Analyse isotopique d'un texte sacré: Le Cantique des Cantiques, extrait de la Bible de Jérusalem (French Edition) 2343154759, 9782343154756


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French Pages 180 [182] Year 2018

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ANALYSE ISOTOPIQUE
D’UN TEXTE SACRÉ
Le Cantique des Cantiques,
extrait de la Bible de Jérusalem
ATTESTATION
DÉDICACE
ÉPIGRAPHE
REMERCIEMENTS
SYMBOLES
PRÉFACE
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
DEUXIÈME PARTIE
TROISIÈME PARTIE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE 1. Corpus
ANNEXES
TABLE DES MATIÈRES
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Analyse isotopique d'un texte sacré: Le Cantique des Cantiques, extrait de la Bible de Jérusalem (French Edition)
 2343154759, 9782343154756

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Domonguilé Evelyne Sylvie SOMÉ est née à Guéguéré, province du Ioba, dans le sudouest du Burkina Faso. Elle est religieuse dans la congrégation des Petites Sœurs de la Sainte Enfance depuis 2000. Elle est titulaire d’une maîtrise en lettres modernes (option sémiotique) et d’un CAPES en français. Elle dispense des cours de français au complexe scolaire Sainte Thérèse de Banfora.

ISBN : 978-2-343-15475-6

19 €

Domonguilé Evelyne Sylvie SOMÉ

ANALYSE ISOTOPIQUE D’UN TEXTE SACRÉ

Le Cantique des Cantiques, extrait de la Bible de Jérusalem

ANALYSE ISOTOPIQUE D’UN TEXTE SACRÉ

La sémiotique, science attachée à l’étude de la signification, n’est pas biblique. Mais puisqu’il s’intéresse aux littératures et part des textes écrits, le domaine biblique est un champ possible d’étude car la Bible nous est donnée comme un texte à lire et à décrypter. Le choix de ce livre biblique, Le Cantique des Cantiques, tient compte de sa particularité littéraire. C’est un livre poétique très riche, unique en son genre, qui célèbre l’amour avec des accents romantiques très marqués, ce qui en fait un objet littéraire intéressant. Tout le message biblique pourrait se résumer à l’amour que chante la bienaimée en ouverture du poème : « Qu’il me baise des baisers de sa bouche » ; un amour manifesté par le bien-aimé qui « bondit » et tire le désir vers l’avant. La théorie de l’isotopie, qui obéit au principe d’immanence, a permis de faire une lecture sémantique et profane de ce livre biblique sous un angle littéraire, non théologique. N’est-il pas vrai que tout texte est un intertexte et un texte en situation ?

Domonguilé Evelyne Sylvie SOMÉ

ANALYSE ISOTOPIQUE D’UN TEXTE SACRÉ Le Cantique des Cantiques, extrait de la Bible de Jérusalem

L’Harmattan, 2018 5-7, rue de l’École-polytechnique, 75005 Paris www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-15475-6 EAN : 9782343154756

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ANALYSE ISOTOPIQUE D’UN TEXTE SACRÉ

Domonguilé Evelyne Sylvie SOMÉ

ANALYSE ISOTOPIQUE D’UN TEXTE SACRÉ Le Cantique des Cantiques, extrait de la Bible de Jérusalem

ATTESTATION Je soussigné Lucas Kalfa SANOU, Evêque du diocèse de Banfora, Atteste que le travail de la Sœur Evelyne Sylvie SOME sur l’analyse sémiotique du Cantique des Cantiques ne présente aucun empêchement du point de vue de la foi. En conséquence, je lui donne le Nihil obstat et l’imprimatur pour la publication du document. En foi de quoi je lui délivre la présente attestation pour servir et valoir ce que de droit. Fait à Banfora le 26 janvier 2018 Mgr Lucas K. SANOU

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DÉDICACE À tous ceux qui ont soif d’aimer et d’être aimés Que jaillisse au cœur même de leur détresse, une étincelle de joie Et que se lève enfin pour eux le SOLEIL de l’AMOUR

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ÉPIGRAPHE « Pourquoi faut-il que ceux qui meurent de faim meurent aussi d’amour ? Que ceux qui sont nourris de solitude et de sable rencontrent aussi l’amour ? »1 « Car l’amour est fort comme la Mort (…) Les grandes eaux ne pourront éteindre l’amour, Ni les fleuves le submerger. Qui offrirait toutes les richesses de sa maison Pour acheter l’amour, Ne recueillerait que mépris. »2

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Jacques Boureima GUÉGANÉ, cité par Georges SAWADOGO, « Analyse d’un poème ‘‘La femme du sud’’ extrait de La Guerre des Sables », p. 2. 2 Le Cantique des cantiques, chapitre 8, les versets 6 et 7, p. 958.

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REMERCIEMENTS La rédaction de ce document doit beaucoup aux ressources des bibliothèques où nous avons travaillé et à tous ceux qui ont bien voulu mettre à notre disposition leurs documents personnels. Aussi nous est-il judicieux au terme de ce travail de recherche, de leur exprimer ici toute notre profonde gratitude et notre reconnaissance ainsi qu’à tous ceux qui, par leurs conseils, leurs encouragements et leurs expériences, nous ont aidée et soutenue dans sa réalisation. Nos remerciements vont particulièrement : - Au Pr Georges SAWADOGO notre directeur de mémoire qui, malgré sa lourde charge de Président de l’Université de Koudougou, a bien voulu accepter nous accompagner dans notre travail de recherche. De tout cœur, nous le remercions pour son orientation dans le choix de notre thème de recherche, pour sa disponibilité, ses remarques, ses critiques, sa patience, pour la correction du document et pour la documentation mise a notre disposition. - Au Dr Mahamadou Lamine OUÉDRAOGO pour son soutien, ses encouragements et sa disponibilité constante à corriger notre document. - À l’ensemble du corps professoral du département de Lettres modernes de l’Université de Koudougou pour la qualité des enseignements. - À tous les enseignants de l’option sémiotique pour la qualité de leurs enseignements et pour l’amour de la sémiotique qu’ils ont semé en nous. - À tous nos camarades de Lettres modernes notamment ceux de l’option sémiotique. - À nos consœurs, à notre famille, à nos bienfaiteurs et amis, à tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à la réalisation de ce travail. Que chacun trouve, ici, l’expression de notre cordiale gratitude. 11

SYMBOLES Nous présentons dans cette page les notations et les symboles que nous avons utilisés dans le document : « » : Signe / / : Sème, trait isotopique ou mise en évidence d’une valeur sémantique // // : Classe sémantique vs : Versus, opposé à = : Équivalence

SIGLES ET ABRÉVIATIONS Ap : Apocalypse de Saint Jean BJ : Bible de Jérusalem Ct : Cantique des cantiques 1 Co : Première Épître de Saint Paul aux Corinthiens Dt : Deutéronome Ép : Épître de Saint Paul aux Éphésiens Éz : Ézéchiel Gn : Genèse Is : Isaïe Jb : Job Jn : Évangile de Jean Nb : Nombres Mc : Évangile de Marc Mt : Évangile de Mathieu Lc : Évangile de Luc Os : Osée Pr : Proverbes Ps : Psaumes Qo : Qohélet (l’Ecclésiaste) 1Rois : Premier livre des Rois Sg : Sagesse TOB : Traduction Œcuménique de la Bible 1 Th : Première Épître de Saint Paul aux Thessaloniciens v. : verset

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PRÉFACE « Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi » (Ct 2,16). Cette citation donne le ton du ‘’Cantique des cantiques’’, ou du ‘’plus beau des cantiques’’. L’auteur de la présente publication est une religieuse, si bien que le choix de son sujet de recherche littéraire est à la fois bienvenu et courageux, car l’analogie de l’amour humain, et même de l’amour conjugal, pour parler des rapports de Dieu avec son peuple, ou de la relation du Christ avec l’âme, est délicate à manier. Dans le cadre de son mémoire de maîtrise en Lettres modernes, la Sœur Domonguilé Evelyne Sylvie SOMÉ procède à une analyse structurale du texte du Cantique des cantiques. Il s’agit donc d’une étude littéraire et non théologique du texte sacré comme le souligne l’auteur, cependant il faut reconnaître que le premier chapitre de l’ouvrage constitue une bonne introduction de théologie biblique à la littérature sapientielle. En outre l’analyse sémiotique constitue de nos jours une approche exégétique pour dégager le sens des textes bibliques, si bien que les conclusions de ses recherches servent de fondement pour une réflexion théologique de ce texte sacré. La technicité de l’étude, surtout au chapitre III, avec des termes spécifiques de l’analyse sémiotique, peut paraître rébarbative pour un profane du domaine littéraire, mais les conclusions du cinquième chapitre sont fort appréciables. Ainsi l’analyse permet de découvrir que : • « l’amour est solitude ; solitude morale, solitude liée à la séparation, solitude de la non-possession, de la non- fusion avec l’être aimé »,

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• et « c’est l’amour qui permet à chacun de voir la beauté de l’autre ». • « L’amour reçu et accueilli peut être partagé : "mangez amis, buvez, enivrez-vous, mes bienaimés !’’ Cela pourrait préfigurer la ‘’Jérusalem céleste’’ décrite dans l’Apocalypse (Ap 21,2) » Ainsi, les résultats auxquels l’auteur aboutit au chapitre six permettent de comprendre la beauté et la profondeur de l’amour entre un bien-aimé et sa bienaimée, entre Dieu et Israël son peuple, entre le Christ et son Eglise, car, comme elle le dit : « l’amour charnel du couple se dit dans un langage qui reprend celui de l’amour divin ». Nous découvrons alors que notre conception ordinaire de l’amour profane est justement trop profane, d’où notre malaise pour en parler. Pourtant, toutes les formes d’aimer que nous pouvons connaître sur terre, ne sont pas séparables de l’amour qui est en Dieu, qui est Dieu, et qui leur donne d’exister. En effet, « Dieu est amour » comme le dit saint Jean (1 Jn 4,8). À la lecture de ce travail, j’encourage l’auteur à poursuivre ses travaux de recherches littéraires, et mon souhait est qu’elle étende ses recherches pour dégager le sens profond d’autres textes sacrés. Puisse-t-elle étendre également ses investigations vers l’oralité comme style qui transparaît dans ces textes, même mis par écrit. Mgr Lucas Kalfa SANOU Évêque de Banfora et précédemment Professeur d’Écriture Sainte et de langues bibliques au Grand Séminaire de Koumi. Il a été également chargé de cours à l’Université Catholique de l’Afrique de l’ Ouest (U.C.A.O.) à Abidjan sur « l’Oralité africaine et la bible

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INTRODUCTION « Vivre, c’est aimer et aimer c’est vivre » (Xavier LACROIX, p.13). L’amour dans ses multiples dimensions a traversé les âges. De l’antiquité avec la poésie lyrique au XIXème siècle avec le romantisme en passant par le XIIème siècle avec l’amour courtois, il n’est de culture et de société qui n’aient, sous diverses formes, valorisé l’amour. L’intérêt que ce terme suscite est corroboré par le témoignage d’une pléthore de significations qu’on lui confère. Pendant que les uns expriment l’amour par le biais de la chanson, d’autres le déclament à travers la poésie et d’autres encore l’exaltent dans le vécu quotidien. L’amour est un mystère entre deux cœurs, deux âmes sensibles dont la clé de décryptage se cache dans le regard de l’âme sœur qui attend. Il est une réponse au désir le plus profondément inscrit dans le cœur de l’être humain. Ce sentiment, l’amour, bien qu’il soit par moments source de grandes souffrances, évoque beaucoup de biens : « la reconnaissance mutuelle, l’unité par-delà la séparation, le repos au milieu des combats où enfin l’existence prend du prix aux yeux de quelqu’un » (Xavier LACROIX, 1997, p.7) : « Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime » (Is 43, 4). Ce grand poème d’amour anonyme, Le Cantique des cantiques, qui fait l’objet de notre étude, est un livre poétique extrait de la Bible de Jérusalem. Son interprétation a été depuis des siècles et demeure toujours de nos jours critiquée. Beaucoup de thèses se sont défiées et continuent à se défier autour de son origine, de sa relation avec le reste des livres de la Bible, de sa relation avec les autres littératures. De grands écrits de la mystique chrétienne lui sont associés. La littérature profane elle17

même s’est souvenue de ses versets et s’en est inspirée. De même, de nombreux et nouveaux travaux, dont la nomenclature semble inépuisée, sont proposés à l’intérieur de ses 117 versets. Pourtant, Le Cantique des cantiques demeure toujours une interrogation et l’objet d’acerbes discussions entre les spécialistes de la Bible. En effet, comment le discours humain peut-il servir de socle pour diffuser la communication divine ? Mieux, comment est-il possible d’expliquer ou d’interpréter comme Parole de Dieu Le Cantique des cantiques composé tout entier en un langage humain ? C’est ce monde du texte, dans lequel s’inscrit notre modeste contribution du point de vue philologique et non théologique, que nous évoquons dans les pages qui suivent. Notre objectif dans cette recherche est de progresser dans la connaissance du poème lui-même en le situant dans son contexte et en donnant la structure, le sens et la portée ; tout cela à partir d’une approche sémiotique. Avec l’invention de l’écriture, les hommes et les femmes peuvent lire et créer des méthodes pour mieux comprendre les textes. C’est dans cette perspective que des chercheurs tels que Charles Sanders PEIRCE, Louis HJELMSLEV, Algirdas Julien GREIMAS, François RASTIER, pour ne citer que ceux-là, vont adopter chacun une démarche scientifique afin de rompre avec les méthodes littéraires considérées peu scientifiques et faire de la littérature, une science. La sémiotique, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, va donc traiter des signes et des systèmes de signification dans bien de domaines : littérature, architecture, cinéma, publicité, etc. Pour l’analyse sémiotique, chaque domaine de recherche est une découverte nouvelle et nécessite une démarche d’approche originale. Aussi avons-nous concentré notre étude de texte sur la question des isotopies dans Le Cantique des Cantiques. Notre approche étant 18

purement sémantique, elle s’inscrit dans le cadre de la sémantique textuelle avec la théorie de François RASTIER (1987) affiliée à la linguistique structurale et à la sémiotique textuelle d’Algirdas Julien GREIMAS (1953). Le concept d’isotopie est né des travaux d’Algirdas Julien GREIMAS (1966) en vue de l’analyse sémantique des textes. Il sera repris par d’autres sémioticiens et il va être considéré comme un moyen de détermination de l’unité du message du discours-énoncé, voire du texte. L’isotopie est la récurrence des mêmes traits sémantiques dans un texte donné. Elle permet d’établir la cohésion et la cohérence du texte, et de rendre possible sa lecture d’une manière uniformisée et uniforme. L’isotopie, c’est la trame même du texte et le garant de sa cohérence. Elle permet d’ « appréhender un discours comme un tout de signification » selon les termes de DUBOIS. Le choix de ce livre biblique tient compte de sa particularité, de son originalité. En effet, Le Cantique des Cantiques est un texte biblique qui baigne dans un climat d’amour sans défaillance. André-Marie DUBARLE lit dans la manière dont le Cantique s’exprime, « ‘‘une purification énergique de l’amour’’ : le Cantique évoque un amour unique et exclusif, dans une société où se pratiquait la polygamie ; il déclare un amour fort comme la mort, là où la répudiation était une solution commune ; il montre une égalité pleine, là où les rôles masculin et féminin étaient conçus dissymétriques ; il délie l’amour – envisagé en sa totalité englobant son expression physique – d’un neutralisme sans pudeur, sans grâce, et finalement sans humanité. » Cité par Anne-Marie PELLETIER (1993 : p. 32). 19

Le Cantique des cantiques se révèle être un livre poétique très riche, unique en son genre. Il est une sorte de condensé de poésies, de rêves et d’expressions amoureuses libres. Ses qualités littéraires ont su rendre avec une irréversible ferveur les multiples images ou facettes de l’amour. Tout le message biblique pourrait se résumer dans Le Cantique des cantiques. En effet, Le Cantique des cantiques célèbre l’amour : celui que chante la bien-aimée en ouverture du poème : « Qu’il me baise des baisers de sa bouche » ; celui manifesté par le bien-aimé qui « bondit » et tire le désir vers l’avant. Outre ces aspects, il y a une surabondance de termes qui se répètent tout le long du texte. Aussi avonsnous estimé qu’ils seraient liés à des phénomènes d’isotopies, et que seule leur analyse minutieuse permettrait de mieux cerner le message du texte. Nous notons des récurrences de l’isotopie sémantique /Homme/ vs /Femme/ ; /Ouvert/ vs /Clos/ ; /Dehors/ vs /Dedans/ ; /Euphorie/ vs /Dysphorie/ qui s’inscrivent ainsi dans le champ des sens dénotatifs et connotatifs. La sémiotique, science attachée à l’étude de la signification, n’est pas biblique. Mais puisqu’elle s’intéresse aux littératures et partant aux textes écrits, le domaine biblique est un champ possible d’étude car la Bible nous est donnée comme un texte à lire et à décrypter. La Bible est une bibliothèque et un livre ; elle est un corps d’écrits composé de plusieurs livres et la méthode sémiotique va permettre au lecteur de la Bible de mener une lecture plus approfondie des textes bibliques et aussi, elle va aider beaucoup de personnes à entrer dans une pratique de la lecture de la Bible. En ce sens, l’on pourrait dire que la sémiotique favorise l’approche du texte biblique. À notre connaissance, aucune analyse sous l’angle isotopique n’a été faite sur Le Cantique des cantiques. Cependant, sur la sémantique biblique en général, les 20

analyses de textes bibliques publiées sont déjà assez nombreuses soit dans des revues soit dans des livres. Car l’interprétation des textes bibliques ou de la Bible ellemême intéresse aussi bien la théologie que la recherche érudite. Il est désormais possible de discuter du sens des expressions bibliques d’une façon plus posée, œcuménique et franche. La sémantique biblique, étude du langage biblique du point de vue de la signification, occupe une place à part à l’intérieur du domaine général de la sémantique linguistique car la Bible a son langage propre à elle et, étudier la Bible ou un texte biblique, c’est s’intéresser à ce langage spécifique. Notre objectif dans la présente étude étant d’analyser le sens dans Le Cantique des Cantiques à travers les isotopies, notre travail s’articule autour de trois (3) grandes parties. - La première partie est consacrée aux aspects généraux sur la Bible et aux considérations méthodologiques. Dans le chapitre 1, nous traitons des connaissances générales sur la Bible, sa structuration et nous présentons le support de notre étude : Le Cantique des cantiques. Dans le chapitre 2, nous exposons la problématique de l’étude, la méthode de travail, les objectifs visés et nous formulons des hypothèses. - La deuxième partie traite des considérations théoriques. Dans le chapitre 3, nous abordons la notion de sème et des parcours sémémiques. Le chapitre 4 est consacré au concept d’isotopie selon les différents points de vue des auteurs et théoriciens. - La troisième partie est l’application de la théorie de l’isotopie sur le corpus à travers une lecture interprétative. Dans le chapitre 5, nous partons de la structure de surface à la structure profonde du 21

poème pour mettre en relief les isotopies génériques et les isotopies spécifiques selon la terminologie de François RASTIER. Le chapitre 6 est le résumé de toute l’analyse où nous partons de la structure logico-sémantique du poème pour aboutir au carré sémiotique emprunté à la théorie d’Algirdas Julien GREIMAS. Pour clore le travail, nous avons annexé deux documents. La première annexe est le corpus ressaisi comme tel dans la Bible de Jérusalem (1996) afin de permettre au lecteur de s’y référer en cas de besoin. La deuxième annexe est Le Cantique des cantiques mis sur toiles peintes par Marc CHAGALL. Ces toiles, sans interférer à notre analyse, pourraient, nous l’espérons, constituer un nouveau corpus pour une nouvelle analyse. Car comme nous le disions plus haut, Le Cantique des cantiques a laissé et laisse encore de nos jours couler beaucoup d’encre jusque dans la peinture et l’inventaire est loin d’être achevé.

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PREMIERE PARTIE ASPECTS GENERAUX SUR LA BIBLE ET CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUE Tout travail scientifique nécessite avant tout une démarche d’ensemble bien structurée. Aussi le sémioticien dans son analyse fait-il appel à une méthodologie rigoureuse pour mener à bien son travail. Pour que cette étude puisse se mener de façon cohérente et permettre ainsi au lecteur de mieux nous suivre dans notre démarche, nous donnons dans le premier chapitre des aspects généraux sur la Bible et dans le second chapitre, nous nous penchons sur les aspects méthodologiques.

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CHAPITRE I ASPECTS GÉNÉRAUX SUR LA BIBLE Ce chapitre est consacré aux connaissances générales sur la Bible. Nous présentons le contexte de la recherche, la famille des livres dits sapientiaux d’où est tiré Le Cantique des cantiques et nous établissons un parallèle entre Le Cantique des cantiques et certains écrits Bibliques. I.1. CONTEXTE DE LA RECHERCHE I.1.1. Connaissances générales sur la Bible Qu’est-ce que la Bible ? Pour Paul CLAUDEL, la Bible est « un immense poème ». Mais avant lui, Victor HUGO l’avait qualifiée de « poème des poèmes », écrite dans la « langue de feu ». Ce poème choral, aux dimensions océaniques, où l’Esprit-Saint a usé de bien des générations de collaborateurs, donne voix en lui à toutes les possibilités de l’homme avec Dieu, de l’homme près de Dieu, de l’homme loin de Dieu, de l’homme contre Dieu, que ce soit dans la paix ou la guerre, dans la joie ou la détresse, dans l’espérance ou le découragement, dans la nuit ou l’aurore. Le mot « Bible » vient du grec ‘‘biblion’’, qui veut dire « livre ». Il dérive de ‘‘Byblos’’, le port phénicien antique où l’on trait le papyrus (biblos) avant de l’exporter vers la Grèce. Dès le IIe siècle avant Jésus-Christ, les Juifs d’Alexandrie désignent ainsi la « Loi de Moïse » ou Pentateuque, qu’ils appellent aussi « L’Écriture » ‘‘graphê’’. Au Moyen Âge, le pluriel ‘‘ta biblia’’, « les

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livres (saints) », donne en latin le féminin singulier ‘‘biblia’’, d’où le mot français « bible ». La Bible est une collection de livres : vingt-quatre officiellement pour les juifs, tous en hébreu avec quelques passages en araméen ; trois fois plus c’est-à-dire soixantedouze (72) pour les chrétiens, avec une bonne partie en grec, dont les textes du Nouveau Testament. À l’instar du temple où ils sont conservés, les textes bibliques sont désignés, par les juifs et les chrétiens, comme « saints » ou « sacrés », c’est-à-dire « mis à part » de tous autres, d’où des formules « Écriture Sainte » et « Écrits sacrés » utilisées depuis l’Antiquité à nos jours. La Bible est ainsi considérée comme la constitution ou la charte du peuple « élu » qui s’identifie lui-même comme « saint ». Pour les croyants, la Bible contient la parole de Dieu, mieux elle est « Parole de Dieu ». Aussi, depuis l’origine, elle a une place privilégiée dans le culte judéochrétien. Après le désastre de 70 et la ruine du temple de Jérusalem, les Juifs la tiennent dès lors à distance. La première traduction de la Bible est réalisée à partir du IIIe siècle avant Jésus-Christ à l’intention des Juifs de langue grecque. Ensuite les chrétiens la traduisent en plusieurs langues. Du Ier au Xe siècle, la Bible grecque sert de matrice à bien d’autres Bibles, qui en sont directement issues. La traduction latine devient vite une nécessité pour les chrétiens, chez qui le grec n’est plus la langue exclusive pour la communication et le culte. Saint Jérôme (342-420) ouvre le destin occidental de la Bible à son espace décisif. Aménagées et complétées sous le nom de « Vulgate », les Écritures latines dont il est le père imposent leur autorité en Occident jusqu’au milieu du XXe siècle. Après la naissance du christianisme, les Juifs traduisent la Bible. Les targuoums ou « traduction » sont les versions araméennes de la Bible. Certains auteurs anciens font état de traductions juives de la Bible en arabe. 26

De nombreuses Bibles françaises voient le jour depuis la fin du XIXe siècle. C’est l’effet d’une émancipation quasi généralisée du texte biblique. Avec la dynamique du « renouveau biblique » universel, la Bible, traduite en soixante-dix (70) langues au début de ce siècle, dépasse les 1800 idiomes en 1990 dont La Sainte Bible de MAREDSOUS (1950), La Sainte Bible dite du cardinal LIÉNART (1951), La Bible d’Émile OSTY (1973) chez les catholiques. Dans le sillage du concile Vatican II (1962-1965), les biblistes chrétiens, catholiques, protestants et orthodoxes, signifient d’une façon concrète l’œcuménisme porté alors à son summum. Ils préparent ensemble et publient la Traduction œcuménique de la Bible (TOB) : le Nouveau Testament en 1973 et l’Ancien Testament en 1975. À partir de 1986, sous la responsabilité de Marguerite HARL, une équipe d’hellénistes publie la traduction commentée de la Septante sous le titre La Bible d’Alexandrie. Après la Seconde Guerre mondiale et répondant aux directives de l’encyclique du Pape Pie XII sur les études bibliques, une vraie Vulgate française s’impose : la Bible de Jérusalem. Elle est réalisée sous la direction des Dominicains de l’École biblique et archéologique de Jérusalem, sur la base d’un immense travail collectif, scientifique et littéraire. Publiée d’abord en fascicules puis, en 1955, en édition manuelle, elle devient « la » Bible des pays francophones, catholiques comme protestants. I.1.2. Structuration de la Bible La Bible est une bibliothèque et un livre. C’est un corps d’écrits composé de plusieurs livres dont la rédaction s’est étendue sur plusieurs siècles. Elle est la mémoire écrite en partie commune des juifs et des 27

chrétiens. Elle comporte deux grandes parties : l’Ancien Testament avec quarante-six livres regroupés sous quatre grands ensembles que sont : le Pentateuque (cinq livres), les livres historiques (seize livres), les livres poétiques et sapientiaux (sept livres) et les livres prophétiques (dix-huit livres) et, le Nouveau Testament avec vingt-sept livres. Pour retrouver aisément un passage dans la Bible, les Pères de l’Église divisent les livres bibliques en sections. Aujourd’hui, la Bible est unanimement divisée en chapitres et en versets. La division en chapitres date de 1203. Elle est l’œuvre du théologien et bibliste Stephen LANGTON, d’abord étudiant et professeur à Paris puis archevêque de Canterbury. La division en versets n’apparaît qu’au XVIe siècle, avec l’imprimerie, dans une Bible française complète, en 1553 avec l’édition de Robert ESTIENNE. Le Cantique des cantiques, qui retient notre attention dans cette étude, est inscrit dans un collectif de livres de l’Ancien Testament appelés sapientiaux ou livres de la sagesse. I.2. BREF APERÇU DES LIVRES DITS SAPIENTIAUX De prime abord, cinq livres de l’Ancien Testament sont appelés livres sapientiaux. Ce sont le livre de Job, les Proverbes, l’Ecclésiaste, l’Ecclésiastique et la Sagesse. À ceux-ci s’ajouteront plus tard les Psaumes et Le Cantique des cantiques. Ces livres sapientiaux dans leur ensemble ont été attribués ou mis sous le nom de Salomon. I.2.1. Le livre de Job Le livre de Job est le chef-d’œuvre littéraire du courant biblique de sagesse. Son héros porte le nom d’une grande figure des anciens temps (Ézéchiel 14,14). 28

L’auteur, dont on ne sait rien, écrit sans doute au IVe siècle avant Jésus-Christ. Deux éléments sont assemblés dans ce livre, le second enchâssé dans le premier : le cadre narratif en prose et la partie principale en poésie. - Les deux premiers chapitres ainsi que le chapitre 42,7-17 concernent le cadre narratif et retracent l’histoire heureuse de Job. Job est un grand serviteur de Dieu. Il est riche, juste et pieux. Il vit heureux jusqu’à ce que Dieu permette à Satan de le mettre à l’épreuve. Ruiné, malade et seul, Job persiste dans la soumission à la volonté divine et souffre en silence. Finalement, Dieu le réhabilite, lui rend ses enfants et décuple ses biens. - La partie principale en poésie va du chapitre 3 au chapitre 42. Elle contient d’abord une série de dialogues entre Job et ses trois amis venus pour le plaindre : Jb 3-37. Ceux-ci argumentent en évoquant la conception courante de la rétribution, le bonheur étant censé récompenser la piété sous toutes ses formes. Job défend vigoureusement son innocence face à des interlocuteurs qui l’accablent afin de justifier la conduite divine. Mais Dieu luimême interrompt la scène et prononce deux discours : Jb 38, 1 – 41, 26. Il proclame que l’homme n’a aucun droit de juger Dieu, infiniment sage et tout-puissant. Job répond et reconnaît que ses lamentations et ses accusations sont sans objet au chapitre 42, versets 1 à 6 (Jb 42, 1-6). I.2.2. Les Psaumes Le livre des Psaumes est le plus grand joyau littéraire de la Bible. Son élaboration s’étend sur de longs siècles. Il est le résumé poétique de toute l’histoire religieuse d’Israël. Constitué surtout en lien avec le culte, la liturgie chrétienne lui assure un destin exceptionnel. 29

