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French Pages [282]
Histoire
Africaine
Dola Angèle Aguigah
Archéologie et architecture traditionnelle en Afrique de l’Ouest Le cas des revêtements de sols au Togo Une étude comparée
Préface du Professeur Jean-Baptiste Kiethega
© L’Harmattan, 2018 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-15637-8 EAN : 9782343156378
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Archéologie et architecture traditionnelle en Afrique de l’Ouest
Collection Histoire africaine Intégrée à l’ensemble éditorial « Chemins de la Mémoire », la collection « Histoire africaine » regroupe des travaux d’historiens consacrés à l’Afrique subsaharienne, des origines à nos jours.
Derniers ouvrages parus : Lachèse (Marie-Christine), Lachèse (Bernard), La vie quotidienne au centre de l’Afrique à la fin du XIXe siècle, 2017. Ekanza (Simon-Pierre) La ruée commerciale sur la Côte d’Or et la Côte des Quaqua. XVe-XVIIIe siècles. Européens et Africains dans le golfe de Guinée, 2016. Lachèse (Marie-Christine), De l’Oubangui à la Centrafrique. La construction d’un espace national, 2015. Kone (Sixeau Daouda), Le peuplement ancien en basse Guinée, XIIe-XIXe siècle, 2015. Souyris (Bernard), Oppression coloniale et résistance en HauteVolta. L'exemple de la région de la boucle du Mouhoun (1885-1935), 2014. Bouhdiba (Sofiane), Gorée, la porte sans retour. La mortalité des captifs à bord des navires négriers, 2014. Matoumba (Martial), Le paléolithique au Gabon. Les technologies lithiques dans la région de la Nyanga (sud-ouest), 2013.
Dola A Angèle AGUIGAH G
Arcchéolo ogie et architectu ure trraditiionneelle en Afriq A que dee l’Ou uest Le cas des d revêttements de sols au a Togo Une étude comp parée
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Sommaire Avant-propos et remerciement ............................................................. 9 Préface ................................................................................................ 13 Introduction ........................................................................................ 19 Chapitre 1 : Recherches sur le terrain et la méthodologie des céramiques archéologiques .......................................................... 21 1. Orientation du sujet ......................................................................................... 21 2. État des connaissances .................................................................................... 26 3. Archéologie des pavements et des terres damées............................................ 31 4. Méthodologie et collecte des données............................................................. 45 5. Sources écrites ................................................................................................ 57 6. Documents iconographiques ........................................................................... 60 7. Données ethnoarchéologiques......................................................................... 60 8. Période de pavements en Afrique et récapitulation chronologique ................. 61 9. Correspondance et contacts............................................................................. 62
Chapitre 2 : Décorations et compositions des pavements .................. 67 1. Décorations des pavements ............................................................................. 67 2. Définition d’une typologie des compositions des pavements ......................... 68
Chapitre 3 : Apport des analyses physico-chimiques et pétrographiques à l’étude des céramiques et des pavements ............. 81 1. Analyses des céramiques archéologiques ....................................................... 81 2. Composition des pâtes céramiques de Notsé .................................................. 85 3. Mesure de température .................................................................................... 91 4. Analyse par fluorescence X ............................................................................ 92 5. Production locale ou importée : analyse de classification des pâtes ............... 94 6. Comparaison entre les compositions minéralogiques par diffraction X : tessons et supports .............................................................................................. 97
Chapitre 4 : Pavements, terres damées, et organisation sociospatiale ............................................................. 111 1. Pavements et espaces sacrés ......................................................................... 111 2. Pavements et le cadre d’habitation ................................................................ 123 3. Pavements, terres damées et organisation sociospatiale ............................... 135 4. Indices archéologiques et occupation de l’espace ......................................... 138 5. Chronologie et mise en place du peuplement ancien .................................... 142 6. Cultures matérielles et urbanisation dans le monde ajatado.......................... 144
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Chapitre 5 : Approches ethnoarchéologiques, conservation et revalorisation des pavements et des terres damées....................... 155 1. Approches ethnoarchéologiques des techniques d’exécution des pavements et des terres damées .............................................. 155 2. Enquête ethnoarchéologique des pavements ................................................. 157 3. Outils de travail ............................................................................................. 169 4. Survivance des techniques d’exécution des pavements et des terres damées .......................................................................................... 170 5. Apport des enquêtes ethnologiques à l’interprétation archéologique............ 173 6. Mise en place de structures de conservation en Afrique ............................... 198 7. Organiser la solidarité autour du patrimoine africain .................................... 200 8. Revalorisation des techniques de revêtements de sol.................................... 203
Conclusion générale et perspectives de recherches .......................... 209 Bibliographie .................................................................................... 219 Annexes photos et planches ............................................................. 237 Liste des cartes ................................................................................. 269 Liste des figures................................................................................ 269 Liste des tableaux ............................................................................. 269 Liste des dessins ............................................................................... 269 Liste des photos et planches ............................................................. 270 Table des matières ............................................................................ 273
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Avant-propos et remerciements
Généralement découverts en fouille, les revêtements de sol représentent à ce jour l’un des témoins les plus intéressants de l’aménagement de l’espace habité en Afrique. Qu’ils soient en matériaux lithiques ou en tessons, ils constituent un système de protection et d’embellissement du sol particulièrement efficace. La façon de poser les matériaux et les décors qui les composent sont variables et peuvent renseigner sur le niveau technique et la culture des populations concernées. Malgré leur chronologie et leur diversité géographique, ces ouvrages étaient mal connus ou même parfois ignorés. Cette étude comparative est la première qui soit entreprise. Elle répond à l’intuition de Jean Devisse, sans doute l’un des premiers à avoir saisi l’importance de son inventaire : « La beauté de la décoration externe et interne des demeures africaines est reconnue largement. Mais l’archéologie montre qu’il ne s’agit pas d’un goût récent ; elle montre aussi que le soin apporté dans toutes les demeures aujourd’hui, à l’aménagement de sols damés et sains, a été accompagné, dès le XIè siècle, de la constitution de pavements de sol remarquables en pierres, tessons de poterie, coquillages, etc., dont il faudrait faire un inventaire complet » (Devisse 1987 : 49)
Au moment de présenter ma seconde thèse, (Aguigah 1995), j’ai mesuré tout le poids des soutiens dont j’ai bénéficié dans l’accomplissement de cette tâche et sans lesquels plusieurs obstacles auraient été insurmontables. Je recommence en partie les remerciements dans cet ouvrage, non pas pour vous lasser, mais, pour exprimer ma profonde reconnaissance à tous ceux et celles qui me soutiennent quel que soit l’endroit où ils se trouvent et qui manifestent plus de sympathie que d’inimitiés. À titre posthume, je rends un hommage mérité : − Au Professeur émérite Jean Devisse, archéologue, historien de l’Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne (France) qui, par sa bienveillance et son sens de recherche, a permis que ce travail et cette publication puissent exister aujourd’hui ; 9
− À mes parents pour l’éducation qu’ils m’ont donnée : - mon très cher père, commissaire de police, pour sa bienveillance magnanime de m’avoir éclairée sur l’intérêt que renferme le savoir ; - ma très chère mère, revendeuse, qui a toujours suivi avec patience des années durant, toutes les phases de mes études. Au Professeur Jean-Baptiste Kiéthéga, Professeur émérite de l’Université de Ouagadougou (Burkina Faso), premier archéologue d’Afrique subsaharienne francophone ; Au Professeur Yaovi Akakpo, Doyen de la Faculté des Sciences de l’Homme et de la Société (Université de Lomé), pour son aide à la réalisation de cet ouvrage ; À Komla Etou, enseignant-chercheur, Maître de Conférences, Chef du Département d’Histoire et d’Archéologie (Université de Lomé), pour avoir accepté de relire minutieusement et d’intégrer quelques corrections à ce travail ; À Nestor Goudjo Aguigah, docteur et professeur certifié de philosophie, enseignant à Chaumont (France) qui a patiemment corrigé les erreurs de syntaxe ; À Amévor Léonard Amouzou-Glikpa, enseignant-chercheur au Département de Sociologie (Université de Lomé), pour ses remarques pertinentes ; À Monsieur Isaac Gigonu Yawo Vidéha, doctorant au Département d’Histoire et d’Archéologie à l’Université de Lomé, Madame Pyalo Aféïdou Amizou et Monsieur Kodjo Abalo, tous deux volontaires de l’Agence Nationale du Volontariat au Togo (ANVT) auprès du Programme Archéologique Togolais (PAT) au Département d’Histoire et d’Archéologie, pour leur apport essentiel à ce travail, la saisie du document et la mise en page. Le fond et la mise en forme ont été assurés par l’auteur, qui a supervisé tout le travail. À Togbui Ewefiagan Agokoli IV, chef canton de Notsé et Président des chefs traditionnels du Togo, pour son affection inconditionnelle,
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empreinte de sentiments réels à sa fille adoptive, durant mes séjours à Notsé et son soutien sans faille pendant mes moments difficiles. Mes remerciements vont également : à ma famille pour leur indéfectible affection ; aux amies (s), aux bienfaitrices (teurs) et aux vaillantes populations du de la zone étudiée et du Togo ; à mes collègues qui ont choisi la difficile, mais passionnante voie qu’est l’archéologie, je leur souhaite beaucoup de persévérance ; aux personnels et aussi à celles et à ceux qui ont, de loin ou de près, de visages connus ou inconnus, contribué d’une manière ou d’une autre, à l’élaboration de cet ouvrage. Merci à toutes et à tous. Et pour finir, je rends Grâce à Dieu Tout-Puissant pour sa Miséricorde infinie à mon égard.
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Préface
Faire découvrir un élément de l’organisation de l’espace dans l’architecture traditionnelle en Afrique, tel est l’objectif principal de cet ouvrage. Ce livre est un extrait du tome II de la seconde thèse, équivalente d’une thèse de Doctorat d’État, de Madame Angèle Dola Aguigah, première archéologue du Togo. Cette thèse porte sur « Pavements et Terres damées dans les régions du Golfe du Bénin : enquête archéologique et historique » et fut soutenue le 6 décembre 1995 à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne avec la mention Très Honorable avec autorisation de publication à l’unanimité des six membres du Jury de soutenance. Sa publication aujourd’hui vient concrétiser le vœu émis par la communauté scientifique aussi bien nationale qu’internationale qui était depuis lors dans l’attente. Le cheminement intellectuel mené dans ce travail part du constat selon lequel ces cinq dernières décennies, l’on a assisté à des découvertes de revêtements de sol dans l’espace habité, de l’Afrique centrale autour du lac Tchad à l’Afrique de l’ouest dans le Golfe de Guinée, et dont la profondeur chronologique s’étend du VIè au XXIè siècle. Malgré l’apparente abondance de ces techniques d’ornementation et de protection que sont ces revêtements de sol, témoins du passé plus ou moins lointain des sociétés, aucune étude exhaustive n’avait été menée. Or, ces éléments de l’architecture traditionnelle méritent d’être étudiés au même titre que les portes, les fenêtres, les poteaux, les parois murales des demeures. Et, lorsque les matériaux de construction périssables disparaissent après abandon ou destruction des maisons, seuls les revêtements de sol ou pavements existent, résistent et traversent le temps. À travers l’étude de ces vestiges divers retrouvés en surface et/ou en fouille, nous avons pu obtenir des informations substantielles sur l’environnement géoculturel, socioéconomique et politique de ces communautés. Aussi, les analyses de datation, les recoupements historiques à partir des données iconographiques, les sources orales et les rares documents épars, appuyés par des enquêtes ethnographiques
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ont contribué réalisés à leur connaissance. Le lecteur trouvera que l’auteur, archéologue, a fait usage de toutes ces données. Dans les sociétés africaines à oralité, ces vestiges sont en voie de disparition et menacés par les habitudes architecturales et urbanistiques et les modes de vie issus de la modernité. Or, l’étude de ces vestiges des périodes passées peut ouvrir la voie à la chronologie pour la connaissance des anciennes technologies endogènes et des récits de migration présents dans l’histoire du continent. Cette nouvelle piste de datation vient en aide aux spécialistes des sciences humaines, notamment, ceux des sciences historiques et sociales africaines dans leur quête de connaissance des civilisations passées de l’Afrique. Grâce à la datation des tessons de poterie ramassés en surface et/ou exhumés en fouilles, ces chercheurs sont désormais capables de détecter et de repérer des mythes et des légendes à partir de leurs travaux scientifiques. Le présent ouvrage est un abrégé de quelques chapitres de la thèse : « Pavements et terres damées dans les régions du Golfe du Bénin : enquête archéologique ». Après avoir défini les pavements et les sols damés et présenté les matériaux de réalisation, le lecteur découvrira tour à tour des sessions consacrées à leurs fonctions dans les lieux publics (cours, salles de réunion, égouts…), les lieux cultuels (tombes, sanctuaires, temples,…), les lieux privés (chambres, vérandas, cuisines, …). L’on y verra la composition et la décoration des pavements et des damages de sol, les approches ethnoarchéologiques, la conservation des pavements et la revalorisation d’une ancienne technique dans un monde moderne en pleine mutation. Contribuer à sauvegarder une production millénaire en déclin ou en disparition totale dans un monde où les valeurs endogènes sont nécessaires, voire indispensables pour le développement, est le but principal de cet ouvrage. Le lecteur trouvera des éléments de culture générale, d’une « culture de pavement » dans le Golfe de Guinée et son pourtour, tandis que les historiens et spécialistes des sciences humaines et sociales verront des informations scientifiques et académiques qui pourront élargir leurs champs de connaissances. L’art de construire pourra s’en inspirer pour se frayer un chemin dans la recherche de ses marques propres. Les résultats de telles investigations devraient enrichir l’architecture traditionnelle et moderne régionale.
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Monsieur Jean-Baptiste KIETHEGA Professeur Titulaire d’archéologie à la retraite de l’Université de Ouagadougou, Burkina Faso Ancien Doyen de la Faculté Officier de l’Ordre National Officier de l’Ordre des Palmes Académiques Chevalier des Arts et des Lettres de la République Française Lauréat 1998 du Prix Prince KLAUS des Pays-Bas : archéologie et développement.
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Denyer : 1978 « Anyone discussing African architecture immediately wants to know the answers to the questions why, where and when: why this shape; when was it first used and where did it come from, if anywhere? Archeology should be able to help find some of the answers » 1
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Denyer : 1978 « Quiconque s’intéressant à l’architecture africaine a envie de connaître les réponses aux questions suivantes : pourquoi, quand et où : pourquoi cette forme, quand avait-t-elle été utilisée pour la première et d’où vient-elle si origine/source, il y a ? L’Archéologie devrait être en mesure d’aider à trouver certaines réponses »
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Introduction
Parmi les grands thèmes intéressant les archéologues, l’organisation de l’espace dans l’architecture traditionnelle est une question à la fois d’une importance majeure et d’une incomplétude notoire. C’est ainsi que Devisse dira en ces termes : « L’archéologie est, aujourd’hui, grâce à l’archéométrie et à la multiplicité des disciplines auxquelles celle-ci fait appel, la seule voie d’accès à tout ce qui peut être retrouvé du passé de l’Afrique pour des périodes ancienne » (Devisse 1987 : 33). Le patrimoine culturel de l’Afrique est riche et composé d’une grande variété de produits culturels retrouvés dans les sites préhistoriques, protohistoriques, historiques, et ceux de l’ère industrielle. On retrouve le plus souvent ce patrimoine sur les sites, les musées, les musées de site, les galeries et dans la vie quotidienne des populations. C’est le cas des revêtements de sol observés en Afrique au sud du Sahara. Mais l’archéologie permet, dans bien des cas, de révéler ce patrimoine, non seulement aux chercheurs scientifiques, mais également au grand public. En effet, ces cinquante dernières années, l’archéologie est devenue un outil et un support incontournable du développement socioéconomique et culturel en Afrique subsaharienne. Les sources écrites font défaut pour les périodes antérieures aux XIIè-XVIè siècles et la chronologie, à partir des sources orales, reste fragmentaire ou repose sur des mythes et légendes. Dans de rares cas, elle remonte audelà de trois siècles à partir de la colonisation. Les traces et les vestiges découverts par l’archéologie permettent de reconstituer une partie de l’histoire de l’Afrique jusque-là ignorée ou mal connue. Cet ouvrage, en s’articulant autour de la problématique des pavements et terres damées en Afrique de l’ouest : le cas du Togo. Étude archéologique comparée, révèle un important patrimoine architectural jusque-là mal connu ou ignoré. C’est pourquoi, les pavements et les terres damées méritent d’être étudiés au même titre que les portes, les poteaux, les fenêtres et les parois murales des demeures. Ils consolident le sol habité, améliorent l’habitation, lui procurent du confort et lui assurent une longue durée et un environnement agréable pour l’homme. En diversifiant les approches, 19
il s’agit de déterminer les choix technologiques élaborés par les anciens artisans, de préciser les fonctions ou la place des pavements et des terres damées dans l’organisation de l’espace d’habitation : fonction esthétiques et/ou celle de protection du sol ; dans les lieux publics (cours, salles de réunions, égouts, routes,…), les lieux cultuels (tombes, sanctuaires, temples…) et les lieux privés (chambres, vérandas, cuisines…). Cependant, les analyses en laboratoire (datation et caractérisation de la céramique) complètent les informations archéologiques, pour fournir des éléments d’interprétation à l’emploi des matériaux et le choix technologique des anciens artisans. Les datations ont permis de déterminer un fond culturel ancien et de constituer des indicateurs spécifiques d’un ou de plusieurs peuplements selon les diverses époques. De plus, l’analyse des données des enquêtes ethnologiques menées dans les localités connues pour leur production céramique, où l’on réalise encore aujourd’hui des pavements, comme Tcharè et Wyamdè au Nord du Togo, amène à appréhender les raisons des choix opérés par les anciens artisans à partir des techniques actuellement mises en œuvre. La conservation du patrimoine culturel, ainsi que l’accent mis sur les vestiges, fragiles et non transportables que sont les revêtements de sol, constituent une approche valorisante de ce riche patrimoine culturel en disparition constante. Par rapport à ce constat, la préservation de cet héritage culturel dans des régions en pleine mutation technologique passe-t-elle par une revalorisation du mode de revêtements de sol et son intégration dans l’économie moderne ? C’est la préoccupation centrale qui sous-tend ce livre et l’auteur invite les lecteurs à en tirer aussi leur propre conclusion.
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CHAPITRE 1 Recherche sur le terrain et méthodologie « L’objet archéologique a perdu, en traversant les distances temporelles plus ou moins grandes qui séparent de nous sa création et son utilisation, une part plus ou moins grande de ses évidences. C’est pourquoi, il faut d’abord, éventuellement, le restituer dans sa forme (...), il faut le situer dans la zone géographique de sa création (…) (Ginouvès 1985 : 15) » L’importance accordée à l’objet archéologique lors des fouilles est essentielle. L’archéologue, en s’armant de patience, dégage à l’aide d’une brosse à dent ou d’un pinceau des centaines de tessons de poterie, d’ossements et autres vestiges, les observe, les numérote, les enregistre et les classe dans des boites ou sacs en tissu. En effet, menée parallèlement à la fouille, l’étude du matériel issu de cette dernière est une étape indispensable du travail archéologique. Ainsi, le matériel archéologique fait l’objet d’un traitement standardisé qui en assure documentation, classification, analyses, interprétation, conservation et exposition au public. Le développement qui va suivre en est l’illustration parfaite de comment, d’un objet d’étude (revêtements de sol dans l’architecture traditionnelle), nous aboutissons à un résultat issu de l’ensemble de théories, méthodes et pratiques de terrain, qu’est l’archéologie. 1. Orientation du sujet 1.1. Objet de l’étude Le thème retenu : «.Archéologie et Architecture traditionnelle en Afrique de l’Ouest, le cas des revêtements de sols au Togo. Une étude comparée » se justifie par plusieurs raisons, dont les plus importantes sont les suivantes : D’abord, les recherches archéologiques menées en 1984 à Notsé (Aguigah 1986) ont montré la présence et la répartition spatiale de ces vestiges jusqu’alors mal connus ou ignorés des chercheurs de la région. D’un autre côté, les rapports des fouilles entreprises à Ifè (Willett 1967 et 1971, Garlake 1974 et 1977), à Benin-City, à Daïma, (Connah 1975 et 1981) et à Togudo-Awutè (Adandé 1984), 21
mentionnent l’existence de ce type de vestiges. Ceux-ci, présentés au fur et à mesure de leur découverte, n’ont pas souvent fait l’objet d’étude systématique (carte 1). Ensuite, en l’absence de toute étude de synthèse sur les revêtements de sol, (pavements et les terres damées), le présent ouvrage offre la possibilité d’étudier ces réalisations, afin d’apporter des informations, dans la limite du possible, sur l’une des techniques de protection et d’ornementation de sol, sur un aspect de l’organisation de l’espace habité dans l’architecture traditionnelle en Afrique noire. Enfin, dans un rapport remis au gouvernement togolais, à la suite d’une mission d’évaluation, Jean Devisse (1987) a fait plusieurs propositions relatives à l’avenir de la recherche archéologique en Afrique et au Togo. Parmi celles-ci, il a mis fermement l’accent sur une pratique plus ambitieuse de la recherche, qui vise à prendre en compte une recherche thématique sur les points pour lesquels l’archéologie est la plus susceptible d’apporter des réponses plus satisfaisantes, par une prospection systématique de tous les lieux où des réponses peuvent être recherchées. Cette prospection est, ellemême, génératrice de nouveaux thèmes. Selon l’auteur de ce rapport, il faut éviter les « coups de sonde » dispersés. Parmi quelques thèmes porteurs d’informations identifiés actuellement au Togo, les sols à revêtement de poterie et les sols damés découverts çà et là dans le pays paraissent répondre à cette problématique.
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En 1979, lors de sa première mission de prospection au Togo, le professeur Merrick Posnansky signala la présence de lambeaux de pavements en quartz à Notsé (précisément à Tégbé, quartier présumé des autochtones de la ville), chez les Konkomba, au Nord-Ouest, et dans le pays Kabiyè1, au Nord du Togo (Posnansky 1980). Malgré cette découverte, aucune attention particulière n’a été portée à ce vestige spécifique durant la première campagne de fouilles entreprise en 1981 à Notsé, dirigée par Posnansky. Pourtant, les affleurements de pavements s’étendent sur de vastes surfaces dans des anciens quartiers comme Dakpodzi, Wotségbémé et Alinu, identifiés par les sources orales comme ayant été ceux des demeures royales et à Tégbé, reconnu par ses habitants comme étant celui des présumés autochtones. En 1987, le professeur Jean Devisse identifia, avec une équipe de prospection composée de Dovi Kuévi, Nicoué Gayibor et Dola Aguigah, des portions de pavements et de terres damées dans plusieurs localités, notamment à Bandjéli, Pya, Notsé et Tado. D’un autre côté, il peut paraître étonnant que, malgré d’importants travaux réalisés par les missionnaires allemands, les administrateurs anglais et français, les africanistes et les récents travaux des chercheurs locaux sur les populations du golfe du Bénin (Iroko 1988), aucune référence n’a été faite sur la présence des pavements et des terres damées dans cette région. On se pose la question de savoir si ceux qui s’intéressaient à la région à l’époque précoloniale ont pu observer cet élément de la culture matérielle. On sait que leur intérêt pour les royaumes de la côte et son hinterland immédiat était sans égal. Comment expliquer le fait qu’ils se sont passionnés à décrire la vie quotidienne des populations, celle des cours royales, les événements qui s’y déroulent, les décors de l’architecture, aussi bien royale que populaire, les scènes d’exploits guerriers (Dapper 1668, Nyendael 1701, Clapperton (1826 : 48), Sieur Lemaire 16952) et qu’ils sont restés muets sur l’ornementation intérieure de ces lieux ?
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Ce terme qui désigne la majeure population de la région de la Kara s’écrit de façon différente selon les auteurs. Cependant pour les raisons d’harmonisation nous avons adopté cette orthographe Kabiyè pour tout le document. 2 Frank Willett (1990 : 99-106) rapporte qu’à toutes les époques, les voyageurs décrivent les habitations et en font des dessins et que sur une maison représentée en coupe, le texte en donne une description détaillée.
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Ou sur l’architecture d’intérieur. Les récits de voyage de Clapperton (1826 : 48) en visite à Old Oyo le témoignent : « Les gens aiment à décorer de gravures les portes et les colonnes qui soutiennent les terrasses ; et ils ont aussi des statues ou des figures d’hommes et de femmes dressés dans les cours …».
Willett (1971 : 103) rapporte de son côté ce qui peut résumer l’esprit de l’époque : « les Européens en visite à Ifé demandent fréquemment comment des gens vivant dans des maisons en boue séchée, aux toits de paille ont pu fabriquer d’aussi beaux objets que les bronzes et les terres cuites exposés au musée » ; « le préjugé à la vie dure, qui veut que la création et la sensibilité artistiques ne peuvent exister sans les talents domestiques et le confort sanitaire! », dira Sir Mortimer Wheeler, dans sa préface à l’ouvrage de Frank Willett. Pourtant, la majorité de ces maisons de boue séchée sont ornées de pavements ou damées de terre argileuse. On peut aussi supposer que certaines maisons pavées étaient déjà tombées en ruines au moment où les Européens sillonnaient ces régions. Comment expliquer aussi le fait que les chercheurs qui semblent connaître l’existence de ces ouvrages, les revêtements de sol, ne les évoquent ou bien ne les mentionnent pas au cours de diverses séances d’enquêtes orales qu’ils ont mené dans ces localités ? Il faut aussi souligner que, généralement, la plupart des chercheurs africanistes et africains en sciences humaines se préoccupent très peu ou pas du tout des cultures matérielles et notamment, de cet aspect particulier de la technologie des populations. En effet, l’anthropologie culturelle est une discipline assez récente en Afrique, et il faut attendre encore quelques années pour la voir se développer et se pencher véritablement sur cet aspect du problème. Alors la question se pose de savoir à quoi servaient ces sols pavés et damés pour qu’aucune attention, malgré leur abondance, n’ait été portée à leur présence dans la description des lieux d’habitation ? Si l’utilisation secondaire de la céramique à cette fin de pavement est absente jusqu’alors dans la littérature archéologique, il en va autrement pour la céramique elle-même (Devisse 1981) 1 , et 1
Plusieurs enquêtes ont porté ces dernières années sur la production céramique en Afrique. Pour plus d’informations se référer aussi à l’article de Denise RobertChaleix dans le Grand Atlas de l’archéologie, collections " Architectures traditionnelles " de Christian Seignobos (1981: 318).
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celle de la métallurgie du fer dans plusieurs régions en Afrique. Bien entendu, les voyageurs et administrateurs de l’époque coloniale, et les chercheurs autochtones, européens et américains ont signalé l’industrie du fer dans la région de Bassar (Kuévi 1975, Martinelli 1982, Goucher 1985, Barros 1985), (Hahn 1997), mais ont ignoré l’existence d’une production de ce métal en d’autres points du Togo, tels que Dapaong, Tado et le plateau de Danyi, alors que les vestiges de cette industrie jonchent le sol à divers endroits (Aguigah et Drouet 1991, Aguigah 1993) comme à Lavié et le secteur d’Ahlon (Kuévi 1989). 2. État des connaissances Une abondante littérature traite de l’architecture traditionnelle en Afrique (Bertho 1950, Bascom 1959, Lebeuf 1961, Prussin 1969 et 1981, Denyer 1978, Devisse 1985, Fassassi 1978). Les recherches réalisées dans diverses disciplines en sciences humaines prennent de plus en plus en compte l’étude de l’homme et l’environnement dans lequel se sont installées les anciennes communautés. Ces travaux entrepris sur les villes africaines indiquent un phénomène urbain endogène ancien, avec une organisation de l’espace spécifique (Igué 1979, MC Intosh 1980, Mondjannangni 1981). Les plans et les techniques de construction étaient connus bien avant les influences extérieures. Cette littérature mentionne également les matériaux utilisés (pierre, argile, végétaux), les formes des maisons (carrées, rectangulaires, circulaires), les formes des toits (cylindriques, coniques, ovoïdes). Les ouvrages mettent aussi l’accent sur les formes des ouvertures (les portes, les fenêtres et leurs décors), et sur les espaces ouverts ou fermés. Dans l’ensemble, la demeure de l’homme africain est étudiée dans tous ses détails, à la mesure du soin particulier que lui-même en apporte (Gardi 1974, Devisse 1988, Willett 1990)1. Technique d’ornementation, les pavements et les terres damées (autres éléments de l’architecture) méritent d’être étudiés au même titre que la décoration des portes, des poteaux, des fenêtres et des parois murales des maisons. Ils apportent des informations sur la 1
On peut consulter la bibliographie dans le Grand Atlas de l’architecture mondiale, Encyclopedia Universalis, 1981, ou collections "Architectures traditionnelles" de Christian Seignobos 1981.
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connaissance historique de l’occupation de l’espace et son embellissement. Technique de protection, les pavements et les terres damées consolident le sol occupé, améliorent l’habitation, lui procurent du confort et lui assurent une longue durée. Ce mode de revêtement est révélateur du degré d’évolution et du souci d’hygiène qu’avaient les populations pour leur demeure. Au point de vue archéologique, ces vestiges sont les témoins indubitables de l’occupation et de l’organisation de l’espace autrefois habité. En effet, lorsque les matériaux disparaissent après abandon ou destruction de ces lieux pavés ou damés, seuls les revêtements de sol résistent et traversent le temps. Leur présence permet de déterminer, d’une manière plus ou moins précise, les contours des structures anciennement bâties et de restituer le cadre d’habitation des occupants des lieux. En Afrique, les principaux matériaux de construction des demeures, des monuments, des greniers, des abris pour bétail, des mosquées de la zone sahélienne (notamment celles de Djenné Djéno, de Kong) etc. sont l’argile (Prussin 1968 et 1970). La pierre est utilisée pour les célèbres monuments du Grand Zimbabwe (Summer et Whitty 1961) et les végétaux pour d’autres constructions (Seignobos 1985 : 322; Nizeesete 1992). À la différence des constructions en pierre, dont les ruines sont visibles et souvent nettement délimitées en fouille, les matériaux périssables en argile ou d’origine végétale, disparaissent et ce qui en reste est fonction du temps plus ou moins long d’enfouissement. L’argile, elle, omniprésente dans les constructions (demeures, fortifications, greniers), compacte et dure, se confond très souvent avec les sédiments archéologiques. Néanmoins, une fouille minutieuse, menée avec discernement, permet quelquefois de délimiter ce qui reste des parois en argile. L’ambition particulière de la présente étude technique et comparative est de faire le bilan de ces techniques d’ornementation et de protection que sont ces revêtements de sol, et d’analyser les vestiges qui y sont liés. Ce système que l’homme a inventé dans le temps et dans l’espace est l’un des témoins de son degré d’intelligence, de son goût pour l’esthétique et de sa recherche du confort. Aussi, voulons-nous, à travers cette enquête, ouvrir un nouveau domaine aux recherches archéologiques. Dans l’ensemble, les objectifs principaux consistent, malgré l’hétérogénéité actuelle de la zone d’étude, à déterminer un trait 27
général de la culture du Golfe de Guinée et son pourtour. Il s’agit, en diversifiant les approches, de déterminer les choix technologiques élaborés par les anciens artisans, de préciser les fonctions ou la place des pavements et des terres damées dans l’organisation de l’espace habité ; ses fonctions esthétiques, et/ou celle de protection du sol, dans les lieux publics (cours, salles de réunions, égouts…), les lieux cultuels (tombes, temples, sanctuaires…) les lieux privés (chambres, vérandas, cuisines…). Nous présentons un tableau typologique qui tient compte, d’une part, des matériaux, des techniques, des motifs, et d’autre part, de la chronologie et de la répartition géographique des sites. On continue à confectionner des revêtements de sol dans de rares localités, alors que dans d’autres, ils ont disparu avec la technique de la céramique. Des enquêtes ethnologiques ont été effectuées ou sont en cours dans plusieurs régions. Des enquêtes complémentaires menées dans des localités connues pour leur production céramique et où l’on réalise encore aujourd’hui des pavements, comme à Tcharè et Wyamdè au Nord-Togo, permettent de réunir des éléments de comparaison qui pourraient éventuellement aider à comprendre les raisons des choix opérés par les anciens artisans quant aux techniques, matériaux, décorations et fonctions des pavements et terres damées en Afrique. De possibles applications pratiques de techniques de revêtements de sol ainsi mises au jour pourraient être introduites dans l’architecture contemporaine en Afrique. Les analyses en laboratoire ou l’archéométrie (datations et caractérisation de la céramique) complètent les informations archéologiques, pour déterminer un fond culturel assez ancien ou pour constituer des indicateurs spécifiques d’un ou de plusieurs peuplements selon diverses époques. Ainsi, nous offrons une vue diachronique des modes de pavement à travers la stratigraphie et les datations. Notre étude s’inscrit dans un programme de recherche archéologique et historique à moyen et à long terme relatif à la reconstitution de l’histoire ancienne du Togo et, globalement, de celle de la région de l’Afrique de l’ouest et du centre à partir de la culture matérielle. Elle est constituée de cinq chapitres au cours desquels nous passons d’abord des recherches sur le terrain et la méthodologie des céramiques archéologiques, aux décorations et compostions des 28
pavements et terres damées et à leur typologie. Ensuite, nous analysons l’apport des mesures archéologiques des pavements, des terres damées et des céramiques et leurs chronologies. Enfin, quels sont les rôles que les revêtements de sol anciens ont joués dans l’organisation sociospatiale du cadre de vie, et les approches ethnologiques dans l’architecture modernes aujourd’hui. Dans ce chapitre, nous abordons également les problèmes cruciaux de conservation et de restauration qui se posent aux objets archéologiques, témoins du passé, notamment aux vestiges non transportables. L’enquête ethnoarchéologique a permis de se faire une idée sur les anciennes technologies et leur survivance dans le monde moderne. Dans le premier chapitre nous présentons des recherches sur le terrain et la méthodologie des céramiques archéologiques. L’objectif est de situer le lecteur sur le contexte d’émergence de ces structures et la mise au jour des pavements et terres damées. Nous voulons mieux appréhender les contextes environnementaux et historiques des localités concernées, sans reprendre intégralement les travaux déjà connus et publiés. De plus, la datation de ces structures montre les bornes chronologiques de leur existence. La situation stratigraphique permet de placer les vestiges dans les milieux qui les ont produits, d’avoir une idée sur la succession ou superposition et l’organisation des couches et des niveaux archéologiques. Ainsi la répartition géographique des sites a fait apparaître six grandes zones de concentration qui sont : − les sites localisés dans la région du lac Tchad, − ceux situés à la confluence de la Bénoué et du Mayo Kébi au Cameroun, − les sites localisés sur les rives du lac Kainji au Nigeria, − ceux de l’aire yoruba au Nigéria, l’aire ajatado au Togo et au Bénin, − ceux qui sont situés dans la partie septentrionale du Togo, − à ces zones s’ajoutent quelques sites isolés, comme au Burkina Faso, au Ghana, en Côte d’Ivoire, au Bénin. Dans le deuxième chapitre, nous abordons les décorations et compositions des pavements et terres damées. En effet, l’étude des matériaux utilisés et des techniques d’exécution, nous a permis de mieux cerner le mode de réalisation des pavements et terres damées. Nous comparons les modèles de trois groupes distincts, à savoir le 29
groupe de Notsé et de Tado, celui d’Ifé, et enfin celui d’Ulaira. Leur répartition spatiochronologique et les formes décoratives montrent des styles spécifiques qui correspondent aux productions endogènes, et les productions rares probablement empruntées à d’autres populations. Chronologiquement, les terres damées sont antérieures (dans certains cas), ou contemporains, (dans d’autres) aux pavements, dont les plus anciens remontent au VIè siècle. Le troisième chapitre est consacré aux apports des analyses physicochimiques et pétrographiques et à l’étude des céramiques et fonctions des pavements dans l’architecture traditionnelle (espace domestique, centres urbains et espace religieux). Les analyses de laboratoires (datations, caractérisation de la céramique) complètent les informations archéologiques pour fournir des éléments d’interprétation aux choix technologiques des anciens ouvriers. Ainsi plusieurs questions ont été posé dont les principales sont : pourquoi at-on cuit les supports des pavements dans telle localité et pas dans telle autre ? Quelles informations les revêtements de sol nous apportent-ils sur l’organisation sociale dans la zone d’étude. Quelle est l’influence d’une région sur une autre ? Le mode de revêtement est-il lié à des courants migratoires dans l’espace retenu à une époque donnée ? Dans le quatrième chapitre, il s’agit de l’enquête ethnoarchéologique menée à Tcharè et Wyamdè en pays Kabiyè au Nord du Togo. Dans cet espace, les femmes et les hommes réalisent encore aujourd’hui les pavements et terres damées. L’objectif est d’appréhender les procédés des anciens artisans à partir des techniques actuellement mises en œuvre. Nous mettons l’accent sur l’organisation sociospatiale dans les différentes communautés et les sites qui les ont produits. Le cinquième chapitre donne les approches ethnoarchéologiques, la conservation et la revalorisation des sites, notamment celles des vestiges fragiles et non transportables que sont les revêtements de sol. Dans ce chapitre, nous traitons la réflexion suivante : comment préserver l’héritage culturel dans les régions en pleine mutation technologique ? En cela, nous faisons des propositions pour une revalorisation du mode de revêtements de sol et son intégration dans l’économie moderne et dans l’environnement. Ceci dans le but de préserver une technique millénaire et de sauvegarder la production céramique découverte depuis le néolithique. Cette pratique est actuellement menacée de déclin et de disparition totale. Le bilan général replace le sujet dans le cadre de l’histoire générale de la sous30
région ouest-africaine et son pourtour, qui manque de chronologie absolue et/ou relative. Car, il n’est pas opportun de vouloir séparer l’archéologie de l’histoire, l’archéologue de l’historien, puisque le moindre tesson exhumé du sol est d’abord un témoignage historique. En conclusion, nous dégageons les directions de recherches complémentaires à celles que nous achevons, en proposant une collaboration honnête avec une équipe pluridisciplinaire, intercontinentale, voire internationale sur l’histoire générale de l’Afrique. 3. Archéologie des pavements et des terres damées 3.1. Zone d’étude L’étude que nous présentons montre une grande dispersion dans l’espace. Le cadre géographique qui nous intéresse s’étend du golfe du Bénin jusqu’aux abords du lac Tchad. Cette délimitation prend en compte, étant donné la documentation disponible, la répartition des sites sur lesquels a été mentionnée la présence de pavements et des terres damées (Carte 2). Par ailleurs, la diversité géographique et la chronologie des sites, l’hétérogénéité culturelle actuelle des populations concernées rendent difficile la gestion des données recueillies au cours des investigations. Le défi est d’arriver à une vue synthétique de cette zone qui s’étend de la Côte d’Ivoire aux abords du lac Tchad, et englobe huit pays (Côte d’Ivoire, Ghana, Togo, Bénin, Burkina Faso, Nigeria, Cameroun, Tchad). Elle comporte une trentaine de sites identifiés, une soixantaine de secteurs, environ une centaine de structures pavées et dont la profondeur historique va du VIè au XXIè siècle. La zone d’étude a été subdivisée en six grandes aires géographiques (et non aires culturelles), et un groupe de sites dispersés, afin de dégager l’homogénéité qui les caractérise dans l’espace. Il s’agit : − − − − − − −
de la Volta et du Mono, aire ajatado (Ghana, Togo, Bénin) ; du Centre et Nord du Togo ; du sud-ouest du Nigeria aire yoruba et du Delta du Niger ; des abords du lac Kainji (Nigéria) ; des abords du lac Tchad ; des vallées de la Bénoué et du Mayo Kébi (Cameroun) ; des autres sites (Kétou, Godin, Kong). 31
Cette réparrtition en aiires est subd divisée en sites s et en ssecteurs, ensuitee en zones de d pavemennts, dans le but d’obserrver leurs ppositions stratigrraphiques, leur situatioon et leur relation dans le temps et dans l’espacce.
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3.2. Définition des pavements et des terres damées La définition est variable, car les archéologues ne s’accordent pas tous sur une définition précise. Les anglo-saxons disent « pavement » (prononcer peiv’ment). Certains Européens parlent de dallage, pavé, pavage ou pavement, pour désigner un revêtement de sol. Nous retenons le terme de pavement. Mais, il faut souligner qu’il n’existe pas de noms locaux pour désigner les revêtements de sol. Les populations ajatado disent « agbaklè mlo anyi » « lit de tessons » ou encore « tessons couchés », et chez les Kabiyè on parle de « busɩ ƔliƲ (damage) » et « ba gaȠ tatasɩ (pavage) ». Nous ne connaissons aucun terme qui désigne les sols pavés dans les autres langues africaines concernées par notre étude. Les sols colorés, souvent d’une belle couleur, sont aussi en usage en Afrique. Nous retenons la définition suivante à la suite de notre analyse : − le pavement est un revêtement de sol qui se présente comme une mosaïque, pouvant être réalisée avec divers matériaux (tessons, galets de quartz, cailloux, pierres, concrétions ferrugineuses, parfois des scories et coquilles de mollusques), posés sur un lit argileux, cuit ou cru, sur une terre de latérite ou sur une terre argileuse compactée; − les terres damées sont des aménagements de sol réalisées avec des remblais de terre rouge, latéritique ou argileuse. Le dispositif, pavement et terre damée, est consolidé avec une décoction de pulpe du néré (Parkia biglobosa)1 ou de bouse de vache. Cette dernière solution constitue un bon isolant contre les parasites. Les feuilles de néré servent à décorer et à relever l’esthétique de 1
Le néré est appelé dobé en kotocoli, région centrale du Togo. La pulpe est utilisée pour cimenter le sol et les murs extérieurs des maisons, c’est-à-dire la clôture. Ce revêtement sert de protection contre les eaux de pluie. La pulpe est pillée et ensuite trempée dans l’eau. On arrose le sol à consolider à plusieurs reprises de manière à assurer la résistance. Les grains du néré sont pillés pour extraire la poudre, tamisée, elle est diluée dans de l’eau et sert de boisson rafraichissante. On prépare aussi de la moutarde avec les grains du néré : ils sont bouillis pendant plusieurs heures, bien cuits, ensuite on les pile, on les nettoie pour enlever la coque, on les essore et on conserve le tout dans un pot pendant trois jours, jusqu’à ce qu’il soit bien ramollie. On l’écrase sur une meule selon le goût et on forme de petites boules étalées sur un plateau saupoudré de cendres. On laisse sécher et durcir pendant plusieurs jours, ainsi la moutarde peut se conserver très longtemps. Informations données par Madame Virginie Barbier à l’Institut de Recherche en Développement (IRD) (exORSTOM-Bondy) en juin 1994. Outre cette utilisation, Jean Devisse signale l’emploi dans la cosmétique, information recueillie en mars 1994.
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l’ouvrage. Outre ces caractéristiques, le néré est un arbre important dans plusieurs localités en Afrique soudano-sahélienne. C’est un arbre de grande taille de 15 à 20 m de hauteur, avec une large cime en parasol. La pulpe, jaune et riche en sucre, est comestible. Christian Seignobos (1982 : 1-23) classe l’arbre dans le parc alimentaire au même titre que l’Adansonia digitata et le Ceiba pentandra. La pulpe, fermentée, donne une boisson rafraîchissante. Les feuilles et les graines de cet arbre sont aussi utilisées. Les graines, riches en protéines et en matières grasses, servent à faire du fromage, tandis que les feuilles sont utilisées pour la décoration et la consolidation du sol des habitations. Les matériaux qui servent à réaliser les pavements et les terres damées sont tous situés dans l’environnement plus ou moins immédiat des artisans. L’accessibilité de la matière peut ainsi résoudre la stratégie de leur acquisition et de leur collecte à certaines périodes par exemple, celles de construction ou réfection des demeures, généralement programmée pendant la saison sèche. 3.3. Différents types de pavements On trouve quatre types de pavements, selon les matériaux employés, avec diverses variantes et deux techniques de pose : − les pavements en tessons de poterie, les plus répandus et les plus connus dans la zone d’étude ; − les pavements en matériaux lithiques (galets, blocs de quartz, schiste, ardoise…). Ils sont aussi abondants ; − les pavements avec d’autres matériaux (coquilles de mollusques ou os, concrétions ferrugineuses et scories) ; − les pavements qui combinent les deux précédents types de matériaux, des tessons de poterie et les matériaux lithiques. On distingue deux techniques de pose : − la pose sur chant : les tessons de poterie sont verticalement disposés, jointifs les uns à côté des autres ; − la pose à plat : les tessons de poterie sont disposés sur leur surface plane.
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Deux catégories de pavements sont distinguées : − les pavements anciens : ils apparaissent en surface ou sont mis au jour dans les fouilles ; on les trouve dans les sites anciennement occupés, où ils décoraient les cours royales, lieux publics, privés et religieux. Ceux qui sont en surface sont exposés à la dégradation et subissent l’action destructrice de l’érosion et des effets mécaniques de l’homme; − les pavements modernes : ils sont encore réalisés et en usage dans les demeures des chefs et dans certains lieux publics, privés et rituels. 3.4. Archéologie des pavements et des terres damées Elle pose un certain nombre d’interrogations et nous tentons d’apporter des éléments de réponses tout au long de l’étude. Les découvertes fortuites et les investigations organisées en Afrique ces trente dernières années ont montré la présence des pavements au Nigeria (Willett 1960, 1967 et 1971, Connah 1975 et 1981, Garlake 1974 et 1977, Eyo 1974, Nzewunwa 1989, au Ghana (Anquandah 1982), au Cameroun (David 1967, Marliac et Delneuf 1984), au Burkina Faso (Devisse et Kiéthega 1975 et 1995), au Bénin (Adandé 1984) au Togo (Aguigah 1986, 1989 et 1992). Ces vestiges découverts en affleurement de surface et/ou en fouille constituent des témoins de l’organisation de l’espace habité et aussi des anciens modes d’ornementation des sols en Afrique. Ils peuvent nous fournir, lorsque l’enquête archéologique et historique est méthodiquement menée, des informations sur l’habitat traditionnel ancien. Car, lorsque les matériaux de construction sont dégradés, détruits et enfouis pendant des siècles, seuls les revêtements de sol restent témoins d’une architecture aujourd’hui disparue. Les traces qui permettent de tenter une reconstitution des structures d’habitat, après les fouilles, ne sont pas toujours évidentes. Frank Willett (1971) rapporte d’Ifé que : « Les maisons dans lesquelles vivaient les anciens habitants sont évidemment aujourd’hui effondrées, et il est très difficile d’en retrouver les traces au cours des fouilles, car, elles étaient construites selon le procédé qui consiste à malaxer avec de l’eau le matériau provenant des maisons effondrées et à s’en servir pour ériger les assises de nouvelles constructions. Cette technique n’exige pas l’établissement de fondations. En conséquence, les murs eux-mêmes sont presque impossibles à détecter » 35
Ce témoignage explique la difficulté des archéologues à délimiter les murs en banco dans les fouilles. Néanmoins, ces vestiges sont circonscrits lors d’une fouille conduite avec méthode et discernement. Et l’auteur ajoute : « À Ifè, heureusement, les maisons étaient pavées intérieurement avec des rangées de tessons piqués dans le sol, souvent disposés de façon à former des dessins d’un effet très décoratif » (Willett 1971 : 103). Il est donc apparu que les pavements représentent les principaux éléments d’architecture retrouvés en fouilles. « Other than the pavements little has survived below the ground to give much indication of the ancient Ife architecture »1 confirme Thurstan Shaw (1969 : 51).
Les enquêtes et recherches ont montré que les pavements ne sont pas spécifiques à l’Afrique au sud du Sahara. On trouve les mosaïques de pavements en Afrique du Nord (Maroc, Tunisie, Algérie) et en Égypte. On note leur présence dans les pays européens comme la Grèce, l’Italie, la France, et en Europe de l’Est. Ils sont également signalés dans les fouilles au Pérou (Guffroy 1978). Cependant, en ce qui concerne tous ces pays (hormis le Pérou), il existe deux types de mosaïques : les mosaïques de décoration des sols et les mosaïques murales, qui sont des tableaux ou panneaux décoratifs. Dans le cadre de notre étude, nous nous intéressons aux pavements en tant que revêtements de sol, parce qu’on n’a pas découvert, pour l’instant, de mosaïques murales en Afrique noire. Cependant, quelques populations, notamment les Nupe (Nigéria) décorent les murs de leurs maisons avec des disques striées fabriquées en argile spécialement pour cet usage. Pour mieux appréhender notre corpus, nous empruntons quelques termes aux mosaïques de pavement gréco-romaines, non seulement parce qu’elles sont aujourd’hui les mieux étudiées, mais aussi, en raison de la ressemblance de certains ouvrages aussi bien sur le plan de la technique de réalisation et des matériaux utilisés, que de l’organisation de certains décors (cartes 3a et 3b) 1
Thurstan Shaw (1969: 51) « Autre que les pavements en tessons de poterie, peu [d’éléments] ont survécu dans le sol pour donner une idée précise de l’architecture ancienne ifé ».
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Cette réparrtition spatiiale des pav vements (caarte 3a) en Afrique occidenntale et cen ntrale semblle coïnciderr, à quelquees exceptionns près, avec ceelle des terrees damées ((carte 3b) su uivante.
