Atlas des relations internationales - 3e éd.: 100 cartes pour comprendre le monde de 1945 à nos jours [3 ed.] 2200634196, 9782200634193

L’influence de l’Occident est-elle toujours aussi dominante ? Comment s’affirment les puissances émergentes telles que l

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French Pages 168 [169] Year 2022

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Table of contents :
Titre
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Avant-propos
Sommaire
EN PRÉAMBULE
La mondialisation
Quel ordre international ?
ESPACE MONDIAL
Perspectives historiques
L’ordre mondial en 1945
La division de l’Europe
Guerre froide et détente
La décolonisation et l’émergence du tiers-­monde
L’effondrement de l’empire soviétique
La situation stratégique en 1989
La fin du tiers-­monde et du monopole occidental de puissance
Les acteurs des relations internationales
Les États, acteurs pivots
L’ONU, une gouvernance mondiale ?
Les OI, acteurs secondaires ?
Les ONG, acteurs émergents ?
Multinationales et GÉANTS du numérique, nouveaux maîtres du monde ?
La montée en puissance des opinions publiques
Les défis mondiaux
Une gouvernance internationale ?
Le développement économique
Le réchauffement climatique, une menace stratégique majeure
La démographie, croissance maîtrisée ?
Des mouvements migratoires incontrôlables ?
Le terrorisme, une menace existentielle ?
La prolifération nucléaire est-­elle inéluctable ?
Crime organisé et mafias
La diplomatie sportive
La justice internationale n’est-­elle qu’une fiction ?
La démocratie et les droits humains progressent-­ils ?
Vers un choc des civilisations ?
Les crises et guerres majeures
Division de l’Allemagne et crise de Berlin (1948-1961)
La guerre de Corée (1950-1953)
La guerre de Suez (1956)
La crise de Cuba (1962)
La guerre du Vietnam (1955-1975)
La guerre d’Afghanistan (URSS) (1979-1989)
La guerre du Golfe (1990-1991)
Le génocide rwandais (1994)
Les guerres balkaniques (1991-1995)
La guerre du Kosovo (1998-1999)
Les conflits israélo-­arabes (1948-)
La guerre d’Irak (2003-2011)
Les crises et conflits actuels
Russie-­Ukraine, proches et irréconciliables
Syrie, La descente aux enfers
L’État islamique, un terrorisme étatique ?
Iran/États‑Unis/Israël
Le duel Iran/Arabie saoudite
Israël-­Palestine, un conflit pour l’éternité ?
Vers une reconstruction de l’Irak ?
La guerre d’Afghanistan (États-­Unis)
Mali/Sahel, zone d’instabilité
Tensions en mer de Chine
La péninsule coréenne, un conflit gelé ?
Chine/États‑Unis, une rivalité globale ?
AIRES RÉGIONALES
L’Europe
La France, une puissance majeure
L’Allemagne, une puissance retrouvée
Le Royaume-Uni, une puissance européenne ?
L’Italie, un rôle à redéfinir
La péninsule ibérique
Les pays d’Europe centrale et orientale, un espace hétérogène
L’Europe du Nord, un espace différencié
Une Europe en reconstruction
Les Balkans, après les guerres
La puissance réaffirmée de la Russie
La Turquie, quo vadis ?
Les Amériques
America is back?
Les Caraïbes, arrière-cour américaine ?
L’Amérique centrale en quête de stabilité
L’Amérique andine, un nouveau départ
Le cône Sud, pôle de puissance ?
Le monde arabe
Le Maghreb, une intégration régionale impossible ?
Le Machrek, zone chaotique ?
La stabilité menacée du golfe Arabo-Persique
L’Afrique
L’Afrique occidentale, entre DEFIS démocratique et démographique
L’Afrique centrale en panne ?
L’Afrique orientale et la Corne de l’Afrique, entre développement et autoritarisme
L’Afrique Australe et le géant sud-africain
L’Asie
L’Inde, futur géant ?
L’Asie du Sud-Est, intégration régionale et développement économique
La Corée, stabiliser ou surmonter la division ?
Le Japon, un géant inquiet
La Chine, première puissance mondiale ?
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Atlas des relations internationales - 3e éd.: 100 cartes pour comprendre le monde de 1945 à nos jours [3 ed.]
 2200634196, 9782200634193

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Atlas des relations internationales - 3e éd.

PASCAL BONIFACE

ATLAS

DES RELATIONS INTERNATIONALES

PASCAL BONIFACE

ATLAS

DES RELATIONS INTERNATIONALES

100 POUR COMPRENDRE LE MONDE CARTES DE 1945 À NOS JOURS

9782200634193_Boniface-Atlas.indd 7

08/07/2022 14:55:0

L’auteur remercie Fanny Weisselberger et Victor Pelpel pour leur concours scientifique lors de la première édition de cet ouvrage et Victor Pelpel pour sa contribution à cette troisième édition.

Maquette intérieure : Cynthia Savage, savagedesign.fr, actualisée par Soft Office Composition : Soft Office Cartographie : Carl Voyer

© Armand Colin, 2018, 2020, 2022 Armand Colin est une marque de Dunod Editeur, 11, rue Paul Bert, 92240 Malakoff www.armand-colin.com ISBN : 978-2-200-63597-8

AVANT-PROPOS Le compliment qui m’émeut le plus et me remplit de bonheur, c’est lorsqu’au hasard d’une rencontre fortuite, un étudiant ou une étudiante me dit : « Je voulais vous remercier, car j’ai réussi mon concours (ou une admission à une école sélective) grâce à votre livre. » En réalité, c’est avant tout grâce à sa détermination et son travail que le cap a été passé – ma contribution est modeste et marginale. Mais savoir que le livre que j’ai publié a été accessible, qu’il a aidé à la compréhension de phénomènes qui pour beaucoup paraissent complexes et obscurs, procure une véritable satisfaction. J’ai fait mon boulot de pédagogie. Depuis longtemps, je suis convaincu que s’intéresser aux relations internationales n’est pas le monopole d’une petite élite, mais bel et bien l’affaire de tous et que le rôle des experts est de s’adresser au plus grand nombre en termes clairs et non pas à leurs seuls collègues dans un entre-soi réducteur. La géopolitique, dont il fallait auparavant chercher les échos dans les pages intérieures lointaines des journaux, dans des émissions très tardives et confidentielles, est désormais l’objet de débats destinés au grand public très largement suivis, en première page de l’actualité quotidienne, au cœur d’émissions de grande écoute. Elle est même enseignée au lycée en classe de première et de terminale. Et elle intéresse chaque jour un nombre plus important de citoyens. Le terme d’« Affaires étrangères » n’a plus la même signification qu’autrefois, rien ne nous étant réellement étranger désormais. Tout ce qui se passe à l’extérieur de nos frontières a des répercussions immédiates, globales et puissantes sur notre activité professionnelle ou notre vie citoyenne. Il est nécessaire de comprendre les grandes évolutions stratégiques, la mutation des rivalités et des tensions, car si les frontières existent toujours, elles ne sont pas un rempart infranchissable contre les événements extérieurs. Dès lors, avoir une formation et une compréhension des enjeux géopolitiques n’est plus un choix, c’est une impérieuse nécessité. Si cet Atlas y contribue, qu’il éclaire le grand public ou prépare les étudiants, il aura atteint son objectif. Je l’ai conçu pour être complet, des aspects historiques aux questions thématiques, avec une cartographie particulièrement efficace, sans être trop chargée. Le but est d’aider à connaître pour permettre de comprendre. Pascal Boniface

SOMMAIRE EN PRÉAMBULE La mondialisation Quel ordre international ?

8 10

ESPACE MONDIAL PERSPECTIVES HISTORIQUES L’ordre mondial en 1945 La division de l’Europe Guerre froide et détente La décolonisation et l’émergence du tiers-­monde L’effondrement de l’empire soviétique La situation stratégique en 1989 La fin du tiers-­monde et du monopole occidental de puissance

16 18 20 22 24 26 28

LES ACTEURS DES RELATIONS INTERNATIONALES Les États, acteurs pivots 30 L’ONU, une gouvernance mondiale ? 32 Les OI, acteurs secondaires ? 34 Les ONG, acteurs émergents ? 36 Multinationales et géants du numérique, nouveaux maîtres du monde ? 38 La montée en puissance des opinions publiques 40

LES DÉFIS MONDIAUX Une gouvernance internationale ? 42 Le développement économique 44 Le réchauffement climatique, une menace stratégique majeure 46 La démographie, croissance maîtrisée ? 48 Des mouvements migratoires incontrôlables ? 50 Le terrorisme, une menace existentielle ? 52 La prolifération nucléaire est-­elle inéluctable ? 54 Crime organisé et mafias 56 La diplomatie sportive 58 La justice internationale n’est-­elle qu’une fiction ?60

La démocratie et les droits humains progressent-­ils  ? Vers un choc des civilisations ?

62 64

LES CRISES ET GUERRES MAJEURES Division de l’Allemagne et crise de Berlin (1948-1961)66 La guerre de Corée (1950-1953) 67 La guerre de Suez (1956) 68 La crise de Cuba (1962) 69 La guerre du Vietnam (1955-1975) 70 La guerre d’Afghanistan (URSS) (1979-1989) 71 La guerre du Golfe (1990-1991) 72 Le génocide rwandais (1994) 74 Les guerres balkaniques (1991-1995) 75 La guerre du Kosovo (1998-1999) 77 Les conflits israélo-­arabes (1948-) 78 La guerre d’Irak (2003-2011) 80

LES CRISES ET CONFLITS ACTUELS Russie-­Ukraine, proches et irréconciliables 82 Syrie, la descente aux enfers 84 L’État islamique, un terrorisme étatique ? 85 Iran/États‑Unis/Israël86 Le duel Iran/Arabie saoudite 88 Israël-­Palestine, un conflit pour l’éternité ? 90 Vers une reconstruction de l’Irak ? 92 La guerre d’Afghanistan (États-­Unis) 94 Mali/Sahel, zone d’instabilité 96 Tensions en mer de Chine 98 La péninsule coréenne, un conflit gelé ? 100 Chine/États‑Unis, une rivalité globale ? 102

AIRES RÉGIONALES L’EUROPE La France, une puissance majeure L’Allemagne, une puissance retrouvée Le Royaume-Uni, une puissance européenne ? L’Italie, un rôle à redéfinir La péninsule ibérique Les pays d’Europe centrale et orientale, un espace hétérogène L’Europe du Nord, un espace différencié Une Europe en reconstruction Les Balkans, après les guerres La puissance réaffirmée de la Russie La Turquie, quo vadis ?

L’AFRIQUE 106 108 110 112 114 116 118 119 122 123 126

LES AMÉRIQUES America is back?128 Les Caraïbes, arrière-cour américaine ? 132 L’Amérique centrale en quête de stabilité 134 L’Amérique andine, un nouveau départ 136 Le cône Sud, pôle de puissance ? 138

LE MONDE ARABE Le Maghreb, une intégration régionale impossible ? Le Machrek, zone chaotique ? La stabilité menacée du golfe Arabo-Persique

140 142 144

L’Afrique occidentale, entre défis démocratique et démographique L’Afrique centrale en panne ? L’Afrique orientale et la Corne de l’Afrique, entre développement et autoritarisme L’Afrique australe et le géant sud-africain

146 148 150 152

L’ASIE L’Inde, futur géant ? L’Asie du Sud-Est, intégration régionale et développement économique La Corée, stabiliser ou surmonter la division ? Le Japon, un géant inquiet La Chine, première puissance mondiale ?

154 156 158 160 162

LA MONDIALISATION Le terme de mondialisation est une traduction du mot américain globalisation, apparu au début des années 1980. Il décrivait initialement la convergence des marchés dans le monde et la facilité croissante de circulation de flux financiers. Son sens s’est élargi très rapidement à l’ensemble des échanges entre les différentes parties du globe et à leur accélération, grâce aux nouveaux modes de transports et aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC).

UN PHÉNOMÈNE ANCIEN La mondialisation, en tant que mise en relation des différents ensembles de la planète, n’est pas un phénomène nouveau. Ses premières et spectaculaires manifestations remontent aux grandes découvertes à la fin du xve et au début du xvie siècle. Fernand Braudel parlait déjà d’« économie-­monde » pour définir le système économique international aux temps des empires espagnol et britannique. Dès les xvie et xviie siècles, de grandes villes comme Gênes, Amsterdam et Londres sont les capitales de réseaux commerciaux et financiers qui s’étendent à l’échelle mondiale. Cette première mondialisation est en réalité une conquête du monde par les Européens. La révolution industrielle du xixe siècle (bateaux à vapeur, chemins de fer, télégraphe) va, par la suite, accentuer l’ouverture du monde et sa domination par les puissances européennes. C’est en réaction au développement du capitalisme international que Karl Marx et Friedrich Engels affirmaient : « les travailleurs n’ont pas de patrie ». En 1935, dans son livre Regard sur le monde actuel, Paul Valéry écrivait : « Le temps du monde fini commence. » Selon lui, avec la fin de la colonisation, la Terre est quasiment entièrement partagée entre les différents États, le recensement des ressources est effectué et les parties du monde sont ainsi reliées entre elles. Il n’y a, dès lors, plus de terres inconnues ou nouvelles à découvrir. De façon tragique, le krach boursier de 1929 et, surtout, les deux guerres mondiales ont confirmé l’impact mondial de certains événements ou phénomènes. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la compétition entre Washington et Moscou va également revêtir un caractère global. Soviétiques et Américains s’affronteront par alliés interposés sur l’ensemble des continents.

L’ÉMERGENCE ACTUELLE Au début des années 1960, le sociologue canadien Marshall McLuhan parlait d’un village planétaire (global village). Les médias de masse, télévisés et radiodiffusés, permettent en effet une information généralisée sur l’ensemble de la planète. La mondialisation du début du xxie siècle n’a cependant rien à voir avec ces précédents phénomènes. L’informatique et les nouvelles technologies ont supprimé les distances et ont révolutionné les relations entre les différentes parties du monde, tant par les modes de déplacement que par celui des communications (avion, téléphonie, télécopie, puis Internet et les réseaux sociaux). Tout devient proche et immédiat, le temps et l’espace se sont contractés. Les distances et les frontières semblent abolies. Aujourd’hui, les personnes et les marchandises, tout comme les flux financiers, la technologie et l’information franchissent les frontières avec une rapidité et une facilité sans précédent, à tel point que l’idée d’une fin des frontières a pu être évoquée. 8

Le cadre national, en matière d’économie, est de plus en plus mis en cause par les réseaux mondiaux des entreprises. Il s’agit d’une libéralisation des échanges, des investissements et des flux de capitaux par suppression des barrières nationales. Le Fonds monétaire international (FMI) a défini la mondialisation comme l’interdépendance économique croissante de l’ensemble des pays du monde. Celle-­ci est provoquée par l’augmentation du volume et de la variété des transactions transfrontalières de biens et de services, par le flux de capitaux en même temps que par la diffusion accélérée et généralisée de la technologie. Pour l’Organisation internationale du travail (OIT), elle est le produit d’une vague de libéralisation des échanges, des investissements et des flux de capitaux, ainsi que celui de l’importante croissance de tous ces flux, et de la concurrence internationale sur le marché mondial. L’émergence de la mondialisation résulte de la combinaison dans les années 1980-1990 de la dérégulation économique et de l’innovation technologique (notamment en matière d’information), mais également de la fin du clivage Est/Ouest, à la suite de la chute du communisme.

UN PHÉNOMÈNE COMPLEXE Ce phénomène suscite des réactions très différenciées. Pour certains, il est le vecteur de l’extension des valeurs démocratiques et de la prospérité à l’échelle mondiale. Pour d’autres, il est avant tout une simple « américanisation » de la planète et vient effacer les identités, tout en s’accompagnant d’une augmentation sans précédent des inégalités entre riches et pauvres. S’il est vrai que la mondialisation est économiquement efficace, car la richesse globale ne s’est jamais autant accrue, elle demeure socialement injuste. Les inégalités sont plus visibles, ce qui les rend de plus en plus choquantes. La solution à ces inégalités serait peut-­être de réguler la mondialisation plutôt que de la combattre… Les standards mondiaux et les événements acquièrent de plus en plus une dimension internationale. La mondialisation ne concerne plus uniquement la sphère économique, mais aussi les relations humaines, les échanges culturels, les événements sportifs, les loisirs, la politique, etc. L’épidémie de Covid-19, née en Chine fin 2019, touchait le monde entier en quelques semaines du fait de la rapidité et de l’intensité des échanges liés à la globalisation, provoquant un choc sanitaire, économique et sociétal. Le rétablissement temporaire des frontières, même intra-­européennes, et le rôle central joué par les États dans la gestion de la pandémie ont témoigné que l’échelle nationale restait centrale, même dans un monde globalisé. L’émergence de références à l’échelle mondiale n’est en effet pas incompatible, malgré les crispations identitaires et le développement de différenciations locales ou régionales, avec le maintien de l’État-­ nation comme référence principale. Aujourd’hui, les identités et les références sont multiples.

EN PRÉAMBULE

Les nouvelles frontières de la mondialisation Amérique du Nord

32 CORÉE DU SUD

ÉTATS-UNIS (79) 152

280

Los Angeles

35

88 068 013

3

16 Denver

75 066 956

110 531 300

6 Chicago-O’Hare

84 397 776

1

OCÉAN PACIFIQUE

20 New-York-JFK 62 551 072

OCÉAN ATLANTIQUE

85 505 054

14 Séoul-Incheon

377

71 169 516

69 015 703

Dallas-Fort Worth 10 MEXIQUE (45) Atlanta

CANADA

OCÉAN PACIFIQUE

Tokyo-Haneda 5

Europe et Asie centrale (Russie incluse) CORÉE DU NORD 2 Beijing 100 011 000

6 Busan 7 Qingdao Shanghai-Pudong 1 8 76 153 500

3 Ningbo-Zhoushan 15 Kaohsiung 4 Shenzen Hong Kong 8 13

Asie de l’Est et Pacifique

Tianjin 9 Xiamen 13 122 11 Guangzhou Baiyun 73 378 475 255 RUSSIE CHINE 5 71 541 000 (66) THAÏLANDE (40) 19 36 Bangkok-Suvarnabhumi NÉPAL 65 424 697 BANGLADESH AFGHANISTAN AUSTRALIE 2 18 PAKISTAN Delhi-Indira Gandhi Singapour-Changi 68 490 731 4 Dubaï 68 300 000 17 SYRIE 12 86 396 757 IRAK Port Kelang 30 79 11 Asie PALESTINE LIBYE du Sud OCÉAN Afrique du Nord YÉMEN INDIEN et Moyen-Orient 36

SOMALIE

14 Anvers 10 Rotterdam Amsterdam 12

ROYAUME-UNI (39) 72

71 706 999

London Heathrow 7 80 844 310 102

Amérique latine et Caraïbes

9 Paris CDG 76 150 007

59

FRANCE (89)

Afrique subsaharienne

ESPAGNE (84) 2 000 km

Infrastructures ferroviaires 122

Lignes de chemin de fer (en milliers de km)

Infrastructures aéroportuaires Nombre de passagers par aéroport en 2019 (en millions) 62 70

80

90

plus de 100

1

20 premiers aéroports mondiaux en 2019, 110 531 300 en nombre de passagers Infrastructures portuaires 1 15 premiers ports mondiaux, en volume de conteneurs transités, en 2019

Tourisme de classe 10 principales destinations touristiques FRANCE Nombre de visiteurs en 2019 (89) (en millions) Touristes les plus dépensiers 52 Dépenses totales à l’étranger en 2019 (en milliards de $)

70 560 987

30 ITALIE (65)

KOSOVO

1 000 km

à l’équateur

Des transports universels ?

52

93 ALLEMAGNE (40) Francfort 15

TURQUIE (51)

Une circulation exclusive Espaces de libre circulation des hommes Espace Schengen

Communauté andine

CEMAC

MERCOSUR

Pays dont le passeport permet à ses ressortissants d’entrer sans visa préalable dans plus de 180 pays en 2022 Pays dont le passeport permet à ses ressortissants d’entrer sans visa préalable dans moins de 40 pays en 2022

Sources : International Union of Railways ; Airports Council International ; World Shipping Council ; Henley Passport Index 2022 ; World Tourism Organisation.

carl format 200x189

p008-009_Mondialisation 9

QUEL ORDRE INTERNATIONAL ? Après l’effondrement du mur de Berlin en 1989 et l’implosion de l’Union soviétique en 1991, le clivage Est/ Ouest et le monde bipolaire, qui structuraient les relations internationales depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ont disparu.

Les conflits en Afrique OCÉAN ATLANTIQUE

TUNISIE MAROC

LIBYE

ALGÉRIE

Sahara occ.

Mer Méditerranée

ÉGYPTE r Ro

Me

MAURITANIE

GAMBIE

GUINÉE

NIGER

CÔTE D’IVOIRE

ÉRYTHRÉE

SOUDAN

TCHAD

BURKINA FASO GHANA

SÉNÉGAL

MALI

uge

CAPVERT

DJIBOUTI

ÉTHIOPIE RÉPUBLIQUE SOUDAN CENTRAFRICAINE DU SUD SIERRA LEONE CAMEROUN TOGO OUGANDA SOMALIE LIBERIA RWANDA BÉNIN CONGO GABON KENYA SÃO TOMÉ-ET-PRINCIPE RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE OCÉAN GUINÉE BURUNDI DU CONGO ÉQUATORIALE INDIEN TANZANIE GUINÉE BISSAU

NIGERIA

MALAWI

ANGOLA

OCÉAN ATLANTIQUE

ZAMBIE

MOZAMBIQUE

ZIMBABWE

Conflits

COMORES

MADAGASCAR

NAMIBIE BOTSWANA

de haute intensité de moyenne intensité de basse intensité

ESWATINI AFRIQUE DU SUD

LESOTHO

1 000 km à l’équateur

carl

format 121x129 UNIPOLARITÉ OU MULTIPOLARITÉ ? Les partisans de la thèse d’un monde désormais multipolaire soutenaient que, si l’URSS avait bien disparu, les États‑Unis, au début p010_Conflits_Afrique des années 1990, montraient des signes de déclin. Selon l’historien Paul Kennedy, qui publie en 1987 Naissance et déclin des grandes puissances, les États‑Unis souffraient de « sur­extension stratégique », du fait de la multiplicité des engagements contractés à l’époque où leur influence politique, économique et m ­ ilitaire était beaucoup plus solide. De la même manière que les empires 10

espagnol et britannique déchus, les États‑Unis subiraient nécessairement une phase de déclin, du fait d’engagements supérieurs à leurs capacités. Il est vrai qu’à la fin des années 1980, l’économie américaine était en stagnation et concurrencée par celles du Japon et des pays européens. Face à ce relatif déclin, l’idée d’un monde multipolaire émergeait, créée par la montée en puissance du Japon qui semblait inexorable à la fin des années 1980, mais également par les perspectives d’unification européenne, l’émergence de nouvelles puissances, dont la

EN PRÉAMBULE

Les conflits en Amérique centrale et en Amérique du Sud

Golfe du Mexique

MEXIQUE

BAHAMAS CUBA

JAMAÏQUE BÉLIZE HAÏTI HONDURAS Mer des Caraïbes GUATEMALA NICARAGUA SALVADOR VENEZUELA

COSTA RICA PANAMA

COLOMBIE

RÉPUBLIQUE DOMINICAINE MONTSERRAT ANTIGUA-ET-BARBUDA DOMINIQUE SAINTE-LUCIE SAINT-VINCENT OCÉAN BARBADE ATLANTIQUE GRENADE TRINIDAD-ET-TOBAGO GUYANA SURINAM GUYANE (France)

ÉQUATEUR PÉROU BRÉSIL

OCÉAN PACIFIQUE

BOLIVIE PARAGUAY

URUGUAY

CHILI ARGENTINE

Conflits de haute intensité

OCÉAN ATLANTIQUE

de moyenne intensité de basse intensité en voie de résolution

Chine, ou même le développement de la Russie libérée des entraves du système communiste. D’autres mettaient en avant que la fin de l’URSS déboucherait carl nécessairement sur un monde formatunipolaire, 121x150 dirigé par les États‑Unis. Ils l’expliquaient par le fait que ce pays restait la seule puissance globale à l’échelle mondiale, après la disparition de leur principal concurrent. p011_Conflits_Amerique_Sud En effet, les États‑Unis allaient connaître, dans la décennie 1990, une phase d’expansion stratégique et économique. Tandis que le Japon

1 000 km à l’équateur

entrait dans une décennie de stagnation, les Européens semblaient avoir du mal à digérer la réunification allemande et à s’accorder sur une politique étrangère commune. Quant à la Russie, elle était gagnée par la désorganisation et les privatisations bâclées. Enfin, la Chine était encore perçue comme un État du tiers monde voué à devenir l’« usine du monde ». Personne n’avait donc la capacité de concurrencer les États‑Unis sur l’ensemble de la gamme des pouvoirs, et en particulier sur le plan stratégique.

11

LE DÉBAT SUR LA DOMINATION AMÉRICAINE

RUSSIE

KAZAKHSTAN Lac Balkach

Mer d’Aral Mer Caspienne

KIRGHIZISTAN

OUZBÉKISTAN TURKMÉNISTAN

CHINE

TADJIKISTAN Waziristan

IRAK

Cachemire

AFGHANISTAN

IRAN

PAKISTAN Baluchistan

NÉPAL

ARABIE SAOUDITE

INDE Mer d’Oman

500 km à l’équateur

Conflits

de basse intensité

de moyenne intensité

de haute intensité

Les conflits au Moyen-Orient et dans le Caucase

carl format 86X105

RUSSIE

KAZAKHSTAN

p012_Conflits_Asie_Centrale Mer Noire

Abkhasie

Détroit du Bosphore

Tchétchénie GÉORGIE ARMÉNIE

Détroit des TURQUIE Dardanelles Kurdistan

Canal de Suez

Mer d’Aral

OUZBÉKISTAN AZERBAÏDJAN Mer TURKMÉNISTAN Caspienne

SYRIE

Mer Méditerranée LIBAN ISRAËL

IRAK

IRAN

JORDANIE

BAHREÏN ARABIE SAOUDITE

Point de passage stratégique

Conflits

AFGHANISTAN

KOWEÏT

PALESTINE

ge ou rR

12

Les conflits en Asie centrale

PAKISTAN

QATAR ÉMIRATS ARABES UNIS

Me

La domination américaine a débouché sur un autre débat, portant sur l’unilatéralisme des États-­Unis, c’est-­à‑dire leur tendance à agir sur le plan international dans leur intérêt propre et en dehors des règles multilatérales et des organisations internationales. À partir des années 1990, le droit international ou les organisations multi­ latérales représentent, selon eux, des contraintes de moins en moins adaptées à l’exercice de leur puissance. Ils se sont ainsi de plus en plus exonérés des règles collectives, en matière de désarmement, de justice internationale ou de protection de l’environnement. Les contraintes multilatérales extérieures sont perçues comme inutiles – les États‑Unis étant porteurs de valeurs universelles, qui mieux qu’eux peut les promouvoir ? – et antidémocratiques – le peuple américain s’étant librement exprimé, des règles imposées de l’extérieur ne peuvent que l’empêcher d’exercer son libre choix. Les États‑Unis ne voient dans l’interdépendance que la dépendance vis-­ à‑vis des autres, qu’il convient donc de limiter au maximum. En 1945, les États‑Unis représentaient 50 % de la production mondiale. Ils allaient pourtant prendre des décisions qui permettraient la reconstruction des pays dévastés par la guerre. Ils vont surtout mettre en place un système international, fondé sur le multi­ latéralisme et les organisations internationales : l’Organisation des nations unies (ONU), le FMI, la Banque mondiale, l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), le plan Marshall et bientôt l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), puis soutenir la construction européenne. Ils sont donc pourtant à l’origine du système multilatéral international. Ce débat sur l’unilatéralisme américain a été relancé après l’arrivée de George W. Bush au pouvoir en 2001, les attentats du 11 septembre de la même année et la guerre d’Irak en 2003. Cette dernière a montré que les États‑Unis n’hésitaient pas à passer outre l’opposition de la majorité des États et surtout du Conseil de sécurité de l’ONU (CSNU). Selon la Charte de l’organisation mondiale, une guerre est illégale si elle est déclarée en dehors des cas de légitime défense ou en l’absence d’une décision du CSNU. L’échec de la guerre d’Irak a montré les limites de l’unilatéralisme. Sans abandonner ce dernier, Washington a été contraint d’en tempérer l’expression. Barack Obama va infléchir cette politique. Il déclare, peu après son élection de 2008 : « Les États‑Unis ne peuvent résoudre seuls tous les problèmes du monde, mais sans les États‑Unis, aucun grand problème ne peut être résolu. » Il ne met pas fin à l’unilatéralisme américain, mais il le tempère. Donald Trump, élu en 2016, pousse l’unilatéralisme américain à des sommets jamais atteints. Joe Biden lui succède avec la promesse d’un retour à une politique plus multilatéraliste, dont témoigne son slogan de campagne « America is back ». Si son élection rassure les alliés occidentaux, la débâcle de Kaboul à l’été 2021 et, plus spécifiquement pour la France, l’affaire des sous-­marins australiens, montrent que l’unilatéralisme reste un élément structurant de l’ADN stratégique des États-­Unis. Le monde n’est en fait ni unipolaire ni multipolaire. Il n’est pas multi­polaire parce que la puissance américaine est encore sans équivalent. Mais il n’est pas unipolaire, car, dans un monde globalisé, aucune puissance, même la plus grande, ne peut fixer seule les règles et l’agenda international. Il est cependant en voie de multipolarisation, du fait de l’émergence de nombreuses puissances non occidentales et de la fin du monopole de l’Occident sur la puissance. La montée en puissance de la Chine, qui s’accélère au cours de la décennie 2010 et au tournant de 2020, finit d’enterrer le mythe d’une unipolarité.

YÉMEN

OMAN

Mer d’Oman

de haute intensité de moyenne intensité

Détroit de Bab-el-Mandeb

500 km à l’équateur

EN PRÉAMBULE

Les conflits dans le sous-continent indien et en Asie du Sud-Est

CORÉE DU NORD JAPON CORÉE DU SUD

CHINE

AFGHANISTAN

BHOUTAN

PAKISTAN

NÉPAL

OCÉAN PACIFIQUE BANGLADESH

Détroit d’Ormuz

INDE

TAÏWAN

MYANMAR

Mer d’Oman

LAOS

THAÏLANDE

VIETNAM CAMBODGE

Détroit de Palk

Mer des Philippines

SRI LANKA MALDIVES

BRUNEI Détroit de Malacca

SINGAPOUR

de haute intensité

de basse intensité

MALAISIE

Sumatra Java

INDONÉSIE

Détroit de Lombok

OCÉAN INDIEN

PAPOUASIE NOUVELLE GUINÉE

Bornéo

Détroit de la Sonde

Conflits de moyenne intensité

PHILIPPINES

TIMOR ORIENTAL

Détroit de Torrès

Conflit gelé Point de passage stratégique

1 000 km

AUSTRALIE

à l’équateur

carl format 173,26x143

p013_Conflits_Inde_Asie_Sud_Est

13

E S PA C E

MONDIAL

16 PERSPECTIVES HISTORIQUES 30 LES ACTEURS DES RELATIONS INTERNATIONALES 42 LES DÉFIS MONDIAUX 66 LES CRISES ET GUERRES MAJEURES 82 LES CRISES ET CONFLITS ACTUELS

L’ORDRE MONDIAL EN 1945 Le paysage stratégique mondial de 1945 est radicalement nouveau. L’Europe paie le prix de la Seconde Guerre mondiale qu’elle a provoquée. Pour la première fois depuis cinq siècles, elle n’est plus au centre du monde. Les États‑Unis en ont pris la tête, tandis que l’URSS étend son territoire et sa zone d’influence. L’Europe n’est plus maîtresse de son destin. Devenue un objet que vont se disputer Soviétiques et Américains, elle est divisée aussi brutalement que durablement.

L’EUROPE EXSANGUE Les pays européens, vainqueurs et vaincus, connaissent tous des problèmes économiques majeurs. Les villes, les infrastructures routières ou ferroviaires et l’appareil industriel ont été sévèrement endommagés. Les problèmes de ravitaillement sont très sérieux. Le produit intérieur brut (PIB) de l’Allemagne représente le tiers de ce qu’il était en 1938, le ratio est de 40 % pour l’Italie et de 50 % pour la France. L’Allemagne, presque entièrement détruite, est occupée militairement et n’a plus de gouvernement. La question même de son existence future se pose. On songe à la transformer en État agricole ou à la diviser en plusieurs États. L’Italie, qui voulait jouer un rôle de premier plan au niveau mondial, est reléguée au rang de puissance mineure. Considérée comme une puissance victorieuse, la France est cependant très affaiblie. Le Royaume-­Uni est auréolé du prestige d’être le seul pays à avoir lutté contre Hitler du début à la fin de la guerre, mais il est considérablement affaibli. Les empires coloniaux européens sont désormais vacillants. Les peuples colonisés ont vu les puissances européennes s’effondrer rapidement à l’exception de la Grande-­Bretagne, sortie cependant exsangue de la guerre. Le droit des peuples à disposer d’eux-­mêmes, que les Alliés avaient brandi contre Hitler, se retourne contre eux. Bref, l’Europe a cessé d’être le pôle autour duquel s’organisent les relations internationales et le commerce mondial.

L’URSS SE DOTE D’UN « GLACIS » L’URSS a perdu 26 millions de ses citoyens et a subi de lourds dommages de guerre (six fois l’équivalent de son PIB de 1945). Mais elle conserve les conquêtes territoriales de 1939-1945 (Carélie finlandaise, pays baltes, Russie blanche polonaise, Bessarabie et Bucovine roumaine, Königsberg – qui deviendra Kaliningrad – et la Ruthénie subcarpatique tchécoslovaque). Elle se dote d’un « glacis » stratégique sur le territoire des États qu’elle a libérés du nazisme : Tchécoslovaquie, Pologne, Hongrie, Bulgarie, Roumanie, une partie de l’Allemagne, Albanie et Yougoslavie.

16

LES ÉTATS‑UNIS À LA TÊTE DU MONDE LIBRE Pour les États‑Unis, la Seconde Guerre mondiale signifie l’accession au leadership mondial. Cela est dû à leur puissance, et aussi – rupture historique – à la volonté de s’en servir pour prendre la tête du monde libre. Si le New Deal avait simplement permis le redémarrage d’une économie en crise depuis 1929, la guerre, paradoxalement, leur donne la prospérité économique. Leurs pertes en hommes sont limitées (300 000 soit 1/80e des pertes soviétiques). Ils n’ont pas connu la guerre sur leur territoire. Leur population civile n’a pas eu à en souffrir. Protégés dans leur sanctuaire, leur potentiel industriel n’a non seulement pas été endommagé, mais s’est retrouvé stimulé par l’effort de guerre. Les États‑Unis sont les seuls à sortir de la guerre plus riches qu’ils y sont entrés. Le revenu national a doublé. Washington détient les deux tiers des réserves d’or du monde. Le dollar est la monnaie d’échange internationale, détrônant la livre sterling. Dans tous les domaines économiques, les États‑Unis détiennent le premier rang mondial. Leur production de charbon est égale à la moitié de la production mondiale, celle de pétrole aux deux tiers. Leur PIB représente 40 % du PIB mondial. Les États‑Unis sont également la première puissance militaire. Ils ont à leur disposition une arme nouvelle et terrible, l’arme atomique, dont ils croient détenir pour longtemps le monopole. Ils comprennent les erreurs de la politique isolationniste, tant avant qu’après la Seconde Guerre mondiale. L’attaque de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, leur démontre à la fois qu’ils ne peuvent pas demeurer, par leur seule volonté, à l’écart des affaires mondiales et que leur sécurité ne peut plus être assurée par leur seule action économique. Ils perçoivent qu’ils doivent protéger l’Europe de ce qui apparaît déjà comme une menace soviétique. Ils vont donc, selon la formule de Truman, « prendre la tête du monde libre ».

PERSPECTIVES HISTORIQUES

Les modifications territoriales en Europe en 1945 Reykjavik

ISLANDE

Mer de Norvège

SUÈDE

FINLANDE

NORVÈGE

Helsinki

Oslo Stockholm

DANEMARK

IRLANDE

Dublin

Potsdam

ROYAUMEUNI Londres

Moscou 1944

LITUANIE

KALININGRAD

1945

URSS

LETTONIE

Copenhague

PAYS-BAS

Amsterdam

Berlin

POLOGNE

Varsovie

Bruxelles

OCÉAN ATLANTIQUE

ESTONIE

Mer Baltique

Mer du Nord

BELGIQUE ALLEMAGNE

Paris

FRANCE

TCHÉCOSLOVAQUIE Vienne

Berne

AUTRICHE

SUISSE

Budapest

HONGRIE

ROUMANIE PORTUGAL Lisbonne

ITALIE

Madrid

YOUGOSLAVIE

1945

Mer Noire

BULGARIE Sofia

Rome

ESPAGNE

Yalta

Bucarest

Belgrade

Tirana

Ankara

ALBANIE

TURQUIE

GRÈCE

Territoires gagnés par

Athènes

l'URSS

Lieu de conférence (avec date) Frontières de 1937

la Yougoslavie

Frontières en 1945

la Bulgarie

Frontière tracée en 1949

la Pologne

Mer Méditerranée

400 km

Nombre de personnes déplacées

en millions

1,5

3

6

Yalta La conférence de Yalta s’est tenue du 4 au 11 février 1945 au bord de la mer Noire, en Crimée, entre Roosevelt, Staline et Churchill. carl la mémoire collective française, Yalta est le symbole du condoDans formatsoviéto-­ 175x168 minium américain. Le partage du monde et celui de l’Europe y auraient été décidés, les deux Grands (États-­Unis et URSS) s’attribuant des zones d’influence. Cela vient sans doute du fait que le général de Gaulle ne fut pas invité à Yalta et que des décisions concernant la France ont été prises en son absence, comme d’ailleurs ce fut le cas pour les autres peuples européens. Pourtant, la France n’y a pas été maltraitée puisque c’est à Yalta qu’il fut décidé de lui attribuer une zone d’occupation en Allemagne et un des cinq sièges permanents du Conseil de sécurité de l’ONU.

p017_Europe_1945

C’est en fait à propos des Balkans qu’on a parlé de zones d’influence, suivant une proposition faite par Churchill à Staline en octobre 1944. carlÀ Yalta, outre l’entrée en guerre de l’URSS contre le Japon, les trois format 175x168 chefs d’État décidèrent que des élections libres devraient avoir lieu en Pologne. Au-­delà, une déclaration sur l’Europe libérée – ode à la démocratie et au droit des peuples à disposer d’eux-­mêmes – devait permettre de résoudre les problèmes politiques des pays libérés du nazisme. Elle prévoyait « d’assurer la paix intérieure des pays » et, par voie d’élections libres, de constituer aussi rapidement que possible des gouvernements répondant à la volonté populaire. Yalta représentait l’espoir d’un monde libre et en paix. Il s’est révélé illusoire.

17

LA DIVISION DE L’EUROPE Les alliés de la Seconde Guerre mondiale se sont divisés en deux camps, l’Est et l’Ouest. Pour les Soviétiques, ce sont les Américains qui ont voulu combattre les acquis de la patrie du socialisme. Pour les Occidentaux, c’est l’expansionnisme soviétique qui porte la responsabilité de la guerre froide.

Les deux blocs et le « rideau de fer » OTAN OCÉAN PACIFIQUE

OCÉAN PACIFIQUE

OCÉAN GLACIAL ARCTIQUE

ÉTATSUNIS

Belgique Canada Danemark États-unis France Royaume-uni Islande Italie Luxembourg Norvège Pays-bas Portugal Grèce Turquie RFA Espagne

PACTE DE VARSOVIE

URSS

OCÉAN ATLANTIQUE

URSS Albanie Bulgarie Hongrie Pologne RDA Roumanie Tchécoslovaquie

Adhésion 1949 1949 1949 1949 1949 1949 1949 1949 1949 1949 1949 1949 1952 1952 1955 1982 1955 1955 1955 1955 1955 1955 1955 1955

La Pologne, la Hongrie et la République tchèque intègrent l’OTAN en 1999. La Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie intègrent l’OTAN en 2004. L’Albanie et la Croatie intègrent l’OTAN en 2009. Le Monténégro intègre l’OTAN en 2017. La Macédoine du Nord intègre l’OTAN en 2021.

« Rideau de fer » OTAN

Pacte de Varsovie

Pays neutres

LE « RIDEAU DE FER »

carl veut se mette à l’abri d’une nouvelle invasion. L’Armée L’URSS format 182x113 rouge intervient dans les affaires intérieures des pays où elle est présente. De 1944 à 1948, on assiste à la mainmise progresp018_Blocs_Rideau_Fer sive sur les appareils d’État par les communistes, malgré leur faible enracinement, à l’exception de la Tchécoslovaquie. Ce pays, comme la Yougoslavie et l’Albanie, est d’ailleurs évacué par ­l’Armée rouge en 1945. Dès mars 1946, Churchill dénonce la politique de l’URSS et annonce qu’un « rideau de fer » est descendu sur l’Europe. L’ancien Premier ministre britannique conclut à la nécessité d’une « association fraternelle » afin de donner un coup d’arrêt à l’expansion soviétique.

PLAN MARSHALL ET DOCTRINE JDANOV Le 12 mars 1947, Truman énonce la doctrine de l’endiguement : les États‑Unis sont prêts à « soutenir les peuples libres qui résistent à des tentatives d’asservissement par des minorités armées et à des pressions extérieures ». Il rompt ainsi avec l’isolationnisme traditionnel. 18

Le 5 juin 1947, le secrétaire d’État américain Marshall offre une aide importante à l’Europe. Les États‑Unis sont conscients des difficultés économiques. Ils craignent qu’elles ne dégénèrent en troubles sociaux permettant à des forces politiques hostiles à l’Amérique de s’installer au pouvoir. Enfin, le redressement économique de l’Europe leur ouvre un marché. L’URSS refuse le plan Marshall et impose ce refus aux pays de l’Est par crainte de voir les États‑Unis y exercer un droit de contrôle économique, et donc politique. 13 milliards de dollars sont déversés sur l’Europe occidentale entre 1948 et 1951. La réelle fracture de l’Europe se situe là, entre les pays ayant bénéficié de l’aide américaine et ceux l’ayant refusée. Présentée par l’URSS en octobre 1947, la doctrine Jdanov est considérée par les États-­Unis comme une déclaration de guerre idéologique : « Deux camps se sont formés dans le monde : d’une part, le camp impérialiste et antidémocratique qui a pour but essentiel l’établissement de la domination mondiale, de l’impérialisme américain et l’écrasement de la démocratie, et, d’autre part, le camp anti-­impérialiste et démocratique, dont le but essentiel consiste à saper l’impérialisme, à renforcer la démocratie, à liquider les restes du fascisme. »

PERSPECTIVES HISTORIQUES

La division de l’Europe en 1949

ISLANDE

OCÉAN ATLANTIQUE

Zone d'influence occidentale États pro-occidentaux non engagés en 1945 États bénéficiaires du plan Marshall Zone d'influence soviétique

FINLANDE NORVÈGE SUÈDE Mer du Nord IRLANDE

ROYAUMEUNI

DANEMARK

FRANCE

RFA

SUISSE

La finlandisation :

POLOGNE

RDA

BELGIQUE LUX.

TCHÉC

OSLO

AUTRICHE

VAQU

IE

HONGRIE ROUMANIE

PORTUGAL ITALIE ESPAGNE

États neutres

URSS

PAYSBAS

Mer Noire

YOUGOSLAVIE BULGARIE

Libérée par l’Armée rouge en 1945, la Finlande obtint le départ des troupes soviétiques en 1947 en échange de la signature d’un traité de paix et d’amitié. Elle put choisir son régime politique, mais dut se garder de toute action hostile à l’égard de l’URSS.

ALBANIE GRÈCE

TURQUIE

Mer Méditerranée CHYPRE

500 km

« Un rideau de fer est tombé sur le continent » relis bien car j’ai refait le doc (pas de matière que l’ancien doc)

« Une ombre est descendue sur les scènes si récemment éclairées par la victoire alliée. Nul ne sait ce que la Russie soviétique et son organisation carl internationale communiste entendent faire dans l’immédiat et quelles format sont les180x123 limites, s’il y en a, à leur mouvement d’expansion et de prosélytisme. […] De Stettin, dans la Baltique, à Trieste, dans l’Adriatique, un rideau de fer est tombé sur le continent. Derrière cette ligne se trouvent toutes les capitales des anciens États d’Europe centrale et de l’Est… et

p019_Europe_1949

Dans les pays de l’Est, les partis sociaux-­démocrates sont absorbés par les partis communistes et les autres partis contraints au silence. En Tchécoslovaquie, les communistes s’emparent du pouvoir par la force : c’est le coup de Prague (1948). En Yougoslavie, Tito et les communistes, qui ont libéré le pays, rompent avec Staline. C’est le premier schisme au sein de la famille communiste. En Finlande, les communistes échouent dans leur tentative de reprise du pouvoir : les Soviétiques retirent leurs troupes en 1947 et signent un traité de paix et d’amitié avec Helsinki. Les Finlandais pourront jouir d’un régime politique démocratique, mais leur politique étrangère sera très conciliante avec l’URSS. C’est la « finlandisation ».

toutes sont soumises, d’une manière ou d’une autre, non seulement à l’influence soviétique, mais à un contrôle étroit et dans certains cas croissant de Moscou. […] Quelles que soient les conclusions que l’on puisse tirer de ces faits, cette Europe n’est certainement pas l’Europe libérée pour laquelle nous avons combattu. » Winston Churchill, discours à l’université de Fulton (États‑Unis), 5 mars 1946.

DEUX ALLIANCES MILITAIRES Conscients de leur faiblesse face à l’URSS, les pays d’Europe de l’Ouest demandent aux États‑Unis de garantir leur sécurité. En juin 1948, le Sénat américain adopte la résolution Vandenberg, autorisant le gouvernement américain à adhérer, en temps de paix, à des pactes militaires ou régionaux. Le traité de l’Alliance atlantique, signé le 4 avril 1949, donne naissance à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). De l’autre côté du rideau de fer, le pacte de Varsovie n’est créé qu’en 1955. Mais des liens militaires bilatéraux avaient depuis longtemps été établis entre ses pays membres. 19

GUERRE FROIDE ET DÉTENTE De la fin de la Seconde Guerre mondiale à la fin des années 1980, les relations internationales sont domi‑ nées par le clivage Est/Ouest. À la tête de chaque camp se trouve une superpuissance : les États‑Unis d’un côté, l’Union soviétique de l’autre, autour desquelles s’organisent deux alliances militaires.

« GUERRE IMPROBABLE, PAIX IMPOSSIBLE » Les rapports entre l’Est et l’Ouest sont comme un jeu à somme nulle : l’enjeu de la partie reste le même du début à la fin. Tout gain pour un camp est donc une perte pour l’autre. Il ne peut y avoir aucun bénéfice mutuel. Le conflit ne se développe jamais à l’extrême. S’il y a des menaces et des invectives, jamais n’ont lieu d’affrontements directs –  qui auraient signifié une troisième guerre mondiale – mais « seulement » des affrontements armés par alliés interposés. La dissuasion nucléaire rend donc la guerre improbable, mais la division fait que la paix véritable est impossible. Cependant, petit à petit, les deux Grands découvrent leur intérêt commun, au-­delà de leur rivalité : empêcher le déclenchement d’une guerre nucléaire. Mais ce n’est qu’après la crise de Cuba, lorsque le monde est passé au plus près d’une troisième guerre mondiale, que la détente peut émerger.

« DÉTENTE » OU « COEXISTENCE PACIFIQUE » ? Tandis que les Américains emploient le mot français « détente », qui signifie relâchement des tensions, les Soviétiques utilisent l’expression « coexistence pacifique ». Cette différence, négligée par les Occidentaux pendant cette période, n’a, en réalité, rien d’anodine en ce qu’elle met en lumière la divergence des attentes. Pour les Soviétiques, la guerre n’est plus perçue comme inévitable entre le camp socialiste et les autres. Plus puissante qu’en 1945, sortie du complexe de la « citadelle assiégée », croyant pouvoir rattraper économiquement les États‑Unis, l’URSS a besoin d’une période de paix pour réaliser ses projets. Elle compte sur l’attraction que son modèle suscite dans le tiers-­monde, et non plus sur la force, pour étendre son influence. Paradoxalement, c’est la prise de conscience de leur relatif affaiblissement depuis 1945 qui convainc les États‑Unis de la nécessité de la détente. Pourtant très anticommunistes, le président américain Richard Nixon et son secrétaire d’État Henry Kissinger estiment que la guerre du Vietnam et son enlisement sont les signaux d’un déclin des États‑Unis. La menace d’une guerre nucléaire, crédible depuis le début des années 1960, et la vulnérabilité du territoire américain aux armes soviétiques, conduisent au dialogue. Kissinger est partisan d’une Realpolitik. Il ne s’agit plus de s’interroger sur la nature maléfique ou non du régime soviétique : si Moscou adopte une attitude raisonnable sur le plan extérieur, il convient d’entamer un dialogue avec elle. « La sécurité absolue à laquelle aspire une puissance – écrit Henry Kissinger – se solde par l’insécurité absolue de toutes les autres. »

20

Seul est tolérable un comportement où s’équilibrent « sécurité et insécurité relatives de chacun des participants », ce qui implique une balance des forces, elle-­même en constante mutation, et la possibilité d’en négocier le maintien. Toujours selon Kissinger : « Tout président américain apprend rapidement qu’il ne dispose que d’une marge de manœuvre étroite. Les États‑Unis et l’Union soviétique sont des rivaux idéologiques. La détente n’y peut rien changer. L’ère nucléaire nous condamne à la coexistence. Les croisades rhétoriques ne peuvent rien y changer non plus. » [Henry Kissinger, Les Années orageuses, Fayard, 1982]. Selon ce constat, la détente n’est peut-­être pas une panacée, mais c’est une nécessité. Elle doit permettre de parvenir à l’équilibre entre les piliers jumeaux de l’endiguement et de la coexistence.

ÉQUILIBRE OU DUOPOLE ? Pendant la détente, les deux Grands veulent établir un dialogue bilatéral suivi, régulier et constructif. Dans ce contexte, les relations internationales sont perçues comme un jeu à somme non nulle : il est possible que dans la même opération Washington et Moscou soient gagnantes. Grâce au dialogue, les deux États espéraient stabiliser leur relation et donner la priorité à la coopération sur l’affrontement, mais également à l’équilibre international de façon à éviter que des conflits régionaux (Vietnam, Moyen-­Orient) ne débouchent sur une situation dans laquelle ils seraient tous les deux impliqués. La détente n’est donc pas la fin de la compétition, mais son organisation selon des règles communément admises par le « condominium » soviéto-­américain. La détente a été symbolisée par la maîtrise des armements, l’Ostpolitik et les accords d’Helsinki de 1975 qui reconnaissent les frontières issues de la Seconde Guerre mondiale (revendication soviétique) et établissent le principe de liberté, de circulation et de conscience sur le continent européen (revendication occidentale). Les adversaires de la détente ont estimé que les Occidentaux lâchaient la proie pour l’ombre. C’est plutôt le contraire qui s’est produit, car nul ne voulait revenir sur les frontières de 1945. À l’inverse, des mouvements contestataires ont pu naître en Pologne et en Tchécoslovaquie. La relative liberté donnée aux Allemands de l’Est leur a permis de comparer leur situation avec celle des Allemands de l’Ouest et de nourrir une envie irrésistible de bénéficier des bienfaits de la liberté et, surtout, de la société de consommation. Les avancées soviétiques en Afrique (Angola et Mozambique en 1975, puis Éthiopie), l’installation des missiles SS-20, puis l’invasion de l’Afghanistan, ont eu raison de la détente. L’URSS ne respectait alors plus une certaine modération dans ses comportements

PERSPECTIVES HISTORIQUES

Présence militaire américaine et soviétique en 1962

OCÉAN PACIFIQUE

OCÉAN PACIFIQUE

ÉTATSUNIS

URSS

OCÉAN ATLANTIQUE

OCÉAN INDIEN

Pays liés militairement aux États-Unis Pays liés militairement à l'URSS Pays neutres et non-alignés

carl format 200x135 extérieurs. Il fallut attendre 1985 pour la voir resurgir avec, d’abord, la reprise des négociations soviéto-­américaines, puis, en mars, l’arrip021_Presence_Militaire_1962 vée de Mikhaïl Gorbatchev au pouvoir. Mais, in fine, la perestroïka, la politique réformatrice de Gorbatchev, n’a pas seulement débouché sur une nouvelle détente, mais aussi sur la fin des relations Est/Ouest.

LE CONTAINMENT En juillet 1947, la revue Foreign Affairs publie, sous la signature X, un article qui expose ce qui n’allait cesser d’être la doctrine américaine : le containment ou « endiguement ».

L’auteur, George Kennan, ancien conseiller d’ambassade à Moscou, écrivait : « Il est clair que l’élément principal de toute politique des États‑Unis vis-­à‑vis de l’URSS doit être un endiguement de long terme, patient mais ferme et vigilant des tendances expansionnistes de la Russie, […] en vue d’opposer aux Russes une contre-­force inaltérable en tout point où ils montreront des signes de leur volonté d’empiéter sur les intérêts du monde pacifique et stable. » George Kennan prédisait que si les Occidentaux arrivaient à contenir les forces soviétiques pendant 10 à 13 ans, les maîtres du Kremlin reviendraient à une politique étrangère plus sage.

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LA DÉCOLONISATION ET L’ÉMERGENCE DU TIERS-­MONDE Les Occidentaux avaient combattu le nazisme au nom du droit des peuples à disposer d’eux-­mêmes. Les colonies des pays européens vont se réapproprier ce principe afin d’obtenir leur indépendance.

L’APPARITION DE NOUVEAUX PAYS LORS DE LA GUERRE FROIDE Après la Seconde Guerre mondiale, le prestige des puissances coloniales est bien entamé. La Belgique et les Pays-­Bas ont été éliminés en quelques jours, la France vaincue en deux mois et le Royaume-­Uni constamment réduit à la défensive. La participation des peuples coloniaux de ces pays à la guerre va renforcer leur volonté d’émancipation. Les États colonisateurs ont fait appel au potentiel humain de leurs empires et ont promis de récompenser les sacrifices. Les États qui émergent après 1945, États‑Unis et Union soviétique, ne sont pas des puissances coloniales. Ils se présentent au contraire comme hostiles au colonialisme par principe, mais aussi par intérêt. L’URSS et les partis communistes se font les champions de l’anticolonialisme. Les États‑Unis, eux-­mêmes créés par une décolonisation, ne peuvent qu’être favorables au concept. De plus, Washington aimerait substituer son influence politique et économique à la tutelle juridique des pays européens. Entre 1945 et 1953, une première vague de décolonisation concerne principalement l’Asie et le Proche-­Orient. En Inde, une élite nombreuse réclame le self government sous l’influence de Gandhi. Mais, contrairement à ses souhaits, l’Empire britannique des Indes ne donnera pas naissance à un pays unique. L’Indian Independence Act du 18 juillet 1947 constitue deux États, l’Union indienne et le Pakistan, à majorité musulmane. Le partage se fait dans l’affrontement et les massacres. En Asie du Sud-­Est, Washington accorde l’indépendance contrôlée aux Philippines en 1946 et l’Indonésie triomphe des troupes envoyées par les Pays-­Bas en 1949. En Indochine, Hô Chi Minh proclame l’indépendance du Vietnam dès 1945.

L’AFFIRMATION POLITIQUE ET DIPLOMATIQUE En 1955, 29 pays d’Asie et d’Afrique tiennent une conférence à Bandung, en Indonésie. Ils s’entendent sur les principes suivants : respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté, non-­agression, non-­ingérence dans les affaires intérieures, égalité et avantages mutuels, coexistence pacifique. C’est la première grande réunion des pays du Sud sans la participation des puissances européenne, soviétique ou américaine.

Les 29 pays ayant participé à Bandung représentent la moitié de l’humanité, mais seulement 8 % du PIB mondial. En 1961, est lancé le « mouvement des non-­alignés ». Mais, très vite, les non-­alignés se partagent en trois tendances : ceux qui le sont réellement, les pro-­ occidentaux et les pro-­soviétiques. À la fin des années 1950, les pays issus de la décolonisation deviennent majoritaires à l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU). Ils vont se servir de cette dernière comme d’une tribune pour assurer une seconde vague de décolonisation, qui touche essentiellement l’Afrique. La résolution 1541 (XV) proclame en 1960 le droit à la décolonisation immédiate et inconditionnelle. La colonisation est présentée comme contraire à la Charte de l’ONU, mais également comme compromettant la paix mondiale.

LE TIERS-­MONDE  : UN ENSEMBLE HÉTÉROGÈNE La décolonisation aura été l’élément majeur de la seconde moitié du xxe siècle. Elle bouleverse la carte du monde en triplant le nombre d’États et en faisant disparaître, en un peu plus d’une génération, l’ensemble des empires européens. Mais malgré les efforts des pays du Sud, le « nouvel ordre économique mondial », censé combler le fossé entre le Sud et le Nord, ne se réalisera pas. Ce concept est adopté en 1974 par l’AGNU. Il déclare la « souveraineté permanente sur les richesses naturelles ». L’idée est de corriger les échanges inégaux en revalorisant le prix des matières premières, principale richesse des pays du Sud, qui les vendent à bas prix aux pays industriels, alors que ces derniers vendent à un prix élevé leurs produits finis. Mais si le prix du pétrole est quadruplé en 1974, les autres producteurs de matières premières ont moins de chance. Certains pays parviennent à assurer leur décollage économique en s’appuyant sur leurs exportations pour développer un secteur industriel et en utilisant leur main-­d’œuvre à bas coût, d’autres vont au contraire s’appauvrir, victimes de la chute des cours et d’erreurs de gestion. La possession de matières premières constitue pour certains une bénédiction, pour d’autres une malédiction, car elle devient une source d’appétits extérieurs ou de guerres civiles. Il n’y aura bientôt plus rien de commun entre les dragons asiatiques (Corée du Sud, Hong-­Kong, Singapour, Taïwan), les géants géostratégiques (Inde, Brésil, Chine), les pays pétroliers et les pays les moins avancés (PMA)1.

1. Voir le chapitre « La fin du tiers-­monde et du monopole occidental de puissance », p. 28.

22

PERSPECTIVES HISTORIQUES

La décolonisation depuis 1945

OCÉAN PACIFIQUE

OCÉAN PACIFIQUE Province de Nouvelle-Guinée hollandaise jusqu’en 1962, rattachée en 1963 à l’Indonésie

Kiribati Nauru Palau Salomon Samoa occ. Tonga Tuvalu Vanuatu

Papouasie occidentale

Bahamas Antigua-et-Barbuda Saint-Kitts-et-Nevis Dominique Sainte-Lucie Saint-Vincent-et-les-Grenadines Barbade Grenade Trinité-et-Tobago

(1976)

(1971)

Malte

Sahara occidental Colonie espagnole jusqu’en 1976, disputée depuis, revendiquée par le Maroc

Timor oriental

Bangladesh

Érythrée

Maldives

(1991)

CapVert

OCÉAN INDIEN

Soudan du Sud

(2011)

São Tomé-et-Principe

Seychelles Comores Maurice

OCÉAN ATLANTIQUE Namibie (1990)

Occupée sans mandat par l’Afrique du Sud de 1966 à 1990

Décolonisation Avant De 1945 1960 De 1961 Après 1945 à 1959 à 1974 1975 Pays résultant d’une scission d’un État après la décolonisation

Conflits

Guerres coloniales Conflits interétatiques Guerres civiles

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p023_Decolonisation_depuis_1945

23

L’EFFONDREMENT DE L’EMPIRE SOVIÉTIQUE Lorsque Mikhaïl Gorbatchev est élu secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique, en mars 1985, l’URSS est encore considérée comme une superpuissance. Elle a maintenu un contrôle étroit sur les pays du pacte de Varsovie (doctrine Brejnev de souveraineté limitée), poursuivi une course aux armements exacerbée, mené une politique expansionniste dans le tiers-­monde et envahi l’Afghanistan. L’APAISEMENT SOVIÉTIQUE SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE Gorbatchev sait cependant que l’URSS ne peut suivre les États‑Unis de Ronald Reagan, qui creusent en leur faveur l’écart sur le plan économique, technologique et donc militaire. Soucieux de concentrer les énergies sur la reconstruction économique du pays et de conserver les Occidentaux dans son giron, il décide de rompre avec la politique extérieure brejnévienne en diminuant les dépenses militaires, en limitant les engagements internationaux et en abandonnant certaines des positions soviétiques les plus fermement établies. L’URSS signe le traité sur les euromissiles, renonce aux SS-20 et accepte l’idée d’un équilibre conventionnel en Europe. Cette politique, dictée par l’état réel de l’URSS, a pour objectif de maintenir le communisme en le regénérant tout en améliorant son image.

LA LIBÉRATION DE L’EUROPE DE L’EST Soumis au joug de l’URSS depuis la fin des années 1940, les pays du pacte de Varsovie ont à plusieurs reprises manifesté leur rejet d’une domination soviétique imposée par la force (intervention à Berlin-­Est en 1953, en Hongrie en 1956, en Tchécoslovaquie en 1968 et état de siège en Pologne en 1981). En visite en Tchécoslovaquie en 1987, Gorbatchev expose sa vision d’une « maison commune européenne ». S’il estime que c’est « ensemble, collectivement […] que les Européens pourront sauver leur maison […] l’améliorer, la rendre plus sûre », il admet que chaque nation « peut vivre sa propre vie, suivre ses propres traditions ». En 1988, il précise, devant l’ONU, que la liberté de choix doit être reconnue aux peuples. Ce changement de doctrine, qui laisse d’abord sceptiques les pays de l’Est et les Occidentaux, débouche sur l’émancipation de l’Europe de l’Est. Tout se précipite en 1989 : en juin, Gorbatchev se déclare favorable à une politique de non-­intervention et souligne que les changements sociaux relèvent des affaires intérieures de chaque pays. De fait, Moscou n’intervient pas lorsque, en août, la Pologne, où le président Jaruzelski a été contraint d’accepter la tenue d’élections libres remportées par Solidarnosc, se dote d’un gouvernement non communiste. La menace d’une intervention soviétique en Europe de l’Est est définitivement écartée. La peur du gendarme soviétique dissipée, le glacis européen de l’URSS s’effondre sous la pacifique pression des foules qui descendent dans les rues de toutes les grandes villes de l’Est. En septembre, la Hongrie soulève un pan du « rideau de fer » : des milliers d’Allemands de l’Est quittent leur « démocratique » Allemagne pour l’autre, via le « pays frère ». Lors du quarantième anniversaire de la RDA, Mikhaïl Gorbatchev porte le coup de grâce au 24

régime de Honecker en RDA en soulignant que ceux qui ne veulent pas se réformer seront emportés par l’Histoire. Plus rien ne s’oppose à la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989. Après la Pologne, l’Allemagne de l’Est, la Tchécoslovaquie et la Hongrie se dotent de représentants démocratiquement élus. Ni la Bulgarie ni la Roumanie n’échappent au « vent d’Est », malgré des troubles et le maintien, pendant quelques années, du personnel communiste « reconverti ». Les structures mises en place par l’URSS au moment de la constitution de son bloc sont très vite remises en cause : après le Conseil d’assistance économique mutuelle (CAEM ou Comecon) en juin 1991, le pacte de Varsovie est dissous (juillet) et les troupes soviétiques se retirent progressivement de tous les pays d’Europe de l’Est.

DE L’ASIE À L’AMÉRIQUE LATINE, LE DÉSENGAGEMENT SOVIÉTIQUE L’échec de l’intervention soviétique en Afghanistan joue un rôle majeur dans le changement de politique de l’URSS vis-­à‑vis du tiers-­monde. Celui-­ci n’est plus considéré comme un instrument dans la lutte contre les États‑Unis et dans l’affirmation de la puissance soviétique, mais comme un gigantesque fardeau. Il convient d’autant plus de s’en débarrasser que l’URSS s’est montrée incapable d’apporter une réponse aux besoins de développement de ces pays, et que l’invasion de l’Afghanistan a définitivement ruiné son image d’alliée et de protectrice des pays du Sud contre l’impérialisme des Occidentaux. En février 1986, Gorbatchev annonce le retrait des troupes soviétiques d’Afghanistan, où elles sont enlisées depuis l’intervention de 1979. En avril 1988, un accord est signé avec le gouvernement de Kaboul, le Pakistan et les États‑Unis. Le retrait, commencé en mai, s’achève en février 1989. Ailleurs, l’attitude de Moscou change tout aussi radicalement : l’URSS cesse de soutenir les « mouvements de libération nationale » et d’attiser les conflits régionaux. Ses aides, politiques, militaires, économiques et financières sont drastiquement revues à la baisse. Au Moyen-­Orient, l’URSS renonce à aider la Syrie à atteindre la parité militaire avec Israël et accorde, sans exiger de contrepartie en faveur de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine), la liberté d’émigrer aux juifs soviétiques. Surtout, elle renonce, pendant la crise, puis la guerre du Golfe, à son traité d’amitié de 1972 avec l’Irak en votant toutes les résolutions du Conseil de sécurité contre Bagdad, y compris celle réclamant l’emploi de la force. En Afrique, où l’URSS avait notamment pris pied à la faveur de la décolonisation portugaise, Gorbatchev réduit considérablement l’aide et la présence soviétiques. Ce changement précipite, en mai 1991, la chute du régime éthiopien de Mengistu, déjà soumis aux

PERSPECTIVES HISTORIQUES

La dislocation de l’empire soviétique

OCÉAN PACIFIQUE

OCÉAN PACIFIQUE

CORÉE DU NORD MONGOLIE NICARAGUA (1990)

CUBA

URSS

LAOS CAMBODGE

VIETNAM

(1993)

AFGHANISTAN

OCÉAN ATLANTIQUE LIBYE

YÉMEN (1990)

Estonie Lettonie Lituanie

Russie ÉTHIOPIE (1991)

Biélorussie Kaliningrad Ukraine Moldavie

ANGOLA (1992)

OCÉAN INDIEN

État où les bases aériennes étaient accessibles aux avions de combat soviétiques Bases navales soviétiques (1991) Grands passages stratégiques Principales directions de l’expansion soviétique avant 1975 Axes d’expansion remis en cause depuis 1985 Guérilla victorieuse contre un régime pro-soviétique

Anciens pays de l’URSS

Dislocation du glacis européen (1990-1991) Pays restés proches de l’URSS jusqu’à sa disparition et n’ayant pas changé de régime Évolution vers le multipartisme à la suite d’un accord international

La Russie d’aujourd’hui

Élections et/ou réunification

MOZAMBIQUE (1994) Ancien rideau de fer

carl format 200x150

p025_Dislocation_Empire_Sovietique rébellions érythréenne et tigréenne. Il permet aussi au Mozambique et à l’Angola de reprendre contact avec l’Occident et de tenter de sortir de la spirale des affrontements. En Amérique latine, Moscou réduit son aide à Cuba et met fin, en 1993, à sa présence militaire sur l’île. Au Nicaragua, la diminution de l’aide soviétique entraîne la chute des sandinistes. Dans toute

l’Amérique latine ou presque, la fin de l’affrontement Est/Ouest permet l’apaisement progressif de la plupart des tensions régionales et nationales, la signature d’accords, la démobilisation de guérillas, la réduction des armées régulières, l’organisation d’élections authentiquement pluralistes.

25

LA SITUATION STRATÉGIQUE EN 1989 L’histoire des relations Est/Ouest de 1945 à 1989 se résume à une lutte pour la suprématie mondiale, sans merci, mais sans affrontement direct, entre les États‑Unis et l’Union soviétique. Le dessein de l’URSS était de rattraper, puis de dépasser les États‑Unis. L’objectif de ces derniers consistait à contenir l’avancée soviétique. Pour chacun, il s’agissait de construire une puissance militaire invulnérable et de se doter du réseau d’alliés le plus large possible. Il en a résulté une exténuante course aux armements.

COURSE AUX ARMEMENTS, COURSE AUX ALLIÉS Après la Seconde Guerre mondiale, l’URSS est le seul État européen qui agrandit son territoire. En 1949, la victoire des communistes en Chine renforce considérablement le camp soviétique. C’est lui, en effet, qui a le vent en poupe puisqu’il dépasse tant géographiquement que démographiquement le camp « capitaliste ». Les Américains réagissent par une politique d’endiguement, qui se traduit par une « pactomanie ». Il s’agit d’établir, autour de la puissance soviétique, un réseau d’alliances propre à contenir toute nouvelle poussée de Moscou. Ainsi naît l’OTAN, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, à laquelle il faut ajouter, en Europe, un traité bilatéral avec l’Espagne franquiste. Le pacte de Bagdad est signé le 24 février 1951 entre la Turquie, le Pakistan, l’Iran, l’Irak et le Royaume-­Uni. Les États‑Unis le rejoignent en 1957. Rebaptisé CENTO, il est dissout en 1979. Le 8 septembre 1954, le pacte de Manille donne naissance à l’OTASE (Organisation du traité de l’Asie du Sud-­Est) entre les États‑Unis, la France, le Royaume-­Uni, l’Australie, la Nouvelle-­Zélande, le Pakistan, les Philippines et la Thaïlande. L’OTASE cessa ses activités en 1973. En 1957, l’Australie, la Nouvelle-­Zélande et les États‑Unis signent le traité de l’ANZUS. À cela, il convient d’ajouter en Asie des accords bilatéraux entre les États‑Unis et, respectivement, le Japon et la Corée du Sud.

DE NOUVEAUX CHAMPS DE COMPÉTITION L’affaiblissement des positions européennes au Proche-­Orient, la décolonisation en Afrique, la fin de la présence française en Indochine ouvrent de nouveaux champs de compétition entre Américains et Soviétiques. Cette compétition présente des avantages pour de nombreux pays du tiers-­monde. Elle leur offre une alternative si l’alliance conclue ne leur apporte pas ­satisfaction. Par conséquent, Soviétiques et Américains doivent se montrer peu regardants sur leurs propres principes. Moscou soutient des régimes qui n’ont de socialiste que le nom tandis que Washington, au nom de la lutte anticommuniste, s’allie avec des dictateurs souvent sanglants. Cette course aux alliés et aux armements épuise les économies américaine et soviétique. C’est ce que Paul Kennedy, dans Naissance et déclin des grandes puissances (1987), appelle l’« overstretch » stratégique. Selon lui, les États‑Unis ont hérité d’une multiplicité d’engagements stratégiques contractés à une époque où leur économie était plus florissante « et que l’on pourrait décrire schématiquement comme une sur-­ expansion impériale […]. Les intérêts et les engagements américains sont actuellement trop lourds pour que les États‑Unis puissent les défendre tous simultanément ». 26

carl

OCÉAN PACIFIQUE

PÉROU CUBA

BRÉSIL BERMUDES (Royaume-Uni)

LA FIN DES RELATIONS EST/OUEST En fait, c’est l’URSS qui s’effondre la première, l’économie soviétique ne pouvant plus supporter le fardeau impérial. La superpuissance soviétique n’était qu’un colosse aux pieds d’argile. La crainte qu’elle inspirait aux autres États masquait une décomposition politique, sociale et économique, due principalement (mais pas uniquement) à la priorité absolue accordée aux efforts militaires. Dans ses avant-­mémoires, publiées en 1993, Gorbatchev écrit qu’il a été rapidement convaincu que la réussite de la perestroïka passait par la libération du pays du « fardeau d’une hyper-­ militarisation devenue absolument insupportable, destructrice », et de « la domination du complexe militaro-­industriel, ainsi que des dépenses exorbitantes que nous faisions pour maintenir nos positions de superpuissance hors du pays, dans les États alliés et dans le tiers-­monde ». L’URSS a souffert de « surextension impériale », du fait de la multiplicité d’engagements stratégiques qu’elle ne pouvait plus remplir. L’effondrement soviétique a surpris à la fois par son ampleur et sa rapidité, tant la « menace soviétique », et la domination qu’elle exerçait, notamment sur l’Europe de l’Est, semblait faire partie d’un paysage éternel. Les États‑Unis voient soudain disparaître, en 1989, la menace contre laquelle ils luttaient depuis 1947. Les relations Est/ Ouest ont vécu. Elles ne peuvent plus exister après la disparition du rideau de fer qui en était la source. Tandis que le camp occidental conserve ses diverses structures (OTAN – qui va même s’élargir en accueillant la plupart des anciens pays du pacte de Varsovie –, Communauté européenne), le bloc de l’Est, le pacte de Varsovie et l’URSS cessent d’exister, faisant également disparaître la principale source de menace pour l’Europe

PERSPECTIVES HISTORIQUES

La situation stratégique en 1989

OCÉAN PACIFIQUE

HAWAÏ (États-Unis) JAPON

ÉTATSUNIS

GUAM (États-Unis)

AUSTRALIE

CORÉE DU SUD PHILIPPINES

ES ni)

MONGOLIE CHINE OCÉAN ATLANTIQUE

VIETNAM

URSS

Pays liés à l'URSS Pays pro-occidentaux Pays neutres et non-alignés

AÇORES (Portugal)

Soldats déployés à l'étranger

INDE

Déploiement militaire : américain

TURQUIE 2 000

ALGÉRIE

96 500

380 000

LIBYE

soviétique

SUÈDE ROYAUMEUNI

MALI DIEGO GARCIA (États-Unis)

OCÉAN INDIEN

OCÉAN ATLANTIQUE

URSS

PAYSBAS

BELGIQUE

RDA RFA

TCHÉCOSLOVAQUIE

HONGRIE

PORTUGAL ESPAGNE

ITALIE Mer Méditerranée

occidentale. Celle-­ci n’a plus aucun ennemi à sa porte. Toutefois, cela ne signifie pas la paix pour l’Europe, qui se retrouve projetée dans les guerres balkaniques. À l’échelle mondiale, les conflits mutent ou changent de sens. La disparition de l’URSS laisse les États‑Unis sans aucun rival à leur

POLOGNE

GRÈCE

mesure. Mais si les États‑Unis sont une « hyperpuissance » inégalée, le monde n’est pas pour autant unipolaire. Dans un monde globalisé, aucun pays ne peut assumer seul l’exercice de la puissance.

27

LA FIN DU TIERS-­MONDE ET DU MONOPOLE OCCIDENTAL DE PUISSANCE A l’heure de la globalisation, le tiers-­monde va perdre son unité tandis que les Occidentaux voient dispa‑ raître le monopole de la puissance qu’ils détenaient jusqu’alors.

