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Un commentaire vercellien du Cantique des cantiques : «Deiformis anime gemitus»
SOUS LA RÈGLE DE SAINT AUGUSTIN collection dirigée par Patrice Sicard et Dominique Poirel
Un commentaire vercellien du Cantique des cantiques : «Deiformis anime gemitus» Étude d’authenticité par Jeanne Barbet et Francis Ruello Édition critique par Jeanne Barbet Traduction française par Francis Ruello
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© 2005
F H G, Turnhout (Belgium)
Imprimé en Belgique D/2005/0095/71 ISBN 2-503-51390-5
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Introduction
Selon son propre témoignage, Thomas Gallus, abbé de Verceil († 1246) a commenté trois fois le Cantique des cantiques1. Deux de ces commentaires sont demeurés inédits jusqu’à nos jours. En revanche, un commentaire que nous désignerons par ses premiers mots Deiformis animae a été publié par Dom Bernard Pez dans le deuxième tome du Thesaurus anecdotorum novissimus2, col. 501-690, en 1721, sous ce titre un peu inattendu: «Venerabilis Thomae abbatis Vercellensis Sancti Andreae, ordinis sancti Benedicti3, Commentarius hierarchicus in Canticum Canticorum. Ex codice manuscripto Exempti Monasterii Mellicensis nunc primum in lucem productus a P. Bernardo Pez.» L’attribution à Thomas Gallus de ce commentaire a été discutée par Dom Pez lui-même et par le R.P. Gabriel Théry4; l’un et l’autre concluent que Deiformis animae est, à n’en pas douter, le premier commentaire du Cantique écrit par l’abbé de Verceil. Nous ne partageons pas leur conviction5. Selon nous, Deiformis animae ne peut pas être une œuvre de Thomas Gallus et nous allons essayer de le montrer. Cette démonstration, allant de pair avec les étapes de l’édition, devra être menée en plusieurs opéra1
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Thomas Gallus, Commentaire du Cantique des Cantiques. Texte critique avec introduction, notes et tables, par Jeanne BARBET. Préface de Mgr André COMBES, Paris, 1967 (Textes philosophiques du Moyen Age, XIV). Voir p. 109. Thesaurus anecdotorum novissimus seu Veterum Monumentorum, praecipue Ecclesiasticorum, ex Germanicis potissimum Bibliothecis adornata Collectio recentissima. Augustae Vindelicorum et Graecii, Tomus II, 1721. Dans l’Index des œuvres, imprimé au début du volume, Thomas est rendu à l’ordre des Chanoines réguliers de saint Augustin. Gabriel THÉRY, «Chronologie des œuvres de Thomas Gallus, abbé de Verceil», dans Divus Thomas. Commentarium de philosophia et theologia. Piacenza, t. 37, 1934, p. 265-277, 365-385, 469-496. Jeanne BARBET, «Un apocryphe de Thomas Gallus, le Commentaire Deiformis animae gemitus du Cantique des Cantiques», dans Miscellanea André Combes. Vol. II, Rome-Paris, 1967, p. 75-94.
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INTRODUCTION
tions sous peine d’être trop confuse. Nous procéderons d’abord à l’examen des manuscrits, chronologiquement et en commençant par le plus récent, ensuite nous examinerons les arguments de Gabriel Théry, enfin nous tenterons de confronter les textes euxmêmes, dans leur présentation, leur style et quelques points de leur doctrine.
INTRODUCTION
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I. LA TRADITION MANUSCRITE Melk, Stiftsbibliothek, 904 et son édition (M) Dom Bernard Pez assumait les fonctions de bibliothécaire en l’abbaye bénédictine de Melk6. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que, en 1721, il ait transcrit, pour l’éditer, ce commentaire contenu dans un manuscrit de sa propre bibliothèque. Nous donnerons à ce manuscrit le sigle M. C’est un recueil écrit sur papier par plusieurs mains du milieu du XVe siècle, enfermé sous un feuillet de garde qui est un parchemin remployé (fragment sur l’Eucharistie). On lit au f. 1, marge supérieure, d’une main du XVIIIe siècle: Monasterii Mellicensis lit. D 63. Il y a deux parties nettement distinctes: 1°) Les f. 1-187 contiennent plusieurs œuvres de Gerson (f. 1: De oratione et eius valore; f. 16v: Dialogus de perfectione cordis; f. 32: De statibus ecclesiasticis; f. 39v: De schismate vel de papatu contendentibus; f. 44v: Urbain V, Bulle «Ne in vinea dominicae»; f. 46: De sollicitudine ecclesiasticorum ad fratres Coelestinos. (Les titres donnés f. 77: De regulis mandatorum et f. 112: De secularium religionibus, couvrent peut-être une compilation.) 2°) Les f. 188-329, écrits par la même main et avec plus de soin que la première partie, contiennent deux textes seulement. F. 188-229v: Ps.-Isidore, Expositio super Cantica Canticorum. Ce commentaire a été édité dans la Patrologie latine, t. 117, col. 295358, sous le nom d’Haimon d’Halberstadt (= Haimon d’Auxerre), et t. 70, col. 1056-1106, sous le nom de Cassiodore. Les f. 234329 contiennent le commentaire Deiformis animae).
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Le monastère de Melk (diocèse de Passau, Basse-Autriche) fut institué en abbaye bénédictine en 1089 par le margrave Léopold III d’Autriche.
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INTRODUCTION
Le manuscrit a été abîmé par l’eau dans les angles supérieurs extérieurs. La foliotation en chiffres arabes est contemporaine; une foliotation moderne la double ou la remplace. La foliotation ancienne est continue entre les deux parties, avec cependant un décalage d’un chiffre; au début, une numérotation par pages y a été ajoutée. Cette foliotation ancienne, qui disparaît au cours du commentaire attribué à Isidore, reparaît au début de Deiformis animae avec le décalage d’un chiffre déjà existant. Le texte de Deiformis animae est écrit soigneusement, à longues lignes, trente lignes environ par page. Une main contemporaine lui a apporté de nombreuses corrections et a signalé des déplacements de cahiers (error factus in ligando, est-il écrit) qui obligent à lire: f. 234-245v, 270-281v, 246-269v, 282-329. Les cahiers, de douze feuillets, sont signés au début. En dépit du soin apporté à la confection de son manuscrit, le scribe fournit un texte mauvais où abondent les fautes et, encore que le correcteur du XVe siècle ait souvent rectifié des leçons aberrantes, il y a lieu d’admirer le parti que Dom Pez sut en tirer. Selon les principes d’édition de son époque il améliora quelque peu le texte manuscrit. Nous n’avons pas relevé ses variantes puisque nous avions la chance de posséder d’autres manuscrits et de pouvoir établir un apparat critique en dehors de toute référence à l’édition ancienne. Praha, Universitni Knihovna, 2372 (XIII.G.5) (P) Disons tout de suite que les variantes de M par rapport à notre manuscrit de base semblent prouver qu’il descend du manuscrit de Prague. L’accord des deux manuscrits contre les autres est très fréquent; mais il arrive aussi que des additions mises en marge de M par son correcteur correspondent à des omissions flagrantes de P reprises sans critique par le scribe de M. Ainsi un ut qui manque en P et en M a été remplacé en marge par un quod, conjecture du correcteur de M. Mais, s’il y a des homoiothéleuties en M dont P ne s’est pas rendu coupable, de mauvaises graphies de P ont induit en erreur le scribe de M. Nous ne prétendons
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d’ailleurs pas que M descende directement de P, mais selon nous la parenté entre eux est étroite et P est antérieur, quoique de peu. Ce manuscrit en papier, du XVe siècle7, contient: f. 1-46v: Ps. Isidore, Expositio super Cantica Canticorum8 f. 48-131v: commentaire Deiformis animae. f. 132-144: Richard de Saint-Victor, De eruditione interioris hominis, livre III (P.L. 196, 1347-1366). f. 144-166v: S. Bonaventure, De triplici via (Quaracchi 8, 3-27). Notre texte est écrit à longues lignes (32 à 36 lignes). La première initiale est ornée de filigranes. Le manuscrit est probablement d’une seule main, mais la première page du texte est écrite de façon posée alors que, dès la première ligne de la seconde page, l’écriture est plus cursive. Il y a beaucoup de fautes immédiatement corrigées, c’est-à-dire des mots erronés rayés et suivis du mot exact. Ceci, qui peut être le fait d’un scribe distrait, indique plus probablement que la copie a été faite sur un exemplaire mal écrit, difficile à lire. La composition du recueil ressemble sur un point à celle du recueil de Melk puisque dans l’un et l’autre le commentaire Deiformis animae est précédé du Commentaire «Salomon inspiratus» attribué à Isidore. Il n’y a pas de titre au début et à la fin du commentaire Deiformis animae, mais des titres courants rubriqués, avec l’indication du chapitre, sont écrits par la même main ou une main contemporaine.
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D’après JOSEPHUS TRUHLAR, Catalogus codicum manuscriptorum latinorum qui in C.R. Bibliotheca publica atque Universitatis Pragensis asservantur, vol. II, Prague 1906, p. 260-261, ce codex provient de la bibliothèque Rosenberg d’où il est passé en 1609 au monastère des Chanoines réguliers de saint Augustin de Wittingau. Voir p. 9.
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INTRODUCTION
Oxford, Bodleian Library, Laud. lat. 37 (O) Le manuscrit d’Oxford, Bodl. Laud. lat. 37 est un recueil factice composé de deux manuscrits différents réunis sous une reliure du XVIIe siècle gravée aux armes de l’archevêque Guillaume Laud. Le f. 1 porte la cote ancienne D. 106, l’ex-libris de Guillaume Laud et une note de possesseur écrite au XIVe siècle: «Liber Sancte Marie in Eberbah». Le premier manuscrit, f. 1 à 121v (XIIIe siècle), contient le texte, avec des gloses marginales, des Proverbes, de l’Ecclesiaste et du Cantique des cantiques. Elle se termine par un feuillet de garde blanc coupé à la moitié. Le deuxième manuscrit est protégé par une garde en parchemin remployé (f. 122) qui porte au recto et au verso un fragment de Quodlibet. Le commentaire Deiformis animae occupe les f. 123 à 183. Nous désignerons ce manuscrit par le sigle O. Il est en parchemin (seconde moitié du XIVe siècle). Le texte est écrit sur deux colonnes dont le nombre de lignes est assez variable (environ 45). On a détaché les phrases du Cantique en les écrivant en plus gros module. Seuls les numéros des chapitres, écrits en chiffres romains, sont donnés en titres courants. L’initiale du texte est rouge avec des filigranes violets. L’exemplaire O fournit une parfaite certitude quant à son origine. Non seulement il provient de la Chartreuse de Mayence, comme en fait foi la note de possesseur écrite par une main du XVe siècle dans la marge inférieure du f. 123 («Iste liber est Carthusiensis domus Sancti Michaelis prope Magunciam»), mais il y a été écrit. Le scribe a ajouté au f. 181v, dans la marge supérieure, une précision: «Iste liber est Carthusiensis domus Montis Sancti Michaelis prope Magunciam et scripsit eum frater Ulricus dictus Meynfrid9.»
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La Chartreuse de Mayence, fondée par l’archevêque Pierre Archspalt, portait le nom de Val Saint-Pierre; elle fut ensuite transférée à la Maison SaintMichel. Elle fut brûlée vers 1555. Deux de ses manuscrits recueillis par le monastère cistercien d’Eberbach entrèrent dans la bibliothèque de Guillaume Laud (MADAN, Cat., vol. II, part. 1, p. 15).
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Le titre a été ajouté, dans la marge supérieure du premier feuillet, par une main de peu plus récente10. Un lecteur a brièvement annoté le texte en divers endroits d’une écriture plus cursive mais ressemblant beaucoup à celle du titre et, comme celuici, avec une encre plus noire que celle du scribe. Ce lecteur ne doit pas être confondu avec le correcteur. À ce dernier nous sommes redevables de l’addition en marge de quelques mots oubliés, écrits de la même encre, un peu pâle, que celle du texte. Peut-être estce lui aussi qui a ajouté en marge du f. 161v une petite note qui localise bien le manuscrit; il a voulu aider à comprendre le véritable sens à cet endroit du mot nisi et pour ce faire en a donné la traduction allemande nisus, nisi, ein sperwer vulgo dicitur. C’est en effet de l’épervier qu’il est question dans ce passage: sperber. Napoli, Biblioteca nazionale, VII A.38 (N) Ce manuscrit de la fin du XIIIe siècle, dont l’écriture et l’initiale peinte sont nettement italiennes, avait toutes les raisons d’attirer notre attention. Écrit sur parchemin, à longues lignes (40 lignes par page) avec beaucoup de soin par une seule main, il contient, aux f. 1-43v, un texte dont le début manque, qui porte ce titre écrit dans la marge supérieure par une main plus récente: Speculum beate Virginis Marie super eius angelica salutatione, puis aux f. 44-109v, le commentaire Deiformis animae dont manque la fin11. La coupure se fait en fin de cahier. Il reste 11 quinions sans signature, avec réclames. La justification et les lignes sont tracées très finement à la mine de plomb. La foliotation est moderne. Dans les deux œuvres le texte glosé est souligné en rouge, et les majuscules rehaussées de rouge. La lettre ornée, un A, contient sur fond d’or la figure du roi Salomon portant un livre. Elle est peinte en bleu, rose, vert et orange avec des filigranes noirs qui
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A propos de ce titre, voir plus bas, p. 63. P. 538-554.
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s’étendent dans les marges et supportent des boules d’or. Le parchemin très fin et blanc a été rongé, par l’humidité probablement, sur des parties écrites. La reliure, moderne, est en parchemin, avec une feuille de garde en papier au début et à la fin. Elle porte au dos le titre De Visita. B. Mar. rayé, puis une cote LXII et enfin Theor. sup. Cantic. Cantic. La tranche est mouchetée. On a légèrement rogné le manuscrit. Le f. 1 porte une cote ancienne 99, mais malgré cette indication la provenance du manuscrit est inconnue12. N présente une particularité très intéressante. Il est le seul, en effet, à donner une préface au texte du Commentaire. Cette introduction est appelée dans le titre, écrit par la même main que le texte: «Introitus super theorias ex Canticis Canticorum.» Elle commence par les mots «Aufer rubiginem de argento...» et occupe deux pages pleines et un quart de page. Nous en étudierons plus loin le contenu. Après les mots «Explicit introitus» vient le titre du Commentaire: «Incipiunt mentales theorie super Cantica Canticorum Salomonis.» Ce mot theoria est employé au début de chaque chapitre du Cantique et leur sert de titre: Theorie secundi, Theorie super tercium, Theoria quarti, Theoria quinta, Theoria sexti, Theorie super VIIm, Theorie super octavum. On voit que la façon d’employer le mot varie, mais le mot lui-même est constant. À lui seul son emploi, au lieu du simple Capitulum primum, secundum, etc. des autres manuscrits, pose des problèmes. Est-ce là le titre que l’auteur a donné luimême à son œuvre? Dans ce cas, en quel sens faut-il l’entendre? Nous laisserons de côté, pour le moment, ces questions qu’il sera intéressant d’examiner en même temps que les points de doctrine, car le mot theoria donné en titre est un véritable programme. Nous nous contenterons d’indiquer les autres traits qui différencient très nettement N des trois autres manuscrits.
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Nous avons examiné nous-même le manuscrit à la Bibliothèque nationale de Naples, ainsi que les catalogues manuscrits de cette bibliothèque. On suppose qu’il provient de l’un des couvents supprimés, sans pouvoir préciser davantage.
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Tout d’abord il faut signaler le soin avec lequel il donne, en marge et de la main du scribe, les références des citations dionysiennes. Ce soin va de pair avec une façon de citer Denys plus littérale et plus exacte que les autres. Puis, et l’apparat fait apparaître nettement la chose, N est très souvent en désaccord avec le groupe O P M. Il a des mots qui lui sont propres. Ainsi inebriari et tous les composés sont-ils toujours remplacés par debriari, animus est très souvent donné contre anima. Il y a, ce qui est plus sérieux, des omissions, additions ou tournures différentes portant sur plusieurs mots, sans altérer gravement le sens mais donnant parfois des nuances de pensée. Pourtant certaines de ces variantes sont des fautes et rendent le texte plus qu’obscur. Mais ceci n’empêche pas N d’être un bel exemplaire de notre texte dont les pages de l’Introitus sont presqu’entièrement lisibles. En bref, nous constatons que l’histoire de ces quatre manuscrits de Deiformis animae n’offre aucune complication grave. Nous la résumerons par ce stemma approximatif, qui porte également des indications sur la paternité de l’œuvre:
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D’où il ressort que c’est seulement au début du XVe siècle que la paternité de Deiformis animae est donnée à l’abbé de Verceil, et par un autre que le scribe, ce qui prouve que l’exemplaire copié par celui-ci ne l’attestait pas. En outre cette attribution a été faite en Allemagne, dans une branche nettement différenciée du manuscrit italien. Nous n’ignorons pas combien sont fragiles des déductions que la découverte d’un manuscrit nouveau peut réduire à néant. Aussi ne présentons-nous celles-ci qu’à titre négatif et nous conclurons ce rapide examen des manuscrits en notre possession par une prudente constatation: la tradition manuscrite ne nous contraint pas à dire que le commentaire Deiformis animae soit une œuvre de Thomas Gallus.
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II. CRITIQUE D’AUTHENTICITÉ Les arguments de Pez, l’éditeur de Deiformis animae, se réduisent à entériner l’attribution du texte faite dans l’unique manuscrit qu’il avait à sa disposition, celui de Melk, à un Vercellensis, puis à identifier ce personnage avec Thomas, abbé de Saint-André de Verceil, auteur des célèbres Extractiones des livres de Denys dont un exemplaire ornait la bibliothèque de son abbaye. Nul argument de critique interne ne vient étayer ce que Dom Pez considère comme une haute probabilité (neque enim prudenter dubitari potest). Dans la préface du recueil13, Pez consacre les pages XVII et XVIII à Deiformis animae. Il y fait, chose curieuse, la critique du titre que nous avons transcrit plus haut14, et dont pourtant on pourrait penser qu’il est l’auteur. Nous n’avons qu’à suivre ses arguments. a) Il précise que la seule indication sur l’auteur donnée par son manuscrit est celle-ci: Incipit Vercellensis super Cantica Canticorum. Il ne donne pas la date de son manuscrit mais dit que c’est un manuscrit de papier. b) Il indique que l’abbaye de Verceil n’était pas bénédictine, mais appartenait aux chanoines réguliers de saint Augustin, encore qu’il y ait eu une abbaye bénédictine dans le diocèse de Verceil; il ajoute que Thomas Gallus n’était pas bénédictin15. 13 14 15
Ref. p. 5, n. 2. Voir p. 5. Il faut donc penser que Pez n’est pas l’auteur de cette note écrite par une main du XVIIIe siècle au début du texte: «Nota. Sequentis insignis Commentarii in Cantica genuinus auctor est Thomas Abbas S. Andreae Vercellis ord. S.P. Benedicti teste Oudino in Supplem. Script. Eccl. Belarmini pag. 678.» Le titre écrit au début par la même main ne serait pas non plus de lui. Ce n’est d’ailleurs que la reproduction du titre donné à l’Explicit.
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INTRODUCTION
c) Il rappelle que l’abbaye de Melk possède un exemplaire d’un commentaire de la Théologie mystique de Denys qui est, au témoignage de son copiste Jean de Weylhaim, l’œuvre de Thomas Gallus16, et ajoute qu’on ne peut douter que le commentaire du Cantique qu’il édite soit du même auteur17. d) Enfin, il justifie le titre «Commentarius hierarchicus» donné à ce commentaire du Cantique, en rapportant que, d’après Casimir Oudin, un manuscrit du même commentaire, gardé au Collège Saint-Benoît de Cambridge sous la cote 40, porte le titre «Commentarium super Cantica Canticorum hierarchice exponens haec Cantica». Il est exact qu’un texte y reçoit ce titre très caractéristique de son contenu: «Incipit prohemium super Cantica Canticorum hierarchice exposita secundum T. abbatem vercel-
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Ce ms., coté alors G. 23, est le 363 actuel de la bibliothèque abbatiale de Melk; il fut écrit par Jean de Weilaim (ou Weylhaim), moine et plusieurs fois prieur de Melk. On en trouve la description détaillée dans: Gabriel THÉRY, «Catalogue des manuscrits dionysiens des bibliothèques d’Autriche», dans AHDLMA, 11, 1937-1938, p. 113-120. Outre le commentaire de la Théologie mystique par Thomas Gallus, il contient celui qui est attribué à Hugues de Saint-Victor, celui de Robert Grossetête, le Corpus dionysien entier et enfin l’Extractio de Thomas Gallus. Jean de Weilaim commence la copie du commentaire de Thomas Gallus sur la Théologie mystique par ces mots: In Iesu Christi pro nobis nomine nati. 1455 et termine: Explicit expositio abbatis sancti Andree Vercelensis super misticam theologiam 10 januarii. «Commentarii in Cantica, quem hic edimus auctorem Abbatem fuisse Monasterii S. Andreae Vercellis, tametsi in nostro Codice tantum Vercellensis dicatur. Neque enim prudenter dubitari potest auctorem hunc Vercellensem Commentarii Hierarchici in Cantica et auctorem Extractionum Commentariorum in Mysticam Theologiam Dionysii, de quibus infra, unum atque eundem esse. Atqui Commentaria in Mysticam Theologiam Dionysii certissime sunt Abbatis Vercellensis ad S. Andream. Ut enim de aliarum bibliothecarum Codicibus, jam nihil dicamus, in Codice Mellicensi signato lit. G, num. 23, anno 1455, manu nostri Johannis de Weylhaim viri docti et accurati disserte explicit Expositio Abbatis S. Andreae Vercellensis super Mysticam Theologiam. Igitur nihil planius esse potest, quam hujus Expositionis in Mysticam Dionysii Theologiam et Commentarii nostri Hierarchici in Cantica unum omnino eundemque esse conditorem.»
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lensem», mais c’est le deuxième commentaire du Cantique par Thomas Gallus. Il est contenu dans le manuscrit de Cambridge, Corpus Christi College 314, que nous avons décrit et édité18. On voit que la notice très circonstanciée consacrée à Thomas Gallus n’apporte pas d’argument réel en faveur de l’authenticité vercellienne. Le rapprochement avec le manuscrit 363 de l’Explanatio Mysticae Theologiae transcrit par Jean de Weylhaim n’est pas une preuve; tout au plus pourrait-il être une présomption si notre manuscrit 904 était l’ouvrage du même savant copiste. En réalité, M a dû être transcrit à la même époque, vers le milieu du XVe siècle, mais il ne porte pas de date ni de nom de copiste, ce qui est tout à fait contraire aux habitudes de Jean de Weylhaim. Cependant, ce rapprochement offre l’intérêt de nous montrer une fois de plus l’importance des écrits mystiques de Thomas Gallus dans les milieux monastiques à cette époque, puisque l’attribution à l’abbé de Verceil du commentaire Deiformis animae n’a pas été imaginée par Pez: c’est le scribe de Melk qui a écrit lui-même au folio 329: Explicit Vercellensis super Cantica Canticorum. Dans le chapitre qu’il consacre au premier commentaire de Thomas Gallus sur le Cantique19, Gabriel Théry fait tout d’abord état d’une citation apportée en 1459 par Bernard de Waging dans son Defensorium Laudatorii Doctae Ignorantiae20, et attribuée par
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Thomas Gallus. Commentaires du Cantique des Cantiques, p. 34-38 et 63-104. En effet, la cote 40 correspond à la cote actuelle 314 de la table de concordance que donne l’introduction du catalogue de Corpus Christi College. M. R. JAMES, Ancient Libraries of Canterbury and Dover..., Cambridge, 1903, p. L. «Chronologie...», p. 477-484. E. VANSTEENBERGHE, Autour de la Docte Ignorance. Une controverse sur la théologie mystique au XIVème siècle, Münster i.W., 1915 (Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, XIV, 2-4). Le texte est édité, d’après deux manuscrits de Munich, dans les Documents, p. 169-188. Le passage qui nous intéresse est p. 182; il compte douze lignes qui correspondent à Deiformis animae p. 152: Bene ergo per noctes... tenebrescere. Constatons en passant que l’exemplaire de Deiformis animae que le prieur de Tegernsee avait sous les yeux était proche de nos manuscrits P et M, avec cependant quelques
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INTRODUCTION
l’auteur à l’abbé de Verceil. Nous avons vérifié le fait et constaté son exactitude. Ainsi (les manuscrits d’ailleurs nous l’avaient appris) au milieu du XVe siècle Deiformis animae était déjà attribué à Thomas Gallus. Mais nous nous étonnons que le témoignage de Bernard de Waging ait pu avoir une valeur probante aux yeux de Gabriel Théry qui écrivait dans une de ses études vercelliennes21: «Dans une lettre adressée à Nicolas de Cues, Bernard de Waging regarde [le traité De septem gradibus contemplationis] comme l’œuvre de s. Bonaventure. Cette attribution ne peut être retenue d’aucune manière.» Aussi bien n’est-ce pas sur ce témoignage qu’il fait porter l’essentiel de son argumentation. Pour lui la «preuve» dernière et irréfutable de l’authenticité porte sur l’usage abondant qui est fait des œuvres de Denys dans ce commentaire. Nous croyons nécessaire d’insister fortement sur ce point. Il est indéniable que, tel Thomas Gallus commentateur du Cantique, l’auteur de Deiformis animae a très bien connu Denys et l’a constamment cité dans son œuvre. Mais il ne suffit pas d’une telle constatation pour conclure à l’identité des deux auteurs. Rien n’empêche que, à une même époque, deux écrivains utilisent dans une œuvre de même genre (ici, une œuvre de mystique) un même auteur considéré depuis plusieurs siècles comme une très haute autorité en la matière. Le contraire plutôt serait étonnant. Mais s’arrêter à ce seul fait est tout à fait insuffisant. Il est absolument nécessaire de prendre en considération la façon de citer, le cas fait par l’écrivain de l’auteur qu’il cite, la fréquence des citations, les passages choisis, et surtout la compréhension de ces passages révélée par l’usage qui en est fait.
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variantes, si toutefois les manuscrits du Defensorium ont fidèlement transmis le texte. On peut donc inférer l’existence à Tegernsee au XVe siècle d’un exemplaire portant l’attribution à Thomas Gallus. Gabriel THÉRY, «Thomas Gallus et Égide d’Assise», dans Revue néoscolastique de philosophie, t. 36, Louvain, 1934, p. 183.
INTRODUCTION
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Nous avons essayé de serrer d’un peu plus près ces divers éléments d’appréciation. Et tout d’abord le plus simple, le plus brutal. Gabriel Théry a voulu étayer sa thèse sur une énumération des citations dionysiennes explicites qu’il a relevées dans l’édition de Pez. Il en compte 108 (il y en a en réalité 130 dans le texte). Puisqu’il en tire un argument, nous pensons pouvoir nous livrer à la même opération sur le troisième commentaire22 où nous trouvons 441 citations explicites. Une fois engagée sur cette voie arithmétique, nous avons effectué une réduction au même dénominateur de la longueur des deux commentaires, opération qui nous amène à conclure que le troisième commentaire de Thomas Gallus cite Denys environ cinq fois plus que Deiformis animae Cette argumentation serait enfantine si elle ne nous amenait à construire une statistique combien plus éclairante. Il s’agit cette fois de savoir si les mêmes livres de Denys sont cités et dans quelle proportion. Voici, en regard et par ordre décroissant, les chiffres donnés par le P. Théry (auxquels nous joignons les chiffres de la présente édition) et ceux que nous avons relevés dans le troisième commentaire. Deiformis animae Noms divins (D.N.) Hiérarchie céleste (C.H.) Hiér. ecclésiastique (E.H.) Théologie mystique (M.T.) Épitres (Ep.)
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34 (41) 30 (30) 26 (37) 11 (11) 7 (11)
troisième commentaire Noms divins (D.N.) 155 Hiérarchie céleste (C.H.) 158 Théologie mystique (M.T.) 69 Hiér. ecclésiastique (E.H.) 35 Épitres (Ep.) 24
On comprendra que nous prenions comme point de référence le troisième plutôt que le deuxième commentaire. L’analyse que nous avons faite (Thomas Gallus. Commentaires..., Introduction) montre que le dernier Commentaire du Cantique de Thomas Gallus est une œuvre achevée et définitive qui, loin de rien renier de la précédente, en est extrêmement proche. Tous les points sur lesquels nous allons faire porter la comparaison entre Deiformis animae et le troisième Commentaire donneraient en gros le même résultat si nous prenions le deuxième Commentaire.
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INTRODUCTION
On voit que la proportion de citations tirées de chaque livre dionysien est assez différente. Le troisième commentaire utilise moins l’Ecclesiastica hierarchia, sensiblement plus la Mystica theologia. Il serait fastidieux de continuer ces calculs en les faisant porter cette fois sur les passages cités. Mais nous avons voulu contrôler la différence considérable d’utilisation de la Hiérarchie ecclesiastique dans les deux ouvrages. Elle est plus importante encore qu’il y paraît dans les chiffres car, pratiquement, le troisième commentaire ne cite que très peu de passages de l’Ecclesiastica hierarchia. Ce sont toujours les mêmes citations très brèves, trois ou quatre mots amenés par appel verbal sans lien très étroit avec le sens profond du passage glosé dans le Cantique23. Au contraire, Deiformis animae donne de l’Ecclesiastica hierarchia des citations longues, variées et circonstanciées. En revanche, un passage du De divinis nominibus, VII («Est divinissima Dei cognitio que est per ignorantiam cognita...») est cité 27 fois dans le troisième commentaire et il est évident que cette citation revêt pour Thomas Gallus l’importance d’un programme. Or Deiformis animae le cite une fois seulement. Le fréquent rappel de ce passage dionysien par Thomas Gallus et sa faible utilisation en Deiformis animae ne sont pas l’effet d’un hasard, mais la conséquence des doctrines respectives des deux auteurs sur l’essence même de la vie mystique. Encore qu’il nous faille pour cela anticiper sur l’exposé des principaux aspects de la doctrine professée par l’auteur de Deiformis animae, nous ne pouvons pas nous dispenser de donner ici quelque éclaircissement sur un fait aussi marquant. Pour l’abbé de Verceil, le sommet de la vie mystique est atteint au niveau du séraphin de l’âme et plus précisément au plus haut degré de cet ordre, quand jaillit l’étincelle de la syndérèse (scintilla synderesis)24. Or ce sommet se situe dans un ordre où toute
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Par exemple: fortis est ut mors dilectio (Cant. 8,6) appelle: mors est in nobis non substantie consumptio (E.H. II) qui n’est ici qu’une brève digression. Voir Thomas Gallus. Commentaires..., p. 56-60.
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activité de l’intellect cesse. En effet, jusqu’à l’ordre du chérubin de l’âme, l’affectus et l’intellectus vont de pair, mais dès l’entrée dans l’ordre du séraphin, seul l’affectus est capable de l’union avec Dieu. Il n’y a donc plus, à ce degré, de connaissance intellectuelle et la parole de Denys trouve sa pleine application car il ne peut plus s’agir que d’une «connaissance par ignorance». Nous le verrons, l’auteur de Deiformis animae a une tout autre conception de la vie mystique de l’âme juste. Pour lui, c’est l’intelligence qui est l’instrument de l’union avec Dieu, et par intelligence il entend l’affectus et l’intellectus, agissant chacun dans sa sphère mais également et conjointement, et ceci jusqu’aux dernières limites des possibilités de l’unition. Nous touchons ici du doigt l’importance que revêt le choix des références dionysiennes dans les commentaires de Thomas Gallus d’une part et en Deiformis animae d’autre part. Il ne convient donc pas de faire des statistiques par goût des chiffres. On vient de le voir, le nombre de fois où paraît une citation donnée est moins important que la valeur de cette citation et le rôle qui lui est imparti dans le contexte entier de l’ouvrage. La même comparaison, portant cette fois sur les citations scripturaires, donne des résultats analogues. Les chiffres sont fastidieux. Il est pourtant instructif, pour connaître la façon dont nos exégètes commentent leur texte, de savoir que le troisième commentaire contient 1015 citations de l’Écriture alors que Deiformis animae en apporte 186. Il est plus intéressant de constater que l’évangile de saint Jean est cité 28 fois dans le troisième commentaire alors qu’il est absent de Deiformis animae, lequel pourtant apporte 10 citations de saint Mathieu25. Une petite remarque s’impose. Le passage du chapitre 5 au chapitre 6 du Cantique n’est pas fait au même endroit en Deiformis
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Saint Mathieu n’est pas absent du troisième Commentaire. Nous voulons seulement souligner que les deux textes ne sont pas fondés sur le même évangile et que ce fait revêt très probablement une signification doctrinale.
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animae et dans les deux derniers commentaires vercelliens. En Deiformis animae la coupure est celle qui a été adoptée non sans quelques résistances au cours de la première moitié du XIIIe siècle26, cependant que Thomas Gallus conservait la coupure plus ancienne selon laquelle le verset dix-septième et dernier du chapitre 5 est le premier du chapitre 6. Il y aurait probablement lieu de tenir compte de ce détail pour dater Deiformis animae. Nous venons de parler du nombre et du choix des citations de l’Écriture sainte et des œuvres de Denys contenues respectivement en Deiformis animae et dans le troisième commentaire. Il nous faut maintenant aborder un autre problème, celui de la valeur qu’attribuent les deux auteurs aux autorités scripturaires et dionysiennes. Le P. Théry n’a pas ignoré cette question; il l’a tranchée. «Cette hantise de Denys, écrit-il, cette idée qu’entre Denys et l’Écriture sainte il n’y a pas de solution de continuité, du point de vue doctrinal, ce rapprochement entre le Cantique des cantiques – exemple concret du degré le plus élevé de la vie mystique – et les ouvrages de Denys – théorie de cette vie mystique – sont pour nous les signes les plus évidents que ce commentaire Deiformis animae est bien l’œuvre de Thomas Gallus27.» Les deux affirmations de cette phrase ne semblent pas pouvoir résister à un examen poussé des textes. La première qui retiendra notre attention concerne les positions respectives de Denys et de l’Écriture dans les deux commentaires. Selon Gabriel Théry, «entre Denys et l’Écriture sainte il n’y a pas de solution de continuité du point de vue doctrinal», dans le commentaire Deiformis animae comme dans les commentaires certainement authentiques de Thomas Gallus. Nous dirons tout d’abord que cette idée n’est exprimée aussi explicitement ni dans l’un ni dans l’autre ouvrage. Mais nous constatons que Thomas Gallus ne met en effet aucune différence entre sa manière de citer l’Écriture et celle de citer
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Voir P. C. SPICQ, Esquisse d’une histoire de l’exégèse latine au Moyen Age, Paris, 1944, p. 163. «Chronologie...», p. 480.
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Denys, cependant que l’auteur de Deiformis animae marque une nette différence dans la forme. Ce dernier cite littéralement l’Écriture qu’il appelle souvent, de façon très dionysienne, Theologia, généralement avec un qualificatif: bona, vera, toutes expressions absentes du troisième commentaire dont l’auteur, d’ailleurs, prend de grandes libertés avec la lettre du texte sacré28. En revanche Denys qui est, en Deiformis animae, beatus, sanctus, voire divinus, n’est jamais nommé theologus29, et nous croyons que son autorité, pour grande qu’elle soit, n’est pas celle d’un auteur inspiré. C’est une autorité privilégiée certes, et nous devons nous demander pourquoi l’auteur lui a donné une telle place. Sans vouloir présumer pour le moment d’une antériorité des commentaires vercelliens sur Deiformis animae, nous ne pouvons que remarquer une profonde ressemblance entre les deux œuvres sur ce point précis de la référence constante au Pseudo-Aréopagite. C’est, croyons-nous, la seule parenté qui les unit, mais elle est assez importante pour être examinée de près. En effet, si nous avons signalé, à juste titre pensons-nous, que Thomas Gallus cite Denys beaucoup plus abondamment et l’utilise de façon très différente et beaucoup plus systématisée, il reste que l’auteur de Deiformis animae fait appel à l’autorité dionysienne d’une façon habituelle. Mais, alors que l’intention nettement visible de Thomas est de donner à son exposition du Cantique une dimension théologique au sein même de la «mystique pratique» dont le livre de Salomon est la charte, il apparaît que le commentaire Deiformis animae, en dépit de ses nombreuses et importantes références dionysiennes, est une exposition de type purement pratique30. L’esprit dans lequel Denys est cité en est certainement affecté. 28 29
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Il coupe arbitrairement des passages, les accommode, les introduit dans son propre texte, en change les cas et les modes selon le tour de sa phrase. Cependant il faut nous garder de trop presser le sens de ce dernier nom. L’auteur de Deiformis animae l’applique à André de Crète, voir p. 274. Sur Denys disciple de Paul, voir p. 209. Nous exposerons nos raisons sur ce point plus loin, lorsque nous donnerons une rapide vision de la doctrine de Deiformis animae.
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La deuxième affirmation du P. Théry est plus contestable encore. Il s’agit du «rapprochement entre le Cantique des cantiques – exemple concret du degré le plus élevé de la vie mystique – et les ouvrages de Denys – théorie de cette vie mystique31.» Un tel rapprochement et les définitions données du Cantique et du livre de la Théologie mystique existent bien chez Thomas Gallus. Trois fois au moins il les rappelle32. Rien de tel en Deiformis animae. Certes l’auteur se sert des œuvres de Denys pour expliquer le Cantique des cantiques, mais en aucun endroit il ne fait cette distinction fondamentale entre une «théorique» de la sagesse supraintellectuelle qui serait enseignée dans le livre de la Théologie mystique et une «pratique» dont on trouverait l’exemple concret dans le Cantique de Salomon. Ces formules propres à Thomas Gallus, Gabriel Théry les a transportées dans son interprétation de Deiformis animae, donnant ainsi un sérieux coup de pouce à la thèse de l’authenticité. Résumons les arguments proposés en faveur de celle-ci. Bernard de Waging, en 1459, attribue Deiformis animae à l’abbé de Verceil. L’auteur de Deiformis animae cite abondamment Denys. Ce faisant il rapproche le Cantique des cantiques et l’œuvre dionysienne. Enfin, Pez édite le texte sous le nom de Thomas Gallus en 1721. Le P. Théry concluait alors: «L’examen des manuscrits confirmerait, s’il en était besoin, l’authenticité de cette œuvre33.» 31 32
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«Chronologie...», p. 480. «Sapientia precipue docetur in Mystica Theologia quantum ad theoricam, [...] quantum vero ad practicam in Canticis Canticorum». (Explanatio, IV.) «Theorica specialiter tractatur in Mystica Theologia et practica in Canticis». (Explanatio super hierarchiam ecclesiasticam, V). «Ex doctrina Apostoli, magnus Dionysius Areopagita theoricam superintellectualis sapientie scribit... in libello qui inscribitur Mystica Theologia. In hoc autem libro, scilicet Cantico Canticorum, Salomon tradit practicam eiusdem mystice theologie.» (Prol. des deuxième et troisième Commentaires.) «Chronologie...», p. 481. Rappelons, puisque nous avons examiné les manuscrits, que deux d’entre eux (ceux du XVe siècle) donnent cette attribution dès l’origine, qu’une main du début du XVe siècle l’a ajoutée sur celui du XIVe siècle et que le plus ancien (XIIIe siècle) ne porte aucun nom d’auteur. Ces faits ne justifient pas un tel optimisme.
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Nous croyons avoir montré que ces arguments ne forcent pas l’adhésion. Il reste à examiner la façon dont Gabriel Théry, convaincu désormais qu’il possède en Deiformis animae le premier commentaire du Cantique des cantiques écrit par Thomas Gallus, en détermine la date avec, selon sa propre expression, «une vraisemblance quasi probante34». Avant tout, précisons bien notre position. Nous ne nions absolument pas qu’il y ait eu, avant les deux commentaires du Cantique dont nous acceptons sans réserves l’authenticité, un premier commentaire, et nous accueillerons favorablement tout argument tendant à dater cette œuvre, dont l’existence est parfaitement attestée35, à condition qu’il n’émane pas d’un texte dont nous suspectons qu’il soit de Thomas Gallus, à savoir Deiformis animae. Au surplus, nous allons voir que sa conviction préalable de l’authenticité a entraîné le P. Théry à se servir d’arguments qui se retournent contre elle et apportent un supplément de force à notre doute. Ces arguments sont au nombre de quatre. Le premier porte sur l’exégèse en Deiformis animae d’un passage du chapitre III des Noms divins racontant la réunion des Apôtres à Jérusalem: «Parce que, devant nos hiérarques acceptés de Dieu, lorsque nous aussi, tu le sais, et beaucoup d’autres de nos saints frères, nous nous sommes réunis pour voir le corps, principe de vie, qui reçut Dieu lui-même, Jacques, frère de Dieu, ainsi que Pierre, la plus haute sommité des théologiens. On décida ensuite, après avoir vu ce corps, que tous les hiérarques loueront, selon qu’il serait capable, la bonté infiniment puissante de la faiblesse théarchique36.» Ce texte a été inter-
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«Chronologie...», p. 481-484. Voir plus haut, p. 5. n. 1. «Quoniam et apud ipsos Deo acceptos hierarchas quando et nos, ut nosti, et multi alii sanctorum nostrorum fratrum convenimus ad visionem corporis vite principis, quod et Deum suscepit. Aderat autem et frater Dei Iacobus, et Petrus, summa et provectissima theologorum summitas. Postea visum est, post visionem, ut universi hierarche laudarent, sicut unusquisque sufficiens erat infinite virtutis bonitatem thearchice infirmitatis». Nous donnons le texte tel qu’il est cité par l’auteur de Deiformis animae, p. 274. Cf. Dionysiaca, t. I, p. 1352-l364.
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prété de deux façons par la tradition. En gros, pour les Grecs il s’agit d’une réunion des Apôtres à l’occasion de la dormition de la Vierge; pour les Latins, d’une réunion au tombeau du Christ. Ce n’est pas ici le lieu de discuter ces interprétations. Disons qu’au Moyen Âge elles étaient encore controversées. Saint Thomas d’Aquin rapporte les deux sans prendre position37. Saint Albert le Grand adopte l’interprétation grecque38. C’est aussi celle que nous trouvons en Deiformis animae: «On déduit de ces paroles que le bienheureux Denys, avec les autres saints frères et Jacques et Pierre se réunirent pour voir le corps, principe de vie, qui reçut Dieu, et qu’ils assistèrent à l’assomption corporelle de la divine mère. Et c’est ce que pense également le divin théologien, André de Crète, comme l’atteste son exposé de ce passage39.» L’autorité d’André de Crète est invoquée. Nous ne savons pas pourquoi le P. Théry identifiant ici cet André avec Maxime, renvoie aux Scholies de ce dernier, avec référence à la Patrologie grecque, t. IV, col. 236 B-C40 où l’interprétation de ce passage des Noms divins est en effet conforme à la tradition grecque. L’attribution à André de Crète est juste. Il s’agit d’une des homélies In dormitionem beatae Mariae Virginis, où le texte dionysien cité en Deiformis animae est entièrement rapporté41. Mais là n’est pas l’intérêt. L’important est que dans l’Extractio et dans l’Explanatio des Noms divins42, Thomas Gallus adopte l’interprétation latine. D’où la conclusion de Gabriel Théry: «Dans 37 38 39
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S. THOMAE AQUINATIS, In librum Beati Dionysii De Divinis Nominibus Expositio. éd. PERA, Turin-Rome, 1950, p. 70, n° 255. Cf. ms. Paris, Bibl. Mazarine 873, f. 128d. «Attendendum est igitur ex hiis verbis quoniam nihil aliud est beatum Dionysium, cum aliis sanctis fratribus et Iacobo et Petro, ad visionem corporis vite principis quod Deum suscepit, convenisse, nisi corporali assumptioni divine matris interfuisse. Quod et Andree Cretensi divino theologo visum est, sicut eius super hunc locum expositio testatur», p. 274. Un peu plus loin l’auteur parle encore de l’Assomption de la Vierge. «Chronologie...», p. 482. P.G. t. 97, col. 1061 B-C. Extractio: Dionysiaca, t. I, p. 680; Explanatio: manuscrit de Vienne 695, f. 45v.
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son commentaire Deiformis animae du Cantique, Thomas Gallus adopte donc une opinion qu’il ne reproduira plus, ni dans l’Extractio, ni dans l’Explanatio; et ce commentaire a donc été écrit certainement avant ces deux œuvres43.» Peut-être pourrait-on tirer de cette sérieuse divergence une autre conclusion. Le deuxième argument porte sur une habitude de Thomas Gallus, si constante dans toute son œuvre qu’elle apparaît presque, plus qu’une méthode de travail, un élément de sa psychologie. Il s’agit du renvoi à ses propres ouvrages. Or non seulement l’auteur de Deiformis animae ne se cite pas lui-même à la première personne, selon l’une ou l’autre des formules chères à Thomas, mais il ne rapporte aucune citation implicite de l’œuvre de ce dernier44. Gabriel Théry tient compte de cette anomalie et nous ne pouvons nous dispenser de rapporter son raisonnement: «Nous avons vu plus haut combien fréquemment Thomas renvoie à ses propres ouvrages: à son commentaire sur Isaïe, à son Extractio, à ses gloses, à son Explanatio, à ses Concordances. Or, chose à remarquer, dans ce commentaire sur le Cantique, où il cite Denys environ 120 fois, jamais il ne fait allusion à ses commentaires, ni à l’Explanatio naturellement, ni à l’Extractio (1239), ni à ses gloses sur la Hiérarchie Céleste (1224); et nous sommes fortement enclin à déduire de ce silence – qui prend une signification réelle étant donné, d’une part, le nombre des citations de Denys et, d’autre part l’habitude de Thomas de Verceil de rappeler ses propres écrits – que le commentaire Deiformis animae est antérieur à tous ces commentaires, antérieur par conséquent à 122445.» Ce raisonnement souffre d’une lacune grave. Si nous admettions que Deiformis animae fût antérieur à toutes les œuvres de 43 44
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«Chronologie...», p. 483. On pourrait voir des allusions à l’Explanatio dans quelques passages mais, outre qu’elles ne sont pas convaincantes et qu’elles restent implicites, ce qui constituerait sous la plume de Thomas Gallus une anomalie, elles apporteraient, si elles étaient vérifiées, la preuve que Deiformis animae ne peut pas être le premier Commentaire vercellien, puisque l’Explanatio a été commencée vers 1241, le deuxième Commentaire étant de 1238. «Chronologie...», p. 483-484.
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Thomas Gallus, y compris les gloses sur la Hiérarchie céleste datées de 1224 par le P. Théry46, nous ne verrions aucune raison pour ne pas faire entrer en ligne de compte le Commentaire sur Isaïe dont la date, 1218, est solidement attestée par Thomas lui-même en maints passages de ses œuvres postérieures. Il est d’autant plus difficile d’écarter ce commentaire qu’il joue un rôle primordial dans la construction des deuxième et troisième commentaires sur le Cantique47. Or il faut bien constater que Deiformis animae ne cite pas le Commentaire sur Isaïe. Et pourtant le chapitre VI du prophète, qui fait l’objet du long passage de ce commentaire inséré par Thomas Gallus lui-même dans l’Explanatio de la Hiérarchie céleste au chapitre X, est cité trois fois en Deiformis animae. C’eût été l’occasion pour l’abbé de Verceil de rappeler cette œuvre dont il gardait une juste fierté; mais les trois citations sont faites exactement comme le sont toutes les autres citations scripturaires en Deiformis animae, et sans référence personnelle. Nous serions donc amenée par la logique même de l’argumentation de Gabriel Théry à faire remonter la composition de Deiformis animae, si nous pensions qu’il est le premier commentaire par Thomas du Cantique, avant 1218 c’est-à-dire à une époque où Thomas Gallus était encore à Saint-Victor de Paris, se livrant déjà à l’étude du Corpus dionysien et composant des Concordances scripturaires dont, soit dit en passant, on ne trouve aucune trace en Deiformis animae48. Soit. S’il est génial, un jeune maître peut écrire tout au début de sa carrière une œuvre aussi dense, profonde et massive que le
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Ibid., p. 379-381. Voir Thomas Gallus. Commentaires..., p. 46 et ss. Voir Gabriel THÉRY, Thomas Gallus et les Concordances bibliques. L’auteur écrit: «Il est bien probable qu’il faut mettre en relation l’établissement des Concordances et la division alphabétique des chapitres de la Bible. Or, cette division alphabétique, Thomas Gallus l’utilise déjà dans son Commentaire sur Isaïe en 1218-1219. Il faudrait donc placer la composition des Concordances pendant le séjour de Thomas Gallus à Paris» (p. 440). Nous admettons cette date, encore que ce ne soit qu’à partir de 1242 (début de l’Explanatio) que Thomas utilise ce qu’il appelle Concordantie nostre. En outre, il ne faut
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commentaire Deiformis animae. Mais ce qui nous gêne alors c’est cette constatation, qui est le troisième argument du P. Théry: il n’y a pas une seule citation de Deiformis animae dans ses commentaires dionysiens, alors qu’il y en a des deuxième et troisième commentaires du Cantique. Faut-il penser que l’abbé de Verceil avait rayé de son souvenir son premier commentaire? Non, puisqu’il affirme à la fin de sa vie avoir commenté trois fois le Cantique. Ce silence pose un problème qu’on ne peut éluder. Nous ne lui trouvons qu’une explication: au début de sa carrière, Thomas n’avait pas écrit Deiformis animae, mais un autre «premier commentaire» actuellement perdu pour nous, probablement moins important et qu’il ne cite pas dans les œuvres postérieures. Le quatrième argument qui amène le P. Théry à placer la composition de Deiformis animae vers 1224 porte sur la mention, faite par l’auteur, des Dicta d’Égide d’Assise. En effet, si l’on croit que l’auteur est Thomas Gallus, il est possible d’admettre que cet apport franciscain à l’ouvrage coïncide avec l’époque où l’abbé de Verceil connaissait saint Antoine de Padoue49. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette allusion aux Dicta en Deiformis animae. À elle seule elle ne peut constituer une preuve d’authenticité; tout au plus peut-on dire qu’elle n’apporte rien qui puisse l’infirmer si par ailleurs celle-ci était plausible. Résumons-nous. Des quatre arguments par lesquels le P. Théry pense pouvoir dater en 1224 le commentaire Deiformis animae, nous pouvons retenir deux faits surprenants: 1°) Deiformis animae n’est cité nulle part dans les œuvres certainement authentiques, 2°) les deux œuvres qui lui seraient antérieures n’y sont jamais citées. Ces faits ne peuvent que renforcer le doute que l’examen des manuscrits avait déjà fait naître en nous.