Cent cinquante (150) psaumes sont rassemblés dans la Bible en un livre unique que la tradition appelle « psautier » du grec Psaltérion. Les Psaumes ont été repartis en cinq livres, à l’imitation sans doute du Pentateuque : Livre I : Ps 1 à 41 ; Livre II : Ps 42 à 72 ; Livre III : Ps 73 à 89 ; Livre IV : Ps 90 à 106 ; Livre V : Ps 107 à 150. Chacun des quatre premiers livres se termine sur une doxologie c’est-à-dire la prière à la gloire de Dieu dans la liturgie. Le Psaume 150 est lui-même une doxologie qui clôt non seulement le Livre V, mais le psautier tout entier. I.2.3. Le livre des Proverbes Le livre des Proverbes est le livre le plus typique des écrits de la sagesse. Il représente plusieurs siècles de réflexions des sages. L’on y suit l’évolution de la doctrine morale de la Bible. Certains éléments remontent à l’époque royale et sont proches de certains textes égyptiens. Le livre des Proverbes est composé de trente et un (31) chapitres divisés en neuf sections. Trois d’entre elles sont appelées « sentences de Salomon ». Il s’agit de : Pr 1 – 9, Pr 10, 1 – 22, 16 et Pr 25 – 29. C’est autour de la deuxième et de la troisième section que le livre s’est luimême formé. La section « Paroles de sages » (Pr 22, 17 – 24, 22) contient un grand nombre de similitudes littéraires avec le texte égyptien du XIIIe siècle avant Jésus-Christ. I.2.4. L’Ecclésiaste Composé de douze (12) chapitres, l’« Ecclésiaste », du grec Ekklèsiastès et de l’hébreu Qohélet, est le titre donné à une fonction. Il signifie « celui qui parle à une assemblée », un orateur ou un prédicateur. Dès la première phrase de son livre, l’auteur se présente comme un sage. Mais, contrairement aux sages du livre des 30

Proverbes, celui-ci transmet au lecteur une sagesse non traditionnelle. À travers les nombreuses expériences qu’il a pu faire dans la vie, l’auteur a découvert que le bonheur, l’amour, la politique, le plaisir, l’action, etc. sont fragiles et que les efforts humains pour les obtenir sont le plus souvent inutiles : « Vanité des vanités, dit Qohélet ; vanité des vanités, tout est vanité. Quel profit trouve l’homme à toute la peine qu’il prend sous le soleil ? » (Qo 1, 2-3). Il verse alors le vitriol sur les sécurités et les certitudes de l’homme et se demande si la vie vaut la peine d’être vécue. L’insécurité causée par la menace constante de la mort et par l’injustice régnant parmi les hommes, l’impossibilité de connaître les plans de Dieu pour le monde, rendent le destin de l’homme fragile et insaisissable. Ce bilan négatif va entraîner un certain nombre de réflexions sur le type de conduite qu’il est possible d’adopter dans la vie. Cependant, Qohélet ou « la voix de l’assemblée » rappelle qu’il n’y a pas de vraie foi en Dieu sans un regard lucide sur la condition humaine. Il parle du pessimisme, mais il n’est pas lui-même un pessimiste. Au contraire, il se réjouit de la lumière dans laquelle baigne la création et il a foi dans la prescience de Dieu, fin dernière de l’homme. I.2.5. Le livre de la Sagesse Le livre de la Sagesse a été rédigé à Alexandrie, en Égypte, vers la fin du Ier siècle avant Jésus-Christ par un Juif érudit de langue grecque. Il est une œuvre de philosophie et de rhétorique, une exhortation didactique digne des écrits hellénistiques. Son propos est de soutenir la foi des juifs d’Alexandrie dans une période critique pour eux. L’œuvre est composée de dix-neuf (19) chapitres et se divise en trois parties : la voie de la sagesse, opposée à la voie des impies : Sg 1 – 5 ; la sagesse ellemême : Sg 6 – 9 et les œuvres de la sagesse dans le déroulement de l’histoire d’Israël : Sg 10 – 19. 31

I.2.6. Siracide ou Ecclésiastique ou la Sagesse de Ben Sira Du latin, Ecclesiasticus, le livre de l’Ecclésiastique est absent de la Bible hébraïque. Le texte canonique est celui de la Septante, mais la langue originale est l’hébreu. Grâce aux découvertes de la Guénizah du Caire, de Quoumrân et de Massada, presque 70 % du texte original sont aujourd’hui connus. La composition première date de 180 avant Jésus-Christ. Elle est l’œuvre d’un juif de Jérusalem, Ben Sira, grand connaisseur des Écritures. Son but est de montrer que la culture juive est supérieure à la culture hellénistique. Ce livre prend comme modèle les Proverbes. Il utilise la forme des sentences, mais aussi celle de l’hymne de louange, de la prière de demande, du récit autobiographique et didactique. Il comporte cinquante et un (51) chapitres. En résumé, les livres sapientiaux vont être comme le code de la sagesse hébraïque. Les sujets qui y sont traités se rapportent non à l’étude de l’être, mais à l’art pratique de bien vivre. Ainsi, le livre de Job va décrire l’art de bien souffrir, les Psaumes vont orienter l’homme vers l’art de la vraie prière, les Proverbes vont enseigner sur l’art de bien agir en toute affaire, l’Ecclésiaste va traiter de la vraie méthode pour jouir pleinement des biens accordés à l’homme et Le Cantique des cantiques va élever la sagesse israélite à la contemplation de l’art suprême, celui du vrai, du pur amour. Deux de ces livres entretiennent entre eux des affinités profondes : le livre de Job et Le Cantique des cantiques. Aimer et souffrir sont des émotions toujours rapprochées. Le secret de beaucoup souffrir n’est-il pas de beaucoup aimer, et n’est-ce pas en souffrant davantage que s’accroît l’amour ?

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I.3. PRÉSENTATION DU SUPPORT : LE CANTIQUE DES CANTIQUES I.3.1. Qu’est-ce qu’un cantique ? Selon le Petit ROBERT, le terme cantique vient du latin Canticum qui veut dire « chant religieux ». C’est un chant d’action de grâces consacré à la gloire de Dieu. Il désigne également un chant religieux en langue commune. Dans une acception ordinaire, c’est un chant adapté aux cérémonies religieuses. On l’emploie aussi dans un sens plus spécifique pour désigner un passage poétique de la Bible qui, sans être un psaume, est utilisé comme un psaume. Dans l’Ancien Testament, on peut dénombrer quarante-quatre (44) cantiques tandis que dans le Nouveau Testament, il y en a seulement trois (03) : le Benedictus (Luc 1, 68-70), le Magnificat (Luc 1, 46-55) et le Nunc Dimittis (Luc 2, 29-32). I.3.2. Le Cantique des cantiques Si cantique veut dire chant, le superlatif, cantique des cantiques ne signifierait-il pas, « chant des chants » ou « chant par excellence » ou encore « le plus haut ou beau des chants » ? Le Cantique des cantiques, qui va de la page 945 à la page 959 de la Bible de Jérusalem de 1996, est composé de huit chapitres avec 117 versets, d’un prologue, de cinq poèmes, d’un épilogue et de deux appendices. Il est inscrit dans le collectif des livres dits sapientiaux ou livres de la sagesse avec le livre de Job, les Proverbes, l’Ecclésiaste, l’Ecclésiastique, la Sagesse et les Psaumes présentés plus haut. Merveilleux poème qui célèbre l’amour humain dans toute son épaisseur charnelle avec réalisme, Le Cantique des cantiques est un poème d’amour mieux une collection de poèmes d’amour car d’un bout à l’autre, il parle le langage de l’amour. La langue et le style sont les 33

mêmes d’un bout à l’autre, et il y a une progression vers un sommet qui est atteint au chapitre 8. Qu’il représente une collection de poèmes ou un seul poème soigneusement élaboré, il appartient certainement au genre lyrique et comme tel, il est l’expression d’un état d’esprit et d’une émotion du cœur. Il a pour thème l’amour mutuel d’un homme et d’une femme ou la passion amoureuse. Lorsque dans le Nom de la rose d’Umberto ECO, le jeune moine Adson découvre dans la pénombre d’un garde-manger les plaisirs du sexe dans les étreintes d’une pauvre fille anonyme, il n’a d’autres mots pour les dire que des versets qu’il emprunte au Cantique des cantiques. Ce chant, qu’il avait pourtant appris à lire comme un poème allégorique de l’amour de Dieu pour l’homme, lui apparaît soudainement sous un jour nouveau, comme un chant célébrant la puissance de l’amour érotique telle une force quasi divine. Le Cantique des cantiques est l’un des livres les plus poétiques de la Bible. Sa composition est attribuée à Salomon au IVe siècle ou peut-être au IIIe siècle av. J.-C. qui y aurait composé différents poèmes. On retrouve des parallèles à de nombreuses expressions de Le Cantique des cantiques dans la littérature du Proche-Orient ancien, notamment dans les poèmes d’amour égyptiens. Le cadre géographique et social est suggéré par quelques noms propres : « Tirça », « Liban », « Jérusalem », mais de telles références ne permettent pas de fixer avec certitude la date et le lieu de rédaction de Le Cantique des cantiques. Le livre a d’abord été rejeté à cause de son caractère profane, dont témoignent les nombreuses images érotiques comme : « Tes seins sont comme deux faons, jumeaux d’une gazelle » ou « Ta poitrine est comme les raisins mûrs » ou « Mon bien-aimé est un sachet de myrrhe qui repose entre mes seins » ou encore « Son bras gauche est sous ma tête et sa droite m’étreint », etc. 34

Des doutes se sont soulevés dans les milieux juifs sur sa canonicité et ont été résolus par un appel à la tradition. Les exégètes chrétiens, quant à eux, se sont souvent montrés perplexes devant ce livre à cause de son contenu qui a troublé plus d’un. En effet, que vient faire dans l’Ancien Testament ce poème d’amour à l’allure assez érotique qui s’attache seulement à la beauté physique sans parler de Dieu ? Autrement, quelle peut bien être la place de ces poèmes d’amour, à l’évidence profanes, dans le canon des Écritures ? Mais, se fondant sur la tradition, « l’Église chrétienne a toujours reçu Le Cantique des cantiques comme une Écriture sainte ». En effet, si la Bible est vraiment la « Parole de Dieu » adressée aux hommes, l’amour est éminemment digne de recevoir dans la Bible une attention toute particulière car de par nature « Dieu est Amour » et il a créé l’homme par amour, dans l’amour et pour l’amour. Aussi Le Cantique des cantiques prend-il place dans la Bible comme une œuvre écrite à la louange de l’amour humain. On observe dans l’exégèse trois attitudes dont la troisième pourrait être enchâssée dans les deux premières : une interprétation allégorique de la relation d’amour entre Dieu et Israël et entre le Christ et son Église, une interprétation littérale de la relation amoureuse entre un homme et une femme telle que Dieu l’a voulue et créée, et une interprétation théologique qui fait de Le Cantique des cantiques un poème composé à la louange de l’amour humain et réinterprété dans une perspective de l’amour divin. La première attitude prend le texte comme une allégorie de la relation d’amour qu’entretiennent Dieu et Israël ; le Christ et son Église ; le Christ et l’âme humaine. Cette relation est de nombreuses fois célébrée ou illustrée dans les écrits bibliques. Cependant, cette interprétation allégorique et symbolique est progressivement remise en cause à la lecture des images érotiques que contient le 35

texte. Une critique importante, aussi, est le fait que la relation d’amour entre Jésus et son Église n’est jamais décrite d’une telle manière. Bien que, de manière assez surprenante, le terme grec utilisé par la Septante pour dire l’Amour dans Le Cantique des cantiques soit l’agapè, il apparaît que cet agapè est plus proche de l’éros platonicien que de l’amour chrétien traditionnel paulinien. Quand bien même le Nouveau Testament rapproche l’image de la bien-aimée et du bien-aimé de celle du Christ et de l’Église, jamais les auteurs du deuxième testament ne prennent Le Cantique des Cantiques comme modèle. La deuxième attitude face à ce livre est de le considérer comme une collection de poèmes décrivant l’amour entre une jeune fille et son amoureux, dont on fait parfois un couple marié, croyant y déceler des noces. Cette conception s’appuie sur le fait que la compréhension serait proche de la pensée hébraïque, alors que selon elle, la première alternative allégorique serait trop influencée par la pensée grecque considérant le corps humain comme quelque chose de méprisable ou de spirituellement indigne. Pourtant, dans ce livre, il est question d’un amour sensuel qui passe continuellement par l’exaltation de la beauté : « Tu es toute belle ma bien-aimée et sans tache aucune » et par les relations physiques : « Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi ! ». Le langage hébraïque du livre fait clairement référence à la sensualité et à une relation d’amour exprimée physiquement, et ce dès les premières lignes où la bien-aimée déclare sa flamme pour son bien-aimé : « Qu’il me baise des baisers de sa bouche ! Car tes baisers sont meilleurs que le vin ». L’intensité de son désir est rendue par la répétition du vocable « baisers ». Se dévoile ensuite un univers de sensations qui met le corps dans tous ses états : la bouche, le vin, les parfums, l’huile et de nouveau le vin (1,1-4). Les arômes les plus exquis, 36

les végétaux les plus luxuriants vont traduire l’éveil des sens à la passion amoureuse. Le terme traduit par « baisers », en hébreu ‘‘dodeikha’’, signifie amour charnel et insinue des actes d’amours (baisers, caresses), si bien qu’associé à un autre terme et décliné il désigne le lit conjugal. L’interprétation « hébraïque » de Le Cantique des Cantiques est pour ses tenants, généralement un nombre important de protestants, un modèle idéal de l’amour entre les époux tel qu’il devrait être, croient-ils, selon la volonté de Dieu. Jean François FROGER (1997) a également proposé une autre approche. Elle consiste à superposer les thèmes abordés de Le Cantique des cantiques à ceux du mythe d’Éros et Psyché d’Apulée. Selon FROGER, il existe suffisamment d’indices pour proposer un rapprochement des deux sujets. On y retrouve l’importance de « la nuit dans le chant d’amour ». L’expression, « n’éveillez pas, ne réveillez pas, mon amour, avant l’heure de son bon plaisir », est une mise en garde qui rappelle l’avertissement de Psyché contre la tentation de connaître Éros. Les thèmes de l’exil et de la solitude constituent la partie centrale du poème. Mais les noces éternelles triomphent de la souffrance endurée. Car, « j’ai trouvé celui que mon cœur aime. Je l’ai saisi et ne le lâcherai point que je ne l’aie fait entrer dans la maison de ma mère, dans la chambre de celle qui m’a conçue ». Et aussi, « pose-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras. Car l’amour est fort comme la Mort, la passion inflexible comme le Shéol. Ses traits sont des traits de feu, une flamme de Yahvé ». La lecture de Le Cantique des cantiques montre que son auteur, pour écrire son œuvre, a usé de la méthode 37

« anthologique » au regard de l’emploi systématique des mots et des expressions extraits des écrits bibliques antérieurs qui le composent. I.4. LE CANTIQUE DES CANTIQUES COMME INTERTEXTE BIBLIQUE Le Cantique des Cantiques est très diversement interprété. Aussi les Juifs de l’ère chrétienne voient-ils en ce texte une allégorie représentant l’amour de Yahvé pour son peuple depuis l’Exode jusqu’à l’aurore de l’âge messianique. Plus tard, les chrétiens l’appliqueront aux relations du Christ et de l’Église. I.4.1. Le Cantique des cantiques dans l’Ancien Testament Le sens littéral de Le Cantique des cantiques s’identifie à un sens spirituel allégorique. En effet, Le Cantique des cantiques a été écrit sur la base d’une identification en relation étroite avec les mots et les expressions de la tradition antérieure pour décrire en termes nuptiaux la relation de Dieu et d’Israël. Aussi, depuis Osée à Isaïe en passant par Jérémie et Ézéchiel, on retrouve des similitudes dans les expressions. Le bien-aimé du poème est comparé à Yahvé s’adressant à sa bien-aimée Israël. Les péripéties du couple dans Le Cantique des cantiques évoquent l’histoire de la relation de Yahvé et de son peuple. Aussi l’arrièreplan du poème trouve-t-il écho dans l’expérience de la captivité d’Israël à Babylone, de sa délivrance et de son retour. C’est ce que Anne-Marie PELLETIER décrit en ces termes : « Lu comme une transposition dans le langage amoureux humain de la doctrine prophétique de l’Alliance, le Cantique ne 38

peut donc être compris qu’accompagné des paroles de la tradition prophétique. De l’oracle d’Osée déclarant : “je te fiancerai à moi pour toujours” (Os 2, 21), de la parole d’Isaïe : “comme un jeune homme épouse une vierge, ton bâtisseur t’épousera. Et c’est la joie de l’époux au sujet de l’épouse que ton Dieu éprouvera à ton sujet” (Is 62, 5), ou encore de l’oracle de Jérémie : “reviens, vierge d’Israël, reviens vers ces villes qui sont tiennes ! Jusques à quand tourneras-tu de-ci, de-là, fille rebelle ? Car Yahvé crée du nouveau sur la terre : la Femme recherche son Mari” (Jr 31, 21-22). » CAHIERS ÉVANGILE (n° 85, p. 27-28). Pour mieux comprendre Le Cantique des cantiques il faudrait le rapprocher des textes qu’il cite en restituant les allusions et les parallèles qu’il contient. Ainsi, l’allusion faite à la vigne dans le poème renvoie à la Terre Sainte : « Que je chante à mon bien-aimé le chant de mon ami pour sa vigne. Mon bien-aimé avait une vigne, sur un coteau fertile. Il la bêcha, il l’épierra, il y planta du raisin vermeil. Au milieu il bâtit une tour, il y creusa même un pressoir. Il attendait de beaux raisins : elle donna des raisins sauvages… Eh bien ! La vigne de Yahvé Sabaot, c’est la maison d’Israël, et l’homme de Juda, c’est son plant de choix. Il attendait le droit et voici l’iniquité, la justice et voici les cris. » (Is 5, 1-7). « Des pasteurs en grand nombre ont saccagé ma vigne. » (Jr 12, 10). 39

« Il était une vigne : tu l’arraches d’Égypte, tu chasses des nations pour la planter ; devant elle tu fais place nette, elle prend racine et remplit le pays. Les montagnes étaient couvertes de son ombre, et de ses pampres les cèdres de Dieu ; elle étendait ses sarments jusqu’à la mer et du côté du Fleuve ses rejetons… Dieu Sabaot, reviens enfin, observe des cieux et vois, visite cette vigne : protège-là, celle que ta droite a plantée. Ils l’ont brûlée par le feu comme une ordure, au reproche de ta face ils périront (…). » (Ps 80). On peut aussi rapprocher la notion de rosée en Ct 5, 2 à certains textes bibliques : « Tes morts revivront… car ta rosée est une rosée lumineuse. » (Is 26, 19). « Je serai comme la rosée pour Israël. » (Os 14, 6). Les symboles du jardin, du chercher-trouver, de la nuit et de l’éveil ainsi que la figure du bien-aimé roi et berger ont chacun un parallélisme dans les textes prophétiques qui précèdent Le Cantique des cantiques. Ainsi, nous avons : « C’est moi qui ferai paître mes brebis et c’est moi qui les ferai reposer, oracle de Yahvé. Je chercherai celle qui est perdue, je ramènerai celle qui est égarée, je panserai celle qui est blessée, je fortifierai celle qui est malade. Celle qui est grasse et bien portante, je veillerai sur elle, je les ferai paître avec justice. » (Éz 34, 15-16). « Réveille-toi, réveille-toi, debout ! Jérusalem. » (Is 51, 17). 40

« Éveille-toi, éveille-toi, revêts ta force, Sion ! Revêts tes habits les plus magnifiques ! » (Is 52, 1). Ce thème de l’éveil est fortement présent dans plusieurs textes du livre d’Isaïe soit pour chanter la gloire de Sion éveillée par l’amour de l’époux (Is 60-62) soit pour évoquer un nouveau temps de léthargie spirituelle et de ténèbres (Is 63, 7 – 64, 11) soit pour envisager le réveil définitif d’une situation de mort (Is 26, 1-19). L’on pourrait également établir un parallèle entre le psaume 44 et Le Cantique des cantiques sur la thématique de la beauté et des épousailles messianiques : « Tu es beau, le plus beau des enfants des hommes, la grâce est répandue sur tes lèvres. Aussi tu es béni de Dieu à jamais. (…) Écoute, ma fille, regarde et tends l’oreille, oublie ton peuple et la maison de ton père, alors le roi désirera ta beauté. (…) Vêtue de brocarts, la fille de roi est amenée au-dedans vers le roi, des vierges à sa suite. On amène les compagnes qui lui sont destinées, parmi joie et liesse, elles entrent au palais du roi (…). » (Ps 44, 1-18). La méthode anthologique mise en œuvre pour parler des sources bibliques de Le Cantique des cantiques étend son parallélisme au Nouveau Testament.

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I.4.2. Le Cantique des cantiques dans le Nouveau Testament 

Dans les évangiles dits synoptiques : Mathieu, Marc et Luc

Deux textes dans ces écrits synoptiques font allusion aux épousailles messianiques évoquées dans Le Cantique des cantiques. Ce sont : - La controverse sur le jeûne (Mt 9, 14-15 // Mc 2,18-20 // Lc 5, 33-35) où Jésus est identifié au bien-aimé : « (…) Jésus leur dit : “Les compagnons de l’époux peuvent-ils jeûner pendant que l’époux est avec eux ? Mais viendront des jours où l’époux leur sera enlevé ; et alors ils jeûneront en ce jour-là.” » (Marc 2, 18-20). - Le récit de la théophanie au baptême de Jésus (Mt 3, 16 // Mc 1, 10 // Lc 3, 22) : « Ayant été baptisé, Jésus aussitôt, remonta de l’eau ; et voici que les cieux s’ouvrirent : il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui » (Mt 3, 16). Commentant ce récit, André FEUILLET écrit : “ L’Esprit-Saint descend sur Jésus sous la forme d’une colombe pour ce motif que le Messie et l’Esprit, étroitement associés, doivent faire apparaître ensemble le peuple de Dieu de l’ère de la grâce, cette Epouse mystique que plusieurs fois Le Cantique désigne sous le nom de colombe (Ct 2, 14 ; Ct 6, 2 ; Ct 6, 9)”. CAHIERS ÉVANGILE (n° 85, p. 27-28).

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Deux autres textes propres à Mathieu font écho à la thématique nuptiale. Il s’agit de : - La parabole du roi qui célèbre les noces de son fils et exige que les invités soient revêtus de la robe nuptiale : Mt 22, 1-14. - La parabole des dix vierges qui veillent attendant l’arrivée de l’époux : Mt 25, 1-13. Dans l’évangile de Jean Le thème des épousailles du Messie qui prolonge la figure nuptiale de Dieu dans Le Cantique des cantiques se retrouve dans : - Le récit des noces de Cana en Jn 2, 1- 12 - L’ultime témoignage de Jean-Baptiste en Jn 3, 29 : « Qui a l’épouse est l’époux, mais l’ami de l’époux qui se tient là et qui l’entend, est ravi de joie à la voix de l’époux ». - Le récit de l’apparition de Jésus ressuscité à Marie de Magdala en Jn 20, 11-18. La bien-aimée comme Marie de Magdala cherche celui qu’elle aime, interroge les gardes pour le retrouver, le saisit (même si le Christ pascal ne se laisse pas saisir par Marie de Magdala) sans vouloir le lâcher quand il se montre. Dans les épîtres de Saint Paul Dans la perspective du poème lu comme révélation de l’amour parfait de l’Alliance scellée entre Dieu et son peuple, l’on peut établir le parallèle Christ-Église et homme-femme décrite par Paul, surtout dans sa lettre aux Éphésiens, - pour parler de la nature à la fois sainte et pécheresse de l’Église :

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« Jadis vous étiez ténèbres, mais à présent vous êtes lumière dans le Seigneur ; conduisez-vous en enfants de lumière. » (Ép 5, 8). -

pour montrer que le Christ devient un avec l’Église à partir du mystère de l’eau du Baptême : « Vous, les hommes, aimez votre femme à l’exemple du Christ : il a aimé l’Église, il s’est livré pour elle ; il voulait la rendre sainte en la purifiant par le bain du baptême et la Parole de vie ; il voulait se la présenter à lui-même, cette Église, resplendissante, sans tache, ni ride, ni aucun défaut ; il la voulait sainte et irréprochable. » (Ép 5, 25-27). « “Voici donc que l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair” : ce mystère est de grande portée ; je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église » (Ép 5, 31-32).

Dans la perspective du poème lu comme attente du bien-aimé par la bien-aimée, l’on peut établir également le parallèle de l’attente du Christ par le croyant dans les épîtres aux Thessaloniciens. En effet les deux épîtres aux Thessaloniciens traduisent parfaitement cette thématique de l’attente du Christ dans l’espérance. Pour ce faire, Paul conforte une communauté déconcertée après son départ précipité. Il propose une réflexion forte sur la Résurrection, le « Jour du Seigneur », l’espérance chrétienne, bref sur l’exhortation à la discipline et au travail dans l’attente de la « parousie » ou retour du Seigneur à la fin du monde. Il écrit ceci :

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« Frères, au sujet de la venue du Seigneur, il n’est pas nécessaire qu’on vous parle de délais ou de dates. Vous savez très bien que le Jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit. (…) Mais, vous, frères, comme vous n’êtes pas dans les ténèbres, ce jour ne vous surprendra pas comme un voleur. (…) Alors ne restons endormis comme les autres, mais soyons vigilants et restons sobres. (…) ; mettons la cuirasse de la foi et de l’amour et le casque de l’espérance du salut. » (1 Th 5, 1-8). Dans l’Apocalypse de Saint Jean - La finale de la lettre à Laodicée : « Voici que je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi » (Ap 3, 20) pourrait être rapprochée de la déclaration de la bien-aimée : « Je dors mais mon cœur veille. J’entends mon bien-aimé qui frappe. » (Ct 5, 2). - La femme vêtue du soleil avec la lune sous ses pieds et couronnée de douze étoiles pourrait être rapprochée de la femme mystérieuse et terrible évoquée dans Le Cantique des cantiques : « Qui est celle qui surgit comme l’aurore, belle comme la lune, resplendissante comme le soleil, redoutable comme les bataillons ? » (Ct 6, 10). - La description que Jean fait de la nation sainte sous les traits d’une ville, Jérusalem « descendant du ciel, belle comme une jeune mariée parée pour son époux » (Ap 21, 2) pourrait mettre fin au parallèle avec Le Cantique des cantiques.

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Plusieurs parallèles pourraient se faire encore entre Le Cantique des cantiques et d’autres textes bibliques. Cependant, l’intertextualité que l’on décrit à l’œuvre dans le poème peut reposer certes sur des données objectives du texte, mais elle peut aussi avoir affaire avec la capacité d’association du lecteur car : « Le Cantique des cantiques n’est pas un simple livre. Le texte est comme une fine croûte de terre sous laquelle se trouve le feu d’un volcan prêt à jaillir, la “flamme de Yahvé ” ! Les paroles ressemblent à une enveloppe qui a la forme de son contenu. Cette écorce permet de captiver l’attention, de la mobiliser, et au moindre coup de pioche, le feu jaillit. Là se vérifie pleinement l’affirmation des Pères : l’Écriture est un sacrement, un prolongement de l’Incarnation du Verbe, du Verbe incarné et ressuscité. » Sœur Marie ANCILLA (2008 : p. 29).

