite du Roman de la Rose (144 vo à 147 vO), ainsi que les derniers feuillets du volume (221 vO à 223 rO) devaient
être blancs.
CATALOGUE
CODICOLOGIQUE
LXXXII
rubriques ; pour Le Roman de la Rose, une série importante de miniatures «grossières» (E. Langlois). Reliure : truie sur ais de bois XVE siècle), traces de boulons et d'étiquette. ANCIEN POSSESSEUR. Prêcheurs8.
Frère Jean de Merville [?], de l’ordre des
BIBLIOGRAPHIE. E. LANGLOIS, Les Manuscrits du Roman de la Rose («Travaux et Mémoires de l'Université de Lille», Nouvelle Série, 1, 7), Paris, Champion / Lille, Tallandier, 1910, p. 20-22 ; J.
LAIDLAW, The Manuscripts of Alain Chartier, «Modern Language Review» LXI (1966), p. 190 (sigle Fa). (8) Ms. «perechue».
IV
LE TRAITÉ DE GERSON CONTRE LE ROMAN DE LA ROSE Paris, Bibliothèque Nationale fr. 1797 (anc. 7848).
Vision de
Gerson!. Début du XVE siècle. Parchemin, 213 x 151 mm. 23 feuillets répartis en deux cahiers inégaux (Ig, 1114 : le dernier feuillet est la face inférieure d’un diplôme destiné à protéger le volume), sans signatures apparentes ; réclame au feuillet 8.
Feuillets réglés à la mine de plomb (réglure effa-
cée). Ecriture à longues lignes ; 21 lignes tracées dont 20 écrites : justification 140 x 102 mm. Encre brune ; écriture cursive calligraphique, main de Jean le Célestin, frère du chancelier?:nombreuses corrections de seconde main.
Au verso du feuillet 23, le colophon :
«Hoc opus composuit magister Johannes de Gersonno, tunc temporis cancellarius Nostre Domine et universitatis parisiensis, sacre pagine eximius professor, anno ut supra.»
Première initiale à la plume
(encre rouge), dégradée et nettoyée par la suite ; pieds de mouche. Reliure : cartonnage du XIXE siècle, dos chagrin rouge. (1) Titre d’après la reliure. (2) Main identifiée par M. Ouy; l'enquête signalée sur notre bibliographie ne fait pas état de ce manuscrit.
LXXXIV
INTRODUCTION
BIBLIOGRAPHIE. G.OUVY, Enquête sur les manuscrits autographes du chancelier Gerson et sur les copies faites par son frère le Célestin, «Scriptorium»
16 (1962), p. 275-301
Paris, Bibliothèque Nationale fr. 3887 (Reg. 8AA8:4, de La 2 Mare
Miscélanés!, fin du XVE siècle2.
À 12).
Le traité de
Gerson? occupe les feuillets 1 r0 à 18 vo. Papier (filigrane: lettres soudées D). "298% 218 mm. 252 feuillets, sans réclames ni signatures, sans réglure apparente; «justification» approximative : 220 x 150 mm. Ecriture à longues lignes, de
30 à 35 lignes par feuillet.
Encre brune; écriture cursive gothique.
Plusieurs mains ; premier changement du ms. A. Cartonnage moderne.
ANCIENS POSSESSEURS. à la maison de Bourgogne.
de main au fol. 8. Colophon
Nombreuses pièces originales relatives
BIBLIOGRAPHIE. Bibliothèque Nationale, Le Catalogue des manusentsSatulll Paris Did mMABLTO T3; (1) Pour l’inventaire complet, voir au tome III du Catalogue des manuscrits. (2) Dernière pièce datée : 1478.
(3) Texte sans titre.
Celui qu’en donne Langlois («Complainte piteable de
Chasteté», «Romania» XL, p. 28) a été pris au Catalogue des manuscrits. (4) Briquet a renoncé a inventonier les types de ce filigrane, dont il aurait dénombré 140 variantes (Les Filigranes, t. III, p. 510), en plus des 27 reproduites. Autres filigranes du ms.; écu (ex. fol. 117), couronne (ex. fol. 131), soleil (ex. fol. 173), fleur de lis (ex. fol. 202), lettrey (ex. fol. 96), autre figure de lettres soudées (ex. fol. 136). (5) Le manuscrit
porte une ancienne foliotation au bas des fol. 19-24 (19=—1,
20=2, etc.). Comme il s’agit en grande partie d’un recueil de pièces originales, il serait oiseux de détailler la composition du ms. par cahiers. Pour le début du volume
toutefois, nous POUPEE RENE
relevons
l'existence
de coutures
aux
fol. 5/6, 13/14,
Troyes, Bibliothèque Municipale ms. 929 (fonds Bouhier, {D 93), Traité de Gerson contre le roman de la Rose. XVII sièclel. (1) Manuscrit apparemment daté de 1721, mais cette date est celle d’un inventaire.
CATALOGUE
Papier (filigrane : ARANVAL,
CODICOLOGIQUE
LXXXV
surmonté de l’orbe terrestre).
278
X 193 mm. 71 feuillets réunis en deux fascicules?2 paginés de 1 à 58* et de 1 à 70%, plus le feuillet de garde$. Neuf cahiers de 4 diplômes, signés régulièrement de Ay_5 à 1736 ; réclames au verso de chaque feuillet. Réglure à la pointe sèche : justification 181 x 115 mm., de 16 à 21 longues lignes par feuillet. Encre brune ; calligraphie du XVIIE siècle, main de Jean Bouhier (11671). Colophon du ms. A] ? ; reliure ancienne en peau blanche. ANCIENS
POSSESSEURS.
Jean Bouhier, conseiller au Parlement
de Dijon, grand-père du président.
A la mort de celui-ci (1746), la
bibliothèque échut au marquis de Bourbonne ; achetée à la mort de son fils par l’abbé de Clairvaux. Décrétée bien national à la Révolution, une partie de cette importante bibliothèque, dont notre ms., passa à la Bibliothèque de Troyes. BIBLIOGRAPHIE. DELISLE, Cabinet des manuscrits, t. II, p. 26679 (notice sur la famille Boubhier).
(2) Le second
fascicule
renferme
la défense
d'Anne
de Clèves, quatrième
épouse du roi Henri VIII d'Angleterre, rédigée à l’intention du même. (3) Les sept derniers feuillets sont dépourvus de pagination. (4) Un feuillet sans pagination ; le dernier feuillet du cahier est collé à la reliure. (5) Ajouté postérieurement (filigrane : quatre-de-chiffre). La date de 1721 correspond à la rédaction des renseignements bibliographiques consignés au recto de cette page : «Le traité / de M€ Jean Charlier, dit Gerson / Docteur en Sorbonne / Et Chancelier de l’Université de Paris / Contre / Le Roman de la Rose de Jean de Meun / copié / sur un ancien MS. par MT Jean Bobhier / Con€f au Parlement de Dijon / MS / de la Bibliothèque de MT le pres. Bouhier / D 93 / MDCCXXI» Au verso du feuillet on lit la notice suivante, d’une main plus récente : «Je crois que ce traité est de Jean Charlier, dit Gerson.» (en marge : «Il est en effect parmi les œuvres de Gerson de l’édit. de 1706, tom. 3, p.297. Mais traduit en Latin.») Car La Croix du Maine, pag. 246 de sa Bibliothèque dit qu’il composa un traité à part contre ledit livre. Et l’on voit au même endroit et dans Du Verdier qu’il a composé quelques livres en notre langue, quoiqu'il s’exercât
d’ordinaire
en Latin.
/ Martin Le Franc, Prevost de Lausanne,
composa aussi quelques années après un Ouvrage contre Le Roman de la Rose, dont parlent les mêmes La Croix du Maine et Du Verdier. Mais il est intitulé : Le Champion des Dames, & dédié à Philippe le bon, duc de Bourgogne.» (6) Le feuillet central est signé deux fois, de part et d’autre de la couture : Ai D7, 45 p.97. (7) P.58.
Var.: Anno M CCCC il.
LXXXVI
B
INTRODUCTION
Voir'aux mss. dé Christine de Pizan, ms: C,
Paris, Bibliothèque Nationale fr. 24839 (anc. StŒ-Victor 5171).
Opuscula plura in gallico edita a magistro Johanne de Jersonno?, début du XVE siècle.
Le «Traictié M. Jehan Gerson contre Le
roumant de la rose» 3 occupe les feuillets 21 rO à 38 vo. Papier (filigrane : grelot4) encarté de parchemin*. (1) Anciennes cotes: NNB8, CB 9, 286, 733, 517. (2) Titre d’après la table consignée sur le deuxième
210 x 144 mm.
feuillet de garde.
Con-
tenu détaillé du volume : «Que secuntur bic babentur / scilicetopuscula plura in : Sermo in die omnium sanctogallico a magistro Johanne de Jersonno / Primo rum per thema : Regnum celorum vim patitur etc. .1./Item alius sermo in die purificationis beate Marie, cuius thema : Suscepimus, Deus, misericordiam tuam
etc. .10./ Contra Romancianum de la rose et in eodeum dictorum in persona Fatui Amatoris .21. / Sermo feria quarta post dominicam quartam quadragesime, cuius thema : Tu discipulus eius sis .41./ Alius sermo de sancto Anthonio
abbate per thema:
Certamen forte dedit .52./ Quedam devote meditaciones
anime circa ascencionem Christi .66. / Modus quidam quo certis ex causis Romam ire non potentes anno jubileo spiritualiter peregrinacionem eandem agere valent .70. / Sermo die sancto Penthecostes, per thema: Mancionem apud eum faciemus .73./ Alius sermo de natalis Domini, cuius thema: Gloria in altissimis
Deo .88. / Alius in festo concepcionis beate Marie, cuius thema : Tota pulcra es etc. .105./ Quindecim perfectiones neccessarie volenti Deo Servire et eum perfecto amare, cum quibusdam aliis moralibus .132. / Sermo die mortuorum per thema : Beati qui lugent .136. / Quedam moralia ut lingua a nimia loquela refrenetur .152. / Sermo die natalis appostolorum Petri et Pauli .160. / Soliloquium eius de spirituali mendicitate anime .180. / De multiplici temptacione Inimici .220./ De monte contemplacionis sive de vita contemplativa .230. / Sermo in dominica sexagesime per thema : Penitemini etc. .252./ Sermo dominica quinquagesime per idem thema Penitemini .258. / Sermo in festo Sancti Trinitatis per thema : Videmus nunc per speculum etc. .265./ Quedam morales processiones ad Deum et sanctos pro singulis diebus ebdomade ab eodem de Gersonno suis sororibus directe .280./Moralis ammonicio pro sanctimonialibus .284./ Metra doctoris Racione et Consciencia Cor singulosque sensus lectione instruens .289./ Quedam alia .290.» (3) Titre de la main de Guillaume Tuysselet (cf. G. OUY, Enquête, «Scriptornium» 161(1962)p281/n02,
(4) Analogue au type 7440 de Briquet, signalé dans la région de Paris pour la période 1400-1410. Nombreuses autres figures, dont les suivantes : ancre (ex. fol. 10), petite ancre surmontée d’une croix (ex. fol. 20), couronne (ex. fol. 89), chien (ex. fol. 183), lettre p surmontée d’une croix (début du volume, cf. fol. 272), arc et flèche (ex. fol. 284). (5) Aux cahiers I-IV, XIX-XXI.
CATALOGUE
CODICOLOGIQUE
LXXXVII
298 feuillets, répartis en 21 cahiers de composition variéef, plus le double feuillet de garde. Signatures?, réclames. Feuillets réglés à la mine de plomb, de 24 à 26 longues lignes par feuillet8, piqûres : justification moyenne
154 x 106 mm.
Encre brune : écritures livres-
ques hâtives. Plusieurs mains ont collaboré à la copie, dont deux au traité de Gerson ; quelques corrections de G. Tuysselet®. A partir du fol. 180, rubriques, initiales, bouts de ligne à l'encre rouge1°. Reliure en peau de truie naturelle, sur ais (XVE siècle) ; traces de fermoirs, étiquette ancienne (NNB8).
ANCIEN POSSESSEUR. J. Lamasse ; colophon : «Hunc librum acquisivit monasterio Sancti Victoris prope Parisius frater Johannes Lamasse, dum esset prior eiusdem ecclesie.» BIBLIOGRAPHIE. G. OUY, V. GERZ, etc., Catalogue du fonds médiéval de St-Victor, Paris, C.N.RSS. (sous presse). (6) Hé:
IL4, HT-IV
6; VV
5; IX15 (chute d’un feuillet entre
les fol. 120-
(7) Aux
cahiers V-XI, consacrés aux sermons, une série de signatures allant
121 au moment de la copie), X-XI12, XIly4, XIII, XIV-XV16, XVIg, XVIIAE RARE
de III à VII, puis de I à I] ; la réclame du dernier feuillet de cette partie du manuscrit (signé 11) correspond au premier cahier, signé [11 (mansionem apud) ; cependant le cahier signé VII, qui serait donc le dernier de la série dans l’ordre primitif, porte en réclame les premiers mots du cahier suivant (beati, signé 1).
(8) Les feuillets 39-40, 72, 159 et 179 sont blancs.
(9) Changement de main au fol. 24 ; les piqûres disparaissent à cet endroit. (10) Changement de réglure à cet endroit.
Montpellier, Faculté de Médecine H 368 (anc. Bouhier E 135).
1 Traduction de la Consolation philosophique attribuée à Jean de Meun!,
début du XVE siècle.
Le «traictié contre le livre de la
(1) Il s’agit de la version C, en prose mêlée de vers, longtemps attribuée à Jean de Meun (cf. E. LANGLOIS, La Traduction de Boëce par Jean de Meun, «Romania» XLII [1913], p. 331-69). Sur le feuillet de garde collé à la reliure, on lit, d’une main moderne : «Boëce : de la Consolation
de la philosophie, tra-
duit par M€ Jean Clopinel, dit de Meun / Traité contre le Roman de la Rose, par Jean Charlier, dit Gerson.»
LXXXVII
INTRODUCTION
Rose»? occupe les feuillets 84 r0 à 99 vO (incomplet de la fin). Parchemin, 208 x 142 mm.
99 feuillets réunis en 13 cahiers, ré-
gulièrement constitués de quaternions$, signés de 1 à 136. Réclames. Feuillets réglés à la mine de plomb (les piqûres du cadre et des traits horizontaux subsistent) :justification 138 x 76 mm.?,27 lignes dont 26 écrites. Encre brune; écriture cursive livresque : deux mains,
celle du traité étant identique à la main de la Consolation. Initiales à la plume, à filigranes et antennes, alternativement en rouge et en bleu ; pieds de mouche de même. Rubriques. Reliure en parchemin naturel (XVIIE siècle).
ANCIENS POSSESSEURS. Amilyain Gadend8 ; le Président Jehan Bouhier, conseiller au Parlement de Dijon?. (2) Note marginale : «Je crois que ce traité est de Jean Gerson; il a été en effet imprimé depuis, mais traduit en latin en l’édition de ses œuvres de 1706. Tom. Ill, p. 297.» Renseignements identiques consignés de la même main dans le ms. A. (3) Derniers mots du texte : «de la quelle n’est tant» (cf. alinéa 490 de notre
édition). (4) Les signatures correspondent à l’état actuel du volume.
On trouve, au
feuillet 29, le chiffre 38, unique trace d’une foliotation ancienne; il manquerait
ainsi un premier cahier de 8 feuillets, plus le feuillet de garde. Le texte de la Consolatio s'ouvre sur les derniers vers du mètre III, livre IT (la mention qui suit, «Li Quart Chapitre», correspond à la prose III) ; le rapport de texte transcrit par cahier est sensiblement le même dans la suite du manuscrit. Contrairement à l'indication portée en note dans le catalogue de Montpellier (t. I, p.434), ce texte n’est pas incomplet de la fin :les derniers mots traduisent le prose V du dernier livre (prose VI, selon certaines éditions).
(5) Le onzième cahier ne compte que quatre feuillets ; les derniers feuillets du cahier, qui devaient être blancs, semblent avoir été perdus au moment de la reliure. Entre les feuillets 50 et 51, il manque une page: cette perte, sans conséquence pour le texte, doit remonter à la copie. (6) Au XIIE et au XIII cahiers, il subsiste quelques traces de deux systèmes
de signatures anciennes : au bas des feuillets, à droite, on trouve les signatures
dj.) (7) La justification n'est pas identique pour les deux parties; pour la traduc-
tion de Boëce : 138 x 80 mm. (8) La signature et le parafe de ce personnage interviennent de temps à autre dans les deux textes du ms. Au verso du fol. 84 on lit : «Cestuit present livre apartient à moy Emellianus Gadend bon filz clert, qui le trouverat qui le me rendra paieré volentiers le vin.» (9) Sur la page de garde, de la main ayant attribué la cote au ms. A}, «ms. de la Bibliothèque de MT le Presidt Bouhier, E 135 MDCCXXIII».
CATALOGUE
BIBLIOGRAPHIE. A
LXXXIX
DELISLE, Cabinet des manuscrits, t. Il, p. 266-
Paris, Bibliothèque
2
CODICOLOGIQUE
Nationale
fr. 1556
(anc. 75953,
Baluze
200), Testament de Jean de Meun, fin du XVE siècle. Le trai-
té contre Le Roman de la Rose, incomplet du début et de la fin, occupe les feuillets 108 r© à 112 voi. Papier
(filigranes
: lettres
soudées
d, surmontées
d’une
croix,
croissant ?), 282 x 200 mm. 118 feuillets, sans signatures apparentes. Recueil composite, dont l'unique réclame se situe au fol. 113. Feuillets réglés à la pointe sèche, de 41 à 43 longues lignes par feuillet : justification moyenne : 208 x 133 mm. Encre noire ; écriture cursive gothique*. Rubriques, préparations d’initiales. Reliure en veau raciné (XVIIIE siècle, dos en maroquin rouge, à la fleur de lis).
ANCIEN POSSESSEUR. Colas Mage, copiste de la Vision des peines de l'enfer et du traité de Gersons. (1) Vision Le Dit (2)
Le manuscrit renferme en outre :un «traité des sacrements» (fol. 78);la des peines de l'enfer (fol. 103) ; Le cours des ans selon Ezechiel (fol.113): du chien joyeux (fol. 117). Voir la description des mss. A2 et A4.
(3) Œuvres époques.
copiées de différentes mains, vraisemblablement
à différentes
(4) La main du traité esr celle de la Vision des peines de l'enfer ; le papier
est identique, la justification également. (5) Signature au fol. 107 vo.
5
Paris, Bibliothèque Nationale
3 474). (1) Outre
tres saint nom
Nouv. Acq. fr. 10.059 (Barrois
Recueil d'ouvrages didactiques ou pieux!, deuxième le traité de Gerson, le manuscrit renferme :Les «Ensignements du
de Nostre Seigneur Jhesu Crist» (fol. 10 vO à 15 vO);la traduc-
tion par Guillaume de Tignonville des Gesta et dicta antiquorum philosophorum
(fol. 16 r° à 63 vo) ; L'Epistre Othea (fol. 65 r° à 113 r°); les Heures de contemplacion de Christine de Pizan (fol. 114 rO à 144 r0); la traduction de la Passion de 1398 (fol. 145 r© à 171 r0); Les Lamentacions monseigneur saint Bernard (fol. 172 r© à 175 r©) ; Une Oroison de saint Augustin (fol. 175 r°); «Le
Livre des paines de pugatoire et d’enfer et aussi des joyes de paradis», extrait
INTRODUCTION
XC
moitié du XVE siècle2. Le «roman d’un traité» occupe les feuillets L'ATO EC Papier (filigrane : lettres soudées d3). 298 x 216 mm. 192 feuillets en 12 cahiers de 8 diplômes chacun, sans signatures apparentes. Réclames aux cahiers II, V, VI, VIIL
Feuillets réglés de différentes
manières : réglure du premier cahier tracée à la pointe sèche. Ecriture à longues lignes, de 44 à 46 lignes par feuillet : justification moyenne 192 x 110 mm. Encre brune ; écriture cursive gothique peu soignée. Premier changement de main au feuillet 16$. Initiales peintes en rouge, plus rarement en bleu. Pieds de mouche, rubriques. Peintures
réservées pour L'Epiître
Othéa.
Reliure
en veau raciné,
début du XIXE siècle. ANCIENS POSSESSEURS. «Antoine le Noble», qui est peut-être l’un des copistesé ; Philippe du Bois, bourgeois et marchand de Chàälons ; «Jehan et Jehanin Robert, filz du feu honnorable home Olivier
Robert, marcham et bourgeois de Chalon»7. Vendu par Barrois au comte d’Ashburnham en 1849. Acheté par la Bibliothèque Nationale en 1901.
BIBLIOGRAPHIE.
H. OMONT, Catalogue des manuscrits Asbburn-
bam-Barrois, «Bibliothèque de l'Ecole des Chartes» 63 (1902), p. 2831 , MOMBELLO, Tradizione manoscritta, p. 92-100 (sigle D 17).
du Speculum bistoriale de Vincent de Beauvais (fol. 175 vO à 182 r0); Le Romant de Guy de Tour (fol. 189 vO à 191 vO) ; La Chronique bourgignonne de Robert le Jeune (fol. 189 vO à 191 vo).
(2) Le dernier ouvrage du recueil fut copié en 1504, postérieurement à la composition du volume. (3) Sur ce filigrane, voir les notices précédentes.
(4) cahier (5) (6)
Il manque un feuillet au premier cahier ; un feuillet ajouté (fol. 64) au IV. La main du premier cahier reprend au fol. 65 et continue jusqu’au fol. 113. La mention «et est a Anthoine le Noble» apparaît plusieurs fois dans le
manuscrit (fol. 10 r0, 113 r©, 171 vO, 175 r0, 182 r0, 189 vO); elle est parfois à moitié effacée (fol. 175 vO, 113 rO et 189 vO). (7) Pour l'identification de ces personnages, voir G. MOMBELLO, Tradizione
manoscritta, p. 94-96; qui en cite les épitaphes.
CATALOGUE
CODICOLIGIQUE
XCI
V JEAN DE MONTREUIL : EPISTULAE Paris, Bibliothèque Nationale lat. 13062 (cote 380 du comte de Harlay), Lettres de Jean de Monstereul, secretaire de Charles VE1, début du XVE siècle (1405-1418).
Parchemin, 280 x 180 mm. 164 feuillets? , répartis en quatre groupes* ; 20 cahiers de composition variée, le plus souvent de quaternions ; signaturesf ; réclames. Feuillets réglés à la mine de plomb (au noyau
primitif du recueil, du cahier II au XVII), à l'encre noir
(cahier XX), au crayon (cahiers XVIII et XIX), ou sans réglure (premier cahier du mansucrit?)}; piqûres : justification moyenne, 176 x 118 mm. (cahiers II-XVIII), 174 x 124 mm. (cahier XX), 187 x 120 mm. (cahier XVIII), 193/202 x 120 mm. (cahier XIX), 183 x 121
mm. (cahier I). Ecriture à longues lignes, de 31 a 35 lignes écrites, le plus souvent 32. Encres brunes de teintes variées; écritures cursives livresques et semi-livresque, main de Jean de Montreuil, annotations de Jean Lebègue. Au noyau primitif, initiales à la plume alternativement bleues avec filigranes et antennes rouges, et rouges avec filigranes et antennes
fol. 10.
noirs; grande initiale rouge, bleue et noire au
Ailleurs, initiales réservées, avec préparations autographes
(premier cahier sans décoration). Reliure en veau raciné (XVIIE siècle), monogramme doré d’Achille III de Harlay au dos, son blason
en médaillon sur les plats (d’argent, à deux pals de sable).
ANCIEN POSSESSEUR.
Comte Achille III de Harlay.
(1) Titre du XVIIIE siècle, sur le contre-plat supérieur, à l'intention du do| reur sans doute. (2) Paginés au XVIIIE siècle de 1 à 326: pagination en bonne partie rognée. (3) Voir plus haut, p. xxxvii, n. 58.
(4) Lo, I-IVg, V7; Vlios VII-XVIg, XVITo, XVIIIg, XIX9, XXg-
(5) Au cahiers I et XIX, feuillets collés sur onglet; au cahier V, chute d’un (cf. ed. Ornato, p. 76: lacune entre les mots rubro
feuillet entre les fol. 34-35
et moveri).
|
(6) Aux premiers cahiers du recueil (fol.1 vO à 83 vO), signatures de la main
de Jean Lebègue (i - 9, dix). Le noyau primitif porte les signatures d’origine (aj-jjii.… Oj-ii) : beaucoup d’entre elles ont été rognées. (7) Fol. 9 réglé au crayon.
XCII
INTRODUCTION
E. ORNATO,
BIBLIOGRAPHIE.
éd., Jean de Montreuil,
Opera,
vol. I - Parte prima, Epistolario, Torino, Giappichelli (Università di Torino: Pubblicazioni DRVieUse
della Facoltà
di Lettere
e Filosofia),
1963,
(8) Une analyse codicologique approfondie de ce manuscrit complexe est prévue pour le troisième tome des Œuvres complètesde Jean de Montreuil (éd. N. Grévy, E. Ornato, G. Ouy). Les données de la présente notice nous ont été aimablement fournies par les éditeurs.
VI GERSON : EPÎTRE TALIA DE ME Paris, Bibliothèque Mazarine ms. 940 (anc. 1042, St-Victor NN 191), Gersonu opuscula, 3€ quart du XVE siècle. La Responsio de Gersonno ad scripta cutusdam occupé les feuillets 131 vo à 134 vo. Papier (filigranes : fleur-de-lys? ; ancre?) encarté de parchemin, 212 x 150 mm. 320 feuillets® en 21 cahiers, répartis comme suit : V4
VII-X 16
XL 12: XH-XXT6
sans'sienatures si réclamess!
Feuillets réglés ou non, selon les copistes ; justification moyenne : 140 x 95 mm. Ecritures cursives livresques de diverses mains victorines®, à longues lignes, environ 30 lignes par feuillet.; au fol. 318, table d’une main contemporaine, complétée au fol. 319 rO par Claude
de Grandrue.
Initiales réservées au début de chaque texte,
avec ou sans préparation. Reliure contemporaine, à ais de bois, recouverte postérieurement de veau havane ; pièce de titre ajoutée au XIXE siècle.
(1) Autres cotes anciennes : Cg 18, 137, 683.
(2) Variante de Briquet NO 6911, attestée à Paris en 1460. (3) Variante de Briquet, NO 385, attestée à Saint-Denis en 1465. (4) Foliotation: fin du XVE siècle. Les fol. 155 r© à 160 vo sont blancs. (5) Sauf aux feuillets 28, 100 et 116. (6) Certaines se rencontrent fréquemment dans d’autres manuscrits exécutés à St-Victor vers la même époque.
XCIII
IV PLAN DE L’ÉDITION PRÉSENTATION
DES TEXTES
Les textes que nous publions ne sont pas inédits. Notre entreprise se justifie par les transcriptions inégales ou défectueuses dont ils ont fait l’objet ;nous croyons par ailleurs plus conforme à la réalité historique la présentation que nous proposons. La première édition moderne fut celle de Beck!, basée sur le ms. fr. 604 de la Bibliothèque Nationale. Sans être la plus mauvaise des copies, celle-ci présentait nombre d’erreurs et de lacunes?. Cependant la transcription en est honnête; l’ordre des pièces, conforme à celui du manuscrit, reproduit le premier dossier de Christine. Mais l'éditeur ignorait que Gontier Col avait un frère dénommé Pierre: il déclara donc inauthentique la rédaction des épîtres renfermant un traité contre les écrits de ce personnage manifestement inexistant. L'édition de Ward, plus connue, a été sévèrement critiquée4. La transcription des épîtres de Christine, d’après le manuscrit de base B. N. fr. 835, est dans l’ensemble correcte$ ; celle des épîtres de Pierre Col est franchement illisible. L'édition donne en outre, non pas le texte authentique du traité de Gerson, mais la traduction de
Wympfeling publiée dans l’ancienne édition Du Pin.
Je ne puis
(1) Édition citée. Voir plus haut, p. ix, n.6. (2) Le choix de ce manuscrit a peut-être été dicté par une remarque de Paulin
Paris, pour qui il s'agissait d’un manuscrit autographe (Les Manuscrits françois de la Bibliothèque
du roy,
t. V, Paris, Techener,
1842, en 174 er ÉcR edk;
p. v-vi). (3) Éd. Beck, p. 22-25; cf. PIAGET,
Chronologie des Epistres sur Le Roman
de la Rose, p. 116. (4) Par Langlois (« Romania» XLV, p. 24, n. 3); par Combes (Jean de Montreuil, passim) et par Ornato (JEAN DE MONTREUIL, Opera, t. I, Introduzione, p. Ixvu). (5) La lecture en est alourdie, toutefois, par une ponctuation parfois vicieuse,
ainsi que par l’usage des conventions orthographiques en vigueur dans l'édition des classiques latins (non-différenciation des graphèmesu /veti/}). (6) Opera, t. III, col. 293.
INTRODUCTION
XCIV
croire, comme l’a suggéré Langlois 7, que Ward ait réellement ignoré l'existence d'une «version» française : celle-ci avoisine avec les épîtres de Pierre Col dans un manuscrit bien connu
de l'éditeur, mais
qui lui posait des problèmes évidents. Dans l’épître Taha de me, publiée également d'après l’édition Du Pin, Gerson précisait que sa Vision avait été rédigée en français8: on comprend en ces circonstances l’'étonnement de Combes, qui n’hésita pas à déclarer que Ward n'avait pas lu les textes qu'il éditait?. Quant aux épîtres de Montreuil, elles sont données d’après l’Amplissima collectio 1° ; dans cette transcription au second degré les fautes de lecture se sont multipliées!!. Il n’y a pas lieu de revenir ici sur ces erreurs anciennes, si ce n'est pour affirmer la nécessité de rééditer les textes. Surtout, Ward avait pris sur lui de dépecer les dossiers constitués
par les éditeurs originaux, afin d'établir une édition conforme à la chronologie de Piaget. Or si celle-ci demeure irréprochable, les textes, ainsi alignés, perdent leur orientation première: c’est évidemment le cas desépiîtres dédicatoires, publiées à la suite des documents qu’elles présentent; la perte de la disposition originelle est plus grave encore, car ce sont les dossiers, bien plus que les épîtres, qui s’imposent comme documents à l'historien. Nous tenons donc avant tout à respecter l’ordre des pièces donné par les différents manuscrits. Le dossier réuni par Christine de Pizan, le IT février 1402, est la meilleure
introduction aux événements.
En effet, il serait difficile
de se faire une idée juste de la correspondance de Montreuil sans avoir pris connaissance de la nature de son engagement. Dans l’état actuel de nos connaissances, le réfutation de Christine est la
meilleure introduction au traité perdu. Nous présentons les épîtres de Montreuil à la suite du dossier de Christine, dans l’ordre de leur apparition dans le manuscrit autographe. Cet ordre est également l’ordre chronologique. Dans le cadre de leur référence temporelle, ces pièces gravitent autour du premier (7) «Romania»
XLV, p. 24.
(8) «(...) nuper ediderim gallico sermone (...) oracionem non contra Insanum
Amatorem sed adversus scripta (...) Infra, p. 162 / 12-14. (9) «(...) cet érudit, qui n’avait sans doute pas à lire les documents qu'il éditait (...)» Jean de Montreuil, p. 116. (10) MARTENE et DURAND, Veterum
Scriptorum
t. Il, Paris, 1724, col. 1419 D -1420 C, 1421 A-1422
Amplissima
Collectio,
C, 1422 E-1423
C (épi-
tres Cum ut dant, Scis me, Etsi facundissimus). (11) Voir les erreurs relevées dans la courte notice de M. Ornato (loc. cit.).
PLAN DE L'ÉDITION
XCV
dossier : l’épître Cum ut dant est contemporaine à la rencontre initiale, rapportée par le procès-verbal placé en tête des épiîtres françaises ;les épîtres 118 à 122 datent de la première diffusion de la réponse de Christine; l'épître Ut sunt mores évoque la «publication» de l’ensemble du dossier. Le dossier Pierre Col constitue le complément indispensable au dossier soumis à la reine Isabeau : il complète harmonieusement la série des documents français. C’est le témoignage unique des épîtres du chanoine. Le texte qu'il offre du traité de Gerson ne cède en rien à celui de l'édition Langlois, d’ailleurs excellente. Quant aux deux traités de Christine de Pizan, leur témoignage doit remonter aux épîtres reçues par Pierre Col ; il soutient fort bien la comparaison avec les manuscrits de la poétesse. La reproduction du petit traité de Christine ne fait pas double emploi ici, puisqu'il s’agit d’une version corrompue, celle même qu’a connue son correspondant : l'intérêt littéraire et historique du document est donc considérable. En revanche nous faisons abstraction du deuxième dossier de Christine, qui n’est autre que le premier, grossi de l’épître à Pierre Col. Cette seconde pièce est évidemment comprise dans le dossier réuni dans l’entourage de celui-ci et conservé dans un manuscrit du
Roman de la Rose. Nous présentons toutefois, à la place que nous croyons être la sienne, une quatrième tranche de documents: les trois poèmes se rattachant à la nouvelle édition, presentée par le manuscrit de Berkeley et les deux grands recueils tardifs (manuscrits
de la rédaction B). L'épître Talia de me forme la cinquième et dernière partie de notre édition. Nous avons cru devoir y joindre deux appendices : le premier est composé des passages pertinents des sermons de la série Poenitemini, qui débordent le cadre de notre édition ainsi que celui du débat !? : le second présente quelques extraits de la Cité des dames, malheureusement encore inédite !3, évoquant la participation de l’auteur dans la querelle. Nous avons revu tous les manuscrits de toutes les pièces réunies
(12) Il est regrettable que L. Mourin n'ait pas achevé son projet de l'édition de ces sermons, annoncé dans Jean Gerson, prédicateur français. (13) M. Lange m’a annoncé
qui n’est autre
la soutenance
de sa thèse,
à Hambourg (1975),
qu’une édition du texte; on connaît également le projet de
M. Curnow, de Missoula (Montana, Etats-Unis).
XCVI
INTRODUCTION
dans ce volume!4.
Pour les deux dossiers de la querelle, nous don-
nons une édition véritablement critique, selon les principes dégagés au chapitre précédent. Notre édition des épîtres de Jean de Montreuil est conforme à nos propres usages, mais ne constitue pas, VIS à VIS de l'édition Ornato, une amélioration nette : nous avons pu y relever quelques coquilles, mais ce travail est, dans l’ensemble, un modèle
du genre. Notre transcription de l’épître Talia de me est en revanche la seule exacte qui ait paru jusqu’à ce jour.
CONVENTIONS
TYPOGRAPHIQUES
Nous avons pris résolument le parti de mettre les ressources de la ponctuation moderne au service d’une syntaxe tortueuse, alambiquée, parfois obscure. Nous croyons faire preuve de méthode, mais non d'invention, en établissant les usages suivants :
— les crochets droits ([]) sont réservés aux leçons conjecturales, au demeurant rares, ainsi qu’aux références aux vers du Roman de la Rose cités par Pierre Col. — les crochets pointus ((}) sont réservés aux accords syn-
taxiques et autres effectués par les protagonistes dans leurs citations des pièces adverses. — lorsque les citations sont longues, nous reportons les guillemets aux marges, au début de chaque ligne : notre intention est surtout de délimiter les citations dans les citations. — nous faisons un usage très large des tirets, en raison du
grand nombre d’écarts syntaxiques — souvent considérables —, et tout particulièrement lorsque la phrase suspendue revient au point de départ. C'est dire que les tirets vont presque toujours par paires. [ls servent aux
apostrophes — à moins que la principale ne soit apostrophe —, mais ne servent pas aux verbes du discours dans les citations,
ni à la locution
sauve
vostre grace,
à la
limite de l’apostrophe.
(14) A l'exception de La Cité des dames, bien entendu. Texte d’après B. N. fr. 607; mss. de contrôle: British Library, Harley 4431, B. N. fr. 1178.
PLAN DE L'ÉDITION
XCVII
— la virgule suivie d’un tiret sert aux clausules en fin de phrase, assez nombreuses, dont le rapport syntaxique à l’ensemble est plus ou moins lâche.
— les deux points dénotent une conséquence logique: cet usage peut s'étendre aux phrases débutant par car ou par st, mais non à celles introduites par ains, non obstant où puis que. Lorsqu'une seconde conséquence intervient à la suite d’une première, elle est signalée par
la virgule suivie d’un tiret. — le point-virgule est réservé aux constructions parallèles, l'emploi des tirets permettant de distinguer les temps les plus forts dans l'articulation des subordonnées. Nous observons, quant aux accents dans les textes en prose, quelques usages que nous souhaiterions plus répandus:
— nous admettons l’emploi de l’aigu sur certains monosyllabes (e.g., gré, nés).
— nous utilisons le tréma dans la distinction des homonymes apparents (e.g., oy/o7 ; trais /trais ; pais / pais).
Dans le ms. B. N. fr. 12779 (notre manuscrit de base pour le premier dossier de Christine), le graphème z ne s'oppose pas rigoureusement à s:1l peut être signe du pluriel et revêtir d’autres fonctions syntaxiques inhabituelles, notamment à la suite de l’e atone, ainsi : «[tu]
t’esforces
et
estudiez»
(première
épître
de Gontier
Col).
L'emploi de l’aigu s’irnpose donc, dans la transcription de ce manuscrit, pour l’e tonique suivi de z (e.g., asséz).
Dans les textes en français nous distinguons 7 voyelle et7 consonne, de même que les graphèmes #/v, recouverts par le seul signe
manuscrit 4. Dans les textes latins cependant, nous ne faisons pas emploi de la lettre 7?minuscule. Les chiffres romains sont transcrits en minuscules, sauf les multiplicateurs. En délimitant les frontières de certains mots, nous tirons parti de l'adjectif intercalé: ainsi mon seigneur, d’après mon chier seigneur. Nous séparons tres de son adjectif, bien que l’usage des manuscrits soit instable sur ce point. Nous corrigeons systématiquement le démonstratif ce, lorsqu'il est mis pour la conjonction se, et vice versa. Nous corrigeons de
XCVIII
INTRODUCTION
même cil pour sl, etc. Il est fait état de ces corrections, toutefois,
dans notre apparat critique. Le nom Cristine n’est jamais écrit en toutes lettres dans les manuscrits originaux ; la graphie que nous adoptons est conforme à la résolution du mot Crist dans les textes de l’époque (xpt analogue à xpine), ainsi qu'aux anagrammes donnés par la poétesse, qui ne font jamais état de la lettre b (exemple : creintis pour Cristine)!S.
NOTES CRITIQUES
Nos notes critiques se répartissent en deux catégories. La première est consacrée aux leçons de nos manuscrits de base non conservées;
nous les reproduisons, éventuellement suivies de témoignages concordants,
avant un crochet droit (]J).
Nous donnons ensuite, après
le crochet droit, les sigles des manuscrits dont nous avons préféré la leçon, et entre parenthèses, le cas échéant, les témoignages apparen-
tés ou variantes de celle-ci. Les sigles sans chiffre s'entendent pour l’ensemble des manuscrits d’une famille donnée. Ainsi la mention: «t., f.,et compilee, A2 3] 44;B;C», à la quarante-deuxième ligne du pétitetraitér-de Christine, “arile l’accord entre trois témoignages apparentés de la première rédaction, dont le manuscrit de base A7 ; cette leçon s'oppose à un autre témoignage de la même rédaction (Ag), celui-ci en accord avec les leçons des trois manuscrits de la famille B ; une leçon identique se rencontre dans le manuscrit C, té-
moignage unique et, quant à sa filiation, indépendante. C’est donc celle-ci («traittee, faicte et accomplie») que nous adoptons dans notre texte. Notre seconde série de notes est un relevé de variantes complet,
à l'exclusion des seules variantes orthographiques. Nous espérons fournir ainsi une documentation exacte et exhaustive sur les rapports textuels entre les différents manuscrits collectifs : l’ascendance des Epitres importe à l'établissement de divers autres textes, dont la tradition manuscrite peut être imbriquée dans la nôtre. Nos deux catégories de notes ont reçu une typographie différente. Il est entendu que ce système ne vaut que pour les documents de la (15) Signature de l’Epistre au Dieu d'amours. Cf. encore le refrain de la dernière des Cent ballades : «En escrit y ay mis mon nom.» Dans le ms. B. N. fr. 835 (ms. A7 de l'édition Roy), la lettre p du mot escript a été grattée ;rappelons que certaines corrections dans ce manuscrit paraissent remonter à l’auteur.
PLAN DE L'ÉDITION
XCIX
série française, les textes latins étant donnés par des témoignages uniques. Nous relevons donc pour ceux-ci les leçons non retenues, sans mention particulière. Nous avons fait de même dans notre transcription de la seconde version du premier traité de Christine (ms. C),
où le relevé de variantes eût été identique à celui de la version A. REMARQUE
SUR LA TRADUCTION
En traduisant ces textes, nous avons cherché surtout à faire œuvre
utile. Lire le latin de Jean de Montreuil peut paraître une gageure ; celui de Gerson est difficilement conciliable avec le génie de la langue moderne. Nous ne nous serions pas aventuré sur ce terrain sans les conseils bienveillants de nos amis de l’équipe sur l’'Humanisme français au XIVE et au XVE siècles (C.N.R.S.).
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LE DÉBAT SUR LE ROMAN DE LA ROSE
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CHRISTINE
DE PIZAN, GONTIER COL
EPISPRES DEPDEPBATSUS
LE "ROMAN DE LA ROSE
SIGLES
MS DE BASE
Ay
AUTRES
Paris, Bibliothèque Nationale fr. 12779
MANUSCRITS
A)
Chantilly, Musée Condé ms. 492
A3
Paris, Bibliothèque Nationale fr. 604
A4
Bruxelles, Bibliothèque Royale ms. 9561
By B>
Berkeley, University of California General Library ms. 109 Paris, Bibliothèque Nationale fr. 835
B3
London, British Library, Harley 4431
C
Paris, Bibliothèque Nationale fr. 1563
141c
CY COMMENCENT LES EPISTRES DU DEBAT SUS LE ROMMANT DE LA ROSE ENTRE NOTABLES PERSONNES : MAISTRE GONTIER COL, GENERAL CONDU ROY, MAISTRE JOHAN JOHANNEZ, SEILLIER ET CRISTINE DE PIZAN
[1] LA PREMIERE EPISTRE, À LA ROYNE DE FRANCE A tres excellent, tres haulte et tres redoubtee princes-
se, ma dame VYsabel de Baviere, par la grace de Dieu royne de France
15
Tres haulte, tres puissant et tres redoubtee dame, toute humble recommandacion mise avant toute œuvre. Et commeje aye entendu que vostre Tres Noble Excellence se delicte a oir lire dittiéz de choses vertueuses et bien dictes — laquelle chose est accroissement de vertus et bonnes meurs a vostre noble personne, car si comme dit un saige : «Vertus avec vertus, sagesce avec noblesce rendent la personne reverend» (qui puet estre entendue parfaicte) —, et, ma tres redoubtee, pour
20
ce que telle vertu est trouvee en vostre est chose convenable que dictiéz de soient presentéz comme a souveraine. ple et ignorant entre les femmes, vostre
noble entendement, choses esleues vous Pour tant, moy simhumble chamberiere
13 dicties, A4 (ditties, A2 3) ] B Rubriques : 1 le livre des epistres sur le rommant de la rose en tête B23 (les e. sus B2) — Cy aprés s’ensuivent les epistres A7 — Ci commence le livre des e. B3 — 3 le prevost de Lisle devant maistre Gontier B3 — general. Johannez manque B3 — 4 roy nostre sire By,2 — et m. J.B> — 5 maistre Pierre Col devant et Cristine B2, m. P. C. son frere B3 — et demoiselle C. Ag
Cristine en tête de l’épître B3 — 6 a la royne de France manque Ag — 7 damece B2 — 8 ma redoublé A — 10 A tres h. (rubrique) A4 — 11 tout o. B3 — 12 t. noble personne B> — 13 a ouir les redittiés A4 — 14 et de bonnes B3 — 17 r. dame 42,3 — 19 esleus Ag — 20 presentees A4
CHRISTINE
DE PIZAN
soubz vostre obeissance, desireuse de vous servir se tant va141d 25
30
loye en la confiance de vostre benigne humilité, sui meue | a vous envoyer les presens epistres, esquelles, ma tres redoubtee dame — s’il vous plaist moy tant honnourer que oir les daigniéz —, pourréz entendre la diligence, desir et voulenté ou ma petite puissance s’estent a soustenir par deffenses veritables contre aucunes oppinions a honnesteté contraires, et aussi l’onneur et louenge des femmes (laquelle pluseurs clercs et autres se sont efforciéz par leurs dittiéz d’amenuisier, qui n’est chose loisible ne a souffrir ne soustenir). Et combien que foible soye pour porter tel charge contre si soubtilz maistres, non obstant ce, comme de verité meue —ainsi com-
35
me je sçay de certaine science leur bon droit estre digne de deffence —, mon petit entendement a voulu et veult soy emploier, comme cy appert eten autres miens dictiéz, a debatre
leurs contraires et accusans.
Si suppli humblement Vostre
Digne Haultesce que a mes raisons droicturieres, non obstant 40
que ne les sache conduire et mener par si beau lengage comme autre mieulx le feroit, y vueilliéz adjouster foy et donner faveur de plus dire se plus y sçay. Et tout soit fait soubz vostre saige et benigne correction. Tres haulte et tres excellent, ma tres redoubtee dame, Je
45 142a
pri la vraye Trinité que vous octroit bonne vie et longue, et acomplissement de tous voz bons desirs. Escript la veille | de la Chandeleur, l’an mil -IIIIC: et ung. La toute vostre tres humble creature, Cristine de Pizan
44 pri a la v., 4 3] A; B 22 de manque devant vous By — leurs d. By —
31 loisible as. B—
25 dame manque A4 — neas.
A2 3 —
28 honnestee A4 —
30 d'a. par
32 a porter By — 36 ycy B — 40 foy et
donner manque A4 — 41 soubz manque B3 — 44 qu'il A2 3 4 ; B2, qui B3 — 46 la veille de redoublé A2 3 — vi A3 ; B2 — 47 tres manque B2
ÉPITRES DÉDICATOIRES
7
[1] A mon tres chier seigneur, noble chevalier et saige, messire Guillaume de Tygnonville, prevost de Paris.
10
À vous mon seigneur le prevost de Paris, par la grace de Dieu et providence de vostre bon sens esleu à si digne siege et office comme garde de si haulte justice, recommandacion avec obeissance premise de par moy Cristine, foible d’entendement et la mendre des femmes desireuses vie honneste. Savoir vous fais que soubz la fiance de vostre sagesce et valeur suis meue a vous segnefier le debat gracieux et non haineux meu par oppinions contraires entre solempneles personnes : maistre Gontier Col, a present general conseillier du roy nostre
15
142b
20
25
sire, et maistre
Jehan Johannes,
prevost
de
Lisle et secretaire du dit seigneur, duquel dit debat vous pourrés oir les premisses par les epistres envoiees entre nous et par les memoires que de ce feront si aprés mencion ; de laquelle chose, tres saige prevost, je supplie vostre humilité que non obstant les labourieuses occupacions de | plus grans et neccessaires negoces, vous plaise par maniere de soulas vouloir entendre les raisons de noz descors. Et avec ce suppli
la bonne discrete consideracion de vostre savoir que vueille discuter et proprement eslire le bon droit de mon oppinion, non obstant ne le saiche vivement divulguer ne mectre en termes consonans et propices a la deffense de mon dit droit, si comme autre mieulx le sauroit. Pour ce requier vous, tres sçavant, que par compassion de ma femmenine ignorance, vostre humblece s’encline a joindre a mes dictes vraies oppinions par si que vostre saigesce me
13 Lisle, secretaire, A; 3] A3 PBENS
de ce aprés feront mencion, A2 3] Ag; B
— 27 par ce que v.s., A2 3] A4 ; B la seconde epistre en tête By 2 — 6 premisse A; — C. de Pizan 42,3 — 13 dit manque devant debat A2 3 — 16 humblece By — 17 grandes B) — 22 la sache Bj — 27 mes dittiez v. o. B — pour ce B2
CHRISTINE
30
DE PIZAN
soit force, ayde, deffense et appuyal contre si notables et esleuz maistres, desquelx les subtiles raisons auroient en petit d’eure mis au bas ma juste cause par faulte de savoir soustenir; et par ce, comme
bon droit ait mestier d’aide, soubz
vostre aliance soye plus hardiement inanimee de continuer la guerre encommencee contre les diz puissans et fors. Et de 35
142c
ce vous plaise ne estre reffusant pour consideracion de leur grant faculté et la moye petite, comme vostre bon sens soit expert qu’il appertiengne a vostre office soustenir en tous cas la plus foible partie par si que cause ait | juste. Aussi, chier seigneur, ne vous soit a merveille, pour ce que
40
mes autres dictiéz ay acoustuméz a rimoyer, cestui estre en prose. Car comme la matiere ne le requiere autressy, est droit queje suive le stille de mes assaillans, combien que mon petit sçavoir soit pou respondant a leur belle eloquence. Si vous octroit paradis cil qui toutes choses a crees.
[111]
COMME ja pieça paroles feussent meues entre mon seigneur le prevost de Lisle, maistre Jehan Johannes, et Cristine de
Pizan touchans traictiéz et livres de pluseurs matieres, esquelles dictes paroles le dit prevost ramentut Le Rommant de la Rose en lui actribuant tres grant et singuliere louenge et grant dignité, de laquelle chose en repliquant et assignant pluseurs raisons la dicte dist que, sauve sa reverence, Si grant
louenge ne lui appertenoit selon son avis: ITEM, aprés pluseurs jours le dit prevost envoya a la dicte Cristine la copie d’une epistre, laquelle adreçoit a un sien amy
41 quej'ensuive, A) 3] Ag :;.B 30 de soustenir
B2 — 36 tel cas
By — 38 a manque
B — 42 loquence
B2 — 43 crees
BJ
(s.m.)
2 provost A2 — 4 dictes r#7anque B3 — 4 provost A3 — 5 Rosa B2 — 7 la d. Cristine B3 — 9 envoya le d.p. B — la dicte manque B3 — 10 un epistre B3
A2 3;
HISTORIQUE notable clerc, lequel dit clerc, meu
1424 15
9 de raison, estoit de la
mesmes oppinion de la dicte contre le dit rommant, et pour lui ramener avoit le dit prevost escript la dicte epistre moult notablement aournee de | belle rethorique, et pour estre en deux pars vallable, envoya a elle ycelle;
ITEM, comme la dicte, veu et consideré la dicte epistre, rescript au dit prevost, si comme cy aprés pourra estre veu ; ITEM,
comme
aprés ces choses venist a congnoissance a no-
table personne, maistre Gontier Col, que la dicte Cristine 20
avoit escript contre Le Rommant de la Rose, lequel, comme
inaniméz contre elle, lui escript la present epistre qui s’ensuit:
[IV] À prudent, honnouree et sçavant damoiselle Cristine.
Femme de hault et eslevé entendement, digne d’onnour et recommandacions grans. J’ay oÿ parler par la bouche de pluseurs notables clers que entre tes autres estudes et euvres vertueuses
10
143a
21
moult a louer (comme j’entens par leur relacion),
tu as nouvellement escript par maniere de invettive aucunement contre ce que mon maistre, enseigneur et famillier, feu maistre Jehan de Meun — vray catholique, solempnel maistre et docteur en son temps en saincte theologie, philosophe tres parfont et excellent sachant tout ce qui a entendement humain est scible, duquel la gloire etrenommee vitet vivra | es
le dit R., 42 3] 44 ; B
11 le dit clerc manque B3 —
12-13 le dit... avoit manque A3 — 13 à Ja dicte Cristine B2,3
— 15 ycellui B3 — 16 comme Cristine B2 3 — escript B2 — 19 R., si luy envoya la p. B2 — 20 comme manque B3 = 21 contre luy By — le present e. A3
maistre Gontier Col en tête B — 1 C. de Pizan A2,3 — 4 plusieurs et notables B3 — tes Az — 7 maistre et seigneur Ag — 10 et manque A3 — humain manque A4
5 jen-
GONTIER COL
10
aages avenir entre les entendemens par ses merites levéz, par grace de Dieu et euvre de nature —, fist et compila ou livre de la Rose;
et comme
dient les relateurs ou refferandaires
de ceste chose, t’esforces et estudiez de le repprendre et chargier de faultes en ta dicte œvre nouvelle: laquelle chose me
vient a grant admiracion et merveille inestimable, et ad
ce non croire me muet l’experience etexercite de toy d’avoir sceu, leu et entendu lui ou dit livre et en ses autres fais en 20
françoys, et autres pluseurs et divers docteurs, aucteurs et poetes. Et pour ce que les denonciateurs de ceste chose tiennent et gardent — les aucuns par aventure comme envieux sur les fais du dit feu maistre Jehan — ta dicte invettive comme cho-
25
30
se singuliere et haultement composee, edifiee et conduite a leur plaisir et entencion, si que de eulx n’en puis avoir coppie ne originel, te pry et requier sur l’amour que tu as a science que ta dicte œvre telle que elle est me vueilles envoier par cest mien message ou autre tel comme il te plaira, affin que sur ce je puisse labourer et moy employer a soustenir mon maistre et ses fais : dont il ne feust ja besoing que moy ne autre
143b
35
40
mortel
s’en meslast
s’il feust en vie, laquelle mieulx
ameroye | avoir esté en mon temps que estre empereur des Rommains presentement. Et pour toy remener a vraye verité et que plus avant saiches et congnoisses les fais du dit de Meun, pour toy donner matiere de plus escrire contre lui se bon te semble, ou a tes satalites — qui en ce fait t’ont boutee pour ce que touchier n'y osoient ou ne sçavoient, mais de toy veullent faire chappe a pluie pour dire que plus y sauroient que une femme et plus reprimer la renommee indefficient entre les mortelx d’un tel homme —, t’envoye patentement et hastivement un pou de Tresor qu'il compila pour estre de ses envieux et des autres congneu a sa mort (lequel est incorrect par faulte d’escripvain
12 louez, À; 314 ; B — 30 pensse 1.] À ; B — 38 satalices, A3,4; B3] A2 "B12— 43 des autres, A) 3] Ag ; By (de autres, B2 3) — 44 de l’escripvain, A2 3144 :B 12 contre les e. A3 — enseignemens A4 — 15 la reprendre B — 24 J. de Meun B2 3 — 25 et edifiee By 3 — 27 tu manque B3 — 28 telle quelle me A2,3, qu'elle est A4 ; By — 33 aimeroit mieulx A4
À DEMOISELLE
45
CRISTINE
11
qui pas ne l’entendy, comme il y pert, et n’ay eu espace ne loisir de le veoir ne corrigier au long pour la haste et ardeur que je ay de veoir ton dessus dit œvre, et mesmement
qu'il
est a supposer que bien sauras les faultes de l’escrivain en ceste compilacion corrigier et entendre). 50
Quant ad ce qu'il fist du livre de la Rose, ou plus a lectres
et sentences estranges et diverses (l’as voulu ou osé charger, corrigier et reprendre, comme
ilz dient), une chose ne vueil
oublier ne passer soubz dissimulacion
: que se de ce ne te
rappelles et desdis, je, confiant de bonne et vraye justice et
que verité qui ne quiert | angles sera o moy — combien que en grans autres occupacions soye de present astraint et aye
143c
esté le temps passé —, entreprendray le soustenir contre tes
et autres escrips quelconques. Escript hastivement, presens 60
maistre Jehan de Quatre
Mares, Jehan Porchier, conseilliers, et Guillaume de Neauville,
secretaire du roy nostre sire, le mardy -xiii®- jour de septembre, lan mil IC. et i. Le tien, tant comme loy d’amistié puet souffire,
Gontier Col Secretaire du roy nostre sire
65
[V] A moult souffisant et sçavant personne, maistre Jehan Johannez, secretaire du roy nostre sire.
Reverence, honneur avec recommandacion, a vous mon seigneur le prevost de Lisle, tres chier sire et maistre, saige en 5
meurs, ameur de science, en clergie fondé et expert de retho-
47 qu’il est a supposer manque, A] B 45 point ne B2 — 46 ou long À ; B2,3 — 49 en ceste brieve c. By, excripvain corrigier brieve compilacion corrigier B3, en ceste compilacion manque B3 — 50 et quanten B — 55 avec moy A4 — 59 maistre manque B3 — 62 vii A3 — 63 tant que B2
Cristine en tête de l'épître B —
1 sçavant et souffisant B2 — 2 sire et prevost de Lille B
12
CHRISTINE
DE PIZAN
rique, de par moy Cristine de Pizan, femme ignorant d’enten-
10 1434
dement et de sentement legier — pour lesquelles choses vostre sagesce aucunement n'ait en despris la petitesse de mes raisons, ains vueille supploier par la consideracion de ma femmenine foiblece. Et comme il vous ait pleu de vostre bien, dont vous mercy, | moy envoier un petit traictié ordenné par belle rethorique et voirsemblables raisons (lequel est de voz diz fait en reprenant, comme
il me semble, aucuns blameurs
de la compilacion du Rommant de la Rose en aucunes pars is
2o
25
3o 1444
3s
et moult soustenant ycellui et approuvant l’uevre et les aucteurs d’icelle et par especial Meun), je, ayant leu et considéré
vostre dicte prose et compris l'effet selon la legiereté de mon petit engin — combien que a moy ne soit adreçant ne response ne requiert, mais meue par oppinion contraire a voz dis et accordant a l’especial clerc subtil a qui vostre dicte espistre s’adrece —, vueil dire, divulguer et soustenir manifestement que, sauve vostre bonne grace, a grant tortet sans cause donnéz si perfaicte louenge a celle dicte euvre, qui mieulx puet estre appellee droicte oysiveté que œvre utile, a mon jugement. Et combien que moult reprenéz les contredisans, et dictes que «grant chose est d’ainsi comprendre ce que un autre dit tesmoingne ; mieulx a construit et mis sus par grant estude et along trait», etc., ne me soit imputé a presompcion d’oser repudier et reprendre acteur si solennel et tant subtil ; mais soit notee la ferme et grant oppinion qui me muet contre aucunes particularitéz qui ou dit sont comprises — et, au fort, chose | qui est dicte par oppinion et non de loy commandee se puet redarguer sans prejudice. Et combien que ne soye en science aprise ne stillee de lengage subtil (dont Sache user de belle arenge et mos polis bien ordonnéz qui mes raisons rendissent luisans), pour tant ne lairay a dire ma-
teriellement et en gros vulgar l’oppinion de mon entente,
13 fait comme il me semble en r. (f. si c. il me s. enr. » A2 3)] A4 ; B (reprouvant, B3)> C — 21 et soustenir manque, A2 2144: :B;C— 23 m. doit, A] BC
(cf. infra, l. 40) —
30 grant et ferme, A2 3l A1: BC
8 n'ait aulcunement By — 9 la manque Bj — 11 ordonné 42,3 — 15 icelluy manque B2 3 — 20 dicte manque A4 — 22 benigne g. Ag — 29 si subtil Ag — 31 ou dit rommant Ay — 35 user par b. B>
AUIPREVOSMDEUMISLE
13
tout ne la saiche proprement exprimer en ordre de paroles 40
45
aournees. Mais pour quoy ay je devant dit que «mieulx puet estre appellee oysiveté...»? Sans faille,ilme semble que toute chose sens preu, non obstant soit traittee, faicte et accomplie a grant labeur et paine, puet estre appellee oyseuse ou pis que oyseuse de tant come plus mal en ensuit. Et comme ja pieça pour la grant renommee commune du dit rommans desiray le veoir, aprés que congnoissance m’'ot un petit fait enten-
50
144b 55
60
65
70
dre choses subtiles, le leu et consideray au long et au lé le mieulx que le sceu comprendre. Vray est que pour la matiere qui en aucunes pars n’estoit a ma plaisance m'en passoye oultre comme coc sur brese : si ne l’ay planté veu. Neantmoins demoura en ma memoire aucunes choses traictees en lui que mon jugement condempna moult et encore ne puet approuver pour contraire louenge d’autre gent. | Bien est vray que mon petit entendement y considere grant joliveté, en aucu-
nes pars, tres et par moult ne mieulx ne mesuréz trais
sollennellement parler de ce qu'il veult dire — beaulx termes et vers gracieux bien leonimes : pourroit estre dit plus soubtilment ne par plus de ce que il voult traictier. Mais en accordant
a l’oppinion
a laquelle contrediséz,
sans faille, a mon
avis,
trop traicte deshonnestment en aucunes pars — et mesmement ou personnage que il claime Raison, laquelle nomme les secréz membres plainement par nom. Et a ce que son oppinion soustenéz et communiqués que ainsi doye raisonnablement estre fait, et alleguéz que es choses que Dieu a faictes n’a nulle laidure et par consequent n’en doit le nom estre eschivé, je dy et confesse que voirement crea Dieu toutes choses pures et nectes venans de soy, n’adonc en l’estat d’innocence ne eust esté laidure les nommer ; mais par la pollucion de pechié devint homme inmonde, dont encore nous est demouré pechié originel (ce tesmoingne
l’Escripture
saincte).
Si
come par comparoison puis alleguer : Dieux fist Lucifer bel 38 le saiche, A]B ; C — 42t.f.et compilee, A2 3]44: ;: B ; C — 44 mal en suit, A]B ; C — 66 vrayement, ‘A]B; (C, A]B;C—-48 Le 40 dit devant B2 3 — 48 le peuz c. Ag —
42 soit elle traicte B3 — 45 r. comme du By, 2 —
47etalez A4 —
54y manque A4 — 56etbienl. B3 — 63 estre raisonnablement Ag —
71 par comparoison manque B2
14
CHRISTINE
DE PIZAN
sur tous anges et lui donna nom tres solennel et bel, qui puis fu par son pechié ramené a horrible laidece ; par quoy le nom,
144€
tout soit il | de soy tres bel, si donne il horreur aux oyans
75
pour l'impression de la personne. Encore proposéz que Jhesu Crist, «en parlant des pecheresses, les appella meretrix», etc. Et que il les appellast par cellui nom vous puis souldre que cellui nom de meretrix n’est mie deshonneste a nommer selon la vilté de la chose — et plus vilment pourroit estre dit mesmes en latin. Et que honte doye estre deboutee en parlant en publique des choses dont nature mesmes se hontoye, je dis que, sauve la reverence de l’autteur
80
et la vostre,
8s
grant tort commectéz
contre la noble vertu de
honte, qui de sa nature reffraint les goliardises et deshonnestetés en dis et fais ; et que ce soit grant vice et hors ordre de pollicie honneste et de bonnes meurs appert en mains lieux de l’Escripture saincte. Et que ne doye estre repudiéz le nom «ne que se reliques feussent nommees», je vous confesse que
90
le nom ne fait la deshonnesteté de la chose, mais la chose fait le nom deshonneste. Pour ce, selon mon foible avis, en doit
95
estre parlé sobrement — et non sans neccessité — pour fin d'aucun cas particulier, comme de maladie ou autre honneste neccessaire. Et si come naturellement les mucierent noz premiers parens, devons faire en fait et en parole. Et encore ne me puis taire de ce, dont trop suis mal content : que l'office de Raison, laquelle il mesmes
1444
100
dit fille de
| Dieu, doye mectre avant telle parole et par maniere de proverbe comme je ay notee en ycellui chapitre, la ou elle dit a l’Amant que «en la guerre amoureuse... vault mieulx deceVoir que deceuz estre». Et vrayement je oze dire que la Raison maistre Jehan de Meun renia son Pere a cellui mot, car
trop donna autre doctrine.
Et que mieulx vaulsist l’un que
l’autre, s’ensuivroit que tous deux feussent bons : qui ne puet
estre.
Et Je tiens par oppinion contraire que mains est mal,
82 que manque, A2 3] Ag:B;C 73 laideur A4 — 74 tres bel de soy A4 — 77 Et manque B — 78 de meretrix manque BJ — 81 reboutee A4 ; B (deboutee C) — 85 g. vilté By — 86 p. bonne (barré) B) — 89 la chose deshonneste de la chose B3 — 92 de manque A4 — honnestete B> — 95 et manque Bj — me manque B2
AU PREVOST DE LISLE
10$
110
15
a realement parler, estre deceu que decevoir. Or alons oultre en considerant la matiere ou maniere de parler, qui au bon advis de pluseurs fait a reprouchier. Beaux Sire Dieux ! quel horribleté ! quel deshonnesteté ! Et divers reprouvéz enseignemens recorde où chapitre de la Vieille ! Mais pour Dieu ! qui y pourra noter fors ennortemens sophistez tous plains de laidure et toute vilaine memoire ? Hahay! entre vous qui belles filles avéz et bien les desiréz a entroduire a vie honneste, bailliéz leur, bailliéz et queréz Le Rommant
us
145a 120
de la Rose pour apprendre a discerner le bien du mal — que dis je ! mais le mal du bien ! Et a quel utilité ne a quoy prouffite aux oyans tant oïr de laidures ? Puis ou chapitre de Jalousie, pour Dieu ! quelx grans biens y peuent estre notéz, n'a quel besoing recorder les deshonnestetés et laides | paroles qui asséz sont communes en la bouche des maleureux passionnéz d'icelle maladie ? Quel bon exemple ne introducion puet estre ce ? Et la laidure qui la est recordee des femmes, dient pluseurs en lui excusant que c’est le Jaloux qui parle, et voirement fait ainsi comme Dieu parla par la bouche Jeremie.