LE « TIERS-­MONDE » Au clivage Est/Ouest, dominé par la compétition entre Moscou et Washington, il fallait ajouter un clivage Nord/Sud, fondé sur des bases économiques et politiques. Au-­delà de leurs divergences idéologiques, l’Est et l’Ouest représentaient les pays développés et industrialisés. Le Sud, démuni et exploité par le Nord, représentait les pays non industrialisés, victimes de « l’échange inégal », contraints de vendre leurs matières premières, qui constituaient leur principale richesse, à des tarifs très bas et achetant à des prix élevés les produits industrialisés du Nord. La vision d’Alfred Sauvy, à l’origine du concept de « tiers-monde », était novatrice et allait anticiper une évolution géopolitique majeure. Le phénomène de la décolonisation, qui avait connu une première vague dans l’après-­Seconde Guerre mondiale, allait se développer à la fin des années 1950 et au début des années 1960. Les jeunes États indépendants avaient en commun des revendications politiques et économiques. Ils voulaient que leur souveraineté soit pleinement reconnue et que leur indépendance, parfois chèrement acquise, ne soit pas remise en question par les agissements des puissances européennes (néocolonialistes) ou par les superpuissances (néo-­ impérialistes). Ils voulaient également inverser le terme de ce que l’on qualifiait d’échange inégal, obtenir un meilleur prix pour leurs matières premières et parvenir au développement économique.

LES « TIERS-­MONDE » L’unité du tiers-­monde allait être remise en cause. Le clivage Est/ Ouest allait l’emporter sur le clivage Nord/Sud. Les pays non alignés pouvaient eux-­mêmes être alliés à Moscou ou Washington. Le groupe des 77, créé en 1964 à l’ONU, réunit l’ensemble des pays du Sud lors de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED). Il se veut un groupe de pression collective sur les pays du Nord et regroupe aujourd’hui 134 pays membres qui n’ont plus grand-­chose en commun. Les différentes déclarations sur le nouvel ordre économique international, sur la souveraineté permanente, sur les ressources naturelles ne parvenaient pas à masquer le parcours très différencié de ces pays. Encore comparables dans les années 1960, ils allaient suivre un chemin différent dès les années 1970. Le tiers-­monde, uni dans le sous-­développement et la solidarité face aux puissances du Nord, n’existe plus. Les pays qui en faisaient partie sont partagés entre les nouveaux pays industrialisés, les tigres et dragons asiatiques, les pays pétroliers à faible population, les mastodontes économiques que sont l’Inde et la Chine et les émergents comme le Brésil. Il n’est plus possible aujourd’hui, comme dans les années 1960, de mettre dans le même groupe l’Irak, le Brésil, la Corée du Sud, le Sénégal, Haïti, le Zimbabwe et l’Argentine. 28

Mais c’est surtout en termes de développement économique que l’unité du tiers-­monde allait voler en éclats. De l’aveu même du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), les pays du tiers-­monde auraient réalisé en 30 ans les mêmes progrès humains que les pays industrialisés en un siècle. La situation est en fait contrastée entre les pays du tiers-­monde qui se sont industrialisés, les États faillis, les pays les moins avancés qui s’enkystent dans des trappes à pauvreté et insécurité, et les pays émergents dont la croissance est supérieure à celle des pays occidentaux.

LES BRICS ET LES PAYS ÉMERGENTS En 2001, la banque Goldman Sachs inventait le concept de BRIC (pour Brésil, Russie, Inde et Chine), quatre pays à forte population et à fort potentiel de croissance économique, qui deviendra BRICS après qu’y sera ajoutée l’Afrique du Sud en 2011. Il s’agissait de rassurer les marchés après les événements tragiques du 11 septembre 2001. D’artificiel, ce groupe est devenu une réalité qui tient des sommets annuels depuis 2009 et souhaite se distinguer des puissances occidentales. Mais les pays émergents sont bien plus nombreux que les seuls BRICS : plus d’une soixantaine d’États à la croissance forte, où se développe une classe moyenne et qui deviennent des acteurs économiques autonomes se font de plus en plus entendre sur la scène internationale.

LA FIN DU MONOPOLE DE LA PUISSANCE DU MONDE OCCIDENTAL L’évolution géopolitique majeure, plus importante encore que la fin de la guerre froide (le monde bipolaire n’ayant duré qu’une quarantaine d’années), est la fin du monopole de la puissance du monde occidental dont il bénéficiait depuis la fin du xve siècle, à partir des « Grandes Découvertes » et de la circumnavigation. En réalité, la première mondialisation avait été une européanisation du monde, l’Europe partant à la conquête des autres continents. Au début du xxe siècle, le monde était politiquement, stratégiquement, intellectuellement et économiquement dominé par les Européens. Les deux guerres mondiales dans lesquelles le Vieux Continent a lancé la planète sont venues l’affaiblir. Mais après 1945, les États‑Unis ont pris le relais comme « leader du monde libre » (Harry Truman), prolongeant ainsi la suprématie occidentale. Aujourd’hui, cette domination est remise en cause du fait de l’émergence d’autres pays et de la mondialisation. Le monde occidental, s’il n’a pas perdu sa puissance, en a perdu le monopole. Il ne s’est pas appauvri ; ce sont les autres qui se sont enrichis plus rapidement. Les Occidentaux restent les plus riches et les plus puissants,

PERSPECTIVES HISTORIQUES

Les 20 premières puissances économiques mondiales en 1991 et en 2020

1991

2020

AUSTRALIE

AUSTRALIE

13

14

INDONÉSIE 16 3

2 JAPON

OCÉAN PACIFIQUE

JAPON 12

CORÉE DU SUD

10 CHINE

15

FÉDÉRATION DE RUSSIE SUÈDE 13 PAYS-BAS 16 19 BELGIQUE 3 ALLEMAGNE ROYAUME-UNI 6 5 ITALIE 4 FRANCE

MEXIQUE

ESPAGNE 8

1

ÉTATSUNIS 15 MEXIQUE

SUISSE 18

OCÉAN ATLANTIQUE OCÉAN PACIFIQUE

11 RUSSIE

17

CANADA 7

ÉTATSUNIS

CORÉE DU SUD 10

2 CHINE

OCÉAN INDIEN

INDE

9

1

OCÉAN PACIFIQUE

CANADA 9

OCÉAN INDIEN

INDE

17 PAYS-BAS ALLEMAGNE TURQUIE 4 19 20 ROYAUME-UNI 5 8 ARABIE ITALIE SAOUDITE 7 FRANCE ESPAGNE 14 SUISSE 18 OCÉAN ATLANTIQUE

BRÉSIL 12

11 BRÉSIL

Les 20 premières puissances mondiales, par PIB nominal (en millions de dollars) 20

21 000 000

ARGENTINE

10 000 000

1991

5 000 000 3 000 000 1 000 000 189 720

2020 1 Rang

Source : Banque mondiale.

mais ils doivent faire face à une concurrence économique, stratégique et politique à laquelle ils ne sont historiquement pas habitués. Cette évolution majeure remet en cause des schémas politiques et psychologiques établis depuis plus de cinq siècles, et peut conduire à de dangereuses confusions. Si le monde occidental se sent menacé par le monde émergent, s’il ne reconnaît pas cette réalité – en pensant qu’il peut contrôler carl cette émergence –, s’il compte sur sa supériorité stratégique et miliformat taire200X168 encore forte pour mettre au pas les récalcitrants ou s’il estime être toujours en mesure de fixer pour tous l’agenda et les règles p029_PIB_1991_2020 internationales, il va au-­devant de graves désillusions. L’isolement du monde occidental dans l’application de sanctions contre Moscou

6

suite à l’invasion russe de l’Ukraine en a été un nouvel exemple. Aucun pays ne lui demande la permission de se développer ou n’entend se faire dicter sa conduite. Tous affirment leur indépendance de droit et de fait. Le monde se multipolarise. La Chine, après des années de croissance à deux chiffres et un développement tous azimuts, affirme haut et fort sa volonté de (re) devenir la première puissance mondiale, et ainsi de détrôner les États-­Unis. Le dépassement de Washington par Pékin, qui devrait intervenir dans la décennie qui s’ouvre, est certainement l’aboutissement du processus de perte du monopole occidental sur la puissance. L’affrontement entre les deux sera sans aucun doute l’élément structurant des relations internationales pour les années à venir. 29

LES ÉTATS, ACTEURS PIVOTS L’État a perdu le quasi-­monopole de la qualité d’acteur des relations internationales. Il demeure cependant essentiel aux relations internationales. LE MONDE WESTPHALIEN Le « monde westphalien », du nom de l’ordre international qui a  émergé à  partir de la signature des traités de Westphalie en 1648, consacre la souveraineté des États. Ceux-­ci n’ont aucun supérieur (ni le pape ni l’empereur du Saint Empire romain germanique ne peuvent lui imposer leur volonté), mais uniquement des égaux. L’État s’impose dès lors comme l’acteur clé des relations internationales. Trois éléments sont constitutifs de l’État : un gouvernement, un territoire et une population. La nature du gouvernement – monarchie, république, démocratie, etc. – n’a aucune importance. Seule son effectivité est un critère déterminant, c’est-­à‑dire le réel contrôle de la population sur un territoire donné. Sans ce dernier, les États sont faillis. Les frontières des États peuvent être terrestres, maritimes (12 milles marin au large des côtes) et aériennes (espace atmosphérique au-­dessus du territoire). La taille du territoire n’est pas un critère suffisant pour dénier la qualité d’État. Il existe d’ailleurs des « micro-­États » et certains États de taille réduite peuvent avoir un rôle géopolitique important. La population est formée par l’ensemble de ceux vivant sur un même territoire, qu’ils soient nationaux ou non. Chaque État est libre de déterminer, comme il l’entend, les modalités d’attribution de sa nationalité. L’importance de la population n’est en rien déterminante : il peut y avoir des États très peu peuplés. L’égalité entre États est bien sûr théorique, car leur puissance peut fortement diverger. Or, au sein d’un monde qui n’est pas entièrement régulé par le droit, la puissance demeure primordiale. L’État doit être reconnu par ses pairs pour pouvoir réellement exercer ses compétences.

L’ÉTAT RESTE LE PIVOT DE LA VIE INTERNATIONALE La mondialisation est venue remettre en cause le statut de l’État qui a vu surgir une multitude d’autres acteurs internationaux. La notion de frontières s’amenuisait à mesure que les réseaux et les flux augmentaient. On dit que l’État est devenu trop grand pour les petites choses et trop petit pour les grandes choses. Mais, in fine, c’est lui qui signe les traités et mène l’action internationale. Si l’État, concurrencé par d’autres acteurs, ne peut plus revendiquer le monopole de l’action internationale, il demeure néanmoins le pivot de la société internationale. Ceux que l’on qualifie d’acteurs « non étatiques » sont bien définis par rapport aux États. C’est à lui que les autres acteurs internationaux s’adressent pour exercer leurs propres activités, faire valoir leurs intérêts ou exprimer leurs revendications, qui, la plupart du temps, dépendent de leurs décisions. Il demeure le seul lieu d’arbitrage des différentes activités. C’est encore largement au sein d’un cadre étatique que se jouent les luttes de pouvoir, de coopération – ou non – entre les États, permettant la prise de décision internationale. Le rôle prépondérant joué par les États dans la gestion de p ­ andémie de Covid-19 a montré que même dans un monde globalisé et dans la gestion d’un défi global, l’échelle étatique reste centrale. Le rapport de force entre les différents acteurs évolue, sans pour autant transformer les États en acteurs obsolètes.

Une prolifération étatique (ONU) TCHÉCOSLOVAQUIE(3)

États membres de l’ONU

BIÉLORUSSIE(2)

51 Etats en 1945 99 Etats en 1960

ex-YOUGOSLAVIE(5)

UKRAINE

154 Etats en 1980

ex-URSS(1)

(2)

185 Etats en 1995

OCÉAN PACIFIQUE

193 Etats depuis 2011 (1)

OCÉAN PACIFIQUE

OCÉAN ATLANTIQUE

OCÉAN INDIEN

AFRIQUE DU SUD(4)

3 000 km à l’équateur

30

L’URSS est membre fondateur de l’ONU, son siège est conservé par la Russie à l’issue de la dissolution en 1991 (2) Au titre de leur rôle dans la seconde guerre mondiale, l’Ukraine et la Biélorussie obtiennent un siège de membre de l’ONU distinct de celui de l’URSS dès 1945. (3) La Tchécoslovaquie est membre fondateur de l’ONU. La République Tchèque et la Slovaquie en deviennent indépendamment membres en 1993 (4) L’Afrique du Sud est dans un premier temps membre au titre de L’Union sud-africaine, dissoute en 1961. La Namibie devient indépendante de l’Afrique du Sud en 1991. (5) La Yougoslavie est membre fondateur de l'ONU en 1945. Elle existe en tant qu'Etat membre jusqu'en 1992, date à laquelle la Croatie, la Slovénie et la Bosnie-Herzégovine entrent à l'ONU. Elle réintègre l'organisation en 2000 sous le nom de République fédérale de Yougoslavie, avant d'être définitivement dissoute. La Serbie conserve le siège yougoslave et le Monténégro intègre l'ONU en tant que nouvel État membre.

LES ACTEURS DES RELATIONS INTERNATIONALES

Une grande disparité de situations

SUPERFICIE DES ÉTATS

POPULATION ÉTATS-UNIS 329 484 120

ÉTATS-UNIS 9 826 675

TUVALU 11 790

NAURU 21

MONACO

CANADA

INDE

NAURU

1 380 004 390

10 830

2

9 984 670

VATICAN 799

VATICAN 0,44

RUSSIE

CHINE

17 098 242

1 410 929 360

En km2

PIB/habitant en PPA*

IDH ajusté aux inégalités* SUISSE

IRLANDE

0,889

93 180

RÉP. DÉM. du CONGO

SOUDAN DU SUD 0,276

1 140

SINGAPOUR 98 520

CENTRAFRIQUE 987

ISLANDE

TCHAD

0,894

0,248

BURUNDI 771

LUXEMBOURG 117 500

CENTRAFRIQUE 0,232

NORVÈGE 0,899

En dollars * PPA signifie « Parité de pouvoir d'achat ». Ce calcul spécifique du PIB permet une meilleure prise en compte des niveaux de vie spécifiques à chaque pays. Sources : Banque mondiale, L'Année stratégique 2022, PNUD.

* Ce calcul prend en compte les trois mêmes indicateurs que l’Indice de développement humain - IDH (PIB/habitant, niveau d’éducation des enfants de 17 ans et plus, espérance de vie à la naissance) en pondérant chaque indicateur par son niveau d’inégalité. Tout comme l'IDH, plus cet indice est proche de 1, plus le niveau de développement du pays est élevé.

31

L’ONU, UNE GOUVERNANCE MONDIALE ? Créée en 1945 par la Charte de San Francisco, signée par 51 États, cette organisation généraliste à vocation universelle compte désormais 193 États membres.

L’AMBITION DE L’ONU L’ONU fut pensée comme une organisation généraliste, chargée de maintenir la paix et la sécurité internationales. Cette mission se double d’objectifs en matière économique et de promotion des droits de l’homme, envisagés comme des facteurs de paix. Pour fonctionner, le système de sécurité collective suppose l’entente des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU), qui disposent chacun d’un droit de veto. La guerre froide va rendre impossible cette entente, chaque superpuissance protégeant ses alliés. Mais le droit de veto, s’il peut bloquer le système, est la condition même de son existence. Aucun des membres permanents, et surtout pas l’Union soviétique et les États‑Unis, n’aurait accepté de devenir membre de l’ONU sans cette garantie. Tel que prévu par la charte, le système de sécurité collective permet à chaque État membre de demander le soutien de l’ONU pour le règlement pacifique d’un conflit et, en cas d’agression, d’être soutenu par l’organisation. En raison de la guerre froide, les conflits majeurs de cette période se déroulent en dehors du cadre de l’ONU. Le système a été réellement utilisé pour la première fois en 1990, après l’annexion du Koweït par l’Irak. Bien que Bagdad soit un allié de l’Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev accepta de le sanctionner pour violation grave du droit international. La résolution 678 prévoyait l’usage de la force au cas où l’Irak ne se serait pas retiré du Koweït au 15 janvier 1991. La guerre du Golfe fut donc une action de police internationale légale. Malheureusement, le nouvel ordre mondial célébré à l’époque ne fut pas mis en place après la destitution de M. Gorbatchev et l’implosion de l’Union soviétique. Les rivalités nationales, en remplaçant les antagonismes idéologiques de la guerre froide, bloquent toujours le système et empêchent l’émergence d’une véritable sécurité collective. S’il est de bon ton de critiquer l’impuissance de l’ONU, il faut aussi voir le rôle positif que l’organisation a pu jouer et qu’elle joue encore. Elle a été déterminante dans le processus de décolonisation, le démantèlement de l’apartheid en Afrique du Sud et la restauration de l’État au Cambodge après le génocide. Au quotidien, l’ONU

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facilite les contacts, fait de la prévention dont l’impact, pour n’être pas toujours visible, n’en demeure pas moins réel. Ses institutions spécialisées sont des acteurs indispensables à la vie internationale.

LE SYSTÈME ONUSIEN L’ONU est dotée de cinq organes principaux (l’Assemblée générale où chaque État dispose d’une voix, le Conseil de sécurité, le Secrétariat, le Conseil économique et social et la Cour internationale de justice). Le Conseil de sécurité est composé de 15 membres, dont 5 membres permanents (Chine, États‑Unis, France, Royaume-­Uni, Russie) qui disposent du droit de veto et 10 membres non permanents élus pour deux ans sur une base géographique. L’organisation dispose également d’organes subsidiaires, comme le HCR (Haut-­Commissariat des Nations unies pour les réfugiés), l’UNICEF (Fonds des Nations unies pour l’enfance), le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) ou l’OMS (Organisation mondiale de la santé). L’ONU s’attelle aussi à promouvoir le développement économique et social à travers de multiples actions et organismes, dans des domaines d’intérêt international. Ainsi sont nées des organisations comme le FMI (Fonds monétaire international), la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) ou encore l’OIT (Organisation internationale du travail). L’Assemblée générale n’a qu’un rôle consultatif, alors que le CSNU dispose d’un réel pouvoir de décision. Pour qu’une résolution soit adoptée et ait force exécutive, il lui faut rassembler une majorité des deux tiers, sans subir un vote négatif de la part d’un membre permanent. Beaucoup pensent qu’il faut élargir un CSNU encore représentatif du monde tel qu’il était en 1945 mais déconnecté des équilibres géopolitiques actuels. En 2006, le secrétaire général de l’époque, Kofi Annan, propose de l’élargir à 5 nouveaux membres permanents : Inde, Japon, Allemagne, Brésil et Afrique du Sud. Mais pour que la réforme puisse avoir lieu l’accord des cinq membres permanents est nécessaire. Les États‑Unis et la Chine, soucieux de ne pas accorder trop de pouvoirs à l’organisation mondiale, n’ont pas souhaité l’appuyer.

LES ACTEURS DES RELATIONS INTERNATIONALES

Les États membres et opérations de maintien de la paix de l’ONU en 2022

Samoa Salomon Vanuatu Marshall Micronésie Palau Kiribati Nauru Tonga Tuvalu

FINUL UNFICYP

Liechtenstein Bahamas Antigua-et-Barbuda Saint-Kitts-et-Nevis Dominique Suisse Sainte-Lucie Saint-Vincent-et- Saint-Marin les-Grenadines Barbade Vatican Andorre Grenade Monaco Palestine MINURSO Malte Cap-Vert MINUSMA São Tomé-et-Principe MINUSCA

Source : ONU.

MINUK

UNMOGIP FNUOD ONUST

Maldives

FISNUA MINUSS Seychelles Comores Maurice

MONUSCO

ONUST (depuis mai 1948) : Organisme chargé de la surveillance de la trêve en Palestine UNMOGIP (depuis janvier 1949) : Groupe d’observateurs militaires en Inde et au Pakistan UNFICYP (depuis mars 1964) : Force chargée du maintien de la paix à Chypre FNUOD (depuis mars 1974) : Force chargée d’observer le dégagement sur le plateau du Golan FINUL (depuis mars 1978) : Force intérimaire au Liban MINURSO (depuis avril 1991) : Mission pour l’organisation d’un référendum au Sahara Occidental

carl format 182x139

États fondateurs États admis entre 1946 et 1955 États admis entre 1956 et 1989 États admis entre 1990 et 2006 États admis entre 2007 et 2011 États non membres au statut d’observateurs Les pays membres de la CEI (exceptées la Biélorussie et l’Ukraine qui font partie des membres fondateurs) ont adhéré directement à l’ONU après la dissolution de l’URSS.

MINUK (depuis juin 1999) : Mission d’administration intérimaire au Kosovo MONUSCO (depuis juillet 2010) : Mission pour la stabilité en République démocratique du Congo FISNUA (depuis juin 2011) : Force intérimaire de sécurité de l’ONU pour Abiyé (Soudan) MINUSS (depuis juillet 2011) : Mission préparatoire des Nations unies au Soudan du Sud MINUSMA (depuis avril 2013) : Mission multidimensionnelle des Nations unies au Mali MINUSCA (depuis avril 2014) : Opération multidimensionnelle des Nations unies en République centrafriciane

mis Sahara occ dans couleur Maroc

p032_Operation_Paix_ONU

33

LES OI, ACTEURS SECONDAIRES ? Les organisations internationales (OI) sont censées faciliter la vie internationale en organisant la coopé‑ ration entre les États. Ce sont bien des acteurs des relations internationales, mais elles ne peuvent être créées que par les États, et seuls ces derniers peuvent en être membres. Une fois créées, elles disposent d’une relative autonomie, y compris face aux États qui les composent. ALENA

LES OI CRÉÉES PAR LES ÉTATS Leur création est le résultat d’un traité international signé par les États. Une fois établies, les OI possèdent leur propre personnalité juridique, et donc une existence autonome. Leur nombre actuel s’élève à environ 300. Les premières OI ont été créées à des fins purement fonctionnelles. Il s’agissait de réglementer et donc de faciliter la circulation et le parcours des fleuves traversant plusieurs États. C’est ainsi qu’étaient mises en place, en 1831, la Commission centrale pour la navigation du Rhin, puis, en 1856, une organisation pour réglementer la circulation sur le Danube. Les évolutions technologiques ayant des répercussions sur plusieurs États, des organisations vont être créées afin de gérer leurs administrations au-­delà des frontières : l’Union télégraphique est créée en 1865, l’Union postale universelle en 1874, l’Union internationale des chemins de fer en 1922 et l’Union internationale pour la protection de la propriété industrielle en 1883. Il s’agissait donc dans un premier temps de réguler internationalement une activité naissante du fait des progrès techniques et prenant place sur le territoire de plusieurs États. C’est aussi pour des raisons pratiques que naîtra par la suite, en 1944, l’Organisation de l’aviation civile internationale, seul moyen d’organiser le transport aérien à l’échelle mondiale.

UN RÔLE POLITIQUE La Première Guerre mondiale éveilla les consciences à la nécessité de réglementer les relations politiques entre États, afin d’éviter la répétition d’un tel drame. En 1919 fut créée la Société des Nations, dont l’objectif était d’assurer la paix entre les États membres et de créer un système de sécurité collective. Elle va échouer à la fois par manque d’universalisme et de réel pouvoir de sanction. L’Organisation des Nations unies (ONU) est créée à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit d’éviter de reproduire l’échec de la SDN. Mais la structure est basée sur l’entente des vainqueurs de la guerre qui va éclater avec la naissance de la guerre froide et la logique des blocs. Cela va empêcher l’ONU de jouer un réel rôle de « gendarme du monde », même si son bilan est loin d’être aussi négatif que le prétendent ses adversaires. Le développement technologique, l’interdépendance des États et la décolonisation sont autant de facteurs conduisant à la multiplication des OI. De nombreuses organisations vont être créées au niveau régional, censées permettre un degré plus concret de coopération et faciliter, par proximité, l’obtention d’un consensus.

34

Renégocié en 2019. Tensions diplomatiques entre les membres

OCÉAN PACIFIQUE

Venezuela*

Bolivie**

Bahamas Antigua-et-Barbuda Saint-Kitts-et-Nevis Montserrat Dominique Sainte-Lucie Saint-Vincentet-les-Grenadines Barbade Grenade Trinité-et-Tobago

Cap-Vert

OCÉAN ATLANTIQUE

MERCOSUR

Désaccords politiques croissants entre les membres

Le bilan des OI peut paraître mitigé. Les organisations techniques sont indispensables et créent les conditions mêmes d’une vie internationale, qui serait autrement matériellement impossible. Les organisations politiques ont moins de réussite, mais cela n’est que le reflet des divisions et rivalités des pays membres.

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ent e

LES ACTEURS DES RELATIONS INTERNATIONALES

Les principales organisations internationales régionales

OCÉAN PACIFIQUE

ASEAN

Conflits frontaliers : Cambodge/Thaïlande ; Philippines/Malaisie

Liechtenstein Royaume-Uni (1) Suisse

UMA

Rivalités entre l’Algérie et le Maroc

UE

CEI

Groupe de Visegrad. Sortie du Royaume-Uni (Brexit)

Désengagement du Turkménistan. Sortie de la Géorgie et de l’Ukraine

CCG

Érythrée*

IGAD

Blocus du Qatar entre 2017 et 2021

Conflits entre certains membres, instabilité politique. Suspension de l’Érythrée

OCÉAN INDIEN

Seychelles

CEDEAO

Coups d’État et instabilité politique

Maurice

Principales organisations régionales à vocations économiques et/ou politiques (date de création) USMCA (remplace depuis 2019 l’ALENA, créé en 1994)  MERCOSUR (1991) * Pays suspendu ** Pays en cours d’adhésion

CARICOM (1973) MCCA (1960) Communauté andine (1969) CEI (1991) ASEAN (1967) UE ((1) Brexit en 2020)

Sources : Sites officiels des différentes organisations internationales.

CEDEAO (1975) SADC (1992) UDEAC (1964), CEMAC (depuis 1994) UMA - Union du Maghreb Arabe (1989) CCG - Conseil de Coopération du Golfe (1981) IGAD - Intergovernmental Authority on Development (1986) * Pays suspendu AELE (1960)

Désaccords, dysfonctionnements ou crises

mis des hachures pour Crimée = VALIDER à priori 5 mm à gauche fait passer le Cap Vert sur l’autre page ?

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LES ONG, ACTEURS ÉMERGENTS ? Les organisations non gouvernementales (ONG), rement aux multinationales ne poursuivent pas lucratif et, contrairement aux organisations tionales (OI), ne sont pas établies par des États, des individus. Elles se sont multipliées du fait de la lisation qui en réduisant le temps et l’espace facilite gration, la communication, la prise de conscience mobilisation. Elles interviennent dans la totalité teurs de la vie internationale.

3

Open Society Foundation

contrai‑ Création : 1979 d e Siègeb: États-Unis ut Objectif : promotion démocratie, droits de l’homme, interna‑ justice économique et sociale Terrains d’intervention : Monde mais par mondia‑ l’inté‑ et la des sec‑ Effectifs : 1 000 personnes

5 Ashoka Effectifs : 500 personnes Ressources : 64 millions de $ Création : 1980 Siège :

États-Unis

Objectif : Entreprenariat social Terrains d’intervention : 90 pays à travers le monde

Ressources : 500 millions de $

6 Mercy Corps

UNE RÉALITÉ MULTIPLE Le terme d’ONG cache de multiples réalités. Elles sont tellement nombreuses qu’il est difficile d’en déterminer le nombre : sans doute plusieurs dizaines de milliers. Les plus connues sont les ONG de solidarité qui agissent pour protéger les libertés publiques (Amnesty International, Human Rights Watch), venir au secours des populations en détresse victimes de conflits (Médecins sans frontières, Action contre la faim, Médecins du monde, Handicap International), protéger l’environnement (Greenpeace, Worldwatch Institute). Elles jouissent d’une très grande popularité dans les opinions, car elles incarnent la générosité humaine, l’attention portée aux autres et les combats menés au nom de l’intérêt général. Mais, derrière ce militantisme, il y a un véritable professionnalisme. Elles sont fortement structurées, gèrent des budgets de centaines de millions d’euros et savent mobiliser les médias et l’opinion pour peser sur les décisions gouvernementales. Elles jouent à la fois un rôle d’expertise et de plaidoyer pour faire avancer leur cause. Il existe également des ONG à vocation moins militantes mais qui réunissent un nombre conséquent de personnes ayant pour fonction de fluidifier la vie internationale : l’Union internationale des philatélistes, le Rotary International, la Fédération mondiale des anciens combattants, l’Union internationale des étudiants, le Comité international olympique, la Fédération internationale de football association, en sont autant d’exemples. La popularité des ONG est venue susciter la création de structures en trompe-­l’œil, qui sont en fait créées par les États pour assurer leur communication. On les appelle les GONGOS (Government operated non governmental organisation).

Effectifs : 5 300 personnes Ressources : 512 millions de $ Création : 1979 Siège :

États-Unis

Objectif : Humanitaire : aide d’urgence Terrains d’intervention :

Asie centrale, Asie du Sud et de l’Est, Amérique latine et Caraïbes, Afrique, Moyen et Proche-Orient, Grèce, États-Unis

7 Ja Worldwide Effectifs : 3 300 personnes Ressources : 370 millions de $ Création : 1919 Siège :

États-Unis

Objectif : favoriser l’emploi

et l’entreprenariat chez les jeunes Terrains d’intervention : Monde

8

Acumen Effectifs : 290 personnes Ressources :

33 millions de $

Création : 2001 Siège :

États-Unis

Objectif : Éradication de la pauvreté Terrains d’intervention :

États-Unis, Afrique de l’Est et de l’Ouest, Inde et Pakistan, Amérique latine

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p036-037_ONG

36

ÉTATS-UNIS

LES ACTEURS DES RELATIONS INTERNATIONALES

Les 10 ONG les plus influentes en 2021 (selon NGO Advisor)

4 Danish Refugee Council Effectifs : 9 000 personnes Ressources : 430 millions d’€ Création : 1956 Siège :

DANEMARK

Danemark

Objectif : Protection des réfugiés et déplacés Terrains d’intervention :

Asie, Moyen-Orient, Europe et Caucase, Afrique de l’Est, Afrique de l’Ouest, Afrique du Nord, Colombie

SUISSE

Origine des ressources :

86 M€ du UNHCR, 73 M€ des États européens et 71M€ de l’UE

1

BANGLADESH 10 Landesa

Effectifs : 100 000 personnes Ressources : 1 milliard de $ Création : 1972

Effectifs : 122 personnes

Siège :

Ressources : 13 millions de $

Bangladesh

Objectif : Humanitaire : développement Terrains d’intervention :

Création : 1967 Siège :

BRAC

Asie centrale, Asie du Sud-Est, Afrique

États-Unis

Objectif : Développement rural, droit des femmes

2 Médecins

Terrains d’intervention :

Brésil, Chine, Asie du Sud et de l’Est, Afrique centrale et de l’Est

sans frontières

Effectifs : 45 000 personnes Ressources : 1,9 milliard d’€

9 Cure Violence Global

Création : 1971 Siège :

Effectifs : 670 personnes Ressources : 55 millions de $ Création : 2000 Siège :

Suisse

Objectif : Assistance médicale Terrains d’intervention :

Afrique, Amérique centrale et du Sud, Europe, Moyen-Orient, Asie centrale, Asie du Sud et du Sud-Est, Pacifique

États-Unis

Objectif : Lutte contre la violence Terrains d’intervention :

Origine des ressources :

69,5 % des dons issus des recherches de fonds Remarque : Prix Nobel de la paix 1999

États-Unis, Amérique Latine, Royaume-Uni, Proche et Moyen-Orient, Afrique

Remarque :

Fondée par l’ancien directeur de l’OMS

2 000 km à l’équateur

REFLETS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE Le développement des ONG est le reflet du développement des sociétés civiles au niveau international. Ces dernières ne bénéficient, malgré leur poids sur la scène internationale, d’aucun statut international. Elles sont donc soumises aux législations nationales très diverses des pays où elles se sont constituées. Les ONG de solidarité ne sont pas obligatoirement hostiles aux États et peuvent même, selon les circonstances, travailler avec ces derniers. Une grande partie de l’aide humanitaire – notamment d’urgence – fournie par les États transite par les ONG, censées avoir un fonctionnement plus souple et réactif.

Sources : Basé sur les chiffres 2019 de NGO Advisor et sites des ONG concernés.

Les plus importantes d’entre elles ont acquis une efficacité et une visibilité qui en font des acteurs incontournables des relations internationales, de poids équivalent à certaines associations nationales ou grandes entreprises. Elles peuvent conscientiser les opinions, servir de lanceurs d’alerte, de sources d’expertise, mais également d’opérateurs sachant se faire entendre des autres acteurs internationaux.

37

MULTINATIONALES ET GÉANTS DU NUMÉRIQUE, NOUVEAUX MAÎTRES DU MONDE ? Les firmes multinationales (FMN) sont des entreprises privées à but lucratif qui exercent leurs activités sur le territoire de plusieurs États. Leurs poids économique et l’étendue de leurs implantations leurs donne une puissance de nature stratégique.

DES ACTEURS MAJEURS Les multinationales sont de véritables acteurs des relations internationales dont les valorisations boursières sont pour certaines supérieures aux PIB de bien des États. Elles sont les principales pourvoyeuses d’investissements directs étrangers (IDE), l’un des facteurs clés de la mondialisation. Les firmes multi­ nationales peuvent jouer un rôle politique national et international important. Même si elles exercent leurs activités de façon trans­nationale, elles ont bien une nationalité : leur activité est profitable pour leur État de siège, même si leurs intérêts privés ne reflètent pas toujours ceux de leurs États d’origine. Un État qui proclame des sanctions à l’égard d’un pays peut gêner l’activité de « ses » multinationales en les privant de ce marché. Celles-ci, par la recherche de paradis fiscaux et d’optimisation fiscale, ou voulant parfois détourner les sanctions, peuvent aller à l’encontre des intérêts des États. Ces derniers peuvent cependant les aider à obtenir des marchés. Ainsi, les multinationales participent indirectement à la puissance et la richesse de leur pays d’origine. On leur reproche souvent d’écraser les différentes identités, de rechercher un profit immédiat ou de peu se soucier des intérêts ou des pratiques des États dans lesquels elles exercent leurs activités ou encore de leur propre impact environnemental. La notoriété des multinationales peut donc aussi bien être une faiblesse qu’un facteur de puissance. Elles doivent soigner leur image pour ne pas subir de campagne négative d’opinion publique. Ainsi, elles se dotent de fondations et inscrivent leurs actions dans le cadre de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). La mondialisation et la révolution numérique sont venues accroître le poids et le rôle des multinationales, en démultipliant leurs capacités d’activité, par la dérégulation et l’effacement des frontières. Récemment, les multinationales du numérique ont pris une importance monumentale, concentrant richesse et contrôle des données.

GAFAM ET BATX, LES NOUVEAUX GEANTS On désigne sous l’acronyme GAFAM les 5 géants du numérique américains : Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft. Si leurs champs d’activités diffèrent, elles partagent un caractère essentiel : leur développement exponentiel depuis les années 2010 et leur domination sur la planète (presque) tout entière. Elles impressionnent par leurs succès financiers colossaux : leurs capitalisations boursières ne cessent de cumuler des records et leurs fondateurs trônent dans le haut du classement des hommes les plus riches de la planète. Leurs capacités d’innovation et 38

d’investissements leur permet aujourd’hui d’être à la pointe du développement de l’intelligence artificielle ou de la robotique. Elles constituent en cela un atout de puissance majeur pour les États-Unis, tant d’un point de vue économique qu’en termes d’influence. Elles doivent néanmoins faire face à une contestation grandissante sur plusieurs aspects. Leur croissance et leurs bénéfices insolents, notamment en pleine crise liée à la pandémie de Covid-19, interrogent sur les inégalités croissantes et persistantes aux ÉtatsUnis et plus largement en Occident. Leur exemption d’imposition et l’optimisation fiscale qu’elles mettent en place crispent les États, notamment européens. Un accord sur ce sujet a été trouvé en 2021 entre les pays membres de l’OCDE pour mettre en place une taxation à l’échelle mondiale sur les bénéfices des multinationales à hauteur de 15 %. Plusieurs scandales mêlant technologies, politiques et gestion des données (affaire Cambridge Analytica) sont venus interroger le rôle politique et géopolitique des GAFAM et ont poussé plusieurs États, et notamment l’Union européenne, à renforcer le contrôle de l’utilisation des données personnelles. Leur hégémonie et l’extension de leurs activités à de nouveaux domaines (métavers, intelligence artificielle, cryptomonnaies) poussent à se questionner également sur leurs ambitions et leur capacité à se substituer aux États. Apparaissent également de nouveaux concurrents, notamment chinois, qui pourraient constituer une entrave à la poursuite de leur développement. Dès 2015, le président chinois Xi Jinping déclarait vouloir faire de la Chine une « cyber superpower » et il ne cache plus son ambition de rattraper et dépasser les États-Unis dans ce domaine. La Chine a pour cela développé ses propres champions du numérique, les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi). Autrefois simples copies de leurs concurrents américains, les BATX sont désormais l’atout maître du régime en termes d’innovation et concurrencent directement les GAFAM, même si leur marché reste, pour le moment du moins, principalement national. Elles ont en tout cas l’atout majeur de bénéficier d’un important soutien du régime, à condition qu’elles appliquent strictement ses directives. La concurrence entre les géants du numérique chinois et américains s’est illustrée au cours de la présidence de Donald Trump, au travers des affaires Huawei et TikTok, qui ont témoigné de la crainte des États-Unis de voir des entreprises chinoises concurrencer leurs géants du numérique. Cette concurrence dans le secteur du numérique reflète celle qui se joue à tous les niveaux entre Pékin et Washington pour la place de première puissance mondiale. Preuve, s’il en fallait, que le rôle et les activités de ces entreprises leur donne une place incontournable sur la scène internationale.

LES ACTEURS DES RELATIONS INTERNATIONALES

FMN et géants du numérique, une puissance financière qui concurrence les États MICROSOFT

FACEBOOK

2 043

2 058 CANADA

425 IRLANDE

TENCENT 428

Sergey Brin 107 107

MEXIQUE GUATEMALA 1 174 SALVADOR

Warren Buffet

Steve Balmer

ITALIE GRÈCE 2 409

APPLE 2 421

(Berkshire Hathaway)

118

TESLA 787

JOHNSON et JOHNSON

ÉQUATEUR 98

476

(Microsoft)

91,4

1 479 BRÉSIL URUGUAY

PÉROU 454 CHILI

ALPHABET

NVIDIA

(Google) 1 480

471

Jeff Bezos (Amazon)

171 KAZAKHSTAN

171

774 TURQUIE CHYPRE LIBAN IRAK 166 KOWEÏT 105 ARABIE SAOUDITE BERKSHIRE 704 704

NIGERIA CAMEROUN 472

AMAZON 1 171

433

BELGIQUE 433 721 AUTRICHE

114 MAROC

(Google)

CUBA

VISA

728

111

Bernard Arnault (LVMH)

158

Larry Ellison (Oracle)

106

DJIBOUTI ÉTHIOPIE

ARAMCO 2 433

Larry Page RDC RWANDA 120 TANZANIE

Bill Gates (Microsoft)

129

(Google)

111

INDONÉSIE 2 369 SRI LANKA 93 MADAGASCAR

AUSTRALIE

Mukesh Ambani (Reliance Industries)

90,7

210

Elon Musk

(Paypal, Tesla, Space X)

2 000 km

219

à l’équateur

Équivalence entre les 10 plus importantes capitalisations boursières au monde et les PIB cumulés de certains pays (en milliards de dollars, 2022 et 2020) Sources : Bloomberg, Forbes, Banque mondiale.

NOUVELLEZÉLANDE

ENTREPRISE Capitalisation boursière

PIB

Équivalence entre les 10 plus importantes fortunes au monde et les PIB cumulés de certains pays (en milliards de dollars, 2022 et 2020)

Nom

(entreprise)

Fortune

PIB

carl format 200X123

p039_FMN_Geants_Numerique

39

LA MONTÉE EN PUISSANCE DES OPINIONS PUBLIQUES Les réseaux sociaux font de chacun – bien sûr à des degrés divers – à la fois un récepteur et un émetteur d’information. Il n’y a presque plus, nulle part, de monopole de l’information par les gouvernements.

L’ÉMERGENCE DES OPINIONS PUBLIQUES Le terme d’opinion publique serait apparu pour la première fois au xviiie siècle sous la plume de Jean-­Jacques Rousseau (dans une lettre à d’Alembert), afin de désigner une force sociale d’importance. Elle ne concerne bien sûr à l’époque qu’une petite élite privilégiée qui souhaite peser sur les affaires politiques de la bourgeoisie intellectuelle. Celle-­ci est censée être éclairée, par opposition au peuple analphabète. L’alphabétisation, la naissance de l’imprimerie, la diffusion des connaissances, puis celle de la presse au xixe siècle, vont venir renforcer le poids réel ou supposé de l’opinion. Au xxe siècle, le développement des mass medias, l’apparition de sondages, puis celle des réseaux sociaux décentralisés (Facebook, Twitter, etc.) accroissent la participation des individus à la prise de décision, permettant une circulation de l’information et de fortes mobilisations. Le monopole des gouvernements sur l’information, qui a longtemps été une réalité, n’existe plus nulle part, sauf en Corée du Nord. À la fin du  xixe siècle, on se mobilise en Europe sur le sort des chrétiens du Liban, pour l’indépendance des Grecs et des Serbes vis-­à‑vis de l’Empire ottoman. Aux États‑Unis, une campagne de presse met l’accent sur le sort du peuple cubain, afin de permettre une intervention américaine pour mettre fin au colonialisme espagnol sur l’île. La Première Guerre mondiale sera l’occasion d’une vaste mobilisation de surenchère guerrière, la propagande atteindra son apogée avec le régime hitlérien et celui de Mussolini. La guerre froide ne fut jamais un affrontement armé direct entre États‑Unis et Union soviétique, mais une gigantesque bataille, guerre de propagande et d’influence pour l’opinion, chacun voulant conquérir les cœurs et les esprits en montrant la supériorité de son régime politique.

GOUVERNEMENT ET OPINION PUBLIQUE Le géopolitologue américain Zbigniew Brzeziński avait pu écrire dès 2008 : « Pour la première fois de l’histoire du monde, l’ensemble de l’humanité est politiquement active. » Le gouvernement doit convaincre sa propre opinion publique de la validité de la politique étrangère qu’il mène, mais également convaincre les autres populations. Les États‑Unis, malgré leur hyperpuissance, se sont trouvés isolés lorsqu’ils ont mené une guerre extrêmement impopulaire en Irak, en 2003. La réprobation internationale a un prix diplomatique et économique, qui vient dégrader l’image d’un pays, son soft power, ses capacités d’attraction.

40

L’OPINION PUBLIQUE VIA LES RÉSEAUX SOCIAUX Lorsque Mikhaïl Gorbatchev est arrivé au pouvoir en 1985, la formation des membres du Politburo, bureau du Parti communiste d’Union soviétique, était filtrée par quelques spécialistes du ministère des Affaires étrangères. Aujourd’hui, aucun dirigeant ne dispose d’une seule source d’information, mais de multiples canaux télévisés et des ressources illimitées d’Internet. Il en va de même pour la population. Les Chinois ne vivent pas dans un pays démocratique, mais avec 850 millions d’internautes, l’opinion publique existe et se fait entendre à sa manière tant qu’il ne remet pas en cause le leadership du Parti communiste, qui, s’il cherche à maintenir un contrôle, ne peut plus régir la vie quotidienne des citoyens comme auparavant. Le poids croissant de ces opinions se ressent au niveau mondial, notamment à travers la place des réseaux sociaux. La généralisation de l’usage des réseaux et médias sociaux est allée de pair avec la multiplication des mobilisations, qu’elles soient à l’échelle nationale ou internationale. Les hashtags metoo ou blacklivesmatter sont devenus les symboles d’une mobilisation mondiale pour les droits des femmes pour le premier, pour les droits des Noirs et plus généralement des minorités pour le second. Les mobilisations de 2019 qui ont eu lieu au Proche-­Orient, en Afrique, en Amérique latine, en Europe ont été nourries voire sont nées sur les réseaux sociaux. En revanche, la montée en puissance des opinions publiques concomitantes à celle des réseaux sociaux donne lieu à des tentatives de manipulation des opinions, notamment dans le cadre de processus électoraux. Il n’est désormais plus possible de ne pas tenir compte du poids des opinions dans la détermination d’une politique extérieure. Il faut la faire accepter par sa propre opinion et la rendre acceptable ou populaire à l’extérieur, car l’impopularité a un coup stratégique.

LES ACTEURS DES RELATIONS INTERNATIONALES

Où peut-on naviguer librement sur Internet ? 1 OUZBÉKISTAN 2 AZERBAIDJAN RUSSIE KAZAKHSTAN TURQUIE

1

2 IRAN

CUBA VENEZUELA

OCÉAN ATLANTIQUE

ÉGYPTE ARABIE SAOUDITE SOUDAN ÉTHIOPIE

OCÉAN PACIFIQUE

CHINE PAKISTAN

ÉMIRATS ARABES UNIS

MYANMAR

VIETNAM

THAÏLANDE

RWANDA OCÉAN PACIFIQUE

OCÉAN INDIEN

2 000 km à l’équateur

La Liberté sur Internet en 2021, selon le classement « Freedom on Internet » de l’ONG Freedom House Liberté totale en ligne

Liberté partielle en ligne

Pas de liberté en ligne

Absence de données

NB : L’ONG Freedom House établit tout les ans un rapport et un classement sur l’état de la liberté dans le monde. Elle en fait désormais de même spécifiquement pour la liberté en ligne. Le classement représenté sur cette carte prend en compte 9 critères relatifs au blocage de contenu en ligne, notamment en lien avec des sujets politiques ou religieux, aux lois de censures de certains contenus en ligne, aux arrestations de blogueurs ou d’individus s’étant exprimés sur des sujets politiques, ou encore aux attaques en ligne à l’encontre de certains individus ou organisations. Du fait de la précision et du caractère qualitatif de ces critères, l’information n’est pas disponible pour de nombreux pays.

carl format 200X130

p040_Impact_Reseaux_Sociaux

41

UNE GOUVERNANCE INTERNATIONALE ? L’idée que les différentes nations et les peuples forment une « communauté internationale », responsable de la gestion des affaires publiques mondiales, est relativement récente. Elle est d’autant plus forte à l’heure de la mondialisation, où l’interdépendance est une réalité qui s’impose à tous. ONU

UNE EXISTENCE RELATIVE Les rivalités et la crainte de la perte de souveraineté ont toujours rendu difficile la mise en place d’une gouvernance mondiale, sans parler d’un gouvernement mondial. La communauté internationale, souvent évoquée, est rarement incarnée. Lorsqu’on en parle, c’est d’ailleurs plus souvent pour en déplorer les multiples échecs que pour en célébrer les réussites peu visibles. La Première Guerre mondiale avait mis en avant la nécessité d’une responsabilité commune dans la sécurité collective pour éviter à l’humanité d’être à nouveau victime d’un conflit planétaire au si lourd tribut humain. La Société des Nations (SDN) fut ainsi mise en place dans ce but précis. Mais les divisions idéologiques antagonistes ont entravé son universalité et l’ont rendu complètement inefficace. Elle n’a pu réaliser sa mission essentielle, faute de réels pouvoirs. Après 1945, pensant tirer les leçons de la faillite de la SDN, les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale créèrent l’Organisation des Nations unies (ONU). Le Conseil de sécurité, doté d’un pouvoir de sanction pouvant aller jusqu’à l’utilisation de la force, est le principal responsable de la sécurité collective. Le modèle, bâti sur l’alliance entre les vainqueurs, s’est hélas délité sous l’effet du clivage Est-­ Ouest de la guerre froide. Le Conseil a été bloqué par l’usage du droit de veto, prérogative des cinq membres permanents (Chine, États‑Unis, France, Royaume-­Uni, Russie). Celui-­ci était néanmoins indispensable à l’existence de l’organisation mondiale et à la participation des grandes puissances.

Création : 1945 Siège : New York Nombre d’États membres : 193

Objectif :

Maintien de la paix et coopération interétatique

Canada

FMI Création : 1944 Siège :

Washington

États-Unis

Nombre d’États membres : 190

Objectif :

Régulation du système financier et monétaire international (Bretton Woods)

Banque Mondiale Création : 1944 Siège :

Washington

Nombre d’États membres : 189

Objectif :

Régulation du système financier et monétaire international (Bretton Woods)

Mexique Montego Bay - 1982

Convention des Nations unies sur le droit de la mer Ratifié par 168 pays

UNE NÉCESSITÉ INCONTOURNABLE Un nouvel espoir est né en 1990 à la suite de l’annexion du Koweït par l’Irak. L’Union soviétique de Mikhaïl Gorbatchev, bien qu’alliée de l’Irak, accepta de faire prévaloir la règle de droit sur les solidarités stratégiques. Soucieux de bâtir un nouvel ordre mondial dans lequel l’ONU exercerait enfin les pouvoirs que la charte lui avait confiés, Gorbatchev avait en effet accepté de voter en faveur de l’usage de la force contre l’Irak, si celui-­ci ne se retirait pas du Koweït avant le 15 janvier 1991. La guerre du Golfe fut la première opération militaire menée au nom de la communauté internationale. Cependant, après ce succès, les États‑Unis refusèrent d’accorder une aide économique à M. Gorbatchev lors du sommet du G7 de juillet 1991. Après l’implosion de l’URSS, ils préférèrent être les vainqueurs de la guerre froide que les bâtisseurs d’un nouvel ordre mondial. Une occasion historique a été manquée pour la troisième fois au xxe siècle. Les rivalités nationales et la croyance américaine dans la mise en place d’un monde unipolaire ont ainsi empêché l’émergence d’une réelle sécurité collective. Les défis qui se posent à l’humanité sont globaux et les réponses ne peuvent donc qu’être collectives. Mais le multilatéralisme est en crise, 42

Argentine sur fond de méfiances réciproques et d’absence de volonté commune. La signature des accords de Paris en décembre 2015 est une des rares exceptions où se rassemblent presque tous les pays du monde, pourtant dans des situations économiques et énergétiques très différentes, au sein d’une même convention, au nom d’un impératif supérieur : la lutte contre le réchauffement climatique. La présidence de Donald Trump, à l’unilatéralisme débridé, est venue remettre en cause les rares dossiers sur lesquels s’accordaient l’ensemble des nations. Mais son élection était avant tout le symptôme d’un mouvement plus global. Les régimes qui privilégient l’échelle nationale sur la recherche d’un consensus international, loin de disparaître, se multiplient. La pandémie de Covid-19 a été un catalyseur de ce phénomène. La montée en puissance de la Chine et le duel qui s’installe entre carl Pékin et Washington font à nouveau s’éloigner la perspective d’une format 310x173 gouvernance mondiale fonctionnelle.

p043_Communaute_Internationale

LES DÉFIS MONDIAUX

Une communauté internationale ? Genève – 1949

Conventions de Genève sur le droit international humanitaire Ratifié par 174 pays pour le 1er protocole additionnel (1977) Ratifié par 169 pays pour le 2e protocole additionnel (1977) Ratifié par 78 pays pour le 3e protocole additionnel (2005)

OMC

OIT

OMS

Création : 1994

Création : 1919

Création : 1948

Siège : Genève Nombre d’États membres : 164

Siège : Genève Nombre d’États membres : 187

Siège : Genève Nombre d’États membres : 194

Objectif :

Régulation des systèmes économiques et sociaux

Objectif :

Régulation des systèmes économiques et sociaux

Objectif :

Régulation des systèmes économiques et sociaux

Russie Royaume-Uni Allemagne Paris-Le Bourget - 2015

Accord de Paris sur le climat Ratifié par 193 pays

Turquie

Japon Chine

UNESCO Création : 1945 Siège : Paris Nombre d’États membres : 195

FAO

Objectif :

Promotion de l’éducation, la science et la culture

Interpol (OIPC) Brésil

Corée du Sud

Arabie saoudite

Création : 1956

AIEA

Création : 1945

Création : 1957

Siège : Rome Nombre d’États membres: 194

Siège : Vienne Nombre d’États membres : 173

Objectif :

Lutte contre la faim dans le monde

Siège : Lyon Nombre d’États membres : 195

Inde

Indonésie

Objectif :

Lutte contre la prolifération nucléaire

Objectif :

Coopération policière et sécuritaire internationale

Australie

Les organisations à vocation universelle

ORGANISATION Siège

Date de création

Afrique du Sud États et organisation membres du G20

Nombre d’États membres

Objectif de l’organisation

États membres États participant au G20 en tant que membres de l’Union européenne

Exemples de grands accords et conventions internationales

2 000 km à l’équateur

Sources : Sites des différentes organisations ; CICR ; ONU.

ATTENTION, il y a eu des modifications entre mon fichier et celui imprimé ?????? Bien relire ATTENTION FORMAT

43

LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE Jamais la richesse mondiale n’a été aussi forte. La pauvreté extrême a reculé de façon impressionnante mais les inégalités se sont accrues et des trappes à pauvreté subsistent. OCÉAN PACIFIQUE

CROISSANCE ET INÉGALITÉS La mondialisation a suscité une augmentation de la richesse globale. La pauvreté mondiale a notamment reculé dans des proportions considérables : en 1980, il y avait 2 milliards d’individus en dessous du seuil d’extrême pauvreté ; il n’y en a plus « que » 730 millions aujourd’hui, et ce, malgré l’augmentation de la population mondiale. Il demeure néanmoins de fortes inégalités économiques et des endroits où le manque, voire l’absence, d’accès à des services élémentaires (eau, santé, éducation) se fait dramatiquement ressentir. La croissance globale n’est pas forcément égalitaire. En 2021, l’organisation non gouvernementale (ONG) Oxfam estime que les10 personnes les plus riches possèdent plus de richesses que les 3,1 milliards de personnes les plus pauvres de la planète. D’après une étude du World Inequality Lab de 2021, les 1 % les plus riches se sont accaparé 19 fois plus de la croissance mondiale des richesses que les 50 % les plus pauvres de la planète depuis 1995.1

15 3,7

OCÉAN ATLANTIQUE

AMÉRIQUE LATINE et CARAÏBES

0,7 0,5 Roy

Lu

Sainte-Lucie

CLIVAGE NORD-­SUD Après la vague de décolonisation des années 1960, les pays « développés » ont été opposés aux pays « sous-­développés », dont la plupart venaient d’accéder à une pleine autonomie et étaient qualifiés, par analogie au tiers état, de « tiers-­monde ». Cette distinction a débouché sur un clivage Nord-­Sud, se distinguant du clivage Est-­Ouest (les deux ne comprenant que des pays du Nord). Les économistes se sont alors divisés sur la meilleure façon de réduire l’écart entre pays riches et pays bientôt qualifiés « en voie de développement ». L’aide publique au développement (APD) était motivée par un ensemble de considérations morales, mais également stratégiques, reflet de la concurrence soviéto-­américaine. D’autres pensaient que l’ouverture des frontières et le libre-­échange étaient les seuls moyens pour les pays pauvres de réduire leur retard. Aujourd’hui, le tiers-­monde ne constitue plus un ensemble homogène. Certains pays ont rejoint le club des nations industrialisées, d’autres se sont enrichis du fait de la bonne gestion de leurs matières premières, quand d’autres, enfin, se trouvent dans une situation de développement intermédiaire. Il y a des pays, qualifiés de « moins avancés », qui demeurent englués dans le sous-­développement, ou encore des États faillis, où des régimes corrompus et inefficients ont entraîné la destruction des structures étatiques, le déclenchement de conflits internes et la misère la plus sombre.

COMMENT MESURER LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ? La notion de produit intérieur brut (PIB) a été développée par Simon Kuznets en 1934 et définit l’ensemble des richesses produites sur un territoire en une année. On peut le diviser par le

Cap Vert

Li 21

nombre d’habitants ou le calculer en parité de pouvoir d’achat (PPA) pour tenir compte du différentiel de coût de la vie. L’indice de développement humain (IDH) est une approche plus qualitative, basée sur trois critères : espérance de vie à la naissance, accès à l’éducation et PIB/habitant. En 2020, selon l’OCDE, l’aide publique au développement mondiale s’élevait à 161,2 milliards de dollars. L’objectif fixé par l’ONU demandant aux pays développés d’y consacrer 0,7 % de leur revenu national brut (RNB) n’est atteint, en 2019, que par six pays (Suède, Luxembourg, Norvège, Royaume-­Uni, Danemark, Turquie2). L’ONU, qui avait lancé en 2000 les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), a adopté en 2015 les Objectifs du développement durable (ODD), qui visent 90 à mettre entièrement fin à l’extrême pauvreté, réduire les inégalités et limiter le réchauffement climatique d’ici 2030.

carl

1. World Inequality Lab (2021), Méthodologie, World Inequality Report 2022. format 310x202 2.. La Turquie consacre 0,95 % de son RNB à l’aide publique au développement, mais elle est également réceptrice d’APD à hauteur de 0,37 % de son RNB.

44

p045_Poids_Emergents

S

LES DÉFIS MONDIAUX

Le développement, entre réduction de la pauvreté et croissance des inégalités

61 Marshall 19,2

OCÉAN PACIFIQUE

Micronésie 24

Nauru 31,2

1,4

ASIE DE L’EST ET PACIFIQUE 0,72 Danemark 0,59 Pays-Bas Royaume-Uni 0,7

Tuvalu 55,84 Tonga 20,08

Fidji Vanuatu

Norvège 1,03 Suède 0,96 49

Luxembourg 1,03

6,5 7

AFRIQUE DU NORD ET MOYEN-ORIENT

Koweit 0,52 0,55 Émirats arabes unis Yémen 19,48

République Centrafricaine 31,59

Liberia 21,98 São Toméet-Principe

Burundi 19,5

55 40,4

15,2

ASIE DU SUD Maldives

Seychelles

Les inégalités de revenus dans le monde, selon l’indice de GINI* 0,25 0,30 0,35 0,40 0,45 0,50 0,55

OCÉAN INDIEN

Comores

Absence de données

L’aide publique au développement (en % du RNB)

Maurice

10 principaux pays donneurs 10 principaux pays receveurs

L’extrême pauvreté

Part de la population (en %) vivant avec moins de 1,90 dollar/jour

1990 2018

Sources : Banque mondiale, Année stratégique 2022.

1,15 Turquie**

Allemagne 0,61

Afghanistan 21,86

* L’indice de GINI permet de calculer les inégalités de revenus au sein d’une économie. Plus il est proche de 1, plus celles-ci sont importantes. Les données représentées sont les plus récentes disponibles pour chaque pays (années comprises entre 2008 et 2019). ** La Turquie est également receveur d’APD à hauteur de 0.37 % du RNB.

AFRIQUE SUBSAHARIENNE

220

45

LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE, UNE MENACE STRATÉGIQUE MAJEURE La première révolution industrielle se produisit sans tenir compte d’éventuels dégâts causés à l’environnement. La priorité était alors d’ouvrir au plus grand nombre l’accès à la consommation afin d’éloi‑ gner le spectre de la famine. Ce fut dans les années 1970, lorsque les besoins élémentaires d’une majorité de la population des pays indus‑ trialisés commencèrent à être satisfaits, qu’émergea une prise de conscience. Ce qui est gratuit est aussi épuisable : l’air, l’eau, la terre.

CAN ÉTATSUNIS

OCÉAN PACIFIQUE

MEXIQUE

MENACE STRATÉGIQUE La raréfaction des ressources non renouvelables, les menaces sur la biodiversité et le réchauffement climatique ont été perçus comme des menaces majeures. Certaines catastrophes écologiques ont également éveillé les consciences. La fameuse phrase d’Antoine de Saint-­Exupéry, « La Terre n’est pas un héritage de nos ancêtres, mais un emprunt à nos descendants », a pu ainsi être remise au goût du jour. En 1987, l’ONU lançait la notion de développement durable, le définissant comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins ». Pour les pays du Sud, les préoccupations écologiques étaient un luxe des seuls pays riches. Ils estimaient de plus que la dégradation de l’environnement était une conséquence directe de la croissance des pays développés et que l’environnement leur servait de prétexte pour entraver leur propre développement. En 1992 a lieu le sommet de la Terre de Rio lors duquel est signée la Convention-­cadre des Nations unies sur le changement climatique. Cette convention prévoie la tenue de Conférences des parties à la convention (COP), qui se tiennent alors chaque année à partir de 1995. En 1988 est né le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui a joué un rôle important dans l’éveil des consciences. Ce dernier a reçu – conjointement avec l’ancien vice-­ président américain Al Gore – le prix Nobel de la paix en 2007, prouvant l’importance stratégique du réchauffement climatique. C’est la capacité de l’humanité à continuer à vivre sur Terre qui est en jeu.

LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE EN ACTION ? Un premier accord international est signé à Kyoto en 1997, lors de la 3e COP, mais les deux principaux pollueurs mondiaux, États‑Unis et Chine, en sont restés à l’écart, entravant fortement son efficacité. Lors de la COP21, en décembre 2015 à Paris, un accord historique sur le climat est signé. Bien que certains aient dénoncé ses dispositions insuffisantes et son caractère peu contraignant, c’est la première fois que l’ensemble des pays formant la « communauté internationale » agissent ensemble pour lutter contre un défi majeur et, malgré les fortes disparités, parviennent à se mettre d’accord. Les principaux objectifs de 46

BRÉSIL

Sommet de Rio (1992)

l’accord sont de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré d’ici 2100 et de créer un Fonds vert pour le climat à hauteur de 100 milliards de dollars par an afin d’aider les pays en développement à atteindre leurs objectifs. Cette fois-­ci, la Chine et les États‑Unis se joignent au consensus. Peu après son arrivée au pouvoir, le président américain Donald Trump dénonce cependant cet accord, avant que l’Administration Biden ne le réintègre. Les derniers rapports du GIEC alertent sur l’accélération du changement climatique et sur son caractère à présent irrémédiable. Il s’agit désormais de le limiter, mais la perspective de respecter l’objectif d’un réchauffement climatique à 1,5 degré, fixé à Paris, s’éloigne… Aux conclusions carl alarmantes des experts s’ajoutent les 282x193 climatique, chaque année manifestations concrètesformat du dérèglement plus importantes : multiplication des catastrophes naturelles ; incendies géants en Amazonie, en Australie, en Méditerranée ; inondap047_Rechauffement_Climatique tions ; fonte des glaces… Les sept années les plus chaudes jamais enregistrées l’ont été entre 2015 et 2021. Une réalité qui fait peser un risque sur de nombreuses populations menacées par ces bouleversements climatiques et leurs conséquences.

e

LES DÉFIS MONDIAUX

Une prise de conscience durable ? OCÉAN PACIFIQUE

CANADA JAPON Protocole de Kyoto (1998) CORÉE DU NORD RUSSIE

CHINE

ROYAUME-UNI ALLEMAGNE PAKISTAN

FRANCE Accord de Paris adopté en décembre 2015

TURQUIE

IRAN

AUSTRALIE

THAÏLANDE INDE

ARABIE SAOUDITE

INDONÉSIE

OCÉAN INDIEN

Émissions de gaz à effet de serre par habitant en 2018 en tonnes équivalent CO2 par habitant 3

6

9

12

15

18

Absence de données

21

Les émissions et émissions cumulées des 20 principaux émetteurs de gaz à effet de serre (GES) en 2018 en millions de tonnes

OCÉAN ATLANTIQUE

Émissions de GES en 2018 Émissions cumulées entre 1990 et 2018 416

AFRIQUE DU SUD

Face à cela, les COP se succèdent. En 2021, la COP26, qui s’est tenue à Glasgow, a soulevé l’espoir d’obtenir une concrétisation des engagements pris à Paris en tenant compte des nouvelles conclusions du GIEC. Mais les réalités géopolitiques et les disparités entre les États n’ont permis d’aboutir qu’à des accords ponctuels sur certains sujets et non à une révision globale des engagements, le tout en l’absence de Xi Jinping et de Vladimir Poutine, tous deux à la tête d’États particulièrement concernés par les enjeux climatiques et énergétiques. La question climatique est bien inscrite à l’agenda international, mais elle reste trop souvent secondaire face aux enjeux économiques

10 000

50 000

212 371

Les principaux accords internationaux sur la protection de l’environnement et la lutte contre le dérèglement climatique Sources : Climate Watch Data ; Année stratégique 2022.

et stratégiques. Désormais, c’est l’opinion publique mondiale, au-­ devant de laquelle la jeunesse européenne, qui se mobilise pour tenter de contraindre les États à respecter leurs engagements et élever leurs ambitions. Si certains dirigeants mettent en place des politiques climatiques ambitieuses, bien qu’insuffisantes, d’autres chefs d’État font du climatoscepticisme une thématique de campagne électorale : ce fut le cas de Donald Trump aux États-­Unis, mais aussi de Jair Bolsonaro au Brésil et de Scott Morrison en Australie, battu aux élections de 2022.

47

LA DÉMOGRAPHIE, CROISSANCE MAÎTRISÉE ?

Amérique du Nord Population :

369

Enfants : 1,7

Espérance de vie : 79,1

La démographie peut être perçue par un État comme un atout ou un handicap : le premier, parce qu’elle procure de la puissance ; le second, car, non maitrisée, elle peut entraver un décollage écono‑ mique et mener au sous-­développement.

États-Unis 58

ARME OU DRAME ? Lorsque Thomas Malthus écrivait son Essai sur la population en 1798, la planète ne comptait qu’1 milliard d’habitants. Il y prévoyait alors une trop forte croissance démographique (évolution géométrique) par rapport à celle des moyens de subsistance (évolution arithmétique), entraînant à terme une inéluctable famine. Pour Jean Bodin, au contraire, il n’était « de richesse que d’hommes ». Mais les progrès technologiques et sanitaires ont permis de nourrir un nombre toujours plus important d’êtres humains. Le monde compte aujourd’hui 7,8 milliards d’habitants, nombre qui devrait se stabiliser autour de 10 milliards à la moitié du siècle. Mais les différentes régions ne connaîtront pas les mêmes évolutions. Les pays développés, notamment l’Europe, le Japon, la Russie et la Chine, devraient traverser une période de déclin démographique ; l’Asie, poursuivre sa croissance jusqu’à la moitié du siècle avant de décroître elle aussi ; l’Amérique voir se maintenir une légère croissance démographique et l’Afrique faire face à une « explosion démographique ». Quant aux nations riches, elles connaîtront un fort vieillissement de leur population, mais le phénomène de robotisation et de développement de l’intelligence artificielle pourrait résoudre le problème de pénurie de main-­d’œuvre, tout en soulevant des interrogations d’un point de vue éthique. L’Afrique pourrait voir ses problèmes d’accès à l’éducation et à l’emploi, tout comme à l’eau et à la terre, s’aggraver.

PLUS NOMBREUX ET MOINS PAUVRES SUR LA MÊME PLANÈTE L’idée qu’une importante population confère la puissance vient du fait que la force des armées était à l’origine étroitement liée au nombre de soldats mobilisables. La tradition agricole faisait également dépendre le rendement des récoltes du nombre de bras disponibles. La forte mortalité infantile a rendu également nécessaire un fort taux de natalité. Les progrès scientifiques et médicaux ont entrainé une baisse de la mortalité. Mais la natalité dessert l’État lorsque celui-­ci n’est pas capable de fournir éducation, santé et emploi. La Chine, mastodonte démographique, a volontairement restreint le nombre des naissances (politique de l’enfant unique mise en place à partir des années 1980) afin de faciliter son décollage économique. Ce dernier assuré, et étant confrontée au vieillissement de sa population, elle permet désormais aux familles d’avoir trois enfants, mais 1. OXFAM France « Les inégalités tuent », janvier 2022.

48

Amérique latine et caraïbes Population : Enfants : 2

664

Espérance de vie : 75,6

Projection d’évolution de la population par pays (en %, variation 2020-2050) Baisse –22

0

Hausse 20

40

70

100

184

Absence de données

sans que cela ne débouche pour autant sur un plus grand nombre de naissances. La croissance démographique liée à la croissance économique pose un problème majeur. Comment, dans un monde plus peuplé et plus consommateur, la planète pourra-­t‑elle continuer à satisfaire certains besoins élémentaires ? Les modes de consommation actuels vont nécessairement devoir être repensés. Selon l’ONG OXFAM1, les carl format 290X193 1 % les plus riches sont aujourd’hui responsables de deux fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que les 50 % les plus pauvres. Le développement de l’intelligence artificielle et ses effets sur p049_Evolution_Population l’allongement de la durée de vie pourraient également avoir des conséquences importantes sur l’évolution démographique.

LES DÉFIS MONDIAUX

L’évolution démographique mondiale entre 2020 et 2050 Europe Population :

743

Enfants : 1,7

Espérance de vie : 78,2

527 Enfants : 2,7 Espérance de vie : 74,2

40

Population :

Irak

50 Égypte

98 Pakistan

276

44 Niger

Population :

Inde

204

41 Philippines

78

Nigeria Rép. dém. du Congo Angola 43

Asie de l’Est et Pacifique

58 108

Éthiopie Ouganda 42 Kenya 75 Tanzanie

Asie du Sud 1 935 Enfants : 2,4 Espérance de vie : 69,6 Population :

2 332

Enfants : 1,8

Espérance de vie : 76,8

Sources : Banque mondiale ; Année stratégique 2022 ; United Nations, Department of Economic and Social Affairs, Population Division (2018). World Urbanization Prospects: The 2018 Revision, custom data acquired via website.

Afrique du Nord et Moyen-Orient

49 Indonésie

Afrique subsaharienne Population :

1 106

Enfants : 4,6

Espérance de vie : 61,6

2 000 km à l’équateur

Estimation de la population supplémentaire entre 2020 et 2050

Gains de population (en millions) 276 200 Seules les augmentations supérieures à 40 millions de personnes 100 pour la période sont représentés. 40

Population régionale en 2020 et perspectives

Régions ou pays Population, en millions (2020) Nombre d’enfants par femme (2019) Espérance de vie, en année (2019)

L’évolution de la population mondiale par grandes zones géographiques (en millions) 1900 1950 2020 Part de la Part de la Part de la Continent Population population Population population Population population j’ai déplacé le bloc de 2mm pour apercevoir un bout d’Espagne et 3 mm en hauteur mondiale mondiale mondiale Afrique 130 8 % 230 8,90 % 1 352 17 % Amérique latine 75 4,50 % 168 6,60 % 664 9 % Amérique du Nord 80 5 % 170 6,60 % 369 5 % Asie 950 57,50 % 1 400 60 % 4 623 59 % Europe 400 25 % 549 22 % 743 10 % Océanie 6 0,40 % 13 0,50 % 42 0,5 %

2050 Part de la Population population mondiale 2 527 557 26 % 779 841 8 % 434 655 4 % 5 257 54 % 716 7 % 57 0,6 %

Source : Population Reference Bureau, « Fiche de données sur la population mondiale 2015 », repris in BONIFACE (Pascal), Comprendre le monde, Armand Colin, 2017.

49

DES MOUVEMENTS MIGRATOIRES INCONTRÔLABLES ? Toute personne quittant son lieu d’habitation pour s’installer de façon durable dans une nouvelle résidence est considérée comme un migrant. Les migrations peuvent être internes (au sein d’un même pays) ou internationales (vers un pays étranger).

Amérique du Nord

1

OCÉAN PACIFIQUE

59

0,9

1er

ÉTATS-UNIS

MEXIQUE

MURS ANCIENS, MURS NOUVEAUX

50

• le déclenchement et la persistance de guerres civiles, notamment en Syrie, en Irak, en Libye, au Yémen, en Afghanistan ou au Soudan, ainsi que le maintien de régimes ultra-­ répressifs en Afrique subsaharienne, ou encore la violence endémique en Amérique centrale. À cela, il faut désormais ajouter le facteur du dérèglement climatique et ses conséquences, qui poussent certaines populations, particulièrement des pays du Sud, à fuir leur foyer. Selon la Banque mondiale, 216  millions de personnes pourrait être poussées à quitter leur foyer pour des raisons climatiques d’ici au milieu du xxie siècle.

2,7

Autrefois, les frontières étaient surtout érigées pour empêcher les citoyens de quitter leur pays. Ce fut notamment le cas dans les régimes communistes et dictatoriaux : le « rideau de fer » ou le mur de Berlin en étaient de forts symboles. Aujourd’hui, alors que la mondialisation a progressivement aboli la notion de frontières, ces dernières ont été restaurées pour prévenir ou empêcher d’éventuelles arrivées. Parmi les nombreux exemples, les plus spectaculaires sont le mur que le président Trump a entrepris de construire à  la frontière mexicaine ou les immenses barrières grillagées des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla à la frontière marocaine. Le nombre de migrants internationaux est passé de 77 millions en 1975 à 120 millions en 1995. Courant 2020, il atteint 281 millions, représentant 3,6 % de la population mondiale. Contrairement à une idée reçue, le nord de la planète n’accueille pas la majorité des flux migratoires actuels : d’après l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), les flux Sud-­Sud ont continué à croître par rapport aux flux Sud-­ Nord, pour atteindre en cumulé 97 millions de personnes en 2017, contre 89 millions de personnes originaires des pays du Sud vivant dans les pays du Nord. Le développement des mouvements migratoires est dû à plusieurs facteurs : • la mondialisation et, malgré les contrôles aux frontières, la facilité non seulement de se déplacer, mais, également, de connaître et d’envier les modes de vie d’autres pays par la multiplication des canaux d’information ; • la persistance de l’écart entre les pays riches à la population vieillissante, qui ont souvent besoin de main-­d’œuvre à bas coût pour les travaux délaissés par la population nationale, et les pays en développement, où une grande partie de la jeunesse est en quête de perspectives ;

2e

COLOMBIE

1,7

VENEZUELA

3,8

Amérique latine et Caraïbes 15

MIGRANTS ET RÉFUGIÉS Les réfugiés quittent leur pays par crainte d’être persécutés, du fait de leur race, de leur religion, de leur appartenance à un groupe social ou de leur opinion politique. Parmi eux, se distinguent réfugiés « politiques » et réfugiés « économiques ». Selon le Haut-­Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), ils seraient 26,4 millions fin 2020, soit environ 10 % de la population migrante et 0,3 % de la population mondiale, chiffre qui a doublé en 10 ans. Près de 9 réfugiés sur 10 sont actuellement installés dans des pays en développement. Les mouvements migratoires ont pu susciter, dans certains pays, des réactions de fermeture, voire de rejet, qui ont conduit à une poussée de l’extrême droite politique et au développement de mouvements nationalistes autonomes. Mais cela n’empêche pas les pays développés de s’ouvrir largement à une catégorie particulière de migrants : les travailleurs qualifiés. Cette « fuite des cerveaux » peut s’avérer dommageable pour les pays de départ. Face aux difficultés de passage se mettent en place des filières clandestines liées à la criminalité organisée. La question migratoire est également manipulée par certains régimes pour faire pression à des fins stratégiques (Turquie, Biélorussie).