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CHAPITRE II CONSIDÉRATIONS MÉTHODOLOGIQUES Dans cette deuxième sous-partie théorique de notre analyse, il est question de la problématisation du sujet de l’étude, de l’élaboration des hypothèses de travail, des objectifs de l’étude et de la précision méthodologique. II.1. PROBLÉMATIQUE Art du langage, la poésie se définit d’abord par son pouvoir de ‘création’. Elle crée, en effet, de nouvelles formes d’expression qui engendrent un nouveau rapport au monde. Elle détourne les mots de leur emploi habituel et leur confère des sens inédits, plus riches, plus suggestifs que ceux de la langue courante. Les mots en eux-mêmes ne sont pas neutres. Ils ont un sens précis codifié par le lexique. Chaque poème est un monde qui se distingue par son unité, sa cohérence propre. Il affirme son autonomie et sa singularité. La poésie est un langage qui donne à entendre, à imaginer et charme les sens. Elle éveille les émotions et, outre sa signification directe, agit par écho indirect et imprégnation dans l’esprit. Chaque mot est alors chargé de connotations que lui ajoutent la sensibilité, la mémoire affective une fois qu’elles sont sollicitées par la poésie. Ainsi, Le Cantique des cantiques ou littéralement du latin Canticum canticorum n’échappe pas à cette règle. Il apparaît comme un simple poème d’amour, mettant en scène deux jeunes gens qui échangent de galants propos en faisant intervenir d’autres personnes. Cependant il constitue une des questions les plus controversées de la 47

littérature biblique. En effet, il est étonnant de voir apparaître dans l’Ancien Testament ce poème d’amour à l’allure assez érotique qui s’attache presque à la beauté physique seulement sans jamais faire allusion à Dieu ni à la procréation. Ce poème n’offre aucune clé évidente pour l’interpréter. Et cet aspect hermétique traduit un tant soit peu sa particularité. Ce livre qui emploie le langage d’un amour passionné, a étonné et étonne toujours. Aussi, on ne peut aborder aujourd’hui la lecture de Le Cantique des cantiques sans se poser la question du sens. Autrement, qu’est-ce qui fonde la sémantique de Le Cantique des cantiques à travers les différentes images ou facettes de l’amour, les espaces naturels et culturels évoqués dans le poème ? C’est cette problématique du sens qui nous a amenée à formuler des hypothèses de travail en vue de rendre l’étude plus analytique et plus démonstrative. Pour ce faire, nous avons élaboré une hypothèse générale et trois hypothèses opérationnelles. II.2. HYPOTHÈSES DE TRAVAIL La problématique ci-dessus posée conduit à l’émission d’hypothèses de travail. Nous avons une hypothèse générale et trois hypothèses opérationnelles. II.2.1. Hypothèse générale Le Cantique des cantiques, langage poétique particulier, est le chant de la perfection de l’amour, un texte sensuel qui institue les droits de l’amour humain et divin. II.2.2. Hypothèses opérationnelles -

Le Cantique des cantiques exprime une idéologie vitale et existentielle : l’amour. Cette idéologie est 48

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traduite par des isotopies qui assurent la cohérence du poème et sont rendues par des éléments linguistiques explicites. Le Cantique des cantiques exploite l’esthétique de la littérature égyptienne pour décrire les relations amoureuses entre l’homme et la femme. L’abondance des images de lieux, des espaces naturels, des éléments cosmiques et temporels évoquent des relations de verticalité et d’horizontalité de l’amour humain. Mais quels sont les objectifs de la présente étude ?

II.3. OBJECTIFS DE L’ÉTUDE La présente étude comprend un objectif général et trois objectifs spécifiques. II.3.1. Objectif général Analyser le sens de Le cantique des cantiques à travers les isotopies en faisant ressortir les valeurs esthétiques langagières du poème et mettre ces valeurs en relation avec les isotopies dans le processus de génération du sens. II.3.2. Objectifs spécifiques - Identifier, décrire et analyser les isotopies contenues dans le poème. - Définir le lien entre les différentes isotopies du texte. - Organiser ces isotopies en catégories selon le modèle constitutionnel : le carré sémiotique. - Quelle procédure suivre pour mener à bien cette étude ? -

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II.4. PRÉCISIONS MÉTHODOLOGIQUES II.4.1. La segmentation Notre étude porte sur Le Cantique des cantiques, un livre sacré et poétique extrait de la Bible de Jérusalem. Il est composé d’un prologue, de cinq poèmes, d’un épilogue et de deux appendices. Compte tenu de la continuité sémantique de l’œuvre et des mêmes isotopies qui la traversent, nous optons pour une lecture transversale afin d’éviter la répétition. L’ensemble de Le Cantique des cantiques peut être considéré comme un seul poème car sa structure obéit aux critères sémiotiques de cohésion, de cohérence, d’intentionnalité, d’intertextualité et de situation. II.4.2. La démarche méthodologique Pour une meilleure approche de Le Cantique des cantiques, nous faisons abstraction du découpage du poème en segments pour considérer les différentes parties proposées par la Bible de Jérusalem comme une unité sémantique. Aussi adoptons-nous comme démarche méthodologique la suivante. Dans un premier temps, après avoir défini le concept d’isotopie et montré son fonctionnement dans le discours, nous examinons les différentes isotopies génériques, isotopie après isotopie, en étudiant la configuration. Pour chaque isotopie générique relevée, nous la catégorisons dans un tableau suivi d’un commentaire. Pour ce faire, nous citons les versets dans lesquels se trouvent les lexèmes concernés en gras. Dans un deuxième temps suivra l’analyse des isotopies spécifiques. Nous représentons, toujours dans un tableau, la configuration discursive qui thématise chaque isotopie spécifique avant d’en développer le contenu. La structure logico-sémantique vient faire la synthèse des différentes analyses. Elle est schématisée sur le carré sémiotique.

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DEUXIÈME PARTIE CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES Toute étude qui se veut scientifique nécessite une méthode d’approche spécifique et rigoureuse sur laquelle le chercheur se base pour élaborer son travail de recherche. Aussi tout texte est-il avant tout un objet d’étude qui est appelé, pour mieux se dire, à être construit à partir d’une méthode précise. La présente étude s’est choisie pour méthode d’approche littéraire, l’analyse isotopique. L’isotopie est un concept opératoire de la Sémantique structurale d’Algirdas Julien GREIMAS (1966) et de la Sémantique interprétative de François RASTIER (1987). Elle permet de lire un texte et d’en faire une étude critique. Cette deuxième partie est donc essentiellement consacrée aux considérations théoriques.

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CHAPITRE III LA NOTION DE SÈME Dans cette troisième sous-partie théorique de notre analyse, nous traitons de la notion de sème selon les points de vue des auteurs et donnons une précision sur les notions de lexèmes et de champs lexicaux ainsi que sur les parcours figuratifs et les configurations discursives. III.1. LES SÈMES ET LES PARCOURS SÉMÉMIQUES En phonétique, la notion de mot se définit comme une suite d’unités distinctes ou phonèmes alors qu’en sémantique, le mot est un ensemble d’unités minimales de la signification ou sèmes selon les linguistes. L’ensemble des sèmes d’un mot est son sémème et le sémème est le mot du point de vue de son contenu. Le parcours sémémique ou parcours des sémèmes est l’ensemble de toutes les possibilités qu’a un mot ou une unité lexicale de se réaliser. Mais devant l’ambiguïté de ce terme et la difficulté à le définir, les linguistes lui préfèrent le terme de lexie ou de lexème pour désigner chacun des éléments du lexique. Autrement, les lexèmes sont les mots que le lexique d’une langue se donne à définir. III.1.1. Algirdas Julien GREIMAS et la notion de sème Les sèmes sont des « unités minimales de signification » Algirdas Julien GREIMAS (1966 : p. 75). L’analyse sémique permet de rendre visible les réseaux de

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traits distincts qui caractérisent chaque lexème de la combinatoire. Pour GREIMAS, « le lexème nous apparaît dès lors comme une unité de communication relativement stable, mais non immuable. Cette stabilité, bien que relative, permet d’envisager les relations entre les sèmes à l’intérieur d’un lexème comme étant de la même nature que les relations entre les sèmes situés à l’intérieur d’unités de communication plus larges, et de postuler qu’elles peuvent être décrites de la même manière. » Algirdas Julien GREIMAS (1966 : p. 38). III.1.2. Le Groupe d’ENTREVERNES et la notion de sème Selon le Groupe d’ENTREVERNES, pour assurer l’analyse des figures que nous percevons à la lecture d’un texte, la linguistique va non seulement procéder au repérage de leurs parcours sémémiques mais surtout elle va tenter d’expliquer la composition des sémèmes ou parcours sémémiques qui sont virtuellement contenus sous une figure lexématique. Le sémème se définirait donc comme un ensemble de traits sémantiques minimaux ou unités minimales de la signification. Autrement dit, le sémème est formé d’un ensemble de sèmes. Quant à la notion de figure et de figure lexématique, le Groupe d’ENTREVERNES en donne les définitions suivantes : « La figure est une unité de contenu stable définie par son noyau permanent dont les virtualités se réalisent diversement selon les contextes. » Groupe d’ENTREVERNES (1979 : p. 91). « La figure lexématique est donc à considérer comme une organisation de sens virtuelle se réalisant diversement selon les contextes. » (Idem.). 54

L’analyse d’un texte peut déceler des corrélations, des rapports de similitude, d’opposition ou d’association entre plusieurs lexèmes. Ce travail est possible grâce aux champs lexicaux et aux champs sémantiques. Le Groupe d’ENTREVERNES en donne la définition : « On appelle ‘‘champ lexical’’ l’ensemble formé par les mots (les lexèmes) qu’une langue regroupe pour désigner les divers aspects d’une technique, d’un objet, d’une notion : cela peut être mis en correspondance avec l’examen de l’aspect virtuel des figures. Groupe d’ENTREVERNES (1979 : p. 92). On appelle ‘‘champ sémantique’’ l’ensemble des emplois d’un mot dans un texte donné, emplois qui donnent à ce mot une certaine charge sémantique : nous voyons que cela peut correspondre à l’examen des parcours sémémiques d’une figure ou de l’aspect réalisé d’une figure. » (Idem.). Aussi, lire un texte consiste à repérer les rapports qui existent entre les figures et à évaluer les réseaux figuratifs. III.1.3. François RASTIER et la notion de sème « L’existence des sèmes en tant que traits pertinents dépend du système qui définit les classes de sémèmes. Si plusieurs systèmes sémantiques sont à l’œuvre dans tout texte, voire dans tout énoncé, et si le système fonctionnel de la langue n’est qu’un de ceuxlà, on pourra définir alors plusieurs types de sèmes, produits par différents types de systématicité. » 3 François RASTIER (1987 : p. 39). 3

Cf. E. COSERIU (1976 : p. 17) : « Le principe de l’opposition implique en effet en tant que son corollaire l’analysabilité des unités

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À cet effet, RASTIER distingue les sèmes génériques, les sèmes spécifiques, les sèmes afférents et les sèmes inhérents. III.1.3.1. Les sèmes génériques Les sèmes génériques définissent l’appartenance du sémème à une classe sémantique. Bernard POTTIER (1974 : pp. 330-331) définit le sème générique comme étant, « un élément du classème, permettant le rapprochement de deux sémèmes voisins, par référence à une classe plus générale ». Quant à François RASTIER, il regroupe les sèmes génériques selon trois types : les sèmes microgénériques, les sèmes mésogénériques et les sèmes macrogénériques. III.1.3.1.1. Les sèmes microgénériques Les sèmes microgénériques correspondent aux taxèmes. Le taxème désigne un ensemble restreint de signes s’inter-définissant par des oppositions minimales. Il reste en général de l’ordre de l’immanence. Autrement, le taxème est l’ensemble de rang inférieur. C’est l’ensemble des mots, des lexies ou des noms qui se rapportent à une même idée. Exemple : //routier//, //ferré//, etc. Les sèmes spécifiques sont définis à l’intérieur du taxème, ainsi que certains sèmes génériques de faible généralité. Pour Eugenio COSERIU, le taxème est une « structure paradigmatique constituée par des unités lexicales (‘lexèmes’) se partageant une zone commune de signification et se trouvant en opposition en traits distinctifs (…). Ce corollaire ne signifie pas cependant que les unités se composent effectivement de traits distinctifs, ni, surtout, qu’elles soient issues de l’assemblage de traits déjà donnés. Au contraire ce sont les traits distinctifs qui résultent de l’opposition des unités entre elles. »

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immédiate les unes avec les autres. » Cité par François RASTIER (1987 : p. 49). III.1.3.1.2. Les sèmes mésogénériques Les sèmes mésogénériques correspondent aux domaines. Le domaine étant un groupe de taxèmes, tel que dans un domaine donné il n’existe pas de polysémie. Pour Bernard POTTIER (1974 : p. 97), cité par RASTIER (1987 : p. 112), « un domaine recouvre une zone vaste, liée à l’expérience du groupe. Il assure l’isotopie sémantique d’un texte. » Autrement, les domaines correspondant aux sphères de l’activité humaine. Exemples : //danse//, //commerce//, //sport//, //musique//, etc. III.1.3.1.3. Les sèmes macrogénériques Les sèmes macrogénériques correspondent aux dimensions. Une dimension est une classe de généralité supérieure qui inclut des sémèmes comportant un même trait générique. Exemples : //animé//, //concret//, //humain//, //animal//, etc. En récapitulatif, le taxème est un paradigme minimal qui correspond aux sèmes microgénériques ; le domaine est un groupe de taxèmes qui correspond aux sèmes mésogénériques et la dimension est une classe de généralité supérieure, en intersection avec tous les domaines, et incluant certains taxèmes qui correspondent aux sèmes macrogénériques. III.1.3.2. Les sèmes spécifiques Les sèmes spécifiques sont les sèmes qui opposent les sémèmes aux autres éléments du taxème. Pour Bernard POTTIER (1974, pp. 330-331), cité par François RASTIER,

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« un sème spécifique est un élément du sémantème, permettant d’opposer deux sémèmes très voisins, par une caractéristique propre ». François RASTIER (1997 : p. 112). Autrement pour François RASTIER, « la définition des sèmes génériques et des sèmes spécifiques est relative à une classe de sémèmes. En d’autres termes, les sémèmes ne sont pas définis comme des ensembles de sèmes, mais plus précisément comme des sous-ensembles de sèmes, au sein d’un ensemble de définition. Les sèmes ne sont donc pas des relations entre des ensembles, mais entre des sousensembles. » François RASTIER (1987 : p. 49). III.1.3.3. Les sèmes afférents Le sème afférent est « l’extrémité d’une relation antisymétrique entre deux sémèmes appartenant à des taxèmes différents. » François RASTIER (1987 : p. 277). III.1.3.4. Les sèmes inhérents Le sème inhérent est « l’extrémité d’une relation symétrique entre deux sémèmes appartenant à un même taxème. » François RASTIER (1987 : p. 277). Autrement dit, pour François RASTIER (1987 : p. 44), les sèmes afférents relèvent des normes socialisées, ou idiolectales, tandis que les sèmes inhérents relèvent du système fonctionnel de la langue.

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III.2. LES LEXÈMES ET LES CHAMPS LEXICAUX Les figures du discours peuvent s’articuler en lexèmes, en parcours figuratifs et /ou en configurations discursives. Les lexèmes sont les mots que le lexique d’une langue se donne à définir. Le lexème est une figure. Quant au champ lexical, il constitue l’un des éléments indispensable au décodage sémantique. Georges MAURAND (1986) en donne la définition suivante : « Sur le plan du texte, le champ lexical s’entend comme un ensemble de termes (lexèmes) ayant en commun une même caractéristique sémantique, appelée (sème) dans la terminologie linguistique. Monter les champs lexicaux, comme on dit dans les classes élémentaires, revient à dégager les thèmes d’un texte sans courir le risque de perdre celui-ci de vue. L’hypothèse, faut-il le préciser, est que dans tout texte sensé se manifeste un (premier ?) niveau de cohérence dans le choix même des unités du lexique. » Cité par Louis MILLOGO (2000 : p. 130). III.3. LES PARCOURS FIGURATIFS ET LES CONFIGURATIONS DISCURSIVES Les parcours figuratifs sont formés des figures lexématiques reliées entre elles. Lesquelles figures constituent le « canal » par lequel s’élaborent les isotopies. Quant aux configurations discursives, elles désignent un ensemble de parcours figuratifs. Le Groupe d’ENTREVERNES en donne la définition suivante : « La configuration discursive apparaît donc comme un ensemble de significations virtuelles susceptibles d’être réalisées par 59

les discours et les textes dans des parcours figuratifs. » Groupe d’ENTREVERNES (1979 : p. 91). Après l’exposé de la notion de sème selon les auteurs, nous consacrons le chapitre 4 au concept d’isotopie et à son fonctionnement dans le discours.

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CHAPITRE IV LE CONCEPT D’ISOTOPIE Ce chapitre 4 traite de la notion d’isotopie selon les différentes terminologies et de son fonctionnement dans le discours. IV.1. APPROCHE DÉFINITIONNELLE Isotopie vient du grec isos- qui veut dire même et topos qui veut dire lieu ou même lieu. Autrement, l’isotopie est un lieu où le sens prend sa cohérence, où il y a un sens homogène. Différents éléments peuvent tenir ensemble parce qu’ils ont un élément minimal commun. Par exemple, pain, nourriture, manger, boire… forment quelque chose d’homogène parce qu’ils se situent sur une même isotopie qu’on pourrait appeler, ici, « alimentaire ». La notion d’isotopie a été définie par Algirdas Julien GREIMAS (1966) comme « un faisceau de catégories sémantiques redondantes, sous-jacentes au discours considéré ». Ainsi définie, l’isotopie, qui est la répartition du même, à savoir la « résultante de la répartition d’éléments de signification de même catégorie », semble se caractériser par la redondance sémique et la cohérence. L’isotopie découle de la répartition des lexèmes en champs lexicaux et sémantiques. Chaque champ lexical forme ainsi un ensemble isotope. A l’instar du champ lexical, l’isotopie est un paradigme constitué de classèmes et non seulement de lexèmes. L’isotopie peut, en outre, regrouper plusieurs champs lexicaux. L’isotopie est une redondance, une répétition, un retour continu et fréquent d’une même figure. Lorsque 61

cette figure est phonique on parle d’isophonie ; lorsqu’elle est syntaxique, on parle d’isotaxie ou lorsqu’elle est sémique, on parle d’isosémie, etc. L’isosémie ou isotopie sémantique est la description des unités minimales de signification. Elle retiendra notre attention. Les récurrences sémiques s’organisent autour d’un espace textuel et permettent de considérer un texte comme un tout cohérent, ou du moins comme une suite de phrases qui ne se suivent pas par hasard. Cet espace sémantique est le foyer d’un jeu de relation entre le même et le différentiel. Ce jeu pose les bases de la cohésion et de la cohérence du texte rendues possibles grâce à la combinaison des diverses unités de manifestation prise en charge par l’isotopie. Le processus d’isotopisation consiste en une itération d’unité de signification et rend compte de la possibilité pour le lecteur de lire un récit ou un texte de façon uniforme. IV.2. LES TYPOLOGIES DE L’ISOTOPIE SELON LES AUTEURS La définition de l’isotopie a fait l’objet de débats qui témoignent de l’intérêt suscité par ce concept. Ainsi, la notion d’isotopie a connu plusieurs définitions. D’Algirdas Julien GREIMAS à François RASTIER en passant par Joseph COURTÉS, le Groupe d’ENTREVERNES et Anne HENAULT, chaque théoricien a donné le contenu sémantique qu’il a pensé à l’isotopie. Anne HENAULT (2012 : p. 61) faisant le point, nous situe sur les flottements dans les définitions successivement proposées pour la notion d’isotopie de 1966 à 1976. « Permanence d’une base classématique hiérarchisée. » Algirdas Julien GREIMAS (1966 : p. 96).

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« Par isotopie, nous entendons un ensemble redondant de catégories sémantiques qui rend possible la lecture uniforme du récit, telle qu’elle résulte des lectures partielles des énoncés et de la résolution de leurs ambiguïtés qui est guidée par la recherche de la lecture unique. » Algirdas Julien GREIMAS (1972 : p. 188). « On appelle isotopie toute itération d’un énoncé d’une unité linguistique. L’isotopie élémentaire comprend donc deux unités de la manifestation linguistique. » François RASTIER (1973 : p. 82). « Isotopie commune, reconnaissable grâce à la récurrence d’une catégorie ou d’un faisceau de catégories linguistiques tout au long de son développement. » Algirdas Julien GREIMAS (1976). Outre ce parcours évolutif sur la définition de l’isotopie analysons de près le point de vue de chaque auteur. IV.2.1. Algirdas Julien GREIMAS COURTÉS et le concept d’isotopie

et

Joseph

Le mot et/ou le concept d’isotopie apparaît pour la première fois en sémantique structurale et en linguistique sous la plume d’Algirdas Julien GREIMAS (1966) qui l’a emprunté au domaine de la Physique-Chimie et l’a transféré dans l’analyse sémantique en lui conférant une signification spécifique. L’isotopie évoque d’une part la notion d’identité et de similarité, d’autre part la notion d’appartenance à un champ, à un domaine ou à un lieu. Ce concept rend compte de l’idée de totalité de signification.

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C’est en voulant fonder une lexicologie, basée sur les unités-mots, qu’Algirdas Julien GREIMAS est venu à la sémantique puis, allant au-delà de la sémantique, il a abouti à une sémiotique structurale. La théorie de GREIMAS est fondée sur le sème dont la répétition constitue une isotopie. « Par isotopie, nous entendons un ensemble redondant de catégories sémantiques qui rend possible la lecture uniforme du récit, telle qu’elle résulte des lectures partielles des énoncés et de la résolution de leurs ambiguïtés qui est guidée par la recherche de la lecture unique. » Algirdas Julien GREIMAS et Joseph COURTÉS (1993 p. 197). Par exemple, une redondance de la première personne permet de comprendre que c’est toujours la même personne qui parle. La redondance des mots d’un même champ lexical permet de comprendre que l’on parle d’un même thème. Selon Algirdas Julien GREIMAS et Joseph COURTÉS (1993 : p. 197), le concept d’isotopie a désigné d’abord l’interactivité, le long d’une chaîne syntagmatique, de classèmes qui assurent au discoursénoncé son homogénéité avant de se définir comme la récurrence de catégories sémiques. En fonction des paliers du texte, (discursif par opposition aux paliers du mot et de la phrase), les isotopies, comme les sèmes qui les fondent, se classent en figuratives, thématiques et axiologiques. On doit à Algirdas Julien GREIMAS entre autres les concepts suivants : l’isotopie (répétition d’un même élément de sens) ; le carré sémiotique (structure élémentaire de la signification construite sur la base d’une opposition) ; le modèle actanciel (décomposition d’une action en six 64

actants) ; le programme narratif (représentation d’une action en tant que succession de deux états opposés) ; la sémiotique du naturel (le monde est un signe et, à ce titre, constitué de signifiants et de signifiés). L’analyse figurative / thématique / axiologique repose sur une typologie sémantique d’Algirdas Julien GREIMAS et de Joseph COURTÉS. Ainsi, un élément de contenu (sème, isotopie) peut être figuratif, thématique ou axiologique. IV.2.1.1. L’isotopie figurative L’isotopie figurative est située au niveau de surface du parcours génératif de la signification. On appelle « figure » en sémiotique un élément de signification relativement déterminé et reconnaissable à la lecture. Exemple : « arbre », « maison », « vin », « vigne ». Les figures se repèrent et se classent autour de trois pôles : les acteurs, les temps, les lieux. Elles sont disposées en parcours figuratifs. Ce qui permet à la figure de s’inscrire et de se développer dans le texte. La forme des parcours figuratifs détermine la valeur thématique des figures. Quant au figuratif, il est défini comme un correspondant au niveau de l’expression du monde sensible. Tout discours est presqu’ainsi caractérisé par sa composante figurative, c’est-à-dire : « Un ensemble isotope de figures, corrélatif à un thème donné. Cet enchaînement fondé sur l’association des figures – propre à un univers culturel déterminé – est en partie libre, en partie contraint, dans la mesure où, une première figure étant posée, elle n’en appelle que certaines, à l’exclusion des autres. Étant donné les multiples possibilités de figurativiser un seul et même thème, celui-ci peut être sous-jacent à différents parcours. » Algirdas Julien 65

GREIMAS et Joseph COURTÉS (1983 : p. 146). Pour Joseph COURTÉS, « sera considéré comme figuratif, dans un univers de discours donné (verbal ou non verbal) tout ce qui peut être directement rapporté par l’un des cinq sens traditionnels : la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher ; bref, tout ce qui relève de la perception du monde extérieur. » Joseph COURTÉS (1991 : p. 163). En d’autres termes, le contenu du texte se présente comme un agencement de figures disposées en parcours dont l’articulation spécifique détermine des valeurs thématiques. Les figures sont ces éléments de base à partir desquelles se constitue la particularité de chaque texte. Les figures n’apparaissent jamais isolées les unes des autres mais mises en contexte et rapportées les unes aux autres. Les figures reflètent les thèmes, elles thématisent l’isotopie. Elles sont disposées en parcours figuratifs. Mettre en parcours des figures, c’est préciser le contenu de la figure, c’est-à-dire la manière dont le texte l’utilise et l’interprète. Les isotopies figuratives sous-tendent les configurations discursives, c’est-à-dire, « un ensemble de significations virtuelles susceptibles d’être réalisées par les discours et les textes dans des parcours figuratifs. » Groupe d’ENTREVERNES (1979 : p. 35). Joseph COURTÉS va faire la distinction entre le figuratif iconique et le figuratif abstrait. Pour lui, le figuratif iconique est la représentation d’images, d’icônes visibles, concrets. C’est le contenu qui donne le maximum de détails concrets. Quant au figuratif abstrait, c’est l’ensemble des figures lexématiques en tant qu’elles sont 66

abstraites. Ici, il y a diminution des détails concrets. Toutefois, ce qui demeure constant dans la saisie du figuratif c’est la nomenclature des perceptions et des représentations se rapportant aux cinq sens. Le figuratif n’est pas une construction centrée sur elle-même. Il fait appel à une thématisation. Une même donnée figurative ou une même figure peut correspondre à plusieurs thèmes, de même qu’un même thème peut renvoyer à plusieurs figures. IV.2.1.2. L’isotopie thématique L’isotopie thématique est située au niveau plus profond du parcours génératif de la signification. Le thème peut être défini comme le contenu d’une langue naturelle ou d’un système de représentation qui est caractérisé par son aspect abstrait ou général. Et de ce fait, le thème existe dans l’idée, accessible par l’intelligence. Il n’est pas saisissable directement ou tel quel par les sens. C’est le cas par exemple de l’ « amour » comme contenu dont nous ne pouvons percevoir ni la forme, ni la couleur, ni le goût, ni le bruit, ni l’odeur. Le thème, encore appelée hyperonyme, rend compte du sens de tous les termes d’un paradigme auquel on donne la désignation de « champ lexical » ou d’ « isotopie ». Les valeurs thématiques ne sont pas données par le texte manifesté, elles sont à construire à partir des figures et des parcours figuratifs. Joseph COURTÉS fait également une distinction entre thèmes spécifiques et thèmes génériques. Les thèmes spécifiques sont ceux qui sont précis, concrets tandis que les thèmes génériques sont les thèmes absolus. Le thème et la figure se définissent ainsi l’un par rapport à l’autre dans le lien antithétique d’abstrait à concret, de général à particulier. Figures et thèmes d’un texte participent d’une axiologie : ils sont corrélés à une modalité de type euphorie / dysphorie. 67

IV.2.1.3. L’axiologie « On entend généralement par axiologie la théorie et/ou la description des systèmes de valeurs (morales, logiques, esthétiques). En sémiotique, on désigne du nom d’axiologie le mode d’existence paradigmatique des valeurs par opposition à l’idéologie qui prend la forme de leur arrangement syntagmatique et actanciel. » Algirdas Julien GREIMAS et Joseph COURTÉS (1993 : pp. 25-26). Autrement, l’axiologie est le regroupement des figures et des thèmes. Elle repose sur ce qu’on appelle la catégorie thymique à savoir l’opposition vie/mort ; euphorie/dysphorie ; positif/négatif ; attractif/répulsif. À partir de cette opposition, on produit l’inventaire des modalités axiologiques dont les principales sont l’euphorie et la dysphorie. IV.2.2. Le Groupe d’ENTREVERNES et le concept d’isotopie « L’isotopie garantit l’homogénéité d’un message ou d’un discours. Elle peut être définie comme un ‘plan commun’ rendant possible la cohérence d’un propos. Ce plan commun doit s’entendre comme la permanence de quelques traits minimaux. (…) Ce phénomène de permanence ou de répétition des traits minimaux se nomme la redondance. » Groupe d’ENTREVERNES (1979 : p. 123).

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Le Groupe d’ENTREVERNES distingue deux groupes d’isotopies : les isotopies sémantiques et les isotopies sémiologiques. IV.2.2.1. Les isotopies sémantiques Les isotopies sémantiques se perçoivent au niveau profond. Le niveau profond désigne l’articulation interne du texte. Ce sont les isotopies sémantiques qui donnent véritablement sens au texte. C’est à ce niveau que naît la signification avant de s’étendre à tout le texte. Le Groupe d’ENTREVERNES en donne la définition suivante : « Nous appelons isotopie sémantique l’isotopie assurée par la redondance des catégories classématiques, c’est-à-dire des classèmes. C’est pourquoi, l’isotopie sémantique qui assure la cohérence et la cohésion d’un propos, permet de désambiguïser les énoncés produits. » Groupe d’ENTREVERNES (1979 : pp. 123-124). IV.2.2.2. Les isotopies sémiologiques Les isotopies sémiologiques sont celles que l’on observe au niveau de surface c’est-à-dire le lieu de la manifestation du texte. La manifestation d’un texte est l’élaboration finie, achevée, d’un discours ou d’un texte dans un système de signes donnés. C’est le niveau fini de la réalisation ou de la construction d’un texte. C’est par la manifestation que l’on connaît la pensée de quelqu’un. Elle est la partie extérieure, visible, perceptible du texte. La manifestation est l’étape finale du parcours génératif. L’examen des isotopies sémiologiques consiste à repérer les sèmes nucléaires redondants en vue d’une homogénéité du message. Le Groupe d’ENTREVERNES en donne la définition suivante : 69

« Nous appelons isotopie sémiologique, l’isotopie assurée par la redondance et la permanence de catégories nucléaires. C’est-à-dire de sèmes nucléaires. » Groupe d’ENTREVER-NES (1979 : p. 124). Les sèmes nucléaires forment le noyau permanent, stable de l’unité lexicale. Ils ne varient pas. Ils sont encore appelés figures nucléaires. Catherine FROMILHAGUE et Anne SANCIER, conçoivent l’isotopie comme la répétition de sèmes : « Dans son sens le plus extensif, l’isotopie désigne la répétition de n’importe quel élément linguistique (phonème, sème, lexie, structure phrastique, etc.). Dans une acception plus restreinte et plus communément admise, l’isotopie sémantique désigne la répétition de sèmes qui assure l’homogénéité sémantique de la séquence textuelle envisagée. Ces sèmes peuvent être dénotatifs ou connotatifs, génériques ou spécifiques. » Cité par Oboussa SOUGUÉ (2012 : pp. 20-21). Pour Anne HÉNAULT (2012 : p. 54), « On appelle isotopie la résultante de la répétition d’éléments de signification de même catégorie.» Outre les définitions données par Algirdas Julien GREIMAS et les autres linguistes, François RASTIER reprend la notion d’isotopie du point de vue de la sémantique textuelle et en fait un concept clé de sa Sémantique Interprétative publiée en 1987.