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pas oublier que nous n’avons du Commentaire sur Isaïe, écrit en 1218, que le passage inséré par son auteur dans l’Explanatio super Hierarchiam caelestem en 1243 seulement; rien n’empêche que les renvois aux Concordances y aient été ajoutés par Thomas Gallus lui-même à cette époque. Voir Gabriel THÉRY, «Thomas Gallus et Égide d’Assise…», et «Saint Antoine de Padoue et Thomas Gallus», dans La Vie spirituelle, t. 37, Novembre 1933, p. [94]-[114] et Décembre 1933, p. [163]-[178].
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III. DEUX THÉOLOGIES SPIRITUELLES Abandonnant volontiers la partie polémique de cette étude, confrontons maintenant directement les textes. Cette confrontation portera d’une part sur Deiformis animae, et d’autre part sur le troisième commentaire du Cantique écrit par Thomas Gallus à Ivrée dans les dernières années de sa vie. Mais nous voudrions prévenir une objection. Le deuxième commentaire, ou tout au moins ce que nous en possédons, ne devrait-il pas faire, lui aussi, l’objet d’une comparaison? Ne pourrait-il pas être considéré, au moins par hypothèse de travail, comme un moyen terme ou, si l’on veut, une étape entre Deiformis animae considéré comme étant le premier commentaire et le commentaire de 1244? Nous reconnaissons volontiers qu’il existe entre le deuxième et le troisième commentaires des différences assez importantes pour justifier une comparaison serrée de leurs textes. Nous croyons même que certaines exégèses du commentaire incomplet sont plus fines, leur présentation plus nerveuse. Mais quant au fond, nous estimons que la parenté entre eux est tellement étroite que nous sommes en droit de les prendre en bloc et d’éviter le recours au deuxième commentaire qui se placerait alors comme en surimpression sur le troisième, compliquant inutilement notre exposé. Quand on parle des commentaires du Cantique des cantiques de Thomas Gallus, il faut toujours en revenir au Prologue «In hoc glorietur» et particulièrement à sa deuxième partie: «J’expose maintenant pour la troisième fois par écrit les Cantiques, et puisque je n’ai pas dans les mains les précédentes expositions, je suis (sequor) comme j’en ai l’habitude …50»
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«Sequor (ut soleo) theoriarum occursus.» On pourrait dire: je vais suivre au fur et à mesure qu’elles se présentent (occursus = action de venir à la rencontre) les théories (c’est-à-dire, selon la définition donnée dans l’Extractio
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Nous arrêtons ici la citation. Il n’est même pas nécessaire d’ajouter la précision qu’attestent les manuscrits d’Oxford, Balliol College 21 et Lunebourg, Ratsbücherei theol. 40 59: «Ainsi j’estime que je ne dirai ici rien qui soit contraire à ce qui fut dit précédemment.» Ce qui nous importe ici, c’est que Thomas Gallus avait une manière à lui d’exposer ce livre saint cher à tous les spirituels; il le dit quand il se prépare à le faire pour la troisième fois. Nous le croyons et nous pensons que de cette affirmation découle la méthode qu’il faut utiliser pour la critique interne des textes qui pourraient être le premier ou le deuxième commentaire. Sequor ut soleo. Cet avertissement est la clé de toute critique d’authenticité et il semble qu’on ne lui ait pas accordé assez d’attention jusqu’ici. A dire vrai, ce prologue était inédit, avec le troisième commentaire auquel il introduit. Deiformis animae en revanche jouissait de la solide situation de la chose imprimée. L’Explanatio du Corpus dionysien est encore presque une inconnue. Comment saurait-on que, dans sa forme comme dans son fond, elle est, avec le Commentaire d’Isaïe qu’elle contient, étroitement apparentée aux deux derniers commentaires du Cantique? Les travaux du P. Théry ont admirablement défriché le terrain. Nous savons grâce à eux que l’explication des livres de Denys et celle du livre de Salomon ont été, en même temps et ensemble, la pensée constante de l’abbé de Verceil, au milieu même des soucis de son abbatiat et des douleurs de son exil. Il nous est possible désormais de définir, à condition de sortir les textes de leur sommeil plusieurs fois centenaire, les fondements de la doctrine de Thomas Gallus. Nous avons tenté ailleurs et brièvement de le faire pour le troisième commentaire du Cantique51. Nous n’aurons donc ici qu’à en rappeler l’essentiel pour nous assurer si, oui ou non, le com-
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de l’Épitre à Tite, Dionysiaca, t. I, p. 715, 643, les intime sapientie spectacula, ou bien les paroles de l’Écriture en tant qu’elles révèlent ces spectacula). Thomas Gallus. Commentaires..., p. 109. Thomas Gallus. Commentaires..., p. 42-61.
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mentaire Deiformis animae a vraiment été construit sur les mêmes fondations, puisque l’affirmation ut soleo nous oblige à imaginer un «premier commentaire» substantiellement semblable aux deux autres. Style, méthodes et citations Mais auparavant, nous comparerons la présentation matérielle de Deiformis animae et des commentaires de Thomas, car là déjà les différences méritent d’être notées. Quel que soit le texte qu’il glose dans ses grandes expositions, tels l’Explanatio52 de tout le Corpus dionysien et les commentaires du Cantique des cantiques, Thomas Gallus procède de la même façon. Après un prologue où il dégage les grandes lignes de l’ouvrage, il aborde directement le texte et le glose par fragments très courts, presque mot après mot, entremêlant ses propres pensées et les innombrables citations dionysiennes ou scripturaires qui en sont comme l’armature. Ces citations sont rarement littérales parce qu’elles entrent dans la phrase de Thomas et s’y fondent si parfaitement que, n’était le soin que l’auteur prend à signaler leur référence, on pourrait en oublier l’origine. À ces citations, Thomas ajoute de nombreuses références sans texte, que de nos jours il eût mises en notes. Il s’agit de passages concordants qui servent à corroborer ses dires. Nous croyons que l’usage des Concordances facilitait tellement ce procédé qu’on peut soupçonner quelque scribe d’en avoir usé pour son propre compte et d’avoir ajouté à l’original. Ce faisant il restait dans l’esprit de l’auteur et on ne peut le lui reprocher. Parfois Thomas revient en arrière. Il reprend un mot déjà glosé, le replace dans le membre de phrase d’où il l’avait sorti et donne de l’ensemble ainsi reconstitué une nouvelle explication. Mais quelle que puisse être la complication d’une telle exégèse, 52
Il ne faut pas oublier que l’Extractio est une version expliquée plus qu’une exposition.
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son auteur ne perd jamais de vue le texte qu’il glose, et pas un mot n’en est laissé de côté53. Même s’il lui arrive, c’est le cas en plus d’un endroit, d’introduire une véritable glose littérale d’un texte qu’il a apporté en citation, il retrouve le texte du Cantique là où il l’avait laissé. Le style est souple, coulant, familier parfois. Thomas Gallus est un visuel. Il a comme tous ses contemporains des notions de botanique et de zoologie qui couraient depuis Pline, des explications étymologiques remontant à Isidore de Séville; mais il a aussi une expérience personnelle des simples choses. Pour être abbé d’un important monastère, on n’est pas dispensé de se pencher sur d’humbles détails de la vie quotidienne. Prenons par exemple la comparaison entre le vin «du domaine» et le vin de Chypre, attestant que l’abbaye possédait des vignes54. Et Verceil est-elle si éloignée des Alpes qu’il ait eu besoin d’un livre pour définir le nard55? Au milieu de ce foisonnement de détails colorés, pittoresques, fantaisistes parfois, Thomas suit avec une rigueur parfaite le chemin qu’il s’est tracé, à savoir l’exégèse dionysienne d’un texte scripturaire menée avec une volonté probablement jamais atteinte à ce degré, de continuité entre les deux traditions. Nous y reviendrons pour comparer la doctrine de Thomas et celle de Deiformis animae, nous en avons déjà parlé en discutant les arguments de Gabriel Théry, mais cette insistance n’est pas superflue. Nous croyons qu’il y a là une divergence capitale et, si nous la rappelons ici à propos de la manière littéraire de nos deux textes, c’est parce que, même en ce domaine, la différence se fait sentir. La présentation de Deiformis animae est tout autre. Après le prologue que seul le manuscrit de Naples nous a transmis, chaque chapitre est exposé ainsi: l’auteur transcrit d’abord un verset ou
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C’est ce qui nous a permis de publier le texte du troisième Commentaire sans avoir à y joindre celui du Cantique des Cantiques, la présentation typographique suffisant à faire ressortir celui-ci. Thomas Gallus. Commentaires..., p. 68, 75, 121. Ibid., p. 75.
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un fragment de verset du Cantique, puis il donne une première glose très courte et concise de cette péricope, glose introduite par une formule stéréotypée qui ne comporte presque pas de variantes: Ac si dicat... Enfin il commente longuement la glose brève qu’il vient de donner et non pas directement le texte lui-même56. Entendons bien ceci: la lettre du texte scripturaire n’est pas laissée de côté, elle se retrouve souvent dans le commentaire proprement dit, mais le sens mystique de tout le passage a été immédiatement dégagé et c’est lui qui est expliqué. Prenons un exemple au chapitre 5, verset 14: «Manus illius tornatiles, auree plene hyacintis.» La petite glose donne: «Quod est dicere: bonum operantes illuminationes divine sunt proportionatissime, fulgentissime et divinorum intellectibus adimplete.» Le long commentaire qui suit commence ainsi: «Si diligenter hoc advertimus, quatuor hic notantur circa revelationes divinas: ipsarum videlicet operatio, proportio, refulgentia et adimpletio. Primum quidem, scilicet operatio...», etc. Le procédé est absolument différent de l’exposition mot à mot pratiquée par Thomas Gallus. Il arrive que l’auteur de Deiformis animae présente une deuxième explication du même passage. La formule qui annonce cette autre glose lui est propre: Aut certe... Comment faut-il entendre ce certe? Pas au premier sens classique de certainement. Peut-être au deuxième sens: du moins, qui est une sorte d’affaiblissement par rapport à la première explication. Ou mieux au sens postclassique de peut-être. Ce certe nous amène à une brève étude comparative du style des deux textes. Nous avons déjà souligné une certaine familiarité, élégante d’ailleurs, mais parfois vigoureuse du style de Thomas. Il nous faut noter à l’inverse un style grave, sinon solennel, en Deiformis animae. La phrase est ample, avec des balancements fréquents. Le mot rare n’est pas dédaigné, ni une certaine
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Sur les raisons doctrinales de cette méthode, voir plus loin p. 86-92 le Prologue Aufer rubiginem.
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préciosité qui va parfois jusqu’à la pointe57. Rien de tout cela dans les commentaires de Thomas Gallus. Un petit détail: là où Thomas Gallus emploie indifféremment quod ou quia, l’auteur de Deiformis animae écrit quoniam. Or il est plus difficile, croyons-nous, à un écrivain de changer ces menues manies de vocabulaire que d’adopter une nouvelle explication du monde. Mais l’emploi fréquent du double superlatif, sur lequel André Combes attira jadis notre attention, constitue une habitude de style plus importante et qui mérite d’être prise en considération. On trouve 98 fois en Deiformis animae un adjectif au superlatif composé en outre avec le préfixe super. L’un d’eux, superdulcissimus, revient 44 fois. 25 autres mots (dont 16 sont des hapax) sont employés avec la même forme. Nous avons d’abord pensé que celle-ci venait d’une version du Corpus dionysien. Mais si tel est le cas, il n’y a pas de proportion entre l’usage qu’en fait l’auteur de Deiformis animae et les quelques exemples que l’on peut relever dans les traductions qu’il pouvait avoir sous les yeux: Hilduin en donne quatre, Érigène neuf, Sarrazin quatre et Robert Grossetête deux. Le texte grec lui-même ne justifie qu’une seule fois cette traduction, puisque dans les 18 autres cas il s’agit de la mauvaise interprétation d’un adjectif à forme positive composé avec Íper-58. La comparaison avec Thomas Gallus s’imposait. Or il n’y a pas un seul double superlatif dans les commentaires du Cantique,
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Ainsi le mot jésuité (iesuitas) p. 176. Richard de Saint-Victor emploie danielitas pour exprimer la «singularité» de Daniel (cf. De Trinitate, éd. RIBAILLIER. Paris, 1958, p. 119). Mais ici iesuitas n’a pas ce sens technique si on se réfère au contexte. Voir: E. BOISSARD, O.S.B., «Saint Bernard et le Pseudo-Aréopagite», dans Recherches de théologie ancienne et médiévale., t. 26, 1958, p. 214-263. L’A. étudie (p. 217-221) les termes forgés avec le préfixe «super» et nie que ce soit forcément à l’imitation du Pseudo-Denys que Bernard de Clairvaux les emploie, car on trouve ceux qu’il cite chez les Pères. Le seul double superlatif dont il parle est supereminentissimus, déjà présent chez Augustin (PL 42, 268 et 44, 244).
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et si l’on en trouve deux dans l’Extractio, c’est parce qu’ils sont déjà, au même endroit, dans la version de Sarrazin. Ici encore une différence très sensible apparaît entre les deux œuvres. Pour un philologue, elle suffirait presque à prouver que l’écrivain ne peut être le même dans les deux cas. Signalons encore un trait qui n’est pas seulement de style et qu’il faudrait bien se garder d’oublier si l’on voulait caractériser la manière de l’auteur et peut-être les circonstances de composition de son œuvre: très souvent l’exposé impersonnel, à la troisième personne, passe au discours à la deuxième personne du pluriel, surtout quand il s’agit de conseils, voire à la méditation à la première personne du pluriel. Thomas Gallus ne procède pas ainsi. Nous pourrions poursuivre ces comparaisons de style et de vocabulaire: elles risqueraient de devenir fastidieuses. Au surplus les index font apparaître l’emploi des mots, et la lecture du texte est la meilleure façon de sentir la tonalité des styles. Nous rappellerons d’abord le principe qui est, de l’aveu même de Thomas Gallus, nécessaire à l’intelligence de son œuvre, à savoir que l’esprit de l’épouse est structuré selon trois hiérarchies de trois ordres chacune, comme l’a écrit Denys au chapitre X de la Hiérarchie céleste. Ceci est fondamental. Au risque de nous répéter, nous ajoutons que cette notion, dont la méconnaissance rendrait inintelligibles les deuxième et troisième commentaires, n’a pas été découverte tardivement par l’abbé de Verceil puisqu’il dit lui-même en avoir déjà traité à l’abbaye de Saint-Victor de Paris quand il y commentait le chapitre VI d’Isaïe: Vidi Dominum sedentem, c’est-à-dire en 1218, et avoir introduit une grande partie de ce commentaire dans son Explanatio de la Hiérarchie Céleste, en 1243. Nous savons d’autre part que le deuxième commentaire du Cantique a été composé vers 1238 selon le même principe. Une telle continuité n’est pas l’effet d’un hasard. Il est certain que, pour Thomas jeune chanoine à Paris comme pour l’abbé de Saint-André exilé à Ivrée, l’âme est ontologiquement structurée à la façon que le bienheureux Denys a décrite dans son livre sur les Anges. En conséquence, si le Cantique du roi Salomon est la description de la sagesse chrétienne expérimentée par une
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âme juste, il est normal que les paroles de l’épouse soient entendues en fonction de sa hiérarchie intérieure. C’est avec une parfaite rigueur que ce programme, exposé une dernière fois dans le prologue du troisième commentaire59, a été suivi par l’auteur. Nous devons maintenant chercher si nous le trouvons dans le commentaire Deiformis animae. Disons d’abord que le Prologue de Deiformis animae ne contient aucune allusion à une structure hiérarchique de l’âme de l’épouse. C’est donc dans le texte même du commentaire qu’il faut chercher ce qui a pu autoriser Pez à le dire «hiérarchiquement exposé». Deux passages retiendront notre attention. L’auteur y présente quelque chose qui rappelle la hiérarchie de l’âme de l’épouse puisqu’il énumère à son sujet les neuf chœurs des anges. Il s’agit du chapitre 6, verset 3: «Terribilis ut castrorum acies ordinata», et du chapitre 7, verset 1: «Quid videbis in Sunamite, nisi choros castrorum60?» Dans le premier, l’auteur dit que l’épouse peut à bon droit être dite terrible comme des bataillons en raison des si nombreux et si grands mérites dont elle est dotée61. La petite glose donnée immédiatement après le texte avait dit que l’épouse est ordonnée comme les hiérarchies angéliques (ad instar hierarchie angelice ordinata). L’auteur reprend cette explication de l’expression «castrorum acies ordinata» qui signifie, dit-il, «bellement disposée à la ressemblance des hiérarchies angéliques» (ad similitudinem hierarchiarum angelicarum). Le mot ressemblance est ici très significatif. Il évoque un modèle, une image, mais non une structure ontologique. L’auteur continue et développe son thème. «En effet, avec la première et suprême hiérarchie (…), l’âme déiforme participe à l’ordre brûlant de l’amour toujours en mouvement,
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«Ad presens vero breviter repeto que huic tractatui videntur necessario premittenda, eo quod sponsa nunc in una hierarchia mentis sue loquitur, nunc in altera, nunc in uno ordine, nunc in alio.», Thomas Gallus. Commentaires..., p. 108D. Nous avons ici, comme chez Thomas Gallus, Sunamitis pour Sulamitis. P. 246-247.
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à celui qui accompagne le don suprême de la lumière, à celui qui reçoit Dieu de la plus noble façon. Avec la hiérarchie médiane (…), elle participe la liberté à l’égard de toute soumission indue, l’union inséparable résultant d’une forte conversion vers Dieu et l’ordination sans confusion vers Dieu en raison de l’illumination de la bonté de Dieu. Avec la troisième et dernière (…), notre épouse participe la vertu qui dirige comme par la main les inférieurs vers ce qui est en haut, celle qui manifeste les révélations théarchiques mises à nu, celle qui instruit les intellects saints.» Terrible en effet, dit-il, celle qui est ainsi dotée des vertus et des dons qui appartiennent aux hiérarchies angéliques. C’est pourquoi les saints anges se réjouissent et admirent «la disposition hiérarchique de l’âme déiforme», cependant que les mauvais anges s’en attristent et tremblent62. Disposition hiérarchique. Le mot y est, mais ne nous y trompons pas. Il s’agit des dons que l’âme reçoit. Elle les possède en commun avec chacun des ordres angéliques et par conséquent elle est hiérarchiquement disposée dans ses vertus. Mais pour Thomas Gallus, la hiérarchie intérieure de l’âme n’est pas ajoutée à sa nature, c’est une disposition de son être même63. Le second passage expose le premier verset du chapitre 764: «Quid videbis in Sunamite nisi choros castrorum?». La glose courte, donnée en premier, dit: «Quod est dicere: quid aliud intueri poteris in deiformi sponsa quam dulcisonas harmonias virtutum angelice immissarum?» La glose longue développe le thème en trois parties qui sont trois titres de l’épouse, à savoir son attitude envers les choses divines, signifiée par le nom Sunamitis qui veut dire captive, l’harmonie dans ses jouissances, évoquée par le mot chorus, une admirable ordination dans ses vertus, symbolisée par les castra, car «les camps sont des tentes ordon-
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Ibid. «In singulis mentibus hierarchicis disponuntur tres hierarchie et in singulis earum tres ordines iuxta angelicam dispositionem», Thomas Gallus. Commentaires..., p. 108D. P. 267-268.
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nées en vue de l’activité militaire» et on entend par là «chacun des retranchements des vertus de l’épouse angéliquement disposés». «En effet, continue l’auteur, elle aime avec les Séraphins, connaît avec les Chérubins, juge avec les Trônes, préside avec les Dominations, œuvre avec les Vertus, protège avec les Puissances, dirige avec les Principautés, révèle avec les Archanges et, avec les Anges, est chargée de la garde. Voilà tous les camps de l’âme parfaite, où elle donne un abri très sûr à chacune de ces vertus, pour l’exercice intellectuel de sa milice.» On voit que c’est l’attirance du mot castra qui a amené l’auteur, dans les deux passages du Cantique où il est employé, et là seulement, à comparer l’épouse aux milices célestes et à inventorier ses vertus selon la disposition et à l’image des hiérarchies angéliques prises ici comme terme de comparaison. À aucun moment du commentaire Deiformis animae on ne peut trouver l’utilisation systématique d’une hiérarchie intérieure de l’âme telle qu’elle est exposée par Thomas Gallus dans le Commentaire d’Isaïe, l’Extractio et l’Explanatio de la Hiérarchie céleste, le prologue des commentaires du Cantique, et telle qu’elle est pratiquée par lui dans le deuxième et le troisième commentaires. Ajoutons que l’on trouve parfois en Deiformis animae les expressions typiques des commentaires de Thomas: Cherub mentis, Seraph mentis (le Séraphin cinq fois, le Chérubin huit fois, les Trônes deux fois, les autres jamais). Elles sont employées sans la rigueur technique qui caractérise leur utilisation chez Thomas Gallus. En voici un exemple: «L’intelligence, en tant qu’elle est la plus conforme à Dieu, préside à toutes les vertus de l’âme. On peut lui donner plusieurs noms: partie supérieure de la raison à cause de sa plus grande dignité... ou bien Chérubin de l’esprit à cause de sa plus claire connaissance de Dieu, ou bien Séraphin de l’esprit en raison de sa dilection plus ardente65.» Ailleurs, l’auteur assimile
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P. 279. C’est à dessein que nous gardons la majuscule des noms Séraphin, Chérubin etc. dans le texte et les références de Deiformis animae, alors que nous l’avons supprimée chez Thomas Gallus, afin de marquer la différence que nous exposons ici.
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aux Chérubins (Cherubim significantur) les deux mouvements déiformes, à savoir l’intellectus et l’affectus66. Il est impensable que Thomas Gallus mélange ainsi dans ses commentaires Chérubins et Séraphins. D’autre part il ne dit jamais que l’ordre des Chérubins, ou n’importe quel autre ordre angélique, est signifié, représenté par telle ou telle vertu de l’âme. Pour lui l’âme «est», à ses différents niveaux caractérisés chacun par telle ou telle vertu, Chérubin, Séraphin, etc. Mais quand l’auteur de Deiformis animae emploie l’expression «Chérubin de l’âme», il faut entendre: l’âme se comporte, hic et nunc, comme un Chérubin. I1 y a dans l’usage des hiérarchies célestes fait dans les deux œuvres la différence entre l’intentionnel, en Deiformis animae, et l’ontologique, chez Thomas Gallus. Nous ne prétendons pas qu’un même auteur n’ait pu passer de l’un à l’autre au cours de sa carrière; mais nous estimons qu’attribuer Deiformis animae à l’abbé de Verceil en raison de l’utilisation qui y est faite des hiérarchies célestes est rester à la surface des textes et se fier à une ressemblance toute superficielle. Intellectus et affectus: simul et semel Nous relèverons une autre différence foncière entre les deux commentaires. C’est la place et le rôle de l’intelligence dans l’union de l’âme avec Dieu. On sait comment, chez Thomas Gallus, l’intellectus et l’affectus de l’âme juste se situent à des niveaux différents de sa hiérarchie intérieure, de telle sorte que l’intellectus, qui agit au niveau des chérubins de l’âme, cesse toute activité, même passive, au seuil des séraphins où seul l’affectus est admis à l’union avec Dieu; celui-ci répand ensuite sur les chérubins, donc sur l’intellectus, et les chérubins sur les trônes, etc., selon l’ordre hiérarchique, le flot de la lumière divine. Ce point est capital dans la mystique de Thomas: depuis l’ordre le plus minime, celui des anges, jusqu’à 66
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celui des chérubins, l’intellectus et l’affectus agissent et sont attirés ensemble (coambulant). Mais l’activité de l’intellectus n’existe plus au niveau des séraphins qui est l’ordre le plus élevé, et c’est l’affectus seul qui est attiré à franchir le dernier pas vers Dieu car lui seul est capable de l’union (unibilis). Cette différence n’existe pas en Deiformis animae où la problématique de l’intelligence est tout autre. L’auteur dit à propos du verset 4 du chapitre 7 (Collum tuum sicut turris eburnea) que «c’est par l’intermédiaire de l’intelligence (intelligentia) que l’âme est unie à Dieu et Dieu à l’âme, comme c’est par l’intermédiaire du cou que le corps est uni à la tête et la tête au corps67.» Or l’intelligence, qui est mentionnée dans le commentaire plusieurs fois avant d’être définie, possède deux vertus: l’une la rend apte à la contemplation, c’est l’intellectus theoricus, l’autre la rend capable de l’union, c’est la principalis affectio68. L’intelligence «préside à toutes les forces de l’âme, en tant qu’elle est la plus déiforme, et on peut lui donner plusieurs noms: le mot intelligence désigne sa plus subtile perspicacité; on l’appelle partie supérieure de la raison à cause de sa plus grande dignité, déiformité à cause de sa plus grande ressemblance avec Dieu, boniformité à cause de sa plus grande participation à la bonté, Chérubin de l’esprit à cause de sa plus claire connaissance de Dieu, Séraphin de l’esprit en raison de son plus ardent amour69.» Et «toutes les forces de l’âme (sens, imagination, raison, intellect…) progressent d’autant plus dans leurs activités que l’intelligence progresse vers Dieu, car le progrès et l’usage de toutes dépendent de sa bonté (non pas à titre principal mais à titre second). En effet c’est à elle qu’il revient de recevoir en premier de la bonté divine les 67 68
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P. 275. P. 95. L’auteur allègue ici l’autorité de Denys, D. N. VII: «Oportet scire mentem nostram duplicem habere virtutem, unam per quam intelligibilia inspicit, unionem etiam excedentem mentis naturam per quam coniungitur ad ea que sunt supra ipsam; secundum hanc oportet divina intelligere, non secundum nos, sed totos nos ipsos extra nos ipsos statutos et totos deifactos.», Dionysiaca, t. I, 3851-3861. P. 279.
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distributions qui en émanent et de répartir ce qu’elle a reçu aux vertus qui lui sont inférieures, selon leur proportion70.» Ainsi l’intelligence est ce qui unit Dieu et l’âme, et ce qui transmet l’aliment intelligible destiné à la croissance de l’âme71. Mais il s’agit de l’intelligence dans ses deux facultés principales, l’affectus et l’intellectus, comme l’auteur le dit plus clairement encore à propos du verset 5 du chapitre 4: Duo ubera tua sicut hinnuli capree gemelli72. Les deux vertus de l’épouse, celle qui meut et celle qui connaît, vertus qui contiennent la distribution de la douceur et de la lumière, sont comme des mouvements doubles et contemporains de l’intelligence déiforme. Ils le sont parce que, quand l’intelligence est mûe vers Dieu ou contemple quelque chose de divin, il n’y a aucune priorité en elle entre l’intellectus et l’affectus: «Dum intelligentia movetur in Deum, aut divinum aliquid contemplatur, non est prius affici quam intelligere, nec prius intelligere quam affici, sed simul et semel intelligit et afficitur, quoniam intellectus theoricus plenus est affectionibus et affectus deiformis intelligentiis est imbutus.» Toute la glose du verset porte sur ce simul et semel qui prend un relief tout particulier quand on le compare au thème de la solitude de l’affectus énoncé par Thomas Gallus dans le prologue et repris maintes fois au cours du deuxième et du troisième commentaires. Précisons que l’auteur de Deiformis animae n’ignore pas que le sommet de l’union à Dieu est une extase. Mais c’est précisément au moment où il décrit cette séparation de l’âme avec elle-même qu’il semble affirmer le plus fortement la démarche conjointe de l’amour et de la connaissance. Il s’agit du verset 20 du chapitre 7 (Ibi dabo tibi ubera mea73). La petite glose traduit: «Je te consacrerai tout mon amour, c’est-à-dire ma connaissance; ou plutôt et bien plus, toi-même les revendiqueras et te les consacreras, quand tu m’auras conduite à la contemplation de la bienheureuse
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P. 264. P. 275. P. 186. P. 290.
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ténèbre.» Le commentaire ajoute qu’ici «l’âme est tellement absorbée par le trop grand excès de sa vision qu’elle n’a plus conscience de rien aimer ni de rien voir (nihil sentiat se amare, nihil percipiat se videre). Ce n’est plus selon la raison qu’elle aime et connaît, mais au dessus de la raison elle sort dans la douceur de l’amour et la lumière de la connaissance.» Il n’y a rien d’étonnant après cela à ce que le verset 10 du chapitre 8 (Ubera mea sicut turris), qui chez Thomas Gallus signifie l’élévation la plus haute des brûlants désirs de l’âme, soit glosé en Deiformis animae: «Affectus et intellectus meus sunt vehementer sublimati74.» Il y a là une différence assez importante pour caractériser les deux œuvres et les séparer foncièrement. Principes d’exégèse dans le Prologue «Aufer rubiginem» Jusqu’ici nous avons étudié la doctrine de Deiformis animae en référence à celle de Thomas Gallus sur des points qui les séparent, pensons-nous, radicalement. Nous allons maintenant accomplir la démarche contraire, c’est-à-dire que, partant des notes originales propres à Deiformis animae, nous apercevrons encore des différences profondes entre celles-ci et la pensée de Thomas. Nous devrons tout d’abord nous occuper du Prologue «Aufer rubiginem» que, parmi nos manuscrits, seul celui de Naples a conservé. Comme nous l’avons signalé en décrivant ce manuscrit, le Prologue y est écrit par la même main que le commentaire dont rien ne le distingue, hormis son titre: «Introitus super theorias ex canticis canticorum», le mot theorie étant appliqué à tout l’ensemble du commentaire et rappelé à chaque début de chapitre. Deux questions se posent à propos de ce Prologue. Est-il authentique, c’est-à-dire écrit par l’auteur même de Deiformis animae? Pourquoi a-t-il disparu de la tradition manuscrite telle que nous la connaissons, c’est-à-dire hors d’Italie?
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P. 313.
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On notera tout d’abord que le titre «Introitus...» est précédé d’une invocation: «In nomine Domini nostri Ihesu Christi gloriosissimi crucifixi et superdulcissime matris eius.» Cette invocation est, nous le verrons plus loin, absolument dans l’esprit de l’ouvrage. Elle peut paraître banale et l’est, d’ailleurs, si on la compare à la masse des invocations de scribes conservées dans les manuscrits, surtout à partir du XIVe siècle. Mais il se trouve qu’elle semble donner, dès le premier trait de plume, son caractère au texte qui va être écrit à sa suite. On peut certes penser qu’un scribe qui a lu le texte, ou un lecteur d’un exemplaire antérieur, a ajouté l’invocation liminaire sous cette forme; c’est d’autant plus vraisemblable que l’Épilogue transmis par tous les manuscrits se termine par une prière du même genre. Il reste qu’elle est parfaitement à sa place ici. Quant au Prologue lui-même, il n’offre au premier abord rien de particulièrement marquant. Sa principale originalité est de n’être pas un exposé de la doctrine de l’auteur, contrairement aux prologues de Thomas. On pourrait même, à le lire vite, estimer qu’il serait adaptable à n’importe quel commentaire scripturaire. Il faut pourtant lui reconnaître deux caractères qui concordent parfaitement avec le texte de Deiformis animae. Ces traits sont tous deux contenus dans le thème tiré du livre des Proverbes: «Aufer rubiginem de argento et egredietur vas purissimum». L’auteur avertit tout de suite que la rouille est le sens littéral du Cantique des cantiques, le vase d’argent étant l’intelligence spirituelle du texte. Plus loin, il précise sa pensée à l’aide d’une citation de l’Épitre à Tite de Denys: «Non existimamus apparentes compositiones pro se ipsis esse compositas, sed propositas causa secrete et invisibilis multis scientie, quod non ab immundis facile capiantur sanctissima...75» Mais à cette citation il ajoute une autre explication introduite par une formule qui est courante en Deiformis animae: «Certe aliter dici possunt...76». Selon lui, le sens intellectuel peut revêtir plusieurs formes, il peut être 75 76
Ep. ad Titum. Dionysiaca, t. I, p. 6351-6371. Voir à ce sujet plus haut, p. 36.
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«moral pour les moins capables ou anagogique pour ceux qui sont exercés par l’habitude77.» Ainsi, l’exégèse donnée par l’auteur ne sera aucunement littérale mais seulement morale ou anagogique. Il n’y a aucune raison de penser que cet auteur n’est pas celui du commentaire Deiformis animae puisque telle est très précisément la méthode utilisée en Deiformis animae Nous avons déjà signalé la méthode d’exposition suivie dans tout le livre. Nous en voyons ici la raison. Dès qu’il a transcrit un fragment de verset, l’auteur en donne brièvement le sens spirituel78, il «enlève la rouille» du sens littéral qui ne l’intéresse pas pour lui-même79. Par la suite, ayant restitué sa pureté au vase d’argent que la lettre cachait, ayant mis en lumière la signification mystique des phrases du Cantique, il explique ce qu’il a ainsi trouvé. Ceci est un caractère important qui marque l’indépendance de l’auteur par rapport aux exégètes du XIIIe siècle et spécialement aux Victorins et à Thomas Gallus. À aucun moment l’auteur de Deiformis animae ne cherche à élucider le sens des mots et des phrases du Cantique pour eux-mêmes, il passe toujours immédiatement à l’explication mystique. En cela sa forme d’exégèse est très dionysienne. Au surplus il s’en explique à propos du verset 3 du livre 2 (Sicut malus inter ligna silvarum, sic dilectus meus inter filios) qu’il glose ainsi: «Comme le sens spirituel au milieu des écorces des Écritures, ainsi brille le plus que substantiel rayon divin au milieu des anges80.» Il commente ensuite: «On ne peut parvenir à la douceur parfumée du sens spirituel autrement que par le moyen de l’écorce des lettres» et il cite Denys, Noms divins, chapitre IV: «Oportet videre secundum rectam rationem quod
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Voir p. 199: anagogici animi. C’est ce que nous appelons la petite glose. Nous ne pouvons pas ne pas signaler une fois de plus combien son attitude est opposée à celle de Thomas Gallus. Celui-ci apporte bien Prov. 25,4, à l’appui de son exégèse, dans le troisième Commentaire du Cantique à propos de Cant. 3,10: columnas argenteas, mais il veut seulement illustrer une qualité des dominations de l’esprit qui sont purgate a fece phantasiarum, comme l’argent de ses scories. Voir Thomas Gallus. Commentaires..., p. 173. P. 114.
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elementis et syllabis et dictionibus et lineis et orationibus utimur propter sensus81.» Puis, comme chez lui le directeur spirituel ne perd jamais ses droits, il ajoute que ceux qui ne veulent pas faire l’effort de pénétrer la dure écorce du sens littéral sont privés de l’expérience spirituelle. Ainsi entendue l’exégèse spirituelle n’exclut pas un bref rappel des mots du texte au cours du commentaire qui suit, mais même dans les cas où ces mots ont à être définis, ils ne le sont que dans la stricte mesure où leur explication ramène au sens spirituel et toujours après que celui-ci a été donné. Prenons par exemple les murenule auree du chapitre 1, verset l7. Thomas Gallus leur consacre une longue description où intervient la murène qui ressemble à l’anguille, ses mouvements onduleux et l’emplacement de ses yeux. L’auteur de Deiformis animae dit seulement que ces ornements d’or désignent bien les divines intelligences dans lesquelles l’ouïe spirituelle trouve les délices de tintements suaves. On voit la parfaite congruité du thème «Aufer rubiginem...» en tête de notre commentaire. D’autre part on peut constater que le sens spirituel est, pour l’auteur de Deiformis animae, le plus souvent anagogique mais aussi, dans une proportion importante, moral. Nous aurons à relever, parce qu’il est assez caractéristique de l’œuvre, l’aspect pratique de nombreux passages. Nous ne pouvons, on le voit, raisonnablement refuser l’authenticité au Prologue du manuscrit de Naples. Pourquoi alors les exemplaires transcrits à la Chartreuse de Mayence, à l’abbaye de Melk et dans le manuscrit de Prague ne l’ont-ils pas? Nous sommes réduits aux conjectures. L’accident matériel est peu probable. Il est plus vraisemblable que l’un des scribes qui copièrent le manuscrit de Naples, ou l’archétype, a procédé à un travail de critique sur le texte, travail qui a abouti à d’assez nombreuses variantes et à la suppression du Prologue ainsi que du nom Theorie donné au commentaire. C’est probablement sous cette forme que
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Dionysiaca, t. I, p. 2051.3.
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le texte a été envoyé à Mayence, mais nous ne pouvons, dans l’état actuel de la tradition manuscrite, donner une explication de cette transformation et de sa fortune. Tout au plus pouvons-nous faire remarquer que l’absence du prologue ne nuit pas à l’intelligence du commentaire Deiformis animae. Action et contemplation Si nous voulons connaître l’essentiel de la doctrine contenue en Deiformis animae, ce n’est donc pas au Prologue qu’il faut nous adresser. Mais l’auteur a encadré son exposé des huit chapitres entre un petit prologue de deux phrases82 et un court épilogue qui se répondent et nous fournissent de précieux renseignements. «Deiformis anime gemitus amativi veraque vox ista...83» Nous pensons qu’il faut donner ici au mot vox un sens très large: il s’agit du Cantique tout entier qui exprime les sentiments de l’épouse, c’est-à-dire de l’âme déiforme. Celle-ci aspire à la paix de l’unition (ferventissime anhelantis), elle est lasse de s’efforcer d’atteindre par le labeur de son esprit les «théories» intellectuelles84. Or elle éprouve un certain pressentiment de la douceur du repos que lui donnerait l’unition (aliqua illius quietis prelibata dulcedine). Pressée par tout cela, elle est comme le vin qui bout dans la cuve et à la surface duquel la fermentation monte en joyeux soupirs; elle dit alors: «Osculetur me osculo oris sui». La petite glose
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Chaque chapitre commence ainsi par un très court prologue qui n’est qu’une première glose dont le thème est la première phrase du chapitre, généralement reprise dans les mêmes termes après répétition du thème par la petite glose qui précède toujours le commentaire proprement dit. Veraque est attesté par trois manuscrits contre nota est dans celui de Naples. Nous pensons qu’il y a peut-être eu une confusion sur le signe d’abréviation de est qui, accolé à vera, a pu donner vera que. L’absence de verbe dans la phrase n’empêche pas d’en comprendre le sens et c’est pourquoi nous avons conservé la leçon de notre manuscrit de base, p. 77. Le mot retenu dans le manuscrit de Naples pour caractériser tout le livre dans les titres est, nous le voyons, présent dès la première ligne.
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traduit immédiatement: «Que mon époux me remplisse de délices par l’expérience de son unition» et le commentaire ajoute que l’âme demande ainsi à reposer d’autant plus délicieusement (suavius) qu’elle aura été plus doucement (dulcius) unie à son aimé très doux (predulcissimus dilectus). L’Épilogue rappelle le début du Cantique et en définit le terme. Ce livre, y est-il dit, commence par un souhait, à savoir le désir (osculetur) ou l’expérience de l’unition (osculus); il se termine par un autre souhait qui est le sentiment de l’intimité angélique (fugam dilecti super montes aromatum85). En effet, comme l’auteur l’a expliqué à propos des derniers mots, l’âme déiforme est apte à être élevée au niveau des plus hautes intelligences des anges et c’est pourquoi elle demande à son bien-aimé qu’il se rende là où elle sait qu’elle pourra l’atteindre, mais pas plus loin. Elle lui demande d’être semblable à la chèvre dont elle possède l’agilité et la légèreté, parce qu’elle ne souhaite pas qu’il se fasse aigle volant ou navire qui passe, c’est-à-dire qu’il se mette hors de sa portée86. Ainsi l’âme demande-t-elle deux choses87 qui apportent la perfection à sa passion intellectuelle, et c’est l’expérience de l’unition divine, à son action intellectuelle, et c’est la hauteur de la conversation angélique. En effet, quand l’âme est unie à Dieu, on dit qu’elle jouit d’une passion parfaite; quand elle fréquente les anges, on ne peut douter qu’elle agisse parfaitement. L’action et la contemplation sont évoquées au terme comme elles l’ont été tout au long du livre qui, au vrai, cherche constamment à élucider et à codifier leurs relations. Il faudrait consacrer une étude spéciale à l’influence réciproque de l’action et de la contemplation dans l’âme juste en Deiformis animae. Nous évoquerons seulement la complexité du sujet en
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Le dernier verset du Cantique est en effet un souhait: «Fuge, dilecte mi, et assimilare capree hinnuloque cervorum super montes aromatum…». P. 320. «quorum unum intellectualis nostre passionis, alterum vero perfectivum est actionis». On voit ici un exemple du passage de la troisième à la première personne.
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rapprochant quelques passages du texte. Le premier se trouve au milieu du commentaire de: Leva eius sub capite meo et dextera illius amplexabitur me (II, 16), où il éclaire une analyse très nuancée de l’unition. «Dans les choses divines, dit l’auteur, il n’y a à peu près aucune action ou opération, mais seulement passion; dans les intelligibles il y a en même temps action et passion; dans les matérielles plus d’action que de passion88.» Quelle est l’action dont il est question ici? Nous apprenons qu’il y a «deux sortes d’action, l’une est manuelle, elle applique l’âme aux choses extérieures, l’autre est spirituelle et l’applique aux choses de l’intelligence89.» C’est là le sens mystique des lys: Dilectus meus... pascitur inter lilia (II, 16), quand l’une et l’autre action tendent à vouloir l’union et l’assimilation à Dieu. On voit que le travail manuel n’est pas méprisé en Deiformis animae. Mis à sa place et considéré comme presque oiseux et inutile à côté du travail spirituel90, il fait pourtant partie des chemins de la contemplation91. Mais l’action, ou opération, est surtout celle de l’esprit qui s’attache à la lecture des livres sacrés ou à la méditation des choses saintes92. Une telle action est si précieuse qu’il arrive à l’intelligence de pressentir qu’elle ne doit pas y renoncer, l’époux lui-même préférant pour un peu de temps la priver de la douceur de l’unition plutôt que de l’exercice de cette action93 qui sépare l’âme de ce qui lui est contraire et l’ayant séparée la purifie de ses propres ténèbres et la ramène à la première pureté et à la première innocence, tellement qu’entre elle et Dieu il semble n’y avoir plus d’intermédiaire94. Il est vrai que l’action ainsi entendue joue un rôle et a une importance incomparables. Le petit prologue du second chapitre en donne les raisons dans un raccourci saisissant à propos du pre88 89 90 91 92 93 94
P. 121. P. 147-148. P 160. P. 283 et 133. P. 88 et 104. P. 137. P. 112.
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mier verset: Ego flos campi et lilium convallium. «Le bien-aimé voulant promouvoir son épouse à la hauteur de la contemplation au moyen de l’exercice de l’action, non moins qu’à la prééminence de la pureté par le mérite de l’humilité, afin de l’exciter à cela même plus vivement et avec plus de ferveur, montre qu’il sera et la matière et le sujet, tant de la contemplation elle-même que de l’action, tant de la pureté que de l’humilité, en disant: je suis la fleur des champs et le lis des vallées95.» La formule: dilectus... ostendit se fore et materiam et subiectum tam contemplationis quam actionis, nous amène à poser la question de l’identité de l’époux. L’Époux: le Christ crucifié Le verset 13 du premier chapitre permet d’entrer plus avant dans ce mystère. C’est l’épouse qui parle: «Botrus cypri dilectus meus mihi in vineis Engaddi». La petite glose donne le sens anagogique: «La très pleine et très suave matière de la dévotion est pour moi le plus qu’aimable Crucifié dans les divines Écritures.» Il faut savoir, continue le commentaire, que «le plus que très doux et plus que très bienheureux Crucifié est le sujet total (totale subiectum) de toutes les divines Écritures96.» Nous avons ici le sens profond de l’exégèse scripturaire telle que la conçoit l’auteur de Deiformis animae et plus particulièrement le sens de son interprétation du Cantique des cantiques. Deux questions se posent. Qu’entend l’auteur par «sujet total»? De quelle façon applique-t-il au Cantique cette définition? Nous nous garderons de majorer l’expression employée ici. En effet elle n’est rappelée nulle part dans le reste de l’ouvrage et rien ne permet de lui donner un quelconque sens technique. Au plus faudrait-il dire qu’elle répond à la question: Quelle est la matière des livres scripturaires? A fortiori ne doit-elle pas être 95 96
Ibid. P. 103.
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prise au sens où les scolastiques se demandèrent si la théologie est une science et quel en est le sujet. Le commentaire Deiformis animae est avant tout un traité de mystique à caractère nettement pratique. Nous avons dit que l’exégèse du Cantique y est faite moraliter et anagogice, et c’est en une perspective de pure spiritualité qu’il faut entendre le totale subiectum. Un passage du premier chapitre, verset 12, nous aidera à le situer. Nous y avons deux exégèses de la phrase: «Fasciculus myrrhe dilectus meus mihi, inter ubera mea commorabitur.» La première met l’accent sur la myrrhe: «La cause de ma mortification est le plus qu’aimable rayon divin97.» Ceci arrive quand l’âme est entièrement absorbée dans son amour, selon la parole du bienheureux Denys rappelant lui-même celle de saint Paul (Vivo ego, iam non ego): «Est enim extasim faciens divinus amor...98». L’auteur affirme que les mots inter ubera mea commorabitur seront facilement compris de qui a expérimenté en lui-même la force de cet amour divin et extatique, dont les douceurs touchent l’affectus et les illuminations l’intellectus. Mais il ajoute une précision qu’il introduit par les mots: «Vel, ut attente hoc accipias, tunc dicendus est dilectus iugem commorationem inter ubera anime deiformis agere» quand elle est, continuellement et en lui, soit disposée par l’amour, soit encore exercée par la méditation de l’Écriture, états qui concernent respectivement l’affectus et l’intellectus99. Nous retiendrons la méditation des livres saints qui exerce l’âme et la dispose à l’amour. L’auteur lui donne ici une importance capitale, car n’oublions pas que pour lui c’est l’intelligence tout entière, affectus et intellectus, qui est unie à Dieu; mais ceci ne nous étonnera pas si nous admettons que tout dans l’Écriture (subiectum totale) se rapporte à un objet divin. L’aspect sous lequel cet objet se présente à l’âme déiforme est le Christ crucifié. Nous pouvons nous demander si cet aspect
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P. 102. Dionysiaca, t. I, 2151-3 P. 103.