125
130
Mais sans faille, quelxque addicions men-
çongeuses qu'il ait adjoustees, ne peuent — Dieu mercy ! — en riens amenrir ne rendre empirees les conditions des femmes. Hahay ! et quant il me souvient des faintises, faulx semblans et choses dissimulees en mariage et autre estat que l'en puet retenir d’icellui traictié, certes je juge que moult sont beaulx et prouffitables recors a oiïr ! Mais le personnage qu’il appelle le prestre Genius dit merveilles : sans doute les euvres de Nature feussent ja pieça du
tout faillies se il tant ne les eust recommandees ! Mais pour
113 et querez manque, À JB ; C(h., bailliés et querez) — 116 oïr tant, À NPC 123 D. qui parla, A]B (parla manque, Bj 3) ; C — 126 riens empirees (riens
—
empirier, A) 3 ; mais pour tant n’en puet de riens empirier, CAMES?
faille,
A]B ;C
105 royalment B2 — decevoir car trop est pire le vice de propre malice que celui de simple ignorance B — 106 maniere ou matiere By — 112 a manque devant entroduire B (de entroduire a maintenir h. v. C) — 114 a.et d. B3 — le manque devant bien Ag — 115 a manque devant quel A4 (C) — 123 ainsi manque Bj — 124 de Jheremie B3 (C) — 126 ou riens e. B2 — 127 f.; des faulz A4 — 129 y peut Ag (C) — 131 le manque devant prestre A3
CHRISTINE
16
135
145b
145
DE PIZAN
Dieu ! quiest cil qui me sceust declairier ou souldre a quoy puet estre prouffitable le grant procés plain de vitupere qu'il appelle sermon, comme par derrision de saincte predicacion, qu'il dit que fait cellui Genius, ou tant a de deshonnestetéz et de noms et de mos sophistez trouvéz plus actisans les secréz de Nature — lesquelx doivent estre teuz et non nomméz, puis que point ne voit on descontinuer l’uevre qui par | ordre commun faillir ne puet : car se autrement feust, bien seroit, pour le prouffit de generacion humaine, trouver et dire mos et termes actisans et enflammans pour inanimer homme a continuer l’œvre. Encore plus fist l’aucteur, se bien en ay memoire, dont
trop ne me puis merveillier a quel fin : car ou dit sermon il joinct avec, en maniere de figure, paradis et les joyes qui la sont. Bien dist que en cellui yront les vertueux, et puis con150
clut que tous entendent — hommes et femmes sans espargnier — a parfurnir et exerciter les euvres de Nature ; neen
ce ne fait excepcion de loy, comme se 1l voulzist dire — mais dit plainement ! — que 1lz seront sauvéz. Et par ce semble que maintenir vueille le pechié de luxure estre nul, ains vertu 155
— qui est erreur et contre la loy de Dieu. Ha ! quel semence et quel doctrine ! quans grans biens en peuent ensuivir ! Je
croy que maint en ont laissié le monde et entréz en religion ou devenus hermites pour celle saincte lecture, ou retrais de male vie et estre, sauvés de tel ennortement, 160
145c
165
qui sans faille
onques ne vint, dire l’ose a qui qu'il desplaise, fors de courage corrompu et habandonné a dissolucion et vice — qui puet estre cause de grant inconvenient et pechié. Et encore, pour Dieu ! regardons oultre un petit : en quel maniere puet estre vallable et a bonne | fin ce que tant et si excessivement, impettueusement et tres nonveritablement il accuse, blasme et diffame femmes de pluseurs tres grans vices
et leurs meurs tesmoingne estre plains de toute perversité ; et par tant de repliques et auques en tous personnages ne s’en
162 a quel, A) >] A4 ;B;C 134 cellui qui A7 — 137 de manque devant deshonnestetez A4 — 140 et puis que B — n'en V. By — on manque B2 — 145 l’aucteur manque B2 — 148 icellui A4 — 152 seront redoublé A3 — 155 orreur B3 — sentence A4 — 155 ensuir A2,3 — 158 esté sauvéz B — 159 qu’il redoublé B3 — 160 vilté By — 162 pour Dieu encore A4
AU PREVOST DE LISLE
170
dr
puet saouler. Car se dire me vouléz que ce face le Jaloux comme passionné, je ne sçay entendre qu'il appertiengne a l'office de Genius, qui tant recommande et ennorte que l’en couche avecques elles sans delaissier l’uevre que il tant loue ; et cil mesmes dist sur tous personnages moult de grans vituperes de elles, et dist de fait : «Fuiéz ! fuiéz ! fuiéz le serpent
175
venimeux !» — et puis si dist que on les continue sans delaissier. Cy a malement grant contradiction de commander a fuir ce que il veult que on suive et suivir ce que il veult que on fuie. Mais puis que tant sont perverses, ne les deust commander approuchier aucunement ; car qui inconvenient redoubte, eschiver le doit.
180
Et pour ce que il tant deffent dire son secret a femme — qui du savoir est si engrant, comme il recorde, dont je ne sçay ou tous les deables trouva tant de fatras et de paroles gastees qui la sont arengees par long procés—, mais je pry tous ceulx qui tant le font auctentique et tant y adjostent foy qu'ilz
185
me sachent a dire quans ont veuz accuséz, mors, pendus ou
1454
190
195
reprouchiéz | en rue par l’encusement de leurs femmes : si croy que cler les trouveront seméz. Non obstant que bon conseil seroit et louable que un chascuns tenist son secret clos pour le plus seur, car de toute gent est il de vicieux ; et n’a pas moult, comme oÿ raconter, que un fu accuséz et puis pendus par soy estre descouvert a un sien compere en qui se fioit, mais je croy que en la face de justice pou vont les clameurs ne les plaintes de tant horribles maulx, des grans desloyautéz et des grans deableries que il dist que tant malicieusement et secretement scevent femmes commettre, — si est voirement bien secret quant il n’appert a nullui ! Et comme autrefoys ay dit sur ceste matiere en un mien dictié appellé L'Epistre au Dieu d'amours : où sont les contrees ou les ro-
175 a fuir manque, À; 3144 ; B;C— Ag;
C —
176 suive et suivir... veult manque, À; 3]
187 trouveroit, A2 3] 44 ; B;C (les trouverent fames) —
188 que
chascuns, A]B;C 172 cellui mesmes A4 — grans manque Ag — 174 le continue A3 —
175 si B2 — 178 in-
continent A4 — 180 son secret dire Bj — 185 mors ou pendus B3 (C) —
186 accusement
Ag — 187 semees B2 — nonobstant ce B3 — 189 toutes gens A4; By — des v. Ag — 190 pas grant temps que je A4 — comment ung A4 — 192 vont pou de c. Ag — 193 des tant B7 — 197 au dit B2 — mien traictie B2 — 198 contrees et les A2 3
CHRISTINE
18
200
205
DE PIZAN
yaumes qui par leurs grans iniquitéz sont exilliéz ? Mais sans parler a voulenté, disons de quelx grans crimes puet on accuser mesmes les pires et qui plus deçoivent : que peuent elles faire, ne de quoy te deçoivent ? Se elles te demandent de l'argent de ta bourse, dont ne le t’emblent ou tollent elles pas : ne leur baille mie se tu ne veulz ! Et se tu dis que tu en es assotéz, si ne t’en assote mie ! Te vont elles en ton hostel
querir, prier ou prendre a force ? Bon seroit savoir comment elles te deçoivent. 146a
210
215
220
225
Et encore, tant superfluement et | laidement parla des femmes mariees qui si deçoivent leurs maris — duquel estat n’en pot sçavoir par experience ettanten parla generaument: a quelle bonne fin pot ce estre, ne quel bien ensuivre ? N’y sçay entendre fors empeschement de bien et de paix, et rendre les maris qui tant oyent de babuises et fatras, se foy y adjoustent, souspeçonneux et pou amant leurs femmes. Dieux ! quelle exortacion ! comme elle est prouffitable ! Mais vrayement puis que en general ainsi toutes blasma, de croire par ceste raison suis contrainte que onques n’ot accoinctance ne hantise de femme honnourable ne vertueuse, mais par pluseurs femmes dissolues et de male vie hanter — comme font communement les luxurieux —, cuida ou faingny savoir que toutes telles feussent, car d’autres n’avoit congnoissance. Et se seullement eust blasmé les deshonnestes et conseillié elles fuir, bon enseignement et juste seroit. Mais non ! ains sans exception toutes les accuse. Mais se tant oultre les mettes de raison se charga l’aucteur de elles accuser ou jugier nonveritablement, blame aucun n’en doit estre imputé a elles, mais
a cellui qui si loing de verité dit la mençonge qui n’est mie creable, comme le contraire appere manifestement. Car se il 146b
et tous ses complices en ce cas
| l’eussent
juré, a nul n’en
200 on manque, A] B (on suscrit, By) ; C — 201 elles manque, A] B;C mie) — 205 assote pas, A] B;C—213f.
(t.ilz
n’y adjoustent, A2, 3144 :B
202 ne manque B23 — 206 querir ne prier B3 — 208 de femmes B2 — 210 ne pot B — par manque B2 — 211 bonne manque A4 — et quel b. B 3 — en puet ensuivir A4 (quel
bien en puet ile. C) — ne sçay A4 — 212 fors tout e. A2 3, fors que B2 — paix de mariage B — 215 p. Et v. n'est m. By,2
B23 — v. ce que generalment
A4 — 218 h. a femme
Ay — 227 que
AU PREVOST DE LISLE 230
235
19
soit grief, ja a esté, est et sera moult de plus vaillans femmes,
plus honnestes, mieulx moriginees et mesmes plus savans, et dont plus grant bien est ensuivi au monde que onques ne fist de sa personne — mesmement en policie mondaine et en meurs vertueux tres enseignées —, et pluseurs qui ont esté cause du reconcilement de leurs maris, et porté leurs affaires et leurs secréz et leurs passions doulcement et secretement, non ob-
stant leur feussent leurs maris rudes et mal amoureux. De ce treuve l’en asséz preuves en la Bible et es autres anciennes histoires, 240
245
comme
Sarra, Rebecha,
Hester, Judith, et autres
asséz ; et mesmes en noz aages avons veu en France moult de vaillans femmes, grans dames et autres de noz dames de France : la saincte devote royne Jehanne, la royne Blanche, la duchesse d’Orliens fille du roy de France, la duchesse d'Anjou qui ore est nommee royne de Secile— qui tant orent beauté, chasteté, honnesteté
et savoir —, et autres asséz ; et
de mendres vaillans preudefemmes, comme ma dame de la Ferté, femme messire Pierre de Craon — qui moult fait a louer —, et asséz d’autres, qui trop seroit longue narracion dire plus. 250
146c
255
Et ne croiéz, chier sire, ne aucun autre n’ait oppinion, que
Je die ou mette en | ordre ces dictes deffenses par excusacion favourable pour ce que femme suis : car veritablement mon motif n'est simplement fors soustenir pure verité, si comme je la sçay de certaine science estre au contraire des dictes choses de moy nyees ; et de tant comme voirement suis femme, plus puis tesmoingnier en ceste partie que cellui qui n’en a l'experience, ains parle par devinailles et d’aventure.
234 cause de FA
NE ; C — 251 die ne mecte, A2 3] AgsB;C—
254 le sçay, A]
BC 230 ilaesté B (siaile. C) — est manque A4 — valables f. B — 235 leus secrés A3, a.et leurs secrez et leurs manque A4, et manque après affaires By, leurs manque devant secrez B> — 238 assez prenez By — 239 Saira et Rebecha Judith B2 — 241 et autres de nos dames manque A3 — 242 Jehanne la royne manque Bj — Blanche et la d. By — 243 fille de roy A4 ; B (fille du r. C) — 245 de beauté A2 3 — et manque devant de A4 — 246 membres v. p. B3 — preude(s) manque Ag — 248 moult d’autres 44, autres assez B2 — 249 d’en plus dire A4 — 251 accusacion A4 — 253 nef B3 — si manque B — 255 de manque devant moy Ag — 257 l’ manque B]
CHRISTINE
20
DE PIZAN
Mais aprés toutes ces choses, par amours ! soit consideré 260
265
270
1464 275
280
quelle est la fin du dit traictié. Car si comme dit un proverbe,
«A la fin sont terminees les choses.» Si soit veu et noté a quoy puet estre prouffitable la tres horrible et honteuse conclusion — que dis je, honteuse ! — mais tant deshonneste que je ose dire que personne aucune amant vertus et honnesteté ne l’orra qui tout ne soit confus de honte et abhominé d’ainsi oir discerner et desjoindre et mectre soubz deshonnestes ficcions ce que raison et honte doit reffraindre, aux bien ordonnéz, seulementle penser ; encore plus, j'ose dire que mesmes les goliars auroient horreur de le lire ou oïr en publique en places honnestes et devant personnes que 1lz reputassent vertueuses. Et dont que fait a louer lecture qui n’osera estre leue ne parlee en propre forme a la table des roynes, des princesses et des vaillans preudefemmes — a qui convendroit couvrir | la face de honte rougie ? Et se tu le veulz excuser en disant que par maniere dejolie nouvelle lui plot mectre la fin d’amours par celles figures, je te respons que en ce nulle estrangeté ne nous raconte ! Ne scet on comment les hommes habitent aux femmes naturellement ? Se:il nous narrast comment ours ou lyons ou oyseaux ou autre estrange chose feust devenuz,
ce seroit matiere de rire pour la fable, mais nulle
nouvelleté en ce ne nous anonce. Et sans faille plus plaisanment et trop plus doulcement et par plus courtois termes s'en feust passé, et qui mieulx plairoient mesmes aux amans johs et honnestes, et a toute autre vertueuse personne. 285
290
Ainsi, selon ma petite capacité et foible jugement, sans plus estre prolixe en lengage, non obstant que asséz plus pourroit estre dit et mieulx, ne sçay considerer aucune utilité ou dit traictié ; mais tant m'y semble appercevoir que grant labour fu prins sans aucun preu. Non obstant que mon jugement confesse maistre Jehan de Meun moult grant clerc soubtil et bien parlant, et trop meilleur œvre plus prouffi-
276 par teles, A) 3]
A4; B
263 que dis je honteuse mais tant manque A4 — deshonteuse B2 — 265 d’oÿr ainsi A4 — 266 et manque devant desjoindre Bj — 267 honte et raison B — 268 seulement de penser Ag — mesmes... vertueuses manque B3 (personne. aucune recopié à cet endroit) — 277 raconte ne apprent B — 279 estrange manque B2 3 — 280 s. de matiere B2 — le By — 283 mesmement A7 — 289 sans grant preu B2 — 291 parfitable B>
281 nouvel-
AU PREVOST DE LISLE
147a
21
table et de sentement plus hault eust sceu mectre sus s’il s’i feust appliquié — dont fu domage —, mais je suppose que la grant charnalité, puet estre, dont il fu remply, le fist plus habonder à voulenté | que a bien prouffitable, comme par les operacions communement sont congneues les inclinacions. Non obstant ce, je ne reppreuve mie Le Rommant de la Rose en toutes pars, Car 1l y a de bonnes choses et bien dictes sans
300
305$
faille. Et de tantest plus grant le peril : car plus est adjoustee foy au mal de tant comme le bien y est plus auttentique ;et par ce ont mains soubulz aucunes foiz semees de grans erreurs par les entremesler et palier d'aucune verité et vertus. Mais si comme dit son prestre Genius : «Fuiéz ! fuiéz femme, le mal serpent mucié soubz l’erbe !», puis dire : «Fuiéz ! fuiéz les malices couvertes soubz umbre de bien et de vertu!» Pour ce dis, en concluant, a vous sire tres chier, et a tous
310
315 147b
voz aliéz et complices qui tant le louéz et si hault vouléz magnifier que a pou tous autres volumes vouléz et ozéz abaïissier devant lui, n’est digne que louenge lui soit imputee, sauve vostre bonne grace ; et grant tort faictes aux vallables : car œvre sans utilité et hors bien commun ou propre — poson que elle soit delictable, de grant labour et coust — ne fait a louer. Et comme anciennement les Rommains triumphans n’atribuassent louenge aucune ne honneur a chose quelconques se elle n’estoit a l'utilité de la chose publique, regardons a leur exemplaire se nous pou- | rons couronner cestuy rommant. Mais je treuve, comme 1l me semble, ces dictes choses et asséz d’autres considerees, mieulx lui affiert ensevellissement de feu que couronne de lorier, non obstant que le cla-
320
méz «mirouer de bien vivre, exemple de tous estas de soy politiquement gouverner et vivre religieusement et saigement» ; mais au contraire, sauve vostre grace, je dis que c’est exortacion de vice confortant vie dissolue, doctrine plaine
298 de bien d., A 3] A45BS C 301
pour ce, A]B ;C — 316 a leur exemple,
A2,3] 44:B 295 habondonner Ag — a vie manque Ag — 301 ce pluseurs B2 3 — 304 puis je dire B2 3— a quelconques choses s’elle A4 B2 — 322 v. bonne g. B3
p. B3 — 296 sont communement cogneus A4 — 299 et subtilz ont aucunement semees des A4 — 302 avec verité 309 tous a. v. presumez B2,3 — 310 et manque B3 — 314 — 318 lui affiert mieulx A4 — 321 et sagement manque
GONTIER
22
325
330
333
COL
de decevance, voye de dampnacion, diffameur publique, cause de souspeçon et mescreantise, honte de pluseurs personnes, et puet estre d'erreur. Mais je sçay bien que sur ce en l’excusant vous me respondréz que le bien y est ennorté pour le faire et le mal pour l’eschiver. Si vous puis souldre par meilleur raison que nature humaine, qui de soy est encline a mal, n’a nul besoing que on lui ramentoive le pié dontelle cloche pour plus droit aler ; et quant a parler de tout le bien qui ou dit livre puet estre noté, certes trop plus de vertueuses choses, mieulx dictes, plus auttentiques et plus prouffitables — mesmes en politiquement vivre et morallement —, sont trouvees en mains au-
tres volumes fais de philosophes et docteurs de nostre foy, comme
Aristote, Seneque, saint Pol, saint Augustin et d’au-
147c
tres | — ce savéz vous —, qui plus vallablement et plainement tesmongnent et enseignent vertus et fuir vices que maistre
340
Jehan de Meun n'eust sceu faire : mais si voulentiers ne sont veuz ne retenus communement
345
des charnelz mondains, pour
ce que moult plaist au malade qui a grant soif quant le medicin lui ottroye que il boive fort, et tout voulentiers pour la lecherie du boire se donne a croire que ja mal ne lui fera. Et si me rens bien certaine que vous — a qui Dieu l’ottroit ! — et tous autres par la grace de Dieu ramenéz a clarté et purté de nette conscience, sans soulleure ou pollucion de pechié ne entencion de lui, nettoiéz par pointure de contriction (laquel-
350
le œvre et fait cler veoir le secret de conscience et condempne propre voulenté comme juge de verité), feréz autre jugement du Roman
de la Rose et vouldriéz, puet estre, que onques
ne l’eussiéz veu. Si souffist a tant. Et ne me soit imputé a follie, arrogance ou presompcion d’oser, moy femme, repprendre et redarguer 355
aucteur tant subtil et son euvre admenuisier de louenge, quant lui, seul homme, osa entreprendre à diffamer et blas-
mer sans exCepCIon tout un sexe.
327 que manque Ag —
332b.que
A4—
334 d.et plus B2 3—
337 d'Aristote Ag — 343
a boire fort A4 — et que tout A3 — 346 par la grace de Dieu manque Bj — 349 condemner 42,3 — 354r.our. By — 355 si subtil Az — 357 excercitacion B3
À FEMME DE HAULT ENTENDEMENT
25
[VI] 1474
ITEM, comme la dicte Cristine eust envoyé la coppie de la dicte epistre a maistre Gontier Col, lui renvoya l’epistre qui s'ensuit : A femme de hault entendement, demoiselle Cristine.
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15
Pour ce que la divine Escripture nous enseigne et commande que quant on voit son amy errer ou faire faulte on le doit corrigier et repprendre premierement a part, et se il ne se veult amender pour celle foiz que on le corrige devant gent, et se pour ce ne se veult corrigier que on le tiengne tanquam eunucus et publicanus, et je te aime loyaument pour tes vertus et merites, t'ay premierement par une mienne lectre, que avant yer t'envoyay, exortee, avisee et priee de toy corrigier et admender de l’erreur manifeste, folie ou demence a toy venue par presompcion ou oultrecuidance et comme femme passionnee en ceste matiere, — ne te desplaise se je dis voir ;
je, ensuivant le commandement divin, ayant de toy compassion 148a
20
par
amour
charitable,
te pry, conseille
et requiers la
seconde foiz par ceste moye cedule | que ton dessus dit erreur tu vueilles corrigier, desdire et amender envers le tres excellent et inreprehensible docteur en saincte divine Escripture, hault philosophe et en toutes les -vii: ars liberaulx clerc
tres parfont, que si horriblement oses et presumes corrigier
25
et repprendre a sa grant charge — et aussi envers ses vrays et loyaux disciples, mon seigneur le prevost de Lisle et moy et autres —, et confesser ton erreur : et nous aurons pitié de
toy et te prendrons a mercy en te baillant penitance salutai-
10 emucus, A2 3 ; B} (emucas)] A4 ; B (voir la note) — 14p.eto., A2 3144 :B — 26 ta vaillant, A; 3144 (toy baillant) ; B
2 maistre Gol B> — 3 cy aprés s'ensuit A7 — maistre Gontier Col en tête de l'épitre B — 8 a celle fois A4 — l'en By — les gens A4 — 10 et pour ce que je Ag — 12 devant h. Bj — 13 l'e. et m. A4 — ou demence mangue A4, dememence B,3, demenence B2 — d. trop grantatoy B — 14 p. ou o. A4 — 17 conseille manque Bj — 18 foiz manque Ag — 20 imprehensible A — 23 si grant B2 — 25 etles a. A23
24
CHRISTINE
DE PIZAN
re. Et de ce, avec la responce de mon autre lectre, te plaise moy ta bonne voulenté faire savoir a ton aise et loisir avant que je me mecte a escrire encontre tes faulses, sauve ta reverence, escriptures que de lui tu as voulu escrire. Et si ores et autreffoiz quant je te escriray te appelle en singulier, ne te desplaise ne le me imputes a arrogance ou orgueil : car c’est et a esté de tousjours ma maniere quant j'ay escript a mes amis, especialment quant $ont lectréz. Dieux vueille briefment ramener ton cuer et entendement a vraye lumiere et congnoissance de verité ! Car ce seroit dommage se plus demouroies en tel erreur soubz les tenebres d’ignorance. Escript | ce jeudy -xv€. jour de septembre.
30
35
148b
[VI] CV APRES S ENSUIL LA RESPONCE ENVOYEE AU DIT MAISTRE GONTIER COL
À tres notable et souffisant personne, maistre Gontier Col, secretaire du roy nostre sire. S
© clerc subtil d’entendement philosophique, stilé es sciences,
prompt en polie -ethorique et subtile poetique, ne vueilles par erreur voluntaire repprendre et reprimer ma veritable oppinion justement meue pour tant se elle n’est a ta plaisance. Et comme J'ay sceu par tes premieres lectres a moy envoyees tu desirant avoir la coppie d’un petit traictié en maniere d’epistre de par moyja envoyé a solennel clerc, mon seigneur le prevost de Lisle (ouquel est traictié et dit au long selon l’estendue de mon petit engin l’oppinion de moy tenue, a la
10
29 en peine d’escripre
doublé
B — 30 tu manque
B
—tua
A2 3 — 33 de manque
B2 — mare-
By — 37 cel Ay — signature: le tien Gontier Col B
3 noble,
A]B (cf. titre du recueil, rubriques)
1 cy aprés... Col manque
B3 —
P- B,2 — 7 ctreprouver B —
3 Cristine en tête de l'épitre A3
11 ja manque
B—SOtu
B3 —
6 subtilité
RESPONCE À MAISTRE
15
148 20
25
GONTIER
COL
25
sienne contraire, de la grant louenge qu'il actribue a la compilacion du Rommant de la Rose, comme il m’apparut par un sien dictié adrecié a un subtil clerc docteur, sien amy, contraire a sa dicte oppinion — a laquelle la moye se confere), et pour vouloir | emplir ton bon mandement le t’ay envoyé ; par quoy, aprés la veue et visitacion d’icellui, comme ton erreur pointe et touchee de verité, meu de impacience m'as escript tes deuziemes lettres plus injurieuses repprouchant mon femmenin sexe (lequel tu dis passionné comme par nature et meu de folie et presompcion d’oser corrigier et repprendre si hault docteur, si gradué et tant solennel comme
tu clames l’acteur d'’icellui).
Et de ce moult m’ennortez
que je m'en desdie et reppente, et mercy piteuse sera encore vers moy estendue, ou se non de moy sera fait comme du publican, etc.
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35
148d
Ha! hault entendement ingenieux! ne sueffres a propre voulenté tenir close la subtilité de ton engin! Regardes droit selon voye theologienne la plus souveraine et tu tant ne condempneras mes dis ainsi come les ay escrips, et considereras se louenge affiert es pas particuliers que ilz repprennent ; et
toutesfoiz soit bien de toy noté en toutes pars quelx choses Je condempne et quelles non. Et se tu tant desprises mes raisons pour la petitesse de ma faculté (laquelle tu me reprouches de dire «comme femme», etc.), saiches de vray que ce ne tiens Je a villenie ou aucun repprouche, pour le reconfort de la noble memoire et continuelle experience de tres grant foison vaillans | femmes avoir esté et estre tres dignes de louenge et en toutes vertus aprises, auxquelles mieulx vouldroye ressembler que estre enrichie de tous les biens de for-
tune. Mais encore se a toutes fins veulz pour ce admenuisier mes 4s
vehementes raisons, veulles toy reduire a memoire que une
petite pointe de ganivet ou cotelet puet percier un grant sac plain et enflé de materielles choses ; et ne sces tu que une peute moustelle assault un grant lyon et a la foiz le desconfist? 28 15 m'a paru B3 (m'apparu B7,2) — 16 adreçant By 3 — 21 secondes Ag (-IISS- Bpeg) et sis. A2 3 — 26 et me r. A4 — 29 homme d’entendement B2,3 — 32 considerans A4 — 34 bien soit B — 35 condemnees B2 — 37 femme passionnee B2 — de voir 44; B2,3 — 38 — 48 tiens ja Ag — ou a. r. manque By — 41 auxquieulx vouldroie plus tost ressembler B2
muscellette B
CHRISTINE DE PIZAN
26
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Si ne cuides aucunement moy estre meue ne desmeue par legiereté, par quoy soye tost desditte — Ja soit ce que en moy disant vilenie me menaces
55
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149a
65
de tes subtilles raisons, lesquelles
choses sont communement espouentement aux couars ; mais afin que tu puisses retenir en brief ce que au long ay autrefoiz escript, je dis derrechief et replique et triplique tant de foiz comme tu vouldras que le dit intitulé Le Rommant de la Rose, non obstant y ait de bonnes choses (et de tant est le peril plus grant comme le bien y est plus auttentique, comme autrefoiz ay dit), mais pour ce que nature humaine est plus descendant au mal je dis que il puet estre cause de mauvaise et perverse exortacion en tres abhominables meurs confortant vie dissolue, dottrine plaine | de decevance, voye de dampnacion, diffameur publique, cause de souspeçon et mescreantise et honte de pluseurs personnes, et puet estre d’erreur et tres dehonneste letture en pluseurs pars. Et tout ce Je vueil et ose tenir et maintenir par tout et devant tous et prouver par lui mesmes, m’en rapporter et actendre au jugement de tous justes preudommes theologiens et vrays catholiques, et gens de honneste et salvable vie. La tienne, Cristine de Pizan
70
EXPLICHEES EPISTRES SUS LE ROMMANT DE LA ROSE
55 le manque
te,A) 3]
devant Rommant,
A2 3 (le dit inutile R.)] A4 ;: B — 64 dehonnes-
44; B — 65 je manque, À; 3] A4;B
49 m. ne demennee B2 — 53 que plus au B — loing A3 — 55 le dit inutile R. A2 3 — 56 tant y €. B7,3 — 59 mauvaistie A7 — 61 de manque devant decevance A3 — 65 d. t. publiquement et p. B — 66 et m'en A4 — 71 Explicit... Rose manque B, Cy finent A2 3 — e. du debat sur A4
JEAN DE MONTREUIL
EPÎTRES CHOISIES
JEAN DE MONTREUIL
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[103] [67 v°] CUM,
UT DANT
sese res, nichil ut melius scribam occurrat,
pater mi perquamreverendissime, ne esse velim rumorum dictator aut quia id supra et contra officium nostrum est, ut sic dicam, novellicans, en Gonthero nuper me hortante — quin potius impellente ! — a me Rose videri Romantium, cucurri legique quamavidissime, et actoris ingenium quantum conicere datum est impetusque tulit, gallica scriptione, prout in annexo presentibus Vestra reverendissima videbit Paternitas, designavi. 10
Vestrum
ergo fuerit, domine
mi, an nimium
aut minus
debito seu cum temperamento actorem laudaverim
decer-
nere, ac nichilominus vestro huic adoptivo, modo altiores oc-
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cupationes vestre sinant, intimare si quedam ad thesaurarium nostrum Lingonensem citra dies aliquot a me manans rescriptio, Vestre usque ad Dominätionis lectionem deventa sit. Valete et plaudite.
[118] [84 v0] QUO
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MAGIS
magisque perscrutor, vir acutissime, misterio-
rum pondera ponderumque misteria operis illius profundi ac memorie percelebris a magistro Johanne de Magduno editi, et ingenium accuratius revolvitur artificis; totus quippe in ammirationem commoveor et accendor quo instinctu quove spiritu seu mente tu precipue, qui inter civiles actiones omni die versaris (que maxime ex electione sana pendent et ubi precipitur tarde et cum gravitate de rebus ferre sententiam), eundem disertissimum ac scientificissimum actorem leviter nimis, scurriliterve aut inepte loquutum fuisse censuisti, et quasi in pretorio causam ageres, nudiustertius contra mortuum verba faciens, debachando iurgabaris, in inventione
EPÎTRES CHOISIES
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[103] Comme
les circonstances actuelles veulent, mon
très révérend père,
que Je n’aie rien de mieux à écrire, ne voulant point commettre d’indiscrétion (car ce serait une chose indigne de notre charge et qui lui porterait atteinte), cherchant, pour ainsi dire, à défricher des terres nouvelles, voici que sous les instances — que dis-je ! les ordres — de Gontier, qui m'avait naguère conseillé de lire Le Roman de la Rose, j'ai couru voir ce texte que j'ai lu le plus avidement qu'il se pouvait ; jetant sur le papier tout ce que je pouvais entraîner dans mon élan,
J'ai rédigé en langue française un traité décrivant le génie de l’auteur, que Votre très révérende Paternité pourra voir, joint en manière d’appendice à ces présentes. Je vous laisserai donc, monseigneur, le soin de décider si, en lou-
ant cet auteur, j'ai péché par excès ou par défaut, ou bien si j'ai su garder une juste mesure ; daignez par la même occasion, dans la mesure toutefois où de plus hautes occupations vous en laissent le loisir,
faire signifier à votre protégé si un certain écrit adressé à notre trésorier de Langres, qui vient de moi et que je lui ai envoyé 1l y a quelques jours, est bien parvenu jusqu'aux yeux de Votre Eminence. Portez-vous bien et applaudissez.
[118]
A mesure que je sonde toujours plus attentivement, toi subtil entre tous, les trésors des mystères et les mystères des trésors de cette œuvre profonde et de si célèbre mémoire que nous devons à maître Jean de Meun, le génie de l'écrivain se révèle avec plus de netteté : c’est pourquoi je m'interroge avec le plus vif étonnement quant à l'influence, à l'humeur ou au motif qui a pu te pousser— toi surtout qui es chaque jour mêlé à des actions civiles (qui plus que toutes autres dépendent d’un jugement sain, où l’on apprend à se prononcer prudemment sur toute chose, après mûre réflexion) — à juger que cet auteur si instruit, si savant, avait parlé trop légèrement, comme un bouffon ou un imbécile ; et comme si tu instruisais un procès au palais, tu as cherché querelle, il y a trois jours, à un mort. Tu plaidais
JEAN DE MONTREUIL
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nichilominus atque claritate proprietateque et elegantia magistrum Guillelmum de Lorris longius anteponens, — de quo 85 r°
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tunc,
certa
ut potius reor,
exclamare
| pretermisi,
fatearis, «dic quo pignore cerquocumque vocaris», ut qui ad extremum usque singultum — quoad potero — sinam ledi.
10CO protuleris, aut forsan motus
aliunde, non adeo feroces sumus ut que sit in disputando libertas ignoremus, aut lingue vertibilitati non noverimus indulgere ; immo, quia altercando scitur veritas, «aurumque probatur in fornace», de industria ingenuissimi doctoris huius concedo
30
consideratione,
et nunc linquam. Sed si amodo serio dixisse tes : veniam, ut ait Virgillus, magistros et benefactores meos non desero, aut suo in honore Sin vero,
25
motus
disputare,
—
ita tamen
ut nichil imposterum
cum
obstinatione adversus imitatorem nostrum asseveres. Vale, et intimato super hoc quid intendis : qui si pergis de preceptore nostro ulterius male loqui, non est quod dissimulare queamus. Hanc ex nunc pro diffidentia suscipito ; sunt etenim,
ne in dubium
revoces, pugilis et atlethe non pauci,
qui scripto voceque et manu pariter, ut est posse, causam istam defensabunt.
25 ingenuisissimi
[119] EX QUO
NUGIS
datum est meis tanti esse, pater reverende,
quod eas Vestra Dominatio visere dignatur et expetit, ecce cum michi vestris obsecundare preceptis congruum sit pergrandisque arrogantia renuere, huiusmodi nugas vobis mitto, tali pacto, pater mi confidentissime, ne cuiquam communicentur : quoniam ab alio destili ruditate et incomptu, ab alio de materia (que sue ratione veritatis nonnullis odium pareret),
aut de levitate scurrilitateve in eo quod vulgari sermone editum est reprehendi possem vel notari, — potissime quia genus
EPÎTRES CHOISIES
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frénétiquement, estimant Guillaume de Lorris bien supérieur, non moins sur le chapitre de l'invention que sur ceux de la clarté, de la propriété et de l'élégance du style. Sur le moment, retenu par un certain respect, je n’ai pas voulu me récrier ; je n’ai pas non plus l’intention de le faire maintenant. Toutefois,
si tu déclares
avoir dit cela tout à fait sérieusement,
«dis ce que tu engages pour lutter avec moi...; je serai ton homme, comme le dit Virgile, sur le terrain que tu voudras.» Carje n’abandonnerai pas mes maîtres et mes bienfaiteurs sans me dépenser jusqu'au dernier soupir, et je ne tolèrerai pas — du moins dans la mesure de mes forces — que leur honneur soit lésé. Mais si au contraire, comme J'aurais plutôt tendance à croire, tu l’avais dit pour rire, ou
bien sous l'influence d’un autre, nous ne sommes pas à tel point intransigeants que nous ignorions dans quel esprit de liberté il convient de disputer, ou bien que nous ne sachions pas pardonner les paroles inconsidérées. Car la vérité jaillit de la dispute, comme «l’or s’éprouve dans le fourneau» : je conçois que tu discutes le travail appliqué d’un docteur aussi brillant, pourvu que tu ne t’attaques plus avec cet acharnement à notre modèle. Adieu, et fais-moi part de tes sentiments sur tout ceci. Car si tu entends encore médire de notre bon maître, nous ne cherchons point à en dissimuler les conséquences. Tu peux prendre ceci pour un défi. Car il existe, n’en doute point, et en grand nombre, des champions et des athlètes pour défendre de leur mieux cette cause, par l'écrit, par la parole, et même par la force des mains.
[119]
Puisque Votre Eminence accorde à mes frivolités un si grand prix qu’elle daigne demander à les voir, les voici, très révérend père ; car
il sied que je me conforme à vos instructions et ce serait une très grande arrogance de ma part que de les refuser. Mais il est entendu que si je vous confie des frivolités de ce genre, mon père très digne de confiance, c’est à condition
qu’elles ne soient communiquées
à
personne. Car je pourrais en être repris ou blâmé : par les uns pour l’âpreté d’un style sans ornement ; par d’autres en raison du sujet, puisque je m’expose, en disant ces vérités-là, à la réprobation de certains ; ou bien pour légèreté ou bouffonnerie, puisque J'ai écrit en langue vulgaire ; mais plus vraisemblablement encore parce que
JEAN DE MONTREUIL
32 10 85 v°
assolet humanum potius ambigua depravare quam in partem | capere meliorem. Sed nichil est quod vestre fidelitatis prudentie non submitterem, alteri per omnia tanquam michi. Valete,
fidentissime
pater, et ut stulticias verbales meas
sepenumero tulistis, ita has ineptias litterales benigniter supportate. 2 V. Dignatio
[120] SCIS ME, consideratissime magister atque frater, iugi hortatu tuo et impulsu nobile illud opus magistri Johannis de Magduno, Romantium
de Rosa vulgo dictum, vidisse : qui, quia
de ammirabili artificio, ingenio ac doctrina tecum sisto — et irrevocabiliter me fateor permansurum —, a plurimis scolasti-
cis non parve autoritatis viris, supraquam credibile tibi1 foret, male tractor et arguor amarissime, ut si ulterius defendere coner, plane me probare velint, ut dicunt, hereticum. Nec pretendere prodest te totque viros alios valentes scientificos 10
15
et perdoctos illum tanti fecisse pene ut colerent,utque quam eo carere mallent camisia et nichilominus nostris correctoribus anteponere suos emulos, qui, si quid reprehensionis inesset, adeo magni erant ut librum suum vivere nequaquam permisissent una hora. Nec eos iuvat insuper obsecrare — quod lus omne poscit—ut prius videant notentque quamobcausam, qua dependentia et occasione dicat res, quas personas introducat, quam
20
86 r°
25
damnetur
tantus auctor
; sed confestim verba
intercipiunt mea interrumpuntque, ut labra movere vix audeam : quin michi anathematis obprobrium comminentur, ac ferme iudicent reum mortis. Quid vis dicam ? Tantis, quod me magis urit, magistrum nostrum prosequuntur maledictis ut ignem potius quam lecturam meruisse attestentur, «seque inexpiabili scelere contaminare existimant si quitquam | audierint ; cumque rursus iure humanitatis submissius expostulo ut non prius damnent quam universa Cognoverint», ostendendo quod «etiam sacrilegis et proditoribus veneficis potestas defendendi sui datur», quodque «nec predamnari quemquam incognita causa licet»,
EPITRES CHOISIES
33
le genre humain préfère interpréter en mal tout ce qui est équivoque, plutôt que de le prendre en meilleure part. Cependant il n’est rien que je ne soumettrais à la sagesse de Votre Loyauté, semblable en toutes choses à un autre moi-même. Adieu, mon père très digne de confiance, et puisque vous avez souvent toléré mes sottises verbales, recevez avec bienveillance ces
inepties écrites.
[120] Toi mon frère et le plus prudent des maîtres, tu n’ignores pas que c'est à ton instigation et sur ton conseil que j'ai regardé ce noble ouvrage de maître Jean de Meun, dont le titre est, en langue vulgaire,
Le Roman de la Rose. Comme je suis de ton avis sur l’excellence de son
art admirable,
de son intelligence et de ses connaissances
— et
cette conviction, Je le proclame, est irrévocable —, voici que plusieurs clercs notables pour leur autorité me malmènent et me pressent douloureusement, au delà de tout ce que tu pourras croire, — à tel point que si je m’efforce de le défendre davantage, ils se feront fort, disentils, de me proclamer carrément hérétique. Il est inutile d’alléguer que toi et une foule d’autres savants distingués et des plus instruits lui vouent une sorte de culte, si bien qu'ils trouveraient préférable de se passer de leur chemise que de son œuvre ; inutile de faire valoir
à nos censeurs le fait que ses rivaux étaient des gens si importants que son livre n’eût survécu une seule heure s'ils avaient trouvé quoi que ce soit à y redire. Rien ne sert d’ailleurs de les prier, comme l’exigerait le moindre sentiment de justice, de regarder d’abord et de prendre en considération les raisons, les causes et les circonstances qui l’ont amené à prononcer telle parole ou à introduire tel personnage, avant de condamner un auteur aussi grand. Bien au contraire, ils me coupent la parole ; ils interrompent mon discours : c’est à peine si j'ose encore remuer les lèvres, car ils me menacent de l’opprobre de l’anathème, et il s’en faut de peu, à leurs yeux, queje ne sois justiciable de la peine capitale. Que dire de tout cela ? Ils accablent notre bon maître de tant
d'injures — et c’est ce qui m'irrite le plus —, qu’à les entendre il mériterait plutôt le feu que la lecture : «ils se croient souillés d’un péché impardonnable s’ils écoutent la moindre parole» ; et si je les supplie «bien humblement d’avoir la courtoisie de ne pas condamner
JEAN DE MONTREUIL
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nichil agimus tamen, frater honoratissime, sed tempus teren-
do incassum aera verberamus, «nec est quod speremus posse aliquid impetrare, tanta est hominum pertinacia.» Hi sunt mores, ea dementia ! «Timent enim ne, a nobis revicti, ma-
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nus dare aliquando, clamante ipsa veritate, cogantur. Obstrepunt igitur, ut ait Lactantius, et intercidunt ne audiant : oculos suos opprimunt ne lumen videant quod offerimus», morem Judeorum adversus Salvatorum Nostrum observantes,
penes quem «inimici facti sunt judices.» Sic doctor noster emeritissimus condamnatur vetant
leges omnes
—
innocentissimus,
— quod
non auditus, ab his
qui profecto coram vivente mutire non temptassent ; eundem
tamen,
et quod molestius ferendum
est, male visum
perscrutatumque et notatum, ignominiose despiciunt nostri correctores, execrantur et impugnant. O arrogantiam, temeritatem, 45
editum,
50
55
86 vo
audaciam
tantoque cum
! opus
tantum,
tot diebus ac noctibus
sudore et attentione digesta elaboratum et
hi qui superficietenus nec eodem contextu, aut ex
integro se legisse profitentur, subito, instar eorum qui mense inter crapulas omnia, ut libet et fert impetus, accusant, reprehendunt atque damnant, — paulo magis ponderis in stateram ponentes tantum opus quam lucis unius cantilenam histrionis ! Quorum pretextu in alterum istorum patronorum scriptotenus invexi, sicut videbis per eam quam tibi fert epistolam is baiulus. Tuum ergo erit, dux, princeps rectorque huius cepti, laudatissimum et amatissimum imitatorem tuum defensare, et hos malesanos et | deliros conculcare ac ratiunculas meas indigestas disertie tue acumine validare,
comere
et linire, quatenus ego, qui auxilii tui confidentia
ac ingeni ope fretus, campus hunc duelli introii, alias non 60
facturus. Scio enim quod ubi obdormientes tui sensus expergiscentur, et calamus jacens exeret se, «non prevalebunt adversus nos» isti veritatis inimici, sed eos, cum voles, non dubito efficies oves mittes, et mutos reddes per omnia
tanquam truncos. 65
Vale, nec amicos sinas, quoadpotes, sic iniuste, vafre, per-
nitiose et inique pessundari.
EPÎTRES CHOISIES
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avant d’avoir tout lu», soulignant que même «aux sacrilèges, aux traîtres, ou aux empoisonneurs l’on accorde le droit de se défendre,
et que l’on ne saurait juger un homme sans avoir examiné son cas», cela ne sert à rien, mon frère très honoré. Car nous perdons notre temps à donner des coups d’épée dans l’eau, et «n'avons pas lieu d'espérer le moindre résultat, tant est grande l’obstination des hommes.» Telle est leur façon d'agir, telle est leur folie ! «Car ils craignent de se voir un jour obligés, vaincus par nous, de se plier aux ordres de la Vérité ; ils mènent donc grand vacarme, comme le dit Lac-
tance, et nous interrompent pour ne point entendre; ils ferment les yeux pour ne pas voir la lumière que nous apportons», imitant la conduite des Juifs à l'égard de Notre Seigneur, qui eut «pour juges ses ennemis mêmes.» C’est ainsi que l’on condamne un maître aussi éminent qu'irréprochable sans l’avoir entendu, ce qui est contraire à toutes les lois. Et ce sont des gens qui, sans nul doute, ne se fussent pas risqués, de son vivant, à murmurer en sa présence ! Pourtant nos censeurs le maudissent, le détestent, le méprisent, l’assaillent de honteuse façon,
l’ayant mal lu, mal étudié et mal compris : voilà qui est proprement insupportable ! Quelle arrogance ! quelle témérité ! quelle audace ! Ces gens qui reconnaissent eux-mêmes ne l'avoir lu que superficiellement, par bribes et sans souci du contexte, voici qu’ils s’empressent, à la façon des ivrognes discutant à table, de blâmer, reprendre et condamner, arbitrairement et au gré de leur caprice, un ouvrage si
important, conçu et rédigé en tant de nuits et de jours, au prix de tant de sueur et d’une application si constante, comme si un texte aussi considérable ne pesait pas plus lourd dans la balance que la chanson d’un jongleur, œuvre d’un jour ! C’est pour cela que j'ai écrit un pamphlet contre l’un de ces avocats, comme tu pourras le voir par la lettre que t’apporte ce messager. Il t’appartiendra donc, à toi qui es le guide, le chef et le maître de l’entreprise, de défendre un modèle si digne de ton amour et de tes louanges, et de fouler aux pieds ces fous délirants ; appuie, orne et embellis des subtilités de ta rhétorique mes faibles arguments hâtifs; car si je me suis aventuré dans ce champ clos, c’est parce que j'ai eu confiance en ton aide et aux ressources de ton esprit, sinon, Je m'en
serais bien gardé. Je sais que quand tes esprits engourdis se réveilleront, quand tu reprendras ta plume oisive, «ils ne prévaudront pas sur nous», ces ennemis de la Vérité ; tu en feras quand tu voudras
de doux agneaux, je n’en doute pas, et les rendras aussi muets que
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JEAN DE MONTREUIL
[121] MEE AN FUERIT inconsiderationis obtusitas, aut vestre id confidentia bonitatis faciat, vosmet iudicate, pater mi
prestantissime,
quod ego modicus magno, doctissimo non
doctus, illiteratus litteratissimo, et demum
s
stolidus circum-
spectissimo, sic de nugis rudimentisque meis vobiscum loquor : ago conferoque, ut que nulli mortalium communicaverim,
scriptotenus
habeatis.
Sed
ita est, pater reverende,
error unus alium provocat facillime, et, ut inquit Claudianus, 10
15
87 r0
20
«suadet licentia luxum.» Ego etiam, puerorum instar, ubi (quod in proverbio est) fit michi bonus vultus, illuc eo, illic
sum, ibi ad tedium usque dego, et incautus «linguam in fronte gerens», quidquid occurit profero, animum liberrime detegendo per omnia proprio veluti confessori. Rursus igitur subiit mentem meam Paternitati Vestre mittere eam de qua pridie in domo vestra sermonem habuimus, satirice invectionis formam tenentem epistolam : non ut transcribatur — hoc supplico, posco, obsecro requiroque —, sed solum eam Vestra Dominatio pervideat, anamavertatque si | dispendiosa nimis — de quo formido inest — mordaxve aut insolens extiterit, et correctoris emendatorisque more, in margine mendas notet. Scio enim, quod temperati minime est, me in utramque partem meorum affectuum fore pernimium
vehementem,
quoniam, ut Therentius causam
signat,
aut gaudio
25
sumus prepediti nimio, aut egritudine ;
»
et, quod temeritatem non minuit, en, pater carissime, iterum Circa eandem materiam ad quendam socium meum minutam hanc (licet eidem adhuc nequaquam transmissa sit) ipsi
30
Dominationi Vestre vector deffert, — que non arrogantie, sed de vestra benignitate prudenti prestite michi audacie imputetur.
27 mimitam
EPITRES CHOISIES
37
des souches.
Adieu, et ne souffre pas, dans la mesure où tu peux l'empêcher, que tes amis soient malmenés de façon aussi excessive, maligne, pernicieuse et injuste.
[121] Jugez vous-même, 6 mon Père très éminent, si c’est l’aveuglement d'une présomption irréfléchie ou la confiance que j'ai en votre bonté, qui me fait adresser la parole, moi si humble à un si grand homme, moi inculte à un si grand savant, moi ignorant à un si fin lettré,
moi enfin, imbécile, au plus sage des hommes, pour vous entretenir ainsi des frivolités de mes débuts littéraires : je me risque donc à vous les présenter, etceque je n'aurais communiqué à aucun mortel, vous l’avez par écrit. Mais il en est ainsi, Ô mon très révérend Père :
une première erreur en appelle aisément une seconde, et comme le dit Claudien, «la licence pousse à l'excès.»
En effet, à l’exemple des
enfants, Je reste — comme dit le proverbe — là où l’on me fait bon accueil ; jy vais, j'y demeure jusqu’à ce qu’on ne puisse plus me voir; imprudent,
«je parle comme
j'ai le nez fait», disant tout ce qui me
passe par la tête ; j'ouvre librement mon cœur, comme si je m’adressais à mon propre confesseur.
C’est ainsi que la fantaisie m'est encore venue d’envoyer à Votre Paternité cette épître dans le style d’une invective satirique, celle dont nous avions parlé hier chez vous, non point pour qu'elle soit recopiée — je vous demande, je vous prie, vous supplie et conjure de ne rien en faire —, mais simplement pour que Votre Eminence en par-
coure le texte, et qu’Elle voie s’il n’est pas, comme je le crains, trop méchant, mordant ou insolent; et, à la façon d’un correcteur et d’un
critique, qu’Elle note en marge ce qu'il faut améliorer. Car je sais que je me contrôle mal et me laisse aller, dans un sens comme dans l’autre, à l’exubérance
de mon
caractère
; comme
nous le dit Té-
rence : «Nous sommes aveuglés par un excès de joie ou de chagrin.» Mais voici qu’en outre, mon très cher Père — et ceci n’atténue pas la témérité de ma démarche —, que le courrier emporte vers Votre Emi-
nence la minute d’une lettre sur le même sujet que j’adresse à l’un de mes collègues (bien qu’elle ne lui ait pas encoreété transmise). Il ne faudrait pas mettre cela sur le compte de ma présomption, mais plutôt de la confiance à laquelle m’encourage votre lucide bienveillance.
38
JEAN
DE MONTREUIL
[122] ETSI FACUNDISSIMUS,
si copiosus, si eloquens et abun-
dans, sed («quod scribendi fons est») sapiens es, vir insignis,
video tamen, veritate vincente ac pariter conscientia remordente, adversus satiricum illum perseverum magistrum Johannem de Magduno nichil te ulterius «mutiere audere» aut disserere posse ; ipsius quippe veritatis tanta vis est ut ei nullius rethoris industria sese equet: illo assentiente qui dicit : «Veritas manet in eternum», 10
15
87 vo
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30
35
«falsa non durant.»
Redi ergo ipsius doctoris ac preceptoris carissimi In gratiam, nec quia facile prorupisti verearis. Ilico enim, cum voles, veniam impetrando noster eris, modo de resipiscentia tua ex fideli promissione nullus apud nos scrupulus remaneat. Non enim latet nos quousque disputandi progrediatur licentia, et quod disputationi serotine sepenumero matutina contradicit. Scis insuper, vir experte, Originem et una Lactantium erravisse, et pariter Augustinum plerosque magni nominis atque fame alios revocasse | doctores. Non igitur pudeat nimis libere dicta et attemptata obnoxius reparare ; forsan vero que damnas perfunctorie vidisti, nec recenter : que duo maxime iudicium perverterunt ac te precipitem dederunt in errorem, — non fidei quidem, vel iniquitatis aut malicie, sed in quem nonnulli predictorum Gpsius de Magduno superficietenus viso pede) tecum ruunt. Neque presentem monitionem nostram parvipendas aut existimes caritate fraterna vacare, vel me gratis prioribus nostris in litteris te de amantissimis defensoribusque philosophi prelibati animadvertisse. Sunt enim quorum calcaria auro fulgent magnisque dignitatibus potiuntur, qui pro tuicione nostri propositi «pulcram petunt, cum Marone, per vulnera mortem» ; nec acceptius quidquam Deo agere putarent quam in eos irruere qui nostrum Coarguunt instructorem de sillaba solum parvula sive coma. Atqui te quid facturum censeam a me queris ? Id quod propheta simul et rex non erubuit suppliciter confiteri hortor dicas
: «Delictum
meum
cognitum
tibi feci, et iniusti-
cam meam non abscondi.» Quod si tractatum superinde conficeres interim, per amicitiam nostram precor tedio tibi nequaquam
adveniat,
tuo
huic mandare
quampiam
prepo-
EPIÎTRES CHOISIES
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[122] Tu t’exprimes,
homme illustre, avec beaucoup d’aisance ; inventif, éloquent et disert, tu es également sage, et «là est la source des lettres» ; cependant je m'aperçois que, vaincu pareillement par vérité
et remords de conscience, «tu n’oses plus souffler mot» ni émettre la moindre critique contre ce poète satirique si respectable, maître Jean de Meun:
telle est, en effet, la force de la vérité qu'aucun rhé-
teur, quelque effort qu'il fasse, ne peut s'égaler à elle ; il a bien raison, celui qui dit : «La vérité demeure éternellement»,
«les menson-
ges ne durent pas.» Reconcilie-toi
donc
avec ce docteur et maître si cher, et tu ne
devras plus rien craindre pour t'être laissé trop facilement emporter: dès que tu voudras, tu obtiendras notre pardon et seras des nôtres, pourvu que ta promesse ne nous laisse aucun doute quant à la sincérité de ton repentir. Nous n’ignorons pas en effet jusqu'où peut aller la liberté dans les controverses, et que l’opinion exprimée dans la dispute du soir contredit souvent celle du lendemain. Tu sais d’ailleurs, en fin lettré, qu'Origène et Lactance se sont tous deux trompés, et que les docteurs ont corrigé saint Augustin et plusieurs autres de grand renom parmi les plus célèbres. On ne doit donc éprouver aucune honte à réparer, quand on est coupable, des paroles ou des attaques irréfléchies. Peut-être as-tu parcouru trop vite le texte que tu condamnes, ou l’as-tu lu il y a longtemps : voilà sans doute les deux raisons qui ont faussé ton jugement et t'ont induit en erreur. Car il ne s’agit assurément pas, dans ton cas, de mauvaise foi, d’injustice, ni de méchanceté,
mais de ce
jugement hâtif qui t’est commun avec certains de ceux dont nous avons parlé plus haut, qui n’ont lu — superficiellement — qu'un seul pied d’un seul vers de Jean de Meun. Ne sous-estime pas le présent avertissement, et ne juge pas qu’il manque de charité fraternelle ; ne crois pas non plus que ce soit sans motif que je t'avais mis en garde, dans une précédente lettre, contre la colère des admirateurs passionnés et des défenseurs du philosophe dont il est ici question. Caril existe des champions dont les éperons brillent de l’éclat de l’or, qui sont revêtus des plus hautes dignités, et qui, pour défendre notre cause,
«vont, comme
dit Virgile, à travers les coups au-devant d’une
belle mort» ; ils ne penseraient pas rendre de service plus agréable à Dieu que de se ruer sur ceux qui, pour une syllabe ou une simple période, osent critiquer notre maître.
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JEAN DE MONTREUIL
sito remissivam, que levatio presertim sit nostre expecta40 tionis et tue intencionis nuncia in aliquo : cum psalmista, «detabor ego super eloquia tua, quasi qui invenit spolia multa.» Vale.
RS2i
[106 vo] EX QUO NUGE ille nostre quadam sub ligatura in vulgari, reverende pater, non dignantur vestre submitti visioni, temptare est animus de solutis. Ecce igitur, preceptor mi, que pridem non minori cum impetu quam nuge huiusmodi edite s sunt, duas mitto epistolas : alteram commendatitiam florenüssimi operis illius de Rosa, alteram super eodem, satire formam
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15
tenentem,
aiunt, refici, neu
qui sic, alio licet ex capite, vos
| querulas redire, veluti Proverbia, de con-
temptu. Socrates, omnium doctissimus Apollinis responso, «cum pueris ludere non erubescebat» ; Scipio Affricanus Censorinusque Cato, tanti viri, lapillos in arena connumerare gestiebant. Vos vero regulas discipuli ad nauseam usque contempnetis,
20
in eum
impetit. Quasquidem peto poscoque et obtestor non tam viles et abiectas censeri ut non mereantur grandia agenda vestra paulisner alternare ; sed gaudeam insipidas et 1eiunas predictas scriptiones, in vestre sapientie aula in transitu, ut
et quem
ad studium
provocare debetis allec-
tu, ad proficientie desperationem inducetis ! Absit ab humanitate vestra, absit a paterna dilectione et benivolentia singulari ! Barbarorum mores isti sint, non vestri. Ad neminem adhuc, quod audierim,
egistis isto modo
: et Johannes hoc
primus baculo ferietur ? Primus huic subicietur infortunio ? Et quem patronum et alumpnum habere confidebam, vehementissimo potiar despectore ? Non credam, pater mi, 25
€etiam
si ipse Cicero
suaderet,
nec
autumen
: quin verius
favoris applausum directionemque ab innata vestre caritatis
EPÎTRES CHOISIES
41
Mais tu me demandes conseil sur ce que tu dois faire. Je te recommande de dire ce que celui qui fut en même temps roi et prophete ne rougissait pas d’avouer humblement : «Je t’ai fait connaître mon péché ; je n’ai pas dissumulé mon injustice.» Mais si, en attendant, tu entends faire un traité sur ce sujet, je te supplie au nom de notre amitié de ne pas négliger d'envoyer à ton Prévôt quelque réponse pour lui faire part de tes intentions, et surtout, soulager son attente.
«Je me réjouirai, comme
dit le Psalmiste, de ton éloquence,
comme celui qui a trouvé de grandes dépouilles.» Adieu.
[152] Puisque nos écrits frivoles en vers français ne sont pas dignes, mon
Révérend
Père, de vous être présentés, j'ai pensé vous soumettre
des échantillons de ma prose.
Voici donc, mon
cher Maître, deux
épitres écrites 1] y a quelque temps, avec non moins d’emportement
que nos frivolités de l’autre espèce ; l’une à la louange de la Rose, cet ouvrage si brillant ; l’autre sur le même sujet, sous la forme d’une satire, contre celui qui vous harcèle aussi, pour d’autres motifs,
il est vrai. Je vous demande donc, vous prie et vous supplie de ne pas les juger trop viles ou méprisables pour mériter d’alterner quelque peu avec vos préoccupations plus importantes ; je me réjouirais,
au contraire, de voir ces insipides et maigres écrits se restaurer, comme on dit, en passant par la cour de votre sagesse, et ne point en revenir, comme
nos Proverbes,
dépités d’un mauvais accueil.
Socrate,
qui fut selon la réponse d’Apollon le plus sage de tous les hommes, «ne rougissait pas de jouer avec les petits enfants», Scipion l’Africain et Caton le Censeur, qui furent de si grands hommes, s’amusaient à compter les petits cailloux dans le sable. Et vous, vous auriez pris en dégoût les exercices de votre élève ! celui que vous devriez encou-
rager à l'étude, vous l’amèneriez à desespérer de ses progrès ! Ce seraient là les mœurs des barbares, non les vôtres! Jusqu’à présent, à ma connaissance, tous n'avez agi de telle sorte avec personne, et
Jean serait le premier à être frappé de ce bâton ! Il serait le premier à subir ce malheur ! Et celui que je tenais pour mon maître et mon père nourricier, je le verrais devenir le plus acharné de mes détracteurs ! Cela, je ne le saurais le croire, mon Père : quand même Cicé-
ron en personne
s’efforcerait de m'en convaincre, je ne pourrais
JEAN DE MONTREUIL
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bonitate prestolabor, que sic me oculo benevolentie contempletur ut novum non cogar ad azilum recurrere, sed indulgentiam quam semper optavit piis supplicationibus prepositus Insule consequatur. «Et si quod peccatum fuerit, corrigemus te iudice», istud monente Therentio. Bene valete.
16 reculas
[154] [107 vo] UT SUNT MORES hominum et affectus varii, dicam sinistra
indicia. Audies, vir insignis, et videbis pariter in contextu cutusdam mee rescriptionis in vulgari, quam inique, iniuste et sub ingenti arrogantia nunnulli in precellentissimum magistrum Johannem de Magduno invehunt et delatrant, precipue mulier quedam, nomine Cristina, ut dehinc iam in publicum scripta sua ediderit : que licet, ut est captus femineus, intellectu non careat, michi tamen audire visum est Leuntium 10
15
grecam meretricem, ut refert Cicero, que «contra Theofrastum, philosophum tantum, scribere ausa fuit.» Asserentes obtrectatores predicti eundem ingenuissimum virum passibus in multis perclarissimi operis sui de Rosa erravisse et loquutum extitisse insolenter ut petulans : primo scilicet in capitulo Rationis, eam, ut aiunt, loqui supra personatus faciens dignitatem ; consequenter Zelotipum excessive ; et in sui tractatus
seu
libri decisione,
ubi Amans
iuveniles
suas exprimit passiones indecenter, pernimiumque, ut subiungunt, ac lubrice. «O tempora! o mores!» «Vix enim apud 20
me sum», ut ait Therencius : tantum opus, talem virum — cui similem non tulit etas nostra, nec, ut auguror, secula ulla
restituent — sic detractionis conspiciens unguibus lacerari, mortuo inconsideratissimi verba facientes, — quos vivens solo nutu oppido compressisset, qui de personatuum varietate non discernunt, seu notant quibus passionibus movean108 r°
tur aut induantur affectibus, et quem ad finem quave | dependentia aut quamobrem sint loquuti, nec quod demum satirici 1s instructor fungitur officio, quo respectu plura licent que aliis actoribus prohibentur.
EPÎTRES CHOISIES
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m'en persuader. Mais j'attendrai plutôt de la bonté innée de votre charité l’approbation et les conseils de sa faveur ; car elle me regarde d’un œil si bienveillant que je n'aurai point à chercher un nouveau refuge, et le Prévôt
de Lille retrouvera,
au contraire, l’indulgence
que ses humbles prières lui ont toujours value. «Mais s’il y a eu faute de notre part» dans nos écrits, «nous arrangerons la chose en te prenant toi-même pour juge», fidèle au conseil de Térence. Adieu donc.
[154] J'ai, sur la diversité des coutumes et des sentiments humains, de ficheuses révélations à faire. Tu entendras, homme illustre, et tu ver-
ras de même, d’après une réponse que j'ai faite en langue vulgaire, combien perfidement, injustement, et avec quelle arrogance démesurée certains se déchaînent et aboient contre ce maître entre tous distingué, Jean de Meun, particulièrement cette femme que l’on appelle Christine, qui livre désormais ses écrits au public. Encore qu'elle ne manque pas tout à fait d’esprit — pour autant qu'une femme puisse en avoir — il me semblait entendre «la courtisane grecque Leuntion, qui, ainsi que nous le rappelle Cicéron, osa écrire contre le grand philosophe Théophraste.» Cet homme d'intelligence si vive se serait trompé, à en croire ses détracteurs, en bien des passages de son très excellent livre de la Rose ; il se serait exprimé de façon insolente et impudente : premièrement dans le chapitre de Raison, qu'il aurait fait parler, paraît-il, d’une manière incompatible
avec la dignité du personnage ; ensuite, dans le discours outrageant du Jaloux ; enfin, dans la conclusion de son traité ou plutôt de son livre, là où l’Amant raconte les passions de sa jeunesse en paroles indécentes, trop explicites à leur goût, et même lubriques. «O temps ! o mœurs !» Comme le dit Térence, «je me possède à peine» lorsque je vois une si grande œuvre, un si grand homme — dont notre époque ne peut offrir l'exemple et que, je le crains, les siècles futurs ne nous rendront point —, déchirés par les ongles de la calomnie ; car ces outrecuidants cherchent querelle à un mort, — eux que d’un seul geste il écraserait, s’il était en vie. En effet, ils ne regardent pas à la diver-
sité des personnages ; ils ne remarquent ni de quelles passions ceux-ci sont agités, ni les sentiments qu’il convient de leur prêter, ni le but, ni les circonstances, ni les causes de leurs discours ; ilsméconnaissent,
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In hos siquidem maledicos exclamarem quam libenter, nisi autoritate comperissem quotquot usquam nati sunt militaris clerimonieque professionis excellentiores talis semper iacture maculam subusse : nec est quod alta pretereant ingenia canum latratum talismodi aut morsuram invidorum, rege simul et propheta contestante non posse «obstrui os loquentium iniqua», quippe cum, iuxta Livii sententiam, «quo gloria maior, eo propior invidia.» Sed me nimis urit quod tales existunt nostri detractores quorum aliqui romanum
huiusmodi,
quod
potius
vite humane
debet aut discursus, viderunt summotenus 40
speculum
dici
aut legerunt in
transitu, ut referunt ; ali vero, qui tametsi enixe studuerint,
minime, credi michi, tante rei sunt capaces aut susceptibiles misterii. Daque quod istorum aliquis opus id attentius viderit et toto nervorum conatu processus incubuerit lectioni, ut intelligere concessum sit : eundem tamen ordinis vocatio 45
sic inducit, aut exigit professio, ut aliter loquatur ac sentiat,
— vel talis est qui ad continuationem speciei humane — qui finis libri est — redditur forsitan inutilis. Quis igitur talium non deferat protinus iudicio ! — qui profecto, ut ait Petrarcha, «quod nesciunt, aut negligunt, in aliis reprehendunt.» 50
Quasobres,
frater carissime,
industriam
tuam
rogandam
esse velim — quatinus tu qui, ut sentio, eundem philosophum et poetam ingeniosissimum, ut meritus est, veneraris,
diligis, atque colis et in suo genere dicendi ceteros excellis huius regni — contra istos declames maledicos altissona for55
titer musa tua, taliter baculo tue disertie defensando doctorem istum morum optimum, si mens tamen elevetur a
108 v0
sensibus, quod agnoscant quid sit | in eum dicere tot scientificis munitum discipulis et amicis potentibus decoratum. Vale, meque preceptori meo magistro Johann: Venatoris suppliciter recommenda, et parce quod tibi per «tu» confidenter sum loquutus. Hoc enim ex lectione antiquorum didisci : singularem personam plurali numero alloqui non deberi.