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3.5. Difficulté de la fouille des pavements L’étude des vestiges archéologiques exige des méthodes rigoureuses d’observation, pour prélever les vestiges dans des conditions qui assurent une bonne interprétation. La fouille des pavements demande encore plus de précaution et de minutie, pour éviter d’enlever les tessons morceau par morceau, et surtout, pour observer l’association d’objets et autres structures susceptibles d’aider à l’interprétation des données recueillies. En stratigraphie, le dégagement des pavements et terres damées situés dans les sédiments exige une fouille très fine, exécutée au grattoir, à la truelle, avec un nettoyage permanent à la brosse. De nos expériences de terrain, il ressort que la méthode de fouille préhistorique paraît la mieux adaptée aux sites à pavements et terres damées. Quelle que soit la technique de pose ou le matériau utilisé pour réaliser l’ouvrage, la fouille est un exercice délicat, qui prend en compte l’état de conservation des vestiges en surface ou en stratigraphie et la nature du milieu d’enfouissement. La méthode stratigraphique s’avère la mieux adaptée. Ainsi, la fouille est, selon le dictionnaire nouveau Petit Robert, un ensemble des opérations et des travaux qui permettent de mettre au jour et d’étudier les ruines ensevelies de civilisations disparues, ou alors une excavation pratiquée dans la terre pour mettre à découvert ce qui y est enfoui. La méthode de fouille stratigraphique adoptée sur les sites repose sur le principe de la superposition, en couches ordonnées plus ou moins régulières, des vestiges enfouis laissés par des civilisations qui se sont succédé dans le temps. Chaque strate est donc un moment d’histoire. C’est comme un livre qu’on lit et après lecture on détruit. Le dégagement de ces structures (habitat, tombe, cour, allée…) nécessite donc l’observation et l’enregistrement méthodique de tous les vestiges qui y sont associés. En plus, doivent être notées toutes les données susceptibles d’apporter des éclaircissements sur l’organisation de l’espace habité. Dans des recherches antérieures, les archéologues ont appliqué différentes méthodes de fouilles suivant les contextes de conservation, les objectifs de recherche préalablement définis et les conditions matérielles ou logistiques durant les travaux sur le terrain. De ce fait, les pavements et terres damées ont été souvent négligés durant les fouilles. Dans quelques cas, ils n’ont même pas été pris en compte, parce qu’ils ne faisaient pas partie de la problématique générale de recherche. 39
3.6. Problèmes de chronologie La notion fondamentale pour l’historien introduite dans les recherches archéologiques est la chronologie relative et absolue. Lorsque l’archéologue donne le dernier coup de pioche, son travail n’est pas terminé. On dirait même qu’il commence. Après avoir traité le matériel exhumé, il faut le dater. C’est en ce moment qu’intervient l’archéométrie. Il est fait mention plus haut du peu d’intérêt que les archéologues ont, à un moment donné, porté à l’étude des pavements et terres damées. Il en résulte que très peu de ces vestiges sont datés par le radiocarbone ou par la thermoluminescence. Dans un premier temps et dans la majorité des cas, les datations disponibles concernent les sites, et elles ont permis d’établir des séquences chronologiques propres à chacun. À partir de celles-ci, on peut alors tenter une comparaison entre les sites et par conséquent dater la période des pavements et terres damées. En deuxième lieu, les datations des pavements découverts en stratigraphie posent le problème de la chronologie absolue. La fouille permet assez souvent d’établir une chronologie relative. Comment peut-on dater le pavement et le niveau dans lequel il est enfoui ? Les pavements peuvent-ils être datés de la même période que les tessons utilisés pour les construire ? Les poteries qui ont servi à réaliser les pavements sont, bien entendu, fabriquées avant leur exécution ; la datation des objets qui y sont associés peut-elle correspondre à celle des pavements ? En effet, dans certains cas précis, les catégories de vestiges sont antérieures ou contemporaines à ces structures, voire postérieures. Or, dans l’ordre des éléments datables, la poterie ne constitue pas un élément suffisant pour construire la chronologie d’un pavement (ou d’un contexte auquel il est associé). Car, un pavement peut-être confectionné bien après la période de fabrication d’un vase. La poterie peut aussi être plus ancienne que le site sur lequel on l’a découverte ou peut-être même importée d’un autre site. À notre connaissance, seuls les pavements (tessons, supports) de Notsé ont été soumis aux analyses de datation par la thermoluminescence et par le radiocarbone. Les éléments datables (charbon de bois et autres matières organiques) ont été prélevés entre, sous et sur les pavements sur les autres sites tels qu’Ifè. Ils ne datent pas forcément et directement les pavements eux-mêmes. Dans le cas des pavements de surface, on est en droit de s’interroger, dans un premier temps, sur la fiabilité des datations 40
physico-chimiques de ces vestiges exposés aux intempéries, donc pollués. À notre avis, ce type de datation n’est pas fiable, car, les vestiges qui ne possèdent pas de contexte d’enfouissement sont donc sans stratigraphie précise. Un autre problème de datation se pose : comment peut-on dater le sol ou le dépôt archéologique antérieur à la pose des pavements, étant donné que la plupart des fouilles se sont arrêtées aux niveaux où apparaissent les pavements ? Or, une fouille doit nécessairement atteindre le sol vierge pour fournir le maximum d’informations possibles sur les vestiges exhumés. Elles sont souvent arrêtées pour des raisons logistiques ou de stratégies de terrain. Les fouilles d’Ita Yemoo et de Lafogido, à Ifé et de Dakpodzi, à Notsé, sont des cas représentatifs de cette situation. Des analyses physico-chimiques des pavements ont apporté des informations complémentaires à l’incertitude des datations absolues et relatives. Elles nous ont permis d’établir des périodes d’utilisation intense de pavements, et les périodes de cuisson des poteries dans certaines localités. Ces analyses seront affinées par les recherches ultérieures pour apprécier leur fiabilité. 3.7. Difficultés de l’étude des pavements Le travail que nous présentons ici s’est heurté à quelques difficultés d’ordre financier, logistique et sociologique, inhérentes à toute recherche scientifique. 3.7.1. Difficultés d’ordre logistique La collecte d’informations sur les pavements, les terres damées et les sites qui les ont produits a nécessité le déplacement dans certains pays concernés. Ce déplacement a permis d’observer lesdits sites, de faire des prospections, des sondages ou des fouilles, d’établir des relevés cartographiques et d’effectuer des enquêtes historiques et ethnologiques. Celles-ci sont complémentaires à celles effectuées auparavant par d’autres chercheurs. Nous avons préféré circonscrire notre domaine de recherche, et nous limiter aux données disponibles à ce jour, quitte à étendre nos études lors de recherches ultérieures. Malgré des contraintes matérielles, nous avons pu effectuer quelques campagnes de recherches sur le plateau d’Aplahoué, à Anyamé, à Togudo-Awutè au Bénin, à Ifè et Ibadan au Nigeria, à Notsé, Tado, 41
Blitta, Bassar, Bandjéli, Pya, Tcharè, Wyamdè, Bohou, Farendé Niamtougou, et Dapaong au Togo. 3.7.2. Raison d’ordre financier Nos modestes moyens financiers nous ont donc permis de couvrir les recherches au Togo, au Bénin et au Nigeria. Intégrée dans une structure de recherche, nous avons pu bénéficier des moyens matériels et financiers de l’Université de Lomé et de l’Institut de Recherche en Développement (IRD) (ex-ORSTOM-Lomé) pour collecter et compléter des informations et pour effectuer des prospections, des fouilles, des enquêtes historiques et ethnologiques sur certains sites dans la zone d’étude. Mais l’absence de moyens adéquats ou de crédits de recherche proprement dits pour la réalisation de ce travail a constitué un sérieux handicap à la progression envisagée. Ces moyens financiers nous aurait permis de nous rendre sur un grand nombre de sites et de faire face aux dépenses annexes qu’occasionnent les enquêtes. Dans plusieurs localités, les informateurs se contentaient d’une rétribution en vivres et médicaments. Nous n’avons pas eu de difficultés à mériter alors leur confiance. Cependant, la tâche a été rude dans d’autres secteurs où les informateurs cherchaient à monnayer leurs informations. Point n’est besoin de démontrer que des chercheurs plus nantis que nous ont habitué les gens à percevoir une rétribution en espèces, en échange du service rendu. Ce problème de terrain auxquels nous avons été confrontée à Notsè, Tado, Bassar, et Dapaong a entravé le déroulement normal de nos recherches. Il devient urgent que les chercheurs, notamment les chercheurs étrangers au milieu, d’ « accordent leur violon » avec les autochtones, afin d’éviter cette dichotomie qui crée des tensions inutiles entre les populations et les chercheurs. 3.7.3. Difficultés d’ordre sociologique En plus des difficultés financières, les problèmes d’ordre sociologique sont à la mesure de ceux que nous avons rencontrés sur le terrain. La méfiance à l’égard d’une personne étrangère à un groupe ethnique, comme ce fut notre cas, a sans doute été l’un des soucis majeurs. De surcroît, on a du mal à se faire accepter, lorsqu’il s’agit
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d’une femme. Heureusement, le contraire se produit dans d’autres localités où nous sommes accueillie normalement. Dans les régions qui nous paraissent fermées parce que ne parlant pas le dialecte, nous avons utilisé les services d’enquêteurs, de guides, d’amis, d’étudiants et chercheurs, filles ou fils du terroir. Certains régents et chefs de quartiers ont montré une hostilité à tout travail de prospection et de fouille dans les secteurs qu’ils contrôlent. Dans certaines localités, nous avons été chassée à coups de machettes, de bâton et de hache, et nos instruments de mesure déplacés ou emportés par des groupes de gens furieux de nous voir sur le terrain. Combien de fois n’avons-nous pas porté plainte auprès du chef de canton de la ville ? Combien de fois un chef de quartier et ses sujets ne nous ont-ils pas convoquée auprès du chef de canton pour violation de leur domaine ? Ils supposaient que nous faisons des travaux de lotissement, donc lucratifs. Souvent, la situation dégénère au point qu’on est contraint de recourir au responsable local de l’administration. Quelques-uns de nos protagonistes étaient sanctionnés, mais, cela a créé un climat de méfiance entre le chercheur et les populations dont on étudie l’histoire. De plus, la découverte des couches d’inhumation à Notsé, dans le secteur Azakpodzi, éloigné de 5 km environ du centre-ville, abandonné depuis certainement l’exode des Ewés, a suscité de grandes agitations de la part des chefs de quartier qui insistent sur leur rôle de garants de la tradition. Mais, le chef de canton Agokoli III, qui soutenait nos recherches sur le terrain, était resté confus mais, nous soutenait1. Le véritable problème pour eux, était de voir une femme soi-disant « chercheure » s’emparer des ossements éwés, ce qui leur est inconcevable. La même crainte a été observée auprès du médecin-chirurgien de Lomé, à qui nous avions demandé d’identifier et d’étudier les squelettes. Il nous a répondu discrètement en ces termes : « Etant un non-éwé, je ne peux pas ou il m’est difficile de toucher aux vieux
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Le chef de canton Agokoli III est décédé malheureusement en septembre 1986, juste deux semaines avant la soutenance de notre première thèse de 3è cycle. Mais, la visite culturelle effectuée par l’Ambassadeur de France de l’époque Mr Chatelet et Madame en 1984 à Notsé, notamment sur le secteur d’inhumations, a encouragé le chef de quartier de Tégbé à nous proposer les fouilles dans son quartier auparavant interdites.
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squelettes des Ewés »1. Néanmoins, nous avons consolidé et ré-enterré les ossements après la fouille. Malheureusement, les pilleurs sont passés derrière nous pour déterrer quelques squelettes. L’année suivante, en 1985, il a été possible de les prélever et de les déplacer à l’école de Médecine à Lomé. Ils sont gardés dans une chambre froide au service de l’Anatomie et servent à faire des exercices pratiques aux étudiants en Science de la santé2. Ceci soulève les cruciaux problèmes de la nécessaire conservation de l’objet archéologique une fois la fouille terminée. Nous examinons plus loin cette situation. Nous avons alors cherché par tous les moyens à éviter des malentendus et à établir un climat cordial entre nous et les informateurs. Il arrive aussi que les chefs de quartier et leurs notables se posent des questions sur le bien-fondé de nos objectifs de recherches et nous soupçonnent d’avoir des intérêts lucratifs inavoués, ou même politiques. Que de fois n’avons-nous pas cherché à protéger les sites avec lesquels ils cohabitent, des pillages de gens malintentionnés et de touristes à la recherche de souvenirs exotiques, moyennant quelques dons ? Malheureusement, nous n’avons pas toujours été comprise dans tous les cas de notre démarche. Notre discours sur la sauvegarde et conservation du patrimoine culturel pour les générations présentes et futures cache sûrement, selon les populations, des intérêts personnels. Dans d’autres régions, des réponses évasives ou erronées sont apportées à nos questions. Dans le climat de méfiance générale, il est difficile de voir les gens disposés à informer sur le passé de leur localité. Ils ont souvent peur que leurs propos soient déformés à des fins politiques, d’être trahis par leur interlocuteur, et de se voir menacés par la suite. Les chefs de quartier, eux, proclament qu’ils sont les garants de la pérennité des traditions, et qu’il leur appartient de protéger leurs sujets, les villages, les sites et les villes. C’est dans cette atmosphère de silence et d’incompréhension que nous avons mené nos recherches sur le terrain. Ceci étant, les archéologues ont la charge d’expliquer aux populations dont ils étudient l’histoire, l’importance 1
Étant chirurgien, c’est un raisonnement qui nous paraît absurde. Les squelettes exhumés sont déposés au département de Biologie et d’Anatomie de l’actuelle Université de Lomé (ex-Université du Bénin). 2 Nous sommes allés prélever les squelettes avec le Professeur Plessis MédecinMilitaire à l’hôpital Sylvanus Olympio (ex hôpital de Tokoin) Le médecin anesthésiste de l’hôpital le Professeur Ahouangbévi se propose de l’utiliser comme support pédagogique pour les étudiants en Médecine.
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et l’intérêt des recherches engagées, dans le but de les y faire participer pour qu’ils en tirent profit et connaître l’histoire du passée de leurs ancêtres. Ce malentendu entre les archéologues travaillant sur des sites ruraux et urbains et les populations a toujours compliqué le début des travaux (Shaw 1970 : 47-48). Une couche de populations qui ne perçoit pas l’importance de l’archéologie dans la reconstitution de l’histoire africaine, demeure la majorité des intellectuels, toutes disciplines confondues : − d’abord, ceux qui n’accordent aucun intérêt aux recherches archéologiques dans leur pays respectif ; − ensuite, ceux qui se croient plus avisés considèrent que certaines problématiques de recherche, dont l’étude des pavements et terres damées, n’apportent aucune information fiable et crédible à la reconstitution historique ; − enfin, il existe une troisième catégorie de chercheurs spécialistes, convaincus de l’importance des informations que tout vestige archéologique fournit à la connaissance du passé de ceux qui nous ont précédés. Ceux-là, ainsi qu’un grand nombre de personnes, nous ont apporté leur soutien matériel et moral, chaque fois que cela est apparu nécessaire. 4. Méthodologie et collecte des données L’originalité du thème de recherche retenu a suscité en nous, dès le début, un grand enthousiasme, lorsque nous avons commencé cette enquête. Nous savions que les recherches engagées exigeraient une grande disponibilité, un travail soutenu sur le terrain, y compris au-delà des frontières actuelles du Togo. Nous savions qu’elles demandent également de l’endurance et de l’opiniâtreté. En dépit des difficultés relatives à nos engagements professionnels, nous avons pu mener des investigations archéologiques et des enquêtes historiques dans des régions qui constituent notre zone d’étude. La documentation de base sur les revêtements de sol en Afrique était entièrement à constituer, comme dans tout travail de recherche, surtout archéologique. Les données sur lesquelles nous avons travaillé ont été recueillies à partir des sources orales, des sources archéologiques : (prospections, sondages, fouilles), des rares documents écrits disponibles, des documents iconographiques, complétés par l’ethnoarchéologie et des analyses en laboratoire. Nous
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avons aussi pris contact avec les archéologues, historiens et autres chercheurs concernés ou intéressés par notre recherche. 4.1. Sources et traditions orales La contribution des sources orales, dont l’importance est reconnue par les chercheurs travaillant dans le domaine des sciences humaines, est déterminante dans l’élaboration de ce travail. Leur rôle est incontestable dans la reconstitution du passé et dans les recherches historiques en Afrique au Sud du Sahara ou dans d’autres sociétés où l’oralité est la principale source de communication. 4.1.1. Sources, traditions orales et archéologie Devant la rareté ou même l’inexistence des documents écrits, les sources orales constituent un complément indispensable pour reconstituer l’histoire de ces populations. Plusieurs auteurs ont souligné leur importance dans des ouvrages de méthodologie (Vansina 1980 ; Person 1962). Elles sont donc régulièrement utilisées dans les recherches archéologiques en Afrique, et plus particulièrement dans l’espace géographique qui nous concerne. Dans le cas précis de la recherche sur les revêtements du sol, elles nous ont permis d’identifier certains sites jusque-là mal connus (voire inconnus) et de recueillir quelques informations sur les vestiges découverts. En ce qui concerne les cultures matérielles proprement dites, les enquêtes orales sont peu ou presque pas orientées vers ce qui reste des anciennes technologies (poterie, métallurgie du fer, vannerie, tissage …). Ces sources, qui rappellent ce que les sociétés ont pu retenir de leur passé, sont un instrument privilégié dans la reconstitution des faits historiques des régions étudiées. Nombreux sont les chercheurs qui ont fait usage de la tradition orale appliquée à l’enquête archéologique (Adandé 1984, Aguigah 1986, Essomba 1990, Gayibor 1975, Pazzi 1979). Cependant, il faut souligner l’expérience de Claude-Hélène Perrot qui a fait de la tradition orale un outil de prospection et de repérage des sites de quelques anciens lieux d’habitation indiqués par les informateurs chez les Anyi-N’denye en Côte d’Ivoire. Elle a pu ainsi identifier plusieurs anciens sites, actuellement habités ou abandonnés. Ces récits oraux ont donc constitué un fil conducteur pour retracer l’histoire de la migration anyi depuis son origine (Perrot 1981, Diabaté 1984). En tout état de cause, 46
les observations sur le terrain ont corroboré en plusieurs points les récits oraux. La présence des fossés entourant les villages, dans lesquels les populations se retranchaient la nuit, et de vestiges (poteries, tessons de poterie, objets métalliques, perles …) découverts çà et là, sont les témoins de cette occupation ancienne. Nous avons donc repéré et identifié non seulement des sites à pavements et terres damées, mais aussi, des sites de métallurgie, des enceintes, voire d’« anciens quartiers » jusque-là inconnus et inexistants dans la cartographie nationale. C’est le cas, à Notsé, des quartiers anciens Wotségbémé et Azakpodji abandonnés et redécouverts au cours de la prospection (Aguigah 1986). Rares sont les récits oraux qui rapportent l’origine de la tradition de paver les espaces bâtis ou non bâtis dans l’aménagement urbain à une époque donnée. Ekpo Eyo (1985 : 23) un archéologue nigérian donne une version relative à la technique de pavements à Ifé. Il s’agit d’une décision prise un jour par la souveraine régnante à l’époque. La reine Luwo (ou Oluwo) aurait, selon la tradition, ordonné aux populations de paver à l’aide de tessons de poterie tous les hauts lieux publics et religieux de la cité. «…Une femme Oni appelée Oluwo, sortant avec tous ses joyaux pour se promener par un jour pluvieux, fut aspergée de boue. Cela la rendit tellement furieuse qu’elle donna l’ordre de paver de tessons tous les hauts lieux publics et religieux ».
L’auteur ajoute ce qui suit : « On trouve effectivement des pavés à travers tout Ifé. On en a mis au jour en plusieurs endroits, notamment à Ita Yemoo, Lafogido, dans le pays Obalara et à Woye Asiri ». En effet, la ville d’Ifé semble avoir été presque entièrement pavée, et dans plusieurs anciens quartiers, souvent encore habités, des lambeaux de pavements témoignent de cette tradition. Luwo a fait preuve par ailleurs, durant son règne, d’une discipline stricte, d’une exigence à la mesure de son pouvoir. Elle mit ardemment son peuple au travail, en punissant les paresseux à titre d’exemple. Pendant cette période, Ifé se développa considérablement et un plan d’architecture et d’urbanisation fut adopté. Les palais royaux, les rues, les places publiques, l’intérieur et les alentours des sanctuaires et des bâtiments importants étaient remarquablement pavés à l’aide de petits morceaux de poterie et étaient toujours bien entretenus (Fabonmi 1969 : 23). En 47
dehors de cette légende que corrobore la présence des revêtements de sol ou mosaïques comme ceux de Yemoo, Lafogido, dans les domaines d’Obalara et de Woye Asiri, on trouve à Gbon, à Oya et dans les bosquets sacrés des divinités yoruba les mêmes revêtements de sol. Les récits de Fabonmi (1969 : 23) s’ils donnent des informations appréciables sur l’origine légendaire du mode de pavage des sols dans la société yoruba, n’apportent par contre aucune indication sur sa chronologie. Les traditions d’Ifé l’attribuent en effet, à l’Oni Luwo Gbagida, une femme qui occupe, selon les versions, le 16è ou 19è rang dans la liste des successeurs d’Oduduwa, l’ancêtre fondateur d’Ifè. Les estimations des historiens situent le règne de ce dernier entre le VIIIe et le IXe siècle (Ikimé, in Gayibor 1985 : 192). Les données archéologiques font donc débuter l’art de paver les sols à partir du XIè siècle. Nous sommes là au cœur d’un des plus sérieux problèmes, le manque de chronologie que présente l’utilisation des sources orales en tant que document historique, bien qu’elles se révèlent indispensables à la reconstitution du passé de l’Afrique. En effet, il y a quelques années, ce patrimoine documentaire a été critiqué par quelques historiens classiques, qui ne croyaient pas à leur fiabilité pour reconstituer l’histoire de l’Afrique. (Warnier 1983 : 614 in Essomba 1990 : 43) en a apportent quelques précisions : « Le sociologue et l’historien qui travaillent sur la tradition orale se trouvent en porte à faux par rapport à l’historien travaillant sur les documents écrits. Ce dernier peut faire référence à des sources durables que chacun peut aller consulter et réinterpréter à sa guise en fonction des techniques modernes de critique de sources. En revanche, même si le sociologue ou l’historien travaillant sur les sources orales cite les noms de ces informateurs, il est quasi important pour le lecteur, même spécialiste, de les interroger de nouveau, d’autant plus, hélas, que la plupart d’entre eux sont des vieillards et que chaque année apporte son contingent de deuil »
Cette réflexion, partagée partiellement avec l’auteur, décrit la réalité de la pratique du terrain. Elle est devenue le lot quotidien de tout chercheur africaniste ou autochtone qui travaille dans le domaine des sciences humaines en Afrique. Nous avons été nous-mêmes souvent confrontée à ces réalités, lorsque, d’une mission à l’autre, un informateur meurt ou n’est plus en mesure de communiquer des informations. Les difficultés que posent les sources orales sont 48
relatives à la chronologie et à la subjectivité des récits, au caractère factuel de la traduction et à l’imprécision de la toponymie. De tout cela, découle le souci de trouver ou de choisir les informateurs fiables et susceptibles de nous entretenir sur l’histoire de la localité ou sur le thème retenu. Ainsi, il a été difficile de trouver des détenteurs spécialisés de traditions orales dans les régions concernées, contrairement à certaines régions de l’Afrique de l’Ouest où la transmission des récits historiques se fait par des détenteurs officiels de la tradition ou les griots. Cependant, dans le cas de nombreux pays, notamment au Togo, elles ont été recueillies et traduites par les missionnaires, les administrateurs allemands, français et anglais, et, récemment, par les chercheurs nationaux1. Dans les régions du Golfe du Bénin et son pourtour, plus précisément dans l’aire culturelle ajatado, les personnes âgées et les jeunes gens peuvent informer sur l’histoire de la région, sur l’histoire des migrations, chacun jusqu’à un certain degré de connaissance. Mais, il est difficile aujourd’hui de trouver des informateurs capables de nous entretenir sur des anciennes technologies ou d’anciens artisanats, parce que le savoir-faire a disparu depuis plusieurs siècles et il n’existe pas d’archives pour conserver ces procédés. Lorsque l’enquête est orientée vers des thèmes spécifiques, tels ces anciens artisanats, les réponses deviennent évasives, perdent de leur consistance. Dans l’ensemble, quatre catégories d’informateurs sont recensées sur le terrain. Dans la première catégorie, on trouve des informateurs (âgés et jeunes) qui n’ont aucune idée sur les vestiges avec lesquels ils cohabitent. Dans le deuxième cas, ce sont les informateurs d’environ 80 ou 90 ans, qui étaient jeunes (au moins, 10 à 15 ans) au moment où ils ont observé ces vestiges, souvent en compagnie de leurs parents. C’est au cours des travaux des champs qu’ils les ont trouvés, nous ont-ils signalé. On classe dans la troisième catégorie, ceux qui détiennent les informations sur l’histoire de leurs familles (parents, oncles, grands-parents…) et ne les transmettent qu’à ceux qui en seront dignes. La quatrième catégorie concerne (ils sont rares) ceux qui détiennent encore aujourd’hui des informations sur les artisanats dont les vestiges sont découverts au cours des prospections, des sondages ou des fouilles. 1
Voir la bibliographie générale à la fin de l’ouvrage.
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Il s’agit essentiellement de la poterie et de quelques informations vagues sur la métallurgie du fer. Cependant, sur les pavements et terres damées (revêtements de sol) et sur l’industrie métallurgique proprement dite, ils restent évasifs. En effet, dans la plupart des localités, les gens ne savent rien des vestiges avec lesquels ils cohabitent depuis plusieurs siècles ou décennies. Leurs réponses se résument dans ces propos : « Nous avions trouvé ces vestiges ici à notre arrivée. Ce sont nos ancêtres qui en sont les auteurs, et nous les avions vus depuis notre enfance » 1 . Ces réponses sont en général identiques partout où nous interrogeons sur les vestiges anciens. 4.1.2. Enquête orale Pour tirer le maximum de profit des sources orales, une enquête en deux étapes s’est avérée nécessaire. La première consiste à orienter l’enquête sur les cultures matérielles, en se référant toutefois à l’histoire de la localité, à l’identification des zones anciennes d’habitation, aux sites repérés et aux objets découverts au cours des travaux agricoles. La deuxième étape consiste à interroger le matériel archéologique exhumé, en le présentant aux informateurs pour avoir une première approche de son interprétation. Les enquêtes sont toujours précédées d’une cérémonie de libation2 et d’évocation des ancêtres, afin de solliciter leur autorisation et de demander leur assistance durant la séance, car, il n’est pas permis de parler d’eux sans leur permission. Elles ont donc eu lieu dans les villes, les villages, les hameaux, les fermes, dans les cases, et à l’air libre. Deux types de séances de travail ont été organisés. Conformément aux vœux des informateurs, elles sont individuelles dans certains cas, collectifs ou publics dans d’autres circonstances. Ces dernières ont l’avantage de rassembler trois ou plusieurs personnes autour du plus vieux ou du chef du village comme à Tado, Notsé et ses agglomérations, Tcharè, Wyamdè, Kouméa, Pya, Bassar, Nano et Naki-Est. L’inconvénient de cette méthode est que certains informateurs, cherchant à se valoriser, donnent des réponses tronquées, parfois n’osent pas révéler les récits en présence des 1
Enquêtes de terrain en 1988, 1990 1993 et 1996 à Tado puis à Notsé en 1984, 1989, 1992, 1996, 2002 et 2008. 2 La libation se fait avec de l’eau et de la boisson alcoolisée locale (sodabi ou tchoukoutou), ou importée comme le Schnapps….
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notables du village; d’où l’intérêt de procéder à des séances d’entretiens individuelles pour compléter les informations. Les traditions orales sont recueillies à l’aide d’un magnétophone. Nous avons enregistré sur plus d’une trentaine de cassettes (de 60 à 90 mn), deux cassettes vidéo et de nombreux récits ont été transcrits ou traduits par les locuteurs des dialectes, comme chez les ajatado, les Kabiyè, les Bassar, Bandjéli, les Ayizo et les Yoruba. Nous avons procédé aussi par des prises de notes lorsque cela était nécessaire, par exemple, devant la méfiance de l’informateur à l’égard du micro ou dans un climat général de suspicion. Le questionnaire type utilisé portait d’abord sur des sujets d’ordre général pour déboucher sur des questions spécifiques relatives à notre sujet. Notre méthode consistait à poser des questions sur les points obscurs qui n’ont pas été jusque-là traités et qu’il serait nécessaire d’examiner pour avancer des hypothèses que les investigations archéologiques pourraient ensuite confirmer ou infirmer. Souvent, les informateurs se proposent de nous accompagner sur les sites qu’ils nous ont désignés. À la suite des observations, et après repérages, nous pouvons choisir les lieux d’implantation des sondages et/ou des fouilles. Quelquefois, les plus curieux insistent à voir de très près ce que nous sortons exactement des «trous», c’est-à-dire des sondages, et cherchent à savoir comment nous pouvons reconstituer seulement leur histoire à partir de ces vestiges. Ce comportement passionné de nos informateurs se retrouve non seulement à Notsé et à Tado, mais aussi chez les populations Bè de la côte du Togo, où les vieux notables se sont déplacés pour examiner la " fosse " le lieu de fouille, afin de chronométrer le temps et d’observer attentivement tous les objets et les micros-objets que nous prélevons des fouilles (Aguigah 1992) 1 . Cette vigilance est à la fois un signe de prudence et de curiosité, car disent-ils, ils doivent tout contrôler, pour qu’aucun objet ne leur échappe. Dans l’ensemble, restés évasifs sur la technique ancienne d’exécution des pavements, les récits oraux ont été par contre d’un 1
Cette attention particulière des Bè à regarder de très près les objets exhumés relève aussi de la position particulière et du statut spécial du quartier Bè (un village englobé dans la ville de Lomé) par rapport aux autres quartiers de la capitale. Pour plus amples informations, lire les travaux de Klose 1903 et Marguerat 1983.
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intérêt fondamental pour la reconstitution, dans une large mesure, des techniques d’exécution des ouvrages modernes. On constate malheureusement que ces sources orales tendent à disparaître ou à s’actualiser, lorsque leur enregistrement ne fait pas l’objet d’un programme de recherche méthodique. Car, les bouleversements au sein des sociétés traditionnelles ont accéléré la dégradation de nouvelles structures politiques et économiques. On assiste alors, progressivement, à l’affaiblissement des mécanismes qui autrefois permettaient d’entretenir la mémoire collective. L’enregistrement systématique des sources orales, avec des objectifs préalablement définis, s’avère indispensable, afin de sauvegarder ce qui peut encore l’être, avant qu’il ne soit trop tard. En 1984, les premiers récits oraux recueillis sur les pavements ont constitué la première phase d’une longue enquête archéologique et historique. De 1987 à 1990, les recherches systématiques ont été interrompues pour des raisons d’ordre professionnel ; mais, reprises en 1991 et 1994. Cette situation rend peu propice les contacts avec les informateurs, qui se méfient de toute personne étrangère à leur communauté. Dans ce climat de méfiance générale, seule la témérité peut motiver des recherches de terrain. Néanmoins, nous nous sommes rendue dans certaines localités, comme Tcharè, Pya, Lassa-haut, Lassa-bas, Soumdina, au Nord du Togo, et sur nos terrains habituels de recherche à Notsé et Tado, dans le but de mener les enquêtes complémentaires indispensables. Par ailleurs, nous avons heureusement pu combler certaines lacunes grâce aux travaux de nos collègues, et aussi par la documentation existante. 4.2. Collecte du matériel d’étude Nous avons présenté des pavements et des terres damées dans un espace difficile à maîtriser à cause de son étendue géographique et de sa profondeur chronologique. L’espace le plus étudié constitue pour nous le territoire actuel du Togo, notamment les sites de Notsé et de Tado qui correspondent en partie à l’aire culturelle ajatado. Nous élargissons notre réflexion aux pavements du Nigeria, assez représentatifs du site par la diversité des modèles et aussi pour des raisons d’affinités culturelles entre le Yorouba et les Ajatado. Les exemples de la moyenne vallée du Niger (lac Kainji) pour leur
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originalité : leur ancienneté et la complexité de leurs compositions compléteront l’étude comparative. Les vestiges et les informations ont été observés et collectés sur les sites à pavements que nous avons visités personnellement au Togo, au Bénin et au Nigeria. Les terres damées sont très peu représentées dans notre corpus à cause de leur rareté, voire absence dans les fouilles. Sur certains sites, nous avons prélevé des échantillons indispensables aux analyses en laboratoire tels que des tessons, des lambeaux de pavement, des morceaux de support, des sédiments et des matériaux organiques. Des dosimètres placés dans sept sondages et fouilles à Notsé et à Tado ont été retirés deux ans après, pour compléter et préciser les mesures de datation par la méthode de thermoluminescence. Les éléments datables prélevés pour les analyses par le carbone 14 (fragments de céramique, tuyères, support de pavement carboné, fourneaux et matières organiques (charbon de bois, coques de noix de palme carbonisées), ainsi que des sédiments ont été soumis aux laboratoires. Les informations sur les autres sites n’ont pu être rassemblées qu’à travers la rare documentation écrite. 4.2.1. Données de l’archéologie Plusieurs sites à pavements et de rares sites à terres damées jalonnent les villes et les villages du golfe du Bénin et les régions qui s’étendent aux abords du lac Kainji et du lac Tchad, des vallées de la Benoué et du Mayo Kébi. En tout état de cause, l’enquête archéologique n’a pas été faite sans difficultés, car, elle a fait apparaître ses limites, dès les premières campagnes, à cause de l’étendue très vaste de la zone d’étude. La méthode de recherche adoptée sur le terrain consiste à synchroniser l’enquête archéologique et la collecte des sources orales, méthode adoptée dès notre première campagne de fouilles à Notsé (1986). Les investigations ont tenu compte de la nature et de la localisation géographique des sites, et aussi et surtout des moyens disponibles. La zone de recherche étant donc très vaste, tant pour la collecte des informations que pour les prospections, sondages et/ou fouilles, nous avons dû opérer un choix. Les localités prospectées sont les suivantes : Bandjéli, Blitta, celles qui ont bénéficié des sondages ou des fouilles sont : Tado, Notsé et Dapaong. Cette limitation dans 53
l’espace l’est moins dans le temps, car, l’un des objectifs de l’étude des pavements est de remonter aux origines des techniques et de retrouver leurs fonctions dans l’aménagement de l’espace habité (Carte 4). Sur d’autres sites, comme à Tcharé et Wyamdè, nous avons observé les techniques actuelles de pose des pavements. 4.2.2. Méthodes de collecte Les critères topographiques et morphologiques et la répartition des vestiges au sol ou les récits des informateurs ont été des indices indiscutables pour identifier les sites. La prospection au sol a paru le plus sûr moyen de repérer les structures, souvent recouvertes de sédiments. Nous avons aussi parcouru les villages et les brousses, pour reconnaître et découvrir le phénomène des pavements et des terres damées. Pour cela, nous avons utilisé des cartes topographiques au 1:200.000è et de photographies aériennes au 1: 30.000è des sites du Togo, réalisées par Institut géographie national (IGN). Toutes les structures archéologiques repérées au cours de la prospection sont reportées sur les cartes, en vue d’établir une cartographie ancienne. Il existe par conséquent, des cartes de sites prospectés par nousmêmes, complétées par celles d’autres chercheurs. L’exubérance de la végétation, même en période de saison sèche, a entravé le repérage d’un nombre plus important de sites. À cela, s’est ajoutée l’impraticabilité des routes, surtout en saison pluvieuse. Nous avons opté pour les deux catégories de fouille : la fouille verticale qui permet d’observer la nature et la profondeur des sédiments ou du dépôt archéologique et la fouille horizontale, qui donne la vision spatiale des vestiges et des structures associées.
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4.2.3. Absence de structures de recherches Les investigations archéologiques sur tous ces sites exigeraient encore une dizaine d’années, une équipe pluridisciplinaire de chercheurs et des moyens financiers adéquats. Actuellement, il est difficile d’envisager une telle démarche. Nous avons souffert de l’absence d’une structure de recherche équipée et dotée de capacités suffisantes pour accompagner les recherches. Cette absence de structure est liée au très petit nombre d’archéologues togolais. Le Programme archéologique togolais (PAT) mis en place en 1998 ne dispose pas de possibilités nécessaires pour permettre le démarrage d’un aussi vaste projet. Nos recherches ont également souffert du manque de laboratoire sur place, notamment, dans un premier temps, pour restaurer certains vestiges exhumés en fouille. Finalement, nous avons fait appel au laboratoire de géologie de l’Université de Lomé au Togo. 4.2.4. Pratique du terrain Dans le cadre de leur formation, les étudiants des 3è et 4è années d’histoire et d’archéologie participent à des chantiers-écoles, de travaux pratiques en archéologie et en histoire précoloniale. Ces chantiers-écoles constituent un lieu privilégié pour l’enseignement de la méthode archéologique et historique sur le terrain, complément indispensable aux cours théoriques dispensés à l’Université. Cette «main-d’œuvre intellectuelle» est d’un grand apport à la recherche et permet aux étudiants d’avoir une première approche du terrain. Par ailleurs, les périodes de décembre-avril et juillet-septembre sont les seuls moments possibles dans l’année pour effectuer des travaux de terrain. Au-delà, c’est la saison pluvieuse dans des régions où les pluies sont très violentes et abondantes. Nous avons effectué des travaux de terrain, complétées par des voyages d’études, à la suite desquels nous avons accumulé une masse importante d’informations archéologiques. Plusieurs missions et visites ont été effectuées à Notsé Tado, Blitta, Bassar, Bandjéli, pays Kabiyè, pays moba, une visite à Togudo-Awutè, une aussi à Ifé et à Ibandan. Les travaux réalisés dans les autres pays ont apporté d’irremplaçables informations, largement utilisées dans le présent travail.
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Dans l’ensemble, nous avons bénéficié sur le terrain de l’aide de nos étudiants, des collègues de l’Institut de Recherche en Développement (IRD) (ex-ORSTOM 1 -Lomé), et des Universités du Togo, du Bénin, d’Ifé, et d’Ibadan au Nigeria. 5. Sources écrites Pour rassembler le maximum d’informations, nous nous sommes intéressée aux périodes précoloniale, coloniale et postcoloniale. Mais comme on peut s’y attendre, il existe peu de documents écrits sur notre sujet, bien qu’on dispose d’une documentation écrite importante sur le Golfe du Bénin et son arrièrepays. Durant le XVIIè siècle, la région fut visitée par les Européens des compagnies commerciales ; les factoreries et les négriers rivalisaient tristement dans le commerce des esclaves sur la côte et ils étaient ravitaillés par l’arrière-pays. Dans le cas de la Gold Coast, les habitants de l’intérieur du pays apportent de l’or aux Portugais à Sao Jorge Da Mina (Elmina) (Ballong 1994). Quant aux autres pays, les contacts avec l’arrière-pays se faisaient par rapport aux intérêts commerciaux qu’ils présentaient. Ainsi, dans le cas de l’actuel Togo, le royaume de Tado était décrit par un espagnol Alonso de Sandoval (1627) comme « un royaume puissant s’étendant sur un territoire immense à l’intérieur, avec une zone côtière de cinquante lieues de longueur où se trouvait un port sûr gouverné par un Noir appelé Eminence ». Quant à l’actuelle côte du Bénin et son arrière-pays, les documents existants sont constitués de lettres de missionnaires qui relatent l’histoire du royaume d’Allada en 1659 et celle de l’ancienne côte de l’Or, les récits des voyages à l’intérieur de l’Afrique (Clapperton et Mattei 1898 ; Adandé 1984). Ils mentionnent également des compagnies commerciales françaises et anglaises. Ces récits et correspondances nous sont parvenus par les traductions d’ouvrages, les publications de certains voyageurs (Pazzi 1979 ; Gayibor 1985 et 1992).
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Institut de Recherche pour le Développement (IRD), Office de la Recherche Scientifique et Technique d’Outre-Mer (ex-ORSTOM)
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La période du XVIIIè siècle a été abondante en documents, la plupart des archives danoises, anglaises, portugaises et brésiliennes ont été souvent publiées ou utilisées dans la rédaction d’autres ouvrages. C’est l’époque de la tentative d’évangélisation de certaines populations de la côte, qui échoua à cause de la rivalité entre les différentes compagnies. Les récits de ces voyages sont mentionnés dans des ouvrages de Labat et Smith (1779). Norris (1789) évoque pour la première fois le nom des Aja en mettant l’accent sur leur parler au-delà du territoire, jusqu’au Danhomé ou Danxomé. Il en apporte ce témoignage : « Ajira (Aja) était autrefois une grande ville assez peuplée et demeure aujourd’hui encore un centre important » (Pazzi 1979 : 71-72). Pendant la période coloniale, les documents écrits sont plus abondants. Les missionnaires ont poussé l’évangélisation et commencé à pénétrer l’intérieur des pays. Il faut attendre cette période, pour voir apparaître quelques informations sur Tado et Notsé (Kossi E.K., 1990), alors que la documentation existait déjà sur les royaumes de Bénin-City, Dahomey, ou d’Allada (Arida ou Arda, pour les Portugais, et Ardres ou Grand Ardres, pour les Français). En 1817, Bowdich (1817 : 236) écrivait « Tadou (Tado) est regardé comme le plus grand royaume de Kerrapay ». Quant à l’ensemble des régions du Golfe du Bénin, plusieurs ouvrages ont déjà fait le point des connaissances (Iroko 1988)1; Norris 1788 ; Dalzel 1790) et Bodwich 1817) ont également apporté des témoignages historiques sur le royaume d’Eyeo ou Yarba, ou encore Yoriba (Yorouba). En Afrique noire, à notre connaissance, aucun ouvrage de teneur scientifique n’a pris en compte d’une façon systématique l’étude des pavements et terres damées en tant que document archéologique, contrairement aux mosaïques de pavement de l’Europe et de l’Afrique du Nord. Celles-ci disposent d’une documentation de base importante et intéressante, alors qu’elle est à constituer pour les pavements et terres damées africains. Cette rareté, voire absence d’informations relatives aux pavements provenant de quelques sites de l’Afrique au sud du Sahara, n’est pas due au hasard.
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Dans son article, le Professeur Iroko (1988) fait le point sur la bibliographie relative à l’histoire de l’espace qui correspond aujourd’hui au Golfe du Bénin.
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Les archéologues ont souvent omis d’inclure la présence de ces vestiges trouvés çà et là dans la problématique de leur recherche sur le terrain, et se sont surtout intéressés aux vestiges dits importants et classiques (outils en pierre, poterie, os, fer,…). Dans certains cas, les pavements et les terres damées ont été traités de façon subsidiaire par rapport aux informations relatives au passé ou à la vie quotidienne des populations étudiées. Ce qui peut expliquer le manque d’attention accordée à ces vestiges dans la littérature archéologique. Dans d’autres cas, les travaux ne sont pas publiés et privent ainsi le public scientifique d’une documentation importante et indispensable à la compréhension de l’histoire de l’Afrique. La difficulté à localiser l’information constitue un sérieux handicap à la reconstruction d’une histoire objective, qui devrait en principe prendre en compte toutes les données relatives aux sites étudiés. D’un autre côté, très peu d’informations sont données sur les affleurements de surface dans les sites aujourd’hui localisés. Les rares articles disponibles sont présentés dans le tableau 1 Tableau 1 : Documentation écrite disponible sur les pavements et les terres damées. Sites Auteurs Années Willett… 1967, 1971 Ifé, Old Oyo Eyo… 1974 Ifé Garlake… 1974, 1977 Ifé Myers… 1975, 1982 Ifé 1968, 1975 Benin-City Daïma Connah… Priddy… 1970 Kagoge 1970, Régions du lac Hartle, Breterwitz, Nzewunwa 1968, 1989 Kainji David … 1967, 1981 Bé, Nassarao Anquandah … 1982 Le pays shai Adandé, … 1984 Togudo-Awutè Aguigah, Gayibor, Pazzi… 1986 Notsé et Tado Parmi les documents ci-dessus cités, l’article de Nwanna Nzewunwa : « Prehistoric pavements in West Africa » (1989 : 93116), nous a apporté d’utiles et importantes informations sur le sujet, et il nous a surtout montré l’intérêt que les archéologues commencent 59
à porter à l’étude de ces vestiges, les revêtements de sol. C’est le seul document de synthèse disponible sur les pavements anciens en Afrique noire à notre connaissance. Les articles de Peter Garlake sur les pavements d’Ifé (1974, 1977) ont largement contribué à l’élaboration et à la compréhension du sujet. Les informations éparses, recueillies çà et là au cours des lectures ont été d’un apport considérable. 6. Documents iconographiques Le sort réservé aux pavements et terres damées étant la destruction, nous avons essayé de constituer un dossier photographique aussi complet que possible de tous les pavements et terres damées connus dans la zone d’étude. L’établissement de cette documentation est le fruit de recherches minutieuses effectuées sur le terrain par nous-mêmes et par d’autres chercheurs. Les documents iconographiques constitués de photos, de dessins, de planches, de figures et tout récemment de vidéo ont servi de support à ce travail. F. Willett nous a fourni à titre gracieux une cinquantaine de photos (noir et blanc) provenant des pavements d’Ifé, et un dessin à main levée du pavement d’Ikiti. Les photos des pavements de Togudo-Awutè proviennent de la mission AdandéAguigah en 1991 ; Ch. Gauthier et J.C. Barbier nous ont procuré les photos de Blitta ; celles de Paratao viennent des Archives de la France d’Outre-Mer ; elles ont été signalées par B. Klein; celle de Sokodé par Y. Marguerat ; J.-B. Kiéthéga nous a fourni celles de Godin (Burkina Faso) ; N. David, celle de Nassarao et M. Delneuf, celles de Garoua I. Les photos et dessins des sites de Notsé, Tado, Bassar, pays kabiyè, Dapaong sont des résultats de nos propres recherches sur les différents terrains. Dans le but de mieux appréhender les techniques d’exécution des pavements, nous avons procédé à l’enregistrement vidéo des différentes phases de pose de tessons de poterie à Tcharé et Wyamdè. Cette méthode a permis de saisir étape par étape les différents gestes des artisans et la gestion du temps de travail. 7. Données ethnoarchéologiques La plus grande partie de notre passé reste dans le sol, et seule l’archéologie est susceptible de le mettre au jour. Ainsi, celle-ci doit 60
être à la fois une ethnologie et une histoire. Deux types de pavements sont observés : anciens et modernes. L’enquête ethnoarchéologique a été réalisée dans le but de noter les points de comparaison qui peuvent exister entre les deux types d’ouvrages, et pour comprendre les procédés des anciens artisans à partir des techniques actuellement mises en œuvre. Les femmes de Tcharé et Wyamdè sont les seules encore capables de reproduire la technique des pavements au Togo. Nous avons repéré des hommes qui faisaient dans le temps de beaux revêtements de sol. Mais, ils ont abandonné ce savoir-faire pour s’adonner aux travaux champêtres et de métallurgie de fer, tout en gardant encore la dextérité. L’enquête a été élargie à la céramique actuelle et subactuelle, et à d’autres artisanats anciens, tels que la poterie et la métallurgie du fer, dont les vestiges sont repérés en surface et exhumés en fouilles. Elles ont eu lieu dans les villages de Tcharé (pays kabyè), Kpégodo, Détoukpo, Adanléhoui dans le secteur de Tado, à Notsé et Tsévié au sud du Togo. L’avantage de cette méthode est d’associer les populations à nos recherches et de leur faire revivre la culture matérielle de leurs ancêtres. Mais, elle présente l’inconvénient de susciter des réponses évasives lorsque l’informateur est embarrassé et ne dispose pas de réponses précises. 8. Période de chronologique
pavements
en
Afrique
et
récapitulation
Deux types de pavements se sont développés en Afrique : matériaux lithiques et tessons de poterie posés sur chant et/ou plat : − les matériaux lithiques apparaissent aux VIème et VIIème siècles : Ulaira ; Xè-XIIè siècles : Ifé, Notsé aucune date n’est obtenue ; − les tessons de poterie sont utilisés aux VIIè-XIè siècles : Ulaira, Daïma,Yelwa, Bé ; XIIè-XVIIè siècles : Ifè, Bénin-City, Tado, Notsé, Kétu, et Togudo-Awutè ; XVIIIè-XXIè siècles à Old Warra, Nassarao, N’Guéwé, chez les Bassar, Nupe, les Shai et les Kabyè.
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Tableau 1bis : Chronologie des diverses dates des sites à pavements Régions Sites Matériaux Chronologie Abords du lac Kanji Ulaira Lithiques VIè-VIIè siècles Mono Yelwa Xè-XIIè siècles Notsé ? Abords du Lac Daïma Poterie VIIè-VIIIè Tchad Yelwa siècles Abords du lac Kanji Ulaira Sud-Ouest Nigéria Lac Kainji Bénoué Notsé Mono Lac Kainji Bénoué-Kébi
Sites isolés
Ifé, Bénin Ulaira Bé
Poterie et XIIè-XVIIè matériaux siècles lithiques
Notsé Tado Togudo-A. OldWarra Nassarao N’Guéwé Garoua Nupé Shai Kabiyê Bassar Dapaong
Poterie et XVè-XVIIIè matériaux siècles lithiques Poterie XVIIIè-XXIè siècles
9. Correspondance et contacts Après avoir cerné la documentation disponible, il nous a paru nécessaire de prendre contact avec les archéologues responsables des fouilles de sites ayant fourni des pavements et terres damées. Dans la plupart des cas, les rapports de fouille sont inédits et le contact avec ces différents chercheurs nous a surtout permis de disposer d’informations complémentaires que nous n’aurions jamais eues autrement et dont nous les remercions vivement. Ainsi, lors d’une conférence de la SAFA (Société des Archéologues Africanistes) tenue à Los Angeles (U.S.A.) en mars 1992, à laquelle nous avons assisté, les professeurs Frank K. Willet, 62
Graham Connah, Peter S. Garlake, Ekpo Eyo nous ont accordée des séances de travail sur le sujet. Ils ont tous dirigé les fouilles de sites où est mentionnée l’existence de pavements au Nigeria (Ifé, Bénin-City) et au Tchad (Daïma). Des discussions d’ordre général sur la poterie avec les Professeurs Posnansky et Philipson ont été très constructives pour notre travail. Nous avons adressé des lettres à divers chercheurs susceptibles d’avoir identifiés des revêtements de sol durant leurs missions : les Professeurs Rogier Bedaux à Leiden (Pays-Bas) et Alain Gallay à Genève (Suisse). Nous avons écrit aux responsables des départements d’Archéologie des Universités d’Ifé, de Nsukka, de Port-Harcourt, d’Ibadan au Nigeria, aussi bien aux collègues des départements d’Archéologie des Universités de Cotonou (République du Bénin) à Alexis Adandé, de Ouagadougou (Burkina Faso) à Jean-Baptiste Kiéthega, à Calgary (Canada) et à Maroua (Cameroun) à Nicolas David, Bordeaux à Jean-Gabriel Gauthier, Paris Jean-Paul à Lefeuf)1 à Zimbabwé à Peter Garlake, dans le Maryland (USA), à Ekpo Eyo plusieurs correspondances et communications ont été maintenues avec Willett à Glasgow (Ecosse) et ont été fructueuses en documents inédits. Des contacts pris en France, des discussions et échanges de réflexion avec les chercheurs de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) (ex Orstom), des enseignants de l’Université de Paris I (Centre de Recherches Africaines) et de l’Université de Lomé, (ex Université du Bénin) ont fourni d’irremplaçables contributions à cette étude. Quelques correspondances sont restées sans réponses. Cependant, les communications disponibles ont apporté des informations inédites et jusque-là insoupçonnées sur ce type de vestiges recensés. Nous avons tenté de les rassembler dans le présent travail. Cependant, les recherches continuent pour éventuellement compléter la liste du corpus actuellement disponible sur le sujet.
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Nous avons appris, après son décès, que c’est son état de santé qui ne lui avait pas permis de nous répondre. Nous rendons hommage à titre posthume à l’un des pionniers de l’archéologie africaine.
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En dehors de ces contacts, des recherches minutieuses ont été effectuées en bibliothèques et dans les archives suivantes : En Afrique : Togo : − Bibliothèque Nationale, − Archives Nationales, − Bibliothèque de l’Université de Lomé (ex Université du Bénin), − Bibliothèque de l’Institut Français du Togo, (ex Centre Culturel Français). −
− −
République du Bénin : Bibliothèque de l’Université Calavi.
nationale
d’Abomey-
Nigeria : Bibliothèque de l’Université d’Ibadan, Bibliothèque de l’Université d’Ifé.