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de la dévotion de l’épouse dans le Cantique est épisodique. Il n’en est rien. Le thème du Crucifié apparaît dès le début de l’ouvrage et s’y retrouve constamment. Dès le troisième verset du premier chapitre il est explicitement présent, car toutes les forces de l’âme reviennent à son bien-aimé et plus que doux Crucifié, comme au véritable objet de sa joie et de son allégresse100. En disant: «Exultabimus et letabimur in te», l’épouse a voulu dire: «Tu seras désormais la matière de notre exultation et de notre bonheur.» Et un peu plus loin101: «Indique-moi par ton illumination, plus qu’aimable Crucifié à qui je suis attachée102 par un amour indissoluble, quel est le lieu de ton délassement plus que très doux, et de ton plus que très suave repos, dans l’ardeur plus que fervente et la plus que splendide lumière de la déité, afin qu’il ne m’arrive pas de suivre inutilement les illuminations simples et multiples des anges qui t’accompagnent toujours103.» Les versets 13-14 du chapitre II introduisent la plus longue et la plus fervente réflexion de l’auteur sur le thème du Crucifié: «Surge, amica mea, sponsa mea, et veni, columba mea, in foraminibus petre, in caverna macerie.» L’épouse qui mérite le nom d’amie du Christ en aimant ardemment, de belle en comprenant subtilement, de colombe en croyant avec foi, doit aller dans les trous de la pierre et les cavités du mur, c’est-à-dire dans une profonde considération des plaies du très bienheureux et très beau Christ crucifié. En effet parmi toutes les actions de l’esprit, cette considération est la plus apte à élever l’intelligence104. En vérité,
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P. 85: «Exultabimus...» P. 92: «Indica mihi...» Le mot employé est très fort: glutinata. Nous croyons utile de renvoyer aux passages où l’époux est explicitement nommé Christ crucifié: voir p. 86, 110, 118, 124, 146, 152, 212 à 226 (13 fois), 230, 232, 262, 282, 362, 404, 446, 470, 472, 486, 514, 520, 522, 526 à 530, 544, 546, 554. P. 141-142. L’auteur est tellement pris par son sujet qu’il abandonne momentanément le ton du commentaire pour émettre un vœu: «Nostra itaque iugis, immo perennis, habitatio sit in foraminibus petre, hoc est in pia consideratione vulnerum pedum et manuum Crucifixi»
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c’est par «la représentation assidue du très divin Crucifié que l’âme déiforme devient le plus capable d’être déifiée105.» Il semble donc bien que l’auteur de Deiformis animae ait commenté le cantique des cantiques dans une perspective christologique et plus précisément en vue du Christ souffrant. Mais comme un autre nom est donné très fréquemment à l’époux du Cantique, celui de «rayon» ou plus souvent «rayon divin», il convient de rechercher si sa signification recouvre la même personne sous le même aspect. Une remarque préalable s’impose: l’auteur de Deiformis animae écrit évidemment pour des lecteurs initiés et par conséquent il n’éprouve pas le besoin de définir ni d’expliquer ses options. Nous avons constaté le fait à propos du Crucifié dont le nom est substitué sans aucune justification à celui d’époux dès le début du commentaire. Le nom de rayon est employé lui aussi tout au long de l’ouvrage sans avoir reçu de définition. Il faut arriver au chapitre 8, verset 5: «Que est ista que ascendit de deserto, deliciis affluens, innixa super dilectum suum?» et à la question: «Mais d’où lui (c’est-à-dire à l’épouse) viennent toutes ces choses (c’est-à-dire les delicie)?» pour trouver une équivalence explicite entre le bien-aimé du Cantique, le Christ crucifié et le rayon théarchique, dans la réponse: «Utique a dilecto suo superdulcissimo Crucifixo et thearchico radio, super quem innititur...». Ceci est parfaitement clair106. Peu auparavant, le premier verset du même chapitre (Quis mihi det te fratrem meum…) avait donné lieu à une précision. L’âme donne à son bien-aimé le nom de frère parce que le rayon théarchique, ou le plus que splendide Fils de Dieu, provient comme toutes les créatures intellectuelles et spirituelles du même Père des lumières, lui par génération éternelle, elles par création bienveillante107. La fin du chapitre VII, avec le verset 11: «Veni dilecte mi, egrediamur in agrum...» sous-entendait l’identité du rayon. L’âme déiforme y est félicitée de son initiative, car elle demande
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P. 142. P. 299. P. 293.
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à son bien-aimé et plus que doux rayon de sortir avec elle des abîmes de l’unition pour se livrer aux œuvres extérieures, afin que les stigmates du bienheureux Crucifié resplendissent dans l’homme extérieur lui-même108. Déjà le verset 16 du chapitre V: «Talis est dilectus meus», avait reçu cette glose: «Le rayon divin que j’aime est tellement désirable, tellement plus qu’aimable...» complétée ainsi dans le commentaire: «Tel est mon bien-aimé, c’està-dire: c’est de cette manière que doit être chéri et aimé mon époux... le plus que doux Crucifié109.» Ces passages très explicites autorisent à étendre à l’ensemble du commentaire Deiformis animae l’équivalence littérale: Sponsus (ou dilectus) = Radius = Crucifixus. Il est à peine utile de rappeler à quel point nous sommes éloignés ici de la terminologie de Thomas Gallus. En effet celui-ci dit: «l’époux», et s’en tient le plus souvent à ce nom que le Cantique lui fournit, non sans avoir précisé dès les premières pages de son commentaire, à propos du verset 2 du chapitre I: «Oleum effusum nomen tuum», que l’époux ne peut recevoir de nom communicable110, et il rappelle à ce propos qu’il en a parlé dans sa préface à l’Explanatio des Noms divins. Ici le nom divin est imprimé à la fine pointe de l’affectio principalis, c’est-à-dire, dans sa perspective de l’âme hiérarchisée, au sommet de l’ordre du séraphin de l’âme111 et ne peut être communiqué à un ordre moins élevé. À ce niveau, l’épouse elle-même ne peut lui donner de nom plus précis que celui-ci: quem diligit anima mea. Aucun mot ne peut exprimer plus familièrement ce nom ineffable et incommunicable112. D’ailleurs quand elle dit: dilectus meus, elle sous-entend
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P. 288 P. 240. Rappelons que, depuis 1 Petr. 2, 3: «Si tamen gustastis quoniam dulcis est Dominus», il existe une longue tradition mystique et liturgique d’application au Christ du mot dulcis. Thomas Gallus. Commentaires..., p. 123. Ibid. et 109 N. Ibid., p. 123.
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qu’elle ne connaît pas d’autre nom adéquat pour le désigner113. Il est alors «l’époux absolument inintelligible114.» Cependant il est appelé le Verbe du Père dès la première ligne du chapitre I. La fin du Prologue avait annoncé que les premiers mots seraient prononcés par l’épouse «dans l’ordre des dominations» et nous avons vu que c’est au sommet de cet ordre que cesse l’action de l’âme qui, dans les ordres supérieurs à celui-ci, est mue et ne se meut pas. Or les premiers mots de l’épouse sont: «Osculetur me osculo oris sui». Il s’agit d’un appel et c’est pourquoi il est proféré dans l’ordre des dominations, mais cet appel est expliqué par Thomas Gallus: osculo oris sui veut dire: par l’unition au Verbe du Père. Le souhait de l’épouse est entendu et c’est dans l’ordre immédiatement supérieur, celui des trônes, qu’elle donne la raison de sa demande: quia meliora sunt ubera tua vina. Il s’agit de la sagesse divine. Le commentaire qui suit distingue entre la sagesse des philosophes et celle des chrétiens, et rappelle que le Verbe a daigné recevoir dans les Écritures le nom de sagesse. Nous savons en outre, à propos de la tour de David, que l’époux est le Christ115. Il y a, on le voit, de très délicates nuances dans la terminologie de Thomas Gallus en ce qui concerne l’époux. Elle est profondément tributaire des deux principales caractéristiques de ses commentaires: la structure hiérarchique de l’âme et le rôle de la principalis affectio116. Mais nous n’y trouvons absolument pas l’identification au Christ crucifié qui tient un si grand rôle en Deiformis animae. Quant au nom de rayon dont nous avons montré l’équivalence en Deiformis animae avec celui de Crucifié, il n’est pas pour
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Ibid., p. 140 et 149. Ibid., p. 204. Ibid., p. 178. Nous croyons que c’est en ce sens que devrait être menée une étude de l’identité de l’époux, mais nous ne pouvons que la suggérer ici car elle implique toute la théologie de l’auteur sur les noms divins et par conséquent tous ses Commentaires dionysiens.
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Thomas Gallus un nom de l’époux mais plutôt son moyen d’agir sur l’épouse117. Ici encore, nous discernons une différence fondamentale entre les commentaires de Thomas Gallus et Deiformis animae118. La médiation de la Vierge Si la médiation du Christ considéré dans sa Passion est totalement absente des perspectives de Thomas Gallus dans ses commentaires du Cantique des cantiques, il en va de même pour la médiation de la Vierge. La mère de Dieu n’est même pas nommée dans le deuxième et le troisième commentaires119. Or, conséquence normale de la médiation du Christ dans le processus d’union de l’âme avec Dieu, on trouve dans le commentaire Deiformis animae de nombreuses interventions de la sainte Vierge. Précisons bien. Il ne s’agit pas ici d’une interprétation du Cantique appliquée à Notre-Dame, comme la liturgie le suggère maintes fois et comme les commentateurs l’ont souvent fait. C’est en relation avec son Fils crucifié que la Vierge paraît, mais elle
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«Dilectus misit manum suam, id est radium suum», Thomas Gallus. Commentaires..., p. 196; «Sponsus penetrat radio suo», ibid.; «Sponsus... per radium suum... infundat», ibid., p. 232; «Sponsus in sponsam radians», ibid., p. 150. Dans le bref exposé doctrinal qui précède notre édition des commentaires du Cantique par Thomas Gallus, nous n’avons pas insisté sur l’identité de l’époux parce que, quelque importance que puisse avoir ce point, il n’est pas nécessaire à l’intelligence du texte. En revanche l’identification de l’époux au Christ crucifié est une pièce maîtresse dans le Commentaire Deiformis animae. Nous avons, en conséquence, pour pousser la comparaison entre les deux textes, donné ici une place assez importante à ce point de la doctrine vercellienne. L’optima portio Marie est évidemment une allusion à Luc 10,42: «Maria optimam partem elegit.» L’expression est familière à Thomas Gallus; on la trouve dans Extractio M.T. ch. 1 (Dionysiaca, t. I, p. 565) et elle revient à plusieurs reprises dans son œuvre pour signifier la sagesse des chrétiens opposée à celle des philosophes.
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assume un rôle médiateur qui lui est propre. Elle n’est jamais identifiée à l’épouse, mais c’est parfois elle qui conduit l’épouse à l’Époux, l’âme déiforme au Christ crucifié. On trouve à propos du verset 9 du chapitre III (Ferculum fecit sibi rex Salomon de lignis Libani) une longue application littérale à «la Vierge plus que très candide, siège de la majesté divine120.» Toute la gloire de la Mère de Jésus est évoquée à propos de ce verset, et c’est là que l’auteur cite le passage des Noms divins de Denys, chapitre III, que nous avons évoqué plus haut121 à cause des deux explications différentes qu’en ont données les Pères latins et grecs. Le verset 3 du chapitre IV (Sicut fragmen mali punici, sic gene tue) introduit le thème de la médiation. En effet «la lumière divine qui rayonnait de la face de la Vierge, à la manière dont elle illuminait celle de Moïse après la vision, conduisait122 les hommes à la connaissance du Dieu caché dans son sein.» Le verset 11 du chapitre III (Egredimini et videte, filie Sion, regem Salomonem in diademate quo coronavit eum mater sua) amène une déclaration plus précise: «Sortez, filles de Sion, pour contempler le soleil, fils de l’étoile; il est couronné du diadème plus que beau de son humanité, diadème dont l’a couronné la mère de pureté plus qu’angélique dans l’éclat splendide de la divinité reçue. Qu’ainsi, par la plus qu’aimable contemplation de la mère de notre jésuité, c’est-à-dire par la considération de Marie mère de Jésus, nous soyons élevés à la connaissance plus que sainte de la divinité de notre créateur123.» Mais c’est dès les premières pages de son commentaire124 que l’auteur expose le rôle irremplaçable de la Vierge quand il glose le troisième verset (Trahe me post te...) et décrit en quelques lignes le mouvement de la vie mystique, tel qu’il se déroule en trois étapes sous l’attirance du «rayon125»: l’âme est «retirée des choses 120 121 122 123 124 125
P. 169-173. P. 23. P. 183. P. 176. P. 82-84. Le rayon, nous l’avons vu, est le Christ crucifié et l’époux de l’âme juste.
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matérielles, elle est dirigée par les intelligibles et unie aux divines.» Mais le passage des choses visibles aux invisibles «lui fait souffrir quelque violence (trahe), et c’est pourquoi le corps n’y a habituellement pas de part. C’est dans l’extase du corps que l’âme est favorisée de visions, telles que de très brillantes lumières, des corps éblouissants parés d’une inestimable beauté.» Or, l’auteur nous le dit, c’est à ce stade que «la plus que très douce Vierge a coutume d’apparaître de façons diverses sous de tels aspects. Si bien que personne ne doute que la grâce de la contemplation soit accordée spécialement par sa bonté plus que très douce. En effet, elle est cet aigle dont le comportement est celui d’une intelligence (intellectualis aquila), qui pousse ses petits à voler, étendant ses ailes, prenant ses petits en charge et les portant. Mais qui sont ces aiglons à qui l’on apprend à voler, sinon les dévots de Notre Dame (devoti Domine nostre) qui sont excités par elle à la contemplation? On dit bien qu’elle les prend en charge et les porte, parce que par ses bonnes illuminations elle les guide, les dirige et les soutient jusqu’à ce qu’elle les ait amenés à la perfection de la vision.» Il est difficile d’être plus explicite: il s’agit bien d’une médiation active de la Vierge. Nous avons remarqué que le rôle de la mère du Christ est évoqué dès le début du livre. On le retrouve à la fin de l’Épilogue, dans les dernières lignes qui sont une invocation, après le rappel des souhaits formulés par l’épouse au début et à la fin du Cantique (osculetur me et fuge dilecte mi): «Daigne le plus que très doux Crucifié nous accorder ces demandes, par les mérites et l’intercession de sa plus que très douce mère Marie et de toutes les troupes célestes, lui qui vit et règne avec Dieu le Père et l’Esprit saint dans les siècles des siècles126.»
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IV. GENÈSE ET HISTOIRE D’UNE ERREUR La tradition manuscrite telle qu’elle nous est actuellement connue n’impose pas l’attribution du commentaire Deiformis animae à Thomas Gallus. Les arguments apportés en faveur de cette attribution ne sont pas probants et des différences nombreuses et profondes séparent la doctrine de Deiformis animae de celle des commentaires certainement authentiques du Cantique des cantiques, différences parfois telles que les deux pensées sont inconciliables. D’une telle constatation on peut tirer une conséquence apparemment anodine et dire que Deiformis animae représente un stade d’une pensée en évolution. Mais outre qu’il y aurait pour l’historien de la pensée de Thomas Gallus de sérieuses difficultés à expliquer chez son auteur des changements aussi radicaux, il y a, nous l’avons vu, une quasi impossibilité à admettre que le commentaire Deiformis animae, s’il a été écrit par l’abbé de Verceil, ne soit cité dans aucune de ses autres œuvres et ne contienne aucune référence à ce qu’il aurait pu écrire auparavant. Cette œuvre très importante, tant par son volume que par la maturité et le degré d’élaboration doctrinale qu’elle représente, serait une sorte de bloc erratique, absolument hétérogène à toutes les autres œuvres dont la parenté, les imbrications mutuelles et les interactions sont évidentes. Au tour de force que représenterait l’introduction justifiée de Deiformis animae dans l’œuvre de l’abbé de Verceil, nous préférons donc une conclusion plus sage, encore quelle semble à première vue présomptueuse: le commentaire Deiformis animae a été faussement attribué à Thomas Gallus. Comment une telle erreur a-t-elle pu être commise? À cette question nous ne pouvons apporter une réponse complète. Pour expliquer l’erreur initiale, commise semble-t-il au XVe siècle, il faudrait savoir quelle a été exactement la place de Thomas Gallus dans la spiritualité de cette époque, connaître les chemins de la diffusion de son œuvre et les milieux où elle s’est implantée; on
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aurait alors une idée des réactions qu’elle a pu susciter. Nous ne pouvons assumer une telle tâche, mais nous proposons une hypothèse de travail. Ne peut-on penser que Thomas Gallus a été connu, dans les milieux où s’épanouissait la pensée spirituelle au XVe siècle, surtout et peut-être presque exclusivement par son Explanatio de la Théologie mystique?127 Si tel est le cas, il n’était pas impossible à un lecteur de Deiformis animae de croire à son authenticité128. Il faut, pour accepter cette hypothèse, admettre qu’à la Chartreuse de Mayence on ne lisait pas assez attentivement le troisième commentaire, dont pourtant on possédait un exemplaire, actuellement conservé à la Bibliothèque Bodleienne129. Or le plus ancien de nos quatre exemplaires de Deiformis animae qui porte l’attribution à l’abbé de Verceil130 a la même origine. Nous avons pu comparer attentivement à Oxford ces deux manuscrits. Le manuscrit du troisième commentaire a été abondamment revu et corrigé à une date que nous avons approximativement fixée à la fin du XIVe siècle131. Certes il faudrait comparer d’autres manuscrits de la même provenance pour pouvoir dater avec une certaine sécurité. L’important est d’avoir reconnu la même main à l’œuvre dans les deux manuscrits qui nous intéressent. Rappelons que le correcteur du troisième commentaire a été amené à en recopier presqu’entièrement le Prologue sur des feuillets ajoutés et sur le premier feuillet du manuscrit primitif. Or sa graphie ressemble beaucoup à celle du texte de
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Un relevé des œuvres de Thomas Gallus contenues dans les manuscrits dionysiens des bibliothèques d’Autriche, dont le catalogue a été dressé par le P. Gabriel Théry (AHDLMA, t. 10 et 11, 1935-1938), confirme cette hypothèse. On rencontre surtout l’Explanatio super Mysticam theologiam et l’Extractio. Nous voulons dire que les discordances qui sautent aux yeux quand on compare les Commentaires du Cantique et Deiformis animae n’apparaissent pas aussi vivement au lecteur de l’Explanatio super Mysticam theologiam. Oxford, Bodleian Library, Laud misc. 313. Oxford, Bodleian Library, Laud lat. 37. Thomas Gallus, Commentaires..., p. 23-24.
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Deiformis animae dans notre manuscrit de base; elle est pourtant un peu moins soignée dans le manuscrit du troisième commentaire, ce qui s’explique aisément puisque celui-ci était évidemment destiné à être recopié après correction. En outre, une note écrite dans la marge supérieure de Deiformis animae, au f. 181v par la même main et de la même encre que le texte mais d’une façon un peu plus cursive, apporte un supplément d’information: ici la ressemblance avec l’écriture du correcteur du troisième commentaire est telle qu’il est difficile de douter qu’il s’agisse du même scribe. Cette note en donne le nom, en même temps qu’elle précise l’origine du manuscrit: «Iste liber est Carthusiensis domus Montis sancti Michaelis prope Magunciam et scripsit eum frater Ulricus dictus Maynfrid.» Ainsi, nous pouvons savoir que Deiformis animae et le troisième commentaire du Cantique de Thomas Gallus occupèrent en même temps le scriptorium de la Chartreuse de Mayence. Il est intéressant de constater que le titre du troisième commentaire est écrit au début du Prologue, à l’intérieur de la justification et par la même main: Postula Verzellensis abbatis super Cantica canticorum. En revanche le titre de Deiformis animae n’a pas été tracé par le scribe; ceci semble montrer que l’exemplaire d’après lequel Ulricus, dit Maynfrid, copiait ne portait pas de nom d’auteur. Mais une autre main a tracé peu après, sous la même forme et avec la même orthographe germanique, le nom de l’auteur: Verzellensis abbas super Cantica canticorum dans la marge supérieure de la première page de Deiformis animae. Nous ne pouvons affirmer que le bibliothécaire pressé ou le lecteur superficiel qui a écrit ce titre est l’unique responsable de l’attribution de Deiformis animae à l’abbé de Verceil, mais si tel est le cas, le «faux» qu’il a commis alors a connu un plein succès. Quoi qu’il en soit de l’erreur initiale et de sa diffusion au cours du XVe siècle, nous devons reconnaître qu’il n’y a pas lieu de faire grief à Dom Pez de l’avoir entérinée en 1721. Il ne connaissait des commentaires authentiques que la mention faite par Casimir Oudin d’un Commentarium super Cantica canticorum hierarchice exponens hec Cantica, titre qui lui paraissait pouvoir convenir au texte
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qu’il avait sous les yeux132. Outre cette indication vague, il possédait le texte de l’Explanatio de la Théologie mystique et les Extractiones complètes qui ne l’obligeaient pas à récuser l’attribution faite dans son manuscrit. Plus grave est l’erreur de ceux qui de nos jours s’intéressèrent à Thomas Gallus et découvrirent des manuscrits de ses œuvres, car les données du problème étaient sous leurs yeux133. Nous avons vu comment la finesse du P. Gabriel Théry y fut prise en défaut. Il faut louer et remercier les défricheurs après qui les laboureurs peuvent tracer leurs lents sillons, mais on peut regretter qu’à la découverte des textes ils n’aient pu joindre l’édition, car seul le résultat de ce patient travail permet la confrontation des idées. Nous l’avons fait pour les deux derniers commentaires du Cantique de Thomas Gallus et pour le commentaire Deiformis animae et c’est dans une longue intimité avec les textes que nous avons puisé notre conviction134. Nous ne pouvons pas éluder la double question qui se pose maintenant. Si Deiformis animae n’est pas le premier commentaire du Cantique écrit par Thomas Gallus, qui en est l’auteur, et où est le premier commentaire? Nous ne prétendons pas pouvoir répondre à la première interrogation, mais nous avons édité les textes avec l’espoir que de plus capables que nous y répondront. Nous essaierons toutefois d’indiquer quelques éléments de recherche. Mais auparavant nous
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Voir plus haut, p. 18. De 1932 à 1942. Nous n’oublions pas que la pièce maîtresse de l’œuvre de Thomas Gallus, l’ExpIanatio du Corpus dionysien, est en grande partie inédite et nous estimons qu’il ne sera pas possible de porter des jugements définitifs sur la pensée vercellienne aussi longtemps qu’elle le demeurera. Pour le moment, seule est éditée l’Explanatio super Mysticam theologiam: Johannes VAHKAMPF, Thomas Gallus. Kommentar zur Mystischen Theologie und andere Schriften, Dollnstein, 2000 (Theologia Patrum, Schriften zur Mystischen Theologie), p. 1-45; éd. précédente par Gabriel THÉRY, Grand commentaire sur la Théologie Mystique, Paris, 1934.
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voudrions dire comment nous apparaît le problème du «premier» commentaire. Nous le rappelons, Thomas Gallus a affirmé lui-même à plusieurs reprises avoir commenté trois fois par écrit le Cantique, et au moment d’entreprendre sa troisième exposition il a annoncé son intention de la composer «comme il en avait l’habitude». Nous pensons en outre qu’à ces trois commentaires écrits il faut vraisemblablement ajouter des sermons à ses religieux sur ce sujet privilégié135. Ceci suppose une longue familiarité avec le texte sacré. Or, si nous portons attention aux dates, nous voyons se dérouler l’histoire des commentaires du Cantique dans la vie de leur auteur. Tout d’abord il y a, en 1218, l’intuition de base, à savoir l’idée d’une structure ontologique de l’âme juste, selon le schéma des ordres angéliques. Cette intuition présentée dans le Commentaire sur Isaïe, trouve son application en 1238 dans une exposition du Cantique faite en Angleterre et dont nous possédons près de cinq chapitres136. Elle est développée largement dans le dernier commentaire, écrit à Ivrée en 1243 et peut-être revu une dernière fois par son auteur avant le 5 décembre 1246, date de sa mort137. C’est en 1219 que Thomas avait été appelé à Verceil; en 1224 il était le premier prieur du monastère dont il devenait abbé en 1225. Il est extrêmement probable que le premier commentaire fut écrit entre 1224 et 1238, et qu’il a revêtu la même forme que les deux autres puisque leur auteur avait déjà réfléchi sur ses principes avant d’assumer la lourde charge d’une abbaye en fondation.
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Cette supposition explique la précision «in scriptis», donnée par l’auteur du troisième Commentaire dans le Prologue «Nunc tertio»; il y avait eu des expositions orales. Il importe peu de savoir si Thomas Gallus put terminer ce deuxième Commentaire. Ce qui compte c’est que des passages en aient été introduits par lui dans ses œuvres postérieures comme l’ont remarqué le P. THÉRY, «Chronologie...», 491 et Mlle M.-Th. D’ALVERNY, «Le second Commentaire de Thomas Gallus, abbé de Verceil sur le Cantique des Cantiques», dans AHDLMA, t. 13, 1942, p. 391-402. Thomas Gallus. Commentaires..., p. 26.
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Cette première exposition écrite du Cantique n’a pas, semblet-il, laissé de traces. Le fait n’est pas étonnant: on peut supposer sans invraisemblance qu’elle a été moins élaborée que les deux autres. D’autre part, il était naturel qu’après la mort de l’auteur on fasse des copies du troisième commentaire plutôt que des premiers: il devait être considéré comme l’état achevé et parfait de l’exposition par Thomas du Cantique. Deux découvertes restent pourtant possibles: celle d’une exposition «hiérarchique» du Cantique des cantiques, anonyme probablement mais qu’une comparaison avec les deux commentaires désormais édités permettrait d’identifier, et celle de citations ou d’allusions, dans l’Explanatio encore inédite, qui ne se retrouveraient pas dans les commentaires connus et témoigneraient du souvenir que Thomas Gallus aurait conservé de son premier commentaire. La réponse à la première question (qui est l’auteur de Deiformis animae?) est beaucoup plus difficile et ne pourra pas être donnée avant que le texte ait été étudié dans la perspective des diverses écoles de spiritualité de la fin du XIIe siècle et du début du XIIIe. Les quelques réflexions qui suivent sont, comme tout ce que nous avons écrit au sujet de Deiformis animae, destinées à dissiper des équivoques, afin de laisser autant que faire se peut la place nette aux historiens de la spiritualité. Les citations faites par l’auteur ne peuvent guère aider à découvrir son identité car, hormis la Bible et le Corpus dionysien, il ne cite qu’un seul écrivain, André de Crête et il le fait une seule fois, épisodiquement, à l’appui de sa propre interprétation d’un passage des Noms divins138. Nous avons déjà parlé de l’utilisation en Deiformis animae de la Bible et des œuvres de Denys par comparaison avec celle qu’en fait Thomas Gallus. C’est un aspect négatif et il est évident qu’il devra être dépassé. Comme nous l’avons brièvement indiqué, l’exégèse scripturaire a ici une forme techniquement très élaborée; il faudra en tenir le plus grand compte lors de toute tentative d’identification. L’usage de Denys (abon-
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P. 171. Voir plus haut, p. 24.
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dance des citations, façon de citer, interprétation des textes cités, etc.) fournira aussi des éléments importants de critique. L’absence elle-même de recours à toute autre autorité est significative. Mais un autre problème se présente qui pourrait être résolu, comme il l’est chez Thomas Gallus, par des citations explicites, c’est celui de la date de l’œuvre. Nous avons vu que les critères de datation de Gabriel Théry étaient tous fondés sur le texte même de Deiformis animae considéré comme le premier des commentaires du Cantique de Thomas Gallus. En dehors de cette perspective, ils n’ont plus aucune valeur. Nous sommes obligée de nous contenter de la date probable du plus ancien manuscrit, celui de Naples qui ne nous permet pas, croyons-nous, de sortir des limites du XIIIe siècle. Quant aux indices fournis par le texte, ils n’apparaîtront qu’à partir de comparaisons avec des textes mystiques datés et identifiés. Il en est un cependant dont le P. Théry a fait état à deux reprises et qui a pour lui valeur de preuve. Nous ne pouvons nous dispenser de l’examiner139. Il s’agit d’un passage que nous donnons ici entièrement parce qu’il soulève des difficultés de traduction et d’interprétation. Nous sommes au chapitre VII, verset 8: «Dixi: ascendam in palmam et apprehendam fructus eius.» L’auteur parle des fruits de la contemplation: «...in huiusmodi contemplationis sanctissimis effectibus adeo delectatur ut non tantum aspiciat ad delectationem, sed etiam accipiat ad conservationem, et amative apprehendet ad bonam et confertam et coagitatam et supereffluentem remunerationem (si autem quis mente sollicitatur volens scire qui sint isti effectus in quibus tantum dilectus delectatur, possumus dicere quod sunt septem, scilicet ignificatio calidissima, unctio suavissima, extasis perfectissima, speculatio lucidissima, degustatio deliciosissima, quies et unitio pacatissima et gloria super-
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Dans la «Chronologie des œuvres de Th. Gallus», p. 484, § 4, et surtout dans une étude spéciale parue dans la Revue Néoscolastique de philosophie, t. 36, Louvain, février 1934, p. 180-190: «Thomas Gallus et Égide d’Assise. Le traité De septem gradibus contemplationis».
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gloriosissima, de quibus extat tractatus), iuxta bonitatem nostre possibilitati coniunctam140.» Ce texte est celui que nous éditons. Il présente avec celui de Pez deux différences notables: Pez place un point après le mot remunerationem et ne met pas de parenthèses; le dernier mot de la citation (coniunctam) est lu par lui: communicatam, leçon qui n’est attestée par aucun manuscrit, pas même celui de Melk dont il s’est servi. Or c’est sur le texte de Pez que le P. Théry a raisonné. Il s’est fort bien aperçu que l’accusatif féminin communicatam ne trouvait pas sa place dans une phrase commençant à Si autem... et l’a remplacé sans autre cérémonie par communicatus qui a l’avantage de s’accorder avec tractatus. Il s’agissait alors d’identifier ce «traité». Pez avait noté en marge de son édition: Thomae Abbatis Tractatus de septem fructibus contemplationis141. Gabriel Théry écarte l’hypothèse selon laquelle Thomas Gallus (pour lui auteur de Deiformis animae) «fait allusion ici à son traité De septem fructibus ou gradibus», car Thomas «quand il cite ses propres écrits le fait d’une façon très simple et très directe: in extractione nostra, in concordanciis nostris, etc.142» Pour lui le Tractatus cité ici désigne les Dicta d’Égide d’Assise, ce premier compagnon de saint François dont les paroles avaient été recueillies par ses frères143, car les sept effets (degrés dans les Dicta) de la contemplation énumérés dans la phrase rapportée sont bien ceux qu’énumère frère Égide, à une variante près: contemplatio au lieu de speculatio. Au surplus, ajoute Gabriel Théry, ce traité «qu’on lui a communiqué» a pour Thomas une grande valeur puisqu’«il en remercie la divine bonté. C’est pour lui une grâce de connaître cet écrit144.» Le malheur est qu’il n’y a pas communicatus dans le texte, mais coniunctam qui doit qualifier un substantif féminin à l’accusatif,
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P. 283. P. 659. «Thomas Gallus et Égide d’Assise…», p. 188-189. Édition critique dans Bibliotheca Francescana Ascetica Medii Aevi, t. III, Quaracchi, 1905. «Thomas Gallus et Égide d’Assise…», p. 189, § C.
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à savoir bonitatem qui lui est voisin. Le segment de phrase devient alors incompréhensible, à moins qu’on ne le rattache à ce qui précède notre parenthèse, ce qui donne: «...et amative apprehendat ad bonam et confertam et coagitatam et supereffluentem remunerationem, iuxta divinam bonitatem nostre possibilitati coniunctam145.» En même temps toute la phrase entre parenthèses revêt une signification très simple, pour peu qu’on la lise isolément. Nous pensons qu’elle a été écrite dans la marge, peut-être par l’auteur lui-même, et introduite maladroitement par un des premiers copistes. L’identification du Tractatus ainsi allégué n’en est pas réglée pour autant. Il a préoccupé au XVe siècle un lecteur du manuscrit O de Deiformis animae146 qui a écrit dans la marge: «Qui tractatus incipit: Contemplativorum aquilinos obtutus acui et ipsorum, etc.; licet quidam inscribant Bonaventure ipsum, nisi sit quidam alius tractatus quem hic auctor scripserit.» On le voit, il existe un traité qui énumère les sept degrés de la contemplation d’Égide d’Assise et ce lecteur l’a identifié147. Attribué à saint Bonaventure dans 25 manuscrits sur 70 et à Thomas Gallus dans 3148, ce petit traité De septem gradibus contemplationis a été retiré à Bonaventure par ses éditeurs. On voit que le lecteur du manuscrit O suppose qu’il pourrait être une autre œuvre de l’auteur de Deiformis animae. Quant au P. Théry, il l’attribue presque sans réserves149 à Thomas Gallus, et hormis les raisons qu’il tire du passage ci-dessus cité du commentaire Deiformis animae, ses arguments nous semblent acceptables, en attendant une comparaison sérieuse avec l’ensemble de l’œuvre de l’abbé de Verceil.
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Il est inutile de souligner ce que cette formule a de dionysien. Oxford, Bodleian Library, Laud. lat. 37, f. 173. Précisons que ce que nous trouvons en Deiformis animae, n’est pas une citation littérale mais que les sept degrés, avec la variante speculatio pour contemplatio, y sont énumérés comme dans le traité, seulement ils sont accompagnés ici d’adjectifs au superlatif absents et des Dicta et du traité. Opera s. Bonaventurae. Quaracchi, t. VIII, 1898, p. CXIV. Voir pourtant «Thomas Gallus et Égide d’Assise…», p. 196, n. 18.
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Nous pouvons cependant faire dès maintenant une remarque: l’un des adjectifs accolés aux sept degrés d’Égide est un double superlatif. Nous avons attiré l’attention150 sur cette particularité du style de Deiformis animae et signalé que Thomas n’emploie jamais cette forme de superlatif. Ceci pourrait apporter un argument en faveur de l’hypothèse selon laquelle il s’agirait d’un traité composé par l’auteur de Deiformis animae et non par Thomas Gallus. Si nous avons insisté sur cette «citation» des Dicta d’Égide d’Assise, c’est parce que le traité d’où il semble bien qu’elle soit tirée est la seule œuvre contemporaine dont il soit fait mention en Deiformis animae. Malheureusement elle ne nous fournit aucun élément solide de datation: nous soupçonnons que cette mention a été ajoutée en marge, ce qui peut avoir été fait de longues années après la composition de l’ouvrage; même si nous étions assurée que l’auteur lui-même l’eût écrite, il n’est pas certain qu’elle ait été tirée d’un traité de Thomas Gallus; enfin, quand ce traité serait authentique, comme le voudrait le P. Théry, sa date n’est pas certaine. Admettons pourtant que l’auteur de Deiformis animae ait cité lui-même le traité De septem gradibus contemplationis commençant par les mots «Contemplativorum aquilinos» et que ce traité soit une œuvre écrite par Thomas Gallus à l’époque où celui-ci était en relation avec saint Antoine de Padoue, comme le pense le P. Théry, vers 1222-1224151; nous devrions alors dater Deiformis animae après le premier quart du XIIIe siècle. Une autre conséquence s’imposerait: l’auteur aurait connu l’abbé de Verceil. Mais à quelle période de sa carrière? Ceci n’est pas sans importance. Nous avons vu que les deux auteurs ont une notion différente de la mystique. Ceci n’empêche pas qu’il y ait entre eux au moins un trait commun: l’utilisation habituelle de l’autorité de Denys en matière de spiritualité et très précisément dans une exposition
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P. 32-33. Gabriel THÉRY, «S. Antoine de Padoue et Thomas Gallus», dans La Vie spirituelle, t. 37, p. [94]-[115] et t. 38, p. [163]-[178], 1933.
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du Cantique des cantiques. Peut-on penser que c’est l’exemple de Thomas Gallus qui a incité un autre commentateur à se servir ainsi non seulement de la Théologie mystique mais de tout le Corpus dionysien? Dans ce cas il faut convenir que le disciple aurait agi en maître, car il a traité le Cantique et usé de Denys d’une façon qui lui est certainement personnelle. Signalons en passant que le scribe de Naples, qui transcrit très fidèlement les citations dionysiennes, donne en marge des références déjà contenues dans le texte, en leur ajoutant les subdivisions des chapitres en lettres, telles que Thomas Gallus les avait découpées. Ceci ne nous garantit pas que l’auteur, lui, connaissait ces divisions. En revanche à l’évidence il n’use pas de l’Extractio; la version qu’il emploie est celle de Jean Sarrazin. Il y a une exception: le manuscrit O donne, au chapitre 1, verset 2, d’après l’Extractio une citation de la Hiérarchie céleste, alors que les trois autres témoins donnent la version de Sarrazin. Ce passage est trop mal attesté pour qu’il soit possible d’en tirer une conclusion. On le voit, aucun des indices qui pourraient permettre de penser que l’auteur de Deiformis animae a connu Thomas Gallus n’emporte la conviction. Nous devons rester sur des impressions et renoncer, dans l’état actuel de nos connaissances, à trancher ce problème dont la solution nous eût permis de dater l’œuvre avec une certaine précision. Nous ne pouvons pas davantage nous prononcer sur la nationalité de l’auteur. Le plus ancien manuscrit est napolitain: faible indice. Il semble d’autre part que la diffusion dans les pays germaniques ait été assez tardive (fin XIVe et XVe siècles). Il reste la doctrine elle-même avec ses composantes fondamentales. Nous croyons avoir rendu compte de ses traits essentiels. Rappelons-les: selon le principe exégétique exprimé dans le Prologue, il ne convient pas de s’arrêter au sens littéral mais plutôt au sens moral ou au sens anagogique, le premier étant à l’usage des moins capables, l’autre pour ceux qu’a exercés une longue habitude. L’intellectus et l’affectus, agissant chacun dans sa sphère, vont simul et semel jusqu’à l’union. L’exercice de l’action est le moyen d’accéder à la hauteur de la contemplation, car le
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Christ est la matière et le sujet de l’une et de l’autre. L’époux du Cantique, objet des désirs de l’âme déiforme, est le Christ crucifié. Bien des traits apparaissent en outre qui peuvent servir à orienter la recherche sinon vers un auteur connu, car on ne saurait être trop circonspect, du moins vers une spiritualité définie. Nous signalerons tout d’abord la tendance générale de l’ouvrage à être une œuvre de spiritualité de type psychologique, si nous osons employer ce mot dans son sens moderne. L’auteur semble faire part d’expériences personnelles, ou du moins vivre dans un climat de vie mystique. On le voit renoncer à expliquer «ce que comprennent fort bien ceux qui ont éprouvé en eux-mêmes la force de l’amour divin extatique152.» Au surplus l’extase (firmans infirmitas et penetrans liquiditas153) et ses effets corporels sont évoqués154. Les moyens à employer pour vivre la vie mystique sont plus d’une fois rappelés. Il y a le travail manuel155 dont le rôle est loin d’être négligeable puisqu’il trouve place dans l’une des trois étapes de la contemplation, conjointement avec l’action de l’esprit156, qui est la lecture et la méditation de l’Écriture157. Il y a la dévotion à la Vierge158. Il y a aussi les mortifications corporelles et spirituelles159. On voit d’ailleurs, quand l’âme déiforme «vaque à l’exercice de la lecture, ou au soin de la prédication, ou au labeur de quelque bonne œuvre manuelle, briller sur l’homme extérieur lui-même les stigmates du très bienheureux Crucifié, qui sont la mortification des pensées, des sens et des membres, acquis par ces trois exercices» dont on vient de parler160. Mais le
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P. 37. P. 222: «Anima mea liquefacta est...» P. 13. P. 133. P. 281: Statura... et 282-283. Ces dernières pages nous semblent être particulièrement révélatrices d’une forme de spiritualité. P. 140. P. 83. P. 88-89, 187, 208-209. P. 288.
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moyen par excellence est la considération des plaies du Christ crucifié. L’auteur s’étend avec une particulière chaleur sur ce sujet. Pour acquérir la iesuitica caritas il faut «s’appliquer avec une très grande ardeur et attention à la méditation, la prière, la lecture et surtout la représentation (imaginatio) du plus que très suave Crucifié161.» La péricope du chapitre 2, verset 13-14 (Surge, amica mea, sponsa mea, et veni, columba mea, in foraminibus petre, in caverna macerie) est l’occasion d’une longue explication qui s’étend sur la péricope suivante: «Ostende mihi faciem tuam...162» L’épouse est invitée à «se rendre par l’imagination dans les plaies du très beau Crucifié.» Elle sera «dans les fentes de la pierre et dans la cavité de la paroi, c’est-à-dire dans la considération intérieure des plaies du très bienheureux et très beau Christ crucifié. Ceci est entre toutes les actions de l’esprit la plus efficace pour élever l’intelligence163.» D’ailleurs nous savons par l’Écriture qu’il n’était pas permis d’entrer dans le Saint des Saints sans avoir reçu l’aspersion du sang. Cette aspersion est «la représentation très efficace du Crucifié, et l’entrée dans le Saint des Saints la contemplation intérieure et très secrète de Dieu.» Mais «le Crucifié lui-même n’a pu y pénétrer autrement que par le sang164.» L’auteur répète alors sa pensée, comme il le fait plusieurs fois au cours de son œuvre, sous la forme d’une invocation. Nous la transcrivons sans la traduire parce que ces prières méritent qu’on 161 162 163
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P. 307. P. 140-143. Nous n’oublions pas que l’intelligence préside, parce qu’elle est la plus «déiforme», à toutes les formes de l’âme, ni que c’est par son intermédiaire (mediante intelligentia) que l’âme est unie à Dieu et Dieu à l’âme, p. 278279 et 274-275. Cette dernière réflexion nous permet de montrer que si le Christ dans sa Passion est l’époux du Cantique avec qui l’âme juste dialogue, il n’est pas le terme ultime de l’union mystique. Ce terme est évidemment Dieu, mais l’auteur ne précise pas davantage. Il parle, p. 281, de l’être divin, mais point de la Trinité, ni de l’essence. Le but du travail de l’âme est qu’entre Dieu et elle il n’y ait nul intermédiaire (p. 112), mais sur ce qu’elle atteint ainsi nous n’avons pas de précisions.
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respecte leur forme solennelle: «Nostra itaque iugis, immo perennis, habitatio sit in foraminibus petre, hoc est in pia consideratione vulnerum pedum et manuum Crucifixi, malleo clavisque confessorum ferreis, necnon in caverna macerie, hoc est in fenestra lateris, hasta militari profunde crudeliterque concavata, quoniam in ipsis est invenire ardentissimi amoris igniculum et forte ad divina vehiculum.» L’auteur allègue alors l’autorité de Denys dans la Hiérarchie ecclésiastique: «Quoniam divinissimum altare nostrum Iesus est, qui est thearchica divinarum mentium sanctificatio, in quo sanctificati et mystice oblati ad Deum habemus accessum165.» Puis il ajoute que l’épouse qui a fait sa demeure des plaies du Crucifié et s’est déifiée en elles en paraît plus belle et plus suave à ses yeux. C’est pourquoi il lui dit: «Ostende mihi faciem tuam». Ce visage de l’âme déiforme est son intelligence rendue «d’autant plus belle à voir qu’elle devient plus apte à se déifier par la représentation assidue du très divin Crucifié166.» Il est normal, dans un tel climat spirituel, que le verset 6 du livre 8 (Pone me ut signaculum...) prenne une grande importance167. Nous avons déjà rencontré les stigmates du Crucifié brillant sur l’homme extérieur, et il s’agissait alors de la mortification168. Ici le double sceau, celui du cœur et celui du bras, est le sceau du Crucifié qui marque respectivement la volonté et l’action169. Mais à cela se borne le vocabulaire d’impression qui pourrait orienter vers la spiritualité franciscaine. Il reste que la spiritualité de la deiformis anima est caractérisée par trois activités: la méditation (de l’Écriture), la prière et l’action (attente, ferventer et studiose meditare, orare et operari170) et
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Dionysiaca, t. I, p. 13073-l3081. P. 142. Notons en passant que le mot signaculum ne retient pas l’attention de Thomas Gallus et que cette phrase du Cantique est à peine glosée par lui. P. 288. P. 303. P. 318-319.
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dirigée vers un objet: le Christ crucifié (O vere amandus amor superamabilis Crucifixi171). Si le Commentaire «Deiformis animae gemitus» n’est pas le premier des commentaires du Cantique des cantiques écrits par Thomas Gallus, abbé de Verceil, il reste à lui trouver un jour une place dans l’une ou l’autre famille spirituelle. Jeanne BARBET
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P. 143-144.
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V. INFLUENCE FRANCISCAINE ET ORIGINE VICTORINO-VERCELLIENNE À l’aide des remarques qui suivent, on souhaite situer l’auteur de Deiformis animae par rapport à l’école de Saint-Victor et à l’école franciscaine.
Une influence victorine 1. Le manuscrit de Naples commence ainsi: «Introitus super theorias ex Canticis Canticorum». Le texte du premier chapitre fait état de l’âme déiforme, qui s’exerce dans les «théories intellectuelles», et il faut noter que l’auteur du commentaire utilise 49 fois le terme de «theoria». C’est relativement peu, quand on le compare au victorin Thomas Gallus, qui l’introduit 120 fois dans son second et son troisième commentaire du Cantique. Mais l’emploi de ce terme rare en ce sens rend légitime le rapprochement des deux auteurs. En Deiformis animae la «theoria» n’est définie qu’au chapitre 7, v. 18, mais le terme a été utilisé auparavant. 2. L’auteur de Deiformis animae veut découvrir et par la suite exposer à ses auditeurs et lecteurs le «sens spirituel» du Cantique. Il s’en explique dans son Prologue, et il illustre son projet en citant un verset des Proverbes: «Ote la rouille de l’argent et il sortira un vase très pur» (25, 4). Il assimile à la rouille le sens littéral du texte du Cantique, et au vase très pur son sens spirituel. Cette distinction des deux sens correspond à l’enseignement de Denys dans les Noms divins172 et dans la Lettre à Tite173. Le même rapport entre les deux sens apparaît dans le De Scripturis et scriptoribus sacris174 et dans le Didascalicon175 de Hugues de Saint-Victor exposant sa méthodologie. 172 173 174 175
Dionysiaca, t. I, p. 15, 14. Ibid. 625, 2-4; 635, 3 – 635, 1. C. 5; PL 175, 13 A-15 B. L. 5, c. 3; PL 176, 760 CD.
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3. Dans son Prologue, l’auteur de Deiformis animae dédie son travail «à notre Seigneur Jésus-Christ, le très glorieux Crucifié, et à sa Mère plus que douce». Cette dédicace révèle un aspect de la vie spirituelle de l’auteur, dévot du Crucifié et de sa Mère. Sa piété envers celle-ci est manifeste176. L’auteur qualifie le Crucifié de «très doux», «très beau», «plus que très suave», «très aimable», «plus que très bienheureux», «très divin», «très puissant», et le désigne comme «rayon», à la suite du Pseudo-Denys. Surtout, il l’appelle également «Époux», associant ce terme à celui de «Crucifié». Or Dieu et le Christ rédempteur comme époux font l’objet de petits traités de Hugues de Saint-Victor: Soliloquium de arrha animae177; Eulogium sponsi ad sponsam178. Thomas Gallus parle souvent et longuement de l’époux et de l’épouse, mais n’utilise pas le terme de Crucifixus pour désigner l’époux179. 4. Une note du septième chapitre de Deiformis animae signale que l’intelligence reçoit en ce livre plusieurs noms. L’auteur commente ce verset: «Ta tête est comme le Carmel, et les cheveux de ta tête sont comme la pourpre du roi enfermée dans les canaux» (c. 7, v. 10). Il poursuit: «C’est dire: le chérubin de ton esprit... Il est évident, dit l’auteur, que la tête dirige les autres membres en tant qu’elle est plus digne qu’eux; pareillement l’intelligence l’emporte sur toutes les forces de l’âme en tant qu’elle est plus déiforme qu’elles. On peut lui donner plusieurs noms: partie supérieure de la raison, à cause de sa plus grande dignité; ou intelligence, à cause de sa perspicacité plus subtile; ou déiformité, à cause de sa plus grande ressemblance avec Dieu; ou boniformité, à cause de sa plus grande participation de la bonté; ou chérubin de l’esprit, à cause de sa plus grande connaissance de Dieu; ou séraphin de l’esprit, à cause de la dilection plus ardente.» L’auteur utilise 28 fois le terme deiformitas et 66 fois le terme deiformis180. Hugues de 176 177 178 179 180
Notamment c. 1, v. 4; c. 3, v. 13, 14; c. 4, v. 7; c. 8, v. 24; c. 5, v. 6; c. 8. PL 176, 962BC; 963B; 964B; 970C. Ibid. col. 987-994. J. BARBET. Commentaires du Cantique des Cantiques. Tables. C. 1 (10 fois); c. 2 (19 fois); c. 3 (7 fois); c. 4 (7 fois); c. 6 (8 fois); c. 7 (2 fois); c. 8 (5 fois).