1,8

Les migrations dans le monde en 2020 1er

Les 10 premiers pays d’origine des migrants dans le monde

1er

Les 10 premiers pays de destination des migrants dans le monde

9

Nombre de migrants internationaux par région (en millions)

6,7 3,6 2,7

Principaux pays d’origine des réfugiés dans le monde en 2020 (en millions) Principaux pays d’accueil des réfugiés dans le monde en 2020 (en millions) Nombre de migrants nés dans le pays d’origine et vivant dans le pays de destination en 2020 (en millions) Murs anti-immigration

carl format 282x210

p051_Pop_Mondiale_en_mouveme

Une population mondiale en mouvement 2 2, 2

CANADA

Europe

RUSSIE

(dont Russie et CEI) 1,2

ALLEMAGNE ROYAUME-UNI 7

CHINE

KAZAKHSTAN

FRANCE

,5

1er

8

e

9

MYANMAR

2,1

e

2,2 6

e

THAILANDE 1,8

BANGLADESH

9e

INDONÉSIE

AUSTRALIE

INDE 1,7

1 ,6

ESPAGNE 10

Océanie

e

2

5

9e PHILIPPINES

4e

2 ,5

3,5

87

4 e 3e

2 ,6

POLOGNE 2e

OCÉAN PACIFIQUE

Asie 86

8e

1,

ement

LES DÉFIS MONDIAUX

ALGÉRIE

2 ,5

1

25

OCÉAN INDIEN

SOUDAN SOUDAN DU SUD 2,2 OUGANDA

0,8

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Sources : OIM, Banque mondiale, UNHCR, UNRWA.

1,4

3,5

Afrique

8e

UKRAINE 10e

AFGHANISTAN 2,6

OCÉAN ATLANTIQUE

1,6

PAKISTAN

1,4

2,7

3,6

3,8

TURQUIE

7e

IRAN 5

e

SYRIE

6,7

PALESTINE

5

É.-A.U-.

JORDANIE

2

6e

3

e

3,5

ARABIE SAOUDITE

1 015 078

Nombre d’entrées de migrants en Europe

Nombre de migrants disparus ou décédés en Méditerranée 5 305

216 054

389 976 187 499 146 949 128 663 99 907 151 417

2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021

4 055 3 286

3 157

3 140 2 380 2 087

2 326

2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021

Les 10 principaux pays d’origine en 2021 Tunisie Maroc Autres Algérie Afghanistan Égypte Bangladesh Syrie Iran Côte d’Ivoire

15 679 15 407 15 077 13 344 11 439 8 877 7 959 6 188 4 158 4 041

Les 6 principaux pays d’arrivée en 2021 Italie Espagne 12 332 Chypre 10 799 Bulgarie 9 026 Grèce Malte 838

50 945

67 477

Sources : UNHCR et OIM.

51

LE TERRORISME, UNE MENACE EXISTENTIELLE ? Depuis les attentats du 11 septembre 2001, le terrorisme est souvent présenté comme la principale menace pesant sur la sécurité internationale. Au-­delà du décompte des victimes et du bilan des destructions matérielles (le terrorisme fait moins de morts que la plupart des conflits ou guerres civiles en cours), sa force réside dans l’impact psychologique qu’il exerce sur les médias, les opinions publiques et les responsables politiques.

QUELLE DÉFINITION ? Le terrorisme est une menace qui touche à l’une des principales fragilités des nations occidentales. En effet, fortes de leur supériorité militaire, celles-­ci se sentent à l’abri des menaces classiques contre leur indépendance ou leur souveraineté. En frappant aveuglément des populations civiles dans leur vie quotidienne, là où elles se sentaient protégées (transports, voies publiques, grands magasins, bâtiments administratifs, écoles, terrasses de cafés, concerts, etc.), l’action terroriste fait naître un sentiment de crainte, qui permet à ses auteurs d’exercer une pression permanente. Cette menace est d’ailleurs chaque jour évoquée, notamment dans les médias, par des dirigeants politiques et experts, comme une préoccupation sécuritaire, nationale et internationale, majeure. Il est encore aujourd’hui difficile de définir le terrorisme de manière consensuelle, mais on peut dégager plusieurs caractéristiques : un acte politique (se différenciant des motivations criminelles ou économiques), un recours à la violence armée (il ne s’agit pas de propagande) et des cibles civiles (la résistance s’en prend aux seules forces de sécurité ou d’occupation). Il reste un point de clivage majeur : n’est-­il que le fait de groupes intraétatiques ou également d’États (par exemples, les bombardements de populations civiles) ? Si aujourd’hui le terrorisme est principalement (mais pas uniquement) le fait d’organisations se réclamant de l’islam, il fut historiquement un mode d’action de groupes d’horizons divers : anarchistes nihilistes, nationalistes des Balkans, militants sionistes, sikhs, irlandais, basques, etc. Le nombre le plus élevé de ses victimes se trouve principalement dans les pays à majorité musulmane : en 2019, il s’agissait de l’Afghanistan, du Nigeria, du Burkina Faso, du Mali, de la Somalie, de la République démocratique du Congo et du Yémen. Des attentats meurtriers peuvent aussi être dus à l’extrême droite (Breivik, Norvège, 2011, 77 morts ; Christchurch, Nouvelle-­Zélande, 2019, 51 morts). Aux États‑Unis, les tueries de masse (mass shooting) souvent liées à l’extrême droite provoquent moins de réactions que les attentats.

LUTTER CONTRE LES CAUSES POUR EN ATTÉNUER LES EFFETS L’utilisation du terrorisme montre ses limites quand il s’agit d’obtenir des résultats politiques ou diplomatiques concrets. Frappant des innocents, les attentats sont difficiles à assumer vis-­à‑vis de l’opinion publique internationale. Mais ils ont aussi pour effet d’affaiblir le camp des partisans d’une solution politique. Le risque est 52

OCÉAN ATLANTIQUE

OCÉAN PACIFIQUE

celui d’un cercle vicieux où attentats et répressions se nourrissent mutuellement. Éluder la réflexion sur les causes d’une telle menace, pour ne pas lui conférer une quelconque légitimité, et ne vouloir lutter qu’avec des moyens militaires, n’est cependant pas opérant. C’est par la mise en place de solutions politiques aux conflits non résolus qu’il est possible d’en tarir les principales sources. Ni la mort d’Oussama Ben Laden en 2011 ni la perte de l’assise territoriale de l’organisation État islamique (EI) en 2018 et la mort de son leader Al-­Baghdadi en 2019 n’ont mis fin au terrorisme islamiste. Il faut se méfier des réponses militaires qui, à l’instar de la guerre en Irak, loin de lutter contre le terrorisme, ont contribué à le développer. Le risque est de nourrir le danger contre lequel on souhaite lutter. Le terrorisme se combat à court terme par des moyens militaires, carl et de renseignements, ainsi qu’à long terme par policiers, judiciaires format 290x190 des moyens politiques, appliqués au conflit qui en est la source. Les deux aspects sont indispensables et indissociables. Certains experts estiment qu’à p053_Terrorisme_2021 trop parler des terroristes dans les débats publics, on leur donne la publicité qu’ils recherchent.

LES DÉFIS MONDIAUX

Le terrorisme à travers le monde

AFGHANISTAN IRAK MYANMAR MALI

NIGER

BURKINA FASO

Sources : Global terrorism index 2022, measuring the impact of terrorism.

OCÉAN PACIFIQUE

OCÉAN INDIEN

2 000 km à l’équateur

Les pays les plus touchés par le terrorisme en 2021, selon le Global Terrorism Index1 Non concerné 0 1

2

4

6

8

10

Les principales attaques à caractère terroriste en 2021 Nombre de victimes

170 100 30

Le Global Terrorism Index recense les actes de terrorisme à travers le monde, et analyse leur impact sur les pays concernés, permettant ainsi d’effectuer une classification. La définition du terrorisme retenue est la suivante : « La menace ou l’usage systématique de la violence dans le cadre ou à l’encontre d’une autorité établie, avec l’intention de communiquer une revendication politique, religieuse ou idéologique à un groupe plus large que les victimes, en générant de la peur et donc en altérant (ou en visant à altérer) le quotidien et les agissements du groupe plus large. »

j’ai déplacé la légende d’1cm vers la gauche

53

LA PROLIFÉRATION NUCLÉAIRE EST-­ELLE INÉLUCTABLE  ? Le 6 août 1945, le bombardier Enola Gay largue une bombe baptisée Little Boy au‑dessus d’Hiroshima, causant immédiatement 66 000 morts. Le 9 août, une seconde bombe, Fat Man, explose au-­dessus de Nagasaki et tue 40 000 personnes. L’empereur Hiro-­Hito proclame la reddition du Japon le 14 août.

UNE PUISSANCE INÉGALÉE L’arme nucléaire a prouvé son potentiel de destruction inégalé. Le concept de dissuasion se développe dans les années 1950. Par un curieux paradoxe, la paix est assurée par la puissance destructrice de l’atome. Les dégâts provoqués par l’arme nucléaire sont tellement énormes qu’ils font reculer toute velléité agressive. Face à un pays nucléaire, on ne peut plus faire la balance des coûts et avantages avant de se lancer dans un conflit. « À l’âge nucléaire, la sécurité sera le robuste enfant de la terreur et la survie, la sœur jumelle de l’annihilation », selon Winston Churchill. L’Union soviétique procède à un premier essai nucléaire en 1949. États‑Unis et URSS se lancent dans une course aux armements nucléaires. Leurs arsenaux se développent quantitativement au-­delà de toute nécessité stratégique. Afin de modérer cette compétition, ils promeuvent la maîtrise des armements (arms control) et cherchent à limiter les risques liés à l’imprévisibilité avec, en 1972, les accords SALT (Strategic Arms Limitation Talks, négociations sur la limitation des armes stratégiques), qui impliquent une gestion agréée des plafonds d’armes attribués à chacun.

OCÉAN PACIFIQUE

États-Unis

1945

Ro

LA LUTTE CONTRE LA PROLIFÉRATION Les deux superpuissances n’ont pas conservé le monopole des armes nucléaires. En 1952, le Royaume-­Uni entre dans le club nucléaire, suivi par la France en 1960 et la Chine en 1964. Pour lutter contre la prolifération des armes nucléaires, les deux superpuissances ont proposé à la communauté internationale le Traité sur la non-­prolifération des armes nucléaires (TNP), signé en 1968. L’économie du TNP peut paraître simple et repose sur un équilibre factice des obligations. Selon l’article I, les États nucléaires (ayant procédé à un essai nucléaire avant 1967) s’engagent à ne pas transférer d’armes atomiques aux États non nucléaires. Cela correspond en fait à la volonté des États possédant l’arme atomique et ne leur crée aucune contrainte supplémentaire. Selon l’article II, les États non nucléaires s’engagent à ne pas acquérir ou fabriquer de telles armes. Trois pays non signataires du TNP se sont dotés de l’arme nucléaire : Israël, l’Inde et le Pakistan. L’Afrique du Sud, qui s’était dotée d’un petit arsenal, y a renoncé après le démantèlement de l’apartheid. Le programme clandestin de l’Irak, pays signataire du TNP, découvert après la guerre du Golfe de 1990, sera démantelé. En 2003, la Corée du Nord se retire du TNP. Depuis, elle alterne entre provocations et négociations. L’arme nucléaire sert de garantie de survie à un régime à bout de souffle. De son côté, l’Iran est soupçonné d’avoir développé un programme nucléaire militaire, ce qu’il nie. En juillet 2015, un accord est signé à Vienne, permettant des 54

Brésil Argentine

OCÉAN ATLANTIQUE

inspections poussées afin de garantir que ce pays ne s’en dote pas. En mai 2018, Donald Trump dénonçait cet accord avant que l’administration Biden ne relance les négociations avec Téhéran à partir de 2021. Mais le retour des conservateurs au pouvoir en Iran complique l’avancée des négociations, d’autant que la suspension des accords a permis à l’Iran de renforcer techniquement sa capacité à se doter de l’arme nucléaire.

carl format 280X193

p055_Proliferation_Nucleaire

LES DÉFIS MONDIAUX

La prolifération nucléaire

OCÉAN PACIFIQUE

Corée du Nord

1949

URSS (Russie depuis 1991) Chine

1964

Kazakhstan

Royaume-Uni

1952

France

Biélorussie Ukraine

1960

Pakistan Israël

Irak

Iran

Inde

Vienne - Juillet 2015 Accord sur le nucléaire iranien

(nouvelles négociations en cours après le retrait des États-Unis en mai 2018)

OCÉAN INDIEN

DATE

Date d’entrée du pays dans le club nucléaire Membres officiels du « club nucléaire » États ayant une capacité nucléaire officieuse États ayant renoncé, dans les années 1990, à développer des capacités nucléaires militaires États issus de l'ex-URSS qui possédaient des armes nucléaires sur leur territoire et qui y ont renoncé États soupçonnés d’avoir voulu développer une capacité nucléaire militaire bien que signataires du TNP État ayant démantelé une force nucléaire clandestine Autres États signataires du TNP

Afrique du Sud

Le 12 mai 1995, le TNP – qui avait été conclu pour 25 ans – a été renouvelé pour une durée illimitée par 178 pays, dont cinq pays nucléaires officiels. Parmi les traités existants, c’est l’un des plus universels. La nouvelle crainte exprimée par certains experts est désormais de voir des groupes terroristes se saisir d’armes nucléaires.

États non signataires du TNP

État s’étant retiré du TNP en 2003

D’autres estiment que le nucléaire reste hors de portée de tels groupes qui, par ailleurs, ont d’autres moyens de commettre des attentats. La guerre en Ukraine pourrait relancer la prolifération. Si les pays occidentaux ne sont pas entrés en guerre contre la Russie, c’est parce qu’elle est une puissance nucléaire. 55

CRIME ORGANISÉ ET MAFIAS La criminalité organisée s’est adaptée à la mondialisation. Celle-­ci lui permet d’étendre son action et ses marchés en défiant les pouvoirs étatiques nationaux. Ces derniers doivent coopérer pour répondre à ce défi. MUTATION DU CRIME ORGANISÉ Le crime organisé base son activité sur ce qui est interdit – trafics en tout genre (drogues, êtres humains, diamants, etc.), rackets, contrefaçons, fausses monnaies, espèces menacées – ou strictement réglementé – cigarettes, jeux de hasard, paris sportifs. Son chiffre d’affaires, difficile par nature à estimer, représenterait 1,5 à 5 % du PIB mondial. Interpol, organisation internationale de police criminelle qui comprend 195 pays membres, a défini la criminalité organisée comme étant « toute entreprise (ou groupe de personnes) engagée dans une activité illégale permanente ne tenant pas compte des frontières nationales, et dont l’objectif premier est le profit ». La criminalité organisée relève donc d’acteurs non étatiques clandestins, à l’instar des groupes terroristes. Si l’objectif des premiers est de nature financière et celui des seconds est de nature politique, il existe des interactions de plus en plus fortes entre les deux, rebaptisées hybri‑ dation criminelle (cf. Jean-­François Gayraud, Théories des hybrides. Terrorisme et crime organisé, CNRS Éditions, 2018). La distinction est en effet devenue plus floue entre guérillas, milices, grands cartels et mafias. Certains groupes terroristes se sont mués en organisations criminelles (Sentier lumineux péruvien, Forces armées révolutionnaires de Colombie [FARC], talibans afghans, Tigres tamouls sri-­lankais, Al-­Qaïda au Maghreb islamique, État islamique en Syrie et en Irak). Le trafic de drogue demeure l’activité criminelle qui relie le plus intensément groupe terroriste et criminalité organisée, que ce soit en Afghanistan, au Sahel ou en Amérique latine. C’est ce qui a donné lieu à l’émergence de termes comme « narcoterrorisme » ou « narcoguérilla ».

56

UN DÉFI STRATÉGIQUE Au-­delà de son aspect illégal, le crime organisé pose un certain nombre de défis à la société internationale. Il affecte les États déjà faibles en les privant de ressources. Les activités du crime organisé s’accompagnent généralement de la corruption des fonctionnaires, voire des responsables politiques, venant affaiblir encore plus l’État au profit des groupes criminels. Selon une étude de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) en 2017, le crime organisé était responsable d’un homicide sur cinq, soit « beaucoup plus de morts dans le monde que les conflits armés et le terrorisme réunis ». Pourtant, l’écho médiatique accordé aux victimes du crime organisé est bien moins important que celui consacré aux conflits et au terrorisme. En 2021, parmi les 50 villes les plus criminogènes du monde, 37 se situent en Amérique latine. Le Mexique, où se situent les 6 premières villes de ce classement, continue d’être l’hypercentre de la criminalité et de la violence à l’échelle régionale, si ce n’est mondiale. L’Amérique, en particulier l’Amérique centrale et du Sud, reste de loin la région du monde la plus touchée du fait des organisations criminelles principalement liées au trafic de drogue (cartels). En Europe, outre les traditionnelles mafias italiennes, la criminalité organisée est principalement issue des pays des Balkans et du Caucase, se développant sur les décombres de l’ex-­Yougoslavie et de l’URSS. L’Afrique de l’Ouest sert de transit à l’acheminent de la drogue, notamment la cocaïne en provenance d’Amérique du Sud et à ­destination de l’Europe. Les afflux de réfugiés fuyant les dictatures, la misère ou les guerres civiles pour rejoindre l’Europe, créent également de larges filières de trafics d’êtres humains.

LES DÉFIS MONDIAUX

Une criminalité transnationale organisée

Amérique du Nord

Europe de l’Ouest et du Sud

9 Saint-Louis

Tijuana 4 Ensenada 7 Ciudad 2 Obregon Zacatecas 3 Zamora 1

6 Juárez

Europe centrale et Balkans

Afrique du Nord et Moyen-Orient

5 Celaya

Amérique centrale et Caraïbes Kingston

Europe de l’Est et Asie centrale

Pavot ASIE CENTRALE

Asie du Sud

10

8

Uruapan

Coca

Asie de l’Est et Pacifique

ASIE DU SUD-EST

RÉP. DÉM. DU CONGO

RÉGION ANDINE

Afrique Subsaharienne

Amérique du Sud

La production de cocaïne Principales régions de production

2 000 km

Routes de la cocaïne

La production d’héroïne Principales régions de production Routes de l'héroïne

à l’équateur

Actes de piraterie Répertoriés en 2021

Trafic depuis l’est de la République démocratique du Congo Or Cassitérite

Principaux flux transrégionaux de trafic d’êtres humains Flux plus ou moins importants

Les 10 villes au taux d’homicide le plus élevé en 2021 1

Rang

Sources : Organisation maritime internationale, UNODC, Consejo Ciudadano para la Seguridad Publica y la Justicia Penal.

carl format 200x135

p057_Criminalite_Organisee

57

LA DIPLOMATIE SPORTIVE Le sport n’est pas qu’un loisir, un spectacle ou une compétition. Les rencontres sportives revêtent une importance médiatique et sociétale qui leur confère un caractère stratégique. Les champions deviennent les icônes du village mondial.

LES ENJEUX STRATÉGIQUES DU SPORT

LA COUPE DU MONDE DE FOOTBALL

Le sport se mue en nouveau terrain d’affrontement, régulé et pacifique, entre États. Le Comité international olympique (CIO) et la Fédération internationale de football association (FIFA) ont une telle force d’attraction que personne ne veut en rester à l’écart. Ils réussissent là où l’ONU échoue, à savoir faire cohabiter la Chine et Taïwan ou Israël et la Palestine. Avec 211 associations affiliées, la FIFA réunit davantage de membres que l’ONU (193 États). Au-­delà des seuls résultats, la compétition pour obtenir l’organisation des compétitions peut s’avérer féroce. Les Jeux olympiques (JO) ont d’abord été l’apanage exclusif des Européens et des Nord-­ Américains et les Coupes du monde de football des Européens et des Sud-­Américains. Ils se sont depuis multipolarisés, même si les premiers ne sont pas encore arrivés sur le continent africain.

La FIFA fut créée en 1904 par des délégués provenant de Belgique, du Danemark, d’Espagne, de France, des Pays-­Bas, de Suède et de Suisse. Les Anglais boudèrent l’événement. La première Coupe du monde se déroula en 1930 en Uruguay. De nombreuses équipes ne firent pas le voyage, qui durait quinze jours. Seules quatre équipes européennes et neuf équipes sud-­américaines y participèrent. Aujourd’hui les 211 fédérations participent aux éliminatoires et luttent avec âpreté pour figurer parmi les 32 équipes qualifiées (nombre porté à 40 en 2026). La première Coupe du monde organisée en dehors des continents européen et latino-­américain se déroula aux États‑Unis en 1994. Le but était de promouvoir le football dans ce pays. En 2002, elle prit place pour la première fois en Asie, partagée entre le Japon et la Corée du Sud. Ces deux pays rivaux étaient contraints de travailler ensemble. En 2010, elle s’est déroulée pour la première fois sur le continent africain, en Afrique du Sud. Elle a été organisée pour la première fois en Russie en 2018 et aura lieu au Qatar en 2022 puis en Amérique du Nord (Canada, États‑Unis et Mexique) en 2026. Pour ce qui est du palmarès, en revanche, il se partage uniquement entre Europe et Amérique du Sud (Brésil, 5 victoires ; Italie et Allemagne, 4 ; Argentine, France et Uruguay, 2 ; Angleterre et Espagne, 1).

FOOTBALL ET MONDIALISATION Sport universel, le football peut être considéré comme l’un des symboles de la mondialisation. Il est beaucoup plus répandu sur la surface de la planète que l’économie de marché, la démocratie, ou même Internet. C’est donc un véritable « empire sur lequel le Soleil ne se couche jamais », plus encore que sur celui de Charles Quint. Cet empire s’est étendu en un peu plus d’un siècle de façon parfaitement pacifique, provoquant même l’enthousiasme des peuples qui se laissent volontairement conquérir, phénomène assez rare en géopolitique. Sa puissance suscite le respect et l’admiration plutôt que le rejet. Parti d’Angleterre, le football s’est d’abord répandu par la voie maritime (les premiers clubs professionnels sont issus des villes portuaires : Le Havre, Hambourg, Gênes, Barcelone, Bilbao), puis par la voie ferrée, à partir des années 1930. La radio puis, à partir des années 1960, la télévision ont parachevé son avènement.

SPORT ET IDENTITÉ Le sport en général, le football en particulier, permet de mobiliser et de démontrer une appartenance à une identité collective. Alors que la mondialisation est présentée comme étant un phénomène qui efface les identités nationales, les compétitions sportives mondialisées viennent au contraire les renforcer. L’équipe nationale de football ou la délégation aux JO reste un vecteur d’affirmation nationale, permettant l’expression d’un patriotisme soft. À une époque où l’image est une composante importante de la puissance internationale, les champions peuvent contribuer au rayonnement international d’un pays. Pour des petites nations, c’est un excellent moyen de s’affirmer sur la scène internationale ou d’exister aux yeux du monde. Dans des pays où le sentiment d’unité nationale est faible, le soutien à l’équipe nationale de football transcende la plupart du temps les clivages ethniques, religieux ou sociaux. 58

LES JO, REFLETS DE L’ÉVOLUTION DU MONDE Les Jeux olympiques sont universels, en ce qu’ils réunissent tous les sports et tous les pays. Chacun peut espérer y briller. Initialement confidentiels (13 nations en 1896, à peine plus de 100 athlètes), ils sont devenus un moment majeur de la vie internationale. La cérémonie d’ouverture donne lieu aux défilés des délégations (derrière le drapeau national) tandis que l’hymne national est joué en cas de victoire. De plus, l’attribution à une ville de l’organisation des Jeux a toujours été le reflet des rapports de force géopolitique. • Avant la Seconde Guerre mondiale, seuls l’Europe et les États‑Unis bénéficiaient de ce privilège. • En 1964, le choix de Tokyo symbolisait la modernité du Japon tout en tournant la page de la Seconde Guerre mondiale. • En 1968, la reconnaissance du tiers-­monde passait également par l’attribution des Jeux à Mexico. • En 1972, l’attribution des Jeux à Berlin sonnait le retour de l’Allemagne en tant que puissance. • Les JO de Moscou en 1980, attribués en période de détente, ont été marqués par le boycott américain et de quelques pays occidentaux à la suite de l’invasion soviétique en Afghanistan. • La rivalité Est-­Ouest se poursuit dans le décompte des médailles, États‑Unis et URSS voulant démontrer la supériorité de leur régime par leurs triomphes olympiques. • Au début du xxie siècle, les JO de Pékin (ou Beijing, 2008) et Rio (2016) reconnaissent le phénomène de l’émergence.

LES DÉFIS MONDIAUX

Les villes accueillant les JO d’été

Helsinki Moscou

Pays ayant déjà accueilli les Jeux Olympiques

Montréal Los Angeles

Saint-Louis

Villes organisatrices des Jeux Olympiques d'été

Beijing Atlanta

Séoul

Athènes

Tokyo

une fois deux fois

Mexico

trois fois

Accueil des JO

Amsterdam

avant 1980 à partir de 1980 à venir

Stockholm Londres

Rio de Janeiro

Berlin Anvers Munich

Brisbane Sydney

Paris

3 000 km

Barcelone

Melbourne

Rome

500 km

à l’équateur

La Coupe du monde de football : entre mondialisation et domination européenne et sud-américaine 1. ex-URSS :

7 participations

2. ex-Tchécoslovaquie : 8 participations

carl format 200x96

3. ex-Yougoslavie :

Pays ayant organisé au moins une fois la Coupe du monde de football

8 participations

p059-A_Villes_JO_Ete

Pays vainqueurs

1

1 fois

2 fois

4 fois

5 fois

Pays demi-finalistes (nombre de fois) 13

BRÉSIL ARGENTINE

PAYSBAS

SUÈDE

ALLEMAGNE 2

URUGUAY FRANCE

3

500 km

• Pour la première fois depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les JO, qui devaient se tenir à Tokyo en 2020, sont reportés à l’année suivante du fait de la pandémie de Covid-19. Ils ont lieu en 2021 mais sans public. Les Jeux d’hiver ont lieu à Pékin l’année suivante, dans les mêmes circonstances. Pékin devient la première

5 1

Nombre total de participations à la phase finale de la Coupe du monde de football 1

4

8

12

ITALIE

ville à avoir organisé à la fois les Jeux d’hiver et d’été. Mais comme en 2008, l’organisation des Jeux en Chine fait l’objet de contestations en Occident, et donne lieu à un boycott diplomatique de la part des États-­Unis et de certains de leurs alliés. La géopolitique est à nouveau au rendez-­vous de l’olympisme. 59

LA JUSTICE INTERNATIONALE N’EST-­ELLE QU’UNE FICTION ? Pas plus qu’il n’existe un gouvernement mondial, une véritable police mondiale ou une réelle sécurité col‑ lective, il n’y a pas non plus de justice internationale en tant que telle. Le principe de souveraineté s’opposait à ce que les États puissent être jugés par leurs pairs. Mais, même si la société internationale a mis en place un cadre juridique imparfait, il a le mérite d’exister et de progresser. UNE JUSTICE CONDITIONNÉE : L’EXEMPLE DE LA CIJ En 1945 fut créée la Cour internationale de justice (CIJ), organe de l’ONU composée de quinze juges. Mais celle-­ci ne peut ni s’autosaisir ni résoudre les conflits impliquant des États non membres. Le pouvoir de la CIJ s’en trouve entravé, mais elle permet quand même de limiter, par des moyens juridiques donc pacifiques, les aggravations de certains conflits. Après les différents chocs post-­guerre froide, il fut décidé de mettre en place des tribunaux spéciaux pour juger des crimes les plus graves. Un génocide venait de se dérouler au Rwanda et des crimes de guerre avaient été commis en Europe (ex-­Yougoslavie), qui concentrait pourtant les espoirs d’une paix mondiale.

L’ÉCHEC DE L’UNIVERSALITÉ : L’EXEMPLE DE LA CPI Sous la pression des organisations non gouvernementales (ONG), qui estimaient insuffisante la mise en place de tribunaux ad hoc une fois le conflit terminé, et craignaient une « justice de vainqueur », la Cour pénale internationale (CPI), permanente, fut créée en 1998. Elle put dès lors avoir non seulement un rôle punitif, mais également préventif. Siégeant à La Haye, elle regroupe 122 États membres en 2022. Elle ne peut juger que des crimes commis sur le territoire, ou par les ressortissants, des États signataires, sauf saisine par le Conseil de sécurité des Nations unies (où les membres permanents peuvent utiliser leur droit de veto – sur les cinq membres permanents au Conseil, seuls la France et le Royaume-­Uni sont parties à la CPI). Elle ne dispose d’aucun pouvoir rétroactif et ne peut juger que des crimes les plus graves : crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocides ou crimes d’agression (depuis 2018). Elle peut donc être saisie par le Conseil de sécurité, mais également par les États membres ou le procureur lui-­même. Les États‑Unis, la Chine, la Russie, l’Inde, la plupart des pays arabes et Israël n’en sont pas membres.

60

En 2009, saisie par le Conseil de sécurité, la Cour a lancé un mandat d’arrêt à l’encontre du président soudanais, Omar Al-­Bachir, pour les crimes contre l’humanité commis au Darfour. Vu comme un progrès – c’était la première fois qu’un chef d’État était inculpé –, il fut rapidement mis en avant que seuls des leaders de pays africains pussent être déférés devant la Cour. Omar Al-­Bachir a continué d’être reçu dans les pays africains, et a même effectué un voyage officiel à Pékin et Moscou jusqu’à ce qu’il soit renversé par une révolution au Soudan en 2019. Certains déplorent que George W. Bush ou Tony Blair, malgré la guerre d’Irak et ses conséquences catastrophiques, ne fussent jamais déférés devant la CPI. Les crimes commis dans le cadre de la guerre en Afghanistan par les différents acteurs du conflit font l’objet d’une enquête, pour laquelle les représentants de la CPI, dont l’ancienne procureure générale Fatou Bensouda, ont fait l’objet de menaces et de sanctions de la part de l’administration Trump. Finalement, le nouveau procureur général, le britannique Karim Khan, a décidé en 2021 d’écarter de son enquête les crimes commis par les forces étrangères en Afghanistan. En 2016, plusieurs pays africains, dont l’Afrique du Sud, menaçaient de se retirer, ouvrant le débat suivant : vaut-­il mieux une justice partielle (dont les grandes puissances sont exonérées, alors même que leur statut en font les plus susceptibles de violer le droit) ou aucune justice si elle n’est pas la même pour tous ? Finalement, seul le Burundi a quitté la CPI en 2017. À la suite d’une enquête ouverte pour des crimes commis par le pouvoir dans le cadre de sa « guerre contre la drogue », les Philippines se retirent de la CPI en 2019. Depuis la création de la CPI, neuf États africains ont vu des enquêtes et procédures entamées pour des crimes commis sur leur sol – Ouganda, République démocratique du Congo, Soudan, République centrafricaine, Kenya, Libye, Côte d’Ivoire, Mali, Burundi – et cinq États non africains : Venezuela, Géorgie, Afghanistan, Birmanie, Palestine et Philippines. En 2019, l’ex-­président ivoirien Laurent Gbagbo était acquitté après avoir été emprisonné sept ans, donnant l’image d’un gâchis judiciaire.

LES DÉFIS MONDIAUX

Une justice pénale universelle ?

OCÉAN PACIFIQUE

Tribunal Spécial des Nations unies pour le Liban Accord entre gouvernement libanais et Nations unies 2009-...

Année de l’accord ONU/Cambodge 2003-...

Cour pénale internationale : une juridiction permanente

PHILIPPINES

Création à Rome en 1998, entrée en vigueur en 2002 Siège : La Haye

PAYS-BAS Leidschendam

OCÉAN ATLANTIQUE VENEZUELA

CAMBODGE

UKRAINE

GÉORGIE

Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie Création par le CSNU 1993-2017

LIBYE MALI

Freetown SIERRA LEONE

MYANMAR

CÔTE D’IVOIRE

AFGHANISTAN

PALESTINE SOUDAN

OCÉAN INDIEN

RÉP. CENTRAFRICAINE OUGANGA RDC

Tribunal Spécial pour le Sierra Leone Résolution CSNU et accord entre gouvernement sierra-léonais et Nations unies 2002-2013

KENYA

Arusha TANZANIE

Création par le CSNU 1994-2015

États parties au statut de Rome au 1er janvier 2020 Les juridictions temporaires Nom de la juridiction

BURUNDI Tribunal Pénal International pour le Rwanda

Source : CPI.

OCÉAN PACIFIQUE

Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens

Méthode de création Années d’existence

Retraits officiels du Burundi (2017) et des Phillipines (2019) États concernés par des enquêtes (ouvertes, en cours ou terminées) de la CPI pour des crimes commis sur leur sol

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61

LA DÉMOCRATIE ET LES DROITS HUMAINS PROGRESSENT-­ILS  ? La guerre froide a été présentée par les Occidentaux comme la guerre des démocraties contre le totalita‑ risme communiste. Si, en effet, le niveau de liberté était réel dans les pays occidentaux et inexistant dans les pays communistes, les premiers n’ont pas hésité à soutenir et à mettre en place des dictatures, souvent brutales et sanglantes, dans l’objectif de lutter contre l’Union soviétique. LES DÉMOCRATIES GAGNENT DU TERRAIN Dans les années 1980, la démocratie a commencé à gagner du terrain, tout d’abord en Amérique latine, où les dictatures sont tombées les unes après les autres, puis en Asie, où, dans la foulée de leur développement économique, la Corée du Sud et Taïwan, dictatures très répressives, sont devenues de solides démocraties. La chute de l’Union soviétique a permis à la démocratie de s’installer dans l’ensemble de l’Europe de l’Est. Il y eut l’espoir que le continent africain suivrait cette vague dans les années 1990. Si la démocratie n’a pas été établie sur l’ensemble du continent par un effet domino attendu, il y a désormais des pays africains où le pouvoir ne se gagne non plus par les armes, mais par les urnes, et où l’alternance politique se produit. Ce qui était qualifié de « printemps arabe », avec la chute des dictatures tunisienne et égyptienne, a laissé croire à une démocratisation générale du monde arabe, espoir qui a vite été douché par d’atroces guerres civiles au Yémen, en Syrie et en Libye, et une féroce répression militaire en Égypte. De la même manière, les mouvements de contestations qui ont eu lieu à travers le monde en 2019, notamment au Liban, en Algérie, à Hong Kong, au Liban et dans plusieurs pays d’Amérique latine et d’Afrique, ont été interrompus par la pandémie de Covid-19 et n’ont pas donné lieu à l’émancipation et aux réformes souhaitées, voire ont parfois eu l’effet inverse. En Afrique de l’Ouest, la situation sécuritaire et économique est à l’origine d’une série de coups d’État (Mali, Guinée, Burkina Faso) qui viennent affaiblir la démocratie dans une région qui l’avait difficilement adoptée. Au Soudan, les militaires s’accrochent au pouvoir.

DÉMOCRATIE ET ÉTAT DE DROIT Si la démocratie n’est pas devenue la norme universelle, elle a quand même beaucoup progressé et est présente sur tous les continents. Elle ne peut se résumer à la tenue d’élections : les régimes dictatoriaux sont habitués aux élections de façade. Une véritable démocratie doit se baser sur des élections réellement concurrentielles, sur un État de droit où l’opposition, les minorités, les libertés d’expression, de religion, de penser et de

62

se déplacer pour la population, sont respectées. Il existe des démocraties « illibérales », où la tenue d’élections formelles ne compense pas l’autoritarisme des régimes. La guerre d’Irak en 2003 avait été officiellement lancée pour établir la démocratie. Ce n’était, bien sûr, que le masque d’ambitions stratégiques. La démocratie n’est pas un produit d’exportation, encore moins par la guerre, comme le prouve d’ailleurs l’échec des différentes interventions militaires (comme en Libye ou en Afghanistan) dont l’objectif affiché était sa mise en place. Mais il y a un mouvement général lié à l’affirmation des sociétés civiles. La démocratie est toujours un processus interne. Il est, de plus, souvent long et peut connaître des retours en arrière. Trois facteurs sont déterminants : • l’ADN historique et stratégique : chaque peuple a une histoire et donc des réactions différentes ; • le niveau de vie : classe moyenne importante (lorsqu’on a moins de 1,90 dollar par jour et par personne, les revendications politiques ne sont pas la priorité) ; • un certain degré d’alphabétisation : l’analphabétisme permet plus facilement le contrôle de la population. À cela on peut certainement ajouter de nouveaux outils, tel que les réseaux sociaux, qui permettent un partage et une diffusion de l’information plus importants et viennent donc démultiplier les capacités de mobilisation et de revendication des populations. Leur contrôle est d’ailleurs un enjeu crucial pour les régimes autoritaires ou dictatoriaux qui y voient une menace pour leur maintien. Après le déclenchement de la guerre en Ukraine, la Russie a supprimé les quelques libertés qui existaient pour faire taire toute opposition. La Chine de Xi Jinping connaît aussi une crispation autoritaire. Aux États-Unis, le refus de reconnaître sa défaite a conduit Donald Trump à inciter ses partisans à prendre d’assaut le Capitole, symbole de la démocratie américaine. Dans de nombreux pays, des dirigeants démocratiquement élus restreignent les libertés et l’indépendance de la justice une fois au pouvoir, y compris au sein de l’Union européenne (Pologne, Hongrie). Aux Philippines, le fils de l’ancien dictateur Marcos est arrivé au pouvoir par les élections de 2022. Le combat pour la démocratie reste un chantier à réaliser.

LES DÉFIS MONDIAUX

État des lieux des droits humains et de la démocratie dans le monde Droit à l’avortement et mutilations génitales : état des lieux

Le droit à l’avortement en 2021 Avortement interdit Autorisé en cas de danger pour la vie de la mère Autorisé pour des raisons de santé Autorisé mais justifié par des raisons socio-économiques Autorisé sur demande

Les mutilations génitales féminines (MGF) dans le monde % de jeunes femmes (4-49 ans) ayant été victimes de MGF (2015) 15

40

80

Source : Center for reproductive rights, 2021 ; Les mutilations génitales féminines/l’excision : un problème mondial, Unicef, 2016

2 000 km à l’équateur

Liberté de la presse et peine de mort : état des lieux

ÉTATS-UNIS (17)

SYRIE (?) ÉGYPTE (107)

La liberté de la presse dans le monde en 2022, selon le classement de Reporters sans frontière1

IRAK (45) CORÉE DU NORD (?) IRAN (246)

CHINE (plusieurs milliers) INDE (4)

BOTSWANA (3)

Situation difficile TAÏWAN (1) VIETNAM (?)

OMAN (4) QATAR (1) YÉMEN (5) ARABIE SAOUDITE (27) SOMALIE (11) SOUDAN DU SUD (3)

BANGLADESH (2)

Problèmes sensibles Bonne situation Très bonne situation

La peine de mort : les États ayant effectué des exécutions à mort en 2020 IRAK Pays et nombre d’exécutions (45)

2 000 km à l’équateur 1

Situation très difficile

Dans son classement annuel de la liberté de la presse dans le monde, RSF prend en compte 6 critères - Pluralisme ; Indépendance des médias ; Environnement et autocensure ; Cadre légal ; Transparence ; Infrastructure - pour attribuer une note à chaque État.

État des lieux de la démocratie dans le monde, selon le Democracy Index 2021 de The Economist2

Sources : Classement 2022 de Reporters sans frontières ; Condamnations à mort et exécutions en 2020, Amnesty International

Les différents régimes Démocratie totale 9 à 10 8à9 Démocratie imparfaite 7à8 6à7 Régime hybride 5à6 4à5 Régime autoritaire 3à4 2à3 0à2

2 000 km à l’équateur 2

Le Democracy Index de The Economist Intelligence Unit (EIU) prend en compte cinq critères - Processus électoral et pluralisme politique ; Fonctionnement du gouvernement ; Participation politique ; Culture politique ; Libertés civiques - permettant d'attribuer une note à chaque État.

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Absence de données Source : Democracy Index 2021, The Economist Intelligence Unit.

63

ATTENTION FORMAT

VERS UN CHOC DES CIVILISATIONS ? À la fin de la guerre froide, les évolutions stratégiques ont donné lieu à deux interprétations très différentes, toutes deux en provenance des États‑Unis. DEUX VISIONS OPPOSÉES La première, optimiste, est énoncée par Francis Fukuyama en 1992 : c’est la théorie de la « fin de l’Histoire ». Selon cette dernière, l’Histoire, au sens hégélien, faite d’antagonismes et des risques de confrontation qui en découlent, est révolue, les nations adhérant désormais, au moins théoriquement, aux principes de la démocratie et de l’économie de marché. La seconde vision, alarmiste, conceptualisée par Samuel Huntington en 1993, consiste en un « choc des civilisations » à venir. Selon lui, les conflits ont d’abord opposé princes et rois, puis des nations entières après la Révolution française – ce qui a dramatiquement augmenté le nombre de morts – pour, finalement, voir s’affronter des idéologies : nazisme et fascisme contre démocratie, puis communisme contre démocratie occidentale. Selon S. Huntington, la fin de la guerre froide ne signifie pas celle des guerres, mais leurs mutations. Désormais, ce sont les civilisations qui vont s’affronter. Or celles-­ci sont à la fois faites d’éléments objectifs (histoire commune, religion ou langue) et subjectifs (comme le sentiment d’appartenir à un même ensemble). Si on peut changer d’idéologie, on ne peut pas changer de civilisation. Aussi, les oppositions sont plus graves. Il définit huit civilisations : occidentale, slave-­orthodoxe, islamique, hindoue, africaine, japonaise, latino-­américaine et confucéenne. Selon lui, à  terme, le choc est inévitable entre la civilisation occidentale, dominante, mais en perte de vitesse, et la civilisation islamique, dominée, mais en expansion, ainsi que la civilisation confucéenne, en réalité la Chine.

OCÉAN PACIFIQUE MEXIQUE

COLOMBIE

S OC

CIVILISATION LATINOAMÉRICAINE

GUIN BISS

GUERRE DE CIVILISATIONS OU INTRACIVILISATIONNELLE ? La théorie de S. Huntington se base sur la guerre du Golfe de 1991 et les guerres balkaniques, déclenchées au moment où la fin de la guerre froide laissait espérer une paix globale. Elle va devenir la toile de fond des débats sur les questions internationales et redoublera d’intensité après les attentats du 11 septembre 2001. Pourtant, la guerre du Golfe a initialement opposé des pays arabes : l’Irak et le Koweït. De manière générale, les conflits majeurs avaient lieu au sein même des civilisations plutôt qu’entre elles. Les guerres civiles les plus sanglantes ont eu lieu en Afrique, y compris le génocide au Rwanda (1994). Les affrontements interétatiques les plus graves se sont déroulés au sein d’une même civilisation (Chine/Taïwan, les deux Corées). Qui, par ailleurs, représente une civilisation ? L’Islam est divisé entre chiites et sunnites, Perses, Arabes, Turcs et Asiatiques.

L’HISTOIRE N’EST JAMAIS ÉCRITE À L’AVANCE Cette thèse est conforme au but stratégique des États‑Unis après la guerre froide : demeurer à la tête du monde occidental et conserver le contrôle du monde musulman, tout en faisant face aux défis chinois. Elle avait l’avantage de conférer une grille de lecture universelle aux conflits. Cela ne la rendait pas pour 64

SIER LEO L OCÉAN ATLANTIQUE

autant pertinente. Son caractère déterministe présuppose que les civilisations vont automatiquement s’affronter. Ce n’est pas impossible, mais en rien inévitable. En effet, l’Histoire n’est jamais écrite à l’avance. S. Huntington, en prédisant le choc des civilisations, ne le préconisait pas. Il s’est d’ailleurs opposé à la guerre d’Irak en 2003 parce qu’elle renforçait, à ses yeux, la possibilité de survenance d’un tel choc. La rivalité entre la Chine et les États-­ Unis ne saurait être résumée en un choc de civilisations. C’est avant tout une rivalité de puissances carlconcurrentes.

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LES DÉFIS MONDIAUX

La thèse d’Huntington à l’épreuve des faits

OCÉAN PACIFIQUE

CIVILISATION JAPONAISE CIVILISATION SLAVEORTHODOXE

CORÉE DU NORD/ CORÉE DU SUD

CIVILISATION CONFUCÉENNE

RUSSIE

UKRAINE

EX-YOUGOSLAVIE Pays basque

NÉPAL ARMÉNIE/ AZERBAÏDJAN INDE/PAKISTAN GÉORGIE (Cachemire) TURQUIE AFGHANISTAN (Kurdes)

SYRIE

SAHARA OCCIDENTAL

MALI

SIERRA LEONE LIBERIA

LIBYE

Lutte contre l’EI (Irak et Syrie)

ÉGYPTE (Darfour)

Insurrection de Boko Haram RÉP.

ÉTHIOPIE

CENTRAFRICAINE

CÔTE D’IVOIRE

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

THAÏLANDE

TIMOR ORIENTAL

CIVILISATION OCCIDENTALE

SRI LANKA

YÉMEN

SOUDAN

NIGER

MYANMAR

CIVILISATION HINDOUISTE

IRAK

Conflit israélopalestinien

Lutte contre le terrorisme au Sahel

(Papouasie)

LAOS

Irlande du Nord

GUINÉEBISSAU

INDONÉSIE

CHINE

CIVILISATION OCCIDENTALE

ALGÉRIE

PHILIPPINES

RWANDA

ÉRYTHRÉE

CIVILISATION ISLAMIQUE

SOMALIE SOUDAN DU SUD

OCÉAN INDIEN

BURUNDI

(Kivu)

Thèse de Huntington

Délimitation des civilisations majeures

Conflits toujours en cours Conflit interétatique Conflit intraétatique avec implication internationale Conflit intraétatique Conflit gelé

CIVILISATION AFRICAINE

Soulèvements séparatistes

Conflits achevés ou en voie de résolution mais ayant été actifs depuis les années 1990 Conflit interétatique Conflit intraétatique

Sources : ONU, CIA, ICG, Armed Conflict Location & Event Data Project, La documentation française, Ministère des Affaires étrangères du Nigeria, Lancet Survey, Iraq Body Couvnt Project, ICTJ (International Center for Transitional Justice).

ATTENTION A LA COUPE

Traité de paix

Soulèvements séparatistes

65

DIVISION DE L’ALLEMAGNE ET CRISE DE BERLIN (1948-1961) Après la défaite de l’État nazi, l’Allemagne est divisée en quatre zones : américaine, française, britannique et soviétique. Berlin, située entièrement en zone soviétique, est divisée sur le même mode.

Les accès à Berlin-Ouest LE BLOCUS SOVIÉTIQUE HAMBOURG

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Corridor aérien BERLIN EST

Frontière inter-allemande

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Route

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50 km

Les quatre secteurs de Berlin en 1945 Troupes françaises d’occupation 12 août 1945

Conquête de Berlin

carl Troupes86x114 format soviétiques

Secteur britannique Troupes soviétiques

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Troupes britanniques d’occupation 4 juillet 1945

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Berlin constitue le point de passage entre l’Allemagne de l’Est et l’Allemagne de l’Ouest. Ainsi de 1949 à 1961, 3,5 millions d’Allemands de l’Est ont « choisi la liberté ». Ces départs sont de plus en plus inacceptables pour la RDA, mettant trop en évidence l’impopularité et la faiblesse du régime. Dans la nuit du 13 août 1961, la RDA fait édifier un mur qui empêche tout passage d’une partie à l’autre de la ville. « Mur de la honte », il matérialise physiquement et symboliquement la coupure de l’Allemagne, et plus largement, de l’Europe, entre l’Est et l’Ouest.

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ÉDIFICATION ET CHUTE DU MUR DE BERLIN

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RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D’ALLEMAGNE

UN BLOCUS AUX LOURDES CONSÉQUENCES Berlin, autrefois symbole du militarisme prussien, devient pour le camp occidental celui du « combat pour la liberté ». L’Allemagne de l’Ouest comprend que sa liberté dépend de la protection militaire américaine. Le 8 mai 1949, les trois zones occidentales se regroupent en un État fédéral : la République fédérale d’Allemagne (RFA). En riposte, la zone soviétique adopte sa propre Constitution et devient la République démocratique allemande (RDA). La nation allemande est désormais divisée en deux États appartenant l’un au camp occidental, l’autre au camp soviétique. En 1954, la RFA se voit reconnaître une pleine souveraineté et est intégrée à l’OTAN. En contrepartie, les Soviétiques créent en 1955 le pacte de Varsovie.

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE ALLEMANDE

Rou

Troupes soviétiques d’occupation 28 avril 1945

Secteur soviétique

Conseil de Contrôle Kommandatura interalliée

Administration militaire soviétique en Allemagne

Secteur américain

Arm ée Rou ge

Américains, Français et Britanniques, ayant réuni leurs zones d’occupation en août 1946, posent les bases d’un nouvel État allemand en juin 1948, avec la création d’une nouvelle monnaie, le deutsche mark. Les Soviétiques annoncent le blocus autour du secteur occidental de Berlin, le 23 juin 1948. Les relations ferroviaires et routières avec les zones occidentales de l’Allemagne sont interrompues. Berlin-­Ouest est isolée du reste du monde. Les Occidentaux craignent que Moscou cherche à annexer entièrement la ville. Ils mettent en place un « pont aérien » qui va nourrir les 2,5 millions de Berlinois de l’Ouest pendant presque une année. Le pari est techniquement audacieux, car le transport aérien est à l’époque peu développé. C’est aussi un choix politique habile qui laisse à l’URSS la responsabilité de déclencher ou non un affrontement direct. Ce qu’elle évitera. Le blocus est levé le 12 mai 1949.

Armée rouge

Kommandatura de Secteur

Troupes soviétiques

Troupes américaines d’occupation 4 juillet 1945

8 km

66

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c’est mieux en plus petit

LES CRISES ET GUERRES MAJEURES

LA GUERRE DE CORÉE (1950-1953) La guerre de Corée est considérée comme le paroxysme de la guerre froide. Elle éclate dans un pays pour lequel ni l’Union soviétique ni les États‑Unis n’avaient jusqu’alors manifesté un intérêt majeur.

La guerre de Corée (1950-1953) 15 septembre 1950

Oct.-nov. 1950

25 janvier 1951

27 juillet 1953

Intervention chinoise oct.-nov. 1950

CORÉE DU NORD Pyongyang

Offensive de la Corée du Nord 15 sept. 1950

38°

Débarquement de forces américaines 15 sept. 1950

CORÉE DU NORD

CORÉE DU Offensive de l’ONU NORD 24 novembre 1950 Pyongyang 38°

Séoul CORÉE DU SUD

Pyongyang 38°

Pyongyang

Ligne d’armistice

38°

Séoul CORÉE DU SUD

CORÉE DU NORD

Offensive de la Chine et de la Corée du Nord 25 janvier 1951

Séoul CORÉE DU SUD

CORÉE DU SUD

200 km

LES DEUX CORÉE Libérée de la colonisation que le Japon exerçait depuis 1910, la Corée voit les Soviétiques et les Américains s’installer de part et d’autre du 38e parallèle. Petit à petit, deux embryons d’États, l’un proaméricain au sud, l’autre pro-­soviétique au nord, se constituent. Au début de 1949, l’URSS et les États‑Unis retirent leurs carl troupes. De ligne de démarcation provisoire, le 38e parallèle format 182x75 devient un « rideau de fer asiatique ». Le 12 janvier 1950, le secrétaire d’État américain, Dean Acheson, p068_Guerre_Coree déclare que le « périmètre défensif » des États‑Unis va des îles Aléoutiennes au Japon et, de là, aux Ryūkyū et aux Philippines, ce qui exclut la Corée. Il ajoute : « Pour autant que la sécurité militaire des autres régions n’est pas en cause, il doit être bien clair que personne ne peut la garantir contre une attaque militaire. » Les Nord-­Coréens en concluent qu’ils peuvent agir impunément. Le 25 juin 1950, des forces nord-­coréennes franchissent le 38e parallèle sans rencontrer de résistance. Aussitôt, les États‑Unis demandent la convocation du Conseil de sécurité de l’ONU. Profitant de l’absence de l’URSS – qui boycottait le Conseil pour protester contre l’attribution du siège permanent chinois à Taïwan, et non à Pékin –, ils font adopter une résolution leur demandant de prendre le commandement d’une force de maintien de la paix de l’ONU. Le Premier ministre indien Nehru, jouant les intermédiaires, propose un marché à Staline et à Truman : l’admission de la Chine populaire à l’ONU en échange de la paix en Corée, proposition rejetée par les Américains.

UN CONFLIT MEURTRIER Le 7 octobre 1950, les forces de l’ONU, essentiellement américaines, franchissent le 38e parallèle. Craignant une éventuelle

remise en cause de son régime, la Chine populaire envoie des milliers de « volontaires » se battre aux côtés des Nord-­Coréens. Les troupes de l’ONU doivent reculer, Séoul est prise. Héros de la Seconde Guerre mondiale, le général MacArthur, qui dirige les troupes américano-­onusiennes, avait promis en novembre que les soldats américains seraient chez eux pour Noël. Surpris par l’offensive sino-­coréenne, il réclame le bombardement du territoire chinois et propose même d’utiliser des armes nucléaires. Le 10 avril 1951, le président Truman le révoque de tous ses commandements, réaffirmant la suprématie du pouvoir politique sur le pouvoir militaire et sa volonté de ne pas transformer une « guerre locale » en conflit nucléaire Est/Ouest. Les troupes de l’ONU reviennent au 38e parallèle, mais sans pénétrer cette fois sur le territoire nord-­coréen. En juin 1951, des négociations débutent. Elles durent 2 ans. Une convention d’armistice est signée à Panmunjom le 27 juillet 1953. Une zone démilitarisée sépare désormais les deux pays. Les États‑Unis accordent une aide militaire et économique à la Corée du Sud, l’URSS en fait autant avec la Corée du Nord. Ce premier conflit de l’âge nucléaire fut extrêmement meurtrier : entre deux et trois millions de civils coréens sont morts lors de cette guerre. Les Occidentaux crurent que les Soviétiques s’étaient livrés soit à une diversion sur le théâtre asiatique pour mieux attaquer l’Europe occidentale, soit à une répétition générale visant à tester la détermination américaine. La guerre de Corée déboucha sur l’apothéose de l’anticommunisme aux États‑Unis (maccarthysme) et accéléra l’intégration de ­l’Allemagne de l’Ouest dans l’organisation politico-­militaire de ­l’Alliance atlantique destinée à contrer la menace soviétique.

67

LA GUERRE DE SUEZ (1956) Première manifestation d’un condominium soviéto-­américain, la guerre de Suez (1956) est l’un des conflits les plus brefs de l’Histoire. Ses effets sont pourtant durables. Français et Britanniques, vainqueurs militaire‑ ment, sont humiliés sur le plan diplomatique. Le tiers-­monde confirme son entrée sur la scène internationale.

LA NATIONALISATION DU CANAL Le nationaliste arabe Nasser prend le pouvoir en Égypte en 1952. Les Américains ayant refusé de livrer des armes à l’Égypte, il se tourne vers l’URSS qui en profite pour prendre pied au Proche-­ Orient. Washington annule l’aide promise pour l’édification du barrage géant d’Assouan. Afin de montrer que l’Égypte ne cède pas aux pressions américaines, Nasser nationalise le canal de Suez le 20 juillet 1956. Cette décision fait deux victimes principales : la France, qui est la plus importante détentrice des actions du canal, et le Royaume-­Uni, qui est le principal utilisateur de cette voie maritime. Israël, qui s’inquiète de la montée en puissance militaire de l’Égypte, propose un plan aux deux pays européens. Le 29 octobre 1956, Israël, aidé militairement par la France, attaque l’Égypte. La France et le Royaume-­ Uni prétextent que la sécurité du canal est en péril et adressent aux deux belligérants un ultimatum exigeant le retrait de leurs troupes, faute de quoi la zone du canal serait occupée. Cet ultimatum, qui laissait l’armée israélienne occuper le Sinaï égyptien, était inacceptable pour Le Caire. La France et le Royaume-­Uni interviennent.

La guerre de Suez (1956) LIBAN

22 décembre

re 5 novemb

Tel Aviv

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Charm el-Cheikh Mer Rouge Forces britanniques et françaises

68

ARABIE SAOUDITE

Forces israéliennes

MOSCOU ET WASHINGTON ENTRENT EN SCÈNE Le président américain Eisenhower n’apprécie guère de ne pas avoir été informé d’une opération qu’il désapprouve. Pour les pays arabes et asiatiques, il s’agit d’une manifestation de colonialisme. L’URSS est au contraire ravie que les regards soient détournés de son intervention contre la révolution démocratique hongroise. Moscou en profite également pour conforter sa position de protectrice de l’Égypte et des pays du tiers-­monde contre l’impérialisme occidental. Le 5 novembre, le maréchal Boulganine, Premier ministre soviétique, envoie une note comminatoire aux Premiers ministres français, britannique et israélien : l’URSS se déclare prête à utiliser toutes les formes modernes d’armes destructives s’il n’est pas mis fin à l’expédition. L’allusion à une éventuelle utilisation de l’arme nucléaire est nette. À la stupeur de Londres et de Paris, Eisenhower indique qu’il ne faut pas compter sur les États‑Unis pour garantir leur sécurité. Washington spécule même contre la livre anglaise dont les cours s’effondrent. À peine débarquée à Port-­Saïd, l’armada franco-­ britannique doit piteusement rebrousser chemin. Le fiasco est donc total pour ceux qui voulaient jouer les gendarmes de la région, rôle qui échoit aux États‑Unis. Ces derniers n’ont pas hésité à lâcher leurs alliés dans la crise et à se montrer, de fait, solidaires de l’URSS. C’est le début du condominium. Bien qu’adversaires, Washington et Moscou peuvent avoir des intérêts communs. La France déduit de cette déroute qu’elle ne peut s’en remettre totalement aux États‑Unis. L’impuissance face à la menace soviétique et le lâchage américain s’avèrent capitaux dans la détermination française à acquérir l’arme nucléaire. À l’inverse, Londres tire la conclusion qu’elle ne peut plus entreprendre d’actions internationales d’envergure sans l’appui, voire le feu vert, des États‑Unis. Le tiers-­monde s’affirme sur la scène internationale et le nationalisme arabe en sort renforcé. Israël, qui apparaît comme la base avancée du monde occidental au Proche-Orient, voit son isolement régional confirmé.

LES CRISES ET GUERRES MAJEURES

LA CRISE DE CUBA (1962) Jamais le monde n’est passé aussi près de la guerre nucléaire que lors de la crise de Cuba. Elle marque pourtant le début de la détente. Les deux Grands réalisent qu’au-­delà de leurs divergences, ils ont un intérêt commun suprême : éviter un affrontement atomique.

La crise de Cuba (1962) Washington

AU BORD DU GOUFFRE

New York

ÉTATS-UNIS Norfolk

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km

La Havane BAHAMAS

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CUBA

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EL SALVADOR OCÉAN PACIFIQUE

600 km

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MEXIQUE

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RÉP. DOMINICAINE Mer des Antilles

PORTO RICO

COSTA RICA PANAMA

VENEZUELA COLOMBIE

Base de fusées soviétiques installées en territoire cubain Rayon d’action des fusées soviétiques Flotte de 18 bâtiments américains disposés en arc de cercle

LES PRÉMICES DE LA CRISE Fidel Castro, qui a pris le pouvoir à La Havane en 1959, mène une politique nationaliste qui irrite les Américains, habitués à considérer Cuba comme un protectorat. Après la nationalisation de la plupart des intérêts américains, Washington décrète un embargo sur Cuba en octobre 1960. j’ai supprimé le relief Le 17 avril 1961, la CIA organise un débarquement anticastriste dans la baie des Cochons. C’est un fiasco total, la population cubaine faisantcarl bloc autour de Castro qui se déclare alors marxiste-­léniniste format 75x95 et renforce ses liens avec l’URSS. En octobre 1962, un avion-­espion américain U2 photographie Cuba. p070_Crise_Cuba L’existence de rampes de lancement de fusées sur l’île est ainsi démontrée. Les Américains sont placés devant un dilemme : ne pas réagir, quitte à être menacés par des armes nucléaires soviétiques à 150 kilomètres de la Floride, ou intervenir. Mais comment contraindre les Soviétiques à retirer leurs fusées ? Une opération militaire est envisagée, mais elle risque de provoquer un affrontement direct que les deux superpuissances ont soigneusement évité jusqu’alors. La solution retenue consiste à établir un blocus autour de Cuba pour empêcher les navires soviétiques d’apporter les armements atomiques, tout en lançant un ultimatum pour qu’ils démantèlent les installations existantes.

Le 22 octobre 1962, dans une intervention télévisée dramatique, Kennedy révèle au peuple américain l’existence de missiles à Cuba, évoque la détermination américaine à ne pas accepter cette situation et parle de « risque de guerre mondiale ». Il reçoit le soutien de ses alliés européens et latino-­américains. Le lendemain, Khrouchtchev dénonce le blocus comme un acte qui viole le droit international, affirme que « l’URSS n’est pas ou n’est plus un État à qui on puisse parler le langage de la force » et annonce que « si les agresseurs déclenchent la guerre, elle ripostera en infligeant les coups les plus puissants ». Mais il indique aussi que l’URSS ne veut pas la guerre et propose le démantèlement de toutes les bases militaires à l’étranger : en échange de la base soviétique de Cuba, les États‑Unis devraient démanteler leur système de sécurité en Europe et en Asie. C’est inacceptable. Khrouchtchev ordonne aux navires soviétiques de faire demi-­tour pour ne pas se heurter aux bâtiments américains qui assurent le blocus. Mais le problème des armes déjà déployées à Cuba demeure. Des négociations secrètes entre Russes et Américains permettent de définir un compromis proposé par Kennedy. Si Moscou retire ses fusées, Washington lève le blocus et s’engage à ne pas attaquer Cuba. Khrouchtchev accepte, mais demande en outre aux Américains le retrait de leurs fusées Thor et Jupiter, basées au Royaume-­Uni et en Turquie et braquées sur l’URSS. Les « 2 K » (Kennedy et Khrouchtchev) se mettent donc d’accord sans que le Soviétique prenne la peine de consulter son allié cubain. Castro en sera furieux et les rapports soviéto-­cubains seront dégradés jusqu’en 1970, sans que Washington en profite pour rétablir des relations avec La Havane. Kennedy est le vainqueur apparent de la crise. Sa fermeté a payé. L’aventurisme de Khrouchtchev est au contraire critiqué par ses pairs du Kremlin. Mais en réalité, les gains de l’URSS sont supérieurs : les États‑Unis n’attaqueront pas Cuba et les fusées américaines seront démantelées en Europe.

69

LA GUERRE DU VIETNAM (1955-1975) En juillet 1954, la France, vaincue à Diên Biên Phu, met fin à sa présence en Indochine par les accords de Genève. Le Vietnam est divisé de fait en deux entités. UN PAYS DIVISÉ Au nord du 17  parallèle, les communistes, dirigés par Hô Chi Minh, prennent le pouvoir et sont soutenus par Pékin et Moscou. Au sud s’installe un régime anticommuniste et dictatorial, dirigé par Ngo Dinh Diem, qui va rapidement être confronté à la résistance interne du Front national de libération (FNL), soutenu de l’extérieur par les communistes nord-­vietnamiens. Dès 1958, les premiers conseillers militaires américains interviennent pour soutenir l’armée sud-­vietnamienne. Il s’agit de faire barrage à l’expansion du communisme à l’échelle mondiale. Selon la « théorie des dominos », il convient en effet de ne pas laisser un à un les pays de la région tomber dans l’orbite de Moscou ou de Pékin. Malgré 275 000 soldats américains au Vietnam en 1965 et 518 000 en 1969, la situation militaire sur le terrain s’enlise. Ce déploiement et son avantage en matière d’armement ne permettent pas à l’armée américaine de mettre fin à la résistance vietnamienne, soutenue par l’URSS et la Chine.

La guerre du Vietnam en Novembre 1967

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Hanoï

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Vientiane

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Golfe du Tonkin

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République démocratique THAÏLANDE du Vietnam (RDVN), proclamée par Hô Chi Minh en 1945 et reconnue en 1954 Zones contrôlées par le FNL, soutenu par la RDVN, l’URSS et la Chine Piste Hô Chi Minh Zones contrôlées CAMBODGE par le gouvernement sud-vietnamien et les Américains Phnom-Penh Bases américaines Bombardements américains sur le Nord-Vietnam

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70

VIETNAM DU NORD



56 277 militaires américains ont été tués et 2 211 ont été portés disparus (missing in action). Le « syndrome vietnamien » va frapper durablement les États‑Unis, désormais réticents à intervenir militairement à l’extérieur. Après le retrait américain, en avril 1975, et la violation des accords de Paris, Saigon est envahie par les

Diên Biên Phu

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UN CONFLIT AUX CONSÉQUENCES DÉSASTREUSES

CHINE

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Les bombardements américains sur les civils vietnamiens renforcent, au lieu de briser, la volonté de lutter contre les États‑Unis. L’utilisation d’armes au napalm scandalise l’opinion publique internationale. Le prestige des États‑Unis en souffre. Ils ne sont plus « le peuple de la liberté » et de la victoire contre le nazisme, mais représentent un nouvel impérialisme qui lutte contre un petit peuple courageux, combattant pour son indépendance. Cette guerre devient impopulaire, même aux États‑Unis. Les jeunes, contraints d’aller au front, se révoltent de plus en plus. Le gouvernement américain continue de légitimer les exactions commises au Vietnam par « l’objectif moral » de la lutte contre le communisme. Mais la population américaine accepte de moins en moins cet argument. En outre, la guerre coûte cher (50 millions de dollars par jour). Les Américains sont pris au piège du bourbier vietnamien. Ce pays, sans grand intérêt stratégique, est devenu le symbole de l’affrontement Est/Ouest. Les États‑Unis craignent de perdre leur crédibilité en se désengageant du conflit après tant d’années de guerre. Arrivé au pouvoir en 1969, Richard Nixon doit trouver une issue et change de stratégie. Comme Henry Kissinger, son secrétaire d’État, il estime qu’il n’est pas dans l’intérêt des États‑Unis de poursuivre un conflit qu’ils ne peuvent pas gagner. Des négociations s’engagent et débouchent le 23 janvier 1973 sur un accord de paix, signé à Paris entre Kissinger et le dirigeant nord-­vietnamien Le Duc Tho.

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LES ÉTATS‑UNIS DANS LE BOURBIER VIETNAMIEN

Fl. Ro

Golfe de Siam

VIETNAM DU SUD Saïgon

Mer de Chine 200 km

troupes Chi Minh-­Ville. Le Laos carl du Nord-­Vietnam et devient HôATTENTION FORMAT format 86x152 voisin devient également République populaire, et les Khmers rouges s’emparent du pouvoir au Cambodge. De nombreux Vietnamiens fuient clandestinement par bateaux (boat people) p071_Guerre_Vietnam la très sévère dictature mise en place par le pouvoir communiste. Après la chute du mur de Berlin, en novembre 1989, le Vietnam va timidement se libéraliser et s’ouvrir au monde occidental.

LES CRISES ET GUERRES MAJEURES

LA GUERRE D’AFGHANISTAN (URSS) (1979-1989) Le Parti communiste (PC) afghan prend le pouvoir par un coup d’État en 1978. Surtout implanté dans les milieux intellectuels de Kaboul, il est impopulaire dans les campagnes. Le rythme des réformes qu’il veut instaurer suscite de graves crispations. L’insurrection armée va gagner l’ensemble du pays.

L’intervention soviétique en Afghanistan (1979-1980) Douchanbe

UNION SOVIÉTIQUE

R.S.S. D’OUZBÉKISTAN

R.S.S. DU TADJIKISTAN

R.S.S. DU TURKMÉNISTAN

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CHINE

Avance soviétique (1979-1980)

Faizabad

Zones contrôlées par les Soviétiques et les forces gouvernementales

Mazar-e Charif

Panchir

Principales bases soviétiques

Tunnel de Salang

Bagram Herat

AFGHANISTAN

Shindand

Point d’entrée de l’aide à la résistance afghane

Kaboul Ghazni

Passe de Khybar

Peshawar

Zone sous contrôle de la résistance

Islamabad

Principales zones d’action de la résistance

Farah

Lashkar Gah

IRAN

Kandahar

PAKISTAN

Principaux camps de réfugiés afghans

Lahore

Pays bénéficiant de l’aide militaire américaine afin d’aider la résistance afghane

Zaranj Multan

INDE 100 km

CONDAMNATIONS INTERNATIONALES carl

format 176x90 Partageant 2 500 kilomètres de frontières avec l’Afghanistan, l’URSS craint que la fronde ne s’étende à ses populations musulmanes, et que la remise en cause de son influence en Afghanistan p073_Guerre_Afghanistan ne donne des idées aux démocraties populaires. Souhaitant renforcer la partie modérée du PC afghan, les Soviétiques envahissent le pays. Le 24 décembre 1979, 5 000 parachutistes soviétiques occupent l’aéroport de Kaboul. 50 000 soldats sont sur place l’année suivante, 120 000 en 1981. Mais les responsables soviétiques ont sous-­estimé l’impact international de leur intervention. Se présentant toujours comme l’allié des pays du tiers-­monde contre l’impérialisme américain, l’URSS envahit un État en voie de développement. Le 14 janvier 1980, l’Assemblée générale des Nations unies adopte, par 104 voix contre 18, une résolution condamnant l’intervention soviétique. Le crédit de l’URSS dans le tiers-­monde est entamé. Les pays islamiques sont les plus virulents. Cette intervention met également fin à la détente soviéto-­ américaine. On craint qu’à travers l’Afghanistan, l’URSS ne veuille s’approcher du golfe Arabo-­Persique. Les armées soviétique et afghane se battent contre les moudjahidines, qui tiennent l’essentiel du territoire, à l’exception de Kaboul. Les moudjahidines sont alors

Source : http//etudetactique.files.wordpress.com /2010/11/afghanistan1979-89gf.gif

soutenus par les États‑Unis, la Chine et de nombreux pays islamiques, particulièrement l’Arabie saoudite, malgré le caractère extrémiste qu’ont de nombreux combattants islamiques fondamentalistes. Le relief très accidenté de l’Afghanistan et les soutiens extérieurs permettent aux moudjahidin de tenir tête aux Soviétiques. Les offensives de l’Armée rouge ne parviennent pas à réduire la résistance. L’URSS s’enlise dans le « bourbier » afghan. La guerre coûte cher et est impopulaire. Conscient du coût politique, économique et humain, ainsi que de l’impossibilité de gagner la guerre, Gorbatchev décide d’y mettre fin en février 1988. Les soviétiques se retirent début 1989.

UN CONFLIT QUI PERSISTE La guerre persiste cependant entre les différentes factions de combattants afghans. Le pays est durablement plongé dans le chaos. Cette situation favorise l’émergence des talibans, mouvement ultra-­fondamentaliste apparu dans le sud du pays en 1994. Ils conquièrent toutes les villes, notamment Kaboul en 1996. Cependant, ces derniers font face à des groupes résistants, à l’image de l’Alliance du Nord, dirigée par le commandant Massoud. Massoud est assassiné par des partisans de Ben Laden à la veille des attentats du 11 septembre 2001. 71

LA GUERRE DU GOLFE (1990-1991) Dans la nuit du 2 août 1990, plusieurs centaines de chars irakiens franchissent la frontière du Koweït. Le 8 août, Saddam Hussein proclame la fusion du Koweït et de l’Irak. LES ORIGINES DU CONFLIT Indépendant depuis 1932, l’Irak revendique dès 1938 la souveraineté du Koweït, protectorat britannique depuis 1899. Le Koweït accède à l’indépendance en 1961. En 1963, l’Irak reconnaît sa souveraineté. En 1988, l’Irak sort d’un conflit avec l’Iran, que Saddam Hussein est convaincu d’avoir mené au nom de la nation arabe contre l’ennemi perse.

DE LA CONDAMNATION À L’INTERVENTION L’invasion du Koweït est aussitôt condamnée par la communauté internationale. Le Conseil de sécurité des Nations unies est immédiatement saisi par les États‑Unis et le Koweït. Washington obtient de l’Union soviétique la condamnation de l’invasion. Le 6 août, le Conseil de sécurité adopte la résolution 661 sur le boycott des activités militaires, commerciales et financières avec l’Irak. Les États‑Unis obtiennent de l’Arabie saoudite qu’elle accepte le déploiement de soldats américains (Desert Shield). Saddam Hussein échoue dans ses tentatives de diviser ses adversaires et d’affaiblir leur détermination. Ni le lien qu’il cherche à établir avec le conflit israélo-­arabe ni ses appels à la « guerre sainte » ne dissuadent de nombreux pays arabes de rejoindre la coalition. Six mois après l’invasion, elle rassemble 29 pays et compte 700 000 hommes, dont 400 000 Américains. Saddam Hussein refuse

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toutes les médiations. Le 29 novembre, la résolution 678 du Conseil de sécurité autorise l’emploi de « tous les moyens nécessaires » si l’Irak n’évacue pas le Koweït avant le 15 janvier 1991. Le 16, l’opération « Tempête du désert » (Desert Storm) est déclenchée.

LE DÉROULEMENT DU CONFLIT Du 17 janvier au 23 février 1991, les forces coalisées lancent une offensive aérienne visant à annihiler la volonté de l’Irak ainsi que sa capacité au combat, et détruisent méthodiquement les infrastructures logistiques et les centres névralgiques du pays. L’Irak réagit en tirant des missiles sur Israël et l’Arabie saoudite, mais ces tirs, dont l’impact psychologique est indéniable, sont d’une efficacité militaire très limitée. Après une très courte phase terrestre, l’Irak est contraint d’accepter, le 2 mars, les conditions posées par le Conseil de sécurité pour le cessez-­le-­feu (résolution 686). L’objectif fixé par le Conseil de sécurité a été atteint : le Koweït a recouvré son intégrité territoriale. La guerre du Golfe a souligné la prédominance diplomatique, militaire et technologique des États‑Unis : ils sont parvenus à susciter et à maintenir une coalition très disparate ; ils ont réussi à faire légitimer par le Conseil de sécurité des Nations unies leur choix de l’intervention ; ils ont obtenu la contribution financière de puissances – l’Allemagne et le Japon – non impliquées dans le conflit, ainsi que du Koweït et de l’Arabie saoudite ; enfin, ils ont réaffirmé leur leadership sur la région.