EPIÎTRES CHOISIES enfin,
la tâche
de satirique
que
s'était
45 donnée
ce
moraliste,
en
de quoi bien des choses interdites à d’autres auteurs lui furent permises. Je me laisserais volontiers aller à la colère contre ces médisants,
si Je ne savais leurs éléments de traitement. de ces chiens,
de bonne source que, toujours et partout, les meilde l’état clérical ou militaire ont eu à subir ce genre Les plus grands génies n’échappent ni aux aboiements ni aux morsures des envieux : celui qui fut en même
temps roi et prophète témoigne qu'il est impossible de «fermer la bouche de ceux qui disent des choses injustes» ; et, selon la phrase de Tite-Live, «plus grande est la renommée, plus proche est l’envie.»
Mais ce qui m'irrite le plus, c’est que certains parmi nos détracteurs n'ont lu ce roman si remarquable — que l’on devrait plutôt appeler un miroir ou discours de vie humaine —, que bien superficiellement, ou se sont contentés de le parcourir, comme ils le reconnaissent eux-mêmes
; d’autres, s'ils l’ont étudié avec soin, sont, crois-
moi, complètement incapables de comprendre une si grande œuvre et fermés à ses mystères. En admettant même que l’un d’eux l’ait attentivement examinée, qu'il se soit plongé dans sa lecture de toutes ses forces, au point qu'il soit parvenu à tout comprendre :alors ce
sont les vœux de son ordre qui le poussent, ou les devoirs de sa charge qui l’obligent à parler contre son sentiment. A moins encore que ce ne soit un homme impropre à la perpétuation de l’espèce humaine, qui est le but de ce livre. Qui donc ne récusera pas aussitôt le jugement de gens qui, comme dit Pétrarque, «blâment chez autrui tout ce qu'eux-mêmes ignorent ou négligent» ? C’est pour cela, très cher frère, que je voudrais faire appel à ton aide, toi qui, je le crois, admires, aimes et révères comme 1l le mérite
ce philosophe et poète de génie, et qui surpasses dans son genre littéraire tous les autres poètes de ce royaume —, attaque vigoureusement ces médisants en déchaînant contre eux ta muse altière ; défends du bâton de ton éloquence cet excellent moraliste. Ils apprendront ainsi — pour autant que leur esprit puisse en percer les mystères, ce
qu’il en coûte d'attaquer un auteur défendu par tant de savants disciples et honoré de l'affection de tant de puissants personnages. Adieu ; et recommande-moi à la bienveillance de mon respecté maître Jean Le Veneur. Et pardonne-moi l’audace de t’avoir tutoyé, car j'ai appris à la lecture des anciens que l’on ne doit pas s'adresser au pluriel à une seule personne.
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TRAITÉ CONTRE LE ROMAN DE LA ROSE
69
que tu ne fus pas maistre de ravoir ton livre quant il fu publié ; ou par aventure te fu il amblé sans ton sceu ou autremant ; Je ne le say. Tant saije que Berengier, disciple jadis 255
260
265
270
182b 275
de Pierre Abalart — lequel tu remambres souvent —, quant vint a l’eure de la mort, la ou verité se monstre qui aura bien fait, et estoit le jour de l’Aparicion Nostre Seigneur ; lors en souspirant : «Mon Dieu, dist Berengier, tu apperras au jour d'uy a moy a ma salvacion — come j’ay esperance — pour ma repentance ; où a ma dure dampnacion — come je doubte — pour ce que ceulx lesquelz j’ay deceu par mauvaise doctrine, Je n’ay peu ramener a droite voie de la verité de ton saint sacrement.» Par aventure ainsi dis tu. Briefment ce
n'est point jeu : et n'est plus perilleuse chose que de semer mauvaise doctrine es cuers des gens, en tant que la peinne de ceulx mesmement qui sont dampnés en acroit de jour en jour; et s'ilz sont en purgatoire, leur delivrance s’en empeesche et retarde. De Salemon, qui fu le plus saige du monde, doubtent les docteurs s'il est sauvés. Pour quoy ? Pour ce qu'avant Sa mort 1l ne fist destruire les temples aux ydoles, lesquelz il avoit fais par la fole amour des fames estranges. La repantance n’est pas souffissant quant on ne oste l’occasion de ses | propres pechiés et des aultres a son pouoir. Neantmoins, quoy que ce soit de ta repentence (s’elle fu acceptee de Dieu ou non, — je desire que oy),jene parle fors du fait en soy et de ton livre ; et quar tu ne le deffans point
253 te manque] ACD (tu Dj) —257 N.S. Jhesu Crist] ACD — 264 p. doctrine, Dy 2] ACD; — 267 cilz] ACD — 272 ces p. p.] ACD — 274 quoy qu’en] AD (quoy fu C) — celle fu] ACD — 275 que sy] ACD 253 tu fut il A; — 254 Mais tant monstra D> — 257 et fut le D3 (qu’il d. D3) — 258 dit Berengier ACD3 — laquelle je d. D3 — 262 263 Et p.2. D3 — aussi d.t. A; — j. A
s. D3 — jadis disciple AD3 — 256 v.aheure D12 — — la propicion C — de N.S. A, — 257-58 lors dist D manque D3 — 260 d. pugnicion D — 261 c. que j'ay m.d.es cuers des gens Dy,2 — de la verité manque A — 263-64 B. il n'est point griefve et n’est plus À, n'e. pas
— 264 et n. pas plus A7 — 265-66 en tant... mesmement manque
D) — leur painne
D3 — 266 mesmement de ceulz D (ac. D3) — d.sia. D3 — 267 I. penitance D7,2 — 268 rubriques :Comment l'en doubte de la salvation pour les temples des ydoles qu'il ne fist destruire et abatre Dy 2 ; Cy met ung exemple de l’oppinion des docteurs du sauvement du saige Salemon et aprés adrece sa parole a l'aucteur en desir de sa salvacion D3 — 2695.
ou non, pour cenef. D3—p.c.queil Dy,2 — 271 pourlaf.a. AC, parf.a. def. D7,2 — 272 les occasions AD — 276 du fait manque Dy2 ; fors du fait (barré) de ton fait et de tonl. D3—etent.l. D 2 —etquet. D7,2, et puis que A; —nele d.pasc.s. D
70
JEAN GERSON — comme saige—, je tourneray toute ma querelle contre ceulx qui oultre ton propre jugement et ta volantey, en grief pre280
judice de ton bien, de ton honour et salut, quierent, soit a tort, Soit a travers, Soustenir — non pas soustenir, mais alai-
dir et acroistre ! — ta vanité. Et en ce te confondent en toy cuidant deffandre ; et te desplaisent et nuysent en te voulant complaire, — a la samblance du medecin oultraigeux qui vuelt garir et il occist, et du nice advocat qui cuide aidier son mais-
285
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295
tre et il destruit sa cause. Je, parle contraire, rendray ce servise a ton ame etly feray ce plaisir ou cest allegement a cause de ta clergie et estude, que je reprandray ce que tu desires du tout en tout estre repris. Et quelle ignorance est celle ycy, o biaux amis ! — mais quelle fole oultrecuidance de vous, lesquelz je voy et oy ycy parler, de vous qui voulés excuser de toute folie ou erreur cil qui se condampne, cil qui porte en son front le tiltre escript de sa condampnacion ? Voire ! de sa condampnacion : ne me resgardés ja ! Il se porte par vostre dit meismes pour ung fol amoureux. Vraiement, quant j'auroie dis plusseurs diffames d’ung tel acteur, je ne ly puis gueres pis imposer que de le nommer fol amoureux : ce non emporte trop grant fardel et pesant fais de toute lubricité et de charnalité murtriere de toutes vertus, bouteresse de feu par tout ou elle puet. Ainsy
280 vers
tort, soit a droit, soit a travers] D3) — 282 en toy veulent]
AC (tort ou a travers
ACD;
(toy veulent
Dj 2, a tort en tra-
D} 21
286 se servise ]
ACD — 292 se manque] ACD — 294 par ung f. a.] ACD 277 et je te tourneray À), et je retourney À; — encontre ceulx À — 278 quiont D —en ton p. de ton b. A, grief manque A, — 279 b.et de ton h. D — requierent Dy >, et qui r. D3 — 280 p. seulement s. C, soustenir seulement D3 — 281 2. ta deffaulte et v. DE rubrique : Contre ceulx qui cuidoient soustenir le Rommant du livre de la Rose pre te manque D] 2, et ilz d. D3— 282encete d. A — 284 aidier a son m. A2 ; — 286 rubrique: Comme ce est folie de vouloir excuser le blasme de celluy qui porte au front le tiltre de sa condamnation D3 — ce tres bon s. Dj 2—287p.et c.a. D — 289 celle cy À — o manque
D1,2 — bel ami AD3 — 290 que fole D 2 — o. de sens A, — 291 de vous (barré) qui voulés vous D,2 — 292 se c. et qui Dy 2 — son manque D 2 — escript manque ACD3 (texte cité par Pierre Col : escript) — 293 Voire de s. c. manque DE29EnemenreD; resgarde j. A7 — meismes manque D3 — 295 rubrique :Cy fait mencion Eloquence de plusieurs grans malx irreparables qui sunt avenuz ou temps passé et aviengnent de jour en jour par folz amoureux D3 — vraiement dit Eloquence D3 — 296 je manque A, ne luy puis je 8. At — gueres manque D) — 297 lui nommer D 2 — 298et trop grant f. det.l. C— c quiest m. D3 |
TRAITÉ CONTRE
300
LE ROMAN DE LA ROSE
71
le dirent Platon, Architas Tarentin, Tulle et aultres.
Qui cra-
venta jadis par feu et flanme Troye la grand ? Fol amoureux. Qui fist lors destruire plus de cent mil gentilz homes, Hector, Achilles, Priaint et aultres ? Fol amoureux. Qui chassa hors
jadis de Ronme le roy Tarquinius et toute sa lignie ? Fol amoureulx. Qui deçoit par fraudes et par parjuremens desloyaulx honnestes filles et religieuses sacrees ? Fol amoureulx. Qui oublie Dieu et sains et saintes et paradis | et sa fin ? Fol amoureulx. Qui netient comptede parens ou d’amis quelconques ou de quelconque vertus ? Fol amoureulx. Dont viennent conspiracions civiles, rapines et larressins pour fole largesse nourir, bastardie ou suffocacion d’enfens mors nés, haynes aussy et mort des maris, et a brief dire tout mal et toute folie ? C’est par fol amoureulx. Mais je voy bien par ce tiltre et par ce blasme vous le voulés excuser de ses folies, pour ce qu’en fol ne doit on querir
305 182c
310
315
se folie non.
En non Dieu, voire, beaulx amis ! mais au fol
doit on monstrer sa folie ; et plus quant il est saige et fait le fol ; et plus se c’est ou tres grief mal d’ung grant païs et en la destruccion villainne de bonnes meurs et de dame Justice
320
etde toute sa noble court de Crestienté. Vous veés commant dame Chasteté s’en plaint. Honte et Paour et dame Raison ma
maistresce s’en doellent, et briefment tout le conseil et
304 compaignie] C (et toute sa compagnie manque AD ; il s'agit, en effet, de la lignie du roi : voir nos notes textuelles) —-310 D'ou] ACD — 313 C’ manque| AC (vient p. D3, viennent Di 2) —315 cesf.] ACD — 318 grant manque] AD (tres grant
300 Tales manque
C)
A4; — a. plusieurs
C — 301 f. et par f. Dy,2 — 302 destruire lors
Dy 2, lors
AD3 (texte cité par Pierre Col :lors) — 303-04 jadis hors AD17,2, hors manque
D3
(texte cité par Pierre Col : jadis manque) — 305 par manque devant parjurements À — 307 et manque devant sains D 2 (cette phrase et la suivante interverties dans D 2) —s. de paradis D 2, et/de manque D3 —p.as.f. C — 308 p.ne d’a. À, et d'a. A; — 310 et manque devant |. D 2 — 312h.etm.de D 2 — a vray dire A; — 314 rubrique :Comme ceulx ne font a oÿr ni a recevoir qui le cuident excuser par titre de Fol Amoureux mais l’accuser en indignacion
A2 — il f. Dj,2 D — puelt
de toute la court
D3 — bien mangue
D (v. que
D3), v. bien que
315 on ne doit CD 2 — 315-16 q. que f. C — 316 non de D.b.a. A2 — 317s.et D7,2 — 318 car c'est ou grant grief du p. ou il est pour ce qu'il est la D3 — se manque — tres manque D — 319 la manque C — d. humaine D — et de dame Justice mangue 320 de trestoute D — la n.c. D — rubriques: Comment l’acteur de la Rose ne se excuser par ses personnages D 2 — 320-21 comme Chasteté D,2 — 321 se plaint
A; — en manque
À
JEAN GERSON
72
la noble chevalerie des saintes vertus — bien le veés a leur maintieng —, s’en indignent forment. Et pour quoy non ? 325
Pour ce, dirés vous, que cest acteur ne parle point, mais aul-
tres qui sont la introduis. grant crime.
C’est trop petite deffence pour si
Je vous demende : se aucun se nommoit adver-
saire du roy de France et sus ce non et come tel li faisoit guerre, ce non le garderoit il d’estre traytre et de la mort ? Vous
330
ne dirés pas. Se en la persone d’ung herite ou d’ung Sarrazin — voire du deable —, aucun escript et semme erreurs contre la Crestienté, en sera il escusey ?Aultrefoys ungle voustfere, qui tantost fu contraint a soy rappeller et corrigier par ung
des chanceliers de l’esglise de Paris en plainne sale et audien335
ce; nonpourquant parlast 1l entre clers entendens quant il di-
soit : «Je parle comme Juif.» — «Et tu rapelleras come Crestien», dit le chancelier. Aucun
340
escripra libelles diffamatoires d’une personne, soit
de petit estat ou non — soit neis mauvaise —, et soit par personnaige : les drois jugent ung tel estre a pugnir et infame. Et donques que doivent dire les lois et vous, dame Justice, non pas d’ung libelle, mais d’ung grant livre plain de toutes infamacions,
345
contre homes, mais contre
Dieu et tous sains et saintes qui ainment vertus ? Respondés moy | seroit un a ouir qui diroit a ung prince ou a ung signeur : «Vraiement, sire, je vous dis en la persone d’ung jaloux ou d’une vieille ou par :1: songe que vostre fame est tres mauvaise et forfait Son mariaige : gardés vous bien et de riens
330 dictes] AC
non pas seulement
(unhom
AC (diriez
D) — 338 d'une... soit manque | ACD
D) — 348 vous manque|
—
345 bon.
AC (g. vous bien d’e. Dyrg- 125:
v. |
Dj 2
323 bien le (barré) v. que D3 — 324 souvent D3 — 326 introduiz la D 2 — rubrique: Cy met plusieurs exemples par lesquelx il monstre que user de femmes dissolus soubz ombre d'aucuns personnaiges n’excuse point l’omme de vice ne de crime D3 —327a.len. A2 — 328 si cen. commet. A2 — 329 d'e. reputé pour t. D 2 — 330 d’un heretique A; — d’un
d. CD —331 forme
CA (fournist A4;) — 332 e. pour tant D
2 — ung clercl. D3 — 333 c.
de s.r. C — 335 Et si pourtant A}, ne parloit À —e.lesc. D 2 — 336tuter. D7,2 — 338 rubrique : Aucuns exemples pour reprendre les excusacions de user de personnages ou romant de la Rose D3 — 340e.aestre puny A (un tel a estre pugny A;) — 341 drois A7 — 343 diffamacions D3 — et contre D3 — 344 tous manque C — rubrique : Encores met autres exemples come ceulx sont a blasmer et pugnir qui par personnaiges dient a autrui villennie et injures D3 — 345 seroiton A; — 347 i. manque D3 — trop m. D3 — 348 gardéribiens A rente dérrienssA
TRAITÉ CONTRE
1824 350
360
365
370
73
| en elle ne vous fiés ; et a vos filles, qui sont tant josnes et belles, je conseille a tantost soy abandonner a toute euvre charnelle, et a tout home qui leur volra bon pris donner.» Dittes moy,
399
LE ROMAN DE LA ROSE
vous, beaulx amis, estes vous tant effrontés et
peu sachans que vous jugissiés que tel home on ne pugniroit mie ? que on le soustenroit, oyroit et excusseroit ? et plus encores, se oultre les parolles il envoyoit livres ou paintures! An surplus, lequel est pis : où d’ung crestien clerc preschier en la persone d’ung Sarrasin contre la foy, ou qu'il amenast le Sarrazin qui parlast ou escripst ? Toutefois jamais ne seroit souffert le segond oultraige; si est toutefois pis le premier (c'est a dire le fait du Crestien), de tant que l’ennemy couvert est plus nuisable que l’appert, — de tant que plus tost et plus familierement on le ressoit et oyt et croit. Je bailleray du venin envelopé de miel ; ung en mourra : en seray je quitte ? Je ferray en baisant ; je occiray en enbrassent : en seray je delivre ? Je diray publiquement a une devote personne : «Vraiement vos envieulx et hayneulx dient que vous estes ypocrite papelart et que vous estes larron et murtrier et se euffrent a le prouver» : seray je excusé de ce diffame ? Ung dissolus mauvais fera et dira toute lubricité qui se peust trouver entre home et fame devant une pucelle en disant : «Ne fay pas ainsy come tu nous vois fere, ainsy et ainsy ; regarde bien !»: sera tel a soustenir? Certes non, quar chasteté,
renommee, oeul et la foy n’ont point dejeu, et sont choses trop de legier a blecier et corrompre. 364 baissant] ACD — 368etcee.te le p.] ACD — 369 qui ce p.] ACD — 373 et manque devant foy] ACD — 374 tout rompre] ACD (ac. Dj 2) 349 qui tant sont AD — 349-50 belles et j. CD 2— 350 je manque D — a manque CD],2 — a ellest. D3 —soy manque D, a eulx C — 351-52 de charnalité D7 2 — 352 vous manque A — 352 e. ou p. Dy,2 — 353 q.untel C — 354 m.et q. D3 — 355 0.sesp. D — il mranquen € —1oul. où p# D,2'—Wretip." A) — 356 aus. À;; en oultre D3 — clerc crestien Dj,2 — 358 qu'il preschast D3 — ou escripst manque D3, escrisist D,2 — 359 ne s. de souffrir le D) — de s. que le Sarrasin preschast D3 —etsie. D — 360 c’est assavoir le f.
C — d’un c. A; — d'autant D3 — 361 invisible A2 — pour tant que plus familierement ont le D3 — 362 r.croitet oit C — rubrique : Encores aultres exemples contre ceulz qui soustiennent le livre de la Rose D3 — 363 e.ou m. A7, en m. A2 $C — 364 frapperay À — et je o.
A2 — 366 vos anemiseth. D — 367 ypocrite... estes manque À —y.etp. C— 368ys.je C—s.ae. A — 369 d. malnay A, — mauvais manque D — dira évitera A 371 p. aussi c. A), ainsi que A; — 372 tel faita D) — 373 l'oeul CD3 — 373 et manque devant sont AC, ces. Dj,2
JEAN GERSON
74
375
Mais j’entens bien ce que vous murmurés ensemble : vous dictes, comme par avant l’ung de vous allega, que Salemon et David ont ainssy fait. C’est ycy trop grant outraige pour excuser
380
183a 38s
ung fol amoureulx,
accuser Dieu et ses sains et les
mener a la querelle ; mais ne se puet faire : je voulroie bien que ce Fol Amoureulx n'eust usé de ces personnaiges fors ainssy que la sainte Escripture en use, c'est assavoir en reprouvant le mal, et tellement que chascun eust apperceu le reproche du | mal et l’aprobacion du bien, et — qui est le principal — que tout se fist sans excés de legiereté. Mais nennin voir. Tout semble estre dit en sa persone ; tout semble estre vray come Euvangille, en especial aux nices folz amoureulx auxquelz il parle ; et, de quoy je me dueil plus — tout enflamme a luxure, meismement quant il la samble reprouver : neis les bien chastes, s’ilz le daingnoient estudier, lire ou es-
320
395
Couter, en vaurroient pis. Dient les docteurs que les Cantiques Salemon, soient eulx certes bien sobres, ne se lisoient anciennement fors par ceulx qui avoient trante ans ou plus, affin qu'ilz n'y entendissent quelconque malvaise charnalitey. Jeunes gens donques nices et volaiges, que feront eulx a ung tel livre — mais un ung tel feu ! — plus enflammant que feu grigoys ou que fournaise a voirre ? Au feu ! bonnes gens, au feu ! Ostés le, pour Dieu,
384 fist et s.] ACD — 388 enflame en] ACD — 389 chastels] AC
(biens de
chasteté D) — cilz] A, ,CD (filz Ay) — 393 iln'y] ACD — 394et n.] ACD 375 rubrique : Come David, Salemon et autres ne deirent nulles mençonges en la saincte Escripture par personaiges que le mal n’y fut clerement reprouchié D3 — ce manque D — 376 d. que | C — comme... allegua manque A — 377 l'ont a. D3 = Oresty D2 top manque À, — grant manque A2 — g.et o. D3 — 379 q.cene D — rubrique : Comment cest acteur reprent ce que les soustenans de la Rose dient de Salomon, de David et des aul-
tres docteurs D3 — 380 de ses p. A,CD7 2 — 381 en manque C — 382 m. tant seulement D1,2 — a.lar. Dj — 383 r. de m.et 1. de b. À, — et manque devant qui AD3 — 384et que t. D3 — s.l. et sans excés D 2 — 385 v.quet. D3 — toute C —enlap. C — 386 c. l'E. C — 387 à. je p. D — tante. À (tout ensemble et tante. À;), tost C — 388 il a semblé Dy2 (a manque D3) — 389 s. les d. D, la d. A2,+ — daignent À, daignoit D — lire, e.oue. D3, lire ou estudier Dy 2 — 391 C. de S. D3 — tant s.e. D1,2, toutes s. D3 — 392f.pour c. A2, f.quep.c. D3 — 393 al'affin C — 394 aucune CD3 — rubriques: Comment c’est chose perilleuse a jeunes gens de lire en un tel livre D1,2 ; Come de tant est la mauvaise doctrine plus perilleuse quant elle es meslee et couverte avec saintes paroles et dignes D3 — 395 feroient AD3 (qu'ilz f. A2) —enu.t. C — 396 f.et voire A, —397 f.et ostés le A2+
TRAITÉ CONTRE LE ROMAN DE LA ROSE
400
405
ostés ! Fuyés vous tost ! sauvés vous et vous en gardés aise ment, vous et vos enfens ! C’est le remede ; meilleur n’y a : qui ne fuit le peril, il y trebuchera et y sera pris comme le rat au lardon et loups en la louviere, ou le papillon au feu de la chandoille pour sa clartey, ou les folz ou les enfens aux espees cleres ou aux charbons vifs pour leur beauté, qui ne les oste de fait. Sy vous dictes que dedens sont des biens plusseurs, en est, je vous pry, pour ce le mal dehors ? en est le feu se non plus perilleux ? L’amesson nuit il mains aux poissons s’il est couvert de l’ammorse
410
1)
? Une espee, s’elle est ointe de miel, fiert
elle se plus avant non ? Mais en surplus, sont faillies ailleurs bonnes et pures doctrines sans melleure de mauvaistié ? Que ce soit neccessaire aucune bone envelopee de la mauvaise gar-
415
183b 420
der et tenir chiere et louer, je dis que Mahommet par tres grande et avisee malice mella les verités de nostre loy cresuenne avec ses ordes erreurs. Pour quoy ? Pour attraire plus tost les Crestiens a sa loy et pour couvrir ses oultraiges. Et ne dit pas le deable plusseurs verités a la fois, et par demoniaques et par ses invocateurs les magiciens et aussy les herites ? | Mais ce n’est que pour decepvoir plus couvertement : si est une mauvaise doctrine de tant pire quant plus y a de bien, et pis vault.
Creés moy — non pas moy mais l’apostre saint Pol et Seneque et experiance |! — que mauvaises paroles et escriptures 398 f. v. tous] ACD; (en tost Dj 2) — 401 a la 1.] ACD — 406 ce n'est p.p.] ACD — 408 celle est] ACD — 414 ceso.e.] ACD — 415 c. ces o.] ACD — 417 p. cesi.l. m.] ACD — ainssy] ACD 398 ostez manque devant fuyez A — f.bien tost À, — et vous manque
D) — 3995. et v.
A — 400 s'il ne f. D 2 — 401etlel. A, — le chat au D,2 — 402le fol D3—f.etlese. C — 403 aux manque ” A — 405 des manque C — 406 je vous pry manque D3 — pour ce manque A, le mal p. c. C — f. pour ce se non p.p. A2, pour ce biffé, se non sm. AJ — 407 rubrique: Ci fait mencion comme Mahommet mist en son livre plusieurs veritez de nostre foy pour plus legierement decevoir D3 — 407 mains mangue C — au poisson AD3 — 408 la morise C, la mousse D — s’elle est manque C — 409 au surplus D — saillies À; — 410-11 m.siqueces. D3 — 411 necessité À — a. chose b. D3, a.b.chose D2 — 412 et lal. Dj,2 — 413 m.lav. An. foy c. Dy,2 — 416 aucunes fois Dy,2 — 417 heretiques
Ar — 419 s'ile. À — male d. C—p.queb.ya D — les mots plusi a de bien redoublés A1,t — 421 rubrique :Comme Ovide fut envoié en dur exil pour le livre de l’Art d'amours qu'il avoit fait D3 — m.seulement D3 — 422 et aussi pare. Dj,2, etpare. D3 — et manque devant escriptures D3 — et mauvaises e. D],2
JEAN GERSON
76
425
courrumpent bonnes meurs et font devenir les pechiés sans honte et ostent toute bone vergoingne, qui est en jeusnes gens la principal garde de toutes bones condicions contre tous maulx. Josne persone sans honte est toute perdue. Pour quoy fu Ovide, grand clerc et tres ingenieux poette, geté en dur exil sans retourner ? I] meisme tesmoingne que ce fut pour son Art d'amour miserable, laquelle il avoit escripte ou
430
temps Octovien l’empereur.
Nonpourquant fist il ung livre a
l'encontre, Du remede d'amours ; Ovide-eust bien seu parler
par songe ou personnayge s’excusacion en eust attendu par ce: O Dieu ! o sains ! o sainctes ! o devote court de crestienne 435
religion ! o les meurs du temps present ! Entre les paiens ung
juge paien et incredule condampne ung paien qui escript doctrine attraiant a fole amour, et entre les Crestiens et par les Crestiens tele et pieur euvre est soustenue, alosee et deffen-
440
due ! En bone foy, je ne pouroie assés dire l’indignité et l'erreur de ceste chose : parolle me fault a la reprouver. Et que tele œuvre soit pieur que celle d’'Ovide, certes je le maineng ; car L'Art d'amour, laquelle escript Ovide, n’est pas seulement toute enclose ou dit livre, mais sont translatés, as-
semblés et tirés come a violance et sans propos autres livres 445
plusseurs,
tant d’'Ovide
come
des autres, qui ne sont point
424 oste (hoste C)] AD} 2 (font fuir D;) — 427 tres manque] ACD — 432 pour ce] ACD — 434 saincte] ACD — 437 contre l. C.] ACD — et par les Crestiens manque, D3] ACD, > (les manque C) — 438 alose] ACD — 443 translaterés] ACD 423 les pecheurs D 2 — 424 font fuyr t. b. v. D3 — 425 t. leurs b. c. AC — 426 m.et honte D3 — 427 rubrique : Comment Ovide fu envoyé en essil pour le livre de l'Art d'’amours qu'il fist Dy,2 — 427 tres g. D — geté manque D3 — 428 s. jamaisr. D3 — Ly m. C — 429 miserable... amours manque Dj 2 — lequel D3 — 430 d'Ottaviam C — 431 appellé Du r. D3 — eust seu bien A7 — parler manque D) — 432 ou par p. D — y eusta. À; — 434 rubrique : Comme Eloquence preuve l’euvre du livre de la Roze estre pire et plus dangereux que l'Art d’amours D3 —s.ets. AC — 434-35 de crestienté et de religion. Oy les m.
D (oyez I. m.
D3) — 435
t. p. quelles elle sont par ce Roumant
de la Roze.
Car
meisme se un juge paien et incredule escripvoit ou donnoit doctrine actroyant un autre payen a fole amour il en seroit condamné selon leur loy. Etc. D3 — Entre les paiens manque D2 — 436 ung paien redoublé Dj — 438 erreur et euvre Dy 2 — s. et alosee D1 5 acoisee A; — 439 En verité D 2 — 440 l’orreur C — de ceste chose manque A — parole sime Dy2 —aler. Dj — 441 tele manque Di,2 = pyde Cac 442 7%, par VAS AZ 443 toute manque À — m. y sont D — t. et ensemblés AC — 444 sain p. C — 445 c. d'a.
D3
TRAITÉ CONTRE
450
183c
455$
460
LE ROMAN
DE LA ROSE
77
moins deshonnestes et perilleux (ainssy que sont les dis de Heloys et de Pierre Abelart et de Juvenal et des fables faintes — toutes a ceste fin maudite — de Mars et de Venus et de Vulcanus et de Pigmalion et de Adonis et autres). Ovide par exprés protesta qu'il ne vouloit parler des bonnes matronnes et dames mariees, ne de celles qui ne seroient loisyblement a amer. Et vostre livre fait il ainsy ? Il reprent toutes et blasme
toutes,
mes-
| prise toutes,
sans
aucune
exepcion.
Au
moins, puis qu'il se maintenoit crestien et qu'il parloit des choses celestiennes a la fois, pour quoy n'excepta il les glorieuses saintes pucelles et autres sans nombre qui jusques a souffrir tres durs tourmans et mort crueuse garderent chasteté où temple de leur cuer ? Pour quoy ne garda il ceste reverence a la sainte des saintes ? Mais nennin ! Il estoit fol amoureux
; Si n’en avoit cure ; si n’en voloit aucune excuser,
affin de baillier plus grant hardement a toutes de soy habandonner ; ne pooit cecy mieux acomplir que par faire enten-
465
dant aux fames que toutes sunt telles et qu’elles ne s’en pouroient garder. Necessité n’a loy. Diex ! quelle doctrine — non pas doc-
trine, mais blaspheme et heresie ! — ; ainssy s'efforce il de monstrer que Jeunes gens jamais ne seront fermes et estables en une religion, qui est faulce doctrine et contre experience.
447 pere A.] ACD — 448 et manque devant de V.] AC (M. ou V. D) — 449 Adnis] ACD — 452 et blasme toutes manque] ACD (b. et meprise t. D3) —
454 p. de choses] ACD — 462 que manque] ACD 446 moins manque A2 — 446-47 de H.et manque A — 447P.A.,,et H.et den flabes f. D 2 — 448 tout a A), toutes tendons Dy.2 — et manque devant Vulcanus AD (et de manque D3) — 449 et manque devant P. A; — et manque devant À. Aj 2 —et d'autres A, — rubrique: Comment le livre de la Rose est plus oultrageux que ne sont ceulz d'Ovide qui protesta de non parler contre les bonnes matrones et contre les bonnes dames D3 — 450 par exprés mos D,2 — 451 mariees manque D3 — feroient AD 2 — 452 l.icy À — ainsi faitil À, — et manque A;— 453 aucune manque D3,s.nullee. C— 456 à. sains et saintes D,2 — j. aus. AD — 458 il au moings c.r. D3 — 460 s’il n’en a. A; —nen’env. Dy2 — voult D3—nullee. C—461at. femmes d’eulz h. D 2, a. t. de leur h. As — 462nenep. D — pourroit A», pooit il C — fere a.q. D3 — quip. C — 463 que toutes telles et quelles ne A, — 465 rubriques: Comment Eloquence Theologienne reprent le livre de la Rose d’avoir parlé contre l’estat de Religion Dy,2, Comme se excuse de descendre a la particularité, pour tant que trop le declairier pourroit nuyre a bonnes meurs Dz — 466 aussy s. AD — 468 c. bonne D;
— 466-67 de monstrer manque
D — 467 fine
enr
D?
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410
415
Mais qui se voulroit arester a tout reprandre ce qui est mal mis ou dit livre, le jour iroit plus tost a fin que la querelle ; et pouroit aussy par aventure la trop grande particularité plus nuyre a bonnes meurs que pourfiter a la cause : je pouroie cheoir ou vice que je reprans. Si abregeray ma parole et ne diray plus que des articles contenus en la supplicacion de dame Chasteté presentés par Conscience ; et desja je me sans delivres d’aucuns articles les plus legiers : si est temps que je descende aux plus griefs et plus inexcusables. La chose est grande, dame Justice : soit ententif vostre conseil a les oir
480
485 183d
490
diligemment pour y pourveoir astivement. Certes en ce dit livre — se livre se doit dire — bien a lieu le proverbe commun : «En la fin gist le venin.» La moquerie d'Orace a ycy lieu, du paintre qui fait une tres belle fame ou chief et fenist en poisson (on dit teles estre les Arpiees, qui ont visaige vierge, mais ventre et autres parties tres ordes). Las ! quelle ordure y est la mise et assemblee ! quelz blasphemes y sont dis ! quelle dyablie y est semee ! Avoir tantost parlé de Dieu, de paradis, du doulz aï- |gnel tres chaste,
de la belle fontenelle, et puis en la persone de l’auteur soudainnement et d’ung tenant recité sa tres dissolue vie — de laquelle n’est tant deshoneste qui n’en eust honte ! —, enhortés tous a ainssy fere, a s’abandonner a toutes fames, pucelles
470 affin] ACD — 478 a le o.] ACD — 480 alies] ACD — 483 f. en raison] AD (poison C) — 487 du p.] ACD — 488 sontenelle] ACD — p. en une meisme personne, en la p. (une m. p. en l’a. D)] AC (ily a effectivement changement
de personnage : cf. Rose, v. 21316 et suiv.) — 489 reciter] ACD —tres mangue| ACD 471 par aventure manque D3 — 472 p., la cause est que je D3 — et pourroit À — 473 c. env. C — 475 presentee A, — je me sais d. 4; — 476 des a. a. À — rubrique : Cy veult monstrer que c’est grant deablie, ordure et esclandre d’avoir meslé telles paroles dissolues incontinant et tost aprés avec les dignes D3 — 477 aux p. grand griefs articles et qui sont i. D3 — au p. brief (grief A2) et p.i. À — 478 d. J., vouset v. c. soiez ententif a D3 — 480 rubriques : Quelle ordure est mise et meslee ou livre de la Rose en meslant des paroles divines avec les vilz paroles de charnalité D 2 — se livre manque A, (s. m. A2) — Certes ce dit livre se doit bien dire au lieu d’un p.c. D (s.d.b.d.lep.c., c'est D3) — et a bien lieu A2, — aura lieu D3 — 483 poison C — Apiees Ay, Aprees A; — 484 v. de vierge AD3 — et v. À, maiset v. C — t. hors D) — 485 laquelle D) — y manque D — 487 tres manque D3 — 489 reciter C — v. laquelle est t. d. qu'il n’est personne qui D3 — 490 des. Dj — et qui pis est, enhorter a tous a. f. D2,3 — 491 tous manque C
TRAITÉ CONTRE LE ROMAN DE LA ROSE
1
où non, pour essaier de tout ! Et — qui est la some du mal — il dit teles choses estre sactuares et euvres sacrees et adourees ! Ileust mieulx dit execrables et dampnables et detestees, ou — que diroie je ycy ? — pour vray, c'est grande abhominacion d’i panser tant seulement : ja ma bouche n’en sera enordie de plus en dire, ne vos oreilles saintes grevees ne ceste court empuentee de l’escouter. Si vous pry neantmoins que prejudice n’en soit fait a ma cause ; et s'il est vray ce que saint Augustin dit — et oy —, que «mains mal n’est pas mesprisier la parole sainte de Dieu que
45
s00
le corps Jhesu Crist», il n’a point fait moins de irreverence a
Dieu d’ansy parler et entouillier villainnes choses entre les parolles divines et consacrees que s’il eust getté le precieux corps Nostre Seigneur entre les piés de pourceaulx ou sur ung fiens. Pensés quel oultraige, quelle hyde et quel erreur ! Il n'eust mie pis fait de getter le teuxte des Euvangilles ou l'imaige du cruxefis en une grant fange orde et parfonde ! Dit Aristote (recite Seneque) que on ne se doit onques tenir tant reveramment et honestement come quant on parle de Dieu : et cil ycy gette ensemble en une ville boe et une ordure la pierre precieuse et sainte de la verité crestienne parlant de Dieu ! Je l’argue ycy : ou il creoit ce qu'il disoit de paradis (come je tiens — las donques !), et que ne pensoit il a ce qu'il
sos
sio
sis
creoit ; s’il ne le creoit, il estoit faulx herite faintif.
Ainssy
497 vos manque] ACD; 3500 cil.est, v. ] ACD; presque. 1bDieu manque | ACD; 3 — 501 maint m.] ACD; gr504cil e.] ACD; 2310 realement| ACD2,3 (cf. texte cité :voir nos notes) 492 la s. et le plus fort D3 — 494 à. qui mieulx ly feussent avoir dit estre execrables, d. et d.,et D3—495 ce que d. À, o que d. C, et que d. D2,3 — je manque AD) — d. pour moy ycy D2 — 498 emputee A,, empullentie D3 — 499 rubrique : Si fait une comparoison que moings mal n’est mie mepriser les paroles de Dieu que le corps de Jhesu Crist D3 — p.ne soit C — 500 ce manque D) — que dits. A. C — 501 n'est mie D3 (mie que D2) — 502 pas À (pas moins fait Ay) — 503 d’ manque À — p.et meslerete. D3 — 504 les p. sacrees que
D2,3 —
505 c. N. S. Jhesu Crist
C, le p. Jhesu Crist
DEP:
des p. AD3, de man-
que C—506et quelh. À (o quelle hydeur A), 0. et hydeur D), quelle h. mangue D3 — horreur AC — 507 n'est pas p. D2,3 — 508 grant manque D) —g.fiente A7 — rubrique: Encore de l'erreur et ordures qui sont mises ou Roman de la Rose D) — 509 dit Aristote que on ne D), Aristote dit qu'il n’affiert a soy t. D3 — comme recite S. AC — se manque A2 — 510 et honestement manque D) — p. a Dieu A7 — 511 gette une b. D3 — b.et ordure À; — 512 et la santité D3, saintes paroles D) — v. contenans la foy crestienne. Je D) — 513 j'a. ainsy D) — il manque D3, ouiltient D) — 514laset d.que D2 — 515 12 rs a.
D)
80
JEAN GERSON argueje de sa vie dissolue, — de laquelle il se glorifie et vente. En oultre je perleroie — se n’estoit ce que aucunement se peust plus sauver —, je parleroie comment en la persone, maintenant
520
de Nature,
maintenant
de Genius
(selond
ce que a
proposé Chasteté — et c’est vray), il enhorte et commande sans differance user de toute charnalité, et maudit toux ceulx
184a
s25
et
| celles qui n’en useront ; et ja de mariaïige ne sera faicte
mencion — qui toutes fois par nature est ordonné —, jan y ara sobresse de parler gardee : et promet paradis a tous qui ainssy le feront. Or est fol qui ne le croit, qui n’ansuit telle doctrine, qui ne la chante par tout. Vray est que ceste ficcion poetique fut corrumpuement estraitte du grant Alain,
en son livre qu'il fait De la plainte Nature ; car aussy tres 530
535
grant partie de tout ce que fait nostre Fol Amoureulx n’est presques fors translacion des dis d’autruy. Je le sçay bien : il estoit humble qui daignoit bien prandre de ses voisins et se hourdoit de toutes plumes, come de la cornaille dient les fabbles, — mais pou me meut cecy ; je reviens a Alain et dy que par personnaige quelconque il ne parla onques en tele maniere
: a tart l’eust fait ; tant seulement il maudit et re-
preuve les vices contre nature.
Eta bon droit ; aussy fais je :
maudis soient qui ne s’en tendront, et Justice les arde ! Mais
ce n’est pas qu'ilenhorte a pechié quelconque pour fuire ung pechié : ce seroit sote sirurgie vouloir une plaie par une aultre 517 je manque]
AD, (il p. D3) — ce n'e.] ACD; ; — 519 de manque devant
Nature] ACD 3 — 522 useroit] ACD; 3 — 528 des. 1.] ACD; 3 — ainssy] ACD) 3 — 534 quelconque manque]
ACD) 3 — 535 mandit] ACDS
se seroit sotement fait] ACD) 3 (sote manque
5339
A3) — pour ung, D)] ACD}
516 a. l’a. je AC — 517 rubrique :Come Eloquence repreuve ce que l’aucteur dit en la personne de Genius et de Nature sans garder sobrieté ne l’onneur de mariage D3 — se n’estoit -. parleroie manque D3— 518 sauver le plus A; —come CD 3— 519 G., pour soy cuidier aucunement plus sauver D3— 521 sans difficulté A,— et manque D — 524 de parole garder Ay —at.ceux q. A2 ;D2 3 (ceux barré C) — 525 et quin'a. A — qui n'a... tout manque D — et qui ne la c. et publie D3 — 526 ne le c. A — 527 poetique r#ranque D) — 528 p. de N. A2 ;D2,3 — 529 tout manque CD 3 — 530 fors que presque t. D3 — fors que pris des d. D2 — 532 ournoit de t. p. A — come la c. D) 3, de c. A2; — se d. lesf.
D2 3 — 533 p. meismement pour c. D3 (mesmement barre et corrige D2) — rubriques: Coment Alain le grant parla en la complainte de Nature D, Cy dit come Alain en son livre de la complainte de Nature ne reproucha onques Chasteté mais les vices contre Nature D3 —
534 de t.m.
D) — 535 a tort CD3 —537 s.ceulx qui D 3 — 537-38 les a.et maldiz soient
ceulx qui ennortent a p. D3 — 538 p. q. soubz ombre de bien pour fere p. D3 — v. faire une p. D)
TRAITÉ CONTRE LE ROMAN DE LA ROSE
sac
81
garir et feu par feu estaindre. Et qui ces euvres et oultraiges veult excuser par Nature qui parle, je respons pour vous, dame Nature, que onques vous ne concillastes pechié, onques ne voulsistes que persone fist contre aucuns des dis commandemens (lesquelx nous appellons vos commandemens) les
sas
conmandemans
de Nature ; dire le contraire seroit erreur en
la foy (c'est assavoir dire que selonc droit de nature euvre naturelle d'omme et de fame ne fust pechié hors mariaige). Dame Justice, j'ay longuemant parlé — je le sens bien voir quant au temps, mais tres briefment quant a la grandeur du sso
184b
sss
so
forfait —, conbien
que a vous et à vostre tres saige et avisé
conseil, qui comprenés tout a brief langaige, qui haïés tant toute villainne ordure, qui savés toutes lois et drois et qui piessa avés oÿ parler de ceste cause ce qui est dit — sans grande curiosité (car je say a qui je parle, et devant qui, et pour qui) —: ce qui est dit doncques pouroit assés souffire pour condampner le dit livre et l’escommenier, | come on a fait des autres qui sont nuysans a nostre foy et a bones meurs, come les apostres le firent aux nouviaux convertis. (Ainssy mesmement le firent les anciens des livres d’ung poete dit Archiloqus, nonpourquant fussent eux de grande maistrise : mais 1]z nuisoient plus a bones meurs des josnes gens qu'ilz n'en profitoient a leurs engiens, conme est ycy proprement.) S1 establiroie ycy ma fin, se non que dame Raison la saige et ma bone maistresse me fait ung signe d’encores parler :
540 f. par suif est aludie] ACD) 3 — ses] ACD, ;— 542 que manque] ACD; (qui D3)—557n.enn.] ACD, 3— 564 signe manque] ACD;3 540 f. pour f. D) — e. oultraigeuses v. D) — 542 o. vous ne voulsistes
AD) — 543 q. es
€ — 544-45 les commandemans manque D2 — 546 assavoir cune p. D 3 — c.lesd.c. manque D2 — s.léd. C—547 n'est sensp. D3 — n.f.p. mortel h. D — 548 SES Si monstre que les choses naturelles dessusdictes suffisoient pour condamner le “ii,livre de la Roze
D>,
Come
le livre de la Roze par ce que dit est devroit estre condempné et exco-
meniez come ont esté enciennement plusieurs livres nuisans a bonnes meurs DA? quant #1anque devant a la D — 550 a manque devant vostre CAT AVIS CD)
qui manque devant comprenés D) — en b.l. A; —en haissant D3 — PR EMEICe DE 552 villainie et D2 — ets. t. D3 — t. choses et d. D} — 552-53 et avez oÿ p. de D3 Ce.
se souffist ce quie.d. D) — ce qu'enest d. D3 — 554 car... pour qui manque bien D n.c. A A7 — 561 comment
D3 “es
— 555 ce que n'est d. D3 — p.et peut a. D3 — 556 manque C — 558 le firent a — 559 f.dea. Aj — 559 p.nommé A. C, dit À. manque À — 560 f. ilz de g. m. aux b. m. 42 ;D2,3 — de j. g. AyCD> — de bonnes g. D3 — 562nep. AC — cestui ycy D> — 563 sie.je C — dame la saige ma b. D)
82
JEAN GERSON
sés
570
n’est pas merveille, car Bien se seust deffendre, j'ay commencié, et veult lantiers le feray et assés
son honeur grandement y depent. c’est chose clere, mais pour ce que a son plaisir que je continue, voubrief, — et plus que le crime ne re-
querroit. Se cest erreur desraisonnable — o vous qui ycy estes pour le Fol Amoureulx, lequel impose a Raison la raige (n’est ce pas raige dire que on doye parler nuement et baudement et
sans vergoingne, tant soient deshonnestes les parolles au jugement de toutes gens, nes de ceulx qui seroient sans loy ou 575
sans vergoingne
?) —, se cest erreur, di Je, ne fust de piessa
reprouvé par les anciens philozophes, cest acteur ou vous qui le deffendés — mais accusés ! — ne fuciés pas tant a blasmer. Mais ce est verité que des avant l’advenement de Jhesu Crist,
Tulle, en son livre Des offices, et autres philosophes (et de184c
puis, les sains docteurs,
| come
vous poués encores lire et
savoir) ont reprouvé ceste folie : mais aussy bonne coustume,
s8s
qui vault nature, la mesprise, la ressoingne et despitte. Comment donques se peut soustenir baillier a dame Raison ung tel personnaige — ainssy come ceulx qui ainssy ne le font fussent hors du sens et de raison ! — comme parlast Raison, non mie la saige, mais l’assotee et la souillarde ! En non Dieu ! ce personnaige eust mieulx appartenu a pourceaulx ou a chiens
566 clere chose]
ACD; 3 —
568 et plus manque
| ACD;.3 =1570,où vous]
ACD; 3 — 575 ce c. e.]. ACDz (des. Ds) — 577 la d.] AC (om: D3) — 579 de offices] ACD3 — 580 vous manque | ACD3 — 582 le m.etla r:| ACD; 565 n'est pas merveille manque D3 — pas de m. À, p. merveilleir C —h.tresg. D2 — y pent CD) — 566 B. se peust D — c'est chose clere manque D — 567 et manque D) — elle v. D, et vient AC — a son pouvir D2 3 — 570 rubriques: Comment l'erreur de parler nuement deshonnestement des choses est deffendu et reprouvez par les anciens D), Come il appert par les philozophes par les sains docteurs et par bonne costume que parler nuement et charnalité est chose reprouvee D3 — e. d. de fere parler nuement de charnalité par personnaige dame Raison, vous q. D3 — 571 a manque D) — 572 p.r. imposer a Raison de dire D) — muement € — et manque devant baudement A — 573 paroles deshonnestes et dissolus au j. D3 — 574 c. qui sont D) — des. D — sansl.et s. v. A; — 575 e. dire A2,t
(di je s. m. Aj) — je etoy ne D3 —f.cecy aucteur, plus l'accusés que ne l’excusés et avant D3 — 578 des devant l’a. C, et d. Ar) — n., la ressoigne, la mesprise et d. À me il a fait parler D3 — 585-86 nommee aux p.ou aux c. D}
D3 — 576 p. et ne vous cuidés deffendre vostre plus en fait a blasmer. Et qu'il soit vray dois par le di avenement D3 — 582 qui vaint AD3 (vient — la manque devant ressoigne D3 — 584 f. comla sage A4 — 586 m.la sote et l.s. D3— 587
TRAITÉ CONTRE LE ROMAN DE LA ROSE
que a Raison
s50
ss
600
83
; et ce ne contrueve pas ce dit de moy, car au-
Cuns anciens qui se nommoient philozophes furent appellés chiens pour ceste imfame doctrine, — et ne fu pas Chain maudit et fait vilain serf pour ce seulement qu'il regarda sans couvrir les parties secretes de Noé son pere ? Cest erreur aussy estoit jadis l'erreur des Turlupins, en maintenant que c’estoit l’estat d’ignosance et de souverainne perfeccion en terre. Comment pouoit on imposer chose plus desraisonnable a Raison ? Comment se pouoit donner plus grant hardement a tous desraisonnables que de fere Raison ainssy parler, mesmement que en parlant elle recite choses mignotes enclinans a toute legiereté. Or bailliés, bailliés vos filles et vos enfans a tel docteur, et s’elles ne sunt assés saiges, envoyés les a l’es-
colle de telle Raison ! Aprenés les a tous maulx — s’elles n’en sevent assés trouver par elles —, et les batés s’elles ne parlent des choses selonc ce que Raison commande ! Mais an surplus,
60s
par ce meismes motif on prouveroit que on doit aler nus et fere nus tout et par tout sans avoir honte ; et croy qu’ainsy le soustenroit selonc sa position. Or voise, qui ainssy le maintient, parmy les rues pour esprouver comment Raison le deffendra d’estre huyés et abayé et ordoyé !
610
Encor se Raison eust parlé a ung sage clerc et entendent la nature des choses, ou aung grant theologien qui seut comment, se ne fust pechié originel, riens ne nous tournast a honte, il eust excusacion telle quelle : il peust alleguer la nu-
588 le passage : et ce ne contreuve… legierté placé plus baut, à la suite de convertis] ACD3 — 589 nommerent] ACD3 — 591 m'a dit] ACD3— 592 couvertin] AJC (sans recouvrir
A2,p ces mots manquent
D3) — Noel, A2 1D3] AC
595 c. pouroit] ACD3 — 600 et celles] ACD3 — les en l'e.] ACD3 — 602 batent|
ACD;
588 ne c. mie C — 589 nomment À; — 590 canis A7, cains A2 — c. ou canins AC — 59293 aussi jadis A; — 593 jadis manque D3 — l'orreur A7 — Turlepins A7, Tullepins 2 Turelupins € — 596 pouoit on d. D3 — 599 rubrique: Cy fait mencion de la nudité de Eve et d'Adam,
et come
parler des choses charlelles nuement
et selon leur premier estat
esmeuvent a pechié et a vilains desirs D3 (le passage: Or bailliés… ordoyé placé plus loin dans D3, à la suite de la rubrique : Cy fait...) — 602 trouver manque D3 — 603 s. que R. A2 — 604 on trouveroit et prouveroit l’on que on devroit a. D3 — 605 et manque devant par tout D3 —s.honte avoir D3—c.bien AC — 606 s. honte s. C—s.la p. A — q. aussi
— 611 p. le C — 608 et manque devant abayé D3 — 610 choseset un g.t. A — Scet AD3 et orgeuil D;
84
JEAN GERSON
615
620
1844
625
dité de Eve et Adan, — combien que ce n’est mie pareil pour l'estat d’innocence et pour le nostre. (Et y a telle differance come de sain a malade : ung vin qui ne nuyroit a ung saing fera hors du sens ung qui tramblera fievrés : ainssy est que veoir ou oir aucunes choses charnelles nuement et selonc leur premier estat esmouveroit les pecheurs regardans a tres villains desirs, et pour l’esta d’innocence n’eust pas ainssy esté: tout cecy apert, car avant pechié Eve et Adan estoient nus sans honte, puis pecharent, et tantost $e mussierent et couvrirent a grant vergoingne.) Et n’est ja besoing de demander pour quoy une maniere de parler est a reprouver plus que l’autre quant on ditune
| mesme chose ; sa et la ne convient
ja que je m’areste pour en rendre cause naturelle : experience assés le monstre : c’est pour la fantasie qui plus s’esmeut, et la fantasie est celle qui fait tout le desir.
630
635
De ce vient que
dame Oyseuse est portiere de Fole Amour, car elle ne treuve point l’imaginacion et la fantasie de la persone occupee ; si li envoye charnelz desirs d’une fasson et d’autres : pour tant n’est tel remede come de soy occuper en aucune bone besoingne. De ce avient que une persone melencolieuse et maladive et de chetive complexion sera a la foys plus ardenment temptee de charnalité que une personne sainne et sanguine riant et se jouant. Et tout vient de la fantasie : quelle merveille se ung feu couvert de cendres ne brule pas si tost come le sentier a nus ? Ainssy est de choses charnelz nueement dictes ou resgardees. Mais je reprans mon propos et dy que se le personnaige de
615 s.et m.] ACDz; — 616 t. de f.] ACD; (leçon conforme à la citation faite
par Pierre Col, III, ii, 588) — 621 musaient] ACD3 — 625 j'en a.] ACD; — 633 de manque] ACD3 — 639 ce le p.] ACD; 613 et d'A. C — par l'e. À — 614 parle n. À — 615 ne manque A —n.pasa C — 61516 a un sens... un hors de sens A, — 616 ung malade qui D3— aussi A; —a.e.il que D3— 617 oÿret voir À; — choses manque C — nuent C — meuventet selon À; — 618 esmouvront À (esmouvroient A;) — 619 par l'e. À — 620 nus manque À — 621 et couvrirent manque A2 — 622 a d. AD3 — 624 sa manque D3 — 625 l'e. D3 — 627 telle qu'elle AfD3 — 629 pas AjD3 — 631 de manque D3 — aucunes bonnes besoignes A — 632 et manque C — 633 que ne sara D3 — 635 etser. C —la manque D3 —636m.estce D3— 637 sentier, s. au nut A7, anu A2 ;D3, s. aux nus C — 637e. des c.c. À — 637-38 dictes nuement D3 — 638 et r. Az — 639 rubriques: Cy fait reprobation Eloquence Theologien et Justice aucuns
inconvenients
qui s’ensuivent par ce que dit est, suivi de Or baïlliés, etc.,
TRAITÉ CONTRE
640
645
6so
Raison
LE ROMAN
DE LA ROSE
eust parlé a sage clerc et rassis, aucune
85
chose fust.
Mais non ! il parle a Fol Amoureux. Et yCcy garda mal l’acteur les riegles de mon escolle (les riegles de rethorique), qui sont de regarder cil qui parle et a qui on parle, et pour quel tamps on parle. Et n’est pas le deffault ycy seulement, car es autres lieux plusseurs il atribue a la personne qui parle ce qui ne le doit appartenir (come il introduit Nature parlant de paradis et des misteres de nostre foy, et Venus qui jure par la char Dieu). Mais de ce ne tien ge compte, conbien que c'est faulte a tel — lequel aucuns veulent tant essaucier dessus tous aultres presque qui onques furent —: je me dueil trop pour dame Raison et pour Chasteté de ce que il a fait dire par Raison la sage a ung fol amoureux teles gouliardies ; auquel par avant Cupido, qui se dit Dieux d’amours, avoit def-
185a
6ss
660
fandus tous villains parlers et ors et tous
| blasmes de fa-
mes, — come se Cupido fust plus chaste et raisonnables que dame Raison et Chasteté ! O Dieu ! je faulx : ne fu pas ung mesmes acteur ; ainsois fu cil sus le commencement duquel cest acteur de qui je parle edifia tout son ouvraige. Piessà les fondemens estoient gettés par le premier, et de sa propre main et matiere sans mendier sa et la, et sans y assambler tel viltey de boe et de flache puante et orde comme est mise ou sommillon de cest ouvraige. Je ne say se le sussesseur le cuidoit honourer : s’il le creoit pour vray il fu deceu ; car a ung commencement
66s
qui
par aventure se porroit assés passer selond son fait — mesmement entre Crestiens —, 1] adjousta tres orde fin et moien
643 et manque] ACD; — 646 que ne l.] ACD3 — 658 sus de c.] ACD; — 661 assansblé] ACD; puis, Cy endroit fait mencion come l’aucteur du livre de la Rose failli et trespassa les riegles de rethorique D3 — prens C — 641 non car il D3—au f.a. D3, a fols À — 642 les riegles.…. escole manque À — 643 q.ilp. À — 644n'enest D3 — 645 en pluseurs 4.1. D3 — ilaattribué Ay — 646 ne manque C—c.s'il C— 648 c'est bien que ce soit C — 649 — V. aucuns tant assaier C — 650 a pres qui D3 — o.ne f. A2 — rubrique: v.trese. A2 Comme il fait commander et dire par Raison en personnaige les folies et villaines paroles que Cupido avoit par avant deffendu D3 — 651 il manque A — 652 gaillardies À; — 654 tous les vilains parleurs D3—t. v. p.et dis A; — 655 ainsi c. D3 — et plusr. D3— 657 O Dea D3 — ce ne fu D3, n’en f. Ay — 659 tout redoublé Aj — o.que p. D3 — 660 pour le p. A2; — 661 de la D3 — 662 de fange p. comme D3 — souillon 42,4, souyllon D3, souvillon C (passage cité par Pierre Col, III, iÿ, 345 : leçon conforme a B) — 663et s'il D3 — 664 croit C — 665 se pouoit À — se p. par a. D3 — 666 adjouste C — fin manque C
86
JEAN GERSON
desraisonnable contre Raison, laquelle fin et moiens nes les
610
mescreans en leur chose publique (come j’ay dit d’Octovien et des philozophes) onques n'ont peu souffrir ne soustenir. Les sains docteurs meismement ont corrigié leurs dis etamendés, — tant ne soit pareil ycy et la. Si conclus devant vous et vostre noble court, dame Justice Canonique,
675
680
que provision doit estre mise par arrest et sans
contredit de partie a ce defaut. Riens je ne conclus contre la personne de l’aucteur, — a Dieu bien-s’en conviengne —, mais du deffault, qui est trop grant, je parle. Conment trop grant default ? Je l’ay dessus monstré et le repete en brief : trop grant en occasions de erreurs, en blaphemes, en venimeuses doctrines, en destruccions et desolacions de povres ames crestiennes, en illicite perdicion de tamps qui est tant precieux, au prejudice de Chasteté, en la disipacion de loyaulté hors mariaige et ens, ou dechassement de Paour et de Honte, ou diffame de Raison, ou grant deshonneur de vous, dame
Justice Canonique, et de vos loys et drois, et de toute ceste 68s
religieuse court de toute Crestienté, voir de tous bons, — voir
des mauvais, qui en deviennent pieurs ! Si soit ung tel livre osté et exterminé sans jamais en user, par especial es parties esquelles il s’abonne des personnaiges 185b
60
diffamés et deffandus, comme de Vielle dampnee
| — laquelle
on doit justicier ou pilory —, de Venus (c’est a dire de Luxu-
669 neut p.s.] ACD;} — 676 m. de d.] ACD; — 678 occasion] ACD3 — 679 ou
d. destruccions] ACD; — 680 q.en tant] ACD; — 681 C. ou la] ACD; — 686 de m.] ACD; — 687 ung manque] ACD3 — 689 lequelle on] ACD3 — 690 justituer] ACD; 668 comme cil dit A2, comme il dit d’O. À; — d. par avant C — 670 Etless. D3 — meismement manque D3, maisont A2, — 671toutnes.ce p. D3 — pareil redoublé C — 672 rubrique : Cy fait Eloquence sa conclusion non mie contre l’aucteur mais contre le livre de la Rose, meismement es parties dissolues et villaines requerant qu'il soit excomunié et a neant D3 — 674 je ne c. riens D3 — 675 s' manque D3 — 676 je p. Car commme je l’ay desja monstré dessus c’est trop grant deffault. Et le repete : tropt grant en occasions D3 — 678 blasmes À — 679 de plusseurs p.a. D3 — 680 qui est tant manque AJ, tant manque A2,t — 681 parraceulx A7 — p.et use mauvaisement au p. D3 — delal. A7 — 682 hors mariage et mis au d. de Peur et Honte À; — 683 H. de mal fere D3 — tres grand d. C — ou g- prejudice de v. A2, — 685 toute mangue À — v. de tous vous C, vous tous D3—t., voir des m. D3 — 688 e. il a mise sa boue des p. D3 — s'avoue À — semonne A; — 689 villed /D=16901j#enp AGrerdeV AC
TRAITÉ CONTRE LE ROMAN DE LA ROSE
87
re, qui est pechié mortel), et de Fol Amoureulx — lequel on
ne doit point laissier foloier a son plaisir : on ne li porroit fere plus grant contraire ne plus le haïr. Si est ma demande
695
100
a Dieu plaisant ; a vous, dame Justice,
raisonnable ; a toute vostre court, agreable ; et aux folz amoureulx — tant y reclaimment il a present —, tres prouffitable et amoureuse, et quant ilz seront garis, sera tres plaisant et delitable. Et affin qu'aucun ne cuide ou ne se plaingne que je accuse autre chose que les vices et non pas les persones, je fais ou non de Chasteté et de Conscience une telle requeste et conclusion contre toute paintures ou escriptures ou dis qui esmeuvent à Lubricité ; car trop y est encline de soy nostre fragilité sans la pis enflanmer et trebuchier ou parfont des vices, loing des vertus et de Dieu, — qui est nostre gloire,
705
nostre amour, nostre salut, joye et felicité. Eloquance ot fenie quant je n’aperceu l’eure que mon cuer ravola come il estoit voley ; et sans riens oïr de la sentence, je me trouvay en mon estude a la vespree, l’an de grace mil IC. et -ii., le -xviiie. jour de may. La trouvay bien aul-
710
tre matiere pour mon cuer occuper, que plus ne fust ainsy volage : et fu la matiere de la Benoite Trinité en unité divine et simple, puis du Saint Sacremant de l’autel, etc.
694 ma dame] ACD; — 698 qu'aucune cuide | ACD; — 700 en non| ACD; — 702 a manque] ACD; — labricité | ACD; 692 d. mie I. D3—693 p.g.ouctraige D3— 694 vous manque C— 695 aux pauvres D3 — 696t.ilzr. Az, t.qu'ilzr. A2,, il manque CD3 — tres manque À — 697 sera manque C — 698 et profitable A; — rubrique :Cy fenist Eloquence de mon vouloir accuser autre chose que les vices et l’occasion d’iceulx et ainsi fait la fin de ce livre D3 — ne die ou ne se p. D3 — 699 j'aye accusé D3 — 701 c. que je ne l’entent que c. D3 (Sa) = (e ÉACE QE dure D3 — 703 f. et n'affiert point de la vouloir par telles paintures ou escriptures en dis de mal en pis enflammer pour t. D3 — 704 v. qui sont |. D3 — 705 f., et par ainsi n'entens que a blasmer les dis vices, le tout a louenge de Dieu et de toutes bonnes vertus D3 — 706 E. est f. A2; — 707 ravoula A7, revola C — 708 et lors je me D3 — 709 may. Explicit Deo gracias et est a Anthoine le Noble (La. autel, etc. manque) D3 —712 plusdeS. A;
MANUSCRIT
C
Paris, Bibliothèque Nationale
fr. 1563
[HI] CASRESPONSEMAISTRE PIERRE COL CHANOINE DE PARIS AUX DEUX TRAITIES PRECEDENS Aprés ce que je oÿ parler de ton hault entendement, cler en-
gien, et de ton eloquance melodieuse, je desiré tres ardemment veoir de tes epistres et autres telz chosettes : si est aprés grant sollicitude d’enquerir venue entre mes mains une certaingne tienne espistre, addrecee, a mon advis, a ung mien seigneur et maistre especial, mon seigneur le prevost de Lisle, 10
185c
laquelle si commance
:«Reverance, honneur», etc., et par la-
quelle tu t’efforces de reprandre | ce tres devolt catholique et tres eslevey theologien, ce tres divin orateur et poete et tres parfait philozophe, maistre Jehan de Meung, en aucunes particularités de son livre de la Rose, pour lequel louer je
15
n'ose ouvrir la bouche, ne que je feroye avancié mon pié pour entrer en ung abisme.