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IV.2.3. François RASTIER et le concept d’isotopie La catégorie sémique établie par François RASTIER pour faire la distinction entre sèmes génériques et sèmes spécifiques, et entre sèmes afférents et sèmes inhérents, permet de construire des isotopies génériques et spécifiques, et des isotopies afférentes et inhérentes, qui sont fondamentales pour l’interprétation du texte. Comme les catégories sémiques, il existe quatre types d’isotopie selon François RASTIER : les isotopies génériques, les isotopies spécifiques, les isotopies afférentes et les isotopies inhérentes. IV.2.3.1. Les isotopies génériques Les isotopies génériques se divisent en trois classes comme les sèmes génériques : les isotopies microgénériques, les isotopies mésogénériques et les isotopies macrogénériques. IV.2.3.1.1. L’isotopie microgénérique L’isotopie microgénérique est la récurrence d’un sème microgénérique qui indexe des sémèmes appartenant au même taxème ou classe minimale. Par exemple, dans Et l’entrecôte, bleue, saignante, à point, bien cuite ?, cité par RASTIER (1987 : p. 112), la récurrence du trait /degré de cuisson/ constitue une isotopie microgénérique. L’isotopie microgénérique traduit une cohésion très forte du discours qui la supporte. IV.2.3.1.2. L’isotopie mésogénérique L’isotopie mésogénérique est la récurrence d’un sème mésogénérique qui indexe des sémèmes appartenant au même domaine. Par exemple, dans L’amiral Nelson ordonna de carguer les voiles, cité par RASTIER (1987 : 71

p. 112), la récurrence du trait /navigation/ présent dans ‘amiral’, ‘carguer’, et ‘voiles’ constitue une isotopie mésogénérique. L’isotopie mésogénérique induit, selon François RASTIER, une impression référentielle. IV.2.3.1.3. L’isotopie macrogénérique L’isotopie macrogénérique est la récurrence d’un sème macrogénérique qui indexe des sémèmes appartenant à une même dimension. Par exemple, dans, Le hérisson insectivore n’est pas de la même famille que le porc-épic » (« Le Chasseur français, n° 1045, mars 1984 : p. 73), cité par RASTIER (1987 : p. 112), la récurrence du trait /animé/ constitue une isotopie macrogénérique. En somme, les isotopies génériques sont liées généralement à des paradigmes codifiés en langue ou socialement normés. C’est pourquoi elles produisent des impressions référentielles. Elles permettent souvent d’établir la thématique du texte et les fonds sémantiques. IV.2.3.2. Les isotopies spécifiques Les isotopies spécifiques reposent sur la récurrence des sèmes spécifiques qui ne marquent pas l’appartenance des sémèmes à des paradigmes comme les isotopies génériques, mais au contraire, les distinguent en leur sein. Elles ne sont pas liées aux paradigmes codifiés en langue ou socialement normés mais permettent d’établir des liens sémantiques entre les sémèmes de paradigmes différents. Par exemple, dans le vers, L’aube allume la source de Paul ÉLUARD cité par Peter FROELICHER puis repris par François RASTIER (1987 : p. 112), la récurrence du trait /inchoatif/ présent dans ‘aube’, ‘allume’ et ‘source’, constitue une isotopie spécifique. Les isotopies spécifiques permettent d’analyser en détail les isotopies génériques et de les articuler entre elles. Elles indexent des sémèmes appartenant au même 72

domaine ou à la même dimension mais non au même taxème, sinon le trait isotopant serait alors générique. Toutefois, elles peuvent aussi indexer des sémèmes appartenant à des taxèmes, à des domaines et à des dimensions différents et dans ce cas, elles participent alors à des connexions métaphoriques. Par exemple, dans le sempiternel Achille est un lion, cité par RASTIER (1987 : p. 112) le trait spécifique /courage/ constitue une isotopie entre ‘Achille’ et ‘lion’ alors que ces deux sémèmes ne relèvent pas du même domaine sémantique, ni a fortiori du même taxème. En revanche, ils possèdent un trait macrogénérique commun /animé/, qui participe aussi à la connexion métaphorique. IV.2.3.3. Les isotopies afférentes Les isotopies afférentes sont constituées par la récurrence d’un sème afférent et correspondent à une interprétation qu’induisent des normes locales et relatives. Par exemple, dans le titre Le Rouge et le Noir, la récurrence du trait /carrières/ constitue une isotopie typiquement afférente. L’afférence peut être indiquée soit par le contexte, soit par l’influence socioculturelle. IV.2.3.4. Les isotopies inhérentes Les isotopies inhérentes sont constituées par la récurrence d’un sème inhérent. C’est le cas du vers de Paul ÉLUARD, L’aube allume la source. Le trait /inchoatif/ constitue une isotopie inhérente. Isotopies inhérentes et isotopies afférentes sont souvent assimilées aux isotopies « dénotées » et « connotées » chez Algirdas Julien GREIMAS et François RASTIER.

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Pour Algirdas Julien GREIMAS, « Une isotopie est dénotative si, une fois explicitée grâce à la récurrence des traits isotopants reconnus dans l’isotopie figurative manifestée, elle reste conforme à celle-ci (…). Par contre, l’isotopie est connotative si la lecture de son niveau implicite n’est possible qu’en postulant d’abord un signifié nouveau. » Algirdas Julien GREIMAS (1983 : p. 50) cité par François RASTIER (1987 : p. 119). Pour François RASTIER, ‘l’isotopie dénotée est manifeste’ alors que ‘l’isotopie connotée est latente’ et le fait d’établir une isotopie connotée se résumerait à la lecture d’un sens « caché ». Cependant il fait remarquer aussi que faire une distinction entre « isotopies dénotées et isotopies connotées empêche de discerner la cohésion textuelle, car elle conduit à séparer des isotopies liées dans un même faisceau. » François RASTIER (1987 : p. 122). IV.2.3.5. L’allotopie Le terme d’allotopie est défini comme « une relation de disjonction exclusive entre deux sémèmes (ou deux groupes de sémèmes) comprenant des sèmes incompatibles. » François RASTIER (1987 : p. 275). Dans Le Cantique des cantiques, ce vers du chapitre 8, 6 rend compte du terme d’allotopie : « Car l’amour est fort comme la Mort, La passion inflexible comme le Shéol. Ses traits sont des traits de feu, Une flamme de Yahvé. »

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« Amour », « Passion » comportent le trait /actif/ et « Mort », « Shéol » comportent le trait /inerte/. En résumé, eu égard de toutes ces définitions, disons que l’isotopie est un « plan commun » qui joue un rôle capital dans le discours et assure par là son fonctionnement. Il rend possible la cohérence d’un propos, d’un discours ou d’un texte suivant une permanence de traits minimaux. En effet, à partir d’un ensemble de mots, l’isotopie traduit, d’une part, la réalité globale à laquelle renvoie l’énoncé et d’autre part, l’effet de récurrence d’une unité sémantique du texte. Laquelle unité traduit l’appartenance de plusieurs signifiés à une même zone sémantique. IV.3. VERS UNE HOMOLOGATION DES TERMINOLOGIES Au regard de toutes ces terminologies, nous pouvons retenir qu’une même pensée anime les différents auteurs dans les termes relatifs à la théorie de l’isotopie. Il s’agit de la distinction entre les niveaux de la signification et les types d’isotopies. IV.3.1. Les niveaux de la signification La détermination des isotopies dans un texte se fait à deux niveaux : le niveau de la surface et le niveau de la profondeur. Ces deux niveaux permettent de distinguer deux structures : la structure de surface et la structure profonde. IV.3.1.1. La structure de surface ou niveau manifeste du contenu La structure de surface est la partie visible, finie, manifeste du texte. C’est ce que le texte donne à voir de 75

lui-même, son aspect extérieur. La structure de surface est le lieu où le texte se manifeste. Elle est le lieu d’articulation ou de manifestation des isotopies dites génériques selon la terminologie de François RASTIER, sémiologiques selon la terminologie du Groupe d’ENTREVERNES et figuratives selon la terminologie d’Algirdas Julien GREIMAS et de Joseph COURTÉS. « De telles isotopies figuratives (…) sont reliées par des relations reconnaissables et définissables (...) au niveau profond du contenu dont elles ne sont que des manifestations. » Algirdas Julien GREIMAS (1976 : p. 208) cité par François RASTIER (1987 : p. 117). IV.3.1.2. La structure profonde ou niveau plus profond du parcours génératif La structure profonde est l’articulation interne du texte. C’est le lieu où s’articulent les différents éléments générateurs du texte. Elle porte sur la forme de la signification. La structure profonde correspond au lieu d’articulation des isotopies sémantiques selon la terminologie du Groupe d’ENTREVERNES. Ce sont les isotopies sémantiques qui donnent véritablement sens au texte. C’est à ce niveau que naît la signification avant de s’étendre à tout le texte. Les isotopies sémantiques sont encore appelées isotopies spécifiques selon la terminologie de François RASTIER et thématiques selon la terminologie de Joseph COURTÉS. Les contenus thématiques sont abstraits tandis que les contenus figuratifs sont concrets. L’opposition thématique/figuratif est un critère très important de la typologie des isotopies.

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IV.4. LE FONCTIONNEMENT DE L’ISOTOPIE DANS LE DISCOURS L’isotopie donne de l’homogénéité, de la cohérence au message, au discours. Elle est la manifestation de la cohérence textuelle. Elle est une manifestation de la signification et une condition indispensable du fonctionnement du discours. Elle consiste en un acte de lecture, de construction d’un sens en vue d’intégrer les éléments d’un énoncé dans un ensemble non ambigu qui assure la réduction de la polysémie textuelle. IV.4.1. Selon Algirdas Julien GREIMAS « Un message ou une séquence quelconques du discours ne peuvent être considérés comme isotopes que s’ils possèdent un ou plusieurs classèmes en commun. » GREIMAS (1966 : p. 53). Autrement, « l’isotopie d’un texte, c’est la permanence d’une base classématique hiérarchisée, qui permet […] les variations des unités de manifestation […]. » GREIMAS (1966 : p. 96). Grâce au concept d’isotopie, des textes entiers se situent à des niveaux sémantiques homogènes. Deux phénomènes concourent à l’établissement d’une isotopie : la redondance de classèmes appartenant aux mêmes catégories classématiques et les variations des « unités de manifestations » que sont les figures nucléaires ou sémiques. Les variations au niveau sémantique et les variations au niveau sémiologique (selon les termes de GREIMAS), puis les niveaux paradigmatiques et syntagmatiques, sont les conditions nécessaires pour établir une isotopie. IV.4.2. Selon François RASTIER Pour François RASTIER, l’isotopie n’est pas définie exclusivement par la récurrence de classèmes, mais 77

par celle de toutes les unités sémantiques, et donc aussi par celle des sèmes spécifiques ou sèmes « nucléaires » François RASTIER (1987 : p. 92). Autrement, l’isotopie pourrait se définir comme « la récurrence de toutes les unités sémantiques ». Ou de façon plus subtile, l’isotopie sémantique est l’ « effet de la récurrence syntagmatique d’un même sème. Les relations d’identité entre les occurrences du sème isotopant induisent des relations d’équivalence entre les sémèmes qui les incluent.» François RASTIER (1987 : p. 274). Pour François RASTIER (1987 : pp. 104-108), l’isotopie a essentiellement pour buts : - d’outrepasser la limite phrastique : le concept d’isotopie est indépendant de la notion de phrase. - de contribuer à définir la « cohérence » textuelle car l’isotopie est la lecture cohérente d’un texte assurée par la redondance de catégories linguistiques quelconques. Ce qui déterminera sa cohésion, c’est-à-dire les relations sémantiques internes du texte et sa cohérence, c’est-à-dire les relations avec son entour extralinguistique, défini comme l’ensemble des phénomènes sémiotiques qui lui sont associés. - d’élaborer la notion de lecture : l’isotopie est conçue non seulement comme la condition d’une lecture mais la condition de toute lisibilité. Lire un texte, c’est identifier la/les isotopie(s) qui la parcoure(nt) et la (les) interpréter. - de choisir une stratégie interprétative basée sur les récurrences sémiques que peut comporter un texte et sur l’évaluation des différentes isotopies en fonction de critères touchant leur étendue de validité, leur productivité sémique, leur degré 78

d’inhérence et la complexité relative des parcours interprétatifs qui permettent de les identifier. L’isotopie permet donc de lever les ambiguïtés, les équivoques autour d’un discours, d’un texte. Elle considère le texte ou le discours comme un tout cohérent et bien organisé bien agencé. Rien ne se fait par hasard. L’isotopie a donc un rôle d’unificateur sémantique. Après cette deuxième partie consacrée à la présentation théorique de la notion de sème et du concept d’isotopie et de son fonctionnement dans le discours, nous abordons la troisième partie qui est basée sur la lecture isotopique et interprétative du poème.

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TROISIÈME PARTIE APPLICATION TEXTUELLE La théorie de l’isotopie est un excellent outil pour décrypter et lire un texte, qu’il soit poétique ou non, littéraire ou non. Elle tient une place importante dans la Sémantique Interprétative de François RASTIER (1987). Cette partie est consacrée à la mise en relief des isotopies qui parcourent Le Cantique des cantiques. Notre travail étant essentiellement basé sur la théorie de François RASTIER, nous identifions d’abord les isotopies génériques ensuite les isotopies spécifiques que nous classons dans des tableaux puis nous faisons un commentaire pour chaque isotopie relevée. Le carré sémiotique emprunté à Algirdas Julien GREIMAS vient clore tout le parcours de l’étude.

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CHAPITRE V LECTURE ISOTOPIQUE DU POÈME Ce chapitre est consacré à l’analyse des isotopies génériques et des isotopies spécifiques que nous classons en réseaux dans des tableaux ensuite, allant de conversion en conversion, nous thématisons ces isotopies puis nous faisons après chaque catégorie d’isotopies relevées, un commentaire. V.1. LES ISOTOPIES GÉNÉRIQUES Les isotopies génériques se divisent en trois classes comme les sèmes génériques : les isotopies microgénériques, les isotopies mésogénériques et les isotopies macrogénériques. V.1.1. Les isotopies microgénériques Les isotopies microgénériques se définissent par la récurrence des traits microgénériques qui indexent des sémèmes appartenant au même taxème. Dans Le Cantique des cantiques, nous avons repéré des isotopies microgénériques que nous présentons comme suit : V.1.1.1. L’isotopie de la femme V.1.1.1.1. Les indices textuels La figure de la femme est fortement présente dans le texte. Avant de montrer comment l’isotopie de la femme se développe tout le long du texte, nous procédons à l’établissement de son champ où elle se trouve actualisée. Nous avons les lexèmes suivants : 83

Puits d’eaux vives Ma sœur, ô fiancée Ouvre-moi, ma sœur, mon amie, Ma colombe, ma parfaite ! Filles de Jérusalem Ô la plus belle des femmes Ô la plus belle des femmes Filles de Jérusalem Tu es belle, mon amie, comme Tirça Charmante comme Jérusalem Redoutable comme des bataillons Il y a soixante reines Et quatre-vingts concubines ! Et des jeunes filles sans nombre. Unique est ma colombe Ma parfaite Elle est l’unique de sa mère, La préférée de celle qui l’enfanta. Les jeunes femmes l’ont vue et glorifiée Reines et concubines l’ont célébrée Qui est celle-ci qui surgit comme l’aurore Belle comme la lune Resplendissante comme le soleil Redoutable comme des bataillons ? Reviens, reviens, Sulamite Pourquoi regardez-vous la Sulamite, Fille de prince ! Ton nombril forme une coupe Tes deux seins ressemblent à deux faons Que tu es belle, que tu es charmante Ô amour, ô délices ! Tes seins en sont les grappes Tes seins, qu’ils soient des grappes de raisin Filles de Jérusalem Qui est celle-ci qui monte du désert, Appuyée sur son bien-aimé Notre sœur est petite Elle n’a pas encore les seins formés Que ferons-nous à notre sœur, le jour où il sera question d’elle ? Si elle est un rempart si elle est une porte Je suis un mur, et mes seins en figurent les tours

C’est pourquoi les jeunes filles t’aiment Je suis noire et pourtant belle, filles de Jérusalem Les fils de ma mère Ô la plus belle des femmes Que tu es belle, ma bien-aimée, Que tu es belle ! Tes yeux sont des colombes. Telle est ma bien-aimée entre les jeunes femmes Filles de Jérusalem Lève-toi, ma bien-aimée Ma belle, viens Lève-toi, ma bien-aimée Ma belle, viens Ma colombe Je vous en conjure, filles de Jérusalem Dans la maison de ma mère Dans la chambre de celle qui m’a conçue Filles de Jérusalem Filles de Sion Le diadème dont sa mère l’a couronné Au jour de ses épousailles Au jour de la joie de son cœur Que tu es belle, ma bien-aimée Que tu es belle ! Tes yeux sont des colombes, Tes dents, un troupeau de brebis à tondre Tes cheveux comme un troupeau de chèvres Tes lèvres, un fil d’écarlate Tes joues, des moitiés de grenades Ton cou, la tour de David Tes deux seins, deux faons Tu es toute belle, ma bien-aimée Et sans tache aucune ! Viens du Liban, ô fiancée Ma sœur, ô fiancée Par un anneau de ton collier Ma sœur, ô fiancée Tes lèvres, ô fiancée Distillent le miel vierge Elle est un jardin bien clos Ma sœur, ô fiancée Une source scellée

Tous ces lexèmes en gras ont trait à la femme. Ils constituent son parcours figuratif.

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V.1.1.1.2. Le parcours figuratif de la femme

/FEMME/ /Fille/

vs

jeunes filles (2) belle (17) filles de Jérusalem (7) bien-aimée (6) Ma colombe (5) filles de Sion épousailles joie de son cœur Tes dents Tes yeux tes cheveux Tes lèvres (2) Tes joues Ton cou Tes deux seins (7) Fiancée (5) ma sœur (7) collier vierge Elle (18) eaux vives mon amie (3) ma parfaite (2) charmante (2) redoutable (2) la préférée celle-ci (2) aurore la lune resplendissante Sulamite (2) fille de prince coupe Ton nombril délices amour grappes (2)

/Mère/ Mère (4) Femmes (3) jeunes femmes (2) celle qui m’a conçue reines concubines celle qui l’enfanta reines et concubines

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V.1.1.1.3. Le commentaire Parmi les procédés, nous retenons celui de la récurrence. Toute isotopie est avant tout constituée par la récurrence d’unités linguistiques du plan de l’expression et/ou du plan du contenu. Dans Le Cantique des cantiques, nous observons des récurrences de nature sémémiques, donnant lieu au développement d’une isotopie contextuelle de la femme. Nous pouvons classer les différents lexèmes selon deux groupes : les lexèmes qui relèvent de la « fille » et ceux qui relèvent de la « mère ». La jeune fille est une future mère et donc pourrait être considérée comme une future femme. La bien-aimée se rapproche de sa mère en même temps qu’elle cherche l’union avec le bien-aimé en l’introduisant dans « la maison de ma mère ». Elle se rappelle qu’elle est fille de « celle qui m’a conçue » au moment où elle se met en situation de devenir elle-même mère. Même s’il y a une prédominance des lexèmes se rapportant à la « fille » sur ceux ayant trait à la « femme », nous pouvons dire que tout le champ lexical se dresse comme un grand portrait de la femme. Il y a aussi le portrait physique de la femme. Beaucoup d’éléments entrent dans la matérialisation de cette beauté physique. Dans un premier temps, au moyen de métaphores, le bien-aimé chante la beauté de sa fiancée et en dresse un portrait très sensuel. Dans un second temps, le bien-aimé célèbre la beauté de sa fiancée, une beauté associée à celle des astres. Dans un troisième temps, le corps de la bien-aimée est regardé de bas en haut, des pieds au sommet de la tête. Aux métaphores animales s’ajoutent des métaphores végétales pour traduire la beauté de la femme. Un autre élément essentiel dans ce qui fait la beauté de la femme est le teint d’où l’évocation de « Je suis noire et pourtant belle, filles de Jérusalem. » D’autres éléments sont évoqués dans ce cadre. Il s’agit de la 86

chevelure, des dents, du cou, des yeux, de la démarche, etc. Il y a aussi la richesse de la parure de la femme qui s’exprime à travers « colliers », les « boucles » en « or ». En somme, l’isotopie de la femme s’élabore au moyen de multiples procédés stylistiques qui participent à la signification de l’ensemble du texte. L’isotopie de portrait de la femme est rendue sur le plan lexématique par des récurrences sémémiques, qui déclenchent une isotopie de type contextuel. Ne pouvant parler de la femme sans du même coup parler de l’homme, on pourrait se demander quelle signification particulière pourrait lui être attribuée. V.1.1.2. L’isotopie de l’homme V.1.1.2.1. Les indices textuels Les jeunes filles t’aiment Entraîne-moi sur tes pas, courons Le roi m’a introduite en ses appartements Tu seras notre joie et notre allégresse Les fils de ma mère se sont emportés contre moi Ils m’ont mise à garder les vignes Dis-moi donc, toi que mon cœur aime Où mèneras-tu paître le troupeau Où le mettras-tu au repos Près des troupeaux de tes compagnons Près de la demeure des bergers Char de Pharaon Le roi est en son enclos Mon bien-aimé est un sachet de myrrhe Mon bien-aimé est une grappe de cypre Que tu es beau, mon bien-aimé Mon bien-aimé parmi les jeunes hommes

À son ombre désirée je me suis assise Et son fruit est doux à mon palais Il m’a menée au cellier Et la bannière qu’il dresse sur moi Son bras gauche est sous ma tête Et sa droite m’étreint Ne réveillez pas mon amour Avant l’heure de son bon plaisir J’entends mon bien-aimé Voici qu’il arrive Mon bien-aimé est semblable à une gazelle Voilà qu’il se tient Il guette par la fenêtre Il épie par le treillis Mon bien-aimé élève la voix Il me dit Mon bien-aimé est à moi, et moi à lui Il paît son troupeau parmi les lis Mon bien-aimé J’ai cherché Celui que mon cœur aime Je l’ai cherché, mais ne l’ai point trouvé

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Je chercherai celui que mon cœur aime Je l’ai cherché, mais ne l’ai point trouvé Les gardes m’ont rencontrée Ceux qui font la ronde dans la ville : « Avez-vous vu celui que mon cœur aime ? » À peine les avais-je dépassés J’ai trouvé celui que mon cœur aime Je l’ai saisi et ne le lâcherai point Que je ne l’aie fait entrer Ne réveillez pas mon amour Voici la litière de Salomon Soixante preux l’entourent Élite des preux d’Israël Tous experts à manier l’épée Vétérans des combats Chacun a le glaive au côté Le roi Salomon Il en a fait les colonnes d’argent Le roi Salomon Avec le diadème dont sa mère l’a couronné Au jour de ses épousailles, Au jour de la joie de son cœur Tu me fais perdre le sens Tu me fais perdre les sens Que mon bien-aimé entre dans son jardin Et qu’il en goûte les fruits délicieux J’entre dans mon jardin Ma sœur, ô fiancée Je récolte ma myrrhe et mon baume Je mange mon miel et mon rayon Je bois mon vin et mon lait Mes bien-aimés Je dors, mais mon cœur veille J’entends mon bien-aimé qui frappe Mon bien-aimé a passé la main par la fente Et pour lui mes entrailles ont frémi

J’ai ouvert à mon bien-aimé Mais tournant le dos, il avait disparu Sa fuite m’a fait rendre l’âme Je l’ai cherché, mais ne l’ai point trouvé Je l’ai appelé, mais il n’a pas répondu Les gardes m’ont rencontrée Ceux qui font la ronde dans la ville Ils m’ont frappée, ils m’ont blessée Ils m’ont enlevé mon manteau Ceux qui gardent les remparts Si vous trouvez mon bien-aimé Que lui déclarerez-vous Qu’à donc ton bien-aimé de plus que les autres Mon bien-aimé est frais et vermeil Il se reconnaît entre dix mille Sa tête est d’or, et d’un or pur Ses boucles sont des palmes Ses yeux sont des colombes Ses joues sont comme des parterres d’aromates Ses lèvres sont des lis Ses mains sont des globes d’or Son ventre est une masse d’ivoire Ses jambes sont des colonnes d’albâtre Son aspect est celui du Liban Ses discours sont la suavité même Et tout en lui n’est que charme. Tel est mon bien-aimé, tel est mon époux Où est parti ton bien-aimé Où s’est tourné ton bien-aimé Que nous le cherchions avec toi Mon bien-aimé est descendu à son jardin Pour paître son troupeau dans les jardins Je suis à mon bien-aimé Mon bien-aimé est à moi Il paît son troupeau parmi les lis Les chars d’Amminadib

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J’ai dit : Je monterai au palmier J’en saisirai les régimes Il va droit à mon bien-aimé Je suis à mon bien-aimé Et vers moi se porte son désir Viens, mon bien-aimé Alors je te ferai Ah que ne m’es-tu un frère Te rencontrant dehors, je pourrais t’embrasser Je te conduirais, je t’introduirais Tu m’enseignerais Son bras gauche est sous ma tête

Et sa droite m’étreint Ne réveillez pas mon amour Appuyée sur son bien-aimé Salomon avait une vigne à BaalHamôn Il la confia à des gardiens Chacun devait lui remettre le prix Toi Salomon Deux cents gardiens Toi qui habites les jardins Mes compagnons Fuis, mon bien-aimé

V.1.1.2.2. Le parcours figuratif de l’homme /HOMME/ vs

/Berger/ Les fils (2) Tes compagnons (2) Bergers (2) Mon bien-aimé (27) Mon époux (2) Son enclos Mon amour Les renards ravageurs(2) Les ombres Un jeune faon

/Roi/ Le roi (3) Pharaon (2) Salomon (3) Les gardes (3) Les gardiens (2) Preux Vétérans des combats (1) jardin tes parfums ton nom ses appartements son bon plaisir

V.1.1.2.3. Le commentaire Le champ lexical de l’homme est aussi manifeste que celui de la femme dans le poème parce qu’il est question d’amour entre un homme et une femme. Cependant, l’isotopie /homme/ revêt une identité particulière. Le bien-aimé est aussi roi que berger. La métaphore passe par la médiation de la sagesse. Le bienaimé est présenté sous les traits de Salomon, le roi sage 89

par excellence comme l’indique même le titre du poème : Cantique des cantiques de Salomon. Les allusions à Salomon sont disséminées tout au long du poème : la royauté (Ct 1, 4 ; Ct 1,12), la richesse (tentures, v.5 ; bijoux, or et argent, v.10-11), les matériaux qu’il utilise pour le Temple (la maison) : poutres de cèdre, lambris en cyprès (v.17). Il y a une récurrence des pronoms personnels « Il » ou « Tu » qui font allusion au bien-aimé ; l’adjectif possessif « ma » qui traduit l’idée de possession, d’appartenance. Le bien-aimé est présent aussi sous les traits du berger. De nombreuses références aux troupeaux traduisent cette activité. Partant de ce corpus, l’isotopie /homme/ s’élabore par des récurrences sémémiques et sémiques. Elle se construit aussi par une redondance sémique du « masculin » qui est comme une antithèse du trait « féminin » même si la figure de père n’est pas exprimée dans le texte. V.1.1.3. L’isotopie de la vigne V.1.1.3.1. Les indices textuels La figure de la vigne traverse la totalité du poème. Cela traduit son importance dans la célébration des noces du peuple palestinien.