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Saint-Victor avait rencontré les mots deiformis et deiformitas chez Denys dont il commente la Hiérarchie céleste. Deiformitas est synonyme de similitudo avec Dieu181. 5. Le Seigneur Jésus-Christ, très glorieux crucifié, est la très pleine et très suave matière de la dévotion dans les divines Écritures dont il est le sujet total (c. v. 20). Selon Hugues de Saint-Victor, la divine théologie est également l’Écriture sacrée182, qui est «un seul livre, le Christ, car toute l’Écriture divine parle de lui et est en lui remplie»183. Quand il cite l’Écriture, l’auteur de Deiformis animae la qualifie de «bonne» (C. 2, v. 1, 8, 15, 16, 19; c. 3, v. 9; c. 5, v. 20; c. 6, v. 14; c. 8, v. 10, 11, 20), de «sainte» (C. 3, v. 12; c. 6, v. 7, 13), de «divine» (C. 4, v. 7; c. 6, v. 7, 13), de «bienheureuse» (C. 6, v. 5). Le Christ est donc le sujet total de ce que Hugues de Saint-Victor appelle «théologie divine»184, oubliant parfois cette distinction à laquelle il semble tenir particulièrement. 6. Dès les premières lignes du chapitre premier de Deiformis animae apparaissent le participe exercitantis et le substantif exercitium. Le texte est celui-ci: «Gémissement et parole vraie de l’âme déiforme, qui s’exerce souvent aux théories intellectuelles et aspire de tout son désir, avec une extrême ferveur, à la paix de l’union; en conséquence, fatiguée par le travail de l’exercice mental, et ayant goûté à l’avance quelque douceur de ce repos, elle pousse un si joyeux soupir comme éprouvant l’ardeur d’un vin en ébullition; elle dit, sous l’aiguillon de l’impatience: Qu’il me baise d’un baiser de sa bouche, comme si elle disait: Que mon époux me réjouisse de l’expérience de son union. L’idée d’exercice spirituel est courante chez les Victorins. Pour Hugues de Saint-Victor un tel exercice est un degré vers la perfection. On découvre chez lui ces «séquences»,
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PL 175, 935-1154. In coelestem Hierarchiam PL 175, 1011 AB; 1013 A; 1106 B. De arca Noe, II, vii, 80-94, éd. P. SICARD, Turnhout, 2001 (CCCM 176) = PL 176, 642 CD. In coelestem Hierarchiam PL 175, col. 925 A – 926 B; De Scripturis et scriptoribus sacris, ibid. 10C-11A
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selon l’expression de Patrice Sicard185, respectivement en: «lectio – meditatio186»; «lectio – meditatio – oratio – operatio – contemplatio187»; «cognitio – meditatio – contemplatio188»; «cogitatio – meditatio – contemplatio189»; «cogitatio – speculatio – contemplatio190»; «lectio – meditatio – oratio – operatio – contemplatio191». Deiformis animae utilise les séquences suivantes: «labor – contemplatio» (C. v. 8); «contemplatio – meditatio» (C. 1 v. 2, 19); «contemplatio – actio» (C. 2, v. 1); «oratio – lectio – opus manuale» (C. 2, v. 15); «lectio – meditatio – imaginatio – consideratio» (C. 2, v. 19); «actio manualis – actio mentalis» (C. 3, v. 8); «labor manualis – et mentalis»; «actio – oratio» (C. 7, v. 13); «lectio – meditatio – contemplatio – predicatio – actio manualis» (C. 7, v. 18); «meditatio – oratio – lectio – imaginatio» (C. 8, v. 12); «ruminare – orare – laborare – meditare – agere» (C. 8, v. 13.). On n’exclura pas Thomas Gallus de la liste des Victorins utilisant la notion d’exercice. Si le terme est rarement employé dans les commentaires du Cantique192, l’idée en est présente dès sa première œuvre, le commentaire d’Isaïe VI (Vidi Dominum sedentem super solium193), etc. Mais l’originalité de Thomas est de situer la pratique des exercices à l’intérieur de l’âme structurée sur le modèle du monde angélique194. 7. L’influence de Thomas Gallus sur l’auteur de Deiformis animae est manifeste, lorsque celui-ci en vient à dire que plus que les autres esprits l’âme fidèle se porte sans réserve sur la méditation des choses divines. Cette âme ne doit pas ignorer que son intelligence 185 186 187 188 189 190 191 192 193 194
P. SICARD, Hugues de Saint-Victor et son école, Turnhout, 1991, p. 203217, notes 40, 41. De arca Noe PL 176, 642 C. Libellus de formatione arche, IV, 190; V, 30-31, éd. P. SICARD, Turnhout, 2000 (CCCM 176) = PL 176, 695B, 697A. Didascalicon PL 176, 797AB. In Ecclesiasten PL 175, 116D et ss. Ibid. 118B. De meditatione PL 175, 993B-994C. J. BARBET, Thomas Gallus. Commentaires du Cantique des Cantiques. Gabriel THÉRY, Commentaire sur Isaïe de Thomas de Saint-Victor. J. BARBET, op. cit. p. 65-67; 107-111; Introduction doctrinale, p. 43-61.
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ou sa déiformité est d’une si grande puissance qu’elle est aussi capable de s’introduire en ce que le voile divin a de plus intérieur et de plus secret. Elle possède, en effet, une double vertu: l’une la rend apte à contempler – on l’appelle «intellect théorique», l’autre la rend capable de s’unir – on l’appelle «affection principale»195. Denys l’enseigne dans les Noms divins196. Les expressions «intellectus theoricus» et «affectio principalis» ont l’abbé de Verceil pour origine197.
Une influence franciscaine 1. Il faut s’interroger sur le commentaire par l’auteur de Deiformis animae du chapitre 7, v. 13 du Cantique. «J’ai dit: je monterai au palmier et je saisirai ses fruits», en tenant compte d’une note accompagnant la glose dans l’édition de Pez. Le texte du Cantique est ainsi interprété: «Sur le conseil de ma bonté, j’ai décidé de diriger ma considération sur le point culminant de la contemplation et je me réjouirai de ses effets.» Le terme d’«effets», qui paraît dans l’énoncé du verset, est donc suivi du terme de «fruit». Ces deux termes sont tenus pour équivalents; il en est ainsi un peu plus bas. Suit la remarque: «Si quelqu’un se soucie de savoir quels sont ces effets en lesquels seulement le bien-aimé se réjouit, nous pouvons dire qu’ils sont sept: l’ignification très brûlante, l’onction très suave, l’extase très parfaite, la spéculation très lucide, la dégustation très délicieuse, le repos et l’union très paisible, et la gloire plus que très glorieuse.» Le texte poursuit: «De quibus specialis extat tractatus». On peut estimer que seule cette remarque est une addition du copiste incorporée dans le texte de la glose. En ce cas, le «tractatus» qu’on évoque porte sur ce que signifient sept substantifs accompagnés chacun d’un superlatif. On ne peut dès lors accorder aucun crédit à ce que l’on lit en apparat: «Qui tractatus incipit: Contemplativorum aquilinos obtutus, etc.», car, en cet ouvrage, 195 196 197
C. 1, v. 13. Dionysiaca, t. I, 385, 1 – 386, 1. J. BARBET, Thomas Gallus. Les Commentaires ... «Intellectus theoricus», p. 71; «Principalis affectio», ibid. Voir Thomas Gallus. Extractio des Noms divins c. 7. Dionysiaca t. I, p. 696, 385-386.
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jadis attribué à saint Bonaventure, il n’est pas question d’«effets» ou de «fruits» de la contemplation, mais de degrés de la contemplation. On pense plutôt au Dictum du frère Égide d’Assise interrogé sur la contemplation. «In contemplatione, dit-il, sunt septem gradus: Ignis, unctio, ecstasis, contemplatio, gustus, requies, gloria.» Égide parle de «gradus» et non d’ «effets» ou de «fruits». Mais ce Dictum devint vite un lieu commun. Bonaventure en fait l’éloge dans son Commentaire de l’évangile de Luc (1248-1252), et dans son Sermon du samedi saint (1267). À sa manière l’auteur de Deiformis animae pouvait le commenter. 2. On a signalé plus haut les séquences que Hugues de SaintVictor utilise en certains de ses ouvrages. Elles se retrouvent en Deiformis animae, où deux autres sont évoquées: la prédication et l’imagination. L’auteur de Deiformis animae parle du «studium praedicationis198», de «frequens praedicatio199», de «ignis praedicationis200». On ne s’étonne pas, si l’on sait que les Victorins se livraient au ministère pastoral, lequel inclut la prédication201. De son côté, l’imagination nous permet d’accéder aux plaies du très beau Crucifié202, à sa passion203; elle nous permet d’obtenir la perle précieuse204, car imaginer est placer et établir devant les yeux du cœur le Christ crucifié et ses plaies. L’imagination joue un rôle dans les œuvres mystiques de Bonaventure, ainsi dans le De perfectione vitae205, le Soliloquium206, la Vita mystica207. 3. Selon Hugues de Saint-Victor, commentant la Hiérarchie céleste, la «déiformité» est la ressemblance avec Dieu. Elle n’est 198 199 200 201
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C. 7, v. 18. Ibid. C. 8, v. 10. J. LONGÈRE. L’abbaye parisienne de Saint-Victor au Moyen Âge, Turnhout, 1991 (Bibliotheca victorina, I), p. 291-313 pour la fonction pastorale; p. 294300, pour la prédication. C. 2, v. 19, 20. C. 8, v. 9. C. 8, v. 12. C. 6, éd. minor, Quaracchi, 1949, p. 269-299. C. 1, n. 39; ibid. p. 81-82. C. 24, n. 2 – 3; ibid. p. 465-469.
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donc pas Dieu lui-même, mais un influx qui émane de lui. Or on trouve en Deiformis animae les termes: influentia208, influitio209, influere210; mais il en était de même chez Thomas Gallus qui emploie une fois le terme influentia, trente et une fois celui d’influitio, vingt fois celui d’influere et une fois celui d’influi211. Bonaventure n’ignore pas ces termes dans son Breviloquium (1257)212et son Hexaemeron (1273)213. On a transcrit plus haut, dans l’Introduction, ce texte de Jean de Weylhaim, bénédictin de Melk: «Commentarii in Cantica quem hic edimus auctorem abbatem fuisse monasterii S. Andreae Vercellensis, tametsi in nostro codice tantum Vercellensis dicatur ...» Selon ce copiste, il n’y aurait aucun doute sur l’auteur de Deiformis animae. C’est Thomas Gallus. Or cette attribution, on l’a surabondamment montré, ne se justifie pas. Il faut donc accorder plus d’importance à l’incise: «tametsi in nostro codice tantum Vercellensis dicatur». Les notes qui précèdent montrent que ce Vercellensis s’inscrit de façon très personnelle dans la ligne des Victorins Hugues, Richard, Thomas, mais qu’il est également sensible à la pensée mystique des Frères Mineurs. Il n’est pas indifférent à la description de la contemplation par le frère Égide d’Assise, et rejoint saint Bonaventure sur le rôle de la passion du Christ dans l’itinéraire de l’âme vers Dieu. On peut estimer, en conséquence, que l’auteur, toujours anonyme, du commentaire Deiformis animae du Cantique s’adressait à ses auditeurs dans la seconde moitié du XIIIe siècle. Francis RUELLO. * L’ouvrage ici publié est la révision de l’édition de 1972, parue sous ce titre: Jeanne Barbet, Abbas Vercellensis (Ps. Thomas Gallus. Le commentaire du Cantique des cantiques «Deiformis animae gemitus». Étude d’authen208 209 210 211 212 213
C. 2, v. 11; c. 5, v. 4. C. 1, v. 6, 16; c. 4, v. 22; c. 7, v. 12, 17. C. 4, v. 22. J. BARBET, Les Commentaires ..., Tables. P. 5, ed. minor p. 164, n. 3. Coll. 21, n. 17-18.
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ticité et édition critique, Paris – Louvain, 1972 (Publications de la Sorbonne, Série «Documents», 21). Dans cette édition princeps, J. Barbet avait pris le manuscrit d’Oxford pour témoin de base, suivi préférentiellement. Pour le présent ouvrage, la décision a été prise en collaboration avec le P. Ruello de revoir le texte latin en appliquant plus constamment les principes d’édition qui découlent logiquement du stemma codicum (p. 15), pour lequel l’accord NPM doit normalement prévaloir contre O seul. Malheureusement, la mort du P. Francis Ruello en 2003 et l’impossibilité dans laquelle s’est trouvée Mme Jeanne Barbet d’accomplir elle-même les remaniements envisagés ont conduit les directeurs de la collection à effectuer ces retouches et à tirer dans la traduction française les conséquences qui s’imposaient. Quelques éclaircissements ne seront donc pas inutiles pour comprendre les corrections, en plus petit nombre possible, qu’ils ont effectuées. En premier lieu, les manuscrits OPM s’accordent parfois sur des leçons manifestement fautives: I, 70-71 materialium] contemplationum OPM I, 72 quarum] quorum OPM I, 243 erecti] electi OPM I, 303 diversarum] divinarum OPM I, 434 potest] om. OPM I, 494-495 depascentes quemadmodum] om. OPM etc. Or le manuscrit N, pourtant plus proche de l’auteur vercellien par sa date et son origine géographique, n’en comporte pas moins des fautes individuelles en grand nombre: I, 2 veraque] nota est N I, 6-7 vini – impatientia] vere ebullienti ardore patientis impatientie N I, 42 porrecta] porrectas N I, 43 operationem] operationum N I, 71 multigeneris] multigranis N I, 107 imitationem] et unitionem N On se trouve donc en présence d’un stemma bifide, si bien que le texte originel doit être restauré en adoptant les leçons tantôt de N, tantôt d’OPM. Toutefois, d’autres lieux variants trahissent une intention de remaniement: I, 32-33 Videtur tamen non merito poni quod dicit] Queri autem non immerito potest quare potius dicat N I, 108-109 ipsa mens nostra, secundum conditionem presentis cecitatis, materiali] secundum se N I, 380-381 ideo his bene triti et in vinea positi] ideo bene custos in vineis posita N
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La situation est donc assez complexe. Pour la résumer, on dira que le manuscrit N d’un côté et le groupe OPM de l’autre transmettent, entachées de fautes de copie, deux recensions différentes du texte. Parfois, il arrive même que l’une et l’autre leçon soit irrecevable, en sorte que nous avons dû en conjecturer une troisième: I, 599 luminositatis] coni. luminositati N immensitatis OPM Dans ces conditions, que faire? A opter tantôt pour N tantôt pour OPM, on risquerait de créer un monstre hybride. Pour l’éviter, le choix a été fait de rester le plus proche possible d’OPM, quitte à corriger ces témoins par N chaque fois que leur accord se fait sur une leçon qui nous a semblé devoir être rejetée. Quant à la question d’attribution du commentaire Deiformis animae gemitus, nous regardons l’identité de l’auteur avec Thomas Gallus comme définitivement repoussée, mais considérons l’origine victorino-vercellienne du commentaire comme au moins très probable. L’influence franciscaine, qui ne saurait faire de doute, apparaît peu étonnante au vu non seulement des emprunts faits par le monde franciscain à la pensée victorine – et qui se trouvent être souvent mais non exclusivement ceux où l’auteur du commentaire se rencontre avec Hugues, Richard et Bonaventure – mais aussi par les rapports étroits que l’abbaye vercellienne et notamment Thomas Gallus ont eus avec Antoine de Padoue dès les débuts de la fondation victorine (cf. Jean CHÂTILLON, «Saint Antoine de Padoue et les Victorins», dans Le mouvement canonial au Moyen Age. Réforme de l’Église, spiritualité et culture), éd. Patrice Sicard, Paris – Turnhout, 1992 (Bibliotheca Victorina, t. III), p. 255292. On trouverait donc paradoxalement, dans la thématique franciscaine, un nouvel argument en faveur de l’origine vercellienne du commentaire. DP. PS.
SIGLES Manuscrits: O Oxford, Bodl. Laud. lat. 37 N Naples, Bibl. nat. VII. 1. 38 P Prague, Bibl. univ. 2372 (XIII. G. 5) M Melk, Bibl. abb. 904 Nous donnons les références des textes de Denys, cités par l’auteur dans la version de Jean Sarrazin, à l’édition de Dom Philippe CHEVALLIER, Dionysiaca, Paris, 1937 et 1950. On trouvera en note le numéro de la page avec celui de la ligne mis en exposant.
Un commentaire vercellien du Cantique des cantiques : «Deiformis anime gemitus»
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
INTROITUS In nomine Domini nostri Iesu Christi gloriosissimi crucifixi et superdulcissime matris eius. Introitus super theorias ex Canticis Canticorum. “Aufer rubiginem de argento et egredietur vas purissimum”. Divine sapientie vox est ista spiritualem et doctam animam ad unum quidem excitantis et aliud promittentis. Propulsationem autem dixerim: aufer rubiginem de argento, hoc est sensum litteralem de Canticorum Cantico ut sic insonet auribus spiritualibus soni celestis armonia; promissionem vero: et egredietur vas purissimum, hoc est intelligentia spiritualis continens liquorem omnimodi saporis et virtuosissime unctionis ad intellectuales animas dilatandas, ac per hoc feliciter habilitandas ad susceptionem divinorum imbrium et proventuum, ita ut magis dilatata, magis impleatur et magis impleta, amplius dilatetur. Tradit enim sanctus Dionysius quod “unicuique existentium proportionabilibus illuminationibus benigne superapparet divinus radius, et ad possibilem sui ipsius contemplationem, communionem et assimilationem extendit sanctas mentes que ipsi, sicut fas est et decet sanctos, se immittunt”. Itaque tria in premissa intellectuali voce consideranda occurrunt: divina videlicet inspiratio, sensus litteralis ablatio de Canticis Canticorum et eiusdem intelligentie spiritualis irradiatio. Primum autem ex persona auctoris, Salomonis scilicet, elicitur per quem divina loquebatur sapientia, ubi proinde notandum quod inspiratio divina aliquando in sompno materiali fit, sicut Salomoni et Ioseph et aliis quampluribus legimus fore facta, aliquando vero in sompno spirituali, qui est contemplatio. De quo nobis sanctus [Iob ait] luculenter: “Per sompnum, inquit, in visione nocturna, quando sopor irruit s[uper] homines et dormiunt in lectulo, tunc Deus aperit aures virorum et erudiens eos instruit disciplina”, ac si diceret: per avidissimum recurs[um], intima
Intr., 5 Aufer – purissimum] Prov. 25, 4 16-20 unicuique – immitunt] Ps.Dion., De div. nom., I, 151-4 29-32 Per sompnum – disciplina] Iob 33, 15-16
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INTRODUCTION Au nom de notre Seigneur Jésus Christ, le très glorieux crucifié, et de sa mère plus que très douce. Introduction aux théories tirées du Cantique des cantiques. «Ôte la rouille de l’argent et un vase très pur sortira». Cette parole est celle de la sagesse divine qui pousse l’âme spirituelle et instruite à une chose et lui promet autre chose. J’appellerais «acte d’écarter» ce que signifie «Ôte la rouille de l’argent», c’està-dire: «Ôte le sens littéral du Cantique des cantiques, afin qu’ainsi se fasse entendre aux oreilles spirituelles la mélodie du chant céleste; j’appellerais «promesse» ce que signifie «et un vase très pur sortira», c’est-à-dire l’intelligence spirituelle qui contient le flot de toutes sortes de parfums et d’onguents d’excellente qualité destinés à dilater les âmes spirituelles, et, à cause de cela, à les rendre heureusement capables de recevoir les dons divins, de telle sorte que plus cette réception est développée plus elle est rassasiée, et plus elle est rassasiée plus elle est développée. Saint Denys enseigne, en effet, que, par de proportionnelles illuminations, le rayon divin apparaît avec bienveillance au-dessus de chaque existant et qu’il pousse aux possibles contemplation de lui-même, communion avec lui-même, assimilation à lui-même, les saints esprits, qui se donnent librement à lui, ainsi qu’il est permis et qu’il convient aux saints». C’est pourquoi, en la susdite parole spirituelle, trois choses doivent être examinées attentivement: l’inspiration divine, le retranchement du sens littéral du Cantique des cantiques, le rayonnement de cette même intelligence spirituelle. La première, en raison de la personne de l’auteur, à savoir Salomon par qui la sagesse divine s’exprimait. En conséquence, il faut noter ensuite, que l’inspiration divine se produit parfois durant le sommeil matériel. Il en fut ainsi, lisons-nous, pour Salomon, Joseph et beaucoup d’autres. Mais elle se produit parfois durant le sommeil spirituel qu’est la contemplation. De ce sommeil saint Job nous parle fort bien: «Au cours du sommeil, dit-il, dans une vision nocturne, quand un profond sommeil fonce sur les hommes, et quand ils dorment sur leur couche, Dieu ouvre
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anime, quando fortis incessus accidit in profunda Dei, et vacant a materialibus [in quiete] contemplationis, tunc divina bonitas excitat attentiones nat[uralium virorum] et eos extra ruditatem statuens celesti illuminat sapientia. Profec[to hec] illa divina inspiratio que alibi a beato Iob “verbum absconditum” et “susurri venas” appellatur, quod quidem non nisi in “aura leni” percipitur. Unde necesse est ut quietissim[us] agat intra seipsum silentium absconditus in abscondito vultus Dei qui tale[m] optat audire susurrium. Quid autem a divina sapientia per inspirationem spirituali et docte anime dicatur per id quod ait: “Aufer rubiginem de argento”, hoc est sensum litteralem de Canticorum Cantico, clarissime elucescit. Nam, per rubiginem que consummit, littera intelligitur que occidit; per argentum vero quod ex sono delectat, intellectualis sensus libri huius accipitur, qui ex optima sui delectatione avidas animas saciat, potat et inebriat. Satiat dulcedinibus, | potat distributionibus et inebriat unctionibus. Ait enim: “Comedite, amici mei, et bibite, et inebriamini, carissimi”. Numquid non dulcissimus huius argenti sonus ad cuius armonie auditum anima eliquescit? “Anima, inquit, mea liquefacta est, ut dilectus locutus est”. Quamquam enim tibia et psalterium suavem faciant melodiam, super utraque tamen est lingua Cantici Canticorum, eo utique suavissima quo efficacissima ad aures divinis tinnulis assuetas, ad sui audientiam inclinandum. Interpres enim est lingue angelice et divine. Dici autem potest cum beato Dionysio quod “inconvenientiam duram videntur imprimere sancti patres imperfectis animabus quando per occulta enigmata manifestant divinam veritatem” et non per simplices tantum sermones, immo et aliquando per “pueriles compositiones et fantasias verborum”. Cuius questionis causam per se ipsum dirimens ait: “Non existimamus apparentes compositiones pro se ipsis esse compo37-38 verbum – venas] Iob 4, 12 38 aura leni] Iob 4, 16 43-44 Aufer – purissimum] Prov. 25, 4 50 Comedite – carissimi] Cant. 5, 1 52-53 Anima – locutus est] Cant. 5, 6 58-60 inconvenientiam – veritatem] Ps.Dion., Ep. IX ad Tit., 6252-4 62-70 Non existimamus – veritatem] Ps.-Dion., Ep. IX ad Tit., 6353-6371
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l’oreille des hommes et les instruit.» Comme s’il disait: lors d’un très impatient retour sur soi, quand une puissante avancée parvient jusqu’aux profondeurs de Dieu, le fond de l’âme ne s’occupe pas des choses matérielles; dans le repos de la contemplation, la bonté divine excite alors l’attention des hommes naturels, et, les établissant hors de leur rusticité, les éclaire de la sagesse céleste. Assurément, cette inspiration divine, que le bienheureux Job appelle ailleurs «parole cachée», «léger murmure», n’est perçue que dans un «souffle léger». Il est donc nécessaire que celui qui, caché dans le secret du visage de Dieu, souhaite entendre un tel murmure, fasse en lui-même un très paisible silence. Ce qu’en prononçant ces paroles la sagesse divine dit par inspiration à l’âme spirituelle et instruite: «Ôte la rouille de l’argent», c’est-à-dire: «Ôte le sens littéral du Cantique» commence à devenir très clair. Par la «rouille», qui, en effet, consume, on entend la lettre qui tue, mais, par l’argent dont le son réjouit, on entend le sens intellectuel de ce livre, sens qui rassasie, abreuve et enivre les âmes avides par le plaisir extrême qu’il procure. Il rassasie de douceurs, il abreuve de largesses, il arrose d’onguents. Il dit en effet: «Mes amis, mangez et buvez, enivrez-vous, mes bien-aimés». N’est-il pas très doux le son de cet argent, l’âme ne se liquéfie-t-elle pas à l’audition de son harmonie? «Mon âme, dit-elle, s’est liquéfiée, dès que mon bien-aimé a parlé». En effet, quoique la flûte et le psaltérion produisent une agréable mélodie, la langue du Cantique des cantiques les dépasse, d’autant plus agréable certes aux oreilles accoutumées aux sons divins, qu’elle est plus puissante pour les inciter à leur prêter attention. Elle est l’interprète de la langue angélique et de la langue divine. On peut dire cependant, avec le bienheureux Denys, que «les saints Pères impriment une pénible inconvenance aux âmes imparfaites, quand ils manifestent la vérité divine à l’aide d’énigmes secrètes» et non pas par de simples paroles, mieux même parfois à l’aide de «compositions verbales puériles et imaginatives». Il répond lui-même à cette question: «Nous n’estimons pas que les com-
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sitas, sed propositas causa secrete et invisibilis multis scientie, quod non ab immundis facile capiantur sanctissima. Solis autem revelentur sanctitatis propriis amatoribus [sicut] omnem puerilem fantasiam in sanctis signis destruentibus et sufficientibus transire mentis simplicitate et contemplative virtutis bonitate ad simplicem et supernaturalem et precollatam signorum veritatem.” Que certe aliter dici possunt, quoniam ideo per sensibilium verborum compositiones divine exprimuntur intelligentie, ut in ipsis omnibus liceat multipliciter negotiari, sicut moraliter minus capacibus, anagogice vero eis qui, pro consuetudine exercitatos, habent spirituales sensus ad theorias intelligibiles actitandas. Verum quia, nube subtracta, non est nisi [so]larem radium elucere, ideo merito, post ablationem rubiginis de argen[to, spiritualis] intelligentie promittitur effulgere irradiatio [nem]. “Et egredietur, [inquit], vas purissimum”, hoc est: irradiabit anime tue intellectus divinus, plenus distributionibus, et fantasiis materialibus repurgatus. Sane hoc est illud “vas auri solidum” quod per Theologiam esse fertur “ornatum omni lapi[de pretioso.” Vas] autem dixerim quoad distributionum continentiam, auri [quoad] splendoris refulgentiam, solidum quantum ad incorruptibilem exi[stentiam], ornatum omni lapide pretioso propter ipsius multiplicem efficientiam: [scilicet] spiritus sapientie ad dulcorandum, intellectus ad illuminandum, [consilii] ad dirigendum, fortitudinis ad roborandum, scientie ad erudiendum, pietatis ad demulcendum et timoris ad humiliandum. Hoc nobis per divinum traditur Dionysium quod “quecumque sunt celestis hierarchie, angelis convenientes mundationes, supermundane illuminationes, et perfectiva totius angelice perfectionis, ex omnium causa et fontana sunt bonitate”, et per consequens supple ab ipso superintellectuali radio qui totaliter illuminativus et totaliter perfectivus, ex quo angelicarum mentium virtutes simplices et beatos habent intellectus, a quo etiam deiformes | anime mul79 Et egredietur – purissimum] Prov. 25, 4 81-82 vas – pretioso] Eccli 50, 10 90-93 quecumque – bonitate] Ps.-Dion., De div. nom., IV, 152, 2-4
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positions claires soient faites pour elles-mêmes; elles sont proposées en vue d’une science secrète et invisible à beaucoup, parce que les choses très saintes ne sont pas perçues facilement de ceux qui sont impurs, mais elles sont révélées à ceux-là seuls qui aiment véritablement la sainteté, supprimant toute imagination puérile dans les signes saints, capables, par la simplicité de l’esprit et la bonté de la vertu contemplative, d’accéder à la vérité simple, surnaturelle et à l’avance établie, des signes. On peut certes dire cela autrement, parce que, à l’aide de compositions de mots sensibles, des idées divines sont exprimées de telle sorte qu’il soit possible de les traiter pour tous de multiples façons: moralement, par exemple, pour les moins capables, anagogiquement pour ceux qui, exercés et habitués, possèdent des sens spirituels en vue de rechercher les théories intelligibles. En vérité, parce que, la nuée ayant disparu, seul brille le rayon du soleil, à bon droit, la rouille ayant été ôtée de l’argent, est annoncée l’irradiation de l’intelligence spirituelle. «Et il sortira, dit l’Écriture, un vase très pur», c’est-à-dire l’intellect divin, rempli de largesses et purifié d’imaginations matérielles, frappera ton âme de ses rayons. Tel est vraiment «le vase d’or massif» que la Théologie assure être orné «de toutes pierres précieuses»; «vase», dirais-je, en ce qui concerne la contenance des largesses, «d’or» en raison de l’éclat de la splendeur, «massif» quant à son être incorruptible, «orné de toutes pierres précieuses» à cause de son efficacité multiple, à savoir l’esprit de sagesse pour adoucir, d’intelligence pour illuminer, [de conseil] pour diriger, de force pour affermir, de science pour instruire, de piété pour charmer, et de crainte pour humilier. Le divin Denys nous enseigne que «tout ce qui appartient à la hiérarchie céleste, les purifications qui conviennent aux anges, les illuminations célestes, ce qui parachève la perfection angélique toute entière, provient de la bonté, cause et source de toutes choses», et, par conséquent, de ce même rayon plus qu’intellectuel, totalement illuminateur et totalement source de perfection, de qui les vertus des esprits angéliques tiennent des connaissances simples et
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tiplices et beatas suscipiunt illuminationes que sunt omnium bonorum interiorum et exteriorum actuum effective. Igitur, antequam ad presentis opens inchoationem cum reverentia accedatur, divinus invocetur radius, totius Theologie dul- 100 cissimus illustrator, ut ablato enigmatum intelligibilium velamine nostre mentis oculis splendide se infundat, omnem ab eis dissimilitudinis caliginem amovendo et sui splendoris refulgentiam immittendo. 105 Explicit introitus.
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bienheureuses, de qui également les âmes déiformes reçoivent les nombreuses et bienheureuses illuminations, qui produisent tous les actes bons, intérieurs et extérieurs. Avant de commencer le présent ouvrage, que le rayon divin, très doux inspirateur de toute la Théologie, soit invoqué, pour qu’une fois ôté le voile des énigmes intelligibles, il se fasse connaître admirablement aux yeux de notre esprit, en écartant d’eux toute ténèbre de dissemblance et en déployant l’éclat de sa splendeur. Fin de l’introduction.
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CAPITULUM PRIMUM Deiformis anime gemitus veraque vox ista in theoriis intellectualibus se exercitantis et omni desiderio ad unitionis pacem ferventissime anhelantis. Unde, labore mentalis exercitii fatigata et aliqua illius quietis prelibata dulcedine, in tam letabundum 5 prorumpit suspirium, sicut vini ebullientis ardorem patientis, impatientia stimulata:
1, 1a
Osculetur, inquit, me osculo oris sui. Ac si dicat: delectet me sponsus meus experientia unitionis sue.
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Pulchre siquidem deiformis anima osculo oris, hoc est experientia unitionis sui predulcissimi dilecti cuius sic amore languet et concupiscentia ardet, appetit osculari, sive delectari, ut eo quiescat suavius quo fuerit unita dulcius. Non autem puto esse ab re quod per osculum oris unitionis experientia designatur. Nam, 15 sicut os instrumentum est in quo sapida omnia degustantur, sic in unitione conveniunt et experiuntur delectationes omnium virtutum et illuminationes. Sicut vero sapor cibi accepti cito transit, remanet tamen alimentum ad conservationem nature, ita quidem suavitas et dulcedo in unitione percepta transit, sed virtus 20 illius intelligibilis nutrimenti ibidem degustati permanet, fortificans et consolidans animam ad fortiora et solidiora percipienda nutrimenta, ipsamque simul promovens ad spiritualia incrementa. Hinc est quod per beatum Dionysium traditur in Angelica
I, Tit. Incipiunt mentales theorie super Cantica Canticorum Salomonis N Verzellensis abbas super Cantica Canticorum in marg. sup. a. m. O Vercellensis super Cantica Canticorum rub. in marg. sup. P Vercellensis in Cantica Canticorum in marg. sup. a. m. M 2 veraque] nota est N 6 patientis] patiens O 6-7 vini – impatientia] vere ebullienti ardore patientis impatientie N 9 delectet] delectat O 18 accepti] attrecti N 18-19 transit] quoad sensum add. N 23 ipsamque] ipsaque N 24 beatum] Deivividum N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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CHAPITRE PREMIER Gémissement et parole vraie de l’âme déiforme, qui s’exerce souvent aux théories intellectuelles et aspire, de tout son désir et avec une ferveur extrême, à la paix de l’union; en conséquence, fatiguée par le travail de l’exercice mental et ayant goûté à l’avance quelque douceur de ce repos, elle pousse un si joyeux soupir, comme éprouvant l’ardeur d’un vin en ébullition, elle dit, sous l’aiguillon de l’impatience: Qu’il me baise d’un baiser de sa bouche. Comme si elle disait: Que mon époux me réjouisse par l’expérience de son union. À merveille, l’âme déiforme désire, en effet, être baisée ou se réjouir du baiser de sa bouche, c’est-à-dire de l’expérience de l’union de son bien-aimé plus que très doux. Elle languit de son amour et brûle de son désir, de telle sorte qu’elle serait d’autant plus agréablement en paix, qu’elle aurait été plus agréablement unie. Mais je ne pense pas qu’il soit sans intérêt que l’expérience de l’union soit désignée par le baiser de la bouche. En effet, de même que la bouche est l’instrument en qui sont dégustées toutes les choses savoureuses, de même se rejoignent dans l’union les plaisirs et les illuminations de toutes les vertus. Mais, de même que la saveur de la nourriture absorbée passe vite et que, cependant, demeure l’aliment destiné à la conservation de la nature, de même disparaissent rapidement la suavité et la douceur perçues dans l’union, mais la vertu de cette nourriture intelligible, ici même dégustée, demeure, fortifiant et consolidant l’âme pour qu’elle reçoive des nourritures plus fortes et plus consistantes, qui la poussent en même temps à se développer spirituellement. De là ce qu’enseigne le bienheureux Denys dans la Hiérarchie céleste,
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
hierarchia, capitulo XV°: “Gustativas autem intelligibilium alimentorum adimpletionem et divinorum nutrimentorum proventuum susceptivum”. Quasi diceret: nos dicimus gustativas virtutes in angelis significare repletionem et abundantiam divinarum dulcedinum et saporum, et susceptibilitatem affectualem incrementorum intelligibilium, sive spiritualium; ex susceptis luminibus huiusmodi, sic intelligibiliter crescimus, sicut materialiter ex virtute cibi. Videtur tamen non merito poni quod dicit sponsa: osculetur me, in tertia persona et non: osculare, in secunda, quasi non ad dilectum suum, sed ad alium, sermonem dirigere videatur. Ad quod sic dici | potest, salva reverentia intelligentie sanioris, quod anime deificate et deiformitatem suam in occulta divinorum spectaculorum extendenti, videntur esse omnes sue apprehensiones et perceptiones de divinis, sicut quedam vive voces ipsam tamquam per interpositam personam ad anteriora clamore mirabili advocantes. Unde ipsis sic sibi sine voce loquentibus locutionis vicem rependit dicens: osculetur me, etc. Aut certe vox est Cherub mentis nostre ad supercelestes substantias porrecta, quarum legibus per amoris excessum et per operationem, tam mentalium quam materialium, familiariter est sociata. Itaque, dilecto desiderio sponse ferventi et precibus pro se interpellantibus angelorum satisfacere cupiente, causam quare se osculari appetierit sciscitante, respondet sponsa:
I, 25-27 Gustativas – susceptivum] Ps.-Dion., De cael. hier., XV, 10044-10052 62-64 substantialiter – implentem] Ps.-Dion., De eccl. hier., IV, 12841-2 26 nutrimentorum] nutritivorum N 31 huiusmodi] ex quibus N 3233 Videtur – dicit] Queri autem non immerito potest quare potius dicat N 36 deiformitatem suam] vive voces suas M 37 sue] sine PM 38 divinis, sicut] esse sibi N 42 porrecta] porrectas N 43 excessum] est copulata add. N operationem] operationum N 44 materialium] puritatem add. N 46 osculari] osculo N
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ch. XV: «Nous disons que les puissances gustatives signifient le rassasiement d’aliments intelligibles et la réception des nourritures divines»; comme s’il disait: Nous disons que les vertus gustatives dans les anges signifient la plénitude et l’abondance des douceurs et des saveurs divines et l’affectueuse capacité à recevoir des accroissements intelligibles, ou spirituels; grâce à de telles lumières reçues nous croissons spirituellement, comme nous croissons matériellement par la vertu de la nourriture. Ce n’est toutefois pas sans raison que l’épouse dit: «Qu’il me baise» à la troisième personne, et non: «Baise-moi» à la seconde, comme si elle semblait s’adresser, non à son bien-aimé, mais à un autre. Sous réserve d’une compréhension meilleure, on peut répondre que, pour l’âme déifiée et déployant sa déiformité en direction de ce que les spectacles divins ont de caché, toutes ses appréhensions et perceptions des choses divines sont comme de vives paroles l’appelant pour ainsi dire par personne interposée en une admirable prière. Elle répond donc à ceux qui lui parlent sans voix en manière de parole: «Qu’il me baise», etc. Ou du moins la parole est celle du chérubin de notre esprit adressée aux substances supracélestes dont il partage familièrement les lois par l’excès d’amour et par les opérations tant spirituelles que matérielles. C’est pourquoi, par désir fervent d’épouse et voulant satisfaire les anges dont les prières intercèdent pour elle et s’informent de la raison pour laquelle elle aura souhaité être baisée, l’épouse répond au bienaimé:
98 1, 1b-2a
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Quia meliora sunt ubera tua vino, fragrantia unguentis optimis. Ac si dicat: quia suaviores sunt tue intelligibiles distributiones lac supermentalis dulcedinis continentes ferventi desiderio devotionis, et magis ex odore suo intelligibili mentis olfactivam confortantes quam optime affectiones ex variis materialium confectionibus confecte. Dubium quippe non est divinam bonitatem animas intellectualium exercitiis deditas suis superplenissimis uberibus, hoc est distributionibus, dulciformiter educare. Bene autem sponsa hec ipsa ubera meliora dicit fore vino, quia eorum dulcedo et suavitas, omnis nostre affectionis et devotionis ex materialibus confecte quantumcumque ferventis, per vinum designate, superat suavitatem et dulcedinem. Emanant enim ab ipso thearchicissimo Iesu quem divinus Dionysius, Eccl. hier. cap. IV, arbitratus est “substantialiter beneolentem intellectualibus beneolentibus distributionibus divine delectationis nostrum intellectuale implentem”. Unde, quia non solum tales distributiones sunt dulciflue sicut lactis supermentalis suavitatis contentive et propinative, sed etiam odoriflue, ideo bene addit eas esse fragrantes unguentis optimis, hoc est ex suo intelligibili odore magis olfactivam | nostre mentis virtutem confortantes, quam ipse valde bone affectiones ex variis materialium confectionibus confecte. Consuetudo namque est virorum spiritualium ex variis materialium considerationibus quasi multigeneris speciebus, conficere sibi affectiones optimas ad spiritum delectandum, quarum tamen fragrantia nullo modo potest fragrantie distributionum intelli48 optimis] intellectualia sunt magis dulcia quam ex materialibus assumpta exercitia add. M 50 continentes] quavis add. N 50-51 desiderio devotionis] devotione N 52 confortantes] conformantes N 53 confectionibus] considerationibus N 54-55 intellectualium] intellectualibus N 55 superplenissimis] et supersuavissimus add. N 57 affectionis et] om. N 5758 ex materialibus confecte] om. N 57 materialibus] rebus add. PM 62 intellectualibus] intelligibilibus N 69 confectionibus] considerationibus N 70-71 materialium] contemplationum OPM 71 considerationibus] contemplationibus N multigeneris] multigranis N 72 quarum] quorum OPM
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Parce que tes seins sont meilleurs que le vin et ta bonne odeur meilleure que les meilleurs parfums. Comme si elle disait: Parce que tes largesses intelligibles, qui contiennent le lait d’une douceur dépassant l’esprit, sont plus suaves que le fervent désir de la dévotion, et confortent l’odorat de l’esprit par son odeur intelligible plus que les affections les meilleures obtenues au moyen des mets variés des choses matérielles. Il n’est pas douteux, en effet, que la bonté divine nourrisse avec douceur les âmes livrées à des exercices portant sur des réalités intellectuelles par ses seins plus que très pleins, c’est-à-dire par ses largesses. Mais l’épouse dit bien que ces mêmes seins doivent être meilleurs que le vin, car leur douceur et leur suavité surpassent la suavité et la douceur de toute notre affection et de toute notre dévotion, aussi ferventes qu’elles soient, qui proviennent de considérations élaborées à partir des choses matérielles et que le vin désigne. Elles émanent, en effet, du très hiérarchique Jésus lui-même, que, dans la hiérarchie céleste, ch. IV, le divin Denys juge être «substantiellement de bonne odeur, remplissant notre puissance intellectuelle des largesses intellectives de bonne odeur de la délectation divine». En conséquence, puisque de telles largesses, non seulement s’écoulent doucement en tant qu’elles contiennent et donnent à boire le lait de la douceur qui dépasse l’esprit, mais également en tant qu’elles sont odoriférantes, l’âme ajoute avec bonheur qu’elles exhalent de suaves odeurs, c’est-à-dire qu’elles confortent de leur odeur intelligible la puissance olfactive de notre esprit plus que les très bonnes affections obtenues grâce à ce que l’on a diversement élaboré à partir des choses matérielles. À partir des considérations variées des choses matérielles —, elles sont de plusieurs sortes pour ainsi dire — les hommes spirituels ont, en effet, coutume de fabriquer pour eux les meilleures affections en vue de réjouir l’esprit, mais leur parfum ne peut être nullement comparé à celui des largesses intelligibles. Elles découlent, en effet, du très odo-
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gibilium comparari. Fluunt enim ab ipso fragrantissimo Iesu, qui, iuxta beati Dionysii sententiam, Eccl. hier. cap. IV, “fontalis exis- 75 tit copia beneolentium susceptionum, proportionibus hierarchicis ad deiformosissimam intelligentiam reddens divinissimas fragrantias. In quibus celestes mentes suaviter delectate et sanctis susceptionibus adimplete, alimento intelligibili utuntur”. Sic igitur ex verbis sponse duo possunt notari effectus circa intelligi- 80 bilia ubera, videlicet suavitas et dulcedo, quibus delectatur gustus, similiter fragrantia, qua excitatur olfactus. Felix certe qui ad tantam devenit anime puritatem, ut talia ubera sugat sicut verus divine bonitatis filius et in divinorum exercitio iam perfectus. Ne autem imperfectis adhuc animabus possit desolatio- 85 nis materia generari quia tali nutrimento non aluntur, alius per sponsam proponitur eis cibus earum congruens parvitati. Ait enim sic:
1, 2b
Oleum effusum nomen tuum, ideo adolescentule dilexerunt te nimis. Quasi diceret: quedam pinguis et lata consideratio sunt crea- 90 ture tue et idcirco anime rudes in intimis exercitiis ingenti iam quadam affectione tibi adheserunt. Merito per oleum effusum universitas creaturarum visibilium designatur, quia per ipsam, quasi per pinguem et latam et claram considerationem, in Dei notitiam devenimus, sicut per 95 nomen in cognitionem persone. Nam, iuxta divini Pauli verbum, “invisibilia Dei a creatura mundi, per ea que facta sunt intellec75-79 fontalis – utuntur] Ps.-Dion., De eccl. hier., IV, 12862-12872 invisibilia – divinitas] Rom. 1, 20
97-98
77 deiformosissimam intelligentiam] deiformissimam intellectualium N 82 similiter] odor et add. O qua] quibus O 83 sugat] quando liber suggere mereatur N 84 in] om. O exercitio] exercitiis N 89 nimis ] om. O 91 tue] om. O intimis] divinis N 94 quasi per] om. N per] om. P 95 sicut] om. N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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riférant Jésus lui-même, qui, selon la pensée du bienheureux Denys dans la Hiérarchie ecclésiastique ch. IV, «est la source abondante des largesses très odoriférantes et qui communique les bonnes odeurs très divines, selon les degrés hiérarchiques, à l’intelligence très bellement déiforme. Agréablement réjouis et remplis de saintes largesses, les esprits célestes s’en servent comme d’aliment spirituel.» Ainsi donc, à partir des paroles de l’épouse, on peut noter deux effets, en ce qui concerne les seins intelligibles, à savoir la suavité et la douceur, qui réjouissent le goût, et pareillement le parfum, qui excite l’odorat. Heureux certes qui parvient à une pureté d’âme si grande, qu’il suce de tels seins comme un vrai fils de la bonté divine, parfait déjà grâce à l’exercice des choses divines. Afin cependant qu’il ne puisse y avoir, pour les âmes encore imparfaites, matière à désolation, parce qu’elles ne sont pas encore nourries d’un tel aliment, l’épouse leur propose une autre nourriture adaptée à leur faiblesse. Elle s’exprime, en effet, ainsi: Ton nom est une huile répandue: c’est pourquoi les toutes jeunes filles t’ont tant aimé. Comme si elle disait: Les créatures sont une riche et ample méditation, et c’est pourquoi les âmes inexpertes en ce qui concerne de plus profonds exercices ont adhéré à toi d’une déjà grande affection. Par huile répandue, l’universalité des créatures visibles est justement désignée, car, par elle, comme par une riche, vaste et claire considération, nous parvenons à connaître Dieu, ainsi que, par le nom, nous parvenons à connaître la personne. En effet, selon la parole du divin Paul, «les invisibles de Dieu, mais aussi sa puis-
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
ta, conspiciuntur, sempiterna quoque eius virtus et divinitas”. Et propter hoc, rudes anime in exercitiis divinorum | que, pro inconsuetudine, nondum habent exercitatos sensus, sicut spirituales, ad perceptionem solidi cibi divinarum distributionem, sed adhuc lacte considerationis materialium se nutriunt, iam maxima quadam affectione ipsi dilecto suo incipiunt adherere, quia tale eis manuductivum ruditati earum congruens ministravit. Unde beatus Dionysius tradit in Angel. hier., cap. I°: “Non est, inquit, possibile nostre menti ad immaterialem illam sursumexcitari celestium hierarchiarum imitationem et contemplationem, nisi ipsa mens nostra, secundum conditionem presentis cecitatis, materiali manuductione utatur, reputando quadam intime estimatione sensibiles pulchritudines esse imagines invisibilis pulchritudinis, et sensibiles gratos odores, expressiones distributionis odoris insensibilis, et materialia lumina esse imagines intelligibilis luminis”. Quasi diceret: si quispiam divine pulchritudinis, aut intelligibilis distributionis, vel splendoris, cupit fieri contemplator, necesse est eum per considerationem materialis pulchritudinis et sensibilis boni odoris et visibilis claritatis ad hoc ipsum devenire. Aut certe aliter dicere possumus: nomen dilecti est oleum effusum, ut per nomen ipsius clarissime designentur illuminationes per quas in nobilissimam quamdam devenimus Dei cognitionem, de qua Psalmista: “Mirabilis, inquit, facta est scientia tua ex me”, id est cognitio, hoc est ex his que in me exterius operaris, sive sint intellective luminis distributiones, quarum manuductione veni in hanc dignissimam Dei cognitionem, ut vocem eum superlucentem lucem et supersplendens lumen; namque tradente Dionysio, De div. nom. cap. IV°, didicimus
105-112 Non est – luminis] Thomas Gallus, Extr. in De cael. hier., I, 7351-7361, éd. Dionysiaca, 1044 120-121 Mirabilis – me] Ps. 138, 6 101 perceptionem solidi cibi] percipiendum solidum cibum PM 107 imitationem] et unitionem N 108-109 ipsa – materiali] secundum se N 121 cognitio] tua add. N exterius] interius N 122 intellective] intelligibilis N 123 veni] venio N 124 eum] om. N
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sance et sa divinité éternelles sont rendus visibles depuis la création du monde par tout ce qui a été fait»; et c’est la raison pour laquelle les âmes inexpertes dans les exercices qui portent sur les choses divines, qui, par manque d’habitude, n’ont pas encore de sens exercés, à titre de sens spirituels, pour recevoir les divines distributions d’une nourriture solide, mais se nourrissent encore du lait de la considération des choses matérielles, commencent alors à adhérer au bien-aimé lui-même, par quelque très grande affection, car il leur a fourni le guide qui convient à leur inexpérience. Le bienheureux Denys dit donc, dans la Hiérarchie angélique, ch. I: «Il n’est pas possible à notre esprit d’être incité vers le haut à cette imitation immatérielle et à cette contemplation des hiérarchies célestes, à moins que notre esprit lui-même, selon la condition de notre cécité présente, utilise cette conduite matérielle, pensant, par quelque intime estimation, que les beautés sensibles sont les images de la beauté invisible, que les agréables odeurs sensibles sont l’expression de la distribution de l’odeur insensible, et que les lumières matérielles sont les images de la lumière intelligible». Comme s’il disait: Si quelqu’un désire devenir contemplateur de la beauté ou de la distribution ou de la splendeur divines intelligibles, il lui est nécessaire d’y parvenir par la considération de la beauté matérielle, de la bonne odeur sensible, de la clarté visible. Ou du moins nous pouvons nous exprimer autrement: Le nom du bien-aimé est une huile répandue, afin que, par ce nom, soient très clairement désignées les illuminations grâce auxquelles nous parvenons à quelque connaissance très noble de Dieu, connaissance dont parle le psalmiste lorsqu’il dit: «Admirable est la science de toi que je tire de moimême», c’est-à-dire la connaissance à partir de ce que tu opères en moi de l’extérieur, qu’il s’agisse des distributions de la lumière intellective, sous la conduite desquelles je suis parvenu à cette connaissance très digne de Dieu, de sorte que je l’appelle lumière plus que brillante, lumière plus que resplendissante. Nous apprenons, en effet, de Denys, Noms divins, ch. IV, que «la lumi-
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
“lumen intelligibile bonum dici propter hoc quidem quod omnem supercelestem mentem implet intelligibili lumine”; sive etiam sint sapores et dulcedines ex quarum dulcissimo gustu voco eum dulcem et suavem, iuxta Theologie sententiam qua dicitur: “Gustate et videte”. Et bene tale nomen dicitur oleum effusum, 130 quia dubium non est huiuscemodi Dei nobilissimam cognitionem fore, velut quamdam intelligibilem distributionem totaliter impinguentem et dilatantem et per totum se diffundentem ad ipsam suaviter | et dulciter disponendum. Et revera tale oleum (124a) in se effusum senserat qui dicebat: “Impinguasti in oleo caput 135 meum”, etc., quasi diceret: totaliter mentem meam divinarum dulcedinum pinguedine saginasti, ex quo fit ut ipse potus intelligibilis, qui mentalis extasis est factivus, mihi clarior videatur. Quia vero quanto clariora ipsa deiformis intelligentia amplius de divinis experitur, tanto desiderat maiora experiri, ideo bene 140 per seipsam adiungit:
1, 3a
Trahe me post te; curremus in odorem unguentorum tuorum. Ac si dicat: virtute tui radii eleva me super me, et sic ego et cetere virtutes mentales vehementer proficiemus in fragrantia 145 divinarum tuarum distributionum. Attende quoniam ideo deiformis intelligentia postulat a dilecto ut se trahat post se, quia nullatenus est possibile ipsam supra se elevari, nisi virtute intelligibilis radii mediante, qui ipsius intelligentie est viriliter abstractivus, sapienter directivus et dulciter unitivus. Abstrahit enim eam a materialibus, dirigit per intelli- 150 126-127 lumen – lumine] Ps.-Dion., De div. nom., IV, 1724-1731 130 Gustate et videte] Ps. 33, 9 135-136 Impinguasti – meum] Ps. 22, 5 126 quidem quod omnem] quod omne quidem N 127 supercelestem] superlucentem N 133 totum] totam animam N 137 dulcedinum pinguedine] pinguedinem dulcedine PM 138 clarior] et purior add. N 139 clariora] om. N 143 ego] ipsa N 145 tuarum] om. O 148-149 ipsius intelligentie] ipsum intelligibile OP 150 a] ea ab O
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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ère intelligible est appelée bien, parce que certes elle remplit tout esprit supracéleste de lumière intelligible; qu’il s’agisse également de saveurs et de douceurs. En raison de leur goût très doux, je le dis doux et suave, selon cette parole de la Théologie: «Goûtez et voyez». Un tel nom est bien dit également huile répandue, parce qu’il n’est pas douteux qu’une telle connaissance très noble de Dieu doive être comme une certaine distribution intelligible, qui oint totalement, qui s’étale et se répand pour se répartir sur tout avec suavité et douceur. En effet, il avait senti une telle huile répandue sur lui-même, celui qui disait: «Tu as répandu l’huile sur ma tête,» etc.; comme s’il disait: Tu as totalement nourri mon esprit de la graisse des douceurs divines. Il en résulte que ce breuvage intelligible lui-même, qui produit l’extase de l’esprit, me paraît plus clair. Mais, parce qu’autant l’intelligence déiforme elle-même expérimente davantage les choses divines, autant elle désire en expérimenter de plus grandes, elle ajoute donc pour elle-même: Attire-moi à ta suite; nous courrons, enveloppés de l’odeur de tes parfums. Comme si elle disait: Élève-moi au-dessus de moi par la puissance de ton rayon, et ainsi moi et les autres vertus de l’esprit, nous avancerons avec ardeur dans l’odeur suave de tes dispensations divines. Songe que l’intelligence déiforme demande au bien-aimé de l’attirer à sa suite, parce qu’il n’est absolument pas possible qu’elle soit élevée au-dessus d’elle-même, si ce n’est par la vertu intermédiaire du rayon intelligible, qui abstrait avec force, dirige avec sagesse, unit avec douceur l’intelligence elle-même. Il l’abstrait, en effet, des réalités matérielles, la dirige par les choses intelli-
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gibilia et unit divinis. Abstractionem autem sequitur labor, directionem comitatur splendor, unitionem associat dulcor. Cum enim anima de visibilibus ad invisibilia promoveri debet, necessarium est primum ipsam pati quamdam violentiam, quod significatur per verbum trahe. Unde, cum ei aliquod obiectum primo offertur, fit in exstasi, nec multum laborat et fatigatur corpus. In tantum enim anima divini radii calore succensa gaudet visione intelligibilium, ut secundum se totam illi obiectui sit intenta, nec ita, ut consuevit, agit in corpus, propter quod oportet ipsum a suo immutari vigore. Unde et sanctus Iob ait: “Cum spiritus, inquit, me presente, transiret, inhorruerunt omnes pili carnis mee”. Notandum autem est quod in ipsa sui directione per intelligibilia, multa ei obiecta obiciuntur, ut sunt lumina splendidissima, corpora refulgen|tissima que videntur glorificata inestimabilis pulchritudinis. Plerumque vero talibus superdulcissima Virgo diversimode consuevit apparere. Unde nulli dubium esse debet quin per ipsius specialiter superdulcissimam bonitatem contemplationis gratia conferatur. Ipsa est enim intellectualis aquila illa, que provocat ad volandum pullos suos, expandens alas suas et assumens eos atque portans. Sed qui sunt istius aquile pulli qui ad volandum provocantur, nisi devoti domine nostre qui ab ea ad contemplandum excitantur? Quos bene assumere est atque in humeris portare, quia ipsos suis bonis illuminationibus regit et dirigit et sustentat, donec ad perfectionem perduxerit visionis. Si autem queritur quid sibi vult sponsa de hoc quod ait: curremus in odorem unguentorum tuorum, dicendum est quod per hoc ceterarum virtutum mentalium notatur profectus ad abstractionem et elevationem intelligentie. Non enim ipsa solum in
160-162 Cum – mee] Iob 4, 15
168-170 Ipsa – portans] cf. Deut. 32, 11
153 invisibilia] contemplanda add. N 163 obiciuntur om. PM 165 pulchritudinis] ut Maria gloriosissima cum ceteris sanctis add. PM 166 consuevit] suevit O 167 superdulcissimam] supersuavissimam N 170 portans] in humeris suis add. N 172 est] dicitur N 174-175 perfectionem – visionis] perfectam duxerit visionem N
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gibles, et l’unit aux choses divines; mais le labeur accompagne l’abstraction; la splendeur, la direction; et la douceur, l’unition. Puisqu’en effet l’âme doit être élevée des choses visibles aux invisibles, il est en premier lieu nécessaire qu’elle endure une certaine violence; ce qui est signifié par le verbe «attire». En conséquence, lorsque quelque objet lui est d’abord présenté, elle entre en extase: le corps travaille et n’est pas fatigué. De fait, l’âme, embrasée de la chaleur du rayon divin, jouit de la vision des intelligibles au point d’être entièrement attentive à cet objet; ainsi elle n’agit pas sur le corps, comme elle en a l’habitude; il faut donc que la vigueur de celui-ci soit modifiée. De son côté, saint Job dit donc également: «Lorsqu’en ma présence l’esprit passait, tous les poils de ma chair se hérissèrent». Mais il faut noter que, dans la direction même de soi à travers les intelligibles, beaucoup d’objets lui sont présentés comme des lumières très splendides, des corps très brillants, perçus comme glorifiés, d’une inestimable beauté. Ordinairement la plus que douce Vierge a coutume d’apparaître en utilisant ceux-ci. Il ne doit donc être douteux pour personne que, notamment par sa plus que très douce bonté, la grâce de la contemplation soit accordée. Elle est, en effet, cette aigle intellectuelle qui provoque ses petits à voler, étendant ses ailes, les prenant avec elle et les portant. Mais quels sont les petits de cette aigle provoqués à voler, sinon les dévots de NotreDame qu’elle incite à contempler? Il est bien de dire qu’elle les prend avec soi et les porte sur les épaules, car, par ses bonnes illuminations, elle les régit, les dirige et les soutient, jusqu’à ce qu’elle les ait conduits à la perfection de la vision. Si l’on cherche ce que l’épouse veut dire par «nous courrons, enveloppés de l’odeur de tes parfums», on doit répondre que cela signifie l’avancée des autres vertus de l’esprit en vue de l’abstraction et de l’élévation de l’intelligence. En effet, ce n’est pas seulement elle qui avance
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Deum proficit et elevatur, sed cum ipsa omnes animi virtutes deificantur et excitantur ad odorem unguentorum, hoc est ad 180 experientiam fragrantie divinarum distributionum. Nam elevantur cum elevata, trahuntur cum tracta, currunt cum currente, olfaciunt cum olfaciente, gustant cum gustante. Talis enim nature gustus est divinorum ut ipsam animam impatienti quodam desiderio accendat et suscitet, ita ut nullatenus quiescere possit, 185 donec bravium sui desiderii fuerit consecuta, hoc est quod sponsa nostra, odore unguentorum intelligibilium vehementissime excitata, tamdiu post dilectum suum currit, ut ipsius beatis unitionibus meruerit inebriari. Ait enim:
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Introduxit me rex in cellaria sua.