−
Burkina Faso : Bibliothèque de l’Université de Ouagadougou. − Côte d’Ivoire : Bibliothèque de l’Institut d’Histoire, d’Art et d’Archéologie. En France : Paris : Bibliothèque Nationale, Bibliothèque Nationale de France, Bibliothèque de Centre Georges Pompidou, Bibliothèque Doucet (Rue Michelet), Bibliothèque du Centre de Recherches Africaines, Bibliothèque du Musée de l’Homme, Bibliothèque de la Sorbonne, Lyon : Bibliothèque du laboratoire de céramologie. Aux Etats-Unis : − Bibliothèque de Northwestern University (Chicago), − Bibliothèque du Smithsonian Natural Museum (Washington), − Bibliothèque de l’Université d’Indiana (Indiana), − Bibliothèque de l’Université de Los Angeles (Californie).
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Toutes les données présentées ci-dessus ont servi de base à l’appréhension de notre thème et constituent le fruit d’enquêtes de longue haleine dans le temps et dans l’espace. Elles ont nécessité plusieurs voyages sur le terrain dans des différentes localités et des stages dans les laboratoires d’analyses, de la rigueur dans l’interprétation, de l’opiniâtreté et de la volonté. Mais, que de fois n’avons-nous pas tenté d’abdiquer à cause des difficultés rencontrées, cependant inhérentes à toute recherche scientifique.
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CHAPITRE 2 Compositions et décorations des pavements et terres damées Ce chapitre aborde l’analyse des pavements et terres damées dans leurs compositions et leurs décorations. Ainsi intitulé, il s’agit de ne pas voir la décoration sous l’angle d’ornementation, mais aller audelà de la simple ornementation pour faire ressortir les figures qui s’y trouvent et l’agencement géométrique qui s’y opère. De plus, la composition nous renvoie ici à l’analyse des pâtes céramiques pour mettre en exergue les différents matériaux contenus dans les tessons de poterie, matière première utilisée dans le pavage. En effet, après avoir rassemblé la documentation photographique, et travaillé sur plus d’une soixantaine de dessins, nous avons été frappée par la variété des matériaux et des canevas géométriques élaborés par les anciens artisans. À partir de ce constat, il nous a semblé nécessaire de classer et de définir les différentes formes de pavements. Aussi, nous pouvons mettre en évidence les caractéristiques propres à chaque région ou à un ensemble géographique, et les choix culturels et technologiques qu’ils ont opérés. Pour ce faire, nous avons tenu compte de la composition des formes ou de la décoration pour dégager un ou des styles homogènes. Il nous a semblé nécessaire de rechercher l’esthétique des ouvrages et relever le goût de l’ornementation et aussi celui du beau que les anciennes populations accordaient à leurs maisons d’habitation ou à leur cadre de vie. 1. Décorations des pavements et terres damées Il peut paraître paradoxal de traiter du décor des pavements et terres damées alors qu’ils sont considérés comme une ornementation du sol. Dans le cas précis, la décoration des pavements met en œuvre des motifs géométriques, réalisés dans des registres horizontaux, verticaux ou obliques, de losanges, de rectangles, ou de lignes parallèles. Ils forment une ou deux bandes d’encadrement dans certains cas, tandis que dans d’autres, plusieurs bandes parallèles obliques convergent vers la partie centrale du pavement. On trouve aussi dans d’autres ouvrages, des bandes d’encadrement et des motifs variés qui forment la beauté et la qualité de l’ouvrage. Les registres de 67
cercles concentriques encadrent plusieurs pavements, ou bien se trouvent au centre de la structure. Le pavement est considéré comme un art. Dans la majorité des cas, la recherche esthétique est la caractéristique de l’art de paver. Mais, la composition et la combinaison sont avant tout fonctionnelles. Dans la plupart des régions étudiées, les remarquables découvertes d’objets d’art, notamment à Ifè, montrent que les artistes africains ont aussi excellé dans plusieurs autres réalisations. Au point de vue décoration, trois groupes Ifè, Ulaira, Notsé, sont les plus représentatifs de la zone d’étude. Les groupes d’Ifè et de Notsé se distinguent de celui d’Ulaira par la richesse des motifs décoratifs organisés dans divers registres composés de losanges, de carrés, de bandes parallèles…etc. 2. Définition d’une typologie des compositions Dans l’état actuel des enquêtes archéologiques, trois sites ont produit les plus belles compositions géométriques : Notsé, Ifè, Ulaira. L’étude présentée ici met l’accent sur les formes caractéristiques de ces trois localités, représentatives de l’ensemble des régions. En observant de très près les structures d’Ifè, Shaw définit trois styles de composition et considère la position des matériaux et leur combinaison sur le support. Il distingue : − les pavements composés de rangées de tessons poterie, jointifs les uns des autres, alternés quelquefois de rangées de galets ; − les pavements en tessons de poterie disposés en chevrons ou en arêtes de poisson ; − les pavements en tessons de poterie en carrés dans lesquels sont inclus des matériaux lithiques (1978 : 145). Il précise que, quelquefois, les espaces « vides » ou non remplis sont des emplacements probablement réservés aux autels. B. Fagg et F. Willett (1962 : 352) définissent également trois types de pavements, en revanche ; ils prennent la forme des matériaux comme base d’analyse. Ils signalent : − les compositions faites de tessons de poterie de forme polygonale ; − les pavements en tessons de poterie fabriqués au moyen de larges rondelles ou disques de 3,1 cm de diamètre ;
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− les pavements en tessons de poterie fabriqués de fines rondelles, généralement de moins de 2,3 cm de diamètre. Peter Garlake (1972 : 71), par contre, considère que cette classification basée sur les disques de poterie est erronée et les considère plutôt comme la partie décorative du pavement. Vu la diversité des matériaux utilisés et l’hétérogénéité des compositions recensées, cette tentative de classification ne correspond pas à l’ensemble de notre corpus. Lorsque l’on combine les paramètres des deux typologies, on peut tenter une classification relative de notre corpus. De cela, trois grands groupes géographiques, présentant des compositions plus ou moins homogènes se réfèrent aux modèles élaborés, à la variété des formes et des matériaux. 2.1. Groupe des compositions d’Ifè Ces compositions suscitent une réelle admiration et s’est imposée la tentative d’une typologie des formes. Nous ignorons, à ce jour, la surface totale anciennement pavée. Mais, si on met bout à bout la documentation photographique disponible, les plans des fouilles (bien entendu, si l’échelle est respectée), il peut être possible d’avoir une estimation de ce qui reste de l’ancien aménagement de la ville d’Ifè. Toutefois, le nombre total de quartiers identifiés onze (11) et de vestiges recensés vingt-sept (27), (plus ou moins étendus, indiquent qu’Ifè est le centre qui a livré la plus importante surface de pavements dans des formes variées, caractérisées parfois par un style propre et spécifique à chaque quartier. Aucun autre site n’a, à ce jour, fourni une étendue de pavements comparable à celle d’Ifè. On trouve : − des bandes parallèles, souvent réalisées en matériaux lithiques, fréquemment en tessons de poterie. Ce sont des bandes d’encadrement qui délimitent l’étendue du pavement. Elles sont aussi alternées avec les deux matériaux (matériaux lithiques et tessons de poterie). On trouve aussi des bandes parallèles obliques qui traversent le pavement et convergent vers le centre. Ce dernier s’entoure de deux à quatre cercles concentriques, situés au nord et au sud du pavement. Quatorze cercles concentriques situés au nord, et deux autres, à l’ouest et à l’est du pavement, marquent l’emplacement des autels. Dans l’ensemble, les cercles concentriques sont alternés de tessons de poterie et de galets. La composition des motifs, souvent géométriques, et la taille des matériaux contribuent au décor des 69
pavemeents. On trrouve ces ppavements à Obalara, Woye Asiiri, voir (planchhes 1, 2, 3, 4, 4 5, 6) Plaanche 1 : Pavement enn tessons su ur chant déccoré d’un boord dee poterie, en ntouré de c ercles conccentriques et e délimité ppar unne zone sem mi-circulairee, Ife Missio on catholiqu ue Saint Davvid (N Nigéria)
Cliiché pris par Willett W en 19660 : photo inéd dite
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Planchee 2 : Pavem ment II en tessons dee poterie po osés sur chhant en arêtes de poisson n, décoré dd’une coupeelle au millieu et de cercles concenntriques au Nord, N moti fs de tissag ge, le modèèle prend laa forme d’une chemise c traaditionnelle ; pavementt mixte VIII en tessonss posés sur chant alternéé de galetss et quelqu ues nodulees de conccrétions ferruginneuses. Con ncession Wooye Asiri-Iffè (Nigeria)
Cliché pris par Garlak ke en 1977
Planchhe 3 : Paveement mixtte en band des verticalees de tessoons de poteriee sur chant,, alternées de bandes de matériau ux lithiquess : IfèConcession d’Obaalara (Nigérria)
Source : Garlake, 197 77 : 118
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Planchhe 4 : Pavement mixtee IX en tessons sur chant c alternnées de bandess de matériiaux lithiquues, décoré de cercles concentriqques au milieu, au Nord et e au Sud, motifs de tissage. t Con ncession dee Woye Asiri -Ifè (Nigeriaa)
Cliché pris p par Garlak ke en 1977
− des pavemeents en tesssons, dispossés en carrés creux, rem mplis de ons de poteerie posés enn arêtes quartz. Le quadrillage de carrrés en tesso plis de galeets de quarrtz pour de poissson est associé aux ccarrés remp former un quadrilllage. Ce pavvement spéccifique au secteur s de SSt-David (MCR)) se présentte sous forrme de dam miers séparéés chaque ffois par deux rangées r de tessons dee poterie. Dans D chaqu ue carré foormé de tessonss de poterie, on trouve dans le creeux trois ou u quatre ranngées de galets, selon leur grosseur et des tessons disposés à plat ou dee chant. dés de deux rangées de tessons Les carrrés rempliss de galets eet donc bord sembleent avoir les mêmes dim mensions, comme si dees mesures pprécises ou un plan p avait guidé g leur cconfection. Dans un carré c de 2,11 x 1,50 cm, on peut comp pter 32 à 333 galets de taille t moyen nne et 23 ggalets de grosse taille (plancches 5 a et bb, 7a et b). Dans le son ndage, on tro rouve en dessouss de ce paavement, unn autre, fait uniquem ment de tesssons de poterie, organisé dans d un regiistre parallèèle en arêtes de poissonn. Cette compossition reste pour le mooment atyp pique, spécifique à Ifè.. Aucun autre siite n’a fourn ni un pavem ment comparrable à celu ui-ci. 72
Planchhe 5 : Pavem ment mixte een tessons de d poterie po osés sur chan ant et en matériaaux lithiquees formant ddes carrées creux, c remp plis de galetts, muni d’un drrain d’écoulement. Misssion catholiq que Saint-Daavid-Ifè (Niigeria)
Cliché pris paar Willett en 11960
Planchhe 6 : Schéma du paveement mixtte en tesson ns de poteriie posés sur chhant et en matériaux m litthiques form mant des caarrés creux, remplis de gallets, muni d’un drain d’écoulemeent, au milieu se trouv uve trois cerclees concentriq ques. Missi on catholique Saint-Daavid-Ifè (Niigeria)
Cliché priis par Willett en 1960
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Toutes cees variétés de comp positions in ndiquent qque les pavemeents obéisssent à des règles fix xes : orienttation des cercles concenntriques, de l’égoût pouur écoulemeent d’eau de pluie ou d’’eau des ménagees, dispositiion et agenncement dess bandes et aussi organ anisation de la finnition. 2.2. Group pe des comp positions d’Ulaira Parmi les sites s à paveement des ab bords du laac Kainji (m moyenne vallée du Niger), seul le sitte d’Ulairaa a fourni divers d moddèles de pavemeents. Le groupe g d’U Ulaira se distingue d de celui d’’Ifè par l’utilisaation de plu usieurs matéériaux et dee deux tech hniques de ppose, la pose suur chant étan nt la plus réégulièremen nt utilisée. Selon la l nature dee la matièree première et le procéédé utilisé, on peut distinguuer différen ntes compossitions dans cette zone (Planchhe 7). Plannche 7 : Pav vements D eet E en mattériaux lithiques, pavem ment en matéériaux organ niques Ulairra (Nigéria))
Clichhé pris par Nzeewunwa en19 82
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La typologie de Nzewunwa (1982) montre que parmi les dix compositions, deux principaux matériaux ont été régulièrement utilisés : les matériaux lithiques et les tessons de poterie. Ils sont représentés dans des styles différents. On constate l’utilisation fréquente des tessons, de galets, de quartz dans des registres variés. 2.3.
Groupe des pavements de Notsé
Parmi les sites à pavements de Notsé, seul le secteur de Dakpodzi a fourni divers modèles remarquables, en surface et en fouille. Ce groupe se distingue des deux autres par l’emploi des tessons de poterie posés généralement à plat sur un support cuit. Selon le procédé utilisé, on peut distinguer deux compositions : − les pavements en tessons de poterie posés à plat décorés de cercles concentriques autour d’une coupelle placée au milieu de l’ouvrage. Trois compositions (Dakpodzi I, II, III) sont identifiées. Le site présente un cas de pavement géométrique décoré avec des bords de vase, avec au milieu le vase circulaire (planche 8) ; − les pavements exécutés en tessons de poterie selon les deux techniques, forment une composition assez complexe. Il s’agit des formes spécifiques à Notsé.
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Planchee 8 : Pavem ments poséss à plat, en cercle conccentrique avvec une coupellle au milieu u Dakpodzii- Notsé, déécoration du u pavement DAK I avec unne coupelle de poterie aau milieu. Notsé N (Togo o)
Clichés pris p par Aguig gah en 1987, 11985
2.4. Décoration muraale et terress damées ures daméess étant raress dans notree corpus, auussi bien Les structu dans lees fouilles que q dans less cours actu uellement haabitées, il nn’est pas possiblle d’en donn ner une largge descriptio on. Nous avon ns constaté ddurant la co ollecte des information i ns sur le terrain et tout le long l de l’éttude, que lees concessiions à sols damées présenttent des déécorations m murales, su urtout sur laa façade avvant du bâtimennt. Ainsi, ch hez les Basssar à Bandjjéli, on trou uve des maiisons en banco décorées d su ur la façade, des motifs géométriqu ues de chevrrons, de trianglees et de tro ois personnaages, dont deux sont une représeentation schémaatique. Cettte décoratioon réalisée avec une peinture no noire est 76
localiséée des deux x côtés de l’entrée du u vestibule du chef duu village (planchhe 9). Le même type t de déccoration mu urale est obsservé à Paraatao, en pays teem, où les murs du ppalais du ch hef sont reccouverts dee motifs géométtriques, d’in ncisions de cchevrons ett de trianglees. Le sol esst revêtu de fragments de gaalets blancs (planche 9a, b et c). Planchee 9 : a- Pav vement en tessons posés à plat ; b- Palais du chef recouveert de mottifs géométtriques, d’iincisions de d chevronss et de trianglee Paratao; cc Vestibulee du chef, décoré d sur laa façade à B Bandjéli (Togo) a
c
b Clichés extrait des Archives A d’Ouutre-Mer, pho oto inédite sig gnalé par B. Klein en 1995, Djjakpata en 198 88
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Planchee 10 : Déco oration du ppavement B avec une poterie au milieu. Pavemeents en tesssons de pooterie sur chant c Concession Obaalara-Ifè (Nigeriia)
a
b
Clichés pris p par Garlake en 1977
Cette pratiique de déccorer les murs m et les sols des deemeures laisse apparaître la rechercche de l’harmonie dees formes et des volumees, la recherrche esthétiqque par les populations, leur goûtt pour le beau ett leur besoin n de vivre ddans un cad dre propre et bien aménnagé, en sommee, leur degré d’évolutioon et de maîtrise m de l’environnem ment. Il est possible que lees murs des sols pavés de tessons de poterie aaient été urs en banco o dégagés ddans les décoréss. Mais, la destructionn de ces mu fouilless ne laisse aucune chaance de retrrouver la fo orme de déccoration que les population ns avaient prratiquée surr ces revêtem ments de sool. 2.5. Techn niques de daamage du sol s Les analy yses en archéologiie sont des d comppléments indispeensables à l’interpréttation des données archéologiqques et historiqques. Elless peuvent permettre de recon nstituer le milieu géograpphique et temporel ddans lequeel les communautés se sont installéées. La géo ologie, qui ss’intéresse à ce modee de reconsttitution, apportee, par co onséquent, des com mpléments d’informattions à l’archéologie. « Le L géologuee est donc bien prép paré à com mprendre l’articuulation des problèmes archéologiques, et do onc à jouerr le rôle d’interm médiaire en ntre fouilleuurs et analystes » (Bord det 1985 : 99). Pour 78
cela, nous avons utilisé les méthodes mises en œuvre dans la recherche géologique. Si elles n’ont pas pu résoudre tous les problèmes posés, à cause de la nature des échantillons analysés, elles ont néanmoins apporté des réponses satisfaisantes à certaines de nos interrogations. En récapitulant, il se dégage des compositions spécifiques à un site ou à un secteur tel que nous l’avons observé. Les ouvrages ont été exécutés avec soin et dextérité, un esprit d’invention au moyen des matériaux et des techniques choisis avec habileté. Un travail aussi remarquable exige des artisans spécialisés, très habiles, qui connaissent la technique des pavements et des terres damées. Celle-ci ne pouvait être employée que dans des lieux spécifiques (des palais royaux, de notables, de chefs, des maisons de gens nantis…) et dans des centres urbains actifs qui nécessitent le déplacement fréquent des populations et drainent les voisins, en créant ainsi des contacts avec l’extérieur. Ce mode de revêtement de sol exige également une maind’œuvre importante, un nombre considérable de demandeurs, probablement de haut rang et, dans le cas de l’aménagement des rues, un plan d’urbanisation assez bien élaboré, exigeant et fonctionnel. Tout ceci s’accorde bien avec l’organisation du cadre de vie des populations, vivant dans un environnement agréable, comme dans le pays yoruba et de culture yoruba ou même à Notsé et dans le pays kabiyè. Nous sommes donc amenée, à travers ces considérations, à poser ou à relancer le débat sur l’émergence des villes et celui du phénomène urbain en Afrique précoloniale. Il ressort de l’étude de la décoration et de la composition des pavements et terres damées, une diversité morphologique importante identifiée dans trois centres de production. La décoration intérieure (ce qu’on peut appeler aujourd’hui l’architecture d’intérieur) et extérieure semblent avoir suivi une vieille tradition dans les milieux étudiés. La carte 5 ci-dessous montre la répartition des pavements avec la décoration et le tableau 2 récapitule les matériaux, les techniques, la décoration et la chronologie. Dans les chapitres qui suivent, nous présentons les résultats des analyses physico-chimiques des pâtes argileuses. Ils permettent de connaître les choix technologiques opérés par les anciens artisans et les procédés de fabrication des pavements et des terres damées. Quelles sont les fonctions des pavements et des terres damées dans la vie quotidienne des populations et dans l’architecture traditionnelle en Afrique ? 79
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CHAPITRE 3 Apport des analyses physico-chimiques et pétrographiques à l’étude des céramiques, des pavements et terres damées
« L’archéologie est, aujourd’hui, grâce à l’archéométrie et à la multiplicité des disciplines auxquelles celle-ci fait appel, la seule voie d’accès à tout ce qui peut être retrouvé du passé de l’Afrique pour des périodes anciennes » (Devisse, 1987 : 33). Cet apport est essentiel, car les analyses montrent les compositions physico-chimiques des pavements, terres damées et des céramiques. Elles sont effectuées dans des laboratoires sur les tessons de poterie. 1. Analyses des céramiques archéologiques Les recherches en laboratoire sur la céramique doivent être comprises comme l’un des moyens privilégiés qui permettent de relier les données archéologiques et ethnologiques. Les études de composition de pâte sont un moyen irremplaçable pour contrôler la validité des classifications typologiques de la céramique ancienne. Elles permettent également une étude comparative pour retracer une évolution des céramiques. La périodisation pourrait être fixée par les analyses en thermoluminescence. Dans le cas précis, elles ont situé les pavements et les tessons de poterie dans des séquences chronologiques liées à l’évolution des sites. Les recherches sur la composition des pâtes et des supports cuits des pavements ont été faites aux laboratoires de céramologie de Lyon, de l’Office de la Recherche Scientifique et Technique d’Outre-Mer devenue aujourd’hui Institut de Recherche pour le Développement (IRD) ex-ORSTOM-Bondy (France), et de l’Université de Lomé (Togo), pour les échantillons prélevés à Notsé et à Tado 1 : composition de pâte, lames minces, fluorescence X et diffraction X. 1
À Lyon, les analyses et interprétations ont été effectuées sous la responsabilité de Monsieur Maurice Picon, (fluorescence X, dilatométrie) et à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) (ex Orstom-Bondy), au laboratoire Unité Minéralogie et Pétrologie de surface, Thierry Pilorge a préparé les lames minces, Alain Blot et Jean-Marie Wackermann m’ont aidée à les interpréter, Ginette Millot a analysé les
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Inscrit dans la chaîne opératoire archéologique d’une mission de fouille, le laboratoire d’analyses réceptionne les objets à leur sortie de fouille, après avoir reçu un numéro d’inventaire et d’enregistrement. L’objectif est alors d’apporter le traitement nécessaire pour établir la composition minéralogique des échantillons prélevés. Dans le cas de figure, cette analyse s’est faite sur les céramiques et les pavements trouvés sur les sites de Tado et de Notsé. L’observation faite à la loupe binoculaire, à la lumière naturelle et polarisante est portée sur quatre lames minces sur les sites de Tado. 1.1. Lames minces de Tado Le site de Tado nous révèle une composition granulométrique assez diversifiant, mais faible sur les tessons de poterie. Cependant, les analyses par diffraction X sont menées sur les tessons. Cette analyse a été effectuée dans le but de caractériser les constituants minéraux, et d’avoir des informations sur la granulométrie de la céramique. L’étude a porté sur les échantillons de Domé et Ajacè (Tado) et sur les éléments différents de la forme (des fragments de pipe, des tessons de poterie décorés et non-décorés). 1.1.1.
Présentation des échantillons
En tout cinq lames minces ont été observées : − − − − −
Tado pipe décorée n 6 : (Tad. Pd.6) ; Tado tesson décoré n 7 : Tad. Td.7) ; Tado tesson décoré n 8 : (Tad. Td.8) ; Tado tesson non décoré n 9 : (Tad. Tnd.9) ; Tado tesson non décoré n 10 : (Tad. Tnd.10).
tessons de poterie par diffraction X, et Alain Person (Paris VI) a interprété les diffractogrammes.
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1.1.2. Interprétation des éléments observés Les pâtes sont composées de quartz, de feldspath et de mica de tailles différentes. On note dans quelques lames minces, la présence de fragments de quartz qui donnent l’impression d’avoir été broyés (Tado 6 pipe décorée et Tado 7 tesson décoré), ou de gros cristaux de quartz (Tado tesson non décoré n 9 : Tad. Tn.d.9) et des minéraux ferreux. Le mica est bien présent dans toutes les lames minces (planche 15 b) : 45 % de mica noir (biotite) orienté autour du quartz et du feldspath ; 40 % à 45 % d’argile, des concrétions d’oxyde de fer de tailles variables, des minéraux phylliteux de type muscovite kaolinite ; peu de feldspath plagioclase (feldspath non-altéré).
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Planche 11 1 : Lames minces : a-- pipe décorrée 6 : quarttz, nodules ferreux et mica, b- tesson déccoré 7 : qu artz, nodulles, c- tesso on décoré 8 : quartz broyé, miica, noduless ferreux, d-- tesson non n-décoré 10 0 : quantité de quartz, nodules ferreux. f Tad do (Togo).
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L’observation microscopique montre que l’ensemble des lames minces est riche en éléments minéraux enrobés dans une matrice argilo-ferrugineuse et dont les quantités et les tailles sont variables. Les compositions des tessons de poterie et des pipes sont identiques, sauf que dans le dernier cas, le quartz a été cassé pour diminuer la grossièreté de la pâte. La présence des nodules ferreux dans la pâte argileuse se comprend, car, toute la région de Tado est recouverte de concrétions ferrugineuses, qui auraient servi, selon les récits oraux, à l’extraction du minerai de fer. 2. Composition des pâtes céramiques de Notsé L’étude portant sur trois secteurs (Azakpodzi, Wotségbémé, Alinu) et 30 lames minces montre la présence des pavements. L’analyse microscopique à la loupe binoculaire effectuée sur les tessons de poterie de Notsé révèle une pâte fréquemment homogène très micacée, avec des inclusions de feldspath, des particules de quartz et quelques particules ferrugineuses. Le mica se présente sous forme de paillettes blanches et dorées. Ce sont de très fines particules qui prennent l’aspect d’un saupoudrage. Toute la céramique de Notsé est d’ailleurs fortement micacée. − Le feldspath présente une faible quantité granulométrique parmi les autres constituants de la pâte. − Le quartz se présente comme des inclusions de taille moyenne variant entre 0,5 et 0,3mm. Les grains sont de forme arrondie ou à arêtes vives. La taille et la quantité du quartz varient selon l’épaisseur des parois. Aucune trace de dégraissants d’origine végétale n’a été observée sur les tessons de poterie. 2.1. Observation à la loupe binoculaire On constate que les récipients à parois fines ont une pâte homogène composée de petites particules de quartz ayant moins de 0,5 mm et que le quartz a été écrasé et mélangé à la pâte. Ces récipients ont été utilisés pour exécuter les pavements de Wotségbémé et de Dakpodzi à Notsé. Les deux types de poterie présentent, en effet, la même morphologie. Par contre, dans la pâte, des récipients à parois épaisses, la taille du quartz est importante et peut atteindre 3 mm. Ce 85
type de récipient a servi à confectionner les pavements d’Alinu à Notsé repéré en et en surface et exhumés en fouille. Aucune trace de dégraissants d’origine végétale n’a été observée sur les tessons de poterie. Il est donc difficile de lier la couleur noire de la pâte de certains tessons aux restes végétaux carbonisés. Par contre, les supports noirs et gris-foncés (10R/2,5/0, 10R/3/1) des pavements sont soumis aux analyses de diffraction X1, pour en savoir plus sur le mode de cuisson. Les résultats obtenus méritent d’être poursuivis sur d’autres échantillons. 2.2. Lames minces Afin d’évaluer la quantité des constituants minéraux observés à la loupe binoculaire, une analyse en lames minces a été effectuée et confirmée par la classification des pâtes. 2.2.1. Tessons de poterie Les lances minces ont été préparées pour l’essentiel au laboratoire de la direction des Mines et de celui de Géologie de l’Université de Lomé (ex-Université du Bénin)2. Cette analyse a été effectuée dans le but d’évaluer la quantité des constituants minéraux observés à la loupe binoculaire. Nous avons donc eu des informations sur la granulométrie de la pâte céramique. Pour son étude au microscope polarisant, ou à la lumière naturelle, l’échantillon doit être à l’état de lame mince, d’une épaisseur de 25 à 30 microns, soit 0,025 à 0,030 mm (Courtois 1976 : 49). L’étude a porté sur trois secteurs (Azakpodzi, Wotségbémé, Alinu (Notsé) et sur 30 lames minces ; seuls, les deux derniers secteurs nous intéressent ici en raison de la présence des pavements. Les pâtes sont composées de quartz, de feldspath et de mica dans les proportions suivantes : − 25 à 30 % de gros cristaux de quartz, associés à des grains plus fins, soit cassés ou bien à cassure anguleuse et bien conservés ;
1
Voir plus loin les résultats de cette méthode. Les lames minces ont été interprétées en 1984 par le Professeur F. K Seddoh, du Département de Géologie de cette Université.
2
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− 15 % de d feldspathh plagioclaase (feldspaath non-altééré). Ce type esst rare et se présentee sous form me de plag gioclase miicroline, plagiocclase potassique (orthosses) et plagiioclase albitte-oligoclasse ; − % de mica m noir (b iotite) et muscovite m (m mica blanc) orienté autour du quartz ett du feldspaath. − 45 à 55 % d’argilee selon les cas, c de 60 %, % des conccrétions d’oxydde de fer dee tailles varriables, des minéraux phylliteux de type muscovvite kaolinitte. Plancche 12 : Lam mes minces
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Il ressort de l’observation microscopique que l’ensemble des lames minces est riche en éléments minéraux enrobés dans une matrice argilo-ferrugineuse et dont les quantités et les tailles sont variables. La roche d’origine pourrait être une roche acide ou en gneiss à biotite. C’est le type de roches qui affleurent à Notsé et les environs immédiats. Dans certains cas, la nature de la roche d’origine est difficile à identifier. On peut conclure que le matériel utilisé est une arène argilisée de roche acide, et que l’on est en présence de roche de la région, d’origine migmatite, composée de feldspath, de quartz, de biotite (mica noir) et de muscovite (mica blanc). Par ailleurs, la quantité importante d’argile devrait correspondre normalement à une altération du feldspath et laisse penser que les potières ont broyé ce minerai dans la pâte, ou bien qu’elles ont trouvé des roches peu ou pas altérées dans la région. Le mica est ajouté à la pâte, vu sa quantité importante. Mais le fait que la roche d’origine est composée de deux types de mica peut expliquer cette présence quantitative. Quant au quartz, il est présent normalement dans la nature, en quantité moyenne et de taille variable. Certains grains fins ont été probablement cassés. En résumé, il apparaît que les anciennes potières avaient utilisé une argile locale, et employé un dégraissant d’origine minérale (quartz, mica). Certains constituants difficiles à identifier pourraient provenir des roches des régions voisines. La fluorescence X a apporté la solution à ce problème, afin de maîtriser les choix technologiques des anciennes potières. 2.3. Pavements en tessons de poterie L’analyse en lames minces a porté sur les pavements (supports et tessons) de manière à caractériser les différents constituants minéralogiques et si possible déterminer les éléments communs présents dans les deux types de pâtes. Le but principal est de savoir si les fabricants utilisaient la même source d’argile pour confectionner les poteries et pour préparer les lits ou supports sur lesquels reposent les pavements. Dans le cas où il s’agit d’une provenance commune, donc d’une même source d’argile, on pourrait alors penser à une exploitation des carrières de Notsé, exploitation étalée sur plusieurs siècles par les mêmes groupes de populations. Nous avons aussi comparé les éléments minéralogiques des tessons de poterie et des supports de pavement à ceux de la céramique en usage à Notsé. Cette 88
identification a permis de déterminer les compositions des deux types de pâtes et de renforcer l’hypothèse des productions locales. Les résultats, d’après la photographie au microscope des lames minces, sont assez significatifs (planche 15c). Nous présentons ici les lames minces des pavements (tessons de poterie et supports). 2.3.1. Présentation des échantillons de tessons de poterie et supports Cinq lames minces composées de tessons de poterie posés sur chant ou à plat et de lits ont été observées. Les échantillons sont présentés de la manière suivante : − Pav11L : (pavement 1, niveau 1, lit) : le lit ou support provient du pavement de Dakpodzi I au niveau 1 ; − Pav12T : (pavement 1, niveau 2, tesson) : le tesson est prélevé sur le pavement de Dakpodzi I niveau 2 ; − Pav21TC-L : (pavement 2, niveau 1, tesson posé sur chant et lit) : les deux éléments proviennent du pavement de Dakpodzi II et sont préparés sur une seule lame mince de manière à les comparer ensemble ; − Pav22T : (pavement 2, niveau 2, tesson) ; − Pav31T : (pavement 3, niveau 1, tesson) : tesson prélevé sur le pavement de Dakpodzi III au niveau1. 2.3.2. Interprétation des éléments observés L’observation à la loupe binoculaire montre la présence de plusieurs fibres dans les supports et dans les tessons de poterie. On trouve des éléments blancs de grande taille dans les supports et de petite taille dans les tessons, mais, les compositions minéralogiques sont identiques dans les deux cas. À quoi s’apparentent ces structures fibreuses dans la pâte et dans les supports ? Le pavement 3 niveau 1, tesson est riche en minéraux phylliteux généralement présents dans la pâte argileuse de Notsé, ce qui fait penser à une même source d’approvisionnement de matière première, l’argile pour les tessons et les pavements.
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Plannche 13 c : lames l mincees
Le pavemeent 1 niveauu 2 (tesson et support) comporte, pour la d feldspath h, du micaa blanc poterie, de petitss grains dee quartz, du (muscoovite), mica brun (biotiite), de l’ox xyde de fer et de l’argille, alors que le support con ntient de grros morceau ux de quartzz, plus que dans le tesson, de l’oxyd de de fer, une conceentration dee biotite ett moins d’argilee que dans la poterie. Dans cettee lame mincce, le suppoort et le tesson sont prépaarés ensem mble, solideement soudé au tessoon, sans apport de liant po our les fixerr. Dans le support, s l’argillane (kaaolinite) est présente, maiss absente daans le tesso on. On remarque une zzone de contactt située entrre les deux éléments. Elle E est délimitée par uun dépôt d’hydrooxydes de fer (goethhide) probablement après a la ppose du pavemeent (planchee 15c, photoos a, b). 90
Dans le pavement 2 niveau 1, les principaux minéraux sont : le quartz craquelé, le feldspath, le mica brun, quelques nodules ferreux, et de l’argile. Le support est composé de gros morceaux de quartz, de biotite et d’oxyde de fer (planche 15c, photos c, d). Les résultats montrent que dans l’ensemble, les lames minces présentent les mêmes minéraux, sauf que dans les supports, ils sont de taille grossière et donnent l’impression de terre ramassée qui n’a subi aucune préparation. Il reste à évaluer les constituants du support et du tesson et comment ils ont résisté aux intempéries pendant huit à neuf siècles. 3. Mesure de température de cuisson La cuisson se fait généralement à l’air libre, à même le sol. Les poteries sont cuites en atmosphère oxydante avec un dépôt de carbone lorsque le feu démarre. Les analyses sont effectuées par dilatométrie sur 11 tessons. Le principe de cette mesure repose sur les propriétés de dilatation, caractéristiques des argiles et des céramiques. Celles de Notsé sont cuites en plein air, et sur le nombre total analysé, on constate une cuisson à haute température. Hormis quelques exemplaires qui sont cuits à basse température, la majorité des échantillons s’écartent peu de 800°c. La température varie entre 880°c à 570°c. Nous sommes donc en présence des céramiques bien cuites, qui témoignent d’un soin particulier et d’une technique de feu bien maîtrisée par les anciennes potières. L’importance des degrés de température mesurée sur les céramiques confirme les récits des potières qui insistent sur l’extrême dureté des poteries anciennes. Elles indiquent que leurs ancêtres mettaient facilement trois mois à fabriquer une série de poteries à usage domestique, en leur faisant subir des traitements de longue durée. Ces poteries étaient exposées pendant ces trois mois à l’opération de séchage et plusieurs jours à la cuisson. De cette caractéristique, on comprend l’extrême dureté des tessons de poterie qui ont servi à confectionner les pavements et leur résistance mécanique satisfaisante à l’érosion et aux eaux de ruissellement. Tout ceci confirme l’utilisation des productions locales aussi bien pour les récipients domestiques que pour les pavements. On peut se demander si les potières choisissaient un type particulier d’argile capable de résister à la température ou aux chocs thermiques. 91
Le choix de l’argile est-il lié au mode de cuisson des céramiques. Ce type d’analyse ne pourrait se faire que sur des ressources en argile locale en intégrant les deux productions, anciennes et actuelles. Au cours d’une prospection, nous avons repéré les carrières d’argile utilisées par les potières de Notsé. L’argile provient de lieux d’extraction situés à proximité des trois quartiers de potières, dont le plus important est Tégbé. Les potières de ce quartier utilisent la carrière d’argile située non loin de leurs concessions, à environ 200 m. Ce type d’argile est de couleur beige, très micacée, et riche en quartz. La seconde source d’argile, située au bord d’un étang, est exploitée par une seule potière trouvée à Alinu. L’argile est de couleur beige et peu micacée, mais riche en quartz. Deux potières à Adimé exploitent le gisement situé à Kpédomé, environ 4 km de Notsé. Cette argile est micacée et mélangée de petites inclusions de quartz. Une analyse sur les trois types argiles, sur le matériau de construction de l’enceinte (l’enceinte de Notsé était construite à base d’argile), complétée par des analyses sur les tessons qui proviennent des pavements permettront de renforcer la thèse de l’origine locale de la roche argileuse, car, une telle quantité de matière première ne pourrait provenir d’une distance éloignée pour des besoins locaux. 4. Analyse par fluorescence X L’étude a porté sur 22 fragments de céramique prélevés à tous les niveaux (0, 1, 2, 3, 4, 5) dans quatre secteurs du site. Les exemplaires analysés sont répartis en deux groupes : les tessons de poterie décorés et non-décorés. L’analyse est réalisée par la méthode de fluorescence X. Le principe consiste à envoyer sur l’échantillon à analyser un faisceau de rayon X. Ce rayonnement excite les différents atomes contenus dans l’échantillon. Ceux-ci émettent des radiations qui sont caractéristiques de la nature de l’atome considéré : c’est l’analyse qualitative. Pour ce type d’atome, l’intensité dépend du nombre d’atomes que cette catégorie présente dans l’échantillon : c’est l’analyse quantitative. Pour rendre les mesures plus reproductibles, l’analyse ne s’effectue pas directement sur le tesson de céramique. On est amené à prélever une partie de la céramique que l’on mélange à un fondant après l’avoir broyé. Le mélange est ensuite coulé sous forme de disque plat. Celuici est soumis à l’action des rayons X.
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L’apport essentiel e dee cette anaalyse est qu’elle q perrmet de déterminer les pou urcentages des différen nts constitu uants chimiqques de la céram mique. Ici, 20 constituuants chimiques ont étté déterminéés, dont dix prinncipaux : Na, N K, Mg, C Ca, Mn, Al, Fe, Si, Ti, P et 10 tracces : Rb, Sr, Baa, Zn, Ba, Cr, Ce, L La, Zr, V. Les résultaats des prinncipaux constituuants des céramiques c sont donn nés en pourrcentages dd’oxyde, c’est-à--dire : Na20, 0 K20, Mgg0, Ca0, Mn0, M Al203, Fe203, Si002, Ti02, P203. Les L traces, elles, e sont ddonnées en pourcentages de métall et non en oxydde. Les résu ultats sont reeprésentés dans d le tableeau 3. Tableauu 2 : Représsentation dees constituan nts de la cérramique
La représeentation dee certains constituantts est impportante, notamm ment le fer et la silice ; d’autres sont s disperssés par exeemple le calcium m qui varie de 4,25 à 1,,16 %, le po otassium vaarie de 2,25 à 00,44 %. Ceppendant, laa pâte de ddeux exemp plaires se caractérise c par des pourcenntages extrêêmement éllevés de ch hrome et de nickel (TO OG 101) et (TO OG119) (Cr de 7 à 8000 ppm et Ni de 6 à 700 ppm)) et des pourcenntages relattivement éleevés de mag gnésium (M Mg0 de 4 à 5 %). De telles caractéristiq c ques désignnent sans ambiguïté a comme origgine des argiles,, les formaations de rroches vertees amphibo olites, pyrooxenites, 93
gabros et serpentines. Elles s’étendent à l’ouest et au nord de Notsé sur un rayon de 50 à 60 km. On notera que les argiles utilisées sont peu riches en alcalins (Na, K) et en alcalins terreux (Mg, Ca). Ce sont des argiles assez réfractaires qui s’accommodent de ce fait de température de cuisson élevée, tout en conservant une bonne résistance aux chocs thermiques. Cette caractéristique permet de réduire la phase vitreuse au moment de la cuisson. Tout ceci témoigne d’une bonne adaptation des techniques aux types d’argiles locales. 5. Production locale ou importée : analyse de classification des pâtes Nous avons constaté que les constituants chimiques de l’argile utilisée sont cohérents avec ceux des céramiques exhumées sur le site. Cependant, on remarque l’apport d’autres minéraux dans les pâtes céramiques de Notsé. Il existe aussi quelques dissemblances morphologiques et décoratives entre les productions anciennes et actuelles. On se demande aussi, dans le cas précis, si on est en présence d’une production uniquement locale ou si une partie était importée pour compléter la consommation locale. Et quels étaient les centres de diffusion ou d’importation ? Sur ce point, le laboratoire de céramologie de Lyon a apporté quelques éléments de réponses. La méthode utilisée est celle de l’analyse de grappes qui consiste à rassembler les céramiques dont les compositions se ressemblent. Le résultat obtenu est traduit sous forme d’un diagramme arborescent ou dendrogramme. Dans ce diagramme, chaque céramique est représentée par un trait vertical à la base du diagramme. Lorsque deux céramiques ou deux groupes de céramiques se ressemblent, elles ou (ils) sont réunies (s) par un trait horizontal. Plus le trait horizontal qui réunit deux céramiques ou deux groupes de céramiques est éloigné de la base du diagramme, moins les céramiques se ressemblent. Ceci a pour effet de rejeter dans la partie droite du diagramme les exemplaires qui ont des compositions différentes. L’analyse a porté sur 22 exemplaires de tessons : décorés, nondécorés, épais, moins épais, engobé. On distingue dans le cas précis deux parties distinctes, marquées A et B. La partie A, située à gauche, est constituée de céramiques dont les compositions sont proches les unes des autres. L’ensemble B, situé dans la partie droite du diagramme, ne constitue pas un véritable groupe, à la différence du 94
groupe A. Il s’agit plutôt d’individus séparés, qui se rattachent isolément au diagramme. Le groupe A s’accorde sans aucun doute aux productions locales. Quant au groupe B, on est probablement en présence d’exemplaires étrangers, importés à Notsé (figure 32). La première remarque que l’on peut faire au sujet de ces exemplaires concerne leur nombre anormalement élevé (5/22). Peuton les mettre en relation avec l’importance d’un centre comme Notsé, drainant les productions originaires des régions voisines ? On peut, de ce fait, émettre une hypothèse sur l’origine probable pour deux exemplaires importés (TOG. 101, et TOG. 119). En effet, la composition des pâtes est caractérisée par des pourcentages extrêmement élevés de chrome, (7 à 800 ppm) et de nickel (6 à 700 ppm) et relativement élevés de magnésium (0,7 à 4,8 %) 1 . Ces exemplaires désignent comme origine des argiles, des formations de roches vertes situées à l’ouest et au nord de Notsé, à une soixantaine de kilomètres. Par ailleurs, les autres échantillons peuvent désigner des productions originaires des régions situées au sud ou à l’est, notamment à Tado (Togo). En effet, les enquêtes ethnologiques sur la céramique effectuées à Notsé penchent en faveur d’une importation des régions avoisinantes et Tado est présenté comme le lieu de production des pipes et des poteries décorées. Ce rapprochement confirme l’existence de relations commerciales et même culturelles que les deux centres entretenaient entre eux. En résumé, deux types de productions céramiques sont reconnus à Notsé : l’une locale et l’autre importée des régions avoisinantes, dans un rayon de soixante à quatre-vingt (60 à 80) km venant de Tado ou ailleurs au Togo. Les analyses de laboratoire ont donc confirmé le transport des argiles ou des céramiques sur une distance plus ou moins éloignée. Ce qui confirme les propos de Jean Devisse (1981) relatifs au « voyage » de la céramique sur de longues distances. Dans une phase ultérieure de la recherche, il serait utile d’étendre les analyses sur un plus grand nombre d’échantillons pour évaluer si les importations étaient constituées d’exemplaires isolés, d’origines variées.
1
Voir analyse par fluorescence X plus haut dans le même chapitre.
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Figurre 1 : Diagraamme de cllassification n des pâtes céramiques c
Pour l’heurre, trois cenntres de productions et d’importatiion sont distinctts : Kpalim mé, Atakpaamé et Tad do. Ces ceentres mettttent en évidencce les tran nsferts de ccéramiques d’un site à l’autre, ce qui témoignne des relaations dontt l’interpréttation est essentielle e pour la connaisssance de l’histoire anncienne et économique é e de la régiion. On peut auussi citer, à titre d’exem mple, l’étud de des transfferts de céraamiques du Maaghreb verss l’Afrique noire précisément du d Maroc, analyse effectuée par le laboratoire de céramo ologie de Lyon. L Il esst donc confirm mé que les productions p s utilisées à Notsé sontt ensuite coollectées pour coonfectionnerr les pavem ments. 96
Si nous avons pu résoudre partiellement les problèmes des origines de la poterie, la question reste posée sur les modes de fabrication des pavements et leurs supports. Après l’analyse de classification des pâtes, nous avons voulu aller plus loin pour connaître les constituants des tessons (pavements) et des supports. Pour cela, nous avons associé une autre approche, la diffraction X. Elle est basée sur l’interaction de la matière avec des ondes électromagnétiques beaucoup plus énergiques. 6. Comparaison entre la composition minéralogique diffraction X entre les tessons et les supports
par
L’analyse a porté sur 13 échantillons qui proviennent des trois pavements superposés à deux ou trois niveaux du secteur de Dakpodzi à Notsé au Togo : DakI, DakII, DakIII, construits sur un support argileux cuit. Les échantillons sont composés de supports (cuits ou non) et de tessons de poterie prélevés sur les pavements posés à plat et sur chant. 6.1. Présentation des échantillons de pavements et de lits ou supports Ils sont enregistrés par couple de tesson et de lit ou support : − pav 1 2 L = pavement 1, niveau 2, support ; − pav 1 2 T = pavement 1, niveau 2, tesson. Les tessons sont désignés (T) et les lits ou supports (L). Nous avons présenté pour le pavement 2, les deux techniques de pose (à plat et sur chant). Le détail est présenté dans le tableau ci-dessous.
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Tableau 3 : Constituants minéralogiques par diffraction X Échantillons Quartz Feldspath Amphibole Ex : Pavement 1 Niveau 2 : (L) T : tesson, C : chant Pav 1-2 Lit Très abondant ˗ abondant. Pav 3-2 L Très abondant ˗ abondant. Pav 2 P L Très abondant ˗ abondant. Pav 1 1 L Très abondant ˗ abondant. Pav 3 1 L Très abondant ˗ abondant. Pav 2 Chant L Très abondant ˗ abondant. Pav 2 C Très abondant ˗ Tesson abondant. Pav 1-1 T Très abondant ˗ abondant. Pav 3 1 T Très abondant ˗ abondant. Pav 1-2 T Très abondant ˗ abondant. Pav 1-4 T Très abondant ˗ abondant. Pav 3 -2 T Très abondant ˗ abondant. Pav 2 Plat T Très abondant ˗ abondant.
Mica IIIite (argile 10A)
Kaolinite (argile + 10A)
présent
˗
peu
˗
trace
présent
trace
présent
˗?
˗
trace
˗
présent
présent
présent
˗
présent
˗
présent
˗
présent
˗
présent
˗
présent
˗
6.2. Principe de la méthode Les échantillons sont prélevés sur le même site, le même secteur (Dakpodzi), sur deux modèles de pavements et étudiés dans les mêmes conditions, afin de permettre une analyse comparative. Chaque échantillon est broyé, réduit en poudre et versé dans une petite boîte. La poudre est ensuite étalée sur une lame en verre1. L’appareil 1
L’analyse est effectuée au Laboratoire de Unité Minéralogie et Pétrologie de l’Orstom-Bondy par Ginette Millot, Ingénieur d’Étude. Nous avons broyé et préparé les échantillons sous la supervision de Alain Blot dans le même département.
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utilisé est un diffr fractographee 500 de Siiemens avec un indicaateur de cuivre de d puissancce 30 m A ett 40 KV, su ur un logicieel de Socabiim. Les diffraactogrammees obtenus représenteent les prinncipaux constituuants : le quartz, q le ffeldspath, lees amphibo oles, le micca et la kaolinitte contenuss dans les ccéramiques après la cuisson. L’am mplitude des piccs montre en généraal l’importaance quanttitative de chaque minéral dans la po oudre analyssée (figures 3, 4). Figure 2 : Diffracctogramme avec ampllitude des pics : paveement 2 pose à plat (lit) superposé s à pavementt 2 pose su ur chant (teesson) à Dakpoddzi-Notsé (T Togo).
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Figure 3 : Diffracttogramme aavec amplittude des piccs pavement nt 1 niv 1 (lit) superposé à pavemennt 1 niv 1 (tesson) à Dakpodzi- Notsé (Togo)
100
6.3. Interprétation des données L’observation des diffractogrammes étudiés en couple, tesson et lit, présente des discordances entre les compositions minéralogiques des deux échantillons. On constate que les lits ou supports des pavements présentent des expressions argileuses aberrantes par rapport aux tessons de poterie. Des points précis se dégagent de cette analyse : − le quartz est très abondant dans les lits que dans les tessons ; − le feldspath est abondant dans les lits et les tessons ; − le mica illite est rare dans les lits et présent dans les tessons ; − la kaolinite est présente dans quelques lits et complètement absente dans les tessons ; − l’amphibolite est totalement absente dans tous les lits et tous les tessons. La rareté, voire la disparition des micas dans les lits indique leur destruction pendant l’opération de cuisson, ce qui rend difficile leur identification dans l’échantillon. La kaolinite détruite à une température au-delà de 500°C ne peut être retrouvée dans la terre cuite. En effet, la dilatométrie a montré que les tessons sont cuits à une température qui varie entre 800°C à 570°C. Si nous retenons l’hypothèse que le pavement a subi une re-cuisson pour son adhérence au lit, on comprend donc l’absence totale de kaolinite dans les tessons. Ce qui s’accorde bien avec les résultats des mesures de température de cuisson des poteries de Notsé. On remarque que dans trois supports, la question de structure de la famille de kaolinite se pose ; dans les autres, il n’y a plus de kaolinite. Est-ce que ces trois supports ont été vraiment cuits ? Ou s’agit-il de la kaolinite de dépôt de poussière postérieure à la confection du pavement ? Les résultats des lames minces ont montré plus haut le dépôt de kaolinite sur la zone de contact du pavement 1 niveau 2. Si nous retenons l’hypothèse que le pavement a subi une cuisson, nous pouvons donc dire que ce minéral a été déposé après la confection de l’ouvrage, autrement il aurait été détruit. Les analyses physico-chimiques des céramiques ont apporté quelques réponses à nos interrogations. Nous avons constaté que les supports et les tessons sont présents dans l’ensemble des compositions 101
homogènes. Sont-ils réalisés à des périodes différentes ? Nous avons voulu savoir s’il existe une simultanéité entre la pose des tessons de poterie et des lits ou supports. Pour cela, nous avons eu recours à la méthode de datation par le radiocarbone. La diffraction X sera appliquée à d’autres échantillons pour affiner le raisonnement. 6.4. Datation des lits ou supports des pavements par le radiocarbone Après avoir cherché à connaître les compositions des céramiques de Notsé par les méthodes physico-chimiques (lames minces, fluorescence X et diffraction X), nous avons voulu avoir plus de précisions sur les techniques de préparation des lits ou supports. Sont-ils contemporains aux poteries ? Nous avons interrogé le laboratoire d’Océanographie dynamique et climatologie (LODYC) de l’Université de Paris VI. Le responsable, Jean-François Saliège 1 , a bien voulu se pencher sur la question. Les lits ou supports cuits carbonés de couleur noire (2,5YR 2,5/0) ont été soumis à l’analyse par le radiocarbone 14C. Les résultats sont assez intéressants et complètent les datations obtenues par la thermoluminescence sur les poteries. 6.4.1. Echantillons de lits ou supports étudiés Deux échantillons de lits ou supports (sol damé et durci au feu) ont été soumis aux analyses. − Pavement n 3, niveau 2 (Pav 1336) Dakpodzi-Notsé (Togo). Nature de l’échantillon : sol durci carboné (mélange de charbons ayant servi de combustible pour durcir l’argile et de matière organique naturelle du sol). − Pavement nº1, niveau 1 (Pav 1323) Dakpodzi-Notsé (Togo). Nature de l’échantillon : sol durci carboné (mélange de charbons ayant servi de combustible pour durcir l’argile et de matière organique naturelle du sol). − La mesure par le carbone 14 consiste à dater la matière organique totale incluse dans l’argile durcie. La question posée est la
1
J-F. Saliège a interprété les mesures complétées par les datations en Thermoluminescence (TL).