Car selonc ce que nous lison de
Herode, qui pourfita plus aux Imnocens par hayne en les fai-
sant oCcirre qu'il n’eust peu fere par amour, pareillemant toy
et aultres — qui s’eufforcent comme toy a impugner ce tres 20
noble escripvain Meung — le loués plus en le cuidant blasmer que je ne pouroye le louer pour y user tous mes membres,— fussent 11z ores tous convertis en langues : tant pour la rudesse de mon engin, grosseur d’entendement, labile memoyre et langaige mal ordonné, come plus vraiemant pour l’abbisme
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multipliee de biens qui y sont nondisibles à home, lesquelz vous faictes avertir en le cuidant blasmer. Toutefois je, confiant de verité, par les raisons de luy meismes me efforceray de respondre aux tiennes, plus polies de langaige que ton langaige n’est poly de raison des aultres, ses adversaires, par moy veues ou oÿes, dont je ne puis avoir memoire. Et ne me soit imputey a presumpcion où arogance : ce ne le me fait mie faire en verité : mais pour ce que entre les aultres disciples du dit Meung je desirre estre au moins le
PIERRE COL
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40
manre, et que les raisons que tu amainnes encontre — se raisons doivent estre nommees — sont telles qu'il n’est ja besoing, je ne dis pas des plus avanciés disciples du dit Meung mais des moyens ou assés pres au dessoubz qu’ilz y respondent, confiant aussy du grant droit que je vueil soustenir, ja soit ce que trop se soustiengne de leur meismes : mais j'en fais mon escu. Et me pardonne se je parle par «tu», car je le fais pour monstrer que ceste mienne responce vient par bonne amour, c’est assavoir pour toy ramener a droite voye ; et auxi pour parler plus proprement selonc que nos anciens maistres ont parley.
1854
50
55
Premierement
tu, sans raison, commences
au cha- |pistre
de Raison et dis qu’elle nomme les secrés membres d'omme par leur propre non. Et respons a tel argument que Diex fist les choses : donc sont elles bonnes : donc les puet on bien nommer. Vraiement ce dis tu : «Je confesse que Dieu crea toutes choses pures et nettes venans de soy ; n’adonc en l’estat d’ignocence n’eust esté laidure de les nommer. Mais par la polucion de pechié devint homme immonde...» ; et fais exemple de Lucifer, qui fut premierement bel et le non bel, «qui puis par pechié fu rameney a orrible laidesse, par quoy le non, tout soit 1l de soy bel, si donne il erreur aux oyans...» Oultre du dis que «le non ne fait pas la deshonnesteté de la chose, mais la chose fait le non deshonneste.» Ycy resambles
tu le pellican : tu te tues de ton bec. Par ta foy ! se la chose fait le non deshonneste, quel non pues tu baillier a la chose 60
qui ne soit deshonneste, se la chose ne se change come le non ?
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Mais je viens a ce que tu dis que en l’estat d’ingnocence estoit licite de nommer les secrés membres, et que Dieu les forma en tel estat. Je te demande se tu parloies des secrés membre d’ung enfant de deux ou de trois ans — car tu ne niroyes pas que Dieu ne nous forme trestous —; les oseroies tu bien nommer par leur propre non ? Se tu dis que non, toutevoies est 1l en.l’estat d’ignocence, sans polucion en fait et en
pansee.
Et ne vault riens si repliquer du pechié originel, car
34e. ses r. — 49 se d.t. — 55 si manque (texte établi d'après l’épitre citée, III, 1, 72et I, v, 74) —58 cela c.
RESPONCE AUX TRAITIÉS PRECEDENS
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75
il vint par inobedience. Et se la polucion de nos premiers parans fait le non des secrés membres si lait qu’on ne les puisse licitement nonmer, je dy que par plus fort raison on ne devroit pas nommer yceulx nos premiers parens : car ce sunt ceulx qui pecherent, et non pas membres. Se tu dis que oy (c'est assavoir c’on puisse nommer les secrés membres d'ung enfant), je te prie que tu nous desclaires l’aage jusques auquel il est [licite] de les nommer,
186a so
8s
95
et auxi s’on peut nom-
mer par leur non les membres secrés d’un aagié home chaste et vierge toute sa vie ; pareillement des | mambres pareilz aux membres secrés qui sont es bestes mues, se tu les oseroies nommer — car ceulx ne pechent point —, affin qu’apraingnes a Raison et aux disciples du dit Meung comment on doit parler. En verité l’Amant, ou chapistre de Raison, fait plus d’argumens et de plus fors la moitié que tu ne fais : auxquelx Raison respons : et toutevoies tu ne respons pas aux raisons d’icelle meisme, laquelle chose tu deusses fere avant que tu la reprisses. Si n’est plus besoing de te respondre quant ad ce. Mais j'ay veu ung escript fait en maniere d’une plaidoierie en la court
90
CA
sainte de Crestienté,
en laquelle estoit Justice
Canonique establie come juge et les Vertus entour elle come son conseil, duquel le chief et conme chancellier estoit Entendement Subtil, joint par compaingnie a dame Raison, Prudence, Science et autres come secretaires, Eloquence Theologienne come advocat de la court ; et le promoteur des causes estoit Conscience, lequel promoteur ont fait lever et presenter une requeste pour Chastetey contenant ceste forme : «A Justice la droituriere, tenant le lieu de Dieu en terre,
100
105
et a toute sa religieuse court devote et tres crestienne. Supplie humblement et se complaint Chasteté, vostre feable subjecte, que remede soit mis et provision briefve sur les forfaitures intollerables, lesquelles m'a fait et ne cesse faire ung qui se fait nommer le Fol Amoureux.» Et met aprés huit ou nuef articles. Or en verité je cuide congnostre la persone qui celle plaidoierie a compilee, et me doubte qu'il ne parle de Fol Amoureulx come clerc d'armes, et ne li desplaise : car par ma foy
70 etsa la p. —
94,95 prometeur
PIERRE COE
92
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je tiens qu’ainsy come il meismes, quant il prescha en Greve le jour de la Trinité, dist que icelle Trinité nous veons et cognoissons en umbre et come par ung mirouer, ainssy voit, entent et parle d’ung fol amoureux ; car je panse qu'il ne le fut onques, ne n’y ot onques pensee : en tant que je oseroie dire qu’il contoit mieulx la Trinité qu'il ne fait Fol Amoureux, aussi y ail plus pansé. Et pour yce j’eusse cause assés de dire a toute celle | plaidoirie, qu’il n’y fault point respondre : car tout le plaidoié est fondé sur ung fol amoureulx, et l’aucteur ne sceit qu'est fol amoureux. Et ne vault riens de dire que ja soit ce qu'il ne soit fol amoureux, si entent il par aventure mieulx que tel — l’est ou a esté —; ce puet estre, mais j'ose
120
bien dire que s’il meismes l’eust esté et ne le fust a present, il entendist mieux la moitié qu'il ne fait : car trop plus a experience de ne say quelle puissance que n’a meismes l’effait de vive voix. Toutevoies la verité et le bon droit sont telz et si clers pour celluy qu'il appelle Fol Amoureux qu'il ne me grevera riens respondre aux particulieres raisons que propose
125
130
dame
Eloquance
Theologienne,
come
on
li mé
seure
; car
par ma foy elle nel se pansa onques, la bone dame, comeje diray cy aprés, — presupposé encore que le dit Meung eust esté fol amoureux par aucun temps. Premierement donc dame Eloquance Theologienne dist que maistre Jehan de Meung porte en son front le tiltre escript de sa condampnacion par ce mot «Fol Amoureux», en disant : «Qui craventa jadis par feu et flame Troye la grant ? Fol Amoureux. Qui fist destruyre lors plus de cent mil genulz homes, Hector, Achilles, et autres ? Fol Amoureux. Qui
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chassa hors de Ronme le roy Tarquinius ? Fol Amoureulx...»; et d’autres similitudes parelles. Je demande a dame Eloquance se cest argument tent a blasmer estre fol amoureulx, ou à blasmer le livre de la Rose pour ce qu’un qui fut fol amoureulx l’a fait. Si tent a blasmer fol amoureux, je n’y respons point : car je confesse que c’est folie et sans raison que de l’estre ; et ne fault ja qu’on s'efforce de plus blasmer Fol Amoureux que fait le livre de la Rose. Avise bien qui le
119 que cil m. — 138 quin q. f. — 139 si tout a (voir la phrase précédente, 137) — 141 qu'on cefforce
RESPONCE AUX TRAITIÉS PRECEDENS
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lit : ne dit il pas du Deu d’amours : «C’est le dieu qui tous les desvoye...» [4312]? 145
Et depuis:
Mais de la fole amour se gardent, tant les cuers esprennent et ardent... [4363-64], C’est ce qui la pel t’amaigroie... [4576] ; .Son cuer mis en amour de fame,
dont maint ont perdu corps etame...[13903-04]; C'est l’amour qui souffle et atise la brese qu'’i t'a ou cuer mise... [6379-70] ; Quiconques a Raison s'accorde jamais par amours n’amera... [6854-55]; 186c 155
|... que ceulx qui plus le hantent en la fin plus s’en repantent... [10095-96] ; et en plus de cent autres lieux que je laisse pour cause de brieté, si non ung ver, qui souffisoit assés pour tous, c'est assavoir:
Maint y perdent, bien dire l’os, 160
sens, temps, chatel, corps, ame, los. [4597-98]
Or espluchent hardiement ce «los» ceulx qui plus veulent blasmer Fol Amoureulx que maistre Jehan de Meung ne fait,
165
et Je croy qu'i n'y troveront que rengier. Et quant maistre Jehan de Meung appelle les secrés membres de fame «saintuaires» et «reliques», il le fist pour monstrer la grant folie qui est en Fol Amoureux : car ung fol amoureux ne pense a autre chose que a ce bouton ; etest son dieu, et l’aoure come
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son dieu. Aussi en ce pas la y faingny poetiquemant, et aux poetes et paintres a tousjours esté licence pareille de tout faindre, comme dit Orace. Si n’est ce pas si mal appellé c’on pouroit bien dire, d’appeller ces secrés mambres ceintuaires : car les portes et les murs d’unne citey, selonc les loys, sont appellés saintes pour cé que s ’on y commet force ou les trespasse sans congié, il y a peinne; ainssy est il des secrés mem-
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bres de fame : il y a peinne, qui y fait force ou qui sans force
174 il lya p. (phrase reprise a la ligne suivante)
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PIERRE COL
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indeuement les trespasse. Et si dit la Bible que on souloit saintifier les secrés manbres de fenme. Mais se l’argument tant a blasmer le livre de la Rose pour ce qu'un qui fut fol amoureux l’a fait, je me merveille comnant dame Eloquance ne fait premierement ses conclusions contre Salmon, David et aultres folz amoureux qui furent trop devant Meung, desquelz les livres sont meslés en la sainte Escripture et les paroles ou saint mistere de la Messe. Qui fist tuer Urie le bon chevalier par traïson, pour commettre
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adultere avec sa fame ? Fol amoureux.
Qui fist edifier tem-
ples aux ydoles pour l’amour de fames estranges ? Fol Amoureulx. Et trop d’autres, que je trespasse. Contre ceulx cy deust premieremant parler dame Eloquence, se son argument
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protestast. Mais nannin voir. Ne lisons nous pas que saint Pierre et saint Pol, aprés leur pechié, furent plus fermes en la foy, et plusseurs autres | pareillement ? Je dy que maistre Jehan de Meung, puis qu'il fut fol amoureux, fu tres fermes en raison : car de tant qu'il congnut mieux la folie qui est en fole amour par experience, de tant la desprisa 1l plus et loua Raison. Et quant il fist ce livre de la Rose il n’estoit plus fol amoureux,
ains s’en repantoit de l'avoir esté, comme
il ap-
pert par ce qu'il sceut si bien parler de Raison : s’il ne l’eust congnue,
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amee et entendue, il n’en eust ainssy seu parler
comme il en parla, — et toutevoies il est vray que Fol Amoureux ne la congnoist, aime, ou entent. Et si dit en chapistre de Nature, quant il parle de paradis, que les choses du vergier Deduit ne sont que fanfelues; et de la fontainne Narcisus dit: Dieux ! que bone fontainne et sade,
ou li sain devienent malade... [20391-92],
205
et qu’elle enivre de mort les vifs. Conment pouoit il mieux monstrer qu'il n’estoit pas fol amoureux et qu’il amoit Raison que en blasment le vergier Deduit et les choses qui y sont, et en louant Raison et mettant ung aultre parc (ung autre parc ou vergier), ouquel il figure si notablement la Trinitey
198 il non e. — Rose, ed. citee)
202 sanfelues (cf. Rose, 20322) — 204 saint devienient (cf.
RESPONCE AUX TRAITIÉS PRECEDENS 210
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et l’Incarnacion par l’escharboucle et par l’olive qui prant son acroissement de la rousee de la fontainne, etc.? Des qu'il commensa a escripture, il entre en raison ; et Dieu sceit com-
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bien il se tient : a painne se peut il oster (aussy ne s’i estoit gaires tenu le premier aucteur). Et ne cuide pas que ce qu’il dit en son Testament : «J'ay fait en ma jonesse maint dit par vanitey», qu'il entende de ce livre de la Rose ; car vraiement come Je [ne] monstreray mais, il entendoit d’aucunes balades, rondiaux et virelais que nous n’avons pas par escript, — au moins moy. Mais venons à ce qui fait a ton propos. Dame Eloquance, adressant ses parolles a ceulx qui soustiennent ce Fol Amoureux, dit ainssy : «N'est ce pas, fait elle, rage dire que on doye parler nuement et baudement et sans vergoingne, tant soient deshonnestes les paroles au jugement de toute gent...», etc. Ha ! dame Eloquance ! On vous impose cy mal reciter vostre fait principal sur quoy vous fondés tous vos argumans
ensuivans : mais n’en sachiés mal gré a celluy qui ce fait, car je tieng veritablement qu'i nele fait pas essienment. | Certes il a eu pou plaisance a ce tres noble livre de la Rose, par quoy il l’a pou veu
ou noyant,
—
ou, come je cuideroie mieux,
[pour] ce qu'i l’a pou veu, y a 1l desplaisance. Je ne doubte point que si l’eust veu et releu par fois souvent recordees, que de tant come son entendement passe tant d’autres que je ne say lesquelz non, de tant plus le louast, prisast, amast et honnourast. Veés ci, veés ci les parolles que dit Raison : Biaux amis, je puis bien nommer,
sans moy fere mal renommer, appertement par propre non
chose qui n’est se bone non. 240
Voire du mal seurement puis je bien parler proprement, etc. [6914-20]
Il ne dit pas c’on en doye parler ; il dit qu’on en puet parler: ce n’est pas tout ung, devoir et pouoir. Je confesse que que217 Corrigé conformément au sens du texte : il ne sera plus question de ces écrits putatifs — 231 qu'il a — 232 cil eust — 239 ce bone non (cf. Rose, ed. citee)
PIERRE COL
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rir occasion de parler de l’euvre de nature en laquelle se fait la pollucion qu’aucuns tant abhominent et se soubtiver a en parler diversement pour le plaisir c’on y auroit trop, ce seroit mal fait ; et ainsy l’entent Tulle ou livre Des offices, et les autres philozophes qui pareillement en parlerent. Maïs quant on parle de plusseurs choses diverses, et sans y venir par affeccion particuliere on descent aux secrés menbres, on en puet parler proprement : et ainssy en parle maistre Jehan de Meung ou chapitre de Raison. Et par Dieu ! une fois en convient il parler au moins : quant on leur meist non premierement ; et on ne meist pas le non premierement pour en parler a celle fois seulement et non jamais aprés. Et s’il est licite d’en parler par propre non en nul cas, il est licite d’en parler en la maniere que Raison en parle : aussy les nomme la sainte Escripture par leur propre non ; et tres proprement pareillement les loys en plusseurs lieux. En oultre, les secrés membres sont necessaires et utiles et proufitables et biaux et bons : encor deffent la Bible que home a qui on les a coupés n'entre en l’eglise, et la les nomme elle tres proprement. Ne je ne croy pas que Jhesu Crist eust membre qu'on ne pouist nommer honnestement. Toy et tes complices aussy les nommés par leur seurnon, lesquelz seurnons, par ce que les propres nons sunt communs a diverses choses, furent trouvés pour plus specifier ycelles. Et si ne parle pas Raison de l’euvre en laquelle est pollucion, mais nomme
187b
les membres ad ce
et autres choses deputés. Non pour tant se ces nons desplaisent | a aucuns, ne desplaisent il a chascun (je dis cecy pour ce que dame Eloquan-
ce dit : «... tant soient deshonnestes les parolles au jugement de toutes gens») ; n’il ne faut ja dire que bone coustume defent d’en parler proprement. Se la coustume est bonne ou 275
mauvaise, Je m'en tais ; mais dire que fames n'ont pas acous-
tumé d’en parler ainsy plainnement, dame Eloquance n’en aura pas les gans. Car ou chapitre de Raison est dit: Se fames nes nomment
en France,
253 1. meist n. (cf. plus loin, 254) — 262 legle (cf. texte biblique, cité dans nos notes) — 270 t. ce ses n. — 273 defeur (cf. Gerson, III, ti, 570-82 et Christine,
infra, III, iv, 253) — 278 f. ne n. (d’après Rose, éd. citée)
RESPONCE AUX TRAITIÉS PRECEDENS
ce n'est fors desacoustumance. 280
27
[7101-02]:
et dit «en France» notablement, pour ce que son livre est en
franssois, et si puet estre qu'ailleurs qu’an France fames les
285
nomment car fames pre non : voy je pas Voire,
proprement. Encor suis je esbahis de la coustume, nomment bien leurs secrés membres par leur pro1lz ne veulent nommer ceulx des hommes : si ne qu’il soient plus honnestes que ceulx des hommes.
mais
(ce dit dame
Eloquance)
il garda mal les re-
gles de rethorique ; car il deust avoir resgardé a qui Raison parloit : s'elle eust parlé a un clerc ou theologien, «aucune 290
chose feust» ; mais elle parloit telz parolles peut estre esmeu a ung grant clerc ou theologien qu'estre clerc, philozophe, ou
a ung fol amoureux, qui par charnalité — ce que ne seroit —, et semble par ses paroles theologien et fol amoureux
ne se sueffrent pas ensemble, ains sont incompatibles. Hélas! il en va bien autrement, et est alé et ira — dont c’est dom295
300
mages —, come de David et Salemon et autres (aucuns docteurs meismes dient que Salemon fist les Cantiques pour l’amour de la fille Pharaon; si fut il tenu le plus sage qui fust devant luy ne de son tamps). Brief, on y amenroit plus de mil exemples de gens qui furent clers et folz amoureux, car il s’antresueffrent auxi bien ensemble qu'’estre clerc et chevalereux,
305
310
187c
come
furent
Pompee,
Julius Cesar, Cipion, Tulle
et autres. Mais je «roy pour ce que cil qui celle plaidoierie a compilee est clerc, philozophes et theologien, sans estre fol amoureux, qu’i cuide qu’ausy soit il des autres. Etn'est il pas possible que il meismes, ou tamps a venir, soit fol amoureux ? Par Dieu si est ! Si n’en seroit il ja moins clerc, au moins au commansement de la fole amour. Aussy ne s'esmeut pas ung home a folement amer pour nommer deux ou trois membres secrés — de par Dieu ! — puis qu'il les fault ainssy nonmer. Quant Raison les nonme elle presche au Fol Amoureux
qu'il s'os- | tast de la Fole amour, et en parlant
de diverses choses vint a propos de parler des secrés mem-
bres : vrayement s’il eust tousjours ainsy esté auccupé, Ov-
seuse
ne luy eust Ja ouvert
26Bicelle epr29
msn
302rtellep:
l'uis ducvergier.
encore
non
PIERRE COL
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obstant qu'il fust desja fol amoureux — le fist Raison esmouvoir de s’en oster, comme le Dieu d’amours luy reproche. Et que maistre Jehan de Meung ou chapistre de Raïson ne descendi pas a parler des secrés membres pour affeccion qu'il y eust a en parler nuement et baudement, mais pour ce qu'il vint a propos et pour monstrer la folie a ceulx qui dient qu'il n'est licite d’en parler en nul cas par propres nons, appert par ce que ailleurs ou il parle de l’euvre de nature ne le nomme il pas par propre non (comme ou chapistre d’Ami et de la Vielle, esquelz il nomme
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le «jeu d’amours», la «besongne
d’amours», et «ce tripot»). Si ne fault ja dire qu’il garda mal les regles de rethorique, car il monstre evidemmant qu'il les avoit naturelement et par estude : j'ose dire que quilelitet entent, il entendra avec maistre Jehan de Meung ne devoir autremant parler qu'il parla. Et quant dame Eloquance dit qu'il atribue a Nature parler de Dieu, je dy que elle le puet et doit faire, et que la chamberiere peut bien parler a son maistre ; et pareillement saint Augustin, ou livre de Seul parlers,
335
la ou il fait l’ame devote demander a la terre et aux autres elemans s’ilz estoient son dieu, et qu’il respondent que non et qu’elle le quiere plus hault, dit aprés que les responces de choses sont la testacion de Dieu. Aussy veult monstrer Meung qu'il estoit naturel et crestien en parlant de Nature, et sy es-
toit poete, come Jj’ay dit, par quoy li laissoit de tout parler par ficcion. 340
Voire, mais (fait dame Eloquance) ce Fol Amoureux fait
dire a Raison ce que par avant Cupido deffent. Et puis fait une meniere de se reprandre : «O dya ! fait elle, ce ne fu pas ung meisme 345
187d
aucteur, mais cil sur le commensement
duquel
cestuy Meung edifia son ouvraige» : les fondemans estoient bons et nes, et cestuy y fist ung sommillon de fange. Certes vescy trop bien dit ! A quel fin est ce, je luy pry, que Cupi-
do baille du bouton
| (c'est a dire qu'il aviengne a l’execu-
cion fole amoureusse) ? Et veuci trop contradiccion : il blas350
me Raison qui chastie l’Amant d’estre fol amoureux, et loue Cupido qui ensaingne comment on en venra a chief.
327 qui le dit (cf. l'allusion à ce passage chez Christine, infra, III, iv, 351) — 334 cilz (cf. texte latin, cité dans nos notes) — 335 laquiere (idem)
RESPONCE AUX TRAITIÉS PRECEDENS
29
Mais tu ne peus taire, ce dis tu, de ce que Raison dit que en la guerre amoureuse, «Mieulx vault decepvoir que deceus estre» ; et argues : «Dont s'ensuit 1l que tous deux sont bons: 355
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qui ne puet estre.» Par mon serement, se tu te fusses deportee d’escripre cest argument ce fust ton honneur ;il n’est pas a mettre en escript : non, c’est pour les enfans d’escole en peinne et defaut d’autres, quant ilz sont plusseurs a arguer sur une mesme proposicion. Et ne dit pas Jhesu Crist que mieux fust a Judas s’il n’eust onques esté, qu’avoir traï son maistre ? Il s'ensuyroit par ton argument que tous deux fussent bons. L’en ne doit pas prandre ainnsy les mos a la letre, mais selonc les mos precedans et l’entendement de l’aucteur. Le ver sans moyen precedant ces quatre que tu as allegués est : «Mais ce sont li moins deceu» [4368]: je croy que ce n’est pas a dire que bon soit decevoir. En oultre je dy qu’il me vaulroit mieux — c’est a dire qu'il me greveroit moins — faire samblant de toy amer pour moy aasier charnelement de ton corps qu'il ne feroit pour celle meisme fin que j'en fuisse fol amoureux, pour quoy j'en perdisse mon estude, «sans,
temps, chastel, corps, ame, los» (come dit est).
Car
tous les maux qui s’ensuivent par le premier cas s’ensuyent par le second, mais non pas tous ceulx qui s’ensuivent par le second s’ensuyent par le premier. Toutevoies tien je que ces quatre vers : «Car adés vault il mieux, biau mestre», etc., et 375
aucuns autres, sont adjoustés : dont ceux qui ce font mesprannent trop, car je ne voy pas c’on y peust adjouster n'y
oster sans empirer. Or alons oultre. «Quelle deshonnesteté a il (ce dit dame
380
188a
Eloquence et toy aussy) en ce chapistre de Vielle ! Qu'i peut on noter fors toute laidure ?» Et pariellement ou chapistre de Jalousie. Et voulroies | bien en avoir trouvé qui te peust soulre — par quoy ton entendement fust rasadiés —«a quoy peuent estre proufitables tant de parolles deshonnestes qui en ce livre sont...» Mais, fais tu, «je ne condampne pas l’aucteur en toutes pars du dit livre...» ; comme
se tu voulsisses
351 se d. t. — 356 nom — 357 enpennee (accord fait sur escole?) — 363 v. saut m. — 364 m.se s. (cf. Rose, éd. citée) — 366 grevoit (phrase citée par Christine, infra, III, iv, 393) — 369 suisse — 378 se dit d.E.
PIERRE COL
100
390
395
400
405
dire que tu le condampnes en ce en quoy tu le reprens, et te fais juge, aprés ce que tu as parlé par oppinion ou presumpcion oultrageuse. O tres fole oultrecuidance ! O parole trop tost yssue et sans avis de bouche de fame, qui condampne home de si hault entendement, de si fervant estude, qui a si grant labeur et meure deliberacion a fait si tres noble livre comme celluy de la Rose, qui passe aussy tous autres qui onques fussent en langage ou il escript son livre : duquel, quant tu l’aras leu cent fois se tu entens la greigneur partie, tu n'employas onques mieulx temps ne ton entendement ! Vraiement celuy qui a compillee la plaidoierie dame Eloquance a esté plus preudent et gracieux que tu n'as, car il dit a la fin du plaidoyé qu'il n’oÿ point de sentence rendre. Mais quoy ! Selonc ce que dit Terence : «Veritey engendra hayne, et flaterie amis», je me doubte pour ce qu'il dit verité que tu le vuelles mordre ; mais je te conseille que tu gardes tes dens. Je respons a dame Floquance et a toy par ung meisme moyen, et dy que maistre Jehan de Meung en son livre introduisy personnaiges, et fait chascun personnaige parler selonc qui luy appartient : c’est assavoir le Jaloux comme jaloux, la Vielle come la Vielle, et pareillement des autres. Et est trop mal pris de dire que l’aucteur tiengne les maulx estre en fame que le Jalous, en faisant son personnaige, propose ; non fait,
410
certes, mais 1l recite ce que tous les jours ung jaloux dit de toutes fames, pour monstrer et corrigier la tres grant desraisonnableté et passion desordenee qui est en home jaloux. Et la cause pour quoy ung jaloux dit (c’est a dire qui le muet a dire tant de maulx de toutes fammes et non pas seulement de la sienne), c’est a mon avis que regulierement ung chascun
415 188b
420
homme marié, avant qu'il soit jaloux, cuide avoir la milleur | fame, ou au moins auxi bone comme il en soit point. Et vient ceste cuidance, come je tieng, partie pour l’amour qu'il a a elle — et chose amee n’est pas de legier mescrue —, laquelle amour vient pour ce que la famme est sienne et nos choses nous samblent plus belles et meilleurs que les estranges ; partie aussy pour ce que fame en la presence de son mary se maintient le plus bel et simplement qu’elle peut, — supposé
397 prendent
RESPONCE AUX TRAITIÉS PRECEDENS
qu'en son absence elle se tiengne baudement.
101
«Et pour ce,
comme dit saint Jherome en une sienne espistre, ung chascun
425
seut savoir le darrenier les maulx de son ostel.» Je croy bien qu'il y a d’autres raisons assés, mais toutevoyes quelque rai-
son qu'il y ait, experience monstre ce que j'ay devant dit, c'est assavoir que l’omme, avant qu'il soit jaloux, [cuide] sa 430
435
fame la meilleur ou auxi bonne comeil en soit point, mesmement quant a chasteté. Et c’est bien fait d’ainsy cuidier en : mariaige, parmy la moderacion terencienne (c’est assavoir «sans riens trop»), car autrement n’y auroit paix entre gens mariés : et fut le moyen par quoy Aspasia mist accort entre Xenophon et sa fame, comme recite Tuelle en sa Rethorique. Pour ce dont quant Jalousie survient a ung mary, et souspessonne mal en celle qu’il tenoit par avant pour si bonne que maleur n’y [a] — supposé qu’elle n’y ait coulpe, comme il avient bien souvent—, inanimement, [en] celle fureur et pas-
sion desordenee de jalousie qui propremant est appellee mal felon, dit il que toutes sont teles. Et c’est ce que dit Aristote en sa Rethorique : que qui a ung mauvais voisin, il cuide que tous les autres soient telz. S’ung chevalier a renon d’estre le plus fort, le plus appert, le plus hardy et le mieux avisé en armes d’ung royaume et pour tel le tiengne chascun, et il vient chevalier estrangier qui le desconfesse chevalereusement, on tenroit qu'il n’est autre chevalier d’icelluy royaume que l’estrangier n’eust desconfit ; et paroillement juge ung jaloux sur toutes fames quant il tient la sienne pour abatue, en 450
188c
455
especial ceulx qui plus ont cuidé et tenu leurs fames bonnes et chastes avant que jalousie y survenist. Or aux similitudes dame Eloquance. «Se ung se nomme adversaires du
| roy de France (ce dit dame Eloquance), et
soubz ce non il li fait guerre. ; se en la persone d’ung Sarrazin… ung home seme erreurs en la foy, en sera il excusé?» Et d’autres pareilles, qui tant soit pou ne sont a propos. Je li demande : pour tant, se Salluste recite la conjuracion de Catiline encontre la chose publique de Ronme, en est il pour ce coulpable ? pour tant, se Aristote recite les oppinions des
423 c’on sen a. — 428 Cf. plus loin, l'expression ainsy cuidier, 438 — 431 teroncienne — 438 celle furent et p.
PIERRE COL
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anciens philozophes contenans erreurs en philozophie, est il semeur d'erreurs en icelle ? pour tant, se la sainte Escripture recite les abominables pechiés de Soudome et Gomorre, enorte elle yceulx ensuir ? Quant tu vas au sermon, n’ois tu
pas aux prescheurs respondre les vices que tous les jours font homes et fames, affin qu’ilz aillent le droit chemin ? En bone foy, damoiselle, si fait : on doit ramentevoir le pié de quoy on cloche pour plus droit aler ! Ha ! dame Chasteté ! est ce le louyer que vous voulés rendre a maistre Jehan de Meung, qui tant vous a prisee et toutes autres vertus, et blasmés tous vices, come entendement 470
humain le puet concepvoir ? Voire, come entendement humain le puet concepvoir : n’en soubzriés ja ! Je dy que qui bien lit ce livre — et souvent pour le mieux entendre, il y trouvera ensaignemans pour fouir tous vices et ensuir toutes vertus. Et ne dit il pas en chapistre du Jaloux que nul qui vive chastement
475
ne peut venir a dampnement [8981-82];
et ou chapistre de Raison :
Celuy, qui va dely querant, sces tu qu'il se fait ? Il se rent comme serfs et chetif et nices du prince de trestous les vices [4395-98] ;
480
et que
:
C’est de tous maulx la racine
si come Tulle le determine... [4399-4400] ; Jeunesce met hommes es folies, es bobans, et es ribaudises es luxures et es oultraiges... [4433-35];
485
et pour plus blasmer vices dit que «li mauvais ne sont pas home» 490
[6292] ; et ou chapistre du Jaloux dit que tous les
vices firent saillir Povreté d’enfer pour venir en terre ; et de
461 Gomoirare (passage cité par Christine, infra, III, iv, 598) — 464 d. chenin
— 471 non foulzries (d'après l'allusion à ce passage chez Christine, infra, III, iv, 622) — 472 |. se 1. — 490 f. faillir (cf. Rose, 9505)
RESPONCE AUX TRAITIÉS PRECEDENS
103
Honte dit qu’elle refrene et dompte. Encor parle il plus contre les hommes que contre les fames : ne reprant il, ou chapistre de Nature, vint et six vices dont hommes
est enthechiés,
— et en tant d’autres lieux que je trespasse, que c’est sans 495
188d 500
nombre
(ou chapistre de Nature, que clers abandonnés a vi-
ces doivent estre plus pugnis que gens lais et simples ; et que gentullesce gist en vertus, entre lesquelz vertus il met dames honnorer et damoiselles) ! Par Dieu ! | ce n’est pas blasmer tout le sexe femenin ! (je dy cecy contre ton excusacion mise es darreniers mos de ton espistre) : saint Ambroise, en ung sien sermon,
505
le blasme plus (le sexe femenin) ; car il dit que
c'est ung sexe usagié a decevoir. Vraiement aussy fais tu : tu blasmes plus que Meung quant tu dis que s’on lisoit le livre de la Rose devant les roynes, princesses et autres grans dames, il leur convenroit couvrir leur face de honte rougie. Car pour quoy rougiroient 11z ? Il samble qu’ilz se sentiroyent coulpables des vices que le Jaloux recite de fame.
N'il ne blasme pas religion come luy met sus dame Eloquance. Il est bien vray qu'il dit que Ypocrisie .… trahist mainte region par habit de religion [10433-44];
510
il ne dit pas «par religion», mais «par l’abbit de religion». Car come il dit,
Qui de la toison dam Belin en lieu de mantel sebelin
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sire Ysangrin affubleroit, etc. [11093-95];
520
498
et c’est ce que dame Eloquence et toy avés dit par autres mos, c’est assavoir de mesler miel avec venin pour plus nuyre. Et quant dame Eloquance dit qu’il dit que Jeunes gens ne sont point estables en religion, je dy que quant ung jeune home entre en religion par jeunesce et non pas par devocion qu'il n’est pas fermes en icelle ; et c’est ce que dit maistre Jehan de Meung ou chapistre de la Vielle, et veés cy les propres parolles :
p. blasme — 505 ilz |. convenroit (cf. Christine, II, I, 674; I, iv, 273) —
506 rougiraoi 1lz
PIERRE
104
Aussy vous dy [ge] que li hom, quant il entre en religion et vient aprés qu'il s’en repent, par pou que de dueil ne se pent [13937-40].
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COL
Et ainsy appert qu’i presuppose qui parle d’omme qui se repent d’estre entré en religion, — comme il avient souvent. Lors dit 1l aprés que Ja si grans solers n’aura ne ja si faire ne saura grant chaperon ne grant aulmuce, que Nature ou cuer ne se muce, etc. [13979-82|];
535
et ung pou aprés dit :
Ainssy est 1l, biaux f1lz, par m'ame, de tout homme et de toute fame quant a naturel apetit, etc. [14057-59]. 540
189a
Il est certaing que naturel apetit d’omme n'est pas obligier a ne mengier jamais de char, ou estre chaste vre toute sa vie, ou soy tenir | tousjours a une fame, reillement d’unne fame a se tenir tousjours a ung Comme
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propose
mesmes
dame
Eloquence,
nostre
de soy ou pone pahome.
fragilité
est encline aux vices ; vuelt elle pour ce louer les vices ? Nannil ! Aussy se maistre Jehan de Meung dit que naturel appetit n'est pas a religion mais au contraire, ne vuelt il pas par ce blasmer religion et louer son contraire. Mais tu me diras a cecy que je recite les bonnes paroles et non les mauvaises, lesquelles esmuevent a lubricité et ensaingnent a prandre le chastel Jalousie ; et dame Eloquance dit qu'il veult bouter hors Chasteté de toutes fames. Je respons et te dy qu’en toutes manieres de guerre c’est plus grant aven-
S55
taige d’estre deffendeur qu’asaillant, mais c’on en soit par avant avisé. Et presupposé se Jalousie a fait fere ung fort chastel et y à mis bonnes gardes pour le garder et ce chastel a esté pris par une certaingne maniere d’assault, se maistre Jehan de Meung a escripte la maniere comment il fu pris, ne fait 1l plus grant aventaige aux gardes du chastel de leur avoir
525 Cf. Rose, edition citee
RESPONCE AUX TRAITIÉS PRECEDENS 560
565
105
enseingné par ou il fu pris — pour eulx en garder dorenavent pour estouper le trou par ou ce fu ou y mettre meilleurs gardes — qu'il ne fait a ceulx qui le vouldroient assaillir ? Par Dieux ! si fait, presupposey ce que j'ay dit avant : que c’est avantaige que d’estre deffendeur ; et meismement qu’il escript la maniere du prandre en langaige commun a homes et fanmes, jeunes et vielz, c’est assavoir en franssois.
Ovide, quant il escript L'Art d'amours, il escript en latin,
570
lequel n’entendent fammes : et ne le bailla qu’aux assaillans pour aprandre a asaillir le chastel : c’estoit la fin de son livre, sans parler par personnaiges (mais il, come Ovide, baiïlla tous ses ansaingnemans). Pour ce, moyennant la tres enorme Jalousie des maris ronmains, fut il exillié — que ay je dit, moien-
189b 575
nant | — certainnement ce fu commensement, moyen et fin pour quoy il fu exilé — si le fu — que la | jalousie tres enorme et felonne des maris ronmains ! Comme j’ay oÿ dire a
ceulx qui ont esté par pays, la fenme du moins jaloux du pays d’Ytalie et de Rommenie est plus estroit tenue que la
fame du plus jaloux de France. Et pour ce, s’'Ovide fu exilé, par jalousie ce feust ; come ung home, pour escripre contre 580
la foy, si se rapelle, ne sera point exillié, mais son livre sera ars : et le livre pour lequel Ovide fu exillié dure, dura et a
duré en toute Crestienté ; et si se rappella aussy Ovide en faisant le livre de Remede d'amours. Vraiementje n’entens point comment cest exillement se soustiengne par raison :Je 585
590
595
dy que si un livre est cause d’exillier son aucteur, le livre doit estre premierement exillié. Mais a propos de ce que dit dame Eloquance Theologienne, «qu’un vin qui ne nuyra a ung sain fera hors du sens ung qui tramblera fievrés», parieillement di je qu’un regart fait par la fournie ou la fame d’ung Ronmain ou Vtalyen donra occasion au mary, come j'ai oÿ dire, de l’empoisonner et ainssy le murdrier mauvaisement, la ou ung baisier en France ne donroit pas occasion de tenser sa fame, ou au mains la ferir. Si ne fault ja dire que maistre Jehan de Meung ne mist pas tant seulement en son livre L'Art d'umours
que Ovide fist ; mais de biaucop d’autres aucteurs, Car
de tant come il recite diverses manieres d’assaillir, de tant
579 j. ce sans — 587 quin v. — 589 quinr.
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PIERRE COL
advise il plus les gardes du chastel pour eulx en deffendre : et a celle fin le fist il. En verité je cognois home fol amoureux, lequel pour soy oster de fole amour a emprunté de moy Le Ronmant de la Rose, et luy ay oÿ jurer par sa foy que c'est la chose qui plus li a aidié a s’en oster. (Je di cecy pour ce que tu quiers : «Quans en sont devenus hermites ou entrés en religion», et [dis] qu'i print grant painne pour noyant.) Encore qui plus est, la Vielle que dame Eloquance et toy blasmés tant, avant qu’ele presche a Belaqueil, dit en protestant
:
Je vous dy bien avant le cop, ne vous vueil pas en amour mettre, 189c
| mais s’oubz en voulés entremettre,
je vous mosteray voulantiers et les chemins et les santiers par ou je deüsse estre allee, etc. [12940-45];
615
et aprés dit expressement a Bellaqueil que ce qu’elle luy presche, c’est affin qu'il n’y soit deceus : Et qu'il est sot certainnement qui pour jurer croit nul amant [13109-10].
Et s’il y a paroles qui samblent plus baudes, ou plus diffa620
mans le sexe feminin, il recite les aucteurs qui dient ycelles, car come il dit, 1l n’y fait «riens fors reciter» [15204] ; si me
625
samble c’on deust premierement blasmer les aucteurs que les reciteurs d’iceulx, comme Jj'ay desja dit. Mais tu me diras: pour quoy les recitoit 1l ? Je di qu'il le faisoit pour plus ansaingnier les portiers et a garder mieulx le chastel ; et aussy qu'1 sont a son propos. Car son propos fu de poursuir la mauere commensee
et touchee par Guillaume de Lorris, et en
ce faisant parler de toutes choses selonc leur estat au proufit de creature humainne, tant a l’ame come au corps. Pour ce
parle il de-paradis et de vertus : pour les suir ; et des vices, 597 les garder (cf. plus haut, 559) — 609 lire : s'ous (cf. Christine, infra, IL, iv,
822, et Rose, éd. citée) — 616 sol (fol barré; leçon biffée en accord avec le texte, Rose, éd. citée) — 623 recitent il (voir la réponse) — 629 p. les fuir (voir la citation de ce passage chez Christine, infra, III, iv, 850)
RESPONCE AUX TRAITIES PRECEDENS 630
pour les fouir ; et de tant come il parle de vices et vertus, d'enfer et paradis pres a pres l’ung de l’autre, monstre il plus la beauté des uns et la laidure des autres. Et ce qu’il dit ou chapistre de Jalousie et de la Vielle et an autres lieux touchans le fait d’amours, il le fist en poursuyant
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107
l’euvre com-
mencee par Guillaume de Lorris. Ne Genius ne promet pas paradis aux folz amoureulx, come li met sus dame Eloquance ; car il parle de ceulx qui exercitent bonnement les œuvres de Nature : ce n’est pas tout ung, exerciter les euvres de Nature bonnement et estre fol amoureulx. Ne Nature ne Genius n’enortent pas c’on soit fol amoureux, mais 1lz enortent suyvre les euvres de Nature, lesquelz sont licites aux fins auxquelz ilz les ennortent d’exerciter, c’est assavoir pour continuer l’espesse humainne et pour delaissier l’euvre contraire a nature, qui est abhominable 2 plus exprimer. Et combien que je n’ose ne vueil dire que exercer l’euvre de Nature a ces deux fins dessusdictes tant seulement hors de mariaige ne soit pas pechié, toutevois | ose je dire que il est permis icelle exercer a ces deux fins en l’estat de mariaige. Et c’est ce que dit maistre Jehan de Meung ou chapistre de la Vielle : Pour ce fist on les mariaiges, par les conseilz des hommes saiges...[13885-
86], pour oster dissolucions et contemps et OCCISIOns et pour aidier les norretures dont il ont ensemble les cures... [13861-64].
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Par Dieu ! ce n’est pas blasmer mariaige, dire qu’il fut ordenés par sages gens ! Mais je te diray que saint Augustin en dit en son livre des Confessions : «Bonne chose est a home ne touchier fame» ; et, «Qui est sans famme espousee, il panse aux choses qui sont de Dieu pour luy plaire ; mais cil qui est joint par mariaige panse les choses qui sont du monde pour plaire a sa fame.» Je te ramentoy cecy, et a ceulx qui
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veullent aprandre et corrigier par leur langaige, sans raison, aucteur — lequel soit notable et non repris par avant —, combien qu’il puet estre qu'il saiche mieulx que le ramenteveur : mais il n’est si mauvais sourt que cil qui ne vuelt oÿr. Il samble donques que se l’euvre de nature est licite en aucun cas, qu’elle n’est pas mauvaise de soy, mais par aucun consequant. Se Genius amonneste a suyre les euvres de Nature meismemant a ces deux fins que j’ay dites — et il est licite a les excerciter, au moins par mariage, en promettant paradis a ceulx qui les suyront bonnemant («mais qu'ilz se gardent bien des vices» [19560], car ce sont ses propres mos) —, je n’y voy point de mesprison. Et pour ce que chascun n’a pas leu le livre de la Rose, je reciteray ycy les propres mos de Genius, et me soit pardonné se je suis trop prolix en recitant ores et autreffois les propres mos du livre ; deux causes le me font fere: l’une si est affin c’on ne cuide que je die chose qui ne soit ou livre, pour ce que mains | sont qui ne le lisent point, come j'ay dit; l’autre raison est que je ne pouroye en prose aussi briefment reciter une chose come maistre Jehan de Meung la dit en rime leonine. Veés cy donques les mos de Genius : | Et qui de bien amer se painne sans nulle pensee villainne, et qui loyaulment si travaille, floris en paradis s’en aille. Mais qu'il se face bien confés,
690
j'en praing sur moy tretout son fés, de tel pouoir comme jel puis prandre [19505DR Ê
Et pour recapituler son sermon dit : Pansés de Nature honorer, 695
servés la par bien labourer ; et se de l’autruy riens avés, rendés le, se vous le savés,
et se vous rendre ne poués les biens despendus ou joués,
679 l’une cie. — 694 bien par bien (cf. Rose, éd. citée)
RESPONCE AUX TRAITIÉS PRECEDENS
109
aiés en bonne voulenté,
quant des biens aurés a planté. D'occision nul ne s’aprouche,
700
nettes aies les mains et bouche,
soyes loyal, soies piteux, lors yras ou champ delicteux, par trace l’aignelet suyant, et cetera [2060719].
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TS
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C’est en brief la recapitulacion de tout le sermon Genius et son entencion des choses qu'il a devant dictes. Et puis que c'est son entencion, quant tu l’as leu tout au long — et ceulx qui le reprannent —, que n’y prenés vous garde ? Si ne me puis assés esmervillier comme persone l’ose blasmer — je ne dy pas seulement li, mais ceulx qui prisent et aimment son livre de la Rose. Quant a moy, en bone verité je desire plus estre des blasmés et repris par prisier et amer le livre de la Rose que je ne fais estre soubtilz blasmeurs et repreneurs d'’icelluy. Et sachent tuit cil qui le reprannent qu'il reste encore -vii- mille, que ne ploierent onques le genoul devant Baal, qui sont tous prests de le deffendre. S'il eust esté du tamps d’entre vous qui le blasmés, je deisse que vous eussiés hayne particulere a sa personne ; mais vous ne le veistes onques : si ne puis ymaginer dont ce vient, sinon pour la tres elevee haultesse du livre, plus hable a recepvoir les vens de souffles envieux.
190b 125
730
Car ygnorance n’en est point cause en
telz y a, s’elle ne venoit | toutevoies par pou bre le dit livre de la Rose ; ou par aventure faingnés vous blasmer le dit livre pour cause de l’essaucer par esmouvoir les escoutans les paroles a le lire, et vous savés bien que qui le lira, il trouvera le contraire de vos escrips et tous ensaingnemans tres notables : et en ce cas les repreneurs devroient estre tenus assés pour excusés, car la fin et leur entencion seroit bonne, quelque moyen qu'il y eust. Si te prie, femme de grant engin, que tu gardes l’onneur
713 p. partisier (cf. Christine, infra, III, iv, 1013-14) —716 ung mille (voir le texte biblique,
cité dans nos notes, et la réponse de Christine,
1119) = 722 Ca y.
723 cellerse y.
infra, III, tv,
110
735
PIERRE COL
que tu as pour la hautesse de ton entendement et langaige bien ordené ; et que s’on t’aloué pour ce que tu as tirey d’un boulet par dessus les tours de Nostre Dame, ne t'essayes pour tant a ferir la lune d’un boujon pesant : garde que tu ne rassambles le corbel, lequel, pour ce que on loua son chant, se
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745
prist a chanter plus fort qu’il n’avoit acoustumé et laissa cheoir sa bouchié. Et pour toutes solucions prie a tous et a toutes qui le veulent reprendre ou blasmer en quelque part que ce soit, qu'i le lisent avant quatre fois du moins —et a loisir — pour mieulx l'entendre ; et je pren leur lecture bien entendue pour solucion. Et s’ilz n’en veulent riens fere, qu’ilz advisent la fin a laquelle il escript son livre, et qu'ilz lisent son excusacion sans estre affecté au contraire ; et je ne doubte pas qu’ilz nele tiengnent pour excusé, car il n’y fault autre excusacion ne responce que celle qu’i met droitement devant le commencement de l’assault. Car la seulement parle il come aucteur et la come aucteur dit que nul ne doit fame despire,
750
si n’a cuer des mauvais le pire [15179-80] ;
et si fait protestacion que ce n’est pas s’entencion de parler contre home vivant, sainte religion suiant ou qui [sa] vie use en bone euvre,
de quelque robe qu’il se cuevre... [15222-26]; et que s’il y a paroles trop baudes ou trop foles, que ce requeroit (sa) matiere qui vers telz parolles (le) tire
par les propretés de soy ... [15143-45];
190c
et qu'il n’y fait «riens fors reciter» [15204] ; et generalment dit qu'il ne dist onques riens qui ne fust «pour ensaingnement» [15173], c’est assavoir pour ung chascun avoir congnoissance de luy meismes et d’autres ; et finablement |que s'ilya
734 voulet (cf. plus loin la réponse de Christine, III, iv, 1063) — 739 qu'il le
veulent — 742 Et cilz — 754 or qui (cf. Rose, éd. citée) — 764 cily a
RESPONCE AUX TRAITIÉS PRECEDENS 765
770
HAS
Lil
parole que Sainte Esglise tiengne a fole [15269-70],
qu'il est tout prest de l’amender. Si m'esbahis par trop quant il metoit ce los en la bouche dame Eloquance Theologienne et de tous ceulz de la court de sainte Crestienté d’aviser s’il y avoit en son livre que reprandre, qu'il ont ainssy laissié dormir par l’espasse de cent ans ou plus, et tant qu'il est maintenant publié par toute Crestienté et — qui plus est — translaté en estranges langaiges. Mais je croy qu'ilz t’atendoient, toy et les autres qui le veulent reprandre : car je say de vray que par devant n’a esté persone qui l’eust seu reprandre. Si sont piessa les quatre ordres mandiens,
entre lesquelz a eu de tres nobles clers, les-
quelz n’avoient pas petite auctorité envers le pape et les 780
785
790
princes et princesses temporelz, et lesquelx il ne flata mie grandement. Or resgardés quel promoteur que de Conscience, qui laisse dormir une cause l’espace de cent ans ! Par le corps Dieu ! On ne fait point d’onneur a toute celle court sainte de Crestienté delimettre asseure telle negligence ; et en especial a dame Eloquance Theologienne, qui propose mal son fait
principal et emprant mauvaise querelle en la faisant maintenir et parler par la maniere que les maistres de rethorique ont baillié en leurs livres, ce qui n’apartient a dame Eloquance Theologienne, come dit saint Augustin ou quart de Doctrine crestienne. En bonne foy on li vouloit fere emprandre dure province a dame Eloquance. Si ne li pouoit on trop baillier d’ayde. Mais je say bien leur responce : 1lz diront qu'ilz n’y panserent onques. Toutevoyes pri je a toute celle benoite court qu'ilz pardonnent a celuy qui ce leur a imposé ; car je say certainne-
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qu'il tent a bonne
800
quoy tend maistre Jehan de Meung. Vray est que je ne le pouroye excuser du tout, qu'i n’y ait mesprenture en les imputer si negligens, et vouloir fere emprandre mauvaise querelle — mais non pas par malice : carje tiens queen in'ana point, ou si pou come en home vivant —, mais par Ce tant
770 cil y avoit — 780 prometeur
fin, c'est assavoir celle meismes a
PIERRE
111122
1904
COL
seulement qu’il a pou veu ce noble livre de la Rose (cointement ce qu'il en a veu). Veulliés luy donques pardonner, vous, dame Justice | Canonique, Raison, Eloquance, Conscience et les autres barons de la court sainte Crestienté, et
luy commender en penitance de ce forfait que 1l lise tout au lonc et au ley et a loisir ce tres noble livre de la Rose trois fois en l’onneur de celle Benoite Trinitey en unité ; laquelle nous ottroit a tous toison si blanche que nous puissiens, avec
le dit de Meung, brouter de herbes qui sont ou parc a l’ai810
gnelet saillant. Amen.
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SIGÈES
MS DE BASE
C
Paris, Bibliothèque Nationale fr. 1563
AUTRES MANUSCRITS
B,
Berkeley, University of California General Library ms. 109
B;
Paris, Bibliothèque Nationale fr. 835
B;
London, British Library, Harley 4431
[IV] AMAISTRE PIERRE COL, SECRETAIRE DU ROY NOSTRE SIRE
s
10
15
20
191a
Pour ce que entendement humain ne puet estre eslevé jusques a haultesse de clere cognoissance d’enterine veritey entendre des choses occultes (par l’ofuscacion grosse et terrestre qui l’empesche et tolt vraie clarté), convient par oppinion plus que de certainne science determiner des choses ymaginees plus voirsamblables : pour celle cause souventefois sont esmeues diverses questions — mesmement entre les plus subtilz — par oppinions contraires, et chascun s'efforce de monstrer par vive raison son oppinion estre vraye ; et que l’experience en soit magnifeste est clere chose, ce pouons nous veoir par nous mesmes presentement. Pour ce dy en parlant a toy, clerc subtil — a qui aucune ygnorence ne tolt vif sentement et abilité de langaige a demonstrer de toy les choses oppinees —, vueil que tu saches, tout soient tes raisons bien conduites a la fin de ton entencion contraires a la mienne oppinion, ycelles, non obstant la belle eloquence, ne mouvent en riens mon couraige ne troublent mon sentement au contraire de ce que autrefoys ay escript sus la matiere, — dont presentement et de nouvel me veulz poindre et renouveller les eguillonnemens ja a moy lanciés par les escriptures d’autres sollennelles persones sus la matiere, dont tu m’as envoyé ta nouvelle escripture touchant certaing debat piessa meu sus la compilacion du Roman de la | Rose. Et combien que occupee soye autre part, ne mon entencion n’estoit de plus
titre : Response de Cristine a maistre Pierre Col sur le Romant de la Rose
Bj,2 —
1 Col
manque B3— 4 a tendre By, atendre B (ateindre, s.m.), atendre B3 — 8 sont esmeues souventes fois B3 — 9 mesmes By — 19 mon sentement mangue Bj — 25 m. a cause de la
B2,3
GHRISMINE
116
DE PIZAN
escripre sur ce, encore te respondray en gros et rudement, selonc mon usaige, verité sans paliaicion. Et comme je ne seusse suyre ton bel stille, supployer vueillies le deffault et 30
limgnorance. Tu m'escris a ton commancement que come tu desirasses veoir de mes escriptures, te soit venu entre mains une cer-
tainne mienne espistre adressant a mon signeur le prevost de Lisle, laquelle se commense 35
: «Reverance et honneur», etc;
si dis tost aprés que je m'efforce de reprandre ce «tres hault catholique, divin orateur», etc., maistre Jehan de Meung, ou
livre de la Rose'en aucunes particularités, «pour lequel louer (tu) n’oseroie(s) ouvrir (ta) bouche ne que (ton) pié avancier a 40
45
entrer en une abisme.» Mere Dieu ! arestons cy ung pou ! Est il donques pareil a Jhesu Crist ou a la Vierge Marie, plus que saint Poul ou les docteurs de sainte Esglise, qui dis que ne le pouroies «souffisament louer pour y user tous (tes) mambres se tous estoient devenus langues», etc.? Toutevoyes est il vray, sauve ta reverence, que trop extreme et excessive loenge donnee a creature fait a reprandre et tourne a blasme. Et comme verité pure me contraingne a toy respondre ce que plus voulantiers tayroie (pour ce que la matiere n’est a ma plaisance),
50
le feray selonc mon
rude stile.
Mais si come
tu
m'escrips que je te pardonne se tu parles a moy par «tu», samblablement te pri, come ce soit le plus propre selonc nos anciens, — come tu mesmes dis.
55
Premierement qui est dit ou dit la ou elle nomme non ; et relates «vraiement
29 tel b.s.]
B—
tu proposses que sans raison Je blasme ce Romant de la Rose où chapistre de Raison, les secrés membres d’omme par leur droit ce que autrefois ay respondu ailleurs, que
crea Dieu toutes choses bonnes...,
33 menue
espistre | By (un certain miene.
8 (tienne epistre) — 38 n’est que] BC
NCA
CIN
B ; cf. III, tit, 15 —
mais par la
B55);cf- Lin,
54 pour leur droit non|
COMNrne7
34 et manque Bj,3 (leçon conforme au texte cité : tous mss.) — 38 |. n'oseroyent B2 : correction non conforme au texte cité) — lab. B (leçon conforme au passage cité)
(s.m.
— 39 un a. B2 — arrestons nous B2 — 40 Marie manque By 3 — 42 mesm. B3 — 45 a creature manque Bj — 46 a toy manque Bj — 48 tu manque B3 — 50 propice B2 — 51 le dis B2 — 56 voirement B
A MAISTRE PIERRE COL
191b 60
65
70
1194
pollucion du pechié de nos premiers parens devint homme immonde» : et ay donné exemple de Lucifer, dont le non est bel et la persone orrible, eten conclu- |ant ay dit que «le non ne fait pas la deshonnestetey de la chose, mais la chose fait le non deshonneste.» Et de cecy dire tu dis que je ressamble le pellicain, qui s’occist de son bec. Si fais ta conclusion et dis aprés : «Se la chose donques fait le non deshonneste, quel nom (je puis) baillier a la chose qui ne soit deshonneste ?» À ce je respondray sans passer oultre, car je ne suis logicienne ; ne a vraie verité dire n'est ja besoing telles persuacions. Sans faille je confesse que je ne pouroye en nulle maniere parler de deshonnestetey, de voulanté corrompue ne a fin de elle — quelconques nom que je luy baïllasse, ou fut aux secrés membres ou autre chose deshonneste —, que le non ne fut deshonneste. Et toutefois se pour certaing cas de maladie ou aultre neccessité il convenoit declairier ou les membres ou quoy que ce fust, et j’en parloie en maniere que on m'entendist et non nommer par propre non, je ne parleroye
75
point deshonestement : la cause si est pour ce que la fin pour quoy j'en parleroye ne seroit pas deshonreste. Et neantmoins si te les nommoye par leur propre non et fut ores a cause bonne, si parleroye deshonnestement, car la premiere enten-
80
85
cion de la chose à ja fait le non deshonneste. Dont s'ensuit vraye ma premiere proposicion : «que la chose fait le non deshonneste, et non mie le non la chose.» Et a la question que tu me fais : «se (je parloie) des secrés membres d’ung petit enfant», lequel est ignocent (se je les oseroie bien nommer pour ce que il est sans pollucion de pechié), — ainsois que je te responde, je te demande que tu me dise se ung anfant petit est ramené a autelle ignoscence et en aussy egal estat ne plus ne mains que estoit Adam quant Dieu l’ot creé. Se tu dis oyl, c’est faulx, car le petit enfant muert
57 pollicion] BENFANT. Ce p.] B —
86 me disse ung | B; (om.
B3 3)
59 la manque B3 — Et ay dit en c. By — 60 fait manque devant le non By — 62r.aup. B— 75 By — 65 oultre grossement B — 66 n'aa By —n'aja B3 — 69-71 fust...fust IT IS Bo ement deshonnest Be parleroye je 76 — B2 manque m' ou j'en B2 — 74 je te demanje les B — 78sep.je B— 80 preposicion B3 — 85 responde a ceste question B3 de pour response si B2, responde ainçois que question je te d.p.r.se
CHRISTINE
118
90
1910 95
DE PIZAN
a doulour ains qu'il ait pechié : ce n’eust point fait Adam en l’estat de ignoscence, car de son pechié fu engendree mort. Se tu me dis non, doncques te dis je vraye ma proposicion : que tel honte nous est engendree par la polucion de nos premiers parens. | Et ce que tu dis que «riens ne vault tant repliquer du pechié originel, car il vint de la desobeissance», je te confesse que de ce vint il. Maïs tu me dis se la pollucion de nos premiers parens fait le nom deshonneste des secrés membres, domcques, dis tu, «par plus forte raison on ne de-
100
vroit mie nommer yceulx nos premiers parans : car ce sont ceulx qui pecherent, et non pas les membres.» A ce ja te feray pour responce ung gros argument, et vouldroie que bien le me soluces : pour quoy fu ce que tantost que nos premiers parans orent pechié et congnoissance orent de bien et de mal, ilz mucierent incontinant leurs secrés membres et se hontoierent ? Toutevoies n’en avoient encore usé.
105
110
115
120
Je te demande
pour quoy ilz ne mucierent lors yeulx ou leur bouche, dont il avoient pechié, et non pas les secrés membres ? Et me samble que tres lors fut nee honte raisonnable, laquelle la Raison de ton maistre et toy et tes complices voulés chacier et estiper. Si m'est advis que je ne me suis point occise de mon bec, ainssy come tu me condampnes, etc. Comme je ne soie seule en la tres vraye, juste et raisonnable oppinion contre la compilacion du dit de la Rose (pour les tres grans repprouvees exortacions qui y sont — non obstant tel bien comme il y puet avoir), soit vraie chose que entre les autres bonnes personnes concordans a ma dicte oppinion, avint, aprés que je os escript mon epistre (laquelle tu dis que as veue), — vient a voulanté pour l’acroissement de vertu et le destruisement de vice — de quoy le dit de la Rose puet avoir empoissoney plusseurs cuers humains — pour y obvier, tres vaillant docteur et maistre en theologie, souffis-
93 Et se q.] B —
96 mes p. p.] B; cf. plus haut, 57
89 ce que n’eust B2 — 90 engendré la m. B>, engendré m. B3 — 91 que non B2 — 93 tant de foiz By — 97 ce distu B23 — 98 m. yceulsnommer By — 99ace je B — te veulx fere B2 (te suscrit) — 101 p.fust B — 103 couvrirent B — 109 estroper B3 — 110 etc. manque B — 111 s. mie seule B — tres bonne, vray, juste et r. 0. By 2, t.b. vraye et juste oppinion raisonnable B3 — 112 dit Rommant de B3 — 113 grans manque B — 114 bien que il B2 — 116 e.lequel... veu B2 3 — 117 vint en voulenté B
À MAISTRE PIERRE COL
119
sant, digne, louable, clerc sollemnel, esleu entre esleus : com-
pila une œuvre en brief conduite moult notablement par pure theologie, de quoy tu escrips en ton traictié que tu as «veue
s 1914
en maniere d'une plaidoirie en la court sainte de Crestienté,
en laquelle estoit Justice Canonique establie come juge et les | Vertus entour elle conme son conseil, duquel le chief et come chancellier estoit Entendemant Subtil, Joint par compagnie a dame Raison, Prudence, Science et autres come se-
130
cretaires, Eloquance Theologienne come advocat de la court; et le promoteur des causes estoit Conscience, lequel promoteur ont fait lever et presanter une requeste pour Chasteté contenant ceste fourme
135
140
«heu de Dieu en terre, et a toute sa religieuse court devote «et tres crestienne. Supplie humblement et se complaint «Chasteté, vostre feale subjette, que remede soit mis et pro«vision briefve sur les forfaitures intollerables, lesquelles m'a «fait et ne cesse fere ung qui se fait nommer le Fol Amou«reux.» Et met aprés huit ou nuef articles.» Et non obstant que a moy singulierement adreces le premier proesme de ta devant dicte escripture (come tu presumes a toy estre legier repudier mes raissons pour mon ignorance,
145
: «A Justice la droituriere, tenant le
confiant
en
ton
bon
sens et subtillité, m'est advis
encore), tu oses ajoindre tes reprehencions, telles come tu les vuelz dire, aux dis de si notable persone dessusdicte et de œuvre tant bien composee come est la sienne, pour ce que elle est contraire a l’oppinion en quoy tu te tiens. Or avises, or avises s1 Je porroye raisonnablement toy dire l’obrobre que tu me dis en aucuns de tes chapistres en ceste maniere : «O presompcion oultraigeuse ! o tres folle oultrecuidance!», etc.
150
Si n’est mie mon entencion de moy chargier deffendre contre toy en toutes pars les questions proposees par dame Elo-
|ZI, ti, 123 en mangue] B — 124 sainte crestienne, B (c. de sainte crestienté) B — causes)] sur fait (accord estoient — B 7; III, fi, 89 —130 prometteur] 141 toy e. liguer] B en la m. By — 125 121 e. les esleus B — 122 un œuvre B7,3 — 123 tu m'escris B — 124 nne manque Bo 137 cesse canoniquee B (le deuxième e gratté dans B2) — 129 Theologie À, C donnent cesse faire, comde faire B2 (conformément à III, ii, 41; cependant les mss. tit, 101) — 146tuerres B — LOC: III, Col, Pierre chez passage du citation la me du reste
de d. By — 151 le questions B2
CHRISTINE
120
155
192a
160
quance dessusdicte (car il ne touche du tout au propos de ma premiere epistre), se n’est en aucunes pars ou il touchera a la matiere dont tu me redargues : car je m'en attens a celluy qui la dicte plaidoirie a composee, qui en pou de parolles la sara mieux deffendre | que toute ma vie ne sarroye a son droit resgarder. Mais tant en puis je bien dire que tu — qui mieulx le cuides entendre que luy, plain de sagesse et haulte clergie — le veulz reprandre de ygnorance. Bien dis pour plus courtoisement parler de si notable persone, que se bien eust
165
170
DE PIZAN
estudié
le dit livre,
d'autant
come
son
entendement
passe tous autres, de tant plus le louast et prisast ; ainsy — loués soit Dieux ! — toy mesmes le confesses sollempnel persone : si est bon a croire et a presumer que tel honme eust blasmee publiquement œuvre qu’il n’eust par avant bien avisee et comprise ! Encore puis je bien respondre a ce que tu dis qu’il parle de Fol Amoureux come clerc d’armes (si comme celluy qui onques riens n’en senty), qu'il n’est ja nescessaire, pour parler proprement des choses, avoir l’experience. Et moult
d'exemples t'en pouroient estre donnés : tu mesmes le sces — et trop plus de subtiles choses et hors le sentement naturel ont esté descriptes proprement —, que l’effect d’amours est a entendre 175
a home
subtil et d’entendement
; et toy mesmes
confesses qu'il n’est necessaire avoir l'experience, et neant-
moins tu conclus que s’il eust eu l’experience de Fol Amoureux, autrement deist qu'il ne fait.