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Quasi diceret: familiariter me admisit sponsus meus ad secretam experientiam unitionum suarum. Animadvertendum est hic quoniam deiformis anima primo trahitur, secundo currit, tertio introducitur. | Trahendo autem (124c) purgatur, currendo illuminatur, introducendo perficitur. 195 Siquidem nihil aliud est sponsam a rege in cellaria introduci, nisi ad thearchici radii imperium, ad divinarum unitionum secretam experientiam familiariter admitti. Que bene unitiones per cellaria designantur quia ibidem adeo deiformitati inebriatur, ut mirabiliter se nesciendo sciat et sciendo nesciat, sicut, pre nimia 200 suavitate, ab usu rationis totaliter absorpta. Comeduntur ibi pinguia et bibitur mustum ex sui fortissima virtute totaliter alienativum. Insuper etiam continue in huiusmodi dictis cellariis re-
187 vehementissime] vehementer PM 194 trahitur] a dilecto add. N introducitur] trahitur per apparitiones, currit per illuminationes, introducitur per illuminationes add. N 196 in cellaria] om. PM nisi] ipsam add. N 198 unitiones] unitionem OP 199 designantur] designat OPM deiformitati] deiformitas N 202 bibitur] mulsum sive add. PM 203-204 resonat] resonet PM
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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et est élevée vers Dieu, mais, avec elle, toutes les vertus de l’esprit sont déifiées et poussées vers l’odeur de ses parfums, c’est-àdire vers l’expérience de l’odeur agréable des dispensations divines. De fait, elles sont élevées avec elle, qui est élevée; attirées avec elle, qui est attirée; elles courent avec elle, qui court; elles sentent avec elle, qui sent; elles goûtent avec elle, qui goûte. Tel est, en effet, par nature le goût des choses divines qu’il enflamme et soulève l’âme d’un impatient désir, de telle sorte qu’elle ne pourrait aucunement se reposer tant qu’elle n’aura pas obtenu la récompense de son désir. Cela signifie qu’excitée très fortement par l’odeur des parfums intelligibles, notre épouse court à la suite de son bien-aimé aussi longtemps qu’elle n’aura pas mérité d’être enivrée de ses bienheureuses unions. Elle dit en effet: Il m’a introduite dans ses celliers. Comme si elle disait: Mon époux m’a affectueusement admise à faire la secrète expérience de ses unions. Il faut remarquer ici que l’âme déiforme est d’abord attirée; qu’en second lieu, elle court; qu’en troisième, elle est introduite. Par l’attirance, elle est purifiée; par la course, elle est illuminée; par l’introduction, elle est rendue parfaite. Que l’épouse soit introduite par le roi en ses celliers n’est, en vérité, pour elle rien d’autre qu’être affectueusement admise, sur l’ordre du rayon théarchique, à l’expérience secrète des unions divines. Le terme de celliers désigne bien celles-ci, car, là même, elle est enivrée en sa déiformité au point que, d’admirable façon, en s’ignorant elle connaisse et en connaissant elle ignore, comme totalement privée, à cause d’une douceur très grande, de l’usage de la raison. On y mange de riches nourritures, on y boit un vin doux, dont la très grande force met totalement hors de soi. De plus, également, résonne toujours en de tels celliers la voix du bien-aimé: «Mangez, mes
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
sonat vox dilecti: “Comedite, amici mei, et inebriamini, carissimi”. Unde fit ut eo amplius inebrientur qui in eisdem sunt 205 introducti, quo ad hoc ipsum per dilectum instantius admonentur. Aut certe per cellaria dilecti intelligere possumus diversas supercelestium hierarchias plenissimas quidem multis dulcissimis, suavissimis et olentissimis distributionibus, in quibus tunc deiformis intelligentia a rege introducitur cum ad intimam con- 210 templationem et investigationem virtute divini radii admittitur, ut sic ipsa cum ceteris virtutibus mentalibus inebriata et demum ad se reversa clamet et dicat: 1, 3c
Exultabimus et letabimur in te, memores uberum tuorum super vinum. Quasi diceret: tu eris amodo materia exultationis et letitie 215 nostre, memorantes tuarum intelligibilium distributionum dulcedinem, que omnis materialis consolationis superat suavitatem. Vide quoniam anima intellectualibus cellariis introducta, vix in aliqua alia re potest vere exultare et letari, preterquam in suo dilecto superdulcissimo Crucifixo, qui eius introductionis causa 220 exstitit et inebriationis. Unde ad ipsum, sicut ad vere iocundum et letabundum obiectum, omnes vires anime recurrunt, ut in ipso exultent et delectentur memores lactis uberum eius, hoc est | (124d) superdulcissime dulcis deitatis intelligibilium distributionum, quibus, in secreto cellariorum, abundantissime et delicatissime 225 sunt depaste. Que bene ubera dicuntur esse super vinum, quia supermentalium influitionum suavitas omnem materialem consolationem, per vinum designatam, ita absorbet ut de cetero in comparatione illius pro nihilo reputet, nec etiam in memoriam 204-205 Comedite – carissimi] Cant. 5, 1 205 eisdem] celariis add. in marg. O1 208 supercelestium] mentium add. N 209 olentissimis] beneolentissimis N beneolentibus PM 210 introducitur] intus ducitur N intimam] ipsarum add. N 212 mentalibus] totaliter add. N 218 anima] semel in add. N intellectualibus] intelligibilibus PM 219 vere] om. PM 222 anime] animi N in] om. N 224 dulcis deitatis] dulcedinitatis N 225 cellariorum] cellario PM
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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amis; très chers, soyez enivrés.» Ceux qui en eux sont introduits sont donc d’autant plus enivrés que le bien-aimé les exhorte plus instamment. Mais sans doute pouvons-nous entendre par celliers du bien-aimé les hiérarchies diverses des esprits supracélestes pourvues très abondamment de nombreuses largesses très douces, très agréables, très odoriférantes. Parmi elles, le roi introduit l’intelligence déiforme, lorsque, par la vertu du rayon divin, elle est admise à contempler intimement et à rechercher attentivement, de telle sorte qu’elle-même, enivrée avec les autres vertus de l’esprit et enfin revenue à soi, clame et dise: Nous exulterons et nous réjouirons en toi, nous souvenant de tes seins qui l’emportent sur le vin. Comme si elle disait: Dorénavant, tu seras l’objet de notre exultation et de notre joie, nous qui nous souvenons de la douceur de tes largesses intelligibles, laquelle dépasse la suavité de toute consolation matérielle. Vois que l’âme introduite dans les celliers intellectuels peut à peine véritablement exulter et se réjouir en quelque autre chose qu’en son bien-aimé, le plus que très doux Crucifié, cause de son introduction et de son enivrement. Vers lui donc, comme vers un objet plaisant et tout joyeux, toutes les forces de l’âme font retour pour exulter en lui et se délecter dans le souvenir du lait de ses seins, c’est-à-dire des largesses intelligibles de la douce, plus que très douce déité, dont elles sont nourries avec une abondance et une délicatesse extrêmes dans le secret des celliers. On dit bien que ces seins l’emportent sur le vin, car la suavité des influx qui dépassent l’esprit absorbe toute consolation matérielle que le vin désigne, de telle sorte qu’à l’avenir l’âme la tiendrait pour rien en comparaison de celle-ci, et même ne s’en souvien-
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
adducat. Superfluit enim etiam beata suavitas ex dilecti uberibus 230 incessanter, ad cuius fluxum omnia intima anime feliciter irrigantur, irrigata impinguantur, impinguata inenarrabili exultatione et letitia adimplentur; et tunc vere potest dici illud davidicum adimpleri quo dicitur: “Et iusti epulentur et exultent in conspectu Dei, delectentur in letitia”. Quare epulentur iusti? 235 Quia dulcedo uberum dilecti suavissima. Quare in conspectu Dei? Quia facies suavissima et splendidissima. Quare delectentur in letitia? Quia societas amantissima. Talibus igitur ac tantis sponsa nostra in dilecto suo delectabilibus consideratis per que facile sanctorum virorum amorem vindicet sibi, ait deinde: 240
1, 3d
Recti diligunt te. Hoc est: viri illi, qui per simplicitatem intellectus atque affectus, ad contemplanda celestia sunt erecti, tibi, dilecte mi, amore inseparabili copulantur. Siquidem simplicitas affectus est ipsius dissimilitudo a mate- 245 rialibus desideriis et assimilatio ad divinas delectationes. Similiter simplicitas intellectus est ipsius dissimilitudo et puritas a phantasiis et ignorantiis, et assimilatio ad supersplendentem radium. Hec autem due simplicitates pariunt et efficiunt in anima rectitudinem deiformem, hoc est suspensionem et directionem intel- 250 ligentie in Deum, hinc inde nullatenus declinando, sed seipsam ad vere pulchrum et bonum viriliter | erigendo. Et tales profec- (125a)
234-235 Et – letitia] Ps. 67, 4 229 nihilo] eam add. s.l. O 230 superfluit] profluit N etiam] hec ipsa N 233 et letitia] om. PM 234 adimpleri] om. PM 235 delectentur in letitia] om. PM 238 societas ] celestis add. M eius add. N 243 erecti] electi OPM 245 dissimilitudo] s.l. Opc 252-253 profecto] profectus PM
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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drait pas. En effet, des seins du bien-aimé déborde sans arrêt une bienheureuse suavité. À cause de ce flux, tout l’intérieur de l’âme est heureusement irrigué; irrigué, il est rassasié; et, rassasié, il est rempli d’une exaltation et d’une joie indicibles. Alors est accomplie, on peut vraiment le dire, cette parole de David: «Que les justes se rassasient et qu’ils tressaillent devant Dieu; qu’ils soient transportés d’allégresse». Pourquoi les justes sontils rassasiés? Parce que la douceur des seins du bien-aimé est très délectable. Pourquoi devant Dieu? Parce que son visage est très doux et très beau. Pourquoi sont-ils transportés d’allégresse? Parce que sa société est très aimante. Après avoir considéré en son bien-aimé de telles et si grandes choses délectables, au nom desquelles elle revendiquerait facilement pour elle-même l’amour des hommes saints, notre épouse dit ensuite: Ceux qui sont droits t’aiment. C’est-à-dire: Ces hommes, qui, en raison de la simplicité de l’intellectus et de l’affectus, sont élus pour contempler les choses célestes, te sont unis, ô bien-aimé, d’un amour indissoluble. En effet, la simplicité de l’affectus est sa non-ressemblance aux désirs matériels et sa ressemblance aux délectations divines. Pareillement, la simplicité de l’intellectus est sa non-ressemblance aux fantasmes et aux ignorances, et sa pureté par rapport à eux, et sa ressemblance au rayon plus que brillant. Cette double simplicité engendre et réalise en l’âme la rectitude déiforme, c’està-dire le soulèvement et la droite direction de l’intelligence vers Dieu — sans donc aucun écart — mais en l’élevant avec force vers ce qui est vraiment beau et bon. Assurément tels sont ceux qui,
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
to sunt qui, iuxta beati Dionysii sententiam, “sufficiunt transire mentis simplicitate et contemplative virtutis bonitate ad simplicem et supernaturalem et supercollocatam signorum veri- 255 tatem”. Quomodo igitur hii recti superdulcissimum radium non diligent, sive ei amore inseparabili non copulentur, ad quem tota virtute se erigunt, dirigunt et extendunt? Erigunt, inquam, seipsos a materialibus absolvendo, dirigunt post illuminationes intelligibiles gradiendo, extendunt ipsum radium affectuosissime 260 amplexando et seipsos ad ipsius irradiationes copiosissimas suscipiendas pro viribus dilatando. Quia vero quanto validior est extensio interiorum ad superiora, tanto maior fit extenuatio circa exteriora, ideo sponsa, conversa ad rudes animas, alloquitur taliter confortando: 265
1, 4
Nigra sum, sed formosa, filie Ierusalem, sicut tabernacula Cedar, sicut pelles Salomonis. Ac si diceret: labore mentalium actionum sum exterius denigrata, sed interius beatis pulchritudinibus dealbata, o simplices anime contemplationi celestium intendentes, sicut habitacula 270 meroris variis disciplinis exposita et sicut tentoria summi regis multis coloribus adornata. Certum quippe est materiale corpus anime deiformis presertim, dum ipsa labori mentalium actionum est intenta, admodum macerando denigrari, ipsam vero divinis splendoribus dealbari 275 253-256 sufficiunt – veritatem] Ps.-Dion., Ep. IX ad Tit., 6363-6371 253 sententiam] in epistola ad Titum add. PM 256 recti] non diligent tam add. PM 257 non] om. N 258 inquam] namque PM 263 interiorum] interior PM 270 intendentes] dedite PM 271 disciplinis] discipulis M 272 adornata] nigredo corpus afficit per macerationem, sed anima dealbatur per contemplationem add. PM 274 actionum] totaliter add. N 275 macerando denigrari] macerari ac per hoc denigrari N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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selon l’affirmation du bienheureux Denys, «peuvent passer, par la simplicité de l’esprit et la bonté de la vertu contemplative, à la vérité des signes, vérité simple, surnaturelle et située au-dessus de tout». Comment donc ces hommes droits n’aimeraient-ils pas le rayon plus que très doux ou ne lui seraient-ils pas unis d’un amour indissoluble, rayon vers lequel ils se dressent, se dirigent et se tendent de toute leur énergie? Ils se dressent, dis-je, en se séparant des choses matérielles; ils se dirigent, en marchant à la suite des illuminations intelligibles; ils se tendent, en embrassant très affectueusement le rayon lui-même et en s’ouvrant euxmêmes, à la mesure de leur force, pour recevoir ses très nombreuses irradiations. Mais, puisque plus est puissante la tension des réalités intérieures vers les réalités supérieures, plus est grande la diminution de la tension vers les réalités extérieures, l’épouse, tournée vers les âmes inexpérimentées, leur parle ainsi par manière de réconfort: Je suis noire, mais belle, filles de Jérusalem, comme les tentes de Cédar, comme les tentes de Salomon. Comme si elle disait: Je suis noire extérieurement par le travail des actions de l’esprit, mais je suis intérieurement blanche par les beautés bienheureuses, ô âmes simples, qui s’appliquent à la contemplation des choses célestes, comme les demeures de tristesse, exposées à des règles diverses, et comme les tentes du très grand roi, ornées de multiples couleurs. Il est, en effet, certain que le corps matériel de l’âme déiforme est justement très noirci par la mortification, surtout quand elle est appliquée au labeur des opérations de l’esprit; mais elle est blanchie par les splendeurs divines; ainsi est-elle rendue très belle.
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
sicque formosissimam reddi. Tunc enim exteriorum sensuum delectatio totaliter ad interiorum sensuum convertitur delectationem. Unde opus est exteriora macerari et mortificari, ratione superius assignata. Convenit autem dicere duos sensus esse in intellectu, visum videlicet | et auditum, tres autem in affectu, scilicet gustum, tactum et odoratum, qui omnes miro modo ex quo anima inheret divinorum contemplationi ad sua obiecta ferventissime suscitantur: visus ad splendores, auditus ad divinas inspirationes, gustus ad dulcissimos sapores, tactus ad lenissimas suavitates, olfactus ad fragrantissimas fragrantias superolentes. In talibus autem actionibus, sicut anima sensibiliter et potissimum delectatur, sic corpus importabiliter et quam plurimum cruciatur, ac per hoc, ut dictum est, denigratur. Qualis vero sit ista denigratio, vel qualiter fiat anime decoloratio, per has duas similitudines: sicut tabernacula Cedar, sicut pelles Salomonis, pulchrifice declaratur. Cedar enim, quod meror interpretatur, filius exstitit Ismael pro nequitiis suis semper in tabernaculis habitans, que ob frequentiam imbrium et caloris valde denigrabantur. Congrue ergo per tabernacula Cedar deiformium animarum corpora sunt intelligenda que, ab eis in servitutem redacta, disciplinis celestibus exponuntur atque vehementissime denigrantur. Prius enim per divinas disciplinas facienda est purgatio quam intellectualis illuminatio infundatur, ut sic de tabernaculis Cedar fiat pellis Salomonis anima deiformis. Nam quantum exterius denigratur, tantum interius coloratur. Hinc est quod sponsa nostra non solum tabernaculis Cedar propter exteriorem disciplinam, sed etiam pellibus Salomonis propter virtutum splendorem, se fore similem gloriatur, ita ut sub culmine diversarum virtutum 291-292 Cedar – habitans] cf. Hier. 49, 28-29 276 exteriorum] exterior O 282 inheret] intendit M ad] suavissimas lenitates et add. N 285 fragrantissimas] om. N 287 importabiliter] imperceptibiliter N 289 anime] simul add. N decoloratio] decoratio O 290-291 pulchrifice] pulcherrime PM 291 quod] qui N 292 nequitiis suis] nequitia sua N 302 propter] diversarum add. N 303 diversarum] divinarum OPM
(125b)
285
290
295
300
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Alors, en effet, la délectation des sens extérieurs est totalement changée en délectation des sens intérieurs. Il faut donc que, pour cette raison antérieurement avancée, soit affaibli et mis à mort ce qui est à l’extérieur. Mais il convient de dire qu’il existe deux sens dans l’intellectus, à savoir la vue et l’ouïe, et trois dans l’affectus, à savoir le goût, le toucher et l’odorat, qui tous, d’admirable façon, du fait que l’âme s’applique à la contemplation des choses divines, sont soulevées avec une ferveur extrême vers leurs objets: la vue, vers les splendeurs; l’ouïe, vers les inspirations divines; le goût, vers les saveurs très douces; le toucher, vers les plus agréables douceurs; l’odorat, vers les plus excellents parfums dont la senteur est plus que bonne. Mais, de même qu’en de telles actions l’âme se réjouit sensiblement et principalement au moyen des sens, de même le corps est davantage torturé; il l’est d’une façon insupportable, et, par cela, ainsi qu’on l’a dit, noirci. Quelle est cette action de rendre noir, ou comment cette décoration survient-elle à l’âme? Cela est très bellement déclaré par deux similitudes: «comme les tentes de Cédar, comme les tentes de Salomon». Cédar, en effet, qui signifie tristesse, est le fils Ismaël, qui, à cause de ses dérèglements, habite toujours sous des tentes noircies par l’abondance des pluies et de la chaleur. Par tentes de Cédar, il convient donc d’entendre les corps des âmes déiformes, qui, réduits par elles en servitude, sont exposées aux disciplines célestes et très fortement noircis. La purification au moyen des disciplines divines doit être, en effet, réalisée avant que l’illumination intellectuelle soit répandue, pour qu’ainsi l’âme déiforme, de tente de Cédar, devienne tente de Salomon. Autant, en effet, elle est noircie à l’extérieur, autant elle est colorée à l’intérieur. Notre épouse se fait donc gloire de devoir être semblable, non seulement aux tentes de Cédar à cause de la discipline extérieure, mais aussi aux tentes de Salomon à cause de la splendeur des vertus, de telle sorte que son époux très pacifique et
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
eius quasi sub variis pellibus, vel tentoriis non dedignetur habitare et quiescere pacatissimus sponsus eius et quietissimus beatissimus 305 Crucifixus. Vel certe dicere possumus dilectam tunc esse nigram sicut tabernacula Cedar quando vite active disciplinatissimis laboribus est subiecta; | tunc vero formosam, sicut pelles Salomonis, quan- (125c) do vite contemplative decorativis et pulchrificativis splendoribus 310 est totaliter mancipata. Ne vero possent rudes anime existimare hanc sponse denigrationem potius ex vitiis quam ex virtute procedere, iterum eis dicitur per dilectam:
1, 5a
Nolite me considerare quod fusca sim, quia decoloravit me sol. Quod est dicere: nolite mee considerationi multum intendere quod sim macerata, quia calor et splendor divine contemplationis me taliter denigravit. Nam, sicut sol materialis duplicem habet effectum, exurendi videlicet et lucendi, ita quidem divina contemplatio per solem designata exteriorem hominem ut tactum est, mortificat et obfuscat, omnem in eo carnalitatis humiditatem penitus exsiccando; interiorem vero vivificat et clarificat, ipsum distributionum divinarum dulcedinibus depascendo, illustratione radiorum intelligibilium perfundendo. Hinc est quod per divinum nobis traditur Paulum: “Licet, inquit, is qui foris noster homo corrumpatur”, id est actuali humore, paulatim vacuetur, “tamen is qui intus est, renovatur de die in diem”, id est luciformiter de claritate in claritatem transmutatur. Propter quod alibi dicit: “Mortui enim estis et vita vestra”, etc. Quasi diceret: quamquam mortis imaginem exterius veraciter preferatis, tamen celestis vite splendorem
325-327 Licet – diem] II Cor. 4, 16
328-329 Mortui – vestra] Col. 3, 3
312 sponse] sponsam P vitiis] vitio N 316 sim] exterius add. N 321 in eo] om. N 325 is qui foris] qui foris is O foris] est add. M
315
320
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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très paisible, le très bienheureux Crucifié, ne dédaigne pas d’habiter et de se reposer sous le faîte de ses vertus diverses comme sous des tentes de couleurs variées. Mais nous pouvons certainement dire que la bien-aimée est noire comme les tentes de Cédar, quand elle est soumise aux travaux très réglés de la vie active, et qu’elle est belle comme les tentes de Salomon, quand elle est totalement abandonnée aux splendeurs, qui ornent et embellissent, de la vie contemplative. Toutefois, pour que les âmes inexpérimentées ne puissent penser que cette noirceur de l’épouse procède plus des vices que de la vertu, la bien-aimée leur dit à nouveau: Veuillez ne pas considérer que je suis noire, parce que le soleil m’a décolorée. C’est dire: Veuillez ne pas accorder trop d’attention à ma remarque, selon laquelle je serais mortifiée, parce que la chaleur et la splendeur de la contemplation divine m’ont ainsi noircie. En effet, de même que le soleil matériel a le double effet de brûler et de briller, de même certes la contemplation divine, désignée par le soleil, mortifie et noircit l’homme extérieur, comme on l’a dit, en faisant disparaître totalement en lui toute l’humidité de l’homme charnel; mais, en le nourrissant des douceurs des distributions divines, elle vivifie et éclaire l’homme intérieur en l’inondant de l’éclat des rayons intelligibles. À cela se rapporte ce que le divin Paul nous livre: «Bien que notre homme extérieur s’en aille en ruines», c’est-à-dire soit peu à peu vidé de l’humeur active, «l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour», c’est-à-dire est lumineusement transmué de clarté en clarté. C’est pourquoi il dit ailleurs: «Vous êtes morts et votre vie se trouve cachée en Dieu avec le Christ». Comme s’il disait: Quoique vous portiez véritablement à l’extérieur l’image de la mort, vous portez à l’intérieur la splendeur de la vie céleste, de façon certes d’au-
120
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
intus baiulatis, eo utique gloriosius quo latentius. Itaque consequenter, dum interior homo ad celestia sublimatur, exteriorem non est dubium suis molestis privari delectationibus per intelligentiam deiformem. Propterea bene subiungitur:
1, 5b
Filii matris mee pugnaverunt contra me.
335
|Ac si dicat: motus rationis me matriformiter custodientes (125d) mihi cuiusdam contradictionis litigium intulerunt. Attende bene verba, scilicet intelligentie deiformis, se de inordinatis rationis motibus conquerentis; quam rationem ideo ipsa intelligentia dicit matrem suam, quia materno quasi affectu per 340 ipsius discretionem reservatur et custoditur, ne ad ipsas materiales egrediatur passiones, aut ad aliquas alias dissimilitudines, per quas intelligentie claritas possit violari. Si vero queris qui sunt isti rationis filii, qui pugnam deificate intelligentie movere non verentur, dicendum est eos esse quosdam motus inordinatos 345 inferioris partis rationis, qui semper ipsi intelligentie contradicunt et cum ea litigant, eo quod ipsa velit in celestibus commorari et in theoriis intellectualibus exerceri, quod valde sensualitati grave est et molestum. Propter quod ipsa motus suos adversus intelligentiam indicat ut, vel sic continuis clamoribus molesta- 350 ta a contemplatione celestium ad contemplationem materialium retrahatur. Unde merito per eamdem intelligentiam subinfertur:
331 intus] interius N 333 molestis] moleste N om. PM 336 me] mee PM matriformiter] materialia uniformiter PM custodientes] custodientis N 338 bene] quoniam N scilicet] ista sunt N ista scilicet M 339 conquerentis] conquirentis O 341 discretionem] discretam custodiam N ipsas] ipsam N 342 egrediatur] ingrediantur N ad aliquas alias] alique alie N 343-344 claritas – intelligentie] om. N 344 movere] indicere N 346 qui] que O 346-347 contradicunt] dicunt O ac 350 indicat] incitat N ut] s.l. O 350-351 molestata] molesta NP(garder? Cf. stemma) 351 contemplationem] speculationem N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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tant plus glorieuse que plus cachée. Ainsi, par conséquent, tandis que l’homme intérieur est soulevé en direction des choses célestes, il n’est pas douteux que l’homme extérieur soit privé, par l’intelligence déiforme, de ses délectations dangereuses. L’épouse ajoute donc avec bonheur: Les fils de ma mère ont combattu contre moi. Comme si elle disait: Les mouvements de la raison qui me protègent à la façon d’une mère m’ont cherché querelle de quelque contradiction. Sois bien attentif aux paroles de l’intelligence déiforme, qui s’interroge sur les mouvements désordonnés de la raison. L’intelligence elle-même appelle celle-ci sa mère, car, par une affection quasi maternelle, son discernement la garde et la protège, pour qu’elle ne sorte pas en direction des passions matérielles elles-mêmes ou de quelques autres dissemblances pouvant altérer la clarté de l’intelligence. Mais, si tu cherches quels sont ces fils de la raison, qui ne craignent pas d’engager le combat avec l’intelligence déifiée, il faut dire que ce sont certains mouvements désordonnés de la partie inférieure de la raison, qui contredisent toujours l’intelligence elle-même et entrent en conflit avec elle, parce qu’elle souhaiterait demeurer au milieu des choses célestes et s’exercer dans les théories intellectuelles; ce qui est très pesant et très pénible pour la sensualité. C’est pourquoi elle dénonce ses mouvements contre l’intelligence qui ont pour effet que même ainsi, incommodée par de continuelles clameurs, elle est ramenée de la contemplation des choses célestes, à celle des choses matérielles. Cette même intelligence ajoute donc à bon droit:
122 1, 5c
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Posuerunt me custodem in vineis, vineam meam non custodivi. Quod est dicere: deputaverunt me speculatricem in materialibus creaturis, sed hanc talem speculationem materialem minime custodivi, vel conservavi. Notandum sane quod vix, aut nunquam, intelligentia iam per unitionem ad thearchicum radium deificata potest ad contemplationem rerum materialium declinari. Contingit tamen interdum ipsam ab inordinatis et imperfectis rationis motibus compelli, tum propter sui exterioris hominis compassionem, tum etiam | propter sui modicam remissionem, ut speculationem rerum materialium intendat. Que materialia bene a sponsa per vineas designantur, quia ex earum attenta contemplatione non est dubium botros suavissime et plenissime meditationis colligi, ex quibus exprimitur vinum ferventissime devotionis, quod etiam efficax sit ad animas inebriandum. Hinc quemdam Theologum novimus tradidisse: “Domine consideravi opera tua et exspavi”, etc., hoc est: pre attenta speculatione et consideratione materialium in quemdam exstaticum stuporem incidi. Proinde etiam puto per Psalmigraphum dici: “Meditatus, inquit, sum in omnibus operibus tuis.” Sed quid tibi ex hoc? “Expandi manus meas ad te”, propter nimiam exultationem, “anima mea sicut terra sine aqua tibi”, propter sensus privationem, “defecit spiritus meus”, ob rationis absorptionem. Merito igitur per vineas speculationes materialium designantur, ex quibus nobis provenit calix, sic immutans pre admirationis exultatione, sic alienans pre sensus privatione et sic inebrians pre rationis absorptione. Verum, quia longe meliores, maiores et suaviores sunt delicie intelligentie deiformis erga celestium contemplationem, ideo 367-368 Domine – exspavi] Hab. 3, 2 5-7
370-371 Meditatus – meus] Ps. 142,
355 speculationem materialem] speculationis materiam N 356 custodivi vel conservari] observari N 357 thearchicum] hierarchicum O pc om. P et add. in marg. M 358-359 declinari] declinare PM utpote iam ab ipsis totaliter absoluta add. N 360 rationis] rationum OPM 370 incidi] cecidi N 374 rationis] totalem add. N 378 meliores] om. M 379 contemplationem] quam materialium add. O
355
360 (126a)
365
370
375
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Ils m’ont établie gardienne dans les vignes; je n’ai pas gardé ma vigne. C’est dire: Ils m’ont députée comme observatrice dans les créatures matérielles, mais je n’ai nullement gardé ou conservé une telle observation matérielle. Il faut certes noter que l’intelligence, déjà déifiée par l’union au rayon théarchique, peut à peine, ou ne peut jamais être détournée vers la contemplation des choses matérielles. Il arrive parfois cependant que les mouvements désordonnés et imparfaits de la raison la contraignent, tant à cause de la compassion de son homme extérieur qu’également par un léger relâchement d’elle-même, à se livrer à l’observation des choses matérielles. Celles-ci, l’épouse les nomme bien «vignes», car il est indubitable que, de leur attentive contemplation, l’on recueille les grappes d’une méditation très agréable et très riche, grappes dont est extrait le vin d’une très fervente dévotion, qui puisse également enivrer les âmes. En conséquence, nous savons qu’un théologien a dit: «Seigneur, j’ai considéré tes œuvres et j’ai été saisi de crainte», etc. c’est-à-dire: par une contemplation et une considération attentives des choses matérielles, je suis tombé en une certaine torpeur extatique. C’est pour cette raison aussi que, je pense, le psalmiste a dit: «J’ai médité sur toutes tes œuvres.» Mais que te semble ceci: «J’ai étendu vers toi mes mains», à cause d’un très grand transport de joie; «mon âme est pour toi comme une terre sans eau», à cause de la privation du sens; «mon esprit défaille», à cause de la privation de la raison? Sont donc désignées à bon droit par «vignes» les spéculations des choses matérielles. D’elles nous vient la coupe, qui transporte ainsi à cause de l’exaltation de l’admiration, qui ravit ainsi à cause de la privation du sens, et qui enivre ainsi à cause de la disparition de la raison. Certes, puisque bien meilleures, plus grandes et plus agréables sont les délices de l’intelligence déiforme en ce qui concerne la contemplation des choses célestes, ceux qui sont habi-
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
his bene triti et in vinea positi vineam suam non custodiunt, quia 380 talem speculationem materialem longo tempore minime observant. In se igitur reversa et celestium amore et dilecti sui succensa, quasi nimis evagaverit per vineas, ait ad dilectum:
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Indica mihi quem diligit anima mea, ubi cubes in meridie, ubi pascas, ne vagari | incipiam post greges sodalium tuorum.
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Ac si dicat: per tui illuminationem mihi notifica, superamabilis Crucifixe, cui sum amore insolubili glutinata, quis sit locus tue superdulcissime refectionis et supersuavissime quietis in superferventi ardore et supersplendenti lumine deitatis, ne inutiliter contingat me proficisci post simplices et multiplices 390 illuminationes te semper concomitantium angelorum. Pulchre siquidem deiformis sponsa postulat a suo superamabili Crucifixo, vel a divino radio, cui amore insolubili copulatur, ut per bonas ipsius irradiationes sibi debeat indicare ubi pascat, ubi cubet in meridie, hoc est quisnam sit locus sue dul- 395 cissime refectionis et suavissime quietis in superardenti ardore et supersplendenti lumine deitatis. Hoc autem ideo petit ut famelica valeat satiari, ut inquieta valeat tranquillari ad sensum supercalidi ardoris et visionis tam superfulgentissime claritatis. Novit enim intellectualiter Ioseph beatum, id est Iesum Christum, occi- 400 di victimas et institui convivium precepisse, quia secum comessuri sunt fratres sui. Unde tam instantissime petit sibi indicari ubi pascat, ubi cubet in meridie, id est ubi superdulcissime et
380-381 ideo his bene triti et in vinea positi] ideo bene custos in vineis posita N 381 speculationem materialem longo] speculationis materiam longe N 381-382 observant] observavit N 382 reversa] reversis PM 382-383 succensa] succensum PM 389 superplendenti] supersplendentis N 398 sensum] tam add. N 399 visionis] visionem N 400 intellectualiter] intellectualem N 401 institui] instrui N secum] meridie add. N 402 indicari] ab eo add. N 403 superdulcissime et pacatissime] superdulcissimis et superpacatissimis N
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tués aux présentes et placés dans la vigne ne gardent pas leur vigne, car ils ne se livrent absolument pas durant un long temps à une telle observation matérielle. Dès lors, revenue à elle, enflammée de l’amour des choses célestes et de son bien-aimé, comme si elle avait trop erré à travers les vignes, l’épouse dit au bienaimé: Celui qu’aime mon âme, indique-moi où tu es étendu à midi, où tu traites tes convives, de peur que je ne commence à errer après les troupes de tes compagnons. Comme si elle disait: Par ton illumination, fais-moi savoir, plus qu’aimable Crucifié, auquel je suis unie d’un amour indissoluble, quel est le lieu de ton repas plus que très savoureux et de ton repos plus que très agréable, en l’ardeur plus que fervente et la lumière plus que resplendissante de la déité, afin qu’inutilement il ne m’arrive pas de m’en aller après les illuminations simples et multiples des anges qui t’accompagnent toujours. L’épouse déiforme demande bien, en effet, à son plus qu’aimable Crucifié ou au rayon divin, auquel elle est unie d’un amour indissoluble, de devoir lui indiquer par ses riches rayonnements, où il traite ses hôtes, où il est étendu à midi, c’est-à-dire quel est le lieu de sa très agréable réfection, de son repos très doux, en l’ardeur plus que fervente et en la lumière plus que brillante de la déité. Mais elle demande cela, afin qu’affamée elle puisse être rassasiée, afin qu’inquiète elle puisse être tranquillisée dans la perception de l’ardeur plus que chaleureuse et de la clarté tellement plus brillante de la vision. Elle a appris en effet intellectuellement que le bienheureux Joseph, c’est-à-dire Jésus-Christ, a ordonné d’égorger des victimes et de préparer un festin, parce que ses frères doivent manger avec lui. Elle demande en conséquence, de façon pressante, que lui soit indiqué où il est étendu, où il traite ses convives à midi, c’est-à-dire où, de façon plus que très douce et très paisible, il redonne, par ses distributions, force
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
pacatissime distributionibus reficiat et pacificet sanctas mentes in ardore superlucenti et lumine superardenti superbeatissime divinitatis. Dicit enim Dionysius, Ang. hier. VII, quod “primus celestium substantiarum ornatus est in circuitu Dei et circa Deum sine medio stans, simpliciter | et indesinenter ambiens eternam ipsius cognitionem secundum supremam, ut in angelis semper mobilem collocationem, multas quidem et beatas pure videns contemplationes, simplicibus et immediatis splendoribus illuminatus, et divino nutrimento adimpletus, multa autem primo eis data effusione, una autem invariabili et unifica thearchice epulationis unitate, multa communione Dei et cognitione dignus habitus”. Huius profecto ordinis spiritus non est dubium cum dilecto epulari et accumbere in meridie, sicut divino illo superdulcissimo nutrimento plenissime adimpletos et pacifica communione Dei dignos habitos, necnon splendoribus simplicibus et immediatis illustratos, quorum unum ad pastum, alterum ad accubitum, reliquum vero ad meridiem existimo referendum. Dum enim divino nutrimento adimplentur, cum dilecto depascuntur; cum vero unifica et pacifica communione ipsius digni habentur, cum eo accubant; ut autem purissimis splendoribus illustrantur, in meridie proculdubio collocantur. Ne tamen crederetur sponsam talem petitionem expostulasse potius ex curiositate quam iusta necessitate, causam adiungere curavit dum intulit: ne vagari incipiam post greges sodalium tuorum, hoc est: ne contingat me inutiliter proficisci post simplices et multiplices illuminationes te concomitantium et tibi fideliter adherentium angelorum. Ratum enim habet deiformis anima quod omnem superat deliciarum dulcedinem et suavitatem depasci et accumbere in meridie cum dilecto; unde et sibi videtur inutiliter profi406-415 primus – habitus] Ps.-Dion., De cael. hier., VII, 8602-8622 406 divinitatis] deitatis N 409 ut in angelis om. N 411 et] om. O 412 multa] multi N autem] om. O 416 et accumbere] depascere et accubare N 417 nutrimento] in marg. O om.. PM plenissime] plenissimos OpcPM 421-422 depascuntur] depascunt N 422 vero] deifica add. N 432 unde] quasi add. N spat. vac. add. O
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aux âmes saintes et les pacifie dans l’ardeur plus que brillante et la lumière plus qu’ardente de la divinité plus que très bienheureuse. Denys dit, en effet, dans la Hiérarchie angélique, ch. VII: «Le premier ordre des substances célestes se tient immédiatement autour de Dieu, dont il demande simplement et incessamment de recevoir la connaissance éternelle selon la suprême et toujours mouvante disposition qui sied aux anges; il voit certes purement des spectacles nombreux et bienheureux; illuminé de splendeurs simples, immédiates, il est rassasié d’un aliment divin; grâce à l’abondante effusion qui lui est d’abord donnée, grâce à l’unité simple et unifiante du festin théarchique, il est trouvé digne d’une grande communion avec Dieu et d’une ample connaissance de celui-ci.» Il n’est donc certes pas douteux que les esprits de cet ordre festoient avec le bien-aimé et s’étendent avec lui à table, à midi, rassasiés pour ainsi dire totalement de cet aliment divin plus que très agréable, jugés dignes de la pacifique communion de Dieu, illuminés également des splendeurs simples et immédiates dont j’estime que l’un renvoie à la nourriture, l’autre, au fait d’être étendu à table, le reste, au midi. En effet, tandis qu’ils sont totalement rassasiés de la nourriture divine, ils mangent avec le bien-aimé; alors qu’ils sont jugés dignes de sa communion, qui unifie et pacifie, ils s’étendent avec lui à table; mais, en tant qu’ils sont illuminés de très pures splendeurs, ils sont très évidemment étendus en plein midi. Pour que cependant on ne croie pas que l’épouse ait formulé une telle demande par curiosité plus que par juste nécessité, elle a pris soin d’ajouter cette explication: «De peur que je ne commence à errer après les troupes de tes compagnons», c’est-à-dire: de peur qu’il ne m’arrive de m’avancer inutilement après les illuminations simples et multiples des anges qui t’accompagnent et qui adhèrent fidèlement à toi. L’âme déiforme tient, en effet, pour valable que l’emporte, sur toute la douceur et la suavité des délices, le fait de manger et de s’étendre à
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cisci, dum semper sequitur simplices et multiplices angelorum concomitantium illuminationes et potest ad ipsius pastum et accubitum meridianum nullatenus pervenire. Sicque pro nihilo 435 reputat “minari ad interiora deserti”, nisi usque “ad montem Dei Horeb” perducatur, ubi cum dilecto valeat satiari, satiata quietari in meridie pleni luminis et ardoris. Si vero amplius animo inquietaris clarius noscere, cupiens quenam sit ista satietas et quies in meridie constituta, reverenter dicendum est eam esse 440 supermentalem unitionem angelice et humane deiformitatis ad thearchicum radium, que totaliter est satiativa et totaliter quietativa, non tam superardenti luce ignificans quam supersplendenti calore illuminans, ita ut nunquam desistat tali menti intellectualis meridies effulgere, sicut in plenitudine amoris et luminis 445 constitute. Itaque, quoniam perveniri non potest ad tantam sublimitatem experientie, nisi mediante virtute deificate intelligentie, ideo bene per sponsum dicitur:
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Si ignoras te, o pulchra inter mulieres, egredere et abi post vestigia gre450 gum, et pasce hedos tuos iuxta tabernacula pastorum. Quasi diceret: si totalem tue intelligentie nescis virtutem, exeas ad latitudinem intellectualis regionis et proficiscere post manuductiones multorum et simplicium radiorum et reficiens fortifica nisus tuos iuxta hierarchias fideliter presidentium angelorum.