102
suivante : quel est le lien entre cette mesure physique et la pose du sol damé ? Les éléments de réponse, qui consistent en trois sources de matière organique envisageables sont clairement identifiés : − le couvert végétal naturel recouvrant le sol ; − les apports éventuels en combustibles par l’artisan ; − la matière organique liée au cycle du carbone dans le sol et incluse dans l’argile. • Résultats des analyses • Mesures Le couvert végétal et les apports en combustion peuvent être considérés comme contemporains de la pose du sol damé. Par contre, le carbone organique lié au cycle du carbone dans les sols peut présenter un âge apparent non-négligeable. Ce problème est identique à celui que pose la datation des poteries par la méthode de carbone 14 (J.F. Saliège et A Person, 1991). Il faut évaluer la part de cette fraction et son influence sur la mesure 14C. Dans le cas des deux sols analysés, les valeurs de 813C (Pa 1323 = - 17,00 ‰ vs PDB et Pa 1336 = -15,00 ‰ vs PDB) nous indiquent que les charbons de bois provenant de plantes supérieures (arbres -25,0 ‰ vs PDB) ont joué un rôle minime. Les valeurs de 813C sont par contre représentatives d’un couvert végétal tropical où la présence des graminées est assez importante (graminées = -12,0 ‰ vs PDB). Dans ces conditions, les isotopes stables du carbone ne nous permettent pas de différencier la part qui revient au combustible (au vu des valeurs de 813C, on peut envisager une simple mise à feu du couvert végétal sans apport en combustible) de celle qui revient au carbone lié à l’argile. Cependant, les fortes teneurs en carbone organique (comprises entre 3 et 6 % avant cuisson) indiquent clairement que la mise à feu du sol a largement contribué à l’enrichissement en carbone de l’argile brûlée (environ cinq à dix fois la teneur en carbone d’un sol normal). − Pour conclure, selon Saliège1 (1991), nous sommes obligée de spéculer sur l’âge apparent du carbone lié à l’argile. Si l’argile du sol damé a été prise in situ ou du moins dans des fosses de faible profondeur, l’âge apparent de la matière organique liée devrait se 1
J. F. Saliège est décédé en 2012. Paix à son âme.
103
situer entre 0 et 100-200 ans. Et même, en estimant que cette fraction peut représenter jusqu’à 25-30 % du carbone total, le vieillissement apparent serait inférieur ou égal à cent ans. Des mesures et des calculs ci-dessus présentés, l’âge des sols damés de Dakpodzi doit être compris entre 893 et 1212 A.D. les fourchettes extrêmes des différentes possibilités avec une probabilité proche de 95 %. Cette fourchette chronologique estimée à partir des 14 âges C ou 14C s’accorde avec les dates obtenues par thermoluminescence. La dernière cuisson des tessons de poterie prélevés sur les pavements de Dakpodzi (pavement 2 niveau 1 et pavement 1 niveau 3) remontent respectivement à 650 ± 37 B.P. soit 1300 A.D. et 570 ± 42 B.P. soit 1380 A.D. On constate néanmoins que les supports sont plus vieux que les tessons et le niveau 3 du secteur Dakpodzi daté par le radiocarbone indique 450 ± 150 B.P. 1500 ±150 A.D soit XIVe - XVIIe siècles après J.C. Ces nouvelles données chronologiques ouvrent une nouvelle dimension à l’histoire du peuplement dans la région pour les périodes antérieures aux migrations. Les traditions orales font état d’un peuplement ancien, mais ne précisent pas leurs origines, ni leurs périodes de départ ou d’arrivée. S’agit-il des protoéwés ou d’un autre peuple ? Mais, ces dates obtenues constituent des éléments nouveaux dans l’historiographie nationale, voire de cette partie de l’Afrique.
104
105
−
Calculs C
106
107
6.4.2. Interprétation des données Tableau 4 : Datation Radiocarbone et Thermoluminescence des sites à pavements de la zone d’étude. PAYS
SITES
SECTEURS
ECHANTPRELEVEMENT
ÂGES BP
DATES AD
Togo
Notsé
dakpodzi
Support de pavement
1040±40
893-1046
Togo
Notsé
dakpodzi
Support de pavement
1020±40
960-1064
Togo Togo Togo
Tado Tado Tado
kpéyi kpéyi aoutélé
803±57 770±41 737±56
1147±57 1180±41 1213±56
Togo
Tado
aoutélé
710±77
1240±77
CRN/ST
TL
Togo Togo Togo Togo Togo Togo Togo Togo
Notsé Tado Notsé Notsé Notsé Tado Tado Tado
dakpodzi domé dakpodzi azakpodzi enceinte domé domé domé
650±37 590±42 570±42 450±150 440±50 425±26 419±25 415±25
1300±37 1360±42 1380±42 1500±150 1510±50 1525±26 1531±25 1535±25
CRN/ST CRN/ST CRN/ST Ly-3600 Alpha1519 CRN/ST CRN/ST CRN/ST
TL TL TL RC RC TL TL TL
Togo
Tado
ajacè
413±29
1537±29
CRN/ST
TL
Togo
Tado
kpéyi
410±34
1540±34
CRN/ST
TL
Togo Togo Togo Togo
Tado Tado Tado Notsé
domé domé Domé alinu
tuyère fourneau1 tuyère fourneau1 fragment fourneau fragment de fourneau1 pavt2.tess.décoré N1 tesson décoré S3 pav1 tesson N3 Charbon de bois N3 tesson TR5 tesson décoré tesson A6 C4 tesson A6/N5 tesson décoré dépotoir Tesson du fourneau n°1 tesson décoré A5/N3 tesson décoré A6/C3 tesson A6/C2 pavement tesson C3 tesson décoré dépotoir pavement1 tesson coque noix de palme os humain N4 charbon niv4/51,10m charbon niv62-2,40m charbon niv30, 400,80m charbon 1,60-2m pavt charbon 1,20 1,40pavt charbon 33/34pavt Charbon niv40, 811m charbon Charbon sous pavt1 Charbon, S.III, 0,80m charbon sous pavt7 charbon entre pavt charbon dans la fosse charbon sur pavement
N° DE LABO Pa1323 LODYC Pa1336 LODYC CRN/ST CRN/ST CRN/ST
409±32 394±24 388±28
1541±32 1556±24 1562±28 1650±30
CRN/ST CRN/ST CRN/ST Alpha1518
TL TL TL TL
293±21
1657±21
CRN/ST
TL
200±30 170±40 1850±115 1750±115
1750±30 1669-1783 1780±80 135-215 260-323
Alpha1518 901 OBDY Gif/Yvette N361A11 N364A16
TL RC RC RC RC
1490±115
584-599
N362A16
RC
1460±90
538-660
Har-4397
RC
Togo
Tado
ajacè
Togo Togo Togo Nigéria Nigéria
Notsé Tado Notsé Yelwa Yelwa
dakpodzi domé azakpodzi
Nigéria
Yelwa
Nigéria
Ulaira
Nigéria
Ulaira
Nigéria
Daïma
Nigéria
Yelwa
Nigéria Nigéria
Ifé Ifé
Nigéria
Ulaira
Nigéria Nigéria Nigéria
Ifé Ifé Ifé
Ita Yemoo Lafogido Woye Asiri
Nigéria
Ifé
Ita Yemoo
Daïma II Ita Yemoo Ita Yemoo
108
MÉTH RC RC TL TL TL
1330±80
645-777
Har-5184
RC
1500±670
450±670
I2371
RC
1250±105
663-943
N363A16
RC
1100±120 990±130
780-1028 900-1211
M-2121 BM-261
RC RC
890±80
1030-1258
Har-5183
RC
890±130 840±95 815±85
1004-1279 1059-1282 1158-1285
BM-262 I4911 N-1687
RC RC RC
800±200
1022-1330
M-2119
RC
début occupation secteur charbon, Nigéria Ifé Obalara concentration H Nigéria Ifé Ita Yemoo charbon sous pavt4 charbonTRII0,95Nigéria Ulaira pavement L 1,04m Nigéria Ifé Woye Asiri charbon sous pavt-V Nigéria Old Oyo N°0074/IG V Charbon de bois Charb niv14 Nigéria Benin musée 2,30/2,50 charbon, Nigéria Ifé Obalara concentration F Charbon sur Nigéria Ifé Ita Yemoo pavement charbon, Nigéria Ifé Obalara concentration C Nigéria Ulaira Charbon, 1,80-2,40m Nigéria Ifé Woye Asiri pavt I, fin occupation Nigéria Ifé Ita Yemoo charbon sous pavt1 charbon, Nigéria Ifé Obalara concentration I Old Nigéria B68/5 S1, 1,65-2,00m Bussa Old Nigéria B68/6 S2, 0,50-0,55m Bussa Nigéria Old Oyo N-0075/3A charbon Nigéria Allada fondation du site Benin Shai pavement Ghana Shai Pipes (1a, 1b) Ghana Shai Pipes (2a, 2b) Ghana Shai poterie 3niv de TD, 6niv de Cameroun Garoua N’guéwé pavts indices Nigéria Kagoge archéologiques Old Indices Nigéria Warra archéologiques Nigéria
Cameroun
Ifé
Bé
Woye Asiri
niv 17 de pavement
RC : Radiocarbone TL : Thermoluminescence
109
785±75
1209-1289
N-1688
RC
760±85
1213-1296
N-1392
RC
790±130
1160±130
BM-259
RC
680±80
1278-1330
Har-5186
RC
670±75
1281-1331 1300±80
N-1685 F.W.
RC RC
645±0
1298-1388
N-378
RC
625±75
1289-1411
N-1393
RC
600±100
1350±100
N-378
RC
620±60
1293-1409
N-1391
RC
560±70 545±85 480±100
1321-1434 1321-1440 1470±100
Har-518 N-1689 M-2117
RC RC RC
480±95
1134-1488
N-1390
RC
280±75
1503-1953
N-1480
RC
275±75
1519-1953
N-1483
RC
1100±110 1300/1400 1600±1700 1640±1660 1670±1690 1700±1800
F.W. (1969) A.A. (1984) A.J. (1982)
RC
700±25
1700±1800
M.D.Comm. pers
1250±250
N.D.Comm. pers
CHAPITRE 4 Pavements, terres damées et organisation sociospaciale « L’archéologie apparait (ainsi) comme un moyen privilégié de retrouver l’homme du passé à travers ses créations techniques, par lesquelles il exprime certaines de ses aptitudes et certains fondamentaux » (Ginouvès 1985 : 17). L’enquête archéologique et historique sur les revêtements de sol suscite des questions sur les modes traditionnels de construction. Quels types de pavements convient à quels modèles architecturaux ? Autrement dit, à quelles structures architecturales correspondent les différentes techniques de pavements ? Sont-elles, les unes, réservées aux cours, aux rues, aux salles de réunion et, les autres, aux espaces bâtis ? Certaines compositions sont-elles spécifiques aux lieux de culte ou réservées aux demeures royales, aux notables ou encore aux gens nantis ? Existe-il tel matériau ou telle technique aux espaces ouverts et fermés ? Faisaient-ils partie d’un décor général de l’habitation par goût, ou par volonté de prestige, ou juste pour l’hygiène ou la propreté ? « An important discovery which has resulted (of excavation), is that once feature of ancient Ife architecture was the potstherd pavement » 1 (Shaw 1969 : 50). À la lumière des données disponibles et des reconstitutions, nous avons tenté d’apporter des éclaircissements à ces interrogations. Deux fonctions distinctes, mais souvent complémentaires sont reconnues aux pavements et aux terres damées : esthétique et/ou de protection. Elles sont liées à trois modèles architecturaux : pratique religieuse, consolidation et protection des demeures privés et des lieux publics. 1. Pavements et espaces sacrés Dans toutes les religions et de tout temps, les lieux saints sont considérés comme des espaces spécifiques construits en l’honneur de Dieu ou des divinités. La beauté de ces constructions correspond souvent à l’importance du culte qui leur est rendu. Le soin et 1
« Une importante découverte provenant de la fouille, est le pavement en tessons de
poterie qui est l’une des caractéristiques anciennes de l’architecture ifè ».
111
l’attention particulière accordés à ces lieux et l’ingéniosité de l’artisan symbolisent l’hommage rendu aux divinités. Dans les sociétés africaines, où les activités religieuses et cérémonielles foisonnent, les sanctuaires et les temples jouent un rôle considérable. Dans la zone qui nous concerne, des pratiques rituelles sont associées aux pavements. Quelle est la place des pavements dans l’architecture religieuse en Afrique ? Sont-ils réalisés pour embellir les sanctuaires ou les temples, ou s’agit-il d’un mode de construction pour consolider les lieux saints et, par conséquent, les rendre propres et éternels ? Ou encore, les deux fonctions sont-elles complémentaires ? À partir des dimensions restantes retrouvées en surface ou exhumées en fouilles, de l’analyse de la stratigraphie, des associations de vestiges, nous avons pu distinguer des cas représentatifs à Ifè, à Notsé et à Ulaira. Quelles sont donc les techniques et les matériaux employés dans l’architecture religieuse ? 1.1. Sanctuaires et Temples En anthropologie religieuse, un sanctuaire (de sanctus, "sacré") est généralement un édifice ou lieu rendu (par "consécration") ou devenu sacré, par son association au Divin ou au transcendant. Le terme désigne donc un site sacré. En conséquence, ce lieu est parfois interdit aux profanes, et accessible aux seules personnes "sacrées", les ministres du culte (souvent appelés "prêtres") à la différence d’un temple classique construit pour être un lieu accessible en particulier aux fidèles, mais, pas seulement à eux. Dans une église ou un temple, le sanctuaire est la partie où se trouve l’autel et une représentation symbolique du Divin, où s’accomplissent les rites sacrés. Les sanctuaires et temples ont été retrouvés lors des fouilles sur plusieurs sites et chaque site présente une particularité lié à la culture qui prévaut dans ce milieu ou dans cette région. 1.1.1. Lieux religieux de Notsé Deux structures remplissent ce rôle d’espace religieux à Notsé. C’est un lieu religieux Dakpodzi. Le secteur est caractérisé par la construction des pavements en tessons de poterie posés à plat, sur trois ou quatre niveaux superposés, étalés sur un support argileux cuit. Au milieu se trouve une coupelle en poterie. Les informateurs d’Alinu ont fait savoir que ce pavement est un lieu où leurs ancêtres 112
accomplissaient des cérémonies religieuses. Selon le notable Damoin, ce lieu, signalé par leurs ancêtres, était resté introuvable jusqu’à ce jour, et « grâce aux fouilles, nous avons pu le repérer » 1 . L’informateur ne précise ni le genre, ni le cycle des cérémonies pratiquées en ce lieu, encore moins la période de la dernière utilisation du lieu. Le sondage effectué au pied de la coupelle a livré des fragments d’ossements effrités difficiles à identifier. En plus, durant la fouille, nous avons repéré à l’est une couche argileuse dure compacte, délimitée par un demi-cercle, limites probables d’un bâtiment en banco. Les zones nord et sud ne sont pas définies par les fouilles, puisque les pavements s’étendent dans plusieurs directions. Archéologiquement, on peut dire que l’on est en présence de ruines d’une construction ancienne de forme circulaire. Cette délimitation circulaire indique qu’il s’agit d’une case ronde à toit conique, généralement réservée au culte des divinités et des ancêtres. Alors que dans cette région, le type ordinaire d’habitation est la case rectangulaire couverte de chaume. Par ailleurs, la découverte des restes d’ossements animaux (ou autres ossements) sous la coupelle renforce l’hypothèse du caractère rituel de ce lieu. Il est aussi possible que des sacrifices aient été pratiqués avant l’érection du bâtiment pour le protéger des esprits et des puissances démoniaques. Cette coutume est encore en usage en Afrique, notamment chez les Ewé et les Guin au Togo, chez les Xwéda-Xla et les Fon au Bénin, où certaines espèces animales ou autres sont sacrifiées ou certaines espèces végétales enterrées avant la construction d’un édifice important, d’un sanctuaire ou d’un temple. Si Dakpodzi, ancien palais royal, a été le lieu d’intronisation et d’inhumation des rois de Notsé, on y a enterré ces trente dernières années deux chefs de canton de la ville, ces espaces privilégiés devraient avoir été construits spécialement pour abriter de telles cérémonies. Dès lors, ils deviennent des lieux sacrés et jouissent ainsi de la qualité de lieu exceptionnel. C’est ce que Mircea Eliade (1965 : 1
Depuis 1984, année même de la découverte de ce lieu jusqu’à ce jour, le notable Damoin Koudifo, et après lui, les chefs religieux dirige les cérémonies rituelles de la fête rituelle des Ewé “Agbogbozan”. Ils sont assistés des autres chefs des quartiers, et des chefs traditionnels de tout le pays éwé (Bénin, Togo, Ghana) et diaspora. Les cérémonies débutent le 1er jeudi du mois de septembre pour connaître son apothéose le samedi à la place de l’Indépendance. Une chose est sûre, les vestiges osseux exhumés autour du pavement laissent penser en effet à un rituel.
113
29) appelle « la non-homogénéité de l’espace ». On comprend donc pourquoi les pavements 1 et 2 sont différents de ceux découverts dans le même environnement et de ceux d’Alinu et de Wotségbémé. L’absence de ce type d’ouvrages dans les autres anciens quartiers (présumés royaux), Agbaladomé, Alinu et Ekli, indique que Dakpodzi a été effectivement le siège du pouvoir politique et religieux de Notsé jusqu’à une époque, pour l’instant, difficile à déterminer, peut-être jusqu’à l’exode des Ewés et peut-être après. D’autres données penchent en faveur de la distinction entre l’espace sacré et l’espace profane. C’est la superposition de plusieurs couches de pavements. Elle est liée à la réfection régulière de l’ouvrage et montre, par conséquent, l’importance de la sacralité du lieu. Ce dernier ne doit en aucun moment tomber en ruines. Son embellissement continu et périodique accentue sa fonction rituelle. Alors, nous émettons l’hypothèse que l’entretien régulier nécessitait des réparations fréquentes ordonnées avant les cérémonies de grande importance. Les sources orales restent évasives sur le contenu des rituels pratiqués : il n’est donc pas possible pour l’instant, de connaître ni leur nature, ni leur périodicité. Par ailleurs, les datations obtenues par la thermoluminescence renforcent ces observations, car, le premier niveau est daté de la fin XIVè au début XVè siècle, 1380±42 A.D., tandis que le troisième niveau remonte à la seconde moitié du XVIIIè siècle, 1750 A.D., (donc 350 à 400 ans entre les niveaux 1 et 3). D’un autre côté, le lit ou support cuit du pavement III est daté de 1040 ± 40 A.D soit le XIè siècle. (planches 17, 18, 19).
114
Plannche (14 a et e b) : Paveement I en tessons de poterie poosés à plat I à quatre niveaux n supperposés, av vec la coup pelle entouréée de bordds Dakpodzii-Notsé (To go)
Clichhés pris par Ag guigah en 19884
Le choix ett le regrouppement harm monieux dess tessons dee poterie de mêm me couleur, de même ddécor, la taiille plus ou moins réguulière de chaquee tesson, mo ontrent avecc quel soin les l anciens habitants dde Notsé ont tenuu à embellir ce lieu, à le distingueer des autrees, à lui assuurer une hygiènee soutenue et e peut-être à le rendre éternel com mme lieu dee culte. Ces quelqu ues élémentss d’appréciaation relèveent sans douute de la sacralissation de Dakpodzi, caaractère quee les sourcess orales évooquent à souhaitt. Par ailleeurs, ces dates sont cohérentees avec ceelles de l’occuppation et des différentees trames dee l’histoire du site, quii s’étale entre lee début du XIVè et la seconde mo oitié du XIX Xè siècle, aavec des è è activitéés intenses aux a XV et XVII siècles. Cepend dant, la datee du XIè 115
siècle obtenue à partir des lits ou supports confirme l’occupation ancienne du site avant l’arrivée de la première vague des Ewés. Les activités de la cité ont, bien évidemment, continué après l’exode des Ewés jusqu’à la colonisation européenne, où Notsé, comme toutes les cités africaines, voit ses structures sociopolitiques traditionnelles s’effondrer et subir des bouleversements profondes de toutes natures. 1.1.2. Lieux religieux d’Ifè À Ifè, la présence des sanctuaires et des temples répond aux soucis des Yoruba de construire des espaces privilégiés pour protéger leurs nombreuses divinités à l’époque quatre cent un (401) selon les informations obtenues par F. Willett. L’environnement naturel (l’étendue de la forêt tropicale) présente des domaines favorables et un cadre idéal qui permettent d’abriter ces divinités des regards profanes. Elles sont représentées dans des bosquets ou dans des concessions familiales où elles sont sérieusement protégées. De l’avis de Willett 1971 : 206) beaucoup de ces bosquets sont maintenant englobés dans l’agglomération urbaine, où les essences forestières sont autant que possibles protégées. Mais de « nombreux bosquets ne servant plus de culte ont été désaffectés et l’on a construit sur leurs emplacements ». Trois types d’édifices religieux pavés sont identifiés : les sanctuaires domestiques, les temples et lieux funéraires. 1.1.3. Sanctuaires domestiques Ce sont des autels domestiques intégrés au domaine familial. Les concessions composées de plusieurs maisons d’habitation abritent à l’intérieur des autels. Des figurines de terre cuite, des objets rituels, des poteries décorées de motifs anthropomorphes ou de scènes de la vie humaine sont placées sur ces autels. Denyer (1978 : 52) en apporte la précision suivante : « Among the Bini, Yorouba, Acanthe, and, for instance, shrines were altars inside ordinary dwelling houses »1. Cette observation s’accorde avec les résultats des fouilles qui ont livré des vestiges identiques. Dans les concessions des Obalara, on a découvert des autels (pavements A, B, C, et G référence à la planche 20), recouverts de 1
« Parmi les peuples Bini, Yorouba, Acanthe, par exemple, les couvents étaient des autels à l’intérieur des habitations ordinaires.»
116
tessons de poterie posés sur chant et de matériaux lithiques sur lesquels est déposée une grande variété d’objets rituels. Sur le pavement A est placée une sculpture de terre cuite en forme de serpent enroulé en cercle. L’autel B porte au milieu un pot décoré de motifs en reliefs, ainsi que des pots, des bols, des mandibules de chèvre, des aiguilles en fer. Sur le pavement C se trouvent dix-sept récipients et au milieu le col d’un vase. Il n’y a aucun doute : ce sont des objets sacrificiels déposés sur les autels par les occupants de la concession, sacrifices offerts à leur divinité protectrice. La date obtenue situe l’occupation du sol pendant la première moitié du XIVè siècle, et montre qu’elle est contemporaine à l’installation des autels. Les poteries décorées de motifs de personnages en reliefs, de vases pour recevoir la libation, sont autant d’éléments qui confirment la fonction rituelle de ces lieux. La présence des aiguilles en fer en forme de clous suggère qu’il existait une construction en bois en ce lieu. Entre les ouvrages B et G, on peut identifier une quarantaine de squelettes en bon état ou fragmentés, des sculptures de terre cuite de personnages difformes, des ossements humains et deux poteries enterrées. De tout cet assemblage d’objets associés aux pavements, on peut dire que l’endroit a été un autel sur lequel des offrandes étaient offertes et où l’on pratiquait des cérémonies pour des divinités (planches 20a, 18b, 19). On retrouve la même organisation de l’espace religieux dans la concession des Woye Asiri, à 100 m environ de celle des Obalara. Les blocs de bâtiments munis de sols pavés, situés à l’est et à l’ouest du complexe, montrent assez clairement le plan des maisons. Les sols sont recouverts de pavements en tessons ou alternés de matériaux lithiques. L’emplacement des autels sont délimités par des demi-cercles concentriques en tessons et/ou matériaux lithiques situés au nord et/ou au sud (pavements II, VIII, IX), à l’est et à l’ouest on trouve le (pavement III). L’espace ainsi aménagé est contigu et s’intègre au domaine d’habitation familial. Au milieu de ces sols pavés, on peut observer des cercles concentriques à l’intérieur desquels se trouve une coupelle dont le fond était brisé. Il ne reste de ce récipient que le col incrusté dans le pavement. L’aménagement de l’intérieur de cette structure laisse penser qu’on versait dans cette coupelle une libation pendant des cérémonies rituelles. L’occupation du site débute vraisemblablement aux XIIè et XIIIè siècles, et prend fin aux XIVè et XVè siècles, approximativement contemporain de Obalara, période qui coïncide avec l’élaboration des pavements (planches 15). 117
Photo 15 : Pavement mixtee IX en teessons de poterie p surr chant alternéées de ban ndes de m matériaux liithiques, décoré de ccercles concenntriques au u milieu, aau Nord et au Sud, motifs m de ttissage Conceession de Woye W Asiri-Iffè (Nigéria))
Cliché pris par Garlaake en 1977
Les fouilles à Ita Yem moo ont mis au jour trois autels donnt l’un contenaait des sculp ptures en bbronze ; et sur s les deux x autres, reccouverts de paveement, sontt disposés ddes objets rituels, r des sculptures de terre cuite. Les L revêtem ments de soll des deux autels sont datés du X è et XIè siècles environ, alors que les objets ont été déposéss vers le XIIIè siècle (Willettt 1971 : 128 8). Les paveements sontt donc antérrieurs à la ppose des objets. L’auteur soutient l’hyypothèse qu ue les objets ont été ddéposés dans unne case en banco recoouvert de ch haume, et que, q au couurs d’un incendiie, le toit a brûlé b et donnc exposé lees objets. Lees ruines dee la case effondrrée ont reecouvert lees objets que l’érossion et l’ eau de ruisselllement ont ensuite m mis au jourr pendant les fouillees. Pour Willett, il s’agit d’un sanctu tuaire, maiss celui-ci ne n présentee pas la même organisatio on que lee sanctuairre de Laffogido, de forme 118
rectangulaire entouré de 14 poteries rituelles avec une dépression au milieu. Cependant, du point de vue de la chronologie, les deux sites sont contemporains. On a découvert à Ita Yemoo, un tombeau sur un pavement en tessons de poterie de six mètres et demi de longueur, associé à des objets rituels de terre cuite. À Ifè, les tombeaux sont aménagés sur ou sous les pavements, montrant ainsi leur antériorité, contemporanéité et postériorité avec l’inhumation des personnes. 1.1.4. Autres exemples de sanctuaires domestiques La pratique d’incorporer les autels aux concessions domestiques est aussi observée dans le palais à Bénin-City. Ainsi, peut-on remarquer des autels similaires garnis de demi-cercles, dédiés aux anciens rois (Oba) dans l’actuel palais (Garlake 1977 : 69). De l’avis de l’auteur, ils ressemblent du point de vue des dimensions, aux autels de Woye Asiri. Par contre, la présence d’une cuvette circulaire est comparable au modèle de Notsé, situé dans une zone géographique éloignée, d’environ 800 km, mais partageant un même fond culturel avec Ifè. Nous l’avons aussi remarqué dans le palais du roi AjaKanoumabou, à Tado, où le sol de sa cour intérieure, aménagé en ciment, porte au milieu une dépression circulaire. Ces cuvettes sont sans doute placées pour recevoir les offrandes, notamment la boisson locale ou importée réservée aux cérémonies rituelles. Les officiants invitent ainsi les ancêtres ou les divinités à s’associer au culte qui leur est destiné. Peter Garlake (1977 : 69) confirme, à partir de l’observation faite à Obalara, qu’il est probable, voire plausible, que le récipient portant des sculptures en relief, placé au milieu d’un pavement, soit une poterie rituelle destinée à recevoir la libation offerte aux divinités. Mais, les poteries d’Ifè sont de forme globulaire et il suggère que l’on a creusé un trou assez profond avant de l’enterrer. Par contre, à Notsé, il s’agit d’une coupelle avec un fond plus ou moins plat que l’on a déposé à cet endroit précis. Dans le cas de ces structures, deux éléments penchent, en effet, en faveur d’un lieu rituel : la présence des coupelles au milieu des sols pavés et des emplacements pour les autels. Le fait que les populations actuelles de Notsé servent la libation (bière de mil) et farine d’igname mélangée d’huile de palme « djawouwou » dans cette coupelle le jour
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des cérémonies de la fête rituelle d’Agbogbo, confirme le rôle rituel de ce récipient. Les utilisateurs de ces lieux accordaient-ils peut-être une signification symbolique considérable à la coupelle, plus que le simple rôle de contenant d’offrandes. Lorsque l’on observe les sols pavés munis des emplacements les cercles concentriques, réservés aux autels, disposés selon les quatre points cardinaux, on constate une convergence à partir de ces cercles vers le centre. Cette disposition voudrait-elle symboliser le « centre du monde », le lieu vers lequel tout converge, où tout se concentre, aussi bien les forces naturelles que surnaturelles ? Ce lieu représente-t-il aussi le nombril de la communauté ou de la société, et crée-t-il une relation entre les vivants, les morts, les divinités et Dieu le Créateur ? Les sanctuaires, espaces sacrés par excellence, domaines des divinités, consacrent la rupture entre les deux mondes, établissent la communication entre le ciel (les divinités, les ancêtres et Dieu) et la terre (les hommes). La présence de ces coupelles au milieu des pavements ayant une fonction essentiellement religieuse à Ifè, la cité-mère des villes yoruba, et à Notsé, ville de troisième génération issue du modèle yoruba, montre l’importance de l’influence yoruba dans la région ouest africaine. 1.1.5. Sites funéraires Le secteur de Lafogido a produit un pavement sur lequel sont disposés quatorze pots rituels portant des couvercles de formes animales et des sculptures de terre cuite. Au milieu de ce pavement se trouve un trou, probablement un trou de poteau creusé pour soutenir la charpente du toit en chaume qui recouvrait le bâtiment. La position du trou indique qu’il s’agit d’une construction circulaire, comme les cases rondes généralement réservées au culte des divinités et des ancêtres dans cet espace régional. Ce que confirme Ellis (1894) en ces termes «…buildings over shrines were circular »1. Tombe ou temple, le mystère n’est pas encore levé. Cependant, si on retient l’hypothèse d’une tombe, le pavement aurait servi de dalle tombale pour protéger le lieu d’inhumation et éviter son affaissement. Mais selon l’Oni Adésoji Adérémi d’Ifè, c’est le lieu d’inhumation de l’Oni Lafogido, qui aurait régné au début du XIXè siècle. Or, la date obtenue à partir du charbon prélevé à l’intérieur du 1
« Les bâtiments des couvents étaient circulaires ».
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pavement remonte au XIIè siècle (1110 AD) et s’accorde parfaitement avec celle de l’ensemble du site, notamment à Ita Yemoo (960±130 AD ou le XIè siècle, et 1160±130 AD ou le XIIè siècle). De ce fait, le lieu ne serait pas la tombe de Lafogido, comme le prétend l’Oni Adésoji Adérémi, ou pas seulement lui, mais, surtout celle d’un roi qui a dû régner au XIIè siècle. Toutefois, sept familles célèbrent le culte de Lafogido encore aujourd’hui à Ifè. L’inhumation d’un roi ou de Lafogido à cet endroit peut se justifier pleinement, dans la mesure où, dans certaines coutumes (comme chez les Ewés du Togo), on peut enterrer les gens de rang social élevé dans les maisons encore habitées ou dans les sanctuaires, afin de perpétuer les relations entre les vivants et les morts. Cette pratique peut être comparée, dans la religion chrétienne catholique, aux inhumations des évêques ou des prêtres supérieurs dans les cathédrales, églises ou lieux de culte. On se pose la question de savoir s’il s’agit d’un temple. La présence de quatorze pots et de sculptures d’animaux sont des éléments en faveur de cette hypothèse. Quel culte les Yoruba associaient-ils à cet espace religieux ? À quoi se rapporte le nombre quatorze (14) dans le rituel yoruba. Le fait aussi que l’extension de la fouille ait livré d’autres pavements, une poterie et une hache en pierre, laisse penser à l’existence d’une partie d’un temple relativement vaste et étendu. Nous n’avons pas pu apporter des réponses à ces différentes interrogations pour l’instant. 1.1.6. Bosquets Trois bosquets abritaient des temples recouverts de pavements sur lesquels sont disposés des sculptures de terre cuite, des sous-styles naturalistes. Willett (…) pense qu’elles sont en rapport avec les différents cultes qui y ont été pratiqués. Si, à Ifè, on trouve des sculptures stylisées à des degrés divers, il existe également un style hautement naturaliste. Le bosquet d’Irwirin en a livré la plus grande quantité, avec des personnages royaux et un groupe de sièges de grande nature. Celui d’Osongongon Obamakin a produit des personnages difformes dans un style réaliste. Dans ces bosquets, les édifices qui abritaient les objets ont aujourd’hui disparu ou sont tombés en ruines. En général, les objets de culte étaient déposés dans les temples pavés de tessons de poterie posés sur chant ou combinés de galets de quartz. Denyer (1987 : 53) précise ce qui suit : « Yoruba 121
temples were often floored with decorative mosaic pavements (as were some of their sacred groove) »1. Dans les bosquets, outre les abris comportant des objets rituels, les divinités yoruba étaient aussi abritées dans des temples à impluvium, munis de cours intérieures pavées. Jacques Bertho (1950 : 75) rapporte qu’il avait visité « un temple fétiche dont les constructions formaient un quadrilatère continu autour d’une petite mare d’eau ayant environ 3 mètres de largeur ». Ces temples ont aujourd’hui disparu, évidemment à cause de l’absence de préservation ou de la progression de l’urbanisme. Néanmoins, on a pu conserver quelques-uns dans lesquels on peut trouver encore des divinités. 1.1.7. Lieu religieux d’Ulaira Des indications religieuses sont attribués au pavement d’Ulaira, sous lequel reposent des poteries rituelles perforées et renversées. Contrairement à Lafogido, les poteries sont posées sur le pavement. Il est exécuté en trois matériaux : tessons de poterie, blocs de quartz et galets. Dans les deux cas, Ulaira et Lafogido, les dates obtenues par le radiocarbone situent le premier au XIIIè siècle, et le second au XIIè siècle. Or, ces deux zones sont situées géographiquement dans un espace plus ou moins éloigné l’un de l’autre, le lac Kainji pour le premier et le sud-ouest du Nigeria pour le second. Il reste donc à savoir si les objets ont été disposés avant ou après la confection du pavement, s’ils lui sont contemporains, ou si leur présence augmente seulement la beauté de l’ouvrage. Dans l’ensemble, les pavements associés à la pratique religieuse sont exécutés en tessons de poterie posés sur chant, quelques-uns sont décorés de galets. Seul le pavement entièrement de tessons est à plat. Toutes les compositions sont très élaborées, avec une recherche esthétique poussée qui laisse entrevoir le soin apporté à leur réalisation. S’il existe une réelle intention de décoration, on note également le besoin intense de consolider un lieu rituel, de le conserver pour les générations présentes et futures et de le rendre éternel. La délimitation de l’espace sacré renforce ainsi la rupture entre l’espace communément habité et l’espace réservé au culte, qualitativement différent. Vu les plans circulaires et rectangulaires 1
« Les temples yorouba étaient souvent revêtus de pavés décoratifs en mosaïques comme certains de leurs bosquets sacrés ».
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dégagés en fouilles, ces lieux saints étaient soit d’anciens espaces couverts et retirés de la vie quotidienne, comme les temples-bosquets, soit des espaces intégrés à l’espace familial, comme les sanctuaires d’Obalara et de Woye Asiri. En récapitulant, on constate que les sociétés traditionnelles ont su organiser leur cadre de vie en le découpant en différentes catégories, et en réservant une place au sacré, une place au profane. Les deux peuvent se côtoyer sans, bien entendu, se confondre, car, leur rôle est différent mais complémentaire. Bien que les sanctuaires domestiques soient intégrés dans l’espace d’habitation, ils définissent deux mondes distincts, tels que le fait remarquer Mircea Eliade (1965 : 38). Pour lui, « Un lieu sacré constitue une rupture dans l’homogénéité de l’espace ». 2. Pavements et le cadre d’habitation L’analyse des données montre l’usage intensif des pavements et des terres damées dans l’architecture domestique. Outre les cas cidessus décrits, tous les autres ouvrages ont joué un rôle fonctionnel dans l’organisation du cadre d’habitation des sociétés concernées. (F. Willett 1992), qui a énormément fouillé les pavements d’Ifè, notamment ceux d’Ita Yemoo, distingue trois fonctions principales : « It is clear from my excavations that the pavements were placed : − in the centre of impluvium as the case of Roman Catholic Mission site, where there was a drain to conduct away the rain water1; − around courtyards, underneath the verandah, as the case of the large pavement at Ita Yemoo2; − in passageways between houses inside compounds as be seen from the pavements under Adesiyan’s house in Ita Yemoo »3.
De ces trois fonctions, la plus répandue et la plus connue dans la zone d’étude est l’habitude de paver les cours des maisons et les passages entre les concessions pour lutter contre l’érosion. Par 1 « Il est évident au regard de mes fouilles que les pavements ont été localisés : 1-au centre de l’impluvium, comme dans le cas du site de la Mission Catholique Romaine, où il y avait une canalisation pour évacuer l’eau de pluie ; 2 Autour des cours des maisons, sous la véranda, comme dans le cas du grand pavement d’Ita Yemoo ; 3 Dans les passages entre les maisons à l’intérieur des cours comme on peut le constater sur les pavements sous la maison d’Adesiyan à Ita Yemoo ».
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ailleurs, les fouilles ont montré que l’intérieur des cases ou des huttes couvertes de chaume étaient généralement pavées par la technique à plat, et rarement par la technique sur chant, tandis que cette dernière est employée dans les espaces extérieurs. À travers l’étude des structures de pavements et l’espace dans lequel elles s’intègrent, il apparaît que les pavements à plat étaient souvent destinés aux espaces couverts, comme à Notsé. De même, on remarque que les pavements sur chant servaient à décorer ou à consolider les espaces ouverts, par exemple les rues et les cours à impluvium, comme à Ifé. Il existe des cas où les deux techniques sont employées sans aucune distinction réelle ou apparente, dans les sanctuaires, comme à Notsé et Ifé. Il est ici évoqué ceux qui présentent des étendues assez significatives, pouvant informer sur des modèles architecturaux : Notsé, Ifé, Ulaira, Daïma. 2.1. Espaces couverts À Notsé, au Togo, deux exemples sont notés : le pavement à Dakpodzi I, désigne un demi-cercle et circonscrit les limites d’une construction circulaire. Le deuxième, Dakpodzi II, forme une demicirconférence délimitée par des tessons de poterie plantés sur la pointe dans le sol et à l’intérieur, des tessons de poterie sont posés à plat sur deux niveaux superposés (planche 18 a, b, c) L’étendue assez considérable de la structure de 28m de diamètre, soit 88 m2 suggère qu’on est en présence d’une grande salle ronde de réunion ou de rencontre, soit pour des réunions du palais, soit pour des cérémonies rituelles -la présence d’une trace marquant l’emplacement d’une coupelle penche plutôt en faveur de la seconde hypothèse- cérémonies rituelles. Autour de cette structure, s’organise un ensemble de pavements en tessons de poterie posés sur chant ; à 50 m, se trouve un autre pavement en tessons de poterie posés à plat et des vases décorés autour desquels s’organisent des ruines de plusieurs concessions. Cet ensemble architectural complexe fait partie de l’organisation de l’espace à Dakpodzi. De cela, on peut déduire que le quartier abritait plusieurs concessions composées de lieux de prières et/ou de réjouissance et de maisons d’habitation. À Ulaira, au Nigéria, les fouilles ont mis au jour des pavements identiques, liés à l’architecture domestique. La tranchée II a livré un pavement combiné de trois matériaux : tessons de poterie, galets et quartz, de 20m de longueur sur 5 de largeur, soit 100 m2 de 124
superficie. Cette étendue, qui dépasse communément celle d’une chambre ordinaire, laisse penser que l’endroit aurait été un centre de rencontre pour la communauté villageoise ou lieu de cérémonies rituelles. Plusieurs autres indices de pavements domestiques sont repérés dans des contextes archéologiques à Ulaira, où l’on peut les attribuer à des ateliers, des maisons de repos ou d’habitation. À Daïma, une structure circulaire circonscrit les limites d’une hutte dont une grande surface interne est entièrement pavée. Elle ressemble à celle généralement observée à Ifé et à Benin-City, sauf qu’ici la superficie est apparemment dégagée. 2.2. Espaces ouverts Dans ces espaces, deux types de lieux ouverts pavés sont découverts : − les rues, les chemins entre les concessions ; − les cours à impluvium, les vérandas, les cours ouvertes, les salles de réunion. À Ifé, des fouilles ont mis au jour un nombre important de structures d’habitation. Les pavements épousent souvent la forme circulaire et délimite ainsi les plans des anciens bâtiments. À partir de ce qui reste des compositions et des styles variés, on peut déterminer des espaces construits pavés en tessons de poterie sur chant et /ou en matériaux lithiques. 2.2.1. Concessions à impluvium Chez les Yoruba et Edo (Bénin-City), le mode de construction traditionnel le plus connu est l’impluvium. Les concessions à impluvia sont une série de maisons munies de vérandas regroupées autour de petites cours carrées. Au centre, convergent les eaux de pluie provenant du toit, qu’on recueillait dans de grandes poteries placées sur le sol. Willett a trouvé dans les fouilles à Ifé, des impluvia munies de ces petites cours pavées de tessons de poterie ou combinés de blocs de quartz, munies de drains destinés à rejeter le surplus de l’eau de pluie à l’extérieur. Ce procédé permet de protéger les parois de l’érosion, de stocker l’eau pour s’en servir pendant la période de saison sèche et de réduire l’érosion occasionnée par le ruissellement. Plusieurs structures de ce type ont été découvertes, notamment sur le site de la Mission catholique où l’on trouve des pavements 125
munis de canalisaation pour évacuer le surplus dee l’eau de pluie à travers les murs : un u drain d’éécoulementt en poterie (planche 166b), une anciennne meule en n pierre uséee et trouée au a milieu en n guise d’enntonnoir (planchhe 21a) et un goulot de pot quii avait serv vi de suppoort à un récipiennt destiné à recueillir l’’eau de pluiie (planche 16b) (Willettt 1971 : 103 3-104). Planche 16 : Pav vement en matériaux lithiques à plat, mélaangé de s chant (16a) alterrnés de quelqques tessons de poterrie posés sur quelqques tessons de poterrie posés sur s chant (16b) alterrnés de matérriaux lithiqu ues, muni d’un fragm ment de tuy yau commee égout (16c),, Mission caatholique Saaint-David-Ifè (Nigeriaa)
a
b
Cliché pris par Willeett en 1967
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c
Photoo 16bis : Vue V généralle du grou upe ouest de d pavemennts en tessonns de poteriee. Woye Asiiri-Ifé (Nigeeria)
Cliché pris par Garlaake en 1977
À Woye Asiri, A les pllans des maaisons liés aux espacees pavés montree que les ou uvrages recoouvraient des d cours à impluvium m. L’eau de pluiie tombée dans d les jarrres est évaccuée à l’extéérieur par uun drain encore visible dans les pavem ments (plancche 22). En récapitu ulant, plusieeurs raisonss ont dicté les construcctions à impluvvium en Affrique. D’unn côté, l’in ntention de collecter ll’eau de pluie dans de gran ndes jarres oou dans des citernes pendant la saiison des pluies pour p s’en servir s en péériode sèche, afin d’év viter le dram matique problèm me de manque d’eau. De l’autree, la collectte de l’eau atténue l’effet de d l’érosion n causée parr les eaux de d ruissellem ment provennant des toits dees maisons (Shaw 19669 : 157; Willett W 1971 et Denyerss 1978). Ce proocédé évite de pataugger dans la boue et permet d’asssurer la propretté et l’hygièène de la villle. À Ifé, le paavement com mposé de raangées de teessons de pooterie et de quarrtz blancs est e muni d’uun drain d’éécoulement et, au centrre, d’un supportt circulaire de poterie pplacée pourr recevoir l’eau de pluiie. Cette structurre, assez orriginale et caractéristiique de ce site, semblle avoir servi dee cour pavéée d’une maaison à implluvium. Parr ailleurs, onn trouve au milieu de plu usieurs autrees pavemen nts des strructures cirrculaires ou des galetss. délimittées par des tessons de poterie et/o À partir de d l’explicaation de Willett W (197 71), on peuut donc supposer que ces cercles conncentriques (creux et peu p profondds) sont ainsi des d supporrts de granndes jarress de réserv ve d’eau, qui les 127
maintiennent parfaitement en équilibre. Toutefois, ces aménagements sont bien différents des demi-circonférences qui marquent les emplacements des sanctuaires et les autels familiaux. Mais, on remarque au centre d’un pavement posé sur chant, un cercle en cauris (cyprae moneta cyprae annulus), le coquillage le plus utilisé en Afrique. Or, ces cauris servaient d’unité monétaire dans de nombreuses régions d’Afrique noire avant le contact avec le monde européen. Outre cette fonction économique, les cauris ont une fonction divinatoire, notamment dans la géomancie Afa ou Ifa chez les populations de la côte du Golfe du Benin (Bascom 1969 ; Johnson 1970).Ils servent actuellement comme objet de consultation dans les cérémonies religieuses. L’association des cauris au pavement laisse donc supposer que l’on est en présence d’un lieu rituel où l’on accomplissait des cérémonies en l’honneur d’une divinité. Aucun autre objet n’était disposé sur le pavement. Aujourd’hui, les grands pots sont remplacés par des réservoirs ou des citernes en ciment, et la construction des maisons à impluvia est réduite en pays yoruba. Ces systèmes d’évacuation ressemblent à ceux retrouvés dans les fouilles à Ifé (Willett 1990 : 128), mais certaines anciennes maisons sont encore habitées et heureusement entretenues. Ojo, qui a étudié les palais des rois yoruba, en distingue quatre types, chacun a un emplacement précis dans le plan de la construction. Le palais d’Akuré, un des mieux conservés, est l’exemple d’un plan « traditionnel » de maison à impluvium. Selon le roi Adésida, « le palais renfermait sept-cent vingt divinités ayant chacune son temple ou son autel dans le palais » Ojo (1968 : 97). En effet, les anciennes maisons à impluvium sont aujourd’hui rares en pays yoruba. Seules quelques palais et des temples en conservent encore des plans. Il semble, d’après Bertho (1975 : 75), que : « L’urbanisme relatif qui s’est développé chez les Yorouba du Nigéria, par suite de l’important regroupement des populations dans de nombreuses villes de plus de 50 000 habitants, a sans doute nui à la multiplication de ce type d’habitation (à impluvium) qui, pour se développer, a besoin d’une certaine surface de terrain ».