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Tes amours sont plus délicieuses que le vin Nous célébrerons tes amours plus que le vin Ils m’ont mise à garder les vignes Ma vigne à moi Les vignes d’En-Gaddi. Il m’a menée au cellier Des gâteaux de raisin Et les vignes en fleur exhalent leur parfum Les petits renards ravageurs de vignes Nos vignes sont en fleurs Ton amour est délicieux, plus que le vin

Je bois mon vin Buvez, enivrez-vous Pour voir si la vigne bourgeonne Ton nombril forme une coupe Que les vins n’y manquent pas grappes de raisin Tes discours, un vin exquis Dès le matin nous irons aux vignobles Nous verrons si la vigne bourgeonne Je ferais boire un vin parfumé Salomon avait une vigne Ma vigne à moi, je ne l’ai pas gardée

V.1.1.3.2. Le parcours figuratif de la vigne

/VIGNE/ vs

/Situation/ /Actorialité/ La bien-aimée Les fils de ma mère Le bien-aimé Salomon Les amis les compagnons les gardiens de vignes

vs

/Spatialité/ En-Gaddi cellier vignobles (1) jardins champs

/Matérialité/ vin (7) bois enivrez bourgeonne coupe (1) grappes de raisin vin parfumé (1) vignes en fleur gâteaux de raisin vigne (10)

V.1.1.3.3. Le commentaire La vigne est présentée sous deux aspects : la situation et la matérialité. La situation est précisément spatio-actorielle. Elle présente ainsi un espace et des acteurs tous marqués par le trait /vigne/. L’actorialité 91

dresse la liste des acteurs mis en jeu tandis que la spatialité présente un univers où la vigne s’observe de façon palpable à travers les lexèmes : « vin », « bois », « enivrez », « bourgeonne », « fleurissent », « coupe », « grappes de raisin », « vin parfumé », « vignes en fleur », « gâteaux de raisin ». La culture de la vigne et l’usage du vin tiennent une grande place dans la civilisation palestinienne. La vigne d’où est tiré le vin apparaît comme un symbole du festin, de la fête, des noces, de la joie. Il est le signe du bonheur attendu par le bien-aimé et la bien-aimée. Le vin est le symbole des jouissances, de l’amour. Il communique la vie et la force, il ranime. L’opposition /aliment/ vs /plante/ est une opposition qui induit la complémentarité. Il faut la plante pour avoir le vin. Autrement le vin tire sa substance de la plante vigne. La figure de la vigne renvoie au vin comme boisson et comme ivresse. Le vin tourne la tête comme l’amour, le cœur. Pour parler de l’ivresse de l’amour, le poète prend des détours, il utilise des images : « enivrez », « coupe ». L’ivresse de l’amour est un amour passionnel et passionné, un amour obsessionnel. L’amour qu’a le bienaimé pour la bien-aimée et vice-versa est un amourpassion, un amour ivre, un amour qui leur tourne la tête comme le vin tourne la tête à celui qui s’en sert. V.1.2. Les isotopies mésogénériques Les isotopies mésogénériques se définissent par la récurrence des traits mésogénériques qui indexent des sémèmes appartenant au même domaine. Dans Le Cantique des cantiques, nous avons repéré des isotopies microgénériques que nous présentons comme suit :

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V.1.2.1. L’isotopie de l’élevage V.1.2.1.1 Les indices textuels Paître le troupeau Les biches Des colombes Troupeau de chèvres Troupeau de brebis (4) Deux faons, jumeaux d’une gazelle paissent Des lions Léopards Ma colombe (3) Le corbeau Des colombes Paître son troupeau dans les jardins Il paît son troupeau parmi les lis Un troupeau de chèvres La tourterelle Les renards Les petits renards ravageurs Il paît son troupeau Une gazelle Un jeune faon Les gazelles Demeure des bergers A ma cavale attelée Son enclos Une gazelle, jeune faon Les traces du troupeau Mène paître tes chevreaux Près des troupeaux

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V.1.2.1.2. Le parcours figuratif de l’élevage /ÉLEVAGE/ /Berger/ Paître attelée enclos bergers

vs

/Animal/ /Domestique/ Troupeau (7) Chevreaux (1) troupeau de chèvres (4) troupeau de brebis (4) colombe (3) tourterelle

vs

/Sauvage/ gazelle (4) renards faon biches lions Léopards corbeau colombe tourterelle (4)

V.1.2.1.3. Le commentaire L’isotopie /Élevage/ est pris en charge par les traits /berger/ et /animal/ qui traduisent le caractère pastoral du bien-aimé. Il fait paître ses brebis, les conduit, les protège des bêtes féroces, les surveille, leur fournit pâture et repos lorsque la chaleur du soleil devient torride. Il est prêt à se sacrifier pour les brebis de son troupeau. La bien-aimée a aussi ses propres chevreaux. Pour savoir où le bien-aimé mène au repos son troupeau, elle doit se mettre en route avec son propre troupeau grâce à des signes qui donnent la direction. Cela traduit l’activité du peuple d’Israël : éleveurs et agriculteurs. Les lexèmes « gazelle », « renards », « faon », « tourterelle », « Léopards », « lions », « biches », « corbeau » relevés traduisent le caractère sauvage de ces animaux. Tandis que les lexèmes « brebis », « chèvres » rendent compte de leur caractère domestique. En même temps que le bien-aimé est décrit comme berger, il est en même temps roi. Il est roi et aussi pasteur. Au-delà du texte profane, l’on pourrait lire à travers cette 94

image, celle du Christ, Berger de son troupeau, Berger du peuple élu et partant de l’humanité. Non seulement le Christ est Roi de l’univers mais il est aussi celui qui conduit les hommes à Dieu. V.1.2.2. L’isotopie de la richesse V.1.2.2.1. Les indices textuels Nous avons relevé des figures qui rendent compte du parcours figuratif de la richesse : Les colliers Un troupeau de brebis Mille rondaches La montagne de la myrrhe La colline de l’encens Collier Le parfum du Liban Sa tête est d’or Un or pur Ses boucles des palmes Ses mains des globes d’or Garnis de pierres de Tarsis Son ventre, une masse d’ivoire couverte de saphirs Ses jambes des colonnes d’albâtre Des bases d’or pur Ton cou une tour d’ivoire Les richesses de sa maison Soixante preux Un palanquin en bois du Liban Les colonnes d’argent Le baldaquin d’or Le siège de pourpre Le fond est une marqueterie d’ébène Le diadème Couronné Un troupeau de chèvres Notre lit n’est que de verdure Les poutres de notre maison sont de cèdre Nos lambris de cyprès La litière Un sachet de myrrhe Une grappe de cypre Globules d’argent Pendants d’or

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V.1.2.2.2. Le parcours figuratif de la richesse Le parcours figuratif de la richesse peut se schématiser de la façon suivante : /RICHESSE/ vs

/Situation/ /Actorialité/ Roi Bien-aimé Bien-aimée Bergers

vs

/Spatialité/ lit maison siège maison tour bases colonnes tête cou colline montagne Liban

/Matérialité/ troupeau de chèvres (4) troupeau de brebis (4) palmes or (6) pierres de Tarsis saphirs albâtre richesses Couronné Collier (2) Encens (2) myrrhe (2) argent (2) parfum

V.1.2.2.3. Le commentaire La richesse est présentée sous deux aspects : la situation et la matérialité. La situation est spatio-actorielle. Elle présente un espace et des acteurs tous investis par le trait /richesse/. Pendant que l’actorialité dresse une liste d’acteurs : « roi », « bien-aimé », « bien-aimée », « bergers », la spatialité présente un univers où cette richesse peut s’observer : « maison », « lit », « siège », « maison », « tour », « bases », « montagne », « colonnes », « tête », « cou », « colline », « Liban ». Quant à la matérialité, elle traduit la présentation matérielle de la richesse : « palmes », « or », « pierres de Tarsis », « saphirs », « albâtre », « collier », « couronné », « troupeaux ». Riche, le bien-aimé l’est, mais il est seul et cette solitude va le pousser à la quête 96

d’un être aimé. Ce qui rend plus heureux, c’est la présence de l’autre et ce bonheur ne sera pleinement comblé qu’avec l’arrivée hypothétique d’une progéniture. V.1.2.3. L’isotopie de la lumière V.1.2.3.1. Les indices textuels La figure de la lumière est très présente dans le texte. Elle est figurée à travers différents lexèmes qui forment ainsi son parcours figuratif. C’est le soleil Brûlée L’heure de midi Colombes Verdure Cèdre Le lis des vallées Les fleurs se montrent Montre-moi ton visage Une colonne de fumée Colonnes d’argent Contempler Diadème Un fil d’écarlate Ravissants La brise du jour

Sans tache aucune Le lait Puits d’eaux vives Le lait Des cours d’eau Pierres de Tarsis Tes dents sont un troupeau de brebis Surgit comme l’aurore Belle comme la lune Resplendissante comme le soleil Fleurissent Sentinelle Si ses pampres fleurissent Des traits de feu Une flamme de Yahvé Un couronnement d’argent

V.1.2.3.2. Le parcours figuratif Nous pouvons faire un montage du parcours figuratif de la lumière de la façon suivante :

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/LUMIÈRE/ vs

/Astral/ /Végétal/ Verdure fleurs fleurissent (2)

vs

/Non-végétal/ Resplendissante fumée flamme (1) feu (1)

/Non-astral/ Sentinelle (1) argent soleil (2) lune (1) aurore midi jour

V.1.2.3.3. Le commentaire Le parcours figuratif de la lumière est catégorisé d’une part par les lexèmes qui partagent en commun le trait /astral/ et de l’autre par les lexèmes qu’on peut regrouper sous le trait /non-astral/ qui se subdivise à son tour en /végétal/ et en /non-végétal/. L’opposition /non-astral/ vs /astral/ permet de dire qu’il y a deux sortes de lumière, une qui dépend de l’humain et l’autre qui dépend du cosmos. Cette dernière est innée, vitale. Elle est de toujours et brille qu’on le veuille ou non. Elle est dotée d’un pouvoir indépendamment de la volonté de l’homme. Elle empêche l’obscurité de s’installer et à l’homme de l’influencer. Elle est traduite par « lumière », « soleil », « lune », « jour », « heure de midi », etc. Quant à la lumière non astrale, elle demande un apport de l’homme. Elle est perceptible à travers les lexèmes « verdure », « fleurs », « fleurissent ». La lumière non astrale est l’expression de la nécessité pour l’homme de travailler à mettre de l’éclat dans sa vie c’està-dire de la joie malgré les difficultés. L’homme doit veiller à ce que la lumière ne s’éteigne jamais mais puisse toujours briller car elle rend possibles les relations humaines et fraternelles.

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V.1.3. Les isotopies macrogénériques Les isotopies macrogénériques se définissent par la récurrence des traits macrogénériques qui indexent des sémèmes appartenant à une même dimension. Dans Le Cantique des cantiques, nous avons repéré des isotopies macrogénériques que nous présentons comme suit : V.1.3.1. L’isotopie de la relation V.1.3.1.1. Les indices textuels Mon bien-aimé est un sachet de myrrhe Mon bien-aimé est une grappe de cypre Comme les lis entre les chardons, telle ma bien-aimée Comme le pommier, ainsi mon bien-aimé Tes joues, des moitiés de grenades Elle est un jardin bien clos Une source scellée Source des jardins, puits d’eaux vives ruissellement du Liban J’entre dans mon jardin Mon bien-aimé est frais et vermeil Ses boucles sont des palmes Ses joues sont comme des parterres d’aromates, des massifs parfumés Ses lèvres sont des lis Tu es belle mon amie comme Tirça Charmante comme Jérusalem Redoutable comme des bataillons Belle comme la lune, resplendissante comme le soleil Tes seins, les grappes Le parfum de ton souffle, celui des pommes Tes yeux sont des colombes Mon bien-aimé est semblable à une gazelle, à un jeune faon

Tes yeux sont des colombes Tes cheveux comme un troupeau de chèvres Tes dents, un troupeau de brebis à tondre Tes deux seins, deux faons Noires comme le corbeau Tes cheveux sont un troupeau de chèvres Tes dents un troupeau de brebis Tes deux seins ressemblent à deux faons Les jeunes filles Les filles de Jérusalem Les fils de ma mère Toi que mon cœur aime Tes compagnons Femmes Bergers Pharaon Bien-aimée Le roi Bien-aimé Jeunes femmes Hommes Gardes Salomon ; Soixante preux L’élite des preux d’Israël Vétérans Filles de Sion Roi Salomon David Soixante reines et concubines

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Ton nombril forme une coupe Ton ventre, un monceau de froment de lis environné Ton cou, une tour d’ivoire Tes yeux, les piscines de Heshbôn Le don de mes amours Je pourrais t’embrasser Pose-moi Ton cœur Ton bras Car l’amour est fort comme la Mort La passion inflexible comme le Shéol Traits de feu Une flamme de Yahvé Les grandes eaux Les fleuves le submerger Elle Rempart Couronnement d’argent Elle Porte Ais de cèdre Je Mur Seins Tours

L’unique de sa mère Sulamite Filles de prince Notre sœur est petite Gardiens Qu’il me baise des baisers de sa bouche Amours délicieuses Parfums exquis Le roi M’ Ses appartements Toi Notre lit n’est que verdure Ombre désirée Fruit est doux Palais Sa droite m’étreint Ma colombe Nos vignes sont en fleur Dans la chambre de celle qui m’a conçue Tu Me Je Mon cœur veille Lui Mes entrailles ont frémi La courbe de tes flancs est comme un collier

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Tes yeux sont des colombes Mon bien-aimé est semblable à une gazelle à un jeune, faon Tes cheveux comme un troupeau de chèvres Tes dents, un troupeau de brebis à tondre Tes deux seins, deux faons Tes cheveux, noirs comme le corbeau

/Animal/

vs

/RELATION/ /Fraternel/ Les fils de ma mère Toi que mon cœur aime tes compagnons La demeure des bergers Mon bien-aimé ma bien-aimée Les gardes m’ont rencontrée Salomon Soixante preux preux d’Israël Vétérans des combats Le roi Salomon Sa mère l’a couronné Reines et concubines Sulamite Fille de prince

Mon bien-aimé est un sachet de myrrhe Mon bien-aimé est une grappe de cypre Comme les lis entre les chardons comme le pommier À son ombre désirée Tes joues, des moitiés de grenades Tes lèvres distillent le miel vierge Le miel et le lait sont sous ta langue Elle est un jardin bien clos, une source scellée Source des jardins, puits d’eaux vives Ruissellement du Liban J’entre dans mon jardin Mon bien-aimé est frais et vermeil Ses boucles sont des palmes Ses joues sont comme des parterres d’aromates, des massifs parfumés ses lèvres sont des lis Tu es belle, mon amie comme Tirça, charmante comme Jérusalem Redoutable comme des bataillons Belle comme la lune resplendissante comme le soleil Tes seins les grappes

vs

/Cosmologique/

/Non-humaine/ vs

/Humaine/ /Amoureux/ qu’il me baise des baisers de sa bouche Tes amours sont plus délicieuses que le vin L’arôme de tes parfums sont exquis Ton nom est une huile qui s’épanche Le roi m’a introduite en ses appartements Tu seras notre joie et notre allégresse Toi que mon cœur aime Le roi est en son enclos Mon nard donne son parfum Mon bien-aimé est un sachet de myrrhe mes seins Mon bien-aimé est grappe de Cypre Que tu es beau Mon bien-aimé Combien délicieux Notre lit n’est que verdure À son ombre désirée son fruit est doux à mon palais moi Je suis malade d’amour Sa droite m’étreint Lève-toi ma bien-aimée Ma belle, viens Ma colombe Nos vignes sont en fleur

V.1.3.1.2. Le parcours figuratif

Le parfum de ton souffle celui des pommes

Notre sœur est petite Gardiens

Mon bien-aimé est à moi et moi à lui Sur ma couche la nuit J’ai cherché celui que mon cœur aime Je chercherai celui que mon cœur aime J’ai trouvé celui que mon cœur aime Je l’ai saisi et ne le lâcherai point Que je n’ai fait entrer dans la maison de ma mère dans la chambre de celle qui m’a conçue Tu me fais perdre le sens ô ma sœur ma fiancée par un seul de tes regards, par un anneau de ton collier Que ton amour a de charmes Que ton amour est délicieux plus que le vin l’arôme de tes parfums plus que tous les baumes Tes lèvres distillent le miel vierge Le miel et le lait sont sous ta langue Je dors mais mon cœur veille J’entends mon bien-aimé qui frappe Ouvre-moi ma sœur mon amie ma colombe ma parfaite Mon bien-aimé Et pour lui mes entrailles ont frémi Je me suis levée pour ouvrir J’ai ouvert à mon bien-aimé Je suis malade d’amour Mon bien-aimé est frais et vermeil Ses discours sont la suavité même tout en lui n’est que charme Je suis à mon bien-aimé

mon bien-aimé est à moi Tu es belle mon amie comme Tirça Charmante comme Jérusalem Redoutable comme des bataillons Tes regards m’assaillent Unique est ma colombe ma parfaite, La préférée Belle comme la lune fille de prince Mon désir vers moi se porte son désir Nous passerons la nuit Je te ferai le don de mes amours Je pourrais t’embrasser Je conduirais Je t’introduirais dans la maison de ma mère Tu m’enseignerais Je ferais boire un vin parfumé ma liqueur de grenades Appuyée sur son bien-aimé Pose-moi comme un sceau sur ton cœur comme un sceau sur ton bras Car l’amour est fort comme la Mort La passion inflexible comme le Shéol Ses traits sont des traits de feu Une flamme de Yahvé Les grandes eaux ne pourront éteindre l’amour ni les fleuves le submerger Qui offrirait toutes les richesses de sa maison pour acheter l’amour ne recueillerait que mépris

V.1.3.1.3. Le commentaire Le parcours figuratif des relations tel qu’il se présente dans Le Cantique des cantiques peut être catégorisé d’une part par les lexèmes partageant le trait /humain/ divisible en /fraternel/ et en /amoureux/ et d’autre part par les lexèmes que nous regroupons sous le trait /non-humain/ qui se divisent en /animal/ et en /cosmologique/. Ces deux groupes de lexèmes traduisent les rapports entre l’humain et l’univers qui l’entoure. L’opposition /humain/ vs /non-humain/ permet de dire que les chants d’amour alternés entre la femme et l’homme prennent à témoin d’autres personnes et des éléments de la nature. En effet, on distingue facilement deux protagonistes principaux : une fille, la bien-aimée faisant son entrée dans le harem dès les premiers versets du premier chapitre, et le bien-aimé qui est en même temps roi et pâtre. À côté de ces deux personnages principaux, se trouvent, en tant que locuteurs collectifs, des groupes anonymes : les « filles de Jérusalem », demoiselles du harem et confidentes de la bien-aimée (5,8 – 6,3) ; les frères de la bien-aimée (8,8-10). D’autres personnages sont simplement mentionnés par les protagonistes principaux : la mère de la bien-aimée (1,6 ; 3,4 ; 6,9 ; 8,1-2), la mère du bien-aimé (3,11 ; 8,5), des compagnons bergers (1,7-8), des amis du roi (1,12 ; 5,1) et des gardes royaux (3,7-8), les gardes de la ville (3,3 ; 5,7) et de la vigne de Salomon (8,11) ; des reines et autres concubines du roi, innombrables (6,8-9). C’est donc un univers bien circonscrit, nettement plus peuplé du côté du palais qu’en dehors des murs, au sein duquel évoluent les protagonistes ; un univers qui oscille entre la ville, le palais royal, ses fastes, son prestige, et la nature exubérante du jardin dans lesquels les amoureux sont seuls à goûter aux délices de leur amour. Même si le corps social ne fait pas nombre avec le couple, leur relation 104

amoureuse ne se vit pas en dehors de lui. Cet amour est même largement ouvert vers l’extérieur : la terre d’Israël à travers « les vignes d’En Gaddi », « le narcisse de la plaine de Sarôn » et même au-delà à travers « la tente de Qédar », « les chars de Pharaon ». Le cadre géographique et social est suggéré par quelques noms propres de villes : Jérusalem, Tirça, Liban. Toute relation à soi et aux autres se réalise par le corps qui est langage du cœur, de la pensée, de l’esprit. Le corps est un véritable moyen de communication. À travers de multiples métaphores, le bien-aimé décrit celle que son cœur aime. Il lui exprime ce qui l’habite. Ainsi, les yeux de colombe peuvent signifier les yeux séducteurs. Dans le langage amoureux, les colombes sont les messagères de l’amour. Les gazelles et les biches sont aussi les symboles des élans de l’esprit énamouré. Les lis qui sont les fleurs de lotus sont symboles de vitalité. Le mot revient sept (7) fois signe de son importance. La myrrhe est un parfum à la fois sacré et aphrodisiaque. Il apparaît sept (7) fois dans le texte, signe de son importance. « Les filles de Jérusalem », sept (7) fois nommé, est l’équivalent des « filles d’Israël ». Elles sont le chœur dont le chant et les interventions accompagnent la bien-aimée et le bien-aimé. L’expression « Mon amour » peut traduire la simplicité des rapports. En effet il n’y a plus d’inégalité entre la bien-aimée et le bien-aimé. On rencontre aussi l’expression « ma sœur » qui revient sept (7) fois, signe de son importance. Elle révèle une autre dimension de l’amour : l’union avec la personne aimée fait d’elle une parente, « chair de ma chair » comme dit Adam en Gn 2, 23. Nous remarquons ici que les éléments sont très récurrents. Le chiffre sept traduit la plénitude. Il est la réunion du chiffre de l’homme (3) et de la femme (4). Il y a une plénitude dans les différentes relations, une plénitude de rencontre entre le bien-aimé et la bien-aimée. 105

Mais cette plénitude relationnelle n’est rendue possible que dans un certain mouvement de part et d’autre où chacun des protagonistes a fait l’effort de quitter son point de stabilité pour rejoindre l’autre. V.1.3.2. L’isotopie du mouvement V.1.3.2.1. Les indices textuels Le mouvement est une figure très présente dans le texte, il est lexicalisé de la façon suivante : Entraîne-moi, Courons Le roi m’a introduite Suis les traces Mène paître Il m’a menée au cellier Voici qu’il arrive, Sautant sur les montagnes, Bondissant sur les collines Voilà qu’il se tient Il guette par la fenêtre Il épie par le treillis Attrapez-nous les renards Il paît son troupeau Reviens Je lèverai, je parcourrai la ville Je chercherai Je l’ai cherché J’ai trouvé celui que mon cœur aime Je l’ai saisi je ne le lâcherai point Je l’ai fait entrer dans la maison Il en a fait les colonnes d’argent Venez J’irai à la montagne de la myrrhe Abaisse tes regards Lève-toi, aquilon Accours, autan Soufflez sur mon jardin, qu’il distille ses arômes J’entre dans mon jardin Je récolte ma myrrhe Je mange mon miel et mon rayon

Je bois mon vin et mon lait Mangez, amis, buvez, enivrezvous J’ai ôté ma tunique J’ai lavé mes pieds Mon bien-aimé a passé la main Mes entrailles ont frémi Je me suis levée pour ouvrir De mes mains a dégoutté la myrrhe J’ai ouvert à mon bien-aimé Sa fuite Je l’ai cherché Les gardes m’ont frappée, Ils m’ont blessée, Ils m’ont enlevée mon manteau Mon bien-aimé est descendu à son jardin Pour paître son troupeau Pour cueillir des lis Il paît son troupeau parmi les lis Détourne de moi tes regards car ils m’assaillent Un troupeau de brebis qui remontent du bain Qui est celle qui surgit comme l’aurore Je suis descendu pour voir Reviens, reviens Reviens, reviens Pourquoi regardez-vous la Sulamite dansant J’en saisirai les régimes

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J’ai dit : je monterai au palmier J’en saisirai les régimes Comme il coule sur les lèvres Viens mon bien-aimé Allons aux champs Nous passerons la nuit Nous irons aux vignobles Je te ferai le don de mes amours Je les ai réservés pour toi

Un frère allaité au sein de ma mère Je pourrais t’embrasser Je te conduirais Je t’introduirais Tu m’enseignerais je te ferais boire un vin parfumé Qui est celle qui monte du désert Je t’ai réveillée

Pose-moi comme un sceau sur ton cœur Nous élèverons au faîte un couronnement d’argent, Nous dresserons des ais de cèdre

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V.1.3.2.2. Le parcours figuratif /MOUVEMENT/ /Actorialité/ /Homme/ vs /Femme/ Voici qu’il arrive Il guette par la fenêtre Il épie par le treillis J’entre dans mon jardin Je récolte ma myrrhe Je mange mon miel et mon rayon Je bois mon vin et mon lait Mon bienaimé a passé la main par la fente Mon bienaimé est descendu à son jardin Pour paître son troupeau Pour cueillir des lis Il paît son troupeau Je suis descendu Je t’ai réveillée sautant sur les montagnes bondissant sur les collines

J’irai à la montagne J’ai ôté ma tunique J’ai lavé mes pieds Mes entrailles ont frémi Je me suis levée J’ai ouvert Je l’ai cherché Les gardes m’ont rencontrée

vs

/Spatialité/ vs

/Clos/ Cellier cachée au creux des rochers retraites escarpées ma couche la ronde dans la ville la maison de ma mère la chambre un palanquin repaire des lions montagnes des léopards sous ta langue jardin bien clos jardin bien clos source scellée un verger de grenadiers puits d’eaux vives Au jardin des noyers descendu les chars d’Amminadib le Shéol les richesses de sa maison une porte un rempart un mur les tours une vigne à Baal-Hamôn

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/Ouvert/ Entraînemoi courons les tentes de Qédar Jérusalem champs notre terre sur les montagnes de Bétèr Dans les rues et sur les places la ville désert, du Liban bord des cours d’eau parti Tirça, Jérusalem bataillons les pentes du Galaad surgit le soleil Damas Carmel Te rencontrant dehors te conduirais feu flamme grandes eaux fleuves Fuis les montagnes embaumées

vs

/Temporalité/ /Présent/ vs /Futur/ Entraînemoi courons le roi est en son enclos ranimezmoi sautant bondissant il se tient Il guette il épie Attrapeznous reviens qui monte u désert Venez contempler s’enfuient accours Soufflez J’entre je récolte je mange je bois tournant le dos remontent du bain surgit Reviens Viens allons monte Pose-moi Fuis

Où mènerastu où le mettras-tu Nous te ferons Je me lèverai Je parcourrai Je chercherai Je ne le lâcherai pas Nous passerons la nuit Nous irons Nous élèverons Nous dresserons

V.1.3.2.3. Le commentaire L’amour met en mouvement. Il éveille les sens et la nature : les fleurs, les arbres fruitiers, les oiseaux. Il s’épanouit en faisant sortir de soi-même, au moment où la végétation sort de la léthargie de l’hiver. Le montage cidessus montre la situation actorielle et spatio-temporelle du parcours figuratif du mouvement. Cette situation est faite d’acteurs : /homme/ vs /femme/ qui s’aiment d’un amour passionnel, d’un amour vrai. Et cette force de l’amour enivre l’un et l’autre au point que chacun de son côté effectue un déplacement à la rencontre de l’autre, bravant les difficultés au passage. L’homme, « sautant sur les montagnes », « bondissant sur les collines », « épie par le treillis » et « guette par la fenêtre » tandis que la femme rêve sur sa couche, se déplace dans les rues et sur les places publiques à la recherche de son bien-aimé. Elle évoque aussi la douleur de son histoire passée, l’hostilité des fils de sa mère à son égard. En effet, « les fils de ma mère se sont emportés contre moi (...), ils m’ont mise à garder les vignes ». Ses frères avaient voulu l’obliger à aimer. Pour cela ils en avaient fait une gardienne de vignes. La vigne, c’est le cœur. La vigne produit du vin, symbole de la source de l’amour, de la joie. Ses frères avaient voulu lui apprendre à aimer par obligation, par devoir. Elle a ressenti cela comme une contrainte, ce qu’exprime la colère de ses frères. « L’amour aime parce qu’il aime »4, dit saint Bernard. L’amour est libre, il survient sans qu’on puisse en donner de raison, sinon la délectation dans l’aimé quand celui-ci est rencontré. Lorsque l’amour est aimé, le désir trouve en lui son plaisir, son repos. Mais « ma vigne à moi, je ne l’avais pas gardée ! ». À cela s’ajoutent les tortures des gardes de la ville. L’amour l’a rendue vulnérable. Qui peut la 4

Saint Bernard cité par Marie ANCILLA dans Le Royaume de Dieu est en vous, p.57.