180
Je trespasse cy endroit aucuns articles de la dessusdicte plaiderie de dame Eloquance pour ce que ce n’est a moy a respondre : et mesmement de ce que tu dis que maistre Jehan de Meung appella saintuaires ne me debatis je oncques, car le taire en est le plus honneste. Mais pour ce que tu l’excuses et dis que ainssÿy se peuent appeller, et selonc loy et pour
159 les veulz] B —
165 basme] B — n’est par] B
152 dessusdictes B3 — 156 mieulx discuter deffendre B2 (discuter barré) — a son droit manque B3 — 161 bien y eust B3 — dit manque B2 — 169 riens ne s. B3 — mie neccessaire B) (le mot mie est une correction) — 171 t’ manque Bj— 173 n'esta entendre B — 178 susdicte By 3 — 179 a moy redoublé B3 — 181 dabatis B2 — 182 le plus seur B2 (seur est une correction)
A MAISTRE PIERRE
COL
monstrer la follie au Fol Amoureux, 185
195
200
205
215
moins,
quelque
entencion
qu'il eust, say je bien qu'il
sonne mal | a ceulx qui ne se delittent en telle charnalitey.) Je ne vueil mie passer oultre ce que tu dis que je ne doy mie cuidier ce que il dist en son Testament : «J'ay fait en ma jonesse maint dit par vanité», qu'il entende de ce livre de la Rose. Et come se tu le seusses, bien affermes que onques ne s'en repanty ne dist pour celle cause. Et touteffois ne l'excepta il de riens. Mais tu dis qu’il entendi de balades, rondiaux et virelais que nous n’avons mie. Ou sont donques ces autres dictiers que il fist vains et foulz ? Merveilles est que de si souverain dicteur n’ont esté sollenneement gardés : car d’autres qui ne furent a lui a comparer est grant mencion faite, et des siens n’est persone en vie qui onques en oit parler. Et vraiement moy mesmes me suis maintes fois merveillee que si grant dicteur cessast a si pou d'œuvre, —nonobstant que plusseurs qui luy sont favourables luy veulent imposer des dictiers mesmes de saint Augustin. Mais toutefois se tu vuelz dire que il s’en soit teus pour eschiver gloire vayne et que
210
sans faille tu dis autre-
ment que tu ne panses, sauve ta grace : Car tu sces bien que onques ne le dist en entencion de la chose qu’elle puist estre appellee sainte, mais le dist par une maniere d’une desrision plus aluchaint, ou pour plus grant atisement aux luxurieux. (Au
192b
121
voirement
en
fist plusseurs,
regardes ou prologue
de
Boesce que il translata — ou il raconte les translacions et escriptures que il a faictes : sy croy que il n’en oublia nulles. (Ce dis je pour ceulx qui autres escriptures luy veulent atribuer, combien que de ce n’ay je que faire.) Mais a nostre propos vraiement je croy et tiens qu'il dist ce qui est dit en son Testament purement pour celluy romant, car 1l nous appert par celle parolle et ne savons le contraire. Tu viens a mon propos, et dis que dame Eloquance dist : «N'est ce pas, fait elle, grant raige dire c’on doie parler nuement et baudement et sans vergoingne, tant soient deshon-
195 son repenty] B — 206 p. eschive g.] B 186 que la chose peust B (puist B2 3 — 196 mie de riens B2,3 — — 210 dis : s.m. B2
BJ) — 188 aluchant et plus grant B2 3— 194 affermer 197 r.ouv. B3 — 206 vaine gloire By — et manque B]
CHRISTINE
192
DE PIZAN
nestes les paroles au jugement de toutes gens ?» Puis tu dis a dame Eloquance que on luy impose mal reciter son fait principal, sur quoy elle fonde tous ses argumens ensuyans,
220
mais tu excuses aprés son aucteur en l’acusant d’ignorance, et dis ce que j’ay cy devant recité : que c’est, come tu tiens, par faulte de le voir et par pou l’avoir estudié. | En faisant ta responce a dame Eloquance tu recites les parolles que dist Raison ou dit roumant, qui sont telles en substance : qu'elle puet bien nommer par propre non les choses qui ne sont se bones non ; et dis qu'il ne dist pas que on en doie parler, mais que on en puet bien parler. Si te responderay cy ung petit pour dame Eloquence ung pou grossement : je sçay bien voirement que devoir est contrainte et pouoir est volenté, mais touteffois par la maniere de parler de quoy on use en tel cas, on n’en puet parler nuement ne oultreement sans mesprandre (come il est prouvé cy devant et encore sera aprés). Et tu soustiens avec celle Raison que parlé eust proprement ou en puet sans mesprandre, et alleugues que la sainte Escripture et la Bible les nomme par propre non ou il eschiet. Si te respons, beau doulz amy : se la Bible les nom-
192c 225
230
235
me ou la sainte Escripture, ce n’est mie en telle maniere ne a
tel propos, ains est la matiere trop longe de aluchement de charnalité
240
; et si n’est mie la Bible faicte d’ung personnaige
femenin qui s’apellast fille de Dieu, et si ne parle mie a Fol Amoureux ou elle puist atisier le feu. Tu dis encore que se le non desplaist a aucuns, qu’il ne desplaist mie a tous : mais de ce te croy je moult bien ! Car chose mal faite et mal dicte ne desplaist mie a chascun. Et dis que ce dis tu pour ce que dame Eloquance dist : «Tant soient les parolles deshonnestes au resgart de toutes gens.» Et yci en droit te prens tu a la cordelle ou tu m'as cuidié
245
prandre (quant tu dis que on ne doit mie prandre les mos si
a la letre: car tu sés bien que la plus grant partie est prise
250
234 parler eust (p. ent
219 on manque
B3 —
B)| cf. III, iii, 248 et suiv. — 248 ya endroit] B (cie.)
223 pou manque
B, par manque
B3 —
2275s'en doye B2 —
232
cas suscrit B — 234 parler ent p.on B — 235en manque By — 237-38 que se las. E. ou la b. By — 239-240 aluchement charnel B (l'a. c. Bj) — 241 au fol By — 243 que mnan-
que
Bj —
247 d.au dit det. By — 248
cy endroit
B —
249 que l'en B
À MAISTRE
255
1924 260
265
270
275
280
PIERRE COL
123
pour le tout, et vraiement a la plus grant partie desplairoit oir nommer en publique deshonnesteté. Tu dis qu'il ne faultja dire que bone coustume deffent en parler proprement, dont tu te tais, ce dis tu, «se la coustume est bone ou mauvaise» : si ne sçay pour quoy tu t'en tais se tu y sés riens de bon, mais se au contraire penses, tu as folle oppinion, que fames ne l’aient mie acoustumé. Ce dist dame Eloquance, come tu dis : elle dist voir, et donmaiges seroit se autrement fut et que tant de reprouche | peustestre rapporté es autres contrees des fames de ce royaume ! Car on distung proverbe commun : «A la langue est congneue l'affection» ; car ycelle Raison que tu tant auctorises dist que «ce n’est fors desacoustumance» en France : ce n’est mie desacoustumance, car onques ne l’acoustumerent ! Et dont vient que elles ne l’ont acoustumé ? Il vient de raisonnable honte, qui — Dieux mercis ! — n’est mie chasciee de leurs frons. Encores dis qu’il puet estre que en autres païs les fanmes les nomment proprement : mais je ne say pour quoy tu fais telle consequance quant tu n’en sés riens, et si n’est mencion que en tout le monde femmes ne hommes mesmement en parlent plainnementeten publique. Et si t’esbahis, ce dis tu, de la coustume que «fames nomment bien leurs secrés membres par leur propre non, maiselles ne veulent nommer ceulx aux homes.» Je te respons a ce que, sauve ta grace, certes non font fames honnourables mie en publique ; et se aucunes fen-
mes plus nomment les choses qui leur sont privees que celles qui leur sont plus estranges, tu ne t'en dois merveillier. Mais tu, qui tant te debas et par tant de repliques que plainnement se doivent nonmer par nom et que bien dist la Raison Jehan de Meung, je te prie chierement — tu qui yés son tres especial desciple, come tu dis — pour quoy ne les nonmes plainnement en ton escripture sans aler entour le pot ? Il me samble que tu n'es pas bon escolier, car tu n’en suis pas bien la doc-
254 si dis tu, B7 (se d't.)] B> 3 — 267 Encores dit] B ; voir la suite de la phrase : il s'agit bien de Pierre Col et non de Raison
252 en publique manque son maistre Jehan
Bj — 272 bien manque
B — 283 mie bien
B
B2,3 — 273 leur manque
By — 279 rai-
124
CHRISTINE
trine de ton maistre.
28s
DE PIZAN
Qui te muet a ce ? Se tu dis que ce
n'est la coustume, si as doubté d’en estre repris. Que te chaut de celle coustume ? Veulz tu vivre a oppinion de gent? Suy la bonne doctrine : si monstre aux autres qu'ilz doivent fere ; car toutes choses se commensent une fois,et se on t'en
290
193a 295
300
305
310
318$
blasme au premiers, tu seras aprés loué quant on verra la coustume bonne et belle. Ha ! par Dieu ! autremant va ! Tu ne le pues nyer. Et ou est la Raison maistre Jehan de Meung? Elle a pou de puissance quant honte la desconfit. Benoitte soit tele honte qui desconfit tele Raison ! Et se je | te haisse je diroie : «Pleust a Dieu que tu l’eusses fait !», maïs je t’ayme pour ton bon sens et le bien que on dist de toy (non obstant ne te congnoisse) : si ne voulroie ta deshonnour. Car parler honneste avec les vertus moult advient en bouche de louable personne. Il me samble que tu reprans la maniere de parler de dame Eloquence, qui dist que mal garda Meung les riegles de rethorique (car il deust avoir regardé a qui Raison parloit, car ce estoit a Fol Amoureux qui plus en pouoit estre embrasiés : «ce que ne seroit ung grant clerc theologien», etc.) ; et dis que il samble qu’il veulle dire ung grant clerc philozophe ou theologien ne peust estre amoureux. Mais si peut, come tu dis : et donnes exemple de David, Salemon et autres. Si me merveil moult de toy qui veulz autruy corrigier du mesmes deffault en quoy tu de commun cours et enchés, et soustiens ou il te plaist ce que vuelz confondre pour ung autre. Il est bon assavoir que quant le vaillant preudome parla de Fol Amoureux, il supposa que celluy fust subtrait de toute science quant ou cas de Folle Amour — supposé que grant science fut en luy —, et quant il dist un grant clerc theologien, il suppose que la passion de Folle Amour n’y soit point : car il convient que son subtil entendement, qui point ne erre, l’en-
293 te Raison] B (telle que] B
Bj, tel 8) =302
emboisiés]
B — 307 corrigier man-
289 tu en B — 290 par Dieu redoublé B — 291 nier que honte ne t’en garde B — 292 le desconfit B2,3 — 297 honnestement B2,3 — 302 c’estoit au B2,3 — 303 theologien, comme se, dis tu, comme
si -i- grant clerc ne
B2 (correction notée au bas du feuillet), theolo-
gien .. clerc manque B3 — 306 Davidet S. B23 — 309 tu veuls B — 315 entendement redoublé B
308 et manque devant enchés B —
A MAISTRE PIERRE
320
COL
12%)
tendist ainssy où plus subtilment. Mais tu dis que ung home ne s’en mouvera ja affollement amer pour telles parolles. Et on te dist qu’il y est ja meus puis qu'il est Fol Amoureux, mais son embrasement en puet bien crostre. Tu dis que
quant Raison les nomma elle preschoit a l’Amant qu'il s’en ostast du tout. Responce : s’il est ainsy come tu l’entens, et come maistre Jehan de Meung dist estre la fin d’amours — laquelle chose on pouroit debatre, que ce ne soit mie riegle
general de tant tendre a celle fin —, Rayson fist a l’Amant 325
ainssy come se je parloie a une fame grosse ou a ung malade, et Je luy ramentevoye pommes aigres ou poires nouvelles ou
193b
autre fruit, que luy fut bien apetisant et contraire, et je luy disoie que se il | en mengoit, ce luy nuirroit moult. Vraiementje tiens que mieulx li souvendroit et plus luy aroit pene-
330
tré en son appetit les choses nommees que la deffence faicte
de non en mengier : et sert au propos que autrefois ay dit — et tu tant le repprens — que on ne doit ramentevoir a nature humainne le pié dont elle cloche. Tu argues que maistre Jehan de Meung, «ou chapistre de
335
Raison, ne descendy pas a parler des secrés membres pour
affeccion qu'il eust d’en parler», mais «pour monstrer la follie de ceulx qui dient qu’il n’est licite d’en parler.» Et sans faille se pour celle cause le fist, il a failly a son esme, quant
340
34s
par une tres grant folie fere il cuida estaindre ung tres grant sens. Si appert, ce dis tu, qu'il ne le fist mie pour delit par ceste raison que «ailleurs ou il parle de l’ueuvre de nature, il l'appelle «gieu d’amours». Nous sommes bien ! Hay ! vray Dieu ! Tu dis merveilles !Ainsy pouroies tu dire que en la fin de son livre il ne nomme mie les deshonnestetés qui y sont par leurs propres noms ! Et voirement ne fait ! Et que vault cela ? Il les nomme par mos poetiques entendables six fois plus atisans et plus penetratis et plus delicteus a ceulx qui y sont enclins que se il les nommast par leurs propres nons.
323 que se ne seroit] B (ce manque) — 325 se manque] B — 338 cep. cb a soy esme] B — 341 c.r. qui] B — 342 Dieu d’amours] B — 348 ceill.] B 317 ja a fole amour B3 — 327 quilui B — 328 en manque B3 — 335 ne deffendi pas B2,3 B— 346 -C- foiz B — 347 et devant plus a. B3 — et manque devant plus p. — 338ilfailli
B3
126
CHRISTINE
350
355
360
DE PIZAN
Tu dis oultre que qui lit et entent le dit romant, «que il entendra que maistre Jehan de Meung ne devoit autrement parler qu'il parla.» Tu dis trop bien, mais que il l’entende a ta guise. Sés tu comment il va de celle lecture ? Ainsy come des livres des arguemistes : les uns les lisent et les entendent d’une maniere, les autres qui les lisent les entendent tout au rebours ; et chascun cuide trop bien entendre. Et sur ce ilz œuvrent et apprestent fourniaux, alembis et croisiaux, et soufflent fort, et pour ung petit de sulimacion ou congyeil qui leur appere merveillable, i1z cuident ataindre a merveille. Et puis quant il ont fait et fait et gasté leur temps, 1lz y scevent autant comme devant, — mais que coust et despence a la maniere de distiller et d’aucunes congelacions de nulle utilité. Ainssy est il de toy et de moy et de plusseurs : tu l’entens et le prens d’une maniere, et moy tout au rebours ; tu
193c 365
370
375
recites, je replique.
Et quant
| nous avons fait et fait, tout
ne vault riens ; car la matiere en est tres deshonneste, ainssy
come aucuns arguemistes qui cuident fere de fiens or. Le taire en fut bon, et mieulx me plairoit non estre arguemiste en ceste partie, mais la deffence m'est convenable puis que je suis assaillie. De ce que tu argues ensuyant contre la plaidoirie devant Justice par dame Eloquance à la charge du devant dit maistre, je l’en lairay convenir. Car bien t'en sera respondre, et deffendra quant luy plaira. Tu relates ce que autrefois ay dit : que je ne me puis taire et trop merveillier de ce que Raison dist que mesmes en la guerre amoureuse «mieulx vault decepvoir que deceus estre» ; et que Jj'argue qu'il s’ansuiroit doncques estre tous deux bons: qui ne puet estre. Et puis si jures ton serement que se me feusse deportee d’escripre cest argument ce fut mon honneur,
357 et souffilent] B — 361 de nulle redoublé] B — 366 fere manque] B (faire) — 372 convenir manque] B —b.se s.] B — respondre de et deffendra] SE ai
378-79 se meffeusse] B 351 mais manque
B3 (trop bien mes que s.m.
— 353 les manque devant entendent devant soufflent
B2) — 352 tu manque
B3 —
commeil va B
B3 — 357 et entremeslent divers metaulx et matieres
B23 — 360 etla m. B — 362 et manque après toy B — 365 en manque
B — 372 sçara respondre quant çon conforme au texte cité)
By 2, sara convenir q. B3 — 377 d. tous deuxestre
B (le-
A MAISTRE PIERRE COL 380
385
390
395
1277
et que ce est proposicion d’enfans quant ilz arguent. Toutevoies te promet je bien, quoy qu'il t'en soit advis : je ne la pance mie a chanceller. Mais de ce que tu cuides conffondre mon argument de dire : Jhesu Crist dist que «mieulx fut a Judas que il n'eust onques esté que avoir trahy son maistre», vrayement je te respons que bon fut que Jhesu Crist morut et bon fu que Judas nasquist ; mais mieulx fut pour luy s’il n'eust onques esté ney, pour cause de l’inconvenient de sa desesperance et la punicion de sa traïson. Et tu mesmes n’as pas tenu la riegle en toutes tes solluccions et argumens dont tu me veulz reprandre, et mervilleusement interpretes ce qui est dit clerement et a la lectre : «Il vault trop mieulx, biau maistre, decepvoir» que estre deceus, — qui dis que ce est a dire que il te greveroit mains fere samblant de moy amer pour toy aisier de mon corps que se tu en perdoies ton «estude, sans,
tamps,
ame, corps et los.»
C’est bien extreme-
ment parlé ! Dont samble il qu’il conviengne decevoir, ou perdre «sens, tamps, ame», etc.! Sans faille la faveur que tu y as te fait bien loings aler querre ceste extreme excusacion (et touteffois 400 1934
ne met il point ces -i: extremités ensemble).
Si te dis encore et de rechief que en la loy de Jhesu Crist et selonc la sienne doctrine, plus est deffandu decepvoir son prochain que estre deceu (et c’est assavoir de | decevance frauduleuse, car par maniere de parler puet estre dit de decepvance tel chose qui n’est mie grant vice). Mais affin que
405
je ne l’oublie, je diray ce dontje suis contente : c'est que tu dis que tu as oppinion que oncques maistre Jehan de Meung n’escript ce en son livre, et que ce est chose ajoustee. Bien appert que tu parles a voulanté, sauve ta grasse, car n’est ce
410
du propre langage et tout ung mesmes mettre et stille ? Mais tu voulroies bien qu’il ne l’eust oncques dit ! Tu pues bien
380 quesse ce est] B — 382 consfondre]
B — 384 oncques manque]
B; cf. II,
ii, 359 — 386 cil n’e.] B — 387 de luy convenient] B — 399 quatre extremités|
B — 408 et de voulentey] B 380 preposicion B1 — 386 qu'il n. By — 388 desperance B2 — 389 et argumens manque B2,3 — 390 et merveilles B3 (merveilleusement, sm. B2) — 392 deceu estre B7 (conformément au Roman et au texte cité) — 395 ame et corps B2 — et manque B2 — 401 sa doctrine B — 402 et manque B — 403 de manque devant decepvance B — 404 que n’est B]
— 408 c’est du B
CHRISTINE
128
dire hardiment
que onques
DE PIZAN
de Raison, fille de Dieu, n'issy
tel mot.
415
420
Ha ! Decepvance Frauduleuse ! Mere de Traïson ! Qui est ce qui t’ose mettre avent en nul cas ? Et puis que nous y sommes entrés, pour Dieu que je m y areste ung petit, non obstant la prolixité (car on ne puet bonnement en bien brief comprandre moult de choses). Par ta foy, consideres ung pou — tu qui as leues les hystoires —, quel vice à tenu et tient en ce monde plus grand lieu a aidier a parfournir les plus grans perversités : tu trouveras Decevance. Regardes se Decevance nous donna la mort premierement ; li les hystoires troyennes
425
430
435
194a 440
: tu trouveras selonc Obvide et autres comment
dame Discorde sema la graine de la guerre, mais jamais n’eust tout queilli se dame Decevance n’y fut venue quant elle fist trahir et prandre la forte cité de Troye ; et tout est plain de ses fais, que trop seroit long a dire. Ha ! Dieux ! comme tout noble couraige se doit bien garder d’avoir en soy si villain vice, qui passe tous autres en mauvais effait ! Quel differance mettras tu entre Traison et Decevance ? Je n'y en say point, mais que l’ung sonne pis que l’autre. Et se tu dis : donques s’en vault 1l mieux aidier sus ung autre que ung aultre s’en aidast sur soy, Je te dis de rechief que non fait : car selonc la justice de Dieu celluy est plus pugnis qui imjurie autruy que celluy qui est injuriés (et disons encore mesmement en cas d’amours, pour ce que la Raison maistre Jehan de Meung dist que «Mieulx vault», etc.). Vrayement j'en diray mon oppinion, et m'en tiengne a folle qui voulra, tant hé Decevance. Je ay ung seul filz — que Dieux me veuille conserver s’il luy plaist—, mais je ameroye mieulx qu'il fust parfaitement amou- |reux avec le scens que je espoire que Dieu luy donra, come ont homes raisonnables, d'une fame bien condicionee et sage qui amast honneur — et luy en avenist ce que avenir en pouroit —,
420 preversités] home] B
B — 426 c.ton n. c.] B — 433 que imjurie] B — 442 qui a.
411 hardiement dire B2 3 — 416 bien manque B — 418 un petit B23 — 422 trouveras les histoires selon B3 (les histoires barré B3) — 423 dame manque B3 — 426 qui trop seroient loncs B (q:t.seroit I. B7) — 428 manieres (s suscrit) deffait B2, maniere de fait B3 — 438 seul jeune enfant filz B2 (jeune enfant, s.m.) — 442 ce q.-a.luien B (lui barré dans
C)
À MAISTRE PIERRE COL
129
que je ne seroie qu’a son pouoir fut decepveur de toutes ou de plusseurs. Car je cuideroie que a plusseurs decevoir il 445
aso
455
460
465
peust plus tost perdre «sens, temps, ame, corps et los», que
de bien en amer une seule. Et cuides tu que je croye — par ta foy ! — que ce soit le plus grant meschief qui puist avenir a jeunes hommes d’estre amoureux ? (Mais que ce soit en bon lieu ou il ait honneur Et SCens, Car qui ameroit une bergiere si voulroit il brebis garder — je ne le dis mie pour l’estat, mais pour monstrer que le cuer qui ainme desire tousjours soy tourner aux condicions de ce ou 1l a mise s’amour—: pour ce croy bien que ceulx qui amer veulent doivent bien eslire ou 11z mettront leur pansee, Car la cuide je que soit le peril.) Et aussy cuides tu que je croye, tous ceulx qui ont esté ou sont bien amoureux, que toute leur felicité soit de tendre a couchier avec leurs dames? Certes ce ne croy je mye, car je croy que plusseurs ont amey loyaument et parfaitement qui onques n’y couchierent, ne onques ne deseurent ne furent deceu, de qui estoit principale entencion que leurs meurs en vaucissent mieulx, — et pour celle amour devenoyent vaillans et bien renommés, et tant que en leur viellesce 11z louoient Dieu qu'ilz avoient esté amoureux. Ainsy ay je oÿ dire que le disoit mesmement le bon conestable messire Bertram de Clasquim, messire Morise
de Trezeguidi et autres mains chevalereux : si n’en perdoient ceulx
«scens, temps, corps, ame et los.»
(Je parle tant de ce
telz los pour ce que tu m'as escript que je l’espluche bien : or le t’ay espluché.)
470
Mais tu me diras yci plusseurs responces. Et diras que maistre Jehan de Meung entendoit de ceulx qui en sont oultreement
foulx
: je te respons que de toutes choses, mesme-
ment qui sunt bones, puet on mal user ; mais puis qu'il vou445 plus manque] B — 453 avise s’a.] B; cf. ligne suivante — 455 que manque devant je] B — 464 quelle disoit] B 443 ferroie B — 445 ame corps et los manque By — 446 en manque B2 3 — 449 ou il est B2 — y ait Bj — 451 mais pour les condicions pour B2 3 — 452t. aux meurs B2,3 — 454 moult prendre garde By, m.eslire B2 3 — mectent B7 — 455 le manque BJ — ainsi Cuides B23 — 466 de manque devant T. Bj — Trisguidi B — mains aultres B — chevalereux manque Bj — sine perdoient B2 3 — 467 temps ame corps B — 468 telz manque B — 470 tu me feras ycy B (t.m. feroies B2 3) — 471 en manque Bj — 472 c.bonnesment qui B2
CHRISTINE
130
DE PIZAN
loit descripre entierement amours, il ne la deust mettre si 194b
extreme
chee.
a une seule fin, voire fin
| si deshonnestement tou-
Tu me diras que je parle contre dame Eloquance (qui
parle de Fol Amoureux dont Meung parle) : et je dy que a
estre bien amoureux n’est point necessaire estre fol, ne que on s’en perde «sens, temps», etc. 480
485
Tu me diras encore que je
conforte les jeunes a estre amoureux : je te dy queje ne lay point qu'ilz le soient, car toute amour mondainne n'est que vanité : mais se l’un de deux convenoit, c'est pis decevoir que estre bien amoureux, et pis en puet venir. Mais pour ce que maistre Jehan de Meung, qui plusseurs choses bien descript, ne descript mie la proprieté de decepveur, j'en parleray ung petit en rude stile pour aguisier l’appetit de ceulx qui se delittent. La condition du deseveur est : menteur, parjure, faulz samblant, flateur, traitre, fallacieux, malicieux, agaitant, couvert, et autres maulx infinis ; et la fin qui luy en
490
495
500
demeure, quant plus n’en puet : moquerres, mesdisant, envieux et suspecsonneux : telz en sont les fais. Mais pour ce
que j'ay parlé de ceulx qui ayment honrablement je puis dire, ainssy come tu dis de celluy qui composa la plaidoirie dessusdicte, que il ne senti oncques que fu fol amoureux, aussy croy Je que maistre Jehan de Meung ne senti onques que fu honourable amoureux. Aprés tu repliques ce que dame Eloquance et moy disons par grant adr.racion de la grant deshonnesteté qui est ou chapistre de la Vielle, et disons : «Qui y porra notter fors toute laidure et vil ensaingnement ?» ; et assés plus en disons
que tu ne repliques, et pareillement ou chapistre de Jalouzie. Et puis tu me fais ung grant sault sur ce que j'ay dit en la fin du dit mien espistre (et ramainnes ceste part mal a propos, ne te desplaise), et dis que j’ay dit que je ne condampne pas 505
l’acteur ou acteurs en toutes pars du dit livre, come, ce dis
474 enciennement] B — 476-77 dame... parle manque] B (dont Meun traite B;)—478 bon amoureux] B — 488 falieux] B — 500 bodure] B; cf. Christine, 1, v, 95, et la citation chez Pierre Col, III, ii, 380 — 502 grant fault] B ; sens
d'ailleurs manifeste 477 d. M. traite By — je te di B — 479 s' manque B — 480 ne lo p. B — +82 l'un des d. B — +85 p. du d. B3 — 486 s'i delictent B (se y B7) — 491 les tiltres B — 496 fust By — 499 viellece By — 502 ce redoublé B3—alafin B
À MAISTRE PIERRE
COL
131
tu, «se (Je) le vouloye dire que (je le condampnasse) en ce en quoy (je) le repprens», et que je me fais juge de ce que j'ay dit par oppinion. Si te respons que en verité tu as mal quelli les fleurs de mon dictié et fait chappel mal acoultré et mal sorti, sauve ta grasse : Car j'ay dit, non mie par | oppinion mais de certainne science, qu'il parla tres laidement et tres deshonnestement en plusseurs pars, et tres mauvaise exortacion. Et le jugement de ce est legier a fere, car il se prueve par luy mesme : si le puis et moy et chascun qui entent franssois condampner en celle partie. Mais pour ce que en toutes pars ne traicte mie de celle deshonnestetey, dis je queje ne le condampne mie en toutes pars. Et tu repliques tres bien que je voulroye avoir trové, come je ay dit, qui me seust soulre souffisammant a quoy peuent estre bonnes tant de deshonnestetés : et touteffois ne m'y fais tu nulle solucion, ains t’en passes oultre sans respondre a ce propos. Et come innanimés sans accoison me dis tu telle vilennie come cy s’ansuit : «O presompcion oultraigeuse ! O tres folle oultrecuidance ! O parolle trop tost issue et sans advis de bouche de fame, qui condampne homme de si hault entendement, de si fervent estude, qui a si grant labeur et meure deliberacion a fait si tres noble livre come est celluy de la Rose, qui passe ainssy tous autres qui onques furent en langaige ouquel il escript son livre ; duquel, quant tu l’aras leu cent fois se tu en entens la greigneur partie, tu n’emploias onques mieulx tamps ne ton entendement.» Responce : O homme, home deceu par oppinion volomptaire ! Certes je te
194c
S15
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525
530
pouroie respondre, et ne vueil, obrobrieusement, — non obs-
tant que par lays reproches me ravales par petite reputacion
et sans raison. O entendement ofusqué ! O congnoissance pervertie, aveuglee par propre voulanté : qui Juges venin angoisseux estre restorement de mort ; doctrine perverse estre salvable exemple ; fiel amer, miel doulcereux ; laidure orri-
535
507 quoy en ce que je re repprens] B — 508 se je respons] B — 523 villonie] B — 538 fiel miel amer aisiel douloreux] B 506 le manque
B — 507 et dis que
B — 518 trop bien
B — 521 trespasses oultre B3 —
522 tu manque B — 528oul. B — 529ileste. B3 (est barré et expontué B2) — 530 veu B3 (corrigé en leu B3) —5310.sibien tont. B3 (mieulx temps ne ton, s. m. B2) — 532 home
non
redoublé
B —
534 me travailles
B3
CHRISTINE
132
540
DE PIZAN
ble estre biautey solacieuse ; — de qui une simple fammelette, avec la doctrine de sainte Esglise, puet reprandre ton eureur ! Fuis et eschieves la doctrine perverse qui te pouroit mener a dampnement, de laquelle, quant Dieu t’ara enluminé de vraye
congnoissance, 545
190d
dens
horreur
; si saches certainnement
ta reverance 550
tu haras
en toy retournant
ariere
remirant le pas ou tu aras passé en voye de perillier. Tu dis pour moy reprouver que «Verité engenra hayne et flaterie amis» (ce dit Terence). Et | pour ce tu te doutes que je le vueille mordre, et me conseilles que je garde mes que tu faulx a cuidier, sauve
: car pour ce que mensonge decevable y à et
faulte de verité, je ne le voulcisse
mie seullement mordre,
mais erragier les tres grans mensonges fallicieuses qui y sont. Tu respons a dame Eloquance et a moy que maistre Jehan de Meung en son livre introduisy personnages, et fait chascun parler selonc ce que luy appartient. Et vraiementje te confesse bien que selonc le gieu que on vuelt jouer il convient instrumens propres, mais la voulanté dou joueur les appreste telz come il luy fault. Touteffois certainnement, ne te desplaise, il failli de bien introduire ses personnages de commet560
565
tre a aucuns autre chose que leur office : come a son prestre que il appelle Genius, qui tant commende couchier avec les fames et que on continue l’œuvre sans delaissier, et puis si dist que on fuie fame sur toute rien et en dist plus de mal et tant de villennie comme nul qui y soit, — si ne say entendre qu'il appartiengne a son office ne a mains autres personnages qui de celle matiere parlent. Tu dis que ce fait le Jaloux comme son office. Et je te dis que auques en tous personnaiges ne se peut taire de vituperer les fames, qui, Dieux mercy,
570
ne sont de ce en riens empirees. Et de ce ay je assés parlé en mon autre epistre, Sur quoy tu ne m'as gueres respondu : si ne m'en panse cy endroit guaires a chargier.
539 qui manque devant une] B — fammelette qui] B — 543 honneur] B (orreur B>) — 544 p. en peril de perillier] B — 550 vouhisse] B — 563 villonie] B — 566 onques| BC
TR ONCE
Ge 11)
542 de manque Bj — 547 conseiller B3 — je me g. B3 — 549 Et pour ce B3 (car suscrit) — 551 le t. grant mensonges B3 — 554 ce qui lui B (c. quel. By) — 557 illeslui B — 558
failli a B2 3 — 562-63 ou autant B — 566 comme passionné au premier traité de Christine, I, v, 169) — 570 passe B>
B2 (corrigé conformément
À MAISTRE
PIERRE
COL
133
Puis que celuy livre de la Rose est tant necessaire et expedient pour doctrine de bien vivre tant prouffitablement, je
s7s
sso
195a s8s
te pry que tu me dies a quel proffit du bien commun puet venir tant avoir assemblé de disolucions que dist le personnage de la Vielle. Car se tu vuelz dire que c’est affin que on se garde, je cuide qu’il ait la plus grant partie des gens qui onques n'orent que faire de telles dyableries come elle recorde, et ne sevent que ce puet estre : dont ne puet venir tel mal au prouffit du bien commun, dont la plus grant partie ne s'en empesche.
Et je saroye voulantiers se toy mesmes,
quant tu les as leues, se tu as plus a memoire la bonté de toy garder et vivre chastement, ou la dissolucion des parolles ; si est une mervil- | leuse interpretacion que vous faictes entre vous ses alés, que telle orrible mauvaistié soit tournee a si grant bien. Et du Jaloux aussy, que tu dis qu’il parle comme jaloux, je te dis que grant necessitey estoit tel gastement de paroles maugracieusses pour le bien et introducion du bien
commun
: si t'en fais pareille responce come de la Vielle.
Ce que tu as dit en oultre de la cause, comme tu crois, qui
sso
sos
fait parler le Jaloux tant de mal de fame, ne fait pointa mon propos : pour ce le passe oultre. Oultre tu dis a dame Eloquance et a moy en repliquant par similitude que se ung relatte ce que ung aultre a dit, come fait Saluste qui recite la conjuracion de Catiline encontre la chose publique de Ronme, ou Aristote qui recite l’oppinion des anciens philozophes contenans erreurs, s’ilz sont cause de ce mesmes
600
meffait, — comme
«la sainte Escripture recite
les abominables pechiés de Sodome et de Gomore, ennort elle pour tant yceulx ensuir ?» Tu dis trop bien, ce te samble, et bien a propos. Mais je te demende se quant yceulx ou autres, ou la sainte Escripture recite telz choses, se 1l y a devant
ou aprés personnages ou aultre propos qui conforte et afferme par molles parolles et attrayans que l’en trahisse ou que l'en soit herite, et ainssy des autres maulx : tu sces bien que 577 celles dyableries] B — 584 trouvee] B — 585 que tu dis...je manque] B — 594 Aluste] B — conjiracion] B — 596 cilzs. cause] B 575 tu dis B> 3 — 576 s’en garde B — p.de g. B3 — 581 det'eng. nions B (texte de Pierre Col conforme au ms. C) — 601 en la B2
B — 595 recite Oppi-
CHRISTINE DE PIZAN
134
6os
610
nennil. Car en quelque lieu que telz maulx ou autres soient pareillement recités es livres, c’est a la vituperacion de la chose, en telle maniere de lecture que elle sonne desplaisammant a tous ceulx qui l'oyent. Et le preescheur dont tu m'as escript qu’il ramentoit le pié dont on cloche en son sermon (ce as tu dit pour ce que je dis que on ne le devoit ramentevoir a nature pour plus droit aler), conmant le ramentoit il ? Comment
és
dist il ? «Mes enfans, joués, galés, tenés vous aaise,
c’est la voie de paradis fait par Dieu !» Sire, non fait. Ainns ramentoit ce pié de telle maniere que il fait grant orreur aux oyans. Et on te puet en telle maniere dire : «Dieu te doint bon jour» qui sonne mal et rancune. Et puis tu fais une meniere de complainte a Chasteté et dis : «A ! dame ! est ce le louyer que vous voulés rendre a maistre Jehan de Meung, qui tant vous a prisee et toutes au-
620 195b
625
tres vertus, et blasmé tous vices, come entendement le puet concevoir ? | Voire, fais tu, come entendement humain le
puet concevoir ?» Et puis aprés si dis que je m'en sousrie ja. Ha ! que tu savoies bien que je m'en riroye de ce bon mot ! Car quant je pense aux beaulx ensaingnemens de chasteté et aux honnestes parolles qui y sont, vraiement je ay matiere de moy rire de ce que tu dis. Puis aprés tu dis que «qui bien list ce livre, il y trouvera ansaingnemans pour fuir tous vices et suir toutes vertus»
630
635
; et puis tu recites aucuns ansaingne-
mens, que tu dis qui y sont. Et vraiement je te dis que ainssy feras tu en la loy de Mahommet ; se tu lis l’Alchoran tu y trouveras de tres bons poins de nostre foy et de bien devote, et te plairoit moult : mais c’est tout honny ; tout ensemble ne vault rien ; la consequance en est toute gaste : a la conclusion tient tout. Ne sces tu que au conseil mesmement, quoy que on ait par avant proposé, on se tient a la conclusion dereniere ? Et se maistre Jehan de Meung, se je l’ose dire, eust parlé parmy son livre de plusseurs choses a quoy nature hu-
613 roye de paradis] B — 614 erreur] B (horreur Bj) — 615 D. te doit] B — 635 proposé manque] By (dit p.a. B) 3) 606 en livres B — 615 te manque devant puet B — 616 qu'ils. B— 620 comment B3 (comment corrigé en comme B) ; cf. Pierre Col, III, ii, 469) — 622je ne m'en B — 625 aux manque B — 629-30 aussi B — 632 plairont B — 635 dit par avant conclusion B7
B2 3 — derreniere
À MAISTRE PIERRE COL
LS
mainne est encline et qui adviennent, et puis rameinné au
640
propos et fait sa conclusion en meurs de bien vivre, tu eusses plus grant cause de dire que il le fist affin de bien ; et car tu
sés se ung premisses en propos vient a sa 64s
6so
195c 655
dicteur veult user d'ordre de rethorique, il fait ses de ce que il veult traictier, et puis entre de propos et parle de plusseurs choses s’il luy plaist, puis reconclusion de ce pour quoy il a faite sa narracion :
et vraiement en ce cas ne failli de riens l'acteur ou dit livre,
Car ygnorance n y a lieu. Mais tu me diras que ce fist Lorris. Responce : je tiens tout ung mesme edifice. Etsouffit pour responce a cest chapistre, non obstant y ayes dit maintes choses a ton propos que je passe oultre : car tout vient a une fin. Et l’espluches tant conme bon te samblera. Tu as devant dit qu'il ne blasme pas les femmes, ains en dist bien. Si m'en attens a la verité prouvee. Et dis que saint Ambroise blasma plus le seze femenin qu'il ne fait, car il dist que c’est un sexe usagé a decepvoir. | Jete responderay ace. Tu sces bien que quant les docteurs ont parlé c’est a double entendement,
660
et mesme
Jhesu Crist en ses sermons
: si est
bon assavoir que saint Ambroise ne le dist oncques pour les personnes des fames : car je croy que le bon sire n’eust riens voulu blasmer fors vices ; car bien savoit qu’il estoit maintes saintes fames, mais il voult dire que c’est ung sexe dont home usageement dessoit son ame. Ainsy comme Salemon qui dist: «Miex vault le meffait d’ung homme que le bienfait d’une fame», nous savons bien que c’est faulx a le prandre a la lec-
tre, mais par luy mesmes pouons prandre exemple : mieulx 665
eust valu pour luy le meffait d’ung home, en tel cas peust
avoir esté, que aucun bien qu’il pot veoir en la fame dont il fut si fort amoureux qu’il en aoura les ydoles. Et ossy le pot il dire par prophetie, car mieulx nous vault le meffait de Judas que le bienfait de Judich qui occist Olofernes, ou d’une
670
autre fame. Mais tu dis merveilles aprés, car tu affermes vraiement que je les blasme plus qu'il ne fait quant je dis que se on lisoit le
650 les plusseurs] B (espuluches B,) — 652 Et dy] B ; cf. III, ti, 500 — 654 usagé de] B ; cf. IL, ii, 502 — 661 Salemon manque] B 638 a propos
B — 640 et manque
B — 646 ce fu L. By — 660 femmes manque
B]
136
CHRISTINE
DE PIZAN
livre de la Rose devant les roynes et princesses, que 1l leur convenroit couvrir la face de honterougie. Et puis si respons: 675
«Pour quoy rogiroient ? Il samble que elles se tenroient coulpables des vices que le Jaloux recite des fames.» Ha! Dieux!
680
que c’est maudit et mal raporté ! Tu ne te fais point de honneur de rapporter chose que le contraire puist estre prouvé ; c'est mal estudié : quant je disoie que aux dames convenroit couvrir la face de honte rougie, ce n’estoit point pour les parolles du Jaloux, ainssois dis d’oir les orribletés qui sont en la fin tant abhominables, — de quoyje disoie : «A quoy puet estre bonne telle lecture qui honnestement ne puet estre leue
685
1954 690
en (leur) presance ?» Et de dire que elles en rougiroient, Je ne les blasme de riens, ains les loe d’avoir la chaste vertu de
honte. Tu respons aprés a dame Eloquance, pour ce que il est contenu en sa complainte des diffamacions | et vituperes que maistre Jehan de Meung raconte de religion : et dis qu'il ne la blasma mie. Et vraiement je te respons que sauve ta
grace ; car come il fut diffameur publique il la diffame excessivement et sans riens excepter. Et bien le scet entendre le bon catholique de tres religieuse voulanté, qui bien en sceit le tort reprendre : et de ce m'’atens a luy, car il ne touche au 695
propos de ma premiere epistre. Et come tu mesmes dis que Je te puis dire — et tu dis voir —, tu recites les bonnes parolles et les vas queillant ainsy come il te plaist a ton propos, et laisses les mauvaises. De l’ennortement dont dame Eloquance se plainst (de l’an-
700
saingnement de prandre le chastel de Jalousie, dont elle dist qu’il vouloit bouter chasteté hors de toutes fames), tu en fais mervilleuse responce en ce que tu dis que ce est pour aviser les gardes de «mieulx estouper les lieux par ou il peust estre pris, ou d'y mettre milleurs gardes» ; et puis tu dis que
705
en toutes manieres de guerres les assaillis ont l’aventaige, mais que 1lz soient avisés. Or parlons ung petit des guerres,
705 assaillans, B| B; s.m.; cf. le sens de ce passage plus loin, 708, et II, ii, 554 673 r.oup. B — 675 pour coulpables B2 3 — 677 bien dit B2 3 — bien rapporté B — 683 bonne... estre manque B2 3 — 688 les d. B — vituperes... Meun:s. #1. B) (rien à signaler aux autres mss.) — 690 blame B — 696 et tu peus dire voire B3 (cette phrase barrée B2) — nouvelles B3 (parolles: s. #7. B2) — 703 par manque B2,3 —706 ils en soient B
À MAISTRE
PIERRE
COL
137
a l'aventure entre toy et moy : je te dis qu’il est aucune ma-
710
715
196a
niere de guerre que les assaillans ont l’avantaige. Etsces tu quant c'est ? Quant le capitainne ou le conduiseur est plus malicieux et duit de guerre, et il a afaire a foible partie et simple, non usagiee de guerre. Encore y a il ung aultre point qui souvent nuist aux deffandeurs — supposé que ilz soient fors — : c’est trahison ou faulz blandissement de ceulz mesmes en qui 1lz se fioient (par ce fut pris jadis le fort chastel de Ylyon). Et du chastel assailli ne saroies tu ne aultre conseillier comment les pertuis de traison seroient estouppés, car ilz sont trop couvers. comment le chastel de fait point affin que les il ne parle point a eulx
Maistre Jehan de Meung ansaingne Jalousie sera assailly et pris : il ne le deffendeurs estoupent les pertuis, car ne il n’est de leur conseil: | ains con-
les assaillans en toute maniere d’assault, —
forte et ennorte
ainssy come se Je te conseilloye la maniere de vaincre ton anemy, ce ne seroit mie affin qu'il se gardast de toy. Se tu vuelz 725
dire il ne l’ensaingne pas, mais il dist comment
Dont je dy certainnement que il ne le fist a
gneroit assés.
730
735
il fut
pris, Je te dis que qui raconteroit une malicieuse maniere de fere faulce monoye ou comment on l’aroit faite, il l’ensainautre fin fors pour introduire les assaillans. Aprés tu dis ce dont tu te prans trop bien au las — se le vouloies considerer —, quant tu amainnes Ovide De l'art d'amours a ton propos ; et encore l’apreuves — dontJe te sçay bon gré — quant tu dis que a tort en fu exilé. Tu dis que quant Ovide l’escript ce fu en latin, lequel n’entendoient fanmes, et que il le bailla seulement aux assaillans pour apprandre a assaillier le chastel, et c’estoit la fin de son livre ; mais
la jalousie des Ronmains tres enorme l’exilla sans raison pour celle cause, come
tu dis.
Sans faille il me samble se tu fus-
ses bien avisié, tu n’amenasses ja celluy Ovide De l'art d'amours en place pour excusacion de ton maistre. Mais de tant
713 ceste trahison]
B — 737 celle come (coe) come]
B
715 ne manque B; (correction suscrite B2) — 716 le pertuis B2 3 — 722 de vaintee B2 — 7e lle 723 Et si B2 — 724 comme By — 725 faulse malicieuse B3 — 7260onl. faire Bo preuves B3 (la preuves:s.m. B2) — 736 tresnorme By,2, innorme B3 — 737tute fOMBI7;
sitef. B) — 738 tu manque
B
CHRISTINE DE PIZAN
138
740
145
150
155
196b
160
le pues tu bien faire que c’est le pur fondement et principe de ce livre de la Rose, lequel est miroir et exemple de bien et chastement vivre, ainssy come il l’a pris ou dit Ovide —, qui d'autre chose ne parle fors de chasteté ! Ha ! Dieux ! come il appert que ta pure volenté aveugle ton bon scens quant tu dis que sans cause fut exillié, voire que les Rommains — lesquelx gouvernoient tous leurs fais par polixie souverainnement ordonnee en celluy tamps — le chacierent a tort, come tu dis, pour cause de jalousie. Et comment dya ! tu dis aprés que Meung ne mist pas en son livre tant seulement L'Art d'amours que Ovide fist mais biaucop d’autres aucteurs : donques par ta raison mesme est prouvé que Meung parle aux assaillans, comme Ovide que il prant. Mais tu dis que «de tant comme il recite diverses manieres d’assaillir, de tant avise il plus les gardes du chastel de eulx deffendre.» Voirement fait ainssy come qui t’assaulroit pour toy occire — dont Dieux te gart ! —: il t’aprandroit comment tu te deveroies deffendre! Il te feroit grant courtoisie! Bien l’en deve- | roies mercier ! Au moins ne pues tu nyer que il n’ensaingne a faire mal aux assaillans, foibles ou fors que soient li deffendeur. Encor ne me vueil mie taire que tu dis par jalousie et sans raison fu exillé Ovide.
165
fames, eulx —
770
Quant les saiges Romains virent et
apperseurent la perverse doctrine, et le venin engoisseux apresté pour lancier es cuers des jeunes a les atraire a dissolucion et oiseuse et les engins tendus a decepvoir, prendre, suborner et sostraire la virginitey et chaasté de leurs filles et a bone cause dolens de tele semence,
adont
pour pugnicion voire plus piteuse que souffisante — exillerent l'aucteur de telle doctrine ; et n’est pas doubte que son livre ardirent ou le porent trouver, mais de male plante demeure racine. Ha ! livre mal nommé L'Art d'amours ! Car d’amours n'est il mie ! mais art de faulse malicieuse industrie de decep-
748 pour... et comment dya manque] By (et comme tu dis B3, comme barré B>) — 749 APRES DIS (majuscules, désignation des alineas)] B — 751 prouvee] B — 762 vinrent] B — 772 malicieu (a la ligne)] B 747-48 a tort mangue trine semence
By — 761 veulx je By 2 — 766-67 femmes et filles By — 767 doc-
B3 (doctrine barré B3)—771 toudis racine B—l" mangue B—772 f.et m.B3
À MAISTRE PIERRE COL
159
voir fanmes puet il bien estre appellés. C’est belle doctrine ! Est ce dont tout gaaingnié que de bien decepvoir ces fames ? 775
Qui sont fames ? Qui sont elles ? Sont ce serpens, loups, lyons, dragons, guievres ou bestes ravissables devourans et
ennemies a nature humainne, qu'il conviengne fere art a les decepvoir et prandre ? Lisés donc l'Art : aprenés a fere en-
gins ! Prenés les fort ! Decevés les ! Vituperés les ! Assallés 780
ce chastel ! Gardés que nulles n'eschappent entre vous, hom-
mes, et que tout soit livré a honte ! Et par Dieu, si sont elles vos meres, vos suers, vos filles, vos fammes et vos amies :elles
sont vous mesmes et vous meesmes elles. Or les decevés assés, car «il vaut trop mieulx, biau maistre», etc.
Je me ris de ce que tu dis que tu as presté ton livre de la Rose a ung home fol amoureux pour soy oster de folle amour, lequel a ja tant proffité que tu luy as oÿ jurer sa foy que c'est la chose qui plus luy a aïdié a s’en oster; et tu dis 196c
795
800
que ce as tu dit pour ce que je dis a la fin de mon espistre : «Quant en sont devenus hermittes?» Responce : | et je te promet se tu eusses presté a ton amy ung livre des devocions saint Bernart, ou aucune bone legende introduisant a sauvement et a demonstrer qu’il n’est que une seule amour bonne — en laquelle on doit fichier son cuer et son affeccion, en la maniere que Philozophie le demonstre a Boesce —, ou autre chose samblable, tu luy eusses mieux fait son proffit ; mais pren toy garde que tu ne luy ayes baillié l'instrument pour soy oster de la chaleur du souleil et soy getter en une fournaise toute embrasee. Et je te diray ung aultre exemple sans mentir, puis que nous sommes
es miracles du Romant de la
Rose : je oÿ dire, n’a pas moult, a 1: de ces compaingnons de l’office dont tu es et que tu bien congnois, et homme
d’auctorité, que il congnoit ung home marié, lequel ajouste
776 demourans] B — 784 biau sire, etc.] B; cf. Rose, ainsi que les citations de ce passage chez les deux correspondants, passim — 790 son devenus] B — 795 Besce] B, (Bouece B) s.m., bone B3); pour l'orthographe, cf. supra, 208 — 797 ailles baillier, B;] Bj 2 (B s.m.) 774 que manque Bj — de manque B3 — 778 apprenez donc B2,3 — 780 nulle n’eschappe B — 784 b. m. decevoir etc. B2 3—787l.luiaja B — 791 appresté B2,3 — 795 ou a aultre
B2 3 — 796 tu manque B — 801 j'ay ouÿ B— detesc. B
CHRISTINE
140
DE PIZAN
foy au Ronmant de la Rose comme
sos
a l’'Euvangile ; celluy est
souverainnement jaloux, et quant sa passion le tient plus aigrement il va querre son livre et list devant sa fame, et puis fiert et frappe sus et dist : «Orde, telle come
voir que tu me fais tel tour.
quelle il dist,
Ce bon sage homme maistre Je-
han de Meung savoit bien que femmes savoient fere !» Et 810
a chascun mot qu'il treuve a son propos il fiert ung coup ou deux du pié ou de la paume ; si m'est advis que quiconques s’en loe, telle povre famme le compere chier.
815
Il m'anuye si moult grant prolixité de langaige, car come ennuy est a moy mesmes, suppose que pourra estre aux lisans ; mais pour ce que il me convient reppliquer les choses proposees, autrement ne seroit entendable : m’an esteut eslongnier ma matiere ; si me soit pardonné de qui le tenra a anuy. Encore ne te pues taire de la Vielle, et dis que quant elle
820
parle a Bel Acqueil elle luy dist avant le coup :
Ne vous vueil pas en amour mettre, mais s’ous en voulés entremettre,
je vous monstreray voulantiers, etc. ; et puis si dit que elle luy preesche affin qu'il ne soit deceu. 82s
1964 830
Responce : vrais Dieux ! Conment est ce malicieuse maniere
de decepvoir, de monstrer que ce c’on fait et dist, quelque mal que ce soit, que c’est a bone fin et a cause bonne ! Car il n'est si simple, se 1l appercevoit | de la decepvance, qu'il ne s'en gardast : si la fault couvrir par cautelle, et le droit tour du malicieux decepveur est commancier langage par bonne introyte pour mieux parfurnir son malice. Si n’est point d’excusance en ceste partie ce que tu as mis avant.
835
Tu dis s’il y a riens mal dit et a diffame de sexe femenin, que il n’en est que reciteur des autres aucteurs. Responce : je say bien que il n’est mie le premier qui ait dit mal, maisil l’acroist quant il le recite.
805 s’appassion]
B — 816 mais j’entens] B — 822 se vous, B;] B; >; cf. Rose,
supra, III, ti, 610 — 826 de monstre] B 812 celle povre B — 814-15 au lisans By — 823 vousen B3 — 824 si manque bon f. B) — 828 que se B1 — de manque B — 835 mal dit B
B3 — 827
A MAISTRE PIERRE COL
840
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860
197a
865
141
Tu dis que ce estoit pour plus ansaingnier les parties a garder le chastel. Responce : le mal admonnesté et loué a fere, n'est mie a supposer que ce soit affin que on se gart. Tu dis que il le fist auxi pour suire la matiere maistre Guillaume de Lorris. Responce : celluy qui suist le fourvoyé ne fait mie a excuser s’il se fourvoye. Tu dis que en ce faisant parle de toutes choses en leur estat au prouffit de creature humainne, tant a l’ame come au corps. Responce : il ne lait point parler en commun de toutes choses en leur estat ; et aussy il parle de plusseurs autrement qu'en leur estat et au dommage de l'ame et du corps, come il est ja prouvé. Tu dis que «pour ce parla il de paradis et des vertus : pour les suyr ; et des vices, pour les fuir.» Responce : voire, mais il dist que vices sont vertus quant par ses personnages il loe mal fere, comme il est dit ; et de vertus fait vice quant il dist tant de vitupere et douloureux mal de l’ordre de mariage, lequel est saint et approuvé, — et d’autres bons estas samblablement que il diffame generaument. Et mal parle de paradis quant il dist, combien que ce soit par.-mos ung pou enveloppés — mais autant vault a dire —, que les luxurieux iront en paradis ; et ce fait 1l dire a Genius, lequel escommenie de sa puissance (qui est nulle) ceulx qui n’excerciteront l’euvre de Nature. Et les vices ensaingne plus proprement que il ne fait les vertus. Tu dis que «de tant conme il parle de vices et de vertus, d’enfer et de para- | dis pres a pres l’ung de l’autre, monstre il plus la beatutude des ungs et la laidure des autres.» Responce : la beatitude de paradis ne monstre 1l mie quant il dist que les malfaiteurs yront. Et pour ce mesle il paradis avec les ordures dont il parle : pour donner plus foy a son livre. Mais se mieulx vuelz oiïr descripre paradis et enfer, et
850 les vices, B>] B; cf. LIL, ii, 629 — 858 dela p., B;] By2(s.m.); cf. Rose, v. 19510-11 — 859 exerciterent] B — 863 loing de] B; cf. III, it, 631 837 enseigneur B2 — 839 s’en gard B — 847 que l.e. B — et manque devant au B3 — 850 et des vices. fuir manque B3 — 851 ces personnages B2 3 — 854-55 semblables B7 —
859n° manque
B3(ne:sm.
867 plus grant foy B
B2) — 865 beatitude desuns
B3 — 866 mais pour ce B7—
CHRISTINE
142
870
87s
DE PIZAN
par plus subtilz termes plus haultement parlé de theologie, plus prouffitablement, plus poetiquement et de plus grant efficasse, lis le livre que on appelle le Dant, ou le te fais exposer pour ce que il est en langue florentine souverainnement dicté : la oyras autre propos mieux fondé plus subtilment, ne te desplaise, et ou tu pourras plus prouffiter que en ton Romant
de la Rose,— et cent fois mieux composé
;
ne il n’y a comparison, ne t'en courouces ja.
880
Tu dis que Genius ne promet mie paradis aux folz amoureux. Responce : dyable le faist promettre, quant il n’est mie a luy a donner. Mais tu dis que dame Eloquance luy met sus; et il parle, ce dis tu, de ceulx qui excerciteront bonnement les œuvres de Nature. Responce : or viens tu a mon propos, Dieux mercis ! Vraiement il n'y met ne bonnement ne mauvaisement, mais simplement, ceulx qui excerciteront les des-
88s
890
gs
197b
susdictes œuvres. Et dis que ce n’est mie tout ung, ce fere bonnement et estre fol amoureux. Responce : de ce bonnement ne parla il onques en ce pas ; mais Je te dy que ce est pis estre luxurieux en plusseurs lieux, come il vuelt ensaingnier, que estre fort amoureux en.ung seul lieu. Tu dis que Nature et Genius n’enortent pas estre fol amoureux, mais 11z ennortent suyre les œuvres susdictes, lesquelles sont licites aux fins. Responce : donques vuelz tu dire, puis que Nature ne l’ennorte, Ve fort amoureux est contre nature : laquelle chose n’est mie, sauve ta grace ; mais puis que il dist que ilz sont licites aux fins, il convenroit savoir en quelle maniere les convient affiner.
Tu dis que ce est pour continuer l’espece humainne et pour | laissier le mauvais pechié que on ne doit nommer. Responce : sans cause se debat tant de ce, car Dieux mercis, elle ne deffault point : c’est chose gastee et folle d'ammon-
871 la dent] defont] B
B — 896 l’espee humainne]
B — 897 les m. p.] B — 899 elle ne
869 et plus h. B — parler By — 874 plus tu porras B — 877-88 au f. amoureuse Bj — 878 diable luy fist B — 879 lui a livrer B23 — 881 or confesses tu mon By — 882 ne manque devant bonnement By — 883-84 susdittes B — 884 tout
bien Bz — 888 lieu comme aultrefoiz ay dit fins amoureux Bz3 — 895 affinez By — 898 B1— 899 fault By —etest chose
By — 889 ne Genius Bz3 — 891 tant de l'espece humaine continuer
B2 3 — folle chose et gastee
B
À MAISTRE PIERRE COL
00
305
nester l’eaue que elle court contre val ; ne l’autre pechié qui vuelt dire n’est point renommee en France, Dieux soit loués! Il ne convient ja mettre tel los en bouche de nully. Tu dis que combien que tu n’oses ne vueille dire que excerciter la dicte œuvre «hors mariage ne soit pechiés...» Responce, sans passer oultre : voire, mais Dieux scet que toy — et d’autres disciples come toy, qui l’osast dire — en penses, mais 1l s’en fault taire, et pour cause.
910
915
920
EE
Touteffois, ce dis tu,
est il permis en mariaige. Responce : Dieux en soit loués ! ce savons nous bien ! Toutesfois ne l’esprime point le livre de la Rose en nul endroit en celle maniere ; ains dist plainnement et a la lectre : «Toutes pour tous et tous pour toutes.» Mais tu vuelz dire que ainssy l’entendi maistre Jehan de Meung quant il dist, ou chapistre de la Vielle, cestui mot: Pour ce sont fais les mariages, par le conseil des plus saiges, pour oster dissolucion
Responce : tu le me vas querre bien loings, et maimnes a propos ce qui est dit bien hors propos ; la Vielle ne preschoit mie a Bel Aqueil de mariage : elle s’en gardoit moult bien, ne chose que elle die ne tourne a bonne fin. Et si croy que maistre Jehan de Meung ne fist point dire a elle ce mot pour louer mariaige, car ce n’estoit mie son office ; et te souvien-
925
930 197c
gne que tu as dit autre part que ce n’estoit pas Meung qui parloit : ce faisoient les personnages chascun en son office,— mais c’estoit il qui dist ce bon mot, et ce n’estoit il mie qui parloit ou chapistre du Jaloux ! Et ainssy as ton dit et ton desdit, et est bien loings du propos de Genius dont nous parliens, lequel ne pansa oncques a mariage, le bon homme ! Et aussy n’est ce mie ton oppinion, se Dieux m'aist, quoy que tu dies. Et encore pour ce que tant t’efforces de excuser Meung — et vuelz gloser que ce vouloit il entendre : | «que
on puet excerciter la dicte œuvre licitement au moins en ma902 telz os (tel oz B)] — 9095es. n.] B 900 que elle voise son cours B — 901 renommé B — 902 n’en convient B — 904 hors de B3 — 906 peusses B2 — 907 tu manque Bj — 910-12 ains... toutes 1anque B — 918 moult By — 926 et manque devant ainssy Bj — a.astu B — 927-28 parlons B2 — 932 peust B
CHRISTINE
144
DE PIZAN
riage»—, vient trop mal a propos que en tel estat on doye tant excerciter l'œuvre et si diligemment, et il, tant et exces-
935
sivement, blasme la vie que il dist estre en mariage, en ce que il dit tant estre de contençons et d’ennuyeux obprobres que il n’est nul, tant y eust volenté, qui ne s’en deust tirer arriere
— qui le croiroit —; et ainssy seroient mal continués ces œuvres. Il deust avoir loué l’estat ou l’en les doit faire pour donner appetit a chascun que il se meist ; mais il fait tout le contraire : si est trop mal a propos. Ne il n’appert queil l’entende en celle guise ; et toy mesmes, pour mieux amender la besoingne, dis ensuyant (bien a propos de loer mariage pour conffermer que pour ce le dist il), que saint Augustin dist :
40
945
«Qui est sans
fame
espousee,
il panse
aux
choses de Dieu
pour luy plaire», mais de celluy qui y est «joint par mariage, panse les choses qui sont du monde pour plaire a sa famme», — dont tu dis aprés que ce as tu dit pour ceulx qui veulent repprandre par leur langaige, sans raison, aucteur quel qui soit, notable et non repris par avant: si as tres bien prouvey que maistre Jehan de Meung, quant il tant perloit de excerciter l’œuvre de Nature, que il entendoit en mariage ! Dieux, comment est ce bien prouvé ! Voire, come dist le proverbe commun des gloses d’Orliens, qui destruisent le texte. Encor ne pues tu taire, et fais une autre grant narracion pour tousjours excuser ton bon maistre : maisjene pense mie a tout relater de mot en mot, car trop m’ennuyroit — et ja annuye de tant parler de cestuy propos —, et aussy tout vient assés a une fin.
950
955
935 mariage et tant de contençon] By (quant il dist que tant y a de contencions B), t. y.a de conte qu'on que B3) — 936 et d’ennuyeux obprobres manque, B> 3] By — 943 de leur mariage] B — 945 f. espouse]B ; cf. III, ii, 660 — 954 des choses d’Orliens] B — comme dit le p. c. à la suite de texte] B — 958 tout manque] 933
B
en cele.
B — 934 si excessivement
B — 935 que il dist estre manque
By — 937 tant
y eust grant y eust v. B2 (tant : s.m. ; y eust barré devant grant), quelque grant y eust voulenté B3 — 938 qui le croiroit après volenté By — seso. B3, lesdictes 0. Bj — 939 pour en d. B3 — 940 s’i meist B — il manque devant fait B — tout manque B2 — 941 que il appere B) (s.m.) — 946 de manque B — y manque B3 — 947 pour... fame manque B3 — 952 l'entendoit B2 3 — 953 ainsi c. d. B (comme: s.#"1. B3) — le p. qu'on dit By — 955 aultre manque B3 — 957 r. mot a mot B — ja m'anuye B2 (ma suscrit)
A MAISTRE PIERRE COL 960
145
Tu dis «pour ce que chascun n’a pas leu le livre de la Rose»,
tu reciteras les propres mos de Genius, comme ilz sont ou li-
vre.
Si en recites voirement plusseurs de ceulz propos que il
dist, mais tu en trespasses assés, et vas queillant sa et la ceulx qui mieux te plaisent ; et n’as talent de mettre arriere le bien 965
1974
970
que 1l dist permy le mal ; tu n’oublies mie que il dist que on
rende
| l’autruy qui l’a, et que on soit piteux et miseriCors,
et telz choses. Voire, et que on face les œuvres Dieu de par Dieu et on ira en paradis ! Je croy que il vouloit suire l’ordre et la secte des Turlupins, et ainssy mesloit venin avec miel et doulce liqueur avec fiel : vela le bien qui y est. Je ne say à quoy tant nous debatons ces questions, carje croy ne toy ne moy n'avons talent de mouvoir nos oppinions : tu dis qu’il est bon ; je dis qu’il est mauvais.