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Dans le même m ordree d’idées, Denyers (1978) signnale des rapprocchements en ntre les maiisons à implluvium de l’Afrique dee l’ouest et cellees de l’Egy ypte et de la Rome antique, a notamment enntre les pavemeents yorubaa et de Beenin-City et e les mosaaïques rom maines 1 . L’auteuur note d’au utres caractééristiques similaires ob bservables ddans les deux ciivilisations, telles que d’éventuellles relationss entre l’Affrique et le bassiin de la Méd diterranée. Photo 17 : Pavement enn tessons dee poterie po osés sur chaant enntouré de quatorze q potts rituels av vec au milieeu un trou dde poteau ? Laffogido -Ifè ((Nigéria)
C Cliché pris par Eyo en 1969 et Aguigah en n 1989
2.2.2. Lieu ux publics Les chemin ns entre les concession ns sont souv vent pavés eet munis our évacuerr l’eau de plluie ou mêm me les eaux uusagées de canaalisations po à l’exttérieur dess maisons. Celles-ci délimitent des cerccles qui indiqueent les planss des ancienns bâtimentss. Willett (1 1971 :103) rrapporte que less pavages se s retrouvennt parfois sur s les routes et les cchemins aujourdd’hui fréqueentés et se rrévèlent d’u une extrêmee durabilité,, malgré 1
. Nous avons relevé quelques ssimilitudes en ntre les pavem ments africain ins et les mosaïquues gréco-romaaines au chapiitre 4
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le passage de toutes sortes de véhicules. Selon l’auteur, l’un d’eux, situé près d’un auto-parc, a servi pendant des années de voie de roulage pour les camions et a parfaitement résisté à ce traitement. Un tel aménagement montre, bien entendu, la résistance des matériaux et le sérieux des anciens artisans. Le même cas est observé à Notsé, où un pavement combiné (tessons et galets) découvert au milieu d’une rue régulièrement fréquentée, résiste encore aux chocs mécaniques depuis plusieurs d’années. Les découvertes de Woye Asiri et d’Obalara, les deux sites distants de 80 m montrent une série de pavements qui confirment l’existence de cours de palais. Les plans de ces deux complexes de bâtiments et la succession stratigraphique laissent supposer une occupation continue par un même groupe culturel entre le XIIè et le XIVè siècle. La lecture du plan d’Obalara et de Woye Asiri et la stratigraphie des niveaux à pavements indiquent clairement que les ouvrages recouvraient les cours ouvertes des maisons munies des sanctuaires familiaux. Ces structures sont reliées entre les pièces qui occupaient des fonctions différentes. En effet, chaque pièce joue un rôle précis dans la concession et la disposition des objets ou leur association sur les pavements montre leur place dans l’architecture domestique. Ici, ils protègent et/ou présentent une frappante ressemblance avec les maisons de Benin-City. En outre, on constate une concordance chronologique entre les trois sites, datés de la fin du XIIIè au début du XIVè siècle. Il est probable que l’on se trouve en présence du mode de construction dominant de l’époque. Chez les Fali de Ngoutchoumi, au Cameroun, la cour intérieure en terre battue est rarement pavée de pierres plates. L’ « ara », la chambre la plus importante (celle du maître du foyer), est damée ou revêtue de pavement ou mosaïque. Les murs de cette chambre sont décorés de peintures à motifs géométriques alternativement jauneocre, rouge-ocre et noir. (Gauthier 1970). Chez les Nupé au Nigéria, les murs et les parquets sont décorés de fragments de disques confectionnés spécialement à cet usage (planche 25). Nzewunwa (1982) rapporte que chez les Kambari de Makawa au Nigéria, les maisons d’habitation et les ateliers où l’on reçoit les visiteurs sont généralement pavés de tessons de poterie. Ces constructions, de forme rectangulaire associée aux pavements et au matériel métallique -scories, objets ferreux- laissent penser à des ateliers de forge. Ce type d’association est découvert en fouilles à Ulaira dans le sondage II Extension et dans les pavements B et C 130
d’Obalara à Ifé. Les Igbo et Ikwere ont exécuté des pavements en noix de palme, et non en tessons de poterie comme on le trouve partout ailleurs dans la zone retenue. Ces pavements, qui recouvrent généralement les couloirs, les salles de repos sont très esthétiques et présentent un sol noir agréable à la vue. Ils sont aussi solides, et protègent le sol pendant une longue période. De nos jours, des utilisations de sols pavés sont observées dans les localités ailleurs en Afrique, mais aucune chronologie ne les situe dans le temps. Dans la vallée du Nil, des pavements modernes confectionnés avec des tessons de poterie décorent les sols des huttes et des cours ouvertes. Par ailleurs, en Afrique du Nord, on a fait usage de pavements dans les salles de séjour, les toilettes, les salles de bains, les cuisines, et aussi dans les maisons à impluvium. 2.3. Fonctions et techniques des pavements et terres damées Les informations essentielles à tirer de tous les usages cidessus mentionnés sont les suivantes : − les pavements posés à plat (tessons) ont été employés pour les sols d’intérieur, des lieux privés : les demeures royales, les chambres à coucher des gens nantis, des notables, des chefs…, ou certains lieux spécifiques (Notsé). Le sol d’une maison où l’on vit et dort doit être solide, plat et agréable à la vue. D’abord, dans un but pratique, pour empêcher la faune du sol (insectes, termites, champignons, fourmis, cafards…) de pénétrer sous la literie, et dans les pièces. Tout comme on édifie des maisons sur une fondation en pierre (Willett 1990 : 115), on doit assurer une horizontalité à la literie au sol et aussi maintenir l’équilibre de tout le corps ; − les pavements posés sur chant (tessons ou combinés de matériaux lithiques) ont été en usage pour décorer les lieux publics, afin de renforcer la solidité et la pérennité des sols : lieux religieux (Ifé, Ulaira), aménagement des rues (Ifé, Tado), des cours (Ifé, Tado, Notsé), des salles de réunions de grande ou de petite taille (Daïma, Ulaira, Notsé). Il s’agit d’assurer l’hygiène et la salubrité des rues et des quartiers et éviter de marcher sur une rue boueuse. Dans l’ensemble, la protection et la consolidation des sols demeurent le souci majeur des populations depuis des siècles et dans toutes les localités étudiées en Afrique. On confectionne des pavements pour lutter contre l’érosion des eaux de ruissellement (Ifé), pour éviter de patauger dans la boue par des temps pluvieux (Ulaira, 131
Ifé, Tado, Notsé), pour assurer la commodité de l’espace de vie (Daïma, Notsé, Old Warra, Nassarao, Bé, N’Guéwé), pour vivre dans un environnement agréable (Tado, Notsé, Blitta, Bassar; Paratao, pays kabiyè; Dapaong, Godin, Togudo-Awutè, Shai, … et les autres localités. En général, les populations recherchaient un confort, un environnement paisible, sain et propre, afin de vivre en toute tranquillité et en parfaite santé. Le plan d’urbanisation de la ville d’Ifé décrété par la reine Oluwa est assez édifiant. Ces projets, élaborés pour la construction des routes et des rues, consistaient à faciliter les circulations des personnes et des biens. Des fouilles d’Ifé, si l’on pouvait reconstituer les plans des anciens quartiers, il serait possible, voire plausible, d’établir la cartographie ancienne, ce qui donnerait un aperçu d’ensemble sur les espaces pavées à Ifé : les rues, les places publiques et les sanctuaires. Ces plans relèvent du même souci des ingénieurs des ponts-etchaussées qui choisissent tel ou tel revêtement, tels ou tels goudrons ou ciments pour les routes, même si la recherche esthétique reste secondaire. En joignant l’utile à l’agréable, les populations ont, bien entendu, cherché à créer un cadre d’habitation attrayant, un confort et une commodité exigeants, selon les localités et selon les moyens économiques des dirigeants. Ainsi apparaît la valeur décorative et esthétique des revêtements de sol. Eu égard à tout ce qui précède, on remarque que le souci des instances dirigeantes des villes ou des campagnes qui ont produit des pavements et des terres damées était de doter le cadre de vie de structures capables d’assurer le confort des populations et de le rendre habitable. L’organisation de ces espaces laisse entrevoir la création volontaire d’un plan d’aménagement urbain visible dans les agglomérations concernées. On y repère, en effet, des indices d’un phénomène urbain visible : la construction d’enceintes en terre battue (Ifé, Old Oyo, Bénin, Old Warra, Tado, Notsé, Togudo-Awutè, Yelwa) ou des fossés (Kétou, Kagoge), entourant les villes, les cités ou les royaumes, afin de se sentir en sécurité. À ces indices relatifs à un plan d’organisation spatiale, on ajoute la présence, au centre de la ville, d’un palais royal (cas du pays yoruba). En face du palais : le marché de la ville ; non loin, se trouve le temple. En outre, la présence en fouille de vestiges d’ancienne industrie (métallurgique, poterie, l’artisanat…), de même de produits manufacturés, indique l’existence d’activités économiques, une organisation sociale assez bien 132
structurée Il s’agit bien entendu, des agglomérations urbaines, dont certaines sont délimitées à partir des recherches historiques et archéologiques. En prenant le cas des villes qui se sont développées selon le modèle yoruba, force est de constater que ces cités ont emprunté à la cité-mère, Ifé, son plan d’organisation. À partir des données disponibles, nous avons tenté d’intégrer les revêtements de sol dans l’organisation de l’espace habité et de voir la place que les populations leur accordent dans l’embellissement de leur cadre de vie. Qu’en est-il alors de l’organisation sociale en rapport avec la décoration et/ou la protection des sols dans la zone d’étude ? 2.4. Organisation de la décoration sur les vases La recherche esthétique s’est-elle faite au service d’une couche sociale plus aisée ? Etaient-ce des récipients de luxe destinés à des gens fortunés ou nantis ? C’est une hypothèse que Jean Devisse (1987 : 21) a émise lors de sa mission d’évaluation au Togo. « L’excellente facture de ces poteries les classe parmi les plus belles céramiques qu’il m’ait été donné de voir jusqu’à ce jour en Afrique ». Il poursuit : « la qualité des pâtes, de la cuisson, des décors (variés et somptueux), la diversité des formes qu’évoquent les tessons retrouvés, poussent le chercheur à penser qu’il s’agit d’une production de grande valeur, destinée à une clientèle " riche ", ou " aristocratique ". La trouvaille ne concerne donc pas que l’histoire des poteries elles-mêmes, mais toute celle de l’organisation de l’espace dans l’ancien Tado, celle de l’économie, de la société et du pouvoir aussi ».
En somme, l’étude de cette belle céramique devrait être prise en compte dans un contexte global pluridisciplinaire pour permettre de définir l’organisation de la vie et la recherche de l’esthétique dans l’ancienne ville de Tado. Au regard de tout ce qui précède, il est raisonnable de dire que, dans le cas de Tado et Notsé, l’on est en présence de productions locales à grande échelle. Ces productions couvrent largement les besoins des populations, réparties dans plusieurs quartiers, et une production complémentaire provenant probablement de centres régionaux proches. Reste à savoir les conséquences que les préférences morphologiques pouvaient avoir sur la qualité des pavements. 133
Dessinn 1 : Poteriee à riches ddécors multtiples ; Cou uvercle munni d’un boutonn de préhension. Tado (Togo)
Dessin réalisé par Ag guigah en 19991.
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Dessinn 2 : Poteriie à décorss multiples ; Pipes décorés de ppériodes différeentes (XVIè et XVIIè siiècles). Tad do (Togo)
Dessin réalisé r par Ag guigah en 19911
ospatiale 3. Paveements, terrres daméess et organissation socio Dans les chapitres préécédents, nous n avons déterminé, à partir des éléments dont nous dispoosons, que l’étendue l acctuellement connue des pavvements et terres dam mées est con nsidérable : des abordss du lac Tchad au fleuve Volta, du nnord du Niigéria à la côte du G Golfe du Bénin, sur une profondeur chhronologiqu ue allant dees premierss siècles avant J.C J jusqu’au u XXIè siècl e de notre ère. è La variéété et la com mplexité des coompositions sont liée s aux fonctions auxquelles ellees sont 135
destinées ou aux goûts des demandeurs de ces ouvrages. Nous avons cherché à aller plus loin dans l’étude des données, et à caractériser les différents types ainsi définis, pour les mettre en rapport avec leur culture et l’histoire générale. Quelle est l’originalité de cette technique dans telle ou telle région ? Les pavements sont-ils caractéristiques d’un ou de plusieurs peuples, ou d’une culture ? Au Nigéria, on les trouve chez les populations du nord, du centre et du sud-ouest, notamment dans les pays yoruba et d’influence yoruba ; au Togo, ils font partie de la culture ajatado au sud-sud-est ; on les retrouve dans le pays kabiyè et chez les Moba au nord, aussi bien que chez les Bassar et les Konkomba au nord-ouest. Les pavements et terres damées font-ils partie d’un fond culturel original, connu et assez ancien, comme à Daïma au Nigéria ? Ont-ils connu une expansion particulièrement spectaculaire aux XVIIè-XVIIIè siècles ? (Devisse 1987 : 44). 3.1. Place des pavements et des terres damées dans l’organisation sociospatiale Nous ne revenons pas ici sur l’étude de l’organisation sociale telle que la conçoit Rocher Guy dans son " Introduction à la sociologie générale ". Ici, on se demande quelle est la place des revêtements de sol dans l’organisation socioculturelle des populations étudiées ? Leur présence en tant qu’élément culturel dans la société devrait-elle correspondre à un besoin tel que le souligne Malinovsky (1968 : 169) « Tout élément culturel existe parce qu’il correspond à un besoin, l’analyse anthropologique consistera donc à en discerner la ou les fonctions ». Dès lors, la présence des revêtements de sol dans l’espace habité se justifie pleinement par les besoins auxquels ils doivent répondre. Alors, quel rôle ont-ils pu jouer dans le cadre de vie des populations concernées ? 3.1.1. Revêtements de sol et organisation sociale à Tado Les pavements sont présents à Domé et ses sous-quartiers : en tessons, posés sur chant, et le pavement combiné de scories/laitiers et de tessons. Deux hypothèses peuvent expliquer cette concentration. D’une part, Domé notamment le tell ou colline archéologique a pu bénéficier de sondages intensifs, dans l’état actuel des travaux à Tado. 136
D’autre part, son statut était celui de quartier de dignitaires, ou de notables du roi depuis la fondation de Tado. Selon les sources orales, Tado est né de la symbiose de trois groupes de populations venues de différentes directions étalées dans le temps : les Alu (présumés autochtones), les Azanu (venus du Nord), et les Yoruba (venus d’Ifé ou d’Oyo, selon les récits). − Groupe des Alu Les Alu sont des forgerons, descendants de l’ancêtre nommé Eyru, descendu du ciel avec le marteau et l’enclume dans la main. Présumés autochtones, les Alu auraient habité le site avant l’arrivée des autres groupes migratoires. Cependant, ils ont, depuis longtemps, perdu le secret de l’extraction du minerai de fer, peut-être depuis le début de l’époque moderne, quand les barres de fer sont importées par voie maritime et passant sur les pirogues du Mono, depuis le marché de Xwlagan (Pazzi 1979 : 150). Les informateurs avaient indiqué à Tado les lieux où les ancêtres extrayaient le fer. Mais Roberto Pazzi, à qui les informations ont été données, n’apporte aucune indication précise sur la situation géographique des lieux d’extraction de ce minerai de fer. − Groupe des Azanu La première vague d’immigration a été celle des Azanu, venus de la boucle du Niger, de l’avis de certains historiens cités par Kossi Komi (1990 : 62) avec une organisation socio-politique hiérarchisée. Ils furent accueillis par les autochtones alu et fondèrent leur quartier Azamé, « chez les Aza », qui correspond à peu près aujourd’hui au quartier Domé. Ils réussirent à s’imposer aux Alu. − Groupe des Yoruba La deuxième vague d’immigration a été celle d’un groupe nommé par la suite Aja, venu de l’ancienne ville d’Oyo, après avoir séjourné un certain temps à Kétou. Après les Aza, les Aja qui se sont constitués sur place, fondèrent leur quartier Ajacé « les Aja se sont installés ici » avec leur ancêtre Togbé-Anyi. Les informateurs gardent vivaces encore le souvenir de ces récits : à la question de savoir d’où
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vient Togbé-Anyi ? La réponse est unanime : Togbé-Anyi vient d’Oyo1. La cohabitation de ces trois groupes de populations, animé par des échanges, des conflits et des compromis, donna naissance au royaume de Tado (Pazzi 1979 ; Gayibor 1985 ; Aguigah 1986 ; Kossi 1990). Après un certain temps, un compromis confia la primauté des affaires du royaume au clan Azanu, et le pouvoir royal au chef de file des Aja, Togbé-Anyi. Celui-ci doit nécessairement choisir ses dignitaires (sorte de ministres et membres du conseil royal) dans la famille royale azanu, les Tashinon. On les choisit par âge ou par sexe : « ce sont les assistants du roi. Ils sont choisis sans considération d’âge, ni de sexe : ce sont les gens d’Azamé qui intronisaient le roi2». C’est donc dans ce quartier qu’on trouve abondamment les vestiges de pavements et de terres damées. 4. Indices archéologiques et occupation de l’espace Des enquêtes orales dans les quartiers Alu montrent que les présumés autochtones gardent toutefois le mutisme sur les faits relatifs à leur passé. Des informations orientées sur l’industrie métallurgique ont été recueillies ; malheureusement, elles ont été aussi décevantes que celles de nos prédécesseurs. Quant à l’enquête archéologique, elle n’a apporté aucun indice sur le travail du fer dans ce quartier. Cependant, deux vases enterrés ont été exhumés à l’intérieur d’une cuisine en usage encore aujourd’hui. Il est possible qu’une fouille avec des objectifs précis, sur une étendue plus large, apporterait des indices relatifs à l’occupation ancienne de Tado. Pazzi (1979) rapporte que, « dans le cas où la recherche minéralogique porterait à la conclusion qu’en ce lieu, Tado, il n’y a jamais eu d’extraction ni de fonte de minerais de fer, la tradition des Alu devait être interprétée comme le vestige d’une ancienne migration depuis un lieu où l’on pratiquait cette industrie, lieu dont on a perdu le souvenir ».
En outre, les autochtones rapportent n’avoir jamais eu connaissance de hauts fourneaux en ces lieux, par contre, présents 1
Information recueillie à Tado en Mars 1990, Tashinon Noumon quartier Domé, âgé de 80 ans environ, (décédé en août 1993). 2 Idem: Tashinon Noumon, quartier Domé à Tado en Mars 1990.
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ailleurs dans d’autres secteurs de Tado, notamment Domé, Aoutélé, et Kpéyi. Si les indices métallurgiques sont aujourd’hui absents à Alu, l’image de ce groupe est très vigoureusement présente dans l’ordre cosmogonique et dans le système divinatoire Afa. En effet, dans le rituel du culte Afa qui s’avère être l’un des fondements de la pensée aja, les géomanciens placent, dans la liste des dignitaires du système, les Alu en deuxième position. On remarque alors qu’ils sont au moins les représentants du pouvoir religieux à Tado. Les réponses aux questions convergent vers la primauté des Alu sur les autres groupes. Les Alu sont des autochtones ; ils ne sont venus de nulle part. Ils faisaient la fonte et la forge et fabriquaient machettes et d’autres objets utilisés dans la vie quotidienne1. Dans le quartier Domé, on trouve çà et là des vestiges de toute nature : vestiges de métallurgie de fer, poteries décorées, pipes et divers objets. La découverte d’un haut fourneau, en fouillant sur le sommet du tell de Domé a permis d’exhumer des objets en fer pour confirmer l’activité métallurgiste de Tado; « Il serait intéressant de déterminer par l’analyse des tuyaux d’argile qu’on a recueillis à quelle époque ce four fut en usage » (Pazzi 1979 : 150). À travers les récits oraux et les indices ainsi observés, témoins d’une activité métallurgique ancienne, il y a là des pistes de recherches archéologiques fondamentales sur la localité. En effet, les investigations menées à Tado, Kpéyi et Aoutélé ont montré la présence d’une variété de vestiges prélevés en fouilles. Quatre datations sont actuellement disponibles à partir des échantillons prélevés : deux morceaux de tuyères à Kpéyi et deux fragments de fourneaux à Aoutélé. L’examen chronologique montre que le début de la métallurgie du fer date de la fin du XIè au début du XIIIè siècle et de la première moitié du XIIè à la première moitié du XIIIè siècle, soit 1147 ± 57 AD et 1180 ± 41 AD, ensuite de la première moitié du XIIè à la deuxième moitié du XIIIè siècle, soit 1213 ± 56 AD et 1240 ± 77 AD. L’activité métallurgique est donc attestée à Tado et ses environs entre le XIè et le XIVè siècles : trois siècles d’activités métallurgiques, et peut-être même plus tard, jusqu’à l’époque moderne où il fut probablement interdit par le colonisateur comme ce fut le cas à Bassar. Il reste à déterminer les populations qui maîtrisaient réellement cette technologie et leur statut social. Il faut 1
Information recueillie dans le quartier Alu : mars 1990 auprès de Adjété Edah, 80 ans, Amehouho, 55 ans, Fognon, 45 ans, tous cultivateurs.
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aussi considérer les conflits de préséance qui cristallisaient la vie sociale à Tado. Mais pour l’instant, l’autochtonie et la paternité de la métallurgie du fer est reconnue aux Alu. Quant à l’organisation sociale du quartier Domé, et à la concentration des pavements et terres damées, nous sommes en présence de deux versions : la première stipule que les Aza ont fondé leur quartier au bord d’un étang, dans une zone marécageuse. Est-ce pour consolider l’espace habité et boueux que les habitants l’ont décoré de tessons de poterie ? Si nous retenons que les pavements sur chant étaient plutôt destinés aux espaces non-bâtis (cours, lieux publics, rues), on peut donc émettre l’hypothèse que les passages entre les concessions aient été ainsi entièrement pavés à l’aide de cette technique. Et ceci, protéger les fondations des maisons du dégât des eaux de ruissellement et de l’érosion. Les datations actuellement obtenues devraient aider à fixer l’ancienneté de Domé. Elles remontent aux XIVè et XVIè siècles, soit de 1360 ± 42 AD à 1562 ± 62 AD pour les céramiques. Le pavement en scories et tessons (matériaux disponibles dans l’environnement immédiat) pourrait renforcer l’idée de consolider le sol de l’atelier d’un métallurgiste. L’association du pavement et du pot contenant généralement la décoction de plantes médicinales apporte des arguments en faveur des pratiques magiques attachées à l’industrie du fer en Afrique. En se référant à l’accord conclu entre les Yoruba et les Aza, la seconde hypothèse est que des dignitaires « tashinon » qui résident (encore aujourd’hui) à Domé, ne manquaient sans doute pas de consolider leurs concessions, et les gens les plus aisés embellissaient leurs demeures par cette telle technique de pavage1. Les récits oraux confirment que le sol est partout recouvert de tessons de poterie. Et pour prouver qu’on est riche, on fait orner le sol de sa chambre et même de la cour de sa maison par des pots cassés faits d’argile. C’est ce qui explique la présence de nombreux tessons dans certaines demeures. On prépare les pots à base d’argile exploitée ou importée d’ailleurs (Tohoun, Adjikamé, ou ici à Tado). On fabriquait des marmites, des jarres, des plats, des bracelets et divers autres objets. Les revêtements de sol faisaient donc partie d’un mode de construction (protection du sol) et d’un décor des demeures, par 1
On trouve à Domé, dispersés çà et là, quelques lambeaux de pavements posés à plat.
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volonté de prestige par les gens nantis. La concentration de revêtements de sol (pavements et terres damées) dans ce quartier n’est donc pas un hasard. On comprend que les habitations des conseillers de la cour royale soient particulièrement soignées, tout comme le sont celles des gens de rang social élevé, capables de se payer un tel ornement, luxe qui n’est pas autorisé à l’ensemble de la population. Si on considère le temps nécessaire pour faire un mètre carré de pavement sur chant (plus d’une journée), on constate que paver un quartier relève d’un grand luxe. En plus, la technique sur chant généralement employée à Tado consomme beaucoup plus de tessons et est plus longue à réaliser. Cette pratique laisse penser que la confection de l’ouvrage a mobilisé un nombre important de travailleurs ou encore que le travail a été étalé sur plusieurs périodes. C’est aussi à Domé qu’on trouve des espaces damés d’un « beau rouge », selon les termes de Jean Devisse (1987). On pense là aussi qu’il s’agit d’une décoration, technique probablement contemporaine au mode de pavage à cause de son effet décoratif. Par ailleurs, dans le quartier Ajacè, au palais-royal, aucun indice de revêtements n’est encore repéré. Par contre, une abondante quantité de poteries et la tessonnière y ont été identifiées. L’enquête orale est restée vaine sur les auteurs de ces productions. La date la plus ancienne provenant de la poterie de ce secteur situe la période de cuisson au début du XVIè siècle, soit 1508 ± 29 AD. L’absence des revêtements de sol peut s’expliquer par le fait que les rois, une fois intronisés, doivent choisir un lieu hors du quartier, pour y construire leur propre résidence. Il n’y a donc pas de palais royal commun à tous les rois de Tado, mais un lieu nouveau aménagé après chaque fin ou au début de règne. La tradition dit d’ailleurs que leurs résidences étaient entourées d’enceintes, ce qui explique la présence d’une myriade de ruines d’enceintes en terre battue repérées autour de la ville. Les investigations archéologiques effectuées jusqu’alors à Tado n’ont pas donné lieu à un repérage systématique des divers tracés des enceintes. Au regard de ces éléments qui apportent quelques éclaircissements sur l’organisation de l’espace, on peut dire que les revêtements de sol sont caractéristiques d’une classe sociale, celle des Azanu, à une époque donnée. Celle-ci pourrait être située entre la seconde moitié du XIIIè et du XIVè siècle, soit 1360 ± 42, la date la plus ancienne obtenue actuellement à Domé. On peut aussi penser que
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les potières d’Ajacè fournissaient à Domé les tessons (rebuts de cuisson) qui servirent à confectionner les pavements. Les structures de pavements actuellement identifiées ne donnent aucune forme précise sur les plans des espaces anciennement bâtis. Les maisons sont construites en terre battue, à la différence qu’avant, le sol était pavé de tessons ou damé de terre rouge, et recouvertes de chaume, alors qu’aujourd’hui, certaines sont couvertes de tôles ondulées. Les maisons d’habitation sont généralement de forme rectangulaire et les sanctuaires qui abritent les divinités sont circulaires, comme on l’observe dans la culture ajatado. En récapitulant, les données archéologiques, la répartition des indices et l’analyse chronologique s’accordent d’une manière générale avec les données historiques, pour déterminer les fonctions des pavements et des terres damées dans l’espace retenu. L’absence des vestiges de métallurgie à Alu et le fait que les habitants ignorent l’origine de cette activité, laissent penser que leurs ancêtres étaient d’abord des fondeurs qui travaillaient le minerai de fer en dehors de leur quartier, et ensuite des forgerons qui s’occupaient de la loupe de fer pour fabriquer des outils aratoires (houes, manchettes). La présence des ruines de fourneaux, de ferrières (une dizaine de monticules de scories) à Kpéyi, Aoutélé et Axwétugbé, laisse penser que les activités et déchets métallurgiques étaient éloignés d’environ 4 km du centre de Tado, retirés du lieu de production, vers des espaces inhabités qui servaient de dépotoir. La piste de recherche à retenir à partir de ces données est la suivante : les Alu étaient-ils des fondeurs ou des forgerons ? Sommes-nous en présence de deux groupes sociaux différents, dont l’un extrayait le minerai de fer et l’autre travaillait à la fabrication des instruments nécessaires à la vie quotidienne, comme on le remarque chez les Bassar et les Kabiyè, et les Moba ? 5. Chronologie et mise en place du peuplement ancien Trois phases d’occupation se dégagent des données actuellement disponibles : − XIè-XIVè siècles : il existait à Tado au quartier Alu, des fondeurs et/ou forgerons qui seraient les autochtones. C’est le début de l’âge du fer local. − XIVè siècle, les fondeurs et/ou forgerons ont dû cohabiter avec d’autres populations, les Azanu et les immigrants d’Oyo, qui sont 142
venus avec une organisation socio-politique rigoureuse et la technique de la céramique : c’est la première période céramique qui correspond à la période des pavements (ressemblances entre les tessons des pavements et les poteries).C’est le début du rayonnement du royaume de Tado. − XIVè-XVIè siècles, c’est la période de l’expansion et la maîtrise de la production céramique, caractérisée par des poteries très richement décorées et une morphologie variée et complexe. Le déclin progressif des activités métallurgiques s’amorce, à cause de l’introduction des barres de fer modernes en provenance de la côte par voie navigable du Mono. Le royaume de Tado commence à se déchirer dans des conflits de pouvoir, qui cristallisent les institutions étatiques et entraînent le départ des vagues successives d’immigration vers l’est et l’ouest (Pazzi 1979 ; Adandé 1984 ; Gayibor 1985). C’est le déclin de Tado. La lecture de l’occupation ancienne de Tado actuellement la plus plausible, si la thèse de l’autochtonie des Alu est retenue, est la suivante : Fondeurs et/ou forgerons, les Alu étaient maîtres de l’espace qu’ils géraient ou contrôlaient à leur convenance : les concessions étaient distantes des lieux de réduction du minerai de fer, l’actuel quartier de Domé, et des lieux d’accumulation des déchets, éloignés de plusieurs kilomètres, à Axwétugbé, Kpéyi et Aoutélé, d’où l’absence de restes de métallurgie dans le quartier alu. Ce lieu d’habitation ne saurait être en même temps celui des ateliers et des dépotoirs de déchets. Les Azanu, les ayant supplantés (comme on le remarque le plus souvent dans de pareilles circonstances), ont imposé leur organisation socio-politique à leur arrivée. Les Aja, héritiers du système politique yoruba, mieux organisés que les Azanu, se sont accaparés du pouvoir qu’ils ont partagé entre eux, au détriment des Alu qui, eux, se sont mis dorénavant à l’écart du jeu politique qui prend place à Tado. Mais, à la suite des querelles intestines, des hégémonies de pouvoir, des luttes pour le contrôle du trône, Tado se vida petit à petit de sa population, contrainte de quitter le royaume pour aller s’installer au-delà de ses frontières. Ces différents départs, étalés dans le temps, dans diverses directions, donnèrent naissance à d’autres cités ou royaumes disséminés sur la côte du Golfe du Bénin sous l’appellation de « civilisation ajatado ». Elle englobe des populations aja, éwé et 143
fon, celles qu’Igué (1979) classe parmi les villes de " troisième génération " issues du modèle yoruba1. 6. Cultures matérielles et urbanisation dans le monde ajatado Les recherches diverses effectuées ces dernières années dans les régions du golfe du Bénin, notamment en archéologie, ont distingué trois « modèles » de civilisation urbaine pré-coloniale : yoruba, ajatado, et akan2 Nous nous intéressons ici aux deux premiers. Les indices archéologiques observés, exhumés et en partie étudiés ont apporté de riches informations sur le processus d’occupation du plateau de Tado et sur l’histoire de la culture matérielle (poteries, métallurgie du fer, pavements…). La première tâche consiste à tenter de le replacer dans un contexte chronologique plus sûr que celui présenté par la tradition orale, jusqu’à présent encore, les seuls repères chronologiques disponibles dans la majorité des localités de la région. Ensuite, l’étude complète et globale du matériel permettra de situer les données historiques dans leur contexte spatioculturel, car, si on se réfère aux éléments essentiels qui caractérisent les villes yoruba, selon la classification d’Igué (1979), on constate qu’ils sont tous présents à Tado. Selon Igué (1979 : 225), les villes bâties à l’image du monde yoruba d’Ilé-Ifé, qui ont un palais, un marché en face du palais, des fortifications, sont qualifiées de villes de première génération. « Elles ont également subi l’influence politique yoruba. Cependant, si certaines villes construites sur le modèle yoruba se sont développées dans le yorubaland, d’autres, au contraire, ont évolué dans les régions périphériques. C’est le cas de Tado qui est devenu le berceau de la civilisation aja-fon. Tout comme les villes d’Oyo, Sabè, Kétou donnèrent naissance à d’autres villes de deuxième génération (Allada, Savi, Notsé), mais le processus de création 1
Selon Igue 1979, les villes bâties à l’image du monde yoruba d’Ilé-Ifé, qui ont un palais, un marché en face du palais, des fortifications, sont qualifiées de villes de première génération. D’autres, au contraire, ont évolué dans les régions périphériques sur le modèle yorubaland et ont donné naissance aux villes de deuxième génération. 2 Pour de plus amples informations sur le phénomène urbain en Afrique, et particulièrement dans la zone concernée, se référer à Adandé A. (1984), qui a fait un large tour d’horizon sur la question appuyée par une étude bibliographique détaillée et documentée.
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s’est éclaté probablement à cause de la mise sur pied d’une institution politique extrêmement rigide, caractérisé par un pouvoir absolu. »
De tout cela, il apparaît nécessaire de confirmer ou d’infirmer l’existence d’une agglomération de type urbain à Tado, et de limiter, ne serait-ce que globalement, l’étendue de cet espace anciennement habité. Les objets exhumés sont les témoins indubitables des articles fabriqués par des artisans et des spécialistes (potiers/potières), fondeurs/forgerons …). L’assemblage des vestiges entre quartiers indiquerait une spécialisation et une organisation du travail par secteur d’activité : le quartier Ajacè, jonché de poteries d’une belle facture, serait le domaine des potières (atelier de fabrication, aire de cuisson ou dépotoir des rebuts de cuisson). Axwétugbé, extension du quartier Alu, aurait servi de dépotoir, et les activités métallurgiques auraient eu lieu d’abord à Domé, ensuite à Kpéyi et à Aoutélé, d’où la présence des ferrières et des chapelets de fourneaux découverts dans les concessions. La production à grande échelle de la céramique, la quantité importante de minerais soumis à la réduction1 (mais pour une faible rentabilité), la présence du palais royal, (le roi et sa cour;…), du marché et des produits manufacturés, des fortifications sont des indices majeurs qui caractérisent un centre urbain avec ses fonctions politiques, économiques, culturelles et stratégiques dans l’aire ajatado. Nous sommes là en présence d’une urbanisation de type endogène sur le plateau de Tado entre la fin des XIè et XVIè siècles, avec une solution de continuité aux XIVè et XVè siècle. L’existence des artisans (voire de techniciens spécialisés), d’une hiérarchisation socio-spatiale, matérialisée par de belles demeures pavées et damées, des objets de prestige comme les pipes et une vaisselle de luxe destinée à la cour royale et à une classe privilégiée, constituent des éléments en faveur d’une urbanisation de type endogène. Quant à la densité d’occupation, il n’est pas aisé de l’évaluer à cause du nombre limité d’objets étudiés. La question se pose de savoir si les vestiges exhumés et ceux étudiés sont-ils représentatifs de la population qui les avait fabriqués et utilisés ? Du fait des conditions 1
Le Moyen-Mono ne présente pas de formations minéralogiques susceptibles de fournir du minerai de fer. Les métallurgistes de Tado étaient contraints d’utiliser les concrétions ferrugineuses affleurant dans la région. La faible teneur en minerai de fer de celles-ci explique la quantité considérable exploitée pour avoir une quantité modeste de fer d’où l’importance du volume des déchets retrouvés.
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climatiques (défavorables en zone tropicale à la conservation des vestiges), ceux qui ont pu parvenir à l’archéologue ne sont pas forcément représentatifs de la population productrice ou utilisatrice de ces objets. Il est par conséquent impossible, dans l’état actuel des recherches, d’estimer la densité de cette population et l’espace réellement occupé; mais, il devait englober le village actuel de Tado, étendu jusqu’à Kpéyi et à Aoutélé et les villages avoisinants. Les données actuellement rassemblées peuvent ainsi faire progresser le débat sur le caractère des villes précoloniales en Afrique. Aujourd’hui, Tado est devenu un gros village, blotti entre le Mono et la frontière du Bénin. 6.1. Pavements et organisation sociale à Notsé La présence, d’abord, des pavements dans un périmètre bien circonscrit de deux anciens palais royaux (Dakpodzi et Alinu), et aussi dans les autres anciens quartiers est assez significative. Ensuite, leur absence à Ekli un autre ancien palais royal, selon les sources orales (Aguigah 1985), laisse penser que tous les palais royaux n’étaient pas pavés. À Notsé, chaque quartier jouait un rôle spécifique auprès de la cour royale et dans la communauté. Il se pourrait que seules les demeures des gens de rang social important puissent se distinguer par un tel agrément. Il s’agit par conséquent de spécificités culturelles, comme le cas de Notsé (notamment à Dakpodzi), où l’une des marques propres à cette localité est de disposer simultanément les tessons sur un support damé cuit superposé. On peut aussi penser à des caractéristiques sociales, comme à Tado, où Domé seul est pavé, le quartier des notables. D’un autre côté, tout comme Tado, Notsé s’est entouré d’enceintes, un des éléments significatifs du pouvoir de l’époque. Estce par souci de sécurité, de délimiter l’espace occupé, ou s’agit-il de respecter la tradition connue dans les villes yoruba qui consiste à édifier des enceintes ? Ou encore, dans l’esprit de ces populations, s’agit-il d’affirmer leur spécificité ou d’asseoir les acquis d’une certaine forme d’organisation sociale, militaire, politique ? Dans tous les cas, la construction de ces enceintes démontre probablement le début de l’urbanisation de la ville, qui s’est éclaté ou «étouffé», à cause de la mise en place d’un pouvoir central absolu, et certainement contesté par une fraction de la population. La tentative de création d’un tissu urbain a connu un échec, et le refus d’une autorité 146
centralisée peut être l’une des raisons majeures de la dispersion des Ewé de Notsé. Dans l’espace culturel ajatado, les sites de Togudo-Awutè et de Tado ont produit peu de pavements à plat, tandis que Notsé à lui seul en a fabriqué un nombre important, dans presque six à sept quartiers. Ces espaces sont fermés (palais royaux, chambres à coucher, lieu de repos,…), en raison du confort qu’ils procuraient aux utilisateurs. Dans cette région où le problème d’eau se toujours pose avec acuité, il n’y a certainement pas eu de phénomènes d’érosion forte qui ont nécessité la consolidation du sol contre les effets des eaux de ruissellement, comme à Ifé, où plusieurs pavements sont munis de drains d’écoulement d’eau. On peut supposer que dans la culture éwé, les pavements ont joué plus un rôle esthétique que de protection du sol, et donc ont servi d’ornement des demeures (palais royaux ou maisons des notables) et des lieux religieux. (sanctuaire de Dakpodji). Il est donc raisonnable de dire que la recherche esthétique a surtout motivé la confection des pavements de Notsé : la finesse et la beauté des compositions penchent en faveur de cette hypothèse. À la suite de la présentation des ouvrages communs retrouvés dans la majorité des localités, il s’avère important de se demander, en prenant en compte l’histoire générale de la région, comment les techniques ont pu passer d’un pays à un autre. Comment elles ont traversé l’espace et comment déterminer la période d’arrivée des artisans ? En ce qui concerne les productions caractéristiques ou spécifiques d’une ou de plusieurs localités, elles relèvent d’une culture ou d’un groupe d’ouvriers à une époque connue dans certains cas des populations. 6.2. Pavements et organisation sociale dans la culture yoruba Lorsqu’on observe la carte de répartition des pavements, vue la dispersion géographique qui la caractérise, et la concentration, surtout dans les villes de première et seconde génération yoruba, il apparaît clairement que l’on est en présence d’un trait culturel commun dont Ifé a été le noyau central de diffusion.
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6.2.1. Organisation de l’espace et chronologie à Ifé Selon les sources orales connues jusque-là, c’est d’Ifé que seraient originaires les Yoruba et « l’ensemble de l’humanité ». Quant à l’archéologie, elle a révélé la présence de nombreux vestiges, qui, grâce aux datations par le radiocarbone, situent le début et la croissance de la ville entre le Xè et le XVè siècle. Or, le début du Xè siècle correspond à une période où de nombreux États se constituèrent en Afrique, et trois périodes sont retenues pour l’occupation et l’apogée de l’art d’Ifé : − du Xè au XIIè siècles, Ifé fut un centre urbain important, avec une structure politique organisée (un pouvoir royal), un réseau urbain bien entretenu avec des rues, des cours, des lieux privés et publics. Ces endroits sont en général recouverts de pavements, une organisation sociale du travail bien élaborée et hiérarchisée, des artistes et artisans au service de la cour royale et éventuellement de la population ; − les XIIè et XVè siècles correspondent à la période de production des sculptures en terre cuite, en bronze et en laiton, de style naturaliste et sous naturaliste. Elle correspond également à la période finale de pavement en tessons de poterie posés sur chant et/ou en matériaux lithiques. Ces revêtements étaient aménagés dans des espaces bâtis, des rues ou des cadres non-couverts, selon les fonctions qu’ils remplissaient ; − après le XVè siècle, la construction de l’enceinte de la ville passe par endroits sur des pavements, ce qui montre clairement que les pavements sont antérieurs aux enceintes. Ils existaient bien avant la construction de la première enceinte, modifiant ainsi le plan urbanistique de la ville. F.Willett (1961 : 244) souligne l’étendue ancienne de la ville, matérialisée par des pavements : « The pavements have been found as much as four miles from the palace in several directions, which suggest that, in the " pavement period ", the town of Ife was much more extensive than it is present1 »
1
« Les pavements ont été trouvés à plusieurs kilomètres du palais dans plusieurs directions, ce qui suggère que, dans la " période de pavement ", la ville d’Ife était beaucoup plus vaste qu’elle ne l’est à cette époque ».
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On constate donc que pendant cette période, la ville était beaucoup plus étendue, même après la construction de la seconde enceinte en 1849. Ceci confirme que l’étendue de la ville dépassait les limites actuellement connues. Elle s’est développée à partir d’un noyau central, qui correspond à l’emplacement du palais royal d’Ifé. On comprend alors la présence des pavements découverts sous et à la lisière des enceintes. Les nouveaux plans de la ville qui sont susceptibles d’intégrer les enceintes, n’ont pas respecté l’ancienne agglomération qui s’est rétrécie, à cause, soit du départ des populations, soit des guerres comme celle de Modakéké. Ainsi, on peut donc proposer les périodes suivantes pour les pavements et l’histoire d’Ifé. Drewal H. J. (1993) en apporte des éléments complémentaires : − période ancienne (avant 800 ?), précéramique ; elle correspond à la présence d’agriculteurs qui travaillaient et utilisaient le fer ; − période pré-pavement (entre 800 ?-1000), on trouve des œuvres en pierre et en terre cuite ; − période des pavements (début de l’an 1000-fin des années 1500) ; − 1er style de pavements (1000-1200), les pavements sont en tessons organisés en formes géométrique et décoratives ; c’est aussi le style élaboré des sculptures de terre cuite et de bronze ; − 2è style (1200-1400), les pavements sont combinés de tessons et de matériaux lithiques ; c’est la maîtrise de l’art de paver, fabrication de quantités importantes d’œuvres d’art ; − 3è style et déclin (1400-1600), déclin de l’art de paver, construction de l’enceinte de la ville. Elle correspond, dans la majorité des cas, à l’extension de la ville et au début d’une nouvelle ère à Ifé ; − 1600 à nos jours : rupture entre l’art ancien et l’art moderne. Cependant, quelques rares personnes peuvent encore exécuter les pavements en tessons, comme la cour entièrement pavée du musée actuel d’Ifé où le pavement est réalisé en la fin des années 1950. À partir des datations actuellement obtenues, trois éléments de civilisation sont caractéristiques d’Ifé : « le pavement des sols avec des tessons posés de champ 1 , la fabrication des perles de verre, la production des figurines en terre cuite dans un style naturaliste…» (Cornevin, 1993:106). 1
«Champ » est ainsi écrit par l’auteur. Nous préférons garder la même orthographe.
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Lorsqu’on analyse toutes ces données, nous pouvons confirmer, comme F. Willett (1961), qu’il a existé une « période de pavement », période au cours de laquelle la technique était intensivement en usage à Ifé. Les datations par le radiocarbone disponibles sur les pavements situent, en effet, cette période entre le XIè et le XVè siècles, et corroborent celles de la production intense des sculptures de terre cuite. Durant cette phase, l’influence d’Ifé s’est établie sur une vaste étendue. L’un des traits caractéristiques de cette culture, qui consiste à recouvrir le sol de tessons ou de matériaux lithiques, s’est largement répandu et retrouvé dans les villes de tradition yoruba. 6.2.2. Organisation de l’espace dans les villes issues d’Ifé Au Nigéria, les villes yoruba et périphériques ou de tradition yoruba qui ont produit des pavements et/ou des terres damées sont : Ikérin, Ikéti, Old-Oyo, Ijesaland, Ogudu et Benin-city. Au Bénin, des villes comme Kétou, Togudo-Awutè, et DassaZoumé (sur cette dernière ville, nous ne disposons pour l’instant d’aucune information) ont produit des pavements. Au Togo, les pavements se retrouvent à Tado et à Notsé (comme dit plus haut) et dans le pays kabyè. Si l’on distingue quelques spécificités au point de vue technique, dans la majorité des cas, les pavements de l’aire yoruba présentent une grande similitude : la technique sur chant domine avec l’emploi des tessons de poterie. Outre l’utilisation abondante des tessons, une caractéristique des modes d’aménagement de sol à Ifé est l’emploi des tessons combinés de matériaux lithiques et ce modèle se retrouve dans la ville de Notsé. Si l’on admet que la pose sur chant recouvrait surtout les espaces ouverts (rues, cours intérieures, vérandas, passages entre les concessions avec égoûts…), on peut dire que l’aménagement des villes devrait avoir respecté un plan bien structuré et défini. Lorsqu’on aura identifié tous les sites à pavements avec des dimensions précises, il serait possible de retracer l’ancien plan de la ville d’Ifé.
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6.2.3. Pavements et modes culturels en Afrique : synthèse des données Eu égard à tout ce qui précède, on peut raisonnablement considérer, que les revêtements de sol constituent l’un des traits caractéristiques de la culture yoruba. La large répartition géographique observée montre les liens plus ou moins directs ou étroits qu’Ifé entretenait avec les villes mentionnées ci-dessus. Chronologiquement, on est arrivé à montrer l’antériorité des structures d’Ifé sur celles des agglomérations apparentées. On peut, par conséquent avancer l’hypothèse du départ de groupes qui connaissaient la technique et qui l’ont emportée au-delà des frontières de la ville. Autrement dit, en soutenant ce raisonnement, on peut donc comprendre que le mode de pavage a été introduit dans ces localités à partir d’Ifé par des artisans qui ont maîtrisé plus tôt la pratique. F. Willett (1960 : 23) pense encore que : « They (the pavement) may have been introduced to Ife by the small ruling group who seem to have effected a number or other changes in the culture of Yoruba area, or they may prove to be a widespread and ancient feature of west-African architecture »1
Pour notre part, les revêtements de sol peuvent être considérés à la fois comme des phénomènes endogènes, propres à chaque culture ou à chaque région à une étape de son évolution et son histoire, ou bien encore, peuvent-être importés d’ailleurs par des groupes d’immigrants venus s’installer dans la région. Si l’on considère les relations entretenues entre Nupé et Ifé et le mouvement des déplacements des populations de l’est vers l’ouest, il n’est point déraisonnable de suggérer Nupé comme lieu de provenance de certains styles de pavage, comme la décoration murale avec des disques comportant des cercles concentriques (planche 25). Cet élément est-il suffisant pour expliquer l’existence d’un lien culturel continue entre les deux peuples ? Les traditions de Nupé rapportent que le métier à tisser retrouvé dans l’aristocratie locale fut introduit par les Yoruba (Nadel 1942 : 492), et que seules les femmes 1
«Ils (les pavements) auraient été introduits à Ife par le petit groupe dirigeant qui semble avoir effectué un certain nombre ou d’autres changements dans la culture yorouba de la région, où ils peuvent s’avérer être une caractéristique répandue et ancienne de l’architecture ouest-africaine ».
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et les jeunes filles sont autorisées à apprendre le tissage. Ce contact pourrait être l’une des voies possibles de l’introduction de ce mode de pavement dans le pays yoruba. Par ailleurs, comment peut-on expliquer l’absence des pavements en fouilles et en surface à Nok, situé dans un secteur géographique plus ou moins éloigné du pays yoruba ? Aucun texte écrit, ni les sources orales n’ont signalé la présence de ce type de structures. Si les découvertes fortuites et les fouilles ont livré à Nok un nombre impressionnant de figurines et de poteries à usage domestique, aucune structure de pavements n’a encore été signalée. Des fouilles archéologiques ont montré que les anciens habitants de Nok construisaient des maisons en argile. Nombreuses sont les figurines de terre cuite et les poteries qui y sont mises au jour. (Fagg 1971 : 108) Que faisait-on des rebuts de cuisson et des poteries cassées ? Etaientils destinés au dépotoir ou à usage domestique ? La production importante de terres cuites et les célèbres figurines laissent penser à l’existence, en effet, de rebuts de cuisson et de fragments provenant de poteries usagées qui pourront être utilisés à confectionner les pavements. Or, les preuves matérielles permettent d’insister sur les liens culturels réels ou supposés entre les deux localités, Ifé et Nok. En ce qui concerne les sculptures de terre cuite d’Ifé, F. Willett (1960) apporte néanmoins quelques précisions : « Si nous essayons de savoir d’où peut émaner l’art d’Ifé, nous n’avons pas à chercher très loin, car il existe, dans le Nord du Nigéria, une culture très ancienne ayant produit de nombreuses sculptures en terre cuite, dont nous avons retrouvé quantité de vestiges ».
B. Fagg (1971 : 108) appelle cette culture la « culture de Nok ». En effet, Willett pense que bien des éléments qui caractérisent la culture de Nok se retrouvent à Ifé. Il faut souligner, à partir des données actuellement disponibles, que la culture de pavements constitue l’élément manquant de ces points de ressemblance entre les deux cultures. Les recherches continuent et il est possible qu’un jour, l’on découvre dans cette région des revêtements de sol jusque-là inconnus. Contrairement aux sculptures de terre cuite, l’origine des pavements d’Ifé est à rechercher ailleurs. Pour l’instant, il faut se garder des conclusions hâtives, tant que les investigations ultérieures n’auront pas apporté de réponse précise.
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À partir des datations et de l’étude des vestiges, la culture nok a probablement débuté vers le milieu du premier siècle avant notre ère, pour s’épanouir jusqu’au IIè siècle après J.C., (500 B.C. à 200 A.D.) et sans doute au-delà. Une hypothèse consiste à rechercher des pavements à Nok ou ailleurs. C’est qu’on a trouvé un site au Nigeria, Yelwa RS 63/32, sur le fleuve Niger, au nord-ouest de la région de Nok, qui a livré des pavements en tessons de poterie à plat et produit des figurines avec des perforations des yeux et de la bouche au même style que Nok. De même, des vestiges métallurgiques sont aussi présents à Yelwa et à Nok. Des investigations archéologiques situent les périodes d’occupation de Yelwa entre 100 ± 115 A.D. soit le IIè siècle après J.C. À partir des éléments de datation actuellement disponibles, la culture de Nok est l’une des plus anciennes connues jusqu’à ce jour en Afrique occidentale. On peut donc dire avec certitude que Yelwa s’est développé quelques siècles après le début de l’occupation de Nok. Un autre site qui comporte des pavements en tessons de poterie et des vestiges de métallurgie du fer est Daïma (570 ± 100 B.C. à 1060 ± 90 A.D.) du VIè siècle avant J.C au XIIè siècle après J. C, localisé à l’extrême nord-est du Nigéria. L’apparition de la métallurgie dans cette zone date du Vè et VIè siècles avant J.C., alors que les premiers métallurgistes ont occupé Taruga, la région de Nok entre 850 B.C. et 230 A.D (IXè siècle avant J.C et le IIIè siècle après J.C. Les premières populations qui occupaient le sud du lac Tchad ne travaillaient pas le fer, mais étaient plutôt des pasteurs et agriculteurs qui utilisaient des haches de pierre polie, des outils d’os, des tessons, des figurines de terre cuite. Après, les premiers métallurgistes de la phase II de Daïma commençaient à construire des maisons en banco, notamment des huttes circulaires dont les sols étaient pavés de tessons. Dans cette phase, Graham Connah (1981 : 268) a noté l’utilisation abondante de la poterie, matérialisée par la présence d’une quantité importante de tessons de poterie dans les fouilles. Ces poteries usagées et des rebuts de poterie ont donc servi à confectionner les pavements. De ces trois anciens sites du Nigeria Nok, Yelwa et Daïma dont deux sont plus ou moins proches l’un de l’autre (Nok et Yelwa) successivement ou parallèlement occupés, on note une évolution dans les phases d’occupation et la présence des vestiges similaires qui se sont développées à différentes périodes. Si Nok est plus ancien que Yelwa, le développement de ce dernier s’est étalé sur une période courte, mais Daïma a, par contre, connu une expansion plus grande 153
dans le temps. De ces évolutions marquées par des apogées et des déclins, que dire des quatre siècles qui séparent l’art de Nok et celui d’Ifé, puisqu’on ne saurait combler ce hiatus par des dates obtenues à Yelwa. En somme, la présence des pavements à Yelwa (sur les rives du fleuve Niger) et à Daïma (au sud du lac Tchad) est, de toute évidence, due aux conditions hydrographiques dans lesquelles se trouvent ces régions. La présence de l’eau a donc été un facteur déterminant dans l’aménagement des sols d’habitation. Les risques d’inondation sont aussi des raisons principales et essentielles pour protéger l’environnement habité. Cette hypothèse est renforcée par l’existence des mêmes structures le long des vallées de la Benoué et du Mayo Kébi au Cameroun. Les aménagements de sol ont donc joué un rôle indispensable dans l’organisation sociospatiale des populations installées aux abords du lac Kainji, du lac Tchad et des vallées de la Bénoué et du Mayo Kébi.
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CHAPITRE 5 Approches ethnoarchéologiques, conservation et revalorisation des pavements et des terres damées « L’ethnoarchéologie est une discipline qui se donne pour objectif d’étudier les comportements culturels actuels dans leurs manifestations sur le plan matériel, afin d’élaborer des modèles d’interprétations du passé fondés sur l’analyse des vestiges archéologiques » (Gallay 1993 : 294).