LES CRISES ET GUERRES MAJEURES

La guerre du Golfe Ankara

TURQUIE

TURKMÉNISTAN

Mer Caspienne

Tabriz

Achkhabad

Incirlik Mossoul Mer Méditerranée

LIBAN

Beyrouth Tel Aviv

ISRAËL

Damas

KOWEÏT

Tabouk

Dhahran Médine

ARABIE SAOUDITE Djeddah La Mecque

SOUDAN 500 km

Positions irakiennes : Zones de bombardement des SCUD

Koweït-city

ÉGYPTE Ras-Banas

Principaux champs pétrolifères

IRAN Bassorah Abadan

JORDANIE

Riyad

Positions de la Garde républicaine

Détroit d’Ormuz

BAHREÏN QATAR

Golfe d’Oman

Abu Dhabi

ÉMIRATS ARABES UNIS

Mascate

OMAN Mer Rouge

États appartenant au Conseil de coopération du Golfe Présence de populations kurdes

Bagdad

IRAK

Amman Jérusalem

Le Caire Eilat Canal Suez Aqaba de Suez

Téhéran

Kirkouk

SYRIE

États membres de la Ligue arabe

Mouvements terrestres irakiens Positions de la coalition : Positionnement des troupes Bases aériennes Évolution de la ligne de front (phase terrestre) du 23 au 25 février 1991

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LE GÉNOCIDE RWANDAIS (1994) Après la Première Guerre mondiale, la Belgique reçut en mandat le Rwanda et le Burundi, auparavant colonies allemandes. Ce territoire était peuplé de deux ethnies : les Hutus et les Tutsis, qui partageaient langue et histoire.

LA FABRICATION D’UN CLIVAGE

UN NOUVEAU GÉNOCIDE

Le clivage entre les Hutus et les Tutsis était plus social qu’ethnique. Les Tutsis, éleveurs, étaient socialement mieux considérés que les Hutus, agriculteurs. Mais la barrière n’était pas hermétique entre les deux groupes : les Hutus qui acquerraient du bétail étaient progressivement considérés comme des Tutsis. Les colonisateurs belges se sont appuyés sur ce groupe moins nombreux, permettant aux plus brillants un accès à l’école refusé de façon globale aux Hutus. Les Tutsis formaient une « aristocratie », tandis que la rancœur et le désir de vengeance s’installaient chez les Hutus. Dans les années 1950, les Tutsis, plus instruits, adhéraient aux thèses anticoloniales quand les Hutus demeuraient loyaux au pouvoir colonial qui, pourtant, les discriminait doublement. Le Rwanda et le Burundi deviennent séparément indépendants. Des massacres interethniques (au Burundi en 1965, 1969, 1972, 1988, 1991 et 1993), dont les Tutsis sont les principales victimes, obligent nombre d’entre eux à s’exiler en Ouganda voisin. Les Hutus sont très largement majoritaires dans ce pays, comme au Rwanda (85 % de la population). Les Tutsis tentent de s’emparer du pouvoir au Rwanda en 1990 par la force, à partir de l’Ouganda, mais en sont empêchés par une intervention militaire franco-­belge. Les accords d’Arusha, menés sous parrainage français, permettent d’espérer une issue aux affrontements, en mettant en place un processus électoral, mais en garantissant le respect de la minorité tutsie.

Le président Habyarimana, Hutu, accepte ces accords, mais est contesté par les extrémistes hutus. Son avion est abattu le 6 avril 1994. Les auteurs de l’attentat ne sont pas identifiés : pour les uns, ce sont des extrémistes hutus, pour d’autres ce sont des partisans de Paul Kagamé, dirigeant du FPR (Front patriotique rwandais, mouvement tutsi basé en Ouganda). Il s’ensuit dès le printemps 1994 un génocide réalisé par les extrémistes hutus à l’encontre des Tutsis et des Hutus modérés, qui a causé 800 000 morts en moins de trois semaines, dans un contexte d’explosion de violences abominables. Les troupes de l’ONU qui étaient sur place venaient de se retirer, les États‑Unis ne voulant plus y participer. À l’été, la France lance l’opération « Turquoise » pour stopper le génocide. Elle sera accusée par les Tutsis de protéger les responsables hutus. P. Kagamé renverse le pouvoir hutu avec l’aide de l’Ouganda et s’installe au pouvoir. Il accuse la France d’être complice du génocide. Les responsables français répondent qu’ils ont sponsorisé les accords d’Arusha censés mettre fin au conflit et que c’est l’assassinat du président Habyarimana qui, au contraire, a permis le déclenchement du génocide. Le conflit se déplacera par la suite en République démocratique du Congo (RDC), où des centaines de milliers de Hutus se sont réfugiés. Parmi eux, des génocidaires, ce qui justifie pour P. Kagamé une intervention du Rwanda. Mais cela permet au Rwanda de contrôler une partie des richesses du Zaïre, redevenu RDC et, dans les faits, un État failli. Le conflit en RDC a causé plus de 4 millions de morts entre 1994 et 2002, sur fond de guerre civile et d’intervention des pays voisins. P. Kagamé dirige d’une main de fer le Rwanda, fait taire toute opposition, assimilée à un négationnisme du génocide. Il combat la corruption et connaît une véritable réussite économique Population exclusivement hutu grâce à sa bonne gestion, l’aide internationale et le pillage de la RDC. La question mémorielle va longtemps susciter des tensions Majorité hutu, minorité tutsiente Kigali et Paris. Voulant y mettre fin et après avoir confié une étude sur le sujet à un groupe d’histoForte minorité tutsi va reconnaître un « ensemble de responriens, Emmanuel Macron sabilités lourdes et accablantes » de la France mais en l’exonérant de 6 avril 1994 : attentat contre le président rwandais responsabilité dans le génocide.

Le génocide au Rwanda OUGANDA

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO Ruhengeri Gisenyi Lac Kivu Kibuye

Cyangugu

RWANDA

Byumba

Kigali

Principaux sites du génocide et des massacres Gitarama

Kibungo

Offensives du FPR (Front patriotique rwandais)

Gikongoro Butare

TANZANIE BURUNDI 40 km

74

Zone protégée par les troupes françaises de l’opération Turquoise

Flux de réfugiés hutu vers les pays voisins

LES CRISES ET GUERRES MAJEURES

LES GUERRES BALKANIQUES (1991-1995) Alors que l’Europe pensait en avoir fini avec l’affrontement et la guerre froide, un conflit sanglant la traverse.

Les fronts (été 1992)

Le plan de paix de Dayton, 21 novembre 1995

ITALIE

AUTRICHE

Trieste

HONGRIE

Maribor

Ljubljana

Slavonie

Rijeka

CROATIE occidentale

Krajina

Velika Kladuza Bihac

Knin

Zones serbes Zones croates Croates et Musulmans de Bosnie

Vukovar Slavonie orientale

Banja Luka

VOJVODINE

Zenica

Knin

Srebrenica

Neum Dubrovnik

Ploce

Mostar MONTÉNÉGRO Pec Titograd

100 km

ALBANIE

Mer Adriatique Limites des trois secteurs de la Force d’implementation (IFOR, devenue SFOR)

Sarajevo Konjic

Split

Sarajevo Pale Konjic Gorazde Ploce

Secteur britannique

CROATIE

Mostar

Neum

VOJV.

SERBIE

Zenica

Zepa SERBIE

Split

Brcko

Secteur américain

BOSNIE-HERZÉGOVINE Tuzla

Zadar Belgrade

Brckro

BOSNIEHERZÉGOVINE Tuzla

Zadar

Mer Adriatique

Banja Luka

Bihac

Zagreb

SLOVÉNIE

Slavonie orientale

Velika Kladuza Krajina

Srebrenica Zepa Pale Gorazde

QG SFOR Secteur français MONTÉNÉGRO

Dubrovnik République serbe

50 km

Fédération croato-bosniaque

référendum est organisé qui débouche sur l’indépendance de la Croatie, le 25 juin. Le 19 septembre, l’Union européenne rejette une La Yougoslavie, où cohabitaient différentes nationalités au sein proposition franco-­allemande d’envoyer des forces de maintien de de la même fédération, éclate après les déclarations d’indépenla paix en Yougoslavie. En janvier 1992, l’ensemble des membres de dance de la Croatie et de la Slovénie le 25 juin 1991. Alors même carl la Communauté européenne reconnaissent la Slovénie et la Croatie. carl que l’Europe était en passe de se construire une politique étran- format La86x86 guerre éclate d’abord entre la minorité serbe de Croatie, souteformat 86x86 gère et de sécurité commune avec le traité de Maastricht, elle est nue par la Serbie, et la Croatie. Les Serbes de Croatie réclament pour confrontée à un conflit qu’elle ne sera pas capable de résoudre. p076_Plan_Paix_Dayton_1995 eux-­mêmes, face à Zagreb, le droit à l’indépendance que les Croates p076_Fronts_Ete_1992 En 1945, Tito crée une fédération de six républiques : la Serbie, ont fait jouer à l’égard de la Yougoslavie. Les Serbes interviennent la Croatie, la Slovénie, le Monténégro, la Macédoine et la Bosnie-­ en bombardant les villes croates. Serbes et Croates, qui vivaient en Herzégovine. La Croatie et la Slovénie, plus riches que le reste des bonne intelligence, s’entretuent. Le 7 avril 1992, la Communauté autres républiques, voudront rapidement avoir plus d’autonomie, ce européenne reconnaît l’indépendance de la Bosnie-­Herzégovine. qui ne sera pas possible jusqu’à la mort de Tito en 1980. LES DIFFICULTÉS DE LA COMMUNAUTÉ En 1987, le leader serbe Milosevic arrive au pouvoir à Belgrade INTERNATIONALE et joue la carte du nationalisme. La menace soviétique disparue, les différentes républiques ont moins d’incitation à rester ensemble. La communauté internationale, qui a déployé par le biais de Par ailleurs, la Fédération yougoslave traverse une grave crise écol’ONU une force de maintien de la paix, demeure impuissante nomique depuis le début des années 1980, et Slovènes et Croates à faire cesser les combats et ne peut que limiter les effets en estiment qu’ils pourront être plus productifs économiquement apportant une assistance humanitaire, notamment à la popuhors de l’influence serbe. Ils n’ont plus besoin du marché yougoslation bosniaque. En juillet 1995, le massacre par les Serbes de lave. En décembre 1990, un référendum proclame l’indépendance 8 000 musulmans dans l’enclave de Srebrenica, protégée par une de la Slovénie, qui sera reconnue par Belgrade en juillet 1991. À force de l’ONU, suscite une réprobation internationale. partir de mai 1990, le président Tudjman veut déclarer l’indépenLA CRÉATION DE L’ÉTAT BOSNIAQUE dance de la Croatie, qui inclurait la Bosnie-­Herzégovine ; il ne fait pas mention des Serbes de Croatie qui sont 600 000 sur 4,5 milL’été 1995 voit aussi le lancement d’une offensive croate perlions d’habitants. Aussitôt la crainte d’un retour aux pires heures mettant de reconquérir les terres laissées aux Serbes de Croatie de la Seconde Guerre mondiale anime les Serbes. En mai 1991, un tandis que les Américains lancent une campagne aérienne qui

L’IMPLOSION DE LA YOUGOSLAVIE

75

De la Yougoslavie à l’ex-Yougoslavie

ITALIE

SLOVÉNIE Ljubljana

HONGRIE

D a nu

be

AUTRICHE

Zagreb Vojvodine

CROATIE

ROUMANIE

Novi Sad

Bihac

Belgrade

BOSNIEHERZÉGOVINE

Zadar

Sarajevo

SERBIE

Split Mostar

La Yougoslavie en 1989 Frontière de la Yougoslavie en 1989 Capitale fédérale

MONTÉNÉGRO

Principales nationalités Slovènes

Monténégrins

Croates

Albanais

Serbes

Macédoniens

Bosniaques

Bulgares

Dubrovnik

Podgorica

MACÉDOINE* ALBANIE

L’ex-Yougoslavie depuis 2008 Capitale

débouche sur la conclusion des accords de Dayton auxquels

carl participent les présidents croate Tudjman, bosniaque Izetbegovic format 182x135

et serbe Milosevic. Ces accords mettent fin aux combats en instituant, sous coup077_Yougoslavie_ExYougoslavie vert d’un État unitaire bosniaque, une partition de fait de la Bosnie-­ Herzégovine en trois entités – croate, bosniaque et serbe – à côté d’un État croate et d’un État serbe. Les zones croate et bosniaque vont fusionner, regroupant 51 % du territoire contre 49 % pour la

76

BULGARIE Skopje

Hongrois

Frontières d’État

KOSOVO

Mer Adriatique

* La Macédoine devient Macédoine du Nord en 2019

Pristina

100 km

GRÈCE

zone serbe. La paix est assurée par une force internationale (la SFOR ou Stabilization Force) et une administration internationale qui fait de la Bosnie un protectorat de fait. La Bosnie reste sous la menace d’un éclatement. Le Kosovo, après la guerre de 1999, a déclaré son indépendance en 2008. La Croatie accède à l’Union européenne en 2013 et la Serbie est désormais candidate officielle à l’adhésion.

LES CRISES ET GUERRES MAJEURES

LA GUERRE DU KOSOVO (1998-1999) Alors que la guerre se termine en Bosnie, les troubles reprennent au Kosovo sous domination serbe, mais peuplé de musulmans albanophones fortement discriminés par Belgrade.

Le Kosovo Novi Pazar

SERBIE

MONTÉNÉGRO

Podujevo

Mitrovica Istoc Pec

Srbica

Cirez

Pristina

Klina Decane Djakovica

surveiller le cessez-­le-­feu en ayant accès au territoire yougoslave. Les Occidentaux ne contestaient pas la souveraineté yougoslave sur le Kosovo ; mais, après les exactions commises lors de la guerre civile yougoslave, Milosevic apparaissait comme un « multirécidiviste ». De nouveau, il se livrait à des opérations de nettoyage ethnique. La crédibilité des Européens – qui voulaient montrer que leur discours sur l’Europe de la sécurité avait une traduction concrète – et celle des États‑Unis – qui voulaient prouver que, 50 ans après sa naissance et malgré la disparition de l’URSS, l’OTAN avait toujours une utilité – étaient en jeu. L’OTAN entre donc en guerre, sans avoir été attaquée ou menacée, pour la première fois de son histoire.

KOSOVO Orahovac

Pagarusa

Gnjilane

Stimle Urosevac

Prizren

ALBANIE

Skopje MACÉDOINE 20 km

Principales zones de combat en 1998 Frontière entre la Serbie et le Kosovo depuis la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo (17/02/2008) Population albanophone Population serbophone 1

Secteurs de la KFOR1, sous commandement français britannique américain allemand italien

La KFOR, ou Force pour le Kosovo, est une force armée multinationale mise en œuvre par l'OTAN au Kosovo, sur mandat du Conseil de sécurité des Nations unies, pour soutenir la paix. Elle est créée en juin 1999 à l’issue de l’intervention de l’OTAN et est toujours active aujourd’hui. 

L’INTERVENTION DE L’OTAN Le 23 mars 1999, l’OTAN déclenche l’opération « Force alliée » contre la Yougoslavie sans la soumettre au vote du Conseil de sécurité, craignant le veto de Pékin et Moscou. Belgrade est bombardée par les forces aériennes de l’OTAN. L’armée yougoslave réplique en poussant les Kosovars à l’exode, ce qui motive les opinions européennes à soutenir la guerre. Ces combats inégaux dureront 78 jours. Milosevic est contraint à la capitulation le 3 juin 1999. Les troupes de l’OTAN se déploient au Kosovo. Le 10 juin 1999 (résolution 1244), le Kosovo, faisant toujours officiellement partie de la Serbie, devient une province sous administration internationale dont le statut final reste à déterminer. Mais la majorité albanaise souhaite une indépendance que ne veut pas encore lui reconnaître la communauté internationale de crainte d’une possible déstabilisation régionale. En octobre 2000, Milosevic est battu aux élections par Vojislav Kostunica. Milosevic sera arrêté en avril 2001 et livré au TPIY (Tribunal pénal international pour l’ex-­Yougoslavie). Les Serbes demeurés au Kosovo sont à leur tour victimes d’exactions. Nombre d’entre eux fuient et se réfugient en Serbie.

L’ENTRÉE EN GUERRE

VERS L’INDÉPENDANCE DU KOSOVO

En février 1996, l’armée de libération du Kosovo (UCK) revendique une série d’attentats à la bombe. L’armée yougoslave et la police serbe répliquent en détruisant de nombreux villages. carl ATTENTION FORMAT Leformat groupe de contact (Allemagne, États-­Unis, France, Italie, 86x128,5 Royaume-­Uni, Russie) demande à la Yougoslavie de cesser les opérations de répression au Kosovo. En mars 1998, le leader p078_Kosovo kosovar modéré Ibrahim Rugova est élu président au cours d’élections non reconnues par Belgrade. Le 31 mars, la résolution 1160 du Conseil de sécurité des Nations unies impose un embargo total sur les ventes d’armes à la Yougoslavie et, le 23 septembre, la résolution 1199 exige le retrait des forces serbes et l’ouverture de négociations. Les affrontements continuent. La France et la Grande-­Bretagne convoquent tous les protagonistes pour une réunion au château de Rambouillet qui se veut une réplique européenne du sommet de Dayton. Le 19 mars, c’est l’échec, Belgrade refusant que des troupes de l’OTAN puissent

Les États‑Unis soutiennent les revendications des Kosovars. Cela permettrait la création d’un petit État qui leur serait entièrement dévoué. Les Européens se résignent à l’indépendance en partie parce qu’ils ne veulent pas maintenir indéfiniment une coûteuse présence militaire au Kosovo. Le refus de l’indépendance transformerait ces troupes en potentielle cible des indépendantistes kosovars. La Serbie s’y oppose, mais est faible et isolée. La Russie s’y oppose également et met en avant les risques de contagion qu’une telle sécession pourrait avoir. Le 17 février 2008, le Kosovo proclame son indépendance et est officiellement reconnu, entre autres par les États‑Unis, la France et le Royaume-­Uni. Dix ans après son ­indépendance, la Russie, la Serbie, mais aussi plusieurs États européens, comme l’Espagne ou la Belgique, refusent de reconnaître le nouvel État dont l’économie est artificielle et où le crime organisé pèse lourd. 77

LES CONFLITS ISRAÉLO-­ARABES (1948-) En 1896, Theodore Herzl publiait L’État des juifs. Convaincu, après l’affaire Dreyfus, que l’antisémitisme sévira toujours en Europe, il y proposait de créer un État national afin de garantir la sécurité des juifs. En 1917, Lord Balfour, soucieux de mobiliser les communautés juives contre l’Empire allemand, déclara que Londres prévoyait l’établissement d’un foyer national juif en Palestine. L’idée était de « donner à un peuple sans terre une terre sans peuple ».

L’évolution des plans de partage de la Palestine

SYRIE

SYRIE

Jérusalem

ÉGYPTE

1937

Plan de partage anglais État arabe

Jérusalem

Beersheva

ÉGYPTE

1946

1946

DEUX PEUPLES POUR UNE SEULE TERRE Cependant, la Palestine, reçue en mandat par la Grande-­Bretagne après la fin de la Première Guerre mondiale, était habitée, et à 90 % par des Arabes. Entre les deux guerres mondiales, tant pour poursuivre le projet sioniste que pour fuir les persécutions antisémites, de nombreux juifs la rejoignaient, passant de 10 % à 30 % de la population. Les affrontements entre Arabes et juifs débutaient. carl Après 1945, l’ONU prit en charge la Palestine, hésitant entre 182x110 et une séparation entre un État juif et un État unformat État binational arabe, formule finalement retenue. L’État juif, Israël, soit 55 % du p079_Partage_Palestine territoire de la Palestine mandataire, n’est pas reconnu par les Arabes. Une première guerre a lieu dès 1948, gagnée par Israël. Ce dernier étendit alors son territoire sur 78 % de la Palestine. 600 000 à 800 000 Arabes fuient ou sont chassés : c’est la Nakba (catastrophe) 78

Nazareth

Tel-Aviv Jaffa

Jérusalem

Beersheva

Beersheva

ÉGYPTE

1947

Plan de partage de l’ONU

Administration de l’ONU

Jérusalem

Gaza

ÉGYPTE

Plan anglais d’État fédéral Administration anglaise

Haïfa

Gaza

ÉGYPTE

Plan de partage juif État juif

Tel-Aviv Jaffa

Jérusalem

Beersheva

SYRIE

Nazareth

Gaza

TRANSJORDANIE

TRANSJORDANIE

Beersheva

Tel-Aviv Jaffa

Gaza

Gaza

SYRIE

Nazareth

TRANSJORDANIE

Tel-Aviv Jaffa

LIBAN

Haïfa

Haïfa Nazareth

Nazareth

LIBAN SYRIE

Haïfa

Haïfa

Tel-Aviv Jaffa

LIBAN

TRANSJORDANIE

LIBAN

TRANSJORDANIE

LIBAN

Cisjordanie annexée à la Jordanie

1949

Accords d’armistice Bande de Gaza, occupée par l’Égypte

pour les Palestiniens. L’État arabe n’est pas créé, la Jordanie prenant le contrôle de la Cisjordanie et de Jérusalem-­Est, et l’Égypte celui de la bande de Gaza. Après la guerre de Suez en 1956, une nouvelle guerre surprise est déclenchée en 1967, la guerre des Six-­Jours, qui permit à Israël de conquérir le reste de la Palestine, y compris Jérusalem-­Est, ainsi que le Sinaï et le Golan syrien. Ce fut une humiliation pour les pays arabes. Ces derniers opposaient un triple non à Israël : non à la paix, non à la reconnaissance, non à la négociation. En 1973, la guerre de Kippour permit aux armées égyptienne et syrienne de bousculer dans un premier temps l’armée israélienne, avant que les positions ne reviennent au statu quo ante. L’Égypte opta pour la paix séparée avec Israël, entraînant sa rupture avec l’URSS au profit des États‑Unis. Ce choix lui permit, après la signature des accords de Camp David en 1978, de récupérer le Sinaï, mais provoqua son exclusion de la Ligue des États arabes.

LES CRISES ET GUERRES MAJEURES

Israël dans son environnement stratégique Mer Noire

Mer Caspienne

TURQUIE 8

OCÉAN ATLANTIQUE

Mer Méditerranée

TUNISIE

1 3 5 9 10 LIBAN SYRIE 7 ISRAËL PALESTINE

MAROC

2

ALGÉRIE LIBYE

IRAK

Tel Aviv

6

4

IRAN

JORDANIE

ÉGYPTE

Riyad

KOWEÏT BAHREÏN1 QATAR

ARABIE SAOUDITE

Un pays entouré d’ennemis ?

SOUDAN

Pays avec lesquels Israël a signé des accords de paix

Traversé par les crises et les conflits 1 Mai 1948 : première guerre israélo-arabe 2 Octobre 1956, crise de Suez :

à la suite de la nationalisation du canal par Nasser

1967, Guerre des six jours : occupation 3 Juin par Israël de la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem-Est

1968 : bataille de Karameh entre les troupes 4 Mars israéliennes et les combattants palestiniens 1

OMAN

Mer Rouge

YÉMEN OCÉAN INDIEN

Pays avec lesquels Israël a normalisé ses relations Pays avec lesquels Israël n’entretient aucune relation diplomatique officielle Pays avec lesquels Israël est toujours officiellement en guerre Pays avec lequel Israël est en confrontation existentielle

Abou Dhabi

ÉMIRATS ARABES UNIS1

500 km

Axe Tel-Aviv/Riyad/Abou Dhabi : évolution des relations, notamment depuis 2015, face aux menaces communes (Iran, Hezbollah)

1970 - « Septembre noir » : affrontements 5 ayant opposé les combattants palestiniens (fedayin) à l'armée jordanienne

1973 : Guerre de Kippour 6 Octobre entre la coalition syro-égyptienne et Israël et guerres israéliennes au Liban : 7 Offensives 1978, 1982 (massacre dans les camps de Sabra

Octobre 1985 : raid de l’aviation 8 israélienne sur le QG de l’OLP (Tunis) 9 1987 - 1993 : première intifada, qui prend fin avec les Accords d’Oslo 10 2000 - 2005 : deuxième Intifada

et Chatila sans que les forces israéliennes s’interposent), 1996, 2006.

Le Bahreïn et les Émirats arabes unis ont normalisé leurs relations avec Israël au travers des Accords d’Abraham, désignés comme des Accords de paix. Pour autant, les Émirats arabes unis et le Bahreïn n’ont jamais officiellement été en guerre contre Israël.

carlCONFLIT ISRAÉLO-­ARABE DU format 180x137 AU CONFLIT ISRAÉLO-­PALESTINIEN En 1964 est créée l’Organisation de libération de la Palestine p080_Conflit_Israelo_Arabe (OLP). En 1982, Israël engage l’opération « Paix en Galilée », visant à détruire les bases de cette dernière au Liban. La même année, le massacre de Sabra et Chatila (camps de réfugiés civils palestiniens) par des milices chrétiennes libanaises, sans aucune intervention de l’armée israélienne, bouleversa les opinions publiques. En 1987, l’Intifada (la « révolte de pierres »), soulèvement des Palestiniens de Cisjordanie, commençait : l’armée israélienne, en réprimant des civils palestiniens, dégradait l’image du pays.

La fin de la guerre froide ôta à Israël son statut d’allié des États‑Unis. Yitzhak Rabin accepta de négocier avec les Palestiniens, ce qui conduisit aux accords d’Oslo de 1993. L’OLP reconnut l’État d’Israël qui, lui, reconnut l’Autorité palestinienne, au pouvoir sur une partie des territoires occupés. Les forts espoirs alors suscités furent balayés par l’assassinat de Rabin en 1995 par un extrémiste juif, hostile au processus de paix. En 2001, le retour au pouvoir d’Ariel Sharon, qui s’est toujours déclaré hostile à ce dernier, déboucha sur la reprise de l’Intifada et entraîna une vague de répressions/attentats.

79

LA GUERRE D’IRAK (2003-2011) Dans la nuit du 19 au 20 mars 2003, une série de bombardements fut lancée sur Bagdad : c’est le début de l’opération Iraqi Freedom qui aboutit rapidement à la disparition du régime de Saddam Hussein. Le 22 mai, le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) adopte la résolution 1483 : l’Irak devient officiellement un protectorat américain. Il faudra attendre le mois de juin 2006 pour voir la coalition dirigée par les États‑Unis remettre les clés du pouvoir à un gouvernement irakien officiel, puis le 18 décembre 2011 pour voir le dernier contingent américain armé quitter le pays.

UN CONFLIT ANNONCÉ L’intervention américano-­britannique en Irak fut l’aboutissement d’un long processus d’appauvrissement du pays, commencé au lendemain de la guerre du Golfe de 1991. L’embargo reconductible, décrété par la résolution 661 du CSNU (1990), a en effet favorisé l’étiolement des assises matérielle et humaine du pays. Il n’a pas pour autant affaibli la mainmise de S. Hussein sur l’Irak. Une série d’autres résolutions a imposé par la suite, comme condition à un assouplissement des mesures imposées à l’Irak, la destruction par le régime de toutes ses armes nucléaires, chimiques, bactériologiques et à longue portée. Les États‑Unis y ajoutaient la nécessité pour ce pays de reconnaître la souveraineté et l’intégrité territoriale du Koweït ainsi que la libération des prisonniers et disparus koweïtiens, le respect des droits de l’homme et l’appui aux missions humanitaires de l’ONU. En 1991, la résolution 688 de l’ONU matérialisa la scission ethnique de l’Irak par l’instauration de deux zones d’exclusion aérienne (côté kurde et côté chiite). Enfin, le régime irakien fut contraint de financer par ses propres moyens le dédommagement des dégâts causés lors de la guerre du Golfe de 1991 ainsi que les missions de l’ONU opérant sur son territoire.

L’Irak : peuples et religions TURQUIE Erbil

Mossoul

Kirkouk

SYRIE Tikrit

IRAN

Samarra Bagdad

Rutba Karbala Nadjaf

JORDANIE

Tigre Euph rate

ARABIE SAOUDITE

Kurdes

80

Halabjah

Bassora

Salman

Arabes

Sunnites

Sunnites

Yazidis

Chiites

KOWEÏT 200 km

De nouvelles tensions émergent dans les relations américano-­ irakiennes en 1998. L’administration Clinton, soutenue par les forces britanniques, lança ainsi, du 16 au 18 décembre, l’opération Desert Fox – série de bombardements dont le but officiel est de forcer Bagdad à coopérer avec les inspecteurs de la Commission spéciale des Nations unies pour le désarmement de l’Irak (UNSCOM). C’est à cette période que semble avoir été prise la décision américaine effective d’en finir avec le régime irakien : le 31 octobre 1998, le président Clinton procéda en effet à la signature de l’Irak Liberation Act avec les membres de l’opposition irakienne. Voté par le Congrès américain, ce texte posait les bases d’un régime démocratique en Irak et permit d’affirmer l’opposition contre S. Hussein.

LA RÉACTUALISATION DU CONTENTIEUX C’est cependant l’administration du président George W. Bush qui remit à l’ordre du jour la question de la menace irakienne. Lors du discours sur l’état de l’Union du 29 janvier 2002, le président américain inscrivit l’Irak dans un « axe du mal », aux côtés de l’Iran et de la Corée du Nord. Dès lors s’ouvrit une période d’incertitudes sur le sort du régime irakien, nourrie par la détermination affichée de Washington à vouloir désarmer ce pays. Le 12 septembre 2002, lors d’un discours prononcé à l’occasion de la 57e session de l’Assemblée générale de l’ONU (AGNU), le président Bush exhortait S. Hussein à détruire sur le champ l’intégralité de ses armes de destruction massive (ADM). L’acceptation par l’Irak d’un retour inconditionnel des inspecteurs de l’ONU sur son sol n’empêcha pas Washington de multiplier ses menaces à l’encontre de Bagdad. Les menaces de Washington, doublées de l’autorisation accordée par le Congrès américain le 11 octobre 2002 d’un recours unilatéral à la force en Irak, poussèrent le CSNU à adopter la résolution 1441, exigeant la destruction de tous ses programmes d’ADM sous peine d’intervention armée. Le 7 décembre, l’Irak remit une déclaration sur ses programmes d’armement aux inspecteurs de l’ONU. Celle-­ci fut jugée insuffisamment précise. Le gouvernement américain, confronté aux critiques croissantes de la communauté internationale, mais déterminé cependant à en finir avec l’Irak, fit prononcer à l’ONU par son secrétaire d’État, Colin Powell, un sévère réquisitoire à l’encontre du régime de S. Hussein, le 5 février 2003. Le 17 mars, le président Bush décréta l’échec du CSNU et exhorta S. Hussein et ses deux fils à quitter l’Irak dans un délai de 48 heures, sous peine d’intervention militaire. Le président irakien rejeta cet ultimatum. Le 20 mars, Bagdad fut touchée par les premiers bombardements américains. La majorité des gouvernements dans le monde était hostile à la guerre et eussent préféré un désarmement assuré par la voie des

LES CRISES ET GUERRES MAJEURES

Les ressources énergétiques de l’Irak TURQUIE

vers Ceyhan

Mossoul rate

re Tig

Eup h

Erbil

Baiji

Fathah Tikrit Samarra

Kirkouk

SYRIE vers Barias

Khanaqin Ramadi Kadhimain Bagdad Falludja Kut Karbala Hilla Koufa Amarah Nadjaf

Hadithah

Rutba vers Zarqa et Haifa

JORDANIE

IRAN

ARABIE SAOUDITE

Samawa Nassinya Salman

Principaux champs pétrolifères Raffineries Oléoducs et gazoducs : en service fermés

Abadan

Bassorah Fao

KOWEÏT 200 km

vers Yanbu

inspections internationales, désormais acceptées par le régime irakien. Les opinions publiques mondiales y étaient également hostiles, ne croyant pas à la sincérité des motivations américaines. Le 15 février 2003, des dizaines de millions de personnes à travers le monde manifestèrent contre les perspectives de guerre. On carl reprochait surtout aux États‑Unis de se lancer dans une guerre illéformat 86x91 gale, sans le feu vert du CSNU, que seuls 4 pays sur 15 (États‑Unis, Royaume-­Uni, Espagne, Bulgarie) encourageaient.

p082_Ressources_Irak

LES ENJEUX DU CONFLIT L’intervention anglo-­américaine en Irak ne saurait être comparée à la guerre du Golfe de 1991, tant le rapport de forces s’est entre-­ temps creusé. Les forces terrestres « alliées », même si elles ont rencontré des poches de résistance (Oum Qasr, Bassora, Kerbala), atteignirent en deux semaines les abords de la capitale irakienne. Les conséquences de la guerre en Irak sont à évaluer à la lumière de deux paradigmes : les ambitions stratégiques américaines d’une part, et l’ordre politique international de l’autre. Les États‑Unis, première puissance mondiale, entretiennent leur leadership par la menée d’actions militaires susceptibles de garantir leur suprématie. Les préparatifs à l’invasion de l’Irak leur auront ainsi permis de poursuivre la logique d’un repositionnement militaire, initié au lendemain des attaques du 11 septembre 2001 : installation de leurs bases dans les petits Émirats du Golfe, au détriment d’une Arabie saoudite jugée encombrante du fait de l’opposition affichée de sa population à la présence américaine sur son sol. Par ailleurs, la destruction des infrastructures irakiennes impliqua une reconstruction dont les modalités, décidées par la puissance occupante, garantissaient de lucratifs contrats à l’industrie américaine. L’intérêt de Washington pour l’Irak peut aussi s’expliquer par sa concentration de pétrole : représentant 10 % des réserves de pétrole du monde, c’est le pays idéal pour relancer une exploitation pétrolière qui aurait pu faire contrepoids au premier concurrent dans la région, l’Arabie saoudite. De plus, elle aurait pu permettre de faire valoir certaines règles à une Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) jugée trop peu conciliante avec les exigences américaines. Enfin, la chute de S. Hussein, arrêté, puis exécuté en décembre 2006, permit aux États‑Unis d’investir pleinement et durablement un pays central, à partir duquel il leur aurait été aisé de faire pression sur tout pays hostile à leur égard. On ne peut pas dire que les événements auront connu le déroulement favorable officiellement escompté par Washington.

81

RUSSIE-­UKRAINE, PROCHES ET IRRÉCONCILIABLES L’Ukraine est un pays partagé entre une influence occidentale et une autre slave. Indépendante de 1918 à 1920, elle a été rattachée de force à l’Union soviétique. L’irrédentisme national y est réprimé. En 1991, les trois États slaves – Ukraine, Russie et Biélorussie – s’unissent pour déclarer la mort de l’Union soviétique et proclamer leur indépendance. LA CRIMÉE, ENTRE MOSCOU ET KIEV

LA GUERRE EN UKRAINE

La Crimée avait été rattachée à l’Ukraine par Nikita Khrouchtchev (lui-­même ukrainien) en 1954. Cette modification des frontières internes de l’URSS ne revêtait aucune importance. Peuplée à 80 % de Russes, la Crimée héberge à Sébastopol une bonne partie de la flotte russe et lui permet un accès aux mers chaudes. En 1991, lors de la déclaration d’indépendance, le président ukrainien, Leonid Kravtchouk, attire l’attention de Boris Eltsine sur le sujet. Pressé de proclamer l’indépendance, celui-­ci n’y prête pas attention. Zbigniew Brzeziński avait théorisé que sans l’Ukraine, la Russie cessait d’être un empire. Après l’éclatement de l’URSS, Moscou y craint l’extension de l’influence occidentale. L’Ukraine va demeurer politiquement et stratégiquement proche de la Russie, jusqu’à la révolution orange de 2004 et l’arrivée au pouvoir du pro-­occidental Viktor Ioutchenko. L’ancien Premier ministre prorusse Viktor Ianoukovitch est élu président en 2010. La Russie lui consent un fort rabais sur le prix du gaz livré. Un accord de 25 ans est conclu pour la base de Sébastopol, permettant à la flotte russe de continuer à en disposer.

À l’automne 2021, dénonçant la perspective d’une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, la Russie masse près de 100 000 hommes à la frontière ukrainienne. Certains agitent le spectre d’une guerre. Des négociations s’ouvrent. Mais le 21 février 2022, Poutine décide de reconnaître la république sécessionniste du Donbass, fermant la porte à la négociation. Le 24, il lance une opération militaire dans tout le territoire ukrainien. Vladimir Poutine espère parvenir rapidement à Kiev et mettre en place un gouvernement prorusse. Mais il a manifestement surestimé les capacités militaires de la Russie et sous-estimé les capacités de résistance de l’Ukraine. Les pays occidentaux, tout en réaffirmant ne pas vouloir rentrer en guerre contre la Russie – ce qui s’apparenterait à une troisième guerre mondiale – fournissent une aide matérielle militaire de plusieurs dizaines de milliards de dollars à l’Ukraine qui, ajoutée aux capacités de renseignements mises à disposition de Kiev, lui permet de résister. Les Occidentaux décident de sanctions économiques extrêmement importantes contre la Russie, prévoyant à terme de se passer du gaz et du pétrole russe. La plupart des entreprises occidentales quittent la Russie et cette dernière est coupée du système interbancaire Swift, ce qui la pénalise en matière d’échanges commerciaux internationaux. L’Union européenne va accorder le statut de candidats à l’Ukraine malgré l’extrême faiblesse de son économie et le haut degré de corruption de sa classe politique. Mais si le monde occidental reste uni à l’Ukraine, les autres nations ne le suivent pas toutes dans la mise en place des sanctions contre la Russie. Certaines reprochent aux Occidentaux leur hypocrisie – ils sanctionnent la Russie pour avoir déclenché une guerre illégalement alors qu’ils en ont mené eux-mêmes – et veulent préserver leurs relations avec Moscou comme manifester leur indépendance à l’égard des Occidentaux. La Chine n’approuve ni ne condamne l’agression russe. Elle ne souhaite cependant pas une défaite russe puisque cela constituerait une victoire pour les Occidentaux. À l’été 2022, la Russie, gênée par les sanctions qui sont cependant compensées en partie par l’augmentation du prix des matières premières énergétiques s’est emparée de l’ensemble du Donbass, soit 20 % du territoire ukrainien. L’Ukraine déclare ne pas accepter de cessez-le-feu tant qu’elle n’aura pas reconquis ces territoires perdus. Les récits des crimes de guerre de l’armée russe horrifient les opinions publiques occidentales. Les États-Unis, décrédibilisés stratégiquement après la débâcle de Kaboul, apparaissent aux yeux des Européens comme le seul protecteur possible contre la menace russe. Les pays européens décident d’augmenter leurs dépenses militaires, ce qui se traduit par l’achat d’armes aux États-Unis. Ces derniers vont également

L’ANNEXION DE LA CRIMÉE En 2013, l’Union européenne propose un accord d’association à l’Ukraine, qui aurait pour effet de couper une partie de ses liens avec la Russie. Ianoukovitch refuse, déclenchant les protestations d’une population qui dénonce également la corruption et l’autoritarisme du régime. Ce dernier est renversé en février 2014. Moscou y voit l’effet d’une intervention américaine dans une stratégie globale d’encerclement. À la suite d’un référendum, illégal en droit international, mais massivement approuvé par la population, la Crimée est rattachée à la Russie en 2014. Des combats opposent prorusses et antirusses dans le Donbass. Ils ont fait 14 000 morts et 1,4 million de déplacés. Les Occidentaux (mais pas le reste de la communauté internationale) décident de sanctions économiques contre la Russie. En 2015, les accords de Minsk, menés sous l’égide franco-­ allemande, établissent un cessez-­le-­feu. L’Ukraine est aussi victime de l’incurie et de la corruption de ses dirigeants. En 2022, le PIB par habitant n’a pas progressé par rapport à ce qu’il était en 1991, cas unique en Europe. L’OTAN dénonce le danger russe et augmente ses dépenses militaires. En 2019, Volodymyr Zelensky, partisan du dialogue avec Moscou, est élu président en Ukraine.

82

LES CRISES ET CONFLITS ACTUELS

La guerre en Ukraine – situation à mi-juillet 2022

BELGIQUE ALLEMAGNE FRANCE

(Russie)

95 4 00 68 00 0 50 800

Le conflit, situation courant juillet 2022

LITUANIE

Russie et alliés

BIÉLORUSSIE

893 000

92 200

POLOGNE

Tchernobyl

1 221 600 Rivne

4

SUISSE AUTRICHE

39 1 9 00 00 57 4

2

Lviv

Borodianka Boutcha

74 500

Izioum

0

MOLDAVIE Transnistrie

Dnipro

Kryvyï Rih

3

60

144 80 0

Ukraine du Sud

84

800 127

ESPAGNE

Zones de combats Kharkiv

UKRAINE

SLOVAQUIE 81 400

Territoires tenus par la Russie

Kiev

Khmelnitski

84 400

RÉP. TCHÈQUE

Territoires indépendantistes, reconnus comme tels par la Russie avant le déclenchement de la guerre Territoire occupé par la Russie depuis 2014

RUSSIE

16 25 20 0

PAYS-BAS

Kaliningrad

59 00 0

ROYAUMEUNI

6

Izioum Villes tenues par les Russes Sievierodonetsk Louhansk

Kramatorsk

Zaporijia

Mykolaïv Odessa Kherson

Donetsk

Base navale russe, principal point d’accès aux mers chaudes Principales villes (en millions d’habitants) 0,4

Marioupol

ROUMANIE 87 500

ITALIE

Blocus maritime russe

Crimée Sébastopol

145

*

* À la mi-mai 2022 Sources : UNHCR, USDA, Le Monde, World Population Review, Statista.

Mer Noire

000

BULGARIE

6

TURQUIE

exporter en Europe gaz et pétrole pour remplacer la Russie comme

carl fournisseur des pays européens. format 200x120 L’OTAN, qui avait été décrétée en état de mort cérébrale par le président français Emmanuel Macron en novembre 2019, trouve

p083_Ukraine une seconde jeunesse et apparaît plus forte et plus unie que jamais. Au point que deux pays traditionnellement neutres, la Suède et la Finlande, demandent à y adhérer. Ce sont les projets d’autonomie stratégique européenne qui sont au point mort.

300 km

1

2

Les civils, victimes de la guerre Les réfugiés ukrainiens, situation mi-juillet 2022 Lieux où des crimes de guerre de l’armée russe contre des civils ont été documentés Les 6 principales régions productrices de blé Principal port pour les exportations ukrainiennes Principales centrales nucléaires ukrainiennes et nombre de réacteurs en service Centrale nucléaire désaffectée

Les relations économiques, politiques, stratégiques, scientifiques et culturelles entre la Russie et les pays occidentaux sont durablement coupées. Le sentiment national ukrainien s’est renforcé sur la base de l’hostilité à la Russie. Les États-Unis ont développé leur influence en Europe et l’OTAN est revigorée. Autant de résultats contraires à ce que voulait Vladimir Poutine.

83

SYRIE, LA DESCENTE AUX ENFERS La guerre civile syrienne est le conflit le plus sanglant du xxie siècle. Elle a causé environ 500 000 morts et 13 millions d’habitants à fuir leur foyer, (dont 6 millions à l’étranger), pour une population totale de 22 mil‑ lions. Le pays est en ruine.

La Syrie, un pays meurtri 3 763 565

TURQUIE

Contrôle du territoire en novembre 2020

Armée syrienne et forces étrangères alliées iraquiennes et russes Forces démocratiques syriennes et alliés Présence de groupes rebelles et de groupes islamistes

Qamichli Manbij

Ein Issa

Mabruka

Alep

Mer Méditerranée Idleb

6,7 millions

Lattaquié Hama Tartous

Homs

Hassaké

Areesheh Al-Hol

Raqqa

de déplacés internes depuis le début du conflit

Armée turque et groupes alliés

BILAN DU CONFLIT

Deir ez-Zor

Palmyre

LIBAN 839 086

Environ 500 000 morts depuis 2011 dont plus de 160 000 victimes civiles

Interventions de l’armée turque contre les forces kurdes en octobre 2019 Présence de combattants de l’État islamique Zones désertiques

Réfugiés et déplacés Déplacés internes et leurs flux

Quneitra

ISRAËL

Deraa

IRAK

Soueïda

ÉGYPTE

140 789

JORDANIE

10 000 1 000 000 200 000 3 763 565

674 458

LE CLAN ASSAD La famille Al-­Assad est au pouvoir depuis 1970 (Hafez, puis Bachar à partir de 2000). Elle appartient à la minorité alaouite (10 % de la population). Pendant la guerre froide, la Syrie est liée à l’URSS. Après la chute des régimes tunisien et égyptien en 2011, le peuple syrien se mobilise contre le régime, réclamant équité sociale et carl ATTENTION MODIF FORMAT libertés. Le régime répond par une répression sanglante. format 180x105 B. Al-­Assad se présente comme le protecteur des minorités alaouite chrétienne et kurde, mais libère des djihadistes emprisonnés, p084_Syrie afin d’apparaître comme un rempart contre le terrorisme. Face à la répression, l’opposition prend les armes. Les Occidentaux, m ­ algré leur sympathie affichée, hésitent à  leur en fournir de peur que, comme en Afghanistan, celles-­ci ne tombent entre les mains des djihadistes.

DE LA RÉVOLUTION À LA GUERRE Les régimes arabes et la Turquie, soucieux de mettre fin à un conflit déstabilisateur pour la région et au régime de B. Al-­Assad, se montrent moins prudents et ferment les yeux sur les agissements des groupes radicaux, quand ils ne les aident pas. L’opposition modérée est prise en tenaille entre les djihadistes et le régime. La protestation pacifique pour la démocratie s’est transformée en guerre civile sanglante, de surcroît internationalisée. La Russie et 84

Réfugiés à l’étranger et leurs flux Effectifs

257 974

Damas

100 km

Sources : UNHCR, Observatoire syrien des droits de l’homme, Syria Intelligence.

l’Iran se portent au secours du régime. Pour Moscou, il s’agit d’éviter le scénario d’un changement de régime comme en Libye. S’étant abstenue lors du vote sur la résolution d’intervention en Libye, supposée protéger la population, la Russie va systématiquement mettre son veto pour protéger son allié syrien. Ce dernier n’hésite pas à utiliser des armes chimiques, Barack Obama en ayant fait une ligne rouge qu’il ne sanctionnera pas, afin d’éviter d’enliser son pays dans un nouveau bourbier. La répression de B. Al-­Assad conduit de nombreux Syriens à rejoindre les groupes djihadistes. En juin 2014, Daech proclame le rétablissement du califat sur une partie du territoire syrien et irakien qu’il contrôle. Il sera vaincu par une coalition internationale allant des États-­Unis à la Russie. En septembre 2015, la Russie lance une campagne de bombardements qui permet à B. Al-­Assad de regagner le terrain perdu et de consolider son pouvoir. La Turquie intervient de son côté pour s’assurer une zone tampon entre la frontière turco-­ syrienne et la zone contrôlée par les kurdes dans le nord du pays. Les combats sont aujourd’hui plus sporadiques. Des cellules de combattants djihadistes restent cependant actives. Bachar a gardé le pouvoir grâce à la Russie et à l’Iran, mais il est à la tête d’un pays totalement détruit. Aucune solution politique ne semble en vue. Le calvaire se poursuit pour la population syrienne.

LES CRISES ET CONFLITS ACTUELS

L’ÉTAT ISLAMIQUE, UN TERRORISME ÉTATIQUE ? En juin 2014, Abou Bakr Al-­Baghdadi, leader de l’État islamique en Irak et au Levant (Daech), annonce l’établissement d’un califat sur le territoire qu’il contrôle à cheval sur la Syrie et l’Irak.

Daech : vers une possible recomposition ? TURQUIE

Raqqa Principale ville tenue par Daech en Syrie jusqu’en octobre 2017 Baricha Mort d’Al-Baghdadi en octobre 2019

Hassaké Attaque en janvier 2022 d’une prison par des combattants de Daech. Bilan : 490 morts dont 120 des FDS kurdes Mossoul « Capitale » de Daech en Irak jusqu’en juillet 2017

SYRIE Baghouz

IRAN

LIBAN Mer Méditerranée

ISRAËL

Damas

Bagdad

IRAK

JORDANIE 200 km

ARABIE SAOUDITE

Territoire d’extension maximale de Daech en novembre 2014 Frontière issue des accords Sykes-Picot, niée par Daech Zone de repli de Daech où l’organisation pourrait aisément se recomposer du fait de l’absence de contrôle Camps de déplacés internes parmi lesquels figurent des membres de Daech, notamment des familles Prisons où sont détenus certains membres de Daech Prisons ou camps où des émeutes ou tentatives d’évasion de membres de Daech ont eu lieu Dernière ville tenue par Daech, perdu en février 2019 Sources : Institute for the study of war (ISW), Le Monde.

UN ÉTAT TERRORISTE

CHUTE ET RECOMPOSITION

L’établissement d’un État islamique présentait une mutation importante du terrorisme : pour la première fois, un groupe terroriste se dotait d’une assise territoriale. Il remettait en cause les accords Sykes-­Picot, hérités de la Première Guerre mondiale, carl partageant l’influence de la région entre Français et Anglais. Si format 180x77 les pays occidentaux et arabes qui s’opposent à lui refusaient de le considérer comme un État, il en avait les attributs. Mais, bien p086_EEIL sûr, il ne sera reconnu par aucun État. En 2015, il dirigeait un territoire qui transcendait la frontière irako-­syrienne. D’environ 300 000 km2 (plus de la moitié du territoire français), où vivaient 10 millions d’habitants, celui-­ci bénéficiait de ressources agricoles, minières et pétrolières. L’État islamique levait des impôts et « assurait », à sa manière, les services publics. 30 000  ­djihadistes étrangers l’avaient rejoint et de nombreux groupes terroristes lui prêtaient allégeance dans une dizaine d’autres pays. Daech va exercer un contrôle par la terreur et mettre en place une féroce répression sur les minorités kurde, chrétienne, chiite et yézidi ainsi que sur les sunnites protestant contre la mise en place de leur ordre totalitaire. Daech a pour origine une alliance entre d’anciens officiers de Saddam Hussein, des tribus sunnites discriminées par le pouvoir chiite de Bagdad et des éléments d’Al-­Qaïda. En Syrie, ce sont des sunnites radicalisés par la répression de Bachar Al-­Assad qui adhèrent à l’organisation. Daech est donc à la fois le produit de la guerre d’Irak de 2003 et celui de la guerre civile en Syrie débutée en 2011.

Les terroristes de l’État islamique commettent de spectaculaires exécutions d’otages et attentats dans le monde occidental, espérant provoquer une réaction militaire disproportionnée ou des représailles générales sur les musulmans. Cet objectif passe également par une communication maîtrisée. Une coalition internationale occidentale et arabe (ainsi que la Russie) de 60 États va se former contre Daech. Mais elle se montre, à ses débuts, peu active, les protagonistes ayant chacun leurs objectifs stratégiques propres : l’Arabie saoudite obnubilée par la menace iranienne, la Turquie par la question kurde, la Russie et l’Iran soutenant le régime de B. Al-­Assad et les États‑Unis soutenant Israël… Les attentats commis sur les territoires des différents États de la coalition vont renforcer la détermination de cette dernière. Daech perd sa capitale Raqqa en octobre 2017. En novembre 2019, son leader Al-­ Baghdadi est tué. Daech ne disparaît pas complètement et continue d’exercer une menace, avec des cellules dormantes au Proche-Orient et des extensions en Afghanistan, en Asie et en Afrique.

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IRAN/ÉTATS‑UNIS/ISRAËL Le Premier ministre iranien, Mohammad Mossadegh, avait nationalisé le pétrole en 1951. Il est renversé en 1953 par un coup d’État fomenté par la CIA. Le chah d’Iran, au pouvoir depuis 1941, s’en trouve alors renforcé et passe une alliance stratégique avec les États‑Unis. Il reconnaît Israël et lui fournit du pétrole, déclenchant l’hostilité des pays arabes.

LA RUPTURE AVEC L’IRAN Le chah a voulu moderniser son pays en l’occidentalisant. Mais il met en place une féroce répression. Les États‑Unis en font leur principal allié du Golfe, dont il est censé être le gendarme. L’opposition au chah est donc principalement antiaméricaine mais aussi religieuse. Le clergé conservateur et les libéraux s’opposent, les premiers pour protester contre l’occidentalisation, les seconds contre la répression politique. Le chah est renversé en 1979. L’ayatollah Khomeiny, craignant que les États‑Unis ne tentent de le rétablir (ce que ne comptait pourtant pas faire le président Carter), développa une rhétorique antiaméricaine et rompit avec Israël. Des partisans de Khomeiny vont même jusqu’à occuper l’ambassade américaine à Téhéran, allant à l’encontre de toutes les conventions internationales. C’est la rupture totale. Les États‑Unis,traumatisés et humiliés, prennent des sanctions politiques et économiques contre l’Iran. La plupart des autres pays le mettent au ban des nations. Croyant profiter de cette faiblesse, l’Irak va lui déclarer la guerre pour récupérer un territoire (le Chatt-el-Arab) cédé au chah en 1975 et s’y épuiser (1980-1988). L’effort militaire et les sanctions isolent et affaiblissent le pays, mais renforcent le régime. L’ayatollah Khomeiny profite de la guerre pour instaurer une théocratie répressive, faisant taire toute opposition du fait de la guerre. Ses dirigeants adoptent une rhétorique profondément anti-­ israélienne et antiaméricaine. Pour se distinguer des régimes arabes pro-américains et peu actifs sur le dossier palestinien, l’Iran devient le champion de la cause palestinienne, espérant séduire l’opinion arabe.

ENTRE RAPPROCHEMENTS ET SANCTIONS Le président Khatami, plus modéré, ouvre prudemment la voix d’un dialogue avec les États-Unis. Les deux équipes de football iranienne et américaine vont même symboliquement poser ensemble lors d’un match de la Coupe du monde de football en 1998. Mais l’arrivée de George W. Bush au pouvoir et son discours sur l’axe du mal de janvier 2002 dans lequel il intègre l’Iran aux côtés de l’Irak et la Corée du Nord va mettre fin à ce rapprochement. La guerre d’Irak de 2003 débarrasse l’Iran de son principal adversaire et renforce sa position dans la région. Les pays de l’Union européenne veulent conserver un dialogue critique avec Téhéran.

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Le programme nucléaire de l’Iran inquiète les Occidentaux mais ne laisse pas Russes et Chinois indifférents. Téhéran jure qu’il ne s’agit que d’un programme civil, ce qui ne convainc pas ses rivaux. Après la guerre d’Irak, on s’est demandé si l’Iran n’allait pas être la prochaine cible des États-Unis. L’enlisement américain en Irak met fin à ces hypothèses. Mais Israël dénonce le programme nucléaire iranien, déclarant à partir de 2005 que l’Iran est à quelques mois de l’arme nucléaire. L’hypothèse d’un raid israélien pour détruire les structures nucléaires iraniennes est régulièrement évoquée mais les Américains s’y opposent. Le refus de transparence des Iraniens va conduire à deux types de sanctions. Les premières prises par les Occidentaux, les secondes, moins nombreuses, par le Conseil de sécurité avec la participation de la Chine et de la Russie. Ces sanctions font souffrir l’économie iranienne mais le régime cède d’autant moins. Le président radical Ahmadinejad a été élu en 2005 et réélu en 2009 de façon frauduleuse. En 2013, le modéré Rohani arrive au pouvoir. Il reprend contact avec les Occidentaux. Après de longues négociations, un accord est signé le 14 juillet 2015. L’Iran accepte d’ouvrir ses installations aux inspections de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Cet accord permet d’éviter deux scénarios catastrophes : un Iran doté de l’arme nucléaire ou une guerre aux conséquences incalculables pour l’en empêcher. Mais cet accord ne satisfait ni Israël ni l’Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis, qui voient dans l’Iran une menace existentielle et critiquent son aide aux rebelles houthistes au Yémen, à Bachar Al-Assad en Syrie et son implication au Liban. Arrivé au pouvoir à Washington, Donald Trump brise l’accord en 2018, l’Iran restant très impopulaire aux États-Unis, ce qui lui permet de se démarquer de l’héritage diplomatique d’Obama. Cette rupture est très critiquée, y compris par les Européens. Les États-Unis proclament un embargo quasi-total sur l’Iran en vue d’étouffer le régime. L’Iran, qui subit de plein fouet les conséquences économiques d’une telle décision, reprend l’enrichissement de l’uranium. Cette situation conduit au retour des conservateurs au pouvoir à Téhéran avec l’élection de Ebrahim Raïssi en 2021. L’arrivée de Joe Biden aux pouvoirs ouvre la perspective de nouvelles négociations. Mais les avancées restent timides, d’autant que la suspension des accords a permis à l’Iran de renforcer techniquement sa capacité à se doter de l’arme nucléaire et que les Iraniens souhaitent un accord qui ne puisse être remis en cause par un futur président américain.

LES CRISES ET CONFLITS ACTUELS

L’Iran : un ennemi commun TURQUIE

TURKMÉNISTAN

Mer Caspienne

6,5 3,6

LIBAN

Beyrouth

Régime syrien de Bachar al-Assad Damas

ISRAËL Tel-Aviv

Arak (usine de production d’eau lourde)

re Tig

SYRIE

IRAK

Part de la production mondiale

Natanz (usine d’enrichissement en uranium)

Bagdad

Euph

rate

Koweït

ÉGYPTE

IRAN

Bouchehr (réacteur nucléaire)

KOWEÏT

Golfe Persique

ARABIE SAOUDITE

Mer Rouge

L’Iran, puissance pétrolière et gazière en % de la production Pétrole et des réserves à l’échelle mondiale en 2020

Part des réserves mondiales

BAHREÏN

Riyad

PAKISTAN

QATAR

ÉMIRATS ARABES UNIS OMAN

Gaz

Principaux sites Accord sur le nucléaire iranien signé à Vienne en 2015, en renégociations à la suite du retrait des États-Unis en 2018 Allié

9,1

Doha

Arsenal nucléaire iranien jusqu’à l’accord de juillet 2015

Allié de l’Iran dans la région

Manamah

17,1

AFGHANISTAN

Ispahan (centre de recherche nucléaire)

Amman

JORDANIE

Téhéran

Terrains d’affrontement

300 km

Arsenal nucléaire israélien

Golfe d’Oman

Affrontements

Dimona : site de production supposé

Aide militaire des États-Unis

Septembre 2017 : accord de 38 milliards de $ d’aide militaire destinés à Israël pour la période 2019-2028

Israël et les pays du golfe Axe Riyad-Tel-Aviv sur les enjeux sécuritaires et de renseignement États ayant normalisé leurs relations avec Israël en 2020 via les accords d’Abraham

Directs : 2018-2019 : entre l’armée iranienne depuis ses bases en Syrie, vers le plateau du Golan, et l’armée israélienne par voie aérienne vers les bases iraniennes en Syrie Indirects : entre le Hezbollah libanais (soutenu par Téhéran) et l’armée israélienne à plusieurs reprises, également dans la zone du Golan et du Sud Liban Affrontement par bombardements interposés en Irak, entre Washington et Téhéran en décembre 2019janvier 2020

Sources : Lépac ; Le dessous des cartes ; BP Statisical Review of World Energy.

carl format 180x146

p085_Iran_Ennemi_Commun

ATTENTION FORMAT

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LE DUEL IRAN/ARABIE SAOUDITE La montée des tensions entre l’Arabie saoudite et l’Iran est certainement l’une des situations les plus dange‑ reuses d’un point de vue stratégique. Elle oppose deux géants régionaux dans une des zones géopolitiques les plus explosives du monde.

L’AFFIRMATION DE L’IRAN Si la rivalité sunnite-­chiite existe, elle n’est pas entièrement structurante de la relation Riyad-­Téhéran. Il s’y greffe l’opposition entre une monarchie conservatrice et un régime républicain qui se proclame révolutionnaire, une puissance arabe et une puissance perse, un pays lié aux États‑Unis et l’autre entretenant avec ces derniers des relations hostiles depuis 1979. Depuis l’effacement de l’Irak, ces deux pays sont les plus puissants du Golfe, rivaux dans leur quête du leadership régional. Malgré les liens entre les États‑Unis et l’Arabie saoudite, nés du pacte du Quincy signé en 1945 et renouvelé en 2005 – en échange de la garantie d’un pétrole abondant et bon marché, les États‑Unis s’engagent à garantir la sécurité du régime saoudien –, Washington avait choisi Téhéran pour être son gendarme régional au début des années 1970. La révolution khomeyniste déboucha sur une forte hostilité entre Téhéran et Washington, un affaiblissement relatif de l’Iran et la perception, dans les pays arabes du Golfe, de la menace d’une exportation de la Révolution par le biais des minorités chiites. Mais la mise au ban de l’Iran rassurait les Saoudiens, l’Irak servant de bouclier des pays arabes contre les appétits de Téhéran. L’affaiblissement de l’Irak après les guerres du Golfe de 1990, l’embargo décrété contre lui et la guerre de 2003, ont offert un nouvel espace à l’Iran. À partir des années 2000, le monde s’inquiète de l’éventualité de son accès à l’arme nucléaire, qui bouleverserait l’équilibre des forces.

LES ANGOISSES SAOUDIENNES La signature d’un accord en juillet 2015 permettant des inspections du programme iranien afin d’assurer sa non-­acquisition de l’arme nucléaire ne satisfait pas l’Arabie saoudite, car il permet à l’Iran une réintégration dans la communauté internationale et une relance économique. Les dirigeants Saoudiens s’inquiètent également d’un éventuel renversement d’alliance par Barack Obama, les États‑Unis ayant moins besoin du pétrole saoudien depuis la découverte sur leur territoire d’importants gisements de gaz et de pétrole de schiste. Ils sont également préoccupés par ce qu’ils perçoivent comme un abandon d’Hosni Moubarak, pourtant fidèle allié des États‑Unis, lors de la révolution de 2011. Subiront-­ils un jour le même sort ? Les Saoudiens vont jusqu’à

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préconiser en secret des frappes américaines sur l’Iran. À la suite de l’exécution d’un dignitaire chiite saoudien par Riyad et des attaques contre l’ambassade saoudienne à Téhéran en représailles, les deux pays rompent leurs relations diplomatiques en 2016. Le nouveau et jeune prince héritier d’Arabie saoudite, Mohamed Ben Salman (MBS), veut donner une tournure plus énergique à la politique de containment de l’Iran, accusant ce dernier d’aider la rébellion houthiste au Yémen. L’Arabie saoudite lance une vaste offensive au Yémen, qui produit une énorme catastrophe humanitaire. Encouragé par un Donald Trump très hostile à l’Iran, MBS décrète un blocus du Qatar, accusé d’une trop grande proximité avec l’Iran. En 2017, il pousse même le Premier ministre libanais à la démission, lorsque ce dernier se rend à Riyad, lui reprochant de laisser l’Iran gagner du terrain au Liban grâce au Hezbollah. Mais ces initiatives se révèlent contre-­productives. L’Arabie saoudite s’enlise au Yémen. La guerre s’y poursuit et a déclenché l’une des pires crises humanitaires au monde, ayant causé la mort de plus de 370 000 personnes, principalement victimes des conséquences de la guerre (famines, maladies…) ; le Qatar se rapproche encore plus de l’Iran et le sentiment anti‑saoudien grandit au Liban. Sans effet concret, le blocus est finalement levé début 2021. Les États-­Unis de Trump interdisent à tout pays d’acheter du pétrole à l’Iran sous peine de sanctions. L’Iran est étranglé ­économiquement. À l’été 2019, le pays frappe des installations pétrolières saoudienne. En janvier 2020, un missile américain tue le général Soleimani, chef des Gardiens de la révolution iraniens. On craint un conflit généralisé. L’Iran réplique sur des bases américaines mais sans faire de morts. La tension diminue, chacun ayant sauvé la face. La peur commune de la menace iranienne produit un rapprochement stratégique inédit entre Riyad et Tel-­Aviv. Les Émirats arabes unis partagent avec l’Arabie saoudite la perception d’un Iran constituant une menace existentielle. La perspective d’un nouvel accord sur le nucléaire pourrait permettre une réintégration progressive de l’Iran dans le concert des nations, et contraindre Riyad et Téhéran à réamorcer un dialogue.

LES CRISES ET CONFLITS ACTUELS

Quel leader pour le Golfe ? Au sein de la coalition arabooccidentale de lutte contre l’EEIL

Mer Caspienne

Aux côtés de la Russie et du gouvernement syrien Chrétiens (Président) Sunnites (P.M.) Chiites (Parlement et gouvernement)

Alaouites, chrétiens

Sources : BP Report, “Statistical Review of World Energy”, July 8, 2021 ; L’Année stratégique 2022.

Chrétiens

Mer Méditerranée

Sunnites

8,4

SYRIE

LIBAN

Juifs, chrétiens

17,1

Chrétiens

Chiites

9,1

1,9

PALESTINE JORDANIE

Chrétiens, hindous

5,9

IRAK

Chrétiens

KOWEÏT

Sunnites

Chrétiens, hindous

17,2 0,3

Sunnites

1,1

IRAN

13,1

Sunnites

0,9

Chrétiens

0,2

Chiites

Sunnites

Chrétiens

ÉGYPTE

Sunnites

ARABIE SAOUDITE

BAHREÏN

Sunnites

1,5

5,6

QATAR

Chrétiens

3,2

É.A.U.

Sunnites 3,2

0,2 0,1

Répartition confessionnelle Pétrole et gaz Autres Ibadites

Au pouvoir

Sunnites

YÉMEN

en % des réserves mondiales en 2020 Pétrole

Sunnites

Gaz

Saoudienne

Golfe d’Aden

Dirige l’opération « Restaurer l’espoir » de lutte contre l’insurrection houthiste (chiite) ; soutien supposé de l’Iran aux forces houthistes

OCÉAN INDIEN

Iranienne

Espaces de tension

500 km

Pression saoudienne sur le gouvernement sunnite concernant LIBAN l’influence du Hezbollah ; soutien iranien au Hezbollah libanais Blocus du Qatar entre 2017 et 2020, décidé par Rapprochement entre Bagdad QATAR l’Arabie saoudite et ses alliés, accusant notamment IRAK et Riyad ; présence de factions Doha d’une trop grande proximité avec Téhéran armées pro-iraniennes

carl format 182x160

0,3 0,4

Soutien iranien supposé aux forces houthistes

Chiites

Zones d’influence

Ibadites, chrétiens, hindous

OMAN

Mer Rouge

en % de la population

Golfe d’Oman

Conflits régionaux Implication saoudienne Implication iranienne

Présence militaire américaine Bases ou facilités aériennes/terrestres ; présence maritime

si je mets légende en dessous je vais avoir un gros morceau en gris (Soudan,...) qui fera moche

p088_Iran_Arabie_Saoudite 89

ISRAËL-­PALESTINE, UN CONFLIT POUR L’ÉTERNITÉ ? En 2018, la perspective d’une paix entre Israéliens et Palestiniens n’a jamais semblé aussi lointaine. La solution dite des deux États préconisée par la communauté internationale, notamment les cinq membres permanents du CSNU, et acceptée en principe tant par Israël que par les Palestiniens, semble même devenir impossible à mettre en œuvre, à court ou moyen terme. UNE PAIX IMPOSSIBLE La paix signifierait la création d’un État palestinien, regroupant la Cisjordanie et la bande de Gaza et ayant Jérusalem-­Est pour capitale, et Israël reconnue par l’ensemble des pays arabes. Les modifications frontalières éventuelles devraient être mutuellement acceptées et compensées. Mais deux obstacles semblent impossibles à surmonter : le fait qu’Israël déclare Jérusalem-­Est comme sa capitale indivisible et éternelle et le grignotage des territoires palestiniens par l’établissement de colonies. Le nombre d’Israéliens vivant sur l’ensemble Jérusalem-­ Est et Cisjordanie est passé de 280 000 en 1993 (dont 115 000 en Cisjordanie), lors de la signature des accords d’Oslo, à environ 630 000 en 2017 (430 000 en Cisjordanie et 200 000 à Jérusalem-­Est). Le 14 mai 2018, Donald Trump transféra officiellement l’ambassade américaine de Tel-­Aviv à Jérusalem, ce qu’aucun président américain n’avait auparavant fait, confortant la position israélienne sur ce point central non seulement vis-­à‑vis des Palestiniens, mais également de tous les musulmans. Le même jour, l’armée ouvrait le feu à Gaza, tuant une soixantaine de civils qui s’étaient approchés de la frontière. Israël continue d’affirmer que la paix ne pourra être établie qu’après des négociations directes entre Israéliens et Palestiniens, sans intervention internationale. Mais la disproportion du rapport de force et l’absence de volonté d’Israël de céder sur les points centraux rendent illusoire une telle perspective. De leur côté, les Palestiniens sont divisés entre l’Autorité palestinienne, dont la légitimité est de plus en plus réduite (les dernières élections remontent à 2005), et le Hamas, qui fait figure de repoussoir.

UNE COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE INACTIVE La société israélienne a connu depuis 2001 un glissement à droite et à l’extrême droite. Le poids des colons dans le gouvernement s’est renforcé. Israël a remporté de nombreux succès diplomatiques. L’arrivée de D. Trump au pouvoir à la Maison-­Blanche lui a donné une impunité absolue. Mais déjà, auparavant, Barack Obama, qui voulait mettre fin à la colonisation, a échoué du fait du soutien inconditionnel accordé par le Congrès américain 90

Chronologie 14 mai 1948 : « déclaration d’indépendance » d’Israël. 1967 : à l’issue de la guerre des Six-­Jours, Israël occupe toute la Palestine. 1987-1993 : première intifada, « guerre des pierres ». Bilan : plus de 1 100 morts côté palestinien, 160 morts dans le camp israélien. 1993-1995 : accords d’Oslo, création des territoires palestiniens. 2000 : échec de la négociation de Camp David. 2000-2005 : deuxième intifada. Bilan : plus de 3 000 morts palestiniens, plus de 1 000 morts israéliens. Janvier 2006 : victoire du Hamas aux élections législatives palestiniennes. Depuis 2007 : blocus israélo-­égyptien de Gaza. 2006-2008/2009 : violences inter-­palestiniennes entre Hamas et Fatah. Bilan : plus de 300 morts. 2009 : offensive israélienne contre Gaza « Plomb durci ». Bilan : plus de 1 300 morts palestiniens, 13 morts israéliens. 2012 : nouvelle offensive israélienne contre Gaza « Pilier de défense ». Bilan : 177 morts dans la bande de Gaza. Été 2014 : opération « Bordure protectrice » contre Gaza. Bilan : plus de 2 200 morts palestiniens (dont plus de 300 enfants), 73 Israéliens. 2016-2017 : « intifada des couteaux » (à Jérusalem particulièrement et dans les colonies). 14 mai 2018 : – Déménagement de l’ambassade américaine de Tel-­A viv à Jérusalem – « Grande marche du retour » : offensive israélienne contre les manifestations et protestations à Gaza. Bilan : plus de 100 morts, plus de 3 000 blessés côté palestinien. Mai 2019 : les États-­Unis reconnaissent l’annexion du Golan syrien par Israël. Printemps 2021 : dans un contexte d’émeutes et de tensions religieuses et suite à des menaces d’expulsion de Palestiniens à Jérusalem-­Est et à la répression de manifestations en leur soutien par Israël, le Hamas lance des roquettes vers Jérusalem. Le « dôme de fer » protège le territoire israélien. Israël réplique durement contre la bande de Gaza. Bilan : 14 morts côté israélien, 256 côté palestinien, et des milliers de blessés.

à Israël. Trump et son gendre, Jared Kushner, élaborent un « plan de paix » qui n’est soutenu que par Israël. Divisés, les Européens ne sont pas capables de se mettre d’accord pour faire pression sur Israël. Du fait de la menace iranienne, l’Arabie saoudite s’est récemment rapprochée d’Israël. L’Égypte, dépendante de l’aide américaine et en lutte contre les Frères musulmans, est un partenaire docile pour l’État hébreu. Tel-­Aviv a réalisé une percée diplomatique en Afrique, notamment grâce à ses liens avec le Rwanda. Il entretient de bonnes relations avec la Russie de Vladimir

LES CRISES ET CONFLITS ACTUELS

Une paix impossible ? Sidon

Aïn Al-Hilweh (59 600)

479 537 soit 7 % de la population du Liban

LIBAN Tyr

Juin 2019 : colonie fondée en Nahariya l’honneur de D. Trump Safed après la reconnaissance Acre de la souveraineté israélienne sur le Lac de Haïfa Golan par les Tibériade États-Unis Tibériade

Mer Méditerranée

Décembre 2021 : lancement d'un plan israélien d'implantation Amman de 7 300 nouveaux logements au Golan et de 2 nouvelles colonies pouvant accueillir 6 000 logements, doublant le nombre de colons israéliens au Golan.