975
980
985
990
Or me
soulz qu'i soit bon, et quant toy avec tes autres complices arés assés debatu par vos subtilz raisons et tant pourés fere que mal soit bien, je croiré que Le Romant de la Rose soit bon ! Mais je say bien que il est propre a ceulx qui veulent malicieusement vivre et mieux eulx garder d’autruy que ilz ne veulent que autrui se gart d’eulz. Mais a ceulx qui veulent bien et simplement vivre, sans trop envelopper es voluptés du monde ne aultruy decevoir ne que autres les dessoive, ce livre n’a mestier. Et vrayementje aymeroie mieulx estre du parti des opposites que de ses complices, car je ay oppinion que menre part en ait le loup ; et comme dist le bon preudomme qui composa la plaidoirie dessusdicte : «Pleust a Dieu que telle Rose n’eust oncques esté plantee ou jardin de Crestienté !» — combien que tu te dies estre de ces disciples. Et puis que le vuelz estre, sy le soies ; quant a moy, je renonce a sa discipline, carje tens a aultre que je cuide estre plus prouffitables et qui mieux m'est agreable. Et si ne suis mie seulle en celle oppinion ; ne say pour quoy plus que aux autres vous en prenés a moy entre vous ses disciples : ce n’est
961 les propos m.] B (l'œil du copiste accroché par propos quelques lignes plus loin) — 986 celle r.] B — 990 qui mien est] B 961 ceulx propres B (cf. Pierre Col, III, ii, 678) — 963 vais B3 — 965 permy.…. mie 7anque B3 — 970 veez la B3 — 972 que toy B — taillent dem. B2 — 983 du part B2,3 — 984 en haitlel. By — 987 te suscrit B2 — 989 temps B2 — a aultres B2 (a suscrit)
CHRISTINE DE PIZAN
146
995
198a 1000
1005
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mie honneur soy prandre a la plus foible partie. IH yasi grant foisson de saiges docteurs dignes de foy et plains de science, et vraiement si y a il des grans princes de ce royaume et chevaliers et nobles et plusseurs autres qui sont de la mesmes oppinion que je suis, et tiennent que ce est lecture inutile et nonhonnourable : pour quoy | entre vous n’alés vous derompre la grosse tige de l’arbre et faire tant que il soit estrepey et esrachié, et la racine dont puet venir et sourdre la seyve et liqueur soit toute amortie, non mie vous prandre aux petites branches par desseure qui n’ont force ne vertu, pour cuider tout estirper qui vous en prenés a moy, qui ne suis fors comme la voix d’ung petit grisillon qui toute jour bat ses elettes et fait grant noise, et tout est neant envers le
hault chant delitable des gracieux oisaux. Mais tu dis que tu ne te pues «assés merveilller comment personne ose blasmer non pas seullement luy, mais ceulx qui prisent et ainment son livre de la Rose.» Responce : je me puis assés mervillier comment persone ose entreprandre a louer celuy livre, ouquel sont comprises maintes matieres souffisantes a mettre cuer humain en dampnable herreur. Tu dis que quant a toy, plus desires estre «repris pour prisier et amer son livre que estre des trop subtilz blasmeurs.» Tu ressambles Helouye du Paraclit qui dist que mieux ameroit estre Meretrix appellee de maistre Pierre Abalart que estre royne couronnee ; si appert bien que les voulantés qui mieux plaisent ne sont pas toutes raisonnables. Tu dis que sachent tuit que «il reste encore sept mille qui sont tous pres de le deffandre.» Responce : c’est rigle general que mauvaise secte acrost voulantiers, aussy come la mauvaise herbe, mais en plusseurs choses la plus grant quantité ne fait mie pour tant a presumer estre meilleur. Et se
1000 fondre] B — 1003 tout estirper #anque] reur | B) (erreur B; 3) — 1020 riche general] B
B; (estiper
B; 2) — 1012 hor-
995 y manque B; 2 — grans manque Bj — 999-1000 estirpé By 3, escripte B2 — 1002 n'o.nef. By — 1005 esles B3 — 1009je ne me B — 1010 comme B3 — a manque B3— 1011 saintes B3 — 1015 r. en ceste partie celle qui B — 1016 de cellui que elle amoit par amours B (aimeroit corrigé en amoit B2) — 1017-18 que estre .. raisonnables manque B3 — 1018 mie toutes B2 — 1021 ainssi c. By — la manque Bj — 1022 en plusseurs choses manque B2
A MAISTRE PIERRE COL
1025
147
Dieu plaist,ja si grant assamblee n’en sera faicte ; ce n’est mie article de foy : tiengne chascun ce qu'il voulra. Tu dis que se il eust esté «du tamps d’antre (nous) qui le {blasmons), tu deisses que (nous eussiens) hayne particuliere a sa persone ; mais (nous ne le vismes) onques : dont (tu ne
1030
198b
pues) ymaginer dont ce vient.» Responce : pour ce que onques ne le veismes, ne onques ne nous meffist, as tu mieulx cause de panser que droitte | vraye pure verité nous muet ; car le hayneux
1035
1040
ne doit estre creu.
Se non, ce dis tu, qu'il
viengne de la «hautesse du livre plus habille à recepvoir les vens des souffles envieux. Car l’ignorence n’en est point cause de tel y a, ce dis tu, se n’est pour cause de pou lire le dit livre.» Responce : tu pues estre certaing que le bon preudomme qui le blame (dont tu vuelz dire que n’est mie par ygnorence), il n’a nulle envie sur celluy livre ; carje croy que la hautesse de sa tres eslevee vie ne luy lairoit envie de plus digne chose. Quant est de moy, non obstant mon ignorence, Je te promet n'y ay aucune envie. Et pour quoy aroie ? Il ne me fait ne froit ne chaut, ne mal ne bien ne oste ne donne ;
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1055
ne il ne parle d’estat dont je soie par quoy aye cause de indignacion, Car Je ne suis mariee ne espoir estre, ne religieuse aussy, ne chose qu'il die ne me touche : je ne suis Bel Aqueil, ne je n’ay paour de la Vielle, ne boutons n’ay a garder. Etsi te promés que je aimme biaux livres et subtilz, et biaux traittés, et les quiers et les cerche et les lis voulantiers si rudement comme les sache entendre. Et si n’aimme point celluy de la Rose, la cause si est simplement et absolument pour ce que ilest de tres mauvaise exortacion et deshonneste lecture, et qui plus penetre en couraige mal que bien ; et puet estre, selonc mon jugement, cause de dampnacion et d’'ampirement de vie a ceulx qui l’oyent et qui se delictent, et d’actraire a deshonnestes meurs : si te jure sur mon ame et par ma crean-
1035 ce n’est] B 1026 le suscrit B2 — 1027 deusses B) (deisse s.m.)— 1031 vraye et p. By — 1034 Pmar que B (leçon conforme au texte cité) — 1038 mie envie B>, aucune B3 (variante citée en marge B1) — 1039 avoir envie B — sur plus Bz — 1041 je te promet manque B3 — 1042 ne toult ne B — 1043 de l'estat B2 — pour quoy B3 — 1044 suis ne mariee B3 — 1046 je manque Bj — 1047 et bien traittiez B — 1053 la dampnacion B3 — et dampnement B23 — 1054 s’i delittent
B (B2 sm.)
— de traire
B>, doctrine
B3
148
1060
198c 1065
1070
1075
CHRISTINE DE PIZAN ce que autre cause ne me muet. Et ce que tu dis aprés, que puet estre que le blasmons pour donner plus grant appetit de le veoir, et ainssy seroit nostre oppinion bonne, tu pues estre certaing que ce n’est pas nostre motif | Aprés tout ce, tu me appelles de plus grant valeur queje ne suis, tienne mercy, et dis que tu me pries que je garde «J’onneur que (j'ay) a garder ...; et que se on (m’a) loué pour ce que (je | ay) tiré d’ung bolet par sus les tours de Nostre Dame, (que je ne tasche pas) a ferir ta lune du ciel d’ung boujon pesant, et que (me garde) de ressambler le corbel, qui pour ce que on loua son chant, commensa a chanter plus hault et laissa cheoir la bouchee.» Responce : vraiement je ne pouroie d'aucune chose respondre si proprement come de mon propre fait : si puis en ceste partie tesmoingnier verité de certainne science. Tu m'’anjoins ou accuses come de presompcion de moy mesmes : si te jure sur ma foy que onques ne presumay avoir si hault lancié come les tours Nostre Dame — ne say comment plus hault tacheroye —; ne pour cuidier hault chanter ne me cherra ja bouchee. Car je repute mon
fait et mon savoir chose de nulle grandeur ; autre chose
n'y a quelconques fors tant —je le puis bien dire veritablement —, que je ayme l’estude et vie solitaire ; et par frequenter
1080
1085
ycelluy puet bien estre que g'y ay queilly des basses flourettes du jardin delicieux, non pas monté sur les haulx arbres bour queillir de ce beau fruit odorant et savoureux (non mie que l’appetit et la volanté n'y soit grant, mais foiblesce d’entendement ne le me sueffre) ; et mesmes pour l’oudeur des flourettes dont j'ay fait grailles chappellés, ceulx qui les ont voulu avoir — a qui ne les osasse ne peusse veer —, se sont esmervilliés de mon labour, non pour grandeur qui y fait, mais pour le cas nouvel qui n’est accoustumé : sine s’en sont mie teus, — non obstant ait esté loing temps celey, et te
1058 bonise] B — 1064 tanse] B ; voir plus loin, 1073 — 1084 pense veer] B 1056 meut a ce By — 1063 volet By 3, boulet B2 — par dessus B2 — 1064 du ciel manque B — 1065 bouchon B3— que p. By — 1066 commensa.… hault et manque Bj — 1067 buschette B>, buchete B3 — 1069 tesmoignier en ceste partie By — 1070 m'adjoins B2, me imputes B3 — 1072 h.lengage B3 — sur les B2 3 — 1074 buschete B), buchette B3 — 1075 chose manque B3 — a. riens n’y a B — 1077 frequenter et excerciter B — 1079 du jardin... pas: sm. B2 — 1085 la grandeur B2 — y soit B
AMAISTRE
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PUTS
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PIERRE
COL
149
promet que à ma resqueste n'est magnifesté. Et se veulz dire que aucunes choses aye faites ou non de singulieres personnes, ce a esté depuis que ja en estoit commune renommee. (Ce ne dis je pour nulle excusance, car il n’en est besoing, mais pour oster toute oppinion qui pouroit estre que en mon fait presumasse aucune auctorité.) Et supplie toy et tes consors en oppinion : ne me sachiés mal gré pour cause de mes escriptures et du present debat sus le | livre de la Rose. Car d'aventure advint le commencement et non mie de voulanté proposee, quelque oppinion que g'y eusse, ainssy come tu le pues veoir en ung petit traicté ou je devisay le premier motif et le derrenier terme de nostre debat. Et trop me seroit grief estre subgette à tel servitute que n'osasse respondre a autruy veritey selonc ma conscience de chose qui ne puet tourner a prejudice ; ains puet aviser plus sage de plus avant panser que il n’a consideré par long temps, car comme dist un commun proverbe : «A la fois avise ung fol ung saige.» Et c’est neant que tu dis que l’Esglise sainte, ou tant a eu de vallans hommes depuis qu'il fu fait, l’a souffert par long tamps sans reprandre (elle attendoit que moy et les autres le venisions reprouchier !) : car tu sces que toutes chose sont meues a certaing temps, ne riens n’est long envers l’espace des ans ; et souvent avient que par une petite pointelette est curey une grant enflure. Conment a souffert l’Esglise sainte demourer si long tamps l’oppinion de la concepcion de Nostre Dame — qui plus est chose notable — sens en reprandre nulluy ? Et n’a gueres que ce qui n’avoit oncques esté debatu est venu avant par si grant esmeute : et si n’est ce pas article de foy ; aussy n’est cecy : si en croie chascun ce qui luy plaist le mieulx qu’i pourra. Et quant a moy, plus n’en pense faire escripture, qui que m'en escripse, Carje n’ay pas empris toute Sainne a boire : ce que j’ay escript est escript. Non mie tairé pour doubte de mesprandre quant a oppinion, combien que
1103 s. et plus] B — 1104 en commun p.] 8 te 1091 mie pour B2— ja besoin By — 1095 mauvais g. B3 — 1097 la voulenté B3 — 1099 — attenB mangue elle 1108 — B2 manque eu 1106 — B2 chose la de 1102 — B3 devisay qui droit By 2 — 1111 petite manque B2,3 — 1113 de manque devant Nostre By — 1115 oncques n'avoit B>— 1118 qu'i pourra manque
B — a faire B) — 1119 toute #7anque
B]
CHRISTINE DE PIZAN
150
faulte d’engin et de savoir me toit biau stille, mais mieulx
125 199a
me plaist excerciter en autre matiere mieulx a ma plaisance. Si pry tous ceulx qui mes petis dictiés verront, que ilz vuellent supploier le deffault de mon savoir par consideracion de la personne, et prendre tout a bonne fin et entencion pure, — sans | laquelle ne vouldroie aucune chose mettre avant. Si feray fin a mon dittié du debat non hayneux commencié, continué et finé par maniere de soulas sans indigna-
1130
cion a personne. Si pry la Benoite Trinité, parfaite et enterine sapience, qui vueille toy et tous ceulx par especial qui aimment science et noblesce de bonnes meurs enluminer de si vraye clarté que estre puissent conduis a la joie cellestille. Amen.
1135
Escript et compleit par moy, Cristine de Pizan, le 11€. jour d'octobre, l’an mil JC.
et deux.
Ta bien vueillant amie de science, Cristine de Pizan
1133 toudis] B 1123p.ae.
B3 — mieulx mangue
B3 — 1138 de Pizan manque
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Paris, Bibliothèque Nationale
fr. 1563
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15
199b 20
25
DE HAULT ENTENDEMENT, CRISTINE DE PIZAN
DAMOISELLE
Combien que tu aies proposé de n’escrire plus reprehension ou blasme contre la compilacion du Romant de la Rose — come sage et ravisee qui ses et appersois que humainne chose est de pechier, mais perseverence est euvre de deable —, pour tant ne retarderas tu ma plume qu’elle ne te rescripve ; car aprés tant de reprehencions et duplicacions par toy proposees et escriptes contre si notable escrivain, raison de droit et bonne coustume ensemble m'ottroient replique, qui comme disciple du dit escrivain ay fait une seule responce, — combien qu'il n’en fust besoing, pour ce que selonc que mon petit entendement le peut concepvoir, la seule lecture de tes evasions est assés solucion. Et n’ofusquent en riens la verité que je soustiens, ne tache aucune empraingnent a la tres clere renommee maistre Jehan de Meung tes palliacions extravagans et ornemens de langaige : et croy que pour ceste cause t'a lais- | sié a respondre le prevost de Lisle. Je mesme en fu esmeus par aucun espace de temps de ne te respondre point, et pour ce aussy que Javoye bien ailleurs ou entendre. Toutes voyes par maniere d’esbat pour aprandre et moy excerciter, Je responderay a aucuns fais particuliers et evasions mises en ton epistre responsive a moy presentee le -xxx€. Jour d’octobre. Et te prie que tu tiengnes pour repetees mes excusaCions mises en mon aultre responce. Ja soit ce que tu dis ung pou devant la fin de ta darreniere response que ce n’est mie honneur de soy prandre à toy, que es le plus foyble partie, et qu’on deust «derompre la grose tige», non pas soy arester aux petites branches (veu que de
3 nescire — 14 n'ofusque e (e barré) ne enr. — 17 point c. cause — 27 foy prandre (cf. Christine, supra, III, iv, 983) — 28 quoy deust
PIERRE
154
30
ton oppinion sont plusseurs «sages docteurs ..., grans princes de ce royaume et chevaliers...»), si n’ay je sceu personne qui l’ait blasmé par avant toy ne par aprés, se non celuy qui a composé
A5
40
COL
la plaidoierie dame
Eloquance
; et toutevoyes me
reprans tu de ce que j’ay ozé reprandre a euvre de si notable clerc : qui sonne contradiccion ; et ne te desplaise, ci et ailleurs tu trebuches en la fosse que tu m’avoyes appareillie, c’est assavoir de dit et desdit, quant tu dis c’on se deust prandre aux autres, et tu me reprans de ce que je n’y suis provis. Quant je panse a celle petite branchette il me souvient du proverbe commun que l’en dit : «Ce blasme te vault ung grant los.» O Doulx Dieu tres glorieux ! quantes gens sont qui jamais n’appetissent leur los ou se blasment aucunement, se n'est pour eulx magnifier ! Vescy que tu t’appelles petite branchette, et toutes voyes
CHRISTINE
DE PIZAN
BALLADES DE DIVERS PROPOS
SIGLES
MS DE BASE
A;
Paris, Bibliothèque Nationale fr. 835
AUTRE MANUSCRIT
A
London, British Library, Harley 4431
XXXVI
[41a]
Redoubtee, excellent, tres sage et digne, Noble, vaillant, de hault honneur porprise,
4
Renommee roÿne tres benigne, La souvraine des dames que l’en prise. Je pri cil Dieu qui sur tout a maistrise,
Qui a ce jour de l’an si bonne estraine Il vous envoit, qu’adés en vous esprise
8
Soit sanz cesser toute joye mondaine. Ma redoubtee, ou tout le monde encline,
Pour ce que sçay que comme bien aprise, Livres amez, moy vostre serve indigne 12
41b
16
Vous envoie cestui, ou est comprise
| Matiere qu’ay en haulte place prise. En gré l’aiez, tres noble et de sens pleine ;
En qui tousjours, sans Ja estre desprise, Soit sanz cesser toute Joye mondaine. Et s’il vous plaist, tres poissant, vraie et fine, Que vostre grant haultece un petit lise En mon dittié, et vo sens determine
20
De la cause qui est en termes mise, Mieulx en vauldra en tout cas mon emprise;
24
Si en jugiez, princepce tres hautaine, A qui doint Dieux grace qu’en toute guise Soit sanz cesser toute joye mondaine.
28
Tres humblement a vo valeur certaine Me recomand, en qui trouvee et quise Soit sanz cesser toute joye mondaine.
Haulte, puissant et pleine de franchise,
4 souveraine| A) (=B3 supra) 9 M. tres souvraine
A2 — 23 A q. Dieu doint A2
CHRISTINE
158
DE PIZAN
RONDEL
Mon chier seigneur, soiez de ma partie | Asaillé m'ont a grant guerre desclose Les aliez du Romans de la Rose,
4
Pour ce qu’a eulx je ne suis convertie.
7
Bataille m'ont si cruelle bastie Que bien cuident m'avoir ja presqu'enclose, Mon chier seigneur, soiez de ma partie.
Pour leur assaulz ne seray alentie De mon propos, mais c’est commune chose
12
Que l’en cuert sus a qui droit deffendre ose ; Mais se je suis de sens pou avertie, Mon chier seigneur, soiez de ma partie.
2 Assaili A2
XXXVII
Jadis avoit en la cité d’Athenes
Fleur d’estude de clergie souvraine. Mais non obstant les sentences certaines 4
41c
De leur grant sens, une erreur trop vilaine
| Les decepvoit, car pluseurs divers dieux Aouroient, dont aucuns pour leur mieulx
Y preschierent qu’ilz devoient savoir
9
Qu'il n’est qu’un Dieu ; mais mal en prist a Cieux :
Onest souvent batu pour dire voir.
2 souveraine | A5: 18) ceux (cieux, s.m.)] À)
BALLADES DE DIVERS PROPOS
13
159
Aristote, le tres sage aux haultaines Sciences prompt, d’ycelle cité pleine De tel erreur fu fuitis : maintes peines Ilen souffri ; Socrates, qui fontaine De sens estoit, fu chaciez de cil lieux ;
18
Plusieurs autres occis des envieulx Pour verité dire. Et apercevoir Ce peut chascun que partout soubz les cieulx, Onest souvent batu pour dire voir. Se ainsi va des sentences mondaines.
Pour ce le di que pluseurs ont ataine 22
Sur moy, pour tant que paroles tres vaines, Deshonnestes, et diffame incertaine
Reprendre osay en jeunes et en vieulx ; Et le Romant, plaisant aux curieux, De la Rose, — que l’en devroit ardoir !
27
Mais pour ce mot maint me sauldront aux yeux : Onest souvent batu pour dire voir. Prince, certes voir dire est anyeux Aux mençongeurs, qui veulent decevoir ;
Pour ce au pere voit on mentir le fieulx : 31
On est souvent batu pour dire voir.
17 Peut bien chascun (ms. corrigé à cet endroit) A2 — — 28 Princes A2
19 Eta. A2 —
23 Deshonneur
A2
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DE ME
scribis, vir erudite et frater in Christi cari-
tate dilectissime, qualia michi nequaquam usurpo ; neque enim me tali dignor honore: horreo potius hanc laudem dum inter nugas, ymmo — parce frater vera dicenti — inter insanias falsas memorata miscetur. Fit nichilominus ut vel in mediis occupacionibus tibi rescribere non differat, tum zelus meus redamare debens atque morem gerere tibi qui me diligere, non dico simulas — seorsum
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hec a te fictio —, sed vere
monstras ; tum pretera spes qua confido te ei fidem non denegaturum quem tantopere commendaveris ; tum denique professio mea debens erroribus et viciis quantum valet obniti, que iam effecit ut sub involucro quodam nuper ediderim
gallico sermone, quantum diei cursus tulit, oracionem non contra Insanum Amatorem sed adversus scripta, verba et pic15
turas ad illicitos amores amariores morte sollicitantes, stimu-
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lantes et urgentes. Porro neque repetiturus sum, neque in latinum versurus eloquium ea que ibidem disputata legisti : illic peroratum satis arbitror scripta, verba et picturas provocatrices libidinose lascivie penitus excecrandas esse et a re publica christiane religionis exulandas, — et hoc quidem apud omnem intellectum, qui et catholica fide illustratus est, et nequaquam VICIOSa passione corruptus. Apud illos vero, qualis oracio persuadere sperabitur, qui suaderi nolunt, quibus suus error
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placet, quos excecavit malicia eorum qui dati sunt in reprobum sensum, qui avertunt occulos suos ne videant in finem,
qui denique illud severissimum maledictionis genus incurrunt ut mala consuetudine 30
delectentur, ut blandiatur menciatur-
que iniquitas sibi ? Inter quales te numerare nec debeo, frater carissime : et ut nunquam debiturus sim supplex oro. Proposui autem decerpere aliqua eorum que scriptum tuum
hesterno sero monstratum corrigenda delendaque continet. Quid dico aliqua ! cum fere omnia — tecum loquor frater —
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Tu fais de moi dans tes écrits, homme savant et très cher frère en la charité du Christ, des éloges auxquels je ne saurais prétendre. Je ne m'estime pas digne d’un tel honneur : en fait,je redoute plutôt ces louanges quand je les vois mêlées à des sujets aussi frivoles, ou même — pardonne-moi, cher frère, si je te parle en toute franchise — à des erreurs si extravagantes. Malgré des obligations pressantes, Je n'ai pas voulu tarder à te répondre
: tout d’abord parce
que Je me devais de te manifester un empressement à la mesure de ton amitié et de te rendre une affection qui n’est pas feinte — loin de toi pareille hypocrisie ! — mais que tu me témoignes sincèrement ; ensuite parce que j'espère que tu ne refuseras point ta confiance à celui dont tu fais tant de cas ; enfin parce que ma profession m'oblige à lutter de toutes mes forces contre les erreurs et les vices, — ce qui m'a conduit à publier naguère une sorte de plaidoyer allégorique en langue française, se déroulant en l’espace d’un jour, dirigé non pas contre le Fol Amoureux, mais contre les écrits, les paroles et les peintures qui excitent, poussent et entraînent aux amours illégitimes, plus amères que la mort. Au reste, je n’ai pas l'intention de répéter ici, n1 de traduire en latin les arguments d’un texte que tu as déjà lu. J’estime avoir suffisamment démontré que les écrits, paroles et peintures incitant à une luxure effrénée doivent être voués à l’exécration générale et bannis de notre république de Religion Chrétienne : tout esprit illuminé par la foi catholique et qu’une passion malsaine n’a pas entièrement corrompu le comprendra aisément. Mais par quel discours espérer persuader ceux qui ne veulent pas être convaincus, ceux qui se complaisent
dans leur erreur,
ceux
qu'’aveugle
la malice
des hommes
«se
livrant à un sens dépravé», ceux qui détournent les yeux pour ne pas voir où ils se dirigent, ceux, enfin, qui encourent la pire des malédictions au point de se complaire dans le mal et de trouver un charme trompeur à leur iniquité. Je n'ai pas à te compter parmi les gens de cette espèce, mon très cher frère, et je prie humblement le ciel de n'avoir jamais à le faire. Ceci dit, il m'a paru nécessaire de relever certains passages contenus dans ton ouvrage que l’on m'a fait voir hier au soir, et qui sont soit à corriger, soit à supprimer. Que dis-je, certains ! car en vérité ils sont presque tous condamnables — c’est en frère que je te parle — d’une manière ou d’une autre. C’est pourquoi tu livreras cet écrit, si
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sint in hoc velinillo culpanda. Propterea scriptum illud mox ut ipsum receperis — si quid in me est consilii — flamma rapax absumet, aut laceratum minutatim perget in oblivionem sempiternam. In primis tamen te tuique similes ammonitos velim, ne sapienciorum actorum ignoranciam habere vos concludat tanta huius actoris | vix inter mediocres numerandi tamque
yperbolica admiracio,
quem multi superant
quantum delphinis balena britannica maior, et quantum inter virgulta cupressi. Tu vero tibi nunc attende quale precipicium paraverit attemptata tractacio materie theologice. Dicis itaque quod puer biennis aut triennis sit in statu innocencie. Hec est heresis Pelagii, quam asserens pertinaciter hereticus est censendus. Ea insuper multa que ad dissolucionem indissolubilis racionis agitasti, plus et plus te circumligant nodis eilusdem heresis, exemplo avium laqueatarum viscove suo se volutancium : adeo anxium noxiumque est obniti veritati. Legatur non ego sed Augustinus in De Nupts et concupiscencta, presertim in secundo libro : videbitur quod dico. Putasti tamen arbitror quod putare non debueras : puerum ideo esse in statu innocencie, vel quia ignorans est, vel peccati actualis nundum reus. Sed originalem corruptelam morbide concupiscencie advertere mens tua debuerat, que ab ea ut omnes pessundatur. Dicis 1d quod te scripsisse miror si non pudet et penitet te : amator, irquis, insanus solus bene iudicat de huiusmodi viciosa, ymmo furiosa passione ; alienus vero ab ea (qualem
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me esse tu dicis, ego non dico), eam non nisi «in speculo et enigmate» recognoscit, — quasi videlicet oporteat omnes qui de viciis recte incorrupteque iudicaturi sunt ut eisdem prius viciis corrumpantur. Longe aliter est : nullus de viciosis operibus fert iudicium perversius quam ipsi talium febrili egritudine aut letali morbo «corrupti et abhominabiles facti in studiis suis» : exempla a sensualitate suppetunt multa. «Male verum eXaminat omnis Corruptus iudex», inquit Flaccus. Sed quod addis membra secreta mulierum sanctificata olim
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j'ai tant soit peu de crédit, à la flamme dévorante dès que tu pourras le reprendre, ou tu le déchireras en petits morceaux pour qu’il sombre dans un éternel oubli. Mais avant tout, je voudrais vous mettre en garde, toi et tes semblables, contre le danger d’une admiration
exagérée envers cet auteur qui mérite à peine d’être rangé parmi les médiocres, car elle risque de vous confiner dans l'ignorance d’auteurs bien autrement savants : beaucoup le surpassent en effet, autant que la grande baleine de Bretagne l'emporte sur les dauphins, et les cyprès sur les buissons. Et maintenant regarde au bord de quel précipice tu t'es aventuré en te risquant dans les problèmes théologiques. Tu dis qu'un enfant de deux ou trois ans est en état d’innocence. C’est là l’hérésie pélagienne, etquiconque soutient cela doitêtre tenu pour un hérétique obstiné. Au reste, tous les arguments que tu as brandis dans l’espoir de réfuter l’irréfutable n’ont pour effet que de te prendre toujours davantage dans les nœuds de cette hérésie, à lexemple des oiseaux se débattant dans les lacs ou dans les gluaux, — tant il est difficile et nuisible de se dresser contre la vérité. Ce n’est pas moi, mais saint Augustin qu'il faut lire, dans son traité Du mariage et de la concupiscence, en particulier au deuxième livre : c’est là que tu trouveras ce que je viens de dire. Tu as pensé, je suppose — et tu as eu tort — que l'enfant se trouverait en état d'innocence soit parce qu'il est ignorant, soit parce qu ‘il n’a pas encore péché par action. Mais tu aurais dû avoir Jeune à l'esprit la faute originelle de malsaine concupiscence, car elle t’entraîne dans le mal, comme elle le fait à tous. Tu dis — et je suis stupéfait que tu aies pu écrire cela sans en éprouver de honte ni de remords — que seul le fol amoureux est capable de juger de cette passion mauvaise — ou plutôt de cette folie furieuse ! —; quant à celui qui ne l’a pas éprouvée (c’est toi et non moi qui affirmes que je suis dans ce cas), il ne la connaît qu’«en miroir et en des énigmes», — comme
si tous ceux qui ont à porter un
jugement droit et sain sur les vices dussent être au préalable contaminés par ces mêmes vices ! Mais il en va tout autrement ; personne ne porte un jugement aussi faux sur les œuvres mauvaises que ceux qui, en ayant subi la fièvre et la maladie mortelle, «sont devenus abominables dans toutes leurs affections et leurs désirs». La sensualité en offre maints exemples. Comme le dit Horace : «Un juge corrompu pèse toujours mal le vrai.» Tu ajoutes plus loin que l’on avait autrefois coutume de sanctifier les parties secrètes de la femme : je ne sais dans quelle Bible tu
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ex more fuisse, nescio qualis te Biblia docuerit nisi forte tu aliam a nostra te penes habueris, — aut si non movet te seducitque illud Luce : «Omne masculinum adaperiens vulvam, sanctum
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Domino
vocabitur.»
Quid, oro, sanctum
Domino
vocabitur ? Si siles, respondeo : primogenitus. Ceterum actor tuus et pene Deus tuus plurima bona, inquis, scripsit, plurima valde supra communem doctorum omnium intelligenciam, quorum lectio non nisi decies repetita cognoscitur. Quid si eciam mala plurima nimis et multo plus plurima commiscuit bonisistis contraria? Quid reliquum
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est dicere nisi eum more insani amatoris insanisse, variasse, discordasse et, juxta therencianum verbum, voluisse «cum
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racione insanire»? Propterea opus illud chaos informe recte | nominatur, et babilonica confusio et brodium quoddam almanicum
et Protheus
in omnes se formas mutans, — tale
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demum cui dici possit illud pueris decantatum : «Conveniet nulli qui secum dissidet ipse.» Sane quod de theologis introducitur, quos labi refers in
so
comminaris — a quo malo me avertat non Cupido falsus sed verus dilectionis Deus !), istud positum michi visum est magis ad diffamacionem theologorum quam pertinenter ad rem, et ut fortassis sub umbra culpe maioris in theologis isti sua crimina vel solarentur vel absconderent vel probarent. Nam si
amorem
quandoque
Tullius, cum
virum
insanum
eloquentem
(quemadmodum
michi
describeret, dixit eum
ipsi
esse
virum bonum dicendi peritum, multo amplius cum theolo95
gum
nomino,
virum
debeo intelligere bonum,
sacris litteris
eruditum. Age rursus, si tuus actor non ex affectione inhoneste loquutus est, da racionem quis eum impulerit ea introducere
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ex quibus Racio tam obsceno illotoque sermone loqueretur. Amplius vero culpatur actor tuus, non quod introduxerit Naturam
de Deo loquentem, sed quod taliter loquentem de
his misteriis que sola revelacio gratuita et supernaturalis ministratur. Et quia me, in opusculi mei impugnacione, cum insigni
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as pu l’apprendre, à moins que tu n’en possèdes une qui soit bien différente de la nôtre ; ou peut-être trouves-tu cette idée dans ce passage de saint Luc mal interprété : «Tout mâle pour qui s'ouvrira la vulve sera consacré au Seigneur.» Mais qu'est-ce qui sera consacré au Seigneur, je te prie? Si tu ne peux répondre, je le ferai à ta place: le premier-né. Tu dis de plus que ton auteur, pour ne pas dire ton dieu, a écrit,
selon toi, de nombreuses bonnes choses qui dépassent de loin l’intelligence commune de tous les savants, et dont le sens profond ne saurait être compris qu'à la dixième lecture. Mais à quoi bon, s’il ya mêlé autant et davantage encore de choses mauvaises, qui vont à l'encontre des autres ? Que reste-t-il à dire sinon que, tel le Fol Amoureux, il a déliré, a changé d’avis, s’est contredit et, selon le mot
de Térence, a voulu «délirer raisonnablement»
? C’est pour cela
qu'on appelle son livre un chaos informe, une vraie tour de Babel, une sorte de brouet allemand, un Prothée revêtant toutes les formes,
une œuvre enfin à laquelle s'applique ce proverbe que l’on répète sans cesse aux enfants : «Qui n'est pas d'accord avec soi ne s’entendra avec personne.» Quant à tes insinuations sur les théologiens, qui peuvent toujours selon toi succomber à Fol Amour (c’est le sort dont tu me menaces,
mais que le vrai Dieu d'Amour, et non ce faux Cupidon, me préserve de ce mal !), c’est un argument qui me paraît plus propre à ternir la réputation des théologiens qu’à consolider ta démonstration, dans l'espoir, peut-être, que la faute étant plus grande chez les théologiens, ceux-ci atténuent, dissimulent, voire approuvent des péchés dont ils se seraient eux-mêmes rendus coupables. Car si Cicéron, décrivant l'Orateur, disait que c'était un homme juste, habile à parler, à plus
forte raison devrais-je entendre, en nommantleThéologien, un homme juste, versé dans les Saintes Ecritures. Mais encore, si ce n'est pas parce qu'il avait le goût de ce langage que ton auteur a parlé indécemment, explique donc les raisons qui l'ont poussé à aborder les sujets dont a parlé Raison, en langage si obscène et si sale. De plus, ce n’est pas parce qu'il a fait parler Nature de la Divinité que ton auteur est coupable, mais parce qu’il l’a fait ainsi parler des mystères auxquels seule la révélation surnaturelle d’une grâce gratuite permet d’accéder. Puisqu’en t'attaquant à mon petit ouvrage, tu as voulu me ranger aux côtés de cette illustre femme, je voudrais savoir si cette femme
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femina
miscuisti, quero
si virilis illa femina cui tuus sermo
dirigitur — quamquam ita confuso ordine ut nunc ab ea ad Eloquenciam Theologicam, nunc econverso raptim migret —, si illa, inquam, virago arguit erroneum hoc pro proverbio positum : «Melius est decipere quam decipi», nonquid non recte redarguit ? Ostendit evasionis tue tam anxia et ficta meditacio quod magno racionis aculeo urgebat te mulier, quando ad hoc confugisti ut diceres in hac parte librum addicione subdola deturpatum, — quod qua ratione scire potueris, nec dicis nec video.
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Illud subinde mulier hec prudenter attulit quod ad lecturam actoris tui erubescerent regine — erubescerent ingenia bene morata ingenuoque pudore predita —, quale tuum esse eciam scripta tua velis nolis ostendunt : nichil enim ibi obscenum loqui potuit bona indoles tua. Nullum quippe consequens est eas personas taliter agentes se propterea de criminibus suspectas ostendere : ymmo vero si erubescunt |magis salva res est, ut therencianus sermo dicit. Non attingam omnia : alioquin linea fere quelibet eliminanda occurreret, — ut cum dicis non esse naturalem appetitum hominis coniungi matrimonialiter solum virum cum muliere unica et solam cum unico. Hoc enim et falsum est et uniex dictis tuis inconsonum dum Genium nature deum deffendis, quia, inquis, de sola matrimoniali copula loquebatur. Similiter quale est illud quod turpitudinem actoris hac pictura celare putaveris, quod malum docuit ut cognitum vitaretur, quod preterea unus tibi notus philocaptus remedium sibi ex hoc melleo toxico velud tyriacam de veneno confecerit ! Omnia quippe talia frivola sunt. Ilud quoque parum catholice alegatum est dixisse quosdam Cantica canticorum ob laudem filie Pharaonis edita : nam qui dixit irreligiose mentitus est. Ilud vero magis subdolum videtur dum contendendo vis inducere recursum ad librum esse faciendum : «Non habet liber, inquis, per omnia sicut sonat eius impugnacio.» Nolo contra niti ; malo dare victas manus, malo subcumbere, quam
110 axia — 117 ingenioque
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virile à qui tu t'adresses — bien que dans un désordre total, volti-
geant de ci de là, l’abandonnant soudain pour aller vers Eloquence Théologienne, puis revenant subitement vers elle —, si cette amazone,
dis-je, a repris cette erreur exprimée sous la forme d’un proverbe : «Mieux vaut tromper que se faire tromper», ne l’a-t-elle pas plutôt réfutée ? Le mal extrême que tu t'es donné pour te tirer de ce mauvais pas montre combien cette femme te piquait du grand aiguillon de la raison, puisque tu te dérobes en prétendant que le texte aurait été corrompu à cetendroit par une interpolation maligne : comment as-tu pu le savoir, tu ne le dis point et je ne le vois guère ! Ensuite cette femme a fort bien montré que les reines rougiraient à là lecture de ton auteur — comme rougirait tout esprit honnête doué de pudeur naturelle —, et que tu le veuilles ou non, tu es de ceux-là : tes écrits le démontrent, car il n’était pas dans ton caractère d'y laisser paraître la moindre obscénité. Cependant il ne s’ensuit point que ceux qui rougissent se montrent par là suspects de ces péchés ; tout au contraire, s'ils rougissent, «c’est bon signe», selon le mot de Térence. Je ne passerai pas tout ton texte au crible, car il faudrait ainsi en supprimer presque chaque ligne, comme par exemple le passage où tu soutiens que ce n'est pas un désir naturel chez l’homme que de s'unir par les liens du mariage, chaque homme n’ayant qu’une seule femme, et chaque femme n'épousant qu’un seul mari. Non seulement cela est-il faux, mais en contradiction avec ce que tu écris ailleurs quand, prenant la défense de Genius, le dieu de la nature, tu
affirmes qu’il parlait des seuls liens conjugaux. De même, que dire de cet argument par lequel tu espères voiler la turpitude de ton auteur : qu'il a enseigné le mal afin que, le connaissant, l’on sache s’en garder ? Et c’est ainsi qu’un homme de ta connaissance, prisonnier d'Amour, se serait fait un remède de ce miel empoisonné, comme l’on fabrique la thériaque à partir du poison ! Tous ces arguments ne sont guère sérieux.
C’est en outre peu catholique que de soutenir, comme l’ont fait certains, que Le Cantique des cantiques ait été composé à la louange de la fille de Pharaon ; car celui qui l’a affirmé a fait un mensonge impie. Mais ton argumentation devient plus spécieuse encore lorsque tu t’efforces de démontrer qu'il faut recourir au texte : ce livre serait bien différent, à t’'entendre, de ce que prétendent ses censeurs. Je ne veux point m'insurger contre de tels arguments : je préfère rendre
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tam improba contagiosaque lectio repetatur.
Porro finis scripti tui notat 1llos curvasse genua coram Baal a quibus liber iste spretus viluit. Dicam libere quod sencio : ista introductio vel depravat sentenciam et viciosa 145
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est, vel tamquam
scandalosa,
iniuriosa et falsa heresimque
sapiens in fide et moribus radenda est denique, si serio dictum est. Tu nunquam preconiis tuis tantumdem extollere parvitatem meam potueras quantum vituperas- dum confingit tua forte libertas mecum loquendi ea me scripsisse que scripsi quatenus homines, quos scimus niti in vetitum, flamma maior exureret animaretque ad lecturam libri huius repetendam, — quasi videlicet professionem meam commutaverim in mendacium, et sit officium meum ficte agere in doctrina morum et michi ipsi, more actoris tui — ymmo christiane religioni ! — dissidere, corde insuper et corde loqui. Moriar priusquam ista umquam fictione palliatus inveniar. Vide potius ne actorem tuum iste dolus | infecerit : dum enim
amoris carnalis inducit vituperia — cuius laudes sepius extollit —, quidni secundum tuam noticiam faciles ad 1llum animos proniores reddere studuerit ? Quid de protestacione 1illa actoris tui loquar quam pro velamine quodam sue feditati superinducere conatus est Nichil, inquit, ipse de meo posui : se ergo recitatorem non actorem profitetur. Quamobrem nolite vos, admiratores sui, laudem ei tribuere si bene dixit, sicut non vult maledicta sua
in probrum eius versa iri si quedam arguenda transtulerit. Nolite preterea tanto 170
contra nos odio excandescere,
neque
tam ampullosis verbis buccisque tumentibus in nos declamare si hber iste pro sua parte culpatur : non enim personas sed scripta, quisquis 1lla confecerit, infamamus, nisi forte ministrator pocionis toxicate, eciam ab alio composite, non inde
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culpa carere tudicandus estimatur. Quale est iterum, Deus optime, protestari unum et eodem contextu protestacioni sue obvium fieri ? Istud certe non est excusare se sed taliter agere ut dicatur : «Ex ore tuo te judico, serve nequam.» Tandem
vero
ego te nunquam,
o christiana curia, animo
145 scandalosam, iniurosam et falsam — 152 exuperet
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ll
les armes et m’avouer vaincu que de m’exposer de nouveau à la contagion d'une lecture aussi infime. De plus, vers la fin de ton traité, tu accuses ceux qui ont rejeté et méprisé ce livre d’avoir «fléchi le genou devant Baal». Je te dirai franchement mon sentiment :ou bien tu joues sur les mots, faussant le sens du texte — et l'argument ne vaut rien —, ou bien tu parles sérieusement, et alors cette phrase doit être rayée de ton traité parce que scandaleuse, injurieuse, mensongère et sentant l’hérésie contre la foi et les mœurs. Jamais les louanges que tu adresses à ma modeste personne ne pourront compenser le tort que tu me causes en prétendant — peutêtre parce que tu me parles en toute liberté — que j'ai écrit ce que J'ai écrit afin qu’un désir plus ardent incite et pousse les hommes à relire ce poème, car il est bien connu, disais-tu, que «l’on se porte vers ce qui est défendu» ,— comme si les devoirs de ma charge ne seraient que mensonge, et mon rôle consisterait à faire semblant de défendre la morale, — à aller, comme ton auteur, à l'encontre de mes
propres idées — voire de la religion chrétienne —, disant le contraire de ce que je pense. Plutôt mourir que de vivre ainsi dans l'hypocrisie! Demande-toi plutôt si ton auteur n'aurait pas lui-même utilisé ce stratagème : lorsqu'il condamne l’amour charnel (dont il chante plus
souvent les louanges), n’aurait-il pas voulu, suivant ta logique, le faire désirer davantage ? Mais que dire de cette apologie que ton auteur s’est cru obligé d'ajouter pour cacher, tant que faire se peut, son ignominie ? «Je n'ai exposé aucune idée personnelle», dit-il. Il se proclame ainsi compilateur et non auteur : donc vous, ses admirateurs, ne devez pas le louer s’il a dit de bonnes paroles, puisqu'il ne veut point que les mauvaises tournent à sa honte, lorsque son texte est condamnable. Alors cessez de vous emporter contre nous, et de vous déchaîner de la sorte, la bouche
pleine de phrases vides, puisque c’est le texte
même qui est en cause. Nous ne condamnons pas les personnes, mais les écrits, qui qu’en soit l’auteur, — encore que celui qui administre un breuvage empoisonné, fût-il préparé par un autre, ne doive pas pour autant être tenu pour innocent. Mais qu'est-ce donc ceci, grand Dieu ! — s’excuser ainsi et aussitôt après contredire l’excuse qu’on vient de donner ! Ce n’est certes pas se faire pardonner, mais s’exposer à entendre : «Méchant serviteur, je te condamne par ta propre bouche.» Mais pour finir, ô Tribunal Chrétien, je ne t’ai jamais offensé, ni
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lesi neque verbo. Tu non omnia potes delicta corrigere fateor : alioquin quid divine iusticie in futuro servaretur ? Sufficit in multis redargucio per leges et edicta communia : sicut contra simoniam, furta, homicidia, adulteria, ita contra
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hanc contagiosissimam male loquendi vel scribendi licenciam, presertim ubi publicus accusator invenitur nullus. Nichilominus habitatores tuos ecclesiasticos multos ego neque super libris multis Ovidi, neque super magicis figmentis, neque nominatim super hoc libro et ali conservatis in multorum perniciem excusare propono : illos excuso quos officium nullum ad dampnandum constringebat, et qui pro sua parte, verbo vel scripto, generaliter aut specialiter, ut ego nunc et multi pridem, tala reprobarunt. Neque pretereundum censeo quod scribunt Actus Apostolorum omnes conversos noviter ad fidem qui fuerant |curiosa sectati combussisse libros suos valoris denariorum quinquaginta millum. Ecce coram Deo quia non mentior, et per si quid in me est cui dare fidem dignum ducis affirmo si solus esset liber actoris tui michi proprius, valens mille li-
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bras et amplius, ego prius darem eum flammis rapacibus exurendum quam venderem taliter publicandum. Vide quantum afficiar, ymmo vero non afficiar ipsum relegere, non quidem ex ignorancia sicut tu reputas — quamquam in me multa sit —, sed pro mea et aliorum conscientia. Itaque memini me pridem gustasse iam ab adolescentia fontes illos omnes aut fers omnes a quibus actoris tui dicta velud rivuli quidam male traducti prodierunt : Boecium, Ovidium, Therencium, Juvenalem,
Alanum,
et de Sancto Amore, Abelar-
dum cum sua Heloyde, Marcianum Capellam et si qui sunt ali ; scito preterea quod codicellum unum cuius titulus est Itinerarium 210
mentis in Deum,
a domino
Bonaventura,
quem
uno die perlegi, ego toti libro tuo — ymmo et decem talibus ! — in profunditate sciencie opponere non dubitaverim : et tu ad intelligendum hunc librum nos adeo brutos et ebetes esse duudicas ! Attamen pro hac commonicione tua, ut relegam et sic intelligam, ego vicem reddo : lege, frater, et iterum relege
188 officium nulla —
200 quidam
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par pensée ni par parole. Tu ne peux redresser tous les torts, sinon, que resterait-1l dans l’avenir à la justice divine ? Les lois et ordonnances publiques suffisent certes à combattre un grand nombre, mais quand il ne se présente aucun accusateur public, il en va de cette licence si contagieuse de paroles ou d’écrits comme de la simonie, du vol, du meurtre et de l’adultère. Je n’entends pas pour autant excuser tous ces hommes d’Eglise cités par toi qui n’ont rien fait, ni
contre tant de livres d'Ovide, ni contre les mensonges des magiciens, ni en particulier contre ce livre ou d’autres qui ont survécu au grand détriment d’une multitude de gens : je ne mets hors de cause que ceux qu'aucune obligation professionnelle ne contraignait à censurer de tels ouvrages, et qui les condamnèrent de leur mieux, par paroles où par écrits, soit en général, soit en particulier, comme je le fais aujourd’hui et comme bien d’autres l’ont fait avant moi. Il ne faut pas, à mon avis, oublier ce qui est écrit aux Actes des Apôtres : tous les nouveaux convertis qui s'étaient adonnés à la pra-
tique des arts néfastes brûülèrent leurs livres, dont le prix s'élevait à cinquante mille pièces d’argent. Je jure devant Dieu que je ne mens pas, et t’affirme solennellement— si tu peux avoir en moi la moindre
confiance — que s’il n’existait de ton auteur qu'un exemplaire unique m'appartenant en propre, valût-1l mille livres et plus, je le livrerais
aux flammes voraces plutôt que de le vendre pour être diffusé tel quel. C’est dire quel désir j'éprouve — ou plutôt n'éprouve pas — de relire ce poème ; et ce n’est pas, comme
de mon ignorance — mais pour le bien de souviens avoir goûté, ces, ou presque, qui
tu le prétends, à cause
bien que celle-ci soit en effet considérable —, ma conscience et de celle d’autrui. Carje me autrefois dans ma jeunesse, à toutes les souralimentent le cours de cet ouvrage comme au-
tant de cours d’eau détournés : Boëce, Ovide, Térence, Juvénal, Alain de Lille, Guillaume de Saint-Amour, Abélard avec son Héloïse, Mar-
tianus Capella, d’autres encore, peut-être ; sache en outre que j'ai lu en un seul jour un petit manuscrit de maître Bonaventure, intitulé Itinéraire de l'âme vers Dieu, et que je n’hésiterais pas à l’opposer à ton livre, voire à dix kvres semblables, pour ce qui est de la profon-
deur de sa science : et dire que tu nous juges trop bêtes et trop stu-
pides pour comprendre ton maître ! Cependant, puisque tu me recommandes de le relire pour le comprendre, je te rendrai la monnaie de ta pièce. Lis, mon frère, et relis encore le quatrième livre de La Doctrine chrétienne : c’est un texte qui présente un peu plus de difficulté que ton livre en langue vul-
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quartum librum De doctrina christiana ; ille enim aliquanto plus affert difficultatis quam liber tuus in vulgari. Animadvertes,
crede
michi,
non
esse
factam
iniuriam
tirannicam
Eloquencie si eam theologie sociaverimus : pudebit te forsan audacie allegandi ea que non plene prospexeris. Augustinus 220
plane tibi reclamat, tum expressissimis verbis ibidem (4 o De doctrina christiana, in ipso operis vestibulo), tum factis ope-
rum suorum tantis eloquencie viribus élaboratorum ; quamquam
temperata
modestia
loqutus sum,
si adverteris, dum
Eloquenciam Theologicam mediocri sermone loquentem esse 225
134 v0
230
introduxi, Ccuriositatem quasi michi iamiam opponendam vigilanter excludens. | Postremo cessent ioci, frater optime et melioris cause patrocinio dignissime ; taceat interim libido vel vincendi vel garriendi. Veniamus ad rem seriam religiosamque. Assero tibi, si scirem germanum meum composuisse talem librum atque publicasse, penitere autem super hoc premonitus et animadversus
sufficienter
finaliter recusasse,
ego non
plus
pro eo in hac impenitentia mortuo quam pro dampnato preces offerrem Domino Nostro Jesu Christo, — in quo bene vale, 235
tradens te deinceps salubrioribus castioribusque studiis neque dans occasionem scandali simplicibus. Et si quid asperius dictum fortassis offenderit, da veniam mee fidei, multum de
240
te presumenti quia multum diligenti. Denique totum tum veritatis catholice zelo tum desiderio ad salutem tuam deputatum habe. Et oremus pro invicem ut salvemur.
AD SCRIPTA
CIUISDAM
175
gaire. Tu te rendras compte, crois-moi, queje n'ai fait aucune injure excessive à Eloquence en l’associant à la théologie : tu auras peutêtre honte d’avoir osé alléguer un texte que tu n'avais fait que parcourir. Car saint Augustin t'apporte un démenti, non seulement par un texte très explicite (au quatrième livre de La Doctrine chrétienne, au début même de cette œuvre), mais encore par son exemple, caril a écrit ses propres ouvrages avec toute la force de son éloquence. Néanmoins, si tu voulais bien y prendre garde, tu verrais queje me suis exprimé avec sobriété lorsque j'ai fait parler Eloquence Théologienne en style moyen, écartant avec soin toute recherche que l’on aurait pu me reprocher. Mais en fin de compte, mon excellent frère, toi qui méritais de défendre une cause meilleure, trêve de plaisanteries. Fais taire en toi le désir de vaincre ou de te moquer. Il nous faut parler d’une chose sérieuse et sainte. Je te jure que si je savais que mon frère avait écrit et publié un tel livre, et s’il refusait, ayant été suffisamment mis en
garde et chapitré, d’en faire pénitence, je n’oserais pas plus prier Nôtre Seigneur Jésus Christ pour le repos de son âme que je ne ferais pour un damné. Adieu, et que le Seigneur te garde ; consacre-toi désormais à des études plus saines et plus chastes, et ne donne plus
occasion de scandale aux innocents. Et si la sévérité de certaines paroles a pu te blesser, pardonne-moi, car j'ai beaucoup présumé de ta confiance, parce que je t'ai beaucoup aimé. Et mets tout sur le compte de mon zèle pour la Vérité catholique et de mon désir de sauver ton âme. Prions donc pour notre mutuel salut.
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APPENDICES
SERMONS
DE LA SÉRIE POENITEMINI
LA CITÉ DES DAMES
SIGÉES
MS DE BASE
R
AUTRE
P
Paris, Bibliothèque Nationale fr. 24842
MANUSCRIT
Paris, Bibliothèque Nationale fr. 24840
SERMONS
DE LA SERIE POENITEMINI
Dans le premier de ces sermons contre la Luxure (10 décembre 1402 : II4 Dominica Adventus), Gerson annonce le plan qu'il va suivre : 1] dénoncera d'abord les manifestations évidentes de «Luxure la souillarde» ; il en exposera ensuite les méfaits cachés (17 décembre 1402 : IIHI@ Dominica Adventus) ; il répondra enfin à ceux qui osent prendre sa défense, c'est à dire aux «Fols Amoureux» (24 décembre 1402 : IVA& Dominica Adventus). Le Sermon du 17 décembre suit, dans son exposition, l'ordre des six sens — «Cuer, Boucbe, l'Eul, Tast, Flair, Oye»—, qui demandent tourà tour conseil à Raïson ; c'est une
question posée par la Vue qui amène la première allusion au Roman de la Rose : [27 v0] Regarder des choses par dehors es bestes ou es paintures ou ailleurs qui sont deshonnestes, est ce pechié ? Je respon comme par avant. C’est fort par especial que lire livres esmouvans a luxure ne soit pechié mortel, et ceulx qui les retiens nent devroient estre contrains par leurs confesseurs les ardre ou dessirer, que aulx ou aultres n'y pechassent plus (comme 28r0 est Ovide ou je ne sçay quel |Matheol, ou partie du Rommant de la Rose, ou rondeaux et baladez ou chanssons trop dissolues). Si jugés quelle penitence doivent faire ceulx qui les 10 font et publient, sus quoy j’en ay escript plus a plain ;parellement dy je des paintures ordes et deshonestes. Le problème de la chasteté du langage est l’une des questions soulevées par l'Ouïe: Raison n'y répondra que le 24 décembre, quand Bouche la soulèvera à son tour. Cependant Bérenger, cité dans un
3 livre] P 1 des manque
P—
ouenp.
P
180
JEAN GERSON
autre contexte lors de ce même sermon du 17 décembre, est toujours présent à l'esprit de l'auteur : [28 r0]
15
Est tenue a deceu par de tout son ce je fais en
la personne ramener a bonne voye l’autre qu’elle son fait ou par ses parolles ? Je respon que oy, pooir ; et ce on li doit chargier en penitence. Et toute personne. Notés comment yci parlera en-
contre Le Rommant de la Rose qui veult en la personne de Raison que on parle gouliardement. -Telz paroles enflamment a luxure, et c’est pour quoy elles sont a deffendre : no-
téz Seneque (turpia, etc.) ; Aristote (70 Politice) ; Noé et 20 Chan ; Tulle ; saint Augustin ; notés le peril du rommant et samblables, etc. ; et la laidure de la fin, etc. (videatur finis) ;
notés de l’enfant qui retint bien le mal du rommant ; notés qu'il est dampné s’il ne s’est repenti ; notés que sa paine croit la paine assessoire et accidentele.
21 et samblens] 12b
VPN
P R #quienp
Pt
p-entlamens 4 1 PEMTSNoElRE
IVa DOMINICA ADVENTUS
: POENITEMINI
Le 24 décembre, le prédicateur répond à trois plaintes des «Fols Amoureux» : «L'une complainte estoit : pour quoy Dieu, disoient eulx, nous a deffendu
luxure, en especial fornicacion simple ? L’au-
tre complainte estoit que, a brief mot dire, ce n’estoit pas en leur puissance de chastement vivre. La tierce complainte estoit que bien vouloient vivre chastement, mais non pas si tost : y falloit que jeunesse se passast, et que c’estoit le mendre pechié qui feust» [49 r0]. Comme le précisera l'auteur lui-même, cette dernière remarque est tirée du Roman de la Rose :
[52 r0]
Est ce le maindre pechié qui fait briser la foy de mariage, etc., succeder batars, embler les Corps, etc., emprisonner, se
tuer, mourir par desespoir, murtres d’enfans ? Notéz Architas Tarantinus.
Qui fait briser, ordoier
sacremens
?
Qui fait
IV4 DOMINICA 5
ADVENTUS
181
personne bestiale ? Qui fait hors du sens et a la fois mourir ?
Nota de 14. Qui fait oublier Dieu et ses jugemens, et par male coustume cheoir en enfer ? Dit Le Romant de la Rose que c'est le mandre pechié de quoy corps de femme soit entechié, etc. (la cause 10
52 v0
: pour ce que a tous autres maulx elle
s’'abandonne). Notéz contre ceulx qui tournent a erreurs les femmes pour en abuser et les font herites. Cape penitentiam :
hatéz vous de prandre penitance tandis | que temps en est ; prenéz le seur, etc. ; repentéz vous, etc.
L'auteur reprend alors son exposé du dimanche 17 décembre. Il complétera la série ébauchée en faisant porter son sermon sur l'Odorat, le Goût (Bouche), et le Toucher : [53 vo] 15
54 r0
Bouche demande se chançons sont licites. Raison dicerne : ou elles sont honnestes et en temps et en lieu ; ordes et luxurieuses ; ou fausses et herites ; ou hors temps etlieu et a mal d'autrui, comme es eglises. Les -111- derrains poins sont pechiéz et a | deffendre. Notéz que la voix de la femme est comme
20
25
30
des serainnes, lesqueles Ulicés passa en estoupant ses
oreilles. Bouche demande se proprement parler des menbres honteux et de tout ce pechié est chose desraisonnable. Et argue que non: premierement par l’auctorité du Roumant de la Rose ; s:condement par les raisons qui y sont : car les mos de soy ne sont point lais, et se les choses sont laides c’est pour le pechié, et pechié est aussi bien en murtreetlarcin, desquel on parle bien. Yci respont raison que parler proprement des choses se peut faire ou commancement par gouliardie ; ou appert par soy enflamer a luxure ; ou par maniere de personnaige ; ou par maniere de doctrine entre gens saiges et adviséz et qui ne quierent fors la verité des choses. Premierement
ne se doit faire, et dire le contraire est er-
reur ; comme qui diroit que on devroit aler nus ; comme qui
6etcesj. — 10 sara donne —
19 ceso. — 23 auctorisete
182
JEAN GERSON 35
voudroit excuser Chan de ce qu'il ne covrit son pere :c'est
l'erreur des philosophes qui pour ce furent dis chiens. Aristote le deffant ou -viie. de Politiquez ; Seneque dit : Turpia
ne dixeris (lait dire atrait lait faire). Saint Augustin dit que 5400
40
45
C’est erreur se partir de | soy mesmes
dessusdictes,
50
ss
55 r0
6s
; Tulle en De officits ;
on l’apelle langaige ors et delavéz ; saint Pol dit que pluseurs choses qui se font a part ne font nes a nommer («corrumpunt bonos mores», etc.). Ceulx qui dirayent le contraire, je voudroie que eulx mesmes apreissent ainsi leur filles a parler selond Raison. La seconde raison et maniere ne se peut excuser : meismement entre gens mariéz doit estre honesté gardee. Tiercement ne se doit faire en publique pour les causes et aussi doit estre verité et honnesteté gardee
es personnages. La quarte maniere se peut faire et la quinte en aucun cas, comme ung malade se monstrera tout nus a ung medecin pour soy gairir. Et si maistre Jehan de Meun entendoit ainsi il avoit droit : mais 1l failli en ce qu'il feist parler Raison a ung Fol Amoureux ; secondement en ce qu'il enhortoit parler communement
femmes et autres ; tiercement en ce que il
publia son livre a jeunes gens qui en abusoient ; quartement en ce que ces raisons monstrerent aussi que on devroit aler nus. Si diz pour respondre que les mos sont lais pour le mal qui en vient et lequel on y entant, comme sont aussi les regars des femmes nues pour |le desir mauvais qui s’en ensuit. Notéz saint Augustin De nuptus et concupiscientia, et le proverbe commun : y n’y a mal qui ne lui entant. Ostéz, bonnes gens, ces livres d’entre vos filles et enfants! Car ilz prandront le mal et laisseront le bien. Exemple de l'enfant, etc. Notéz quelle est la fin. Notéz des autres : de Ovide qui en fut en exil ; notéz de Matheole le sot.
Je di ‘ni. ascercions : la premiere, que se je avoie ung Roumant de la Rose qui fust seul et vaulsist mil livres,je l’ardroie plus tost que je le vendisse pour publier, ainsi comme il est;
42 bons m.=53fparlesenun f.=.63 d'entre vous f. = 67. que ce |.
LA CHASTETÉ CONJUGALE 70
secondement,
183
se je savoie qu'il ne s’en feust repenti, je ne
prieroie pour lui nez que pour Judas, — et acroissent ceulx qui le lisent en mal la paine a icellui s’il est dampné ou en Pugatoire 75
; tiercement, se je confessoie personne qui en abu-
sast, je lui conmanderoie effacer plusieurs choses ou du tout le geter hors. Ainsi des paintures ordes et qui enflamment, ou sont faictes pour les amies et amis folz, etc.
75 pointures
POENITEMINI
V : LA CHASTETÉ CONJUGALE
Cet éloge de la chasteté est étroitement lié aux sermons précédents. Le prédicateury distingue, selon l'usage, trois états : 1) «chasteté virginale», 2) chasteté «de mariage», 3) chasteté «de viduité». L'objection soulevée alors par «Mundaine charnalité» correspond aux vers 19553-68 du Roman de la Rose : [64r0]
Mais y convient que je responde a Mondaine Charnalité nice et volage, et qui parle contre toy, Verginité, et qui veult aussi mectre division entre ces trois estas, comme les poetes fai-
gnent d’Envie qui se boute entre Juno, Pallas et Venus par contencion de leur beaulté. Dit Mundaine Charnalité que se chascun estoit vierge, le monde faudroit. Premierement, le cas n’est mie a doubter.
Et s’il advenoit, le monde faudroit
comme il fera je ne sçay quant. Secondement, la neccessité d’un estat ne argue point son exellance sur autres : il apert 10
de mestiers et ou corps de l’omme
(de l’ueil, etc.).
Tierce-
ment, on y pourverroit par ordonnance publique. Il existe une seconde version du sermon du 31 décembre, que l'on a parfois considérée — à tort semble-t-il — comme une collation. Les allusions au texte sont plus explicites, les arguments plus étoffés. Seule la première version aurait été réellement prononcée (L. Mourin) : les extraits qu'on va lire seraient tirés d'une rédaction antérieure,
184
JEAN GERSON
abandonnée par l'auteur en raison des événements, qui l'auraient amené à formuler une condamnation publique du Roman dés le 17 du mois. Devotez gens, ainsi comme je pensoye l’autrier a ceste matere, je senti que dedens le secret de mon cuer se levoit une disputacion, a sçavoir laquelle chasteté estoit plus a recommander ; ou virginité, ou mariage, où viduité ? Mais avant s toutes chosez je supposay que chascune de ces fillez de chasteté estoient bonne et a loer ; car je sçay bien que aucuns herites ont voulu condampner l’estat de virginité, les autres l’estat de mariage, et les autres ne tenoient compte de quelconque chasteté, mais looyent Luxure et disoient qu’elle estoit 1 selon nature. Le Roman de la Rose le fait dire a Genius qui
[51 vo]
se dit dieu de nature, et puiz la personne de l’aucteur encore
le dit plus ordement en la fin. Et aprés ceste supposicion je mis ceste conclusion : que virginité pour ce temps est plus a loer quant est de soy, et puiz viduité, et puiz mariage. L’au15 tre conslusion est que chascune de ces chastetéz doit loer et honnorer l’autre sans orguel, car aucunes personnes en mariage se sauvent mielx que les autres aucunes des :11- estas. Vous plaist il que je vous œvre -1- peu les raisons que soloyent faire les herites — et encore font aucuns — contre ces 20 111 estas et contre la supposicion que j’ay mise ? Je croy que vous le vouléz bien. Et je le feray le plus entendiblement que je pourray et bien briefment, une raison contre chascun estat. Que vault virginité, ont dit aucuns, quant le monde faur-
52r0 25
roit | se chascunestoit vierge ? Je respon yci que ceste chose n'est point a douter que chascun se tiegne en l’estat de virginité, et se le cas avenoit que Dieu le vausist, lors seroit voirement la fin du monde, car une foiz doit elle venir. En
oultre je dy que il ne faut pas pour ce, se mariage est neces-
aire, que virginité soit mendre ou a blasmer.
Qui est chose
18 le raisons] P 2 par dedens P — s'esmouvoit P — 5 de chasteté manque P — 8 et manque P — 10 n. selonc ce que le P — 12-13 je m. c. Supposicion P — 17 d.estas autres P — 19 encore sont P — 21 entendivement P — 22 c.ungc.e. P — 24 yci manque P — 25 n'e. pas a. d. P — 27 vrayement P
LA CHASTETÉ CONJUGALE
185
30 plus necessaire que sont aucuns mestiers, comme bergiers ou couturiers ou fourmiers ? Neantmoins se une personne eslit a estre clerc ou bourgeois, 1l ne convient pas dire qu’elle face mal ou qu’elle ne face le mielx : pareillement est en nostre propos. Tiercement je dis que pour ce tempz de grace et 3s pour ceste loy a laquelle RENENT estre amenéz touz autres peuples par baptesme, mariage n’est pas tant necessaire comme au commencement du monde ou en l’encienne loy, qui comprenoit seulement les Juifs.