À la suite d’une enquête en ethnoarchéologie, il s’avère nécessaire de faire le point pour identifier les localités qui sont concernés par notre champ d’étude. Et puis savoir comment nous pouvons adopter une méthodologie de recherche qui puisse élucider la question de cette discipline qui analyse des vestiges archéologiques à partir des comportements culturels actuels des populations cibles. En effet, ce chapitre fait voir, tour à tour, la difficulté de pouvoir obtenir une référence chronologique en rapport avec la technique de pose des pavements et terres damées dans les régions où ces pratiques existaient ou existent encore (Tcharé, Wyamdè, Notsé, Tado, Blitta, Bandjéli, Dapaong). Ceci a conduit à l’adoption de l’approche ethnoarchéologique pour mieux appréhender les différents contextes dans lesquels les revêtements de sols ont été réalisés. 1. Approches ethnoarchéologiques des techniques d’exécution des pavements et des terres damées L’ethnoarchéologie, qui est une étude archéologique de la réalité vivante liée à une meilleure compréhension des approches actuelles, a permis de constituer une base de données pour interpréter les revêtements de sol. Nous avons mentionné plus haut la difficulté de reconstituer la technique de pose des pavements et des terres damées anciens, à cause de l’inexistence de documents écrits, de sources orales et de l’absence d’informateurs capables de décrire ce savoir-faire, ou de gens ayant encore gardé le souvenir de cette pratique dans nombre de pays concernés. Néanmoins, trois centres de fabrication signalés par les populations ont fait l’objet d’enquêtes sur le terrain. Il s’agit au Togo, des localités de Tcharè et Wyamdè au nord-est dans le pays kabyè, Bandjéli au nord-ouest chez les Bassar, et 155
Nangbong au nord chez les Moba. L’absence de référence chronologique ne permet pas non plus de remonter au début de cette pratique. Nous tentons ici, à partir de l’observation minutieuse des données sur le terrain, une description des différentes phases de la chaîne opératoire, du choix et de l’acquisition des matériaux jusqu’à la finition et la mise en usage des ouvrages. 1.1. Problématique Depuis 1984, à la suite des découvertes sur le terrain à Notsé, nous nous sommes posé des questions sur les modes d’exécution des pavements et des terres damées. Nous pensions mieux comprendre, à travers une enquête ethnologique et ethnographique l’évolution et la maîtrise des techniques de fabrication, dans un cadre spatiotemporel. Le programme de recherches alors élaboré avec des objectifs précis consistait à repérer et à identifier des localités connues pour leurs productions céramiques et pour leurs techniques d’exécution des pavements et des terres damées. La reconstitution du passé à partir des observations ethnologiques fait partie des stratégies de l’archéologue au cours des prospections et des fouilles sur le terrain. Cette problématique, au cœur du débat archéologique, est largement argumentée dans A. Gallay (1986 : 152). Le principal but de cette enquête est de réunir, avec méthode, les éléments de comparaison qui pourraient éventuellement aider à comprendre les raisons des choix opérés par les anciens ouvriers : matériaux, techniques d’exécution, décors et fonctions. À partir de ce savoir ethnologique, il est plausible d’interpréter, voire de mieux comprendre le développement et l’évolution de ce savoir-faire. Il s’agit aussi de déterminer et de mettre en relation les propriétés intrinsèques aux ouvrages (matériaux, compositions) et leurs propriétés extrinsèques, telles que leurs fonctions dans les espaces où ils sont repérés. 1.2. Découverte des localités À partir de 1988, la prospection au Togo, dans plusieurs localités, a révélé la présence des pavements et des terres damées découvert par les populations. Il est apparu qu’au Nord, en pays kabyè, des femmes sont encore aujourd’hui capables de réaliser ces ouvrages. C’est donc à Tcharè et Wyamdè que l’on peut encore 156
observer la technique des pavements, à Bandjéli celle des terres damées. À Nangbong, un chercheur démographe1 nous a communiqué la présence de la technique des terres damées chez les Moba. 1.3. Méthodes mises en œuvre L’enquête ethnoarchéologique a donc été réalisée dans ces localités afin réaliser ces objectifs. À Tcharè et Wyamdè, les différentes étapes de la chaîne opératoire, fractionnée dans le temps, sont directement observées sur le terrain. Mais, le choix et l’approvisionnement des matériaux ne rentrent pas ici dans la catégorie des faits observés. Le travail, orienté sur le matériel étudié, a été complété par des prises de vues photographiques, des mesures et un enregistrement vidéo. Des contacts informels ont été pris dans les villages voisins (Lassa, Soumdina, Kouméa et Bohou) en vue de comparaison à la fin de l’enquête. Outre l’observation directe, l’enquête a permis de noter le déclin, voire la disparition de la production des pavements et des terres damées, et l’urgente nécessité de procéder, pendant qu’il est encore temps, à la sauvegarde de ce type de patrimoine culturel. 2. Enquête ethnoarchéologique des pavements Une seule information écrite mentionne l’existence des pavements dans la région kabiyè. C’est F. Willett (1971 : 105) qui rapporte ce qui suit : « un des traits les plus caractéristiques de l’architecture d’Ifé -ces pavements formés de rangées de pavés en forme de tessons piqués dans le sol- se retrouve à Bénin, à Owo, à Ifaki, à Ikérin et à Ede et jusqu’au Dahomey et dans le district Kabrais du Togo ». Cette affirmation relative à l’influence yoruba et à l’étendue de sa culture sur l’architecture kabiyè est à prendre avec réserves, car aucun autre élément ou document, à notre connaissance, n’autorise pour l’instant cette conclusion. Cependant, on constate que les matériaux et les techniques utilisés chez les Kabiyè sont identiques à ceux employés par les Yoruba à Ifé. À travers ce rapprochement, et 1
Marc Pilon, démographe de l’Institut de recherches en développement (exORSTOM). Aucune autre information n’a été apportée sur les procédés de fabrication.
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dans l’attente d’autres informations, on peut noter l’ancienneté relative de la technique de pavage dans l’aire kabiyè. Aucune donnée chronologique ne permet d’avancer une date. L’enquête réalisée à Tcharè et Wyamdè, et dans un rayon de 50 km a permis de repérer les lieux de provenance des matériaux et l’origine actuelle des artisanes. 2.1. Cadre historique de l’enquête Tcharè fait partie des quatorze cantons qui composent la préfecture de la Kozah, située au Nord du Togo, à 20 km au nord-est de Kara, chef-lieu de cette préfecture. La localité se trouve dans les Monts Kabiyè. Elle est limitée au nord par Kouméa, au sud par Lama, à l’est par Lassa et Soumdina et à l’ouest par Pya. Selon la tradition orale, Pya serait le lieu où le premier homme kabiyè descendit du ciel sur la terre. Il est donc désigné comme le lieu des premières origines, même si plusieurs endroits sont désignés comme le lieu de descente du premier homme : Pya, Soumdina, Bohou. Le canton est subdivisé en deux sous-cantons : Tcharè et Wyamdè, séparés par un cours d’eau. À Tcharè, l’organisation sociale a réservé aux femmes une réelle fonction de potières reconnues dans toute la région, alors que les femmes de Wyamdè participent au travail de la forge et aident leurs maris, forgerons, réputés même au-delà des limites du pays kabiyè. Les femmes préparent et vendent la boisson de mil appelée tchoukoutou. 2.2. Bref historique de la localité Selon la tradition orale, Tcharè a été fondé par les descendants du premier homme qui, à l’aide d’une corde, atterrit sur les rochers à Bohou. Plus tard, il s’est déplacé pour s’installer à Lama. Le nom de Tcharè désigne un arbre, dont les premiers habitants allaient régulièrement cueillir les fruits. Devenu très important dans la vie des premières communautés et dans leur régime alimentaire, son nom vint à désigner le village. En effet, Tcharè fait partie des quartorze cantons qui composent la préfecture de la Kozah. Situé au nord du Togo, à environ 20 Kilomètres au nord-est de Kara, il se trouve dans les monts Kabiyè. Le canton est limité au nord par Kouméa, au sud par Lama, à l’est par Lassa et Soumdina et à l’ouest par Pya. Le canton de Tcharè est subdivisé en deux villages : Tcharè et Wyamdè. À Tcharè, l’organisation sociale a réservé aux femmes une réelle fonction de 158
potière. Les femmes de Tcharè-Wyamdè réalisent les pavements et aident leurs époux, forgerons réputés au–delà des limites du pays kabiyè. Aucun élément ne permet de dater pour l’instant cette fondation, certainement très ancienne. 2.2.1. Enquêtes technologiques Les enquêtes ont été réalisées en deux étapes : en juillet 1988, dans la concession du chef de canton de Wyamdè, pour la première, relative à la pose sur chant. La seconde enquête eu lieu en avril 1993 dans la cour du régent du canton de Wyamdè1. Celle-ci concernait les deux techniques sur chant et à plat (cette dernière, étant très rare). 2.3. Choix technologiques et modes d’acquisition de la matière première Dans cette partie, il s’agit de montrer quels sont les choix de matériaux que les artisanes utilisaient dans la poterie et le pavage des concessions. Et pour cela, le recours à l’analyse physico-chimique s’avère nécessaire. À cela s’ajoute la question du mode d’approvisionnement des matériaux, ce qui implique le déplacement des personnes et la rétribution des artisanes 2.3.1. Choix technologique des matériaux La matière première utilisée pour la fabrication des poteries et pour la confection des pavements est l’argile. Existe-il des préférences pour l’argile ou des catégories morphologiques ou fonctionnelles spécifiques ont- elles été préférées pour les exécuter ? Les femmes ont affirmé que l’on emploie une même source d’argile aussi bien pour les poteries domestiques que pour celles des pavements. Cette information confirme l’apport des analyses physico-chimiques concernant les poteries et les pavements de Notsé et de Tado.
1
Le chef de canton du village que nous avions visité en 1988 et 1990 est décédé en 1991 et remplacé par son frère, nommé régent de Wyamdè.
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2.3.2. Modes d’approvisionnement des matériaux On utilise les poteries usagées pour confectionner les pavements et deux modes d’approvisionnement sont reconnus : dans le premier cas, l’origine des matériaux est proche, tandis que dans le second, elle est lointaine, celle-ci occasionne nécessairement des déplacements des fabricantes. Trois stratégies de collecte ont été adoptées : − la collecte des récipients usagés qui proviennent du milieu familial restreint de l’artisane responsable du travail de pose, − la collecte des récipients usagés collectés dans des maisons avoisinantes situées dans le même village. Il s’agit du stockage des récipients des amies et des parentes, − la collecte des poteries neuves n’est pas rare pour compléter les matériaux. Elles sont achetées aux femmes de Défalé réputées pour la qualité de leurs productions et vendues au marché de Niamtougou, distant d’environ 40 ou 50 kilomètres de Tcharè et Wyamdè. Les artisanes se ravitaillent autour de leur lieu de résidence ou, quelque-fois dans un rayon qui n’excède pas 50 km (Aguigah et Assih 1988). La gestion de la collecte des matériaux dans l’espace immédiat ou plus ou moins éloigné, le temps mis à les ramasser ou à les accumuler et la durée de la confection d’un pavement participent à une organisation économique et sociale du travail maîtrisé par les femmes. En fait, les modes d’approvisionnement des poteries mettent en relation une dimension spatiotemporelle de la collecte et de la production. L’abondance, la qualité des matériaux et la situation géographique de la source de collecte sont des facteurs qui influent sur le ramassage des poteries. Celui-ci occasionne le déplacement des fabricantes de leur lieu de résidence au lieu de collecte et de ramassage. 2.3.3. Déplacement des personnes La diffusion des poteries, le mode d’approvisionnement des matériaux ou la pose des pavements dans un environnement plus ou moins immédiat ou éloigné de Tcharè et Wyamdè, laissent entrevoir le déplacement des personnes, dans les deux sens (lieu d’activités et résidence de l’artisane), c’est-à-dire à partir des villages voisins vers Tcharé et Wyamdè et inversement. Ainsi, la confection des pavements est-elle liée au déplacement des groupes humains contraints de quitter 160
momentanément leur habitat, parfois pendant des semaines, voire des mois. Cette circulation des personnes et des matériaux, non seulement engendre des relations socioéconomiques (commercialisation et diffusion des poteries), mais favorise aussi des relations matrimoniales entre différents groupes sociaux. Lorsqu’elles quittent leur lieu de résidence, les artisanes séjournent pendant un moment sur le lieu d’activité, et adoptent une demi-pension pour celles qui sont proches, une pension complète pour celles qui viennent des villages éloignés, car, elles ne peuvent rentrer tous les jours après le travail. L’adaptation à de pareilles contraintes peut-être à la base de la désarticulation de certaines familles, pour ensuite donner naissance à de nouvelles alliances opérées sur place. Qui mieux que le sociologue ou l’anthropologue pourrait mener des études sur le brassage engendré par ces incessants déplacements de femmes, ou tenter de mieux comprendre la parenté réelle qui existe entre les différents groupes sociaux qui ont participé à ces transactions ? Cette étude sera riche d’enseignements historiques sur l’économie, la vie sociale et culturelle des populations concernées. D’après nos informations, au départ, il n’existe pas de relations particulières entre les potières, les exécutrices de pavements et la participation des hommes. La technique ne connaît pas non plus de corporations, ni de castes, comme on le remarque chez les forgerons ou fondeurs à Wyamdè et à Bassar, au Nord-est et Nord-ouest du Togo, dans les pays du sahel, ou encore ailleurs en Afrique, où il n’est pas donné ou autorisé à tout individu, hormis les clans, de pénétrer ce milieu. Dans la localité, lorsque le travail est d’intérêt collectif, par exemple, le pavage de la demeure d’un chef, on fait appel aux femmes de la maison, et à celles du village et des villages voisins immédiats. Par contre, lorsqu’une femme veut paver son espace, elle demande l’aide de ses amies et parentes qui se mettent à sa disposition pour exécuter l’ouvrage. Les déplacements peuvent par conséquent se faire d’une maison ou d’un village à un autre pour exécuter le travail. 2.3.4. Rétribution des artisanes Le travail ainsi exécuté par les femmes n’est pas rémunéré en espèces. Celle à qui revient l’ouvrage assure le repas quotidien et, pour compléter, fournit la boisson de mil tchoukoutou. C’est un système de rétribution en nature valable pour toute la communauté. 161
L’opéraation s’effectue dans lee cadre dess relations in nter-villageeoises et n’exigee pas un saalaire payé à un ouvrieer spécialisé, dans le sens où l’entend l’économ mie capitalisste. Ce proccédé est con nforme du m moins à toutes les l formes d’échanges d de travail dans d une socciété villageeoise. 2.3.5. Mode M de sto ockage Les poteriies et les tessons ain nsi ramassés, collectéés dans ont entasséss dans la co oncession, à proximité du lieu différennts lieux, so de travvail et ne su ubissent auccun traitemeent. Actuellement, les ffemmes s’approovisionnent chez les pootières de Tcharè, T villaage situé à 4 km de Wyamddè, et n’achètent donc pplus les pro oductions dee Défalé. Planchhe 18 : Poteeries et tesssons de potterie entassés pour le pavage Tcharèè, fragmentaation des te ssons de po oterie; pose à plat des ppoteries fragmeentées en taaille moyennne, avec séllection minu utieuse des tessons qui peuuvent s’inséérer dans l’oouvrage, Tccharè et Notsé (Togo)
Clichés pris par Aguigah en 2004
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2.3.6. Morphologie des matériaux Toutes les catégories morphologiques sont utilisées pour fabriquer les pavements. Parmi les récipients collectés, on distingue : jarres, bols, gargoulettes, marmites… Les éléments morphologiques retenus sont les cols et les fonds, avec une très grande préférence pour les panses, car, le corps constitue la principale partie du vase que les artisanes utilisent. Les autres parties des récipients, (bords, pieds), les aménagements de préhension (anses, boutons, bouchons) et les couvercles ne sont pas utilisés pour fabriquer les pavements. La morphologie générale des récipients de Tcharè et Wyamdè s’inscrit dans le volume sphérique et semi-sphérique, muni d’un pied unique en forme de couronne. Les tessons sont suffisamment larges pour permettre une fragmentation régulière. 2.3.7. Choix de l’emplacement L’emplacement à paver peut être une cour, une véranda, un lieu de réunion publique ou l’intérieur d’une case. La femme creuse environ 5 à 6 cm de profondeur. Ensuite, elle ajoute une terre rouge mélangée d’argile et remuée, l’ensemble est arrosé d’eau. Elle enfonce alors les tessons pièce par pièce dans la terre mouillée. Dans le cas de la pose à plat, la surface est entièrement aplanie et lissée, afin d’enlever toutes les rugosités et d’assurer une bonne adhérence des tessons. 2.3.8. Préparation des matériaux La préparation des matériaux nécessite une organisation collective du travail. Elle consiste en la fragmentation des poteries et des tessons. Selon la technique de pose employée, il existe deux types de fragmentation et d’adhérence des tessons : la fragmentation irrégulière pour la pose à plat, et la fragmentation régulière pour la pose sur chant. • Fragmentation irrégulière : pose à plat Elle a lieu à proximité du lieu de travail. À l’aide d’une pierre ou d’un bâton, on donne des coups successifs sur la poterie jusqu’à obtenir de larges morceaux de taille irrégulière de 7 à 10 cm de 163
largeur. Les morceaux ainsi fragmentés sont posés sur le support préparé et enfoncées dans la terre en donnant des coups de percussion successifs au moyen d’une pierre plate. Cette seconde fragmentation en menus morceaux de 0,5 à 0,8 cm de large, qui multiplie les tessons, est la caractéristique même de la pose à plat. Les dimensions inégales des tessons montrent que la fragmentation ne nécessite aucune recherche de régularité géométrique. La pose à plat commence de l’intérieur, en évoluant vers l’extérieur. Lorsque plus de deux femmes travaillent, chacune occupe une portion de surface à revêtir et la tâche évolue portion par portion, jusqu’à la couverture de la surface totale. Une fois la surface recouverte, les femmes donnent encore des coups successifs sur les tessons enfoncés de manière à assurer leur adhérence au support. Les interstices sont bouchés par des tessons posés un à un, et elles tapent de nouveau pour assurer l’horizontalité de l’ouvrage. • Fragmentation régulière : pose sur chant Elle ne nécessite pas une spécialisation, mais exige de la part de la fabricante une dextérité et une habileté qui lui permettent de réussir une frappe proportionnée, un savoir-faire de la part de celle qui casse, mais surtout, un esprit de géométrie, car, c’est d’elle que dépendra l’harmonie de lignes et la beauté de la construction. La finesse et le rendu positif du pavement dépendent aussi de la régularité des formes ; autrement, une composition sur chant dont les lignes sont irrégulières est banale et sans attrait. Lorsqu’on arrive à donner aux tessons une forme plus ou moins régulière, elle s’approche du rectangle, variant entre 1,2 et 0,3 cm de longueur et 0,5 à 0,3 cm de largeur. Techniquement, la réussite de la fragmentation régulière est fortement liée à la force de la percussion, à la forme du percuteur, à la position de l’artisane et à la dureté des matériaux, car, lorsqu’ils sont poreux, ils se cassent plus facilement, et peuvent éclater sous le coup de l’instrument de frappe. Dans le cadre d’un travail individuel, la fragmentation et la pose se font étape par étape, étalée sur plusieurs jours, car, la femme, outre cet ouvrage, doit vaquer à d’autres occupations domestiques. Par contre, le travail collectif mobilise tout le village durant une période limitée.
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Planchee 19 a et b : Fragmentaation des po oteries en meenus morceeaux au moyen d’un galet pour p la posee sur chant, Tcharè (To ogo)
Clichés pris p par Aguig gah en 2007
Planche 20 a et b : Pose sur chhant des po oteries fragm mentées en ttaille moyenne, avec séllection minuutieuse des tessons qui peuvent s’iinsérer dans l’ouvrage. Lees tessons (ppanses et bo ords) sont posés en ranngées Wyamdè (T Togo) jointivees les uns des autres à W
Clichés pris p par Aguig gah en 2007
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2.3.9. Posee des pavem ments On enfonce fortemennt la partie tranchante du tesson dans la terre ett on appuie, puis on posse un autre tesson jointtif du premiier, puis un troisième et aiinsi de suitee jusqu’à recouvrir r la surface tottale. La pose nécessite n l’u utilisation ddes deux mains m : la main m droitee trie et choisit le tesson convenable c , bien coup pé, qui peu ut s’insérer dans la compossition, tand dis que la m main gauch he maintien nt les tessoons déjà posés les uns conttre les autrees de manière à les ren ndre immobiiles et à assurerr la solidité de l’ouvragge et la rég gularité des lignes. Au fur et à mesuree de la posee, on réajustte ou on cassse les bord ds des tessoons, afin de les insérer dans d la coonstruction. Lorsque plusieurs ffemmes particippent à l’opération, chaccune occupee une portio on bien déteerminée, elles finnissent par faire le racccord au fur et à mesure de l’évoluution du travail (planches 20,21, 2 22, 233). s de l’ouvrage l W Wyamdè Planchee 21 : Les artisanes asssurent la solidité (Togo)
Clichés pris p par Aguig gah en 2007
2.3.10. Con nsolidation n des pavem ments Une fois laa pose des tessons terrminée, l’artisane mainntient la pressioon sur l’ouv vrage avec la main gaauche et tape successiivement avec laa main droiite à l’aide d’une pierrre ou d’un galet. Ellee vérifie l’adhérrence des teessons au ssupport, et au moyen de l’extrém mité du manchee en bois d’une houue, elle donne à no ouveau dess coups
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successsifs. Enfin, elle recouvrre le dispossitif de terree argileuse, l’arrose d’eau, et e procède en e dernier liieu au battaage (planchee 22). Plannche 22a et b : Consoliidation des tessons t au moyen m d’unn galet et de d la bouse de vache à Wyamdè (T Togo)
Clicchés pris par Aguigah A en 20007
167
2.3.11. Batttage Il consiste à battre succcessivemeent le pavem ment à l’aidde d’une p ou d’u un galet. L’eexécution peut durer en nviron dix à quinze pierre plate minutes selon les artisanes qqui appliqueent une déccoction de néré ou une sollution de bo ouse de vachhe. • Applicatiion de la déécoction Après le baattage, la fem mme préparre les deux solutions cii-dessus s ainssi pavée estt enduite dee solution dde bouse mentionnnées. La surface de vachhe appliquéée à l’aide d’un balai pour permeettre au prooduit de bien péénétrer danss les joints. La surface est de nouv veau recouvverte de terre ett on arrose au fur et à mesure qu’’on tape aveec une pierrre. Pour avoir accès a aux bordures, b l’oouvrière tap pote à l’aid de d’une sppatule et l’ensem mble est laisssé à sécherr environ un ne ou deux heures. h Par la suite, on appplique la déécoction dee néré sur toute la su urface pavéée pour relever la beauté de d l’ouvragee et aussi po our le consolider (plancche 38). L de l’ouvrag ge est couveert de terre eet Plancche 23 : a- L’ensemble arrosé d’eau platte, b- L’ens emble est badigeonné b d’une solutiion de boouse de vach he appliquéée à l’aide d’un balai Notsé (Togo))
a
b
Clichéés pris par Agu uigah en 20077
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• Séchage Lorsque le pavement est entièrement badigeonné de ces deux solutions, il est protégé avec une matière plastique ou un morceau de tôle (avant, elles couvraient avec de larges feuilles d’arbre), et laissé sécher pendant trois jours. Au bout de ce délai, on retire les éléments de couverture et le pavement est exposé à l’air libre pendant encore quelques heures. • Lavage et mise en usage du pavement Pour vérifier la bonne adhérence des tessons, les femmes marchent sur la surface pavée, ce qui peut, selon elles, augmenter sa solidité, et à l’aide d’un balai et de l’eau, elles enlèvent soigneusement la terre et les déchets des produits appliqués. Pendant la saison des pluies, le pavement est nettoyé par l’eau de ruissellement. Après le lavage, si la surface est mal nivelée, on tape de nouveau sur les tessons, afin d’avoir une surface horizontale bien nivelée, sur laquelle on peut marcher sans se blesser ou se couper les orteils. 2.3.12. Réussite de l’ouvrage L’ouvrage, une fois terminé, est laissé quelques trois jours avant d’être mis en usage. D’une manière générale, la maîtrise de la technique et le savoir-faire demandent de nombreuses années de pratique et de l’expérience. La réussite du pavement dépend après tout, de l’utilisation d’une main-d’œuvre spécialisée, de l’habileté de la fabricante ; car, elle est garante de la beauté et de la qualité de l’ouvrage. Cette réussite dépend aussi de la régularité de la fragmentation, de l’harmonie de l’agencement ou de l’organisation des tessons, afin d’être assuré de la protection du lieu et de créer un décor agréable à la vue. Les planches 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29,30, montrent les différentes étapes de la pose sur chant et à plat. 3. Outils de travail Les femmes de Tcharè et Wyamdè utilisent plusieurs outils que l’on retrouve dans l’environnement quotidien, tels que le galet, la perche, la houe, le balai et le seau. Les tessons, fragmentés à l’aide du galet ou de la perche sont posés jointifs les uns à côté des autres et 169
enfoncés dans le support au moyen de la houe. La consolidation de la composition et l’adhérence des tessons au lit se font à l’aide d’une solution de néré ou de la bouse de vache comme dit plus haut. Les produits sont dilués dans un seau d’eau ; la solution est appliquée à l’aide d’un balai. Après séchage, le balai sert à nettoyer le pavement, prêt à l’usage. Nous venons de voir que la technique de pavement obéit à des exigences que les anciennes artisanes ont respectées, afin de construire de beaux ouvrages, voire des chefs-d’œuvre à la mesure des belles œuvres artistiques. Nous pouvons donc faire remarquer que la réussite du pavement est le fait de l’expérience de l’artisane, qui a acquis tout le long de son parcours, la maîtrise de la technique, appris à choisir les matériaux, à trier les bonnes parties qui peuvent s’insérer dans l’ouvrage, à composer les formes, à corriger les erreurs et à construire en fin de compte un bel ouvrage qu’elles peuvent signer de leurs empruntes. 4. Survivance des techniques d’exécution des pavements et des terres damées Dans plusieurs localités au Togo, dans la zone d’étude et ailleurs en Afrique, les femmes réalisent encore aujourd’hui les pavements et dament les sols d’habitation. Le capitaine Antoine Mattei (1898 : 79-82) nous rapporte d’intéressants témoignages sur les Nupé, peuple situés à la confluence du Niger et de la Bénoue. Bida la capitale de Nupé « est entourée d’une muraille en torchis, bastionnée et crénelée, ayant deux mètres cinquante centimètres de hauteur, et prolongée par un fond qui a dû être autrefois très profond. Plusieurs portes donnent accès à la ville qui est une immense " tata ", ce qui veut dire forteresse, casbah, ville fortifiée » (7982) et il précise : « les maisons sont de forme conique et recouvertes d’un toit qui se termine en pointe, les bois de la toiture sont généralement en bambous sur lesquels on a tressé de la grosse paille de mil. Les rois, les princes et les gens riches habitent des maisons spacieuses, en forme de parallélépipède ; la toiture, beaucoup plus élevée, beaucoup plus épaisse, se voit de très loin. Les murs de ces maisons ont quelquefois plus d’un mètre d’épaisseur. Chez les Nupé, les murs sont décorés au moyen d’excréments de vache délayés dans de l’eau et d’autres ingrédients. Les habitants parviennent à donner à ces murs 170
une grande solidité. Ils procèdent de même pour les parquets, leurs espaces d’habitation, aussi bien les murs que les sols ».
Ces récits montrent, bien entendu, le soin particulier que les populations apportaient à l’espace d’habitation et à leurs demeures. Ce souci de créer une harmonie entre la décoration d’intérieur et les cours des concessions se retrouve encore aujourd’hui chez les Bassar de Bandjéli, les Kotocoli (Tem) de Paratao et les Kabiyè au Togo, où les femmes renouvellent très régulièrement (au moins deux fois par mois), la décoration murale et celle des sols des maisons qui relèvent de leur domaine familial (planche 11 et 12). Nadel (1942 : 438-439), qui observe quelques décennies plus tard la même localité, apporte plus de précisions sur le traitement du sol. « L’art de la poterie est très développé chez les Nupé à Bida, comme dans les villages (…). On y fait (…) de petits plats circulaires qui, une fois brisés en menus morceaux, servent à paver les sols. Notons ici que la matière première nécessaire au pavage des sols, autre activité proprement féminine, est aussi fournie par les femmes. On considère généralement la fabrication de ces récipients et de ces plats comme bien plus difficile que celle des lampes et des brosses. Seules les femmes de trois concessions particulières, situées dans le quartier des verriers, détiennent le secret de cette technique, car c’est, pour les Nupé, " un véritable secret "; les mères l’enseignent à leurs filles ».
Et Nadel (1942 : 438-439) d’ajouter en note de bas de page : « cette technique nécessite l’utilisation d’une roue de potier grossière, ce qui est unique en Afrique : les femmes de Bida et de Badeggi sont les seules à s’en servir». En effet, l’utilisation de cet instrument n’est nulle part attestée en Afrique et les enquêtes ont partout révélé le façonnage des poteries aux colombins. King (1962) indique que la technique de fabriquer des disques spéciaux pour confectionner les pavements existe encore chez les Nupé, mais ne donne aucune précision sur les espaces pavés. Les Nupé fabriquent donc : « des céramiques à rigoles concentriques sur la face convexe, dont ils décorent les murs et les sols de certaines maisons. Ces soucoupes ont de huit à dix centimètres de diamètre ; on les place face concave contre la terre fraîche avant de les enfoncer au maillet pour les briser et faire pénétrer les fragments dans la terre. La surface ainsi obtenue est agréable à l’œil et résiste aux éléments » (Willett 1990 : 120). 171
Selon l’autteur, cette tradition de d décoratio on intérieurre serait venue de d la côte orientale o nottamment dee l’île de Kiilwa, où les bols en porcelaaine persans et chinoiis sont frag gmentés et incrustés ddans les murs et e les plafo onds durantt la premièère moitié du d XVè sièècle. Le procédéé s’est répaandu par la suite vers le l nord en Nubie N et dee là vers l’ouest,, dans le So oudan musuulman. F. Willett W pensse que les N Nupé se sont innspirés de cette c pratiquue venue du d Soudan pour p décorrer leurs demeurres. Les quartieers de disquues fabriqu ués servent pour la déccoration des muurs et des so ols (planchee 24). Cettee pratique de d décorer lees murs et les sols avec dees disques dde poterie esst égalemen nt signalée cchez les Yorubaa à Ifè. La présence p de ce mode d’’embellissem ment des deemeures dans lees deux culltures témoiigne sans aucun a doutee des relatiions qui existaieent par le passé p entree les Yorub ba et les Nupé, N relatioons qui existennt encore aujjourd’hui. Planchhe 24 : Disques de pooteries déco orés de cerccles concenttriques spéciaalement fabrriqués pourr les pavemeents Nupé (N Nigéria)
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Nzewunwa (1982) rapporte que les Kambari de Makawa, situés à environ 5 km au nord-est d’Ulaira, affirment que leurs parents réalisaient des pavements jusqu’à une date récente, mais sans donner de précision sur la période exacte. Et que chez les Igbo et Ikwere, situés à l’est du Nigeria, les pavements sont aujourd’hui encore exécutés au moyen de noix de palme, mais non en tessons de poterie, comme on le trouve partout ailleurs. Des visites dans ces localités seront d’un apport considérable et compléteront les informations éparses obtenues jusque-là. Ces récits montrent, bien entendu, le soin spécial que les populations apportaient à l’espace habitation et à leurs demeures. Ce souci de créer une harmonie entre la décoration d’intérieur et les cours des concessions se retrouve encore aujourd’hui chez les Bassar de Bandjéli, les Kotocoli à Sokodé et les Moba à Dapaong au Togo. Les femmes renouvellent très régulièrement (au moins deux fois par mois), la décoration murale et celle des sols des maisons, embellissent l’espace qui relève de leur domaine familial (planche 39). La survivance dans quelques localités de ce procédé de décoration des espaces habités est révélatrice de la conservation de rares technologies anciennes encore existantes, telles que la poterie, la vannerie, la décoration des calebasses (pyrographie)…, qui ont subi l’assaut envahissant des produits manufacturés. Heureusement, elles continuent de résister « tant bien que mal » à cette prolifération et à la modernité. Cette survivance peut être révélatrice des « choix culturels » au sens où l’entend H. Balfet (1971), lorsque les populations entretiennent le souci d’une continuité culturelle dans un environnement qu’elles doivent maîtriser. 5. Apport des archéologique
enquêtes
ethnologiques
à
l’interprétation
Il est signalé plus haut les objectifs de l’enquête ethnologique à Tcharè et Wyamdè, qui devrait nous permettre de vérifier certaines hypothèses relatives au mode de fabrication des pavements terres damées. En somme, il s’agit de connaître les choix technologiques opérés par les anciens artisans, pour interpréter les vestiges dégagés en fouilles. À ce stade des observations, on peut, à juste titre, tirer des informations intéressantes et importantes pour apporter des éclaircissements aux problèmes posés.
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À titre comparatif, on peut prendre les exemples des pavements de Notsé et Garoua1 (N’Guéwé) pour la pose à plat, d’Ifè et Tcharè, pour la pose sur chant. L’enquête montre des différences entre les techniques de pose : préparation du support et fragmentation des poteries. Lorsqu’on observe attentivement les documents iconographiques d’Ifè, on remarque une similitude avec le procédé de pose sur chant à Tcharè. Le support de terre, composé de sable et d’argile, compact et argileux est identique à Tcharè à celui d’Ifè. Quant à la pose à plat, il existe une différence entre Notsé et Garoua1. Dans le premier cas, les tessons de poterie sont posés sur un support argileux cuit, alors que dans le second, ils sont étalés sur un support argileux cru. L’enquête ethnologique se justifie donc par les possibilités de comparaison qu’elle apporte avec les techniques anciennes. Nous avons pu constater des similitudes entre Tcharè et Ifè et des dissemblances entre Garoua1 et Notsé dans des localités géographiquement éloignées. À partir de cette enquête, nous pouvons au moins dire avec certitude que la pose sur un support argileux cuit relève d’un choix culturel, adapté à un lieu spécifique, comme c’est le cas notamment à Dakpodzi (Notsé), demeure royale et lieu sacré de culte des Ewé. Les éléments pour la pose sur chant sont bien identifiés à la lumière de cette enquête. La pose des pavements modernes en galets a aujourd’hui disparu dans la zone d’étude, ce qui explique son absence dans notre enquête. Nous n’avons donc pas d’éléments de référence provenant des différentes localités étudiées pour se faire une idée de la technique de pose. À titre indicatif, nous présentons l’exemple des espaces pavés ou calades retrouvés en France. Au cours de nos recherches documentaires, nous avons observé que dans la vallée du Rhône, en France, que l’on continue à poser minutieusement des galets sur un support de mélange de chaux et de sable dans des jardins fleuris. Ces espaces pavés, appelés calades en provençal, servaient à favoriser le ruissellement des eaux de pluie. Sur la photo que nous présentons (planche 26), Philippe Niez (1995), paysagiste, choisit avec patience et minutie les galets qui peuvent s’insérer dans la composition, afin de créer des motifs décoratifs agréables à la vue, une véritable œuvre d’art. Selon lui, « la réussite et la beauté d’une œuvre nécessitent le goût des ouvrages minutieux, de l’inspiration et un bon dos. Une journée de travail minutieux est nécessaire pour ficher à la verticale 1,5 à 2 m2 de calade ».
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La réussite d’une belle œuvre correspond donc au temps que les femmes de Tcharè et Wyamdè emploient pour poser un m2 de tessons de poterie sur chant. Cette similitude dans la durée de travail montre que le mode de pavage du sol exige, quels que soient les matériaux, de la finesse, de la patience et la recherche du beau ou la beauté de l’ouvrage. En résumé, l’exemple de pose de galets répond aux mêmes critères que la pose des tessons de poterie sur chant, telle qu’elle est décrite plus haut : l’acquisition de la matière première, le choix minutieux des tessons (capables de s’insérer dans l’ouvrage), la dextérité et la patience de l’artisan pour réussir l’ouvrage. Dans l’ensemble, les méthodes de confection des pavements n’ont pas réellement évolué dans les localités où on les réalise encore de nos jours. Planche 25 : Pose de galets dans un jardin dans les vallées du Rhône (France); Décor en reliefs tourmentés
Cliché pris par H. Lanotte en 1995 paru dans Art Déco
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5.1. De la fouille à la conservation du patrimoine archéologique africain De la réflexion en amont et en aval sur la question de conservation, de préservation et de valorisation des sites archéologiques, du patrimoine archéologique et du patrimoine culturel africain en général, découle plusieurs questionnements et réflexions. En effet, le chercheur, avant toute opération archéologique doit avoir des références scientifiques : de la prospection, au moment des fouilles, de l’étude des vestiges, de la conservation ou restauration des vestiges exhumés. Il doit programmer le sort réservé aux vestiges à la sortie des fouilles, car, toute fouille est une nécessaire destruction. L’archéologue sait que la fouille ressemble à un livre que l’on ouvre, étudie et déchire page par page au fur à mesure de la lecture. C’est donc la méthode stratigraphique qui permet alors d’explorer et de découvrir les profondeurs de nos villes et nos campagnes. Après avoir assuré la survie des vestiges dégagés, restaurer et conserver, il faut analyser le matériel exhumé, l’identifier, déterminer sa provenance et le dater. Toutes ces tâches vont appel aux spécialistes scientifiques. Quelle est la suite de ces recherches et la manière de gérer les résultats ? Que faire des vestiges et des collections issus de la fouille et quelle stratégie mettre en place devant toutes ces données. Or, bon nombre de nos pays africains, surtout francophones, manquent de structures adéquates pour soutenir le travail de l’archéologue qui demande la formation des ressources humaines (personnel scientifique, étudiants, élèves, personnel technique, manœuvres, …). Au même moment, ils exigent des moyens financiers et de politiques adaptés, autrement ils constituent un frein à la sauvegarde et à la protection des biens culturels. La sensibilisation à l’importance du patrimoine culturel doit être renforcée. C’est ce qui met en péril ce patrimoine et surtout les fouilles clandestines et le pillage des biens culturels qui détruisent toute possibilité de reconstituer l’histoire africaine. C’est vrai que l’archéologie ne permet pas de résoudre tous les problèmes que pose l’histoire. Toutefois, elle apporte une contribution importante et essentielle à notre connaissance des civilisations anciennes dans les domaines variés : l’occupation du sol, l’habitat, la vie quotidienne, les échanges de tout genre, la religion, et les coutumes funéraires et enfin l’art. Lorsque ces collections pillées sont définitivement privées de signification et coupées du site archéologique de découverte, leurs interprétations deviennent 176
impossibles et privent le site d’une bonne partie de son histoire à jamais perdue. Cependant, tout peuple a droit à la conservation, restauration, préservation et valorisation de son patrimoine culturel et de son histoire. L’archéologue africain ou " générateur " d’histoire reste ainsi confronté à ce problème de protéger, de conserver et de valoriser les preuves du passé préhistorique et historique de l’Afrique. 5.1.1. Réflexion en amont sur la sauvegarde du patrimoine archéologique Réfléchir en amont sur la sauvegarde du patrimoine archéologique revient à présenter les conditions précaires dans lesquelles les recherches se sont déroulées jusqu’alors en Afrique, surtout dans sa partie francophone. Ces conditions déterminent la programmation des recherches, puisque d’elles découlent les tendances actuelles relatives à la sauvegarde et la protection des vestiges exhumés en fouilles. En effet, plusieurs auteurs ont fait état ces dernières années de l’historique de la politique archéologique dans la région (Shaw 1992 ; Tognimassou 1992 ; Adandé 1992 ; Adagba ; 1993). Dans toute recherche archéologique, lorsqu’on porte le choix sur un site, les questions suivantes doivent retenir l’attention du fouilleur : pourquoi fouille-t-on ? Qu’est-ce qu’on va trouver dans les fouilles ? Et surtout que fera-t-on du site après la fouille ? Serait-il conservé pour le public ou réservé aux scientifiques ? Si l’archéologue africain est guidé par des objectifs bien précis avant l’ouverture du chantier de fouille, (bien qu’il peut y avoir des surprises) il est, en revanche, moins inspiré pour des mesures de protection, une fois la fouille terminée. En effet, il fait face aux difficiles moyens de protection, de conservation et de manque de personnel. Ce sont là des raisons qui lui sont extérieures et surtout indépendantes de sa volonté. Cette situation aggrave de plus en plus les conditions de travail et expose les objets mis au jour à la dégradation et aux intempéries, ce qui nécessite une programmation globale qui prend en compte les différentes étapes des travaux de terrain.
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5.1.2. Réflexion en aval sur la protection du patrimoine archéologique Le développement sans cesse croissant des recherches archéologiques dans la région ces quarante dernières années et celui des grands travaux d’aménagement posent en aval, et de manière de plus en plus aigüe, le problème de la sauvegarde ou du devenir du patrimoine exhumé en fouille et globalement, du patrimoine culturel africain. Au moment du bilan, l’inévitable contradiction est apparue : le tout n’est pas de fouiller, et conserver n’est pas non plus une fin en soi. Les archéologues ont, bien entendu, toujours pris conscience de la situation, dans la mesure où la survie des découvertes relève de leur responsabilité. Entre 1992 et 1994, plusieurs manifestations scientifiques ont réfléchi sur les voies et moyens à adopter, notamment les colloques « Objet archéologique africain et son devenir » (1992) et « Archéologie et sauvegarde du patrimoine » (1994)1. La rencontre de Paris, organisée sous l’égide de l’Unesco avec le soutien du Conseil international des musées (ICOM) en 1992, a réuni des archéologues, archéomètres, conservateurs de musée et restaurateurs africains et africanistes de plusieurs pays. Elle a permis aux différents intervenants d’échanger leurs points de vue sur les principaux problèmes posés par le patrimoine archéologique en Afrique : prospection, sondages/fouilles, analyses (archéométrie), interprétation des données et exposition des vestiges et des objets. L’enjeu était d’une part, de sauvegarder le matériel archéologique, d’autre part, de déterminer la masse de critiques nécessaires aux études : tout étudier, tout récolter, s’avère une conception peu réaliste. L’existence juridique de l’objet après sa sortie du sol, sa sécurité en cas de déplacement et le rôle des musées comme lieux d’exposition au public, de recherche et de formation pédagogique ont été également débattus au cours de cette rencontre. À l’issue de ce colloque fructueux, plusieurs résolutions ont été prises. Les principaux points sont les suivants : assurer une large sensibilisation à l’archéologie auprès des décideurs et du public, mettre en place une véritable politique de conservation du patrimoine 1
Ces deux colloques, le premier tenu à Paris au CNRS, a rassemblé les archéologues, et décideurs, et celui de Cotonou, en 1994, s’est tenu dans le cadre des rencontres de l’Association des Archéologues de l’Afrique de l’Ouest.
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archéologique africain, créer un réseau de collaboration scientifique efficient pour des interventions rapides dans le domaine de la protection, former des étudiants et enfin, approfondir les réflexions à travers les séminaires et les tables rondes (Aguigah 1993 : 127-128). Le colloque de Cotonou, organisé dans le cadre des rencontres de l’Association des archéologues de l’Afrique de l’ouest (A.A.A.O) a eu lieu en mars-avril 1994. Cette rencontre a été le lieu de faire le point des mesures prises et des problèmes qui se posent à la sauvegarde du patrimoine naturel et culturel africain. Dans un rapport documenté, l’animateur du colloque, Alexis Adandé, a mis l’accent sur : − les problèmes de sauvegarde du patrimoine naturel et culturel en Afrique et l’état actuel de la législation en la matière ; − les tendances de la recherche et les expériences de gestion du patrimoine en Afrique de l’Ouest, en particulier, et le rôle de l’Archéologie ; − le financement des recherches et la mise en valeur du patrimoine archéologique ; − l’identification de projets majeurs ou prioritaires, en raison de leurs intérêts scientifiques et culturels à un niveau régional ou sousrégional. Au-delà de ces problèmes, le colloque a eu à souligner les questions de la formation des chercheurs performants et compétitifs ; la constitution d’une documentation archéologique et d’un réseau régional, la constitution d’équipes pluridisciplinaires et transfrontalières, de l’équipement de la recherche de terrain et du financement des travaux (Adandé 1994 : 29). Dans tous les cas, l’absence de moyens financiers indispensables à la « gestion » des recherches et de chercheurs sont les problèmes majeurs qui se posent à l’archéologie africaine. À cela s’ajoute la rareté, voire l’absence dans quelques pays, de services de relais compétents, susceptibles de s’intéresser au patrimoine naturel et culturel et de promouvoir ce patrimoine pour des générations présentes et futures. Tout ceci découle de la négligence des enjeux véritables d’une recherche archéologique en Afrique, les crédits insuffisants hier comme aujourd’hui, l’absence de problématiques scientifiques permettant de focaliser l’attention sur la nécessité des fouilles, tant au niveau régional qu’inter-régional (l’hypothèse d’urbanisation endogène en Afrique, par exemple Ifé, Oyo, Tado, Notsé, Kara, Dapaong…) et les grandes villes de la sous-région, 179
l’insuffisance de la formation des étudiants à la recherche archéologique, le manque d’engouement des jeunes à s’intéresser à l’archéologie et au patrimoine culturel, de spécialistes et de techniciens autochtones, de collaborations solides et aussi de sérieux et désintéressés partenaires scientifiques nationaux et internationaux. 5.2. Devenir des vestiges in situ On constate aussi que l’un des problèmes qui se posent à l’archéologue africain est le stockage, le devenir et la conservation des objets exhumés et des structures dégagées en fouille, surtout, lorsqu’il s’agit des vestiges non-transportables. En principe, avant toute opération de fouille, la conservation archéologique doit faire partie intégrante de la problématique globale des recherches sur un site, comme nous l’avons souligné. L’archéologue doit savoir s’il doit aménager le site après la fouille pour la visite du grand public, ou remettre le site en état pour son utilisation à d’autres fins (Pillet 1987 : 71-76). La fouille ne doit, en aucun cas, laisser exposer les vestiges que l’on veut ou peut conserver et du type de conservation à adapter au lieu de fouille. Dans le cas des pavements et des terres damées, de la fouille à leur étude, puis à leur conservation dans certains cas, les étapes de la réflexion ont été multiples. Les conditions précaires de travail, le manque crucial de moyens financiers, notamment au Togo et au Bénin ne nous ont pas toujours permis d’envisager la conservation des sites avant de commencer les fouilles. En ce qui concerne le Togo plus précisément, l’expérience a montré l’absence de moyens de protection du patrimoine archéologique en particulier, et du patrimoine culturel en général. Il existe des départements délégués aux affaires culturelles tels que la sous-commission des sites et monuments, la Direction du patrimoine culturel et du musée national et le département de la Protection de l’environnement du ministère de l’Environnement et du Tourisme. Lorsque nous nous sommes confrontée au problème délicat de protection des sites au cours de la fouille jusqu’à son achèvement, aucun service n’a été en mesure de prendre en charge la protection des vestiges et des structures exhumés en fouilles. Chaque service, en principe responsable, se renvoie la « balle », sans pouvoir prendre de décisions pour des actions concrètes.
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Par ailleurs, la situation n’est pas non plus très satisfaisante dans la plupart des régions concernées par notre étude, notamment au Bénin où elle présente quelques similitudes avec le Togo (Adandé 1992). Dès lors, les vestiges sont exposés à la dégradation progressive une fois la fouille terminée, ou menacés de destruction, voire de disparition dans le cas des structures de surface ou exhumés in situ. Quelles méthodes de protection proposons-nous pour sauvegarder les vestiges non transportables ? Et lorsqu’il est possible de les déplacer en partie, vers quelle destination peut-on les diriger ? On les dirige vers les musées figés ou animés ou vers les musées intégrés au site fouillé ? Faut-il faire la sensibilisation des populations locales à la préservation et à la gestion de leur patrimoine, et de projets permettant de valoriser, de conserver sur place et de diffuser les vestiges du passé ? Nous avons réfléchi à toutes les questions. 5.3. Méthodes de conservation Quelles sont les solutions qui s’offrent à l’archéologue africain face à l’absence totale de politique de protection du patrimoine culturel et de la quasi inexistence de structures actives, dynamiques et compétentes : Départements des sites et monuments, Préservation du patrimoine culturel, Direction du patrimoine culturel, des antiquités, musées bâtis, musées en plein air, musées du site…), qui fonctionnent effectivement, dans la majorité des pays, tant au niveau national que local ? Quelles sont les moyens apportés à des situations archéologiques après la fouille des pavements pour leur conservation ? L’arrêt des fouilles pourrait-il être une solution positive, dans l’attente d’une solution ou volonté administrative de protection du patrimoine naturel et culturel, notamment archéologique ? Au premier abord, cette solution ne paraît pas satisfaisante, parce qu’elle résout le problème à court terme. Les archéologues ont donc la responsabilité de sensibiliser les populations locales concernées d’une part, et les décideurs politiques et financiers d’autre part, et de leur faire prendre en charge la protection du patrimoine culturel, car, ils (les archéologues) restent les premiers responsables du devenir des vestiges exhumés, qui, une fois étudiés, permettront de reconstituer, au moins partiellement, l’histoire des communautés, de la région et du pays, voire de l’Afrique .
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5.3.1. Conservation des pavements Dans le cas des vestiges non-transportables, tels que les pavements, l’échantillonnage et le moulage sont des types de solutions favorables à long terme à la conservation. Cependant, il exige des techniques adéquates, des matériaux et du matériel spécifiques et surtout la compétence du technicien et du conservateur. L’échantillonnage suppose le choix judicieux des portions à conserver, sélectionnées selon des critères préalablement bien définis. Dans le cas précis des pavements, la conservation in situ s’avère être la solution appropriée. • Moulage Le moulage est un des procédés de consolidation adaptés au traitement de la céramique. Cette solution permet d’éviter la destruction de l’original de la structure durant l’opération. Le technicien doit prendre soin de faire les relevés, le dessin, la cartographie avant le moulage, car, lorsque les structures disparaitront, seule cette documentation subsistera. La solution retenue dans le cas des fouilles de Notsé consiste à conserver in situ une portion considérée comme la plus représentative du site, en raison de sa composition spécifique (le pavement composé de quatre niveaux successifs avec une coupelle à l’intérieur) (photo 14). La répartition spatiale des pavements dans la cour de l’école primaire de Dakpodzi et dans les concessions des maisons encore habitées, et la forte pluviosité dans la région, (le site est situé sur une pente), nous a amené à préserver le pavement I par un bâtiment de protection en tôles, muni d’une porte en fer forgé1. Le toit fixe entouré d’une clôture en maçonnerie permet de protéger le pavement des eaux de pluies, et des actions mécaniques de l’homme. Il s’agit en effet, d’une solution précaire, dans l’attente d’un projet qui permettra d’intégrer la structure dans un ensemble global, notamment au musée régional des Ewé, en construction sur le site du palais royal depuis une trentaine d’années. Toutefois, cet abri présente deux inconvénients : le 1
Dans l’état actuel de la réflexion sur la protection des pavements de Notsé, c’est la seule solution efficace pour sauvegarder cette structure archéologique importante. Protégée par un abri précaire après les premières fouilles, le pavement est devenu le lieu de repos des élèves et des passants et exposé à la dégradation progressive, ce qui a abîmé la coupelle qui se trouve au milieu de l’ouvrage.