SYRIE

Golan

Ramat Trump

568 730 soit 2,9 % de la population de la Syrie

Nazareth

Naplouse

Baqaa (119 000)

Tel-Aviv

CISJORDANIE

1 476 706

Ramallah

soit 72,1 % de la population de Gaza

ISRAËL

Jabaliya (114 000)

Amman (57 000)

JORDANIE

Mer Morte

Yatta

Khan Younès (88 000)

Marka (53 000)

Bethléem

Hébron

(blocus en place depuis 2007)

Rafah (125 000)

Jéricho

Jérusalem

Beit Shemesh

Beach (85 000)

Bande de Gaza

Ligne verte de 1949

Tubas

Tulkarem

Qalqiliya

Gaza

Zone A Zone B Zone C

Jénine Netanya

Jérusalem : capitale revendiquée par Israël et la Palestine (Jérusalem-Est) mais non reconnue internationalement Tel-Aviv : siège (de la plupart) des représentations internationales auprès de l’État d’Israël Ramallah : capitale administrative de l’Entité palestinienne

Délimitations des territoires palestiniens selon les accords d’Oslo

871 537 soit 29,5 % de la population de la Cisjordanie

« Guerre » des capitales

Arad

Kerem Shalom (point de passage) 20 km

Poutine – 1 million de citoyens israéliens sont originaires de l’ex-­ URSS. Enfin, il a mis en place une coopération stratégique avec l’Inde et commerciale avec la Chine. Le nouveau président brésilien Jair Bolsonaro fournit un nouveau soutien à Israël. En 2020, les accords carl format 180x160 d’Abraham entérinent la normalisation des relations diplomatiques entre les Émirats arabes unis et Israël d’un côté, et Bahreïn et Israël de l’autre, sous patronage américain. En décembre 2020, le Maroc p091_Israel_Palestine rétablit à son tour ses relations diplomatiques avec Israël, obtenant en contrepartie la reconnaissance de sa souveraineté sur le Sahara occidental par les États-­Unis. Le Soudan en fait de même, obtenant une réintégration sur la scène internationale. Israël accumule les succès diplomatiques tandis que l’Autorité palestinienne, corrompue et inefficace, devient contre-­productive pour obtenir une solution à deux États. Au printemps 2021, dans un contexte d’émeutes et de tensions religieuses suite à des menaces d’expulsion de Palestiniens à Jérusalem-Est et à la répression de manifestations en leur soutien par Israël, le Hamas lance des roquettes vers Jérusalem. Le « dôme de fer » protège le territoire israélien. Israël réplique durement contre la

2 307 011 soit 22,6 % de la population de la Jordanie

Murs de démarcation : situation en novembre 2017 Existant En construction Colonies israéliennes en Cisjordanie

L’annexion du Golan

Zone occupée par Israël et revendiquée par la Syrie Zone démilitarisée sous contrôle de l’ONU depuis 1974 Colonies israéliennes sur le plateau du Golan

Plus de 5 millions de réfugiés palestiniens Répartition des réfugiés par pays et régions Principaux camps de réfugiés Sources : Le Monde, UNRWA.

bande de Gaza. Bilan : 14 morts côté israélien, 256 côté palestinien, et des milliers de blessés. Toujours au printemps 2021 ont lieu des élections législatives en Israël qui donnent une courte victoire au Likoud. Benyamin Netanyahou, empêtré dans des affaires de corruption, ne parvient pas à former un gouvernement. Une grande coalition anti-­Netanyahou allant de la droite sioniste à la gauche travailliste, en passant par le parti arabe, se met en place autour de Naftali Bennett (ancien du Likoud) et du centriste Yaïr Lapid, censés se succéder au poste de Premier ministre, et met fin à 12 années successives au pouvoir de Benyamin Netanyahou. Le nouveau gouvernement poursuit la politique de colonisation en Cisjordanie. Sa faible majorité le pousse à dissoudre la Knesset et appeler à de nouvelles élections en octobre 2022. Mais la cause palestinienne, malgré l’absence effective de soutien des régimes arabes, reste sacrée pour les opinions publiques arabo-­musulmanes. Le conflit israélo-­palestinien, non résolu, sous des apparences de basse intensité et maîtrisé, demeure une bombe à retardement pouvant déboucher sur une catastrophe stratégique. 91

VERS UNE RECONSTRUCTION DE L’IRAK ? À la suite de la guerre du Golfe de 1991, l’Irak fut soumis à un strict embargo, décidé par l’ONU à la demande des États‑Unis. Le pays, riche en pétrole, qui était en 1980 au niveau de l’Espagne, disposant d’une puissante base industrielle et d’une solide agriculture, va être ramené des décennies en arrière, et va sombrer dans le chaos à partir de l’intervention américaine en 2003. L’EFFET D’AUBAINE DU 11 SEPTEMBRE 2001 Si la nation est exsangue, ce n’est pas le cas de Saddam Hussein qui maintint la répression de son régime. L’embargo lui permit même de renforcer le contrôle sur sa population. Des inspections internationales furent mises en place pour vérifier que l’Irak ne rétablissait pas son programme de fabrication d’armes de destruction massive (ADM). Le pays demeure néanmoins perçu comme une menace existentielle par les États‑Unis et Israël et comme un paria par les autres pays. Les néoconservateurs américains plaidèrent dès 1996 pour le renversement de S. Hussein, sans parvenir à convaincre la Maison-Blanche. Les attentats du 11 septembre 2001 vont fournir un argument de poids aux néoconservateurs : ils convainquirent le président George W. Bush (élu sur un programme non interventionniste) des liens – en réalité factices – entre Saddam Hussein et Al-­Qaïda, et de la poursuite par ce dernier d’un programme de développement d’ADM. Ils jouèrent à la fois sur l’effet de peur (que se passerait-­il si un nouvel attentat était commis avec des ADM ?) et sur le souhait de vengeance du peuple américain.

UNE DÉSINFORMATION MAJEURE Une vaste campagne de désinformation est lancée pour justifier la guerre. La plupart des États et l’immense majorité des opinions publiques s’y opposent, car elle est vue comme un facteur de déstabilisation ultérieure. Les néoconservateurs plaident pour l’obligation morale de renverser un tyran, d’établir la démocratie en Irak, et, par un effet domino, de démocratiser la région, préalable indispensable à l’établissement d’une paix entre pays arabes et Israël. Les opposants à la guerre estiment que la démocratie ne s’exporte pas, encore moins par la guerre, et qu’un nouveau conflit dans la région ne peut que susciter un développement du terrorisme et la déstabilisation d’une région déjà stratégiquement explosive. Ils estiment fournir ainsi des arguments à ceux qui, dans le monde arabe, sont les plus hostiles aux Occidentaux, contribuant ainsi à l’avènement du « choc des civilisations ». La France prend la tête de la campagne internationale contre la guerre, l’Europe est divisée entre un camp proguerre (Royaume-­Uni, gouvernements de droite en Espagne et Italie et pays de l’Est) et un second antiguerre (les autres, autour de la France et l’Allemagne).

92

Au Conseil de sécurité de l’ONU, le projet de résolution permettant l’emploi de la force par les États‑Unis est rejeté par onze voix contre quatre. Les États‑Unis se lancent néanmoins dans la guerre le 23 mars 2003 : ils arrivent à Bagdad le 9 avril. Mais les difficultés commencent. La population, initialement ravie d’être débarrassée de S. Hussein, perçoit rapidement l’armée américaine comme une armée d’occupation. Les attentats se multiplient, frappant à la fois les forces américaines et les populations civiles. Il est désormais établi que les États‑Unis ont menti sur l’existence d’ADM, ce qui a durablement affecté leur crédibilité. Les Américains, voulant éradiquer toute trace de Saddam Hussein, procèdent à une « débaasification » de l’Irak, en référence au parti Baas de Saddam. Cela revient à renvoyer tous les fonctionnaires et à détruire les structures étatiques de l’Irak. Les chiites, majoritaires, vont s’emparer du pouvoir et, par esprit de revanche et par sectarisme, exclure à leur tour les sunnites. Les Kurdes, qui avaient déjà une autonomie de fait, vont l’augmenter. L’État islamique va naître et se développer en s’appuyant sur une population sunnite désormais sans perspective. La guerre de 2003 a éliminé le principal adversaire de l’Iran, Saddam Hussein. Les États-­Unis ont involontairement ouvert les portes de l’Irak à l’Iran. L’Irak est alors sous une double tutelle iranienne et américaine. Malgré les richesses pétrolières du pays, l’incurie et la corruption des dirigeants ainsi que leur sectarisme, empêchent une réelle reconstruction. Le départ des troupes américaines, argument de campagne d’Obama, est décidé en 2009. En 2011, la guerre d’Irak, débutée en 2003, prend officiellement fin. Mais, le maintien de la violence et d’affrontements intercommunautaires en Irak ainsi que le développement de l’État islamique poussent les États-­Unis à maintenir une présence en Irak. À l’été 2019, la population se révolte contre la corruption des dirigeants et les interférences américaines et iraniennes. L’assassinat du leader des Gardiens de la révolution iraniens, le général Soleimani, par les Américains sur le territoire irakien en janvier 2020, renforce l’anti-­américanisme et conduit le parlement irakien à réclamer le départ des troupes américaines. Joe Biden et le président irakien s’accordent, en 2021, sur la fin de toute opération militaire américaine en territoire irakien, et sur le maintien uniquement d’une activité de conseil et de formation de l’armée irakienne.

LES CRISES ET CONFLITS ACTUELS

L’Irak, un état morcelé PAYS OCCIDENTAUX

Le Kurdistan irakien

Mer Noire

Région autonome, qui dispose de son propre gouvernement et de sa propre armée (peshmerga). 1/3 des réserves estimées de pétrole de l’ensemble de l’Irak. Septembre 2017 : Référendum sur l’indépendance du Kurdistan irakien non reconnu internationalement (93 % en faveur du OUI). Les principaux partis politiques : Parti du Kurdistan (PSK) et Union patriotique du Kurdistan (UPK).

GÉORGIE Tbilissi ARMÉNIE Erevan

Ankara

TURQUIE

Mer Caspienne

Diyarbakir Ninive Sinjar

Kobané

Nicosie

CHYPRE

SYRIE

Mossoul

Eu p

hr at e

Dahuk Qaraqosh Erbil Kirkouk

Téhéran Souleymanieh

IRAN

LIBAN

Beyrouth

Répartition confessionnelle en Irak 1

Sunnites (de 30,7 à 35,5 % de la population totale) Chiites (de 57,6 à 62,4 % de la population totale) Chrétiens (moins de 400 0002 au total) Yézidis (environ 400 0002 au total)

Tel-Aviv

Fin 2020, 1,2 million d’Irakiens sont toujours considérés comme déplacés Environ 330 000 Irakiens réfugiés dans des pays de la région ou en Europe fin 2020

Ressources naturelles

Fallouja

ISRAËL

Déplacement de populations et de réfugiés

Amman

Les Kurdes d’Irak pratiquent en grande majorité l’islam sunnite.

carl format 182x157

2

IRAK

Tig re

JORDANIE

Bassorah

ARABIE SAOUDITE

KOWEÏT Koweït

300 km

Principaux champs pétrolifères irakiens. L’Irak possède 8,4 % des réserves mondiales de pétrole. Les exportations de pétrole représentent 90 % des recettes extérieures du pays

1

Bagdad

Damas

Sources : Le Monde, IDMC, UNHCR.

Mer Méditerranée

Golfe AraboPersique

Kurdistan Kurdistan irakien

Zone de peuplement kurde

Zones disputées

Massacre d’Halabja (16 mars 1988) : ville bombardée à l’arme chimique par S. Hussein, dans le contexte de la guerre Iran/Irak Erbil Considérée comme la capitale de la région autonome du Kurdistan Kirkouk Région disputée, riche en pétrole, reprise par l’armée irakienne en octobre 2017

Les chrétiens et les yézidis du nord de l’Irak ont été particulièrement victimes des persécutions de l’État islamique, les poussant à fuir vers d’autres régions, notamment le Kurdistan irakien. Une grande partie d’entre eux vivent toujours dans des camps dans ces régions.

ATTENTION FORMAT

p093_Irak

93

LA GUERRE D’AFGHANISTAN (ÉTATS-­UNIS) Les talibans, qui ont pris le pouvoir à Kaboul en 1996, accordent l’asile à Ben Laden qui s’est battu contre les Soviétiques dans les années 1980. En 1998, des attentats contre des ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie attribués à Al-­Qaïda suscitent des représailles par le lancement de missiles de croisière sur leur camp d’entraînement situé à l’est de l’Afghanistan. LA LÉGITIME DÉFENSE DES ÉTATS‑UNIS Après les attentats du 11 septembre 2001, les États‑Unis demandent aux talibans de leur livrer Ben Laden. Ces derniers refusent. Le 12 septembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies adopte à l’unanimité la résolution 1368 qui évoque le droit à la légitime défense des États‑Unis. Ils lancent l’opération Enduring Freedom, qui démarre le 7 octobre 2001. Cette opération est jugée comme relevant de la légitime défense et est soutenue par la communauté internationale. Les forces américaines s’appuient sur l’Alliance du Nord, dirigée par le commandant Massoud jusqu’à son assassinat (48 heures avant les attentats du 11 septembre). Les talibans sont définitivement vaincus après la chute de Kandahar, le 6 décembre 2001, mais le mollah Omar et Ben Laden ne sont cependant pas capturés.

LA CONSTITUTION D’UN ÉTAT DE DROIT Le 20 décembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies adopte la résolution 1386 qui autorise la constitution d’une Force internationale d’assistance et de sécurité (FIAS) à Kaboul. En 2003, l’OTAN prend la direction de la FIAS et élargit son action à l’ensemble du pays. Les objectifs sont doubles : mission de lutte contre le terrorisme et constitution d’un État de droit en Afghanistan. Mais très rapidement, l’attention des Américains se dirige vers l’Irak. L’Afghanistan n’apparaît plus comme prioritaire, ce que Barack Obama reprochera par la suite à George W. Bush, en opposant la guerre de nécessité (Afghanistan) à la guerre de choix (Irak), qui n’aurait pas dû être menée. Le dispositif militaire occidental va néanmoins croître régulièrement pour atteindre jusqu’à 150 000 hommes, dont les deux tiers sont américains.

LA PRÉSENCE OCCIDENTALE REMISE EN QUESTION Initialement défaits, les talibans vont reconstituer leurs forces au fur et à mesure par des attentats-­suicides, la pose de mines sur les routes, puis des attaques de plus grande ampleur. Dès 2005, ils ont repris possession d’une grande partie du pays. Le président Karzaï et l’armée afghane, ayant du mal à étendre leur contrôle territorial au-­delà de Kaboul, passent des alliances avec les anciens seigneurs de guerre afghans qui avaient plongé le pays dans la guerre civile durant les années 1990 et sont rejetés par la population. H. Karzaï apparaît de plus en plus comme l’otage des Américains. Les troupes étrangères, initialement bien

94

perçues, sont considérées comme des troupes d’occupation. Les comportements des soldats américains sont jugés intrusifs et méprisants. Les bavures vis-­à‑vis de la population leur aliènent le soutien populaire et jouent en faveur des talibans. Le 2 mai 2011, lors d’une opération menée au Pakistan où il était réfugié, Ben Laden est assassiné. Cela ne met cependant pas fin à la guerre en Afghanistan. Bien que ce soit le premier pays bénéficiant de l’aide occidentale, il reste un État failli. La coupure entre les troupes occidentales et la population afghane semble irréversible. Les troupes occidentales vivent repliées dans des casernes, séparées de la population, par crainte des attentats parfois commis par les soldats et militaires afghans qu’elles sont censées former, et les talibans contrôlent une large partie du territoire. Le 28 décembre 2014, la FIAS prend fin après treize années d’intervention. La mission Resolute Support vient lui succéder. Forte de 13 000 hommes de l’OTAN, celle-­ci a pour objet l’assistance et la formation à la lutte antiterroriste. Donald Trump a annoncé sa volonté de retirer totalement ses troupes d’Afghanistan afin de pouvoir annoncer à ses électeurs qu’il a mis fin à la plus longue guerre extérieure jamais livrée par les États-­ Unis. Washington négocie directement avec les talibans par-­dessus l’épaule du président Ghani, élu en 2014 et réélu en 2019 avec une forte abstention et peu de soutien dans le pays. Fin février 2020, un accord est conclu à Doha entre les États-­ Unis et les talibans, permettant d’entrevoir le départ des troupes américaines. Biden, arrivé au pouvoir en janvier 2021, reprend à son compte cet accord et annonce le retrait des troupes américaines à la fin de l’été 2021. Mais l’avancée fulgurante des talibans en juin/juillet oblige les troupes américaines à accélérer leur départ, dans le chaos et sans coordination avec les alliés. Le 15 août, en quelques heures, les talibans prennent le contrôle de Kaboul. Les troupes américaines quittent en urgence le territoire afghan, abandonnant leur matériel sur place et laissant le champ libre aux talibans. Le 30 août, le dernier soldat américain quitte le territoire afghan. La débâcle est totale : 20 ans de guerre, 2 000 milliards de dollars dépensés, plus de 3 613 soldats américains tués et 47 000 civils et 70 000 forces afghanes victimes de la guerre, n’auront rien changé. Les talibans rétablissent l’Émirat islamique d’Afghanistan et appliquent la charia sur le territoire. Les discussions entre talibans et Occidentaux se poursuivent à Doha. Ils maintiennent également un dialogue avec la Russie, la Chine, le Pakistan et l’Iran. Après avoir vaincu les envahisseurs britanniques au xixe siècle, soviétiques au xxe, les Afghans ont eu raison des Américains au xxie.

LES CRISES ET CONFLITS ACTUELS

La reconquête de l’Afghanistan par les talibans (mai-août 2021) Situation au 3 mai 2021 Kunduz

Situation au 30 juin 2021

Kunduz

Kunduz Kunduz

Hérat

Kaboul

Hérat

Kaboul

Hérat

Kaboul

Hérat

Kaboul

Kandahar

Kandahar

LashkarKandahar Ga

LashkarKandahar Ga

Lashkar Ga

Situation au 3 août 2021 Situation au 3 août 2021

200 km

200 km

Lashkar Ga

200 km

Situation au 16 août 2021

Kunduz

Situation au 16 août 2021

Kunduz

200 km

Kunduz Kunduz

Hérat

Kaboul

Hérat

Kaboul

Hérat

Kaboul

Hérat

Kaboul

Kandahar

Kandahar

LashkarKandahar Ga

LashkarKandahar Ga

Lashkar Ga District contrôlé par les talibans District contrôlé par les talibans 29 février 2020

Signature de l’accord de Doha (Qatar) entre les États-Unis et les talibans : les États-Unis s’engagent 29 février 2020à se retirer d’Afghanistan et les talibans s’engagent Signature de l’accord de Doha (Qatar) à neentre pas soutenir ou mener les États-Unis et lesd’actions talibans :qui pourraient menacer la sécuritéàdes États-Unis les États-Unis s’engagent se retirer d’Afghanistan et les talibans s’engagent à ne pas soutenir ou mener d’actions qui pourraient menacer la sécurité des États-Unis

200 km 200 km

200 km

Lashkar Ga District disputé

District contrôlé par le gouvernement afghan

District disputé

District contrôlé par le gouvernement afghan

200 km

District contrôlé par la résistance de la Vallée du Panshir District contrôlé par la résistance de la Vallée du Panshir 19 août 2021

Les talibans annoncent, 20 ans après sa disparition, la reformation de l’Émirat islamique d’Afghanistan

1er mai 2021

19 août 2021

Début de l’offensive des talibans pour une reprise du pouvoir

Les talibans annoncent, 2012 ansaoût après2021 sa disparition, Les talibans s’emparent de Kandahar et de Herat. Washington la reformation l’Émirat islamiqueenvoie d’Afghanistan des renforts pour sécuriser l’évacuation du personnel américain

Début de l’offensive des talibans pour une reprise du pouvoir

Les talibans s’emparent de Kandahar et Herat. Washington envoie des renforts pour sécuriser l’évacuation du personnel américain

1er mai 2021

14 avril 2021

Joe Biden annonce le lancement de la dernière phase de retrait des troupes américaines. Il fixe l’objectif d’un retrait total avant le 11 septembre 2021

14 avril 2021

Joe Biden annonce le lancement de la dernière phase de retrait des troupes américaines. Il fixe l’objectif d’un retrait total avant le 11 septembre 2021

12 août 2021

Fin juillet 2021

Les talibans assiègent Kaboul et les principales capitales des provinces afghanes

Fin juillet 2021 15 août 2021

Les talibans entrent dans Kaboul etLess’emparent du pouvoir. Le président afghan Ashraf Ghani fuit talibans assiègent Kaboul et les principales aux Émirats arabes unis. Les États membres de la coalition accélèrent le départ de leurs dernières troupes capitales des provinces afghanes

15 août 2021 30 août 2021

Les talibans entrent dans Kaboul et s’emparent du pouvoir. Le président Ashraf Ghani fuitans de guerre Le dernier GI américain quitteafghan l’Afghanistan après 20 aux Émirats arabes unis. Les États membres de la coalition accélèrent le départ de leurs dernières troupes

30 août 2021

Le dernier GI américain quitte l’Afghanistan après 20 ans de guerre

carl format 200x210 carl format 200x210 p095_Afghanistan

95

Sources : Monde, Sources : Le Monde,Le FDD’s LongFDD’s War.Long War.

Situation au 3 mai 2021

Situation au 30 juin 2021

MALI/SAHEL, ZONE D’INSTABILITÉ La déstabilisation du Nord du Mali a été à l’origine d’un développement du terrorisme dans le pays et dans la région du Sahel. En 2013, la France intervient au Mali pour empêcher la descente d’une colonne djihadiste sur Bamako. Elle lance ensuite l’opération Barkhane pour lutter contre le terrorisme dans l’ensemble du Sahel, opération aujourd’hui remise en cause.

LA DÉSTABILISATION DU NORD MALI Le Mali acquiert son indépendance de la France en 1960. Au nord, les Touaregs, qui estiment être les laissés-­pour-­compte du régime depuis l’indépendance, se rebellent à deux reprises. Amadou Toumani Touré (ATT) prend le pouvoir par la force en 1991 pour mettre en place le multipartisme, et le quitte après avoir organisé les élections de 1992. Il se présente et est élu démocratiquement en 2002, puis réélu en 2007. Le Mali donne une image de bonne gouvernance démocratique, à l’époque rare en Afrique. Mais la corruption et le déséquilibre entre le nord et le sud ainsi que les difficultés économiques et agricoles finissent par affaiblir le pays. Le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) est créé en octobre 2011 par des rebelles touaregs qui revendiquent l’autodétermination du Nord-­Mali. Il crée une alliance de circonstance avec le mouvement islamiste Ansar Dine, soutenu par Al-­Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). La rébellion se renforce après le retour au Mali de mercenaires ayant combattu aux côtés du colonel Kadhafi en Libye avant le renversement de ce dernier. Avec ces mercenaires, les armes affluent. Le 22 mars 2012, un coup d’État destitue le président ATT, auquel on reproche son inefficacité devant la rébellion touareg. Les principales villes du Nord-­Mali – Tombouctou, Gao – tombent aux mains de groupes islamistes. Le 6 avril, le MNLA proclame l’indépendance de l’Azawad (le pays touareg). Le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) se joint à lui. Ils imposent un régime ultra-­répressif basé sur la charia. Le 12 octobre, le Conseil de sécurité de l’ONU, saisi par Bamako, met en place une force internationale (MINUSMA) chargée de rétablir la souveraineté du Mali sur le nord de son territoire. En janvier 2013, des groupes islamistes lancent une offensive vers le sud et menacent de prendre Bamako, la capitale. La France intervient militairement à la demande des autorités nationales et régionales, et avec l’accord du Conseil de sécurité (opération Serval). L’avancée des islamistes est stoppée et le nord du pays reconquis. En juin 2015, un accord pour la paix, dit Accord d’Alger, est signé entre le gouvernement malien et les groupes séparatistes, mais des affrontements sporadiques continuent d’avoir lieu.

L’EXTENSION AU SAHEL L’instabilité liée à la présence des groupes djihadistes se maintient et s’étend à l’ensemble de la région. Ces groupes prospèrent sur la misère, l’absence de perspective et l’incapacité des États à contrôler l’ensemble de territoires immenses et désertiques. L’élément religieux n’est pas, contrairement aux apparences, le critère déterminant ou prioritaire pour s’engager dans un groupe djihadiste. C’est avant tout la recherche d’un statut personnel, d’une reconnaissance et de perspectives. Ces structures ont à la fois des 96

motivations politiques et criminelles. Ils prospèrent face à un État incapable de fournir les éléments de base : santé, éducation, justice, sécurité ; que les groupes djihadistes fournissent à leur manière. En février 2014, Mali, Niger, Burkina Faso, Mauritanie et Tchad créent une structure de coordination pour les questions de sécurité et de développement : le G5 Sahel. Celle-­ci prévoit une force africaine de 5 000 hommes, mais manque de financement et d’entraînement. En juillet 2014, l’opération Barkhane est mise en place par la France pour lutter contre la menace terroriste au Sahel. Mais malgré la présence française, cette menace évolue, augmente et se déplace : au tournant 2015/2016, les attaques se multiplient autour de la zone des trois frontières (Mali, Burkina Faso, Niger), déstabilisant de nouvelles régions. Face à l’insécurité grandissante, la présence française, initialement souhaitée par les autorités maliennes, est de plus en plus contestée par la population. Emmanuel Macron annonce en juin 2021 la fin de l’opération Barkhane dans sa forme actuelle, décision qui se concrétise début 2022. L’instabilité se traduit également sur la scène politique : au Mali, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), élu président en 2013 puis réélu en 2018, est critiqué pour sa corruption et son inefficacité face à l’insécurité. Un coup d’État militaire le destitue en 2020. Un nouveau coup d’État a lieu en 2021. La junte au pouvoir affirme vouloir le conserver pour 5 ans, ce qui tend ses relations avec ses partenaires africains et européens. Elle demande le départ des troupes françaises et subit les sanctions des pays de l’Ouest africain. Le Mali subit des sanctions de la France, de l’Union européenne et de la CEDEAO (Communauté des États d’Afrique de l’Ouest). Mais la junte tient bon, appuyée par une partie de la population lassée de la démocratie, associée à la corruption. La junte joue aussi sur une dénonciation du colonialisme français. La Russie, via les mercenaires de la force Wagner, devient un nouvel acteur dans la région, au détriment de la France et de ses partenaires européens. Son rôle se limite à la sécurisation du régime sans se soucier de la sécurité nationale et encore moins de développement. Mais les exactions qu’elle commet commencent à susciter des protestations. En janvier 2022, au Burkina Faso, un coup d’État militaire destitue le président Roch Marc Christian Kaboré, pourtant élu en 2017 sur la promesse de lutte contre l’insécurité, mais incapable de stabiliser la situation dans le nord du pays. Le 20 avril 2021, le président tchadien Idriss Déby est tué lors de combats contre une rébellion. Malgré le caractère dictatorial du régime, la France entretenait de bonnes relations avec lui, l’armée tchadienne étant jugée la plus efficace pour lutter contre le terrorisme. Le président Macron se rend à ses obsèques, ce qui semble contredire le discours dur à l’encontre de la junte malienne au nom de la défense des principes démocratiques. Certains débats nationaux en France jugés hostiles aux immigrés et/ou à l’islam sont également un facteur de distanciation entre Paris et une partie des opinions en Afrique francophone. La France a perdu une partie de son influence et de sa popularité dans la région, mais demeure un acteur incontournable.

LES CRISES ET CONFLITS ACTUELS

L’État islamique, une menace mondiale SAHARA OCCIDENTAL

ALGÉRIE

MALI 57 081 350 110

85 889 NC

S A H E L Dakar Banjuls

Tombouctou

Koro

SÉNÉGAL

GAMBIE

Kidal

Gao

NIGER Tahoua

Djibo

Bissau

Ouagadougou GUINÉE

Conakry

LIBÉRIA

GHANA Accra

Maiduguri

N’Djamena

Abuja

BÉNIN

RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

CAMEROUN

TOGO Porto Novo

Pays membres du G5 Sahel

Lomé

Attaques menées entre oct. 2018 et oct. 2021 par le GSIM1 ou affiliés 104 Attaques menées entre oct. 2018 et oct. 2021 40 par des groupes affiliés à l’État islamique 5 Population réfugiée Population déplacée dans le pays en interne

Nombre d’attaques

OCÉAN INDIEN

Golfe de Guinée

500 km 1

575 214 406 573

NIGERIA

25 239 1 850 293

CÔTE D’IVOIRE Yamoussoukro

Monrovia

Kano

BURKINA FASO

SIERRA LEONE

Freetown

TCHAD Diffa

Niamey

Bamako

GUINÉE-BISSAU

281 853 264 257

Menaka

Sources : Le Monde, UNHCR, ACLED, SWAC OECD.

MAURITANIE Nouakchott

LIBYE

Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans : conglomérat de groupes armés islamistes créé en 2017 et affilié à Al-Qaïda.

La remise en question de la présence française Juillet 2014

L’opération Barkhane remplace l’opération Serval. L’armée française étend sa présence au Sahel

Mai 2021

Décembre 2021

Second coup d’État au Mali. Le nouveau président Assimi Goïta exige la fin de l’opération Barkhane au Mali

En accord avec la junte au pouvoir, arrivée de troupes du groupe paramilitaire russe Wagner au Mali

Février 2022

Août 2020

Les forces des opérations Barkhane et Takuba annoncent leur retrait du territoire malien

Premier coup d’État militaire au Mali

Entre avril et novembre 2019

17 militaires français perdent la vie au Mali : les débats sur l’efficacité de l’opération Barkhane émergent en France

Juin 2021 Mars 2021

La France est accusée par les Nations unies et le Mali d’une bavure commise en janvier 2021 ayant causé la mort de 22 personnes, dont 19 civils

Emmanuel Macron annonce la fin de l’opération Barkhane dans sa forme actuelle

Janvier 2022

Les autorités maliennes annoncent l’expulsion de l’ambassadeur de France après avoir expulsé le contingent danois qui participait à la Task Force Takuba.

Mai 2022

Le Mali rompt les accords de défense avec la France

Avril 2022

La junte malienne accuse l’armée française d’espionnage, de subversion, et de violation de son espace aérien

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p087_Sahel 97

TENSIONS EN MER DE CHINE La Chine qualifie sa montée en puissance de pacifique. Le pays ne souhaite pas imposer son régime et rap‑ pelle n’avoir jamais eu de politique impérialiste ou coloniale, mais l’affirmation de sa volonté de puissance inquiète ses voisins.

REVENDICATIONS CHINOISES Ce qui est vrai pour les frontières terrestres ne l’est pas autant pour ce qui est des revendications maritimes. Et les disproportions de taille – démographique, stratégique et économique – entre la Chine et ses voisins constituent un facteur d’inquiétude. La Chine revendique un domaine maritime contesté par plusieurs pays de la région, ce qui a pour principal effet d’aggraver les rivalités déjà existantes (avec le Japon et le Vietnam) et d’en créer de nouvelles avec des voisins entretenant par ailleurs de bonnes relations avec Pékin (Beijing). La Chine est confrontée au dilemme suivant : maintenir ses revendications en mer de Chine qui lui apparaissent vitales, au risque de coaliser contre elle plusieurs pays et de leur procurer un motif pour réclamer une protection américaine. Or, le renforcement du dispositif militaire américain en mer de Chine est justement ce que Pékin souhaite éviter. La mer de Chine méridionale est d’un intérêt stratégique considéré comme vital par les responsables chinois. 80 % des importations de la Chine y transitent. La mer est également riche en ressources halieutiques et en matières premières énergétiques, dont le pays a un besoin immédiat et, plus encore, futur. C’est également un lieu de passage pour la puissance nucléaire sous-­marine chinoise et la garantie de sa force de dissuasion.

INQUIÉTUDES ASIATIQUES La cour permanente d’arbitrage de la paix saisie par les Philippines a invalidé en juillet 2016 les revendications maritimes de la République populaire chinoise. Les autorités chinoises ont rejeté cet arbitrage, ce qui a renforcé l’inquiétude des pays de l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-­Est). Ils voient la menace d’une Chine qui voudrait, en ce domaine, établir la loi du plus fort. Les Chinois construisent des îlots artificiels à proximité des îles Spratleys, revendiquées également par la Malaisie, les Philippines, le Vietnam, Taïwan et Brunei. D’autres différends opposent la Chine au

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Vietnam (Paracels) et aux Philippines (récif de Scarborough). Enfin, un autre point sensible, parce qu’il oppose Tokyo à Pékin, concerne les îles Senkaku (pour le Japon) ou Diaoyu (pour la Chine), inhabitées, mais permettant de contrôler une large zone économique exclusive. Les îlots ont été cédés par les États‑Unis au Japon en 1971. En 2012, la ville de Tokyo les a achetés pour éviter que des ultranationalistes japonais s’en emparent et donc, à l’origine, pour ne pas aggraver la situation. Mais Pékin a estimé que c’était un défi qui lui était opposé et a élargi son espace aérien sur les îles. Le différend vient se greffer sur une rivalité ancienne entre le Japon – allié des États‑Unis – et la Chine, qui s’est accrue récemment. Elle provoque une course aux armements ainsi qu’un renforcement des opinions nationalistes dans les deux pays, qui se nourrissent mutuellement. La rationalité conduit à penser que rien d’irrémédiable ne sera accompli de part et d’autre pour des îlots inhabités. Mais nombre de conflits ont commencé par un enchaînement mal maîtrisé de provocations. Face à cette montée en puissance de la Chine, les pays occidentaux (États-­Unis, Australie, Nouvelle-­Zélande, Royaume-­Uni, France) et leurs alliés asiatiques (Inde, Japon…) développent des stratégies centrées sur la région dite de l’« Indopacifique », qui irait de la côte Est de l’Afrique et du Golfe arabo-­persique aux îles de l’océan Pacifique, un vaste espace d’importance stratégique et économique majeur, la Chine y développant le pendant maritime de son projet de « routes de la soie ». C’est dans ce cadre que les États-­Unis ont mis en place l’AUKUS, une alliance militaire tripartite avec le Royaume-­ Uni et l’Australie, ayant pour objectif spécifique de contrer l’expansionnisme chinois dans la région. Washington relance également le QUAD avec l’Inde, le Japon et l’Australie. Le nouveau président sud-coréen, plus pro-américain, pourrait y faire entrer son pays. En juin 2022, la Chine lançait son 3e porte-avions. Les pays de l’ASEAN sont inquiets de la montée des tensions entre Pékin et Washington car ils préfèreraient pouvoir conserver de bonnes relations avec les deux.

LES CRISES ET CONFLITS ACTUELS

La mer de Chine : un espace de confrontation RUSSIE CORÉE DU NORD

Beijing

Mer du Japon 1,3

3,1

16 CORÉE + 62 % DU SUD

12,7

1

8

JAPON Mer de Chine orientale

+ 239 %

Okinawa

Taipeh

Senkaku (Diaoyu)

TAIWAN

0,8

Hongkong

Hanoï LAOS Da Nang

CAMBODGE + 206 %

+ 385 %

Atoll/récif de Scarborough

Paracels (Xisha)

+ 48 %

3,2 VIETNAM

7

Manille

Mer de Chine méridionale

+ 53 %

Guam (États-Unis)

1,9

PHILIPPINES 11

Spratleys (Nansha)

Palawan Mer de Sulu

Mindanao

Espaces maritimes

14

Espaces revendiqués par ... Japon Vietnam Philippines Malaisie Chine* Brunei * : « ligne en neuf traits », tracée par la Chine en 1948

+ 12 %

–1%

Kuala Lumpur

OCÉAN PACIFIQUE

Hainan

THAÏLANDE 1,5 12

1,4

22

+ 21 %

BRUNEI

Natuna

MALAISIE

SINGAPOUR

et enrichie d’un dizième trait en 2013

Bornéo

Sumatra + 101 %

Mer des Célèbes

6,7

INDONÉSIE 3

Îlots et archipels disputés par la Chine (nom chinois)

Sulawasi 500 km

Militaires

Bases ou facilités militaires américaines

Bases ou facilités chinoises

En pétrole et en gaz Mer de Chine méridionale :

• 11 milliards de barils de pétrole • 5 000 milliards de mètres cubes de gaz

Dépenses militaires en 2020 (en millions de dollars) 436

Ressources

Mer de Chine orientale : 70 000

Évolution des dépenses militaires + 12 % entre 2010 et 2020 (en %)

252 304

Zones maritimes contestées Principaux États pêcheurs de la zone 1 Classement mondial 0,8 Quantité pêchée en 2018 (en millions de tonnes)

• 50-100 millions de barils de pétrole • 28-56 milliards de mètres cubes de gaz

Voie de l’approvisionnement chinois en hydrocarbures (provenance Moyen-Orient et Afrique)

Sources : US Department of Defense, Stockholm International Peace Research Institute, FAO, Monde diplomatique.

MYANMAR

Tokyo

– 10 %

CHINE

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LA PÉNINSULE CORÉENNE, UN CONFLIT GELÉ ? En 1953, c’est un cessez-­le-­feu qui était signé à Panmunjeom et non une véritable paix. Les deux Corée vont continuer à vivre en état de guerre, l’une soutenue et protégée par les Américains et l’autre par les puissances communistes soviétique et chinoise.

DÉCOLLAGE AU SUD, ENLISEMENT AU NORD Alors que la Corée du Sud va connaître un spectaculaire développement économique, grâce à la mobilité de la population, l’accent mis sur l’éducation et l’ouverture des marchés américains, qui va lui permettre de multiplier par 100 son PIB par habitant entre 1950 et 2000, la Corée du Nord va stagner, les maigres ressources étant réservées à l’appareil militaire et aux forces de sécurité. Cette dernière va même connaître une grave famine en 1996. Dans les années 1980, le développement de la société civile entraîne une réelle démocratisation de la Corée du Sud, alors que la Corée du Nord demeure un État totalitaire. L’organisation des Jeux olympiques de 1988 est perçue comme la reconnaissance internationale du succès de Séoul. La Corée du Nord, quant à elle, ne choisit pas la voie de l’ouverture économique prise par la Chine, mais va développer une capacité nucléaire et balistique, qui l’amène à se retirer du Traité de non-­prolifération (TNP) en 2003. En 1998, un ancien dissident, Kim Dae-­jung, est élu à la présidence sud-­ coréenne : il va lancer la sunshine policy, afin d’apaiser les tensions avec Pyongyang. En 2000, après une visite de la secrétaire d’État américaine, Madeleine Albright, l’accord de dénucléarisation semble proche. Mais le discours sur « l’axe du mal » de George W. Bush en janvier 2002 (où il place la Corée du Nord aux côtés de l’Irak et de l’Iran) va faire voler en éclats ces espoirs.

VERS LA RÉCONCILIATION ? En 2003, la guerre d’Irak va conforter les Nord-­Coréens dans l’idée que l’arme nucléaire est indispensable à la survie du régime. Celui-­ci devient un régime communiste héréditaire : Kim Jong-­un succède à son père Kim Jong-­il en 2011, qui a lui-­même succédé à son père, Kim Il-­sung, fondateur du régime en 1994. La Corée du Nord est cependant consciente d’être dans l’incapacité de reconquérir la Corée du Sud. Cette dernière ne souhaite pas plus une

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réunification qu’elle n’a pas les moyens économiques de prendre en charge, étant comparativement bien plus développée que la Corée du Nord. De plus, les Sud-­Coréens ne sont que deux fois plus nombreux que les Nord-­Coréens. Les autres protagonistes ne souhaitent pas plus la réunification : le Japon craint qu’elle ne se base sur un sentiment anti-­nippon, du fait des douloureux souvenirs de la Seconde Guerre mondiale, ineffacés faute de réelles excuses de Tokyo, selon les Coréens ; les Américains y voient un moyen de rendre moins légitime leur présence stratégique en Asie ; la Chine, bien qu’agacée par le comportement erratique de la Corée du Nord, ne veut pas la chute du régime et craint au contraire qu’elle puisse permettre aux Américains de s’établir à sa frontière. La Corée du Nord ne peut pas être à l’initiative d’un conflit qu’elle serait certaine de perdre. Cependant, une attaque américaine pourrait se traduire par de lourdes pertes et peut-­être la destruction de deux villes majeures : Séoul et Tokyo. Fin 2017, Donald Trump et Kim Jong-­un se sont mutuellement menacés de frappes nucléaires. Le président sud-­coréen a plaidé pour un apaisement. La tenue des Jeux olympiques en Corée du Sud fut l’occasion d’établir un contact, débouchant sur un sommet à Singapour entre les États‑Unis et la Corée du Nord en juin 2018, suivi par un second à Hanoï en février 2019. Un dialogue s’installe, mais ne mène pas à un règlement du conflit. Le conservateur Yoon Seok-youl, élu en 2022, remet en cause la politique de dialogue avec la Corée du Nord de son prédecesseur. Toujours en 2022, Pyongyang effectue de nouveaux tirs de missiles en direction de la mer du Japon et menace de reprendre ses essais nucléaires. Mais la dénucléarisation de la Corée du Nord, tout comme la réunification de la péninsule, demeurent improbables car l’arme nucléaire constitue la garantie de survie du régime. La Corée du Nord s’enfonce dans les difficultés économiques dont la population souffre plus que les dirigeants.

LES CRISES ET CONFLITS ACTUELS

L’impossible apaisement ? RUSSIE Punggye-ri Secousse sismique lors des essais nucléaires (échelle de Richter)

CHINE

6,3 3 septembre 2017 5,3 9 septembre 2016 5,1 6 janvier 2016 5,1 12 février 2013 4,7 25 mai 2009

Yongbyon

4,3 9 octobre 2006

Musudan-ri Tongchang-ri Pyongyang

CORÉE DU NORD

Mer du Japon

Pyeyongchang Panmunjom Osan Kunsan Mer Jaune

Misawa

24 mai 2018, démantelement du site d’essais nucléaires de Punggye-ri

38° N

Séoul

CORÉE DU SUD

25 338

Yokota

JAPON

Chinhae

Tokyo Yokosuka

Iwakuni

Atsugi

Sasebo

56 800

CHINE

Mer de Chine orientale

Hanoï (VIETNAM) SINGAPOUR Nucléaire nord-coréen

Essais nucléaires souterrains Principal site nucléaire

Présence américaine

Autres sites nucléaires Sites de lancement de missiles et fusées

Bases aériennes Bases navales Troupes présentes fin 2021

Sources : AIEA, US Department of Defense, Le Monde.

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OCÉAN PACIFIQUE

Okinawa

Espoirs de rapprochements et de négociations

Jeux olympiques d’hiver 2018 de Pyeongchang Sommet intercoréen d’avril 2018 entre Kim Jong-un et Moon Jae-in à Panmunjom Sommet de Singapour entre Donald Trump et Kim Jong-un le 12 juin 2018 Sommet de Hanoï entre Donald Trump et Kim Jong-un, 27-28 février 2019

300 km

Vers un retour des tensions Tirs d’une quinzaine de missiles hypersoniques entre janvier et mai 2022 en direction de la mer du Japon Élection à la présidence de la Corée du Sud du conservateur Yoon Seok-youl le 10 mars 2022, opposé à la politique de dialogue de son prédécesseur

ATTENTION FORMAT

p099_Peninsule_Coreenne 101

CHINE/ÉTATS‑UNIS, UNE RIVALITÉ GLOBALE ? Alliés stratégiques de fait contre l’URSS après 1978, développant leur relation économique, la décennie suivante, les deux pays sont de plus en plus en rivalité.

UN RAPPROCHEMENT SPECTACULAIRE Pour justifier la rupture sino-­soviétique en 1961, la Chine, radicalisant son discours, a reproché à l’URSS sa politique de détente avec les États‑Unis et adopté un ton outrancier et menaçant à l’égard de Washington, jusqu’à évoquer une « guerre nucléaire » dont elle n’avait pourtant pas les moyens. Arrivés au pouvoir en janvier 1969, Nixon et Kissinger, conscients de l’affaiblissement des États‑Unis, dû notamment à la guerre du Vietnam, veulent réagir différemment au défi soviétique. Accélérant la politique de détente, ils s’appuient néanmoins sur Pékin pour contenir l’URSS. Tout en maintenant une alliance militaire avec Taïwan, ils acceptent que la Chine récupère, en 1971, le siège de membre permanent du CSNU. En 1972, le spectaculaire voyage de Nixon en Chine réchauffe les relations entre les géants, ce qui permet aux États‑Unis de constituer une alliance de revers contre l’URSS. Le pouvoir de Mao est pourtant totalitaire, mais pour Nixon et Kissinger, la menace que représente l’URSS est supérieure. Lorsqu’il arrive au pouvoir à la fin des années 1970, Deng Xiaoping va approfondir les relations avec les États‑Unis. Impressionné par le dynamisme économique américain, qu’il a constaté lors d’une visite officielle, il en importa les recettes tout en maintenant le contrôle du pouvoir du Parti communiste chinois (PCC).

UNE DOUBLE DÉPENDANCE La Chine devient un partenaire économique majeur des États‑Unis. Mais sa réussite commence à inquiéter ces derniers au début des années 2000, sa montée en puissance compromettant le contrôle de l’Asie-­Pacifique par Washington. Le développement économique, gage de stabilité politique, a un besoin vital de l’accès au marché américain. De leur côté, les États‑Unis sont dépendants des exportations chinoises pour leur consommation et l’accès à des produits de faibles coûts. Ces dernières années, le déficit américain à l’égard de la Chine fluctue entre 300 et 400 milliards de dollars par an. La Chine convertit la majeure partie en bons du Trésor américain. Régulièrement, les Américains demandent à la Chine de relever le cours de leur monnaie, dénonçant une concurrence économique déloyale. La Chine critique le rôle du dollar comme monnaie internationale et les avantages qu’elle juge injustes procurés aux États‑Unis.

LA RIVALITÉ SINO-­AMÉRICAINE : UNE RIVALITÉ GLOBALE Donald Trump a adopté un ton plus agressif, économiquement et stratégiquement, à l’égard de Pékin. En 2018, le déficit commercial des États-­Unis à l’égard de la Chine atteint 420 milliards de dollars. Pour lutter contre cela, Donald Trump a souhaité augmenter les taxes sur les produits chinois, au risque de porter atteinte à la

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compétitivité américaine. Au-­delà des questions commerciales, la rivalité est stratégique. Car la question n’est plus de savoir si la Chine va dépasser les États-­Unis mais quand elle va le faire. Le président chinois Xi Jinping, qui s’est octroyé par une modification de la constitution la possibilité de rester au pouvoir à vie, ne cache plus sa volonté de faire de la Chine la première puissance mondiale. Cela s’accompagne d’une crispation autoritaire en interne, notamment à l’égard de Hong Kong et de la minorité ouïghoure au Xinjiang. Côté américain, le déclin relatif est source d’angoisse pour un pays qui n’a cessé d’être le plus puissant du monde depuis la Seconde Guerre mondiale. D’autant que la crise liée à la pandémie de Covid19 a exacerbé cette rivalité : la Chine a fait preuve d’une résilience bien plus importante que les pays occidentaux et est l’un des rares pays à avoir eu une croissance positive en 2020 (+ 2,34 % contre – 3,4 % pour les États-­Unis), accélérant son rattrapage économique. Le PIB chinois, qui représentait 10 % du PIB américain en 2001 lors de l’entrée de la Chine à l’OMC, en représente désormais 70 %. La Chine est désormais le premier partenaire commercial d’une majorité de pays dans le monde. La lutte contre la montée en puissance chinoise sur les plans économique, technologique et stratégique fait donc l’objet d’un consensus bipartisan à Washington. Joe Biden, loin de remettre en cause la politique de son prédécesseur sur ce sujet, continue d’en faire la priorité absolue de la politique étrangère américaine. Cela se traduit désormais par la volonté de l’administration Biden de rassembler autour des États-­Unis le camp des « démocraties » asiatiques et européennes face aux régimes autoritaires que sont la Chine et la Russie. Cette politique a pour conséquence directe de jeter Moscou dans les bras de Pékin et d’instaurer un climat de guerre froide. Dans leur opposition à la Chine, les États-­Unis dénoncent également le caractère dictatorial du régime chinois, pourtant nettement moins marqué que lorsqu’ils ont établi une alliance avec Mao Zedong. Dans ce contexte de tension, l’Europe cherche sa place, divisée entre les États partisans d’un alignement sur l’allié américain et ceux qui cherchent à proposer une troisième voie. Mais la guerre en Ukraine vient renforcer l’unité du camp occidental derrière les États-Unis, ce qui coïncide avec la volonté de Joe Biden de former une alliance des démocraties face à l’axe des régimes autoritaires (singulièrement Moscou et Pékin). On évoque parfois la théorie du « piège de Thucydide ». Cet historien avait remarqué que l’affrontement entre Sparte, puissance dominante, mais en déclin, et Athènes, puissance montante, était inéluctable. Le même diagnostic peut être fait des relations entre l’Angleterre et l’Allemagne à la fin du xixe siècle. Dès lors, l’affrontement est-­il inéluctable entre la montée en puissance de la Chine et le relatif déclin des États‑Unis ?

LES CRISES ET CONFLITS ACTUELS

Pékin et Washington, interdépendants et rivaux

EUROPE (187)

Islande

Norvège Belgique

Russie

52

8

188

Kazakhstan

Corée du Sud

CHINE Pakistan 14 340 Inde

193

1 054

Thaïlande

Okinawa VIIe Flotte Pacifique-ouest Guam

ÉTATSUNIS 21 433

Midway Hawaii

ASIE (137)

Singapour Ve Flotte Océan Indien Pays du Golfe Mer Rouge Diego Garcia

IIIe Flotte Pacifique

Japon

OCÉAN PACIFIQUE

Russie

Royaume-Uni

Washington

738

Allemagne

IIe Flotte Atlantique

Guantanamo Porto Rico Aruba et Curaçao Honduras AMÉRIQUES Colombie (164) Équateur

Italie

Espagne

Bermudes

VI Flotte Méditerranée e

Israël Égypte

Arabie saoudite Djibouti :

Première base navale chinoise à l’étranger, inaugurée en 2017

OCÉAN ATLANTIQUE

Oman

AFRIQUE (62)

Australie

OCÉANIE (20)

OCÉAN INDIEN 3 000 km à l’équateur

Deux géants économiques 14 340

PIB en milliards de dollars en 2021

Dépenses militaires 193

Deux puissances militaires

Facilités militaires et points d’appui stratégiques chinois dans le cadre de sa stratégie du « Collier de perles » Bases militaires et facilités américano-britanniques Localisation des flottes américaines

Dépenses en milliards de dollars en 2020

Enjeux monétaires et financiers

Siège de la FED : 39 % des paiements internationaux s’effectuent en dollars Montant de la dette américaine détenue par la Chine en février 2022 – deuxième créancier étranger après le Japon, en milliards de dollars

Pays membres de l’OTAN en 2020

Soft power

1 054

Entre interdépendance et concurrence commerciale

Instituts Confucius (nombre d’instituts) Étudiants étrangers aux États-Unis en 2021 : 914 095 dont 317 299 Chinois

Montant des échanges commerciaux entre la Chine et les États-Unis en 2021, en milliards de dollars Pays membres de la « Belt and Road initiative », projet des nouvelles routes de la soie lancé par Pékin en 2013

Sources : Banque mondiale, Année stratégique 2022,US Department of the Treasury, Instituts Confucius, Institute of International Education.

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p101_Chine_USA 103

AIRES

RÉGIONALES

106 L’EUROPE 128 LES AMÉRIQUES 140 LE MONDE ARABE 146 L’AFRIQUE 154 L’ASIE

LA FRANCE, UNE PUISSANCE MAJEURE La France est souvent présentée comme n’étant plus qu’une « puissance moyenne », un pays qui vivrait désormais dans la nostalgie d’une grandeur passée et révolue.

UNE PUISSANCE MOYENNE ? Ce thème du déclin est en fait un mythe ancien, dont on voit les premières traces lors de la guerre de Cent Ans. Il occupe une place centrale dans le débat français lorsque, pour la première fois, en 1871, la France est vaincue par un seul État et non par une coalition de plusieurs pays. Puis les traumatismes de juin 1940, où la supposée meilleure armée du monde s’est effondrée en trois semaines, et les guerres coloniales de la Ve République achèvent de renforcer cet état d’esprit. Le général de Gaulle redonna du lustre à la politique extérieure de la France, en développant une politique originale d’indépendance marquée à l’égard des États‑Unis, tout en restant dans le cadre de l’Alliance atlantique. Sur la base d’une autonomie garantie par sa dissuasion nucléaire, la France craignait moins l’URSS et nécessitait moins la protection américaine que les autres pays européens. Ses marges de manœuvre lui permettaient d’être un pays occidental à part et de développer des relations originales avec de nombreux pays. François Mitterrand poursuivit et développa cette politique, qualifiée dès lors de « gaullo-mitterrandiste ». Depuis la fin de l’ère bipolaire, symbolisée par l’effondrement de l’URSS en 1991, la France a perdu cette rente de situation, mais elle peut toujours faire valoir sa spécificité comme lorsqu’elle s’oppose, par exemple, à la guerre d’Irak en 2003. Dans la nouvelle donne internationale, la France dispose toujours de sa place de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, avec un droit de veto. En dehors des États-Unis, à la puissance exceptionnelle, le monde compte moins d’une dizaine de puissances dont les vues sur la plupart des grands dossiers mondiaux ont du poids, et une vingtaine de puissances régionales. L’opinion de la France, si elle n’est pas toujours suivie, est légitime et entendue sur la plupart des dossiers internationaux : la lutte contre le réchauffement climatique, les grandes pandémies et le terrorisme, la sécurité collective, la gouvernance économique mondiale, la promotion des droits de l’homme et des libertés individuelles, etc. Au-delà du mythe, des éléments objectifs permettent de mesurer sa réelle puissance. Elle est l’un des pays qui reçoit le plus d’investissements, se positionne comme le 6e exportateur et est le 7e PIB mondial. Malgré la fin de la menace soviétique, la puissance nucléaire de la France demeure un atout. Elle reste, de plus, très active dans l’ensemble des organisations internationales. Par son passé et la diversité de ses engagements sur la scène internationale, elle est considérée comme une puissance planétaire, et se sent concernée par la situation politique de chaque région du monde.

DES ATOUTS GÉOGRAPHIQUES La France dispose d’atouts géographiques non négligeables. Elle est l’un des deux seuls pays d’Europe (avec l’Espagne) à disposer d’une ouverture maritime (3 500 kilomètres au total) à la fois sur l’Atlantique et sur la Méditerranée. Elle possède la plus grande 106

profondeur stratégique d’Europe occidentale, et symbolise le lien entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud. Depuis l’entrée en vigueur du nouveau droit de la mer, elle dispose du 2e espace maritime au monde (en termes de zone économique exclusive, ZEE). Sa présence hors métropole est également importante : elle possède cinq départements d’outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion et Mayotte), six collectivités d’outre-mer (Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin) et la Nouvelle-Calédonie (qui dispose d’un statut spécial). À cela, il faut ajouter les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Elle projette sa souveraineté nationale dans quatre océans (Indien, Atlantique, Pacifique et Antarctique) et au voisinage de deux continents (américain et africain). Son second domaine de présence est formé par les États d’Afrique, issus de la décolonisation. Une série d’accords de coopération technique, économique et culturelle, voire militaire, permet de relier Paris à de nombreux États africains. Mais la France perd des parts de marché en Afrique – politiquement, économiquement et stratégiquement – du fait de l’intérêt croissant des autres puissances pour le continent, notamment la Chine et la Russie.

LA FORCE DIPLOMATIQUE FRANÇAISE La France occupe toujours une place de choix sur la scène internationale. Moteur de la construction européenne, elle a été à l’origine de la plupart de ses avancées : elle fut à l’initiative de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA, 1951), de la Communauté économique européenne (CEE, 1957), de l’Acte unique européen (1986) et des traités de Maastricht (1992) et de Lisbonne (2008). Le poids de la France dans le monde dépend en grande partie de la portée de l’Union européenne (UE), multiplicateur de sa puissance. Depuis la réunification, ­l’Allemagne a vu son poids relatif renforcé vis-à‑vis de la France. La France est l’un des piliers de l’UE, ce qui rehausse son statut auprès de pays non-membres. Depuis le Brexit, elle est le seul pays de l’UE à bénéficier d’une véritable capacité militaire et à être membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. La France doit être capable de délivrer un message à la fois universel et conforme à son intérêt national et européen, sans que Paris cède à l’arrogance, défaut qui lui est souvent reproché. Elle défend la notion de multilatéralisme. Contribuer, via le projet européen, à la mise en place d’un monde multilatéral peut servir à la fois ses intérêts et ceux de l’ensemble de la planète. C’est par ce biais qu’elle pourra être entendue par la majorité des nations. L’Histoire, ancienne (philosophie des Lumières, Révolution française) et plus récente (diplomatie de De Gaulle et Mitterrand), lui confère une place singulière pour de nombreux étrangers. Mais encore faut-il conserver cette spécificité et montrer une voie autonome face aux États-Unis et ce non seulement dans les paroles mais aussi dans les actes. Il en est de même

L’EUROPE s’agissant du défi climatique. La France a des arguments à faire valoir en la matière, notamment depuis les Accords de Paris de 2015. Mais pour ce faire, elle doit là aussi faire preuve de cohérence entre le discours tenu à l’international et les politiques menées sur le plan interne. Comme les autres pays occidentaux, la France est affectée par la fin du monopole occidental sur la puissance. Elle conserve néanmoins de nombreux atouts et est l’un des rares pays crédités de la capacité de penser de manière globale et de pouvoir s’exprimer légitimement sur la totalité des sujets stratégiques.

Affectée par un déficit budgétaire – renforcé par la crise du ­ ovid-19 – et commercial importants, elle doit cependant relancer C son économie pour conserver sa pertinence stratégique. Ses débats internes donnant parfois un sentiment d’hostilité à l’égard des réfugiés, des étrangers et des musulmans nuisent à son prestige international. La guerre en Ukraine restreint les marges de manœuvre de la France en rendant inenvisageable tout dialogue constructif avec Moscou et en enterrant le concept d’autonomie stratégique européenne au profit de l’OTAN.

La francophonie Bruxelles (UE)

Nouveau- internationale Association Brunswick des maires francophones TV5 Monde

Ontario Québec

Bruxelles (UE)

Genève (ONU) Serbie Kosovo

Genève (ONU)

Agence universitaire Saint-PierreBucarest PARIS de la Francophonie Montréal et-Miquelon Serbie Andorre Monaco NouveauKosovo Chypre Brunswick New YorkQuébec Tunis Ontario Louisiane Malte TV5 Monde (ONU) Université Senghor Agence universitaire Saint-PierrePARIS Alexandrie Bucarest Qatar de la Francophonie Montréal et-Miquelon Andorre Monaco Saint-Martin Émirats arabes unis Chypre New York Tunis Saint-Barthélemy Louisiane Malte (ONU) Université Senghor Guadeloupe

Clipperton

Clipperton

Polynésie française

Port-au-Prince

Alexandrie Dominique Cap Martinique Vert Saint-Martin Lomé Saint-Barthélemy Ghana Guadeloupe Port-au-Prince GuyaneDominique Sao Tomé-et-Principe Cap Martinique Vert Libreville Lomé

OCÉAN PACIFIQUE

Seychelles Addis Abeba (UA) Comores Mayotte Seychelles Antananarivo Comores Maurice Mayotte La Réunion Antananarivo Maurice La Réunion

Ghana OCÉAN Sao Tomé-et-Principe ATLANTIQUE Libreville

Guyane

OCÉAN PACIFIQUE

Polynésie française

Qatar Addis Abeba (UA) Émirats arabes unis

OCÉAN ATLANTIQUE

Organisation internationale de la francophonie Organisation internationale États et gouvernements membres de la francophonie à l’équateur

2 000 km

Hanoï

OCÉAN INDIEN OCÉAN INDIEN

Wallis-etFutuna Vanuatu Wallis-etNouvelle- Futuna Vanuatu Calédonie NouvelleCalédonie

Siège

Siège Bureaux régionaux Représentations permanentes (auprès de) Opérateurs de la Francophonie Bureaux régionaux Opérateurs de la Francophonie

La France, une puissance maritime

Saint-Pierreet-Miquelon Saint-Pierreet-Miquelon

OCÉAN PACIFIQUE OCÉAN PACIFIQUE

OCÉAN PACIFIQUE

Siège, bureaux et opérateurs de l’OIF Représentations permanentes (auprès de)

États et gouvernements observateurs

à l’équateur

Hanoï

Siège, bureaux et opérateurs de l’OIF

États associés États et gouvernements membres États et gouvernements observateurs États associés

2 000 km

OCÉAN PACIFIQUE

ANTILLES ET GUYANE ANTILLES ET GUYANE Guyane

Martinique

Martinique

Source : Site de l’OIF (francophonie.org). Source : Site de l’OIF (francophonie.org).

Association internationale des maires francophones

Cherbourg FRANCE MÉTROPOLITAINE Brest Cherbourg Toulon FRANCE MÉTROPOLITAINE Brest Toulon

Sénégal Sénégal

OCÉAN PACIFIQUE OCÉAN PACIFIQUE

Abu Dhabi Djibouti

Abu Dhabi

Djibouti

Guyane

Polynésie française Polynésie française

POLYNÉSIE FRANÇAISE POLYNÉSIE FRANÇAISE Zones économiques exclusives Zones économiques exclusives (ZEE) de la France (ZEE)etde la France Les bases points d’appui bases et points d’appui navalsLes français navals français

OCÉAN ATLANTIQUE OCÉAN ATLANTIQUE

Mayotte Mayotte

La Réunion La Réunion

TERRES AUSTRALES ETTERRES ANTARCTIQUES AUSTRALES ETFRANÇAISES ANTARCTIQUES FRANÇAISES

2 000 km

2 000 km à l’équateur à l’équateur

OCÉAN INDIEN OCÉAN INDIEN

Walliset-Futuna Walliset-Futuna NouvelleCalédonie NouvelleCalédonie

NOUVELLENOUVELLECALÉDONIE CALÉDONIE Source : Marine nationale. Source : Marine nationale.

107

L’ALLEMAGNE, UNE PUISSANCE RETROUVÉE À la fin de la guerre froide et dans la perspective de la réunification allemande, le chancelier allemand, Helmut Kohl, et le président français, François Mitterrand, décidèrent d’accélérer l’intégration européenne. L’objectif était d’arrimer une nouvelle Allemagne forcément renforcée et d’avoir, non pas une Europe alle‑ mande, mais une Allemagne européenne. Certains étaient réticents à la réunification, craignant, du fait de l’Histoire, qu’elle ne permette la reconstitution d’une Allemagne forte.

L’Allemagne, une fracture économique qui dure

des bénéfices record et une forte croissance. La France conserve néanmoins l’avantage d’être un acteur stratégique majeur.

LA FIN DE LA RETENUE STRATÉGIQUE SchleswigHolstein Hambourg

Brême

MecklembourgPoméranie occidentale Berlin

Basse-Saxe

Rhénanie-du-NordWestphalie Hesse

SaxeAnhalt

Brandebourg

Saxe Thuringe

RhénaniePalatinat Sarre BadeWurtemberg

Bavière

200 km

PIB par habitant en euros en 2019

PIB en millions d’euros en 2019

Plus de 66 800

711 419

De 40 000 à 50 000

300 000 100 000 33 623

De 30 000 à 40 000 De 28 880 à 30 000

Source : deutschland.de

UNE ALLEMAGNE RENFORCÉE ATTENTION FORMAT écoEn 1992, le traité de Maastricht transforma la Communauté nomique européenne (CEE) en Union européenne (UE), dont l’une des perspectives était d’acquérir une monnaie commune. L’Allemagne renonça au deutsche mark, symbole de sa prospérité carl et de sa stabilité monétaire et économique, pour adopter l’euro. format 86x120 La réunification a indéniablement placé l’Allemagne au premier rang européen, malgré le fait que l’Est reste encore moins développé. p106_Allemagne_Puissance L’équilibre des forces, y compris avec la France, était rompu, surtout après le début du xxie siècle, où cette dernière était encalminée par un chômage fort, une croissance faible et des déficits commerciaux, alors que l’Allemagne connaissait le plein-emploi, 108

La fin de la guerre froide a permis à l’Allemagne de prendre quelques distances avec les États‑Unis, encore élargies avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir en 2017. Le chancelier Gerhard Schröder condamna même la guerre d’Irak en 2003. L’Allemagne a pleinement participé à la guerre du Kosovo. Si Berlin, capitale depuis la réunification, ne bénéficie pas totalement d’une mobilité stratégique, elle n’est pas pour autant tétanisée. Elle est d’ailleurs candidate à un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. L’Allemagne entretient des relations économiques très poussées avec la Chine. Si l’Allemagne ne partage pas les craintes de la Pologne ou des pays baltes à l’égard de la Russie, la chancelière allemande, Angela Merkel, a été partisane d’une ligne relativement dure vis-à‑vis de Moscou après l’annexion de la Crimée en 2014. Le déclenchement de la guerre en Ukraine par Moscou en 2022 pousse l’Allemagne, comme ses partenaires européens, à rompre durablement avec Moscou. L’Allemagne doit également repenser ses approvisionnements énergétiques, la provenance de son gaz étant avant la guerre à environ 50 % russe. La guerre renforce le tropisme pro-­Américain de l’Allemagne et la pousse à augmenter s­ ignificativement ses dépenses militaires. Une enveloppe de 100 ­milliards d’euros sur 5 ans, consacré notamment à la modernisation des ­équipements de l’armée allemande, est débloquée au printemps 2022.

LES DIFFICULTÉS EUROPÉENNES Au cours de ses 16 ans à la tête de l’Allemagne, A. Merkel fut considérée comme un leader incontournable, et même la femme la plus puissante, non seulement de l’UE, mais du monde occidental. Fin 2021, elle cède sa place au social-démocrate Olaf Scholz, qui prend la tête d’une coalition avec les Verts et les Libéraux allemands. La relation avec la France reste centrale, bien que, pour le moment, la force des couples du passé – de Gaulle-Adenauer, Giscard d’Estaing-Schmidt ou Mitterrand-Kohl – n’ait pu être retrouvée. Le dynamisme économique de l’Allemagne a été renforcé par les réformes structurelles adoptées par le chancelier Schröder et dont a bénéficié la chancelière Angela Merkel. Ces réformes se sont cependant accompagnées d’une montée des inégalités. La faible natalité et le plein-emploi ont conduit Angela Merkel à accepter l’arrivée de plus de 1 million de réfugiés en 2015/2016, dans un mélange de

L’EUROPE générosité et d’habileté politique (une « main-d’œuvre bienvenue »). Mais le manque de concertation avec les autres pays européens, qui ne se trouvaient pas dans une situation analogue, a notamment conduit à une montée de l’extrême droite dans le pays. Il fut reproché l’Allemagne son manque d’écoute envers ses partenaires européens ou sa sévérité envers les pays du Sud après le

déclenchement de la crise économique de 2008-2009. Les Allemands estimaient pour leur part qu’ayant été vertueux, ils n’avaient pas à payer pour les cigales du Sud. L’Europe s’en trouva profondément troublée. La fin de la fourniture de gaz bon marché par la Russie à la suite de la guerre en Ukraine pourrait freiner à l’avenir la compétitivité économique de l’Allemagne.

L’Évolution du territoire allemand en Europe 1648 Le Saint-Empire romain germanique

DUCHÉ DE PRUSSE

PROVINCES UNIES

ROYAUME DE POLOGNE

ROYAUME DE FRANCE

1815 Le Bund allemand ROYAUME DES PAYS-BAS

ROYAUME DE FRANCE SUISSE

EMPIRE OTTOMAN

RÉPUBLIQUE DE VENISE

200 km

ROYAUME DE POLOGNE

PRUSSE PRUSSE

AUTRICHE SUISSE

200 km

1937 L’ « entre-deux-guerres »

1871 L’Empire allemand ROYAUME DES PAYS-BAS

PAYSBAS

EMPIRE DE RUSSIE

ROYAUME DE BELGIQUE

URSS PRUSSE ORIENTALE

POLOGNE

BELGIQUE TCHÉCOSLOVAQUIE

FRANCE

EMPIRE D’AUTRICHE-HONGRIE

FRANCE

SUISSE

200 km

SUISSE

ROYAUME D’ITALIE

1949 La division PAYSBAS BELGIQUE

ITALIE

200 km URSS

4,4

HONGRIE

YOUGOSLAVIE

1990 L’unification

URSS

PAYSBAS

POLOGNE

POLOGNE

BELGIQUE

12,6 TCHÉCOSLOVAQUIE

0,2

FRANCE

AUTRICHE

SUISSE ITALIE

200 km

AUTRICHE

FRANCE HONGRIE

YOUGOSLAVIE

Transfert de populations allemandes

TCHÉCOSLOVAQUIE

SUISSE

200 km

de réfugiés 0,2 Total (en millions)

ITALIE

AUTRICHE

HONGRIE

YOUGOSLAVIE

Ligne Oder-Neisse

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p107_Allemagne_Evolution_Territoire 109

LE ROYAUME-UNI, UNE PUISSANCE EUROPÉENNE ? Le royaume d’Angleterre (auquel était déjà rattaché le pays de Galles) s’empara de l’Écosse en 1707, puis de l’Irlande en 1801 pour devenir le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande. Sa puissance maritime lui permit de résister à Napoléon, puis de se doter d’un vaste empire colonial et de bénéficier d’une réelle puissance commerciale. Aux deux tiers du xixe siècle, un quart de l’humanité était sujet de la reine Victoria. LA FIN DE L’EMPIRE Si l’Allemagne a contesté la suprématie britannique dès la fin du xixe siècle, ce sont les États‑Unis qui la détrônèrent au xxe siècle. Les Britanniques comptaient sur la « relation particulière » qu’ils entretiennent avec leur ancienne colonie et sur l’ascendant que leurs dirigeants et élites exerceraient outre-Atlantique pour continuer à exercer une influence mondiale. Ils y parvinrent lorsque Churchill et Roosevelt ou Thatcher et Reagan furent respectivement au pouvoir au Royaume-Uni et aux États‑Unis. Le Royaume-Uni sort de la Seconde Guerre mondiale auréolé du prestige d’être le seul pays ayant lutté tout au long du conflit contre Hitler. Mais il est profondément affaibli et en passe de perdre son empire colonial. Il se tint initialement à l’écart de la construction européenne pour la rejoindre en 1973, après que le général de Gaulle, qui opposait son veto (il considérait le Royaume-Uni comme le cheval de Troie des États‑Unis), a quitté le pouvoir en France. L’après-Seconde Guerre mondiale se traduit par un relatif déclin économique et stratégique. Margaret Thatcher mit alors en place une politique ultralibérale au coût social élevé. La guerre des Malouines en 1982 (îles revendiquées par l’Argentine et sous souveraineté britannique) lui permit de consolider son image interne et internationale.

DES RÉTICENCES FACE À L’EUROPE Le Royaume-Uni aura toujours été un partenaire réticent de la construction européenne, refusant notamment d’adopter l’euro. La conception britannique de l’Europe est celle d’un espace commercial plus que d’une identité commune européenne. À travers les âges, son caractère insulaire l’a toujours conduit à conserver une certaine distance avec le continent européen. Sur les questions stratégiques, Londres est opposée au projet français d’une

110

« Europe puissance », qu’elle juge contraire au leadership américain et à la solidarité atlantique. En 2003, le Premier ministre britannique, Tony Blair, participait aux côtés des États‑Unis à la guerre d’Irak bien qu’il doutât de sa pertinence. Mais le principe de solidarité absolue avec les États‑Unis l’emportait. La « relation particulière » s’avère néanmoins moins payante qu’autrefois, les Premiers ministres britanniques n’exerçant plus aucune influence sur les présidents américains. En 2016, à la suite d’un référendum, la sortie de l’Union européenne (Brexit) est actée. Il faudra attendre 2021 pour que Boris Johnson le mette en œuvre. Malgré la volonté de ce dernier de créer un « Singapour sur la Tamise » et de signer un accord avantageux avec Washington au travers du programme « Global Britain », il déchante rapidement. Les pénuries de main d’œuvre et de biens se multiplient aux Royaume-Uni, conséquences à la fois du Brexit et de la crise liée à la pandémie de Covid-19. Les impacts économiques et financiers du Brexit pourront être mesurés à plus long terme, et une fois la crise économique liée à la pandémie de Covid-19 passée. Mais celle-ci est justement venue limiter les marges de manœuvre de Londres, qui souhaitait mettre en place une politique fiscale avantageuse pour attirer les investissements et maintenir son statut de place financière mondiale. Le Royaume-Uni doit par ailleurs renégocier la totalité de ses accords commerciaux, autrefois sous l’égide de l’Union. N’étant plus membre de l’UE, Londres perd également de sa pertinence stratégique pour les États‑Unis et de son intérêt politique et commercial pour les autres pays, notamment la Chine. Et l’Écosse pro-européenne pourrait réclamer son indépendance. En juillet 2022, Boris Johnson est contraint de démissionner de son poste de chef du parti conservateur et donc de Premier ministre suite à une série de scandales. On retiendra de lui autant ses frasques que son rôle déterminant pour mener à bien le Brexit.

L’EUROPE

Le Commonwealth en 2020

OCÉAN PACIFIQUE OCÉAN PACIFIQUE

Canada

PapouasieNouvelle-Guinée

Nauru Tuvalu Kiribati Samoa Salomon Cook Pitcairn Niue Fidji

Guyana

Bermudes Bahamas ROYAUME-UNI Îles Caïques et Turques Îles Vierges britanniques Irlande Anguilla Man Saint-Christophe-et-Niévès Guernesey Montserrat Antigua-et-Barbuda Jersey Dominique Sainte-Lucie Gibraltar Barbade Saint-Vincent-et-les-Grenadines Malte Grenade Trinité-et-Tobago

Norfolk

Malaisie Pakistan Chypre

Bangladesh

Singapour

Australie

Maldives

Nigeria Ghana Cameroun

Ouganda Kenya Rwanda Tanzanie

Îles Malouines Zambie

Sainte-Hélène

OCÉAN ATLANTIQUE

Inde

Sri Lanka

Gambie Sierra Leone

NouvelleZélande

Brunei

Namibie

Botswana

Malawi Mozambique Zimbabwe Eswatini Lesotho

Afrique du Sud

Seychelles

Maurice

OCÉAN INDIEN

État fondateur États membres États associés et colonies britanniques Anciens États membres

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p109_Commonwealth

111

Source : Site officiel du Commonwealth.

Îles Caïmans Jamaïque

Tonga Vanuatu

Belize

L’ITALIE, UN RÔLE À REDÉFINIR Unifiée au xixe siècle, l’Italie a conservé de forts contrastes régionaux, entre un Nord prospère et industria‑ lisé, un centre dominé par le secteur tertiaire et un Sud plus pauvre, moins développé et encore rural où les manquements de l’État ont permisle développement des mafias.

UN PAYS EURO-ATLANTIQUE ? L’Italie a été considérée comme un des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale. Après le débarquement américain en Sicile en 1943, les résistants déclenchèrent une guerre civile débouchant sur l’exécution de Benito Mussolini en 1945. Pour contrer un parti communiste puissant dans un climat de guerre froide, les États‑Unis ont largement soutenu la Démocratie chrétienne italienne. L’Italie fut un membre fondateur de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) et de l’Union européenne (CECA en 1952, CEE en 1957). Cet ancrage occidental lui a permis de restaurer et de normaliser son statut ainsi que d’intégrer de plain-pied la communauté internationale. Marquée par une très forte instabilité ministérielle, l’Italie a dû son développement au marché commun et au dynamisme de son réseau de petites et moyennes entreprises familiales. Mais le développement économique n’a pas réduit le fossé entre le Nord et le Sud du pays. L’Italie a adopté une diplomatie calquée sur les principes

L’unification de l’Italie

FRANCE

SAVOIE

SUISSE Magenta 1859 Turin

LOMBARDIE 1859 Milan

Gênes

EMPIRE AUSTRO-HONGROIS

Trieste Custoza 1866 Venise

PIÉMONT Solferino Tende

VÉNÉTIE 1866

1859

Ferrare EMPIRE OTTOMAN

Florence

Nice

COMTÉ DE NICE

Ancône

TOSCANE

ROMAGNE CORSE

Monterotondo Rome

ÉTATS DE L’ÉGLISE

Mentana 1867

Lissa 1866

ROYAUME DES Gaëte DEUX-SICILES

Mer Adriatique

Naples

SARDAIGNE

Mer Thyrrénienne Calatafimi Aspromonte 1860 1862 Palerme

SICILE 200 km

Royaume de PiémontSardaigne en 1859 Acquisitions en 1859 Interventions des troupes françaises en 1859 Expédition des Mille (Garibaldi, 1860)

112

Batailles (date) Territoires cédés à la France en 1860 Royaume d’Italie en 1861 Acquisitions en 1866 Acquisitions en 1870

de l’OTAN, conservant néanmoins la spécificité due à son environnement du sud de la Méditerranée, où elle veut jouer un rôle actif. Elle se voit comme une puissance moyenne et regrette de n’être pas suffisamment considérée par la France et l’Allemagne au sein de l’UE, ce qui la pousse d’autant plus vers l’allié américain.