32 a manque
P
MANUSCRIT
Paris, Bibliothèque Nationale fr. 607
MSS DE CONTRÔLE
Paris, Bibliothèque Nationale fr. 1178 London, British Library, Harley 4431
Il LA CITÉ DES DAMES
Le Livre de la cité des dames està la fois une vision et une «consolation» : c'est un genre traditionnel et savant qu'affectionna l'auteur dans sa maturité.
départ, la lecture Les Lamentacions d'autres traités de tine en elle-même
Le cadre est la «celle» de Christine
: le point de
d'un texte célèbre de la littérature antiféministe : de Mabieu le bigame. Ce livre, qui lui rappelle tant la tradition cléricale, fait chanceler la foi de Chris; d'abord tombée dans un état de «letargie», elle
se lamente sur la condition des femmes,
«en desprisant [soy] meis-
mes et tout le sexe femmenin». C'est alors qu'apparaissent trois dames éblouissantes de splendeur — Raison, Droiture et Justice —; elles se chargent de corriger une erreur aussi grossière, et d'aider Christine à édifier une «cité» destinée à la protection des femmes vertueuses. Raison rappelle tout d'abord le profond désaccord des philosophes sur de nombreux sujets, relevant chez Christine une certaine absence d'esprit critique : [3c]
s
Et il semble que tu cuydes que toutes les parolles des phillosophes soyent article de foy, et qu'ilz ne puissent errer. Et des pouettes dont tu parles, ne sces tu pas bien que ilz ont parlé en plusieurs choses en maniere de fable, et se veullent aucunes foiz entendre au contraire de ce que leurs diz demonstrent ? Et les puet on prendre par la rigle de gramaire qui se nomme antifrasis (qui s’entent, si comme tu sces, si comme on diroit : tel est mauvais, c’est a dire que il est bon,
aussi a l’opposite) : si te conseille que tu faces ton prouffit 10
de leurs diz et que tu l’entendes ainsi, quelque fust leur entente, es lieux ou 1lz blasment les femmes. Et par aventure
que celluy homme qui se nomma Matheolus en son livre l’en-
tendi ainsi, car maintes choses y a lesquelles, qui a la lettre
8 b. et aussi
188
CHRISTINE
DE PIZAN
tenir les vouldroit, ce seroit pure heresie.
is
3d
20
25
30
Et la vituperacion
que dit, non mie seullement luy mais d’autres — et meesmement Le Rommant de la Rose, ou plus grant foy est adjoustee pour cause de l’auctorité de l’aucteur —, de l’ordre de | mariage, qui est saint estat digne et de Dieu ordenné, c’est
chose clere prouvee par l’experience que le contraire est vray du mal qu'lz proposent et dient estre en ycelluy estat, a la grant charge et coulpe des femmes ; car ou fu oncques trouvé le mari qui tel maistrise souffrist avoir a sa femme que elle eust loy de tant luy dire de villenies et d’injures comme yceulx mettent que femmes dient ? Je croy que quoy que tu en ayes veu en escript, que oncques nul de tes yeux n’en veis. Si sont mençonges trop mal coulourees. Si te dis en concluant, chiere amie, que simplesce t’a meue a la present oppinion. Or te reviens a toy meismes ; reprens ton scens et plus ne te troubles pour telz fanffelues. Car saiches que tout mal dit si generaument des femmes empire les diseurs et non pas elles meismes. [L, üi]
15 nommie — 30 generraiment
La cité des dames, explique Raison, doit être édifiée «ou champ des escriptures». Mais avant de se mettre à l'ouvrage, Christine interroge son interlocutrice afin d'obtenir des éclaircissements sur l'intention des grands savants de la misogynie traditionnelle : [6b]
s
—Dame,
bien me souvient que cy devant m'avez dit, appli-
quant au propos de ce que plusieurs hommes ont tant blasmees et blasment generaument les conditions des femmes, que «l'or, plus est en la fournaise, plus s’afyne» (qui est a entendre que plus sont blasmees a tort, et plus croist le merite de leur gloire). Mais je vous pry, dittes moy pour quoy ce est, et dont vient la cause, que tant de divers otteurs ont
10 6c
parlé contre elles en leurs livres — puis que je sens de vous desja que c’est a tort — : ou se nature les y encline, ou se par hayne le font, et dont sourt celle chose. Lors | celle respond ainsi : — Fille, pour toy donner voye d'entrer plus en parfont, je
LA CITÉ DES DAMES
189
porteray hors ceste premiere hotee. Saiches que ce ne vient mie de nature, ains est tout au contraire ; car il n’est ou mon15
20
25
30
de nul si grant ne si fort liain comme est celluy de la grant amour que nature par voulenté de Dieu met entre homme et femme. Mais diverses et differenciees sont les causes qui ont meu et meuvent plusieurs hommes a blasmer les femmes, et meesmement les aucteurs en leurs livres, ainsi que tu l’as trouvé ; car les aucuns l’ont fait en bonne entencion, c’est assavoir
pour retraire les forvoyez hommes de la frequentacion d’aucunes femmes viccieuses et dissolues dont ilz pueent estre assotez, ou pour les garder que 1lz ne s’en assotent : et adfin que tout homme fuye vie lubre et luxurieuse, 1lz ont blasmees generaument toutes femmes pour leur cuidier faire de toutes abominacion. — Dame, dis je, adoncques pardonnez moy se je romps ycy vostre parolle. Doncques ont 1lz bien fait, puis que bonne entencion les y a meuz ; car l’entencion, dist on, juge l’omme. — C’est mal pris, belle fille, dist elle ; car ygnourance gras-
se ne fait mie a excuser. Se on te occioit en bonne entente et par fol cuidier, seroit ce dont bien fait ? Mais ont en ce faisant, qui qu'ilz soyent, usé de mauvais 35
droit
; car faire
grief et prejudice a une partie pour cuidier secourir a une autre n’est pas equité. Et de blasmer tous les meurs femenins au contiure de verité, si que je te monstreray par l’experience — poson que 1ilz l’ayent fait en entente de retraire les folz de follie —, est aussi que se je blasmoye le feu, qui est ellement tres bon et tres neccessaire, pour tant se aucuns s’i brus-
40
6d
45
50
lent, et aussi l’iaue pour ce se on s’y noye. Et semblablement se pourroit dire de toutes bonnes choses de quoy | on puet et bien et mal user ; toutes voyes ne les doit on pas blasmer pour tant se les folz en abusent. Et ce poins as tu toy meismes assez bien touchié autre part en tes dittiez. Mais vceux qui ainsi ont parlé habondantment, quelque fust leur entente. ilz ont pris leur propos sur le large pour seullement venir à leur entente, tout ainsi que fait celluy qui se fait taillier longue robe et large a meismes la grant piece de drap qui riens ne luy couste et que nul ne luy contredit : si prent et s’atribue l’autruy droit a son usaige. Mais, si comme tu as autreffoiz assez bien dit, se yceulx eussent quis les voves et les manieres de retraire les hommes de follie er de les garder que
CHRISTINE
190
DE PIZAN
ilz ne s’i enlassassent par blasmer la vie et les meurs de celles lesquelles se demonstrent viccieuses et dissollues, comme il ne soit chose en ce monde qui plus face a fouyr, a droite verité dire, que fait la mauvaise femme dissolue et perverse, si comme monstre en nature (qui est chose contrefaitte et hors de sa propre condicion naturelle, qui doit estre simple, coye et honneste), je consens bien que souverainement aroyent ediffié bon et bel ouvraige. Mais de blasmer toutes, ou tant
ss
6o
en a de tres excellentes, je te promés que ce ne vint oncques
de moy, et que en ce tres grandement faillirent ; et faillent tous ceulx qui les ensuivent. Si gittes hors ces ordes pierres breçonneuses et noires de ton ouvraige ; carja ne seront mises ou bel ediffice de ta cité.
[I, vin]
Après la construction des murailles extérieures, Droiture prend
la relève de Raïson ; c’est elle, en effet, qui doit présider à la construction à l’intérieur des murs. Les travaux se poursuivent au rythme des conversations : [42b]
Dame, je congnois certainement maintenant — et autreffoiz
s
l’ay apperceu — que grant est l’amour et la foy que maintes femmes ont eu et ont a leurs maris. Et pour ce je me donne merveille d’un langaige qui cuert assez communement entre les hommes — et meesmement maistre Jehan de Meun trop fort l’afferme en son Rommant de la Rose, et autres aucteurs
aussi le font —, que homme ne die a sa femme chose que il vueille celer, et que femmes ne se pueent taire. Responce : 10
— Amie chiere, tu dois sçavoir que toutes femmes ne sont
mie saiges, et semblablement ne sont les hommes. Par quoy se un homme a aucun sçavoir, il doit bien voyrement aviser quel scens sa femme a et quel bonté, ains que il luy die guaires chose que il vueille celler ; car peril y puet avoir. Mais IS
quant un homme
scent que il a une femme bonne, saige et
discrete, il n'est ou monde chose plus fiable ne qui tant le peust reconforter. Et que femmes fussent si pou secretes comme yceulx veullent dire, et encores a propos de femmes 6 fort manque — 15 scens
LA CITÉ DES DAMES
LC
amantes leurs maris, n’ot mie celle oppinion jadis a Romme 20
le noble homme
Bruttus, mari de Porcia (...) [II, xxv]
On cite de multiples exemples de femmes vertueuses et nobles. Maïs le paradoxe de la mauvaise réputation des femmes parmi les clercs est toujours présent à l'esprit de Christine ; il se pose ici sous un nouvel aspect : [574]
$
10
15
Quant toutes ces choses m'ot dame Droitture racompté, et
assez d’aultres que je laisse pour briefté (si come de Leonce qui fu femme grecque, laquelle ne voult oncques, pour tourment que on luy feist, encuser deux hommes dont elle estoit acointe, ains couppa sa langue a ses dens devant le juge adfin qu'il n’eust esperance que par force de tourmens luy faist dire ; et d’assez d’autres dames aussi me dist qui furent de constant couraige, que elles mieulx amerent boire venin et mourir que fleschir contre droitture et verité) ; et je luy dis aprés ces choses : —Dame, assez m'avez demonstré grant constance en couraige de femmes et toutes aultres vertus ; et tant que vrayement plus grant ne se pourroit dire de nul homme. Sy me merveil trop comment tant de vaillans dames qui ont esté — et de si saiges et de si lettrees, et qui le bel stille ont eu de
dictier et faire biaux livres — ont souffert si longuement sans contredire tant de horreurs estre tesmoingnees contre elles par divers hommes, quant bien savoyent que a grant tort es-
toit. 20
58a
25
Responce :
— Amie chiere, ceste question est assez legiere a souldre. Tu | puez veoir par ce que devant t'est dit comment les dames (dont je t’ay raconté cy dessus les grans vertus) occupoyent en diverses œuvres differanciees l’une de l’autre leur entendement, et non mie toutes en une meismes chose. Ceste œuvre a bastir estoit a toy reservee et non mie a elles ; car par leurs œuvres estoyent assez les femmes louees aux gens de bon entendement et de consideracion vraye, sans ce que autre escrip elles en feissent. Et quant a la longueur du temps
2 de manque — 9 je lui diray c. — 25 nommie
CHRISTINE
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30
35
DE PIZAN
passé sans estre contredis leurs accuseurs et mesdisans, je te di que toutes choses viennent bien a point et assez a heure au regart du long siecle. Car comment souffry longuement Dieux estre les heresies au monde contre sa sainte loy, qui a
si grant paine en furent estirpees ; et encores durassent, qui ne les eust contredittes et convaincues ! Ainsi est il de maintes aultres choses qui longuement sont souffertes, qui puis sont debatues et redarguees. De rechief, je Cristine dis a elle : —
40
45
so 58b
ss
Dame,
mout
bien dittes, mais je me
rens certaine que
maintes murmures naistront entre les mesdisans de ceste present œuvre ; car ilz diront que supposé que 1l soit voir que aucunes femmes ayent esté ou soyent bonnes, que toutes voyes ne le sont elles mie toutes, ne meismes la plus grant partie. Responce
:
— Que la plus grant partie ne le soyent, c’est faulx ; et par ce que devant t’ay dit de l'experience que on puet chascun jour veoir de leurs devocions et autres charitables biens et vertus, et que par elles ne viennent pas les grans horreurs et maulx que on faitau monde continuellement, est assez prouvé. Mais | que toutes ne soyent pas bonnes, quel merveille! En toute la cité de Ninive, qui tantestoit grande et bien puepplee, ne fu pas trouvé un bon homme quant Jonas le prophete y ala de par Nostre Seigneur pour la confondre, se convertie ne se fust ; n’en fu il encores moins en celle de Sodome, com-
me il y paru quant Loth la delaissa que le feu du ciel l’ardi; et nottes — qui plus est — que de la compaignie de Jhesu Crist, ou n'estoyent que douze hommes, sy en y ot il un tres mauvais. Et les hommes oseroyent dire que toutes femmes deus6o
sent estre bonnes, ou celles qui ne le sont que on les dove
tant lapider ! Maisje leur prie que ilz regardent en eulx meismes, et celluy seul qui sera sans pechié, si gette la premiere pierre. Mais eulx meismes, que devroyent ilz estre ? Certes Je dis que quant ilz seront parfaiz, que les femmes les en sui6s
ront.
[li, lin]
47 que en p. — 50 que ont f. — 55 non fu — m. de celle
LA CITÉ DES DAMES
193
En procedant oultre, je Cristine dis de rechief ainsi : — Dame, or passons oultre ycestes questions ; et yssant un petit hors des termes contenues jusques ycy, moult voulentiers vous feroye aucunes demandes, se je savoye que anuyer ne vous en deust pour ce que la matiere sur quoyje parleroye, quoy que la chose soit fondee sur loy de nature, ist aucunement hors de l’atrempement de raison. Et celle a moy respondi : — Amye, dis ce qu'il te plaira, car le disciple qui pour ap10
S&8c
15
prendre demande au maistre, ne doit estre repris se il enquiert de toutes choses. Dame, 1l cuert au monde une loy naturelle des hommes | aux femmes et des femes aux hommes, non mie loy faicte par establissements de gens, mais par inclination charnelle, par laquelle 11z s’entre aiment de tres grant et enfforciee amour par une folle plaisance ; et sy ne scevent a quel cause ne pour quoy celle amour l’un de l’autre en eulx se fiche. Et en ycelle amour qui est assez commune et que on appelle la vie amoureuse,
20
dient communement
hommes
que femmes,
quoy que elles promettent, y sont moult pou arrestees en un lieu et de pou d’amour,
et a merveilles faulces et faintes, et
que tout ce leur vient de la legiereté de leur couraige. Et entre les autres autteurs qui de ce les accuse, Ovide en son livre de l’Art d'amours leur donne moult grant charge ; et dit cel25
luy Ovide et semblablement les autres, quant assez ont blasmees sur celle chose les femmes, que ce qu’ilz en mettent en leurs livres — tant des meurs decevables d’elles comme de leurs mauvaistiez —, qu'ilz le font pour le bien publique et commun,
30
ad fin de adviser les hommes
de leurs cautelles
pour mieulx les eschever, si comme du serpent mucié soubz l’erbe. Sy vous plaise, chiere dame, m’aprendre de ceste chose le vray. — Amie chiere, quant est ad ce qu'ilz dient que si decevables soyent, ne sçay a quoy plus t'en diroye ; car toy meis-
35
mes
as assez
souffisantment
traittié la matiere, tant contre
celluy Ovide comme contre autres, en ton Epistre du dieu d'amours et es Epistres sur le Rommant de la Rose. Maïs sur
3 continues — 5 en manque — 27 tint d. m.
CHRISTINE
194
DE PIZAN
le point que tu m'as touchié (que ilz dient que pour le bien commun 40
58d
45
50
55
le firent), je monstreray
que pour ce ne fu ce mie.
Et voy cy la rayson : autre chose n’est bien commun ou publique en une cité ou pays ou communité de pueple | fors un prouffit et bien general ouquel chascun, tant femmes comme hommes, participent ou ont part. Mais la chose qui seroit faitte en cuidant prouffiter aux uns et non aux autres seroit appelé bien privé ou propre, et non mie publique ; et encores moins le seroit le bien que on touldroit aux uns pour donner aux autres. Et telle chose doit estre appellee non mie seullement bien propre ou privé, mais droitte extorcion faitte a autruy en faveur de partie et a son grief pour soustenir l’autre ; car 1lz ne parlent point aux femmes en elles avisant que elles se gardent des agaiz des hommes. Et toutes voyes est ce chose certaine que tres souvent et menu ilz deçoivent les femmes par leurs cautelles et faulx semblans. Et n’est mie doubte que les femmes sont aussi bien ou nombre du pueple de Dieu et de creature humaine que sont les hommes, et non
mie une autre espece ne de dessemblable generacion par quoy elles doyent estre forcloses des enseignemens mouraux. Doncquesje conclus que se pour le bien commun le faissent (c’est assavoir des deux 60
65
parties), 1lz eussent
aussi bien parlé aux
femmes que elles se gardassent des agais des hommes comme ilz ont fait aux hommes que ilz se gardent des femmes. Mais a laissier aler ycestes questions et en suivant l’autre (c’est as-
savoir que femmes ne soyent mie de si pou d'amour la ou leur cuer s’aplique), et que plus y sont arrestees que ilz ne dient, me souffira de le te prouver par exemple, produisant en tesmoing partie de celles qui jusques a la mort y ont perseveré. Et premierement te diray de la noble Dido, royne de Cartaige (...) [II, li]
39 1. fusse — 47 nommie
— 64 arrestee — 65 netes.
NOTES
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Wer vieles bringt, wird manchem etwas bringen, Und jeder geht zufrieden aus dem Haus. — Faust, Vorspiel auf dem Theater I 5 / 4 : maistre Jehan Johannez.
Le nom de famille de Jean de Montreuil — ou
Jehan de Monstereul, suivant une graphie peut-être plus authentique — était Charlin ; on ne sait à quelle ville rattacher le nom de Montreuil : l'hypothèse de Montreuil-sur-Mer, retenue par M. Potansky, est somme toute la plus probable, mais ce n'est toujours qu'une hypothèse (Der Streit um den Rosenroman [Münchener Romanistische Arbeiten, XXXIII], München, Fink, 1972, p. 36). Le surnom Johannes paraît avoir été choisi comme «une sorte de constatation permanente de sa qualité de clerc» : il a été retrouvé par A. Thomas dans un acte relatif à la succession
immobilière
du Prévôt (Le nom
et la famille de Je-
ban de Monstereul, «Romania» XXXVII [1908], p. 594-602 ; cf. A. COVILLE, Gontier et Pierre Col, Paris, Droz, 1934, p. 72-73).
5 / 6 : royne de France.
Sur les rapports entre Christine et la reine, voir les in-
dications données par S. Solente, Christine de Pisan, extrait de l'Histoire Litteraire de la France, Paris, Imprimerie Nationale-Klincksieck, 1969, p. 10-11 (cf.,
du même auteur, l'introduction au Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles
V, Paris, Champion
[SHF], 1936-1940, t. I, p. xxiii-xxiv).
La première
miniature du ms. Harley 4431 (British Library) a pour sujet la présentation de ce magnifique volume : elle met en scène la poétesse, Isabeau et les dames de la cour (reproduite dans Flowering of the Middle Ages, éd. J. Evans, New York, McGraw Hill, 1966, p. 146).
5 / 21 : chamberiere. ture»
Appellatif à prendre au sens strict, comme le mot «crea-
plus loin; cf. Ph. Aug.
BECKER,
Christine
de Pizan,
«Zeïtschrift
für
franzôsische Sprache und Literatur» LIV (1931), p. 123 (étude reprise dans Zur romanischen Literaturgeschichte, München, Francke, 1967, p. 511-40). 6 / 47
: creature.
D'après
L. Gay (On
the Language
of Christine
de Pisan,
«Modern Philology» VI [1908], p. 74), ce mot serait l’un des rares vocables empruntés par Christine à la langue italienne. ta 7 / 1 : noble chevalier. Sur Guillaume de Tignonville, traducteur des Placita philosophorum (les «Diz des philosophes» de Jean de Procida), voir E. EDER,
Tignonvillana inedita, «Romanische Forschungen» XXXII1 (1915), p.851-1022 (Guillaume de Tignonvilles Leben und Werken, p. 852-72). Eder ne connaissait ni la chronologie de Piaget ni l'édition Ward ;il a suivi F. Beck, qui semble avoir
198
NOTES
ignoré que l’année commençait à Pâques : «Da Tignonville in diesem Schreiben, das datiert ist à la veille de la chandeleur l’an 1401 oder 1407 schon als prévôt de Paris angesprochen wird, dieses Amt aber erst 6. Juni 1401 übertragen erhält, so geht daraus zweifelsfrei und deutlich hervor, dass das fraglich Datum zu lesen ist : à la veille de la chandeleur l’an 1407.» Cf. A. PIAGET, Chronologie des Epistres sur Le Roman de la Rose, dans Etudes romanes dédiées à Gaston Paris, Paris, Bouillon, 1891, p.116,et F. BECK, Les Epistres sur le Roman de la Rose, Neuberg, Griessmayersche Buckdruckerei, 1888, p. vi. Chevalier, conseiller
du roi, prévôt de Paris, président de la chambre des comptes, ayant de surcroît quelques titres à la science, tout semblait désigner en Tignonville le protecteur que cherchait Christine: il fut l’un des fondateurs de l’ordre «L’écu verd à la dame blanche» (11 avril 1400, n. st.) et figurait parmi les 24 ministres de la «Cour Amoureuse» (A. PIAGET, La Cour Amoureuse, dite de Charles VI, «Romania»
XX
L. LEVEL,
[1891 |, p. 427).
On peut consulter encore,
sur G. de Tignonville,
Guillaume de Tignonville, prevôt de Paris, «Positions des Thèses de
lPEColétdes Chartes»
8 / 31: bon droit.
#95
ps rEt
Expression proverbiale : cf. LE ROUX DE LINCY, Le Livre
des proverbes français,
Paris, Delahays,
1859, t. Il, p. 251 (proverbe recueilli
par Villon dans son Testament, strophe 79). 8 / 40 : en prose. Mis à part les «allégories» de L'Epistre Othea, les Epistres sus le Rommant de la Rose furent en effet les premiers textes en prose livrés au public par Christine (cf. S. SOLENTE, Christine de Pisan, p. 38-39). Elles marquent un pas — non décisif certes, car l’auteur ne délaissera jamais tout à fait la poésie légère — vers ce qui sera désormais sa maîtresse forme: le long traité à tendances moralisante et didactique.
Liv
9 / 9: theologie. Pour les travaux littéraires de Jean de Meun, voir le prologue de son Boëce, cité plus loin (p.121, note à l'alinéa 208). A l’époque de la querelle, personne ne songe à mettre en question l'authenticité du Testament,
qu'il
convient sans doute d’ajouter à cette liste. Plusieurs textes ont été faussement attribués au poète (cf. CHRISTINE
DE PIZAN,
certains ont été publiés par Méon,
à la suite de son édition du Roman de la
Epitre a PierreiCal
p 121);
Rose (Paris, Didot, 1814).
9 / 10: sachant.
Cette phrase traduit l'épitaphe d'Abélard
chronique dite de Guillaume Godel (Ch. CHARRIER, et dans la légende, Paris, Champion, 1933, p.374):
rapportée par la
Héloïse dans l'histoire
Est satis in tumulo, Petrus hic Jacet Abaelardus
Cui soli patuit scibile quidquid erat. Cf. Patrologie latine, t. CLXXVII,
10 / 43: trésor.
col. 103.
Le Trésor de Jean de Meun ou les sept articles de la foi est en
NOTES fait l’œuvre de Jean Chapuis (F. LECOY,
199 introduction au Roman
de la Rose,
Paris, Champion [CFMA |, 1965-1970, t. I, p. x). L'édition la plus récente est celle de Méon (Roman de la Rose, t. III, p- 331-95). Un manuscrit ayant ap-
partenu à Gontier Col a été signalé par Coville (Gontier et Pierre Col, p. 20203) ; 1l s’agit du ms.
B. N. Nouv.
Acq. fr. 6261 (Queux de Saint Hilaire), qui a
malheureusement subi d'importantes mutilations. 11 / 55: verite. Locution proverbiale : «Verité ne quiert anglez.» (J. MORAWSKI, Proverbes français antérieurs au XVE€ siecle, Paris, Champion [CFMA], 1925, n0 2468 : cf. Rose : «Car verité n’a cure d’angles» [v. 11404]; toutes nos citations renvoient à l'édition Lecoy).
11 / 56: grans autres occupations. Le 12 octobre une nouvelle charge incomba à Gontier : celle de général sur le fait des aides. Elle l’'empêcha peut-être — comme le croyait Coville — de tenir les promesses faites ici (Gontier et Pierre Col, p- 207). Sur les missions diplomatiques de Gontier pendant toute cette période, on pourra consulter l’article que nous avons rédigé en collaboration avec E. Ornato, Jean de Montreuil et le débat sur Le Roman de la Rose, à paraître dans la «Romania». 11 / 60: conseilliers. Au Parlement de Paris. Sur Jean de Quatremares, voir L. DOUET D'ARCQ, Choix de pièces inédites relatives au règne de Charles VI, Paris, Société de l'Histoire de France, 1863-1864, t. I, p. 162 ; F. AUBERT,, Le Parlement de Paris de Philippe le Bel à Charles VII, Paris, Picard, 1890, t. I, p2306,.378t. Hp: 175; S4T: NICOLAS DE BAYE, Journal; d'A Tuetey, ParsSocere de léisrome delkrance 1885-1888 EP bp 09 CAD NO 660), 15#Sun
en
cf. NICOLAS
PorchienNomAUBERT
11 / 61: secretaire. la «Cour
Et Ip 344376,
amoureuse»
p253341%;
Personnage qui figure parmi les 59 maîtres des requêtes de (PIAGET,
«Romania»
de Neauville, notaire et secretaire du roy»). SAINT-DENIS,
378%
DE BAYE, t. I, p. 378.
XX, p. 442 : «Maistre Guillaume
Voir aussi le RELIGIEUX
DE
Cronica Karoli sexti, éd. L. Bellaguet, t. Il, Paris, Collection de
Documents Inédits sur l'Histoire de France, 1840, p. 597. AY
13 / 56: leonime. Cf. E. DESCHAMPS, L'Art de dictier : «Et est ceste balade léonime, par ce qu’en chascun ver elle comporte sillabe entiere, aussi come do-
lente et presente, concepcion et constellacion.» (Œuvres complètes, éd. G. Raynaud,
t. VII, Paris, Didot
[SATF |, 1891,
p. 274, voir aussi E. LANGLOIS,
Recueil d'arts de seconde rhétorique, Paris, Imprimerie Nationale, 1892, p.249, 254). 13 / 61 : secrez membres.
Cf. Rose, v. 5507-08, 7081-82, 7086-87.
13/64:es choses. Le traité de Jean de Montreuil paraît avoir mis à profit, comme le fera plus tard Pierre Col, plusieurs arguments avancés par les person-
200
NOTES
nages du roman ; ainsi Raison : «Biaux amis, je puis bien nomer, / sans moi fere mal renommer, / apertement par propre non / chose qui n’est si bone non.» (v. 6915-19 ; cf. 6926-30). On pourra voir, sur cette question, notre étude sur The «Querelle de la Rose» in the Roman de la Rose, «Les Bonnes Feuilles» (The Pennsylvania State University) II (1974), p. 154 et suiv. 14 / 77 :meretrix.
Matth. XXI, 31 :«Meretrices praecedent vos in regnum Dei»;
Luc., XV, 30 : «Devoravit substantiam suam cum meretricibus.»
14 / 86: mains lieux.
Christine songeait, entre autres, à cette parole de saint
Paul: «Les paroles mauvaises courrompent les bonnes meurs», citée par elle, peut-être d’après les Flores chronic., dans Le Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V (éd. Solente, t. I, p. 85, n. 4 ; cf. I Cor., xv, 33).
14 / 88 : reliques. Cf. Rose, v. 7078-86 : «je te di devant Dieu qui m'ot, / se Je, quant mis les nons aus choses / que si reprendre et blasmer oses, / coilles reliques apelasse / et reliques coilles clamasse, / tu, qui si m'en morz et depiques, / me redeïsses de reliques / que ce fust lez moz et vilains.» Sur la portée idéologique du passage, voir D. POIRION, Les Mots et les choses selon Jean de Meun, «L'Information
APS
Littéraire»
tr ucerenr
26 (1974), p. 7-11.
ACMGen
ALP
SENTE
Dans somépitrePiemelGoi
Christine donnera plus d’ampleur à cet argument (p. 118 ; sur la pudeur naturelle comme conséquence de la chute, voir le traité de Gerson, infra, p. 84 / 620-22,
et la note).
14 / 96: fille de Dieu. Rose, v. 5783-87 ; cf. 6929. Sur Raison «fille de Dieu» et le rationalisme de Jean de Meun, voir Pierre-Yves BADEL, dans Mélanges
de langue et de litterature du moyen age et de la renaissance offerts à Jean Frappier, Genève, Droz, 1970, p. 41-52. 14/ 100 : deceuz. Cf. Rose, v. 4369-71. 15 / 109: la Vieille.
Rose, v. 12710-14516.
15 / 116: Jalousie. Le discours du mari jaloux (v. 8437-9330) est imbriqué dans celui d'Ami (v.7251-9972) ; c'est un portrait «par le contraire» des amours idylliques de l’âge d’or. 15 / 124: Jheremie.
Les partisans de la Rose ont souvent exposé cet argument;
toutefois le nom de Jérémie n’est cité dans aucun des documents actuellement connus. 15
MS
Genius
"RoOSeNM190475 20627:
15 / 133: faillies. Il faut se rappeler que le maître à penser de Jean de Meun est, dans tout ce passage, Alain de Lille, auteur d’un traité contre les hérétiques de son temps, en premier lieu les Cathares. A l’époque de Christine, l’hérésie
NOTES
201
inverse semble avoir fait plus grande impression sur les esprits : voir les allusions aux Turlupins, dans la suite de la querelle (GERSON, DA62 193818 CHRISTINE, p. 145 / 969). 16/ 152:
sauvez.
Rose, v. 20597-629.
17 / 170 :office. Le dialogue entre Nature et Genius comporte en effet un passage d'une misogynie remarquable, qui pour traditionnelle qu’elle soit, n’en est pas moins féroce (v. 16293-676)
est censée réconforter Nature,
; cette diatribe contre
l’inconstance
féminine
«dolente», car «il est voirs que fame / legiere-
ment d'ire s’anflame.» (v. 16293-94) 17 / 173:
serpent.
Citation
inexacte, ou peut-être simple allusion (cf. Rose,
v. 16548-86) : ce passage, comme tant d’autres du genre, traduit une «sentence» proverbiale (VIRGILE, Buc., IN, 92-93). Gerson la reprendra à son compte dans son troisième sermon de l’Avent 1402 (Poenitemini III; Œuvres complètes, éd. P. Glorieux, t. VII*, Paris, Desclée, 1969, p. 826 : «Si la descouvreray, l’or-
de beste et la venimeuse serpente qui se cache en la vert erbe de plaisance mondaine (...)» On la retrouve également dans le Jardin amoureux, ouvrage parfois attribué à Gerson, mais qui en en fait de Pierre d’Ailly (voir P.-Y. BADEL, Pierre d’Ailly auteur du Jardin Amoureux (article à paraître dans lax«Romania») :
cf. OC, éd. Glorieux, t. VII, Paris, 1966, p. 151.
Christine se souviendra encore
de ce passage injurieux dans la Cité des Dames (voir notre appendice II, p.190). 17 / 180: secret.
17 / 185 : accusez.
Rose, v. 16317-676.
Cf. Epistre au Dieu d'amours (Œuvres poétiques de Chris-
tine de Pisan, éd. M. Roy, Paris, Didot, 1886-1896 [SATF|,t. II, p. 21) : «N'occient gent (...) / et ne portent domage / Aux royaumes, aux duchiez, n’aux empires; / Mal ne s'ensuit gaires, meismes des pires.» (v. 645, 650-52)
17/ 189: le plus seur.
La discrétion courtoise est un thème de prédilection
dans l’œuvre de Christine ; on retrouve celui, moins nuancé, de la prudence élé-
mentaire dans les Enseignements moraux rédigés à l’intention de son fils : «Ton secret a nul ne reveles / Sans achoison, n’autrui nouvelles / Ne gehis quant de riens ne sert, / Car qui se descuevre il s’assert.»
(OP, éd. Roy, t. HI, p. 37)
17 / 197: dictié. «Comment femme peust homme decevoir : / Ne la va pas cerchier ne querir, / ne sus son lieu prier ne requerir, / Ne pense a lui, ne ne luien souvient, / Quant decepvoir l’omme et tempter la vient.» (Epistre au Dieu d'aMOUrS
OPAÉdIRoY, CAL D M2 851055)
18 / 210 :generaument. Accusation lancée de tout temps contre les satiriques ; cf. plus loin le traité de Gerson, p.77 / 453-60. Voir la défense que le poète a faite par anticipation aux vers 15165-212. Il est d’ailleurs inexact que l’auteur accuse toutes les femmes «sans excepcion», puisque le Jaloux n’a que louanges pour Héloïse : «Mais je ne croi mie, par m'ame / c'onques puis fust nule tel fame.» (v. 8795-96)
202
NOTES
18 / 223: fuir. Leçon consignée, comme il se doit, dans les Enseignements moraux : «Cest enseignement tiens et notes / De nyce femme ne t'assotes / Se tu veulz amer par amours, É HPp 340 XETV)
/ Car pis en vauldroient
tes mours.»
(OP, éd. Roy,
19 / 238 : anciennes histoires. Plus encore que de la Bible, il s’agit de L'Histoire ancienne jusqu'à César, texte que Christine connaissait fort bien ; voir P. C. G. CAMPBELL,
L'Epistre d'Othéa à Hector, étude sur les sources de Christine de 1924, p. 87-89 ; Le Livre de la Mutacion de Fortune,
Pisan, Paris, Champion,
éd. Solente, Paris, Picard (SATF), 1959, et surtout ce passage célèbre de L'Avision Christine (éd. M. Towner, Washington, D.C., Catholic University, 1932,
p. 163): «(...) comme l'enfant que au premier on met a la. b. c. d. me pris aux hystoires ancienes des le commencement du monde / les hystoires des Hebrieux / des assiriens et des principes des seigneuries / procedent de lune en lautre descendant aux rommains / des francois / des bretons et autres plusieurs hystoriografes.» Sur cet ouvrage, voir P. MEYER, «Romania» XIV (1885), p. 1-85. Christine paraît avoir utilisé les deux rédactions (cf. l’allusion à la pomme
d’or,
dans son épître à Pierre Col, p. 128, et la note) : les passages qui correspondent au livre de la Genèse (Sarah : Gen., XVII-XXII, passim ; Rébécha : Gen., XXIV, 15-61), au livre de Judith et a celui d’Esther ne se trouvent que dans la pre-
mière rédaction (S.SOLENTE,MPF,
t. I, p. Ixviü-Ixvix, Ixx1). Cf. ms. B. N. fr. 246
(provient de la bibliothèque du duc de Berry) : Sarah :fol. 10 r0-v9 ; Rebecha : fol. 16 v°, 18 vo ; Judith : 82 vO-84 r0 : Hester : 87 v0-89 r0. Exemples repris dans la Cite des dames, X1, 31. Allusions à Judith dans la Mutacion de Fortune, Le Ditié de Jeanne d'Arc, et Le Livre de la Paix (éd. C. Willard, ’s-Gravenhague, Mouton, 1958, p. 123, 144). 19 / 242: la saincte devote royne. Jeanne d'Evreux (1310-1371), troisième épouse de Charles IV. Louée dans la Cite des dames («Tu veys en ton enfance la noble royne Jehanne (...)» et dans Le Livre des trois vertus «(...) tous les jours se levoit avant jour (...) pour dire ses heures» ; cf. Fais et bonnes meurs,
éd. Solente, t. I, p. 54-55, n. 2. Ne pas confondre avec «la royne Jehanne de Bourbon», également rapvelée dans les Fais et bonnes meurs (ibid.), ni avec la reine de Naples Jeanne père. dont il est question ailleurs (Mutacion de Fortune, v. 23393-41a; Le Livre du chemin de long estude, éd. KR. Püschel, Berlin, Damhôhler, 1881, v. 3653-70).
19 / 242: la royne Blanche. Blanche de Navarre (1331-1398), deuxième épouse de Philippe VI. Louée également dans la Cité des dames et Le Livre des trois vertus: cf. Fais et bonnes meurs, éd. Solente, t. I, Hans 19 / 243 : la duchesse
d'Orliens.
Blanche
de France
2x
(1328-1393),
épouse de
Philippe d'Orléans, fille posthume de Charles IV et de Jeanne d'Evreux. Cf. Cité des dames :«Et bien lui ressembla sa noble fille, qui fu mariee au duc d'Orliens, filz du roy Phelippe, laquelle, en sa vesveté, ou elle fu par long temps, maintint justice en son pays si droiturierement que plus ne pourroit estre fait.» Exemple repris dans Le Livre des trois vertus : cf. Fais et bonnes meurs, éd. Solente, t. II,
D 122 154
NOTES
203
19 / 246 : ma dame de la Ferte. Jeanne de Chastillon, troisième fille de Gaucher
de Châtillon, dame du Rosay en Thiérache, épousa Pierre de Craon, seigneur de Sablé et de La Ferté-Bernard. Selon l’Anonyme de Charles VI, ce fut «une fille très belle». On la trouve à la fameuse fête de Saint-Denis, en 1389 (M. THI-
BAULT, /sabeau de Bavière, Paris, Didier, 1903, p.433). En 1410, elle intenta un procès contre Louis II et Marie de Bretagne, pour récupérer une partie de ses biens, confisqués après l'attentat contre Clisson ; on la signale comme
décédée en 1433.
A. DU CHESNE,
1621, IX, 564; P. ANSELME, France, Pans
1726-1733;
étant
Histoire de la maison de Chatillon, Paris,
Histoire genéalogique de la maison royale de
VbLip: 125 st WI) ps572.
20 / 262: proverbe. Cf. LE ROUX DE LINCY, t. Il, p. 324 : «La fin fait tout.» (Proverbes communs)
; t. II, p. 293 ; MORAWSKI,
20 / 262: honteuse conclusion. termine le roman
(v. 20767-80
21/313:triumphans.
n°0 44.
I] s’agit du pèlerinage de l’Amant par lequel se ,21553-72
;,21553-712).
Dans Le Livre du corps de Pollicie, Christine revient sou-
vent sur le sens du bien public chez les Romains
(éd. R. Lucas, Genève, Droz,
1967, p. 33, 34, 73, 89, 111; cf. Le Livre de la Paix, éd. Willard ; Chemin de long estude, éd. Püschel, v. 4950-63). La source ici paraît être la traduction de
Valère-Maxime
due à Simon de Hesdin et Nicolas de Gonesse (ca. 1375) : «En
ceste partie Valerius declaire encore une condicion laquelle il convenoit ainçois qu'on feust receus a triumph. Car il convenoit que la victoire eust esté d’ennemis estranges (...) Car ja fut il qu'il convenist a la foiz combatre ceulx de Romme les uns aux autres pour le bien de la chose publique (...) toutesfoiz ne fut oncques donné triumph pour telle victoire (...)» (ms. B. N. fr. 282, fol. 123 r0).
21 / 320: mirouer. Cette phrase du traité perdu sera reprise dans l’épître Ut sunt mores, qui dénonce précisément la publication du dossier par Christine («romantium
huiusmodi,
quod potius vite humane
speculum dici debet») : voir
notre texte, p. 44/ 37-39 et 45 ; cf. éd. Ornato, pièce 154, p.221. 22 / 334 : auttentiques. Sur le sens de ce mot, technique, voir G. PARÉ, Le Roman de la Rose et la scolastique courtoise, Paris, Vrin-Ottawa, Institut d’Etudes Médiévales, 1941, p.23-25. («Une science authentique est une science qui
a reçu une sorte de reconnaissance officielle et qu'on enseigne dans les écoles.») 22 / 342 : malade.
Cf.
OVIDE,
Am.
IIL, iv, 17-18 :
Nitimur in vetitum semper cupimusque negata ; Sic interdictis inmanet aeger aquis. I, vi
23/6: son amy. Texte biblique corrompu: ethnicus et publicanus»). 24 / 32: singulier.
cf. Matth., XVIII, 16-17 («sicut
Cet usage, qui constitue effectivement une innovation de la
204
NOTES
part des humanistes,
est préconisé à plusieurs reprises par Jean de Montreuil
(éd::Ornato, pièces 126150154162;
170;p1186/217221;2452060277);
On avait cru le vouvoiement instauré sous le règne de César : c’est à une mauvaise lecture de Lucain (Phars., V, 385-86), appuyée par le commentaire qu'en faisait Jean de Salisbury (Polycr.,
II, 10), que remonte cette erreur. Le nouvel
usage fut connu de Jean de Montreuil dès 1384 ; il l’avait appris du chancelier de Florence Coluccio Salutati (éd. Ornato, pièce 108, p. 162), qui le tenait lurmême
de Pétrarque (Fam.,
XXIII,
14; Rer. sen., XVI, 1). Voir, sur toutes ces
questions, G. OUY et G. BILLANOVICH, La Première Correspondance échangée entre Jean de Montreuil et Coluccio Salutati (I: G. BILLANOVICH, Lettera del Salutati a Giovanni di Montreuil), «Italia Medioevale e Umanistica» VII
(1964), p. 340-43 ; texte de l’épiître : p. 347-50. Cf. E. ORNATO, Jean Muret et ses amis Nicolas de Clamanges et Jean de Montreuil (Hautes Etudes Médievales et Modernes,
6), Genève-Paris, Droz, 1969, p. 22-23.
I, vi
25 / 22: passionne. Christine semble s'être rappelé cette remarque, ou d’autres analogues, lorsqu'elle écrivit, au début du Livre du corps de Pollicie : «Se il est possible que de vice puist naistre vertu, bien me plaist (...) estre passionne comme femme.»
(éd. Lucas, p. 1)
Il, ép. 103 28/2: pater mi. Destinataire probable, Pierre d’Ailly. Voir notre introduction,
p. xxvi, n. 9. On a également proposé Antoine de Chalant, archevêque de Tarentaise —
mais
non
de Châlons,
comme
l'écrit P. Potansky
(Der Streit
um
den
Rosenroman, p. 66 ; cf. COMBES, Jean de Montreuil, p. 551), ainsi que le cardinal de Florence. Mais Jean de Montreuil ne semble avoir connu ce dernier qu’à l’occasion à A. Adimari).
du Concile
28 / 2 : rumorum dictator. voir RELIGIEUX
de Constance
(1414 : peut-être Combes
songeait-il
Sur l'ambassade de Jean de Montreuil en Allemagne,
DE SAINT-DENIS,
t. II, p. 764, 766 et suiv.
Cf. éd. Ornato,
pièce 114, p. 171-72 ; pièce 117, p. 174-77, et HICKS / ORNATO, Jean de Montreuil et le debat sur Le Roman de la Rose.
28 / 13: thesaurarium.
Il s'agit de N. de Clamanges, nommé
à ce bénéfice le
22 juin 1398 (N. VALOIS, La France et le grand schisme d'occident, Paris, Picard, 1891-1902, t. III, p. 271, n. 1) : il dut entrer en fonctions dès le mois d'octobre de la même année (E. ORNATO, Jean Muret et ses amis..., p. 50-52).
A. Combes a consacré un sous-chapitre à Nicolas de Clamanges trésorier de Langres et la chronologie du débat sur Le Roman de la Rose (Jean de Montreuil, p. 196-207) ; cette discussion n’aboutit qu’à une suspension de jugement. Cependant la chronologie des interventions gersoniennes, la tradition manuscrite, une
allusion
à la querelle,
enfin dans la Cite des dames
(1405), démontrent
l'exactitude de la chronologie admise, et permettent de trancher, sur d’autres bases, la question de la date à laquelle Clamanges accéda à sa charge.
NOTES
28 / 17: plaudite.
205
Formule par laquelle se terminent certaines comédies de Té-
rence (Eun., Heaut., Phorm.).
IL'ép: 118 28 / 1: vtr acutissime. Destinataire inconnu. Il est probable que cet avocat et celui de l’épître 122 ne sont qu’un seul et même personnage. Voir notre introduction, p. XXXVIiI-XXXIX.
30 / 17: quo pignore. VIRGILE, Buc., II, 31 : «tu dic mecum quo pignore certes», et 49 :
«Numquam hodie effugies, veniam quocumque
vocaris.»
30 / 21: motus altunde. Mêmes précautions, ou plutôt imprécations, chez Gontier Col, dans sa première épiître à Christine, supra, I, iv (p. 10/38). 30/25 :1n fornace.
Prov., XXVII, 21:
Il, ép. 119 30 / 1 : pater reverende.
tre 121 : cf. HICKS de la Rose. 30 / 7:odium.
Destinataire inconnu, auquel s'adresse également l’épi-
/ ORNATO, Jean de Montreuil et le debat sur Le Roman
Cf. TÉRENCE, And., 68 («Veritas odium parit»).
Il, ép. 120 32 / 1: magister.
A Gontier Col.
Cf. JEAN DE MONTREUIL,
Epist. 103 / 4,
et notre introduction, p. XXXIX. 32/ 8: hereticum. Il n’est pas établi que cette accusation émane de Gerson : l’allusion à l’hérésie pélagienne faite par celui-ci dans son épître Talia de me (hiver 1402-1403)
serait, de toutes façons, sans utilité pour la datation de l’épi-
tre : dès le 25 août 1401, le chancelier s'était attaqué aux Turlupins, hérétiques béghards, tout en condamnant certaines propositions du Roman de la Rose (sermon Considerate lilia, OC, éd. Glorieux, t. V, Paris, Desclée, 1963, p. 163; cf. POTANSKY, Der Streit um den Rosenroman, p. 165 ; COMBES, Jean de Montreuil, p.139-42).
32 / 15: quamobcausam. 64. 32 / 22:
ignem.
Argument emprunté au Roman de la Rose, v. 15128-
Cette phrase se rencontre
chez Christine de Pizan, supra, I, v
(p. 21 / 318-19) ; pensée analogue dans divers écrits de Gerson: 2530-31): V (p: 1724197-98)sappendice
32 / 23 : inexpiabili scelere.
II, 1 (p.68/
f, Poenitemini IV (p.182 / 68-69).
La suite du paragraphe est adaptée des Divinae In-
stitutiones de Lactance (V, I, 1, et suiv. ; passage cité en entier, éd. Ornato, pièce
206
NOTES
120, p. 181). 31 : «Et inimici nostri sunt iudices.»
Cf. Deut., XXXII,
34 / 37: inimici.
contexte
analogue (Historia calamitatum,
Le
citait déjà ce passage dans un sens
biblique est autre, mais Abélard
éd. J. Monfrin, Paris, Vrin, 1967, p. 84/ 734).
Jean de Montreuil possédait un exemplaire de la correspondance des amants célèbres :Coluccio Salutati lui en demanda communication dans son épître du 2 juillet 1395 (Epistolario di Coluccio Salutati, éd. F. Novati, Roma, Forzani, 1891-1911, t. IV, p. 76) ; cf. épitre du 14juillet :«Gaudeoque nomen ejus, qui nesciebatur in Gallia, tibi forte et multis aliis renovasse; quod Italis etiam tradam» (p. 146). L'’exemplaire unique de la traduction attribuée à Jean de Meun,
le ms. B. N. fr. 920, provient également du cercle des humanistes ; il est de la main de Gontier Col (C. BOZZOLO,
L'Humaniste Gontier Col et la traduction
française des Lettres d'Abélard et Héloïse,
«Romania»
XCV
[1974], p. 214-
15). Il existe, dans l’épître de Pierre Col à Christine de Pizan, toute une série de
citations qui semblent être puisées à cette source.
34 / 46: superficietenus.
Ce passage évoque les remarques faites par Christine
au début de son épître à Jean de Montreuil, supra, I, v (p. 13 / 48) ; il convient
cependant de rappeler la banalité des circonstances : l'embarras des censeurs à justifier leur connaissance des textes est un phénomène courant.
34 / 62: veritatis inimici. valuit adversus eum.»
Cf. Ps., XII, 5: «Ne quando dicat inimicus meus prae-
Il, ép. 121 36 / 3: modicus magno.
L'hyperbole était d'usage dans la rhétorique épisto-
laire : mais cf. le début de la première épiître d’Héloïse à Abélard (éd. Monfrin,
p- 117-18 / 5-8), qui constitue peut-être une source lointaine. 36 / 9: Claudianus.
Carm.,
VII,
263:
«In peiora datur,
suadetque licentia
luxum.»
36 / 11: linguam in fronte.
Sur cette expression, que l’auteur attribue ailleurs
à saint Jérôme, voir éd. Ornato, DZ 36 / 16: epistolam.
ORNATO,
nes
Il s'agit sans doute
de l’épitre
suivante
(voir HICKS
Jean de Montreuil et le débat sur Le Roman de la Rose).
36/ 25 : egritudine.
Heaut., 505-06.
Il, ép. 122 38/2:scribendifons. 38/5:mutire.
Cf. HORACE, Ars poet., 309.
Cf. TÉRENCE, And., 505.
38 /8\:1n eternuri.
Ps, .CXNI "2:
NOTES
38 / 8: falsa non durant.
207
Cf. SÉNEQUE, Ad Lucil., CXX, 19.
587027 : calcaria. Il s’agit, comme l’a bien vu Combes, de chevaliers (Jean de Montreuil, p. 40, n. 1); Christine fera également allusion à ses alliés dans le camp des «chevaliers et nobles» (Epitre à Pierre Col, p. 146 / 995-97).
38 / 29 : cum Marone.
38/32;
coma.
Georg., IV, 218 et Aen., XI, 647.
Pour l'interprétation que nous donnons, voir COMBES, Jean
de Montreuil, Pp- 41, n. 3; cf. M. HUBERT, Le Vocabulaire de la ponctuation, «Archivum Latinitatis Medii Aevi» 38 (1972);7m+5 71674
38 / 35 : Delictum meum. 40 / 40 : psalmista.
Ps., XXXI, 5.
Ps., CXVIII, 162.
Il, ép. 152 40 / 1 : ligatura. tre introduction,
Il s'agit sans doute des «Proverbes», opuscule perdu. Voir nop. xl, n. 74, et HICKS
/ ORNATO,
Jean de Montreuil et le
debat sur Le Roman de la Rose.
Il, ép. 154 42 / 2: vir insignis. œuvre
poétique,
Destinataire inconnu.
les noms
Jean de Montreuil,
de Deschamps
p. 166).
on a avancé, d’après l’allusion à son et de L. de Premierfait
Le vouvoiement
(COMBES,
paraît exclure ce dernier, mais
rien ne s'oppose au choix de Deschamps : le poète était au service de la maison d'Orléans, et a pu assister à la fête remémorée par Christine dans Le Dit de la Rose (voir la liste dressée par M. Roy, dans ses notes aux Œuvres poétiques, t. II, p. 306). On a également songé à Honoré Bouvet Jean de Montreuil et le débat sur Le Roman de la Rose).
(HICKS
/ ORNATO,
42 / 9: refert Cicerc. Cf. De nat. deor., 1, 93 («meretricula etiam Leontium contra Theophrastum scribere ausa est»). Mais Jean de Montreuil cite d’après Pétrarque : voir l'édition Ornato, pièce 154#1p. 222;n1! 42 / 18: o tempora. Phrase souvent reprise par Cicéron : Verr., IV, 56 ; In Cat., I, 2 ; Pro domo sua, 137 ;,Pro deiot., 31. 42 / 19: ait Therencius.
42 / 27: satirici.
And., 937.
Cf. HORACE, Ars poet., 9-10: Pictoribus atque poetis quidlibet audendi semper fuit aequa potestas.
44/35:
osloquentium.
44 / 35 : Livii sententiam.
Ps., LXII, 12.
Ab urbe cond., XXXV,
10,5.
NOTES
208
44 / 46 : ad continuationem speciei.
Jean de Montreuil vise peut-être Gerson ;
cf. PIERRE COL, au début de son épître à Christine (p. 92 / 110-28).
44 / 48 : ait Petrarcha.
Sen., XVIII, 3 (lettre à Boccace avec traduction de Gri-
sélidis) : «qui, quidquid ipsi vel nolunt vel nesciunt vel non possunt, in alis reprehendunt.» 44 / 59: Johanni Venatoris.
Pierres-Yves Badel me signale, dans le Chartula-
rium universitatis parisiensis de Denifle et Chatelain (t. II, p. 265), un «Johan-
nes Venator de Bosco Leporino», ainsi que des références à un homonyme (?), docteur et logicien, relevées dans un article récent de J. Monfrin («Bibliothèque
d'Humanisme et Renaissance» 29 [1967], p. 467) : malheureusement, ces données ne sont pas assez claires pour identifier notre poète.
JTE,
60 / 42: le Fol Amoureux.
Cf. Rose, v. 7181-82 : «Et se je sui fols, ne vos
chaille : / je veill amer, conment qu'il aille (...)»
61 / 46: Honte, Paour et Dangier.
Personnages du roman de Guillaume de
Lorris, hostiles à l’entreprise de l’Amant,
la garde devant le château de Jalousie.
et qui, avec Male Bouche,
montent
Premières apparitions : Honte et Peor,
v. 2820 ; Dangier, v. 2811.
61 / 49: Vielle. Ce personnage, qui ne joue qu’un rôle réduit chez Guillaume (v. 3902-08), occupe la scène pendant plus de 2000 vers chez Jean de Meun (v. 12355-14688). Les thèses relevées ici ne constituent pas un résumé systématique de ses doctrines : elles paraissent renvoyer plutôt à quelques passages violents qui se succèdent de près, et qui auraient particulièrement frappé l’esprit de Gerson (v. 13007-30 ; 13089-133
61 / 60: par les dis.
; 13559-70).
Le mari jaloux est effectivement le personnage le plus pé-
dant de tout le roman. Son discours réunit, dans l’ensemble, les lieux communs d’un antiféminisme clérical. On y relève, parmi les «dis d’aucuns [des] adver-
saires» de Chasteté, des citations de Théophraste, de «Valerius» (Gautier Map?), de Juvénal, de Tite-Live, du «rois Phoroneüs»,
et Aristote.
d'Abélard et Héloïse, de Boëce
Le conseil de se «pandre ou se noyer» (v. 8704-14) est emprunté
à Juvénal (Sat. VI, 28-32).
Sur les antécédents de ce discours, voir la mise au
point récente de J. Batany, Approches du «Roman de la Rose», Paris, Bordas, p. 55-69 (La Satire du mariage). 61/67:religion.
Cf. Rose, v. 13937-14060.
61 / 72: paroles luxurieuses. Venus : v. 20681-752 ; «Cupido» : v. 10719-856 ; Genius : v. 19475-20637 ; narration au nom de l’Amant : v. 21316-712. 62 / 81 : goliardement.
Cf. Rose, v. 6913-48.
NOTES 62 / 87: choses saintes.
209
Allusion au «parc» de Genius, offert par celui-ci en
contre-partie au Jardin de Déduit chez Guillaume ; les «paroles tres dissolues» sont celles qui prêchent l’accomplissement des «œuvres de Nature» (v. 19497722). 62/91:loyer.
Voir surtout les vers 10503-08.
62 / 95 : toutes manieres.
Il est dit, en effet, au vers 21521, «qu’il fet bon de
tout essaier». Ce passage, qui traite surtout de l’amour des femmes âgées, voue à l'ignorance ceux qui se refuseront à «gloser» par le contraire les différents objets de leur connaissance (v. 21532-52).
62/ 98 : en sa personne.
Cf. CHRISTINE, p. 20 / 262, et la note.
63 / 104: paindre. Langlois affirme que les manuscrits du Roman de la Rose ayant des miniatures obscènes sont extrêmement rares (Le Traité de Gerson contre Le Roman
de la Rose, «Romania» XLV
[1918-1919], p- 32) ; sans doute
s'agit-il de s'entendre sur la notion d’obscénité. On pourra voir, dans l’ouvrage récent de John V. Fleming, des reproductions d’un manuscrit contemporain assez curieux (The Roman de la Rose: A Study in Allegory and Iconograpby, Princeton
University Press, 1969, pl. 22, 27, 33, 41, 42 ; Bibliothèque Univer-
sitaire de Valence, ms. 387). Gerson reprend la question des enluminures indécentes dans son épître latine à Pierre Col (p. 162 infra / 14), dans les sermons de la série Poenitemini (notre appendice I, p. 179 / 11; p. 183 / 75), et dans l’opuscule ayant pour titre : Expostulatio ad potestates publicas, adversus corruptionem juventutis per lascivas imagines et alia bujusmodi, dans Jobannis Gersonii Opera omnia, éd. E. Du Pin, Antwerpiae, 1706.
63 / 107: miel. Expression proverbiale. Cf. H. WALTHER, Lateinische Sprichwôrter und Sentenzen des Mittelalters in alphabetischer Anordnung, Gôttingen, Vandenhoeck
& Ruprecht,
melle venenum.»
1963-1969,
n0 15558 : «Multoties latitat sub dulci
La source paraît être Ovide : «Impia sub dulci melle venena
iacent.» (Am., I, viii, 104)
63/ 113: estudié. On pourra voir, sur le pédantisme de Jean de Meun, notre thèse :Le Visage de l'antiquité dans le Roman de la Rose, Yale U., 1965 (Dissertation Abstracts, t. XXVI, col. 2182-83).
63 / 124 : le bault pas. Jean de Meun est mort entre le 27 mai et le 6 novembre 1305. Voir A. THOMAS, La Date de la mort de Jean de Meun, dans Comptesrendus de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, 1916 (24 mars), p. 13840 ; cf. éd. Lecoy, t. I, p. viii. 64 / 133: vanité. IV: pal);
C'est le vers 5 du Testament (Roman de la Rose, éd. Méon,
64 / 136 : tous estas. Honoré Bonet — qui s'appelait en réalité Bouvet (G. OUY, Honoré Bouvet, appelé à tort Bonet, «Romania» LXXX [1959], p. 255-57 —
NOTES
210
souligne cet aspect de la réputation du poète dans L'Apparicion maïstre Jehan de Meun (Publications de la Faculté des Lettres de l’Université de Strasbourg, 28), éd. I. Arnold, v. 21-26 : «Et se je fusse com jadis, / Je deïsse bien mon advis / Au monde plain d’iniquité, / De tricherie, de faulseté, / Se ne laissasse
pour mourir / De dire le vray sans mentir.» C’est ce qu’entend également Christine, dans un autre registre toutefois, lorsqu'elle le traite de «diffameur publique» (p. 26 supra / 62 ; cf. infra, p. 136 / 691). 64 / 138: lung des plus avisés. D'après Combes, ce plaidoyer serait le résumé du traité perdu de Jean de Montreuil (Jean de Montreuil, p.110-16) ; hypothèse recueillie et reprise par L. Mourin, Jean Gerson, prédicateur français, Brugge, de Tempel, 1952, p. 134.
Cf. P. POTANSKY, Der Streit um den Rosenroman,
p. 57-65. Voir notre article : The Quarrel of the Rose in the Roman de la Rose,
p. 153-54.
64 / 142: le prophete.
Ps., XI, 1 (LIL, 1) : «Dixit insipiens in corde suo : Non
est Deus.»
64 / 146: condiccion.
L'érudition moderne a également fait appel à cet argu-
ment pour «excuser» l'auteur, voir L. FRIEDMAN, nism and «Bourgeois Realism»,
«Modern
«Jean de Meun», Antifemi-
Philolology»
LVII (1958), p. 12-23 ;
A. M. F. GUNN, The Mirror of Love, Lubbock (Texas), Texas Tech Press, 1952, passim; et, dans une perspective assez particulière, J. V.FLEMING, The Roman de la Rose.
65 / 152: nons.
Cette phrase traduit à peu de chose près la doctrine des Cyni-
ques, telle que nous la rapporte Cicéron (De offic., 1, xxxv, 128 ; cf. plus loin,
p. 82 / 578-90). Elle sera reprise dans le troisième sermon de la série Poenitemini (Appendice I, p. 180 / 20). 65 / 162: par exprés.
65 / 164: saige.
Cf. Rose, v. 15174-78 ; 15221-26 ; 15246-60.
Locution proverbiale : «Il n'est si sage qui ne foloie.» (LE
ROUX DE LINCY, t. I, p. 274). 65 / 165 : le grand Omer. Cf. HORACE, Ars poet., 359: «Indignor quandoque bonus dormitat Homerus.»
66 / 184: voix moyenne. Gerson se conforme ici, comme il le fera remarquer plus tard, aux préceptes d’éloquence chrétienne exposés par saint Augustin au début du quatrième livre de La Doctrine chrétienne (cf. épître Talia de me,
p. 174/215-26).
68 / 234: maisons.
Cf. Poenitemini II (OC, t. VII*, p. 812) : «ycelles ames qui
devez estre temple de Dieu sacre, et hospital du Saint Esperit [Luxure] art et met puant flamme.» 68/ 242 : Pitagoras.
Cf. SÉNEQUE, Ad Lucil., XV, 94, 42,
NOTES
69 / 254 : Berengier. contra
Bernardum
2
Gerson confond l'élève d'Abélard, auteur d'une Apologia
(PL, t. CLXXVIII,
col. 1857-70) et le fameux
Bérenger de
Tours (F1098) : cette erreur est déjà relevée par Bayle, Dictionnaire Historique et Critique, Rotterdam, 1729, t. I, p. 522 (article Berengier). Le récit de la mort de l’hérésiarque est emprunté à Guillaume de Malmesbury, Willelmi Monachi Malmesburiensis de gestis regum anglorum lib. V [Rerum Anglicarum scriptores post Bedam praecipui], London, 1596, fol. 64 r° : «Quin & ipse die Epiphaniorum moriens, gemituque producto recordatus, quot miseros quondam adolescens primo erroris calore secta sua infecerit : Hodie, inquit, in die apparitionis sue apparebit mihi Dominus meus lesus Christus propter poenitentiam ut spero ad gloriam, vel propter alios, ut timeo, ad poenam.» Le disciple d'Abélard aurait également désavoué des écrits dont il ne pouvait empêcher la diffusion (PL, t. CLXXVII, col. 1837B) : cf. D. E. LUSCOMBE, Berengier, Defender of Peter Abelard, «Recherches de Théologie Ancienne et Médiévale» 33 (1966), p. 31937. Exemple repris dans le troisième sermon de la série Poenitemini (OC, t. VII*,
p: 703): 69 / 255: Abalart. Jean de Meun ne cite pas «souvent» Abélard, mais il a consacré un exemplum célèbre aux malheurs du philosophe (v. 8729-802), le premier en date d’une longue série d’apologues littéraires (voir Ch. CHARRIER, Héloïse dans l'histoire et dans la légende, p.368, 378-83).
69 / 271 : fames estranges.
III Reg., xi, 1-8.
71 / 300: ainsy le dirent.
Cf. CICÉRON, De senect., XII, 41 : «Haec (....) locu-
tum Archytam Nearchus Tarentinus, hospes noster (...) se a maioribus accepisse dicebat, cum quidem ei sermoni interfuisset Plato Atheniensis (...)»
71/ 301: Troye.
Cf. Poenitemini II (OC, t. VII*, p. 812) : «Luxure mist
en
feu et flamme la belle cité de Troye la grande.» 71 / 304 : Tarquinius.
Cf. TITE-LIVE, An.
I, lvüi-lx.
Récit consigné dans Le
Roman de la Rose (discours du mari jaloux, v. 8579-620).
Exemple repris dans
le troisième sermon de la série Poenitemini (OC, t. VII*, p. 825).
75 / 407-09 : amesson... espee. verbe : «Multum
Ces questions sont le développement d’un pro-
prodesset mel, si malus hamus abesset.» (J. WERNER,
Latein-
ische Sprichwôrter und Sinnsprüche des Mittelalters [Sammlung Mittellateinischer Texte, 34 Heidelberg, C. Winter, 1912, m 80).
75 / 421 : saint Pol. I Cor., xv, 33 : «Corrumpunt mores bonos colloquia mala.» Pour la citation de «Sénèque», voir Poenitemini IV (appendice I, p. 182 / 3738), et la note.
76 / 428: exil. Nombreuses allusions dans les Trist. (II, 1-12, 61-62, 77-80,21112,239-52, 314-16, 340-58 ; IIL, i, 1-7, 65-66 ;vii, 9-10) ; cf. Pontiques, 1,1, 12. 76 / 443 : enclose.
L'Art d'aimer est effectivement à la base des discours d'Ami
212
NOTES
et de la Vieille ; limitation est des plus suivies, les trois livres d’Ovide étant essentiellement répartis d’après le sexe des protagonistes. Cf. E. LANGLOIS, Origines et sources du Roman
de la Rose, Paris, Thorin, 1891, p. 119-21.
76 / 443 : translatés. L'exemple d'Héloïse et Abélard (v. 8729-802) est tiré du célèbre plaidoyer contre le mariage (Historia calamitatum, éd. Monfrin, p. 75-
81) et de la première épître d'Héloïse (ibid., p. 114). Les citations de Juvénal se situent pour la plupart dans ce même discours (v. 8257, 8677, 8705,9113): toutes tirées de la sixième Satire (voir cependant les vers 21409-14
elles sont
empruntés à la Sat. I : passage relevé plus haut par Dame Eloquence). L'exemplum «de Mars, de Venus et de Vulcanus» est raconté par la Vieille (v. 1381038, 14131-56 ; cf. 18031-99), d'après L'Art d'aimer (II, 561-92).
Les exemples
de Pygmalion (v. 20787-21154) et d'Adonis (15645-720) ne sont pas attribués à un personnage
défini; ils sont
imités des Métamorphoses
(X, 243-97
et X,
529-55, 705-16). 77 / 450 : par expres. Ars am., I, 31-34, II, 599, 600 (le premier de ces passages est cité dans les Tristes, II, 247-50 ; cf. les vers 303-05, plus explicites encore).
77 / 459: sainte des saintes.
Le discours de Nature comprend un passage à la
louange de la Vierge (v. 19087-106,
19128-60) ; le culte marial,
pour répandu
qu'il fût parmi les clercs, n’allait pas sans mépris pour les femmes de ce monde. 77 / 465 : necessite. Expression proverbiale, variante de «Besoignieus n’a loy» (J. ULRICH, Die altfranzosische Sprichwüortersammlung : Proverbes rurauz et vulgauz, «Zeitschrift für [neuJfranzôsische Sprache und Literatur» XXIV [1902 |, p. 1-35, n° 213), ou de «Besoing ne garde loi» (MORAWSKI, n0 237, cf. p.97). Voir également LE ROUX DE LINCY, t. IL, p. 247, et le recueil des
Proverbes communs cité à l’alinéa 481. 78 / 481: proverbe commun.