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comprendre ? Pas même les gardes de la ville. Au contraire ils en ajoutent à sa douleur en la frappant. Ils la violentent, la blessent, lui enlèvent son manteau. « Les gardes m’ont rencontrée, ceux qui font la ronde dans la ville. Ils m’ont frappée, ils m’ont blessée, ils m’ont enlevé mon manteau, ceux qui gardent les remparts. » La bien-aimée cherche « celui que mon cœur aime ». La scène se passe la nuit, un moment où le grand silence permet l’attention à une présence, donne le temps de l’attente et de la rencontre, toutes les activités ayant cessé. Dans le silence, le calme et la solitude de la nuit, la bien-aimée recherche « celui que mon cœur aime » sur sa couche. Malheureusement, « Je l’ai cherché, mais ne l’ai point trouvé! ». Quelle désolation ! Qui peut la comprendre ? Mais dès que la rencontre a lieu, c’est la joie et chacun fait l’éloge de l’autre. Cette rencontre amoureuse se passe dans des espaces clos et ouvert. Sur le plan spatial, c’est le mouvement de l’homme et de la femme qui détermine leur espace. C’est un mouvement à double sens en vue d’une rencontre. L’espace clos traduit l’intimité de la relation entre le bien-aimé et la bien-aimée, une intimité de couple. Cet espace a une prédominance sur l’espace ouvert qui témoigne de l’importance du corps social dans la vie de couple. L’isotopie /Mouvement/ est mue par l’amour. Le mouvement est rendu aussi par les lexèmes dont le trait commun est la temporalité. L’instant présent se vit à travers des verbes d’action : « Entraîne-moi », « courons », « célébrerons », « j’entre », « je récolte », « je mange », « je bois », « allons », « pose-moi ». Quant au futur, il traduit le projet du couple dans la relation : « je me lèverai », « je parcourrai », « je chercherai », « nous irons », etc. 110

Le bien-aimé est tout à la joie de la rencontre. Il fait l’éloge de la bien-aimée. Il décrit non seulement les yeux mais aussi la tête et le buste. Les yeux sont comparés à des colombes, mais à travers un voile. La bien-aimée est voilée, signe de virginité. Les cheveux et les dents sont comparés à des animaux en mouvement : « le troupeau de chèvres qui ondulent sur les pentes du mont Galaad » d’une part et « le troupeau de brebis à tondre qui remontent du bain » d’autre part. La couleur rouge écarlate établit un parallèle entre les lèvres et les joues. Quant à la grenade, elle pourrait signifier la fécondité dans de nombreuses cultures. Le bien-aimé porte aussi une attention particulière à la parole de la bien-aimée : elle le fascine et le séduit. Sa parole est de feu, car elle naît de l’amour. Avec le cou, le regard de la bien-aimée se porte vers la ville de David : Jérusalem. Comme une tour, la bien-aimée redresse la tête non en signe d’orgueil, mais de liberté. Le bien-aimé termine sa description avec les images de la gazelle réputée pour sa rapidité et sa beauté et du pâtre que la bien-aimée avait utilisées pour lui en Ct 2, 9-16. V.1.3.3. L’isotopie de la solitude V.1.3.3.1. Les indices textuels Sur ma couche la nuit, j’ai cherché (5) Je l’ai cherché mais ne l’ai point trouvé (3) Je me lèverai donc et parcourrai la ville Je chercherai celui que mon cœur aime Avez-vous vu celui que mon cœur aime ? Je dors mais mon cœur veille

J’entends mon bien-aimé qui frappe Tournant le dos, il avait disparu Sa fuite m’a fait rendre l’âme Je l’ai appelé mais il n’a pas répondu Où est parti ton bien-aimé Où s’est tourné ton bien-aimé, Reviens, reviens (2)

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V.1.3.3.2. Le parcours figuratif /SOLITUDE/ /Physique/

vs

Erre vagabonde ma couche la nuit parcourrai lèverai donc chercherai (3) disparu appelé pas répondu parti j’ai cherché (5)

/Moral/ point trouvé (3) si tu l’ignores Avez-vous vu mon cœur veille rendre l’âme fuite tourné Reviens (2) frère je

V.1.3.3.3. Le commentaire La récurrence du trait /solitude/ dans les énoncés relevés constitue une isotopie macrogénérique. Il n’est pas d’amour sans solitude. L’amour est solitude : solitude morale, solitude liée à la séparation, solitude de la nonpossession, de la non-fusion avec l’être aimé. En effet, « La coupe qui contient votre vin n’est-elle pas celle que le potier flambait dans son four ? Lorsque vous êtes joyeux, sondez votre cœur, et vous découvrirez que ce qui vous donne de la joie n’est autre que ce qui causait votre tristesse. Lorsque vous êtes triste, examinez de nouveau votre cœur. Vous verrez qu’en vérité vous pleurez sur ce qui fit vos délices ». Joie et tristesse « viennent ensemble et si l’une est assise avec vous, à votre table, rappelezvous que l’autre est endormie sur votre lit. » Gibran Khalil GIBRAN (1923 : p. 6).

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V.1.3.4. L’isotopie de la beauté V.1.3.4.1. Les indices textuels Je suis noire mais belle Teint basané Tes joues Ton cou Entre mes seins Tes yeux, des colombes (6) Montre-moi ton visage Charmant, ton visage (3) Tes cheveux, un troupeau de chèvres (3) Tes dents, un troupeau de brebis à tondre (4) Tes lèvres un fil d’écarlate Tes joues, des moitiés de grenades (4) Ton cou la tour de David bâties par assises Tes deux seins, deux faons (4) Tes lèvres distillent le miel vierge Le miel et le lait sont sous ta langue

Sa tête est d’or Ses boucles noires Ses joues, des parterres d’aromates Ses lèvres, des lis Ses mains, des globes d’or Son ventre, une masse d’ivoire Ses jambes, des colonnes d’albâtre Tes regards m’assaillent Tes pieds sont beaux La courbe de tes flancs, un collier Ton nombril, une coupe Ton ventre, un monceau de froment Ton cou, une tour d’ivoire Tes yeux les piscines de Heshbôn Ton nez la tour du Liban Tes seins, les grappes (3)

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V.1.3.4.2. Le parcours figuratif /BEAUTÉ/ /Beauté physique/ Que tu es belle noire mais belle Charmant, ton visage (3) joues cou assaillent la plus belle des femmes

vs

/Passion amoureuse/ Tes yeux, des colombes (6) Tes cheveux, comme un troupeau de chèvres Tes dents, un troupeau de brebis à tondre (4) Tes lèvres un fil d’écarlate Tes joues, des moitiés de grenades (4) Ton cou la tour de David bâties par assises Tes deux seins, deux faons (4) Tes lèvres distillent le miel vierge Ses joues, des parterres d’aromates Ses lèvres, des lis Ses mains, des globes d’or Son ventre, une masse d’ivoire Ses jambes, des colonnes d’albâtre Tes pieds sont beaux La courbe de tes flancs, un collier Ton nombril, une coupe Ton ventre, un monceau de froment Ton cou, une tour d’ivoire Tes yeux les piscines de Heshbôn Ton nez la tour du Liban

V.1.3.4.3. Le commentaire La récurrence du trait /beauté/ est une isotopie macrogénérique. Les expressions « que tu es belle », « que tu es beau », « tes yeux sont des colombes », « tes lèvres, un fil écarlate », etc. montrent que la bien-aimée fascine le bien-aimé, le séduit et inversement. Le bien-aimé comme la bien-aimée sont tous deux à la joie de la rencontre. Chacun fait l’éloge de l’autre. Chacun n’a d’yeux que pour l’autre. L’amour connaît de perpétuels renouvellements et chacun se laisse éblouir par la beauté de l’autre : « Que tu es belle ! », « Que tu es beau ! » L’amour donne de la véritable beauté. La beauté vient avec le beau temps, le 114

printemps : « car voilà l’hiver passé, c’en est fini des pluies, elles ont disparu ». Gibran Khalil GIBRAN (1923 : p.16) disait à propos de la beauté : « La beauté n’est pas un besoin, mais une extase. Elle n’est pas une bouche assoiffée, ni une main vide et tendue, mais plutôt un cœur embrasé et une âme enchantée. Elle n’est pas l’image que vous voudriez voir ni le chant que vous voudriez entendre, mais plutôt une image que vous voyez bien que vous fermiez les yeux, et un chant que vous entendez quand bien même vous bouchez vos oreilles…. La beauté est la vie quand la vie dévoile sa face sacrée… La beauté est l’éternité se contemplant dans un miroir. » La récurrence des éléments du corps humain fait allusion à la métaphore. Le corps est magnifié au point d’être exalté. Toutes les parties du corps relevées sont des comparaisons à d’autres choses, à des éléments de la nature. Le corps tient une place importante dans ce poème. La beauté est la gloire du corps. À travers le visible se livre un invisible. L’éclat de la peau évoque celui de la chair dont se devine l’obscurité, un peu comme la surface scintillante d’une rivière dit la profondeur ténébreuse de l’eau, qu’elle ne cache pas mais révèle. Le regard qui part du cœur et va vers la personne, qui est, par excellence, le regard d’amour, sait percevoir la beauté propre à chaque corps, à chaque visage. Selon Jean VANNIER, « Aimer quelqu’un, c’est lui révéler sa beauté ». Le visage s’exprime. Il signifie. Il parle de luimême. C’est l’amour qui permet à chacun de voir la beauté de l’autre : seul le cœur qui aime peut voir. Après avoir perçu la présence du bien-aimé par le goût « tes amours sont plus délicieuses que le vin », l’odorat « l’arôme de tes parfums sont exquis », le toucher « qu’il 115

me baise des baisers de sa bouche », c’est la vue, « que tu es beau ! », qui est convoquée chez la bien-aimée pour découvrir la beauté du bien-aimé. La beauté traduit une dimension de ce corps physique qui est visible et qu’on peut admirer. C’est ce physique qui a attiré l’attention de ces deux jeunes gens. De cette beauté naissent une certaine attirance, un attrait mutuel, des sentiments affectifs. Quand on aime, on est dans la joie, on est fier de ce qu’on aime, on a d’yeux que pour ce qu’on aime. La beauté et la pureté de la bienaimée sont renforcées par la double mention du « Liban » : « viens du Liban, ô ma fiancée, viens du Liban, fais ton entrée. ». Ce nom dérive de « blanc », à cause de la neige qui couvre son sommet. La bien-aimée vient du Liban, célèbre pour sa splendeur et sa gloire (Cf. Isaïe 35, 1-2). Sa beauté est comparable à Tirça et à Jérusalem. Tirça était devenue la capitale du royaume du nord après Sichem, avant d’être remplacée par Samarie (Cf.1Rois 14, 17 ; 16, 23-24). C’était la principale ville d’Israël. Jérusalem, capitale du royaume de Juda, évoque la paix, l’unité, la justice. La beauté de la bien-aimée est la beauté de l’amour même. Pour ce faire, elle n’engendre pas la jalousie. L’amour se communique, il engendre la louange. Il rend chacun heureux du bonheur de l’autre, d’où la louange qui vient sur les lèvres des reines et des concubines. Le bien-aimé loue l’unité que son amour et sa parole ont fait germer et grandir dans le cœur de la bienaimée, jusqu’à la rendre semblable à lui-même. Le bien-aimé va exalter cette unité qui fait son admiration en prenant la Terre comme symbole. Aussi, le bien-aimé décrit le corps de la bien-aimée des pieds à la tête à l’aide du symbole de la Terre du sud au nord. (Cf. commentaire de Sœur Marie-ANCILLA (2008 : pp. 163166) :

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- Les pieds sont posés dans le désert du Néguev. Ils sont entourés de sandales qui exercent une attirance particulière. - Le contour des hanches pourrait bien être délimité par le Royaume des Philistins à l’ouest et par les limites du Royaume en Transjordanie à l’est. - Le nombril est symboliquement le centre spirituel du monde. Ce ne peut être que Jérusalem « Vision de paix », Ville où tout est rassemblé dans l’unité (Psaume 121, 3). Le nombril est posé au centre du ventre : le relief montagneux qui va de la montagne de Juda à la montagne de Samarie. Au nord de ce relief montagneux, les monts Ébal et Garizim, comparables à deux seins, à deux faons. - La longueur du cou et du nez est mise en relief. Cela était de règle dans le canon de la beauté des peuples d’Orient. Le nez est comparé à la tour du Liban, c’est-à-dire le Mont Hermon qui, comme une tour de garde, domine la plaine entourant Damas et permet de la surveiller. - Quant aux yeux, ce sont les citernes creusées dans le roc près Heshbôn. Cette ville, ancienne capitale de Sihôn, roi des Amorites (Nombres 21, 15) a été occupée par les Israélites lors de leur conquête de la Terre (Nombres 21, 25-30). - La tête n’est autre que la montagne du Carmel qui surplombe la plaine de Saron d’un côté et la plaine d’Esdrelon de l’autre. Elle est à la frontière de la Phénicie, pays où l’on fabrique la pourpre, emblème de la royauté. D’où la couleur pourpre des cheveux de la bien-aimée. À l’une de ses boucles un roi est enchaîné, le roi de Tyr allié de Salomon. Après la comparaison faite avec la Terre, le bien-aimé compare maintenant la bien-aimée dans les versets 7-10 au monde végétal : le palmier, les grappes de raisins, les pommes. Les isotopies 117

génériques ainsi relevées et analysées permettent d’établir des relations entre elles. V.1.4. Les relations entre les isotopies génériques V.1.4.1. La nature V.1.4.1.1. Le champ lexical de la nature Le champ lexical de la nature s’organise en une catégorie qui s’établit autour des traits /végétal/ et /animal/. Aux figures du parcours figuratif de l’homme, de la femme, de l’élevage et de la vigne, s’ajoutent les figures suivantes pour former le champ lexical de la nature : Jardins Puits d’eaux vives Ruissellement Autan Rosée Gouttes de la nuit Cours d’eau Vasque Parterres d’aromates Massifs parfumés Des lis Pierres Noyers Jeunes pousses Grappes de raisin vignobles Pampres Les mandragores Grandes eaux Les fleuves Cueillir des lis

Lis Vallées Verger Montagnes Colombe Hiver Pluies Fleurs Saison Figuier Fruits Rochers Champs Biches Désert Cimes Verger Le nard Verdure Le safran Le roseau odorant Le cinnamome Arbres à encens L’aloès

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/NATURE/ vs

/Végétal/ verdure ; le lis des vallées Le pommier arbres d’un verger L’hiver pluies Les fleurs La saison Le figuier Les fruits Des rochers champs désert l’encens cimes de l’Amana Verger de grenadiers Le nard Le safran Le roseau odorant Le cinnamome L’aloès jardins Puits d’eaux vives Ruissellement Autan Rosée Gouttes de la nuit Des palmes Cours d’eau vasque parterres d’aromates massifs parfumés jardin des noyers jeunes pousses de la vallée La vigne bourgeonne Les grenadiers fleurissent Palmier pommes vignobles pampres Les mandragores Grandes eaux Les fleuves

/Animal/ tourterelle renards petits renards Ravageurs Les biches lions Léopards corbeau colombe gazelle jeune faon

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V.1.4.1.2. L’harmonie de la nature L’isotopie /Nature/ dans laquelle évoluent l’homme et la femme, s’organise autour des traits isotopants /animal/ et /végétal/. Le poète décrit avec une fine observation et une connaissance aussi complète tous les objets de la nature, qu’il s’agisse des métaux, des plantes ou des animaux. Ses comparaisons empruntées aux différents domaines, sont d’une justesse et d’une abondance extraordinaires. Il y a une certaine symbiose, un équilibre harmonieux entre la nature et les êtres vivants. Pour qu’il y ait harmonie et vie, l’humain est appelé à préserver la végétation, à protéger les animaux et la nature sinon la destruction de ces éléments y va de sa propre survie. V.1.4.2. La prospérité V.1.4.2.1. Le champ lexical de la prospérité Le champ lexical de la /prospérité/ est formé, en plus des figures du parcours figuratif de la richesse et de la beauté, des lexèmes suivants : Joie Allégresse Belle Narcisse de saron Verger Tour de David Jérusalem Tirça

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/PROSPÉRITÉ/ /Situation/ /Actorialité/ Joie Or, argent Bergers Allégresse Beauté Roi, reine Fille de prince Amour, passion

vs

/Spatialité/ Ville Rue Maison, chambre Jérusalem Tour de David Tirça Liban Galaad, Tarsis

vs

/Affectivité/ Beauté Joie Allégresse Concubines Reines Charme Frais Vermeil Sagesse

vs /Matérialité/ Masse d’ivoire Colonnes d’albâtre Globes d’or Pierres Or pur Parfum

V.1.4.2.2. Une prospérité pluridimensionnelle L’isotopie /Prospérité/ est pluridimensionnelle. Elle présente trois aspects : la situation, l’affectivité et la matérialité. La situation se subdivise en /actorialité/ et en /spatialité/. Elle présente le cadre situationnel. La situation est mise en opposition avec l’affectivité. Cette dernière est investie par tout ce qui relève de l’état d’âme ou des sentiments des acteurs. C’est un sentiment de vie qui se dégage de l’affectivité. Les acteurs partagent en commun le trait /prospérité/ qui est le dénominateur du parcours figuratif. Pour rendre compte de cette actorialité, des lexèmes sont utilisés en rapport avec la prospérité : « joie », « allégresse », « amour » (fort), « passion » (inflexible). Quant à la matérialité, elle rend compte de tout ce qui est matériel, palpable : « or », « bijoux », « ivoire », « albâtre ». Tout cela traduit le bonheur qui se profile à l’horizon.

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V.1.4.3. Le bonheur V.1.4.3.1. Le champ lexical du bonheur Le champ lexical du bonheur est formé, en plus des figures du parcours figuratif de la lumière, de la beauté et de la richesse, des lexèmes suivants : Ses discours sont la suavité Tout en lui n’est que charme Mon amie Charmante Redoutable Unique est ma colombe Ma parfaite L’unique de sa mère La préférée Comme l’aurore Belle comme la lune Resplendissante comme le soleil Redoutable comme des bataillons Mon désir Fille de prince Viens mon bien-aimé Nous passerons la nuit Je te ferai le don de mes amours Un frère allaité au sein de ma mère Je pourrais t’embrasser Je te ferais boire un vin parfumé Ma liqueur de grenades Sa droite m’étreint Appuyée sur son bien bien-aimé Un sceau sur ton cœur Un sceau sur ton bras L’amour est fort Une flamme de Yahvé Les grandes eaux ne pourront éteindre l’amour Les fleuves ne pourront submerger

Me baise Baisers Bouche Amours Délicieuses T’aiment Entraîne-moi courons M’a introduite Appartements Célébrerons tes amours T’aimer Mon cœur Bien-aimée Bien-aimé Seins Belle Beau Notre lit n’est que verdure Sa droite m’étreint N’éveillez pas, ne réveillez pas Mon bien-aimé Colombe La nuit j’ai cherché Je me lèverai Je parcourrai la ville Dans les rues et sur les places Je chercherai celui que mon cœur aime Contempler La joie de son cœur Sans tache aucune Fiancée L’arôme de tes parfums Mes entrailles ont frémi Je suis malade d’amour

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/BONHEUR/ /Humain/

vs

/Cosmos/ notre lit n’est que verdure ma colombe l’arôme de tes parfums comme l’aurore belle comme la lune resplendissante comme le soleil redoutable comme des bataillons don de mes amours un frère allaité au sein de ma mère je pourrais t’embrasser boire un vin parfumé ma liqueur de grenades un sceau sur ton cœur un sceau sur ton bras

me baise des baisers de sa bouche m’a introduite aimer malade d’amour colombe couche mon cœur aime charmant parfum vêtements jambes désir bien-aimé fiancée myrrhe vin lait seins trouvé chambre perdre le sens regards charmes arôme vierge lèvres passion inflexible m’étreint

V.1.4.3.2. Un bonheur à venir La bien-aimée est comparée à la Terre : elle est même devenue Terre. Cette Terre qui nourrit ou mieux, cette Terre d’où l’humain tire sa subsistance pour survivre car de sa bouche coule une nourriture paradisiaque : « le lait et le miel ». La bien-aimée est devenue nourriture pour le bien-aimé. Elle s’est nourrie de lui en mangeant de la

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pomme du pommier (Ct 2,3) et maintenant elle lui fait goûter les produits de sa Terre illuminée par l’amour. La bien-aimée est le jardin du bien-aimé et elle lui demande d’entrer et de manger les fruits de son jardin. Lequel est devenu sien. Elle ouvre grand la porte et se donne tout entière. Elle se laisse rejoindre jusqu’au profond de son être. Tout l’être de la bien-aimée est devenu sien : son cœur qui brûle de la flamme de son amour, son corps qu’il transperce des flèches de l’amour et son âme que l’amour illumine. Il y a aussi sa faiblesse, lieu par excellence où se déploie la charité qui a pouvoir de guérir comme le miel, de transformer la tristesse en joie comme le vin et de faire grandir comme le lait. De la communion qui lie le bien-aimé à la bienaimée, naît le partage, la fécondité. Le bonheur ne renferme pas le bien-aimé et la bien-aimée dans une solitude à deux. Tous, sans exception, eux aussi amis bienaimés, sont invités à la joie des noces comme convives. Manger et boire, c’est participer aux noces. La communion entre le bien-aimé et la bien-aimée est ouverte à tous. L’amour reçu et accueilli peut être partagé : « Mangez, amis, buvez, enivrez-vous, mes bien-aimés ! ». Cela pourrait préfigurer la « Jérusalem céleste » décrite par Saint Jean dans l’Apocalypse : « Et j’ai vu descendre du ciel, d’auprès de Dieu, la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, toute prête, comme une fiancée parée pour son époux » (Ap. 21, 2). Le corps humain traduit une unité de la création. Le corps humain, c’est l’Homme lui-même, l’Homme tout entier en tant qu’il existe en ce monde et plus particulièrement en relation aux autres hommes. Je n’existe, je ne parle, je n’agis, je ne m’exprime, je n’entre en relation qu’à partir de mon corps. Le corps est l’expression de soi-même. Ce corps qui m’est donné à travers ses sens me permet d’être moi-même et de me

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situer par rapport à tout ce qui n’est pas moi : les autres hommes et la création tout entière, l’univers entier. V. 2. LES ISOTOPIES SPÉCIFIQUES V.2.1. L’isotopie de la souffrance V.2.1.1. Les relations entre les isotopies Les isotopies /Solitude/ et /Mouvement/ s’articulent autour de l’isotopie spécifique /Souffrance/. L’on pourra établir la hiérarchisation suivante : /SOUFFRANCE/ /Mouvement/

vs

/Solitude/ Erre vagabonde ma couche la nuit parcourrai lèverai donc chercherai disparu appelé pas répondu parti point trouvé ignores Avez-vous vu mon cœur veille rendre l’âme fuite tourné Reviens Frère

Arrive Entraîne courons soleil brûlé repos midi erre vagabonde Lève-toi cachée nuit jour trouvé cherché sautant sur les montagnes bondissant sur les collines ma couche

V.2.1.2. Une souffrance à double dimension L’amour crée des tensions, il engendre des souffrances. La souffrance est partie intégrante dans la relation d’amour. En effet, il y a le désir de vouloir 125

posséder l’autre mais en même temps cet être aimé échappe à tout moment. Car l’amour n’est pas synonyme de fusion. L’amour de l’autre cherche à combler le vide en soi. Aimer et laisser l’être aimé être lui-même, voilà la difficulté. Dans le poème, les rencontres alternent avec les séparations, les moments de plénitude avec la quête anxieuse. Tout ce malaise en soi est pris en charge par les traits de la /Solitude/, du /Mouvement/ relevés dans le texte. Dans le réel de la vie, la relation amoureuse passe par bien des expériences fécondes de souffrance, de douleur, de solitude, de perte, de manque, d’arrachement. Il y a une relation à la fois de proximité et de distance, de présence et d’absence, de chercher et de trouver. L’amour a partie liée avec la souffrance. La douceur de la relation espérée entre les deux amoureux contraste avec la violence des gardes : « les gardes m’ont rencontrée. Ils m’ont frappée, ils m’ont blessée, ils m’ont enlevé mon manteau ». Malgré la souffrance, la bien-aimée demeure résolue : elle appelle. Son ultime recours est d’invoquer les « filles de Jérusalem » pour leur confier à la fois son désarroi et sa maladie d’amour : « Je vous en conjure, filles de Jérusalem, si vous trouvez mon bien-aimé, que lui déclarerez-vous ? Que je suis malade d’amour ». L’isotopie /Souffrance/ est marquée par la dysphorie. V.2.2. L’isotopie de l’amour V.2.2.1. Les relations entre les isotopies Les isotopies /Nature/, /Prospérité/, /Bonheur/ et /Mouvement/ s’articulent autour d’une isotopie spécifique qui est /Amour/. L’on peut établir la hiérarchisation suivante :

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/AMOUR/ /Nature/ verdure Le pommier arbres d’un verger ; Les montagnes Les collines Les fleurs Le figuier Les fruits champs désert jardins Verger

vs

/Prospérité/ Masse d’ivoire Colonnes d’albâtre Globes d’or Pierres Or pur Parfum Troupeau de brebis Troupeau de chèvres

vs

/Bonheur/ belle noire mais belle Charmante la plus belle des femmes me baise baisers bouche amours délicieuses seins Notre lit n’est que verdure sa droite m’étreint amour fort passion inflexible Pose-moi comme un sceau sur ton cœur un sceau sur ton bras Resplendissante comme le soleil Redoutable comme des bataillons Mon amie Unique est ma colombe Ma parfaite Nous passerons la nuit don de mes amours boire un vin parfumé liqueur de grenades L’unique de sa mère La préférée Belle comme l’aurore Belle comme la lune

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vs

/Mouvement/ Voici qu’il arrive Il guette par la fenêtre Il épie par le treillis J’entre dans mon jardin Je récolte ma myrrhe Je mange mon miel et mon rayon Je bois mon vin et mon lait Mon bien-aimé a passé la main par la fente Mon bien-aimé est descendu à son jardin Pour paître son troupeau Pour cueillir des lis Il paît son troupeau Je suis descendu Je t’ai réveillée sautant sur les montagnes bondissant sur les collines J’irai à la montagne J’ai ôté ma tunique J’ai lavé mes pieds Mes entrailles ont frémi Je me suis levée J’ai ouvert Je l’ai cherché Les gardes m’ont rencontrée

V.2.2.2. Le thème de l’amour à travers l’œuvre L’isotopie /Amour/ est en œuvre tout le long du texte, elle le sous-tend. Elle renferme les thèmes de la nature, de la prospérité, de la beauté et du mouvement. Ces thèmes entretiennent entre eux des relations qui sont du côté de la vie. En effet, qui parle de nature telle que décrite dans le texte parle de vie. Il y a une harmonie entre les éléments de la nature : le végétal et les animaux. Les différentes plantes sont en fleurs ou exhalent leur parfum. C’est le printemps. Comme au printemps, la vie éclôt, les fleurs se montrent, le chant des oiseaux revient. La saison dominante dans Le Cantique des cantiques est le printemps : (Ct 2, 12-13 ; Ct 6, 11 ; Ct 7, 13). C’est le temps de l’éveil de l’amour. Le cycle des saisons est associé à l’alternance du jour et de la nuit dont le symbolisme est du même ordre. Le rythme cyclique des saisons, du jour et de la nuit, corrige en quelque sorte l’image de la course dans laquelle la bien-aimée désirait être entraînée: « entraîne-moi sur tes pas, courons ! ». L’isotopie /Amour/ connaît de perpétuels renouvellements marqués par l’euphorie. Ce sentiment de l’amour mutuel traverse tout le poème. Il constitue le thème principal. Nous avons affaire non seulement à des mots mais à des voix qui s’entendent, qui s’interpellent, qui dialoguent. Pour grandir, l’amour implique des séparations successives, des mouvements physiques, des déplacements intérieurs, car à peine arrivé, le bien-aimé évoque la perspective de son départ. Avant la venue du jour, avant que disparaissent les ténèbres si propices à l’enfouissement dans l’amour, il partira à nouveau. Cette fois pour la montagne de la myrrhe et la colline de l’encens. Il entraînera la bien-aimée à sa suite sur la montagne de l’amour. L’amour est beau et il est doux. Mais il rend aussi vulnérable. L’amour est don. Pour Xavier LACROIX 128

(2002 : p. 68), « s’abandonner au baiser, c’est vaincre la clôture des corps ». L’amour s’ouvre. L’amour se communique, engendre la louange. Il rend chacun heureux du bonheur de l’autre. L’amour est un feu que la masse des eaux ne pourra éteindre ni engloutir. L’amour résiste à tout ce qui cherche à l’éroder. L’amour ne peut s’acquérir par des procédés humains. Il est don de Dieu. L’amour est toujours en croissance. L’amour est un lien puissant, il attire tendrement. « Quand l’amour vous fait signe, suivez-le. Bien que ses voies soient dures et rudes. Et quand ses ailes vous enveloppent, cédez-lui. Bien que la lame cachée parmi ses plumes puisse vous blesser. Et quand il vous parle, croyez en lui. L’amour ne donne que de luimême, et prend que de lui-même. L’amour ne possède pas, ni ne veut être possédé. Car l’amour suffit à l’amour. … L’amour n’a d’autre désir que de s’accomplir. Mais si vous aimez et que vos besoins doivent avoir des désirs, qu’ils soient ainsi : fondre et couler comme le ruisseau qui chante sa mélodie à la nuit. Connaître la douleur de trop de tendresse. Être blessé par votre propre compréhension de l’amour ; et en saigner volontiers et dans la joie. Se réveiller à l’aube avec un cœur prêt à s’envoler et rendre grâce pour une nouvelle journée d’amour; se reposer au milieu du jour et méditer sur l’extase de l’amour ; retourner en sa demeure au crépuscule avec gratitude ; et alors s’endormir avec une prière pour le bien-aimé dans votre cœur et un chant de louanges sur vos lèvres. » Gibran Khalil GIBRAN (1923 : p. 2). 129