UN RÔLE À REDÉFINIR Secouée par une vague terroriste (d’extrême droite et d’extrême gauche) dans les années 1980, elle subit une nouvelle crise dans les années 1990, quand la justice, combattant la mafia, met en lumière ses liens avec une partie de la classe politique, dont la Démocratie chrétienne, jusqu’ici pivot inamovible de la vie politique. Celle-ci finit par s’effondrer. La vie politique se recompose avec l’émergence de Forza Italia autour d’un magnat des médias, Silvio Berlusconi. Arrivé au pouvoir, celui-ci va soutenir la guerre d’Irak en 2003, malgré l’opposition de la population italienne. Alors que l’Italie est considérée comme un pilier de la construction européenne, les mouvements eurosceptiques gagnent du terrain (Mouvement 5 étoiles : M5S). En 2018 arrive au pouvoir la coalition du M5S et de la Ligue du Nord, parti d’extrême droite. À l’été 2019, la Ligue quitte le gouvernement, qui se recompose en une coalition entre le M5S et le parti démocrate de Matteo Renzi. Mais la Ligue s’est imposée comme l’une des forces politiques majeures du pays. Elle remporte les élections européennes en Italie en 2019. En 2021, Mario Draghi, ancien président de la BCE, prend la tête d’un gouvernement d’union nationale, qui tombe le 21 juillet 2022. L’instabilité gouvernementale reste un facteur structurant de la vie politique en Italie. Durement affectée par la crise financière de 2008, l’Italie subit également une perte de compétitivité et un vieillissement de sa population, dû notamment à un taux de fécondité particulièrement bas (1,27). Sa situation géographique la place au premier plan de la crise des réfugiés qui s’est intensifiée après 2014. Elle estime n’être pas suffisamment soutenue par ses partenaires européens. Le paysage politique reste éclaté, rendant difficile l’apparition de gouvernement stable pouvant se projeter internationalement. L’Italie oscille entre la volonté de jouer un rôle majeur dans l’édification d’une Europe puissance, la peur de décrocher, les mouvements eurosceptiques plaidant pour un certain repli et le sentiment atlantiste mis à mal à l’ère Trump. En parallèle, Rome se rapproche de Pékin, étant le seul membre fondateur de l’Union européenne et seul membre du G7 à avoir adhéré au programme chinois « Une ceinture, une route » relatif aux Nouvelles routes de la soie. Huitième PIB mondial, au 12e rang en matière de dépenses militaires (3e au niveau européen), pays culturellement et touristiquement attractif, échappant au soupçon de néocolonialisme, l’Italie dispose d’un fort potentiel stratégique. Elle le mettrait en œuvre si elle se dotait d’un gouvernement stable et créait un partenariat avec la France et l’Allemagne, dans l’objectif d’une relance européenne.

L’EUROPE

Les disparités de l’économie italienne AUTRICHE SUISSE

HONGRIE

TRENTINHAUT-ADIGE

VAL D’AOSTE Aoste

LOMBARDIE Milan

Trente VÉNÉTIE

Turin PIÉMONT

ÉMILIEROMAGNE Gênes LIGURIE

FRANCE

FRIOULVÉNÉTIEJULIENNE

MONACO

Mer Ligurienne

BOSNIEHERZÉGOVINE

SAINT-MARIN

Ancôme Pérouse MARCHES Mer

OMBRIE L’Aquila Corse

CROATIE

Golfe de Venise

Bologne

TOSCANE

Trieste

Venise

Florence

Golfe de Gênes

SLOVÉNIE

ABRUZZES Adriatique

LATIUM

Rome

MOLISE Golfe de Gaète

POUILLES

CAMPANIE Naples

Bari

Potenza BASILICATE

SARDAIGNE

Mer Tyrrhénienne

Tarente Golfe de Tarente

Cagliari

CALABRE Catanzaro

Mer Méditerranée

Palerme

Taux de chômage par région en 2021

SICILE

en %

7

10,5

14

21

PIB en 2020

en millions de dollars 469 756 200 000 100 000 5 807

Mer Ionienne

200 km

Le cœur économique Le triangle majeur

Tourisme Alpestre

Balnéaire

Développement en direction du Mezzogiorno

Sources : OCDE, INSEE.

3,5

Catane

113

LA PÉNINSULE IBÉRIQUE Territoire exigu, n’ayant que l’Espagne comme pays frontalier, le Portugal s’est tourné vers sa façade mari‑ time pour s’étendre stratégiquement et commercialement. Il allait devenir la première puissance mondiale avant que l’Espagne ne lui ravive la place à la fin du xve siècle. Grâce à l’intervention du pape et au traité de Tordesillas (1494) partageant l’Amérique latine entre les deux Empires, le passage de la suprématie mondiale d’une puissance à l’autre ne déboucha sur aucun conflit.

UN PASSÉ EN COMMUN Le Portugal a pour souci constant de maintenir son indépendance par rapport à son voisin, devenu plus puissant. Par la suite, les deux pays ont connu des évolutions communes : les conquêtes napoléoniennes, la mise en place de dictatures militaires d’extrême droite (Salazar au Portugal et Franco en Espagne) puis leur chute (1974 et 1975) et l’intégration européenne. S’étant tenus à l’écart de la Seconde Guerre mondiale, les régimes fascistes n’avaient pas été inquiétés en 1945. Le Portugal, dont les Açores étaient vitales au lien entre Europe et États‑Unis, avait même adhéré à  l’Organisation du traité de ­l’Atlantique nord (OTAN) dès sa création. L’Espagne, sans entrer immédiatement dans l’Alliance atlantique, établit un partenariat avec les États‑Unis. L’entrée dans la Communauté économique européenne (CEE) en 1986 se traduisit par une formidable accélération du développement économique et la modernisation des deux pays. De nombreuses entreprises s’y installèrent, attirées par la stabilité politique et la main-d’œuvre, qualifiée et bon marché. Ce fut une période d’enracinement démocratique et de prospérité économique. Espagne et Portugal disposent chacun d’un espace politique, culturel et linguistique, formé de leurs anciennes colonies lusophones (Brésil, Angola, Mozambique) et hispanophones (Amérique latine). Le développement de la plupart de ces pays a cependant modifié le rapport de force et ne permet ni à l’Espagne ni au Portugal d’en faire des instruments à leur disposition.

VERS UNE SORTIE DE CRISE ? Les deux pays furent rattrapés par la crise économique de 2008 et connurent une forte régression sociale ainsi que l’exode d’une jeu­ nesse touchée par le chômage de masse et sans aucune perspective. Si le gouvernement espagnol reste fragile du fait de la division politique entre quatre partis – voire cinq désormais, avec l’apparition

114

du parti d’extrême droite Vox, qui obtint 1 5 % des voix aux élections générales de 2019 – ne pouvant réellement coopérer, le Portugal bénéficie d’une plus grande clarté politique. Dirigé depuis 2015 par le social-démocrate Antonio Costa, le Portugal a renoué avec la croissance et le chômage s’est effondré – passant de 16 % de la population active en 2013 à moins de 7 % en 2020. L’Espagne, lorsqu’elle était dirigée par des gouvernements socialistes, durant les mandats de Felipe Gonzales ou de José Luis Zapatero (2004-2011), avait une politique dynamique et ouverte sur la Méditerranée et l’Amérique latine, tout en se montrant active dans le monde arabe. Malgré les réticences de l’opinion qui avait en mémoire le soutien indirect des États‑Unis à Franco, elle adhéra à l’OTAN en 1982. Le Premier ministre conservateur, José Maria Aznar (1996-2004), prit la décision de suivre George W. Bush dans la guerre d’Irak, malgré la désapprobation de la majorité de ses citoyens. Le gouvernement Rajoy, au pouvoir de 2011 à 2018, fragile intérieurement et peu actif sur le plan international, ne permit pas à l’Espagne de jouer le rôle que son statut de 13e économie mondiale et 4e économie de l’Union européenne pouvait/devait lui permettre. L’Espagne a résolu la question basque en conférant une large autonomie à la région sous le gouvernement de Zapatero. Mais sous Rajoy, les partisans de l’indépendance (et non de l’autonomie) gagnent du terrain en Catalogne. Contesté notamment pour de multiples affaires de corruption, Mariano Rajoy est contraint à la démission en juin 2018 et remplacé par le socialiste Pedro Sánchez, qui forme un gouvernement minoritaire, renouvelé en décembre 2019. La situation politique reste instable en Espagne mais la situation économique s’est profondément améliorée : après avoir atteint 26 % de la population active, le chômage est passé sous la barre des 15 % en 2019 et le pays connaît une croissance annuelle supérieure à 2 % entre 2015 et 2020 (avant la crise liée à la pandémie de Covid-19).

L’EUROPE

Les langues espagnole et portugaise, atouts de puissance

OCÉAN PACIFIQUE

BÉLIZE GUATEMALA SALVADOR HONDURAS NICARAGUA COSTA RICA PANAMA COLOMBIE ÉQUATEUR

OCÉAN PACIFIQUE

ÉTATSUNIS

Macao

CUBA RÉPUBLIQUE DOMINICAINE PORTO RICO

TIMOR ORIENTAL

PORTUGAL

VENEZUELA

ANDORRE

PÉROU

Locuteurs lusophones natifs1

ESPAGNE BOLIVIE

PARAGUAY URUGUAY

OCÉAN ATLANTIQUE

25

50

90

100

25

50

90

100

Locuteurs hispanophones natifs

GUINÉEBISSAU BRÉSIL

1

en %

CAP VERT

CHILI

ARGENTINE

Sources : UNDTA, Institut Cervantes.

MEXIQUE

SÃO TOMÉET-PRÍNCIPE

GUINÉE ÉQUATORIALE GUINÉE ÉQUATORIALE

OCÉAN INDIEN

en %

Langues officielles

BRÉSIL Pays dont le portugais est la ou l’une

des langues officielles

PÉROU Pays dont l’espagnol est la ou l’une

ANGOLA MOZAMBIQUE

Dans certains pays – Timor oriental, Macao, Guinée équatoriale – dont le portugais est la ou l’une des langues officielles, le nombre de locuteurs natifs est très limité, contrairement au nombre de personnes le pratiquant comme seconde langue.

des langues officielles

Les pays au plus grand nombre de locuteurs 200 en millions Lusophones Hispanophones

100 50 5

carl format 182x127

p112_Espagne_Portugal

115

LES PAYS D’EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE, UN ESPACE HÉTÉROGÈNE Au sortir de la guerre, Staline mit en place des régimes communistes qualifiés de « démocraties populaires » dans tous les pays « libérés » par l’Armée rouge. Le rideau de fer marquait la division entre l’Est et l’Ouest de l’Europe. Le premier bloc se trouvait sous domination soviétique quand le second bénéficiait de la pro‑ tection américaine, du plan Marshall et du marché commun. La politique de containment mise en place par les États‑Unis empêchait toute avancée ultérieure soviétique, mais conservait sous sa domination les nations à l’est du rideau de fer.

L’intégration à l’UE et à l’Otan FINLANDE

UE en 2003

NORVÈGE

OCÉAN ATLANTIQUE

Pays ayant retiré leur candidature

POLOGNE

MONTÉNÉGRO KOSOVO ALBANIE Mer Méditerranée

Adhésion à l’OTAN En 1999 En 2004 En 2009

MOLDAVIE ROUMANIE

BOSNIEHERZ. SERBIE

ITALIE ESPAGNE

UKRAINE

AUTRICHE HONGRIE SLOVÉNIE CROATIE

PORTUGAL

Pays officiellement candidats en 2022 Pays candidats déclarés à intégrer l’UE en 2022 Pays candidats potentiels en 2022

LITUANIE

ALLEMAGNE LUX. RÉP. TCHÈQUE SLOVAQUIE SUISSE

En 2013

Sortie de l’UE en janvier 2020

RUSSIE

BIÉLORUSSIE

PAYSBAS

BELGIQUE

FRANCE

Mer Baltique

DANEMARK

En 2007

En 2017 En 2020 Pays officiellement candidats

GÉORGIE Mer Noire

BULGARIE

MACÉDOINE DU NORD

TURQUIE

GRÈCE

500 km

Sources : Toute l’Europe, site de l’OTAN.

ROYAUMEUNI

En 2004

LETTONIE

Mer du Nord

IRLANDE

Adhésion à l’Union européenne

ESTONIE

SUÈDE

ISLANDE

économique et une modernisation, aidées par de massifs transferts carl LE CHOIX ATLANTIQUE pourne moi l’épaisseur des hachures Les200x100 différents gouvernements des pays du bloc de l’Est sont de fonds de l’UE. de la Crimée est bonne (fais un zoom ou imprime le doc) format jamais parvenus à acquérir une légitimité. Ils ne tenaient que par la contrainte militaire exercée par l’URSS. Ils étaient impopulaires p114_Integration_UE_OTAN et répressifs, de surcroît aux ordres d’un pays étranger. Lorsque Gorbatchev décida de mettre fin à la mainmise soviétique sur ces régimes, ils tombèrent les uns après les autres, entre juillet et décembre 1989. Les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) recouvraient à la fois liberté et souveraineté. Ils demandèrent à adhérer à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), afin d’obtenir la garantie américaine contre une Russie dont ils craignaient toujours la menace, et à l’Union européenne (UE), pour bénéficier de son dynamisme économique et de sa stabilité politique. L’adhésion à cette dernière permit une transition démocratique et stable dans la région, ainsi qu’une croissance 116

UN ENSEMBLE DEVENU HÉTÉROGÈNE La crainte de la résurgence d’une menace russe reste dominante dans les imaginaires de ces pays. C’est notamment ce qui explique leur soutien à la guerre d’Irak en 2003, en solidarité avec le « protecteur » américain. De manière générale, les PECO sont plus atlantistes qu’européens. Leur intégration à l’UE a par ailleurs entravé la constitution d’une « Europe puissance ». Le ralentissement économique et la crise des réfugiés sont venus accentuer ces divergences. La Pologne et la Hongrie se sont dotées de gouvernements de droite dure, faisant craindre pour le respect des libertés internes et des valeurs proclamées de l’UE. Les autorités de ces pays en viennent à critiquer les institutions

L’EUROPE

Évolution des frontières en Europe centrale entre 1914 et 2008 1914

1923-1937

NORVÈGE SUÈDE

SUÈDE

DANEMARK RUSSIE ALLEMAGNE

ALL. ALLEMAGNE

BELGIQUE LUX.

SUISSE

LETTONIE LITUANIE

PAYSBAS

LUX. FRANCE

ESTONIE

DANEMARK

PAYSBAS BELGIQUE

FINLANDE

NORVÈGE

FRANCE

AUTRICHE - HONGRIE

SUISSE

RUSSIE

POLOGNE

TC

HÉC

AUTRICHE

OSLOV AQUIE

HONGRIE ROUMANIE

ROUMANIE ITALIE

MONTÉNÉGRO

SERBIE

ITALIE

BULGARIE

ALBANIE

1949-1989

ALBANIE

2008

SUÈDE

DANEMARK

LUX.

RFA

FRANCE

TC

RDA

SUISSE

HÉC

OSLOV AQUIE

FRANCE

HONGRIE

BIÉLORUSSIE POLOGNE

ALLEMAGNE LUX. RÉPUBLIQUE TCHÈQUE SLOVAQUIE SUISSE

AUTRICHE SLOVÉNIE

ROUMANIE YOUGOSLAVIE

ITALIE

BULGARIE ALBANIE

LITUANIE

PAYSBAS BELGIQUE

300 km

carl européennes lorsque ces dernières émettent de modestes rappels format 182x153 présentent comme des entraves à la souveraineté. à l’ordre, qu’elles C’est pourtant l’adhésion à l’UE qui a permis leur réussite économique.

La Hongrie de Viktor Orban a opéré un tournant prorusse sur p115_Frontieres_Europe_1914_2008

fond d’ultranationalisme quand la Pologne et les États baltes (victimes historiques des appétits territoriaux de Moscou) se montrent critiques envers la Russie, leur peur ayant été ravivée par la guerre en Géorgie (2008) et l’annexion de la Crimée (2014). La Roumanie, proaméricaine, est également sur une ligne dure avec Moscou. La guerre en Ukraine, lancée par la Russie en février 2022, vient renforcer le sentiment de défiance et légitimer la crainte de ces pays envers Moscou. Leur dépendance à l’égard du gaz russe (plus de 80 % pour la Bulgarie, 70 % pour la Slovaquie, près de 50 % pour la Pologne) les pousse, comme le reste de l’Europe, à repenser leur politique d’importation de matières premières énergétiques. Ces pays doivent par ailleurs faire face à l’afflux de réfugiés en provenance d’Ukraine. Seule la Hongrie de Viktor Orban conserve une ligne floue, entre

RUSSIE

LETTONIE RUSSIE

POLOGNE

AUTRICHE

ITALIE

ESTONIE

DANEMARK URSS

BELGIQUE

300 km

FINLANDE

NORVÈGE

SUÈDE

PAYSBAS

BULGARIE

300 km

FINLANDE

NORVÈGE

YOUGOSLAVIE

UKRAINE MOLDAVIE

HONGRIE

CROATIE

ROUMANIE

BOSNIEHERZ. SERBIE BULGARIE KOSOVO MONTÉNÉGRO ALBANIE MACÉDOINE DU NORD

300 km

alignement sur les positions et décisions européennes et maintien d’une certaine proximité avec Moscou. En 2011 est créé un forum de contact entre la Chine et les PECO : le Forum commercial et économique (16+1), comprenant onze États membres de l’UE (Bulgarie, Croatie, Estonie, Hongrie, Lituanie, Lettonie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie et Slovénie) et cinq candidats à l’adhésion (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine, Monténégro et Serbie). Ce mécanisme de coopération empêche les pays de l’UE d’adopter une approche commune vis-à‑vis de Pékin. Bien que tous membres de l’OTAN et de l’UE, les PECO ne f­ orment plus un ensemble homogène. Le groupe de Visegrád (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie), créé en 1991, très soudé pour négocier l’adhésion à l’UE, illustre bien cette dispersion. Chaque pays agit en fonction de ses propres intérêts, intérieurs et extérieurs. Ils ont cependant en commun une tendance au repli identitaire et à l’hostilité à l’égard des réfugiés, notamment venus du Proche-Orient, tout en étant accueillants pour les Ukrainiens. 117

L’EUROPE DU NORD, UN ESPACE DIFFÉRENCIÉ Au Moyen Âge, la Hanse, réseau de plus de 200 villes marchandes de la mer du Nord et de la mer Baltique, était prospère et puissante, grâce à une coopération fructueuse qui s’est brisée sur la falaise des rivalités après le xve siècle.

Les pays nordiques, un exemple à suivre ? PIB par habitants

Jan Mayen (Norvège)

GROENLAND (Danemark)

en dollars en 2020

48 000 52 000 65 000 75 000 17 %

Prestations sociales

0,25

99,6 %

15

e

ISLANDE

25,5 %

3

e

Reykjavik

1er Îles Féroé (Danemark)

8

e

26 %

6,7 %

NORVÈGE

3e

0,26

0,28 SUÈDE 26 %

OCÉAN ATLANTIQUE

Oslo

52

Liberté de la presse

63,6

7e

29 %

0,27

%

1er

FINLANDE 5e

%

Stockholm

0,26

RUSSIE

ESTONIE

Mer du Nord

* L’indice de GINI permet de calculer les inégalités de revenus au sein d’une économie. Plus il est proche de 1, plus celles-ci sont importantes.

27 %

28 %

UN ESPACE RECOMPOSÉ

carl Pendant la guerre froide, la région symbolisait le partage du format 180x75 monde entre le Danemark et la Norvège, membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), la Pologne du p116_Europe_Nord pacte de Varsovie et les pays baltes, parties de l’Union soviétique. La Suède et la Finlande étaient des pays « neutres », bien que la première soit plus proche des Occidentaux et la seconde de l’URSS. La fin du clivage Est-Ouest a balayé ces différences. En 1992 fut mis en place un Conseil des États de la mer Baltique : en sont membres l’Allemagne, le Danemark, l’Estonie, la Finlande, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Russie, la Suède, l’Islande (depuis 1995), la Norvège et l’Union européenne (UE). Mais la région reste l’une des principales zones de tensions entre la Russie et les pays de l’OTAN. L’Alliance atlantique y a renforcé ses moyens terrestres, aériens et navals, dans le but de rassurer les pays de l’Est face à ce qu’ils perçoivent comme la résurgence de la « menace russe ». La Russie muscle également son dispositif en réaction à ce qui est présenté comme une politique d’encerclement. La réciprocité des tensions entraîne leur inéluctable montée en puissance. L’enclave de Kaliningrad, qui offre – avec Saint-Pétersbourg – le seul accès russe à la mer Baltique, est d’une importance stratégique majeure. D’autre part, tous les pays riverains de la mer Baltique, excepté la Russie, appartiennent à l’UE et à l’espace Schengen.

118

POLOGNE

BIÉLORUSSIE

Classement en 2022

Part du renouvelable

0,26 DANEMARK Mer Baltique LITUANIE 2e Copenhague 2e

En 2018

Le bonheur selon le rapport mondial de l’ONU 1er

LETTONIE

ROYAUME-UNI

Classement en 2022

Coefficient de Gini*

1er

Helsinki

En % du PIB en 2019

6,7 %

500 km

LE FACTEUR RUSSE

Part dans la production d’énergie en 2017

Sources : OCDE, RSF, ONU, Année stratégique 2021, Année stratégique 2022, World happiness report 2022.

FORMAT LesATTENTION pays d’Europe du Nord (Danemark, Norvège, Suède, Finlande) sont de solides États providence de tradition social-démocrate. Ils sont parmi les pays les plus prospères du monde occidental et furent très en pointe dans l’aide au tiers-monde, y consacrant une part plus importante de leur PIB que la plupart des autres pays. Ils ont de plus toujours lutté efficacement contre la corruption, pour la promotion des droits humains et la protection de l’environnement. Mais l’afflux de réfugiés généreusement accueillis (guerre de l’ex-Yougoslavie, guerre d’Irak, fuyant les dictatures) et la crise économique de 2008 ont développé en Europe du Nord des mouvements populistes anti-immigrés. L’accroissement des craintes après la crise ukrainienne a rapproché la Suède (qui a rétabli le service militaire) et la Finlande de l’OTAN. La guerre lancée par la Russie en février 2022 contre l’Ukraine les pousse définitivement vers l’Alliance atlantique : Helsinki comme Stockholm entament le processus d’adhésion. Les pays baltes (ainsi que la Pologne annexée par Moscou en 1940) vivent toujours dans la hantise d’un retour en force de la Russie. Ils craignent qu’elle ne tente à nouveau de les annexer et comptent sur une protection américaine, d’autant plus après l’agression russe contre l’Ukraine. De ce fait, ils suivent les orientations diplomatiques américaines et augmentent leurs dépenses militaires. La Norvège qui, notamment grâce à son pétrole, est le pays le plus riche de la région préfère se maintenir à l’écart de l’UE. Elle s’est dotée d’un fonds souverain particulièrement actif, qui investit en fonction de critères éthiques.

L’EUROPE

UNE EUROPE EN RECONSTRUCTION Les projets d’organisation du continent européen existent depuis longtemps : projet de paix perpétuelle de l’abbé de Saint-Pierre (1715), proposition de Victor Hugo de créer les « États‑Unis d’Europe » (Congrès de la paix de 1849) ou projet d’Union européenne de Richard Coudenhove-Kalergi (1923), mais aussi tentatives d’unification par l’Empire (Napoléon) et l’agression (Hitler).

Le conseil de l’Europe Finlande

Islande Norvège Suède

Adhésions

RoyaumeUni

1950-1989 1990-1994

Belgique Lux. France

Andorre

Portugal Espagne

Russie

Lituanie

PaysBas

1995-1996 1997-2008

Estonie Lettonie

Danemark

Irlande

Membre exclu à partir du 16 mars 2022

Pologne

Allemagne

Rép. tchèque

Slovaquie

Ukraine

Liecht. Autriche Moldavie Suisse Hongrie Slovénie Roumanie Croatie St-Marin BosnieMonaco Herz. Serbie Italie Bulgarie Monténégro Macédoine Albanie du Nord

Géorgie Arménie Azerbaïdjan Turquie

Grèce

Malte

TIRER LES LEÇONS DE L’HISTOIRE Après la Seconde Guerre mondiale, les pays européens de l’Ouest réalisent qu’ils ont non seulement perdu la place de « leader mondial » dont ils bénéficiaient depuis la fin du xve siècle, mais qu’ils ne sont pas en mesure de se défendre contre l’URSS. Les principales leçons des erreurs de l’après-Première Guerre carl mondiale avaient été tirées : il fallait réintégrer l’Allemagne et non format 180x100 pas empêcher sa reconstruction ; les États‑Unis devaient renoncer à l’isolationnisme dont Pearl Harbor avait montré qu’il ne constituait p118_Conseil_Europe pas une protection. Harry Truman déclara que les États‑Unis allaient prendre « la tête du monde libre ». Il s’agissait de faire face au défi soviétique, certes politique (démocratie contre dictature), mais également géo­politique (Washington ne pouvait accepter que l’URSS contrôle ­l’Eurasie). L’Union soviétique a imposé son régime sur les pays libérés du nazisme par l’Armée rouge, et il était craint qu’elle veuille pousser son avantage à l’Ouest. En avril 1949 est constituée l’Alliance atlantique. Les États-Unis devenaient alors membres d’une alliance militaire en temps de paix. L’Allemagne de l’Ouest y fut intégrée en 1955.

Chypre

500 km

LA RÉCONCILIATION FRANCO-ALLEMANDE C’est sur le plan politique et économique que la réconciliation franco-allemande fut la plus spectaculaire et la plus efficace. Le 9 mai 1950, Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères, proposa de faire l’Europe « par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait » et non « d’un coup » ou « dans une construction d’ensemble ». En mettant en commun leur production de charbon et d’acier (matières premières centrales à l’époque), la guerre était rendue « impensable car mutuellement impossible ». En 1952 naquit la Communauté économique du charbon et de l’acier (CECA), réunissant France, Allemagne, Italie, Belgique, PaysBas et Luxembourg. En 1957, le traité de Rome créa la Communauté économique européenne (CEE), « marché commun » qui boosta les économies des pays membres et transforma d’anciens ennemis en partenaires incontournables. Le conflit militaire n’était plus envisageable. La construction européenne est le symbole même du triomphe du volontarisme politique sur le déterminisme conflictuel.

119

Les élargissements de la CEE/UE Dates d’adhésion 1957 1973

Finlande

Islande Norvège Suède

1981

Estonie

1986 1990 (ex-RDA) 1995

RoyaumeUni

2004 2007

Pologne

Allemagne

Lux. France

Lituanie

PaysBas

Belgique

2013 Sortie de l’Union européenne en janvier 2020 Pays officiellement candidats en 2022 Pays candidats déclarés à intégrer l’UE en 2022 Pays candidats potentiels Pays ayant retiré leurs candidatures Pays ayant vu sa candidature refusée

Lettonie

Danemark

Irlande

Suisse

Rép. Tchèque Autriche

Espagne

Roumanie Croatie BosnieHerz. Serbie Italie Bulgarie Monténégro Albanie Macédoine du Nord Kosovo

Maroc

L’INFLUENCE AMÉRICAINE

Moldavie

Hongrie

Slovénie

Portugal

Ukraine

Slovaquie

Malte

Géorgie

Turquie

Grèce Chypre

500 km

Ces adhésions successives et relativement rapides sont venues Revenue à la prospérité dans les années 1960, l’Europe aurait diluer l’identité européenne. Les plus « jeunes » membres comptent pu faire le choix d’une plus grande indépendance à l’égard des plus sur les États‑Unis pour contrer la « menace » russe. En 2016, le pour moi hachures de la Crimée bonne (fais(Brexit) un zoom ou imprime États‑Unis, comme le proposait le général de Gaulle. Mais,l’épaisseur hormis deschoix du Royaume-Uni deest sortir de l’UE a sonné comme le undoc) carl la France, les pays européens, ne bénéficiant pas de l’autonomie coup d’arrêt à la progression numérique de l’UE. format 180x100 stratégique que permet l’arme nucléaire, préféraient conserver À la fin de la guerre froide, loin de disparaître avec la menace qui une garantie américaine, quitte à ce qu’elle se traduise par une avait suscité sa création, l’OTAN connut une nouvelle progression, p119_Elargissements_CEE_UE relative dépendance politique. avec l’adhésion des anciens pays du pacte de Varsovie et des trois Le général de Gaulle était hostile à l’admission de la GrandeÉtats baltes, qui appartenaient à l’Union soviétique. La France réintéBretagne, considérée comme le cheval de Troie des Américains dans gra même les organes militaires. L’élargissement de l’OTAN a contrila CEE. Mais, en 1973, de Gaulle n’étant plus au pouvoir, elle put bué à la crispation de la Russie, qui a suscité une remontée de l’effort l’intégrer avec l’Eire (Irlande) et le Danemark, la Norvège choisissant militaire de l’Alliance. Si l’OTAN a amené la sécurité sur le continent de rester à l’écart. européen, elle est également un frein à une organisation stratégique Contrairement à l’OTAN, qui avait accepté la dictature portugaise autonome de ce dernier. Les Américains ont souvent évoqué le bur‑ et certains régimes militaires, notamment en Grèce et en Turquie, la den sharing (partage du fardeau), mais guère le power sharing, car CEE posait comme condition la nature (démocratique) du régime. ils sont largement maîtres des décisions au sein de l’Alliance. Après C’est ainsi que la Grèce en 1981, puis l’Espagne et le Portugal, les élections européennes de 2019, une nouvelle commission qui se en 1986, ont pu la rejoindre une fois libérés de leurs régimes dictaveut « géopolitique » se met en place sous la présidence d’Ursula Von toriaux. En 1992, le traité de Maastricht transformait la CEE en Union Der Leyen (Allemagne). Mais il est difficile de sortir de la dépendance européenne (UE), c’est-à‑dire en union politique, et prévoyait la créaà l’égard des États-Unis. tion d’une monnaie commune, l’euro. L’idée était alors d’encadrer Face à la pandémie de Covid-19, les États membres ont dans un la réunification allemande au sein d’un projet européen plus vaste. premier temps répondu en ordre dispersé. Mais le vote d’un plan de La fin de la guerre froide permit l’adhésion de pays autrefois relance inédit dans son montant et sa structure financière (puisqu’imneutres et non alignés – Finlande, Suède et Autriche en 1995 – puis pliquant un partage de la dette entre États membres) a constitué un un « big bang » en 2004, avec l’adhésion de dix pays, la plupart véritable « moment » européen. Les économies européennes, bien anciens membres du pacte de Varsovie – Chypre, Estonie, Hongrie, qu’aujourd’hui endettées, sont pour la plupart parvenues à limiter des Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie et dégâts qu’on pensait massifs. La gestion de la vaccination à l’échelle Slovénie. En 2007, la Bulgarie et la Roumanie, puis en 2013, la Croatie, du continent, là aussi chaotique dans un premier temps, s’est ensuite élargirent le cercle. coordonnée et a permis à l’Europe d’envisager une sortie de crise. 120

L’EUROPE

La guerre en Ukraine, déclenchée par la Russie en février 2022, a constitué un véritable choc pour les États membres, marquant le retour d’une guerre interétatique de haute intensité sur le vieux continent. Les États membres ont fait preuve d’une rare unité dans la condamnation des violations russes du droit international, dans leur soutien à l’Ukraine et dans l’application de sanctions d’une ampleur inédite. Dans ce contexte, en juin 2022, le Conseil européen (composé des 27 chefs d’État et de gouvernement) accordent le statut de candidat officiel à l’Ukraine (malgré le très haut degré de corruption du pays et l’écart économique abyssal par rapport aux pays membres) et à la Moldavie voisine. Un nouvel élargissement qui, s’il avait lieu à court terme, pourrait déstabiliser l’ensemble européen. D’un point de vue militaire, la guerre a enclenché un processus de renforcement des arsenaux militaires européens et donc une augmentation des budgets nationaux dédiés à la défense. Sur le plan stratégique, l’absence de structure militaire européenne pousse la plupart des États membres à se tourner vers l’OTAN, et donc vers le protecteur américain. Les projets de souveraineté européenne en matière de défense semblent relégués, pour un temps, au second plan. La guerre pousse les membres de l’Union a repenser leurs stratégies énergétiques pour sortir d’une dépendance trop forte à l’égard de la Russie. Ce recentrage stratégique des Européens autour des Etats-Unis les poussera-t‑il à long terme à suivre Washington

dans son opposition face à Pékin, qui reste la priorité stratégique du point de vue américain ? Enfin, l’augmentation des prix des matières premières énergétiques dans le contexte de la guerre, en période de sortie de crise liée à la pandémie de Covid-19, engendre le retour de l’inflation au sein de l’Union européenne – inflation qui reste modérée par rapport à d’autres régions du monde.

UN EUROSCEPTICISME ? La construction européenne qui a apporté la prospérité à la région est remise en cause. L’euroscepticisme a gagné du terrain, l’Europe étant accusée de ne pas faire face à la crise économique et à celle des réfugiés, ainsi que de limiter le choix souverain des pays membres. La paix et la réconciliation étant des objectifs atteints depuis longtemps, il faut redonner de nouvelles perspectives aux citoyens européens. L’Europe doit lutter efficacement contre la fraude fiscale des multinationales, faire jeu égal avec la Chine et les États‑Unis dans la recherche et le développement, etc. L’UE reste attractive pour les pays du continent qui n’en sont pas membres et pour les individus qui sont parfois prêts à de nombreux sacrifices pour la rejoindre. Avec moins de 6 % de la population mondiale, elle pèse 18 % du PIB mondial et 50 % des dépenses sociales mondiales.

121

LES BALKANS, APRÈS LES GUERRES L’image des Balkans a longtemps été liée aux guerres balkaniques pré-Première Guerre mondiale, puis aux conflits de l’ex-Yougoslavie à la sortie de la guerre froide, qui ont révulsé les opinions européennes. Aujourd’hui, les pays balkaniques ont pour point commun leur aspiration à intégrer l’Union européenne. Cette perspective permet à la région d’éviter de retomber dans de sombres périodes de conflits.

Les Balkans et l’intégration européenne SLOVAQUIE

ALLEMAGNE

FRANCE

UKRAINE AUTRICHE

SUISSE

SLOVÉNIE

SAINT-MARIN MONACO ANDORRE

ESPAGNE

ITALIE

HONGRIE ROUMANIE

CROATIE BOSNIEHERZÉGOVINE

MONTÉNÉGRO KOSOVO ALBANIE

Mer UE à 27 Méditerranée Pays officiellement candidats en 2022 Pays candidats déclarés à intégrer l’UE en 2022 Pays potentiellement candidats MALTE Accord de stabilisation et d’association (ASA) Membres États utilisant l’euro sans Espace Schengen de la zone euro appartenir à la zone euro

LA PAIX REVENUE Le sommet européen de juin 2003 a  reconnu une vocation carl européenne à tous les pays des Balkans occidentaux (Bosnieformat 182x90 Herzégovine, Croatie, Serbie, Monténégro, Kosovo, Macédoine et Albanie), mais chacun d’entre eux est jugé en fonction de p120_Balkans ses propres capacités. La Croatie, déjà considérée au début des années 1990 plus proche, notamment de l’Allemagne, fut la première à intégrer pleinement l’UE en 2013, bien que certains de ses dirigeants aient également de lourdes responsabilités dans les crimes commis pendant les conflits des années 1990. L’indépendance du Kosovo a été reconnue en 2008, neuf ans après la guerre de l’OTAN, par une majorité de pays de l’UE (sauf ceux qui sont, comme l’Espagne, confrontés à des revendications autonomistes internes). Elle ne l’est cependant ni par la Chine ni par la Russie et le pays ne peut donc pas adhérer à l’Organisation des Nations unies (ONU). Cette indépendance est un échec dans la mesure où le Kosovo regroupe toutes les caractéristiques d’un État failli avec une forte présence de réseaux mafieux.

L’ATTRACTIVITÉ DE L’UNION EUROPÉENNE Indépendante, la Bosnie-Herzégovine est bloquée par son système de gouvernance où Bosniaques (environ 50 %), Serbes (environ 30 %) et Croates (environ 15 %) vivent séparément. Le 122

MOLDAVIE

SERBIE BULGARIE

Mer Noire

MACÉDOINE DU NORD GRÈCE

TURQUIE

CHYPRE

300 km

Source : site de l’UE, touteleurope.eu

LIECHT.

chômage y est d’environ 20 % de la population active. Le pays a perdu un cinquième de sa population depuis l’indépendance. La Serbie espère rejoindre l’UE pour se retrouver sur un pied d’égalité avec la Croatie. Le Monténégro est dirigé par le même parti depuis 1991. Indépendant depuis 2006, il est admis à l’OTAN en 2017 (bien que la Russie y soit très présente) et souhaite rejoindre l’UE. Sa gouvernance est fortement critiquée. La Macédoine a trouvé un accord avec la Grèce en 2018 sur son nom, devenant Macédoine-du-Nord, et a intégré l’OTAN en 2021. En Albanie, le PIB par habitant représente 30 % de la moyenne européenne et un tiers de sa population a quitté le pays depuis vingtcinq ans. 10 % de la population du Kosovo a quitté le pays, près d’un tiers de la population est au chômage. Les perspectives d’intégration européenne sont un facteur de stabilisation, mais la situation économique de ces pays rend impossible une adhésion à moyen terme. Serbes et Kosovars évoquaient un échange agréé de territoires pour résoudre leurs différends, mais certains pays européens, dont l’Allemagne, restent réticents aux modifications frontalières, même agrées en commun.

L’EUROPE

LA PUISSANCE RÉAFFIRMÉE DE LA RUSSIE Pays ayant la plus grande superficie mondiale, la Russie souffre néanmoins d’un complexe d’encerclement. Moscou est considérée comme une menace majeure par les Occidentaux, encore plus après la guerre lancée contre l’Ukraine en 2022, et ce bien que son armée ne se soit pas montrée très efficace.

DE LA SUPERPUISSANCE SOVIÉTIQUE AU DÉCLIN RUSSE Si l’URSS a fait trembler le monde occidental pendant toute la durée de la guerre froide, la Russie, issue de son démembrement, fut considérée par les États‑Unis comme le pays vaincu, hors-jeu de la scène internationale. Aujourd’hui, sous la présidence de Vladimir Poutine, bien qu’elle soit consciente de ne plus bénéficier du statut international qui fut celui de l’URSS, la Russie entend faire valoir ses vues et ne pas se laisser dicter sa conduite, notamment par Washington. Elle se veut l’un des pôles de puissance d’un monde multipolaire. La décennie 1990 fut celle du déclin russe. Débarrassée de la rigidité de la planification centralisée du système soviétique qui étouffait toute initiative individuelle, on pensait la Russie, riche en matières premières et dotée d’une population bien formée, sur le point d’atteindre des performances économiques inconnues jusqu’alors. Il n’en fut rien, la gestion de Boris Eltsine s’avérant catastrophique. Tout d’abord, la dissolution de l’URSS, loin de bénéficier à chacun des États qui en étaient issus, les a au contraire pénalisés, par la remise en cause de circuits économiques existants. Chez certains d’entre eux, les privatisations ne furent qu’une vaste spoliation du peuple russe au profit d’amis du pouvoir. Ces derniers, conscients du caractère illégitime de leur récente fortune, en ont placé une partie à l’étranger, afin d’éviter un retour de bâton. À nouveau, une spoliation du peuple russe. Incapable de faire prévaloir l’autorité de l’État, malgré un autoritarisme agressif allant jusqu’à l’assaut du Parlement en 1993 pour faire taire l’opposition communiste, B. Eltsine a laissé le sentiment d’un pays sans réelle gouvernance. De 1991 à 2000, le PIB russe a diminué de moitié, la production agricole de 40 % et les mafias se sont largement développées. L’insécurité généralisée, les barons régionaux s’affranchissaient de la tutelle du pouvoir central. B. Eltsine fut à l’initiative de la guerre, pour répondre aux demandes d’indépendance tchétchènes, elles-mêmes nourries par l’indépendance russe. Cette guerre a surtout prouvé l’inefficacité et la brutalité de l’armée russe, venues s’ajouter au goût amer de la défaite en Afghanistan, et du retrait de l’armée des pays de l’Est effectué dans des conditions catastrophiques. Le naufrage du sous-marin à propulsion nucléaire Kousrk est venu ajouter un sentiment de déchéance et d’humiliation. L’URSS rencontrait des problèmes de ravitaillement et d’inégalité entre les citoyens ordinaires et ceux de la nomenklatura. La Russie a connu une explosion des inégalités entre des fortunes colossales, rapidement et illégitimement acquises, et la misère dans laquelle est plongée une grande part de la population. Sur le plan international, cette décennie fut celle d’une série de reculs et de défaites stratégiques. La Russie a disparu au niveau mondial, n’étant plus présente en Amérique latine, en Afrique et au

Proche-Orient. Malgré les promesses faites à M. Gorbatchev lors de la réunification allemande, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) s’est élargie jusqu’à ses frontières. En dépit de sa très forte opposition, la guerre du Kosovo contre son allié yougoslave a eu lieu. Enfin, les Américains ont commencé à déployer un système de défense antimissile qui constituait, pour Moscou, une remise en cause de la parité nucléaire.

LE RETOUR DE LA PUISSANCE RUSSE Lorsque V. Poutine accéda au pouvoir en 1999, animé par une soif de reconstituer la puissance russe. La disparition de l’URSS, selon lui la « plus grande catastrophe stratégique du xxe siècle », représentait à ses yeux la fin de l’équilibre des forces et la vision américaine d’un monde unipolaire. Mais son réalisme le conduisit à ne pas souhaiter reconstituer l’Union soviétique, déclarant : « Celui qui ne regrette pas l’Union soviétique n’a pas de cœur, mais celui qui veut la recréer n’a pas de tête ». Guidé par l’objectif de reconstituer l’autorité de l’État et de redorer la puissance internationale de la Russie, il conclut un pacte avec les oligarques qui leur garantissait la conservation de leur fortune, à condition d’en réinvestir une partie dans l’économie russe et ne pas le contester politiquement. Il mettra au pas les bureaux régionaux en restaurant autoritairement les pouvoirs des autorités centrales. Enfin, il se montra inflexible avec ses opposants. La population, traumatisée par la décennie précédente, préfère un régime autoritaire efficace. Après le 11 septembre 2001, il proposa aux États‑Unis de coopérer, allant même jusqu’à signer un accord avec l’OTAN en 2002. Conscient que le rapport de force ne jouait pas en sa faveur, il profita de la lutte globale contre le terrorisme pour bâillonner les critiques sur le comportement de l’armée russe en Tchétchénie, Poutine y ayant lancé une deuxième guerre à compter de l’été 1999. S’opposant en 2003 à la guerre d’Irak, il confirma l’hostilité russe envers l’ingérence et le regime change émanant des Occidentaux. Celle-ci a néanmoins servi ses intérêts stratégiques, par l’enlisement américain et l’élévation du cours des matières premières énergétiques. La création des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) a permis à V. Poutine de consolider ses liens avec les pays non occidentaux.

LES LIMITES DE LA PUISSANCE RUSSE Les révolutions de couleur, géorgienne et ukrainienne, qui ont amené au pouvoir des gouvernements souhaitant s’affranchir de Moscou, firent craindre à V. Poutine une nouvelle avancée des Occidentaux. Il y répondit d’abord en suscitant des mouvements sécessionnistes en Géorgie et en cessant de subventionner le 123

La recomposition régionale dans l’ex-URSS

Finlande

Kaliningrad (Russie)

Lettonie Pologne Biélorussie

Moldavie

Ukraine

Mer Noire

Mer d’Okhotsk

RUSSIE Donbass/ Lougansk

Géorgie Ingouchie

Abkhazie/ Ossétie du Sud

Tchétchénie

Turquie

Kazakhstan

Daghestan

Kurdes

Syrie

Arabie saoudite

Mongolie

Haut-Karabagh

Arménie Azerbaïdjan Irak

Les conflits

Ouzbékistan

Turkménistan

Kirghizistan Tadjikistan

Iran Cachemire

Pakistan Népal

Conflit gelé

Inde 1 000 km à l’équateur

Cambodge, Sri Lanka

gaz à destination de l’Ukraine, pour l’adapter au prix du marché. En 2008, la Géorgie voulut reconquérir les provinces sécessionnistes et subit une défaite cinglante face à l’armée russe. V. Poutine estime que le monde occidental lui est hostile : il opère carlun tournant plus agressif, accroissant son impopularité dans cette format 182x125 partie du monde, mais renforçant sa popularité interne : le réflexe patriotique ajouté à l’amélioration du niveau de vie joue en sa faveur. p122_Recomposition_Russie La proposition d’un accord d’association de l’UE à l’Ukraine en mars 2014 le conforta dans l’idée d’une défiance occidentale. La Russie annexa la Crimée et soutint des combattants indépendantistes dans le Donbass. Elle se vit exclure du G8 et imposer des sanctions occidentales. La Russie a gagné la Crimée mais elle a perdu l’Ukraine, dont le sentiment national s’est forgé contre Moscou. Elle assiste en conséquence à une montée en puissance de l’OTAN, notamment sur le flanc est-européen, quand son budget militaire ne représente que 10 % de celui des États‑Unis. Ces différents éléments rapprochèrent Moscou de Pékin, conscient pourtant des limites de cette alliance, du fait du rapport de force qui lui est défavorable. La guerre civile en Syrie permit à V. Poutine de réapparaître en force au Proche-Orient, même si le maintien de Bachar Al-Assad au pouvoir pourrait lui être coûteux. Il parvient à entretenir des relations avec l’ensemble des acteurs de la région : Israël comme les Palestiniens, l’Iran comme l’Arabie saoudite. La Russie refait également surface en Afrique où elle profite d’un sentiment de rejet des anciennes puissances coloniales, et 124

L’Organisation pour la démocratie et le développement (GUAM) États membres

(retrait en 2005 de l’Ouzbékistan)

Moyenne intensité

Japon

Corée du Sud

Chine Afghanistan

Forte intensité

Mars 2014 : annexion de la Crimée par la Russie

Mer du Japon

Corée du Nord

Sources : Site de l’Organisation pour la démocratie et le développement, site de la CEI, site de l’OCS.

OCÉAN GLACIAL ARCTIQUE

États observateurs

La Communauté des États indépendants (CEI) États membres

État associé

État observateur

L’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) États membres

États observateurs

Anciens États membres

Népal Partenaires de dialogue

notamment de la France, pour signer des accords sécuritaires avec certains États (Centrafrique) ou intervenir au travers de groupes paramilitaires (Wagner au Mali, en Libye). Lors de la pandémie de Covid-19, la Russie est l’un des rares pays à développer un vaccin, Sputnik V, qu’elle exporte dans plus de 70 pays. Poutine a été réélu en mars 2018 avec 75 % des voix. Son impopularité en Occident est proportionnelle à sa popularité interne même si l’allongement de la durée du travail avant la retraite a suscité des protestations. En 2020 était annoncée une réforme de la Constitution qui laissait planer la possibilité pour Vladimir Poutine de se porter de nouveau candidat à la présidence et donc d’hypothétiquement rester au pouvoir jusqu’en 2036. La guerre qu’il lance contre l’Ukraine le 24 février 2022 vient achever le processus d’exclusion de la Russie sur la scène internationale. Poutine, après avoir fait monter les tensions à la frontière ukrainienne pendant plusieurs mois, et en se montrant dans un premier temps ouvert au dialogue avant de lancer une opération surprise, a déjoué tous les scénarios stratégiques européens. Prise par surprise, l’Union européenne a réagi avec force et unité, mettant en place des sanctions inédites à l’encontre de Moscou. Les tenants européens d’une ligne dure à l’égard de la Russie sortent renforcés de la crise. La violation de la souveraineté ukrainienne par la Russie et les exactions commises par l’armée russe en Ukraine, notamment contre des civils, ont eu un écho majeur en Occident, renforçant la fermeté des dirigeants occidentaux. Vladimir Poutine a ainsi rompu

L’EUROPE les possibilités de dialogue à long terme avec l’Europe. Le continent européen est à nouveau durablement fracturé. Sur le plan interne, s’il continue de bénéficier d’un fort soutien de la population, les conséquences économiques des sanctions pourraient, à terme, nourrir une défiance contre le régime. La guerre et

les sanctions ont en effet révélé une double dépendance énergétique entre l’Europe et la Russie (dépendante de l’exportation des matières premières énergétiques qui représentent encore 75 % de ses recettes). Mais l’Europe pourrait plus facilement diversifier ses fournisseurs que la Russie ses clients.

La Russie, une puissance gazière ÉTATS-UNIS Mer de Béring

Pôle Nord

OCÉAN PACIFIQUE

Mer de Sibérie Orientale ly Ko ma

OCÉAN GLACIAL ARCTIQUE

Mer d'Okhotsk Mer des Laptev

Okha

a

Iakoutsk

YuzhnoSakhalinsk

JAPON

r

ou

Komsomolsk

Am

Lé n

Khabarovsk Birobidzhan Blagoveshchensk

Vladivostok Norilsk

Mer de Kara

RUSSIE iss

Lac Baïkal

ga ra



An

Mer de Barents

Irkoutsk

Krasnoïarsk

Ob

SUÈDE NORVÈGE

Novossibirsk

Arkhangelsk

FINLANDE Perm

Saint-Pétersbourg

Irty ch

1 000 km à l’équateur

Le gaz russe

Principaux réseaux de pipelines russes Pipelines russes en projet Pipeline Yamal Pipeline North Stream North Stream II, projet abandonné suite à Pipeline Brotherhood-Soyouz l’invasion russe en Pipeline Power of Siberia Ukraine (février 2022) Pipeline Turkish Stream Pipeline Bluestream Différentes voies d’acheminement du gaz russe vers l’Europe

KAZAKHSTAN Mer d'Aral

UKRAINE

OUZBÉKISTAN

Mer Tbilissi Caspienne Mer Noire GÉORGIE TURKMÉNISTAN Bakou Ankara

Mer Méditerranée

CHINE

Principaux gisements de pétrole et de gaz

Volgograd

TURQUIE

Gorno-Altaïsk

Samara

Vo lga

45 %

des importations de l’Union européenne en gaz provenaient de Russie en 2021, avant le déclenchement de la guerre en Ukraine

Moscou

MONGOLIE

Novokuznetsk

Barnaul

Omsk

Tioumen

Kazan

BIÉLORUSSIE

Abakan

Tomsk

Beijing

AZERBAÏDJAN IRAN

Sources : Eurostat, 2016 ; gazprom, Eurogas, 2013 ; Planète énergie.

Ién

OCÉAN ATLANTIQUE

En Europe 45 %

Février 2022 : déclenchement de la guerre en Ukraine suite à l’invasion russe. L’UE sanctionne la Russie et cherche à sortir de sa dépendance énergétique à l’égard de Moscou Dépendance de l’UE au gaz russe Corridor gazier sud-européen, voie d’importation européenne concurrente

125

carl format 182x215

LA TURQUIE, QUO VADIS ? La Première Guerre mondiale sonna le glas de l’Empire ottoman. Mais Mustapha Kemal Atatürk parvint à proclamer la République turque en 1923 et constitua un projet national, laïc, modernisateur et autoritaire. UNE VOCATION EUROPÉENNE… La Turquie a occupé pendant la guerre froide une place stratégique majeure, dans le cadre de la politique de containement. Pays ayant la plus longue frontière commune avec l’URSS, elle fut stratégiquement intégrée au monde occidental, notamment à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) en 1952. Elle participa à la guerre de Corée en 1950, montrant ainsi l’effectivité de sa solidarité. La Turquie adhéra au Conseil de l’Europe en 1949. Elle affirma sa vocation européenne dès 1963 et devint candidate officielle à l’Union européenne (UE – alors Communauté européenne) en 1987. Sa candidature retenue en 1999, les négociations commencèrent en 2005. Néanmoins, les réticences demeurent fortes du côté des pays européens pour différentes raisons : le retard économique du pays, la nature instable du régime, l’importance de sa population, les questions politiques et relatives aux droits de l’homme, la non-­ reconnaissance du génocide arménien, voire, pour certains, le caractère musulman du pays. L’UE est néanmoins le premier partenaire commercial de la Turquie, représentant 45 % de ses échanges. Le pays alterne régimes civils et régimes militaires. En 2002, le Parti de la justice et du développement (Adalet ve Kalkınma Partisi, AKP), se réclamant de l’islam, arriva au pouvoir, libéralisant l’économie et limitant l’influence des militaires. La question kurde connut alors certaines avancées, notamment à la suite d’un accord trouvé avec le leader emprisonné du PKK (Partiya Karkêren Kurdistan, Parti des travailleurs du Kurdistan), Abdullah Öcalan, qui prévoyait un cessez-le-feu et la reconnaissance des droits culturels kurdes, sans remettre en question l’intégrité territoriale du pays. Le sujet est considéré comme absolument vital dans un pays où 15 millions de Turcs sont d’origine kurde. Depuis 1974, la Turquie occupe une partie de l’île de Chypre, où elle a créé la République chypriote turque du Nord, qu’elle est seule à reconnaître. L’adhésion de Chypre à l’UE et l’intransigeance turque bloquent la situation.

… CONTRARIÉE Les atermoiements européens face à la demande d’adhésion, l’éclatement dû à la guerre civile en Syrie, la crainte que les tendances centrifuges en œuvre dans la région viennent renforcer les tentatives de sécession du Kurdistan et le coup d’État avorté en juillet 2016, vont amener le régime de Recep Tayyip Erdoğan à opérer un virage autoritaire. Les libertés publiques sont remises en cause et la volonté de compromis avec les Kurdes se réduit.

126

Tout en restant membre de l’OTAN, la Turquie s’est rapprochée de la Russie, malgré de graves divergences initiales sur la guerre civile syrienne – Ankara souhaite le renversement de Bachar Al-Assad, allié de Moscou. La Turquie, fait rare pour un pays de l’Alliance, est allée jusqu’à acheter des armes à Moscou. Le refus de Barack Obama d’intervenir en Syrie en 2013, le soutien américain aux Kurdes syriens dans la lutte contre l’État islamique et la tiédeur des réactions américaines pour condamner le coup d’État de 2016, ont largement refroidi les relations entre Ankara et Washington. La Turquie s’implique dans les conflits régionaux : elle intervient à plusieurs reprises en Syrie, en 2019 puis 2021, pour empêcher l’installation d’une zone kurde à sa frontière – un dossier qui pousse notamment le président Emmanuel Macron à déclarer l’OTAN en état de mort cérébrale à l’automne 2019. Elle s’immisce dans le conflit libyen en soutenant militairement le gouvernement de Sarraj sur fond d’accord pour l’exploitation d’hydrocarbures. La présence d’hydrocarbures en Méditerranée orientale vient d’ailleurs réveiller les tensions, trop peu endormies, entre Ankara et Athènes autour de leurs espaces maritimes. Des dossiers sur lesquels la France s’écharpe à nouveau avec la Turquie. À l’automne 2020, la Turquie, allié traditionnel de Bakou, soutient l’Azerbaïdjan dans la reprise du conflit qui l’oppose à l’Arménie au sujet du Haut-Karabagh. Ankara bénéficie et s’octroie un rôle de pivot régional et a une voix qui compte. Lors du conflit ukrainien, elle joue un rôle de médiation entre Moscou et Kiev et accueille des négociations sur son sol. La dérive autoritaire du président turc est vivement critiquée par les Européens – Erdoğan a été réélu dès le premier tour à l’élection présidentielle de juin 2018 – qui doivent pourtant tenir compte du pays, du fait de la « crise des réfugiés ». La Turquie accueille en effet 3 millions de réfugiés qui fuient la guerre civile en Syrie, en échange d’une aide économique qui évite qu’ils parviennent en Europe. Pays à la fois asiatique et européen, la Turquie a vu son option européenne contrariée. Depuis 2013, le régime replie le pays sur lui-même. La Turquie, qui a connu un réel développement depuis le début du siècle, voit son avenir s’assombrir. Elle connaît des difficultés économiques – son PIB s’est réduit de près d’un quart depuis 2013 –, sa monnaie chute constamment, l’inflation annuelle dépasse les 10 % depuis 2016 et le chômage touche plus de 13 % de la population turque.

L’EUROPE

La Turquie dans son environnement régional UKRAINE ROUMANIE

RUSSIE Mer Caspienne

Mer Noire

BULGARIE ALBANIE Tirana

ITALIE

Lüleburgaz

Athènes

Mer Égée

Tbilissi ARMÉNIE

Ankara

Détroit des Dardanelles

GRÈCE

Türkgözü

Istanbul

Kipoi

San Foca

GÉORGIE

Détroit du Bosphore

Izmir

Bakou AZERBAÏDJAN

Automne 2020 : Implication de la Turquie aux cotés de l’Azerbaïdjan dans le conflit du Haut-Karabakh

TURQUIE

Mer Méditerranée

SYRIE

IRAK

Sources : Année stratégique 2022, IRIS.

ÉGYPTE

LIBAN

IRAN e Tigr

Janvier 2020 : Début d’une intervention militaire turque en Libye

Août 2020 : Présence turque dans les eaux grecques

RTCN

e at hr

LIBYE

Nicosi CHYPRE

p Eu

Juin 2020 : Incident entre une frégate française et des navires turcs escortant un cargo vers la Libye

ISRAËL

2019-2020 : Présence de navires de forage turcs dans les eaux chypriotes

2016-2020 : Interventions de la Turquie en Syrie pour empêcher l’installation d’une zone autonome kurde à la frontière

Printemps 2022 : nouvelles offensives turques contre le PKK au nord de l'Irak

500 km

Participation à des conflits régionaux

Enjeux maritimes et énergétiques

Implication de la Turquie dans des conflits régionaux

Incidents maritimes impliquant des bâtiments turcs

Gazoduc Turk Stream (russo-turc)

Implication de la Turquie dans le conflit syrien

Eaux territoriales turques actuelles

Gazoduc Blue Stream

République turque de Chypre Nord, reconnue seulement par la Turquie

Zone économique exclusive (ZEE) revendiquée par la Turquie Zone de coopération maritime négociée entre Tripoli et Ankara

Projet de gazoduc East Med ( gréco-israélo-chypriote)

Zone de peuplement kurde

Champs d’hydrocarbures offshore

Corridor gazier sud-européen Opération Sea Guardian de l’OTAN en Méditerranée

carl format 182x158

p124_Turquie

127

AMERICA IS BACK? Largement dominée par les États‑Unis, l’Amérique du Nord comprend également le Mexique et le Canada, inévitables partenaires. DE L’ISOLATIONNISME À LA TÊTE DU MONDE LIBRE Les treize colonies britanniques acquirent leur indépendance en 1783 avant de progressivement s’étendre à  l’ouest, pour atteindre le Pacifique, et au sud, au détriment du Mexique. Occupés à la composition de leur espace national, les États‑Unis se tinrent alors à l’écart des querelles européennes. Dès leur création, les États‑Unis se sont vus comme « l’empire de la liberté » (Thomas Jefferson). La conquête de nouvelles terres était réalisée au nom de la promotion de la liberté et de la grandeur nationale. À la suite de l’annexion du Texas en 1848, John O’Sullivan développa le concept d’une « destinée manifeste », celle de « se répandre à travers tout le continent pour assurer le libre épanouissement de millions de personnes ». Les États‑Unis ont de ce fait tendance à confondre valeurs américaines et valeurs universelles et à considérer toute opposition comme un affront à leur égard. Après la Première Guerre mondiale, ils optèrent pour un repli isolationniste, mais l’attaque japonaise de Pearl Harbor en décembre 1941 en démontra le caractère illusoire. Après 1945, le défi soviétique, perçu comme politique – menace pesant sur la démocratie –, mais également géopolitique – la domination du continent euro-asiatique –, consolida cette rupture. Harry Truman déclara que son pays devait prendre « la tête du monde libre » : avec l’Alliance atlantique, les États‑Unis adhèrent pour la première fois à une alliance militaire en temps de paix. Ils en sont le leader naturel.

RUSSIE

OUZBÉKISTAN KIRGHIZISTAN TADJIKISTAN AFGHANISTAN

56 828

25 338

JAPON

CORÉE DU SUD

Okinawa

PAKISTAN THAÏLANDE

PHILIPPINES VIETNAM

6 265

Guam

SINGAPOUR

Ve Flotte Diego Garcia

UN xxE SIÈCLE AMÉRICAIN

128

AUSTRALIE

OCÉAN INDIEN Sources : SIPRI, Department of Defense of the United States of America, OTAN.

La seconde moitié du xxe siècle fut incontestablement américaine. Le dynamisme économique, l’égalité des chances qui caractérise la société ainsi que la liberté qui s’en dégage firent de l’American way of life une aspiration internationalement répandue. La guerre du Vietnam, les discriminations raciales, le soutien aux dictatures dans la lutte contre le communisme, ainsi que l’expansionnisme militaire ont cependant contribué à ternir l’image du pays. Le modèle américain d’économie de marché s’est universellement imposé. La fin du monde bipolaire et l’implosion de l’URSS a privé les États‑Unis du seul rival à leur mesure, Moscou, qui ne le fut pourtant que pendant une courte durée (n’ayant atteint la parité stratégique avec eux qu’à la fin des années 1960, pour être de nouveau distancée dès le début des années 1980). Les États‑Unis n’ont donc pas l’habitude d’être confrontés à de puissants égaux, étant passés d’une posture isolationniste à une posture dominatrice. La mondialisation s’est souvent confondue avec une américanisation du monde. Les États‑Unis ont exporté leur modèle, non seulement économique, mais également culturel. L’attractivité de Hollywood, des universités, des think tanks et de leur diplomatie publique, des médias et de l’industrie culturelle crée des réseaux d’influence à l’échelle mondiale. Mais les États-Unis n’ont pas réalisé qu’en « triomphant » de l’URSS, ils avaient, par l’exportation de leur modèle, suscité l’émergence de nombreuses autres puissances

Pays membres de l’OTAN en 2020 Pays candidats à une adhésion à l'OTAN Membres du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité (QUAD)

qui n’entendaient plus se faire dominer. La fin du monde bipolaire a également été celle du monopole de la puissance occidentale et donc de la suprématie incontestable de l’Amérique. 80 Le 11 septembre 2001 a engendré un profond traumatisme aux États‑Unis, touchés carl en plein cœur de leur territoire pour la première 280x190 fois depuis 1814format (à l’époque de l’attaque sur Pearl Harbor en 1941, Hawaï n’était pas encore un État fédéré américain), à une époque où leur puissance ne souffrait d’aucune comparaison. Ils estiment, p126-127_Etats_Unis_Hyperpuissance de plus, avoir été injustement frappés.

ce

LES AMÉRIQUES

L’hyperpuissance militaire américaine

Thulé

ISLANDE NORVÈGE II Flotte Atlantique

FINLANDE

e

SUÈDE

9 619

RUSSIE

ROYAUME-UNI

CANADA

1 126

BELGIQUE ALLEMAGNE ITALIE 12 695 ESPAGNE 35 558

IIIe Flotte

ÉTATS-UNIS

3 105

Bermudes

IVe Flotte

VIe Flotte

TURQUIE CHYPRE ISRAËL JORDANIE

CUBA Guantanamo HONDURAS PORTO-RICO 13 792

OCÉAN PACIFIQUE

Aruba et Curaçao

IRAK

1 751

650

Hawaï VIIe Flotte

GÉORGIE

ÉGYPTE

DJIBOUTI

IIe Flotte

862

KOWEÏT

COLOMBIE

4 009

ARABIE SAOUDITE ÉMIRATS ARABES UNIS OMAN QATAR YÉMEN

BAHREÏN

OCÉAN ATLANTIQUE Évolution du budget militaire des États-Unis 533

à l’équateur

d'AUKUS, alliance militaire AUSTRALIE Membres tripartite en Indopacifique Présence de troupes américaines 69 321 619

800

634

en milliards de dollars

3 000 km

778

738

Bases ou facilités militaires américaines Localisation des flottes américaines Pays ayant soutenu les États-Unis lors de la guerre d’Irak en 2003

299

296

1991

1995

320 2000

2005

2010

2015

LA PEUR DU DÉCLIN

2020

antipersonnel). Il finit son mandat sur un effort désespéré et Bill Clinton, arrivé au pouvoir en 1993, veut mettre en place une infructueux d’établir une paix entre Israéliens et Palestiniens. politique d’enlargement par opposition à l’ancienne politique 200 George W. Bush voulait des États‑Unis plus modestes sur le plan de containment, visant à la diffusion des valeurs démocratiques. international, mais le 11 septembre 2001 constitua un effet d’aufaudrait importer 2 fois le fichier dans la MEP (1à fois pourdes page gauche et 1 fois page droite) =qui comme çaeux le MEP peut faire un petit reco Du fait de l’opposition du Congrès, il demeura l’écart baine pour les pour néoconservateurs, veulent aussi répandre grands traitésAU multilatéraux (protocole de Kyoto sur le climat, la démocratie, mais par la guerre. Le président Bush établit une VÉRIFIER PLI Cour pénale internationale, Traité d’interdiction complète des liste (Irak, Iran, Corée du Nord) constituant un « axe du mal » en essais nucléaires [TICE], Convention sur l’interdiction des mines ­janvier 2002. Il lança son pays dans une guerre contre l’Afghanistan 129

des talibans (octobre 2001) qui hébergeaient Al-Qaïda, puis dans une guerre illégale contre l’Irak en 2003. La victoire s’avéra une catastrophe stratégique majeure et suscita une immense impopularité internationale des États‑Unis. Barack Obama lui succéda, sur fond de crise économique greffée à une crise stratégique et morale. Le fait qu’un métis puisse accéder à la Maison-Blanche fut perçu comme exceptionnel. Par son charisme, il redora le blason américain, offrant une image plus sympathique et évitant de lancer son pays dans de nouvelles mésaventures militaires. Il ne parvint pas, comme il le voulait, à appuyer sur le bouton reset des relations avec la Russie ni à instaurer la paix entre Israéliens et Palestiniens. Donald Trump est élu en 2016 sur une vague de rejet des élites et de la mondialisation. Son slogan Make America Great Again sous-­ entend que les États‑Unis n’ont plus la puissance d’antan. Il mène une politique unilatéraliste débridée (retrait de l’Unesco, accord de Paris sur le climat, de l’OMS en pleine pandémie du Covid-19), isolationniste (mur mexicain, Muslim ban [décret anti-immigration], mesures protectionnistes) et joue sur la stratégie de la tension, qui alimente le complexe militaro-industriel américain. Il ne parvient pas à renouer la relation qu’il souhaiterait avec la Russie et fait de la lutte contre la montée en puissance de la Chine sa priorité. Sa gestion de la pandémie de Covid-19 est teintée de revirements, de complotisme et d’unilatéralisme. Les États-Unis sont l’un des pays les plus touchés au monde : près d’un million d’Américains en sont morts, ils représentent 16 % des victimes de la pandémie sur la planète. Donald Trump perd les élections présidentielles de l’automne 2020 face à Joe Biden, l’ancien vice-président d’Obama. Mais Trump conteste sa défaite, poussant certains de ses soutiens les plus radicalisés à envahir le Congrès américain le jour du vote d’investiture de Biden. L’image d’une démocratie américaine profondément affaiblie et divisée fait le tour de la planète. L’élection de Joe Biden ne vient pas effacer les profondes fractures qui traversent la société américaine. En juillet 2022, la Cour Suprême des États-Unis (à majorité conservatrice suite à la nomination de deux juges par Donald Trump) autorise le port d’armes hors du domicile (dans un contexte de multiplication des tueries de masse) et casse l’arrêt rendant l’avortement légal au niveau fédéral. La Cour souhaite également s’attaquer à d’autres arrêts, notamment relatif aux droits de la communauté LGBT. Biden est élu sur le slogan America is Back. Du point de vue de la politique étrangère, la Chine reste le dossier prioritaire, comme sous Trump. Le nouveau président américain cherche en cela à constituer une alliance des démocraties et donc à se rapprocher de ses partenaires traditionnels européens et asiatiques, malmenés à l’ère Trump. Néanmoins, la débâcle de Kaboul à l’été 2021 (retrait en urgence des troupes américaines d’Afghanistan laissant le pouvoir aux talibans et

130

sans coordination avec leurs alliés) met à mal l’image des États-Unis sur la scène stratégique. Le déclenchement de la guerre en Ukraine par Moscou provoque un rapprochement transatlantique sans précédent, à l’avantage de Washington, à nouveau perçu comme le seul protecteur crédible des Européens. L’occasion pour les États-Unis de resserrer les rangs dans la perspective de la fracture qu’ils souhaitent installer entre l’axe des pays démocratiques et l’axe des pays autocratiques. Ayant déclaré avant la guerre qu’ils n’interviendraient pas militairement en Ukraine en cas d’agression, les États-Unis débloquent plusieurs dizaines de milliards de dollars pour soutenir l’effort de guerre ukrainien.

LE CANADA D’une superficie de 10 millions de km2, le Canada est le deuxième plus grand pays du monde, mais l’un des moins peuplés, avec 37 millions d’habitants, la plupart établis le long de la frontière avec les États‑Unis. Il est aussi l’un des pays les plus riches et industrialisés appartenant au G7. Très lié – stratégiquement et économiquement – aux États‑Unis, il cherche à s’en distinguer culturellement. Champion du multilatéralisme et des institutions internationales, il est à l’origine, entre autres, des Casques bleus de l’ONU. Après un tournant néoconservateur dans les années 2000, son actuel Premier ministre, Justin Trudeau, réélu en 2019, se fait le chantre du multiculturalisme à l’échelle nationale et mondiale. Mais 75 % de ses exportations étant destinées aux États‑Unis, le pays ne peut se permettre de s’opposer frontalement à son voisin du sud.

LE MEXIQUE Pauvre Mexique, si loin de Dieu et si près des États‑Unis ! Le pays a souffert des appétits de son trop puissant voisin du nord, en lui ayant cédé sous la force une grande partie de son territoire au xixe siècle. Économiquement dépendant des États‑Unis, avec lesquels il a signé un traité de libre-échange, il réalise avec lui plus de 75 % de ses exportations. Le Mexique se voulait un pays majeur du tiers-monde, parvenant à tenir des positions diplomatiques différentes de celles de Washington. Il est en concurrence avec le Brésil pour un leadership latino-américain, partagé entre, d’un côté, son appartenance à l’Amérique du Nord et l’influence des États‑Unis et, de l’autre, son caractère latino-américain. En juillet 2018, Andrés Manuel López Obrador (AMLO), qui avait centré sa campagne sur la lutte contre les inégalités, la violence et la corruption, était élu président. Pour la première fois de l’Histoire du Mexique, la gauche accédait au pouvoir, dans une Amérique latine qui prend un virage à droite. AMLO peine à enrayer la violence endémique dans le pays lié au narcotrafic.

LES AMÉRIQUES

Les minorités aux États‑Unis ALASKA WASHINGTON DAKOTA DU NORD

MONTANA OREGON

VERMONT MINNESOTA

WYOMING

NEBRASKA

NEVADA

PENNSYLVANIE INDIANA

OHIO

KANSAS

OKLAHOMA

NOUVEAUMEXIQUE

VIRGINIE OCC. VIRGINIE

MISSOURI

RHODE ISLAND CONNECTICUT NEW JERSEY MARYLAND WASHINGTON DC

KENTUCKY CAROLINE DU NORD

TENNESSEE

CAROLINE DU SUD

ARKANSAS ALABAMA MISSISSIPPI

TEXAS

MASSACHUSSETS

DELAWARE

ILLINOIS

COLORADO

ARIZONA

NEW YORK

IOWA

UTAH

CALIFORNIE

NEW HAMPSHIRE

MICHIGAN

WISCONSIN

DAKOTA DU SUD

IDAHO

MAINE

GÉORGIE

LOUISIANE FLORIDE

300 km

Population hispano-américaine

(en % de la population totale de chaque État)

Population afro-américaine

(en % de la population totale de chaque État)

Plus de 45 %

Plus de 30 %

30 à 40 %

20 à 30 %

20 à 30 %

10 à 20 %

carl format 200x143

États esclavagistes avant la guerre de Sécession États où plus de 8 % de la population est d’origine asiatique

États où plus de 5 % ALASKA de la population est nord-amérindienne États à forte concentration FLORIDE de population portoricaine Sources : US Census bureau.

ATTENTION FORMAT = MIS SUR 1 PAGE

p129_Etats_Unis_Minorites

131

LES CARAÏBES, ARRIÈRE-COUR AMÉRICAINE ? Mélange de pays indépendants et de territoires sous souveraineté européenne, les Caraïbes sont ­l’arrière-cour stratégique des États‑Unis.

UN ENSEMBLE MULTIPLE La Caraïbe est considérée comme un ensemble de territoires, essentiellement insulaires, bordés par la mer des Caraïbes : Anguilla, Antigua-et-Barbuda, Aruba, Bahamas, Barbade, Bermudes, Bonaire, Curaçao, Cuba, Dominique, Grenade, Guadeloupe, Haïti, îles Caïmans, îles Vierges américaines, îles Vierges britanniques, Jamaïque, Martinique, Montserrat, Porto Rico, République dominicaine, Saba, Saint-Barthélemy, Saint-Christophe-et-Niévès, Saint-Eustache, Saint-Vincent-etles-Grenadines, Sainte-Lucie, Saint-Martin, Sint Maarten, Trinitéet-Tobago, îles Turques-et-Caïques. Parmi eux, 17 dépendances et – seulement – 14 États souverains. Espagnols, Hollandais, Anglais, Français et même Danois s’y sont à un moment dans l’Histoire installés. Mais cette mer est avant tout l’arrière-cour stratégique des États‑Unis, bien que le Royaume-Uni y détienne encore cinq territoires, les Pays-Bas six et la France quatre. Les territoires sont tous exigus et faiblement peuplés. La région est partagée entre zones anglophone, hispanophone et francophone, entre misère la plus sombre et luxe débridé, entre mixité et ségrégation. Sa population représente au total 44 millions d’habitants, marqués par l’esclavage et la créolisation.