Il ne s’agit pas, comme on pourrait le croire, du
recueil des Proverbes communs,
quidate de la fin du XVE siècle (J. MORAWSKI,
Les Recueils d'anciens proverbes français analysés et classes, «Romania» XLVIII [1922], p. 555), mais ce texte attribué à Jean de la Vesprie (à tort semble-t-il) remonte à un autre recueil de proverbes, «antérieur au sien au moins d’un demisiècle» (1bid.), et analogue à celui publié par E. Langlois dans la «Bibliothèque de l’Ecole des Chartes» LX (1899), 569-601. Il porte chez Morawski le sigle R, et serait «de fait, sinon de nom, le premier recueil de Proverbes Communs» («Romania» XLVIII, p. 555). C'est un recueil composite, qui renferme un
grand nombre de proverbes anciens: c’est ce qui explique que la quasi-totalité des «proverbes communs» cités par Gerson et Christine peuvent s’y rencontrer, malgré la date relativement tardive de l’œuvre (1444).
Le choix de Morawski
ne donne pas tous les «proverbes communs» cités dans les épîtres sur Le Roman de la Rose:
c’est pourquoi
nous
renverrons
parfois aux Proverbes COMMUNS,
malgré un anachronisme évident. Les Proverbes communs ont été imprimés au XVE siècle (M. GRATET-DUPLESSIS, Bibliothèque parémiologique, Paris, Potier,
1847-1854 ; cf. LE ROUX
DE LINCY, t. I, p. XXviN, XXXVI-xxxvI1).
Se-
lon Morawski et Le Roux de Lincy (t. Il, p. 579), ce texte aurait été imprimé
NOTES
par M. Sylvestre en 1839.
DAS
N'ayant pu réussir à trouver cette édition, je citerai
d’après un incunable de la Bibliothèque Nationale (rés. pZ 363 ; cf. L. POLAIN,
Catalogue général des incunables des Bibliothèques de France, Kraus-Thomson,
78 / 481: fin.
Lichtenstein,
1970, n° 9606).
Ce proverbe faisait allusion, à l'origine, au scorpion. Var.:«En
la queue gist le venin (Proverbes communs, LANGLOIS, n9 235); cité dans les recueils de Morawski (n° 661) et Le Roux de Lincy (t. I, p. 198). Cf. ULRICH, n© 128 : «En la queue est li encombriers souvent.» 18/452-10race,
Ars poer
78 / 483 : Arpiees.
L1=5:
Cf. VIRGILE, Aen., Il, 216-17: Virginei volucrum vultus, foedissima ventris Proluvies..…
79 / 500: saint Augustin. clesia proebeatur
Gerson renvoie ici à l'Admonitio ut silentium in ec-
(attribution
douteuse : sermon
CCC, a/. 26 ex Homilis
50) :
«(...) non minus reus erit qui verbum Dei negligenter audierit, quam ille qui corpus Christi in terram RER col:22349)
cadere
negligentia sua permiserit.»
(PL, t. XXXVIII-
79 / 509. Aristote... Seneque. Cette double citation sera reprise quelques jours plus tard dans le sermon Videmus, alinéa 4, éd. L. Mourin, Six Sermons inédits de Gerson (Etudes de Théologie et d'Histoire de la Spiritualité, VIII), Paris, Vrin, 1946; cf. Jean Gerson, preédicateur français, p. 365, 370. Références: Etb. Nicb., 1, xii, 5 ; Nat. quaest., VII, xxx, 1. k
80 / 527: du grant Alain. La critique a longtemps soutenu, comme le fait ici Gerson, que Jean de Meun était essentiellement un traducteur quelque peu plagiaire (cf. LANGLOIS, «Romania» XL, p. 32, n. 2); on verra avec profit l’article récent de W. Wetherbee, The Literal and the Allegorical : Jean de Meun and the «De planctu Naturae», «Mediaeval Studies» 33 (1971), p. 265-291. 80 / 532 : la cornaille. Fable ésopique (76; cf. PHEDRE, I, 1, LA FONTAINE, III, 4). Nombreuses versions médiévales :Novus Aesopus, 12; Romulus ordinaire, Il, 16; Isopet II de Paris, 12; WALTER L'ANGLAIS, 12; Ysopet de Lyon, 36; Ysopet I, 34; Ysopet III, 28. (D'après les tables de J. Bastin, Recueil général des Ysopets,
Paris, Champion
Fabulistes latins, Paris, Didot,
[SATF |, 1929-1930,
et L. Hervieux, Les
1894, t. III, p. 767, n°0 133.)
Sur la très impor-
tante littérature des fables au moyen âge, voir l'exposé sommaire mais pertinent de L. Pichard, dans Dictionnaire t. I, p. 394-95, article /sopets.
81 / 558 : nouviaux convertis.
81 / 560: Archiloqus. mem.,
VI, iii, Ext.
des Lettres Françaises,
Paris, Fayard,
1954,
Act., XIX, 19.
Anecdote
1: «Noluerunt
empruntée à Valère-Maxime, Fact. et dict. enim ea liberorum suorum animos imbui, ne
214
NOTES
plus moribus noceret quam ingeniis prodesset.» Cette allusion apparaît chez Christine sous une forme presque identique : Mile Solente renvoie aux Flores chronic. de Bernard Gui (ou plutôt à la traduction anonyme de cette œuvre) : «cellui peuple firent les livres Archiologue porter hors de la cité et ardoir, pour ce que les diz livres ne parlerent pas assez chastement (...) et ne vouldrent pas que leur enfant y apreissent, afin qu'il ne nuisissent plus aux meurs qu'il ne profitassent aux engins.» (Fais et bonnes meurs, éd. Solente, t. I, p. 83-84, et n. 2)
82 / 579: Des offices.
1, xxxv, 126-28.
82 / 582 : vault (vaint) Nature. également
dans
le traité De
Ce proverbe, qui remonte à Aristote, est cité puerili (éd. Du Pin, t. IT, col. 291):
innocentia
«Non parum refert, juvenem sic assuefacere, cum consuetudo sit alia natura.» Cf. ULRICH, «Nature passe norriture et norriture sorvaint nature.» (n9 266); LE ROUX DE LINCY : «Nourriture passe nature.» (t. I, p. 269)
83 / 590: chiens.
Etymologie, d’ailleurs juste, rapportée par Isidore de Séville
(VIIL, vi, 14). Mais la source de Gerson paraît être saint Augustin, De nupt. et concupisc., XXII, 24 (PL, t. XLIV-XLV, col. 428): «Cui verecundiae naturali
Cynicorum error philosophorum mirabili impudentia reluctatus est : quandoquidem hoc, quoniam licitum esset honestumque, cum conjuge palam faciendum esse censebant. Unde merito immunditia hujus impudentiae caninum nomen accepit : ex quippe Cynici nuncupati sunt.» 83 / 590: Chain.
Gen., IX, 21-25.
83 / 593: Turlupins. Comme le remarque M. Lieberman, «dans l'esprit de Gerson il y avait une forte association d'idées :Roman de la Rose — rapports sexuels illicites— langage lascif —nudisme — chiens— impudences des Cyniques— Cicéron — Sénèque — saint Paul — hérésies des Turlupins et des Beghards (...)» (Chronologie gersonienne, «Romania» LXXXIII [1962], p.73). Cette «réaction en chaîne» (1bid.) a pu être favorisée par l’étymologie, car les Turlupins étaient également connus sous le nom de «Cagnards» ({ chiens) : voir, sur cette question,
la note de L. SPITZER, Turlupin, «Modern Language Notes» 61 (1946), p. 10408. Lieberman relève vingt-quatre endroits «au moins», dans l’œuvre de Gerson,
où celui-ci condamne «les fausses doctrines et les honteux désordres des Turlupins ou des Beghards, souvent des deux à la fois»; dans le De examinatione doctrinarum (éd DuPm
(1423), le chancelier notera encore: «Non desunt usque hodie» TJ col 1913) Te procès de Jeanne Dauberton, brûlée en 1372,
est demeuré célèbre ; on chantait ces vers, rapportés par Du Cange : «L’an MCCCLXXII, je vous dis pour voir / Furent les Turlupins condamnez a ardoir / Pour ce qu'ils desvoient le peuple a decepvoir / Par feaultes heresies, l'Evesque en sault le voir.» Les Turlupins, ou Frères du Libre Esprit, ont fait l’objet d’un livre récent: R. LERNER, The Heresy of the Free Spirit in the Later Middle Ages, Berkeley-Los Angeles, University of California Press, 1972. 84 / 613 : Eve et Adan. 23
(PET EX EINVEXE
Cf. SAINT AUGUSTIN, De Nupt. et concupisc., XXI, Vol
427)
CA
dihoc opus bonum
diversi sexus diversa
NOTES
215
membra sunt condita, quae quidem ante peccatum jam erant, sed pudenda non erant.» 84 / 615 : vin.
Cf. BOCCACE,
Dec. (Conclusione dell'Autore) : «Chi non sa che
è il vino ottima cosa a’ viventi, secondo Cinciglione e Sclolaio ed assai altri, ed a colui che ha la febbre è nocivo?» 84 / 621 : mussierent.
84 / 628 : Oyseuse.
Gen., IX, 21-26.
Cf. Rose, v. 573-81 ; souvenir d'Ovide, Rem. am., 139-40: Otia si tollas, periere Cupidinis arcus,
Contemptaeque jacent, et sine luce, faces. 85 / 645 : la personne.
Cf. Rose, v. 19041-74 (Nature) et 20696 (Vénus).
85 / 654 : vilains parlers.
Conseils inscrits au «décalogue» du Dieu d'Amours
chez Guillaume de Lorris (Rose, v. 2096-107).
85 / 659 : piessa. «Anz trespassez plus de.XL.», selon le continuateur (v.10560). Ce passage est la seule indication que nous ayons sur la date de la composition du poème de Guillaume (cf. éd. Lecoy, t. I, p. vi-viii, et la discussion de D. Poirion, Le Roman de la Rose, Paris, Hatier, 1973, p. 98-99).
87 / 711: Benoiïte
Trinite.
Gerson fait allusion à un «Autre Sermon de la Tri-
nité», prononcé quelques jours plus tard (21 mai 1402) en l’église Saint-Jeanen-Grève (sermon Videmus). On peut lire ce texte dans l’excellente édition de L. Mourin (Six Sermons..., p. 89-174; cf. Jean Gerson, prédicateur français,
133-235). 87 / 712: Saint Sacrement.
La fête du Saint Sacrement
tombait, en 1402, le
25 mai. Le sermon Memoriam, rédigé à l'intention de cette fête, paraît être le texte auquel se réfère Gerson : on y relève les mêmes préoccupations, les mêmes thèmes, des citations identiques (cf. L. MOURIN, Jean Gerson, prédicateur
français, p. 134-36). IL,ii 89 / 12: theologien.
Cf. GONTIER
COL, I, iv (p.9 / 9), et la note.
89/ 17: Imnocens.
Matth. II, 16-18.
90 / 40: par «tu».
Cf. GONTIER
COL, I, vi (p. 24/32), et la note.
La phrase
de Pierre Col traduit une formule qui apparaît à deux reprises dans la correspondance du Prévôt de Lille : épître Ut sunt mores, I, ép. 154 (p. 44/61-63 ;
cf. éd. Ornato, pièce 154, p. 221), et épître locundum fuit, ibid., pièce 126, p. 186. 90 / 58: de ton bec.
Sur le suicide du pélican, voir F. J. CARMODY,
Physio-
216
NOTES
logus latinus, Paris, Droz, 1939, p. 17 : «Tertia vero die mater eorum percutiens costam suam aperit latus suum, et incumbit super pullos, et effundit sanguinem suum super corpora filiorum mortuorum.» L’assimilation figurative du pélican au Christ est un trait commun des bestiaires (cf. GUILLAUME LE CLERC, Le Bestiaire, éd. R. Reinsch, Leipzig, Feus’s Verlag, 1890, v. 563-614; Le Bestiaire de Philippe de Thaun, éd. E. Walberg, Lund, Malmstrôm, 1900, v. 2323-88 ; Li
Livres dou Tresor de Brunetto Latini, éd. F. J. Carmody, Berkeley-Los Angeles, UCLA Press, t. I, p.clxvi, p.150). Deschamps fait appel au mythe dans un contexte assez différent, mais où manque également le sens du sacré : «Vous vous tuez, com fait le pellicant, / A vostre bec de boire, ce dit on, / Et de manger a guise de gourmant (...)» (ballade DCCLVI, OC, éd. Queux de Saint Hilaire, t.V, Paris, Didot, 1880, p. 33)
91/70 : inobedience.
Gen., II, 17.
91 / 83: plus d'argumens.
A vrai dire, les «argumens» de l’Amant se ramènent
à un seul : «Car, tout ait Diex les choses fetes / que ci devant m'avez retretes, / les moz au mains ne fist il mie, / qu'il sunt tuit plein de vilenie.» (v. 695 3-56)
La réponse de Raison se fait en deux temps. Une première période (v. 69577058) est consacrée à l’outrecuidance de l’Amant, celui-ci ayant repris les paroles de son interlocutrice en termes trop vifs; la réponse proprement dite se situe aux v. 7055-12 : elle affirme la noblesse de la fonction génitale. Raison refuse ainsi d'admettre cette distinction entre «les mots et les choses» et revient sur la sainteté du monde créé (7093-95), car les mots participent à la bonté naturelle.
Il est exact que Christine n’a pas contesté cette analyse : elle n’aurait pu en discuter sans employer ce vocabulaire. Il est d’ailleurs assez probable que ce passage du Roman de la Rose est l’un de ceux où la poétesse, choquée par les propos de l’auteur, passa outre «comme coc sur brese» (p. 13 / 50).
91 / 102 : huit ou nuef. La supplique de Chasteté ne compte en fait que huit articles, mais on peut y relever neuf chefs d'accusation : le huitième article, con-
sacré aux exhortations luxurieuses du roman, condamne le mauvais usage de l’autorité légitime. La deuxième partie de cet article, qui débutait par la phrase: «Encore pis y est», a pu apparaître comme un nouveau chef d'accusation. 91 / 104: je cuide congnostre. Depuis le 13 juillet 1395, Gerson est le chancelier de Notre Dame (P. GLORIEUX, Essai chronologique sur la vie et les œuvres de Gerson, «Archives d'Histoire Doctrinale et Littéraire du Moyen Age» XVIII [1950-1951 |, p. 54) ; Pierre Col, qui prêta serment dès le 21 juin 1389, est donc son collègue de chapitre (COVILLE, Gontier et Pierre Col, p-187;cf. COMBES, Jean de Montreuil, p. 168).
92 / 107: en Greve. Sur Gerson cure de Saint-Jean-en-Grève, voir N. VALOIS, «Bulletin de la Société de l'Histoire de Paris et de l’Ile de France» 28 (1901),
p. 49-53. Au moment de la querelle, Gerson n’est pas titulaire de cette cure; cette faveur lui sera accordée, dès 1403, en tant que chancelier de l'Université, mais par suite de divers contretemps, il n’entrera en fonctions que le 27 mars 1408 (P. GLORIEUX,
«Archives d'Histoire Doctrinale et Littéraire du Moyen
NOTES Age» XVIII
p. 173; cf. L. MOURIN,
217
Six Sermons.….,
p. 93, n. 4). C’est bien
à 1402 que remonte la prédication de Gerson dans cette église (L. MOURIN, Jean Gerson, predicateur français, p. 117); mons
contre
la Luxure
il y prononcera notamment les ser-
de la série Poenitemini (sermons du 17 et du 24 décem-
bre 1402 ; appendice I, p. 179-83). 92 / 109: en umbre.
Le texte de saint Paul, «Videmus nunc per speculum in
aenigmate» (1 Cor., xiii, 12), est traduit dans ce sermon par deux vers français: «Dieu nous ne poons veoir / forsen umbraige et en miroir.» (L. MOURIN, Six
Sermons..., p.153). cet
«Autre
Sermon
C'est grâce à l’allusion de Pierre Col que Mourin a pu dater de la Trinité» (Jean Gerson, prédicateur français, p. 91);
le texte cité («icelle Trinité nous veons et cognoissons en enigme») n’est pas tout à fait exact ; Mourin ne disposait pas de l'édition Ward, et il semble que Combes, qui lui a communiqué ce passage, ait corrigé le texte, visiblement fautif, de cette édition (Ward a lu : «en vuibre» et corrigé : «en guivre» ; lire «en umbre», conformément au ms.). 92 / 112: contoit.
Quoi qu’en dise Langlois («Romania»
XL, p. 29), Ward a
bien lu ici : le ms. porte «contoit», non «connoit». 92/ 116: ne sceit.
93 / 144: desvoye.
Cf. JEAN DE MONTREUIL,
IL, ép. 154 (p. 44/ 46-47).
Les allusions au Roman de la Rose étant très nombreuses
chez Pierre Col, nous avons jugé utile d’en donner la référence dans notre texte,
lorsqu'il s’agit de citations exactes, dont le caractère indépendant est clairement
indiqué.
Ces références
sont
données
entre
crochets;
elles renvoient,
comme ailleurs, à l'édition Lecoy.
93 /155: s'en repantent. Texte de l’édition Lecoy : «Mes sachiez que plus s’en repentent / en la fin cil qui plus le hantent.» 93 / 164-65 : saintuaires... reliques. «Saintuaires»: v. 20777, 21205, 21572 (cf., chez Guillaume, l'emploi parallèle de ce mot, v. 2522-24) ; «reliques»:
W21214%2155521570;:
93 / 170: faindre.
Cf. HORACE, Ars poet., 9-10:
Pictoribus atque poetis quidlibet audendi semper fuit aequa potestas. Cité également par Jean de Monteuil, II, ép. 154 (p. 42 / 27).
94 / 176: la Bible. de l'Ancien
Pierre Col fait peut-être allusion aux purifications rituelles
Testament
(Lev., XV, 29-30; cf. éd. Ward, p. 60), mais voir plus
loin la réponse de Gerson (p. 166 / 69). 94 / 184: Urie.
II Sam., ix, 2-17.
94 / 186 : fames estranges.
III Rég., xi, 1-8 ; cité par Gerson, dans ce contexte
218
NOTES
précisément, HI, ii (p. 69 / 271):
94 / 190 : saint Pierre et saint Pol. Reniement de saint Pierre : Matth., XXVII, 69-75 ;Marc., XIV, 66-72; Luc., XXII, 54-62; Joan., XVII, 25-27: persécutions et conversion de saint Paul : Act., IX, 1-30.
94 / 202: fanfelues.
Cf. Rose, v. 20320-22 : «Qui bien la verité regarde, / les
choses ici contenues, / ce sunt trufles et fanfelues.» 94 / 205 : enivre.
Texte de l'édition Lecoy : «cele les vis de mort anivre, / mes
ceste fet les morz revivre.» (v. 20595-96)
94-95 / 208 (210) : parc.
Escarboucle : v. 20495-566 ; olivier : v. 20465-93.
95 /212:en raison. Cette affirmation n'est pas tout à fait exacte : le roman de Jean de Meun débute par un long monologue où l’Amant donne libre cours à son désespoir (v. 4029-190) ; le poète a marqué le début de son œuvre lors de la deuxième apparition du Dieu d’amours (v. 10565). 95 / 214: le premier aucteur.
96 / 247: Tulle. sion Gerson
Cf. GUILLAUME
DE
LORRIS,
v. 3057-82.
Pierre Col n’a sûrement pas relu le passage auquel faisait allu-
(p. 82 / 579); cf. CICÉRON,
De offic., 1, xxxv,
127: «quodque
facere non turpe est, modo occulte, id dicere obscenum est.» 96 / 262: en l’eglise. Lev., XXII, 24; Deut., XXII, 1. Abélard fait allusion à ces passages dans les circonstances que l’on sait (Historia calamitatum, éd. Monfrin, p. 80; cf. plus haut, II, ép. 120 (p. 34/ 37), et la note.
97 / 296 : Cantiques. condamnée
componuit Conciliorum
en
C'est Théodore de Mopsueste qui professa cette opinion,
553
par le Cinquième
canticam excusationem, Amplissima
Collectio,
Concile
œcuménique : «Salomon
(...)
ut gratior etiam uxori sit» (J.-D. MANSI, t. LXIX,
Florentiae,
1763,
col. 225-26).
Dans ce digeste des opinions de Théodore, il n’est pas question de la fille de Pharaon, mais d'une Egyptienne ;Salomon aurait composé son Cantique pour se réconcilier avec cette race maudite depuis Cham. Cf. V. ERMONI, article Cantique des cantiques, dans Dictionnaire de Théologie Catholique, t. I, ii, col. 1675-80. 97 / 313 : Oyseuse.
Cf. Rose, v. 522-80.
98 / 315: esmouvotr.
Rose, v. 10299-301,
10305-07 : «L'autre jor lessier me
vossis, / par poi que tu me ne tossis / mon homage (...) / et por fos neïs te tenoies / don en mon servise venoies, / et t’acordoies a Reson (cf. v. 4117-20).
98 / 323 : pas par propre non. Euphémismes d’un usage assez courant. Voir, à titre d'exemples, les vers 14289 («jeu d’amours»), 9821 («besogne d'amours»), et 9798 («ce tripot»).
NOTES 98 / 332 : saint Augustin.
219
Sol., XXX d (PL, t. XL, col. 888-89: cf. Conf., X, vi,
9). Texte cité par Gerson dans le sermon Videmus :«Belle suer, je te diray, respond Raison. J'ai cerché par mer et par terre, par l’air et par le ciel et ay demandé a la terre se elle estoit mon Dieu (...) ; tout [s’est escrié a haulte voix: Dieu nous a faiz ; les ydolatres et les payens faillent ;nous ne sommes point Dieu ; querez le ailleurs et au dessus de nous.»
(L. MOURIN,
p.156)
Une traduction des Soliloques est attribuée à Gerson:
fr. 990
(fol. 127-69; cf. P. GLORIEUX,
«Archives
Six sermons…,
c’est le ms. B. N.
d'Histoire
Doctrinale
et
Littéraire du Moyen Age» XVII, p. 159). 99 / 359: mieux fust. Matth., XXVI, 24 : «Bonum erat ei, si natus non fuisset ille homo.» Cf. Marc., XIV, 21.
100 / 388 : oultrecuidance.
Passage adapté de l’épître Scis me, adressée à Gon-
tier Col, II, ép. 120 (p. 34/ 43-45). 100 / 399 : Terence.
And., 68 : «Obsequium amicos, veritas odium parit.»
Cité
également par Jean de Montreuil, II, ép. 119 (p. 30 / 7). 101 / 424 : une sienne espistre. Ep. CXLVII, «Ad Sabinianum» col. 1203). Texte allégué par Abélard (Historia calamitatum, p- 73-74).
101 / 431 : moderacion. «Ne quid nimis.» de la devise inscrite au temple de Delphes.
(PL, t. XXII, éd. Monfrin,
And., 61, traduction bien connue
101 / 434 : Tuelle. De invent., I, xxxi, 51-52.
Anecdote consignée dans la pre-
mière épître d'Héloïse à Abélard (Historia calamitatum, éd. Monfrin, p. 115). 101 / 437: n'y a... Texte obscur et peut-être corrompu. n’y suppose» entraînerait des difficultés plus grandes. 101 / 441 : Rethorique. tres», 1938).
II, 21, 1395b
La leçon: «malheur
(éd. M. Dufour, Paris, «Les Belles Let-
101 / 456: conjuracion de Catiline. Texte auquel se réfère Jean de Meun dans son apologie, afin de se disculper d’avoir écrit des «paroles / semblanz trop baudes ou trop folles.» (Rose, v. 15131; cf. 15147 et suiv.)
102 / 460 : sainte Escripture.
Gen., XVIII, 20-33 ; XIX, 1-28.
102 / 474: Jaloux. Citation de VIRGILE, Aen., VI, 563 : «Nulli fas casto sceleratum insistere limen.»
102 / 484 : Tulle.
Ces développements sont empruntés au livre «de Viellece»
(cf. Rose, v. 4400-01). 102 / 486 : bobans.
Texte de l’éd. Lecoy : «es boules, es ribauderies.»
220
NOTES
102 / 488 : li mauvais.
La définition du mal comme absence d’être est emprun-
tée à Boëèce, «la letre / qui des mauvés conprent la some » (6290-91);
cf. v. 6312:
«li mauvais sunt pur noiont.» 102 / 490: vices. Cf. Rose, v. 9504-06 : «Envie et tuit li autre vice, / si firent saillir Povreté / d'enfer, ou tant avoit esté.»
103 / 491 : Honte.
Cf. Rose, v. 14077-78 : «et se je ne doutasse honte, / quire-
freine mainz queurs et donte (...)»
103 / 493: Nature. Cf. Rose, v. 19195-204. On relève en fait vingt-sept vices dans ce catalogue, comme le remarque Langlois dans son édition critique (Paris, Didot
[SATF|, 1914-1924,
t. IV, p. 102); Pierre Col, qui pas plus que l’auteur
n’en avait fait le compte exact, renvoie au vers 19840.
103 / 495 : clers. Cf. Rose, v. 18625-38). 103 / 497 : gentillesce.
Cf. Rose, v. 18577-604.
103 / 497: dames. Cf. Rose, v. 18659-60 : «Dames honeurt et damoiselles, / mes ne se fie trop an eles (...)»
103 / 500: saint Ambroise. J'ignore à quel «sermon» Pierre Col fait allusion; peut-être s’agit-il de ce passage de l’'Hexaemeron, cité dans le De doctrina christiana de saint Augustin (IV, xxi, 50: PL, t. XXXIV, col. 114; texte allégué par et pictus a Domino Deo tuo (...) Deles picturam, mulier, si vultum tuum materiali candore oblinas,
Pierre Col, infra, p. 111 / 788): «Pictus es ergo, o homo,
si acquisito rubore perfundas. fraudis, non
Illa pictura vitii, non decoris est: illa pictura
simplicitatis est (...);
illa pictura fallit et decipit (...)» (VIII, 131,
47 ; PL, XIV, 260; cf. De virg., 1, 6, 28)
105 / 577: pays d'Ytalie.
Sur la jalousie des maris italiens, cf. JEAN DE MON-
TREUIL, épître Reductas ad (éd. Ornato, pièce 74, p. 116 / 40-56). Dans sa préface au Livre de la Mutacion de Fortune, Mlle Solente note que Christine
«supporte avec peine qu'on dise du mal» de ses compatriotes (t. I, p. xlv-xlvi; cf. texte, v. 4717-52).
105 / 582: si se rappella.
Jugement contredit par le texte d'Ovide (Rem. am.,
1112) Nec tu, blande puer, nec nostras prodimus artes ;
Nec nova praeteritum Musa retexit opus. 106 / 616 : sot. Texte de l'éd. Lecoy : «Mes mout est fos, se Dex m’'amant (s23h
107 / 651 : Pour ce. Texte de l’éd. Lecoy : «ainz que l’an feist mariages.» 107 7,559:
32-33).
Confessions.
«IL,
3 (PL,4t. XXXII,
col. 676: ct I Cor. vil, 1, et
NOTES
224
108/667 : sourt. Expression proverbiale: Proverbes communs (cf. LANGLOIS, n° 328) ; ULRICH, n° 370 ; LE ROUX DE LINCY, t. I, p. 275. 108 / 674 : vices.
C’est Nature, et non Genius, qui prononce cette phrase.
109 / 702 : nettes.
Texte de l’éd. Lecoy : «nettes aies et mains (...)»
109 / 716: ‘vu mille.
Cf. III Reg., xix, 18 : «Et derelinquam Israel septem mil-
lia virorum, quorum genua non sunt incurvata ante Baal (...)»
109 / 722: souffles. Locution sans doute proverbiale, d'ascendance ovidienne: «Summa petit livor, perflant altissima venti.» (Rem. am., 369; vers cité par Abélard, Historia calamitatum, éd. Monfrin, p. 66)
110 / 736 : le corbel.
Fable ésopique (81 ; cf. PHEDRE,
I, 13, LA FONTAINE,
IT, 9). Nombreuses versions médiévales: Novus Aesopus, 27 ;, Romulus ordinaire, 1,14; /sopet II de Paris, 26; Ysopet de Chartres, 24; WALTER L'ANGLAIS, 15 ; Isopet de Lyon, 15; Ysopet I, 15 ; Ysopet III, 11. (D'après J. BASTIN, Recueil général des Ysopets; cf. L. HERVIEUX, Les Fabulistes latins, t. WI, D)
n0 259.)
110 / 761: ensaingnement.
Cf. Rose, v. 15181-83 : «Mes pour Ç’an escrit les
meismes / que nous et vos de vos meïsmes / poissons connoissance avoir (...)»
111 / 771: cent ans. voir la note
Pour une réhabilitation de cet argumentum ex silentio,
critique (et tendancieuse)
tion of the Roman p. 430-35.
de J. V. FLEMING,
The Moral Reputa-
de la Rose before 1400, «Romance Philology» 17 (1965),
111 / 773: translate. La traduction la mieux connue est celle de Chaucer (1392): Eustache Deschamps adressa au «grand translateur» anglais une ballade élogieuse à ce sujet (avant 1400, date de la mort du destinataire ; éd. Queux de Saint Hilaire, t. II, p. 138-40, ballade CCLXXV). La version partielle publiée
aujourd’hui sous son nom est d’une authenticité douteuse : on pourra lire ce texte dans l'édition bilingue de R. SUTHERLAND : The Romaunt of the Rose and Le Roman
de la Rose: À Parallel-Text Edition, Oxford, Blackwell's, 1968.
Il existe également deux traductions néerlandaises et deux adaptations italiennes : /l Fiore et Il detto d'amore (cf. éd. Lecoy, t. I, p. xxxii). 111 / 777: les quatre ordres.
Augustins et les Carmes.
C'est à dire les Franciscains, les Dominicains, les
Sur la querelle de l’Université, qui inspira les passages
les plus virulents du discours de Faux Semblant, voir M. DUFEIL, Guillaume de Saint-Amour et la polémique universitaire parisienne, 1250-1259, Paris, Picard,
1972. 111 / 788: saint Augustin.
De doctr. christ., IV, 1,2 (PL, t. XXXIV, col. 89) :
«Primo itaque expectationem legentium, qui forte me putant rhetorica daturum esse praecepta quae in scholis saecularibus et didici et docui, ista praelocutione
222
NOTES
cohibeo (...)» Gerson recommandera plus loin (p. 174/215-19).
à son adversaire, non sans raison, de lire
IL, iv
115 /2: secretaire.
C. BOZZOLO me signale la signature «P. Colli» sur une let-
tre de rémission datée du mois de novembre 1402 (Arch. Nat., JJ 157,
fol. 130
vO); il faut donc donner raison au manuscrit, contrairement à l'opinion émise par Coville (Gontier et Pierre Col, p. 277).
116 / 49: par «tu». Christine se rappellera en quelles circonstances elle apprit le nouvel usage dans son Epistre a Eustache Morel (éd. Roy, t. II, p. 296) : «Si soit premisse a humble chiere / Recommandacion trés chiere / Te suppliant que a desplaisance / Ne te tourt se adès plaisance / Ay qu’em singulier nom je parle / A toy, car je l’ay apris par le / Stille clergial de quoy ceulx usent / Qui en science leurs temps usent.» (v. 15-22)
117 / 86 : ignoscence.
Comme le remarquera plus tard Gerson, Pierre Col frôle
ici l’hérésie pélagienne ; cf. infra, V (p. 164 / 45), et la note.
118 / 90 : mort. Gen., IL,17 ; cf. Rom., V, 12 : «(...) per unum hominem pecca-
tum in hunc mundum intravit, et per peccatum mors ; et ita in omnes homines mors pertransiit, in quo omnes peccaverunt.» Passage cité par saint Augustin, dans le De nupt. et concupisc.,
I, i, 1 : c’est surtout à ce texte que Gerson aura
recours dans son épître à Pierre Col. 118 / 103: mucierent.
Cf. Gen., IX, 25 ; III, 7-11, et SAINT AUGUSTIN, De col. 427-28).
nupt. et concupisc., XXII, 24 (PL, t. XLIV-XLV,
119 / 121: compila.
La syntaxe embarrassée de cette phrase a fait supposer à
Ward une tradition manuscrite
lacunaire : Combes lui reprochait, en termes assez vifs, le silence de son apparat critique (Jean de Montreuil, p. 101). Les té-
moignages des manuscrits sont unanimes, cependant : «La prose de Christine souffre d’anacoluthes? Tant pis pour elle. Ce n’est pas à nous de lui donner une cohésion qu’elle n’a jamais possédée.» (ibid.) 119 / 147: toy dire. m'as dites.
C'est à dire : répéter à ton intention les injures que tu
121 / 205 : saint Augustin. texte actucllement connu.
I] n’est question de cette atrribution dans aucun
121 / 208 : prologue de Boesce. «A'ta royal majesté, tres noble prince, par la grace de Dieu roy des Français, Phelippe le Quart,jeJehan de Meun qui jadis ou Rommant de la Rose, puis que Jalousie ot mis en prison Bel Acueil, enseignai la maniere du chastel prendre et de la rose cueillir et translatay de latin en françois le livre de Vegece de Chevalerie et le livre des Merveilles de Hyrlande et la Vie et les Epistres Pierres Abaelart et Heloys sa fame et le livre Aered de Esperi-
NOTES
223
tuelle Amitié, envoie ore Boece De Consolation que j'ai translaté de latin en françois.» V.-L. DÉDECK-HÉRY,
Boethius’ De Consolatione by Jean de Meun,
«Mediaeval Studies» XIV (1952), p. 168.
123 / 278 :mais tu. Même remarque chez Gerson, infra, p. 168 / 118-159. 126 / 353: livres des arguemistes. de Geber,
Christine connaissait le Summa perfectionis
cité par elle dans Le Livre des fais et bonnes meurs (éd. Solente, t. II,
p- 164-65 ; cf. t. I, p. Ixviii). Elle a également connu, dans une certaine mesure, l’alchimie contemporaine, qu’elle ne semble pas avoir tenue en grande estime ; l'Ombre de L’Avision Christine reproche aux alchimistes l'obscurité de leurs livres, «lesquielx baillent le sens de leurs termes a si doubles ententes que le plus cler veant ny voit nulle goute.» (éd. Towner, p. 138) Dans le même passage, Christine revient sur le thème du temps perdu («ainsi gastent le temps»), de même que sur l’insignifiance des résultats («pour un pou dapparence ou coniecture daucune congelacion estrange faitte par diverses mixtions»). 126 / 366: de fiens or. L'Ombre cite plusieurs cas de ce genre, notamment celui d’un orfèvre «qui voult devenir arquemiste mais il le fut au contraire de la ou il tendoit» : déçu par l'ambiguïté des grimoires, il «commença a ouvrer en sa fiente en la faisant sechier au feu et faire poudre et la fin en fu qu’il puoit comme charoigne et chascun le fuoit et se moquoit on de lui qui cuidoit faire de fiente or.» (éd. Towner, p. 139)
126 / 371 : a la charge. Il n’a pas plu à Gerson de répondre à l'argument de Pierre Col, qui l'avait taxé d’incohérence
(p. 95 / 225), mais le chancelier n’entendait
pas procéder à une réfutation méthodique (cf. infra, p. 168 / 123). 128 / 421 : mort.
Cf. Gen., III, 1-6.
128 / 421 : les histoires troyennes. Vraisemblablement d’après la seconde rédaction de l'Histoire ancienne jusqu'a César : voir, entre autres, le ms. B. N. fr. 301, fol. 36 r0-37 r° («Ceste pomme soit donnee a la plus belle»); cf. fol. 139 ro («Comment la traïson fu traitiee»). Sous le nom d’«Ovide», Christine désigne,
selon son habitude, l'Ovide moralisé (CAMPBELL, Epître Othéa, p.110, 140; de Fortune, éd. Solente, t. I, p. xxxii) : en effet, le récit de la pom-
cf. Mutacion
me de Discorde ne se trouve pas dans les Métamorphoses. Pour l'Ovide moralisé, cf. l'édition de C. De Boer, Amsterdam, Verhandelingen der Koninklijke Akademie van Wetenschappen, Afdeeling Letterkunde, Nieuwe Rooks, XXXVIII Christine reviendra sur la pomme v. 1242-315, 1467-94, 2396-2400. de Discorde dans l’Epiître Othéa (1x, Ixxiii) et dans la Mutacion de Fortune («Et compteray des traïtours» : éd. Solente, v. 17897-18130).
(1936),
/ 438 : ung seul filz. Christine de Pizan eut trois enfants (Mutacion de Fortune, éd. Solente, v. 115-30). Sur sa fille aînée, religieuse au couvent de Poissy («ton premier fruit qui est une fille donnee a Dieu», Avision, éd. Towner, p. 178), voir plus loin, alinéa 1046, et la note. Son deuxième enfant fut un gar-
çon, vraisemblablement mort en bas âge («comme mort le m'a seul filz laissé»,
224
NOTES
écrira-t-elle de celui dont il est question ici ; Avision, p. 166). Jean Castel a dû naître en 1384: il n'avait pas encore vingt-et-un ans lorsque Christine écrivit l’Avision (éd. Towner, p.174); il était âgé de treize ans, d’autre part, lorsqu'il accompagna le comte de Salisbury, Jean de Montagu, en Angleterre (S. SOLENTE, Christine de Pisan, p. 9 du tiré à part). Après la mort de celui-ci, il fut quelque temps le pupille de Henry IV de Lancaster, qui pria Christine de le rejoindre (P. C. G. CAMPBELL,
rature Comparée»
Christine de Pisan en Angleterre,
V [1925], p. 659-70).
«Revue
de Litté-
Par la suite, Christine essaya de faire
entrer son fils au service du duc d'Orléans — sans résultat, semble-t-il (Avision, p. 166 ; ballade XXII, éd. Roy, t. I, p. 232) —;une tentative analogue faite au-
près du duc de Bourgogne, peu avant sa mort, fut couronnée de succès (Avrsion, p.167). En 1411, on trouve Jean Castel, comme jadis son père, à la chancellerie en qualité de notaire et secrétaire du roi (S. SOLENTE, Christine de Pisan, p. 9). Il mourut en 1425, laissant une femme et trois enfants. L’un de
ceux-ci porta le nom de son père; il devint chroniqueur de France (sur ce personnage,
voir R. BOSSUAT,
Jean Castel, chroniqueur de France,
«Le Moyen
Age» LXIV [1958], p. 285-304, 499-538). Dans ses Enseignements moraux, Christine aborde plusieurs thèmes analogues à ceux qu'elle traite ici : elle met son fils en garde contre les mauvaises lectures,
notamment
Le Roman
de la Rose et L'Art d'aimer : «Se bien veulx et
chastement vivre / De la Rose ne lis le livre / Ne Ovide de l’Art d'aimer / Dont l'exemple fait a blasmer.» (éd. Roy, t. III, p. 39); il y est également question des «diffames / Qu’aucuns livres dient des femmes» (t. III, p. 33), et de l'honnêteté en amour : «Ne soies deceveur de femmes / Honoures les, ne les diffames ;/ Souffise toy d’en amer une / Et ne prent contens a nesune.» (t. III, p. 34).
129 / 448 : jeunes hommes. Cf. Epistre Othea, glose xlvii : «Il ne messiet point a jeune chevalier estre amoureux de dame honoree et sage ; ains en peuent mieulx valoir ses condicions, mais que le moyen y sache garder.» (ms. Harley 4431, British Library) 129 / 465 : de Clasquim. Cf. Debat de deux amans, v. 1578-80 : «Premierement pour Amours fu armé / Ce disoit il, et desir d'estre amé / Le fist vaillant.» (éd. Roy, t. Il, p.96) Christine consacrera plusieurs chapitres du Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V au connétable Duguesclin (éd. Solente, t. [, p. 186-89, 194-202; t. Il, p. 180-82) ; il sera également question de lui dans Le Livre de la Paix (éd. Willard, p.111-12). Christine songe encore à Duguesclin, semble-t-il, lorsqu'elle décrit, dans Le Livre de Prudence, les «condicions que
doit avoir le noble preux» (B. N. fr. 605, fol. 19 r0); le portrait du connétable tracé par elle dans Le Livre des Fais d'armes (B.N.fr. 603, fol. 7 r° et vo), répondrait à une intention analogue (Fais et bonnes meurs, éd. Solente, t. I, p-187,
n. 5 ; texte donné en appendice, t. Il, p. 208-09). Christine a pu consulter divers écrits sur la vie du héros ; elle renvoie, dans Le Livre des fais et bonnes meurs, au «Livre des faits du dit messire Bertran»
(t. I, p- Ixi), titre qui désigne, soit le
poème de Cuvelier, soit un abrégé en prose exécuté avant 1388. 129 / 465 : Morise de Trezeguidi.
Maurice de Trésiguidi (ou Trisguidis, ou enco-
re Terriguidis) fut l’un des écuyers bretons à la bataille des Trente (Le Combat
NOTES
225
de trente Bretons contre trente Anglais, Paris, Crapelet, 1835, p- 18 : «Choisia
Beaumanoir, ainsy com vous ay dit / Guiffroi Poulard, Morise de Trisguidy.»). S'il n'est point question de lui dans le célèbre récit de Froissart (Chroniques, éd. S. Luce, Paris, Klincksieck [SHF], 1869-1875, t. IV, p'11015) Cabaret. lui attribuant à tort le rang de chef — l’appela «le plus vaillant homme de Bretagne» (La Chronique du bon duc Louis de Bourbon, éd. A. Chazaud, Paris, Renouard, 1876, p. 43). Capitaine de Dinan en 1373, il rendit la ville «au nom du Roi de France, au Duc Loys de Bourbon, qui retint messire Morice, et son
nepveu de Prustallet, lesquels l’ont depuis honnorablement et bien servi toute leur vie (...)» Maurice de Trésiguidi prêta serment au roi ; on le retrouve à son service en 1378 (L. DELISLE, Mandements
et actes divers de Charles V, Paris,
Imprimerie Nationale, 1874): «Maurice de Treseguidi, chevalier, capitaine de Hembant en Bretaigne, au nombre de vint et cinq hommes d’armes (...)» Sceau signalé par G. Demay, Inventaire des Sceaux de la Collection Clairambault, Paris, Imprimerie Nationale, 1866, t. II, p. 262, n© 9074 (quittance de gages, 2 août 1381) et n0 9076
(chevalier, commis
à recevoir les montres,
20 juillet
1387); armoiries également relevées par Crapelet (p. 110) : «d’or à trois pommes de pin de gueules». 130 / 502: en la fin. Sur ce «grant saut», voir notre introduction, p. Ixüi-Ixiv, et la rédaction du traité de Christine donnée par le ms. C (supra, p. 53 / 155).
132 / 544 : le pas. Mêmes expressions chez Gerson, infra, p. 164 / 42-43.
132 / 546 : Terence. 135 / 661: Salemon. mulier benefaciens.»
Cf. plus haut, II, ii (p. 100 / 399). Eccli.,
XLII,
14: «Melior est enim iniquitas viri quam
135 / 667 : les ydoles. I, ï (p. 69 / 271).
Cf. III Reg., xi, 1-8 ; passage auquel fait allusion Gerson,
137 / 713: trahison.
L'impossibilité d’une défense contre la trahison était pro-
verbiale :«De traïtor ne se peut on garder» (ULRICH, n° 475 ; cf. MORAWSKI, n0© 569).
137 / 730: Ovide. Depuis l’Epistre au Dieu d'Amours les deux ouvrages sont étroitement associés dans l'esprit de Christine (v. 365-89, où il est également question de l’exil du poète latin). Pour une attitude analogue chez une autre poétesse
«courtoise»,
voir MARIE
DE
FRANCE,
Guigemar
(éd. J. Rychner,
Paris, Champion [CFMA], 1971, v. 239-45). 138 / 746: Polixie. Cf. Livre du corps de pollicie, éd. Lucas, p. 73: «comme dit
Valere (...), les Rommains qui souverainement gouvernoient la chose publique de leur cité que pour toutes choses faire et accomplir par ordre de raison (...)»; passage cité plus haut, I, v (note à l'alinéa 313).
138 / 761 : par jalousie et sans raison. Si le motif donné par Pierre Col paraît
226
NOTES
plutôt fantaisiste, le problème de l'exil d'Ovide, qui fait l’objet d’une bibliographie importante, ne semble pas près de trouver une solution :«Il ne se passe guère d’année, écrit un éditeur récent des Tristes, que paraisse ouvrage ou article reprenant quelque ancienne hypothèse ou en formulant une nouvelle» (J. ANDRÉ, Paris, «Les Belles Lettres», 1968, p. vii). Il est hors de doute que l'Art d'aimer a contribué à la disgrace du poète (voir plus haut, p. 76 / 428), mais il est également question chez Ovide d’une seconde offense, qui serait plus grave, et qui est demeurée mystérieuse («Perdiderint cum me duo crimina, carmen et error», Tristia, Il, 207). J. Carcopino a consacré un chapitre intéressant à L'Exil d'Ovide, poète néopythagoricien, dans ses Rencontres de l'histoire et de la littérature romaines, Paris, Flammarion, 1963, p. 59-170 (état de la question, p. 115-29; cf. l'édition des Tristes de S. G. Owen, cité par André, supra).
Parmi les ouvrages récents, on pourra voir J. C. THIBAULT, The Mystery of Ovid's Exile, Berkeley and Los Angeles, University of California Press, 1963. 138 / 771: Art d'amours.
Cf. Epistre au Dieu d'Amours,
v. 371-78 (éd. Roy,
t. I, p. 12-13) : «Si l’appella livre de l’Art d’amours ; / Mais n’enseigne condicions ne mours / De bien amer, mais ainçois le contraire. / Car homs qui veult selon ce livre faire / N'amera ja, combien qu'il soit amez, / Et pour ce est li livres mal nommez, / Car c’est livre d’Art de grant decevance, / Tel nom li don, et de fausse apparence.»
139 / 792: devocions saint Bernart. Lecture également recommandée dans les Enseignements moraux : «Pour devocion acquerir / Se tu veulz es livres querir, / Saint Bernard et aultres auteurs / Te seront en ce fait docteurs.» (éd. Roy, t. III, p. 39) 139 / 795 : Boesce. Dans Le Livre du chemin de long estude, Christine conte le plaisir qu’elle a eu à lire ce livre «prouffitable», qui fut en effet l’une des principales sources de son poème ; la troisième partie de l’Avision est également consacrée
au
«Réconfort de Philosophie»
(éd. Towner,
p. 146-93).
Christine
paraît s'être servie de la traduction en vers, longtemps attribuée au poëte de la Rose (E. LANGLOIS,
La Traduction de Boèce par Jean de Meun, «Romania»
XLI [1913], p. 331-69; M. ROQUES,
Traductions françaises de la Consolatio
philosophiae de Boëce, dans Histoire Littéraire de la France, t. XXXVII, p.43641); cf. Mutacion de Fortune, éd. Solente, t. I, p. xxxvii-xxxix. 141 / 857: les luxurieux.
Cf. Rose, v. 19475-656.
142 / 871: le Dant. Ce passage est l’une des premières mentions du poète florentin dans les lettres françaises (M.-J. PINET, Christine de Pisan [Bibliothèque du Quinzième siècle, XXXV/|, Paris, Champion,
1927, p. 80); il n’est pourtant
pas la première, comme on l'a longtemps cru, d’après le chapitre consacré à Dante nelle opere de Christine de Pisan par A. Farinelli, Dante et la Francia, Milan, Hoepli, 1908, t. I, p. 146-92 (texte également paru dans le Festschrift H. Morf, Halle, 1905). P.-Y. Badel a relevé une allusion à Dante, avec citation, dans Le Songe du Vieil Pelerin de Philippe de Mézières (1389) ; cf. «Cahiers de
l'Association Internationale des Etudes Françaises» XXIII (1970), p. 334. Mais
NOTES voir surtout G. DI STEFANO,
22
Alain Chartier ambassadeur à Venise, dans Cul-
ture et Politique en France à l’époque de l'humanisme et de la Renaissance (1971), études réunies et présentées par F. Simone, Torino, Accademia delle Scienze, 1974, p. 155-168.
Il est également fait allusion au «vaillant poete Dant» dans Le Livre du chemin de long estude (éd. Püschel, v. 1109-46), qui s'inspire en partie de La Divine Comédie ; cf. encore Le Livre de Prudence (inédit) et l’Avision Christine (éd. Towner, p. 90).
143 /911:toutes pour tous.
Rose, v. 13856.
143 / 926 : ton dit et ton desdit.
Cette expression proverbiale se rattacherait,
selon Morawski, à une «vieille coutume de Normandie» (Locutions et façons de
parler vulgaires tirées du manuscrit latin 10360 de la Bibliothèque Nationale, «Revue
du Seizième
Siècle»
XIV
[1927], p. 368 : «Un Normand a son dit et
son desdit.»). Aujourd’hui encore, on dit «répondre en Normand». 144 / 954 : gloses d'Orliens. Proverbe ancien. Le Roux de Lincy cite un exemple latin, daté de 1307 («glossa Aurelianensis est quae destruit textum», tout en remarquant que l’origine en est incertaine (t. I, p. 375). Ce serait, selon nous,
une allusion aux écoles d'Orléans, réputées pour l'étude des auteurs anciens, et dont plusieurs recueils de gloses sont parvenus jusqu’à nous. P.-Y. Badel me signale une explication a posteriori chez H. Estienne, Apologie pour Hérodote, ch. 30, à propos de la Bible en français dont disposaient au XVE siècle les auditrices d'Olivier Maillard : «glosée de la glose d'Orléans, à sçavoir qui gastoit le texte : voire ayant la glose meslee parmi le texte.» 145 / 969 : venin.
Cf. Gerson, supra, IIL, ii (p. 63 / 107). Proverbe attribué par
Christine, dans Le Livre de la Paix, au poète latin Horace : «(...) de ce disoit Orace : le don presenté afin de tirer à mal est si que le venin enveloppé en liqueur doulce.» (éd. Willard, p. 150)
146 / 1015 : Helouye. Vraisemblablement d’après Rose, v. 8791-94 :«Si vodroie je mieuz, fet ele, / et Dieu a tesmoign en apele, / estre ta putain apelee / que empereriz coronee.» Cf. HÉLOÏSE, Première épître à Abélard, dans Historia calamitatum, éd. J. Monfrin, p. 114.
146 / 1022: herbe. Locution proverbiale (LE ROUX DE LINCY, t. I, p. 77: «Mauvaise herbe croit toujours»; cf. ULRICH, n° 11: «Male herbe croit plus tost que la bonne.»). 147 / 1046 : boutons.
La fille de Christine était au couvent des Dominicains de
Saint-Louis-de-Poissy depuis 1400 au moins; cf. Le Livre du dit de Poissy, qui est du mois d’avril de cette année (éd. Roy, t. II, p. 159-222), et l’Avision Chris-
tine (éd. Towner, p. 178). 148 / 1078: flourettes. Cf. Livre de la Paix (éd. Willard, p. 64) : «Ay cueilli aucunes fleurectes souefves et belles ou champs des escriptures pour te faire chap-
228
NOTES
pel à aourner le chief de ta plaisant juenece (...) ; Avision (éd. Towner, p. 187):
«et les fleurs dycellui je ay cueillies et appliques yci a ton propos pour faire
d’une sorte un gracieux chapel (...)»
149 / 1105 : sage. Cité par Le Roux de Lincy, t. Il, p.244 (Proverbes communs; cf. LANGLOIS, n° 794). Un dicton analogue est attribué à Platon dans l’Epiître Othea, histoire 88 : «Car ja soit ce que tu soies vieulx n’ayes pas honte d’apprendre, supposé que un enfant te monstrast, car a la fois peut le ignorant aviser le sage.»
Cf. encore Le Débat des deux amants, v. 857 (éd. Roy E"11/p75)
149/ 1116 : esmeute. Allusion à l'affaire Jean de Monzon, survenue quinze ans Ce frère prêcheur aragonais avait soutenu, dans sa thèse de maîtrise
auparavant.
et dans une première leçon, quatorze propositions jugées condamnables par un décret de l’Université (6 juillet 1387); quatre d’entre elles, dont la suivante, se
rapportaient à la conception de la Vierge : «Beatam Mariam Virginem et Dei genetricem non contraxisse peccatum originale, est expresse contra fidem.» Comme l’Université fêtait tout particulièrement la Conception de la Vierge Immaculée, la réaction fut vive. La condamnation de la Faculté de Théologie ayant été ratifiée par l’évêque de Paris, Jean de Monzon en appela au pape Clément VII. Pierre d’Ailly soumit alors tout un dossier à la cour d'Avignon : l'inculpé se réfugia en Aragon, avant que jugement ne fût rendu. Condamné par contumace et excommunié, il se mit sous l’obédience de Rome. Sur ces questions, voir X. LE BACHELIER, article Immaculée Conception, dans Diction-
naire de Théologie Catholique, t. VII, i, col. 1083-86 ; cf. A. COVILLE, La Vie intellectuelle dans les domaines d'Anjou-Provence, Paris, Droz, 1941, p. 450-
55, Il ne paraît pas inopportun de noter le rôle du chancelier dans cette affaire: l’une des œuvres de jeunesse de Gerson récemment identifiées est précisément le «brouillon inachevé d'un traite contre Juan de Monzon»
LXXXII
[1962], p. 433-92).
es (8 décembre
(G. OUY,
«Romania»
Des ressemblances entre le sermon Tota pulchra
1401) et le traité contre Le Roman de la Rose ont été signalées
d’autre part par L. Mourin (Six Sermons..., p. 381): il n’est donc pas improbable, comme le suggère celui-ci dans un autre ouvrage (Jean Gerson, prédicateur français, p.126), que «Christine de Pisan pense (...) à ce Tota pulchra es lorsque, à Pierre Col — frère de Gontier — qui lui avait objecté que l'Eglise avait attendu un siècle pour condamner Le Roman de la Rose, elle replique en alléguant le récent débat doctrinal sur l’Immaculée Conception (...)»
149 / 1120 : Sainne.
Locution proverbiale.
150 / 1123 : autre matiere.
commença
Cf. Rose, v. 5052.
Ce fut en effet trois jours plus tard que Christine
son Livre du chemin de long estude, qu’elle devait achever le 20
mars 1403 (éd. Püschel, v. 105-08; cf. S. SOLENTE,
Christine de Pisan, p:27
du tiré à part). Elle travaillait également, tout au long de la période qui nous intéresse, au Livre de la Mutacion de Fortune (éd. Solente, t. I, p. x-xi ; Christine de Pisan, p. 30).
NOTES
229)
II, v
153 / 6: perseverence. Cf. H. WALTHER, Lateinische Sprichworter, «Errare humanum est, sed perseverare diabolicum.»
7160 d :
154/ 31: n'ay je sceu personne. Pierre Col se contredit sur ce point. Son témoignage est également en contradiction avec les épîtres de Jean de Montreuil, Gontier Col, et Christine de Pizan.
Cf. COMBES, Jean de Montreuil, p. 95-98. IV
Ces trois pièces ne figurent pas dans le recueil du 23 juin 1402 ; elles sont postérieures au «jour de l’an» 1403 et vraisemblablement contemporaines (cf. notre introduction, p. xlvi-xlvii.
Ballade XXXVII 158 / 8 : un Dieu.
Act., XVII, 22-34.
V
162 / 13 : quantum die cursus tulit. Allusion au cadre temporel de la vision du
18 mai («Par ung matin {...| a la vespree» : p. 59/4; 87 / 708). 162 / 23 : viciosa passione corruptus. Selon Pierre Col, l'intention de l’auteur n'était pas de prononcer un arrêt définitif contre le roman de Jean de Meun (p- 100 / 398); les termes de la vision se prêtaient, d’ailleurs, à cette interprétation (p. 87 / 707). Sur le thème esquissé ici, voir le sermon Videmus (Six sermons..., éd. Mourin, p. 153): «Sur toutes choses les pechiez de charnalité rendent obscure l’ame, et la font impuissante a rien cognoistre de Dieu (...)»
162 / 25 : reprobum sensum. Cf. Rom. 1, 28 : «Tradidit illos Deus in reprobum sensum.» 164 / 45 : beresis Pelagii. Cf. SAINT AUGUSTIN, De nupt. et concupisc., I, ii, 9 (PL, t. XLIV-XLV, col. 440) : «Catholici dicunt humanam naturam 2 crea-
tore Deo bono conditam bonam, sed peccato vitiatam mendico Christo indigere (...)
Pelagiani et Coelestiani dicunt humanam
naturam a bono Deo conditam
bonam, sed ita esse in nascentibus parvulis sanam, ut Christi non habeant necessariam in illa aetate medicinam.» (Cf. 1b1d., IL, ii, 8.) 164 / 60
:1in speculo.
Cor,
x
A2
CPIERRE
COIN
NT (PA9272 109),
et la note.
164 / 65: corrupti et abominabiles. nabiles facti sunt in studiis suis.»
164 / 67 : Flaccus.
Cf.Ps., XIII, 1 : «Corrupti sunt, et abomi-
Cf. HORACE, Sat., IL, 1, 8-9.
230
NOTES
166 / 71 : adaperiens vulvam. Luc., II, 23. Cf. Ex., XIII, 2 et 12; Num., VIIL 6. 166 / 80 : therencianum verbum.
Eun., 61-63 :
incerta haec si tu postules Ratione certa facere, nihilo plus ages Quam si des operam ut cum ratione insanlas. 166 / 84 : Conveniet nulli.
166 / 93 : Tullius.
Dist. Cat., 1, 4, 2.
Cf. JEAN DE MONTREUIL,
épître De imitatione (éd. Orna-
to, p. 155, pièce 106 / 274-75). Je n'ai pas réussi à trouver cette phrase dans Cicéron. Elle est attribuée à Caton par Quintilien : «Sit nobis orator quem constituimus is qui a M. Catone finitur vir bonus dicendi peritus (...)» XII, 1 CT'ISIDORE’ Erym,, 113,1)
168 / 108 : virago.
(Inst. or.,
Cf. plus haut, HI, iv (p. 127 / 405-10).
168 / 116 : regine. Ibid., p. 135 / 671 et suiv. 168 / 122 : therencianus sermo. Adelph., 643 : «Erubuit, salva res est.» 170 / 151: niti in vetitum.
Cf. OVIDE, Am.
ILL, iv, 17 : «Nitimur in vetitum
semper.»
170 / 176 : serve nequam.
Luc., XIX, 22.
172 / 192 : omnes conversos. Cf. Act., XIX, 19 : «Multi autem ex eis qui fuerant curiosa sectati, contulerunt libros, et combusserunt coram omnibus ; et compu-
tatis pretiis illorum, invenerunt pecuniam denariorum quinquaginta millium.»
172 / 203 (204): rivuli... traducti. Térence et Martianus Capella ne sont pas parmi les sources directes de Jean de Meun. Les emprunts à Boëèce se situent pour la plupart dans les discours de Nature et de Raison. L'Art d'aimer d'Ovide a fourni l’essentiel des discours d’Ami et de la Vieille ; divers exempla sont imités des Métamorphoses. Le discours de Nature s'inspire du De planctu Naturae d'Alain de Lille.
C’est dans le discours de Faux Semblant, enfin, que se situent
les emprunts à Guillaume de Saint-Amour.
L'inventaire de Gerson n’est pas ex-
haustif ; voir les références citées plus haut, D'61/60%03 71135
807527.
172 / 208: a domino Bonaventura. Cf. l'épître de Gerson du 7 décembre en l’honneur de saint Bonaventure (OC, t. II, p. 276 et suiv.): «(...) suum Itinerarium mentis in Deum, cujus opusculi, immo operis immensi laus superior est ore mortalium.»
1742221: vestibalo
AV ir 3 (PLRE XIV
Dr89)7
NOTES
231
Appendice I Poen. III
179 / 7: Matheol.
Les Lamentationes
de Mathéol ou Mahieu le Bigame (XIIIE
siècle) sont parmi les textes les plus fameux de la littérature antiféministe ; elles furent traduites par Jean le Fèvre vers 1370. On verra plus loin (appendice II) quel fut leur rôle dans l'inspiration de la Cité des Dames. Edition : Les Lamentacions
de Matheolus
et Le Livre de Leesce, de Jehan le Fevre de Ressons
(Poèmes français du XIVE siècle; Bibliothèque de l'Ecole des Hautes Etudes, 95-96),
A. G. Van
Hamel,
éd., Paris, 1905 ; analyse, de larges extraits chez
Ch.-V. Langlois, La Vie en France au Moyen Age..., d'après quelques moralistes du temps, Paris, Hachette, 1926, t. II, p. 241-90.
180 / 19: Seneque. Il s'agit du Libellus de moribus attribué à saint Martin de Braga (f 580) : «Turpia ne dixeris, paulatim enim pudor per verba discutitur.» (L. Annaeï Senecae Cordubensis Opera quae supersunt, éd. F. Haase, Leipzig, Teubner, 1886, t. III, p. 466, n° 120; cf. PL, t. LXXII, col. 31, et Dictionnaire
de Théologie Catholique, t. X, col. 206). 180 / 19: Aristote. Pol., VII, xv. Cf. la traduction de Barthélémy-St Hilaire, Paris, Imprimerie Royale, 1837, t. II, p. 116-17: «(...) jusqu’à sept ans les enfants resteront dans la maison; mais, malgré cette circonstance, il convient
d’épargner à leurs regards et à leurs oreilles tout spectacle, toute parole indigne d’un homme
libre ; et le législateur devra sévèrement
bannir de sa cité l’indé-
cence des propos, comme il en bannit tout autre vice. Quand on se permet de dire des choses déshonnestes, on est bien près de se permettre d’en faire, et l’on doit proscrire dès l’enfance toute parole et toute action honteuse (...) Puisque nous proscrivons les paroles :adécentes, nous proscrirons également et les peintures et les représentations obscènes.
180 / 19 (20): Noë et Cham. haut, p. 83 / 590. 180 / 20: Tulle.
Exemple repris au traité du 18 mai, voir plus
Ibid., p. 82 / 579.
180 / 20: saint Augustin. Vraisemblablement le passage du De nupt. et concupisc. évoquant la doctrine des Cyniques (1bid., p. 83 / 590). 180 / 21 : videatur finis.
I] s'agit peut-être d’un proverbe, analogue à celui que
cite Christine dans des circonstances identiques, I, v (p. 20 / 261). Poen. IV
180 / 3: Architas.
Cf. vision du 18 mai, IL, ii (p. 71 / 300).
A nos références,
il convient sans doute d’ajouter celle-ci, que nous fournit Le Livre du corps de pollicie de Christine de Pizan (éd. Lucas, p. 66) : «Car selon ce que dit Archita
de Tarente qui fut tres grant philosophe, nulle plus capitale pestilence n’est
252
NOTES
donne a l’omme par nature que volupté corporele, de laquele naissent traisons, submersions des cités et des peuples, violences et tous maulx. (...)
Et dit Tulles
a ce propos que vieillesse est plus forte et plus courageuse que jeunesse (...) Et ces hystoires cy sont contenues en la translacion de Valere, lesqueles choses j'ay cueillies (...)» (cf. ibid., introduction, p. xl). 181/6: Nota de 14. Allusion au premier sermon de la série (OC, t. VII*). 181 / 8: mandre pechié.
Cf. Rose, v. 9113-16 : «Juvenaus,
qui dit du metier, /
que l’en apele rafetier / que c’est li mandres des pechiez / don queur de fame est entechiez.»
181 / 11:berites.
Allusion aux Turlupins.
181 / 33: erreur. Pour les exemples suivants, voir Poenitemini III (Aristote, Sénèque); vision du 18 mai (Chan, p. 83 / 590; chiens, saint Augustin, 1bid. et DS 00 MUR Sir In APaUI D ES 721)
182 / 43: leurs filles.
Pb
15
4114)
Cf. CHRISTINE
DE PIZAN, Epitre a Jean de Montreuil,
182 / 51 : malade. Ibid., p. 14/ 92. 182 / 66 :Ovide.
Cf. vision du 18 mai, I, ü (p. 67 / 217; 76 / 427).
182 / 66 : Matheol. Cf. Poenitemini II (p. 179 / 7).
182 / 68 : mil livres. Cf. épitre Talia de me (p. 172 / 196 et suiv.) : l’un de ces textes est la traduction de l’autre.
183 / 70: repenti. Sur le repentir du poète, cf. vision du 18 mai, III, ii (p. 66 / 192-94; 68 / 248); pensée et expression analogues dans l’épître Talia de me
(p. 174 / 229-34).
Poen.
183 / 4: Envie.
V
Sur la pomme de Discorde, voir l’épître de Christine à Pierre
Col, II, iv (p. 128 / 421), et la note.
Appendice II
[, vi 188
4
Nor. Cf Prov., XXVII, 21.
189 / 50: autreffois.
Epitre à Jean de Montreuil, I, v (p. 18 / 221 et suiv.).
IL, lui 192 / 50: assez prouvé. Epitre à Jean de Montreuil, 1, v (p.17/180-21/305).
NOTES 192752 : Ninive.
255
Jon., IV, 10.
1927885 : Sodome. Cf. Gen., XVIII, 22-32 ; XIX, 1-29. 192702 : premiere pierre.
Cf. Joan., VII, 7.
I, lui
1987#30 : serpent.
Cf. Epitre a Jean de Montreuil, 1, v (p. 17 / 173).
192736 : Ovide. Epistre au Dieu d'amours, v. 365-85 (éd. Roy, AND
218)
LA
2
APE EM
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