La bien-aimée a découvert à quel point elle avait du prix aux yeux du bien-aimé, combien celui-ci était tendu vers elle de toute la force de son désir. Elle l’invite donc à sortir dans les villages, puis dans les vignes, décrivant par avance le bonheur de l’amour partagé dans une nature qui éclôt de parfums, de fleurs, promesses des fruits à venir. Ce départ renforcera l’union car elle répondra au désir du bien-aimé par un don renouvelé d’elle-même. Le don d’amour de la bien-aimée manifeste sa fécondité jusque-là restée cachée. Les « parfums des mandragores » et l’abondance des fruits en sont l’expression symbolique. Tout ce qui était non encore donné explicitement ; tout ce qui était resté enfoui, caché au bien-aimé ; tout ce qui avait fructifié dans le secret, elle le met au grand jour. Elle en fait le don à son « unique ». Donner son amour au bien-aimé, c’est lui donner les fruits du jardin qu’il a lui-même planté. Son amour à elle, elle l’a jalousement protégé, enveloppé toute sa vie, comme les fruits que l’on cache et surveille pour les offrir le moment venu. Ces fruits c’est une vie transformée par l’amour : « Les mandragores exhalent leur parfum, nos portes sont tous les meilleurs fruits. Les nouveaux comme les anciens, je les ai réservés pour toi, mon bien-aimé. » Comme le bien-aimé appelle la bien-aimée, ma sœur, celle-ci désire l’appeler frère pour que le bonheur de l’union soit total. Aussi choisit-on son bien-aimé mais le lien de fraternité est un don des parents. Partager son humanité avec le bien-aimé, c’est ce qui le rendrait semblable à elle. Elle désire en effet une parfaite réciprocité : ce n’est pas seulement lui qui alors la baisera (Ct 1, 2), mais elle qui le baisera aussi. Alors elle le fera entrer dans la maison de sa mère selon son désir. Lui, l’enseignera et elle, lui fera boire de son vin et du suc de sa grenade. L’union de la bien-aimée 130

et du bien-aimé constitue la trame de fond de tout Le Cantique des cantiques. V.2.3. L’isotopie de la communication V.2.3.1. Les relations entre les isotopies L’isotopie spécifique /Communication/ peut englober les isotopies /Lumière/ et /Relation/. Elle se présente comme suit : /COMMUNICATION/ /Lumière/ Verdure fleurs fleurissent fleurissent Resplendissante fumée flamme feu sentinelle argent soleil, lune aurore midi soleil jour

vs

/Relation/ il Le roi Toi Notre lit Je ma bien-aimée Ma belle Mon bien-aimé ma mère celle qui m’a conçue ma sœur, ma fiancée J’entre dans mon jardin ma sœur, mon amie, ma colombe pour lui mes entrailles ont frémi Les fils de ma mère tes compagnons bergers Les gardes Salomon Soixante preux L’élite des preux d’Israël Vétérans des combats Le roi Salomon Sa mère Reines et concubines Sulamite Filles de prince Notre sœur Gardiens

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V.2.3.2. La communication comme facteur d’alliance L’isotopie /Communication/ constitue un pont entre les isotopies /Souffrance/ et /Amour/. Lorsque la souffrance est exprimée, elle libère, elle soulage. Le dialogue est très présent dans le texte. Mieux tout Le Cantique des cantiques est dialogue entre la bien-aimée et le bien-aimé, entre eux et de tierces personnes telles : « les filles de Jérusalem », les amis du bien-aimé, etc. La rencontre qui a lieu entre le bien-aimé et la bien-aimée s’exprime à travers un dialogue accompagné de regards qui se croisent. Le dialogue, plus précisément, exprime l’émerveillement à la vue de l’autre. Le bien-aimé regarde son amie dans les yeux et elle-même le regarde dans les yeux. Les regards, les yeux dans les yeux, expriment la rencontre au niveau de la profondeur de l’être. Par son regard, le bien-aimé dévoile à la bien-aimée sa beauté et lui découvre qu’elle existe pour lui. La rencontre est une alliance. Habituellement, le regard est un moyen de communication qui maintient la distance mais le regard du bien-aimé supprime cette distance et rapproche de lui, la bien-aimée. Le regard du bien-aimé communique l’amour et l’amour transforme la bien-aimée. Le bien-aimé semble n’avoir pas d’autre parole à dire à son amie que son admiration devant sa beauté. Regards échangés, mais aussi paroles échangées : chacun parle et écoute, chacun existe pour l’autre, l’un pour l’autre. L’amour est un lien puissant. Il attire tendrement. Pour le bien-aimé, parler c’est attirer sa bien-aimée. Leur parole, leur dialogue, dit leur beauté mutuelle. Dans la relation de couple, les tiers et les proches jouent aussi un rôle très important pour aider le couple à affronter la crise de la séparation ou rechercher à renouer ce qui est distendu. Le dialogue permet de sortir de soi pour rencontrer l’autre et ainsi ne pas s’appesantir sur sa propre solitude au point d’en être malade : « car je suis 132

malade d’amour ». Le dialogue permet la communication, engendre l’entente. Il permet de resserrer les liens. Aussi le dialogue conduit-il à l’alliance et à l’union des cœurs et des corps. L’isotopie /Communication/ marque l’euphorie. Après le repérage et l’analyse des différentes isotopies, nous passons à la structure logico-sémantique qui permet de tout organiser.

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CHAPITRE VI DE LA STRUCTURE LOGICO-SÉMANTIQUE AU CARRÉ SÉMIOTIQUE Ce chapitre VI présente, dans une logique, le sens du corpus analysé. Cette logique est projetée sur le carré sémiotique qui se définit comme le résumé de toute l’analyse. VI.1. LA STRUCTURE LOGICO-SÉMANTIQUE La structure logico-sémantique est la structure globale qui dessine le cheminement de la signification. Elle permet de dégager le sens global du texte et peut être projetée sur le carré sémiotique. L’application de la théorie de l’isotopie au texte poétique Le Cantique des cantiques a permis de dégager des isotopies microgénériques /Femme/, /Homme/ et /Vigne/ ; des isotopies mésogénériques /Elevage/, /Richesse/ et /Lumière/ et, des isotopies macrogénériques /Relation/, /Mouvement/, /Solitude/ et /Beauté/. Un rapprochement entre les isotopies génériques a permis de dégager les isotopies /Nature/, /Prospérité/ et /Bonheur/. Ces isotopies ont conduit à l’élaboration des isotopies spécifiques /Amour/, /Souffrance/ et /Communication/. C’est à l’issue de l’analyse des isotopies spécifiques que nous avons pu dégager la structure logico-sémantique du texte qui tourne autour de /euphorie/ vs /dysphorie/. En effet, au regard de la structure globale et du sens qui s’y dégage, l’on peut dire qu’il s’agit d’un homme et d’une femme qui s’aiment d’un amour vrai, d’un amour passionné et passionnel, mieux, d’un amour 135

divinisé et qui célèbrent la merveille de l’amour, laquelle les tourne l’un vers l’autre (valeur de l’euphorie). Cet amour est tellement « fort comme la mort » qu’il enivre l’un et l’autre à l’image du vin qui enivre, qui fait tourner la tête. Cependant, pour parvenir à la rencontre tant désirée et vivre pleinement leur amour, il leur faut passer par bien d’épreuves et surmonter les obstacles de part et d’autre. Le bien-aimé « sautant sur les montagnes, bondissant sur les collines » à la rencontre de sa bienaimée et celle-ci, souffrant de l’absence de son bien-aimé, part à sa recherche, parcourant la ville, ses rues et ses places sans gain de cause et se faisant même violenter par les gardes qui la frappent, la blessent et lui enlèvent son manteau (valeur de la dysphorie). Au-delà du texte profane, c’est aussi un discours purement religieux qui s’y dégage. Cette rencontre entre le bien-aimé et la bien-aimée pourrait préfigurer la relation entre Dieu et Israël, la rencontre entre le Christ et son Église. En effet, l’amour charnel du couple se dit dans un langage qui reprend celui de l’amour divin. Il faut voir dans l’amour humain, une métaphore de l’amour divin. L’histoire du couple sert d’analogie pour dire l’alliance divine. Les mêmes mots traduisent la vérité de l’alliance du couple en même temps qu’ils disent la fidélité de l’alliance divine. Le Cantique des cantiques révèle qu’à travers la figure du couple telle que décrite, l’humain est capable de dire le divin et d’entrer en alliance avec lui. Toutefois, dans Le Cantique des cantiques, il est plus question du désir de relation. Le texte parle moins du mariage célébré que de l’union ou du bonheur à venir, moins de la fécondité que de la recherche d’un amour authentique. L’amour est sans cesse en construction, toujours en quête de l’autre. Le Cantique des cantiques est une invite à aller au-delà de tout ce qui est souffrance au nom de l’amour à l’image du Christ qui a transcendé la mort par amour pour son Église. Comme le dit Saint Paul 136

dans sa première lettre aux Corinthiens (1Co 13, 1-13) : « La charité (amour) est patiente, elle est pleine de bonté ; (…) elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout ». La structure logico-sémantique de Le Cantique des cantiques est rendue par le carré sémiotique. VI.2. LE CARRÉ SÉMIOTIQUE Dans la théorie mise au point par GREIMAS, le carré dit « sémiotique » permet de représenter les structures du texte en faisant apparaître des relations de contrariété (ou contraires) et de contradiction. Le carré sémiotique est une synthèse schématique de la syntaxe narrative qui rend compte de la structure logicosémantique du texte. Il représente les éléments en les opposant par paire et postule que « le sens naît de la différence ». L’esprit humain fonctionne selon une logique binaire où un signifiant n’a de sens que par relation au signifiant opposé. Un terme n’a de sens que s’il est opposé à un autre terme. Le carré sémiotique ordonne les valeurs élémentaires de sens et les articule en un ensemble. Il donne donc une représentation de la forme du contenu, c’est-à-dire une représentation du dispositif logique articulant des valeurs élémentaires de signification. Il permet de donner une forme logique aux relations et aux différences établies.

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Le Cantique des cantiques pourrait se schématiser de la façon suivante :

VI.2.1. Le commentaire du carré sémiotique Le carré sémiotique ci-dessus schématisé présente le parcours de la signification de Le Cantique des cantiques. Car la structure logico-sémantique du poème articule du sens sur l’axe sémantique /Dysphorie/ vs /Euphorie/. Du songe de la bien-aimée au début du poème, on passe à la rencontre des deux protagonistes. Le passage de la deixis négative à la deixis positive marque la puissance de l’amour. L’on quitte la souffrance qu’implique l’amour à la joie de l’amour. Ces deux deixis sont les principaux pôles d’attraction. C’est à partir de là que naît le sens avant de s’étendre sous ses différentes manifestations à tout le texte. Isotopies génériques et 138

isotopies spécifiques partent toutes de là. Le présent carré sémiotique permet de dégager le parcours de la signification. Ainsi l’opposition /Dysphorie/ vs /Euphorie/ (phorie) qui implique l’euphorie entraîne l’opposition /Non-euphorie/ vs /Non-dysphorie/ (aphorie) qui implique la dysphorie. À côté de chacune des valeurs de l’opposition /Dysphorie/ vs /Euphorie/ nous avons placé quelques-unes des figures du texte qui manifestent ces valeurs. Le passage de /Euphorie/ à /Non-euphorie/ est pris en charge dans le poème par les opérations narratives du songe de la bien-aimée. Cela s’exprime à travers le « départ » du bien-aimé, de « sa fuite m’a fait rendre l’âme », de « je l’ai cherché mais ne l’ai point trouvé », de « je l’ai appelé, mais il n’a pas répondu », de « je suis malade d’amour ». Le passage de /Non-euphorie/ à /Dysphorie/ est pris en charge par les opérations narratives figurées par « sur ma couche, la nuit, j’ai cherché celui que mon cœur aime », « je l’ai cherché, mais ne l’ai point trouvé », « je me lèverai donc, et parcourrai la ville », « dans les rues et sur les places, je chercherai celui que mon cœur aime ». Le passage de /Dysphorie/ à /Non-dysphorie/ est pris en charge par les opérations narratives figurées par « Je dors, mais mon cœur veille », « j’entends mon bienaimé. Voici qu’il arrive », « voilà qu’il se tient derrière notre mur », « Il guette par la fenêtre, il épie par le treillis », « il me dit : lève-toi ma bien-aimée, ma belle, viens ». Le passage de /Non-dysphorie/ à /Euphorie/ est pris en charge par les opérations narratives figurées par « Qu’il me baise des baisers de sa bouche », « tes amours sont plus délicieuses que le vin », « nous célébrerons tes amours plus que le vin », « son bras gauche est sur ma tête et sa droite m’étreint », « mon bien-aimé est à moi et moi à lui ». 139

En résumé, le carré sémiotique, qui schématise la structure logico-sémantique, s’articule autour de la catégorie thymique de la dysphorie et de l’euphorie.

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CONCLUSION À travers notre réflexion sur l’« Analyse isotopique d’un texte sacré : Le Cantique des cantiques extrait de la Bible de Jérusalem, 1996 », nous nous sommes posé la question de savoir si Le Cantique des cantiques véhicule un message unique, ou s’il y a un « sens commun » des unités linguistiques qui sont itératives dans le texte. Nous avons tenté de rechercher ce qui fonde réellement la sémantique du poème. Pour ce faire, nous avons formulé trois objectifs spécifiques qui ont permis d’analyser le sens du poème à travers les isotopies. La réflexion a nécessité une démarche en trois parties qui ont constitué les principaux points d’articulation. Une lecture transversale de ce beau chant d’amour, Le Cantique des cantiques qui a retenu toute notre attention tout au long de ce travail, le situe au croisement de l’anthropologie et de la théologie. Il est question de l’homme, de Dieu et de leur relation, de l’amour humain et de l’amour divin, du couple et de l’alliance de Dieu avec le peuple d’Israël. Littéralement, Le Cantique des cantiques célèbre l’amour humain, un amour beau, bon, désirable, fidèle, fondé sur une égalité entre les partenaires. Notre analyse, qui a consisté à montrer en quoi Le Cantique des cantiques constitue un tout composé de faisceaux isotopiques, s’est bâtie autour de l’unité même du texte. Pour rendre compte du sens de ce beau chant des chants, nous nous sommes donné pour tâche la mise en évidence des différentes isotopies qui parcourent le texte dans le but de sa meilleure interprétation et de sa compréhension. Autrement, pour dégager la structure de Le Cantique des cantiques et décrypter sa signification, 141

nous avons choisi de partir de la théorie des isotopies. La théorie de l’isotopie peut être considérée comme une méthode efficace, pertinente, rigoureuse, logique et opérationnelle d’approche et de lecture des textes quelle que soit leur nature. Aussi, qu’il soit biblique ou non, un texte est évidemment d’abord fait de mots et de phrases qui le composent. Le Cantique des cantiques est un texte qui a été inlassablement commenté et qui continue à l’être selon des perspectives interprétatives très variées. Aucun livre de l’Ancien Testament, hormis les Psaumes, n’a été autant commenté. La littérature profane elle-même s’est souvenue de ses versets et s’en est inspirée. Ainsi, nous lisons dans la poésie de Jacques Boureima GUÉGANÉ, un poète burkinabé, des références faites au poème, Le Cantique des cantiques dans deux de ses recueils La Guerre des sables (1979) qui se présente comme « une dialectique du corps et de l’esprit dans l’individu » et L’An des criquets (2001) qui « décrit le rapport du soi individuel et du soi collectif ». Interprétant La Guerre des sables, Georges SAWADOGO, dans son article intitulé « L’intertexte religieux comme repère interprétatif et valeur didactique dans les textes poétiques guéganéens » (juin 2010), écrit : « La Guerre des sables se présente comme ‘‘une dialectique du corps et de l’esprit dans l’individu’’, long poème qui chante l’amour et la paix sur un air inspiré du Cantique des cantiques de Salomon. (…) ‘‘ Ami… je reviendrai, Ami, je reviendrai, j’ai alliance avec les sables, je suis tribut d’alliance du Sud avec les sables’’ (p. 64) est une exploitation poétique du Cantique des cantiques du Roi Salomon. Ce long poème biblique chante l’amour mutuel de deux êtres qui s’aiment comme dans le 142

poème, la femme du Sud et l’homme du Nord. Il s’agit donc d’une exploitation des textes sacrés à des fins poétiques. » Georges SAWADOGO, poursuivant ses commentaires, pense que L’An des criquets est une relecture du Livre de l’Exode, et particulièrement de la huitième des dix plaies (5) dont Dieu s’est servi pour contraindre les pharaons d’Egypte à affranchir les Hébreux. Néanmoins, selon lui, on peut établir une correspondance avec La Guerre des sables si l’on veut pousser plus loin la réflexion du Cantique des cantiques dans une perspective théologique. Il écrit : « La troisième partie intitulée « La nuit des tambours », est l’évocation du thème de la mort et du retour des compagnons. C’est donc une fresque épique avec des personnages étranges : métamorphosés ou déguisés (6) (les filles sont déguisées en garçons et les garçons en filles). Des symboles comme la rose, à la fois morte et vivante s’inscrivent dans cette perspective. Il en est de même de l’exploitation de la figure de Salomon (p. 213) (identifiée au bien-aimé du Cantique) et de celle de la Reine de Saba (7) (identifiée à la bien5

Pendant le séjour d’Abraham en Egypte, Pharaon prit sa femme Sara. Comme punition, Dieu envoya dix plaies sur la terre d’Egypte. Il s’agit en fait d’épreuves symboliques qui ont peut-être une origine historique ou mythique, mais qui ont été interprétées comme étant des « plaies » ou des « épreuves » envoyées par Dieu pour contraindre Pharaon à libérer les enfants d’Israël. Voir notamment Genèse 12, 10. 6 Exploitation poétique de l’histoire de la reine de Saba dont certains éléments de la suite (une centaine) se déguisaient, qui en filles, qui en garçons. 7 D’une manière générale, dans ce recueil, la figure du personnage féminin renvoie à celle de la Reine de Sabbat.

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aimée) qui donne naissance aux fils de Juda, d’où l’évocation du « Lion de Juda », allusion aux Falashas et aux Juifs d’Ethiopie. La réconciliation entre ces deux communautés n’ayant pas eu lieu en Egypte, elle se fera en Ethiopie avec le Judaïsme chrétien. » Au terme donc de ce parcours interprétatif du sens à travers les isotopies, nous pouvons dire que toutes nos hypothèses de départ sont confirmées. En effet, au regard de l’analyse menée, nous pouvons affirmer dans un premier temps que Le Cantique des cantiques exprime une idéologie vitale et existentielle : l’amour. Cette idéologie est traduite par des isotopies génériques et spécifiques, selon la terminologie de RASTIER, qui assurent la cohérence du poème et sont rendues par des éléments linguistiques explicites. L’amour est un sentiment naturel et humain qui comporte des périodes d’euphorie et des instants de manque et de solitude marqués par la dysphorie. Cela s’est vérifié à travers Le Cantique des cantiques. Dans un deuxième temps, l’analyse a montré que Le Cantique des cantiques exploite l’esthétique de la littérature égyptienne pour décrire les relations amoureuses entre l’homme et la femme. En effet, Le Cantique des cantiques est un chant d’amour de l’Egypte ancienne comme le témoigne cet extrait : « Le papyrus Harris 500, découvert au Ramesseum de Thèbes et les ‘‘Chants de la grande joie du cœur’’ qui figurent sur le papyrus Chester Beatty I ont livré des textes qui célèbrent l’amour d’un homme et d’une femme en des termes très proches du Cantique des cantiques. » CAHIER ÉVANGILE (n° 85, p. 14). 144

Dans un troisième temps, Le Cantique des cantiques est un texte qui regorge d’un nombre important d’images telles que les lieux, les espaces naturels, l’usage des éléments cosmiques et temporels qui évoquent des relations verticales et horizontales de l’amour humain. Les résultats de nos analyses et commentaires ainsi obtenus prouvent que le nombre des espaces naturels, l’évocation des villes et des éléments du cosmos témoignent des relations entre l’homme et la nature comme si la nature était complice de cet amour passionnel entre le bien-aimé et la bien-aimée. L’alliance entre l’homme et la femme devient l’alliance que Dieu conclût avec son peuple. L’amour humain est la préfiguration de l’amour divin. Les résultats ainsi obtenus, bien que limités, pourraient aider un tant soit peu le lecteur à comprendre la structure et la portée significative de Le Cantique des cantiques. Cependant, force est de reconnaître que toute méthode de lecture pose des questions ou mieux comporte des lacunes. Aussi, la sémiotique, pour sa part, n’a pas encore pu jusque-là concevoir une seule théorie absolument homogène des isotopies comme c’est le cas dans la théorie de la narrativité. D’Algirdas Julien GREIMAS au Groupe d’ENTREVERNES en passant par François RASTIER, les isotopies ont connu en effet, une formulation théorique sans cesse révisée et revisitée par des apports dus à l’évolution de la recherche. Cela se perçoit à travers les différentes terminologies utilisées par l’un ou l’autre auteur : isotopies figuratives et thématiques selon Algirdas Julien GREIMAS et Joseph COURTES ; isotopies génériques (microgénériques, mésogénériques et macrogénériques) et spécifiques selon la terminologie de François RASTIER ; isotopies sémiologiques et sémantiques selon la terminologie du Groupe d’ENTREVERNES. La théorie de l’isotopie développée par François RASTIER comporte quelque limite. En effet, elle ne nous 145

a pas permis de construire le carré sémiotique. Il nous a fallu faire appel à la théorie d’Algirdas Julien GREIMAS pour rendre compte de la structure élémentaire de la signification projetée sur le carré sémiotique. Cependant, l’intérêt de cette étude pour la recherche scientifique est que la théorie de l’isotopie permet un autre type de relation au texte. En effet, elle nous a permis de faire une lecture profane de Le Cantique des cantiques sous un angle littéraire et non théologique. De plus, il a fallu faire appel à Algirdas Julien GREIMAS pour construire le carré sémiotique. Cela nous a permis de dépasser le clivage souvent cloisonné des théories pour en montrer tout l’intérêt qu’on gagne à les considérer sous des angles de la complémentarité. La théorie de l’isotopie a été comme une discipline de lecture qui nous a permis de nous en tenir au texte afin de mieux entendre ce qui se dit dans Le Cantique des cantiques et d’en faire une lecture sémantique. Elle obéit au principe d’immanence. Pour terminer, toute analyse ou travail scientifique demande une méthode théorique rigoureuse et la méthode utilisée n’est qu’un choix de piste parmi tant d’autres. En effet, tout texte peut être lu et entendu de plusieurs manières. Aussi avons-nous basé la présente étude sur les isotopies qui sont un domaine d’étude assez fécond où la recherche, loin d’être achevée, mérite encore d’être poussée plus loin. En effet, la théorie de l’analyse isotopique ne nous a pas permis d’étudier l’instance narratrice du texte. Un regard sur Le Cantique des cantiques montre qu’une analyse gagnerait de beaucoup à prendre en charge les niveaux de l’énonciation et de la narrativité. Pour ce faire, nous proposons d’appliquer la théorie de l’énonciation qui permettra, nous le croyons, de cerner davantage le sens à travers les marques que laissent le narrateur dans le texte. L’on pourrait également utiliser les théories de l’analyse narrative et de l’analyse discursive qui permettront 146

d’étudier la narrativité (transformation) du poème et le langage poétique (discours poétique) de ce beau texte biblique, Le Cantique des Cantiques.

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ANNEXES Annexe 1 : Corpus LE CANTIQUE DES CANTIQUES

Titre et Prologue 1 1 Cantique des Cantique, de Salomon. LA BIENAIMÉE.

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Qu’il me baise des baisers de sa bouche. Tes amours sont plus délicieuses que le vin ; l’arôme de tes parfums est exquis ; ton nom est une huile qui s’épanche, c’est pourquoi les jeunes filles t’aiment.

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Entraîne-moi sur tes pas, courons ! Le roi m’a introduite en ses appartements ; tu seras notre joie et notre allégresse. Nous célébrerons tes amours plus que le vin ; comme on a raison de t’aimer !

Premier poème LA BIENAIMÉE.

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Je suis noire et pourtant belle, filles de Jérusalem, comme les tentes de Qédar, comme les pavillons de Salma. Ne prenez pas garde à mon teint basané : c’est le soleil qui m’a brûlée. Les fils de ma mère se sont emportés contre moi, ils m’ont mise à garder les vignes. Ma vigne à moi, je ne l’avais pas gardée !

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LE CHŒUR.

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LE BIENAIMÉ.

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DUO.

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Dis-moi donc, toi que mon cœur aime : Où mèneras-tu paître le troupeau, où le mettras-tu au repos, à l’heure de midi ? Pour que je n’erre plus en vagabonde, près des troupeaux de tes compagnons. Si tu l’ignores, ô la plus belle des femmes, suis les traces du troupeau, et mène paître tes chevreaux près de la demeure des bergers. À ma cavale, attelée au char de Pharaon, je te compare, ma bien-aimée. Tes joues restent belles, entre les pendeloques, et ton cou dans les colliers. Nous te ferons des pendants d’or et des globules d’argent.

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- Tandis que le roi est en son enclos, mon nard donne son parfum. Mon bien-aimé est un sachet de myrrhe, qui repose entre mes seins. Mon bien-aimé est une grappe de cypre, dans les vignes d’En-Gaddi.

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- Que tu es belle, ma bien-aimée, que tu es belle ! Tes yeux sont des colombes. 17

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- Que tu es beau, mon bien-aimé, combien délicieux ! notre lit n’est que verdure. - Les poutres de notre maison sont de cèdre, nos lambris de cyprès.

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- Je suis le narcisse de Saron, le lis des vallées. - Comme le lis entre les chardons, telle est ma bien-aimée entre les jeunes femmes. - Comme le pommier parmi les arbres d’un verger, ainsi mon bien-aimé parmi les jeunes hommes. À son ombre désirée je me suis assise, et son fruit est doux à mon palais. Il m’a menée au cellier, et la bannière qu’il dresse sur moi, c’est l’amour. Soutenez-moi avec des gâteaux de raisin, ranimez-moi avec des pommes, car je suis malade d’amour. Son bras gauche est sous ma tête et sa droite m’étreint. - Je vous en conjure, filles de Jérusalem, par les gazelles, par les biches des champs, n’éveillez pas, ne réveillez pas mon amour, avant l’heure de son bon plaisir.

Second poème LA BIENAIMÉE.

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J’entends mon bien-aimé. Voici qu’il arrive, sautant sur les montagnes, bondissant sur les collines. Mon bien-aimé est semblable à une gazelle, à un jeune faon. Voilà qu’il se tient

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derrière notre mur. Il guette par la fenêtre, il épie par le treillis. 10

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Mon bien-aimé élève la voix, il me dit : « Lève-toi, ma bien-aimée, ma belle, viens. Car voilà l’hiver passé, c’en est fini des pluies, elles ont disparu. Sur notre terre les fleurs se montrent. La saison vient des gais refrains, le roucoulement de la tourterelle se fait entendre sur notre terre. Le figuier forme ses premiers fruits et les vignes en fleur exhalent leur parfum. Lève-toi, ma bien-aimée, ma belle, viens ! Ma colombe, cachée au creux des rochers, en des retraites escarpées, montre-moi ton visage, fais-moi entendre ta voix ; car ta voix est douce et charmant ton visage. »

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Attrapez-nous les renards, les petits renards ravageurs de vignes, car nos vignes sont en fleur.

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Mon bien-aimé est à moi, et moi à lui. Il paît son troupeau parmi les lis.

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Avant que souffle la brise du jour et que s’enfuient les ombres, reviens… ! Sois semblable, mon bien-aimé, à une gazelle, à un jeune faon, sur les montagnes de Bétèr.

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LE BIENAIMÉ.

Sur ma couche, la nuit, j’ai cherché celui que mon cœur aime. Je l’ai cherché, mais ne l’ai point trouvé ! Je me lèverai donc, et parcourrai la ville. Dans les rues et sur les places, je chercherai celui que mon cœur aime. Je l’ai cherché, mais ne l’ai point trouvé !

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Les gardes m’ont rencontrée, ceux qui font la ronde dans la ville : « Avez-vous vu celui que mon cœur aime ? »

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À peine les avais-je dépassés, j’ai trouvé celui que mon cœur aime. Je l’ai saisi et ne le lâcherai point que je ne l’aie fait entrer dans la maison de ma mère, dans la chambre de celle qui m’a conçue.

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Je vous en conjure, filles de Jérusalem, par les gazelles, par les biches des champs, n’éveillez pas, ne réveillez pas mon amour, avant l’heure de son bon plaisir.

Troisième poème LE POÈTE.

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Qu’est-ce là qui monte du désert, comme une colonne de fumée, vapeur de myrrhe et d’encens et de tous parfums exotiques ?

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Voici la litière de Salomon. Soixante preux l’entourent, élite des preux d’Israël : tous experts à manier l’épée, vétérans des combats. Chacun a le glaive au côté, craignant les surprises de la nuit.

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LE BIEN-AIMÉ.