L’ARRIÈRE-COUR DES ÉTATS‑UNIS Les États‑Unis considèrent la mer des Caraïbes comme une mer intérieure et n’ont jamais hésité à y intervenir, indirectement ou militairement, pour y faire prévaloir leurs intérêts. Au début du xxe siècle, le président Theodore Roosevelt ajouta un « corollaire Roosevelt » à la doctrine Monroe, lui conférant une interprétation expansionniste. Il ne s’agissait plus seulement d’empêcher les Européens d’interférer dans la région, mais de permettre aux Américains d’y intervenir, y compris militairement : c’est le principe du big stick (grand bâton). La révolution cubaine, d’abord nationaliste puis communiste, posait un immense défi

132

aux États‑Unis, renforçant leur intérêt dans la région, par une aide économique accompagnée de pressions politiques. Cuba a été mise sous embargo, sans que cela n’affecte le régime qui se posait en « champion » de l’antiaméricanisme. La chute de l’URSS l’a privée d’un protecteur et, surtout, d’une aide économique. Après le retrait de Fidel Castro, le président Barack Obama a pu lancer une politique de rapprochement, se rendant même sur l’île en 2016, clôturant ainsi l’un des derniers vestiges de la guerre froide. Donald Trump remit en cause cette politique et chercha à étrangler économiquement le pays. L’administration Biden rouvre timidement un dialogue avec La Havane. Les États‑Unis intervinrent militairement à  Saint-Domingue en 1965 et à Grenade en 1983, pour, dans le premier cas, empêcher la mise en place d’un régime progressiste et, dans le second, renverser un régime progressiste issu des urnes. Barack Obama a tenu compte des nouvelles réalités internationales et voulu clore ce chapitre. L’Union européenne (UE) et les Caraïbes sont unies par l’accord de Cotonou conclu en 2000 avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), qui prolonge l’aide publique au développement mise en place par de précédents accords. La Chine, guidée par sa soif de matières premières, commence à devenir un partenaire commercial des pays de la région. Les recettes du tourisme représentent une grande partie des ressources de la région, soumise néanmoins régulièrement à des catastrophes climatiques (tremblements de terre, ouragans). La zone est en effet particulièrement concernée par le dérèglement climatique qui accroît l’intensité de ces phénomènes. Dix ans après le séisme à Haïti qui a fait 200 000 morts, le pays n’est toujours pas en voie de reconstruction tant politique qu’économique. La criminalité sévit dans les îles les plus confrontées au sous-développement et à la pauvreté. La Jamaïque, Haïti, Trinidad y Tobago ont ainsi des taux d’homicide par habitant parmi les plus élevés de la planète.

LES AMÉRIQUES

Les Petites Antilles HAÏTI

RÉPUBLIQUE DOMINICAINE

Port-au-Prince

60°

PORTO RICO

Anguilla

San Juan

Iles Vierges Sint Maarten Saba Sainte-Croix Saint-Eustache

Mona

Saint-Martin Saint-Barthélemy Barbuda

SAINT-CHRISTOPHE-ET-NIÉVÈS Montserrat* HAÏTI État

Antigua Guadeloupe Pointe-à-Pitre

Basse-Terre

CARICOM Îles britanniques

ANTIGUAET-BARBUDA

Saint-John’s

Basseterre

Marie-Galante DOMINIQUE

Roseau

15°

Îles américaines

Mer des Caraïbes

Îles françaises Îles vénézuéliennes

SAINTE-LUCIE

Îles hollandaises

Aruba

Curaçao

Martinique

Fort-de-France

Castries

BARBADE SAINT-VINCENT- Kingstown ET-LES-GRENADINES Bridgetown Grenadines GRENADE Blanquilla Saint-Georges

Bonaire La Orchila Los Roques

Tobago

Margarite

Tortuga

Scarborough

TRINITÉ-ET-TOBAGO Port-d’Espagne San Fernando

COLOMBIE

Trinité

VENEZUELA

* Membre de la CARICOM et État des îles britanniques

200 km

Les Grandes Antilles BERMUDES (R.-U.)

ÉTATS-UNIS

30°

carl format 180x125

OCÉAN ATLANTIQUE BAHAMAS

Golfe du Mexique

ÎLES TURQUES-ET-CAÏQUES (R.-U.)

p130_Petites_Antilles

CUBA

BÉLIZE 15°

GUATEMALA Sources : CARICOM, Union européenne.

ÎLES VIERGES BRITANNIQUES HAÏTI

MEXIQUE

SALVADOR

ANGUILLA (R.-U.)

ÎLES VIERGES DES ÉTATS-UNIS MONTSERRAT

JAMAÏQUE

HONDURAS

Mer des Caraïbes

(R.-U.)

NICARAGUA

COSTA RICA

PANAMA

Tropique du Cancer

RÉPUBLIQUE DOMINICAINE

Petites Antilles

TRINITÉET-TOBAGO

PETITES ANTILLES

OCÉAN PACIFIQUE

BARBADE

VENEZUELA GUYANA

CARICOM États ou territoires considérés par l’UE comme des paradis fiscaux. Ces pays sont indiqués sur la liste noire ou la liste grise commune de l’UE en 2022.

SURINAME

COLOMBIE 500 km

BRÉSIL

133

L’AMÉRIQUE CENTRALE EN QUÊTE DE STABILITÉ La République des Provinces-Unies d’Amérique centrale devint indépendante en 1821. Mais son unité éclata quelques années plus tard. Cette région, passerelle entre les deux Amériques, est composée de sept États : Bélize (seul pays non hispanophone), Costa Rica, Guatemala, Honduras, Nicaragua, Panama et Salvador.

LES RÉPUBLIQUES BANANIÈRES Le xxe siècle fut marqué par les régimes militaires, la violence politique, les injustices sociales, les discriminations à l’égard de la population indienne et la domination américaine. Les efforts d’intégration régionale ont régulièrement échoué. En 1991 était signé un traité instituant un Système d’intégration centraméricain (Sistema de la Integración centroamericana, SICA), dont les réalisations sont pour le moment restées plus déclaratives que concrètes. Au début du xxe siècle, ces petits pays, faiblement peuplés, voyaient déjà leur souveraineté mise à mal par les intérêts américains, notamment les grandes compagnies agroalimentaires dominantes, exerçant une influence politique pour conserver leurs avantages économiques. On parlait de « républiques bananières », terme qualifiant un pays juridiquement indépendant, mais soumis à l’influence des firmes étrangères. La société bananière United Fruit, créée en 1899, pouvait imposer ses volontés à des États dont la souveraineté était encadrée. Les ambassadeurs américains étaient même considérés comme des « proconsuls » dans la région, ayant autorité de fait sur les pouvoirs nationaux. En 1903, Washington imposait à la Colombie un traité léonin, selon lequel elle cédait pour 99 ans une bande de six miles de chaque côté du canal de Panama en voie de construction. Bogota ayant refusé, les États‑Unis provoquèrent la sécession du Panama, qu’ils allaient contrôler de fait jusqu’en 1999. Jimmy Carter, qui voulait une diplomatie plus « morale », accepta en 1978 un traité de restitution du contrôle du canal à l’État du Panama, qui intervint en 1999 (traité Torrijos-Carter). Le prix payé par Washington pour le contrat de location du canal de Panama a privé ce pays de revenus nettement supérieurs à son PIB (de 1,2 à 3,7 fois) sur la même période. En 1904, le président Theodore Roosevelt ajouta un corollaire à la doctrine Monroe, interprétée comme conférant aux États‑Unis le droit d’intervenir dans les États des Caraïbes et d’Amérique centrale, ce dont ils n’allaient pas se priver, grâce à un rapport de force complètement inégal. Ainsi, Washington intervint militairement au Nicaragua en 1902 et 1934.

L’IMPORTANCE DE LA GUERRE FROIDE La guerre froide et la rivalité avec l’URSS amenèrent les États‑Unis à étendre leur contrôle et combattre les mouvements et régimes progressistes soupçonnés d’être de potentiels alliés de Moscou. C’est ainsi que le régime nationaliste et progressiste guatémaltèque de Jacobo Árbenz fut militairement renversé en 1954. La révolution cubaine et l’alliance de La Havane avec Moscou ainsi que le développement des guérillas conduisirent les États‑Unis à mettre en place et soutenir des régimes militaires particulièrement répressifs face aux revendications tant politiques 134

que sociales. Ces guérillas s’appuyaient sur les revendications sociales : meilleure répartition des terres, reconnaissance de leurs droits par les Indiens. Seul le Costa Rica, pays sans armée, la « Suisse de l’Amérique centrale », échappa au cycle de violence et connut une relative prospérité et une véritable stabilité.

UNE NOUVELLE ÈRE ? En 1979, Jimmy Carter refusa d’intervenir pour soutenir la dictature de Somoza et laissa la guérilla sandiniste d’orientation marxiste (pourtant liée à Cuba) s’emparer du pouvoir au Nicaragua. Ronald Reagan, qui lui succéda, tenta de renverser ce régime à la fois en apportant son soutien à l’opposition armée (les Contras), mais aussi par le biais d’interventions indirectes (minages des ports nicaraguayens jugés illégaux par la Cour internationale de justice). Les années 1960 furent particulièrement violentes, sur fond d’affrontements Est-Ouest au Nicaragua, au Salvador et au Guatemala (où le conflit fit plus de 200 000 morts). L’armée et les groupes paramilitaires réprimaient de façon aveugle et indistincte. En décembre 1989, les États‑Unis lançaient un raid au Panama, pour faire chuter le régime Noriega, auparavant fidèle soutien, mais accusé de complicité avec les narcotrafiquants. Pendant la guerre froide, le Panama avait servi de centre de formation antiguérilla aux armées latino-américaines, en diffusant une idéologie anticommuniste, qui forma de nombreux futurs dictateurs. Cette École des Amériques pour la coopération de sécurité fut rapatriée aux États‑Unis en 1984. L’évolution générale des relations internationales rendit les ingérences moins acceptables et la fin de la guerre froide moins indispensable ce qui permit de relâcher le contrôle américain et le soutien aux dictatures militaires. Le Nicaragua sandiniste accepta le principe des élections en 1990, des accords de paix entre régimes et guérillas furent signés (Salvador 1992, Guatemala 1996). Le Guatemala reconnut en 1992 le Belize sur lequel il revendiquait la souveraineté. Le Honduras et le Salvador, qu’une courte guerre avait opposés en 1969, réglèrent leur différend territorial. Mais, Costa Rica excepté, la région demeure marquée par le sous-développement et les homicides, qui en font une des zones les plus criminogènes du monde, le trafic de drogue et les forts mouvements migratoires – souvent clandestins – vers les États‑Unis, perçus comme un eldorado (un tiers des Salvadoriens résident aux États‑Unis). D’après le Global Peace Index, les dépenses liées à la prévention et la réparation des violences faites aux personnes et aux biens représentent 17 % du PIB au Salvador, et 14 % au Honduras. Le Venezuela de Chávez a voulu étendre son influence dans la région, en proposant de vastes projets d’infrastructure, et en fournissant du pétrole bon marché, avant que sa mort en 2013 et la crise vénézuélienne ne mettent fin à cette tentative.

LES AMÉRIQUES

61

ÉTATS-UNIS

) ,1 % 9 (2

23

OCÉAN ATLANTIQUE

2 )

6 (4,

%)

CUBA

BELIZE 22,5 %

JAMAÏQUE

25,7 %

Mer des Caraïbes

GUATEMALA 36,3 % HONDURAS 2012

OCÉAN PACIFIQUE

Volcán de Fuego 2018 Pacaya 2010 Santa Ana 2005

500 km

SALVADOR

PIB/habitant en US courant en 2020

1998

7,2 %

IOTA 2020

2005

COSTA RICA

11,2 %

2001 37,2 %

PANAMA 11,1 %

ETA

2020 COLOMBIE

Une région soumise aux catastrophes naturelles

Taux d’homicides volontaires pour 100 000 habitants en 2020

11,2 %

2 500 5 000 10 000 12 500

Mitch

NICARAGUA

Face à la violence et à la pauvreté, l’émigration comme principale perspective Personnes natives vivant aux États-Unis (équivalent en % de la population du pays)

5%

Yucatán

2017

Chiapas

BAHAMAS

,3 % )

2020

Oaxaca

0 (1 1

2013

5(

60 40

Manuel

4 54

2017

) 1 683 093 (10,1 %

Puebla

) 2 311 574 (35,8 %

4 2 9 5 0 1 ( 6, 6 % )

2013

1 08

Golfe du Mexique

3 %)

Colima

56

19

1 6 7 2 3 4 ( 3,

2003

Ingrid

28,4 %

MEXIQUE

81

1%

37 18 63

Des menaces structurelles et naturelles

Principaux ouragans des 30 dernières années

Principaux séismes des 20 dernières années

Principales éruptions volcaniques des 20 dernières années

Sources : UNODC, Office des Nations unies contre les drogues et le crime ; Banque mondiale, Année stratégique 2022 ; US Census Bureau.

carl Pékin souhaite s’affirmer dans la région face à Taïwan, que l’anformat 180x155 ticommunisme avait rapproché de l’Amérique centrale pendant la guerre froide. Mais, si jusqu’à la fin du xxe siècle, la richesse de Taïwan p133_Contestation_Ordre_Americain pouvait être attractive pour les petits États centraméricains, le développement de la Chine populaire a modifié le rapport de force. Le Panama, le Salvador et désormais le Nicaragua ont rompu leurs relations avec Taïwan au profit de Pékin, déjà reconnu par le Costa Rica. Dans la région, seuls le Bélize, le Guatemala et le Honduras continuent de reconnaître la République de Chine (Taïwan). L’Europe essaie d’être présente dans la région, où elle représente un modèle d’intégration réussie et une possibilité de coopération et d’aide moins étouffante que celle proposée par Washington.

Lepas Guatemala est politiquement Le àCosta Rica peux décaler plus vers la droite orienté car pas à droite. de matière gauche et le Salvador sont politiquement orientés à  gauche ou centre gauche. Le Panama a élu un président de centre-gauche en 2019. Le Nicaragua connaît une dérive autoritaire. Le Honduras, où un coup d’État militaire a renversé un régime de gauche en 2009 et où les processus électoraux font depuis régulièrement l’objet de contestation, est repassé à gauche lors des élections de 2022. Tous les gouvernements affirment vouloir lutter contre la corruption. Mais la misère et la violence liée au crime organisé ont créé des flux migratoires massifs essayant de parvenir aux États-Unis par le Mexique.

135

L’AMÉRIQUE ANDINE, UN NOUVEAU DÉPART En 1839, le Venezuela et l’Équateur firent sécession de la Grande Colombie, qui avait obtenu son indé‑ pendance en 1819 sous la conduite de Simon Bolívar, figure tutélaire de la région, qui vit alors son rêve de « Fédération des États‑Unis d’Amérique du Sud » brisé.

CLIVAGE AVEC LES ÉTATS‑UNIS La Colombie, l’Équateur, le Venezuela (jusqu’en avril 2011), le Pérou et la Bolivie font partie de la Communauté andine (CAN), créée en 1997. Cette dernière visait à mettre en place une politique commerciale commune. Les divergences étatiques empêchèrent cependant de définir une politique extérieure commune. La libre-circulation des personnes est établie en 2015, renforçant la zone de libre-échange (1993) et l’Union douanière (1995). En 2008, la CAN conclut un accord avec le Mercosur (Marché commun du Sud). En 2009, la Banque du Sud, dont le siège est fixé à Caracas, et qui regroupe le Venezuela, l’Argentine, le Brésil, la Bolivie, l’Équateur, le Paraguay et l’Uruguay, était créée pour contrer l’influence du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. L’arrivée de Donald Trump au pouvoir et son discours hostile à l’immigration latino-américaine vont les amener à faire front commun pour s’y opposer mais, paradoxalement, les gouvernements pro-américains gagnent du terrain. En Équateur et en Bolivie, Rafael Correa et Evo Morales, arrivés au pouvoir tous deux en 2006, se lancèrent dans une politique orientée à gauche, faite de reconnaissance des droits des indigènes, de lutte contre la pauvreté et d’indépendance affirmée face aux États‑Unis. En novembre 2019, un coup d’État chasse E. Morales du pouvoir qui s’exil au Mexique et la Bolivie pourrait prendre un virage pro-­ américain, virage pris par le successeur de Correa en Équateur. La gauche revient au pouvoir en Bolivie en 2020, après l’élection de Luis Arce, ancien ministre de l’Économie de l’ère Morales, renouant avec une position de défiance à l’égard des États-Unis. Avec l’élection de Guillermo Lasso, l’encrage à droite et pro-occidental de l’Équateur se confirme. Le Pérou et la Colombie, aux politiques libérales, revendiquent une plus grande proximité avec les États‑Unis, plus facile à afficher avec Barack Obama ou Joe Biden qu’avec Donald Trump. La Colombie était plongée dans un cycle de violence depuis les années 1950, sur fond de répression politique. Mais la faiblesse de l’État avait laissé place à une guérilla marxiste (Forces armées révolutionnaires de Colombie, FARC), des groupes paramilitaires d’extrême droite, ainsi que des cartels de la drogue qui, au début du xxie siècle, ont pris une importance considérable, en raison de la corruption et d’une extrême violence. Élu en 2015, le président Juan Manuel Santos négocia avec les FARC un accord de paix en septembre 2016, qui lui permit d’obtenir

136

le prix Nobel de la paix la même année. Les cartels de la drogue et les groupes paramilitaires avaient vu leur influence battue en brèche. En 2018, Iván Duque, hostile à cet accord, est élu président. Duque est confronté à des manifestations massives en 2019 et 2020 du fait de l’opposition du gouvernement à l’accord de paix et à sa politique économique libérale qui renforce les inégalités dans le pays. Elles mènent à l’élection du premier président de gauche du pays, Gustavo Petro, en 2022. Ces manifestions s’inscrivent dans un mouvement plus large à l’échelle du continent. En Bolivie, en Équateur, en Argentine, au Chili, la population descend dans les rues sur fond de revendications sociales et d’opposition au pouvoir en place. La pandémie de C ­ ovid-19, qui touche violemment le continent (le Pérou, avec 6 296 victimes pour un million d’habitants est le pays le plus touché au monde), interrompt ce mouvement.

LE MOMENT CHÁVEZ En 1999, Hugo Chávez parvint démocratiquement au pouvoir au Venezuela. Se réclamant d’un socialisme bolivarien, il prônait une intégration latino-américaine, s’opposant d’autant plus aux États‑Unis qu’ils étaient alors dirigés par George W. Bush, dont la politique était jugée impérialiste. La guerre d’Irak et l’ouverture d’un camp de prisonniers à Guantanamo le confortèrent dans sa rhétorique antiaméricaine. Les relations tumultueuses entre Washington et Caracas n’empêchent pas le Venezuela de demeurer l’un des principaux fournisseurs de pétrole des États‑Unis. L’augmentation du prix de pétrole (à la suite de la guerre d’Irak) et la demande internationale croissante octroyèrent d’importants moyens à Hugo Chávez, lui permettant une politique sociale généreuse et, sur le plan international, un renforcement de son activisme et de son influence. Après sa mort en 2013, le pays fut gravement divisé. Son successeur, Nicolás Maduro, n’a ni son charisme ni sa légitimité. La rente pétrolière s’est effondrée, alors que rien n’avait été fait pour diminuer la dépendance du pays au pétrole. La crise vénézuélienne s’aggrave avec Maduro qui s’accroche au pouvoir face au président autoproclamé Juan Guaido, soutenu par les États-Unis, l’UE et la plupart des pays latino-américains, mais qui ne parvient pas à prendre le pouvoir. La production pétrolière chute du fait de l’incurie de Maduro et des sanctions américaines, le chômage touche 35 % de la population, 90 % des Vénézuéliens vivent désormais sous le seuil de pauvreté. Ils sont 4,8 millions à avoir pris la route de l’exil depuis le début de la crise.

LES AMÉRIQUES

Des tentatives d’intégration politique/ commerciale à l’échelle régionale BAHAMAS JAMAÏQUE ST-CHRISTOPHE-ET-NIEVÉS MONTSERRAT ANTIGUA-ET-BARBUDA DOMINIQUE SAINTE-LUCIE SAINT-VINCENT GRENADE BARBADE TRINIDAD-ET-TOBAGO

CUBA BÉLIZE HAÏTI GUATEMALA HONDURAS NICARAGUA EL SALVADOR

MEXIQUE

COSTA RICA PANAMA

VENEZUELA COLOMBIE

GUYANA SURINAME Guyane (Fr.)

Une ceinture de feu ÉTATSUNIS

AMÉRIQUE CENTRALE

OCÉAN ATLANTIQUE

Caracas

VENEZUELA GUYANA

Bogota

SURINAME

COLOMBIE Quito

EUROPE, AFRIQUE

• FARC1 : accord

ÉQUATEUR

de paix en 2016

• ELN2

ÉQUATEUR* • MRTA3 • Sentier lumineux

PÉROU PÉROU

PARAGUAY CHILI

ARGENTINE

URUGUAY

OCÉAN ATLANTIQUE 1 000 km à l’équateur

MERCOSUR (1991) Membres permanents Membre suspendu En cours d’adhésion Membres associés CARICOM (Caribbean Community)

carl format 80x138

Sources : Sites du Mercosur, du SIECA, Alianza Pacifico.

BOLIVIE**

OCÉAN PACIFIQUE

ÉTATSUNIS

BRÉSIL

SICA (Système d’intégration centraméricain) Alliance du Pacifique CHILI (membres permanents) ALBA (Alliance bolivarienne pour les Amériques) * retrait en 2018 ** retrait en 2019 CAN (Communauté Andine des Nations)

BRÉSIL

Lima

BOLIVIE

Brasilia

La Paz

PARAGUAY

OCÉAN PACIFIQUE

Asuncion

CHILI Santiago

ARGENTINE Buenos Aires

URUGUAY Montevideo

500 km à l’équateur

COLOMBIE Violences sociales élevées Guérillas Forces armées révolutionnaires de Colombie Armée de libération nationale 3 Mouvement révolutionnaire Túpac Amaru 1 2

Tensions interétatiques Corridors du narcotrafic Instabilité institutionnelle Source : Monde diplomatique.

ATTENTION FORMAT

p134_Am_Andine_Espace_Eco_Eclate

carl format 80x135

p135_Am_Andine_Ceinture_Feu

137

LE CÔNE SUD, PÔLE DE PUISSANCE ? Cette zone se compose de cinq États : Argentine, Brésil, Chili – rattachés à cette région par la cordillère des Andes –, le Paraguay et l’Uruguay. Le Brésil, malgré les difficultés actuelles, en est le géant.

LA BATAILLE DU LEADERSHIP RÉGIONAL Le Brésil et l’Argentine se sont longtemps contesté le leadership régional avant que le Brésil ne s’impose dans la période récente. L’Uruguay et le Paraguay sont attentifs à préserver leurs marges de manœuvre face à leurs puissants voisins. Le Chili et l’Argentine partagent l’une des plus longues frontières au monde qui en fait autant des partenaires que des rivaux. En 1494, le pape avait délimité la frontière entre le Portugal et l’Espagne dans la région. Alors qu’à l’indépendance les provinces hispanophones n’ont pas su conserver leur unité, le Brésil est resté fédéré, ce qui en fit le géant de l’Amérique du Sud, voire latine. L’Argentine, plus européenne, développée et non métissée, l’a longtemps regardé de haut avant que son émergence, notamment du fait de la mondialisation, ne vienne modifier le rapport de force. Si l’Uruguay a profité de la rivalité entre les deux géants pour obtenir son indépendance en 1830, le Paraguay a vu une partie de son territoire lui être arrachée par ses deux voisins à la suite d’une guerre (1864-1870), avant d’en être amputé d’une nouvelle partie au profit de la Bolivie, après la guerre du Chaco (1932-1935).

LE RÉTABLISSEMENT DE RÉGIMES DÉMOCRATIQUES APRÈS LA GUERRE FROIDE La guerre froide et la crainte de l’exportation de la révolution cubaine ont conduit les États‑Unis à soutenir et mettre en place des dictatures militaires dans la région, au nom de la lutte contre le communisme : Brésil (1964), Paraguay (1954), Uruguay (1973) et Argentine (1976). En 1973, la Central Intelligence Agency (CIA) aidait même le général chilien Pinochet à renverser Salvador Allende, parvenu au pouvoir par les urnes trois ans auparavant, et qui prônait justement le passage au socialisme par la voie légale plutôt que la guérilla. Une coopération sécuritaire et répressive fut mise en place entre ces régimes militaires, l’opération Condor. Jimmy Carter, au nom de son attachement aux droits de l’homme, prit ses distances avec ces régimes repoussoirs, et la fin de la guerre froide amena le rétablissement de régimes démocratiques pleins et entiers, marqués par des alternances politiques. La vie politique argentine fut marquée par la personnalité de Juan Perón, vainqueur de l’élection présidentielle en 1946 dans un mouvement de masse basé sur la justice sociale, mais aussi l’autoritarisme et le culte de la personnalité. Le nationalisme, l’anticommunisme et le protectionnisme brouillèrent les clivages politiques traditionnels, rassemblant l’extrême droite et l’extrême gauche. Le leader fut renversé par un coup d’État en 1955, avant de revenir au pouvoir en 1973. En 1982, l’Argentine, sous la dictature militaire de Jorge Rafael Videla, se lançait dans une opération de conquête des îles Malouines, appartenant au Royaume-Uni. Elle comptait sur l’éloignement des îles et leur faible importance (1 800 habitants) pour obtenir un succès. 138

Mais Margaret Thatcher, alors Première ministre du Royaume-Uni, en fit une question de principe. La défaite militaire qui en résulta pour l’Argentine fut une humiliation qui conduisit à la chute du pouvoir. Washington, bien que lié à Buenos Aires par un traité d’assistance réciproque, privilégia l’alliance occidentale, ce qui fut vécu comme une trahison par l’ensemble des pays du Cône Sud. En 1999, la région subit de plein fouet une crise économique au coût social extrêmement important, notamment pour les classes moyennes. Mais elle ne connut pas de retour aux régimes militaire ou autoritaires. Les alternances politiques se font désormais par les urnes et non par les armes. Les pays ont pour objectif majeur – le Chili dans une moindre mesure – de tenir à distance les États‑Unis. Ils ont refusé de rejoindre l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena), traité créant une zone de libre-échange entre les États‑Unis, le Canada et le Mexique et entré en vigueur le 1er janvier 1994. L’Argentine et le Brésil acceptèrent de mettre leur rivalité de côté pour créer le Mercosur, marché commun sud-américain que le Chili n’a pas rejoint. Au-delà de la compensation économique due à la fin du protectionnisme, système qui entravait les échanges entre les pays de la région, le Mercosur eut également un impact politique, basé sur l’idée de système démocratique. Il permit d’empêcher un coup d’État militaire en Uruguay à la fin des années 1990, ainsi que de diminuer les rivalités entre Buenos Aires et Brasilia (l’Argentine accepta de façon réaliste de ne plus se mesurer directement au Brésil). Le Venezuela a également été associé au processus, avant de s’en voir exclu après la dérive autoritaire de Nicolás Maduro.

UNE FORTE CROISSANCE ÉCONOMIQUE AU DÉBUT DU xxE SIÈCLE La mondialisation et la hausse des prix des matières premières ont permis à la région de connaître un début de xxe siècle à forte croissance économique. La Chine, avide de matières premières, y a renforcé sa présence et multiplié les partenariats. Le Mercosur a négocié un accord avec l’Union européenne, qui doit encore être ratifié. Pour les pays membres, l’idée était toujours de desserrer l’étau américain. L’antiaméricanisme, stimulé par le président George W. Bush, a fortement diminué sous le double mandat de Barack Obama. Donald Trump pourrait le ressusciter au moins dans les opinions. L’Argentine, ruinée par l’incurie des gouvernements successifs, est proche de la faillite malgré un prêt record de 57 milliards de dollars accordé par le FMI au président de droite Mauricio Macri. En 2019, le péroniste de gauche Fernandez est élu, le pays connait un taux de pauvreté de 35 %. Sous les deux mandats de Luiz Inácio Lula da Silva, dit Lula, le Brésil connut une période où la prospérité se conjuguait à la diminution de la pauvreté et à l’affirmation d’un rayonnement international,

LES AMÉRIQUES

Le Cône Sud : entre développement et difficultés économiques GUYANA OCÉAN ATLANTIQUE SURINAME VENEZUELA Guyane (Fr.) COLOMBIE ÉQUATEUR 0,765

0,27 %

BRÉSIL

PÉROU

0,534 1998 : 40 2002 : 30

BOLIVIE 3,14 %

OCÉAN PACIFIQUE

0,728

0,444

2020 :

0,429 0,845

–0,72 %

ARGENTINE 2001 : 20 2018 : 57

URUGUAY 0,397

–5,7 %

0,817

2002 : 1,5

23,9

1 000 km

Les processus d’intégration MERCOSUR (1991) Membres permanents Membre suspendu du MERCOSUR En cours d’adhésion au MERCOSUR Membres associés Pays membres du G20 Pays membres de l’OCDE

à l’équateur

Sources : Année stratégique 2022, Mercorsur, FMI.

0,457

CHILI 0,851 2,08 %

PARAGUAY

Un développement inégal IDH 0,817 Taux de croissance en 2019 (en %) positif négatif 0,416 Indice de Gini*

Prêts accordés par le FMI (en milliards de dollars) Année : Montant

* L’indice de GINI permet de calculer les inégalités de revenus au sein d’une économie. Plus il est proche de 1, plus celles-ci sont importantes.

autant d’éléments qui lui ont permis de devenir un candidat légiATTENTION FORMAT time carlà un siège de membre permanent de Conseil de sécurité des Nations Lula a souhaité doter son pays, membre des BRICS formatunies. 80x160 aux côtés de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud, d’un nouveau statut. Il ouvrit des ambassades dans plus de 50 pays p137_Am_Andine_Cone_Sud où il n’était pas représenté, et obtint l’organisation de la Coupe du monde de football en 2014 et des Jeux olympiques en 2016, symbole

Pays Argentine Brésil Chili Paraguay Uruguay

du rayonnement national. Cet ancien ouvrier syndicaliste devenu président a ainsi bénéficié d’un fort prestige, interne comme international. Dilma Rousseff (2010) dut affronter les effets de la crise économique et sociale de 2008, et a été destitué en 2016. Le système politique brésilien est fragmenté en une myriade de partis politiques sans réel programme et rongés par la corruption, les élites n’acceptant pas la politique de redistribution de Lula. Après l’exceptionnel développement de l’économie brésilienne au cours des années 2000, le ralentissement puis la décroissance, induits par la crise financière et économique de 2009 – aux conséquences dramatiques pour un pays exportateur comme le Brésil – s’installent. Le PIB, après avoir atteint 2 600 milliards de dollars en 2011, n’est plus désormais que de 1 445 milliards en 2020. Mais la taille et la démographie du pays, associées aux ressources agricoles pétrolières, comme sa base industrielle, devraient lui permettre de reprendre à terme sa marche en avant. Le leader d’extrême droite Bolsonaro gagne les élections présidentielles brésiliennes en 2018 (Lula étant emprisonné), s’aligne sur Trump et veut ouvrir l’Amazonie aux industries agro-­alimentaires. Les  élections de septembre 2022 voient finalement s’affronter Bolsonaro et Lula. L’ancien président travailliste est le grand favori du scrutin. Le « petit » Uruguay a pu affirmer son existence et développer une politique originale après l’élection en 2009 d’un ancien guérillero, José « Pepe » Mujica. Ce dernier a rehaussé de 250 % le salaire minimum, réduit le taux de pauvreté de 40 % à 11 % et le taux de chômage de 13 % à 7 %, tout en menant des politiques sociétales audacieuses – légalisation du mariage homosexuel ou de la consommation du cannabis – au sein d’une région où le conservatisme religieux (catholique et évangélique) continue d’être très répandu. La gauche se maintient au pouvoir en Uruguay jusqu’en 2020. Dans le cadre des mouvements sociaux de 2019, qui touchent de nombreux pays à travers le monde, et notamment en Amérique latine, le Chili est secoué par une crise sociale et politique. Le mouvement social déclenche à l’automne 2020 la tenue d’un référendum portant sur une révision de la Constitution – celle en place avait été adoptée en 1980 sous le dictateur Pinochet – massivement approuvé par la population. La nouvelle Constitution sera soumise au vote de la population en 2022. Un président de gauche, figure des mouvements étudiants de 2011 et 2019, Gabriel Boric, est élu président du Chili fin 2021. La pandémie de Covid-19 a eu un impact catastrophique sur le plan économique et social en Amérique du Sud, avec la suppression de 50 millions d’emplois et une paupérisation de la population. Dans le cadre de la guerre en Ukraine, déclenchée par la Russie en février 2022, les pays d’Amérique latine s’alignent, pour la plupart, pour condamner l’agression. Cependant, ils se montrent beaucoup moins enclins à suivre les Occidentaux dans la mise en place de sanctions et de mesures coercitives à l’égard de Moscou.

Superficie (km²) 2 780 400 8 515 770 756 700 406 752 176 220

Population (hab) 44 938 712 211 049 527 18 952 038 7 044 636 3 461 734

PIB (en millions de $) 444 458 1 877 114 279 270 38 145 62 212 Source : L’année stratégique 2020.

139

LE MAGHREB, UNE INTÉGRATION RÉGIONALE IMPOSSIBLE ? Le Maghreb (al-Djazirat al-Maghrib, la « presqu’île du couchant ») est le terme employé par les géographes pour désigner la partie nord de l’Afrique, Égypte exceptée et, par les Français, pour indiquer la région placée sous leur domination – Algérie, Maroc, Tunisie et Mauritanie – à laquelle la Libye, conquise par l’Italie, fut inclue après les indépendances.

UNE UNITÉ CONTRARIÉE La région bénéficie de forts facteurs d’unité, mais les évolutions politiques et stratégiques prouvèrent que l’échelon national demeurait le critère déterminant d’analyse, les pays qui la composent ayant connu des trajectoires très différenciées une fois la domination coloniale achevée. Le Maghreb est marqué par sa proximité avec l’Europe, ainsi que son appartenance au continent africain et au monde arabe, tout en conservant une identité distincte de ces deux derniers ensembles. Le Maghreb s’étend sur 6 millions de km2 et compte plus de 100 millions d’habitants, population majoritairement jeune et, pour la Tunisie, le Maroc et l’Algérie, bien formée, mais aspirant à plus de justice sociale, de liberté, et tentée par l’exil en Europe, notamment en France. Ces pays partagent un héritage culturel berbère depuis l’Antiquité et arabo-musulman à partir de la conquête arabe au viie siècle, mais aussi une influence de la culture occidentale héritée de la colonisation. Ils ont en commun un État centralisé, doté d’un régime qui se veut – se voulait – fort. En 1989, les cinq États signèrent un traité créant l’Union du Maghreb arabe. Plusieurs projets d’envergure, notamment en matière d’infrastructures, ont été évoqués, sans être réalisés du fait de divisions politiques profondes. Un dialogue 5 + 5 (avec 5 pays européens : France, Italie, Espagne, Portugal, Grèce) a également été mis en place sans plus de succès (rivalité entre le Maroc et l’Algérie, comportement chaotique de Kadhafi…). L’unité contre le colonisateur a volé en éclat du fait de la guerre froide. L’Algérie se présentait comme la championne des pays du Sud, bénéficiant du prestige d’une indépendance obtenue de haute lutte, pays phare du mouvement des non-alignés et du tiers monde, mais lié à l’URSS et aux régimes révolutionnaires. Le Maroc, bien que lui aussi membre des non-alignés, était une monarchie conservatrice proche des Occidentaux. Quant à la Tunisie, elle se voulait plus modérée, plus discrètement liée au monde occidental. Les rivalités entre l’Algérie et le Maroc se sont cristallisées autour de la question du Sahara, que l’Espagne a quitté en 1975. Le roi du Maroc, Hassan II, qui en revendiquait la souveraineté, a lancé une « marche verte », conquête pacifique du territoire par des civils. Le front Polisario demande, lui, l’indépendance du Sahara et est soutenu par l’Algérie. La République arabe sahraouie démocratique (RASD) a été admise à l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) en 1984, entraînant la sortie du Maroc, qui finit par la réintégrer en 2017. Le 140

Maroc contrôle 80 % du territoire du Sahara et lui accorde une relative autonomie dans le but d’accélérer son développement. L’Algérie plaide pour l’indépendance et le conflit s’éternise, empêchant toute avancée de l’intégration régionale. En 2018, l’ONU lance un vaste plan de négociation qui laisse espérer une perspective de paix. Mais, là aussi, les rivalités entre l’Algérie et le Maroc empêchent toute avancée. Fin 2020, sous l’impulsion des États-Unis, le Maroc normalise ses relations avec Israël en échange de la reconnaissance de sa souveraineté sur le Sahara occidental par Washington. La RASD n’est aujourd’hui plus reconnue que par une trentaine de pays, contre 72 en 1990. L’accord entre Tel-Aviv et Rabat, complété par un accord de coopération militaire en 2021, a particulièrement détérioré les relations, déjà très distendues, entre le Maroc et l’Algérie, Alger allant jusqu’à annoncer la rupture de ses relations diplomatiques avec son voisin en août 2021.

LE CAS LIBYEN En Libye, le colonel Kadhafi renversa le roi Idriss en 1969 et établit un régime « révolutionnaire », la Jamahiriya, concentrant dans les faits la totalité des pouvoirs et empêchant la mise en place de véritables structures étatiques. Ses revenus pétroliers à partir des années 1970 ont nourri ses ambitions internationales, faites de soutien aux mouvements révolutionnaires, mais aussi terroristes, s’en prenant aux Occidentaux, ainsi qu’aux régimes arabes et africains qui n’acceptaient pas son leadership autoproclamé. En 2011, dans la foulée des révolutions arabes, Kadhafi voulut réprimer dans le sang une révolte populaire. La résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée grâce aux abstentions chinoise et russe, permit une intervention militaire, à l’origine strictement encadrée à une zone d’exclusion aérienne en vue de protéger les civils, avant que la France et la Grande-Bretagne ne décident d’aller jusqu’au changement de régime aboutissant à la mort de Mouammar Kadhafi sept mois plus tard et aux ressentiments des Russes et des Chinois. Depuis, les rêves de démocratie se sont envolés et la Libye est plongée dans le chaos et la guerre civile. Fayez el-Sarraj, reconnu par l’ONU, est soutenu par la Turquie, qui envoie en 2019 mercenaires et drones, et le Qatar, son adversaire Khalifa Haftar l’étant par l’Egypte, les Émirats arabes unis et la Russie, via l’envoi de troupes du groupe paramilitaire Wagner. La France soutient indirectement Haftar mais sans le reconnaître. En octobre 2020, un cessez-le-feu est signé entre les belligérants et un accord permet d’envisager une transition démocratique. Un gouvernement

LE MONDE ARABE

Les ressources des pays du Maghreb ESPAGNE

Tanger

OCÉAN ATLANTIQUE

Rabat

Agadir

Nabeul

Sétif

Sidi Bel Abbès

Témara

Oujda

Fès

Casablanca

Sousse

Batna

ITALIE MALTE

Biskra

Gabès

Mer Méditerranée

Tripoli

Khoms Zliten

Misrata

Bechar

Marrakech

Adrar

Benghazi

El Beïda Darnah Tobrouk

Surt (Syrte)

El Menia Ghadamès

Tindouf

GRÈCE

Sfax

El Djelfa

Meknès

Khenifra Mohammedia

Safi

TUNISIE Constantine Tunis Annaba Béjaïa

Oran

Tétouan

Salé

MAROC

Alger

ALGÉRIE

Sources : Worldpopulationreview 2022 ; Le Monde diplomatique.

PORTUGAL

Sebha

In-Salah

LIBYE Sahara occ.

Bir Moghrein

Koufra Tamanrasset

Fdérik

MAURITANIE

MALI

NIGER

Tessalit

Nouakchott

Principales aires urbaines Aires urbaines (en millions d’habitants) 0,2

0,5

1

TCHAD 500 km

2

Principales ressources naturelles Pétrole

Fer

Phosphates Gaz naturel

Cuivre

d’Union nationale prend la tête du pays et des élections sont prévues en décembre 2021. Mais l’instabilité politique et sécuritaire dans le pays poussent les responsables de la Haute Commission carl électorale a les reporter. Le pays est de nouveau dans l’impasse, format 182x125 confronté à une polarisation politique entre le gouvernement de la Chambre des représentants, à l’Est, et le gouvernement p139_Maghreb internationalement reconnu à Tripoli.

DES ÉVOLUTIONS POLITIQUES DIVERGENTES Sous le fort leadership de Habib Bourguiba, la Tunisie connut un développement économique et une alphabétisation quasiment complète de la population. Lui reprochant son immobilisme, Zine el-Abidine Ben Ali le renversa en 1987 et poursuivit la modernisation du pays, avant de s’enfermer dans l’autoritarisme et la corruption. En 2011, il fut renversé par une révolution pacifique. Les cinq pays du Maghreb ont connu des évolutions politiques très distinctes. En Algérie, la soif de changement est contenue par le souvenir traumatique de la guerre civile des années 1990, où l’armée a violemment empêché les islamistes de s’emparer du pouvoir. Il s’ensuivit une terrible guerre civile, qui fit près de 200 000 morts, entre le Groupe islamique armé (GIA) et l’armée. Arrivée au pouvoir en 1999, Abdelaziz Bouteflika ouvrit une politique de réconciliation nationale, qui mit fin aux violences à grande échelle. Le GIA mua en Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). L’absence de réformes politique et économique a entraîné un mécontentement longtemps

Voies de communication Routes principales Chemins de fer LGV en fonctionnement depuis juin 2018

Principaux aéroports Pôle industriel

contenu par la peur du retour des violences politiques mais qui a éclaté en 2019 et conduit à son départ. Le pays connaît un bras de fer entre l’armée et la population sur l’avenir démocratique du pays. Abdelmadjid Tebboune, ancien ministre de Bouteflika, est élu en décembre 2019. Le Hirak, interrompu par la pandémie de ­Covid-19, se poursuit néanmoins mais doit faire face à une répression du pouvoir en place. Au Maroc, le roi a procédé à une ouverture très contrôlée. Le pays bénéficie d’une modernisation économique, d’une stabilité politique consolidée par le phénomène monarchique, même si les inégalités économiques (et régionales) créent de l’insatisfaction. De plus en plus présent, ce pays veut jouer un rôle de pont entre l’Europe et l’Afrique subsaharienne. L’expérience démocratique s’est poursuivie en Tunisie, malgré les difficultés économiques dues notamment à la chute des investissements étrangers, une baisse du tourisme après les attentats terroristes de 2013-2014 et l’arrêt des échanges économiques, autrefois très denses, avec la Libye. Kaïs Saïed est élu président en 2019. En juillet 2021, sous le prétexte de la crise sanitaire et politique qui touche le pays, il limoge son Premier ministre et gèle les pouvoirs du Parlement. En décembre 2021, il prolonge sine die cette décision préoccupante pour l’avenir démocratique du pays, inquiétudes confirmées quand en juillet 2022 il annonce vouloir abolir la Constitution de 2014 qui avait fait de la transition démocratique tunisienne un exemple et dont les rédacteurs avaient obtenu le prix Nobel de la Paix, pour la remplacer par une nouvelle plus autoritaire. 141

LE MACHREK, ZONE CHAOTIQUE ? Le Machrek (ash-sharg, le « Levant ») est la porte orientale du monde arabe. Il se compose de l’Égypte, de la Jordanie, de l’Irak, du Liban, de la Syrie et de la Palestine1. Contrairement au Maghreb, cette zone est multiconfessionnelle. La région est historiquement marquée par les accords Sykes-Picot, du nom des deux hauts fonctionnaires anglais et français qui ont délimité, après la Première Guerre mondiale, les zones d’influence sur les décombres de l’Empire ottoman.

Le Machrek, une région riche mais instable

7%

GRÈCE 2% 17 %

Mer Méditerranée

29 %

32 %

CHYPRE 6%

re Tig

3% 10 % 12 %

TURQUIE

74 %

SYRIE

31 %

Eu p

LIBAN

hr at e

75 % GOLAN

ISRAËL

IRAK

CISJORDANIE GAZA

PALESTINE

6%

1%

KOWEÏT

92 %

Instabilité généralisée

Instabilité institutionnelle

Démocratie partielle* Conflit israélopalestinien

l

90 %

Guerre civile

Diversité confessionnelle Judaïsme Chiisme

Mer Rouge

Golfe Persique

Crise institutionnelle

Pouvoirs autoritaires*

Ni

Sources : Année stratégique 2022, The Economist group 2021, site de l’UNESCO, ONU, AFP.

60 %

ARABIE SAOUDITE

10 %

LIBAN

Profonde crise économique

Christianisme Sunnisme

Autres

Richesse culturelle menacée

Sites culturels au patrimoine mondial de l’UNESCO, classés comme menacés

Richesse des sous-sols

Réserves de pétrole

SOUDAN

300 km

Les mandats accordés par la Société des Nations (SDN) permirent à Paris de contrôler le Liban et la Syrie, Londres se voyant octroyer l’Irak, la Transjordanie et la Palestine. Après les indépendances, carl des proclamations d’unité du monde arabe et des projets au-delà format 182x125 échoués de confédération – République arabe unie (1956-1961), Union hachémite de la Jordanie et de l’Irak (1958) –, le Machrek p140_Machreck reste traversé par une fragmentation politique, stratégique et religieuse.

L’ÉGYPTE, UN PAYS MAJEUR FRAGILISÉ L’Égypte, indépendante depuis 1922, demeurait sous contrôle britannique. Le colonel Nasser devint l’homme fort de l’Égypte en 1954 et développa une ligne politique nationaliste,

Réserves de gaz

* Selon la classification proposée par The Economist Group, Democracy Index 2021.

tiers-­mondiste et panarabe. Sa popularité déborda largement les frontières de son pays, après la nationalisation du canal de Suez en 1956, à l’encontre des intérêts occidentaux. L’Égypte se rapprocha de l’URSS et joua un rôle majeur dans le mouvement des non-alignés. Après la guerre de 1973, son successeur Anouar el-Sadate comprit que l’alliance avec Moscou ne lui permettait pas de modifier le statu quo en vigueur et de récupérer le Sinaï, conquis par Israël en 1967. Il opère donc un renversement d’alliance, se rapprochant de Washington, et signe une paix séparée avec Israël (accord de Camp David de 1978), qui entraîna son exclusion de la Ligue des États arabes. L’alliance avec Washington (qui permit une aide économique et stratégique à  l’Égypte) devint un axe majeur de la politique égyptienne.

1. La Palestine est évoquée dans différents chapitres précédents, notamment en page 90.

142

33 %

1%

85 %

ÉGYPTE

IRAN

5%

JORDANIE

10 % 5%

LIBYE

2%

LE MONDE ARABE Les révoltes populaires de février 2011 entraînèrent le renversement d’Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 1981. Pour la première fois, une élection présidentielle libre fut organisée en 2012. Le candidat issu du mouvement des Frères musulmans, Mohamed Morsi, en sortit vainqueur, mais fut renversé par un violent coup d’État opéré par le maréchal al-Sissi en juillet 2014. Ce dernier restaura la dictature. Les Occidentaux, estimant que l’Égypte est stratégiquement centrale, se montrent aveugles face à la répression en cours et aux atteintes aux droits de l’homme. En mars 2018, le maréchal Sissi est réélu, lors d’une élection sans réelle concurrence et sur fond de difficultés économique, et sécuritaire, croissantes.

200 000 km2). Ils déclarent abolir les accords Sykes-Picot, jouant sur la rancœur des sunnites, exclus du pouvoir en Irak depuis l’intervention américaine et maltraités par le régime syrien. Une coalition internationale, réunissant partisans et adversaires du régime syrien, se mit en place pour déloger l’organisation islamiste. Les Occidentaux s’appuient particulièrement sur les forces kurdes pour défaire l’organisation. C’est chose faite en 2019 : l’État islamique perd son ancrage territorial. Quant à B. Al-Assad, il se maintient au pouvoir grâce aux Russes et aux Iraniens mais le pays est détruit et la guerre a fait près de 500 000 morts et réduit au statut de réfugié ou de déplacé la moitié de la population. Aucune solution politique ne semble en vue.

LES CHAOS SYRIEN ET IRAKIEN

LIBAN, JORDANIE : SURVIE EN MILIEU DIFFICILE

En Irak et en Syrie, respectivement indépendants en 1932 et 1946, c’est le parti Baas qui s’est emparé du pouvoir. Il se définit comme laïc, nationaliste et panarabe. Malgré ces caractéristiques communes et leurs liens avec Moscou, l’Irak et la Syrie sont les « frères ennemis » de la région. Dans le premier pays, un homme fort, Saddam Hussein, issu de la minorité sunnite (33 % de la population), s’empara du pouvoir. En Syrie, c’est l’alaouite (branche minoritaire – 12 % de la population – proche du chiisme) Hafez Al-Assad qui prit la tête du pays. Il s’allia avec l’Iran pendant la guerre Iran-Irak (1980-1988). La Syrie maintient une attitude de forte hostilité à l’égard d’Israël, qui demeure uniquement verbale. Indépendant en 1931, monarchie jusqu’en 1958, l’Irak a  vu Saddam Hussein prendre le pouvoir en 1978. Ce dernier y instaura une dictature et s’opposa à l’Arabie saoudite, de par son caractère laïc et ses liens avec l’URSS. Pays riche en pétrole, en eau, mais aussi industriel et agricole, l’Irak se situait au même niveau économique que l’Espagne. L’Irak est épuisé à la fois par les guerres déclenchées par Saddam Hussein (contre l’Iran puis le Koweït), l’embargo occidental décrété de 1991 à 2003, la guerre de 2003 et ses conséquences, dont l’installation de l’Etat islamique sur son territoire. Désormais sous double influence iranienne et américaine, les structures du pays sont très affaiblies et la population fracturée. Fin 2019, la population proteste contre les influences étrangères et la corruption de la classe politique. En Syrie, Bachar Al-Assad, qui a succédé à son père en 2000, s’est retrouvé en 2011 confronté à des manifestations pacifiques, réclamant démocratie et justice sociale. Il répond par une répression aveugle. Une guerre civile intense et cruelle commence, entraîne la radicalisation d’une partie de l’opposition et facilite l’implantation des djihadistes. Le conflit s’internationalise : les pays arabes et la Turquie s’opposant à B. Al-Assad vont jusqu’à soutenir des groupes radicaux. Les Occidentaux condamnent également les exactions du régime, sans fournir une véritable aide militaire aux insurgés. La Russie et l’Iran soutiennent, quant à eux, le régime syrien. Des djihadistes sunnites établissent en 2014 un État islamique (Daech) sur une partie des territoires irakien et syrien (environ

Damas n’a jamais réellement accepté l’indépendance du Liban, qu’elle estime faire partie d’une « grande Syrie ». Bâti sur un fragile équilibre entre 18 communautés, le Liban fut déstabilisé par plusieurs vagues de réfugiés palestiniens. En 1975, une guerre civile y éclata. À la demande des chrétiens, la Syrie intervint et étendit son influence sur le pays. Après l’intervention israélienne de 1982, les chiites, communauté la plus pauvre, s’organisèrent autour du Hezbollah, à la fois mouvement politique et milice armée soutenue par l’Iran. À la suite de l’assassinat du Premier ministre sunnite Rafiq Hariri en février 2005 attribué au régime syrien, une résolution de l’ONU soutenue par la France et les États‑Unis obligea la Syrie à quitter le Liban. La présence de réfugiés palestiniens sur son sol, d’un temps du siège de l’OLP et du Hezbollah, mouvement armé un politique chiite proche de Téhéran, déclenche plusieurs incursions israéliennes (1978, 1982, 2006). Un système d’équilibre et de partage du pouvoir entre les trois principales communautés est mis en place au Liban, mais le pays reste soumis aux influences – notamment iranienne et saoudienne – et aux aléas régionaux. Dans le contexte de la guerre en Syrie, le Liban voit arriver sur son sol plus de 1,1 million de réfugiés, soit près d’un cinquième de sa population. En 2019, une révolte populaire multiconfessionnelle contre la corruption éclate. À l’été 2020, une spectaculaire explosion a lieu sur le port de Beyrouth, un événement qui souligne l’incurie des dirigeants libanais et déclenche une nouvelle crise politique. Le pays est en déroute économique, avec une inflation record qui dépasse 150 % en 2021. La Jordanie, dont la majorité de la population est d’origine palestinienne, est, avec l’Égypte, le seul pays arabe ayant signé un traité de paix avec Israël. Le pays compte sur sa relation avec Washington pour assurer sa sécurité et celle de la monarchie. Le Machrek comptait autrefois trois pays relativement puissants, dotés de solides structures étatiques et d’un poids international : Égypte, Syrie, Irak. Le premier est désormais mal en point et les deux autres doivent être reconstruits. Le Liban connaît une crise économique et politique profonde. La Jordanie, fragile, parvient pour le moment à échapper aux pires tourments.

143

LA STABILITÉ MENACÉE DU GOLFE ARABO-PERSIQUE Le prédicateur Muhammad Ibn Abd al-Wahhab prônait au xviiie siècle un retour aux sources de l’islam rigoureux et conclut une alliance avec Ibn Saoud. La dynastie Saoud étendit son influence sur la pénin‑ sule arabique au début du xixe siècle. Le Royaume d’Arabie saoudite fut créé en 1932, le reste de la région demeurant sous domination britannique, mis à part l’Iran, autre géant régional.

Le retrait britannique permit l’accession à l’indépendance des petits Émirats. Sept d’entre eux se groupèrent dans la Fédération des Émirats arabes unis, que Bahreïn et le Qatar refusèrent de rejoindre. Oman et le Koweït devinrent également indépendants. La prospérité de ces pays à faible population fut largement rendue possible par le choc pétrolier du début des années 1970.

à asphyxier économiquement l’Iran. Des négociations reprennent après l’arrivée de l’administration démocrate en 2021 mais le retour des conservateurs au pouvoir à Téhéran pourrait compliquer le processus. La perception de l’Iran comme une menace existentielle conduit à un rapprochement stratégique entre l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et Israël.

L’INFLUENCE AMÉRICAINE

DIVISIONS RÉGIONALES

L’Arabie saoudite mit en place une active diplomatie religieuse, destinée à propager le wahhabisme au sein des pays musulmans. Bien que cette interprétation de l’islam soit particulièrement répressive, les États‑Unis ne s’y opposent pas afin de conserver leur accès au pétrole saoudien. De plus, durant la guerre froide, Washington voit dans Riyad un allié contre le communisme. Les États‑Unis, devenus la puissance stratégique majeure de la région dès 1945, avaient passé un accord avec l’Arabie saoudite (dit pacte du Quincy) : en échange de la fourniture abondante d’un pétrole bon marché, ils garantissaient la sécurité du régime. Après la guerre du Vietnam, Richard Nixon mit en place une stratégie de gendarmes régionaux, devant constituer des relais de l’influence américaine. C’est l’Iran, pays le plus peuplé et que son chef d’État, le chah, modernisait de façon autoritaire, qui fut choisi. En 1979, la révolution menée par l’ayatollah Khomeiny renversa le chah. L’Iran rompit ses relations avec les États‑Unis et Israël, et menaça d’exporter sa révolution dans le reste de la région. D’allié des États‑Unis, il devint alors une menace majeure. Il est également perçu comme une menace existentielle par l’Arabie saoudite et Israël, d’autant que Téhéran est soupçonné de chercher à développer un arsenal nucléaire. En juillet 2015, après des années de négociations, un accord sous le format P5+1 (États-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni, France et Allemagne) est signé avec l’Iran, qui prévoit la réintégration de l’Iran sur la scène politique et commerciale internationale sous réserve de la suspension du développement d’un arsenal. Cet accord est dénoncé par Tel-Aviv et Riyad, qui se satisfaisaient de voir l’Iran mis au ban. Donald Trump dénonce cet accord en 2018 et cherche

En 1982 fut créé le Conseil de coopération du Golfe (CCG), regroupant l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar, Bahreïn, le Koweït et Oman. Ces pays soutiennent l’Irak dans sa guerre contre l’Iran, mais se méfient des appétits de Saddam Hussein. Riches, ils sont stratégiquement fragiles face aux menaces extérieures. Ils sont également très dépendants de la main-d’œuvre étrangère. En 1995, Hamad ben Khalifa Al Thani renversa son père et ­souhaita imposer l’existence de son pays, le Qatar, face à l’Arabie saoudite. Il créa la chaîne de télévision Al-Jazeera, et se lança dans une politique extérieure active, notamment sur le plan sportif. Il fut l’un des principaux soutiens des Frères musulmans, très actif dans le Printemps arabe, irritant ainsi l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. En 2017, ces pays – avec Bahreïn et l’Égypte – proclamaient un blocus du Qatar, auquel ils reprochent une trop grande proximité avec l’Iran. Mais le Qatar parvient à résister à ce blocus, qui est levé en janvier 2021. Le nouvel homme fort du régime saoudien, Mohamed Ben Salman, voit dans l’Iran une menace existentielle. Cet antagonisme avec l’Iran l’amène à se rapprocher discrètement d’Israël. Il veut moderniser le pays, mais sa politique brutale (répression interne, assassinat du journaliste Khashoggi en octobre 2018, guerre au Yémen dans laquelle il s’enlise) et brouillonne l’affaiblit momentanément. Malgré cela, son rôle de pivot régional et sa manne pétrolière font durablement de l’Arabie saoudite un partenaire incontournable des autres puissances – occidentales mais pas seulement – dans le Golfe.

144

LE MONDE ARABE

Le Golfe arabo-persique en 2020 42,7

TURQUIE

TURKMÉNISTAN

Mer Caspienne

69 %

Tel Aviv

IRAN

Bagdad

Damas

ISRAËL PALESTINE

Accord sur le nucléaire iranien en juillet 2015 – remis en cause en 2018 par les États-Unis, reprise des négociations en 2021

IRAK

Amman

Jérusalem-Est : Esplanade des mosquées

Canal de Suez

23,6

Tigre

te hra

LIBAN

Mer Beyrouth Méditerranée

p Eu

SYRIE

Téhéran

39,8

JORDANIE

KOWEÏT

3,8 Koweït City Golfe Persique

24,8

Al Wajh

QATAR

33 %

Umluj

Red Sea Project projet saoudien de développement touristique en mer rouge. Annoncé en 2017, fin de la première phase de construction en 2023

Riyad

Médine

Doha

ARABIE SAOUDITE

Dubaï Golfe d’Oman

Mascate 26,7

Blocus du Qatar de juin 2017 à janvier 2021

La Mecque

SOUDAN

Abou Dhabi

É. A. U.

Pacte de Quincy (1945) : Alliance entre Washington et l’Arabie saoudite, renouvelé en 2005

Djedda

Détroit d’Ormuz

Al-Jazeera : chaîne arabophone la plus regardée au monde

* 20,7

43 %

OMAN 87,5 %

* Le Qatar quitte l'OPEP début 2019.

Mer Rouge

Nil

Sources : Oriane Huchon, Les clés du Moyen-Orient, 2016 - Le Monde diplomatique, 2016 Banque mondiale, 2019 - site KAWA – knowing Arabia, watching Arabia.

ÉGYPTE

73,9 %

BAHREÏN

5,4

ÉRYTHRÉE

16,8

YÉMEN

Sanaa

87,5 %

Enjeux religieux

Les majorités religieuses

Aden

ÉTHIOPIE

Sunnisme Malikite

Judaïsme

Hanafite

Ibadisme

Hanbalite (wahhabite)

Christianisme

Duodécimain

Siège de la Ligue islamique mondiale Principaux lieux saints de l’Islam

Zaydite

Golfe d’Aden

Coopération régionale

Chafiite

Chiisme

Détroit de Bab-el-Mandeb

OMAN

OCÉAN INDIEN

Pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) Pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), créée le 14 septembre 1960, lors de la conférence de Bagdad Ancien membre de l’OPEP

500 km

Enjeux stratégiques et économiques 3,8

Total des bénéfices tirés de l’exploitation des ressources naturelles, en % du PIB en 2019 Trois principaux hubs aéroportuaires internationaux Passages stratégiques 43 %

Pourcentage de ressortissants étrangers (2015)

145

carl format 182x210

L’AFRIQUE OCCIDENTALE, ENTRE DEFIS DÉMOCRATIQUE ET DÉMOGRAPHIQUE L’Afrique de l’Ouest a été colonisée par les Français : Mali, Niger, Sénégal, Togo, Côte d’Ivoire, Cameroun (Afrique-Occidentale française, AOF) ; les Anglais : Gambie, Sierra Leone, Ghana, Nigeria ; et les Portugais : Cap-Vert, Guinée-Bissau. Le Liberia est un cas unique, créé par des esclaves affranchis, de retour des États‑Unis.

UNE INTÉGRATION RÉGIONALE RÉUSSIE

LES AUTRES NATIONS ANGLOPHONES

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui regroupe quinze États, a été créée en 1975. Elle représente le modèle d’intégration régionale le plus abouti du continent africain. À visée originelle purement économique, elle tend de plus en plus à jouer un rôle politique, notamment pour consolider la démocratisation en isolant ou en maintenant une pression sur les régimes qui refusent les alternances démocratiques ou sont tentés par les coups d’État. Elle a également eu un rôle important en matière de maintien – ou de retour – à la paix au niveau régional. En son sein, huit pays ont créé une union monétaire, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), dont la monnaie commune fut le franc CFA, qui doit désormais être remplacé par « l’éco ». Du leader panafricain anglophone Kwame Nkrumah (Ghana) au francophone Léopold Sédar Senghor (Sénégal), le développement postindépendance de ces pays s’est largement appuyé sur le secteur public. L’Afrique de l’Ouest souffre de ne pas avoir entamé sa transition démographique. Son taux de croissance démographique supérieur à 3 % par an entrave son développement économique et fragilise les sociétés.

Le Liberia et la Sierra Leone ont historiquement connu des clivages entre les élites côtières créoles (settlers libériens, krios de Sierra Leone) et les populations de l’intérieur (natives). En Sierra Leone, la guerre civile dura de 1989 à 2001, et nécessita l’intervention des forces britanniques. Au Liberia, elle sévit de 1989 à 2003. Ces deux conflits, particulièrement meurtriers et violents (plus de 150 000 morts), financés par l’exploitation du diamant, ont ravagé les infrastructures des deux pays. De plus, ils se sont déroulés sur fond d’enrôlement d’enfants soldats et d’amputations de masse, afin de terroriser la population. Ces États sont en cours de reconstruction, notamment sous l’impulsion au Liberia d’Ellen Johnson Sirleaf à partir de 2006, puis de George Weah, élu en 2017 sur un programme de justice sociale et d’égalité des droits qu’il peine à mettre en œuvre. Le Ghana est l’ancienne Gold Coast, colonie britannique la plus prospère. Kwame Nkrumah, charismatique leader panafricain, est renversé par des militaires en 1966. La démocratie est pleinement de retour depuis le début du xxie siècle. Le Ghana est reconnu comme un modèle démocratique, pratiquant les alternances politiques et ayant connu de grands progrès dans les domaines de l’éducation (90 % de la population alphabétisée), de la fécondité (4,2 enfants/ femme) ou des inégalités de revenus. Son rôle de bon élève lui vaut d’importants soutiens de la part de la communauté internationale.

LE GÉANT NIGÉRIAN Peuplé de quelque 200 millions d’habitants, le Nigeria est en compétition avec l’Afrique du Sud pour le leadership africain, estimant être le plus représentatif du continent. Riche de son pétrole, il a longtemps souffert de la direction militaire du régime, corrompu et inefficace. Son PIB a récemment dépassé celui de l’Afrique du Sud, atteignant près de 450  milliards de dollars – contre désormais 350 pour l’Afrique du Sud. Le Nigeria, désormais première puissance économique du continent, se situe au 27e rang mondial (l’Afrique du Sud est au 37e rang). Il souffre d’une ligne de fracture confessionnelle, régionale et historique. La mosaïque ethnique s’organise autour de trois grands ensembles (Big three) : Haoussa et Peul musulmans au nord (plus de 30 %), Yoruba au sud-ouest (environ 30 %) et Ibo christianisés à l’est (entre 15 et 20 %). L’armée y joue un rôle central en occupant le pouvoir par intermittence. Les importantes ressources pétrolières sont mal gérées et mal réparties. La présence du groupe djihadiste Boko Haram dans le Nord du pays depuis le début de la décennie 2010 est un véritable défi sécuritaire pour le pays. Les civils y sont les premières victimes des exactions du groupe mais aussi des forces armées nigérianes. Muhammad Buhari est élu en 2015 sur un programme anticorruption. Il est réélu en 2019. 146

LES NATIONS FRANCOPHONES Le Sénégal est un exemple de démocratie africaine réussie, ayant même connu de véritables alternances politiques. La société civile y est développée. Le président Senghor montra l’exemple en renonçant volontairement au pouvoir au profit de son dauphin, Abdou Diouf, en 1980, qui admit sa défaite à l’élection de 2000, au profit de son opposant Abdoulaye Wade. Ce dernier tenta de se maintenir de force au pouvoir, mais finit par y renoncer devant les pressions populaires. Macky Sall lui succéda en 2012 et fut réélu en 2019. Le pays connaît cependant une crise politique à la suite de l’invalidation de certaines candidatures d’opposition avant les élections législatives de juillet 2022. À la mort du fondateur du régime, Félix Houphouët-Boigny, la Côte d’Ivoire est entrée dans une crise profonde. Le pays, autrefois considéré comme le poumon économique de l’Afrique de l’Ouest, a été plongé dans une guerre civile, sur fond de clivages ethniques. Le PIB par habitant a chuté de moitié. Alassane Ouattara a remporté l’élection de 2011, mais ses résultats furent contestés par le président en place, Laurent Gbagbo. Les forces françaises et de l’ONU ont permis

L’AFRIQUE

La difficile émergence de l’Afrique occidentale Organisations économiques

MAROC

CEDEAO

ALGÉRIE

Sahara occ.

et monétaire ouest-africaine)

Principales ressources minières et énergétiques

MAURITANIE

Banjul

SÉNÉGAL

GAMBIE

Casamance

GUINÉE BISSAU

2021

Conakry Freetown

Monrovia

LIBERIA OCÉAN ATLANTIQUE 500 km

Bobo Dioulasso

CÔTE D’IVOIRE

SIERRA LEONE

NIGER

r

Nige

Abidjan

Or

Uranium

Diamant

Pétrole

Principales villes

en millions d’habitants Lac Tchad

Niamey

Ouagadougou

Bamako

GUINÉE

2020 2021

MALI

BURKINA 2022 FASO

Dakar

États suspendus UEMOA (Union économique

Nouakchott

CAP VERT

(Communauté économique des États de l'Afrique de l’Ouest)

LIBYE

Kano

Kaduna

BÉNIN TOGO Abuja Ilorin GHANA

Kumasi

Ibadan

Lomé Accra

Lagos

3

10

Tensions et conflits Coups d’État

NIGERIA

Bénin City Onitsha Nnewiv Uyo CAMEROUN Aba

Douala

Sekondi Takoradi Abomey Calavi

1

Port-Harcourt

Sources : World population review 2022, Bureau maritime international, Le Monde.

Principaux conflits armés Post conflits Piraterie (2021) La menace terroriste Zone d’action de groupes affiliés à AQMI Zone d’action de l’État islamique au grand Sahara et affiliés Zone d’action de Boko Haram

à Ouattara de s’installer à la présidence, puis d’être réélu en 2018, sans pression sécessionniste des Touaregs et une tentative de raid djihaque la réconciliation nationale soit totale. Ouattara annonce qu’il ne se diste à Bamako empêchée de justesse par une intervention militaire carl représentera pas aux élections de 2020, mais ne tient pas sa promesse. française en janvier 2013. L’entière zone sahélienne a été déstabilisée format 180x110 Il est réélu avec 95 % des voix, l’opposition boycottant le scrutin. par la chute du régime Kadhafi en Libye, qui a engendré un arseAu Burkina Faso, la société civile a empêché le président Blaisema faute nal d’armes à ciel où 2022.... chacun s’est servi. La zone désertique, j’avais pris lesouvert attaques p145_Afrique_Ouest Compaoré de se maintenir illégalement au pouvoir en 2015. Il y était propice à tous les trafics, est extrêmement difficile à contrôler. Les parvenu en 1987, à la suite de l’assassinat du président Sankara. Ce accords d’Alger (2015), censés régler la pression sécessionniste touadernier avait rebaptisé la Haute-Volta en Burkina Faso (« pays des reg au Nord Mali, ne sont toujours pas mis en œuvre. hommes intègres »), tout en incarnant un gouvernement d’orientation Fin 2014 fut créé le G5 Sahel (G5S), composé de la Mauritanie, du marxiste, prônant la redistribution des richesses, l’émancipation de Mali, du Niger, du Burkina Faso et du Tchad, afin d’appuyer à terme la femme et l’effacement de la dette des pays africains à l’égard des la relève des troupes françaises et onusiennes. Le terrorisme frappe pays occidentaux. À partir de 2016-2017 et du déplacement de la également d’autres États de la région, dont le Nigeria et le Cameroun menace djihadiste sahélienne vers la zone des trois frontières (Mali, par le biais de Boko Haram. La zone des trois frontières (Mali, Niger, Niger, Burkina Faso), les attaques dans le nord du Burkina Faso se Burkina Faso) est particulièrement fragile. multiplient. Jugé incapable de répondre à cette menace sécuritaire, L’opération française dans la région fait l’objet d’un rejet progresle président Roch Marc Christian Kaboré, élu en 2015, est renversé par sif de la part des populations et des gouvernements de la région, un coup d’État militaire en janvier 2022. La population soutient la prise la situation sécuritaire ne s’améliorant pas, et l’image de l’armée de pouvoir par les militaires. La CEDEAO a suspendu le Burkina Faso. française, coupée des réalités et accusée de bavures, se dégradant. Le Gabon et encore plus le Togo se distinguent négativement Au Mali, deux coups d’État militaires successifs ont lieu en 2020 et par des régimes autoritaires, voire dynastiques, qui n’ont de démo2021. La junte au pouvoir s’oppose vigoureusement à la présence de cratique que le nom. Mais le petit Gabon, grâce à ses ressources la France, qui annonce par la voix d’Emmanuel Macron une reconfipétrolières, a « acheté » une relative paix sociale. guration de sa présence militaire au Sahel. Début 2022, les accords En Gambie, le dictateur Yayah Jammeh a organisé en 2016 une de Défense entre Paris et Bamako sont rompus. La junte malienne élection qu’il pensait impossible à perdre. Alors qu’il voulait contesa en parallèle conclu un accord avec le groupe paramilitaire russe ter le résultat défavorable, les pressions de la CEDEAO l’ont contraint Wagner qui intervient en soutien à l’armée. à quitter le pouvoir. La difficulté de contrôler de vastes étendues et la relative faiEn Guinée, l’ex-opposant Alpha Condé est élu en 2010. En 2020, blesse des structures étatiques et des armées nationales ont fait il change la constitution pour obtenir un troisième mandat, devient de l’Afrique de l’Ouest un lieu de transit de drogues en provenance répressif et est renversé par un coup d’État en septembre 2021. d’Amérique latine et à destination de l’Europe. De manière générale, Longtemps perçu comme une heureuse « exception démocrales trafics prospèrent dans la zone : pétrole au Nigeria, or au Ghana, tique », le Mali a subi une tentative de coup d’État en 2012, une tabac au Mali et pêche illégale au large du Sénégal. 147

L’AFRIQUE CENTRALE EN PANNE ? L’Afrique centrale est composée de dix pays : Burundi, République centrafricaine (RCA), Cameroun, Gabon, Guinée équatoriale, Sao Tomé-et-Principe, Tchad, République du Congo, Rwanda et République démo‑ cratique du Congo (RDC). Quatre pays appartiennent à la zone la plus peuplée, l’Afrique des Grands Lacs : Burundi, Rwanda, RDC et Ouganda.

UN TERRITOIRE « À GÉOMÉTRIE VARIABLE »

DES RÉGIMES AUTORITAIRES

Parfois qualifiée d’ « espace improbable », bordé par le Nigeria, l’océan Atlantique et le Sahel, mais aussi d’un géant, la République démocratique du Congo (RDC) – pays également lié à l’Afrique australe –, l’Afrique centrale est un territoire « à  géométrie variable ». Faiblement peuplée et essentiellement forestière, elle comprend la deuxième réserve mondiale des « puits de carbone », écosystème capable de puiser le CO2 en excès dans l’atmosphère pour lutter contre le réchauffement climatique. Depuis le début des années 1990, l’Afrique centrale est la région la plus instable et celle qui a connu les conflits les plus meurtriers. Les revendications démocratiques émises à la fin de la guerre froide n’ont pas été couronnées de succès. Les régimes se maintiennent sur de longues périodes, en ne laissant aucune place à l’alternance et très peu à l’opposition.

Le Burundi et le Rwanda ont été d’abord allemands, puis belges. Au Rwanda, Paul Kagame dirige le pays d’une main de fer depuis 1994, faisant taire toute opposition au nom, notamment, de la mémoire du génocide. Par une gestion efficace et une absence de corruption, ainsi que grâce à l’aide internationale et le pillage de la RDC, il en a fait une véritable réussite économique. Le pays est devenu un modèle de développement pour certains États africains et a obtenu une reconnaissance internationale croissante. Le Burundi, autrefois démocratie remarquée, subit la répression sauvage de son président, Pierre Nkurunziza, qui a économiquement échoué, son pays étant l’un des plus pauvres du monde. Il souffre également de divisions ethniques entre Tutsis (14 % de la population, qui dominent l’armée) et Hutus, et d’une démographie non contrôlée (plus de 5 enfants par femme en 2019). Outre Sao-Tomé-et-Principe, sous domination portugaise, les autres pays relevaient de l’Afrique-Équatoriale française (AEF). Après les indépendances, équatoriale a laissé place à centrale. Au Congo, Denis Sassou Nguesso (président de 1979 à 1992, puis depuis 1997) bénéficie d’une rente pétrolière qui lui permet de relativiser les effets d’un pouvoir personnel peu efficace. Le Cameroun, qui a connu trois systèmes coloniaux (allemand, britannique et français), reste marqué par un bilinguisme français et anglais, et a su résister aux appétits du Nigeria. Avec 25 millions d’habitants, il est faiblement développé. Paul Biya, Premier ministre dès 1975, puis président depuis 1982, s’est montré plus habile à rester au pouvoir qu’à développer son pays, qui subit difficilement l’immobilisme économique et politique. Le pays est la cible de Boko Haram et des mouvements séparatistes au nord. Au Tchad, Idriss Deby chassa Hissene Habré du pouvoir en 1990. Ce dernier fut inculpé par l’Union africaine (UA), pour crime contre l’humanité et crime de guerre. On a découvert de nombreux charniers, remplis de victimes de son régime. I. Déby met en place un régime autoritaire laissant peu de place à l’opposition. Mais il bénéficie du boom pétrolier et, surtout, de l’efficacité de l’armée tchadienne. Il apparaît indispensable à la lutte contre le terrorisme dans la région, évitant ainsi toute remise en cause de la nature de son régime. Il meurt au combat en 2021. Son fils lui succède. Malgré son caractère anti-démocratique, le pouvoir tchadien est ménagé par la France, étant un partenaire essentiel dans la lutte contre les groupes islamistes armés au Sahel. Le Tchad est l’un des pays les plus menacés par le réchauffement climatique. Environ 90 % du lac Tchad ont disparu ces 50 dernières années, du fait des sécheresses et des prélèvements pour l’irrigation. Après avoir connu une succession de coups d’État au cours des années 1970-1980, la République centrafricaine est dominée par le général Konlingba jusqu’en 1993. Ange-Félix Patassé, élu en 1993, réélu en 1999, est renversé en 2003 par un coup d’État militaire.