436-437 minari – Horeb] Ex. 3, 1 433 angelorum] dilectum add. N 434 potest] om. OPM 435-436 Sicque pro nihilo reputat] pro nihilo namque deputat N 442-443 et totaliter quietativa] om. N 445 sicut] continue add. N 446 constitute] constituta OpcPM 451 nescis] o pura inter reliquas pias mentes add. N 452 intellectualis] intelligentis OPM 453 nisus] visus PM
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table à midi avec le bien-aimé; il lui semble donc s’avancer inutilement, quand elle suit toujours les illuminations simples et multiples des anges accompagnateurs et n’atteindre d’aucune manière sa nourriture et le lit de la table à l’heure de midi. Elle tient donc pour rien «d’être poussée à l’intérieur du désert», à moins d’être conduite jusqu’«à la montagne de Dieu, l’Horeb», où, avec le bien-aimé, elle puisse être rassasiée, et où, rassasiée, elle puisse se reposer au midi de la pleine lumière et de la pleine ardeur. Mais si, en outre, tu t’inquiètes, désirant connaître plus clairement quels sont cette satiété et ce repos au midi, il faut dire, avec respect, qu’ils sont l’union qui dépasse l’esprit au rayon théarchique de la déiformité angélique et humaine, union qui rassasie totalement et repose entièrement, n’enflammant pas tant de lumière plus qu’ardente qu’illuminant de chaleur plus que brillante, de telle sorte que le midi intellectuel ne cesse jamais de briller sur un tel esprit en tant qu’il est établi dans la plénitude de l’amour et de la lumière. Comme elle ne peut parvenir à une expérience si sublime que par la force médiatrice de l’intelligence déifiée, l’époux dit avec bonheur: Si tu t’ignores, ô belle entre les femmes, sors et pars sur les traces des troupeaux et pais tes chevreaux près des tentes des pasteurs. Comme s’il disait: Si tu ignores toute la vertu de ton intelligence, sors pour considérer l’ample région intelligible et marche à la suite des rayons nombreux et simples qui te conduisent comme par la main, et, refaisant tes forces, intensifie tes efforts selon les hiérarchies des anges qui président fidèlement.
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Ignorare quippe non debet fidelis anima pre ceteris piis mentibus pure se | conferens ad exercitium divinorum suam intelligentiam, aut deiformitatem tante virtutis existere ut etiam potens sit ad interiora et secretiora divini velaminis subintrare. Habet enim duplicem virtutem, unam per quam apta redditur ad contemplandum, que dicitur theoricus intellectus, reliquam vero per quam videlicet fit habilis ad uniendum, que principalis affectio nominatur. Hinc est quod nobis traditur per divinum Dionysium, De div. nom, cap. VII°: “Oportet, inquit, scire mentem nostram duplicem habere virtutem, unam per quam intelligibilia inspicit, unionem etiam excedentem mentis naturam per quam coniungitur ad ea que sunt supra ipsam; secundum hanc oportet divina intelligere, non secundum nos, sed totos nos ipsos extra nos ipsos statutos et totos deifactos”. Proinde est quod sponsa nostra tam sollicite admonetur extra seipsam egredi ad latitudinem intelligibilis regionis, ut sic deveniat ad totalem notitiam virtutis sue deiformitatis. Sed quomodo?, ait. Utique abeundo post vestigia gregum, depascendo hedos suos iuxta tabernacula pastorum. Queris quid sit abire post vestigia gregum? Hoc accipe, quia est proficisci post manuductiones multorum et simplicium radiorum. Nam, sicut greges per deserta abeuntes vestigia pedum relinquunt, ita quidem multi et simplicissimi divini radii, ab ipso infinito pelago luminis prodeuntes, quasdam intelligibiles impressiones manuductivas ad ipsum relinquunt in anima deiformi per regionem intelligibilium properanti. Quid vero est ipsam taliter proficiscendo hedos suos depascere iuxta tabernacula pastorum, nisi deiformem animam supermentaliter bene virentibus distributionibus | conatus et nisus proprios reficere et reficiendo fortificare, prope hierarchias fideliter nobis presidentium angelo463-468 Oportet – deifactos] Ps.-Dion., De div. nom., VII, 3851-3861 456 exercitium] exercitum N 457 aut] Opc non leg. Oac ad P ut M 458 sit] usque add. N 461 fit habilis] habilis sit PM affectio] affectus PM 465 unionem] unitionem N naturam om. N 467-468 extra – totos] om. O 469-470 intelligibilis] intellectualis OPM 471 quomodo] quoniam PM 473 Hoc – est] om. N 475 greges] om. O
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Certes, l’âme fidèle, qui, plus que les autres esprits pieux se porte sans réserve vers la méditation des choses divines, ne doit pas ignorer que son intelligence ou sa déiformité est d’une si grande puissance, qu’elle est aussi capable de s’introduire jusqu’au plus intime et plus secret du voile divin. Elle possède, en effet, une double vertu; l’une qui la rend apte à contempler — on l’appelle «intellect théorique» — l’autre qui la rend capable de s’unir — on l’appelle «affection principale» —. Pour cette raison, il nous est enseigné par le divin Denys, dans les Noms divins, ch. VII: «Il faut savoir que notre esprit possède une double vertu, l’une par laquelle nous observons les réalités intelligibles; mais nous possédons également l’union qui dépasse la nature de l’esprit par laquelle il est uni aux choses qui sont au-dessus de lui-même, union selon laquelle il faut connaître les choses divines, non selon nous, mais étant tout nous-mêmes établis hors de nous et tout entiers déifiés.» C’est pourquoi notre épouse est engagée avec tant d’insistance à sortir de soi en direction de l’ample région intelligible pour parvenir ainsi à la totale connaissance de la puissance de sa déiformité. Mais comment, dit-elle? En suivant les traces des troupeaux, en nourrissant ses chevreaux près des tentes des pasteurs. Tu demandes ce qu’est suivre les traces des troupeaux? Comprends: c’est s’en aller à la suite des rayons simples et multiples qui conduisent comme par la main. De même, en effet, que ceux qui vont à travers les déserts laissent les traces de leurs pieds, de même certes les rayons divins très simples et multiples qui sortent de l’océan infini de la lumière laissent en l’âme déiforme, qui se hâte à travers la région des intelligibles, certaines impressions intelligibles, qui conduisent vers lui comme par la main. Mais, pour l’âme qui s’avance ainsi, qu’est-ce que paître ses chevreaux près des tentes des pasteurs, sinon que l’âme déiforme, grâce aux très vigoureuses distributions qui dépassent l’esprit, nourrit ses propres tentatives et ses propres efforts, et, en les nourrissant, les fortifie près des hiérarchies des anges, qui président
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rum? Sicut enim pastores in tabernaculis, sic in celestibus angelorum hierarchiis secundum dignitates proprias se receptant, quibus hierarchiis quanto magis deiformis anima per contemplationem, sive intellectualem locationem, appropiaverit, tanto non est dubium ipsius hedos, id est motus et conatus, in Deum refici delicatius et fortificari nobilius, ita ut clare possit sue intelligentie totalem cognoscere virtutem, quam antea forsitan ignorabat. Si vero queritur quomodo per pastores angeli designentur, dicendum est quia ipsi intellectuali, sive rationali, gregi sunt fideliter presidentes, non solum eum suis rectis demulcentes inspirationibus, sed etiam superdulcissimis pastibus depascentes, quemadmodum, sicut per divinum traditur Dionysium, Eccl. hier., IV: “Cibant, inquit, sanctos in beatis et intelligibilibus visionibus adimplentes uniforme ipsorum uno unificante”. Quia ergo, quanto devota anima per contemplationem fit angelis propinquior iuxta eorum tabernacula depascendo, tanto etiam fit eis similior ab omni diabolica dissimilitudine recedendo, ideo bene subiungitur per dilectum:
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Equitatui meo in curribus Pharaonis assimilavi te, amica mea. Quod est dicere: pulcherrime multitudini celestis mee militie in tetro demonis exercitu refulgente te similem esse duxi, 505 anima deiformis que | mihi amore suavissimo coniungeris. Advertendum est quoniam idcirco dilectus equitatum suum celestem angelicorum spirituum militiam nominavit, quia ipsi hierarchice legis freno totaliter reguntur et divine suavitatis super496-497 Cibant – unificante] Ps.-Dion., De eccl. hier., IV, 12802-3 484 sic] singuli add. N 486 magis] se add. PM 487 appropiaverit] appropriaverit NP 488 motus et] om. N 489 clare] dare N 492 fideliter] om. PM 493 rectis] beatis N rectum PM 494-495 depascentes quemadmodum] om. OPM 504 duxi] dixi N 505 coniungeris] couniris N 507 suum] om. O
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amicalement sur nous? De même, en effet, que les pasteurs se retirent sous les tentes, ainsi ils se retirent dans les hiérarchies célestes des anges, selon leurs dignités propres. Plus l’âme déiforme se rapprochera de ces hiérarchies par la contemplation ou par la disposition intellectuelle, moins il est douteux que ses chevreaux, c’est-à-dire ses mouvements et ses efforts vers Dieu sont nourris plus délicatement et plus noblement fortifiés, de telle sorte qu’elle puisse connaître clairement toute la vertu, peutêtre antérieurement ignorée, de son intelligence. Mais, si l’on cherche comment les pasteurs désignent les anges, il faut dire que ceux-ci présentent fidèlement au troupeau intellectuel ou rationnel, non seulement en les charmant de leurs droites inspirations, mais encore en les nourrissant de nourritures plus que très agréables, ainsi que Denys l’enseigne dans la Hiérarchie céleste, ch. IV: «Ils nourrissent les saints, les remplissant de visions bienheureuses et intelligibles, l’un uniforme les unifiant.» Puisque donc, autant l’âme dévote, par la contemplation, devient plus proche des anges en paissant près de leurs tentes, autant aussi elle leur devient plus semblable en s’écartant de toute dissemblance diabolique, le bien-aimé ajoute heureusement: Mon amie, je t’ai comparée à ma cavalerie par rapport aux chars de Pharaon. C’est dire: Par rapport à l’affreuse et brillante armée du démon, je t’ai dite semblable à la très belle multitude de mon armée céleste, âme déiforme qui m’est unie d’un amour très doux. Il faut noter avec attention que le bien-aimé a nommé sa cavalerie la milice céleste des esprits angéliques, parce qu’ils sont totalement régis par le mors même de la loi hiérarchique et parce qu’ils supportent continuellement le poids plus que très doux et plus que très brillant qui surélève la douceur divine. Il sont régis
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
dulcissimum et supersplendidissimum sursumferens pondus sustinent incessanter. Sic autem per hierarchicam legem reguntur et per divinum pondus onerantur, ut tamen ad quecumque voluerint sint habiles, et liberiores ad pergendum et ascendendum quo libuerit leviores. Talis namque nature lex hierarchica est et pondus divinum ut quo illi aliquis strictius ligatus fuerit, reddatur liberior et qui hoc ab ea magis oneratus fuerit, sursumagilius extollatur. Quante vero venustatis hic equitatus sit, Pharaonis curribus, sive diabolicis agminibus, tanta prefulgens pulchritudine et tanta preminens fortitudine ad informandum animam, que illum interdum ex contemplationis sue cacumine meruerit contemplari, minime censeo requirendum. Nec enim possem aliqualiter explicare tante pulchritudinis refulgentiam, aut tam eximie fortitudinis preminentiam. Ad cuius aspectum universi currus Pharaonis intellectuales theorias pro posse elidentis et dissipantis penitus subvertuntur. Pulchre autem huic tali equitatui sponsi, id est celesti angelorum militie, amica ipsius, deiformis anima, comparatur, quia ipsa non solum est liberativis hierarchicis subiecta legibus et sursumferente divino ponderata onere, verum etiam ipsorum angelorum prefulgenti pulchritudine et preminenti fortitudine adeo redimi|ta ut ipsis agminibus, Pharaonis curribus, quasi intellectualium castrorum acies videatur. Quoniam autem, quantum anima deiformis fit angelice militie similior, tanto etiam fit in suis affectionibus mundior, ideo bene subinfertur:
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Pulchre sunt gene tue sicut turturis. Ac si dicat: affectiones tue sunt decore pudicitie adornate, 535 sicut unius solius divini radii coniunctione contente. 509 supersplendidissimum] superlevissimum N 512 habiles, et] om. N 514 quo illi aliquis] qui illa N 515 hoc] hic O ab ea om. N fuerit] extiterit N 518 ad informandum animam] ab informi anima N 522 cuius] solum add. N 528 sursumferente] coni. sursumferentibus N sursumferenti OpcP sursumferventi M
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par la loi hiérarchique et chargés du poids divin, de telle sorte cependant qu’ils soient aptes par rapport à tout ce qu’ils voudraient et plus libres pour aller et s’élever là où il leur plairait. La loi hiérarchique et le poids divin sont, en effet, de telle nature que celui qui lui est lié plus étroitement devient d’autant plus libre, et celui qui a été davantage chargé par elle en est plus aisément soulevé. Je ne pense absolument pas qu’il faille rechercher de quelle grande beauté est cette cavalerie comparée aux chars de Pharaon ou aux armées diaboliques; elle brille d’une beauté si grande et elle l’emporte d’une si grande force pour instruire l’âme qui aura mérité de la contempler au sommet de sa contemplation. Je ne pourrais pas non plus expliquer en quelque sorte l’éclat d’une beauté si grande ou la prééminence d’une force si extraordinaire. À sa vue, sont détruits entièrement tous les chars de Pharaon, qui, autant qu’il le peut, broie et anéantit totalement les théories intellectuelles. Mais l’âme déiforme est bellement comparée à cette cavalerie de l’époux, c’est-à-dire à la milice céleste des anges, car elle-même, non seulement est soumise aux lois hiérarchiques libératrices et supporte le poids divin qui soulève, mais encore elle est ornée de la beauté qui brille avec éclat et de la force prééminente des anges eux-mêmes, au point que les troupes — les chars — de Pharaon la perçoivent comme l’armée rangée en bataille des camps intellectuels. Mais, parce qu’autant l’âme déiforme devient plus semblable à la milice angélique, autant elle devient également plus pure en ses affections, il est ajouté comme il convient: Tes joues sont belles comme le plumage d’une tourterelle. Comme s’il disait: Tes affections sont parées de l’éclat de la chasteté en tant qu’elle sont unies de l’union du rayon divin, un et seul.
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Quoniam principales deiformes definitiones que per sponse genas designantur due sunt, cognitio videlicet et affectio, quarum una summe lucens verum respicit, altera summe delectans optimum intuetur. Harum autem genarum pulchritudo et rubor pudicitie ipsarum est decor, quo sponsa mirabiliter venustatur. Nam altera pulchrificis stillis luminis, altera gratiosissimis stillis dulcedinis decoratur, ita ut facile cor sponsi tanta illectum pulchritudine vulneretur. Sed quid sibi vult quod hee gene sicut turturis pulchre fore dicuntur, nisi quia deiformis anime cognitio et affectio unius, solius et simplicis divini radii unitione instar turturis sunt contente, in quo perfecta et plena luminis et dulcedinis distributio invenitur? Nihil enim est aliud thearchicus radius quam lumen dulcorans et dulcedo illuminans, quemadmodum per Theologiam nobis traditur: “Dulce, inquit, est lumen, et delectabile oculis videre solem”. Ita etiam dicendum est de intellectu et affectu anime deiformis, ut non aliud sit deificatus intellectus quam lux ardens, nec | aliud affectus quam ardor lucens, hoc ipsum virtute supersubstantialis radii cui unimur faciente, in quo lumen a dulcedine, vel dulcedo a lumine, nisi forte secundum effectum, nullatenus estimandum est discrepare. Quia vero non sufficit habere pudicas affectiones, nisi per eas in Deum intelligentia continue extendatur, ideo bene subiungitur per dilectum:
550-551 Dulce – solem] Eccle 11, 7 537 deiformes definitiones] deiformis anime affectiones N 540 et rubor] om. N 541 sponsa] om. N 542 gratiosissimis] gratissimis N gloriosissimis PM ou gratissimis] gratiosissimis O gloriosissimis PM 543 illectum] illectus 545 fore] om. N 552 non] nihil N 557 in] ad PM 558 Deum] ipsa add. N
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Parce que les dénominations principales déiformes, que les joues de l’épouse désignent, sont la connaissance et l’affection dont l’une regarde le vrai qui brille au plus haut degré, l’autre considère le meilleur qui réjouit au plus haut degré, la beauté de ces joues et la rougeur de leur chasteté sont l’éclat dont l’épouse est admirablement parée; l’une est, en effet, ornée de gouttes de lumière qui la rendent belle, l’autre, de très heureuses gouttes de douceur, de telle sorte que le cœur de l’époux, attiré par une beauté si grande, est assurément blessé. Mais que signifie de dire que ces joues doivent être belles comme le plumage d’une tourterelle, sinon que la connaissance et l’affection de l’âme déiforme sont unies, à la ressemblance de la tourterelle, de l’union du rayon divin, un, seul et simple, en qui se trouve la parfaite et pleine dispensation de la lumière et de la douceur? Le rayon théarchique n’est autre, en effet, que la lumière qui adoucit et la douceur qui illumine, ainsi que la Théologie nous l’enseigne; «Dieu est lumière, et il est délectable pour les yeux de voir le soleil.» Il faut dire également, de l’intellectus et de l’affectus de l’âme déiforme, que l’intellectus déifié n’est autre qu’une lumière ardente, et que l’affectus n’est autre qu’une ardeur brillante, et cela par la vertu du rayon plus que substantiel auquel nous sommes unis. On ne doit absolument pas penser que soient opposés en lui lumière et douceur, douceur et lumière, si ce n’est peut-être selon les effets. Mais, parce qu’il ne suffit pas d’avoir de chastes affections, à moins que par elles l’intelligence soit sans cesse tendue vers Dieu, le bien-aimé ajoute heureusement:
138 1, 9b
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Collum tuum sicut monilia. Quod est dicere: continua extensio deiformitatis in Deum ipsam munientibus distributionibus similatur. Luce quippe clarius est quoniam, quo ipsum Cherub mentis nostre plus in divinam altitudinem se extendit contemplationis gratia, eo amplius divinis distributionibus quasi pulchrificis quodammodo monilibus adornatur. Hoc nobis per divinum traditur Dionysium, De div. nom. I, quod “secundum proportionem uniuscuiusque mentium revelantur divina et inspiciuntur”. Proportionem autem mentium vocat uniuscuiusque deiformis anime magnam vel parvam extensionem in Deum, iuxta quam divine largiuntur influitiones. Bene igitur ait dilectus collum sponse, id est extensiones eius in Deum, suis monilibus pulchrifice eam munientibus et ornantibus distributionibus assimilari, quia, quo magis in ipsum Deum extenditur, eo abundantius ipsa distributionibus perfunditur, ac per hoc eis vehementius assimilatur. Talis enim nature divine sunt distributiones ut ipsam, quam perfuderint intelligentiam ad sui trahant similitudinem, ita ut deifica valeat appellari ob perfusionem deificarum distributionum. Itaque cernentes | supercelestes substantie deiformis anime consodales ipsam se in divina pro viribus extendere atque in earum imaginem transformari, ut hoc ipsum facilius possit, aiunt ei:
1, 10
Murenulas aureas faciemus tibi vermiculatas argento. Ac si dicatur: intelligentias sapientificas ad tui facilem sursumactionem excitabimus intelligibili lumine perstillatas. 567-568 secundum – inspiciuntur] Ps.-Dion., De div. nom., I, 91-2 561 extensio] tue add. N deiformitatis] uniformitatis PM 562 ipsam] pulchrifice add. N 563 est] constat PM 565 quodammodo] quibusdam N 572 suis monilibus] sicut monilia id est N 574 ipsa] ipsis N 575 Talis] Tales PM 577 deifica] deificata N 578 perfusionem] infusionem O
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(128b)
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Ton cou ressemble à des bijoux. C’est dire: La continuelle tension de la déiformité vers Dieu la rend semblable aux largesses qui l’enveloppent. Il est, en effet, plus clair que la lumière, que, plus le chérubin même de notre esprit se tend, grâce à la contemplation, vers la sublimité divine, plus il est orné de largesses divines comme de bijoux qui l’embellissent. Le divin Denys nous enseigne dans les Noms divins, ch. I, que «les choses divines sont révélées et scrutées selon la proportion de chaque esprit». Il appelle «proportion des esprits» la tension, grande ou petite, vers Dieu de chaque âme déiforme, selon laquelle les influx divins sont généreusement accordés. Le bien-aimé dit donc heureusement que le cou de l’épouse, c’està-dire ses tensions vers Dieu, ressemble à ses bijoux, aux largesses qui l’entourent et l’ornent bellement. Plus, en effet, elle est tendue vers Dieu lui-même, plus abondamment elle-même est inondée de largesses, et, par cela, elle leur est plus fortement assimilée. Les largesses sont, en effet, de telle nature divine, qu’elles amèneraient à leur ressembler l’intelligence elle-même qu’elles inonderaient, de telle façon qu’on puisse la dire déifique, à cause de l’infusion des largesses déifiques. C’est pourquoi les substances supracélestes, compagnes de l’âme déiforme, la voyant se tendre selon ses forces vers les choses divines, et être transformée en leur image, lui disent, afin que cela même lui devienne plus facile: Nous te ferons de petits colliers d’or mélangés d’argent. Comme s’il disait: Pour que ton élévation soit aisée, nous susciterons des connaissances, sources de sagesse, pénétrées goutte à goutte de lumière intelligible.
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Congrue quidem per murenulas, que ornamenta sunt auri- 585 um, divine intelligentie designantur in quarum suavissimis tinnulis auditus spiritualis admodum delectatur, nec solum auditus, immo tactus et visus. Tactus quidem, quia auree, hoc est per divinum saporem dulciflue et sapientifice ipsi affectui, visus vero, quia vermiculate argento, hoc est luciflue sive intelligibili 590 lumine perstillate ipsi intellectui. Hoc autem non est dubium mediante bona operatione angelica actitari et fabricari ad facilem sursumactionem anime boniformis. Valde enim sunt sursumactive divine intelligentie, que totaliter sunt dulcoree propter aurum sapientie, ad dilatationem affectus, et totaliter fulgoree propter 595 argentum intelligibilis refulgentie, ad illuminationem intellectus; ex qua dulcoratione et irradiatione fit ut sponsa nostra in tantum elevetur ut, pro nimia divine dulcedinis experientia et luminositatis refulgentia, totaliter quasi liquefacta liquescat et amore nimio exardescat, ita ut odor suavitatis eius usque ad | (128c) dilecti accubitum diffundatur. Undo merito per eamdem animam deiformem subiungitur:
1, 11
Dum esset rex in accubitu suo, nardus mea dedit odorem suum. Quod est dicere: dum sapientissime regens et dirigens thearchicus radius in quiete sue beatitudinis permaneret, caritas 605 mea humilitate vigens et caliditate fragrans sua redolentia suavissima vaporavit. Non enim semper supersubstantialis divine bonitatis radius adminiculo sue bone manuductionis deiformem animam regens
585 murenulas] aureas add. PM 592 operatione] oratione Mac actione s.l. Mpc 596 intelligibilis] intellectus PM 599 luminositatis] coni. luminositati N immensitatis OPM liquefacta] om. N 600 nimio] miro M 604 sapientissime] sapientifice N 606 sua redolentia] suam redolentiam N 606-607 suavissima] suavissimam N om. O
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Certes, par «petits colliers», ornement des oreilles, sont, comme il sied, désignées les connaissances divines. L’ouïe spirituelle est charmée par leurs tintements très agréables; non seulement l’ouïe, mais également le toucher et la vue; le toucher, car elles sont d’or, c’est-à-dire que, par leur saveur divine, elles sont sources de douceur et de sagesse pour l’affectus lui-même; la vue, car elles sont vermiculées d’argent, c’est-à-dire que, versées goutte à goutte, elles sont sources de lumière intelligible pour l’intellectus lui-même. Mais il n’est pas douteux que, par la bonne médiation de l’opération angélique, cela soit réalisé, en vue de faciliter l’élévation de l’âme déiforme. Les connaissances divines sont très élevantes, en effet, totalement adoucies à cause de l’or de la sagesse, afin que l’affectus soit dilaté, et totalement lumineuses en raison de l’argent de l’éclat intelligible, en vue de l’illumination de l’intellectus. De cet adoucissement et de cette irradiation, il résulte que notre épouse est tellement élevée, qu’en raison de l’expérience de la douceur et de l’éclat de la lumière divine, elle est, pour ainsi dire, totalement liquéfiée et brûle d’un grand amour, de telle sorte que le parfum de sa douceur atteint le lit du bienaimé. La même âme déiforme ajoute donc à bon droit: Tandis que le roi était sur sa couche, mon nard a répandu son parfum. C’est dire: Alors que le rayon théarchique, qui régit et dirige très sagement, demeurait dans le repos de sa béatitude, mon amour, rempli d’humilité et enflammé d’ardeur, a exhalé ses parfums les plus suaves. En effet, le rayon plus que substantiel de la bonté divine, qui, à l’aide de sa bonne conduite comme par la main, régit et dirige très puissamment l’âme déiforme, ne brille pas toujours pour elle,
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1, 12
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
et dirigens potentissime ei elucescit, sed accubat interdum, hoc est ab actione sue irradiationis quiescit, nec quasi impotens ad continue operandum, sed velut providus et sapientissimus ad ipsam intelligentiam ardentius excitandum. Itaque, cum eiusdem anime deiformis amoris fragrantia nardus humilis et redolens inceperit vaporare in naribus sponsi quietissime accubantis, tunc nimirum excitatur, eo vehementius ad sui irradiationes emittendas, quo suavius caritate tam humili et tam fragrantissima vaporat. Si vero dicat ei rex: quid est hoc quod agere presumpsisti, respondere quidem ei poterit illud theologicum: “Sicut cinnamomum et balsamum aromatizans odorem dedi”, ut te accubantem excitarem, “quasi myrrha electa dedi suavitatem odoris”, | ut tuis irradiationes ad me perfundendum provocarem. Aut certe per regis accubitum recipi potest quietissima thearchici radii unitio ad intelligentiam deiformem, ex qua inenarrabilis fragrantia in ipsa anima generatur, ita ut quasi balsamum non mixtum fiat odor eius tam suaviter evaporans. Quia vero ad experientiam supermentalis unitionis sequitur amaritudo corporalis mortificationis, necnon et amplexus inseparabilis dilectionis, ideo bene additur per eamdem:
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Fasciculus myrrhe dilectus meus mihi, inter ubera mea commorabitur.
630
Ac si dicat: causa mortificationis mee mihi est superamabilis radius divinus, inter affectum et intellectum meum iugiter habitavit.
619-622 Sicut – odoris] Eccli 24, 20 613 Itaque] Ut autem N 614 fragrantia] quasi add. N 616 eo] om. O 619 theologicum] divine theologie dictum N 622 tuis] tuas s.l. O 627 unitionis] unionis PM 631 mee] om. N 632 iugiter] om. PM
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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mais parfois se repose, c’est-à-dire se repose de son action, qui consiste à rayonner, non pas comme s’il était incapable d’agir continuellement, mais comme celui qui prévoit et qui est très sage, en vue de stimuler plus ardemment l’intelligence elle-même. C’est pourquoi, lorsque l’odeur suave de l’amour de cette même âme déiforme — le nard humble et odorant — aura commencé à se répandre dans les narines de l’époux, qui se repose très paisiblement, il est alors assurément poussé à lancer ses rayons avec d’autant plus de force qu’elle exhale plus suavement son odeur par un amour si humble et si parfaitement odorant. Mais, si le roi lui disait: «Qu’as-tu osé faire?», elle pourrait lui répondre par cette parole théologique: «Comme la cannelle et le baumier qui dégagent un parfum, j’ai répandu mon odeur», pour t’exciter, toi qui te reposes, et, «comme la myrrhe choisie, j’ai répandu mon odeur suave», pour te provoquer à répandre sur moi tes rayons. Par «lit du roi» on peut, certes, entendre l’union très paisible du rayon théarchique à l’intelligence déiforme, union qui engendre en l’âme même une odeur suave indicible, de telle sorte que son odeur devienne comme un baume sans mélange, qui se répand si agréablement. Mais, parce qu’à l’expérience de l’union supramentale fait suite l’amertume de la mortification corporelle, non moins également que l’étreinte inséparable de la dilection, l’épouse ellemême ajoute avec bonheur: Mon bien-aimé est, pour moi, un petit bouquet de myrrhe; il séjournera entre mes seins. Comme si elle disait: Le plus qu’aimable rayon divin est pour moi la cause de ma mortification; il a toujours habité entre mon affectus et mon intellectus.
144
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Bene quidem idcirco sponsa nostra superdiligibilem thearchicum radium fore dicit sibi fasciculum myrrhe; quod fit quando ad superdulcem ipsius contemplationem totaliter est intenta, ut nullam exterioris hominis agat curam, eam ipso in amore absorbente. Ob hoc dicere maluit fasciculum et non fascum, quod sic eam leniter et dulciter absorbet ne myrrham sue mortificationis percipiat, sicut a se alienata et ipsius suavitate dulcissima delibuta. “Est enim exstasim faciens divinus amor”, iuxta beati Dionysii sententiam, De div. nom. IV, “non dimittens sui ipsorum esse amatores sed amatorum”. “Propter quod magnus Paulus divini amoris in continentia participans, ait divino | ore: vivo ego, iam non ego, vivit autem in me Christus, sicut verus amator et exstasim passus”. Quid vero sibi velit quod subdit: inter ubera mea commorabitur, facillime hoc intelligit qui huiusmodi divini amoris exstatici in seipso virtutem est expertus. Sic enim interiorem hominem totaliter vendicat, ut semper eum suavissimis dulcedinibus quoad affectum, et luculentissimis illuminationibus quoad intellectum, afficiat et delectet, quod est dilectum inter ubera commorari. Vel, ut attente hoc accipias, tunc dicendus est dilectus iugem commorationem inter ubera anime deiformis agere quando ipsa in eum continue, vel afficitur per amorem, vel etiam exercitatur per Scripture meditationem, quorum unum est affectus, reliquum vero intellectus. Sponsa itaque dilectum inter ubera tam suaviter amplexante et in eum tam feliciter delectante ait:
641-643 Est – amatorum] Ps.-Dion., De div. nom., IV, 2151-3 – passus] Ps.-Dion., De div. nom., IV, 2161-4
643-646 Propter
635-636 quod fit quando] quia sic N 638 amore] suo add. PM amorem suum taliter N 639-640 ne – percipiat] ut vix sue mortificationis amaritudinem percipiat N 643 amatorum] amandorum N 646 quod] om. PM 648 divini] om. PM virtutem] dulcedinis add. N 649 vendicat] sibi ipsi add. N 650 eum suavissimis] eam PM 653 ut – accipias] si active hoc accipiatur N 654 agere] facere N 658 eum] eo O
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Certes, pour cette raison, notre épouse dit à merveille que le rayon théarchique plus qu’aimable doit être pour elle un bouquet de myrrhe. Cela se réalise, quand elle est entièrement tendue vers sa contemplation plus que douce, au point de ne s’occuper aucunement de l’homme extérieur, ce rayon l’absorbant en l’amour même. À cause de cela, elle a préféré le mot de «petit bouquet», à celui de «bouquet», parce qu’il l’absorbe doucement et agréablement, de façon telle qu’elle ne perçoive pas la myrrhe de sa mortification, étant pour ainsi dire hors d’elle-même et imprégnée de sa très douce suavité. En effet, «l’amour divin produit l’extase», selon Denys, Noms divins, ch. IV, «ne laissant pas ceux qui aiment à eux-mêmes, mais à ceux qu’ils aiment». C’est pourquoi, participant excellemment à l’amour divin, le grand Paul prononce d’une voix divine, dans l’incapacité de se retenir de l’amour divin, comme un amant véritable et, pour ainsi dire, en extase: «Je vis; non, je ne vis pas; c’est le Christ qui vit en moi». Mais ce que signifierait ce qu’elle ajoute: «Il séjournera entre mes seins», le comprend très facilement celui qui a expérimenté en soi la vertu de cet amour divin extatique. Il revendique entièrement, en effet, l’homme intérieur, de telle sorte qu’il le pourvoit et le réjouit toujours de ses très suaves douceurs en son affectus et de ses illuminations très brillantes en son intellectus. C’est cela que signifie: «Le bien-aimé séjourne entre mes seins». Ou bien, pour que tu le comprennes avec l’application requise, le bien-aimé doit être dit séjourner toujours entre les seins de l’âme déiforme, quand elle-même continuellement est affectée par l’amour, ou encore est tenue en haleine par la méditation de l’Écriture; l’un relève de l’affectus, mais l’autre, de l’intellectus. Serrant si agréablement le bien-aimé entre ses seins, et se réjouissant si heureusement en lui, l’épouse dit en conséquence:
146 1, 13
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Botrus cypri dilectus meus mihi in vineis Engaddi. Ac si diceret: plenissima et suavissima materia fragrantissime devotionis est mihi superamabilis Crucifixus in Scripturis divinis. Sciendum quippe est superdulcissimum et superbeatissimum Crucifixum omnium divinarum Scripturarum esse totale subiectum. Unde in eis, quasi in vineis Engaddi, continue deiformis anima se exercens, ut cognoscat insidias tentationis et balsamum colligat caritatis, totaliter inebriatur, ita ut fiat ei dilectus velut botrus cypri, hoc est plena et suavis devotionis materia ad intellectualiter operandum. Nisi enim | plena et suavi et fragranti devotionis distributione sancta anima repleretur, dum in Scripturarum vineis elaborat, nullatenus posset mentalium operum laborem sustinere, sine quibus ad veram divinorum contemplationem et unitionem nequaquam poterit pervenire. Igitur, si cupis quod dilectus fiat tibi quasi cypri botrus per plenam et suavem et redolentem devotionis distributionem, in vineis Engaddi te exerce, quia preterquam in eisdem omnimode devotionis plenitudinem non sufficis reperire. Hinc est quod divinus tradit Dionysius in Epistola ad Titum: “Intelligibilia videbis eloquia, rori et lacti et vino et melli assimilari. Rori quidem propter refrigerativam et vite ipsarum generativam virtutem, augmentativam autem sicut in lacte et revivificativam sicut in vino, mundativam vero simul et servativam sicut in melle. Que omnia, ut ait, divina sapientia donat ipsis ad se accendentibus, copiose et indeficienter alimentorum affluentiam largiens et superemanans”. Cernens itaque sponsus dilectam suam fore divinarum
678-684 Intelligibilia – superemanans] Ps.-Dion., Ep. IX ad Tit., 6581-6592 666 tentationis] tentaroris N 667 ei] sibi O 668 plena] plene OPM 671-672 operum] operationum N 674 quod] ut N 676 preterquam in eisdem] in eis est. N 677 non sufficis] om. N sufficis] poteris P reperire] recipere PM 679 rori] et aque add. N propter] ardoris add. N 683 divina] om. PM 684-685 superemanans] supermanans O
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Mon bien-aimé est pour moi une grappe de cypre dans les vignes d’Engaddi. Comme si elle disait: La matière très complète et très suave de la dévotion très odorante est pour moi le plus qu’aimable Crucifié, dans les Écritures divines. Il faut certes savoir que le plus que très doux et plus que très bienheureux Crucifié est le sujet total des Écritures divines. C’est pourquoi, s’exerçant continuellement en elles, comme dans les vignes d’Engaddi, afin de connaître les embûches de la tentation et de récolter le baume de l’amour, l’âme déiforme est totalement enivrée, si bien que le bien-aimé devient pour elle comme une grappe de cypre, c’est-à-dire la matière d’une totale et agréable dévotion ordonnée à l’opération intellectuelle. À moins, en effet, que l’âme sainte soit remplie du don entier, suave et odoriférant de la dévotion, tandis qu’elle travaille dans les vignes de l’Écriture, elle ne pourrait absolument pas soutenir la fatigue des opérations mentales, sans lesquelles elle ne pourrait jamais parvenir à la vraie contemplation des choses divines et à l’union avec elles. Si donc tu désires que le bien-aimé devienne pour toi comme une grappe de cypre par l’octroi d’une dévotion totale, agréable et odoriférante, travaille dans les vignes d’Engaddi, car tu ne peux absolument pas découvrir sans elles la plénitude de la dévotion. De là ce que Denys écrit dans l’Épître à Titus: «Tu verras que les paroles intelligibles sont dites semblables à la rosée, au lait, au vin et au miel; à la rosée, à cause de leur vertu qui rafraîchit et donne la vie; au lait, à cause de leur vertu qui assure leur croissance; au vin qui revivifie et au miel qui, en même temps, purifie et conserve.» Ainsi, comme il le dit, la Sagesse divine donne tout cela avec largesse et elle répand d’en haut copieusement et sans arrêt une abondance d’aliments à ceux-là mêmes qui s’approchent d’elle. Constatant que sa bien-aimée doit être enivrée par les grappes des
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Scripturarum et mentalium theoriarum botris inebriatam, ac per hoc pulchrifice decoratam, ait ei: 1, 14
Ecce tu pulchra es, amica mea, ecce tu pulchra. Oculi tui columbarum. Quod est dicere: valde admirabili viges pulchritudine puritatis in motibus amativis, sponsa mea, et in mentalibus theoriis, et obtutus tui sunt in divina simplices et devoti. Hanc triplicem pulchritudinem vehementer | diligit et diligendo admiratur sponsus in anima deiformi, purum videlicet fervorem in amativis motibus et castam attentionem in theoriis, sive operationibus mentalibus, necnon puritatem, simplicitatem et devotionem in divinorum respectibus, quod per columbinos oculos designatur. Ecce, inquit, tu pulchra es, amica, per purum scilicet fervorem amativorum motuum, ecce tu pulchra, per puritatem operationum mentalium, oculi tui columbarum, per puram et simplicem devotionem divinorum obtutuum. Ad primum pertinet purgatio, scilicet ad gemitus amativos, ad secundum vero illuminatio, scilicet ad mentales theorias, ad tertium autem perfectio, scilicet divinorum respectus. Nam purgatio est ad illuminationem spiratio, que potissime fit per suspiria amoris; illuminatio autem est ad perfectionem adductio, que per mentales fit attentiones operationis; perfectio autem deificationis est consummatio, que perficitur per simplicitatem divine visionis. Hinc est quod perfectos esse dicit beatus Dionysius, Ang. hier. III, gloriosos aut sanctos viros “ex imperfecto traductos et participes factos inspectorum sanctorum perfective scientie”, id est obiectorum, sive spectaculorum, divinorum, ex quibus perfecta scientia in deiformi intelligentia generatur. Qua vero omnis animo pul709-710 ex – scientie] Ps.-Dion., De cael. hier., III, 7952-3 689 admirabili] admirabilis N 690 sponsa mea] om. PM 691 sunt in divina] in divina sunt puri N 695 simplicitatem] simplicem Opc 700701 Ad – gemitus amativos] om. OacPM Ad primum pertinet purgatio, que suspiriis incumbit amativis Opc 704 spiratio] preparatio N 708 esse] om. PM 708-709 gloriosos] angelos N 710 inspectorum] inspectivorum N
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Écritures divines et les théories de l’intellect — par cela même bellement ornée — l’époux lui dit: Voici, tu es belle, mon amie; voici, tu es belle. Tes yeux sont des yeux de colombe. C’est dire: Tu es très remarquable par l’admirable beauté de ta pureté en tes mouvements amoureux et en tes théories intellectuelles, et tes regards sur les choses divines sont simples et dévots. L’époux aime passionnément et, en aimant, admire la triple beauté en l’âme déiforme, à savoir la pure ferveur dans les mouvements amoureux, l’attention chaste dans les théories ou les opérations mentales, non moins que la pureté, la simplicité et la dévotion dans les regards sur les réalités divines. Cela est signifié par les yeux de colombe. «Voici, tu es belle, amie» dit-il, à savoir par la pure ferveur des mouvements amoureux; «Voici, tu es belle», par la pureté des opérations mentales. «Tes yeux sont des yeux de colombe», par la pure et simple dévotion des regards divins. La purification se rapporte au premier point, c’est-à-dire aux soupirs de l’amour; l’illumination au deuxième, c’est-à-dire aux théories mentales; la perfection au troisième, c’est-à-dire à l’égard des choses divines. En effet, la purification qui advient surtout grâce aux soupirs de l’amour est aspiration à l’illumination; mais l’illumination est accès à la perfection, qui advient grâce aux efforts spirituels de l’opération; la perfection est la consommation de la déification obtenue par la simplicité de la vision divine. De là vient que le bienheureux Denys, dans la Hiérarchie céleste, ch. III, dit que sont parfaits les hommes glorieux ou saints «tirés d’un état imparfait et devenus participants de la science, qui rend parfaits, des réalités saintes qu’ils regardent», c’est-à-dire des objets ou des spectacles divins, qui engendrent en l’intelligence déiforme une science parfaite. Mais, parce que toute la beauté de l’âme ne procède pas
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
chritudo, non a se naturaliter, sed a sponsi pulchritudine est procedens, ideo bene per ipsam animam boniformem subinfertur: 1, 15a
Ecce tu pulcher es, dilecte mi, et decorus. Ac si diceret: valde formosus es, amor mi, per refulgentiam luminis deitatis; valde etiam speciosus, per decorem purpuree humanitatis. Ex | hiis duabus dilecti pulchritudinibus universa est deiformis anime pulchritudo derivata. In prima autem pulchritudine, scilicet in refulgentia supersplendentis luminis deitatis, deficit anima supernaturaliter. In secunda vero proficit in decore superdelectabilis purpuree humanitatis sicut sibi connaturali. Nam per hanc consequitur progressum de claritate in claritatem ascendendo, quemadmodum tradit sanctus Dionysus, Eccl. hier. III: “Thearchice bonitatis infinitissima benignitas et per se operantem ut convenit bono nostri non recusavit providentiam, sed, in vera participatione nostrorum omnium facta sine peccato, et humili nostro unita cum propriorum inconfuso et immaculato perfecte habitu, ad ipsam nobis communionem sicut eiusdem generis de cetero donavit, et propriorum monstravit participes bonorum”. Nam nostre quidem mentis obscurum implevit copiosissimo et divinissimo lumine et informe deiformibus ornavit pulchritudinibus et anime excessum sic ab omnibus absolvendo et divino lumini ineffabiliter uniendo. Hinc est quod nobis luculenter per eumdem sanctum Dionysium reseratur, De div. nom. VII: “Et est rursum divinissima Dei cognitio que per ignorantiam cognita secundum unitionem super montem, quando mens, ab omnibus aliis recedens, postea et seipsam dimittens, unita 726-732 Thearchice – bonorum] Ps.-Dion., De eccl. hier., III, 12371-12382 737-741 Et – illuminata] Ps.-Dion., De div. nom., VII, 4061-4 722 supernaturaliter] tanquam supernaturali N 727 nostri] nostrum PM 730 perfecte] om. O perfectoPM 731 donavit] condonavit N 733 deiformibus] deiformis PM 734 et anime] pariter deiformis anima N sic] sicut se N 735 lumini ] se add. N
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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naturellement d’elle-même, mais de la beauté de l’époux, cette âme de bonne forme ajoute heureusement: Voici, tu es beau, mon bien-aimé; tu es beau. Comme si elle disait: Tu es très beau, mon amour, à cause de l’éclat de la lumière de la déité; tu es également très beau, par l’éclat de ton humanité revêtue de pourpre. De ces deux beautés du bien-aimé est dérivée toute la beauté de l’âme déiforme; mais, dans la première beauté, c’est-à-dire dans l’éclat de la lumière plus qu’éclatante de la déité, l’âme défaille surnaturellement; dans la seconde, elle progresse en la gloire, comme lui étant connaturelle, de l’humanité plus que délectable revêtue de pourpre. Par elle, en effet, elle obtient de progresser en s’élevant de clarté en clarté, ainsi que Denys l’enseigne dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. III: «La bienveillance très infinie de la bonté théarchique n’a pas écarté la providence, qui agit par soi en ce qui convient à notre bien; en véritable participation avec nous, hormis le péché, unie à notre bassesse, sans entacher et confondre ce qui lui est propre, elle nous a donné de communier avec elle comme étant de sa propre race, et elle nous a montré que nous participons à ses propres biens». Elle a rempli, en effet, l’obscurité de notre esprit d’une abondante et très divine lumière, et elle a orné de beautés déiformes ce qui est informe, et, en libérant ainsi de tout la montée de l’âme et en unissant ineffablement à la lumière divine. De là, ce qui nous est abondamment expliqué par le même saint Denys, Noms divins, ch. VII: «Il est en outre une très divine connaissance de Dieu par ignorance, selon l’union au-dessus de l’esprit, quand, s’écartant de toutes les autres choses et s’abandonnant luimême, l’esprit est uni aux rayons plus que brillants et qu’en consé-
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
est supersplendentibus radiis, inde et ibi non scrutabili profun- 740 do sapientie illuminata”. Itaque deiformis anima in deitatis lumine tam superdelectabiliter quiescente, ac per hoc se dilecto suo superfeliciter unionte ait:
1, 15b
Lectulus noster floridus. Quod est dicere: nostre quietis | excessus, ex mei amore et tui (130a) unitione contextus, fragrantissimis irradiationibus et dulcedinibus est respersus. Siquidem, per ferventissimum amorem dilecti interius boniformiter operantem et thearchicum radium dulciformiter unientem, lectulus supermentalis quietis fabricatur, quem intellectu- 750 alis Iudith diligenti exercitio debet in superiora domus sue, hoc est deiformitatis, proprie collocare ut illic cum puellis suis, purissimis affectionibus, non tam libenter quam feliciter valeat commorari. Floridus quippe est, hoc est fragrantissimis et beneolentibus irradiationibus et dulcedinibus respersus, adeo ut pro nimia 755 suavitatis amenitate et voluptate, alter in amplexus et oscula resolvatur alterius. Profecto, ille lectulus, non per delectationis suavitatem, sed per brevitatem more parvus, in quo cum Petro et Psalmigrapho licet fortiter clamare: “Bonum est nos hic esse”. “Hec requies mea in seculum seculi”. Orans igitur sponsa in 760 lectulo habitationis et quietis glorie sue dirigens visum in superiora domus sue, ait secum accubanti dulcissimo Iesu Christo crucifixo:
759 Bonum – esse] Matth. 17, 4
760 Hec – seculi] Ps. 131, 14
748 dilecti om. N 752 ut] et 0 in ras. et castissimis add. N 753 valeat] om. O 760 Orans] stans N
752-753 purissimis] videlicet 757 Profecto] hic est add. N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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quence et là-même il est illuminé de l’inscrutable profondeur de la sagesse.» C’est pourquoi, dans la lumière de la déité, lumière qui se repose de façon tellement plus que délectable et, par cela même, l’unissant, au-dessus de toute joie, à son bien-aimé, l’âme déiforme dit: Notre lit est couvert de fleurs. Le ravissement de notre repos résulte de mon amour et de ton union; il est inondé d’illuminations et de douceurs très odoriférantes. En effet, par le très fervent amour du bien-aimé, amour qui opère intérieurement avec bonté, et par le rayon théarchique qui unit avec douceur, est fabriqué le lit du repos qui dépasse l’esprit, lit que la Judith intellectuelle doit, par un diligent exercice, installer proprement au plus haut de sa maison, c’est-à-dire de sa déiformité, pour qu’elle puisse y demeurer, non pas tant librement qu’avec joie, avec ses serviteurs, par de très pures affections. Certes, le lit est fleuri, c’est-à-dire inondé d’illuminations et de douceurs très parfumées et très odoriférantes, à tel point qu’en raison du charme et du plaisir très grand de la suavité, l’un se repose dans les étreintes et les baisers de l’autre. Certes, ce lit est petit, non en raison de la douceur de la délectation, mais de la brièveté du temps; en quoi il est permis de clamer fortement avec Pierre et le psalmiste: «Il nous est bon d’être ici»; «tel est mon repos dans les siècles des siècles.» Se tenant donc dans le lit de son habitation et du repos de sa gloire, dirigeant son regard vers la partie supérieure de sa maison, l’épouse dit au très doux Jésus-Christ crucifié, qui se couche avec elle:
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Tigna domorum nostrarum cedrina, laquearia cypressina. Ac si dicat: fortissime irradiationes stationum nostrarum intelligibilium imputribiles sunt et fragrantissime divine inspirationes redolent supersuavissime. Merito per tigna domorum, que trabes sunt hinc inde culmen sustentantes, fortissime | irradiationes stationum intelligibilium designantur quarum bono adminiculo ipse eedem stationes ne corruant conservantur. Sed tu queris que sunt ille stationes? Dicendum est quoniam deiformis anima desertum regionis intelligibilis ingressa, more populi israelitici, ad nutum divini radii proficiscitur suas mansiones et stationes commutando, ac per hoc de claritate in claritatem in divinam se transformando imaginem. Cuius claritatis maior adeptio et imaginis transformatio stationum intelligibilium est commutatio que fieri habent per manuductionem divini radii intelligentiam dirigentis, et de tali sane habitatione et statione intelligi potest illud Domini verbum ad beatum Iob prolatum: “Cui dedi in solitudine domum et tabernacula eius in terra salsuginis”, id est stationes et habitationes in regione intelligibilium que paucis est pervia. Harum autem domorum tigna bene dicuntur esse cedrina, quia divini radii potissime illuminationes ipsas iugiter sustentantes et ornantes, incorruptibiles quidem et fragrantissime sunt virtutes, sicut que ab incorruptibili quidem et beneolentissimo fonte thearchici luminis emanant. Sed quid sibi vult sponsa dum ait: domorum nostrarum, nisi quia, sicut in edificatione, sic etiam in habitatione, tales habitationes sunt sibi et dilecto communes? Simul autem edificant sponsus et sponsa et simul 780-781 Cui – salsuginis] Iob 39, 6 766 intelligibilium] intellectualium P 773 regionis] religionis N 780 prolatum] om. O dici PM 781-782 stationes et habitationes] habitationes O habitationes et stationes PM 784 potisssime] fortissime N 785 incorruptibiles] incorruptibilis N 786 virtutes sicut que ab incorruptibili quidem] virtutis sicut ab incorruptibili N 787 thearchici luminis emanant] thearchicis luminis emanantes N 789 habitationes] stationes N
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Les poutres de nos maisons sont de bois de cèdre; les lambris, de bois de cyprès. Comme si elle disait: Les illuminations très fortes de nos demeures intelligibles sont inaltérables, et les très suaves inspirations divines sentent plus que très agréablement. Par «poutres» des demeures, qui sont des pièces de bois soutenant le faîte de part et d’autre, sont avec raison désignées les illuminations très fortes des demeures intelligibles, dont le bon appui maintient ces mêmes demeures pour qu’elles ne s’écroulent pas. Mais tu demandes quelles sont ces demeures? Il faut dire que l’âme déiforme, entrée dans le désert de la région intelligible, s’en est allée, selon le vouloir du rayon divin, à la façon du peuple israélite, en changeant de demeures et de résidences et en se transformant, de clarté en clarté, en l’image divine. La plus grande acquisition de cette clarté et la plus grande transformation de l’image, qui adviennent sous la conduite du rayon divin qui dirige l’intelligence, est ce changement. De cette demeure et de cette résidence, on peut entendre cette parole du Seigneur au bienheureux Job: «Je lui ai donné une maison dans le désert, et ses demeures sont dans la terre salée», c’est-à-dire des étapes et demeures situées dans la région des intelligibles accessible à peu de monde. Mais on dit heureusement, que les poutres de ces maisons sont de bois de cèdre, car les illuminations très puissantes du rayon divin, qui sans arrêt les soutiennent et les ornent, sont à la vérité les vertus incorruptibles et très odoriférantes, comme celles qui émanent de la source, véritablement incorruptible et de très bonne odeur, de la lumière théarchique. Que veut signifier l’épouse par «de nos maisons», si ce n’est qu’il en est de l’habitation comme de la construction, et que de telles demeures sont communes à elle et au bien-aimé? D’autre part, l’époux et l’épouse construisent et habitent ensemble, en tant qu’ils sont unis par un amour très ardent et liés d’une union
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
habitant, sicut amore ardentissimo copulati et unitione inseparabili colligati. Verum illud non est pretermittendum quod per laquearia | cypressina divinas inspirationes dicimus figurari. Nam, sicut ipsa laquearia quidam sunt asseres tignis inherentes et decorem domui exhibentes, ita quedam divine revelationes semper herent thearchicis irradiationibus per tigna designatis, ita ut nunquam divina revelatio et inspiratio sine thearchico lumine, vel ipsum lumen sine huiusmodi inspirationibus, esse possit. Tanta vero ex talibus revelationibus redolentia suavissima et decor eximius in ipsis intelligibilibus stationibus emanat ut semper inenarrabilis ibi redoleat suavitas et splendeat claritas in quibus deiformis anima vehementissime delectatur. Miro enim et indicibili modo, hee divine revelationes sua intelligibili fragrantia suavissima attrahunt in divina et lenissimis quibusdam sine sono vocibus ipsam intelligentiam alloquuntur, quas impossibile est intelligere nisi anime que, ex frequenti conversatione divina, linguam didicerit angelicam et profundum egerit et tenuerit silentium in se ipsa. Ut autem quietissimum silentium tenuerint omnia intima anime deiformis, tunc hii celestes sermones a regalibus sedibus angelorum prosilient in medium, animam ipsam totaliter vocibus simul et luminibus adimplentes. Hiis profecto laquearibus cypressinis suavissimis et attrahentissimis revelationibus divinis perornatus fuerat qui dicebat: “audiam quid loquatur in me Dominus Deus”, hoc est diligenter et silenter attendam revelationes divinas in auribus intelligentie dulciter et suaviter resonantes, ac per hoc ipsum feliciter excitantes.