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toit n’est pas muni de gouttières qui devraient rejeter l’eau de pluie assez loin, et puis l’eau de ruissellement cause de véritables dégâts au pavement. Cependant, la présence de cette construction dans la cour de l’école modifie le paysage et soustrait le pavement du regard des passants. L’avantage est de l’avoir sauvé, au moins, partiellement, de la destruction et de tout autre dégât. Les travaux de protection provisoires furent réalisés en 1989 par l’Ambassade de France. En 2004, grâce à l’appui financier du fonds culturel des Ambassadeurs des Etats-Unis d’Amérique les travaux de protection définitifs et de restauration de cet aménagement furent effectués. Par ailleurs, deux pavements sont conservés à Ifé selon la même méthode. Des abris protecteurs en tôles recouvrent les vestiges d’Ita Yemoo et Lafogido. En effet, depuis plus de cinquante années, ces pavements sont protégés non seulement des intempéries et des actions de l’homme, mais aussi pour les générations présentes et futures. Peut-être des moyens de protection plus esthétiques ou mêmes traditionnelles et modernes (construction d’une maison en banco recouverte de paille, ou en ciment recouvert de tôles) seront envisagés un jour pour les rendre plus ou moins conformes à la réalité, confortables aux visiteurs. • Entretien du musée in situ L’entretien, la clé, et la gestion du local sont confiés aux autorités administratives et traditionnelles de la localité de Notsé, notamment de Chef de canton Agokoli IV. Les habitants du quartier Alinu, le plus proche, sont en charge du nettoyage et de la surveillance des lieux. L’implication des populations locales dans la gestion du site présente l’avantage de les intéresser à la promotion du patrimoine archéologique et culturel en général de leur région et de leur faire revivre l’histoire ou de « (re) connaître et préserver les marques de leur passé, un temps enfouies, puis réapparues » (Berducou 1990 : 356). La sécurité du site doit aussi faire partie des préoccupations majeures de l’archéologue avant, pendant et après la fouille, de manière à prolonger la durée de la protection.
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• Présentation au grand public La portion de pavement moulée sera exposée dans un musée et intégrée dans l’ensemble de vestiges de surface ou de fouilles, afin de permettre une bonne compréhension du site, tel que le souligne M. Berducou (1990 : 356) : « Présenter et transmettre au public présent et futur les témoins d’une époque passée, tel est l’objectif de l’aménagement d’un site archéologique ». Selon l’auteur, une telle présentation relève de la collaboration de l’architecte et de l’archéologue qui doivent être à l’écoute des populations et répondre aux attentes de chaque époque et son rapport au passé. Il s’agit d’une demande de plus en plus constante des populations, lorsque les objectifs et les buts des recherches entreprises sont au préalable bien expliqués aux intéressés. Les manifestations culturelles, notamment expositions et visites organisées à l’attention des élèves et des étudiants pour des travaux pratiques pendant l’année scolaire ou universitaire, et du grand public, souvent au cours des fêtes traditionnelles à Notsé en 1984, 1988, 1989, 1990, et à partir des années 2000, à Bè (Lomé) en 1988, 2010, à Tado en 1990, 1991, 2012 et l’enthousiasme général des populations témoignent de ce souci réel de découvrir et retrouver les racines profondes de leur passé. En effet, durant ces fêtes, les résultats des recherches sont présentés à travers les vestiges de surface, ceux exhumés en fouilles et des objets ethnographiques, avec un document explicatif. L’exposition des vestiges dans un musée de site, surtout à Notsé, joue pleinement un rôle secondaire une fois les fêtes traditionnelles terminées, les populations étant invitées à aller visiter le musée. Ces objets et photos sont exposés sur place dans le musée de site. Le dernier colloque, « Quels musées pour l’Afrique ? Patrimoine en devenir » organisé par l’ICOM (1991 : 356), tenu à Lomé et accompagné de deux ateliers, l’un au Ghana, l’autre au Bénin, s’est penché sur le rôle, le type de musées pour l’Afrique et surtout sur la gestion des musées, centres de recherches et centres pédagogiques. Le musée est un lieu public ou privé aménagé pour recevoir des collections de types variés qui sont en relation avec les aspects matériels spécifiques, touchant des domaines propres à la vie humaine, animale et végétale représentant le présent et le passé. Le musée, en donnant à chaque peuple son image, présente et interprète la quintessence d’une civilisation à laquelle ce peuple est profondément attaché. C’est aussi un lieu de brassage des différentes 184
cultures d’un pays, où plusieurs communautés se côtoient, pour découvrir la culture des autres et sa propre culture à travers les vestiges et les objets présentés. Ainsi, nous apercevons que les mêmes objets ont les mêmes fonctions dans les différents milieux, ce qui amène à bannir les discriminations, le régionalisme et même le racisme qui entravent le développement d’un pays. Nous devons comprendre que le musée est un creuset de toutes les cultures matérielles et immatérielles et sert à renforcer la culture de la paix, en quelque sorte, le musée est un pont ou un lien entre les cultures. Dans les cas précis des revêtements de sol, leur intégration dans une dynamique archéologique contribuera à la mise en valeur des vestiges exhumés en fouille et constitue le mode le plus adéquat et le plus parlant à envisager dans les pays africains, notamment dans la zone de recherche concernée. Cette adaptation des vestiges conservés in situ et juxtaposés au paysage contemporain du site qui les a produits est une prise en compte globale de l’environnement géographique et historique de ce site et de son histoire. Aux États-Unis d’Amérique, dans les huit Etats que nous avions visités, non seulement il existe des musées couverts ou bâtis, mais la plupart des sites archéologiques ont maintenu les vestiges dans leur milieu de découverte. Ces lieux sont aménagés de manière à recevoir des visites pour rendre les vestiges lisibles et compréhensibles au grand public. Ces visites permettent de mener des actions pédagogiques à l’attention du public, au respect du patrimoine naturel et culturel, voire archéologique et leur connaissance dans la reconstitution de l’histoire du pays. Dans le cadre de la restauration et de la sauvegarde du site de Notsé (pavements et enceintes dont quelques tronçons sont aujourd’hui encore visibles), le Professeur Merrick Posnansky propose un modèle de protection identique à celui adopté dans quelques pays anglo-saxons, notamment aux Etats-Unis d’Amérique, que nous avons débuté sur le site de Notsé. Actuellement, le site de la muraille ou enceinte de Notsé est restauré sur une distance d’environ deux kilomètres. En récapitulant, le choix des vestiges à conserver pour leur utilisation ultérieure est fonction de la valeur utilitaire de l’objet, ou « un fait de société avant tout » (Meyer & Relier 1987 : 19), de l’intérêt majeur du site, de l’impact sur le public, de l’appréciation de ce dernier et de la compétence des services de conservation. Si « la ruine est ce qui témoigne d’un temps humain, même si cela ne fait 185
référence qu’à une forme perdue » (Brandi 1963), on considère donc que tout vestige archéologique a une valeur historique et par conséquent sa conservation exige une attention particulière. Cependant, il serait nécessaire de comprendre que le choix et la protection d’un site historique important ne relèvent pas de la sacralisation des vestiges exhumés, mais plutôt du souci de ne pas perdre l’information une fois la fouille terminée. 5.3.2. Protection du site entre deux campagnes Nous avons vu plus haut que les conditions précaires dans lesquelles l’archéologue africain travaille ne permettent pas d’envisager la protection immédiate du site après la fouille. Que faire alors entre deux campagnes de fouille, lorsque le site nécessite une relecture ou lorsque la fouille doit être reprise ou encore si le site va être protégé bien après les fouilles ? Car, il est toujours possible de concevoir un plan de protection et en même temps de mener des investigations archéologiques. Ces cas de figure se sont présentés, par exemple, à Notsé, Tado, Ahlon, et à Dapaong. Le site de Notsé a bénéficié d’un plan de protection dans des secteurs et les fouilles se sont poursuivies sur normalement. • Protection du site de Notsé Un des secteurs du site de Notsé a subi des dégâts une fois la fouille terminée. En 1984, les squelettes mis au jour à Azakpodzi et recouverts par un abri sommaire ont été pillés par les populations une fois que nous avons quitté les lieux. Ces vestiges-squelettes qui auraient un pouvoir « magique », selon les populations ou les pilleurs, les mettraient directement en contact avec les ancêtres décédés, et « leur procureraient une force surnaturelle, pour maîtriser les événements et les circonstances difficiles de la vie ». D’un autre côté, le pavement I de Dakpodzi a été le lieu de pause et de repos des élèves et de leurs enseignants, (le site se trouve dans la cour d’une école primaire) ou de tout passant qui veut se protéger pour un moment, du soleil accablant. Pour cela, nous avons donc décidé de le protéger.
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Planchee 26 : Site à pavement de Dakpodzzi-Notsé (Togo)
Clichés pris p par Aguig gah en 1993
• Protectiion du site de Tado En 1990, à Tado, les sites de fou urneaux de métallurgiee du fer p soigneeusement au u moyen de d toits en tôles et ont étéé protégés plus d’une clôture, c afin n d’éviter lla perte d’iinformation ns et de gar arder les vestigees en bon état é de connservation. Malheureusement, le toit du fourneaau de Kpééyi a été détruit en partie, « parce p qu’ill gênait l’ouverrture de la fenêtre d’uune chambrre ». Ceci constitue c unne perte d’inform mations irrremplaçabl es et renfforce l’extrême urgeence de protégeer les sites archéologiq a ques et ausssi et surtoutt de sensibilliser les populattions conceernées à la nécessaire protection de leur pattrimoine archéollogique et historique. h Il faut néanmoins soouligner laa précarité de ces abbris qui ue globale dde mise devraieent en princcipe être int égrés dans une politiqu en valeeur des sitees archéologgiques une fois la fou uille terminnée 1. La dernièrre solution à encourageer est de mettre m ces siites archéollogiques sur la liste l nomin native des ssites nationaaux au patrrimoine cultturel de l’UNES SCO, pour les protégger de la dégradation d progressivve, dans 1
L’exem mple de l’intég gration des siites archéolog giques à l’env vironnement est assez bien dévveloppé aux Etats-Unis E où lles vestiges so ont conservés in situ et préésentés au public. En E Afrique, une u politique intégrée à l’eenvironnemen nt, de recherchhes et de protectioon du patrimoiine archéologiique souffre encore e d’importantes lacunees.
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l’attente d’autres solutions, telles que la mise en valeur des biens culturels à déclarer pour leurs valeurs exceptionnelle et universelle. • Protection des sites de Dapaong À Dapaong, les grottes aux greniers de Nano et de Mamproug sont devenues des lieux de souvenirs des touristes assoiffés d’exotisme à l’étranger. Sur les parois des greniers en argile crue, on peut lire les fantasmes de ces passants qui ne manifestent aucun respect pour le patrimoine culturel dans les pays qu’ils visitent. Ils n’ignorent pas que ce comportement de défoulement et de vandalisme dans un lieu culturel n’est pas accepté dans leurs pays d’origine ou de leur provenance. C’est pourquoi, après la visite de ces sites, des mesures et des propositions concrètes sont faites au service en charge de la protection et de la promotion touristique du ministère de l’Environnement et du Tourisme et de la Direction 1 des sites et monuments et du patrimoine culturel du Ministère en charge de la Culture. • Protection du site d’Ahlon Le site d’Ahlon, situé sur le plateau de Danyi, au sud-ouest du Togo est le domaine de recherche de l’archéologue Dovi André Kuévi. Le plateau est un ensemble de hautes terres, de vallées encaissées et de monts évoluant entre 600 et 950 m au-dessus de la mer. À Ahlon, sur le site principal, une chambre souterraine construite au moyen de blocs de pierres sans joints, nommée « caveau » a été exhumée. Le site du caveau a été immédiatement protégé par un abri en tôles et une clôture en claies, le tout scellé et soustrait du regard extérieur. Eu égard aux données jusqu’à ce jour recueillies, Kuévi (1989 : 72) pense que le plateau de Danyi a été occupé vers le IIè millénaire avant J.C. C’est le seul site protégé sur le plateau de Danyi. Il est envisagé un travail de restauration et de valorisation pour son exploitation et sa gestion à des fins touristiques.
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Dossier élaboré en collaboration de Jean-Jacques Drouet et adressé au ministre de l’Environnement et du Tourisme en juin 1990. À notre connaissance, aucun projet de revalorisation et de protection du site n’est encore envisagé.
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• Protection du site de Togudo-Awutè On continue d’ignorer l’importance des vestiges archéologiques dans la reconstitution du passé et leur prise en compte dans une politique globale de restauration. Ainsi, dans le cas de la restauration de l’ancien palais royal de Togudo-Awutè à Allada, opération à tous les points de vue encourageante, le département des travaux envisagés propose pour toute solution, la destruction des pavements et des différentes structures d’habitation observés en surface, témoins de l’organisation ancienne du palais royal. Le dynamisme des collègues de l’Université d’Abomey-Calavi au Bénin notamment d’Alexis Adandé a permis d’arrêter à temps le « massacre » et de réétudier d’une manière globale le projet de réaménagement du palais des anciens rois d’Allada. • Protection des sites d’Ifé Les pavements dégagés en fouilles ont pour la plupart aujourd’hui disparu et n’ont laissé comme traces que des tessons de poterie dispersés çà et là sur les sites ou emportés par les eaux de ruissellement. À Ita Yemoo, Willett rapporte que les fouilles sont interrompues inopinément, le site a été détruit, les repères déplacés, entraînant une perte sévère d’informations irremplaçables, car, Ita Yemoo a fourni plus de pavements que les autres sites. L’auteur se console d’avoir au moins photographié quelques sites mais, n’a pas pu les dessiner. «…When I returned to Ife almost a year later, the site had been effectively destroyed as the missionaries had removed all my reference pillars so that I could not locatemy excavation » 1 . Ce manque d’informations a privé Ita Yemoo de synthèse spécifique sur le site et sur les pavements. Les compositions complexes des concessions d’Obalara, de Woye Asiri n’ont pu être protégées à cause des travaux de construction programmés sur ces sites. Parmi les nombreux sites à pavements d’Ifé, seuls deux (un à Ita Yemoo, un à Lafogido) sont aujourd’hui protégés. Ici, comme ailleurs, le problème de la conservation des vestiges in situ reste crucial. 1
« Quand je suis retourné à Ife presque un an plus tard, le site avait été effectivement détruit, car les missionnaires avaient enlevé tous mes piliers de référence de sorte que je ne pouvais pas localiser ma fouille ». Communication personnelle de Willett en Octobre 1992 aux USA.
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• Sites à pavements du Kainji Les ouvrages des sites localisés autour du lac Kainji, dont la majorité est déjà submergée, ont subi le même sort que ceux découverts dans les autres endroits. Malheureusement, ces sites, qui n’ont pu être prospectés entièrement ou fouillés avant la mise en eau du barrage, ont perdu à jamais les informations historiques enfouis depuis plusieurs siècles. • Sites à pavements des vallées de la Benoué et du Mayo Kébi Aucune information sur la protection de ces sites ne nous est parvenue. Nous pensons donc qu’ils ont probablement été ré-enterrés après les fouilles, voire détruits, pour laisser le lieu à d’autres utilisations ou réalisations. Le site de Garoua (N’Guéwé) fut d’ailleurs découvert au cours des travaux de construction de la route GarouaMaroua, comme on le constate le plus souvent durant les grands travaux de construction des routes ou d’aménagement en Afrique. Dans la majorité des cas, on relève l’urgente nécessité de protéger les sites archéologiques à chaque étape de la fouille. Faut-il réenterrer les vestiges après la fouille ? Dans le cas qui nous intéresse et dans l’attente de moyens plus convenables et adaptés, la mesure la plus simple et efficace est de réenterrer les vestiges, afin de les préserver au moins de la détérioration due aux intempéries, au pillage et aux actions mécaniques de l’homme. Pour éviter ces désagréments, des mesures spéciales doivent être prises pour les sols d’argile et les pavements à cause de leur fragilité. En outre, la nécessaire sensibilisation du public à l’importance du patrimoine naturel et culturel devient une tâche urgente pour mettre les vestiges en toute sécurité. 5.4. Pour une politique globale de conservation de l’objet archéologique Au-delà des problèmes de préservation et de conservation des sites à pavements, se posent ceux des sites préhistoriques et historiques menacés de disparition par l’érosion naturelle, les actions mécaniques de l’homme et les grands travaux d’aménagement des infrastructures, d’architecture et d’urbanisme. Ce sont les vestiges de 190
l’industrie lithique, des peintures rupestres, des greniers en argile crue, des objets de métallurgie de fer, des ruines de fourneaux, des gisements de minerai, ou parfois, des ferrières (monticules de scories et des fragments de tuyères seuls témoins de la pratique d’une ancienne industrie métallurgique), des enceintes en pierres ou en terre battue et d’autres vestiges. La possibilité de la création d’un musée à l’Université de Lomé (M.U.L.) est envisagée pour, non seulement, former les étudiants et les personnes ressources à l’importance et à la sauvegarde du patrimoine culturel togolais, mais aussi, pour rassembler en ce lieu précis les vestiges, les objets et le matériel archéologique, comme nous l’avons observé aux Etats-Unis d’Amérique où chaque Etat possède son musée construit et aménagé sur le campus universitaire. 5.4.1. Propositions pour la sauvegarde du site de Notsé La sauvegarde du site de Notsé a amené à étudier des mesures pour la protection du site. Il s’est agi de présenter des panneaux explicatifs le long de l’enceinte, pour indiquer les différentes trames de l’histoire reconstituée des Ewé, accompagnés de dessins, de plans et de photos de la vie quotidienne. L’aménagement d’un musée de site sur les lieux de découverte des pavements a permis de comprendre l’architecture et le contexte historique dans lequel les pavements ont été confectionnés, utilisés et servis comme lieu de protection et de décoration. En 2004, ce programme a été réalisé sur le site de Notsé qui, depuis une dizaine d’années, est maintenant devenu un musée de site.
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Plancche 27 : Aménagemen A nt du site de Notsé avec le sooutien finanncier des Etaats-Unis d’A Amérique.
² Clichéés pris par Agu uigah en 20044
5.4.2. Néceessité de crééation d’un n musée à Notsé N La moisson n et la variéété des vestiiges archéollogiques enn surface et exhuumés en fou uille ont coonduit très tôt à nous interroger ssur leur préservvation, leurr conservatiion et leurr gestion. En E outre, ll’intérêt générall que les populationss portent à nos rech herches a rrenforcé l’optim misme de laa création d’un muséée à Notsé. À cet eff ffet, des suggesttions ont étté faites poour l’implan ntation d’un n nouveau type de musée, notammen nt un écomuusée au sen ns où l’enteend Georgees-Henri Rivièree ou un mussée en plein air (1978 : 15). « Un éccomusée est une chose qqu’un pouvo oir et une population connçoivent, fabriqueent et exploitent ensembble … C’estt un miroir où la popullation se regarde pour s’y reeconnaître, ooù elle rech herche l’expllication du tterritoire i est attachéé, jointe à ellle, celui des populations p qui l’ont préécédée… auquel il C’est unn musée de temps, t quandd l’explicatio on remonte en e deçà du ttemps où l’homm me est apparu u, s’étage à trravers les tem mps qu’il vit avec une oouverture sur les temps t de dem main ».
Il s’agit icci de mettr tre en place un organ nisme porteeur des valeurss historiquees d’une poopulation à travers le temps et ll’espace dans soon milieu naaturel. L’am mbition de l’écomusée l de Notsé, cconçu à l’imagee du projet du musée national dee plein air, est assez vaaste. Sa forme embryonnai e ire abritera les vestigees archéolog giques exhuumés de 192
fouilles, et les objets ethnographiques collectés auprès des populations de Notsé et des villages environnants et de tous les Ewé du Bénin, du Togo, du Ghana et de la diaspora. Un projet de création de l’espace culturel des peuples éwé est envisagé à Notsé depuis une trentaine d’années. La division du peuple éwé en trois entités distinctes du fait de la colonisation, la méconnaissance de son histoire et de sa culture ont déterminé les Ewé ces dernières années à entreprendre la construction d’un musée à Notsé (Togo), berceau du peuple éwé, dénommé : " Musée d’intégration régionale EWETO ". Il sera construit sur une superficie de 22 hectares. Ce musée devrait rassembler tous les fils et filles qui sont sortis de l’enceinte de Notsé à un moment donné de leur histoire. Ce musée vise à promouvoir les valeurs de l’unité dans la diversité culturelle dans une zone séparée par des frontières, mais unie par l’histoire, la langue, la géographie, les croyances et la religion. Le musée va jouer un rôle : − d’accueil, d’unité, de solidarité, d’intégration entre les peuples, − de réhabilitation de son histoire, − de facteur de paix et de cohésion sociale, de réconciliation entre les peuples, − de valorisation et de sauvegarde de la culture éwé et de ses valeurs, de diversité culturelle et de protection de l’environnement, − de croissance économique : la fréquentation des visiteurs aussi bien des Ewé, des africains que des étrangers fera rentrer des devises dans le pays. Un musée-patrimoine-commun, culturel matériel et immatériel qui saura " apporter les musées aux populations, mais en même temps amener les populations au musée ". Il s’agira de construire et d’aménager des espaces pour valoriser la culture éwé : − un village artisanal regroupera tous les artisanats anciens disparus, en voie de disparition, et modernes : industrie lithique, peinture, poterie, tissage, teinturerie, forgerie, couture, vannerie, bijouterie, objets d’art, arts ménagers… et autres artisanats modernes ; − les salles pour l’exposition permanente des objets et des figurines des sciences humaines, sciences de la nature, sciences exactes ;
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− les salles d’animation pour l’organisation des conférences, des réceptions, des expositions mobiles, des manifestations culturelles et populaires ; − les services du musée : une bibliothèque, une salle de lecture, un centre de documentation, des archives, un service chargé de l’inventaire des sites et monuments, un laboratoire audiovisuel, une salle informatique et un atelier… − la reconstruction de l’habitat traditionnel sur les espaces anciennement pavés, afin de conserver la technique de pavage dans laquelle les anciennes populations ont excellé ; − les pavements et terres damées seront reconstitués et protégés pour montrer aux générations présentes et futures les soins particuliers que leurs ancêtres apportaient à leurs demeures ; − la confection des dépliants relatant l’histoire des Ewé depuis leur origine et des vestiges exhumés en fouilles ; − un jardin botanique ; − un jardin pour les jeux d’enfants ; Des visites seront organisées à l’attention des populations des trois pays concernés Bénin, Togo, Ghana, de même que le Nigéria pays d’origine, des régions avoisinantes, de l’Afrique, des touristes domestiques et étrangers. La sécurité du musée sera placée sous la responsabilité de l’administration locale, du chef de canton de Notsé Togbui Agokoli IV1 et du ministère en charge de la culture et celui du tourisme. Des guides de musée et du site seront formés pour expliquer aux visiteurs, le bien-fondé de la sauvegarde du patrimoine et naturel et culturel de cet espace commun, et l’importance historique des revêtements de sol dans la recherche de l’unité culturelle et inter-états, de l’histoire du Togo et de l’histoire de la sous-région. Le musée, au-delà de son rôle de conservation du patrimoine naturel et culturel dans son ensemble, et de son ouverture au public, doit jouer un rôle de rassemblement, un rôle, non seulement touristique et économique, mais aussi social, éducatif, culturel et donc pédagogique, car, la culture unit les hommes.
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Je tiens à lui témoigner toute ma gratitude pour avoir pris la suite du chef Agokoli III et s’être intéressé très tôt à l’archéologie, à mes recherches et aidé à la gestion des fouilles et des vestiges à Notsé et pour son soutien dans mes moments difficiles.
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Planchee 28 : a- En couleuur rouge ocre o le bââtiment du musée commuunautaire dee Notsé, b- une partie du d corps dip plomatique suivant les expplications de d Madame Angèle D. D Aguigah.; c- pavem ment des tessonss de poterie multiséculaaires à mêm me le sol à Dakpodji D (Toogo). b
a
c Clichés pris p par Aguig gah en 2007
5.4.3. Prop positions poour la sauv vegarde du site de Dappaong Des propossitions d’am ménagementt et de revallorisation cooncrètes sont exxaminées : il faut imp mplanter dess panneaux x pour indiiquer la directioon de la gro otte qui serrvira de rep père aux vissiteurs, un ppremier panneaau à l’entréee du village de Nano, un u deuxième, sur le plaateau en amorçaant l’escalad de de la moontagne, et un troisièm me à l’approoche du village de Djapak, près de laa grotte. Po our une visiite guidée eefficace, nous prroposons : 195
− la formation des guides capables de commenter la visite et retracer l’histoire de la grotte et de la mise en place des greniers ; − la confection des dépliants illustrés de photos de la falaise, de greniers, et d’objets recueillis dans la grotte, accompagnés d’une note explicative ; − la construction d’un mini-musée dans lequel seront exposées et vendues les cartes postales présentant la grotte aux greniers, les objets recueillis dans la grotte et l’environnement (paysage général de la falaise et de la vallée) ; − l’exposition géologique, géographique, archéologique, ethnologique, voire botanique, ce qui en augmenterait l’intérêt dans le milieu naturel ; − le mini-musée devrait intégrer une buvette avec accès prolongé surtout en période de fortes chaleurs, et une auberge pour l’hébergement les locaux et les touristes ; − les visites programmées pour les étudiants et scolaires pourraient être envisagées, afin de sensibiliser la jeunesse sur l’histoire de la région et du pays. Dans tous les cas, un guide 1 de musée sera formé pour expliquer aux visiteurs et aux populations locales, le bien fondé de la sauvegarde du patrimoine naturel et culturel pour la connaissance de l’histoire aux populations actuelles et pour les générations futures, et l’importance historiques des sites et monuments dans la reconstitution de l’histoire générale du Togo. En 2012, dans le cadre de la préparation du dossier de nomination « des Greniers des Grottes de Nok et de Mamproug » sur la liste du patrimoine mondial, l’UNESCO nous a désignée comme coordinatrice du projet devant mener des recherches sur le terrain. À cet effet, nous avons été chargée de constituer une équipe pluridisciplinaire, afin d’effectuer le travail selon des termes de références indiqués devant permettre de répondre aux préoccupations du Ministère des Arts et de la Culture ainsi que celles de l’UNESCO. Ces recherches visent à exhumer la culture matérielle enfouie ou à s’intéresser aux vestiges abandonnés ou jadis utilisés par les occupants des lieux. Les grottes de Nok ont retenu notre attention dans le cadre
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L’affluence et l’intérêt des visiteurs après les fouilles de Notsé a conduit le Ministère en charge de la culture à trouver un agent pour servir de guide touristique sur le site dès la fin des travaux.
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des fouuilles archéologiques eet leur occu upation relèève d’un inggénieux savoir-faire et de créativité c dee ses ancien ns occupantss. Afin d’év viter les riisques d’éb boulement, des mesuures de p étudier la résistan ance des protection du site sont indisppensables pour parois des grottess, tenir le ssite en étatt de propreeté et restauurer les grenierrs endommaagés. Pour toutes ces préoccupatiions de prootection, de sauvvegarde, dee conservattion et de valorisation n des sites étudiés deux poossibilités sont s à reteniir dans l’imm médiat : − aménageement du siite des grotttes à grenierrs ; − formatio on des éétudiants en : arch héologie, hhistoire, géologie,, droit, et anthroppologie, géographie, g e autres études linguisttiques (ang glais, allem mand, espaagnol, russe, chinois… …) des Université du Tog go et des É Écoles de BTS en touriisme et pattrimoine r la noble foncction de culturel. Ils sont bien indiqqués pour remplir guides touristiquess. − aménageement des autres sitees dans la région : peeintures métallurgie de d fer, de céramique, c dd’autres rupestres ou pariéétales, de m artisanaats. Planche 29 : Grotte de N Nok, structu ure physique de descennte daans la grottee.
Clichés pris parr Aguigah en 22012
5.4.4. Expérience E d’archéolog d gie de sauveetage dans la l vallée duu Mono La constru uction du bbarrage sur le fleuve Mono (seccteur de Nangbééto au Togo o) comme ssource d’én nergie hydro oélectrique pour le Togo et e le Bénin a été néfasste pour la recherche archéologiq a que, et a contribbué inévitab blement à la destrucction d’une bonne paartie du 197
patrimoine culturel togolais et surtout de cette partie du territoire. En effet, aucune prospection archéologique n’a été sollicitée avant le début des travaux d’aménagement de ce barrage (Adandé 1989 : 103114). Pourtant, les expériences relatives aux constructions antérieures des barrages hydroélectriques sur les fleuves Volta, au Ghana, et Niger au Nigéria devraient faire prendre conscience de la nécessité d’une archéologie de sauvetage avant le démarrage des travaux (Adandé et Bagodo 1991). Le sous-sol africain est menacé par les destructions. De toutes parts surgissent de nouveaux travaux : rénovation et restructuration de quartiers urbains construction de grands équipements (barrages hydroélectriques, routes, pistes, de grands et petits travaux champêtres, etc. A cette allure, il n’y aura plus de vestiges sous le sol et tout aura été détruit. Il revient aux organes politiques et financiers la prise en compte de cette problématique. Le patrimoine archéologique doit être présent dans les domaines : culture, tourisme, enseignement, aménageurs, urbanisme, infrastructures routières, agriculture, collectivités publiques, association, etc. Heureusement, depuis une trentaine d’années, les institutions financières internationales, telles que la Banque Mondiale, prennent en compte la dimension préservation et promotion du patrimoine culturel dans leur nouvelle politique de financement des projets de développement (Goodland, 1988 : 48). C’est dans ce cadre que l’équipe mixte, composée de chercheurs du Togo et du Bénin, s’est constituée autour d’un projet d’Archéologie de Sauvetage d’Urgence dans la Vallée du Mono (ARSAVAMO). Ce projet a pour mission d’évaluer le potentiel archéologique encore disponible avant le démarrage de la construction du barrage du secteur d’Adjarala, sur le territoire du Bénin (1991 : 49-72). Il prend en compte, bien entendu, l’initiation et la formation des étudiants à la recherche archéologique et historique, la sensibilisation et la prise de conscience des adultes et des jeunes vis-à-vis du patrimoine culturel africain par des actions pédagogiques et par la vulgarisation des résultats archéologiques jusque-là obtenus. 6. Mise en place de structures de conservation en Afrique Dans l’état actuel de l’avancement des recherches, les archéologues sont conscients de l’impérieuse nécessité de créer des structures qui permettent d’élaborer de véritables politiques régionales dans le but de prendre en compte, d’une manière globale, les 198
problèmes que posent la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine africain. Pour cela, il sera indispensable : − de mettre en place une véritable politique globale de préservation, de conservation, valorisation et de promotion du patrimoine naturel et culturel dans les pays africains. Il en découle une collaboration indispensable entre les décideurs politiques, les financiers, les aménageurs (architectes, urbanistes, techniciens de gestion…) et les chercheurs concernés : − de mettre en place une législation rigoureuse sur la réglementation du patrimoine naturel et culturel des pays concernés. Celle-ci devrait impliquer les services d’ordre du pays, le public, les étudiants, les scolaires et les formateurs, qui auraient été informés auparavant de la nécessaire protection de notre patrimoine ; − d’arrêter le trafic et l’exportation illicites des œuvres d’art africain et des produits des fouilles ou de vols, actuellement prisées sur le marché américain, européen, asiatique et ailleurs. La conscientisation de la population passe aussi par celle des Africains qui, pour des gains immédiats, faciles et exorbitants, contribuent à ce pillage honteux, bradent leur richesse culturelle qui ampute ainsi leur continent d’une importante partie de son histoire, du reste, difficile à reconstituer et à jamais perdue. La gestion du patrimoine culturel devient donc une préoccupation majeure des acteurs concernés (Adandé 1990 : 102109; Sidibé 1992). Il s’agit de mettre en place une gestion commune et concertée des vestiges sortis des fouilles effectuées par les chercheurs autochtones et chercheurs étrangers sérieux, afin de vérifier rigoureusement ceux qui doivent partir à l’extérieur pour des analyses et ceux qui sont susceptibles de rester dans le pays d’origine. Le combat doit être mené par tous et avec tous. Il serait judicieux de solliciter le Conseil international des musées (ICOM) pour mettre en place la formation, la préservation, la sauvegarde du patrimoine, l’inventaire, l’enregistrement, la conservation matérielle, la restauration des collections, l’exposition et la gestion des collections dans un grand musée. Le musée instrument de pédagogie, doit jouer en Afrique, un rôle de recherche historique, de cohésion nationale, des atouts socioéconomiques, politique et culturels en constituant une large synthèse de la Nation. Tout citoyen doit retrouver sa propre culture et celle des autres, en bref, une fierté d’appartenir à une communauté et à un pays, voire à l’Afrique. A travers les objets présentés provenant de toutes les 199
communautés, on peut considérer que le musée est le miroir de la société. Dès lors, le musée doit être considéré comme un outil important de développement et doit s’intégrer au processus de développement intégral et harmonieux de l’Afrique. 7. Organiser la solidarité autour du patrimoine africain De tout ce qui précède, il apparaît que les problèmes et les questions relatives à la sauvegarde et à la protection du patrimoine commun africain sont quasiment similaires dans tous les pays. Dans le cadre de cette étude, il est judicieux de proposer l’organisation d’une solidarité interafricaine, susceptible de regrouper des responsables scientifiques locaux des pays intéressés, de même que les chercheurs étrangers non cupides et respectueux de notre richesse culturelle, pour intervenir ensemble lorsqu’un site est menacé de destruction. Cette proposition ou intervention, bien entendu, ne porte aucune atteinte à la souveraineté des pays concernés. Elle permettra, en revanche, de mieux gérer, dans un élan de solidarité, la grave menace de destruction qui pèse sur le patrimoine africain. Les fonds pour mener à bien cette tâche viendraient des dons des organismes et mécènes qui s’intéressent à la protection des ressources environnementales et patrimoniales, tels que des organismes africains : l’Union africaine, (U.A.), la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Communauté des Etats l’Afrique Centrale (CEMAC), la Communauté des Etats de l’Afrique Australe (SADEC), la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD), la Banque d’Investissement et de Développement de la CEDEAO (BIDC), Union Economique Monétaire Ouest Africain (UEMOA), la Banque Africaine de Développement (BAD), ECOBANK, Union Européenne (UE), diverses Ambassades, des fondations, des États, des entreprises du secteur privé et para-publics, des mécènes, un effort international et le soutien des bailleurs de fonds qui consacreront au moins 1 % de leurs recettes, voire des fonds individuels pour promouvoir la culture africaine. Le mécénat aussi sera développé dans ce programme de protection et de valorisation de la culture africaine. Ainsi, pourront s’opérer des interventions de sauvetage d’urgence, de prévention avant les grands travaux de construction d’infrastructures, de restauration et de conservation de notre patrimoine culturel. Le projet de la mise en place d’une organisation « Solidarité autour du 200
patrimoine africain » (SAPA) sera défini en collaboration avec les chercheurs autochtones et partenaires compétents et désintéressés, qui comprennent notre programme et qui partagent avec nous le souci de préserver et sauvegarder notre patrimoine depuis la préhistoire jusqu’à l’histoire générale de l’Afrique. Une autre forme de musée à créer qui aura une ouverture nationale, régionale, et inter-régionale (musée itinérant) pour favoriser et valoriser des expositions dans des pays concernées par notre étude et d’autres pays de la sous-région, voire de l’Afrique. C’est dans ce sens qu’il peut être envisagé à la création d’un Musée de l’Afrique de l’ouest et centrale (M.A.O.C) qui rassemblera les collections archéologiques, historiques, anthropologiques, ethnologiques (les pavements et terres damées…) géologiques, géographiques…de ces deux communautés. Car, l’intégration s’impose à nos pays comme une nécessité dictée par les liens de tous ordres qui unissent les pays et peuples, par la libre circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services ainsi que par la mondialisation des activités économiques, sociales et culturelles. Aujourd’hui, l’intégration reste la seule voie de l’Afrique pour être au rendez-vous de l’histoire et pour créer des espaces réels de développement humain durable et global, qui est un processus culturel, à tous les niveaux. C’est donc ce processus culturel que nous devons créer pour agir ensemble sur le cours des évènements connus et inconnus. En valorisant la riche culture africaine dans toute sa diversité, nous voulons bâtir une société africaine digne de son identité culturelle, reconnaissante des valeurs ancestrales dans lesquelles nous devrions, en principe, puiser l’énergie endogène nécessaire pour accéder à notre développement durable. Dans cette vision, l’Afrique doit « infrastructurer la culture », selon l’expression d’Alpha Omar Konaré, ancien Président du Mali et ancien Président de la commission de l’Union africaine. L’Afrique, berceau de l’Humanité, qui a engendré la première civilisation avec l’Egypte ancienne et les grands Empires doit relever la tête. Et pour cela, un grand centre ou des centres régionaux de la civilisation africaine doit être dédiés aux œuvres de nos ancêtres. Pour A.O. Konaré (1991) : « nous devons célébrer les valeurs africaines dans un grand centre africain, sur le territoire qui les a vu naître et évoluer, chez les peuples qui ont utilisé ces œuvres, qui y ont trouvé l’équilibre, l’harmonie, la conscience 201
d’appartenir à un continent, qui se sont épanouis et qui y sont impliqués par le même destin. Ce centre qui devrait être installé en Afrique, sera le lieu du plus grand dialogue œcuménique entre les civilisations, entre les cultures, entre les hommes pour forger l’humanisme du XXIè siècle. »
Ce centre pourrait être construit au Togo, sur le passage du corridor Abidjan-Lagos, une vitrine en face de l’Océan atlantique. Ainsi nous pouvons, comme ce grand muséologue australien, dans le cadre de la réconciliation entre les Aborigènes et les Européens dire que : « dans les communautés, le musée est un instrument de paix, d’harmonie et de réconciliation »1 Le musée est un facteur de développement, d’intégration, d’unité et d’identité. La création d’un musée dans l’espace concerné par notre étude est l’heureux aboutissement de la volonté des hommes politiques et des habitants de cet espace de rassembler dans un cadre commun, les objets et vestiges représentatifs de leurs cultures et de leurs civilisations, afin d’être en harmonie avec leur environnement et de s’atteler à leur développement. Le Musée de l’Afrique de l’ouest et centrale, lieu de diversité culturelle, ne devrait plus raisonner en fonction des frontières actuelles héritées de la colonisation, mais en fonction des aires culturelles, qui, dans l’histoire africaine, regroupent plusieurs communautés ethniques dans un élan fraternité. Le musée reflète les diversités culturelles et instaure le dialogue des cultures, et par conséquent la culture de la paix. C’est dans le musée que l’homme se reconnaît à travers les créations de ses ancêtres, de ses propres créations, celle de sa société, à découvrir son prochain et plusieurs traits communs qui les unissent. Le patrimoine, qu’il soit culturel matériel et immatériel, n’a pas de frontières et nous devons dépasser les barrières découlant des frontières tracées pendant l’époque coloniale. L’Afrique doit se doter de cadres de concertation pour la réalisation d’objectifs communs basés sur la solidarité entre elle et le reste du monde. Si l’humanité protège le patrimoine naturel et culturel africain, elle protège son propre patrimoine, qui est le bien commun de tous. Les patrimoines nationaux nécessitent une solidarité universelle et sont un outil à privilégier comme vecteur de paix.
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Communication orale en 1998 en Australie
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8. Revalorisation des techniques de revêtements de sol Tout au long de cette étude, nous avons mesuré l’importance du besoin de confort et surtout l’esthétique que les populations ont toujours recherchée pour embellir leurs demeures depuis une période étalée sur plus d’un millénaire. L’expansion de ce procédé se situe variablement entre le VIè et le XVè-XVIè siècles. Ce besoin de décoration existe encore aujourd’hui dans certaines localités, comme le pays kabiyè (Togo) alors que dans d’autres, il a disparu depuis trois à quatre siècles ou même plus tôt comme à Notsé, Tado, Dapaong (Togo), pays yorouba (Nigéria), Togudo-Awutè (Bénin), Godin (Burkina Faso). Les matériaux résistants, qui défient le temps, ont été choisis dans l’environnement des producteurs et des utilisateurs des pavements. À Notsé par exemple, on a augmenté la résistance du support par la cuisson de l’argile pour en faire un béton, comme on le remarque dans l’architecture moderne, car, le béton, s’il est bien constitué, est le matériau de construction qui supporte la dégradation et s’inscrit dans la longue durée Comme dans le cas des technologies anciennes en voie de disparition (peintures anciennes, céramique, métallurgie du fer, pavements…) et autres artisanats, un programme et des méthodes précises de recherches de formation s’imposent, afin de sauver ce qui peut l’être encore de la chaîne opératoire de confection des revêtements de sol et des autres métiers. Ce programme prendra en compte la collecte, les photos, le reportage vidéo et l’enregistrement d’informations sur le terrain. Il faut penser aux actions pédagogiques telles que des travaux manuels qui sont à développer à l’attention des scolaires et des étudiants. De même l’introduction de la formation, l’information et la sensibilisation sur les artisanats, notamment sur la poterie, dans les programmes destinés à l’apprentissage des jeunes déscolarisés, des femmes et des hommes sont à envisager pour leur permettre une insertion socio-économique adéquate. C’est l’une des voies à prendre pour aider sa communauté à sortir de la précarité et de la pauvreté. 8.1. Revalorisation de la technologie de la céramique Le programme de revalorisation des techniques anciennes sera subdivisé en plusieurs étapes. Dans un premier temps, il faudra mener des enquêtes chez les femmes productrices de poteries. En deuxième 203
lieu, les encourager par des activités concrètes à reproduire les formes et les décors anciens, organiser des expositions-ventes de leurs produits, des concours sanctionnés par des prix et de lots variables et des financements pour améliorer leurs revenus. Ces actions permettront non seulement de moderniser la production, mais aussi d’en relever l’importance dans un monde envahi par la vaisselle européenne et chinoise en porcelaine, émail et plastique. En effet, l’introduction des vaisselles européennes et asiatiques remplacent d’abord et partout les poteries fabriquées selon les procédés traditionnels, et constitue l’une des raisons essentielles du déclin de cet artisanat dont le début date du néolithique. En second lieu, l’introduction de l’école moderne a changé les habitudes traditionnelles et la jeune fille qui devrait, en principe, prendre la relève de sa mère dans la production de la céramique (le métier de potière passe de mère à fille en pays aja-éwé), se voit contrainte aux exigences et aux devoirs scolaires quotidiens. Dans ces localités, les potières actuelles sont âgées d’environ 65 ans, voire plus, jusqu’à 75 ou 85 ans. Les rares jeunes filles qui s’intéressent encore à ce métier le font aux heures de loisirs ou pour satisfaire certains besoins primordiaux. La relève n’est donc pas assurée, et on assiste alors à la disparition progressive en Afrique noire de l’une des technologies les plus anciennes du monde, qui remontent à plusieurs millénaires. Or, ailleurs en Afrique du nord, par exemple, et dans d’autres pays, la terre cuite représente jusqu’à présent la même valeur commerciale que les autres produits manufacturés. Le programme de revalorisation de la technologie céramique devrait tenter de reconstituer l’histoire de cet artisanat en Afrique, et s’appuyer sur des enquêtes orales et expérimentales menées dans plusieurs centres de production. La collecte d’un échantillonnage de référence serait très utile à une étude comparative telle que les catégories morphologiques et les poteries décorées. Un tel projet de collecte, en cours au Togo et au Bénin, sera animé par une équipe mixte composée d’archéologues, de muséologues, d’anthropologues et d’historiens de l’art1. Le principal objectif est de sauver pendant qu’il est encore temps, l’un des métiers traditionnels de la femme africaine. 1
Un projet de collecte des échantillons de référence était initié par les chercheurs béninois et togolais, financé par la fondation feue Marie Allen d’Iowa-City (USA), coordonné par Robert Allen. Le projet doit promouvoir les recherches ethnologiques au Togo et au Bénin, et dans la région, notamment la production de la poterie. Le
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En effet, la production céramique est une activité essentiellement féminine dans la plupart des régions d’Afrique. À travers ce métier, la femme participe pleinement à l’économie de sa famille et de sa communauté, et donc de son pays. Il est aussi à la base des relations commerciales et matrimoniales qui existent entre les régions avoisinantes. De par ses déplacements incessants (pour commercialiser et diffuser la poterie au-delà des limites de son village), il arrive que la femme crée des alliances entre d’autres groupes de populations et ces transactions matrimoniales constituent donc des faits sociaux qui assurent la survie et renouvelle la communauté. Outre les enquêtes ethnographiques et ethnologiques, l’on pourra organiser de mini-foires et expositions à l’attention des potières des localités étudiées telles que Notsé, Tado, Kara, Dapaong, Ifé... Ces manifestations auront des objectifs précis parmi lesquels on peut citer des opérations suivantes : − faire reproduire par les potières actuelles, les anciens motifs décoratifs, afin d’apprécier la difficulté du choix des outils utilisés pour la décoration, pour appréhender le degré d’intelligence des potières anciennes ; − encourager les potières à réhabiliter le métier et les inciter à reprendre les techniques décoratives anciennes disparues ; − créer une nouvelle clientèle qui recherche une expression originale, par exemple, les touristes, voire les autochtones. Les femmes pourront augmenter et vendre leur production, afin de relever leur niveau de vie et par conséquent celui de leur foyer, de leur communauté, et du pays ; − motiver la jeunesse à s’intéresser aux artisanats anciens, notamment celui de la poterie, métier qui peut-être aussi bien valorisé et rémunéré que les trois "C" que sont le commerce, coiffure, la couture,…de même que le tissage, la broderie… Ainsi, pourrait-on tenter de créer de nouveaux emplois pour la jeunesse, lui donner de nouvelles orientations professionnelles et l’inciter à aimer ce métier. Ces actions doivent s’inscrire dans un cadre bien défini. Les possibilités de créer des centres de production céramique pour les jeunes filles sont envisageables. Un emploi rémunérateur peut être initié pour les maintenir dans leurs milieux (ruraux ou urbains) et ainsi musée ethnologique Alexandre Adandé à Porto Novo était chargé de la coordination de ce projet.
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l’on pourra probablement atténuer l’attrait des grandes villes et sauver la production céramique du déclin qui la menace. Dans les centres artisanaux déjà existants, où le tour à potier est en usage, il serait intéressant d’expérimenter les anciens motifs décoratifs et les reproduire sur les poteries modernes. L’esprit d’invention sera encouragé et développé et les artisans peuvent s’inspirer de ces modèles anciens pour augmenter leur créativité et par ricochet, leurs revenus. Ces motifs décoratifs peuvent servir dans d’autres confections comme les modèles de tissus pagnes, de sacs, …et tous autres éléments de la vie quotidienne. Les actions ci-dessus définies, génératrices d’autres activités, sont prometteuses pour mettre en valeur la production céramique dans les secteurs où elle est encore aujourd’hui menacée. Matière première des pavements, la sauvegarde de la production céramique est indispensable, non seulement pour déterminer les origines des pavements, mais aussi pour les confectionner sur une longue durée. 8.2. Revalorisation de la technique des revêtements de sol À partir des observations de terrain, nous constatons dans la majorité des localités étudiées, le déclin indubitable du mode de pavage. L’artisanat de poterie a progressivement disparu, de même la confection des pavements. Sommes-nous dans une relation de cause à effet ? Si quelques jeunes filles peuvent encore produire des poteries aux heures de loisirs, aucune n’est actuellement capable d’aménager les sols avec des tessons de poterie. Les propositions élaborées pour la revalorisation de la céramique sont aussi valables pour les revêtements de sol. D’abord, une prospection systématique doit cerner les rares localités qui produisent encore aujourd’hui les pavements et les terres damées. Ensuite, elles seront cartographiées pour élargir la carte de répartition spatiale actuellement établie. Des enquêtes seront effectuées dans ces localités sur des disciplines telles que l’archéologie, l’ethnoarchéologie, l’histoire, l’économie, la sociologie, la géographie, la linguistique…qui pourront enfin compléter les informations disponibles sur le sujet ; afin de définir le cadre socioculturel et économique des réalisateurs (-trices) de revêtements de sol. D’un autre côté, la confection des cartes postales illustrées par les compositions spécifiques de pavements et les belles poteries 206
décorées, de même que la confection des matériels didactiques (ouvrages d’enseignement, dessins animés, posters, photos, diapositives, films, cassettes vidéo, numériques…), des guides et dépliants touristiques sont autant d’actions concrètes susceptibles de valoriser le mode de revêtements de sol. Le projet de réhabilitation s’intéressera à la production de la poterie moderne. Il associera les artisans (es) de la poterie et les réalisatrices des pavements, notamment les femmes de Notsé et du pays kabiyè au Togo. Les reportages audiovisuels, les productions de films et de diapositives et même de reportages sur internet constituent des supports pédagogiques non-négligeables pour les besoins scolaires ou universitaires. Il n’est pas inutile de signaler de possibles applications pratiques de cette technique de revêtement de sol ainsi mise au jour dans l’architecture contemporaine africaine. Elle peut être introduite, par exemple, à l’École africaine des métiers d’architecture et d’urbanisme (EAMAU) à Lomé. Les années universitaires passées à l’école ont montré l’engouement que les étudiants ont manifesté pour ce mode d’architecture d’intérieur. La connaissance de cet aspect d’aménagement du sol et d’organisation de l’espace renforce l’urgente nécessité de construire en terre africaine avec des matériaux disponibles dans l’environnement immédiat, adaptés ou adaptables à notre milieu tropical. Ainsi, pourront-être mises en valeur les technologies maîtrisées par les anciennes populations. Au-delà des moyens mis en place pour promouvoir cette technique ancienne, l’étude a bénéficié de l’approche pluridisciplinaire indispensable pour une bonne interprétation archéologique. Elle a permis de remonter aux origines de la technique de pavage du sol, de périodiser la mise en place des populations par des méthodes diverses de datations, de cerner l’organisation sociale, l’aménagement de l’espace habité par des recoupements de données historiques, l’utilisation des ressources géologiques locales par des analyses physico-chimiques. En somme, l’étude de l’homme, dans son milieu naturel qu’il a lui-même pétri et façonné selon ses propres besoins, est amplement discuté dans cet ouvrage. La vulgarisation des informations recueillies sur ce savoir-faire peut susciter d’autres vocations et fixer la pratique des pavements pour les générations futures. L’enregistrement vidéo servira de base pédagogique à ce projet. La revalorisation du tourisme culturel est un atout important au développement social et économique. Des visites 207
sur les sites à pavements et d’autres sites préhistoriques et historiques draineront des touristes étrangers, des populations locales et des régions voisines, de même, la vente des produits et articles (cartes postales, cassettes vidéo, reproduction des objets provenant des fouilles, …) financera en partie les recherches sur le terrain ou permettra aux populations d’autofinancer des activités socioéducatives de développement dans leur région. La meilleure planification des ressources culturelles et naturelles doit préoccuper les décideurs politiques et économiques pour sauvegarder les technologies anciennes.