LA RDC, UN GÉANT FAILLI Pendant l’époque coloniale, le Zaïre (Congo belge) était la possession personnelle du roi des Belges. Il fut littéralement pillé. L’exploitation de la population y  fut particulièrement inhumaine et sanglante. Qualifié de « scandale géologique » tant son sous-sol est riche, il illustre au plus haut point la malédiction des matières premières. Après l’indépendance, le dirigeant progressiste Lumumba est tué. Le maréchal Mobutu qui lui succède a vécu sur la rente minière et stratégique de la guerre froide (le pays ne devait pas tomber aux mains des Soviétiques). À sa chute, le Zaïre était moins développé que lors de l’indépendance. Après la guerre froide et le génocide rwandais de 1994, le régime Mobutu, miné par la corruption et la gabegie, est devenu inutile aux Occidentaux. L’installation de réfugiés, notamment en provenance et la volonté des pays voisins de s’approprier les richesses du pays ont provoqué, entre 1996 et 2003, une guerre qui fit près de 4 millions de morts. Ce fut le conflit le plus meurtrier de l’histoire du continent africain. Avec l’aide de l’Angola, de l’Ouganda, du Rwanda et du Burundi, Joseph Kabila renversa Mobutu en 1997, pour se révéler tout aussi inefficace, comme son fils qui lui a  succédé après son assassinat en 2001. Ce dernier s’accrocha au pouvoir en violation de la Constitution et malgré les revendications populaires soutenues par l’Église. Une force de maintien de la paix, la plus importante jamais déployée par l’ONU, tenta tant bien que mal de contrer les interventions étrangères, principalement du Rwanda et de l’Ouganda, et les bandes armées intérieures. En 2013, sous la pression de la communauté internationale, un accord-cadre fut signé à Addis-Abeba, dans lequel les pays signataires s’engageaient à cesser leurs interventions en RDC. Le pays reste depuis sous-développé et instable. Félix Tshisekedi est élu en 2018 lors d’une élection contestée et passe un accord de cohabitation avec les alliés de Kabila. 148

L’AFRIQUE

L’Afrique centrale, un espace menacé ALGÉRIE

LIBYE

NIGER

ÉGYPTE

TCHAD

Khartoum

Lac Tchad

Assèchement à 90 % depuis 50 ans

SOUDAN

N’Djaména

NIGERIA Abuja

SOUDAN DU SUD

RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

Juba

Bangui

CAMEROUN Yaoundé

Kampala

Libreville

GABON GUINÉE ÉQUAT.

OUGANDA

CONGO

Brazzaville Kinshasa

Cabinda

Kivu

Kigali RWANDA RÉPUBLIQUE Bujumbura DÉMOCRATIQUE BURUNDI DU CONGO

Luanda

OCÉAN ATLANTIQUE

ANGOLA

Lubumbashi

ZAMBIE

500 km

Un espace conflictuel

Tensions interétatiques

Conflits intraétatiques

Source : ONU.

À partir de 2004, le pays est en proie à plusieurs épisodes de guerre civile sur fond d’opposition ethnico-religieuse (les musulmans représentent environ 10 % de la population, les chrétiens 89 %). Un nouveau coup d’État par le groupe armé Seleka a lieu en 2013 et déclenche une explosion de violence dans le pays. Face aux massacres et au risque de génocide évoquée par l’ONU, l’opération Sangaris menée par la France et une mission onusienne (MISCA puis MINUSCA) sont lancées en 2013. Après le départ des forces françaises en 2016, Bangui signe un accord militaire avec Moscou en 2018. Des forces du groupe paramilitaire Wagner sont notamment déployées. Un accord de paix est signé en 2019 (le treizième depuis 2007 !), mais certains groupes armés continuent d’être actifs dans le pays. La Centrafrique, avec un PIB par habitant de 479 dollars, se classe au 185e rang mondial. L’unité de l’Afrique centrale est principalement linguistique (francophone). Mais elle ne comprend pas de véritable puissance régionale. La Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) a été créée en 1994. Elle comprend six membres de la zone franc (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, RCA et Tchad), pays tous francophones (à l’exception de la Guinée équatoriale, ex-colonie espagnole) et producteurs de pétroles (exception faite de la RCA). L’union douanière a conduit à la mise en place d’un tarif extérieur commun. Malgré l’union monétaire et l’appartenance à la zone franc, la part du commerce entre pays membres n’est que de l’ordre de 4 %. Les pays membres de la Cemac, voisins du Nigeria, sont davantage intégrés à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Les intérêts des pays pétroliers pour une intégration régionale sont faibles.

Présence de forces militaires étrangères Missions de l’ONU

Un espace fragile Zone sahélienne

Zone de forêt équatoriale

Précipitations annuelles (en mm) 100 250 500 1 000 2 000

CEMAC (Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale)

ATTENTION SUR 1 COLONNE carl format 80x160

p147_Afrique_Centrale

149

L’AFRIQUE ORIENTALE ET LA CORNE DE L’AFRIQUE, ENTRE DÉVELOPPEMENT ET AUTORITARISME L’Afrique de l’Est comprend le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie, le Soudan et le Sud-Soudan. Si le Rwanda et le Burundi y sont parfois rattachés, ils sont plus souvent reliés à l’Afrique centrale. Quant à la Corne de l’Afrique, elle est composée de l’Éthiopie, de l’Érythrée, de Djibouti et de la Somalie.

L’Afrique de l’Est, une région en péril ? Mer Rouge

130 379

42 036

8

23 237

DJIBOUTI

55 2 46

56 894 14 5 27 9

39

76 9

05

6 47 2 2 40 5

11

210

31 041

SOMALIE

6

KENYA OCÉAN INDIEN

RWANDA

BURUNDI

7

Lac Turkana

Lac Victoria

49 773 146 02 1

42

41

ÉTHIOPIE 414

OUGANDA

RDC

Kivu

8

YÉMEN

TANZANIE

Sources : UNHCR (2020).

4

30 44

141

17 881

91

4

0 2 099

713 951

56 3 5

89

72 5

5

leu

nc 8 05 9

3 1 1 819

Lac Tana

SOUDAN DU SUD

6

Tigrée

15 9 93

Nil B

Nil Bla

SOUDAN

ÉRYTHRÉE

500 km

Des tensions continues Tensions interétatiques Bases militaires française

américaine

Présence militaire africaine (Éthiopie, Union africaine, …)

Conflits intraétatiques chinoise

émiratie

turque

Zone d'implantation des islamistes

Une population diverse, victime des conflits Peuplement amhara/tigré

Peuplement somali

Peuplement oromo

Réfugiés

UNE RÉGION INSTABLE Après des tentatives infructueuses, les pays de l’Afrique de l’Est ont mis en place une union douanière et un marché commun au début du xxie siècle, la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) comprenant l’Ouganda, la Tanzanie, le Kenya, le Sud-Soudan, le Burundi et le Rwanda. carl La zone est marquée par des régimes autoritaires, mais qui ont format 80x120 connu des succès économiques (hormis le Sud-Soudan, exemple type d’État failli). Anglophone, elle est stratégiquement liée aux p148_Corne_Afrique États‑Unis.

150

L’ÉTHIOPIE, UN FUTUR LEADER ? L’Éthiopie, avec plus de 110 millions d’habitants, est le pays africain le plus peuplé après le Nigeria. Elle fut, avec le Liberia, le seul pays indépendant d’Afrique au début du xxe siècle, n’ayant été colonisée par l’Italie qu’entre 1935 et 1941. En 1974, un régime communiste, aussi implacable qu’inefficace, a pris la place de l’empereur Hailé Sélassié. Outre la dictature, le pays fut traversé par une guerre civile et subit deux famines de masse. Le régime tomba en 1991. La religion copte y est majoritaire, les musulmans forment une minorité de 40 % de la population et les Tigréens, qui ne sont que 6 %, y concentrent tous les pouvoirs. Grâce à son dynamisme économique, elle entend jouer de nouveau un rôle panafricain et international important. La Chine y est très présente et construit de nombreuses infrastructures, dont le nouveau siège de l’Union africaine (UA). L’Éthiopie est active au sein des interventions multilatérales, sous mandat onusien et de l’UA, pour fournir des soldats en Somalie et au Soudan. Elle est une alliée très utile aux États‑Unis. L’Érythrée a fait sécession en 1993, privant l’Éthiopie d’un débouché sur la mer. L’existence même de cette dernière était en question. La guerre entre les deux pays (1998-2000) fit plus de 200 000 victimes en deux ans. Au début du xxie siècle, le régime, toujours extrêmement répressif, connaît une remarquable efficacité économique, qui assure au pays une croissance moyenne de près de 10 %. L’Érythrée est une des pires dictatures de la planète : la société civile y est inexistante et les persécutions ethniques y sont fréquentes. Seule la Corée du Nord est un régime portant encore plus atteinte aux libertés. Cet implacable régime provoqua une vague d’exils de réfugiés cherchant à fuir une situation qui ne leur offre aucune perspective. En mars 2018, Abiy Ahmed devient Premier ministre de l’Éthiopie et brise le monopole du pouvoir des Tigréens. Il propose la paix et la réconciliation à l’Érythrée, créant l’espoir d’un relâchement de la dictature dans ce pays. Il reçoit le Prix Nobel de la paix en décembre 2019 et fait espérer un retour durable de la stabilité et de la démocratie dans son pays. Mais sa volonté de mettre fin au caractère ethnocentré de l’organisation politique du pays déclenche, à partir de l’automne 2020, une rébellion de plusieurs groupes armés, notamment le front de libération du peuple du Tigré – les Tigréens ayant été écartés du pouvoir après plus de 20 ans de domination à Addis-Abeba – à laquelle le gouvernement répond par la force. Le pays connaît un nouvel épisode de guerre civile avec son lot de victimes civiles, de déplacés internes et de crise humanitaire. Un cessez-le-feu est mis en place mais la situation reste fragile.

L’AFRIQUE LES EXCEPTIONS DÉMOCRATIQUES Le Kenya est le pays de la région où la démocratie est la plus avancée, le multipartisme y ayant été instauré en 1991, concomitamment avec une forte croissance économique, mais ces progrès s’accompagnent d’une forte croissance des inégalités sociales. Les chrétiens représentent trois quarts de la population. Nairobi est le siège de nombreuses institutions internationales. La Chine y a construit et opère la liaison ferroviaire Nairobi-Mombasa. Après une expérience du « socialisme africain » de Julius Nyerere, au pouvoir de 1964 à 1985, qui se conclut par un échec économique, la Tanzanie adopta un système de multipartisme en 1992. Le PIB par habitant a doublé depuis le début du xxie siècle, mais ce pays pauvre reste marqué par une croissance démographique élevée et un secteur agricole employant encore 90 % de la population.

LES DRAMES SOUDANAIS Le Soudan est indépendant depuis 1956. Khartoum a  voulu islamiser par la force le Sud, chrétien et animiste, qui possède l’essentiel des ressources pétrolières. Il s’ensuivit une guerre civile de vingt ans, qui a fait 1,5 million de morts, avant que le conflit ne se déploie au Darfour au début du xxie siècle, pour faire 200 000 morts. En 2019, une mobilisation populaire fait tomber le régime Béchir, en place depuis trente ans. Le Soudan entame une transition démocratique. En 2021, un coup d’État militaire renverse cependant le pouvoir civil. Le Soudan du Sud, plus jeune État devenu indépendant et ayant intégré l’ONU en 2011, à la suite d’un accord de paix signé en 2005 sous la pression des États‑Unis, favorables à la sécession. L’accord sur le pétrole fixait notamment son prix de transit, du Sud-Soudan à travers le Soudan. Mais une guerre civile éclata rapidement entre factions rivales (Nuer et Dinka), détruisant le peu d’infrastructures existantes. Alors que le Soudan du Sud aurait pu être un État au développement rapide grâce à son pétrole, il est l’un des pays les plus pauvres au monde. Sur 12 millions d’habitants, 8 nécessitent une aide. Il n’y a que 80 kilomètres de routes pavées. Un accord de paix est signé fin 2018 mais peine à être mis en œuvre.

LE CHAOS SOMALIEN La Somalie fut l’objet de violents affrontements internes, qu’une intervention américaine, entre 1991 et 1995, loin d’y mettre fin, a contribué à développer. Des groupes islamistes sont même

parvenus à s’établir dans la capitale, Mogadiscio, et à contrôler une grande partie du territoire. Une force entièrement africaine (Burundi, Ouganda, Éthiopie, Djibouti, Kenya) est intervenue par peur de la contagion, aidée en sous-main par les États‑Unis. La piraterie avait fait son apparition au large des côtes somaliennes. Pour de nombreux Somaliens faisant face aux affrontements sur terre et au pillage des ressources halieutiques, elle était devenue un moyen de subsistance. Une force navale européenne, Eunavfor, a notamment été mise en place dans le but d’y mettre fin. Le Somaliland (ex-Somalie britannique), qui avait fusionné en 1960 avec la Somalie italienne, a fait sécession en 1993. Il n’est pas officiellement reconnu par la communauté internationale, mais il reste à l’abri des tourments qui frappent la Somalie. En 2017, les Émirats arabes unis, qui avaient déjà développé le port en eau profonde de Berbera, y ont installé une base militaire. L’élection présidentielle qui a eu lieu la même année s’y est déroulée dans de bonnes conditions. Signe positif, certains réfugiés somaliens reviennent dans le pays. La Somalie reste chaotique et sous la menace constante des Shebab, milices islamistes fortes de plusieurs milliers d’hommes. Djibouti, à la fois point d’entrée et de sortie de la mer Rouge, occupe un espace stratégique capital bien supérieur à son poids démographique. Plus de 30 % du trafic pétrolier passe devant ses côtes pour la mer Rouge et le détroit d’Oman. La France a historiquement une base militaire dans ce pays peuplé de 1 million ­d’habitants, alors que la Chine y a inauguré sa première base militaire à l’étranger en 2017 et constitue l’un de ses principaux investisseurs. Les États‑Unis y ont également une base militaire, notamment dans le cadre de leur « guerre contre le terrorisme », ou en point d’appui de la lutte contre la piraterie. Djibouti est le point de transit de la quasi-totalité des exportations et importations de l’Éthiopie. En Ouganda, Yoweri Museveni, allié de longue date du Rwandais Paul Kagame, se maintient au pouvoir contre vents et marées depuis 1986. Son régime allie répression et efficacité économique. Il a réussi à diversifier l’économie de son pays (la part du café est passée de 90 % à 10 % des recettes d’exportation) et réduit de moitié la part de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté (de 56 % à environ 30 %). Il a cependant largement contribué à la déstabilisation de la République démocratique du Congo. Ses liens étroits avec les États‑Unis lui épargnent de trop vives critiques sur sa gestion autoritaire et népotique.

151

L’AFRIQUE AUSTRALE ET LE GÉANT SUD-AFRICAIN L’Afrique australe comprend dix pays, aux influences culturelles diverses. Mais cette hétérogénéité n’em‑ pêche pas une intégration régionale relativement réussie, dont l’origine remonte à la lutte contre le régime sud-africain d’apartheid. La région a subi des influences anglaise, hollandaise, portugaise et allemande.

L’Afrique australe et les îles de l’océan Indien Mahé

Kinshasa

Kananga Tshikapa

Amirantes

Dar es-Salaam

MbujiMayi

TANZANIE

RDC

Luanda

SEYCHELLES

Aldabra

Providence

COMORES

ANGOLA

Lubumbashi

Lobito

MALAWI Lilongwe

ZAMBIE

Agalega (MAURICE)

Glorieuses (Fr.) Mayotte (Fr.)

Lusaka

Tromelin (Fr.)

ZIMBABWE

Hararé

MOZAMBIQUE

BOTSWANA Gaborone

Pretoria

Matola

Johannesburg

Maputo

Source : World population review 2022.

Ekurhuleni

eSWATINI OCÉAN ATLANTIQUE

AFRIQUE DU SUD Le Cap

OCÉAN INDIEN

La Réunion (Fr.)

Principales villes

en millions d’habitants

1

2

5

Principales ressources minières et énergétiques Cuivre, cobalt

Fer

Durban

Diamant

Charbon

Chemin de fer

LESOTHO

Or

Uranium

Aires de gisements importants

Pétrole

Organisations économiques SADC (Southern Africa

Port Elizabeth

500 km

INTÉGRATION RÉGIONALE

ET LUTTE CONTRE L’APARTHEID carl format 180x120 L’Afrique australe se compose d’un géant régional, l’Afrique du Sud, de pays à revenus intermédiaires, comme le Botswana ou la

Zambie, de micro-monarchies enclavées, peuplées et pauvres, p150_Afrique_Australe comme le Lesotho et l’Eswatini, de pays dont la croissance économique est stimulée par la richesse en matières premières, comme le Mozambique et l’Angola, d’un État failli, le Zimbabwe, ainsi que du Malawi et de la Namibie. La région fut marquée par les dernières guerres coloniales en Afrique, qui ont permis l’accession à l’indépendance de l’Angola et du Mozambique en 1975 après la révolution des Œillets au Portugal, et l’existence de régimes ségrégationniste en Rhodésie (devenu Zimbabwe), Namibie (détachée de l’Afrique du Sud en 1990) et en Afrique du Sud.

152

MAURICE

MADAGASCAR

NAMIBIE Windhoek

Antananarivo

Development Community)

Tensions et conflits

SACU (Southern

Africa Customs Union)

Principaux conflits intraétatiques

Après les indépendances, l’Angola et le Mozambique devinrent des alliés de l’URSS et de Cuba et se posèrent en adversaires de l’Afrique du Sud de l’apartheid, liée, elle, aux États‑Unis. Pretoria soutint les mouvements armés qui s’opposaient aux régimes de Luanda et Maputo. La fin de l’apartheid signifia également la fin des guerres civiles en Angola et au Mozambique, et leur permit de bénéficier de leurs sous-sols. Les autres pays frontaliers sont solidaires du Congrès national africain (African National Congress, ANC) de Nelson Mandela, sans avoir réellement les moyens de lutter contre l’Afrique du Sud. Ils créèrent la Conférence de coordination pour le développement de l’Afrique australe (Southern African Development Coordination Conference, SADCC), qui accueillit l’Afrique du Sud en 1992 pour devenir la Communauté de développement d’Afrique australe (Southern African Development Community, SADC), à l’origine d’une zone de libre-échange en 2007 qui, au regard du poids particulier de l’Afrique du Sud, demeure néanmoins à deux vitesses.

L’AFRIQUE La région est riche en ressources minière et aurifère. Elle représente un fort potentiel économique, une classe moyenne croissante et une population jeune.

AFRIQUE DU SUD, PAYS PHARE Avec 58 millions d’habitants, l’Afrique du Sud est le géant démographique et économique de la région. Candidate à la représentation africaine au sein du Conseil de sécurité des Nations unies (place que revendique également le Nigeria), elle bénéficie de l’aura d’avoir démantelé de façon pacifique le système d’apartheid au début des années 1990. Ce système de développement séparé permettait à la minorité blanche de dominer la majorité noire qui ne bénéficiait d’aucun droit. Pourtant, le rôle stratégique de l’Afrique du Sud lui a permis de continuer, sans avoir à subir aucune sanction occidentale, à pratiquer ce racisme institutionnalisé. Les protestations de plus en plus vives, non seulement des pays africains, mais aussi des opinions publiques mondiales, ainsi que la fin de la guerre froide, ont fait réaliser à la minorité blanche sud-africaine le caractère non durable d’un tel système. Le président Frederik de Klerc a fait libérer Nelson Mandela, leader de l’ANC. Élu président de la République en 1994, ce dernier fit prévaloir la réconciliation sur le désir de vengeance, ce qui permit à la minorité blanche de rester en Afrique du Sud et d’éviter la désorganisation et la ruine du pays. Cette générosité et cette intelligence ont conféré un statut incomparable à N. Mandela. Ses successeurs, sans remettre en cause le modèle de réconciliation, n’ont pas bénéficié de la même aura, notamment Jacob Zuma, dont l’absence de réforme et la corruption marquèrent le régime. Si une partie de la minorité noire a profité du changement, les inégalités sociales demeurent importantes, avec environ 40 % de la population touchée par la pauvreté et un chômage atteignant 28 %. La crise de 2008 et la baisse du prix des matières premières sont venues impacter négativement l’économie sud-africaine. L’afflux de réfugiés, notamment en provenance du Zimbabwe, a suscité de forts mouvements de rejet. En février 2018, Cyril Ramaphosa, ancien compagnon de N. Mandela ayant fait fortune, a accédé à la présidence sur la promesse d’une plus grande égalité sociale et de lutte contre la corruption. Le Nigeria a désormais un produit intérieur brut (PIB) plus important que l’Afrique du Sud. Au Zimbabwe, le président Mugabe n’a pas suivi la voie de la réconciliation et a fait fuir une grande partie de la minorité blanche. Népotisme, corruption, inefficacité ont fait d’un État potentiellement riche un État failli. Il est renversé en 2017.

L’Angola et le Mozambique, la paix enfin venue, ont pu bénéficier de leurs ressources en matières premières pour connaître une croissance exponentielle. Mais elle n’est pas suffisamment inclusive et les écarts de richesse restent béants. Le Mozambique doit faire face à une insurrection islamiste dans le nord du pays depuis 2018.

L’OCÉAN INDIEN, ZONE STRATÉGIQUE L’océan Indien, d’une superficie de 68 millions de km2, est le troisième par son étendue, après le Pacifique et l’Atlantique. D’un ensemble disparate constitué d’États indépendants, de territoires liés à des puissances extérieures, de pays d’un niveau économique inégal, mais marqués par le brassage et la cohabitation, il est un haut lieu de différences. Madagascar en est l’île la plus peuplée, avec 27 millions d’habitants, et connaît un sous-développement chronique. L’île Maurice, peuplée de 1,2 million d’habitants, est au contraire un pays relativement prospère, moderne, démocratique, avec une population bien formée et ayant opéré le tournant de la mondialisation. La Commission de l’océan Indien (COI), seule organisation régionale d’Afrique constituée uniquement de territoires insulaires créés dans les années 1980, joue la carte de l’intégration régionale, dans le domaine culturel, politique et économique. Elle réunit Maurice, Madagascar, les Seychelles, les Comores – qui appartient aux pays les moins avancés, indépendant de la France depuis 1975 – et la Réunion et Mayotte, départements français. L’océan Indien, longtemps négligé par les puissances, car apparaissant comme un ensemble vide sans grand intérêt économique et stratégique, fait désormais l’objet de nombreuses convoitises. Les routes maritimes empruntées par le commerce entre l’Afrique et l’Asie y prennent de l’importance. La France bénéficie d’une grande présence historique et possède toujours deux départements (la Réunion et Mayotte). L’Inde, qui a donné son nom à l’océan, entend augmenter sa présence, à la fois pour contenir la poussée chinoise et pour développer ses relations commerciales avec l’Afrique. Elle a d’ailleurs construit une station d’écoute à Madagascar. La Chine s’y intéresse également de près, l’Afrique constituant une part majeure de son approvisionnement en matières premières. Sa stratégie du « collier de perles » vise à déployer ses marines, non seulement en Asie du Sud-Est, mais également dans l’océan Indien. Les États‑Unis y disposent d’une base (Diego Garcia) ainsi que les cinquième, sixième et septième flottes de l’US Navy afin, originellement, de contrer l’URSS et aujourd’hui les ambitions chinoises. La région est affectée par le réchauffement climatique, qui rend plus fortes et plus nombreuses les catastrophes climatiques.

153

L’INDE, FUTUR GÉANT ? Délimité par l’Himalaya au nord et l’océan Indien au sud, le sous-continent indien comprend l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh – 3 des 10 pays les plus peuplés au monde – le Népal, le Bhoutan, le Sri Lanka et les Maldives. Les Anglais y ont délogé les Portugais et les Français, respectivement installés aux xvie et xviie siècles, pour dominer l’ensemble du territoire à la fin du xviiie siècle, l’East India Compagny s’arrogeant le monopole du commerce des épices et des tissus.

LA RIVALITÉ INDO-PAKISTANAISE L’Empire britannique des Indes accéda à  l’indépendance en août 1947. Une guerre sépare le Pakistan, qui se veut le pays des musulmans, et l’Union indienne, qui se veut multiconfessionnelle et conserve une vaste minorité musulmane (environ 200 millions aujourd’hui, près de 15 % de la population indienne). Deux autres guerres opposèrent par la suite ces deux pays (1965 et 1971), la dernière ayant vu la partie orientale du Pakistan faire sécession pour devenir le Bangladesh. Le Cachemire cristallise les tensions entre l’Inde et le Pakistan : la majeure partie de la zone est rattachée à l’Inde (qui y intensifie la répression en 2019), mais sa population est à majorité musulmane. Le Pakistan s’est largement construit en opposition à l’Inde, donnant aux forces armées et aux services de sécurité un rôle politique majeur. L’Inde s’inquiète d’opérations de déstabilisation, voire d’attentats, de la part du Pakistan. Les tentatives de rapprochement n’ont ainsi jamais débouché sur une véritable paix. L’accession des deux pays à l’arme atomique a laissé craindre qu’ils ne se lancent dans une guerre nucléaire. Mais la dissuasion nucléaire semble de mise entre les deux rivaux entre lesquels il n’y a plus eu d’affrontement armé direct depuis 1971.

Tensions entre hindous et musulmans Jammu-etCachemire

154

CHINE

New Delhi

PAKISTAN

Lucknow Agra Kanpur

Jaipur Indore

Ahmedabad

OCÉAN INDIEN

Kolkata

MYANMAR

Nagpur

Nashik

Mer d’Oman

Patna

INDE

Surate

Mumbai

BHOUTAN

NÉPAL

Bhopal

Vadodara

LA PUISSANCE INDIENNE Pays fédéral constitué de vingt-neuf États, l’Inde représente 80 % du PIB et de la superficie du sous-continent. Leader des pays non alignés, elle jouit du prestige de l’image de Gandhi et de sa résistance pacifique au colonialisme qui lui ont permis d’acquérir son indépendance. Depuis, elle a endossé un rôle de pays majeur au Sud. Elle fut néanmoins une proche alliée de l’Union soviétique, qui lui fournissait l’essentiel de son équipement militaire et une contre-assurance face à Pékin. Une guerre perdue l’opposa à la Chine en 1962. C’est pour faire face à cette dernière que New Delhi s’est dotée de l’arme nucléaire, notamment après la rupture sino-soviétique, le Pakistan se liant aux États‑Unis. La fin de la guerre froide obligea l’Inde à réviser sa stratégie. Elle commença à libéraliser son économie et abandonna un protectionnisme étroit. La part du commerce extérieur dans le PIB passa de 17 % en 1991 à environ 40 % aujourd’hui. Elle se rapprocha des États‑Unis, grâce notamment à sa diaspora implantée dans le pays. Le taux d’extrême pauvreté (part de la population avec moins de 1,9 dollar par jour) en Inde est passé de 22,5 % de la population en 2011 à 10,2 % en 2019. Le pays est devenu la 6e puissance économique mondiale (entre le Royaume-Uni et la France). Démographiquement, il devrait également bientôt dépasser la Chine. Mais d’un point de vue économique, l’Inde reste fortement distancée par son rival chinois. Ne constituant que 3 % du PIB mondial (contre 17 % pour la Chine), l’économie informelle y joue encore un rôle prépondérant. De plus,

Aksai Chin

AFGHANISTAN

BANGLADESH

Hyderabad

Pune

Visakhapatnam Vijayawada

Bangalore Kannur Kozhikode Coimbatore Malappuram Thrissur Kochi Kollam Thiruvananthapuram

Chennai

Golfe du Bengale

SRI LANKA 500 km

Distribution des musulmans en %

Tensions internes Émeutes récurrentes Émeutes importantes

10

20

30

50

75

Pays musulmans limitrophes Sources : World Population review 2022, Gouvernement indien, recensement 2011.

Principales villes en millions d’habitants 2

5

10

le pays souffre d’un manque d’infrastructures et d’un déficit commercial de 154 milliards de dollars par an, dont un tiers à l’égard de la Chine. Bien que le système des castes soit officiellement abrogé, le pays reste très marqué par les discriminations, qui en font un régime extrêmement inégal sur le plan social et territorial. L’actuel Premier ministre, Narendra Modi, issu du parti nationacarl ATTENTION CHANGEMENT FORMAT S listeformat Bharatiya Janata Party (BJP), prône une identité fondée sur l’hin80x120 douisme et se montre très hostile aux musulmans. Réélu en 2019, il fait adopter une loi qui facilite l’attribution de la nationalité indienne p152_Inde_Tensions aux réfugiés, sauf s’ils appartiennent à la religion musulmane. L’Inde se voit comme un pôle de puissance d’un monde multipolaire et est à ce titre candidate à un siège de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies que Pékin, qui dispose d’un droit de veto, n’est pas prête à lui accorder. En opposition au régime communiste chinois, l’Inde veut mettre en place une « alliance des démocraties », avec les États‑Unis, le

L’ASIE

Le sous-continent indien : un espace stratégique 193 000 AFGHANISTAN

Jammu-etCachemire

Kaboul

Effectifs des forces armées

+139 %

Aksai Chin

Islamabad

1,37 %

10 800

651 000

+73,8 %

New Delhi

PAKISTAN

Arunachal Pradesh

64 100

Karachi

+58,14 %

Ahmedabad

Mer d’Oman

BHOUTAN

NÉPAL

3,8 %

Mumbai

651 000

2 035 000

CHINE

Dakha

MYANMAR BANGLADESH

Hyderabad

Bangalore

Golfe du Bengale

Le Pakistan, d’une population de 216 millions d’habitants (près de 80 % de sunnites et 20 % de chiites), a joué un rôle pivot dans la lutte contre l’invasion soviétique, ce qui a conduit les États‑Unis à fermer les yeux sur le programme nucléaire du pays. Après le 11 septembre 2001, le Pakistan fut de nouveau considéré comme un allié indispensable aux Américains pour lutter contre les talibans afghans. Les services de sécurité entretiennent pourtant des liens avec ces derniers. Le pays s’est engagé dans la lutte antiterroriste, dont il est l’une des principales victimes.

2010 et 2020

en 2020, en % du PIB

Arsenal nucléaire Puissance nucléaire officielle Puissance nucléaire non officielle Conflits frontaliers

500 km

LE FRAGILE PAKISTAN

+139 % de défense entre

2,18 % Dépenses militaires Rangoon

OCÉAN INDIEN

Japon et l’Australie. Le programme d’infrastructures des « nouvelles routes de la soie » lancée par Pékin inquiète New Delhi. Le carl partenariat stratégique avec Washington se renforce, permetformat 180x122 tant à l’Inde depuis 2016 d’utiliser la base de Diego Garcia et aux États‑Unis d’utiliser les différentes bases indiennes de l’océan Indien. p153_Inde_Espace_Strategique L’Inde s’inquiète de la montée en puissance de la Chine dans cette zone (facilités navales au Pakistan, au Bangladesh, au Sri Lanka, en Birmanie – ou Myanmar –et aux Maldives), qu’elle considère comme son pré carré. New Delhi adopte cependant une certaine neutralité dans le contexte de la guerre en Ukraine, souhaitant conserver ses liens avec Moscou. Le pays est en première ligne face aux conséquences du dérèglement climatique, ayant connu plusieurs épisodes de sécheresse, certaines des canicules les plus violentes de la planète et d’immenses inondations au cours des dernières années. À terme, une partie du territoire risque d’être inhabitable et certains déplacements de population ont déjà lieu dans le pays.

64 100

Variation du budget

2,18 %

INDE

Budget de la défense En millions de dollars en 2020

Kolkata

1 458 000

Nombre de soldats en 2020

Sources : Année Stratégique 2022, Banque mondiale.

Le Pakistan est accusé par les États‑Unis de n’être pas suffisamment ferme dans la lutte contre les islamistes radicaux et, par ces derATTENTION FORMAT C’est dans une ville pakistanaise niers, d’être CHANGEMENT à la solde de Washington. que Ben Laden fut tué en 2011 par les forces spéciales américaines. La peur obsessionnelle du Pakistan est de voir l’Afghanistan tomber dans le giron indien. Washington veut cependant rester présent au Pakistan pour équilibrer l’influence chinoise. Le pays reste très fragile politiquement et économiquement.

L’INDE ET SON ENVIRONNEMENT RÉGIONAL Huitième pays le plus peuplé du monde (163 millions d’habitants), le Bangladesh est l’un des plus pauvres (144e selon le PIB par habitant). Il est de plus fortement exposé au réchauffement climatique (possibilité de submersion du golfe du Bengale). Les autorités cultivent l’image d’un pays modéré et non aligné, démocratique, de nature à faire converger l’aide internationale. Dacca veut préserver son indépendance face à New Delhi. Le Sri Lanka a longtemps été déchiré par une guerre civile du fait des revendications séparatistes des Tigres tamouls, durant laquelle des exactions furent commises de part et d’autre. Depuis le retour à la paix en 2009, l’Inde s’investit dans la reconstruction du pays, estimant qu’il fait partie intégrante de sa sphère d’influence. L’Inde exerce également un étroit contrôle sur le Népal, ce qui n’a pas empêché le pays d’assister en mai 2017 au sommet de lancement du programme des nouvelles routes de la soie chinoises. Hormis l’Inde, le Bhoutan fut le seul pays de la région à refuser d’y participer, peut-être parce que l’Inde fournit entre autres la moitié de l’aide publique au développement qu’il reçoit. 155

L’ASIE DU SUD-EST, INTÉGRATION RÉGIONALE ET DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE La région comprend deux zones bien distinctes : une zone continentale (Birmanie, Laos, Thaïlande, Vietnam, Cambodge) et une zone insulaire (Indonésie, Malaisie, Philippines, Timor oriental, Brunei et Singapour). Avec 660 millions d’habitants, elle est densément peuplée. Diverse d’un point de vue culturel, la zone l’est également sur le plan religieux. Économiquement dynamique, elle comprend d’importants écarts de déve‑ loppement. Les nations qui la composent se perçoivent comme commerçantes, mais font face aux rivalités croissantes entre la Chine et les États‑Unis.

L’INTÉGRATION RÉGIONALE : L’EXEMPLE DE L’ASEAN L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Association of Southeast Asian Nations, ASEAN), créée en 1967 et composée initialement des Philippines, de l’Indonésie, de la Malaisie, de Singapour et de la Thaïlande, était conçue comme une organisation proaméricaine durant la guerre froide, afin de contrer la menace communiste dans la région. Elle a depuis été rejointe par Brunei, le Vietnam, le Laos, la Birmanie et le Cambodge. Le rapprochement sino-américain et la fin de la guerre du Vietnam la privaient de son principal objectif. Forum actif de coopération, elle a désormais pour but une plus grande intégration économique, mais dans le souci de préserver l’autonomie et les choix de politique intérieure de ses membres, qui peuvent être très différents. Ces derniers réunissent une monarchie constitutionnelle autoritaire, la Thaïlande, une monarchie absolue, Brunei, un régime militaire, la Birmanie, des régimes à parti unique, le Vietnam et le Laos ainsi qu’un régime démocratique n’ayant connu aucune alternance, Singapour. Mais cet espace inclut aussi de réelles démocraties : la Malaisie, ayant connu sa première alternance politique en 2018 ; l’Indonésie, qui après avoir connu une féroce dictature militaire à la suite d’un sanglant coup d’État qui fit 500 000 morts en 1965, est devenue une démocratie confirmée où se pratique l’alternance politique. En dehors des monarchies et des régimes militaires, l’efficacité économique reste la plus grande source de légitimité de la région, qui bénéficie d’une demande intérieure croissante et de ressources naturelles abondantes. La jeunesse y est éduquée et de plus en plus ouverte sur le monde extérieur.

RIVALITÉS EN MER DE CHINE La Chine considère la mer de Chine, riche en ressources énergétiques et halieutiques, comme vitale pour son approvisionnement et son commerce : 80 % de ses importations y transitent. C’est également un lieu de passage pour ses sous-marins nucléaires. Outre un différend territorial avec le Japon, la Chine en a également un avec le Vietnam (les Paracels), les Philippines (le récif de Scarborough), la Malaisie, l’Indonésie et Brunei (les Spratleys). Les pays de l’ASEAN s’inquiètent de la volonté chinoise de fixer de manière unilatérale les frontières de son espace maritime. Cela les conduit à se tourner vers les États‑Unis, tout en souhaitant éviter 156

une escalade des tensions. Ils craignent à la fois une politique trop agressive des États‑Unis à l’égard de la Chine, et un lâchage des Américains. En 2016, la Cour permanente d’arbitrage de La Haye, saisie par les Philippines, a invalidé les revendications de Pékin sur l’essentiel de cette mer. La Chine a refusé de reconnaître cette décision. Le détroit de Malacca, situé entre la Malaisie et l’Indonésie, est le passage maritime le plus emprunté au monde, où transite la majeure partie du trafic mondial et se croisent flottes chinoise et américaine. Barack Obama, pour contenir la poussée en avant de la Chine, avait proposé la signature d’un traité de partenariat transpacifique qui excluait cette dernière. À la grande satisfaction de Pékin, Donald Trump a mis fin au projet par opposition au libre-échange. Présents dans la zone depuis 1898, lorsqu’ils reçurent les Philippines après la guerre hispano-américaine, les États‑Unis ont accru leurs investissements stratégiques durant la guerre froide. Outre leur présence rassurante pour les pays inquiets de la montée en puissance de Pékin, ils souhaitent également profiter du dynamisme économique de la région. Jusqu’où pourra aller la rivalité sino-américaine dans la zone ? La région est aussi soumise à des tensions du fait des mouvements séparatistes (Birmanie, Thaïlande, Philippine et Indonésie) et de la répression ethnique (Rohingyas en Birmanie). Elle doit par ailleurs faire face à une montée de l’islam radical (aux Philippines et en Indonésie).

DIVERSITÉ DES SITUATIONS Singapour, qui s’est détachée de la Malaisie, est l’exemple type de la cité-État mondialisée. 114e pays par sa population, il est au 35e rang des PIB mondiaux. Cette cité commerçante a mis en place un système éducatif extrêmement performant. La population a adhéré à un régime autoritaire, qui propose un modèle de valeurs asiatiques (discipline, respect de l’autorité, goût du travail, éducation, respect des anciens, etc.), distinctes des valeurs occidentales. Le succès économique de Singapour, dont la majorité de la population est d’origine chinoise, a influencé Deng Xiaoping, lorsqu’il a ouvert la Chine au monde. La Malaisie a par la suite suivi le modèle singapourien et une importante classe moyenne y a émergé. Mais le régime fait l’objet de critiques pour fait de corruption et de domination de la majorité malaise sur les minorités chinoises. L’Indonésie est le 4e pays le plus peuplé du monde (267 millions d’habitants) et le 16e selon le PIB. Archipel présentant une grande

L’ASIE

L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN)

CHINE 1961 (fondation de l’ASA)

TAIWAN

MYANMAR

LAOS

VIETNAM

THAÏLANDE

OCÉAN PACIFIQUE

PHILIPPINES

1967 (fondation de l’ASEAN) Membre entré en 1984 Membre entré en 1995

CAMBODGE BRUNEI

Membres entrés en 1997

MALAISIE SINGAPOUR

Membre entré en 1999 Pays observateur

PAPOUASIE/ NLLE-GUINÉE

INDONÉSIE OCÉAN INDIEN

Demande d’adhésion depuis 2011

TIMOR ORIENTAL

500 km

AUSTRALIE

carl format 180x100 diversité culturelle, elle dispose de matières premières abondantes (agriculture, mines, énergie) et d’un secteur touristique développé. p155_Asie_ASEAN Son développement est également basé sur une main-d’œuvre bon marché, mais dont le niveau de vie s’élève et suscite une demande intérieure forte. L’Indonésie souhaite ainsi s’affirmer sur la scène internationale. Le Timor oriental, à majorité chrétienne, annexé en 1975 après le départ des Portugais, a subi une sévère répression, qui avait été mise en place pour lutter contre le désir d’indépendance de sa population. En 2002, il accédait à l’indépendance, permettant à l’Indonésie de ne plus être vivement critiquée par les autres pays. Le Vietnam, bien que toujours fermement dirigé par le Parti communiste, a ouvert son économie suivant le modèle chinois, malgré ses relations difficiles avec ce pays. Il a adhéré à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2007. Il connaît une forte croissance économique depuis le début du siècle et attire de nombreux investisseurs étrangers. Aux Philippines, Rodrigo Duterte, élu en 2016, met en place une répression tous azimuts, au nom de la lutte contre la délinquance. Il rompt le monopole de l’influence des États-Unis sur l’archipel, et se rapproche de la Russie et de la Chine. Ferdinand Marcos Jr., fils de l’ancien dictateur philippin Ferdinand Marcos, lui succède en 2022, sa vice-présidente étant la fille de Rodrigo Duterte.

La Birmanie a entrepris une transition démocratique à partir de 2011. Aung San Suu Kyi, fille du fondateur de la Nation, avait été placée en résidence surveillée à partir de 1990. Sa résistance pacifique à la junte birmane lui a valu le prix Nobel de la paix en 1991. Elle fut libérée en 2011. De plus en plus isolé, le régime militaire mit fin à la répression et lança une politique de démocratisation, conservant cependant d’importants leviers (un quart des sièges au Parlement et ministères régaliens). Le silence d’A. San Suu Kyi face au massacre et au nettoyage ethnique dont est victime la minorité musulmane des Rohingyas lui est reproché. En 2016, l’ONU évoque de possibles crimes contre l’humanité. Mais la Birmanie bénéficie du soutien de la Chine, intéressée par ses matières premières et son positionnement stratégique. Après la victoire de la Ligue nationale pour la démocratie (LDN) d’Aung San Suu Kyi lors des élections législatives de 2020, l’armée, inquiète de perdre sa mainmise sur le pays, réalise un coup d’État, déclare l’état d’urgence et réprime les immenses manifestations qui se déclenchent dans la plupart des grandes villes du pays. De nombreux pays condamnent cette reprise du pouvoir et l’ASEAN exclut la junte des réunions de l’organisation. La parenthèse démocratique semble définitivement refermée dans le pays. Le chaos et la violence s’y généralisent. 157

LA CORÉE, STABILISER OU SURMONTER LA DIVISION ? Les Coréens avaient repoussé les Japonais à la fin du xvie siècle, mais durent reconnaître la suzeraineté des Manchous en 1637. En 1895, le Japon contraint la Chine à renoncer à sa suzeraineté sur la Corée, s’en empare en 1905 et l’annexe à son empire en 1910.

LA CORÉE DIVISÉE L’occupation japonaise a doté le pays d’infrastructures modernes, au prix d’une féroce répression et d’une exploitation économique marquées par de nombreuses exactions de l’armée japonaise. Cette dernière obligea 200 000 femmes à se prostituer au profit des soldats nippons. Après la défaite du Japon, la Corée est libérée par les Soviétiques et les Américains. Chacun installe un régime ami dans sa zone d’occupation, de part et d’autre du 38e parallèle. La guerre de 1950-1953 va rendre durable la division du pays. Après la guerre, au sud, le régime de Syngman Rhee se maintient au pouvoir jusqu’en 1960. En 1961, un coup d’État militaire mit en place un régime dictatorial. Au nord, Kim Il-sung installe un système communiste totalitaire qui veut se tenir à égale distance de Moscou et Pékin. Il met en place une autarcie économique qui va profondément appauvrir le pays.

LA CORÉE LORS DE LA GUERRE FROIDE La Corée du Sud, moins étendue que la Corée du Nord, est dépourvue de matières premières. C’est pourtant elle qui, après la guerre, va remporter la compétition économique. Soutien des États‑Unis, ouverture aux capitaux étrangers et planification réussie sont autant d’éléments qui lui ont permis de devenir une puissance industrielle, par ses exportations vers le Japon, les États‑Unis et l’Europe. L’accent a été initialement mis sur l’industrie lourde, puis, dans les années 1980, sur l’électronique grand public et, dans les années 1990, sur les nouvelles technologies. En 1965, un traité normalise les relations entre la Corée du Sud et le Japon. L’essor économique des années 1980 et l’existence d’une société civile développée vont amener à une démocratisation progressive, mais réelle. L’organisation par Séoul des Jeux olympiques en 1988 symbolise son intégration dans la communauté internationale, tandis que le régime nord-coréen, replié sur lui-même, est le plus répressif de la planète, développant un culte de la personnalité anachronique autour de son leader, tandis que l’économie périclite et que la population, hors dignitaires du régime et forces de sécurité, peine à survivre.

LA MENACE NORD-CORÉENNE En 1991, les deux Corées adhérent à l’Organisation des Nations unies (ONU) et signent un accord de réconciliation et de dénucléarisation de la péninsule. Néanmoins, Pyongyang refuse que le site de Yongbyon soit inspecté par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). En octobre 1994, elle signe un accord avec les États‑Unis prévoyant la dénucléarisation en échange d’une aide économique. Kim Il-sung meurt en juillet 1994. Son fils, Kim Jong-il, lui succède, inaugurant ainsi, pour la première fois, une succession dynastique dans un régime communiste, 158

alors que la situation économique devient de plus en plus difficile – allant même jusqu’à provoquer une grave famine en 1996. Maintenant cette « dynastie communiste », Kim Jong-un succède à son père en 2011. La Corée du Nord concentre ses ressources sur son effort de défense. En 1998, elle teste un premier missile qui passe au-dessus du Japon. Elle procède à un essai nucléaire en 2006 et, en septembre 2017, réalise un essai utilisant une énergie thermonucléaire. Pour faire face au président américain, Donald Trump, Kim Jong-un accentue le programme nucléaire et balistique. En novembre 2017, un essai balistique aurait atteint une altitude record de plus de 4 440 kilomètres et serait capable de frapper les États‑Unis. Après un apaisement rendu possible par plusieurs rencontres entre Donald Trump et Kim Jong-un qui n’ont cependant pas permis d’aboutir à la dénucléarisation, Pyongyang relance une série d’essais de missiles de croisière à longue portée et de missiles balistiques à courte portée début 2022 et menace de reprendre ses essais nucléaires. Le message est clair : malgré ses difficultés économiques, la Corée du Nord peut toujours exercer d’irréparables dommages. La supériorité militaire de Séoul, qui bénéficie de surcroît d’une protection américaine, ne l’empêche pas d’être à portée de ses tirs (60 kilomètres de la frontière), ce qui entraînerait sa destruction en cas de conflit.

LE PROCESSUS DE NORMALISATION ENTRE LES DEUX CORÉES En 1998, l’ancien opposant et prisonnier politique Kim Dae-jong est élu à la présidence sud-coréenne. Il lance la sunshine policy, qui n’est pas sans rappeler l’Ostpolitik de Willy Brandt. Il prend acte de la division de la péninsule pour mieux la dépasser. Alors que les contacts entre les deux Corées étaient interdits et que les Sud-Coréens qui violaient cette interdiction étaient envoyés en prison, il mène une politique de rapprochement à petits pas, essayant de modérer le comportement international de la Corée du Nord par une aide économique. En 2002, le discours de George W. Bush sur l’axe du mal (où il place l’Irak, l’Iran et la Corée du Nord) contribua à un nouveau durcissement du régime nord-coréen, qui dénonce le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) en 2003. La Corée du Sud entend maintenir l’alliance avec les États‑Unis tout en développant une relation autonome. En 2008, le nouveau président, Lee Myung-bak, freina la coopération avec la Corée du Nord, estimant que cette dernière exerçait un chantage pour obtenir de l’aide. En 2012, Park Geun-hye lui succède et maintient cette politique. À la suite d’un scandale de corruption, Park Guen-hye est contrainte à la démission en mars 2017. Moon Jae-in, ancien avocat spécialiste des droits de l’homme, prend la tête du pays et entend

L’ASIE

Corée : l’impossible réunification ? RUSSIE CHINE

Capitale Ligne de démarcation Régime communiste totalitaire Régime démocratique soutenu par les États-Unis

Mer du Japon 25 778 815

Population en 2020 76 29,9

CORÉE DU NORD

Espérance de vie en 2020 (en nombre d’années)

22,5

Principales villes, en millions d’habitants

47,6

ONU, UNESCO

Pyongyang

1 600

44 011 38e

Séoul

PIB par habitant en PPA, 2019 (en dollars)

Seongnam Ansan Suwon Hwaseong Cheonan Cheongju

87

Mer Jaune

Structure du PIB en 2017, en % Primaire

Tertiaire

Daegu Ulsan

Secondaire

Gimhae Changwon

Intégration au sein des organisations internationales

Busan ONU, APEC, FMI, OCDE, OMC, UNESCO, AIEA, Banque mondiale,

150 km

(en millions de dollars)

Pohang

Jeonju

Gwangju

2 Stock d’IDE entrant en 2020

CORÉE DU SUD

Daejeon 81

10

Disparités économiques

39,4

58,3

Incheon

51 836 239

3

Femme

2,3

Goyang

Bucheon Anyang

0,5 1

Homme

Source : Année stratégique 2022, World Investment Report 2021 (CNUCED), World population review 2022.

69

Hamhung

2

Disparités démographiques

Organisation

265 000 JAPON

NB : les données concernant la Corée du Nord sont généralement des estimations réalisées par des organismes américains ou sud-coréens, mais ne sont en aucun cas des statistiques produites par le régime nord-coréen.

rouvrir le dialogue avec Pyongyang. Les Jeux olympiques d’hiver dans la région, Tokyo craignant que le sentiment anti­japonais en soit de 2018, à PyeongChang en Corée du Sud, furent notamment l’ocle ciment. Les relations entre les deux Corée oscillent entre provocacasion d’un spectaculaire rapprochement entre les deux Corée. Mais tions de Pyongyang et promesses de normalisation. le conservateur Yoon Seok-youl, qui succède à Moon Jae-in en 2022, Au vu des difficultés économiques qui ont pesé sur l’Allemagne souhaite remettre en question cette politique de dialogue. après la réunification, les Coréens ne sont pas pressés de se lancer La Corée du Nord sait qu’elle ne pourra pas conquérir la Corée dans le même processus, notamment parce que l’écart entre les du Sud. Soncarl arsenal nucléaire a pour seul objectif de sanctuariser le deux États est beaucoup plus important que celui qui existait en régime. Kimformat Jong-un est conscient que l’arme nucléaire aurait perAllemagne. La Corée du Sud est désormais le 10e PIB mondial, tandis 180x150 mis à Mouammar Kadhafi ou Saddam Hussein d’être encore en vie que la Corée du Nord, refermée sur elle-même, accuse un niveau p157_Coree_Impossible_Réunification et au pouvoir. La Chine dispose de peu de moyens de pression sur de sous-développement devenu une exception dans la région. De Pyongyang. Elle est mécontente de la montée des tensions qui s’acplus, le rapport démographique est très différent : il y avait quatre compagne d’un renforcement de la présence militaire américaine Allemands de l’Ouest pour un Allemand de l’Est alors qu’il n’y a que dans la région et du réarmement japonais, mais souhaite éviter un deux Sud-Coréens pour un Nord-Coréen. La Corée du Sud veut éviter effondrement du régime qui verrait des troupes américaines s’instalà la fois un affrontement mortel avec Pyongyang, et l’écroulement ler à sa frontière. États‑Unis et Japon redoutent, quant à eux, une réudu régime qui la contraindrait à une réunification trop rapide, affecnification qui priverait Washington d’un motif de présence militaire tant gravement ses équilibres économiques. 159

LE JAPON, UN GÉANT INQUIET Archipel composé de 6 852 îles, le Japon est resté à l’écart du monde jusqu’au xixe siècle. C’est à partir de l’ère Meiji (1868-1912) qu’il s’ouvre, cherchant notamment à limiter sa dépendance aux ressources naturelles. Il s’empare de Taïwan (1895), des îles Kouriles, puis de la Corée (1905). Durant l’entre-deux-guerres, il occupe la Mandchourie. Il veut mettre à profit la Seconde Guerre mondiale pour asseoir son « aire de coprospérité » en Asie et entre en guerre contre les États‑Unis. À l’issue du second conflit mondial, le Japon n’est plus rien. À l’abri du parapluie nucléaire américain, il connaît pourtant un formidable développement économique.

DE L’ANNÉE ZÉRO À LA GUERRE DE CORÉE Contraint de capituler sans condition après l’explosion des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki (août 1945), le Japon est occupé militairement pour la première fois de son histoire. La guerre de Corée (1950-1953) constitue une chance historique, en ce qu’elle réévalue considérablement sa position stratégique, l’archipel devenant un véritable « porte-avions » pour les États‑Unis. Dans la logique du containment, ces derniers décident d’en faire un bastion du « monde libre » face à l’Union soviétique, la Chine communiste et la Corée du Nord. En 1952, le Japon est même encouragé à constituer des « forces d’autodéfense », un embryon d’armée qui ne dit pas son nom. Pour les États‑Unis, ce n’est plus l’ennemi, mais un soutien utile, voire indispensable, dans la lutte contre le communisme en Asie.

DU FORMIDABLE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE À LA STAGNATION C’est sur l’économie japonaise que l’impact de la guerre de Corée est le plus considérable. Elle permet au Japon de bénéficier de transferts de technologies américaines et, surtout, d’accéder au marché des États‑Unis, le plus vaste, le plus riche et le plus dynamique de l’époque. Tokyo fait d’ailleurs du développement économique son premier objectif. Volontarisme étatique, rôle directeur du ministère de l’Industrie et du Commerce extérieur –  le MITI – et consensus social permettent au Japon d’être, en 1975, l’un des membres fondateurs du G7. L’économie japonaise, qui ne représentait en 1951 que le tiers du PNB du Royaume-Uni, va représenter, à la fin des années 1980, presque l’équivalent du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de la France cumulés. De 3 % du PNB mondial, il est passé à 15 %. Très dépendant de l’extérieur pour ses importations de matières premières et énergétiques et en dépit d’un assez vaste marché intérieur (près de 126 millions d’habitants), le Japon a fondé son développement sur les exportations et le commerce extérieur. Les succès de ses productions, automobile et électronique notamment, sur les marchés américain et européen, lui ont valu d’être parfois considéré comme un prédateur des économies occidentales. Depuis la fin des années 1980, il est devenu le premier créancier du monde et le premier acheteur de bons du Trésor américain. À partir du début des années 1990, le Japon entre dans une période de stagnation économique avec une croissance nulle sur l’ensemble de la décennie. C’est l’éclatement de la bulle spéculative. Il s’efforce de faire évoluer sa stratégie, en délocalisant sa production, notamment dans les pays d’Asie où la main-d’œuvre est bon marché, ce qui lui permet, à la fois, de pénétrer les « marchés émergents » 160

Le Japon, un territoire à risques CHINE

Kouriles (Russie)

RUSSIE Sapporo

CORÉE DU NORD

2011 Tremblement de terre/tsunami

Mer du Japon

Magnitude 9,1 sur l’échelle de Richter Plus de 19 000 morts ou disparus

Niigata Sendai

Saitama

Fukushima

Hachioji

CORÉE DU SUD

Kyoto

Osaka

Okayama

Tokyo

Nagoya

Chiba

Kobe

Hiroshima

Kawasaki

Yokohama

Kitakyūshū

Shizuoka Hamamatsu

Fukuoka

Sakai

Kumamoto

24,6 % 0,89 % 6,1 % 9,38 40

OCÉAN PACIFIQUE

Kagoshima

300 km à l’équateur

Zones à fort risque sismique dans les 30 prochaines années en %

0

0,1

3

Principaux séismes

6

26

100

Depuis 1980

Principales villes

en millions d’habitants

Zone du tsunami de 2011 0,5

1

Défi énergétique

Centrale nucléaire de Fukushima endommagée lors du tsunami de 2011 Taux d’émission de gaz 9,38 à effet de serre par habitant (en tonnes par habitant, 2022)

2

8 2010 Production d’électricité 2015 à base d’énergie nucléaire 2019 Rang mondial d’émissions 40 de gaz à effet de serre par habitant en 2018

Sources : Année stratégique 2022, AIEA, BP Statistical Review of World Energy 2021.

et de baisser, en apparence, ses excédents commerciaux. À partir de 2003, après avoir assaini son économie, le pays renoue avec une FORMAT SUR 1 COLONNE croissance limitée.

UN RÔLE MONDIAL ? carl

L’essor économique format 80x140 japonais a été facilité par le contexte international. Protégé par les États‑Unis, le Japon n’a eu à  assumer aucune des responsabilités politiques internationales qui p158_Japon_Territoire_Risques incombent aux puissances. La fin de l’affrontement Est-Ouest lui a fait craindre la fin de cette situation favorable : les États‑Unis

L’ASIE n’allaient-ils pas chercher à toucher les dividendes de la fin de la guerre froide en réduisant leur engagement (plus de 50 000 soldats américains sont encore stationnés dans l’archipel), alors même que l’environnement régional restait, de la Chine à la Corée du Nord, potentiellement dangereux ? Ainsi, le Japon va mettre sur pied un système de défense qui, pour autant, ne lui permet pas de s’émanciper de la tutelle américaine. Cette évolution est vivement crainte par les voisins asiatiques du Japon. Les souvenirs de la Seconde Guerre mondiale restent en effet très présents, d’autant que Tokyo n’a jamais vraiment reconnu ses erreurs passées et fait parfois preuve de révisionnisme historique. Le Japon n’est cependant pas devenu une grande puissance militaire. Il ne dispose évidemment pas de l’arme atomique et sa population reste largement hostile au réarmement. C’est avec beaucoup de difficultés que le gouvernement a pu faire adopter, en 1992, la loi PKO (Peace Keeping Operations) lui permettant de participer à des opérations de maintien de la paix sous l’égide des Nations unies. En 2016, la Constitution a été révisée afin de permettre au pays de mettre en place des interventions extérieures pour accompagner les opérations de défense de ses alliés. Les États‑Unis avaient obtenu, au moment de la guerre du Golfe, qu’il contribue de façon significative au financement de l’intervention internationale. Il reste donc dépendant de la protection stratégique américaine. L’économie japonaise est désormais moins dynamique que l’économie chinoise, la Chine ayant dépassé le Japon pour devenir le 2e PIB mondial en 2011. Le Japon est par ailleurs soumis à un défi démographique : sa population, vieillissante, se réduit depuis 2010. Le pays connaît une crise géopolitique. Lui qui bénéficiait auparavant d’une bonne situation économique, sans avoir à supporter aucune obligation stratégique, est partagé entre de nouvelles ambitions. Il revendique désormais un siège de membre permanent au Conseil de sécurité, mais le blocage de la réforme des Nations unies l’en empêche. Le Japon s’investit beaucoup en Afrique pour obtenir le soutien des États du continent et contrer l’influence chinoise. Il y est l’un des principaux contributeurs de l’aide publique au développement après l’UE. La fin de la guerre froide n’a pas fait cesser les crises et oppositions entre États. La dépendance à l’égard des États‑Unis est jugée de plus en plus pesante par les Japonais, mais le manque d’alternatives à lui opposer empêche une quelconque évolution de la situation. Le Japon vit difficilement la montée en puissance de la Chine qu’il perçoit comme un rival potentiel. Shinzo Abe, au pouvoir entre 2012 et 2020, a battu le record de longévité à ce poste. Son assassinat au court d’un meeting en juillet 2022 provoque un choc dans un pays qui se veut harmonieux. Yoshihide Suga, également du parti démocrate, lui a succédé en 2020. Après l’ère Trump, auquel le Japon avait su s’adapter tout en craignant ses ambitions isolationnistes, Joe Biden fait du Japon l’un de ses meilleurs alliés dans l’alliance des démocraties qu’il souhaite

constituer face à l’axe des régimes autoritaires (Chine et Russie en tête). Le Japon se révèle un acteur clé dans la stratégie Indo-Pacifique des États-Unis, qui réactivent le QUAD, une instance de coopération stratégique entre Canberra, Tokyo, New Delhi et Washington. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, le Japon s’aligne sur les sanctions occidentales, mais reste dépendant du gaz, du pétrole mais surtout du charbon russes. 12 % de ses importations en charbon provenaient de Russie, une matière première énergétique essentielle pour le pays depuis la catastrophe de Fukushima et la réouverture de centrales à charbon pour compenser la fermeture des centrales nucléaires dans l’archipel.

Entre ralentissement économique et remilitarisation

2007

2020 5 057 759

PIB

4 376 705 (en millions de dollars)

8,05 %

(part du PIB mondial)

(en millions de dollars)

5,96 %

(part du PIB mondial)

BALANCE COMMERCIALE

83 502

(en millions de dollars)

– 15 393 (en millions de dollars)

173 %

(en % du PIB)

DETTE PUBLIQUE

259 %

(en % du PIB)

BUDGET DE LA DÉFENSE 46 809

(en millions de dollars)

0,9 %

(en % du PIB)

55 774

(en millions de dollars)

1,1 %

(en % du PIB)

Sources : Année stratégique 2022, SIPRI, Banque Mondiale, Direction générale du Trésor, Sénat.

carl format 80x135

p159_Japon_Declin_Remilitarisation

161

LA CHINE, PREMIÈRE PUISSANCE MONDIALE ? Le monde entier regarde avec admiration, stupeur ou crainte, la montée en puissance continue de la Chine depuis près de quarante ans. Auparavant, l’Empire du Milieu refusait d’entretenir des relations avec le reste du monde. En 1430, l’empereur avait même volontairement arrêté les expéditions maritimes de l’amiral Zeng He, qui l’avaient mené jusqu’aux côtes africaines. La Chine, pays le plus riche du monde au début du xviiie siècle, est en passe de le redevenir, mais dans un monde globalisé. LE DÉCLIN DE LA CHINE AU xixE SIÈCLE Le xixe siècle est celui de l’effondrement de la Chine, du fait de l’affaiblissement de l’autorité centrale, de la médiocrité de ses empereurs et d’une corruption endémique. Les puissances européennes, par les deux guerres de l’opium en 1842 et 1859-1860, vont forcer la Chine à ouvrir son marché et obtenir des privilèges d’extraterritorialité (régime des concessions). La Chine devient un pays vassalisé. À la fin du xixe siècle, elle perd le contrôle du Vietnam au profit de la France ainsi que celui de la Corée et de Taïwan au profit du Japon. La révolution de 1905, sur fond de regain nationaliste, met fin au régime impérial. Dans les années 1930, le Japon s’empare de vastes territoires chinois et commet d’innombrables exactions. Mao Zedong prend le pouvoir en 1949, poussant Chiang Kaï-chek à trouver refuge à Taïwan, qui conserve le siège de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. La République populaire de Chine (RPC) est alliée à l’URSS, Taïwan aux États‑Unis.

UN RÉGIME TOTALITAIRE Mao Zedong joue à la fois la carte du communisme et du nationalisme. La rupture sino-soviétique en 1961 est plus le fruit d’une rivalité nationale que celui d’une compétition idéologique : les Chinois ne peuvent accepter d’être les vassaux de l’Union soviétique. Les Américains vont se rapprocher de la RPC et créer une alliance de revers contre l’URSS, leur principal rival. Le président Nixon effectue une visite officielle en 1972. En 1971, la RPC avait retrouvé son siège de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, au détriment de Taïwan. Au nom du principe « compter sur ses propres forces », la Chine mit en place un régime autarcique, qui l’empêche de décoller économiquement.

LE DÉCOLLAGE ÉCONOMIQUE À partir des années 1980, sous l’influence de Deng Xiaoping, la Chine opéra une ouverture économique (à défaut d’une libéralisation politique). La politique de l’enfant unique fut instaurée (abandonnée en 2015 du fait d’un tassement de la croissance de la population et d’une décroissance prochaine) afin de stimuler la croissance économique. Jamais un pays aussi peuplé n’aura connu une croissance aussi forte sur une si longue période. Le PIB chinois représentait plus de 17 % de l’économie mondiale en 2020, contre à peine 2 % en 1980 ; le PIB par habitant est passé de d’à peine 200 dollars en 1980 à plus de 10 000 dollars en 2016. 162

Les écarts sociaux ont explosé, malgré le maintien officiel du communisme. Le Parti communiste chinois (PCC), qui compte 95 millions de membres, détient le monopole des pouvoirs, mais l’économie est capitaliste. Ce n’est plus le marxisme-léninisme qui fonde sa légitimité, mais sa réussite économique et l’accès à la consommation d’une plus grande partie de la population. Si le régime demeure autoritaire, il n’est plus totalitaire comme au temps de Mao Zedong, où les autorités contrôlaient jusqu’à la vie privée, les codes vestimentaires et les (maigres) loisirs des citoyens. Le développement économique, l’émergence d’une classe moyenne et le développement des nouvelles technologies viennent retirer au gouvernement le monopole de l’information. Il y a aujourd’hui plus de 800 millions d’internautes en Chine et la censure ne parvient pas à tout filtrer. Il existe de ce fait une opinion publique dont les autorités doivent tenir compte.

L’AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE VIE Si le citoyen chinois n’est pas libre, le consommateur et le patriote sont satisfaits. Les Chinois ont le sentiment que leur condition s’améliore et que l’avenir de leurs enfants est encore plus prometteur. Ils pensent que la Chine n’est plus humiliée par les puissances étrangères. En 2011, la Chine a dépassé le Japon et est devenue le 2e PIB mondial et, en 2013, la première puissance commerciale mondiale (si on cumule importations et exportations). Chacun se demande, non pas si, mais quand elle doublera les États‑Unis. Il y  a  entre Pékin et Washington une dépendance mutuelle. La Chine a besoin de l’accès au marché américain pour stimuler son économie ; les Américains ont besoin des produits bon marché chinois pour limiter leur inflation et maintenir leur compétitivité. Donald Trump, qui avait annoncé au cours de la campagne électorale vouloir ouvrir une guerre économique contre Pékin y a renoncé et signé une trêve en 2020, annonçant qu’il a atteint ses objectifs. La Chine a un excédent commercial à l’égard des États-Unis, qui est passé de 300 milliards de dollars par an en 2016 à 420 milliards en 2018. Les mesures mises en place par l’administration Trump ont permis de réduire cette dépendance depuis.

UNE « ÉMERGENCE PACIFIQUE » Sur le plan diplomatique, la Chine insiste sur le principe de non-­ ingérence. Devenue très gourmande en matières premières, elle développe des contacts avec les pays du Proche-Orient, du continent africain et de l’Amérique latine. Hong Kong a été rétrocédé à la Chine en 1997, Macao en 1999. En 2019, la population de Hong Kong se révolte contre la mainmise de Pékin, qui réprime

L’ASIE

La Chine dans son environnement régional RUSSIE KAZAKHSTAN

OUZBÉKISTAN

Des frontières sous tensions

Mer

KIRGHIZISTAN

CORÉE du Japon DU NORD 2

IRAN

Pays en litige ou en affrontement avec la Chine Limite de l’espace maritime revendiqué

MONGOLIE

AFGHANISTAN

CORÉE DU SUD

CHINE

PAKISTAN

NÉPAL

L’expansion régionale de la Chine

Senkaku

INDE

Hong Kong Macao Mer de Chine méridionale

5,6

MYANMAR Mer d’Oman

Territoires contestés Gouvernement dissident menaçant la souveraineté de la République populaire de Chine (RPC)

JAPON

THAÏLANDE

Golfe du Bengale

TAÏWAN

PHILIPPINES

Paracels

2,6

Pays liés à la Chine par un traité frontalier Pays membres de l’OCS INDE (Organisation du traité de Shanghai)

OCÉAN PACIFIQUE

1,5

Régions administratives spéciales

14

VIETNAM Spratleys

Estimation de la diaspora chinoise (en millions) 9,3 6 3 1

23

MALAISIE 76

OCÉAN INDIEN

SINGAPOUR

5,6

INDONÉSIE

1,6

en % de la population

Sources : Site de l’OCS, UNESCO, 2010 ; L’année stratégique, 2010.

1 000 km

Le défi territorial chinois Inégalités de développement PIB/habitant nominal par région

BIEN RELIRE J’AI REFAIT LE DOC POUR enAVOIR 2018, enL’IRAN milliers de $ carl format 180X115

Harbin

4

p160_Chine_Environnement_regional Xinjiang Beijing

8

Mer du Japon

Shenyang

(Ouïgours)

Tibet

Chengdu

Suzhou

Shanghai

Hefei

Wuhan

Guangzhou Foshan

500 km

87

Hangzhou

OCÉAN PACIFIQUE

Régions administratives Macao spéciales

Principales villes

Dongguan

à l’équateur

49

Soulèvements indépendantistes lourdement réprimés par la République populaire de Chine (RPC)

Chongqing

Golfe du Bengale

22

Lignes de chemin de fer à grande et très grande vitesse

Qingdao

Nanjing

17

Territoires pluriels

Tianjin

Xi’an

12

Macao

TAÏWAN Shenzen

Hong Kong

Considéré par la RPC comme une province à reconquérir Restriction du statut d’autonomie par la RPC

en millions d’habitants 5

7

9

12

20

Plus de 20

Sources : China NBS Data 2018, Banque mondiale, World population review 2022.

163

violemment la mobilisation et finit, en 2021, par ôter à Hong Kong le statut spécifique dont elle devait bénéficier dans le cadre du principe « un État deux systèmes » jusqu’en 2047. Pékin revendique la souveraineté sur les îles de la mer de Chine, également réclamées par d’autres pays asiatiques dont le Vietnam, la Malaisie, les Philippines et Taïwan. Pékin considère qu’il n’y a qu’une seule Chine, et que Taïwan devra lui être réuni. Le statu quo prévaut : Taïwan ne proclame pas son indépendance afin d’éviter la réunification par la force. Taïwan bénéficie néanmoins ouvertement d’un soutien stratégique de Washington, qui lui confère une protection non négligeable face à la détermination de Pékin à obtenir, un jour ou l’autre, une réunification. Taïwan pourrait en cela constituer un espace de cristallisation des tensions entre les deux géants. Au nom de la lutte contre le terrorisme et le séparatisme, Pékin met en place une politique répressive à l’égard de la minorité musulmane ouïghour au Xinjiang. Certains responsables politiques occidentaux qualifient de génocide l’action du régime à l’encontre des Ouïghours. Les rares témoignages font état d’une situation d’internement et de maltraitance de plusieurs centaines de milliers, voire d’un million de personnes. Pékin nie une telle situation et accuse Washington d’instrumentaliser les faits. L’administration Biden, plus attentive aux questions de droits de l’homme que celle de son prédécesseur Donald Trump, dénonce vivement la situation au Xinjiang. Mais il s’agit également pour les États-Unis d’un argument pour rallier autour d’eux les démocraties contre un régime autoritaire faisant fi de toutes les règles de droit international, et de les pousser à les soutenir dans leur lutte contre Pékin pour conserver la place de première puissance mondiale.

UN PAYS CONFRONTÉ À DES DIFFICULTÉS SPÉCIFIQUES En 1989, les étudiants occupent la place Tian’anmen à Pékin et réclament une libéralisation du régime. Celui-ci réprime la rébellion dans le sang. Plus de 60 % de la population chinoise est désormais urbanisée. La population rurale vit dans un assez grand dénuement. Au cours des trois dernières décennies, près de 300 millions de personnes ont quitté la campagne pour la ville. En 2001, la Chine adhérait à l’Organisation mondiale du commerce. En 2015, elle ratifiait les accords de Paris afin de lutter contre le réchauffement climatique. Confronté à de graves problèmes de pollution à l’origine de maladies graves pour sa population, et qui nourrissent une contestation, la Chine prend depuis quelques années la question climatique très au sérieux. Elle y voit également une opportunité économique en produisant et exportant certains composants des nouveaux outils de production énergétiques. Le soft power de la Chine lui a longtemps fait défaut : elle n’est pas assez attractive, quoique son modèle de développement puisse être stimulant pour certains pays du Sud. Consciente qu’il lui faut également gagner en popularité, elle multiplie les instituts Confucius dans le monde et lance une chaîne de télévision internationale (CGTV).

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La Chine peut-elle connaître l’éclatement de la bulle spéculative comme le Japon au début des années 1990 ? Va-t‑elle s’ouvrir politiquement par une participation croissante des citoyens à la vie politique ? Va-t‑elle poursuivre sa politique historique de non-­ impérialisme ou devenir la première puissance mondiale, voulant imposer sa suprématie dans un monde globalisé ? En 2013, elle lance un vaste programme, les « nouvelles routes de la soie », destiné à la construction d’infrastructures (routes, ports, voies ferrées, etc.) dans de nombreux pays. Il constitue à la fois un moyen d’influencer et d’assurer le maintien de ses exportations tout en trouvant de nouveaux débouchés aux exportations chinoises. C’est notamment dans ce cadre que la Chine fait une percée remarquée dans plusieurs pays du continent africain, déclenchant tant l’enthousiasme que des préoccupations – notamment liée aux prêts accordés par Pékin dans le cadre de ses investissements dans des infrastructures, certains pays croulant désormais sous les dettes envers la Chine. En 2017, le 19e Congrès du PCC a confirmé Xi Jinping à la tête de l’État. Un culte de la personnalité se développe autour de lui. En 2018, l’Assemblée nationale populaire a approuvé une réforme constitutionnelle levant la limitation des mandats et inscrivant dans la constitution la « pensée de Xi Jinping », faisant de lui le deuxième dirigeant chinois après Mao à bénéficier d’une telle distinction constitutionnelle. Bien décidé à peser sur la scène internationale, il rompt avec la formule ayant guidé la politique d’un de ses prédécesseurs, Deng Xiaoping, « cacher sa force et attendre son heure ». C’est en Chine qu’apparaît, à la fin de l’année 2019, la pandémie de Covid-19. Pékin, qui contrôla rapidement l’épidémie sur son territoire grâce à une politique sanitaire ultrastricte, y vit ensuite l’occasion d’offrir de l’aide au reste du monde, et pas seulement aux pays en développement. Nombreux furent les pays européens à aller négocier des stocks de masques auprès de la Chine, faisant prendre conscience du niveau de dépendance qu’ils accusaient à l’égard de « l’usine du monde ». La Chine connut cependant des épisodes de reprise épidémique à la fin de l’année 2021 et au début 2022, qui mirent à nouveau en lumière la politique sanitaire répressive du pays. Elle est en 2020 l’un des seuls pays à avoir connu une croissance économique, bien que plus faible que les années précédentes, accélérant ainsi son rattrapage vis-à‑vis des États-Unis. Dans le cadre de cette crise, l’ancien président américain Donald Trump retira son pays de l’OMS (Organisation mondiale de la santé), qu’il estimait être à la botte de Pékin, quand la Chine se positionnait comme un important acteur de l’ordre multilatéral. En effet, la Chine a su au fil des années s’imposer dans le système onusien et de nombreux responsables chinois ont pris la tête d’agences onusiennes. Dans le cadre de la guerre en Ukraine, la Chine soutient timidement son partenaire russe. Elle veut éviter sa défaite mais juge aventuriste et contreproductive le recours à la guerre voulu par Poutine. La Chine estime que cela vient perturber les relations internationales alors qu’elle compte sur leur stabilité pour devenir la première puissance mondiale.