793 figurari] inspirari M 795 domui] domus O 795 quedam] quidem N 796 thearchicis] theoriis P in ras. M 799 talibus] inspirationibus add. N 799 redolentia] redolitio N 804 quibusdam] om. O quidem et PM 810 medium] mediam N 816 ipsum] ipsam N
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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inséparable. Il ne faut certes pas passer sous silence que les lambris en bois de cèdre figurent, disons-nous, les inspirations divines. De même, en effet, que les lambris eux-mêmes sont certains chevrons fixés aux poutres et assurent l’ornement de la maison, ainsi certaines révélations divines sont toujours attachées aux irradiations théarchiques désignées par les poutres, si bien que la révélation et l’inspiration divines ne peuvent jamais exister sans la lumière théarchique, ou la lumière elle-même sans de telles inspirations. De telles révélations proviennent l’exhalation d’une odeur très agréable et une parure très remarquable en ces mêmes demeures intelligibles, si grandes que s’y répand toujours une inexprimable suavité et qu’une clarté y brille, en lesquelles l’âme déiforme se réjouit très ardemment. D’admirable et indicible façon, ces divines révélations attirent, en effet, par leur très suave odeur intelligible vers les choses divines, et elles exhortent l’intelligence elle-même par de très douces voix sans parole, impossibles à comprendre, si ce n’est de l’âme qui, par suite d’un fréquent commerce divin, aurait appris la langue des anges, et aurait fait en elle-même et gardé un profond silence. Mais, dès que tout ce qui est intérieur à l’âme déiforme aura gardé un silence très calme, alors ces paroles célestes s’échappent du séjour royal des anges pour l’intérêt de tous, remplissant totalement l’âme de voix et, en même temps, de lumières. Il avait été très orné de ces poutres en bois de cyprès — très douces et très attractives révélations divines — celui qui disait: «J’entendrai ce que dit en moi le Seigneur Dieu», c’est-à-dire: je porterai une attention diligente et silencieuse aux révélations divines, qui retentissent doucement et agréablement aux oreilles de l’intelligence, et, par cela même, le stimulent heureusement.
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
CAPITULUM SECUNDUM 2, 1
| Ego flos campi et lilium convallium.
(130d)
Volens dilectus sponsam suam promovere ad altitudinem contemplationis mediante exercitio actionis, necnon ad preeminentiam puritatis per meritum humilitatis, ut ad hoc ipsum alacrius et ferventius suscitet, tam ipsius contemplationis quam actionis, tam puritatis quam humilitatis, ostendit se fore et materiam et subiectum, dicens: Ego flos campi et lilium convallium. Ac si dicat: quia ego ipse sum dulcissimus sponsus tuus, o anima deiformis, sum decor et odor contemplationis, pullulans de exercitio actionis. Insuper sum candor puritatis de profunditate oriens humilitatis. Pulchre quidem superamabilis radius se asserit esse florem campi, quia ipse est omnis nostre contemplationis decor delectans dulciter et odor fragrans suaviter, pullulans ex campo mentalium actionum. In hoc autem qui se neglexerit exercitare, nunquam florem decoris et odorifere contemplationis intra arcanum suum sentiet pullulare. Qui autem fortiter in ipso elaboraverit, cito edet de generationibus ipsius. Hinc est quod sanctus patriarcha Dei Iacob vocatus est Israel, quia de forti operatore factus est luculentissimus contemplator; sic enim bonam Theologiam legimus: “Orietur stella ex Iacob”, hoc est contemplationis gratia illuminativa ex actione purgativa. Ipsa enim actio separat animam a suis contrariis; separata vero a propriis | tenebris purgatur et ad pristinam puritatem et innocentiam reducitur, ita ut inter se et Deum nihil habere medium videatur. Quia II, 19-20 sanctus – Israel] cf. Gen. 35, 10 et 32, 28 Num. 24, 17
22 Orietur – Iacob]
II, Tit. Theorie secundi N Capitulum secundum Canticorum P 6 suscitet] suscitetur N 7 tam] quam O om. P s.l. M 9 quia ego ipse sum] ego ipse om. N 11 actionis ] dilectionis OPM 13 quidem] siquidem N 16 autem] agro add. N exercitare] excitare N 17 decoris] decore N 20 patriarcha Dei Iacob] patriarcha de Iacob N patriarcha Iacob Dei O Dei patriarcha Iacob PM forti operatore] operatione OPM
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(131a)
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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CHAPITRE II Je suis la fleur du champ et le lis des vallées. Voulant élever son épouse à la sublimité de la contemplation par l’exercice de l’action, non moins qu’à l’excellence de la pureté par le mérite de l’humilité, afin de l’y stimuler avec plus d’ardeur et de ferveur, l’époux se fait voir comme devant être l’objet et le sujet tant de sa contemplation que de son action, tant de sa pureté que de son humilité, en disant: «Je suis la fleur du champ et le lis des vallées». Comme s’il disait: Puisque je suis moi-même ton époux très doux, ô âme déiforme, je suis l’éclat et le parfum de la contemplation issue de l’exercice de l’action; je suis en outre l’éclat de la pureté provenant de la profondeur de l’humilité. Bellement certes le rayon plus qu’aimable affirme qu’il est la fleur du champ, car il est lui-même l’ornement qui réjouit avec douceur et l’odeur qui se répand avec suavité de toute notre contemplation venant du champ des actions de l’esprit. Celui qui aura négligé de s’exercer en ce champ ne sentira jamais se produire, en ce qui lui est secret, la fleur de la belle et odoriférante contemplation; mais qui aura travaillé en lui avec force mangera aussitôt de ses fruits. C’est la raison pour laquelle le saint patriarche de Dieu, Jacob, fut appelé Israël, car d’homme actif et fort qu’il était il devint un très grand contemplateur. Ainsi lisons-nous la bonne Théologie: «Une étoile sortira de Jacob», c’est-à-dire la grâce illuminatrice de la contemplation sortira de l’action purificatrice. L’action elle-même sépare, en effet, l’âme de ses contraires, mais, séparée de ses propres ténèbres, elle est purifiée et reconduite à la pureté et à l’innocence premières, de telle sorte qu’entre elle et Dieu rien ne semble tenir
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
vero tante puritatis eminentiam non est dubium nisi de profunditate exsurgere humilitatis, ideo bene dicit dilectus se esse lilium convallum, hoc est candorem nostre totalis puritatis quem nullatenus reperire est, nisi in convalle humilis sanctitatis. Tanto 30 igitur est in agro actionis fortius laborandum et in convalle humilitatis profundius descendendum, quanto scimus dilectum nostrum in illo, sicut contemplationis florem, pullulare et in hac, velut lilium, germinare. Itaque ad vocem sponsi perfecta anima in divinorum purissimam contemplationem seipsam fortiter ele- 35 vante et aculeatis impressionibus in imaginationes phantasticas irruentibus nihilominus viriliter persistente, ait sibi dilectus:
2, 2
Sicut lilium inter spinas, sic amica mea inter filias. Quod est dicere: quemadmodum candor perfecte puritatis proficit inter aculeos humane passibilitatis, sic deiformis intelli- 40 gentia inter visiones phantasticas diabolice pravitatis, vel imaginarie fragilitatis. Filiarum siquidem perfecte puritatis candor per lilium designatus ex vero fonte amoris procedens, non solum inter tribulos et spinas humane passibititatis non deficit, sed multum 45 proficit, omnino permanens incorruptus. Hinc nobis beatus Dionysius, in Epistola ad beatum Ioannem evangelistam scribens, | (131b) ait: “Videmus, inquit, hic aliquos iam deificatos veritatis existentes amatores ab affectu quidem materialium recedunt; in omni autem malorum omnium libertate et in amore divino bononum 50 universorum pacem diligunt et sanctificationem et ex presenti vita futuram incipiunt, ut decet angelos in medio hominum conversari cum impassibilitate omni et omni nominatione et sanc48-54 Videmus – bonis] Ps.-Dion., Ep. X ad Ioh., 15742-15753 27 de] ex PM 34 velut] puritatis add. N 36 aculeatis impressionibus] om. N 37 irruentibus] irruente N 40 proficit] perficitur PM 43 Filiarum] Filias N Filia P Et filius M candor] candoris PM flos add. M 44 fonte amoris] fontis amore PM 44-45 tribulos] lilias PM
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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le milieu. Mais, comme il est indéniable que l’éminence d’une pureté si grande ne peut s’élever que de la profondeur de l’humilité, le bienaimé dit avec bonheur qu’il est les lis des vallées, c’est-à-dire l’éclat de notre totale pureté, qu’on ne peut absolument découvrir, si ce n’est dans la vallée de l’humble sainteté. Autant donc il faut plus fortement travailler dans le champ de l’action et descendre plus avant dans la vallée de l’humilité, autant nous savons que notre bien-aimé croît en lui comme la fleur de la contemplation et en celle-ci pousse comme le lis. À la voix de l’époux, l’âme parfaite s’élève avec force en la contemplation très pure des choses divines, et, cependant, demeure avec courage inébranlable devant les attaques subtiles, qui provoquent d’extravagantes imaginations; l’époux lui dit: Comme le lis au milieu des épines, ainsi mon amie au milieu des jeunes filles. C’est dire: Comme l’éclat de la parfaite pureté croît entre les aiguillons de la passibilité humaine, ainsi l’intelligence déiforme, entre les extravagantes visions de la perversité diabolique ou de la fragilité de l’imagination. Puisque l’éclat de la pureté parfaite des jeunes filles que le lis désigne, provenant de la vraie source de l’amour, non seulement ne disparaît pas au milieu des chausse-trapes et des épines de la passibilité humaine, mais croît beaucoup alors qu’il demeure totalement inaltéré, le bienheureux Denys, écrivant dans l’Épître au bienheureux Jean l’évangéliste, nous dit: «Nous voyons que certains ici-bas, déjà déifiés, amateurs de la vérité, s’écartent de l’affection des choses matérielles. En toute liberté à l’égard de tout ce qui est mal et en l’amour divin de tous les biens, ils aiment la paix et la sanctification; et, dès la vie présente, ils inaugurent la vie future, comme il convient aux anges de vivre au milieu des hommes en toute impassibilité et en nommant Dieu en sainteté et autres biens.» De ces
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
titate et aliis bonis”. Ex his verbis patet quoniam perfecta puritas aut bonitas communia aspernatur et consimilibus delectativis abrenuntiat, ita ut inter illa cum omni impassibilitate permaneat incorrupta et inter hec angelice proficiat, omni sanctitate delibuta. Bene ergo ait sponsus: lilium puritatis proficit inter spinas humane fragilitatis. Nonnunquam enim, diabolo procurante aut imaginativa vi ministrante, fit ut, dum deiformis intelligentia in divinum radium se extendit, in ipso primordio extensionis quibusdam visionibus phantasticis infestetur, ut, si fieri posset, contemplationis et unitionis superdulcissimis fructibus privaretur. At ipsa, sicut in spirituali militia boniformiter idem edocta, non ignorans eius astutias qui se in angelum lucis transfigurat, evolans super ipsas per medium earum viriliter transeundo et ipsas pedestri subiectione fortiter conculcando, supersplendentibus radiis se coniungit, tanto illis phantasticis visionibus facta sublimior, quanto intelligibilium regio ab imaginabilium regione est altior. Itaque deiformis anima, in alta regione intelligibilium existente et inde sponsi sui pulchritudinem | contemplante, laudes ei rependit:
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Sicut malus inter ligna silvarum, sic dilectus meus inter filios. Quod est dicere: sicut spiritualis sensus inter cortices Scripturarum, ita supersubstantialis divinus radius refulget inter 75 angelos.
55 communia] contraria N aspernatur] coni. cum Opc aspernetur cett. abrenuntiat ita] om. N 56 abrenuntiat] abrenuntiet PM 58 sponsus] sicut add. N 59 fragilitatis] passibilitatis, sic amica mea, intelligentia videlicet deiformis, convalescit inter visiones fantasticas diabolice pravitatis filias vel etiam imaginarie N 62 visonibus] visionis N 64 idem] iam N 65 in angelum] a gloria M 69 imaginabilium] imaginalium O 71 inde sponsi] in sponse PM
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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paroles il ressort que la pureté ou la bonté parfaites méprisent les choses vulgaires et renoncent à ce qui, délectable, leur est semblable, de telle sorte qu’au milieu de celles-ci elles demeurent en toute impassibilité inaltérées et s’avancent au milieu de celles-là de façon angélique, ointes de toute sainteté. L’époux dit donc heureusement: «Le lis de la pureté croît au milieu des épines» de la fragilité humaine. Parfois, en effet, le diable s’en occupant, ou la force de l’imagination prêtant son concours, alors que l’intelligence déiforme se tend vers le rayon divin, il arrive qu’au début même de cette tension, elle soit harcelée de certaines visions extravagantes, au point que, si cela se pouvait, elle serait privée des fruits plus que très doux de la contemplation et de l’union. Mais elle-même, en même temps, bien instruite comme en une milice spirituelle, n’ignorant pas les astuces de celui qui se transforme en ange de lumière, volant au-dessus d’elles en passant en leur milieu, avec courage et en les écrasant fortement du pied, s’unit aux rayons plus que brillants, devenus d’autant plus élevée au-dessus de ces visions extravagantes que la région des choses intelligibles est d’autant plus élevée au-dessus de la région des choses imaginables. C’est pourquoi, située en la haute région des réalités intelligibles et contemplant à partir d’elles la beauté de son époux, l’âme déiforme lui adresse en retour ces louanges: Comme le pommier parmi les arbres des forêts, ainsi mon bien-aimé parmi les fils. C’est dire: De même que le sens spirituel entre les écorces des Écritures, de même le rayon divin supersubstantiel brille au milieu des anges.
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Vide quoniam idcirco, per malum existentem inter ligna silvarum, spiritualis sensus inter cortices Litterarum latitans figuratur, quia, sicut non est possibile carpere de dulcissimis et beneolentissimis fructibus mali nisi iter fiat per ligna silvarum, sic ad fragrantem dulcedinem spiritualis sensus non est possibile pervenire nisi mediante cortice Litterarum. Nam, ut vere ait Dionysius, De div. nom. IV: “Oportet videre secundum rectam rationem quod elementis et syllabis et dictionibus et lineis et orationibus utimur propter sensus”. Ideo “stultum et irrationabile arbitror non virtuti intentionis intendere, sed dictionibus, quod divina non volentium intelligere est proprium, quod si sonos leves suscipiendos transibiles usque ad aures extra continent”, “nec transire sinunt ad anime ipsorum intellectuale, eisdem circa labia et auditus ipsorum extra resultantibus sonis”. Hii profecto tales plerumque suavitate et redolentia et fragrantia mali, id est experientia spirituali privantur, nolentes modicum in penetratione duri litterarum corticis laborare. Revera igitur asserendum quod, sicut vere pulchrior, dulcior et suavior est malus inter ligna silvarum, sic dilectus inter filios, id est supersubstantialis hierarchicus radius inter angelos. Quomodo enim inter illos non pulchrior, dulcior et suavior, immo pulcherrimus, dulcissimus et suavissimus sit dicendus | participative cuius pulchritudine fiunt pulchri, dulces dulcedine et suavitate fragrantes, ut de eis tradit divinus Dionysius, De div. nom. IV: “Supersubstantiale pulchrum pulchritudo dicitur propter traditam omnibus existentibus iuxta proprietatem cuiusque pulchritudinem et sicut universorum consonantie et claritatis causa ad 83-85 Oportet – sensus] Ps.-Dion., De div. nom., IV, 2051-3, 2022-2031, 2041-2 100-105 Supersubstantiale – traditiones] Ps.-Dion., De div. nom., IV, 1793-1803 79-80 dulcissimis et beneolentissimis fructibus] dulcissimo et beneolentissimo fructu N beneolentissimis] beneolentibus PM 80 iter fiat] inter sive M 82 vere] om. M spiritualibus add. N 85 propter] per OPM 91 et redolentia] om. N 94 vere] om. N 96 hierarchicus] thearchicus N 96-97 inter illos non] inter illos O non inter illos PM 97 pulchrior – immo] dulcior, suavior, immo pulchrior et OPM 98 participative] participatione N
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Pour cette raison, vois que par «pommier qui se tient au milieu des arbres des forêts» est figuré le sens spirituel qui se cache entre les écorces des lettres, parce que, comme il n’est possible de cueillir les fruits très doux et très odoriférants du pommier que s’il existe un chemin à travers les arbres des forêts, ainsi il n’est pas possible d’accéder à la douceur odorante du sens spirituel sans passer par l’écorce des lettres. En effet, comme le dit en vérité Denys dans les Noms divins, ch. IV: «La raison droite oblige à voir que nous utilisons lettres, syllabes, mots écrits ou prononcés à cause des significations». En conséquence, «Je pense qu’il est sot et irrationnel de ne pas s’appliquer à la valeur de la pensée, mais aux mots. C’est cela le propre de ceux qui ne veulent pas comprendre les choses divines, qui maintiennent à l’extérieur des sons pouvant atteindre les oreilles... Ils ne permettent pas qu’atteignent la partie intellectuelle de leurs âmes les sons qui résonnent à l’extérieur sur leurs lèvres et en leurs oreilles.» Assurément, la plupart du temps sont privés de la douceur, du parfum, de la suave odeur du pommier, c’est-à-dire de l’expérience spirituelle, ceux qui refusent de peiner pour pénétrer la dure écorce des lettres. Il faut donc affirmer de fait: De même que le pommier est véritablement le plus beau, le plus doux, le plus odoriférant au milieu des arbres des forêts, de même le bien-aimé au milieu des fils, c’est-à-dire le rayon supersubstantiel théarchique au milieu des anges. Comment, en effet, ne devrait-il pas être dit plus doux, plus beau, plus suave, mieux, le plus beau, le plus doux et le plus suave au milieu d’eux, celui par la participation de la beauté duquel ils deviennent beaux, doux par la participation de la douceur et odoriférant par la participation de la suavité, comme le dit à leur sujet le bienheureux Denys dans les Noms divins, ch. IV: «Le beau supersubstantiel est dit beauté à cause de la beauté donnée à chaque existant selon sa mesure; il est ainsi désigné comme la cause de l’accord et de la clarté de
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
similitudinem luminis cum fulgore immittens universis pulchrificas fontani radii ipsius traditiones”. Est ergo dilectus inter filios sicut divinus radius inter angelos, non sicut illuminatus inter illuminatos, sed sicut superirradians inter irradiatos, superdulcorans inter dulcoratos, superfragrans inter odorificatos. Quod satis aperte verba Dionysii, De div. nom. IV, declarant: “Lumen, inquit, intelligibile dicitur quod est super omne lumen bonum, sicut radius fontanus et supra et citra manans luminis effusio omnem supramundanam mentem, ex plenitudine ipsius superilluminans et intellectuales ipsarum totas virtutes renovans et omnes excedens, eo quod superextendatur et omnia comprehendens et simpliciter omnis virtutis illuminationem sive omnem illuminative virtutis donationem, sicut principaliter lucens et superlucens in seipso coassumens et superhabens”. Sciendum autem quod huiusmodi superfontani radii illuminationes non solum sunt illuminative, sed dulcorative, suavificative et omnis bone operationis affective et operative affectionis intellectualibus et rationabilibus mentibus et hoc distributione, igitur deiformis anima, per ligna silvarum ad suavitatem mali, per manus filiorum ad domum sui dilecti superdulcissimi manuducta, ait:
2, 3b
105
110
115
120
Sub umbra illius quem desiderabam sedi et fructus illius dulcis gutturi 125 meo. Quasi diceret: sub enigmatica visione dilecti quem ardenti desiderio optaveram requievi et experientia suavitatis eius est delectabilis gustui meo intelligibili. 109-117 Lumen – superhabens] Ps.-Dion., De div. nom., IV, 1744-1762 104 universis] universum OP 104-105 pulchrificas] pulchrificans P perverificans M 107 inter] super O 107-108 superdulcorans – odorificatos] om. O 115 omnis – sive] om. N 116 illuminative] superilluminative PM 121 et hoc] om. N 123 domum] conspectum N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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toutes choses auxquelles il envoie comme une fulgurante lumière les dons-sources de beauté du rayon-source qu’il est lui-même.» Le bien-aimé est donc au milieu des fils comme le rayon divin au milieu des anges, non comme illuminé au milieu de ceux qui sont illuminés, mais comme surrayonnant au milieu de ceux que ses rayons éclairent, suradoucissant au milieu de ceux qu’il a rendus doux, surodoriférant au milieu de ceux qu’il a rendus odorants. Ces paroles de Denys dans les Noms divins le déclarent très évidemment; «On nomme lumière intelligible le bien qui est au-dessus de toute lumière au titre de rayon-source et effusion de lumière qui se répand au-dessus et en deçà; surilluminant de sa plénitude tout esprit qui est au-dessus du monde, renouvelant toutes leurs vertus intellectuelles et les dépassant toutes, du fait qu’elle est déployée audessus de toutes, qu’elle comprend toutes choses, et, absolument, en tant que brillant à titre de principe, tenant en elle-même et possédant de façon illimitée l’illumination de toute vertu ou de toute donation de vertu illuminative.» Mais il faut savoir que les illuminations de ce rayon plus que source n’illuminent pas seulement; elles engendrent douceur, suavité et toute bonne action affective et affection agissante pour tous les esprits intellectuels et rationnels et cela par partage. Conduite, à travers les arbres des forêts, vers le parfum du pommier, par les mains des fils, à la maison de son plus que très doux bien-aimé, l’âme déiforme dit: À l’ombre de celui que je désirais, je me suis assise, et son fruit est doux à ma bouche. Comme si elle disait: Je me suis reposée sous la vision énigmatique du bien-aimé, que j’avais désiré d’un ardent désir, et l’expérience de sa douceur est délectable pour mon goût intelligible.
168
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Si queratur quare per umbram dilecti eius enigmatica visio designetur, dicendum est propter obscuritatem quam ibi patitur intellectus et refrigerium, vel quietem, que ibidem affectui exhibetur. Non enim in claritate videt intellectus, sed sicut obstaculo et obscuritate intelligibilium velaminum impeditus; quiescit tamen et refrigeratur affectus, iuxta illud: “Quis dabit mihi pennas sicut columbe et volabo et requiescam?” Ubi? Sub umbra illius quem desiderat anima mea. Nec enim aliter huiusmodi umbre quies obtinetur, nisi per ardentes gemitus amativos, qui per pennas columbe a Psalmigrapho designantur, quia vero, quanto deiformis anima sub tali umbra quiescit et sedet suavius, tanto non est dubium eam gustare dulcius. Ideo subdit: fructus eius dulcis gutturi meo, hoc est: experientia et fruitio istius enigmatice visionis dilecti valde delectabilis palato meo intelligibili, per que, non solum dulciter delectatur, sed et vehementer provocatur ad maiores ipsius dilecti distributiones et inspirationes. Hinc est quod divinus ait | Dionysius, De div. nom. IV: “Gustantibus lumen et magis desiderantibus magis seipsum immittit et abundantius superfulget, quia dilexerunt multum et semper extendit ipsas mentes ad anteriora, secundum ipsarum ad respectum proportionem”, atque sui secundum quod ipse mentes magis vel minus proportionate sunt ad ipsum lumen recipiendum. Sponsa itaque nostra umbra dilecti suaviter quietata et ipsius fructibus dulciter recreata, ac per hoc divine unitionis experientia inebriata, ait:
134-135 Quis – requiescam] Ps. 54, 7 nem] Ps.-Dion., De div. nom., IV, 1741-4
151-152 Gustantibus – proportio-
132 in claritate] ibi clare N videt] videlicet Oac sed sicut] sine N 134 affectus] sicut materialium delectationibus et passionibus absolutus ad hanc profecto quietem venire cupiebat qui aiebat add. N 142 delectabilis] est add. NM 143 que] quam N 144 distributiones] suscipiendum add. N 144-145 et inspirationes] om. N 149 respectum] scilicet add. N proportionem atque sui] om. N 149-150 secundum quod ipse mentes] quod respicit unamquamque ipsarum fore proportionatam sive add. N 150-151 recipiendum] suscipiendum add. N 151 nostra] sub add. N
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135
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(132b)
150
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Si l’on cherche pourquoi, par «ombre», la vision énigmatique du bien-aimé est désignée, il faut dire que c’est à cause de l’obscurité dont souffre ici l’intellectus et du rafraîchissement ou du repos, qui, ici-même, sont donnés à l’affectus. L’intellectus ne voit pas, en effet, dans la clarté, mais comme empêché par l’obstacle et l’obscurité des voiles intelligibles; l’affectus se repose toutefois et est rafraîchi selon cette parole: «Qui me donnera des ailes comme à la colombe? Et je m’envolerai et je me reposerai.» Où? «À l’ombre de celui que mon âme désire.» De fait le repos d’une ombre telle n’est pas obtenu autrement que par les ardents gémissements amoureux que le psalmiste désigne par «les ailes de la colombe». Car, en vérité, autant l’âme déiforme se repose et demeure plus agréablement sous une telle ombre, autant il est indubitable qu’elle la savoure plus agréablement. Elle ajoute donc: «Son fruit est doux à ma bouche.» C’est-à-dire: l’expérience et la fruition de cette énigmatique vision du bien-aimé sont très délectables à mon palais intelligible. Non seulement elle est agréablement réjouie par elles, mais elle est stimulée avec force pour de plus grandes distributions et inspirations du bien-aimé lui-même. Le divin Denys dit donc, dans les Noms divins, ch. IV: «À ceux qui goûtent et qui désirent davantage, il se donne lui-même davantage; il brille au-dessus d’eux avec plus d’abondance, car ils ont beaucoup aimé; il les porte toujours vers ce qui est devant, à proportion de leur aptitude à regarder» et de la sienne propre, selon que les esprits eux-mêmes sont plus ou moins proportionnés pour recevoir la lumière elle-même. Agréablement reposée à l’ombre du bien-aimé et réjouie agréablement par ses fruits, et, par cela, enivrée de l’expérience de l’union divine, notre épouse dit:
170 2, 4
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Introduxit me rex in cellam vinariam, ordinavit in me caritatem. Ac si dicat: ad intimam sue beate unitionis experientiam divinus radius me admisit et secundum legem hierarchicam in me disposuit divinum amorem. Attende quoniam ideo per cellam vinariam in quam sponsa se a regali radio asserit introductam, intimum et privatum divine unitionis signatur, quia ibi inveniuntur intellectuales vegetes divini amoris suavissimi quoad potandum et fortissimi ad alienandum, sive extra se statuendum et in Deo collocandum. Cum enim non possit homo Dei visione frui, dum vivit humane, dicente Deo: “Non videbit me homo et vivet”, necessarium est ut per excessum suavitatis et fortitudinis divini amoris absorbeatur in Deum, iam non humane sed divine vivens, et sic deificatus videat Deum sese deificantem, id est se | sibi assimilantem. Nam, ut ait beatus Dionysius, Eccl. hier. I: “Deificatio est ad Deum, sicut est possibile, assimilatio et unitio”. Ne autem putes divini amoris suavissimum et fortissimum vinum sic deiformem animam inebriasse et non sobriam reddidisse, propterea bene dicit: ordinavit in me caritatem, hoc est, secundum legem divinam, vel hierarchicam, disposuit in me amorem divinum, ut iam, non sub humana, sed sub divina lege cum angelis incipiam militare qui immediate divine legi subduntur. Anima enim, dum necdum adhuc exuit veterem hominem, sub humana lege laborat tanquam sub pedagogo ad divinam. Dum autem per eam exterior homo in servitutem redigitur, interior paulatim libertati mancipatur divine. Exuto vero veteri homine et novo induto, secundum possibilem assimilationem et unitionem ad divinum radium, ipsam iam legem contemnit, tanquam sibi consulens in primis non per164 Non – vivet] Ex. 33, 20 De eccl. hier., I, 10903-4
168-169 Deificatio – assimilatio] Ps.-Dion.,
161 quoad] quidem ad N ad] quoad PM 167 assimilantem] et unientem add. N 169 unitio] om. O 171 et] quasi N 175 necdum] nec PM 177 ad divinam] expunct. P om. N 181 iam] om. M humanam add. N 181 non] om. N
155
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Le roi m’a introduite dans son cellier à vin; il a ordonné en moi la charité. Comme si elle disait: Le rayon divin m’a admise à la plus secrète expérience de son union bienheureuse, et, selon la loi hiérarchique, il a disposé en moi l’amour divin. Prends garde que, par «cellier à vin» en lequel l’épouse assure avoir été introduite par le rayon royal, est désigné ce que l’union divine a de plus profond et de privé, car on y trouve les mouvements intellectuels très agréables de l’amour divin pour ce qui est de boire, et très forts pour ce qui est de l’aliénation, c’est-à-dire pour ce qui est de se tenir hors de soi et de s’établir en Dieu. Parce que, en effet, l’homme ne pourrait pas jouir de la vision de Dieu tant qu’il vit humainement — «l’homme ne me verra pas sans mourir» dit Dieu —, il est nécessaire qu’il soit absorbé en Dieu par l’excès de la douceur et de la force de l’amour divin, vivant alors non pas humainement, mais divinement, et qu’ainsi déifié, il voie Dieu qui le déifie lui-même, c’est-à-dire l’assimile à lui. En effet, ainsi que le dit le bienheureux Denys dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. I: «La déification est, comme il est possible, l’assimilation et l’union à Dieu.» Mais, pour que tu ne penses pas que le vin très doux et très fort de l’amour divin ait ainsi enivré l’âme déiforme et ne l’ait pas rendue sobre, elle ajoute avec bonheur: «Il a ordonné en moi la charité». C’est-à-dire, il a ordonné en moi l’amour divin selon la loi divine ou hiérarchique, pour qu’alors, non sous la loi humaine, mais sous la loi divine, je commence à militer avec les anges, immédiatement soumis à la loi divine. En effet, tant qu’elle n’a pas encore dépouillé le vieil homme, l’âme travaille sous la loi humaine, comme sous un pédagogue qui conduit à la loi divine; mais, alors que par elle l’homme extérieur est réduit en servitude, l’homme intérieur est peu à peu soumis à la liberté divine. Le vieil homme étant dépouillé et le nouveau revêtu, selon les possibles assimilation et union au rayon divin, elle méprise la loi elle-même, en tant qu’elle se donne à elle-même le conseil de ne
172
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
severare rudimentis et iugum sibi obligationis imponens. Sic itaque ipsa divine libertati, sive hierarchice legi mancipata, totam et totaliter se in divinum more angelico refundit amorem, ita ut ab ipso totaliter agatur et ordinetur, iuxta illud divini Apostoli 185 verbum: “Ubi Spiritus Domini, ibi libertas”, et: “Qui Spiritu Dei aguntur, hii sunt filii Dei”, id est qui per divinum amorem totaliter reguntur, ordinantur et disponuntur, quia libertati, dilectioni et hereditati divine sunt mancipati; libertati quidem, quia a dissimilitudinum iugo liberati, dilectioni vero, quia per di- 190 vinum amorem | adoptati, hereditati autem, quia ad eternam glo- (132d) riam preparati. Igitur de tantis ac talibus beneficiis in unitione perceptis, deiformi anima admirante, et propter hoc sui ipsius excessum pre suavitate nimia patiente, ait sibi adstantibus ange195 lis:
2, 5
Fulcite me floribus, stipate me malis, quia amore langueo. Quasi dicat: odoriferis et candidissimis irradiationibus me farcite, dulcissimis et suavissimis distributionibus me vallate, quia pre nimio ardoris amore deficio. Manifeste ex hiis verbis perpendi potest ebrietas sponse 200 nostre. Nam consuetudo est ebriosi ut, quo plus bibit et inebriatus fuerit, eo amplius bibere appetat et inebriari, sicut omnis rationis acumine destitutus. Proinde est quod Dei dilecta anima boniformis in tantis unitionis deliciis constituta, tamquam nescia rationis ad hoc se postulat a dilecti contubernalibus floribus suf- 205 fulciri, malis constipari, hoc est fragrantissimis et mundissimis illuminationibus farciri, dulcissimis et suavissimis distributionibus vallari, ut hinc superabundet castissimi divini luminis reful-
186 Ubi – libertas] II Cor. 3, 17
186-187 Qui – Dei] Rom. 8, 14
183 ipsa] om. PM 188 totaliter reguntur] reguntur totaliter PM 189 sunt] om. N 198 farcite] fulcite N 199 amore] in amorem add. N 202 omnis] omni N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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pas en rester aux rudiments et s’impose à elle-même le joug de l’obligation. Ainsi donc, soumise elle-même à la liberté divine ou à la loi hiérarchique, elle se fond tout entière et totalement à la façon des anges dans l’amour divin, de telle sorte qu’elle est totalement agile et ordonnée par lui, selon cette parole du divin Apôtre: «Où est l’esprit de Dieu, là est la liberté» et «Ceux qui sont conduits par l’esprit de Dieu sont les fils de Dieu», c’est-à-dire ceux qui sont totalement régis, ordonnés, disposés par l’amour divin, car ils sont soumis à la liberté, à l’amour et à l’héritage divins: à la liberté, car ils sont libérés du joug des dissemblances; à l’amour, car ils sont adoptés par l’amour divin; à l’héritage, car ils sont préparés pour la gloire éternelle. Admirant de tels et si grands bienfaits reçus dans l’union, et éprouvant à cause de cela la sortie de soimême, du fait de cette extrêmement grande douceur, l’âme déiforme dit aux anges qui se tiennent près d’elle: Soutenez-moi avec des fleurs, entourez-moi de pommes, car je languis d’amour. Comme si elle disait: Remplissez-moi d’odoriférantes et très éclatantes illuminations; entourez-moi de très douces et très agréables distributions, parce que je défaille d’une trop grande ardeur d’amour. Manifestement, à partir de ces paroles, l’ivresse de notre épouse peut être appréciée. Celui qui est ivre a coutume, en effet, de désirer boire et être enivré d’autant plus qu’il a bu et qu’il s’est enivré, privé, pour ainsi dire, de l’acuité de toute la raison. Par conséquent, l’âme de bonne forme, aimée de Dieu, établie dans les si grandes délices de l’union, demande, comme ignorante de la raison, à être soutenue avec des fleurs par les compagnons du bien-aimé, à être entourée de pommes, c’est-à-dire d’illuminations très odoriférantes et très pures, à être encerclée de très douces et très suaves distributions, pour que, de là, surabonde l’éclat de la très chaste lumière divine et que, de là, surabonde l’abondance de la douceur qui
174
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
gentia, inde supernatet supermentalis dulcedinis abundantia, sicque merito illud davidicum valeat exclamare: “Dixi in excessu mentis mee: omnis homo mendax”. Qui quidem excessus satis per verbum subsequens declaratur quo se asserit amore languere, | hoc est pre nimia siti amoris in amore deficere, quasi diceret: in tantum amorem sitio, ut ipse amor sit in me actio patiens, dum amore langueo, et passio agens, dum amorem amo. Quid nisi amando langueat et languendo amet deiformis anima propter sponsum, cum ipse eam ad hoc ipsum stimulet et inflammet? Propter quod, ut sanctus ait Dionysius, De div. nom. IV: “Qui fortes sunt in divinis ipsum zelotem appellant, sicut excitativum ad zelum desiderii ipsius amativi et sicut zelotem ipsum demonstrantes, per quem desiderata sunt zelabilia et sicut provisis ipsis existentibus zelabilibus et totaliter pulchrum est et bonum et amabile et amor, et amatur in pluribus, et bono precollocatur, et per pulchrum et bonum est et gignitur”. Quia vero posset quis admirari unde sponse proveniat tanta vis amoris ut se propter eum languere dicat, ideo bene per eam subiungitur:
2, 6
210
(133a)
215
220
225
Leva eius sub capite meo et dextera illius amplexabitur me. Quod est dicere: operatio intelligibilium sub deiformitate mea et fortis unitio divinorum mei intelligentiam sibi tota230 liter colligabit. Non immerito quidem dilectus levam suam sub capite sponse ponit, hoc est operationem intelligibilium eius deiformitati subicit, ut sic fortiter sustentetur ne ad passiones materiali-
210-211 Dixi – mendax] Ps. 115, 11 De div. nom., IV, 2184-2202 214 amor] amori N ratio] opertio PM
218-224 Qui – gignitur] Ps.-Dion.,
215 dum] in add. M
217 eam] om. O
228 ope-
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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dépasse l’esprit, et qu’elle puisse ainsi crier cette parole de David: «J’ai dit, dans l’abattement de mon esprit: tout homme est menteur.» Cette sortie de soi est fort bien signifiée, quand, par la parole suivante, elle dit qu’elle languit d’amour, c’est-à-dire qu’elle défaille d’amour à cause de son extrême soif d’amour. Comme si elle disait: J’ai soif d’un amour si grand que l’amour lui-même est en moi une action qui pâtit, alors que je languis d’amour, et une passion qui agit, alors que j’aime l’amour. Qu’est-ce à dire, sinon que l’âme déiforme languit en aimant et aime en languissant à cause de l’époux, quand lui-même la stimule et l’enflamme en vue de cela même? C’est la raison pour laquelle, comme le dit saint Denys dans les Noms divins, ch. IV: «Ceux qui sont forts dans les choses divines appellent Dieu jaloux comme excitant au zèle du désir de l’aimer et ils le montrent lui-même jaloux, lui par qui les choses que l’on désire sont l’objet de zèle, et comme jaloux pour tout ce qu’il prévoit comme objet de zèle. Il est totalement beau, bon, aimable et amour; il est aimé en beaucoup de choses; il préexiste dans [le beau et] le bien, et, par le beau et le bien, il est et il est engendré.» Mais, parce que l’on pourrait se demander avec étonnement, d’où vient à l’épouse une si grande force d’amour qu’elle se languit, dit-elle, à cause de lui, elle ajoute heureusement: Sa main gauche est sous ma tête et sa main droite m’embrassera. C’est dire: L’opération des intelligibles sous ma déiformité et l’union forte des choses divines lui enchaîneront totalement mon intelligence. Ce n’est certes pas à tort que le bien-aimé met sa main gauche sous la tête de l’épouse, c’est-à-dire soumet à sa déiformité l’exercice des intelligibles, de telle sorte qu’elle soit ainsi fortement soutenue pour ne pas se laisser aller aux passions des choses maté-
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
um prolabatur, quod valde perfecte anime precavendum est ne contingat ei, sicut per sanctum Dionysium nobis traditur, Eccl. hier. III: “Si enim ab unius contemplatione et cognitione | illuminati ad uniformem et divinam congregationem uniamur, non quidem ad divisibiles sustineamus decidere concupiscentias, ex quibus materiales et passibiles inimicitie creantur adversus id quod secundum naturam est conforme”. Tamen, quia admodum grave esset deiformi anime semper per operationem intelligibilium fatigari, nisi etiam interdum pacatissima unitionis quiete potiretur, ideo etiam per dexteram dilecti se innuit amplexatam, hoc est per fortem unitionem divinorum suam intelligentiam dulciformiter colligatam, sive pre nimia amoris et dulcedinis suavitate totaliter absorptam. Hoc enim prudenter est attendendum quod operatio, sive exercitatio, intelligibilium ab actu rationis et discretionis non alienavit deiformem animam sive theoriis assuetam spiritualibus divinorum, nec enim aliter, iuxta beati Dionysii sententiam, De div. nom. VII, illa possumus intelligere sive ad eorum beatam experientiam pervenire, nobis in nobis existentibus, sed penitus nobis ex nobis factis et “totaliter deificatis”. Quapropter notandum quod in divinis quasi nulla est actio, vel operatio, sed omnimoda passio, in intelligibilibus, actio simul et passio, in materialibus vero plus actio quam passio invenitur. Ubi autem omnimoda passio, ibi totalis ebrietas et alienatio, ubi autem actio simul et passio, ibi aliqua inebriatio, ubi demum plus actio quam passio, ibi anime fervens quedam devotio et divina. Qui ergo in conversatione materialium se exercet, cum dilecto accumbit; qui vero in intelligibilibus, levam eius 236-240 Si – conforme] Ps.-Dion., De eccl. hier., III, 12203-12213 totaliter deificatis] Ps.-Dion., De div. nom., VII, 3861
252-253
235 ei] illi PM unde M 242 unitionis] unionis PM 243 ideo etiam] est etiam quod PM 244-245 intelligentiam] intelligibilitatem PM 245 colligatam] collocatam N 248 discretionis] omnino add. in marg. N 249 spiritualibus] spiritibus OMac 251 nobis] om. M 252 penitus] totis add. N 256 ebrietas] invenitur add. PM 259 et divina] est dicenda N conversatione] consideratione N 260 accumbit] accubuit N
235 (133b)
240
245
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255
260
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rielles. Contre cela, l’âme parfaite doit se prémunir grandement, afin que cela ne lui arrive pas, ainsi que saint Denys nous l’enseigne dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. III: «Si, en effet, illuminés par la contemplation et la connaissance de l’Un, nous sommes unis à la société uniforme et divine, nous n’acceptons pas de tomber dans les désirs divisibles, qui créent des haines matérielles et passibles contre ce qui est conforme selon la nature.» Cependant, parce qu’il serait toujours extrêmement grave pour l’âme déiforme d’être fatiguée par l’exercice des intelligibles, à moins qu’elle ne jouisse parfois du rayon très paisible de l’union, elle fait savoir qu’elle est embrassée par la droite du bien-aimé, c’est-à-dire que son intelligence est doucement enchaînée par la forte union des choses divines ou encore totalement absorbée par la trop grande suavité de l’amour et de la douceur. Il faut en effet considérer avec sagesse que l’opération ou l’exercice des intelligibles n’a pas éloigné de l’acte de la raison et du discernement l’âme déiforme ou l’âme accoutumée aux théories intelligibles des choses divines. Nous ne pensons pas, en effet, selon l’opinion du bienheureux Denys dans les Noms divins, ch. VII, les connaître ou accéder à leur bienheureuse expérience autrement, nous-mêmes existant en nous-mêmes, mais tout à fait hors de nous et «totalement déifiés». Il faut donc noter que, dans les choses divines, il n’y a, pour ainsi dire, aucune action ou opération, mais totale passion; dans les choses intelligibles, il y a ensemble action et passion, dans les choses matérielles, on trouve plus d’action que de passion. Là où il y a totale passion, il y a ivresse et aliénation totales; là où il y a simultanément action et passion, il y a quelque ivresse; là enfin où il y a plus action que passion, il y a une certaine dévotion fervente et divine de l’âme. Celui donc qui s’exerce dans le commerce des choses matérielles repose avec le bien-aimé; qui s’exerce en celui des réalités intelligibles a
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
habet sub capite; qui autem divinis unitus, ipsius dextera amplexatur et, ultra quam explicari possit, suavissimis distributionibus deliciatur, ita ut seipsum nesciat. Proinde | est quod beatus (133c) Dionysius ait, Myst. theol. I, de Deo unitissimo Moyse: “Tunc, inquit, ab omnibus absolvitur visis et videntibus et ad caliginem 265 ignorantie intrat, que vere est mystica caligo in qua excludit omnes cognitivas susceptiones, et in non palpabili omnino et invisibili fit, omnis existens eius qui est super omnia, et nullius est, neque sui ipsius, neque alterius, omnino autem ignoto, notione omnis cognitionis, et in eo quod nihil cognoscit super 270 mentem est cognoscens”. Ex beati Dionysii verbis, quamquam occulte, ostenditur quod divina unitio, etsi privet animam deiformem visu et sensu mentali quod non est perceptibilis, non tamen supermentali, quin semper sit perceptibilis. Videns itaque dilectus sponsam pre nimia amoris dulcedine taliter inebriatam 275 et somno unitionis sopitam, ait consodalibus eius:
2, 7
Adiuro vos, filie Ierusalem, per capreas cervosque camporum, ne suscitetis neque evigilare faciatis dilectam quoadusque ipsa velit. Ac si dicat: obnixe vos rogo, o anime visioni pacifice anhelantes, per altas sententias intellectusque divinorum, ne a 280 divinis abstrahatis, neque in exterioribus occupetis animam deiformem, donec sibi videtur expedire. Animadvertite quoniam dilectus, filias Ierusalem, id est rudes adhuc animas, in divinis tamen ad ipsorum, hoc est divi264-271 Tunc – cognoscens] Ps.-Dion., Myst. theol. I, 5571-5782 262 explicari] exprimi N suavissimis] supersuavissimis N 266 excludit] claudit N 268 fit] super N 269-270 notione] vacatione M 270 cognitionis] secundum melius unitus add. in marg. M 273 quod non est] qui est N 274 quin semper sit] qui nullatenus est N 277 cervosque camporum] hinnulosque cervorum O 284-285 divinorum] om. N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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sous la tête la main gauche du bien-aimé; mais qui est uni aux choses divines est embrassé par la main droite, et, plus que cela puisse être expliqué, goûte les délices de distributions très suaves au point de s’ignorer lui-même. Parlant de Moïse très uni à Dieu, Denys dit donc, dans la Théologie mystique, ch. I: «Il est alors coupé de tout ce qui est vu et de tous ceux qui voient, et il entre dans la ténèbre de l’ignorance, qui est véritablement la ténèbre mystique, en laquelle il exclut toutes les connaissances; il existe dans l’absolument impalpable et invisible de celui qui est au-dessus de tout; il est perdu à tout; à lui-même, à autrui, mais, tout à fait ignoré, toute pensée étant exclue, il connaît au-dessus de l’esprit, du fait qu’il ne connaît rien. Par ces paroles du bienheureux Denys, il est montré, quoique de façon cachée, que l’union divine, bien qu’elle prive l’âme déiforme de la vue et du sens spirituel, en raison de quoi elle peut être perçue, ne prouve pas qu’elle soit toujours perceptible par la vue et le sens qui dépassent l’esprit. Voyant donc son épouse ainsi enivrée à cause de la trop grande douceur de l’amour et endormie du sommeil de l’union, le bien-aimé dit à ses compagnes: Je vous adjure, filles de Jérusalem, par les chèvres et les faons des cerfs, ne tirez pas l’épouse de son sommeil, ne la faites pas s’éveiller jusqu’à ce qu’elle le veuille. Comme s’il disait: Ô âmes qui aspirez à la vision pacifique, je vous prie instamment, par les hautes pensées et connaissances des choses divines, de ne pas détourner l’âme déiforme de celles-ci et de ne pas la tenir occupée des réalités extérieures, jusqu’à ce que cela lui paraisse convenir. Voyez que le bien-aimé adjure de deux manières les filles de Jérusalem, c’est-à-dire les âmes non encore dégrossies en ce qui concerne les choses divines, mais s’adonnant à les connaître, de ne