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Conclusion générale et perspectives de recherches « Il devient indispensable que les Africains se penchent sur leur propre histoire et leur civilisation et étudient celles-ci pour mieux se connaître : arriver ainsi par la connaissance de leur passé, à rendre périmées, grotesques et désormais inoffensives ces armes culturelles » Cheikh Anta Diop 1979, T. I : 15.
Au moment où nous rédigeons les dernières pages de cet ouvrage, il importe de préciser la contribution de l’étude des revêtements de sol à la connaissance d’un aspect de l’habitat traditionnel en Afrique de l’ouest et du centre, son apport dans l’organisation de l’espace (protection, décoration….) et au peuplement ancien dans la zone retenue. Les perspectives de recherches (complémentaires à celles qui s’achèvent) qui seront dégagées permettront d’affiner la problématique et les solutions apportées à nos hypothèses. Au départ de cette recherche, la documentation de base était presque inexistante, parce que les informations étaient fragmentaires. Deux objectifs ont guidé l’élaboration de ce travail. Notre objectif est, définir la zone d’étude pour retracer l’organisation sociale et culturelle des populations étudiées de l’Afrique de l’ouest et du centre. Pour ce faire, nous avons été amenée à utiliser les données de la tradition orale, les résultats des recherches archéologiques effectuées ces quarante dernières années sur les sites concernés, complétés par les datations diverses à travers l’archéométrie. Les analyses de caractérisation des céramiques et les observations macroscopiques des pavements et des tessons exhumés en fouille ont été étudiées. Cette première approche n’achève pas les questions sur les revêtements de sol. Au contraire, elle permet d’en relever les faiblesses et les limites, comme nous l’avons déjà souligné plus haut dans l’introduction et d’ouvrir des horizons à d’autres thèmes de recherches. La présente étude a tenté de rassembler la documentation éparse et de se faire une idée globale de la question sur la technologie des revêtements de sol en Afrique. De ces séquences chronologiques, peut-on évoquer une rupture d’occupation de la région à une époque donnée ? Seule l’archéologie pouvait aider à infirmer ou à confirmer ces informations. À partir des 209
données archéologiques disponibles et des recoupements historiques sur la culture matérielle de l’aire ajatado, il apparaît que la région a été occupée sans discontinuité depuis le XIè jusqu’au XXè siècle. L’ancienneté de Tado remonte pour la métallurgie du fer aux XIè et XIIè siècles et la céramique ancienne au XIVè-XVè siècle. Tandis que l’art de la céramique est attesté à Notsé entre le XIIIè et le XXè siècles, jusqu’à aujourd’hui, avec une interruption dans la décoration autour du XVIIIè siècle. Quant au procédé de pavage, les sources orales restent muettes sur l’existence de la technique, (bien que les pavements existent) elle a probablement disparue entre le XVIIIè et le XXè siècle ou peut-être même plus tôt à Notsé. À partir de ces dates, on peut émettre pour l’instant l’hypothèse que les deux sites étaient occupés simultanément autour de la même période (XIè -XIIè siècles pour Tado, et XIIIè-XVè siècles pour Notsé 1 ). De toute évidence, on est en droit de penser à une séquence chronologique importante dans l’historiographie ancienne de cette région et de l’Afrique de l’Ouest et au-delà. Elle remet en cause les certitudes jusque-là avancées sur la mise en place des populations dans l’aire culturelle ajatado. Des recoupements historiques appuyés par des références chronologiques permettront d’établir de nouvelles séquences sur l’histoire de la région. Cependant, dans l’état actuel des recherches sur les cultures matérielles de Tado et Notsé, d’autres enquêtes archéologiques (prospection, sondages et fouilles) et des traitements de données doivent être programmés pour compléter ou vérifier les informations actuellement obtenues, car c’est une donnée importante que l’étude des revêtements de sol a révélé, qui pourra aider à une interprétation plus cohérente des données historiques. Eu égard à tous ces éléments relatifs à l’étude comparative des revêtements de sol, une archéologie régionale est-elle possible ? Si elle s’avère plausible, pourrait-elle servir de base à la recherche d’une identité culturelle commune des populations dans l’espace retenu ? Pour notre part, il s’agira d’intégrer les résultats obtenus dans la problématique générale des recherches sur l’émergence des villes et des cités en Afrique. À celle-ci, seront intégrés les résultats actuellement disponibles sur le sujet. 1
Si nous ne tenons pas compte de la date du XIè siècle pour les supports de pavement. D’autres échantillons seront soumis aux analyses par la même méthode, afin d’établir une réelle chronologie.
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D’un autre côté, la position chrono-stratigraphique a été considérée en rapport avec l’organisation spatiale et sociale, renforcée par des datations absolues et relatives. Par ailleurs, au point de vue stratigraphique, les pavements et terres damées sont apparus comme des éléments marqueurs du début et / ou de la fin de l’occupation de quelques sites, tels que Ulaira, Yelwa, Ifé (Obalara, Woye Asiri) et Notsé. Les associations d’objets (objets lithiques, sculptures, poteries et poteries rituelles, autels, ossements…), leur position en contextes et leur chronologie renseignent sur les fonctions dans l’organisation spatiale, sociale, religieuse (cultuelle) et culturelle dans l’espace étudié. Les poteries rituelles et les sculptures placées sous le pavement lui sont, bien entendu, antérieures, comme à Ifé Ita-Yemoo et Ulaira, au Nigéria. En revanche, lorsqu’ils sont placés après l’exécution de l’ouvrage, deux cas de figure se présentent : − les objets sont fabriqués et placés longtemps après le pavement, il y a postériorité, (Ifé-Ita-Yemoo, Ifé-Lafogido et IféObalara) ; − tout le dispositif est mis en place au même moment, pavements et objets de culte, il y a contemporanéité entre les deux événements (Notsé-Dakpodzi et plusieurs secteurs d’Ifé). La répartition spatiale des revêtements de sol a fait apparaître la division de l’espace habité, les plans d’occupation du sol et a circonscrit les principaux éléments du tissu urbain. Nous avons donc pu délimiter : − les zones d’habitation en zones résidentielles comme à Ifé, Tado, Notsé et en concessions familiales compartimentées qui définissent le domaine des hommes, des femmes, du chef de maison et des serviteurs, les salles de séjours ou de réunion reliées par des couloirs, comme à Ifé, Ulaira, Obalara ; − les zones réservées aux divinités, logées dans des temples communaux ou dans des sanctuaires familiaux à Notsé et à Ifé ; − les zones d’artisanat à Tado, Ifé. En outre, nous n’avons pas pu restituer entièrement les plans des bâtiments anciens et leurs dimensions précises, à cause de l’étendue réduite de la majorité des pavements sur lesquels nous avons travaillé. Les fouilles ont essentiellement livré ce qui reste des espaces abandonnés et enfouis, qui ne correspondent pas nécessairement aux 211
dimensions originales des bâtiments aux sols pavés. La recherche des plans de masse et de situation dépasse la capacité d’un (e) archéologue et nécessite la collaboration, principalement, d’architectes et d’urbanistes, pour reconstituer, au moins partiellement, la densité urbaine d’espaces anciennement pavés. Cependant, on a pu circonscrire deux zones à Notsé : Dakpodzi, palais royal et lieu de cérémonies, Alinu et Wotségbémé, zones d’habitation ; à Tado-Domé, quartier résidentiel des notables du roi. Ces plans de situation n’ont qu’une valeur signalétique. Lorsqu’on replace les pavements dans le contexte artistique d’Ifé, il est apparu que la période d’exécution correspond à celle des sculptures en bronze et en terre cuite et que les trois types d’ouvrages (pavements, sculptures en bronze et en terre cuite) ont connu une expansion entre le XIIè et XIVè siècles. Peut-on considérer que l’étude des pavements constitue « l’élément manquant » de cette vie artistique intense, pour conclure sur l’évolution de l’histoire économique, politique et culturelle du monde yoruba ? Cette hypothèse peut être retenue dans l’état actuel de l’avancement des travaux sur l’ancienne Ifé ? Cette étude sur les revêtements de sol dans les régions du golfe du Bénin a montré l’intérêt archéologique et historique de la culture matérielle, l’esprit d’invention et l’ingéniosité des populations qui en sont les auteurs. Elle a, en effet, ouvert un nouveau champ de recherche aux archéologues. Cependant, beaucoup de questions restent encore posées et ouvrent de nouvelles perspectives qui nécessitent, pour mieux les appréhender, la collaboration encore plus étroite que dans le présent ouvrage, avec d’autres chercheurs et disciplines telles que la géologie, l’histoire économique et politique, la sociologie, l’anthropologie… etc La présente étude a montré l’importance de la pluridisciplinarité et de la coopération scientifique nationale et interrégionale, voire internationale, et les collaborations déjà existantes doivent être renforcées et redynamisées pour avancer dans la problématique retenue. Dans un premier temps, il s’avère indispensable d’élaborer un programme de recherches sur plusieurs sites à pavements et à terres damées signalés, sur lesquels nous n’avons pas pu nous rendre, et ceux sur lesquels il n’existe aucune documentation écrite ou très peu consultée. Il faudrait ensuite poursuivre dans chaque localité, la prospection et le repérage de zones d’anciennes habitations, pour 212
établir une cartographie des espaces anciens bâtis ou non bâtis. Il est nécessaire d’effectuer d’autres sondages ou des fouilles, de prélever des éléments de datation pour établir des séquences chronologiques dans les régions pour lesquelles nous n’avons aucune datation et pour confirmer ou infirmer celles aujourd’hui disponibles. Dans la seconde phase des travaux à effectuer, il faudrait prélever des argiles (premier matériau des pavements) dans plusieurs localités, pour les analyses en laboratoire, notamment, pour en connaitre la composition chimique et minéralogique, afin de caractériser les types d’argile utilisés et tester la qualité de la poterie, car, c’est elle qui détermine la résistance des pavements. Il faudrait aussi analyser les tessons (pour les pavements non encore étudiés), d’autres supports ou les lits pour les comparer aux résultats déjà obtenus, pour situer la provenance ou les origines des argiles et établir si possible les types de relations commerciales (ou autres types de relations) qui ont pu exister entre les populations d’une région à une autre. Il s’agit, en fait, d’affiner et d’approfondir la recherche sur les origines des argiles ou des poteries par l’apport des différentes méthodes utilisées dans la présente étude. Les résultats, croisés avec les datations déjà disponibles, permettront de périodiser l’évolution des céramiques africaines. Cette enquête est déjà en cours dans plusieurs régions1. En outre, des recherches approfondies sur chaque site sont des sources d’informations importantes et complémentaires ; de même, des enquêtes à peine débutées sur les techniques anciennes de la poterie dans certaines localités, telles que Notsé, Tado, Tcharè, Défalé, méritent d’être poursuivies avec rigueur et comparées avec les techniques modernes. Si nous retenons le domaine togolais, la typologie proposée sera étendue aux autres productions céramiques sur le territoire. Au nord du Togo, l’enquête s’est étendue à toutes les localités autour de Tcharè reconnues pour leur production céramique, de même que les femmes, artisanes de pavements et de poteries seront partout recensées dans la région. Dans le cas de Notsé, elle s’est élargie auprès des potières de Kpalimé, de Tsévié2 et, à une plus grande échelle, à tout le 1
Plusieurs enquêtes ont porté ces dernières années sur la production céramique en Afrique. Pour plus d’informations se référer aussi à l’article de Denise Robert Chaleix. 2 Cette enquête a débuté en février 1989 et a fait l’objet d’un article: "Une industrie potière à Bolou (Tsévié)".
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pays ajaéwé, de même que les localités de la basse vallée du Mono, qui se réclament originaires de Notsé. L’enquête céramique effectuée à Sè, dans le Mono béninois, devra être élargie à d’autres agglomérations et insérée dans un projet bien précis de collecte d’un corpus de référence (Adandé & Métinhoué 1984). À Notsé, on constate une ressemblance frappante entre les tessons de poterie prélevés sur le site et les pavements, tant du point de vue du décor que de la morphologie, à tel point que l’observation minutieuse des tessons des pavements et l’étude de la poterie ancienne constituent des pistes de recherches intéressantes pour déterminer leurs périodes de fabrication. La comparaison, à partir des datations, montre que les pavements et les poteries ont été confectionnés presque à la même période (XIIIè et XVIIIè siècles). Toutes ces études devraient être complétées par des recherches sur la préhistoire du Togo, pour replacer le pays dans un contexte chronologique régional antérieur aux grandes migrations historiques. Pour ce faire, une étude pluridisciplinaire régionale s’impose et elle couvrira, pour le domaine ajatado, le Togo, le Bénin et le Ghana, afin de mettre en évidence les origines lointaines des populations qui occupent actuellement cet espace (de Meideros 1977 : 35-51). Les travaux identiques regrouperont les populations du Nord-Togo (Tcham 1992). En somme, l’étude sur les revêtements de sol a fait apparaître plusieurs thèmes, et susciter de nouvelles hypothèses que les recherches ultérieures permettront d’affiner, confirmer ou affirmer. Pour terminer, nous pouvons dire que la période des pavements correspond à la production et à l’utilisation intense de la céramique, à l’évolution continue de la technique, marquée par des productions endogènes et parfois par des influences extérieures. Enfin, cette étude apporte des informations indispensables inédites sur le peuplement et surtout sur les procédés que les Anciens ont adoptés pour maîtriser l’environnement. La connaissance actuelle de ces techniques traditionnelles peut permettre à l’Afrique de retrouver son originalité pour un développement endogène. La comparaison spatiotemporelle des ouvrages fondée sur la technique, les matériaux et la décoration, confirme l’existence de quatre ensembles culturels ou géographiques (l’aire yoruba, l’aire ajatado, l’aire kabiyè- tem, la région du lac kainji). Les découvertes sur la culture et sur la vie matérielle des populations anciennes de cet ensemble d’espace étudié, montrent une 214
grande maitrise technologique par nos aïeux. Les résultats obtenus ont, par ailleurs, confirmé certaines hypothèses : l’existence d’un peuplement préhistorique, l’occupation ancienne de plusieurs sites, l’existence de certaines technologies endogènes comme la céramique, l’architecture traditionnelle et les pavements de sols, les terres damées, ainsi que l’organisation de l’espace habité, etc. L’étude des revêtements de sol a contribué à la connaissance d’un aspect de l’habitat traditionnel en Afrique au sud du Sahara, son apport dans l’organisation de l’espace et la découverte du peuplement ancien dans la zone retenue. De même, la définition des fonctions des revêtements de sol dans l’espace habité, pour retracer l’organisation sociale et culturelle des populations étudiées s’est avérée importante. Les données de la tradition orale, les résultats des recherches archéologiques effectuées auparavant sur les sites concernés, complétés par les datations diverses, les analyses de caractérisation des céramiques et les observations macroscopiques des pavements et des tessons exhumés en fouille ont été d’une grande utilité. Ceci nous a permis de relever les faiblesses et les limites faisant suite à de nouveaux champs de recherches. Ces éléments, confrontés aux données des sources écrites, des sources orales, des sources iconographiques, et des archives existantes, permettent de mieux cerner les contours du passé, en réduisant les écarts observés dans la chronologie existante. Ainsi, la valorisation du patrimoine archéologique est aujourd’hui une exigence pour l’Afrique et si les contacts entre la communauté scientifique, les communautés locales, les décideurs administratifs, politiques, financiers, et le grand public sont maintenus et renforcés, ce sont tous les acteurs de la chaîne de l’archéologie qui en bénéficieraient, pour mieux connaître une partie de l’histoire reconstituée de l’Afrique, qui a participé elle aussi, à la connaissance de l’ histoire universelle. Il ressort donc de ces paramètres, les observations suivantes : − des ressemblances morphologiques (techniques, matériaux, décoration et sans décoration) dans des zones géographiquement éloignées apparurent aux mêmes périodes ou à des périodes différentes, par exemple, les tessons posés à plat : Yelwa, VIIIè siècle ; Old Oyo XIIè-XIVè siècle ; les sites de la Bénoué-Kébi, XIIIè-XVIIIè siècle ; Notsé, XIIIè-XVIIIè siècle ; Old Warra XVIIIè siècle. − des ressemblances, ont été également observées dans des régions géographiquement éloignées ou à l’intérieur d’un même 215
groupe culturel, aux mêmes périodes ou à des périodes différentes, comme les tessons posés sur chant : Daïma VIIè siècle ; les populations de culture yoruba (Ifé et ses environs) Xè-XVIè siècle, et celles qui partagent des affinités historiques avec le monde yoruba (Kétou et l’aire ajatado) ; − des dissemblances sont remarquées aussi dans une même région, comme l’utilisation de matériaux divers et des deux types de pose dans les localités situées aux abords du lac Kainji : Ulaira et Kagoge présentent des terres damées et des pavements exécutés en tessons, et des terres argileuses brûlées à Yelwa, Old Bussa, Old Warra et Kagoge ; (les fonctions de ces dernières restent inconnues à ce jour) ; En récapitulant, la comparaison spatiotemporelle des ouvrages fondée sur la technique, les matériaux et la décoration confirment l’existence de quatre grands ensembles culturels ou géographiques : − l’aire yoruba-ajatado domaine des populations qui partagent un fond culturel plus ou moins homogène ; − l’aire Kabiyè, où, dans les concessions de plusieurs villages de montagnes, les cours sont encore aujourd’hui pavées, notamment celles des chefs ; − la région du lac Kainji, où il existe quelques ressemblances et bien évidemment, des spécificités propres à chaque site, − l’aire de la Bénoué-Kébi, 27 ethnies importantes (auteurs probables des pavements) existaient avant l’arrivée des Foulbé au XVIIè siècle. Dans nombre de régions, il apparaît une évolution dans l’emploi des matériaux avec trois périodes distinctes. Ulaira et Ifé constituent les cas les plus parlants : − la « période pré-pavement » on damait la terre : aucune terre damée dégagée en fouille à ce jour, mais à Ulaira, l’enregistrement stratigraphique situe les terres damées dans les niveaux antérieurs aux pavements ; − la « période de pavements lithiques », entre le VIè et le XIIIè siècle dans certaines − localités ; dans d’autres, la période reste à ce jour inconnue à cause de l’absence de datation ; − la période de pavement en tessons de poterie, suivie de la combinaison des deux matériaux (tessons de poteries et matériaux 216
lithiques) ; l’apogée de l’art de paver les sols a connu une période de maîtrise et un raffinement des compositions géométriques. Les périodes restent variables suivant les localités : autour du Lac Kainji ; VIIè-XIè dans l’aire yoruba, Xè-XVIè siècle ; dans l’aire aja-tado XVèXVIIIè, et sur d’autres sites connus aujourd’hui jusqu’au XXè-XXIè siècles. Par ailleurs, en ce qui concerne les pavements en tessons de poterie découverts à Daïma au VIIè siècle, il n’est pas prudent d’évoquer une diffusion de la technique à partir du Soudan vers Daïma ou de Daïma vers le sud-ouest, (Shaw, 1969 ; Connah, 1981) tant que d’autres témoins ne viendront pas appuyer ces hypothèses. Connah lui-même met en cause les datations de Daïma qui ne correspondent pas aux grilles chronologiques des sites de la région. Or, le contexte du pavement dans Daïma II s’accorde bien avec les autres dates d’Ulaira VIIè siècle et de Yelwa VIIIè siècle pour les pavements en tessons de poterie. Il est donc raisonnable d’affirmer que nous sommes en présence de phénomènes propres à chaque localité. Par contre, l’ancienneté des pavements d’Ifé par rapport à ceux de l’aire ajatado laisse penser à une éventuelle provenance de la technique à partir de l’aire yoruba. Mais cette provenance n’exclue pas, bien entendu, des productions spontanées dans ces deux cultures. Lorsqu’on considère les dates des pavements de l’aire ajatado, on constate que le peuplement s’est mis en place au cours de ces périodes (vers le XIIIè siècle). Les datations des supports ont donc montré l’existence probable d’un peuplement ancien vers les XIè-XIIè siècles. Mais, il faudra attendre d’autres datations pour ainsi confirmer certains récits oraux qui insistent sur l’occupation antérieure de l’espace.
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236
Annexess photos et planches
BE-Lomé (Togo) Planchee 1 : Archéo ologie urbaaine, début de d fouille daans la cour du chef Adela Aklassou A III (Bè)
Source : Aguigah, 198 88
237
AGBO ODRAFO (T Togo) Planchhe 2 : Cérém monies des pprêtres avan nt les fouillees, réfectionn du toit du bâtiiment de laa maison W Wood, fouillles : lieu où ù les esclavves sont entasséés avant po our leur déépart Outre--Atlantique, artéfacts trouvés divers objets : bouteille b dee Schnaps,, sceptres royaux, puuits de Gatovooudo, cave des d esclavess.
Source : Kuévi, Aguig gah, 2005; 20008
238
NOT TSE (Togo) Planchhe 3 : Polisssoirs à aiguiiser des outils lithiquess et/ou en m métal de Kpévuu, Kussilokp pé-Notsé
Clichés pris par Aguigah, en 1984 et en 2008
Planchee 4 : Pavem ment à Dakp odzi avec une u coupellee, découvertte du pavemeent en bon état é sur plussieurs niveaaux par l’arcchéologue A Aguigah (Notsé))
Clichés pris p par Aguig gah en 1985
239
Planchee 5 : Détaail : Pavem ment en Paavement en tessonns de tessonss de poteriee posés surr chant po oterie sur ch hant sur unee route délimittée au prem mier plan ppar une à Dakpodzi ligne semi-circula s aire sans ttessons, emplaccement prob bable d’unn objet. Missionn catholiqu ue Saint-Daavid-Ifé (Nigériia)
Cliché pris p par Willett en 196 0 photo inédite
Cllichés pris parr Aguigah en 22005,
Photo 6 : Visite dee Mme Dannielle Mitterrrand, épousse du Présiddent de la Répuublique Fraançaise sur lle site archééologique de d Notsé enn 1990. (muséee in situ dee Dakpodzii). Musée restauré r parr l’Ambassaade de France en 1986. (N Notsé)
Cliché pris par Aguigah een 1990
240
Planchee 9 : Tranchées pratiqquées dans l’enceinte de d Notsé, V Vestige de l’ennceinte et l’’équipe de fouille com mposé d’ém minents cherrcheurs venus du Ghana (Pr Aquanddah), du Béénin (de Meidéros, M A Adandé, Metinhhoue), du To ogo (Kuevi et autres)
Clichés pris p par Posnaansky en 19811
241
Planchhe 9 : Céréémonie d’A Agbogbozan n (Fête de la muraillee). Les prêtrees traditionn nels et le cheef canton de Notsé, chef Agokoli IV, en marchhe pour alleer faire des cérémoniess rituelles dans d la couppelle à Dakpoodji. Muséee restauré paar l’Ambasssade des US SA en 2004..
242
Clichéss pris par Agu uigah en 2004
Planchee 10 : Répaartition des ossements dans le son ndage à Azaakpodzi (Notsé))
Clichés pris p par Aguig gah en 1986
243
Planchee 11 : Matérriels osseuxx humains exhumés e à Azakpodzi A (N (Notsé)
Clichés pris par Agu uigah en 19884 et par Martin M Dupuy en 2004 (Faaculté de médecinne de Cochin, Port-Royal, P P aris)
244
Planche 12 : Artéfacts trouvés lors des fo ouilles à No otsé. On y ttrouve un squelettee d’un hom mme aux m membres lon ngs en fouille, des paarures de femmes, des broches, des petitees poteries et e cauris, Azzakpodzi (N Notsé)
Clichés priis par Aguigah h en 1984.
Planchee 13 : Céréémonie de libation, diivers chantiiers-école aavec les étudiannts en Arch héologie, H Histoire et Anthropolog A gie à Notséé, Tado, Pya, Niiamtougou.
245
Clichés ppris par Aguig gah en 1984, 11987, 1990, 19 998.
246
TAD DO (Toggo) Planche 14 : Fouillles des fouurneaux dee Kpéyi et Aoutélé : f oyer de métallurrgie du fer.
Clichés prris par Aguigaah en 1992
247
Planche 155 : Mégalith hes de Tadoo, fouille du d site métaallurgique d e Kpéyi ett Aoutélé (Tado) fouilléé par le Proffesseur A. Goeh-Akué G
Clichés pris par Aguigaah en 1991
248
Planchhe 16 : Frag gments de ppipes décoréées et vases décorés de Tado
Clichéss pris par Agu uigah en 1992
249
PLA ATEAU U DE DA ANYES S (Togo) Photo 17 1 Dessin 1 : Le grannd Cercle d’Ahlon-Dé d nu. probablle Place préhistoorique de rééunion.
Coupes réalisé r par Possnansky et D. Kuevi en 198 85
250
Photo 18 1 : Le Graand cercle : les limites sont bordéées de pierrres, dont certaines c sont levéess et d’autress, en formee de dalless, et posées à plat. Diamètre : 225 à 30m; Ciirconférence : 90 à 1000m.
Photto 19 : Deux pierres levées, hautees chacune de plus dee 1,50m marq quent l’enttrée probaable du Gran nd cercle
Cliché prris par Kuevi en e 1985
Cliché pris par Kueevi en 1985
Photo 20 2 : Le cav veau d’Ahloon-Dénu Vu ue au niveau du sol, avvant les travauxx de fouilless, d’une chaambre entièèrement sou uterraine, coonstruite en pierrre que nouss avons bapttisé « caveaau » Sur la gauche on distingue ddeux des dalles de la toiture du caveau, l premier le caveau. déplacéées par le paaysan qui a découvert le
Cliché pris par Kuevi en 1985
251
Dessin : 2 du caveeau par M. K Kokou ABO OKI
C Coupe réalisé par p Kuevi en 11985
Photo 22 : Visite du chaantier par son Exccellence M Monsieur l’Ambaassadeur dee France auu Togo et paar l’épouse de son exccellence Monsieeur l’Ambasssadeur des Etats-Unis au Togo. De gauuche à droite : M. Kueevi, Mme R.Owens, R Professeur P M Merrick Posnannsky et Mmee et M. Chaatelais
C Cliché pris par Kuevi en 19885
252
BAS SSAR (T Togo) Planchhe 23 : Hauts H fournneaux Plan nche 24 : Reste dee haut pour laa productio on de la fonnte de fourrneau fer en activité à Bandjéli B (Baassar) et tu uyères vers 18890 au mom ment de l’ar arrivée des premiers p ex xplorateurs allemands
Cliché sorti s des Archives de la Misssion Evangéllique de Bâle pris en 1910
Clich hé pris par Ph de BARR RROS en 1981 1 et Barbier 19 992
253
Planchhe 25 : Hautts fourneauxx servant à la l fonte du minerai m de ffer et visite des d étudiantts des hauts fourneaux de (Bandjélli) Bassar
Clichés pris par les éttudiants en 20008 et par Agu uigah en 1987
254
KOZ ZAH (T Togo) Photo 26 : Dessin n 3 Plan Génnéral du Pallais du Cheff de Wyamddè cour pavée. Le sol de la cour estt entièremeent revêtu par p des tesssons de poteriee
Plan réaalisé par Aguig gah en 1988
255
Planchhe 27 : Visitte du site dee Pavement de Tcharè par p l’Ambasssadeur des Etaats- Unis. d’Amérique au Togo, acccompagné de son épouuse (Tcharrè et Wyamd dè).
Clichés pris par Aguigah en 2007
Planchee 28 : Visitee touristiquue des Minisstres Sélom Klassou enn charge de la Culture, C Asssimaidou ddu Tourism me et Aguigah en chaarge du Secteurr Privé dan ns le but dd’étudier laa mise en valeur les sites à pavemeents de Tch harè et Wyam mdè pour un n tourisme culturel.
Cliché pris p par Aguigaah en 2002
256
Planchee 29 : Pose sur chant ett à plat avecc consolidattion des pavvements Wyamddè
Clichés pris p par Aguig gah en 2007
Planchhe 30 : L’arrt appliqué au pavagee : Lame d’une daba ((Houe), d’une jarre j en con nfection, Tccharè et Wyaamdè
Clichés pris par Aguigah en 2008
257
Photo 32 Cour au sol revêtu avec des tesssons de po oterie (pavem ment) à Bohouu (Kozah)
Source : Mission Posn nansky, 1979
258
BEN NIN Planchhe 33 : Paveement en tesssons posés sur chant Togudo-Awu T utè (Allada)
Clichés pris par Adan ndé en 1991
Planchhe 34 : Paveement en tesssons posés sur chant su uperposés sse présennte comme une u plate-foorme, (Kétou u)
Cliché pris p par Willettt (photo inédiite) ; Dessin de d Lamolère
259
BUR RKINA A FASO O Planchhe 35 : Paveement en tesssons posés à plat, (God din)
Clichés pris par Kiéth héga en 1995
260
NIG GERIA Planchhe 36 : Reco onstitution ddes pavemen nts modernees au muséee (Ifé)
Clichés pris Aguigah en 1992 in W Willett
Photo 37 : Pavement en tessoons posés su ur chant en chevron c (Daaïma)
Cliché pris p par Connaah en 1981
261
Photo 38 : Pavement mixte enn tessons dee poterie po osés sur chan ant et en matériaaux lithiquee. Muraille cconstruite sur s le pavem ment, celui-cci est antérieeur à la muraille, Missioon catholiqu ue Saint-Daavid (Ifé)
Cliché pris p par Willettt en 1960
262
CHIINE Planchhe 39 : Pav vements lithhiques (gallets de quaartz) retrouuvés en Sugzouu (Chine) -R Ressemblannce avec les pavements.
Cliché pris p par Aguig gah en 2004
263
KOU UTAMM MAKOU (Togo) Planchhe 40 : Paysage culturell au pays dees Betammaariba inscritt au Patrim moine Mondiial de l’Uneesco en juilllet 2004.
Clichés pris par Aguigah en 2007
264
DAP PAONG G (Togo)) Photo 41 : Les falaises gréseuuse et les Grottes G à gren niers de Nook
Cliché pris p par Aguig gah en 2012
265
Planche 43 : Grotttes portant ddes peinturees rupestres (Sogou).
Clichés pris p par Aguig gah &J.J–Droouet en 1991
266
Planche 44 : Chan ntier de fouillle, deux grrands vases exhumés, pavemeent posé à plat p (Nok)
Clichés pris p Aguigah en 2012
267
* Liste des cartes Carte 1 : Situation géographique des pays concernés par les revêtements de sol ..... 23 Carte 2 : Zone d’étude retenue ................................................................................. 32 Carte 3a : Répartition spatiale des pavements .......................................................... 37 Carte 3b : Répartition spatiale des terres damées ..................................................... 38 Carte 4 : Zones de nos propres enquêtes orales et d’investigation archéologiques .. 55 Carte 5 : Répartition spatiale des pavements avec décorations ................................ 80
Liste des figures Figure 1 : Diagramme de classification des pâtes céramiques.................................. 96 Figure 2 : Diffractogramme avec amplitude des pics : pav 2 pose à plat (lit) superposé à pav 2 pose sur chant (tesson) à Notsé-Dakpodzi au Togo .................... 99 Figure 3 : Diffractogramme avec amplitude des pics : pav 1 niv 1 (lit) superposé à pav 1 niv 1 (tesson) à Notsé-Dakpodzi au Togo ..................................................... 100
Liste des tableaux Tableau 1 : Documentation écrite disponible sur les pavements et les terres damées. ..................................................................................................................... 59 Tableau 1bis : Chronologie des diverses dates des sites à pavements ...................... 62 Tableau 2 : Représentation des constituants de la céramique ................................... 93 Tableau 3 : Constituants minéralogiques par diffraction X ...................................... 98 Tableau 4 : Datation radiocarbone et Thermoluminescence des sites à pavements de la zone d’étude........................................................................................................ 108
Liste des dessins Dessin 1 : Poterie à décors multiple à l’extérieur; Pipes décorés de période différente à Tado (Togo) ......................................................................................................... 134 Dessin 2 : Poterie à décors multiple à l’extérieur ; Pipes décorés de périodes différentes. Tado (Togo) ......................................................................................... 135
269
Liste des photos et planches Photo 1 : Pavement en tessons sur chant décoré d’un bord de poterie, entouré de cercles concentriques et délimité par une zone semi-circulaire, Ife Mission catholique Saint David (Nigéria) .............................................................................. 70 Photo 2 : Pavement II en tessons posés sur chant en arêtes de poisson, décoré d’une coupelle au milieu et de cercles concentriques au Nord, motifs de tissage, le modèle prend la forme d’une chemise traditionnelle ; Pavement mixte VII en tessons posés sur chant alterné de galets et quelques nodules de concrétions ferrugineuses. Concession Woye Asiri-Ifè (Nigeria) ....................................................................... 71 Photo 3 : Planche 4 : Pavement mixte en bandes verticales de tessons sur chant, alternées de bandes de matériaux lithiques : Ifè-Concession d’Obalara (Nigéria) ................................................................................................................... 71 Photo 4 : Pavement mixte IX en tessons de poterie sur chant alternées de bandes de matériaux lithiques, décoré de cercles concentriques au milieu, au Nord et au Sud, motifs de tissage. Concession de Woye AsiriIfè (Nigeria) ....................................... 72 Planche 5 : Pavement mixte en tessons de poterie posés sur chant et en matériaux lithiques formant des carrées creux, remplis de galets, muni d’un drain d’écoulement. Mission catholique Saint-David-Ifè (Nigeria)................................... 73 Photo 6 : Schéma du pavement mixte en tessons de poterie posés sur chant et en matériaux lithiques formant des carrés creux, remplis de galets, muni d’un drain d’écoulement, au milieu se trouve trois cercles concentriques. Mission catholique Saint-David-Ifè (Nigeria) ......................................................................................... 73 Photo 7 : Pavements D et E en matériaux lithiques; Pavements en matériaux organiques Ulaira (Nigéria) ...................................................................................... 74 Planche 8 : Pavements posés à plat, en cercle concentrique avec une coupelle au milieu Dakpodzi- Notsé; Décoration du pavement DAK I avec une coupelle de poterie au milieu. Notsé (Togo) ................................................................................ 76 Planche 9 : a- Pavement en tessons posés à plat ; b- Palais du chef recouvert de motifs géométriques, d’incisions de chevrons et de triangle Paratao; c- Vestibule du chef, décoré sur la façade à Bandjéli (Togo) ............................................................ 77 Planche 10 : Décoration du pavement B avec une poterie au milieu. Pavements en tessons sur chant Concession Obalara-Ifè (Nigeria) ................................................. 78 Photo 11 : Lames minces : a- pipe décorée 6 : quartz, nodules ferreux et mica, btesson décoré 7 : quartz, nodules, c- tesson décoré 8 : quartz broyé, mica, nodules ferreux, d- tesson non-décoré 10 : quantité de quartz, nodules ferreux. Tado (Togo) .............................................................................................................. 84
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Planche 12 : Lames minces ...................................................................................... 87 Planche 13c : Lames minces ..................................................................................... 90 Planche 14 (14 a et b) : Pavement I en tessons posés à plat I à quatre niveaux superposés, avec la coupelle entourée de bords Dakpodzi-Notsé (Togo) ............... 115 Planche 15 : Pavement mixte IX en tessons sur chant alternées de bandes de matériaux lithiques, décoré de cercles concentriques au milieu, au Nord et au Sud, motifs de tissage Concession de Woye Asiri-Ifè (Nigéria)..................................... 118 Planche 16 : Pavement en matériaux lithiques à plat, mélangé de quelques tessons posés sur chant (16a) ; alternés de quelques tessons posés sur chant (16b) ; alternés de matériaux lithiques muni d’un fragment de tuyau comme égout (16c), Mission catholique Saint-David – Ifè (Nigeria) ................................................................... 126 Planche 16bis : Vue générale du groupe ouest de pavements en tessons. Woye AsiriIfé (Nigeria) ............................................................................................................ 127 Photo 17 : Pavement en tessons posés sur chant entouré de quatorze pots rituels avec au milieu un trou de poteau ? Lafogido -Ifè (Nigéria) ............................................ 129 Planche 18 : Poteries et tessons entassé pour le pavage Tcharè, Fragmentation des tessons de poterie; pose à plat des poteries fragmentées en taille moyenne, avec sélection minutieuse des tessons qui peuvent s’insérer dans l’ouvrage, Notsé (Togo) ..................................................................................................................... 162 Planche 19 a et b : Fragmentation des poteries en menus morceaux au moyen d’un galet pour la pose sur chant, Tcharè (Togo) ........................................................... 165 Planche 20 a et b : Pose sur chant des poteries fragmentées en taille moyenne, avec sélection minutieuse des tessons qui peuvent s’insérer dans l’ouvrage. Les tessons (panses et bords) sont posés en rangées jointives les uns des autres à Tcharè Wyamdè (Togo)...................................................................................................... 165 Planche 21 : Les artisanes assurent la solidité de l’ouvrage Tcharè-Wyamdè (Togo) ..................................................................................................................... 166 Planche 22a et b : Consolidation des tessons au moyen d’un galet, a et b Wyamdè (Togo) ..................................................................................................................... 167 Planche 23 : a- L’ensemble de l’ouvrage est couvert de terre et arrosé d’eau plate, b- L’ensemble est badigeonné d’une solution de bouse de vache appliquée à l’aide d’un balai Notsé (Togo).......................................................................................... 168
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Planche 24 : Disques de poteries décorés de cercles concentriques spécialement fabriqués pour les pavements Nupé (Nigéria) ........................................................ 172 Planche 25 : Pose de galets dans un jardin dans les vallées du Rhône (France); Décor en reliefs tourmentés............................................................................................... 175 Planche 26 : Site à pavement de Dakpodzi-Notsé (Togo) ...................................... 187 Planche 27 : Aménagement du site de Notsé avec le soutien financier de l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique ............................................................... 192 Planche 28 : a- En couleur rouge ocre le bâtiment du musée communautaire de Notsé, b- une partie du corps diplomatique suivant les explications de Madame Angèle D. Aguigah.; c- pavement des tessons de poterie multiséculaires à même le sol à Dakpodji (Togo) ............................................................................................. 195 Planche 29 : Grotte de Nok, structure physique de descente dans la grotte ............ 197
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TABLE DES MATIÈRES Sommaire.................................................................................................................... 7 Avant-propos et remerciements .................................................................................. 9 Préface ...................................................................................................................... 13 Introduction .............................................................................................................. 19 Chapitre 1 : La recherche sur le terrain et la méthodologie .......................................................... 21 1. Orientation du sujet ......................................................................................... 21 1.1. Objet de l’étude ...................................................................................... 21 2. État des connaissances .................................................................................... 26 3. Archéologie des pavements et des terres damées............................................ 31 3.1. Zone d’étude........................................................................................... 31 3.2. Définition des pavements et des terres damées ...................................... 33 3.3. Différents types de pavements................................................................ 34 3.4. Archéologie des pavements et des terres damées ................................... 35 3.5. Difficulté de la fouille des pavements .................................................... 39 3.6. Problèmes de chronologie ...................................................................... 40 3.7. Difficultés de l’étude des pavements ...................................................... 41 3.7.1. Difficultés d’ordre logistique ......................................................... 41 3.7.2. Raison d’ordre financier ................................................................ 42 3.7.3. Difficultés d’ordre sociologique .................................................... 42 4. Méthodologie et collecte des données............................................................. 45 4.1. Sources orales et traditions orales .......................................................... 46 4.1.1. Sources, traditions orales et archéologie ........................................ 46 4.1.2. Enquête orale ................................................................................. 50 4.2. Collecte du matériel d’étude................................................................... 52 4.2.1. Données de l’archéologie............................................................... 53 4.2.2. Méthodes de collecte ..................................................................... 54 4.2.3. Absence de structure de recherche................................................. 56 4.2.4. Pratique du terrain.......................................................................... 56 5. Sources écrites ................................................................................................ 57 6. Documents iconographiques ........................................................................... 60 7. Données ethnoarchéologiques......................................................................... 60 8. Période de pavements en Afrique et récapitulation chronologique ................. 61 9. Correspondance et contacts............................................................................. 62 Chapitre 2 : Composition et décoration des pavements................................................................ 67 1. Décor des pavements ...................................................................................... 67 2. Définition d’une typologie des compositions ................................................. 68 2.1. Groupe des compositions d’Ifè............................................................... 69 2.2. Groupe des compositions d’Ulaira ......................................................... 74 2.3. Groupe des pavements de Notsé............................................................. 75 2.4. Décoration murale et terres damées ....................................................... 76
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2.5. Techniques de damage du sol ................................................................. 78 Chapitre 3 : Apport des analyses physico-chimiques et pétrographiques à l’étude des céramiques et des pavements ............................................................... 81 1. Analyses des céramiques archéologiques ....................................................... 81 1.1. Lames minces de Tado ........................................................................... 82 1.1.1. Présentation des échantillons ......................................................... 82 1.1.2. Interprétation des éléments observés ............................................. 83 2. Composition des pâtes céramiques de Notsé .................................................. 85 2.1. Observation à la loupe binoculaire ......................................................... 85 2.2. Lames minces ......................................................................................... 86 2.2.1. Tessons de poterie.......................................................................... 86 2.3. Pavements en tessons de poterie............................................................. 88 2.3.1. Présentation des échantillons de tessons et supports...................... 89 2.3.2. Interprétation des éléments observés ............................................. 89 3. Mesure de température de cuisson .................................................................. 91 4. Analyse par fluorescence X ............................................................................ 92 5. Production locale ou importée : analyse de classification des pâtes ............... 94 6. Comparaison entre la composition minéralogique par diffraction X entre les tessons et leurs supports ....................................................................... 97 6.1 Présentation des échantillons de pavements et de lits ou supports .......... 97 6.2. Principe de la méthode ........................................................................... 98 6.3. Interprétation des données .................................................................... 101 6.4. Datation des supports des pavements par le radiocarbone ................... 102 6.4.1. Echantillons de lits ou supports étudiés ....................................... 102 • Résultats des analyses ......................................................................... 103 • Mesures ............................................................................................... 103 • Calculs ................................................................................................ 106 6.4.2. Interprétation des données ........................................................... 108 Chapitre 4 : Pavements, terres damées et organisation............................................................... 111 1. Pavements et espaces sacrés ......................................................................... 111 1.1. Sanctuaires et temples .......................................................................... 112 1.1.1. Lieux religieux de Notsé .............................................................. 112 1.1.2. Lieux religieux d’Ifè .................................................................... 116 1.1.3. Sanctuaires domestiques .............................................................. 116 1.1.4. Autres exemples de sanctuaires domestiques .............................. 119 1.1.5. Sites funéraires ............................................................................ 120 1.1.6. Bosquets....................................................................................... 121 1.1.7. Lieu religieux d’Ulaira ................................................................ 122 2. Pavements et le cadre d’habitation ................................................................ 123 2.1. Espaces couverts .................................................................................. 124 2.2. Espaces ouverts .................................................................................... 125 2.2.1. Concessions à impluvium ............................................................ 125
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2.2.2. Lieux publics ............................................................................... 129 2.3. Fonctions et techniques ........................................................................ 131 2.4. Organisation de la décoration sur les vases .......................................... 133 3. Pavements, terres damées et organisation socio spatiale .............................. 135 3.1. Places des pavements et des terres damées dans l’organisation sociale .......................................................................... 136 3.1.1. Revêtements de sol et organisation sociale à Tado ...................... 136 • Groupe des Alu ................................................................................... 137 • Groupe des Azanu ............................................................................... 137 • Groupe des Yoruba ............................................................................. 137 4. Indices archéologiques et occupation de l’espace ......................................... 138 5. Chronologie et mise en place du peuplement ancien .................................... 142 6. Cultures matérielles et urbanisation dans le monde aja-tado ........................ 144 6.1. Pavements et organisation sociale à Notsé ........................................... 146 6.2. Pavements et organisation sociale dans la culture yoruba .................... 147 6.2.1. Organisation de l’espace et chronologie à Ifé .............................. 148 6.2.2. Organisation de l’espace dans les villes issues d’Ifé ................... 150 6.2.3. Pavements et modes culturels en Afrique : synthèse des données ............................................................................. 151 Chapitre 5 : Approches ethnoarchéologiques : conservation, revalorisation des pavements et des terres damées ................................................. 155 1. Approches ethno-archéologiques des techniques d’exécution des pavements et des terres damées .................................................................. 155 1.1. Problématique....................................................................................... 156 1.2. Découverte des localités ....................................................................... 156 1.3. Méthodes mises en œuvre .................................................................... 157 2. Enquête ethnoarchéologique des pavements ................................................. 157 2.1. Cadre historique de l’enquête ............................................................... 158 2.2. Bref historique de la localité ................................................................ 158 2.2.1. Enquêtes technologiques ............................................................. 159 2.3. Choix technologiques et modes d’acquisition de la matière première ................................................................................. 159 2.3.1. Choix technologique des matériaux ............................................. 159 2.3.2. Modes d’approvisionnement des matériaux ................................ 160 2.3.3. Déplacement des personnes ......................................................... 160 2.3.4. Rétribution des artisanes .............................................................. 161 2.3.5. Mode de stockage ........................................................................ 162 2.3.6. Morphologie des matériaux ......................................................... 163 2.3.7. Choix de l’emplacement .............................................................. 163 2.3.8. Préparation des matériaux ............................................................ 163 • Fragmentation irrégulière : pose à plat ............................................... 163 • Fragmentation régulière : pose sur chant ............................................ 164 2.3.9. Pose des pavements ..................................................................... 166 2.3.10. Consolidation des pavements..................................................... 166 2.3.11. Battage ....................................................................................... 168
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• Application de la décoction ................................................................ 168 • Séchage ............................................................................................... 169 • Lavage et mise en usage du pavement ................................................ 169 2.3.12. Réussite de l’ouvrage ................................................................. 169 3. Outils de travail ............................................................................................. 169 4. Survivance des techniques d’exécution des pavements et des terres damées .......................................................................................... 170 5. Apport des enquêtes ethnologiques à l’interprétation archéologique............ 173 5.1. De la fouille à la conservation du patrimoine archéologique africain .. 176 5.1.1. Réflexion en amont sur la sauvegarde du patrimoine archéologique ................................................................. 177 5.1.2. Réflexion en aval sur la protection du patrimoine archéologique ................................................................. 178 5.2. Devenir des vestiges in situ .................................................................. 180 5.3. Méthodes de conservation .................................................................... 181 5.3.1. Conservation des pavements ........................................................ 182 • Moulage .............................................................................................. 182 • Entretien du musée in situ ................................................................... 183 • Présentation au public ......................................................................... 184 5.3.2. Protection du site entre deux campagnes ..................................... 186 • Protection du site de Notsé ................................................................. 186 • Protection du site de Tado................................................................... 187 • Protection du site de Dapaong ............................................................ 188 • Protection du site d’Ahlon .................................................................. 188 • Protection du site Togudo-Awutè ....................................................... 189 • Protection des sites d’Ifé ..................................................................... 189 • Sites à pavements du Kainji ................................................................ 190 • Sites à pavements des vallées de la Benoué et du Mayo Kébi .................................................................................... 190 5.4. Pour une politique globale de conservation de l’objet archéologique .............................................................................. 190 5.4.1 Propositions pour la sauvegarde du site de Notsé ......................... 191 5.4.2 Nécessité de création d’un musée ................................................. 192 5.4.3 Propositions pour la sauvegarde du site de Dapaong .................... 195 5.4.4 Expérience d’archéologie de sauvetage dans la vallée du mono .. 197 6. Mise en place de structures de conservation en Afrique ............................... 198 7. Organiser la solidarité autour du patrimoine africain .................................... 200 8. Revalorisation des techniques de revêtements de sol.................................... 203 8.1. Revalorisation de la technologie de la céramique ................................ 203 8.2. Revalorisation de la technique des revêtements de sol ......................... 206 Conclusion générale et perspectives de recherches ................................................ 209 Bibliographie .......................................................................................................... 219 Annexes photos et planches .................................................................................... 237 Liste des cartes ....................................................................................................... 269 Liste des figures ...................................................................................................... 269 Liste des tableaux ................................................................................................... 269
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Liste des dessins ..................................................................................................... 269 Liste des photos et planches ................................................................................... 270 Tables des matières................................................................................................. 273
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Structures éditoriales du groupe L’Harmattan L’Harmattan Italie Via degli Artisti, 15 10124 Torino [email protected]
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Histoire
Africaine
Ce livre de Madame Dola Angèle Aguigah, première archéologue du Togo, porte sur l’organisation de l’espace dans l’architecture traditionnelle en Afrique. Il étudie, d’un point de vue scientifique, les pavements et terres damées dans les régions du golfe du Bénin. La publication de cette enquête archéologique et historique concrétise les vœux émis par les chercheurs en archéologie et en histoire ancienne de l’histoire africaine. Le cheminement intellectuel mené dans ce travail s’appuie sur un travail de terrain de longue haleine, confronté aux découvertes des chercheurs des quatre dernières décennies, concernant les revêtements de sol dans l’espace habité, depuis l’Afrique centrale autour du lac Tchad, jusqu’en Afrique de l’Ouest dans le golfe de Guinée. La période étudiée s’étend du VIe au XXIe siècle. Malgré l’apparente abondance de ces techniques d’ornementation et de protection que sont ces revêtements de sol, témoins du passé plus ou moins lointain des sociétés, aucune étude exhaustive n’avait été menée à ce jour. Dola Angèle Aguigah a fait ses études supérieures à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne. Elle est actuellement maître de conférences et responsable de la filière Archéologie et Patrimoine culturel au Département d’Histoire et d’Archéologie de l’université de Lomé (Togo). Elle a été enseignante d’histoire de l’art à l’École africaine des Métiers d’Architecture et d’Urbanisme (EAMAU). Elle a participé à des fouilles archéologiques, des séminaires et des conférences dans plusieurs pays. Elle a conduit la délégation nationale ayant inscrit le premier bien culturel du Togo, le Koutammakou, au Patrimoine mondial de l’UNESCO à Sugzou (Chine) en 2004. Elle est décorée des grades d’Officier de l’Ordre du Mono, Chevalier de l’Ordre des Palmes académiques françaises en 2002, Prix international GONGS de CAPAR en 2009 et Personnalité africaine distinguée du Cinquantenaire des Indépendances (Togo) en 2011. Elle a été ministre déléguée auprès du Premier ministre, en charge du secteur privé de 2000 à 2003, ministre de la Culture de 2003 à 2005, présidente de la Commission électorale nationale indépendante de 2012 à 2014 (CENI).
Intégrée à l’ensemble éditorial « Chemins de la Mémoire », la collection « Histoire africaine » regroupe des travaux d’historiens consacrés à l’Afrique subsaharienne, des origines à nos jours.
En couverture : pose de tessons de poterie sur champ (Togo).
ISBN : 978-2-343-15637-8
31 €