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Le roi Salomon s’est fait un palanquin en bois du Liban. Il en a fait les colonnes d’argent, le baldaquin d’or, le siège de pourpre. Le fond est une marqueterie d’ébène. Venez contempler, filles de Sion, le roi Salomon, avec le diadème dont sa mère l’a couronné au jour de ses épousailles, au jour de la joie de son cœur. Que tu es belle, ma bien-aimée, que tu es belle ! Tes yeux sont des colombes, derrière ton voile ; tes cheveux comme un troupeau de chèvres, ondulant sur les pentes du mont Galaad. Tes dents, un troupeau de brebis à tondre qui remontent du bain. Chacune a sa jumelle et nulle n’en est privée. Tes lèvres, un fil d’écarlate, et tes discours sont ravissants. Tes joues, des moitiés de grenades, derrière ton voile. Ton cou, la tour de David, bâtie par assises. Mille rondaches y sont suspendues, tous les boucliers des preux. Tes deux seins, deux faons, jumeaux d’une gazelle, qui paissent parmi les lis.

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Avant que souffle la brise du jour et que s’enfuient les ombres, j’irai à la montagne de la myrrhe, à la colline de l’encens. Tu es toute belle, ma bien-aimée, et sans tache aucune ! Viens du Liban, ô fiancée, viens du Liban, fais ton entrée. Abaisse tes regards, des cimes de l’Amana, des cimes du Sanir et de l’Hermon, repaire des lions, montagnes des léopards. Tu me fais perdre le sens, ma sœur, ô fiancée, tu me fais perdre les sens par un seul de tes regards, par un anneau de ton collier ! Que ton amour a de charmes, ma sœur, ô fiancée. Que ton amour est délicieux, plus que le vin ! Et l’arôme de tes parfums, plus que tous les baumes ! Tes lèvres, ô fiancée, distillent le miel vierge. Le miel et le lait sont sous ta langue ; et le parfum de tes vêtements est comme le parfum du Liban.

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Elle est un jardin bien clos, ma sœur, ô fiancée ; un jardin bien clos, une source scellée. Tes jets font un verger de grenadiers, avec les fruits les plus exquis :

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LA BIENAIMÉE.

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le nard et le safran, le roseau odorant et le cinnamome, avec tous les arbres à encens ; la myrrhe et l’aloès, avec les plus fins arômes. Source des jardins, puits d’eaux vives, ruissellement du Liban ! Lève-toi, aquilon, accours, autan ! Soufflez sur mon jardin, qu’il distille ses aromates ! Que mon bien-aimé entre dans son jardin, et qu’il en goûte les fruits délicieux ! J’entre dans mon jardin, ma sœur, ô fiancée, je récolte ma myrrhe et mon baume, je mange mon miel et mon rayon, je bois mon vin et mon lait. Mangez, amis, buvez, enivrez-vous, mes bien-aimés !

Quatrième poème LA BIENAIMÉE.

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Je dors, mais mon cœur veille. J’entends mon bien-aimé qui frappe. « Ouvre-moi, ma sœur, mon amie, ma colombe, ma parfaite ! Car ma tête est couverte de rosée, mes boucles, des gouttes de la nuit.

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- « J’ai ôté ma tunique, comment la remettrais-je ? J’ai lavé mes pieds, comment les salirais-je ? » Mon bien-aimé a passé la main par la

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fente, et pour lui mes entrailles ont frémi. Je me suis levée pour ouvrir à mon bien-aimé, et de mes mains a dégoutté la myrrhe, de mes doigts la myrrhe vierge, sur la poignée du verrou. J’ai ouvert à mon bien-aimé, mais tournant le dos, il avait disparu ! Sa fuite m’a fait rendre l’âme. Je l’ai cherché, mais ne l’ai point trouvé, je l’ai appelé, mais il n’a pas répondu ! Les gardes m’ont rencontrée, ceux qui font la ronde dans la ville. Ils m’ont frappée, ils m’ont blessée, ils m’ont enlevé mon manteau, ceux qui gardent les remparts.

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LE CHŒUR.

LA BIENAIMÉE.

Je vous en conjure, Filles de Jérusalem, si vous trouvez mon bien-aimé, que lui déclarerez-vous ? Que je suis malade d’amour. 9

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Qu’a donc ton bien-aimé de plus que les autres, ô la plus belle des femmes ? Qu’à donc ton bien-aimé de plus que les autres, pour que tu nous conjures de la sorte ?

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Mon bien-aimé est frais et vermeil, il se reconnaît entre dix mille. Sa tête est d’or, et d’un or pur ; ses boucles sont des palmes, noires comme le corbeau. Ses yeux sont des colombes, au bord des cours d’eau se baignant dans le lait,

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LE CHŒUR.

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6 LA BIENAIMÉE.

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posées au bord d’une vasque. Ses joues sont comme des parterres d’aromates, des massifs parfumés. Ses lèvres sont des lis ; elles distillent la myrrhe vierge. Ses mains sont des globes d’or, garnis de pierres de Tarsis. Son ventre est une masse d’ivoire, couverte de saphirs. Ses jambes sont des colonnes d’albâtre, posées sur des bases d’or pur. Son aspect est celui du Liban, sans rival comme les cèdres. Ses discours sont la suavité même, et tout en lui n’est que charme. Tel est mon bien-aimé, tel est mon époux, filles de Jérusalem. Où est parti ton bien-aimé, ô la plus belle des femmes ? Où s’est tourné ton bien-aimé, que nous le cherchions avec toi ? Mon bien-aimé est descendu à son jardin, aux parterres embaumés, pour paître son troupeau dans les jardins, et pour cueillir des lis. Je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé est à moi ! Il paît son troupeau parmi les lis.

Cinquième poème LE BIENAIMÉ.

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Tu es belle, mon amie, comme Tirça, charmante comme Jérusalem, redoutable comme des bataillons. Détourne de moi tes regards, car ils m’assaillent !

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Tes cheveux sont un troupeau de chèvres, ondulant sur les pentes du Galaad. Tes dents sont un troupeau de brebis, qui remontent du bain. Chacune a sa jumelle et nulle n’en est privée. Tes joues sont des moitiés de grenades derrière ton voile. Il y a soixante reines et quatre-vingts concubines ! (et des jeunes filles sans nombre.) Unique est ma colombe, ma parfaite. Elle est l’unique de sa mère, la préférée de celle qui l’enfanta. Les jeunes femmes l’ont vue et glorifiée, reines et concubines l’ont célébrée : « Qui est celle-ci qui surgit comme l’aurore, belle comme la lune, resplendissante comme le soleil, redoutable comme des bataillons ? » Au jardin des noyers je suis descendu, pour voir les jeunes pousses de la vallée, pour voir si la vigne bourgeonne, si les grenadiers fleurissent. Je ne sais, mais mon désir m’a jeté sur les chars d’Amminadib ! Reviens, reviens, Sulamite ; reviens, reviens, que nous te regardions ! Pourquoi regardez-vous la Sulamite, dansant comme en un double chœur ?

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LA BIENAIMÉE. 11

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Que tes pieds sont beaux dans tes sandales, fille de prince ! la courbe de tes flancs est comme un collier, œuvre des mains d’un artiste. Ton nombril forme une coupe, que les vins n’y manquent pas ! Ton ventre, un monceau de froment, de lis environné. Tes deux seins ressemblent à deux faons, jumeaux d’une gazelle. Ton cou, une tour d’ivoire. Tes yeux, les piscines de Heshbôn, près de la porte de Bat-Rabbim. Ton nez, la tour du Liban, sentinelle tournée vers Damas. Ton chef se dresse, semblable au Carmel, et ses nattes sont comme la pourpre ; un roi est pris à tes boucles. Que tu es belle, que tu es charmante, ô amour, ô délices ! Dans ton élan tu ressembles au palmier, tes seins en sont les grappes. J’ai dit : Je monterai au palmier, j’en saisirai les régimes. Tes seins, qu’ils soient des grappes de raisin, le parfum de ton souffle, celui des pommes ; tes discours, un vin exquis ! Il va droit à mon bien-aimé, comme il coule sur les lèvres de ceux qui sommeillent. Je suis à mon bien-aimé, et vers moi se porte son désir.

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LE BIENAIMÉ.

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Viens, mon bien-aimé, allons aux champs ! Nous passerons la nuit dans les villages, dès le matin nous irons aux vignobles. Nous verrons si la vigne bourgeonne, si ses pampres fleurissent, si les grenadiers sont en fleur. Alors je te ferai le don de mes amours. Les mandragores exhalent leur parfum, à nos portes sont tous les meilleurs fruits. Les nouveaux comme les anciens, je les ai réservés pour toi, mon bienaimé. Ah que ne m’es-tu un frère, allaité au sein de ma mère ! Te rencontrant dehors, je pourrais t’embrasser, sans que les gens me méprisent. Je te conduirais, je t’introduirais dans la maison de ma mère, tu m’enseignerais ! Je te ferais boire un vin parfumé, ma liqueur de grenades. Son bras gauche est sous ma tête, et sa droite m’étreint. Je vous en conjure, filles de Jérusalem, n’éveillez pas, ne réveillez pas mon amour, avant l’heure de son bon plaisir.

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Épilogue 5

Qui est celle-ci qui monte du désert, appuyée sur son bien-aimé ? Sous le pommier je t’ai réveillée, là même où ta mère te conçut, là où conçut celle qui t’a enfantée.

LA BIENAIMÉE.

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Pose-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras. Car l’amour est fort comme la Mort, la passion inflexible comme le Shéol. Ses traits sont des traits de feu, une flamme de Yahvé. Les grandes eaux ne pourront éteindre l’amour, ni les fleuves le submerger. Qui offrirait toutes les richesses de sa maison pour acheter l’amour, ne recueillerait que mépris.

Appendices le prix de son fruit : mille sicles d’argent. 12 Ma vigne à moi, je 8 Notre sœur est petite : elle l’ai sous mes yeux : à toi n’a pas encore les seins Salomon les mille sicles, et formés. Que ferons-nous à deux cents gardiens de son fruit. notre sœur, le jour où il sera question d’elle ? Dernières additions. - 9 Si elle est un rempart, 13 Toi qui habites les jardins, nous élèverons au faite un mes compagnons prêtent couronnement d’argent ; si l’oreille à ta voix : daigne me la elle est une porte, nous faire entendre ! dresserons contre elle des ais 14 Fuis, mon bien-aimé. de cèdre. Sois semblable à une gazelle, - 10 Je suis un mur, et mes à un jeune faon, Deux épigrammes.

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sur les seins en figurent les tours. Aussi ai-je à leurs yeux embaumées ! trouvé la paix. 11

Salomon avait une vigne à Baal-Hamôn. Il la confia à des gardiens, et chacun devait lui remettre

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montagnes

Annexe 2 : Toiles sur Le Cantique des cantiques peintes par Marc CHAGALL Toile 1 : Le désir de la bien-aimée : elle est toute attente passionnée, tout désir amoureux. « Qu’il me baise des baisers de sa bouche. Tes amours sont plus délicieux que le vin. » Ct 1, 2

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Toile 2 : C’est la nuit, la lune est dans son halo. « Je dors mais mon cœur veille. » Ct 5, 2

Toile 3 : Cette toile présente le mariage de la bien-aimée au bien-aimé. Le couple s’avance majestueusement, la grande taille et leur hauteur disent quelque chose de la majesté de ce mariage. « Venez contempler, filles de Sion, le roi Salomon, avec le diadème dont sa mère l’a couronné au jour de ses épousailles, au jour de la joie de son cœur. » Ct 3, 11

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Toile 4 : Au centre du tableau, la silhouette de Jérusalem avec la Tour de David. « Tu es belle, mon amie, comme Tirça, charmante comme Jérusalem. » Ct 6,4 « J’ai trouvé celui que mon cœur aime. Je l’ai saisi et ne le lâcherai point » Ct 3, 4

Toile 5 : Ce tableau exprime ce vers du Cantique : « Car l’amour est fort comme la Mort, la passion inflexible comme le Shéol. Ses traits sont des traits de feu, une flamme de Yahvé. » Ct 8, 6

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TABLE DES MATIÈRES ÉPIGRAPHE ........................................................................................ 9 REMERCIEMENTS .......................................................................... 11 SYMBOLES ...................................................................................... 13 SIGLES ET ABRÉVIATIONS .......................................................... 13 PRÉFACE .......................................................................................... 15 INTRODUCTION .............................................................................. 17 PREMIERE PARTIE ......................................................................... 23 ASPECTS GENERAUX SUR LA BIBLE ET CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUE ............................. 23 CHAPITRE I ASPECTS GÉNÉRAUX SUR LA BIBLE ........................................ 25 I.1. Contexte de la recherche ........................................................ 25 I.1.1. Connaissances générales sur la Bible ............................ 25 I.1.2. Structuration de la Bible ................................................ 27 I.2. Bref aperçu des livres dits sapientiaux ................................... 28 I.2.1. Le livre de Job ............................................................... 28 I.2.2. Les Psaumes................................................................... 29 I.2.3. Le livre des Proverbes.................................................... 30 I.2.4. L’Ecclésiaste .................................................................. 30 I.2.5. Le livre de la Sagesse..................................................... 31 I.2.6. Siracide ou Ecclésiastique ou la Sagesse de Ben Sira.... 32 I.3. Présentation du support : Le Cantique des cantiques ............. 33 I.3.1. Qu’est-ce qu’un cantique ? ............................................ 33 I.3.2. Le Cantique des cantiques ............................................. 33 I.4. Le Cantique des cantiques comme intertexte Biblique........... 38 I.4.1. Le Cantique des cantiques dans l’Ancien Testament ..... 38 I.4.2. Le Cantique des cantiques dans le Nouveau Testament 42

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CHAPITRE II CONSIDÉRATIONS MÉTHODOLOGIQUES................................. 47 II.1. Problématique ....................................................................... 47 II.2. Hypothèses de travail ............................................................ 48 II.2.1. Hypothèse générale ...................................................... 48 II.2.2. Hypothèses opérationnelles .......................................... 48 II.3. Objectifs de l’étude ............................................................... 49 II.3.1. Objectif général ............................................................ 49 II.3.2. Objectifs spécifiques .................................................... 49 II.4. Précisions méthodologiques .................................................. 50 II.4.1. La segmentation ........................................................... 50 II.4.2. La démarche méthodologique ...................................... 50 DEUXIÈME PARTIE CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES ............................................... 51 CHAPITRE III LA NOTION DE SÈME .................................................................... 53 III.1. Les sèmes et les parcours sémémiques ................................ 53 III.1.1. Algirdas Julien GREIMAS et la notion de sème ......... 53 III.1.2. Le Groupe d’ENTREVERNES et la notion de sème .. 54 III.1.3. François RASTIER et la notion de sème..................... 55 III.2. Les lexèmes et les champs lexicaux..................................... 59 III.3. Les parcours figuratifs et les configurations discursives ..... 59 CHAPITRE IV LE CONCEPT D’ISOTOPIE ............................................................. 61 IV.1. Approche définitionnelle ..................................................... 61 IV.2. Les typologies de l’isotopie selon les auteurs...................... 62 IV.2.1. Algirdas Julien GREIMAS et Joseph COURTÉS et le concept d’isotopie ................................................................... 63 IV.2.2. Le Groupe d’ENTREVERNES et le concept d’isotopie68 IV.2.3. François RASTIER et le concept d’isotopie ............... 71 IV.3. Vers une homologation des terminologies........................... 75 IV.3.1. Les niveaux de la signification.................................... 75 IV.4. Le fonctionnement de l’isotopie dans le discours ................ 77 IV.4.1. Selon Algirdas Julien GREIMAS ............................... 77 IV.4.2. Selon François RASTIER ........................................... 77

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TROISIÈME PARTIE APPLICATION TEXTUELLE .......................................................... 81 CHAPITRE V LECTURE ISOTOPIQUE DU POÈME ............................................ 83 V.1. Les isotopies génériques ....................................................... 83 V.1.1. Les isotopies microgénériques ..................................... 83 V.1.2. Les isotopies mésogénériques ...................................... 92 V.1.3. Les isotopies macrogénériques..................................... 99 V.1.4. Les relations entre les isotopies génériques................ 118 V. 2. Les isotopies spécifiques ................................................... 125 V.2.1. L’isotopie de la souffrance ......................................... 125 V.2.2. L’isotopie de l’amour ................................................. 126 V.2.3. L’isotopie de la communication ................................. 131 CHAPITRE VI DE LA STRUCTURE LOGICO-SÉMANTIQUE AU CARRÉ SÉMIOTIQUE ............................................................ 135 VI.1. La structure logico-sémantique ......................................... 135 VI.2. Le carré sémiotique ........................................................... 137 VI.2.1. Le commentaire du carré sémiotique ........................ 138 CONCLUSION ................................................................................ 141 BIBLIOGRAPHIE ........................................................................... 149 ANNEXES ....................................................................................... 153 Annexe 1 : Corpus LE CANTIQUE DES CANTIQUES ................. 153 Annexe 2 : Toiles sur Le Cantique des cantiques peintes par Marc CHAGALL ........................................................... 168

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Religion aux éditions L’Harmattan Dernières parutions

De l’amitié à l’eucharistie Un aller-retour

Gainsi Grégoire-Sylvestre

L’amitié reste le meilleur don que les êtres puissent s’offrir. Mais les questions principales qui se posent sont bien celles-ci : Qu’est-ce qui fonde réellement l’amitié et la rend durable et éternelle ? Qu’est-ce qui fait que l’amitié demeure cette relation humaine qui porte les autres relations sociales à un niveau plus assumé et plus fort ? Il a fallu aller chercher la réponse dans deux cultures du Bénin en Afrique de l’Ouest. Une étude sociologique, anthropologique, philosophique et théologique de l’amitié fait alors découvrir le lien fort de l’amitié chrétienne avec l’Eucharistie. (Coll. Religions et Spiritualité, 21.00 euros, 206 p.) ISBN : 978-2-343-13416-1, ISBN EBOOK : 978-2-14-005401-3 Homélies (1952-1973)

Textes rassemblés et présentés par Denise Enjalbert Maucler et Philippe Oliviéro – Préface de Jean-Louis Bancel

Cet ouvrage présente les homélies et quelques textes de circonstance écrits par Albert Enjalbert, prêtre chrétien du temps de Vatican II, tout au long de sa formation et de son ministère de prêtre catholique, de prêtre ouvrier, puis de prêtre marié. Ces textes font la mémoire de ce qui fut le sens de toute une vie au service de l’Évangile, quelles qu’en soient les formes qu’elle a successivement prises. (30.00 euros, 296 p.) ISBN : 978-2-343-12527-5, ISBN EBOOK : 978-2-14-005297-2 L’Islam face aux préoccupations des musulmans Points de vue

Dème Ismaila - Préface du Pr Abdoulaye Elimane Kane

Intellectuel prudent et attaché à sa foi, Ismaila Dème propose une réflexion sur quelques sujets qui constituent une préoccupation des Sénégalais tels que le terrorisme, la mendicité... De plus, il nous invite à redécouvrir l’héritage de deux illustres hommes de Dieu, fiertés du Sénégal : Cheikh Ahmadou Bamba et Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al-Maktoum. (Harmattan Sénégal, 12.00 euros, 90 p.) ISBN : 978-2-343-13311-9, ISBN EBOOK : 978-2-14-005260-6

Discípulos del Viviente – Crónicas de una Invitación a la Vida Tomo 8

Trubert Yvonne - Prefacio de Maria Isabel Waddington Achatz

Este libro constituye el octavo tomo de las entrevistas que Yvonne Trubert concedió al “Libro de Invitación a la Vida”, revista de esta asociación epónima. A través de temas como el Cuerpo, el Regreso de Cristo, el Invisible, Servir, la Transformación, la Muerte, Yvonne Trubert nos invita a emprender el camino de la transformación interior. Invitándonos a encontrarnos con nosotros mismos y con los demás, ella nos incita a la conversión, es decir, a cambiar de estado de espíritu, para que el amor y la alegría se conviertan en los signos exteriores de nuestra fe. (15.50 euros, 142 p.) ISBN : 978-2-343-13714-8, ISBN EBOOK : 978-2-14-005319-1 La laïcité en question

Ake Patrice Jean

Le mot laïcité est une nouveauté pour la conscience moderne et qui apparaît dans les débats parlementaires, sous la dénomination d‘école laïque, d’attitude laïque, de morale laïque. Ce néologisme est nécessaire, comme l’est aussi la crise que subit le concept. L’histoire intérieure de la France n’est-elle pas l’histoire d’une incessante sécularisation, la longue histoire de la laïcisation où sont séparés l’Église et l’État ? Mais pouvons-nous concevoir une école sans Dieu ou une école sans morale ? (Coédition CRISHS Univ. F. H. Boigny, Coll. La palabre, 16.50 euros, 150 p.) ISBN : 978-2-343-13441-3, ISBN EBOOK : 978-2-14-005057-2 La justice administrative de l’Église catholique Vue de la France et de l’Afrique

Ducass Alain

Après que le Concile précise les droits et obligations des fidèles catholiques, le pape Paul VI crée la seconde section du Tribunal suprême de la Signature apostolique le 15 août 1967. L’année 2017 marque donc le jubilé de la justice administrative de l’Église catholique, mais qui la connaît ? Cet ouvrage a pour objectif de rappeler à la hiérarchie de l’Église et aux fidèles catholiques leurs droits et obligations respectifs ainsi que de contribuer à la justice sociale en promouvant la justice administrative de l’Église. (29.00 euros, 372 p.) ISBN : 978-2-343-13407-9, ISBN EBOOK : 978-2-14-005115-9 Et si Dieu était noir ?

Nkulu Kabamba Olivier

Dans cet essai, avec les outils intellectuels qui sont les siens, l’auteur répond à la question soulevée par une jeune étudiante africaine  : «Et si Dieu était noir ?» Il se positionne comme chrétien noir-africain, philosophe croyant, prêtre et théologien catholique, et conclut en disant : «humblement, j’ai toujours cru et imaginé que Dieu est noir». Pour l’auteur, il appartient à chaque croyant de se faire une représentation de Dieu qui le rapproche le plus de Lui Dieu. (16.50 euros, 152 p.) ISBN : 978-2-343-13216-7, ISBN EBOOK : 978-2-14-005160-9

Ouvrir des pistes à l’Infini de Dieu Mélanges pour François Kabasele Lumbala

Kalamba Nsapo et Miki-Marcel Anganga

Cet ouvrage est un collectif d’hommage à Fr. Kabasele Lumbala, prêtre du Congo RDC et théologien spécialiste en liturgie, pour ses 70 ans et sa retraite d’enseignant d’université. Ces Mélanges retracent, en 15 contributions, les parcours pastoral, intellectuel et scientifique de ce chercheur africain, ainsi que son apport à l’Église d’Afrique et d’ailleurs en Anthropologie des rites, Catéchèse, Enseignement, Histoire des religions, Liturgie et Inculturation. Ils sont une attestation formelle de l’infini de la recherche scientifique. (Coll. Églises d’Afrique, 37.00 euros, 366 p.) ISBN : 978-2-343-12603-6, ISBN EBOOK : 978-2-14-005047-3 Théologie africaine face aux sectes Défi lancé à la société et aux grandes Églises africaines

Mushipu Mbombo Dieudonné - Préface de François-Xavier Amherdt

Le pullulement des sectes en Afrique devient un défi. En même temps qu’il interpelle les grandes Églises par rapport à leurs méthodes pastorales d’évangélisation, qui se rapprochent encore difficilement de la culture du peuple africain, ce foisonnement de sectes inquiète. Non seulement elles tirent l’homme africain vers le sousdéveloppement, mais elles le manipulent. L’auteur propose plusieurs solutions pour procéder à l’encadrement des «Églises» qui naissent en Afrique. (Coll. Églises d’Afrique, 24.00 euros, 226 p.) ISBN : 978-2-343-12481-0, ISBN EBOOK : 978-2-14-004985-9 «Apparition» de la Vierge Marie au Cameroun Une spiritualité pour notre temps

de Frileuze Louis Marie - Préface de Mgr Victor Tonye Backot

Le 13 mai 1986, la Vierge Marie serait apparue à Nsimalen au Cameroun durant neuf jours. Comme à Kibeho au Rwanda et dans différents autres lieux en Afrique, la Vierge Marie se fait éducatrice. Elle choisit de se rendre présente à travers des messagères. Ayant été témoin direct de ce phénomène, l’auteur a voulu analyser théologiquement ce que représente cette longue présence de Marie. (Coll. Religions et Spiritualité, 29.00 euros, 284 p.) ISBN : 978-2-343-13286-0, ISBN EBOOK : 978-2-14-004950-7 L’église et les questions de son temps

Onomo Etaba Roger Bernard

L’Église catholique romaine a décidé d’opérer une mue au sortir du concile œcuménique Vatican II. Au lendemain de cette grande messe, l’Église est désormais au rendez-vous des questions de son temps. Et face à ces questions, si elle hésite à en parler, le monde le fait à sa place ou, au moins, l’interpelle vivement. L’ensemble des questions inventoriées ici portent sur la lutte contre le réchauffement climatique, l’homosexualité, la pédophilie, la crise des vocations, le mariage des prêtres, l’ordination des femmes, etc. (Harmattan Cameroun, 25.00 euros, 234 p.) ISBN : 978-2-343-13294-5, ISBN EBOOK : 978-2-14-005051-0

Le christianisme à l’épreuve des défis socio-politiques de la région des Grands Lacs

Nsal’onanongo Omelenge Claude - Préface de Benoît Awazi Kungua

La région des Grands Lacs africains passe l’un des moments les plus sombres de son histoire. Dans un tel paysage sociopolitique morose, le christianisme doit être pensé comme force d’engagement et de libération, gage de la dissidence novatrice dans la re-construction d’une «nouvelle» région des Grands Lacs qui puisse prendre en compte les défis du présent pour construire le futur. Il apparaît urgent d’éduquer les peuples à l’éthique du changement social pour qu’advienne une nouvelle socialité de convivialité, base de la paix et du co-développement. (Coll. Églises d’Afrique, 35.00 euros, 346 p.) ISBN : 978-2-343-12948-8, ISBN EBOOK : 978-2-14-004997-2 Théologie du développement intégral (Tome 1) Herméneutique pratique de la charité

Sombel Sarr Benjamin

Cet ouvrage est une réflexion théologique sur le développement intégral. La théologie du développement y est proposée comme une herméneutique pratique de la charité. Dans une démarche analytique et historique, l’auteur montre la place et la spécificité de l’herméneutique de la charité. (Coll. Croire et savoir en Afrique, 17.50 euros, 164 p.) ISBN : 978-2-343-11021-9, ISBN EBOOK : 978-2-14-005167-8 Théologie du développement intégral (Tome 2) Fondements théoriques, praxéologie et praxis de la charité

Sombel Sarr Benjamin

Cet ouvrage jette les bases théoriques spéculatives de la théologie du développement intégral. Cette dernière s’appuie sur une théologie de la création dont il faut percevoir le lien avec l’écologie intégrale. La théologie du développement intégral appelle un travail de déconstruction et de reconstruction des paradigmes philosophiques de l’économie et du développement dans une perspective «d’enveloppement». Elle propose aussi l’humanisme africain comme fondement philosophique en vue d’un humanisme intégral. (Coll. Croire et savoir en Afrique, 18.00 euros, 168 p.) ISBN : 978-2-343-11022-6, ISBN EBOOK : 978-2-14-005192-0

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Domonguilé Evelyne Sylvie SOMÉ est née à Guéguéré, province du Ioba, dans le sudouest du Burkina Faso. Elle est religieuse dans la congrégation des Petites Sœurs de la Sainte Enfance depuis 2000. Elle est titulaire d’une maîtrise en lettres modernes (option sémiotique) et d’un CAPES en français. Elle dispense des cours de français au complexe scolaire Sainte Thérèse de Banfora.

ISBN : 978-2-343-15475-6

19 €

Domonguilé Evelyne Sylvie SOMÉ

ANALYSE ISOTOPIQUE D’UN TEXTE SACRÉ

Le Cantique des Cantiques, extrait de la Bible de Jérusalem

ANALYSE ISOTOPIQUE D’UN TEXTE SACRÉ

La sémiotique, science attachée à l’étude de la signification, n’est pas biblique. Mais puisqu’il s’intéresse aux littératures et part des textes écrits, le domaine biblique est un champ possible d’étude car la Bible nous est donnée comme un texte à lire et à décrypter. Le choix de ce livre biblique, Le Cantique des Cantiques, tient compte de sa particularité littéraire. C’est un livre poétique très riche, unique en son genre, qui célèbre l’amour avec des accents romantiques très marqués, ce qui en fait un objet littéraire intéressant. Tout le message biblique pourrait se résumer à l’amour que chante la bienaimée en ouverture du poème : « Qu’il me baise des baisers de sa bouche » ; un amour manifesté par le bien-aimé qui « bondit » et tire le désir vers l’avant. La théorie de l’isotopie, qui obéit au principe d’immanence, a permis de faire une lecture sémantique et profane de ce livre biblique sous un angle littéraire, non théologique. N’est-il pas vrai que tout texte est un intertexte et un texte en situation ?

Domonguilé Evelyne Sylvie SOMÉ

ANALYSE ISOTOPIQUE D’UN TEXTE SACRÉ Le Cantique des Cantiques, extrait de la Bible de Jérusalem