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
norum cognitionem seipsas mancipantes, per duo adiurat ne sponsam suam, videlicet | animam deiformem, per divine unitionis experientiam consopitam, molestent inquietando, sive eam suscitando per abstractionem a divinis, sive etiam evigilare faciendo per exteriorum exercitiorum occupationem. Et primum quidem est altitudo sententiarum, que per capreas alta petentes designatur, secundum vero est celeritas intellectuum divinorum, que per cervorum velocitatem figuratur; quasi diceret sponsus: en vos, non vultis averti a spirituali venatione altarum sententiarum et celeritate intellectuum divinorum, cum in illis laboratis, sic nec dilectam avertatis a dulcissimis pastibus sue venationis; que, sicut cum magno labore cepit, sic in eius suavissima perfectione et perfruitione quietissime requiescat. Nam, ut bona tradit Theologia, Eccle. V: “Dulcis est somnus operanti, sive parum sive multum manducet”, hoc est dulcis est sopor contemplationis intellectualiter se exercitantis, sive parva sive magna sit eius apprehensio de divinis. Hinc etiam alibi dicitur, Proverbiorum III°: “Si dormieris, non timebis, quiesces et suavis erit somnus”, quod est dicere: si sopore contemplationis usus fueris, poteris mentis securitate quiete et suave quiescere. Non igitur excitanda est sponsa tantis deliciis occupata donec ipsa velit, id est quousque sibi videbitur expedire. Habet namque perfecta anima intelligentiam deiformem secundum quam, ad celestium spirituum similitudinem, omnium agendorum modum et ordinem conspicit et tempus. Eiusdem enim legis est cum ipsis angelis, quia et ipsi per deiformem intelligentiam suam sensibilium habent cognitionem iuxta beatum Dionysium sic dicentem in De div. nom. VII: 298-299 Dulcis – manducet] Eccle 5, 11
302 Si – somnus] Prov. 3, 24
285 seipsas] viriliter add. N 287 molestent inquietando] inquietent N 290 que] om. N 291 designatur] designata O est] om. N intellectuum] in altitudinem OPM 294 in] om. N 296 que] qua N quem 0 pastum vel quam venationem que add. PM 299 dulcis est] om. N sopor] sapor NP 301 de] a Mac, in s.l. Mpc 304 suave quiescere] suavitate N 305 sibi] placuerit aut add. PM 310 suam] scientiam PM 310-311 cognitionem] om. PM
285 (133d)
290
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305
310
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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pas tourmenter son épouse, à savoir l’âme déiforme, assoupie par l’expérience de l’union divine, soit en la troublant, soit en l’éveillant par retrait des choses divines, soit également en la faisant veiller en l’occupation d’exercices extérieurs. La première chose est certes la hauteur des pensées, désignée par les chèvres qui gagnent les hauteurs, la seconde est la rapidité en direction des choses divines, figurée par la célérité des cerfs. Comme si l’époux disait: Eh bien, vous, vous ne voulez pas être détournés de la chasse spirituelle des hautes pensées et de la célérité en direction des choses divines, puisque vous vous donnez du mal en ce qui les concerne; ainsi, ne détournez pas la bien-aimée des nourritures très savoureuses de sa chasse; de même qu’elle l’a commencée en grand labeur, de même elle repose très paisiblement dans ses très douces perfection et jouissance. En effet, ainsi que l’enseigne la bonne Théologie; Ecclésiaste, ch. V: «Le sommeil est doux à l’artisan, qu’il mange peu ou beaucoup», c’est-à-dire: doux est le sommeil de la contemplation de qui s’exerce intellectuellement, que soit grande ou petite son appréhension des choses divines. Ailleurs, il est également dit: «Si tu dors, tu ne craindras pas; tu te reposeras et doux sera ton sommeil», c’està-dire: si tu as fait l’expérience de la contemplation, tu pourras, l’esprit tranquille, te reposer doucement et en paix. Il ne faut donc pas réveiller l’épouse remplie de délices si grandes jusqu’à ce qu’elle le veuille, c’est-à-dire: jusqu’à ce que cela lui paraisse expédient. L’âme parfaite a, en effet, une intelligence déiforme selon laquelle, à la ressemblance des esprits célestes, elle considère la manière, l’ordre et le temps de ce qu’il faut faire. Elle partage cette loi avec les anges eux-mêmes, parce que eux aussi, par leur intelligence déiforme, connaissent les réalités sensibles, selon ce que dit Denys dans les Noms divins, ch. VII: «L’Écriture affirme que les anges eux-
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
“Etenim et angelos | dicunt scire eloquia ea que sunt in terra, non (134a) secundum sensus ipsa cognoscentes sensibilia quidem existentia, sed secundum propriam deiformis mentis virtutem et naturam.” Si vero queritur ubi hoc videbit sponsa, dicendum quia in 315 lumine increato in quo videtur omne lumen, et in illa luce in qua “vidit Deus lucem quod esset bona”, in qua etiam et per quam videtur omnis alia lux, non solum lux a tenebris, sed etiam lux a luce. Sponsa igitur in amplexibus dilecti tam suaviter quiescente, et [ipso] pro quiete ipsius ipsas adolescentulas tam sollicite 320 deprecante, excitata ad eius vocem ait:
2, 8a
Vox dilecti mei. Quasi diceret: divini radii inspiratio est ista pro mea quiete adolescentulas deprecantis. Dubium quippe non est animam divine lucis radio unitam 325 non solum videre in illa quid Deus agat in seipsam, sed etiam quid in aliis propter seipsum. Claritas enim divini radii intelligentiam perlustrantis virtute sua omnia scrutatur etiam profunda Dei; ideoque “spiritualis iudicat omnia et ipse a nemine iudicatur.” Quomodo? Sanctus ait Paulus: “Nobis autem revelavit Deus per 330 Spiritum Sanctum suum”. Quid revelavit? Non solum occulta actuum humanorum, sed etiam divinorum. Unde bene adiungitur:
312-315 Etenim – naturam] Ps.-Dion., De div. nom., VII, 4013-4021 329 spiritualis – iudicatur] I Cor. 2, 15 330-331 Nobis – suum] I Cor. 2, 10 318 videtur] et indicatur add. N 320 ] coni. cum M 325 lucis radio] luci N 327 seipsum] seipsam N 328 virtute sua] om. N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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mêmes connaissent ce qui existe sur terre, non qu’ils connaissent par les sens les existants sensibles, mais ils les connaissent selon la force et la nature de l’esprit déiforme.» Mais, si l’on cherche où l’épouse verra cela, il faut répondre qu’elle le verra dans la lumière incréée, en laquelle est vue toute lumière, et en cette lumière, en laquelle Dieu a vu qu’elle était bonne, en laquelle aussi et par laquelle toute autre lumière est vue, non seulement celle qui diffère des ténèbres, mais encore celle qui diffère de la lumière. Se reposant si agréablement dans les embrassements du bien-aimé et lui-même priant avec tant de sollicitude les adolescentes ellesmêmes pour son repos, l’épouse éveillée à sa voix, dit donc: La voix de mon bien-aimé. Comme si elle disait: Cette voix est l’inspiration du rayon divin, qui prie les adolescentes pour mon repos. Il n’est certes pas douteux que l’âme unie au rayon de la lumière divine non seulement voie en elle ce que Dieu fait en elle, mais également ce qu’il opère dans les autres pour lui-même. En effet, la clarté du rayon divin, qui éclaire l’intelligence par sa propre vertu, scrute toutes choses, y compris les profondeurs de Dieu. C’est pourquoi, «l’homme spirituel juge tout et lui-même n’est jugé par personne». Comment? Saint Paul dit: «Dieu nous a révélé par son Esprit-Saint.» Qu’a-t-il révélé? Non seulement ce que les choses humaines, mais encore les choses divines ont de caché. Avec bonheur il est donc ajouté:
184 2, 8b
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Ecce iste venit saliens in montibus, transiliens colles. Quod est dicere: valde mirabiliter supersubstantialis radius se diffundit, sue beate vestigium for|titer imprimens primis et illuminatioribus angelis, minus vero copiose perfundens inferiores substantias. Siquidem nihil aliud est dicere deiformem animam in contemplationis altitudine constitutam de dilecto: ecce iste venit, nisi thearchici radii diffusionem mirabilem et sui ipsius distributionem vehementissime admirari. Non enim de loco ad locum se movendo, sed semper et eodem modo in identitate sua semper admirabiliter permanendo sue beatissime lucis radios in substantias angelicas diffundit, quemadmodum celestis tradit Dionysius de thearchica bonitate, Eccl. hier. III: “Omnibus, inquit, deiformibus mentibus proportionaliter elucet circa seipsam vere existens et a propria non mota totaliter identitate”. Sic ergo mirabiliter divinus radius veniens nullatenus localiter se movendo salit in montibus, id est sue superlucentis vestigium fortiter imprimit primis sive altioribus substantiis. Nam copiosius divine bonitatis radios suscipiunt prime substantie quam secunde, sicut Deo propinquiores, que quidem propinquitas solum secundum maiorem Deum suscipiendi aptitudinem iudicatur, iuxta beati Dionysii sententiam in Epistola ad Demophylum sic dicentis: “Etenim unusquisque ornatus eorum que circa Deum sunt divinior est magis absistente; et luculentiora et magis illuminantia sunt, lumini magis propinqua; et non localiter accipias appropinquationem, sed secundum recipiendi Deum idoneitatem”. Cum igitur angeli primi ordinis ad Deum suscipiendum sunt ceteris aptiores, ac per hoc altiores, merito in eis supersubstantialis radius 345-347 Omnibus – identitate] Ps.-Dion., De eccl. hier., III, 11832-4 355358 Etenim – idoneitatem] Ps.-Dion., Ep. VIII ad Demoph., 15322-15332 336 illuminatioribus] altioribus N 346 mentibus] mentis O 356 luculentiora] simul add. N illuminantia] illuminativa PM 358 idoneitatem] identitatem in textu aptitudinem corr. in marg. M 360 supersubstantialis] sic substantialis O
(134b)
340
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360
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Voici qu’il vient bondissant sur les montagnes, franchissant les collines. C’est dire: De façon très admirable le rayon supersubstantiel se répand, imprimant avec force l’empreinte de sa si bienheureuse lumière, d’abord aux premiers anges plus brillants, mais se répandant moins abondamment sur les substances inférieures. En effet, assurer que l’âme déiforme établie sur les hauteurs de la contemplation dise du bien-aimé: «Voici qu’il vient» n’est rien d’autre qu’admirer très fortement l’étonnante diffusion du rayon théarchique et la distribution qu’il fait de lui-même. De fait, ce n’est pas en allant d’un lieu à l’autre, mais en demeurant toujours admirablement, toujours et de même manière en son identité, qu’il diffuse les rayons de sa très bienheureuse lumière dans les substances angéliques, comme le céleste Denys l’enseigne de la bonté théarchique, dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. III: «Elle se manifeste, dit-il, aux esprits déiformes chacun selon son mode, demeurant réellement à part soi sans perdre d’aucune façon son identité». Ainsi donc le rayon divin, qui vient admirablement sans absolument se mouvoir localement, bondit sur les montagnes, c’està-dire imprime avec force l’empreinte de sa lumière plus que brillante aux substances premières ou aux substances plus élevées. Les premières substances reçoivent, en effet, plus abondamment que les secondes les rayons de la bonté divine, en tant qu’elles sont plus proches de Dieu. On juge de cette proximité selon seulement la plus grande aptitude à recevoir Dieu, conformément à l’opinion de Denys disant dans l’Épître à Démophile: «Chacun des ordres qui se tiennent autour de Dieu est plus divin que celui qui en est éloigné; ceux qui sont plus proches de la lumière sont plus illuminés et plus illuminants; n’entendez pas cette proximité en un sens local; entendez-la selon la capacité de recevoir Dieu.» Puisque donc les anges du premier ordre sont plus aptes que les autres à recevoir Dieu et, par cela, plus élevés, ainsi le rayon supersubstantiel est
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
tanquam in montibus dicitur salire | et inferiores quasi colles transilire, quod maiorem eis sui supersplendentis luminis distributionem confert quam istis. Minus enim sunt apti ad susceptionem superaddite claritatis, quia minus participant de indita, sive de naturaliter sibi data. Hinc est quod nobis metaphorice loquitur beatus Dionysius, Ang. hier. XIII: “Solaris, inquit, radii distributio ad primam materiam benedistributive vadit omnibus clariorem et per ipsam manifestius facit resplendere proprios splendores. Accedens autem ad grossiores materias, obscuriorem habet distributivam manifestationem ex illuminatarum materiarum ad luminis donationis delativum habitum importunitate”. Ita etiam secundum hanc bonam rationem dicendum quod fontalis divine claritatis radius abundantius et copiosius se ipsum distribuit ad substantias clariores, sive ad ipsum suscipiendum aptiores ob fortem habitum indite claritatis ipsarum, propter quod merito in illis salire quasi in montibus; istas vero sicut colles, id est minus aptas, dicitur transilire. Itaque, quoniam divini radii distributio solum modificatur, iuxta proportionem affectus vel intellectus substantiarum celestium, ideo congrue adhuc subiungitur, per eamdem animam deiformem:
2, 9a
(134c)
365
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380
Similis est dilectus meus capree hinnuloque cervorum. Ac si dicat: thearchici splendoris amativus processus se conformat acute affectioni celerique intellectui angelorum. Quid enim melius per capream altas expetentem | sum- (134d) mitates et specus arctissimas penetrantem, quam angelica affec- 385 tio figuratur, que divinarum est altitudinum illustrativa et
366-371 Solaris – importunitate] Ps.-Dion., De cael. hier., XIII, 9492-9502 367 vadit] cadit O 371 importunitate] in oportunitate PM 375-376 in illis] eis N 376 istas] istos O 384 melius] om. PM 384 altas] alta PM
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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dit à bon droit bondir sur eux comme sur les montagnes et franchir les anges inférieurs comme des collines, parce que, plus qu’à ceux-ci, il accorde à ceux-là une distribution plus grande de sa lumière plus que brillante. Ils sont, en effet, moins aptes à recevoir une clarté surajoutée, parce qu’ils participent moins d’une clarté innée, qui leur est donnée naturellement. En langage métaphorique, Denys nous dit, en effet, à ce sujet (Hiérarchie angélique, ch. XIII): «La diffusion du rayon solaire procède selon un mode convenable de distribution vers la matière première plus lucide que toutes les autres et, par elle, fait resplendir plus manifestement ses propres splendeurs. Mais, lorsqu’elle s’approche de matières plus opaques, sa diffusion est plus obscure, du fait que les matières illuminées s’opposent à l’habitus de la lumière donnée.» Ainsi doit-on dire également, selon cette bonne raison, que le rayon de la clarté divine fontale se répand avec plus d’abondance et de générosité sur les substances plus brillantes ou plus aptes à recevoir, en raison de l’habitus vigoureux de leur clarté innée. Pour cela justement on le dit bondir sur elles comme sur les montagnes, mais il est dit franchir les moins aptes comme les collines. Parce que la distribution du rayon divin n’est mesurée que selon la mesure de l’affectus ou de l’intellectus des substances célestes, la même âme déiforme ajoute encore, ainsi qu’il convient: Mon bien-aimé est semblable à la chèvre et au faon des cerfs. Comme si elle disait: Le procès amoureux de la splendeur théarchique se conforme à l’affection subtile et à l’intellection rapide des anges. Quoi de mieux, en effet, que l’affection angélique soit signifiée par la chèvre qui recherche les hauts sommets et pénètre les cavités très étroites? Elle peut éclairer les hauteurs divines et péné-
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
thearchicorum occultorum penetrativa? Huic bene dilectus similari dicitur, quia tantum nimirum suscipit distributionis, quantum habet proportionis. Nam materialis calore iuxta Dionysii sententiam, Ang. hier. XIII, “magis se ipsum distribuit ad magis susceptiva et ad ipsius assimilationem facile euntia et duci facilia; ad substantias autem contraformatas, aut nullum, aut obscurum quoddam ignificative operationis vestigium manifestatur”. Quanto magis igitur angelica affectio est ad sursumagendum liberior et agilior et ad ardua penetrandum acutior, tanto profecto fit ei superamabilis radius divinus similior. Rursus, quid congruentius per hinnulum cervorum, qui facilis est ad currendum, significatur quam purissimus intellectus angelorum, qui agillimus est ad omnia divina spectacula contemplandum? Cui bene dilectus dicitur similari, quia iuxta divinam trutinam sive mensuram aut legem hierarchicam tantum sibi infunditur luminis, quantum habet ad suscipiendum aptitudinis. Ita namque se habet supersubstantialis solis supersplendens radius ad sua illuminata, sicut materialis sol ad sua obiecta. Hinc nobis traditur per beatum Dionysium, De div. nom. IV: “Divine bonitatis manifesta imago, magnus iste et totus splendens et superlucens sol secundum multam resonantiam boni, omnia quecumque ipso participant illuminat, et superextentum | habet lumen, ad omnem [extendens] visibilem mundum et sursum et deorsum propriorum radiorum splendores; et si aliquod ipsis non participat, hoc non est infirmitatis aut parvitatis illuminative distributionis ipsius, sed non extentorum ad luminis participationem, propter luminis accipiendi importunitatem”. Ita quidem et de intellectibus angelicis est dicendum quod tantum a superlucenti et
390-393 magis – manifestatur] Ps.-Dion., De cael. hier., XIII, 9504-9512 413 Divine – importunitatem] Ps.-Dion., De div. nom., IV, 1641-1653
405-
388 Nam] ignis add. N in add. P ille add. M 391 et duci facilia] om. N 392 autem] om. O 399 Cui] quoque add. N 404 obiecta] om. N subiecta M 409 extendens] ex textu citato coni., om. mss 411 parvitatis] pravitatis O
390
395
400
405
(135a)
410
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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trer les secrets théarchiques. L’on dit donc heureusement que le bien-aimé lui est semblable, car il reçoit assurément autant de distributions qu’il est proportionné. En effet, la chaleur matérielle, selon ce que dit Denys dans sa Hiérarchie angélique, ch. XIII: «se répartit plus abondamment sur ceux qui, allant aisément vers cette ressemblance et faciles à conduire vers elle, la peuvent davantage recevoir; aux substances qui lui sont, par formation, opposées, nulle trace d’opération calorique n’est manifestée ou il n’en est manifesté qu’une obscure.» En conséquence, autant l’affection angélique est plus libre et plus agile pour s’élever et plus subtile pour pénétrer les choses difficiles, autant certes le rayon divin, qui, lui, est plus qu’aimable, lui devient plus semblable. En outre, qu’y a-t-il de plus convenable que de désigner, par le faon des cerfs qui court aisément, l’intellect très pur des anges, très rapide pour contempler tous les spectacles divins? On dit heureusement que le bienaimé lui est semblable, car, selon l’appréciation ou la mesure ou la loi hiérarchique divine, lui est infusé autant de lumière qu’il est apte à en recevoir. En effet, le rayon plus que brillant du rayon supersubstantiel se comporte par rapport à ce qu’il illumine comme le soleil matériel à ses objets. Le bienheureux Denys nous enseigne donc, dans les Noms divins, ch. IV: «Image manifeste de la bonté divine, ce grand, tout lumineux et plus que brillant soleil, selon un grand écho du bien, illumine tout ce qui le participe et sa lumière est étendue au-dessus de tout, étendant sur tout le monde visible, en haut, en bas, les feux de ses propres rayons. Mais, si quelque chose ne le reçoit pas, ce n’est pas à cause de la faiblesse ou de la petitesse de sa distribution illuminatrice, mais à cause de la petitesse et de la faiblesse de ceux qui ne sont pas ouverts à la participation de la lumière, en raison de leur disposition contraire à sa réception.» C’est pourquoi il faut dire, s’agissant des intellects angéliques, qu’ils sont autant éclairés de la lumière théarchique plus
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
toto splendenti thearchico lumine radiantur, quantum ipsi pro- 415 portionabiliter elevantur et extenduntur ad ipsius influentias superdulcissimas capiendum. Quia vero non solum supercelestes substantie participes sunt et capaces divine claritatis, sed etiam anime rationales, ideo per ipsas ad nos veniens divinus radius ait sponsa: 420 2, 9b
En ipse stat post parietem nostrum respiciens per fenestras, prospiciens per cancellos. Quod est dicere: superamabilis thearchici splendoris radius uniformiter perseverat post impuritatem nostre materialitatis, interdum prebens se respiciendum per magnas luminositates, interdum prospectum suum largiens per crebros lucis sue radiolos. Merito quidem per parietem nostrum humane materialitatis impuritas designatur, per quem prohibetur superlucentis solis claritas immediate in deiformem animam radiare. Cuius pro tanto solis radius dicitur post parietem stare, quia in suo esse superclarissimo quo post intelligentiam perseverat paratus eam totaliter et immediate perlustrare | nisi eadem nostre materialitatis impuritas ei velut panes velit obsistere. Unde dicendum quod, quamdiu deiformis anima dependentiam habeat a proprio corpore, non poterit Deum immediate contemplari. Quod satis per verba beati Dionysii, Ang. hier. IV, declaratur: “Si aliquis, inquit, dicat per se sine medio quasdam fieri sanctorum apparitiones, discat hoc sapienter ex sanctissimis Eloquiis quod “nullus vidit neque videbit homo vivens vultum Dei”. Apparitiones autem sanctis facte sunt secundum convenientes Dei quasdam proportionabiles visiones et manifestationes”. Unde bene sponsa
437-442 Si – manifestationes] Ps.-Dion., De cael. hier., IV, 8084-8101 425 respiciendum] dum add. O luminositates] immensitates OPM 431 solus] solis N 432 quo] quasi N 434 velit obsistere] quidam obsisteret N (est-ce cela?) 442 proportionabiles] proportionales PM
425
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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que brillante et toute splendide qu’ils sont eux-mêmes proportionnellement élevés et déployés pour recevoir ses plus que très douces influences. Parce que véritablement, non seulement les substances supracélestes participent à la clarté divine et en sont capables, mais également les âmes rationnelles — le rayon divin nous vient par elles —, l’épouse dit: Voici que lui-même se tient derrière notre mur, regardant par la fenêtre, regardant par les treillis. C’est dire: Le rayon plus qu’aimable de la splendeur théarchique demeure de façon uniforme derrière l’impureté de notre matérialité, se donnant parfois à regarder par de grandes luminosités, se laissant voir parfois par de nombreux petits rayons de sa lumière. Par «notre mur», est désignée l’impureté de la matérialité humaine; il empêche la clarté plus que brillante du soleil de briller immédiatement sur l’âme déiforme. Le rayon de ce soleil est dit pour autant se tenir derrière le mur, car, en son être plus que très brillant, il demeure derrière l’intelligence, prêt à éclairer totalement et immédiatement, à moins que la même impureté de notre matérialité ne veuille s’opposer à lui comme un mur. Il faut donc dire que, tant que l’âme déiforme dépendra de son propre corps, elle ne pourra pas contempler Dieu immédiatement. Ces paroles du bienheureux Denys, dans la Hiérarchie angélique, ch. IV, l’expliquent fort bien: «Si quelqu’un soutient que certaines apparitions furent faites par elles-mêmes, sans intermédiaire, à des saints, qu’il apprenne sagement des paroles très saintes que nul homme vivant n’a vu et ne verra le visage de Dieu; mais les apparitions de Dieu aux saints correspondent à certaines visions et manifestations proportionnelles.» Notre épouse dit donc bien que le bien-
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nostra ait dilectum respicere per fenestras et prospicere per cancellos, quia nunc per magnas luminositates et luculentias respiciendum se prebet, sicut intelligentiis admodum depuratis, nunc autem per crebros radiolos lucescentes et cancellos prospectum sui elargitur, sicut animabus minus puris. Ex his notare possumus quod nihil aliud est animam respicere vel videre Deum, nisi videre videntem aut respicientem se. Unde notabiliter ait: respiciens per fenestras, prospiciens per cancellos, quasi diceret: sive magnis, sive parvis a divino radio illuminationibus perlustremur, non tamen propter hoc eum nos, sed ipse nos videt. Quod utique non est eum videre. Sunt autem aliqui qui ad tantum amoris excessum et ad tantam animi puritatem devenerunt, etiam in hac vita, ut ipsum velamen intellectuale quo supersplendens | divina claritas occultatur ante ipsorum intellectuales oculos tenuissimum reddatur, interdum etiam amoveatur, iuxta illud deificati Apostoli verbum: “Nos autem reveleta facie gloriam Domini contemplantes in eamdem imaginem transformamur de claritate in claritatem, tanquam a Domini Spiritu”, quod est dicere: remota omni impuritate faciem intelligentie velante, gloriosam thearchici radii claritatem speculamur per unitionem ad ipsam, in eamdem nostram intelligentiam transmutantes, tanquam per ipsum radium manuducti. Est autem duplex facies, scilicet intelligentie et Dei, quarum una, scilicet intelligentie, cotidie in viris sanctis revelatur ad Deum intellectualiter contemplandum, altera vero solum revelanda est in futuro. Prima vero velatur per nostre materialitatis impuritatem, propter dependentiam anime ad corpus. Hanc tamen illi habent aliqualiter revelatam qui per excessum divini amoris deificati suam sic dependentiam in Deum
458-460 Nos – Spiritu] II Cor. 3, 18 448 animam] om. PM 449 videre2] Deum add. N 452 tamen propter] tantum per N videt] se autem respicientem se add. O add. et eras. P 454 et – puritatem] om. N 458-459 contemplantes] speculantes N 461 gloriosam] gloriosi PM 463 per] ad PM 467 velatur] revelatur N 468 materialitatis] immaterialitatis PM
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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aimé regarde par les fenêtres et voit à travers les taillis, car, tantôt il se laisse regarder au moyen de grandes et splendides clartés — ainsi fait-il pour les intelligences absolument purifiées —, tantôt il se laisse voir au moyen de petits rayons, brillants et nombreux à travers les grilles — ainsi fait-il pour les âmes moins pures. En conséquence, nous pouvons noter que, pour l’âme, regarder ou voir Dieu n’est rien d’autre que voir celui qui la voit ou la regarde. Elle dit donc admirablement: «Regardant par les fenêtres, par les treillis», comme si elle disait: Que nous soyons visités par le rayon divin grâce à de grandes ou de petites illuminations, ce n’est cependant pas pour cela que nous le voyons, mais lui-même nous voit; ce qui n’est certes pas le voir. Mais il en est certains, qui sont parvenus à un si grand transport d’amour et à une si grande pureté d’esprit, même en cette vie, que le voile lui-même intellectuel, qui cache la plus brillante clarté divine, est devenu très mince devant leurs yeux intellectuels: celui-ci est aussi parfois ôté, selon cette parole de l’Apôtre déifié: «Contemplant sans voile la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image de clarté en clarté comme par l’Esprit du Seigneur», c’est-à-dire: toute impureté qui voile la face de l’intelligence ayant été écartée, nous regardons, grâce à notre union avec elle, la clarté glorieuse du rayon théarchique, changeant en elle-même notre intelligence comme étant conduits par le rayon lui-même. Mais il y a deux faces, à savoir celle de l’intelligence et celle de Dieu. L’une d’elles, celle de l’intelligence, est chaque jour manifestée chez les hommes saints, pour qu’ils contemplent Dieu intellectuellement; l’autre, en revanche, ne doit être manifestée que dans le futur. Mais la première est voilée par l’impureté de notre matérialité à cause de la dépendance de l’âme à l’égard du corps. Elle est cependant quelque peu manifestée à qui, déifié par l’excès de l’amour divin, a transporté en Dieu sa dépendance, de telle sorte qu’il dépend, pour ainsi dire, plus de
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
transtulerunt, ut plus quasi a Deo dependeant quam a corpore. Sed quis talis, et laudabimus eum? Secunda autem facies, scilicet Dei, velatur per suffusionem nimie claritatis. Tanta enim est diffusio radiantium splendorum intelligibilium ut ipsa superclaritas tenebre videatur per quam, ne videri possit, superlucens Dei 475 facies occultatur. Hinc est quod sanctus ait Dionysius, Epist. ad Dorotheum ministrum: “Divina caligo est inaccessibile lumen in quo habitat Deus, invisibilis existens propter excedentem | cla- (135d) ritatem et inaccessibilis idem propter excessum supersubstantialis luminis effusionis”. Itaque dilecto post parietem intellectualis 480 enigmatis latitante et sponsam suam, nunc magnis irradiationibus, nunc parvis illuminationibus, ad respiciendum suspendente, ait: 2, 10a
En dilectus meus loquitur mihi. Ac si dicat: superdiligibilis radius suis me splendoribus 485 quasi sine verbo et sono vocibus alloquitur. Vere res est multipliciter admiranda, quoniam divinus radius non solum est lumen, sed verbum et vox, lumen illuminans non illuminatum, verbum proferens non prolatum, viva voce vox intonans non intonata, lumen illuminans non illumi- 490 natum ad Dei visionem, verbum bene instruens divinorum intelligibilium et materialium rationem, vox vivaciter excitans ad sursumactionem. Quemadmodum per divinum Dionysium traditur, Eccl. hier. IV: “Substantia, inquit, bene olens ab igneis et mundissimis substantiis ad manifestationem sursum movere diligit et 495 divinissimas ipsius inspirationes in ditissimis distributionibus donat, sic ipsam supermundane evocantibus”. Que autem sit 477-480 Divina – effusionis] Ps.-Dion., Ep. VI ad Doroth., 6201-4 Substantia – evocantibus] Ps.-Dion., De eccl. hier., IV, 12994-13003
494-497
472 talis] est add. PM 482 ad] se add. N 484 En] Et O 486 sono vocibus] sine sono vocis me PM 488 lumen2] om. OPMac 489 prolatum] propalatum O 490 non intonata] om. OPM 490-491 non illuminatum] om. OPM 491 bene] om. N 492 materialium] immaterialium PM
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Dieu que du corps. Mais qui est tel, et nous le louerons? La seconde face, celle de Dieu, est voilée par l’infusion d’une clarté extrêmement grande. En effet, la diffusion de brillantes splendeurs intelligibles est si grande, qu’est vue la superclarté même de la ténèbre qui cache la face plus que brillante de Dieu, afin qu’elle ne soit pas vue. Saint Denys dit donc, dans l’Épître au ministre Dorothée: «La ténèbre divine est l’inaccessible lumière en laquelle Dieu habite; elle est invisible à cause de son éclat qui passe toute mesure; elle est inaccessible à cause de l’excès de l’effusion de la lumière supersubstantielle. Au bien-aimé, qui se cache derrière le mur de l’énigme intellectuelle, et tient son épouse en suspens pour la regarder tantôt par de grands rayonnements, tantôt par de petites illuminations, l’épouse dit donc: Voici que mon bien-aimé me parle. Comme si elle disait: Le rayon plus qu’aimable me parle par ses splendeurs, comme par des voix sans parole ni son. C’est vraiment une chose grandement admirable que le rayon divin non seulement soit lumière, mais parole et voix; lumière qui illumine et n’est pas illuminée, parole qui déclare et n’est pas déclarée, voix qui retentit fortement et n’est pas proférée; lumière qui illumine et n’est pas illuminée ordonnée à la vision de Dieu; verbe qui fait largement connaître la raison des réalités divines intelligibles et des choses matérielles; voix qui incite vivement à se redresser, ainsi que l’enseigne le divin Denys dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. IV: «La substance qui sent bon aime mouvoir vers le haut, par des substances de feu très pures, en vue de se manifester; elle dispense en de très riches distributions ses très divines inspirations à ceux qui l’appellent ainsi, de façon supramondaine.»
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
ista supermundana vocatio a divina inspiratione per distributiones angelicas in deiformem animam procedens, additur subsequenter:
2, 10b
Surge, propera, amica mea, columba mea, formosa mea | et veni. Quod est dicere: fortiter te super te eleva et viriliter accelera, anima deiformis que mihi est per dilectionem ardentissimam counita, per intentionem simplicissimam coniuncta, per omnium virtutum perfectionem associata, et ad divinam supermentalem unitionem festina. Attende quoniam non sine causa triplex sponse vocatio, scilicet de materialibus ad intelligibilia, de intelligibilibus ad divina, in hiis tribus verbis distinguitur: surge, propera et veni; triplex interponitur nominatio per amice, columbe et formose nomen designata. Nam, quia difficillimum est anime materialium actioni intente ad intelligibilia surgere, quod est se supra se elevare, ideo ipsa a dilecto amice nomine nuncupatur, quasi diceret sponsus: si viriliter a materialium actione consurrexeris meis suavissimis amplexibus quasi amica carissima potieris. Propter quod sanctus Dionysius, Myst. Theol. I, Timotheum ad hoc ipsum excitans, ait: “Tu autem, amice Timothee, circa mysticas visiones forti contritione sensus derelinque, et intellectuales operationes, et omnia sensibilia et intelligibilia”. In hoc autem quod ait sensus derelinquendos forti contritione, notat difficultatem abstractionis sensuum a sensatis. Quod vero dicit omnimodam derelictionem intelligibilium, hoc est properare sive viriliter accelerare, per ferventes gemitus amativos, aut simplices intentionum intu-
516-518 Tu – intelligibilia] Ps.-Dion., Myst. theol. I, 5672-4 503 counita] amica PM 506 triplex] duplex M vocatio] vocationi N 508 in] que N tribus] duobus M 510 difficillimum] difficilius O 514 quasi amica] om. N 517-519 et intellectuales – derelinquendos] om. N 520-521 Quod – derelictionem] Quia vero per mundam regionem N 521 hoc] non N accelerare] nisi add. N
(136a)
505
510
515
520
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Quel est cet appel supramondain qui procède par les distributions angéliques de l’inspiration divine en direction de l’âme déiforme? Cela est tout de suite ajouté: Lève-toi, hâte-toi, mon amie, ma colombe, ma toute belle, et viens. C’est dire: Élève-toi avec force au-dessus de toi et hâte-toi courageusement, âme déiforme qui m’est unie par un amour très ardent, conjointe par une intention très simple, associée par la perfection de toutes les vertus, et presse-toi vers l’union divine qui dépasse l’esprit. Ce n’est pas sans raison, penses-y, que la triple invitation adressée à l’épouse d’aller des choses matérielles aux choses intelligibles, de celles-ci aux choses divines, est formulée en ces trois mots: «Lèvetoi, hâte-toi et viens». S’interpose la triple désignation nominale: «Aimée, colombe, toute belle.» Parce que rien, en effet, n’est plus difficile pour l’âme occupée aux choses matérielles que de s’élever aux choses intelligibles — ce qui est s’élever au-dessus de soi-même —, le bien-aimé l’appelle «amie», comme si l’époux disait: Si tu t’élevais avec courage au-dessus des choses matérielles qui t’occupent, tu recevrais, comme une amie très chère, mes très douces caresses. La stimulant en ce sens, saint Denys, dans la Théologie mystique, ch. I, dit à Timothée: «Toi donc, ami Timothée, s’agissant des visions mystiques, abandonne avec grand effort les sens et les opérations intellectuelles et toutes les choses sensibles et intelligibles.» En disant qu’il faut abandonner les sens avec grand effort, il montre la difficulté d’abstraire les sens des objets sensibles. En disant qu’il faut abandonner totalement les intelligibles, il signifie qu’il faut se hâter ou faire diligence avec courage par de fervents gémissements d’amour ou par de simples regards d’intention. C’est
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
itus. Ideo ad ipsam, quia festinanter post resurrectionem a materialibus monita est properare, co|lumbe nomine appellatur, ac si ei dicatur: ideo per intellectualia moneo te properare, quia te continue video per amativos gemitus fervere et simplicitate intentionis pollere. Quoniam autem ad supermentalem divini radii unitionem nullatenus est venire, nisi per mundam sanctarum virtutum perfectionem, idcirco ad ipsam suasa pervenire sponsa formose nomine est nuncupata quasi sibi dicatur: quia te conspicio omnium sanctarum virtutum habitum habere decorem et formam, ideo te ad divinam superbeatam et superdulcem unitionem iubeo venire, que non nisi formosis intelligentiis condonatur. Ad hanc triplicem vocationem profecto valde deberet se uniuscuiusque viri sancti anima disponere et habilitare, ut sic cum divino Paulo posset illud verbum suavissimum exclamare: “Vivo ego”, supersensibilis sensibiliter, “iam non ego”, sensibilis sensibiliter, sed intelligibilis intelligibiliter, “vivit vero in me Christus”, quia deificatus et unitus deificam vitam ago. Huius triplicis bone vocationis si volumus esse participes, ad continentiam et fervorem divini amoris est laborandum, per cuius fortitudinem supra nos elevamur, quod est amicam surgere, per cuius illuminationem circa intellectualia operamur, quod est columbam properare, per cuius suavissimam fragrantiam divinis unimur, quod est formosam venire. Surge autem dicitur quia non est materialibus inherendum, propera quia per intelligibilia proficiendum, veni ad deintus quiescendum. Hoc autem satis pulchre figuratum est in illa sancta Domini transfiguratione ubi | ait Petrus per suavitatem divini luminis occupatus: “Domine, bonum est nos hic esse”, etc. Per hoc autem scienter nescius significavit quod et materialia, que per ipsum Moysen, et intelligibilia, que per Heliam, et divina, que per Iesum intelliguntur, in altitudine sola
536-538 Vivo – Christus] Gal. 2, 20
549-550 Domine – esse] Matth. 17, 4
523 ad] autem O ipsam] ipsa O ipsum PM quia] om. NP resurrectionem] relictionem PM 528 mundam] immensam N 532 divinam] mei N
(136b)
525
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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pourquoi, invitée à se hâter vers eux après s’être élevée au-dessus des choses matérielles, elle-même reçoit le nom de «colombe», comme s’il lui était dit: Je t’engage à te hâter à travers les réalités intellectuelles, car je te vois bouillonner continuellement de gémissements amoureux et très puissante par la simplicité de ton désir. Mais, parce que l’on ne parvient d’aucune manière à l’union supramentale du rayon divin, si ce n’est par la pure perfection des saintes vertus, l’épouse, persuadée d’y parvenir, est appelée «toute belle», comme s’il lui était dit: Parce que je vois que tu possèdes l’habitus, l’éclat et la forme de toutes les saintes vertus, je t’ordonne de parvenir à l’union plus que bienheureuse, plus que douce, uniquement accordée aux belles intelligences. L’âme de tout homme saint devrait certes se disposer grandement et se rendre apte à répondre à cette triple invitation, de telle sorte qu’elle puisse dire avec le divin Paul cette très agréable parole: «Moi», plus que sensible, «je vis» sensiblement, maintenant, je ne vis plus sensible sensiblement, mais intelligent intelligemment; «mais le Christ vit en moi», car, déifié et uni, je mène une vie déifique. Si nous voulons avoir part à cette heureuse triple invitation, nous devons nous inquiéter de ce que contient l’amour divin et de sa ferveur dont la force nous élève au-dessus de nous-mêmes — il est dit à l’âme de se lever —, dont l’illumination nous fait nous occuper des réalités intelligibles — il est dit que la colombe se hâte —, dont l’odeur très agréable nous unit aux choses divines, ce qui est venir en étant très belle. Mais il est dit: «Lève-toi», car il ne faut pas être attaché aux choses matérielles; «hâte-toi», car il faut s’avancer à travers les intelligibles; «viens», pour reposer en dedans. Cela est très bellement figuré dans la sainte Transfiguration du Seigneur, lorsque Pierre, envahi par la douceur de la lumière divine, dit: «Seigneur, il nous est bon d’être ici...» Il indiqua par là, le sachant en l’ignorant, que, par Moïse, on entend les choses matérielles; par Élie, les choses intelligibles; par Jésus, les choses divines, et qu’on les
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
divine unitionis et visionis quiescunt. Hinc sanctus ait Dionysius, De div. nom. XI: “Unam igitur et quamdam simplicem pacifice unitionis contemplemur naturam, unientem sibi ipsi universa 555 et illis ipsis et sibi invicem, et salvantem omnia et in non confusa omnium continentia et immixta et concreta. Propter quod divine mentes unite intellectibus suis uniuntur et aliis unitis, et rursus ad ignotam ascendunt supra mentem collatorum coniunctionem.” Ad ipsum enim omnia convertuntur, quemadmodum et ad ipsum 560 singula, ut finem. Quare autem sponsa tam sollicite advocetur, ratio est ipsa opportunitas que per sequentia subinfertur:
2, 11
Iam enim hiems transiit, imber abiit et recessit. Ac si dicat: iam mentalis frigiditas pertransivit et superabundans suavitas distributionis abscessit ut, non hinc per defec- 565 tum, nec illinc per excessum, valeas impediri. Nota quod duo sunt impedimenta occurrentia anime deiformi, ut iam inceptam mentalem actionem non valeat perficere, vel etiam non inceptam incipere. Hec autem sunt frigiditas amoris que per hiemem et superabundantia distributionis que per 570 imbrem designatur; quorum primum nondum inceptam, reliquum vero iam inceptam impedit actionem. Et primum quidem sic est impedimentum | quod vere est impediens, secundum (136d) autem sic est impedimentum quod tamen expediens. Nam frigiditas, aut tepiditas amoris per hiemem designata impedit intel- 575 ligentiam, ne mentale aliquod opus possit incipere, sive theoriam intelligibilem ordinare. Cum enim iuxta beati Dionysii sententiam, Eccl. hier. II, “primus motus ad divina dilectio Dei” 554-559 Unam – coniunctionem] Ps.-Dion., De div. nom., XI, 5023-5034 primus – Dei] Ps.-Dion., De eccl. hier., II, 11074
578
555 unientem] viventem P 556 et in] om. M 560 quemadmodum] que ad Deum OPac quasi ad Deum PpcM 564 frigiditas] fragilitas P 568 iam] nondum N 573 est2] om. N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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perçoit s’accordant dans la seule sublimité de l’union et de la vision divines. Saint Denys dit donc dans les Noms divins, ch. II: «Considérons donc l’unique et simple nature de cette union de paix, qui unit toutes choses à soi-même, à elles-mêmes et entre elles, qui les sauve toutes, qui les tient toutes sans confusion, sans mélange, condensées d’une manière concrète. C’est la raison pour laquelle les esprits divins, unis à leurs propres pensées, sont unis aux autres, qui sont également unis et s’élèvent en outre à l’union inconnue des choses situées au-dessus de l’esprit. En effet, toutes choses et chacune d’elles sont tournées vers Dieu comme vers une fin. Pourquoi l’épouse est-elle appelée avec tant de sollicitude? La raison en est l’occasion favorable que la suite expose: Déjà, en effet, l’hiver s’est éloigné, la pluie s’en est allée, et elle a cessé. Comme s’il disait: Déjà a passé la froideur de l’esprit; la surabondante douceur de la distribution a disparu, afin que tu ne puisses être arrêtée ni, d’un côté, par le manque; ni, d’un autre, par l’excès. Note que deux obstacles se présentent à l’âme déiforme pour qu’elle ne puisse achever maintenant l’action ébauchée de l’esprit ou même commencer celle qui ne l’est pas. Ce sont la froideur de l’amour, désignée par l’hiver, et la surabondance de la distribution, désignée par la pluie. Le premier empêche l’action qui n’est pas encore entreprise; le second empêche l’action déjà commencée; le premier est un empêchement, qui vraiment empêche; le second un empêchement, qui est cependant avantageux. De fait la froideur ou la tiédeur de l’amour, que l’hiver désigne, empêche l’intelligence de mettre en train quelque œuvre de l’esprit ou de composer une théorie intelligible. Comme, en effet, selon l’opinion du bienheureux Denys dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. II: Le premier mouvement vers les choses divines est l’amour de Dieu»,
202
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
sit, ubi hec tepere inceperit iam intellectualis theorie principio est privata anima boniformis; ut vera per orationis instantiam et lectionis frequentiam, aut alicuius boni operis manualis diligentiam, ipsa mentis frigiditas fuerit exclusa et divini amoris lucerna succensa, iam non est nisi ut “alas suas ad austrum expandat”, suam incipiens theoriam, ne iterum a frigiditatis malitia capiatur et sic felici volatu privetur. Tradit enim beatus Dionysius, Eccl. hier. II, quod “non solum recedere debet a malitia universa, sed et viriliter inflexibilis esse ad ipsam, ne se denuo ad perdita submittat”. Sed quid de amore? “Neque, ait, finem sancti amoris aliquando fieri, sed attente et eternaliter ad ipsum extendi et ad perfectionem thearchice sursumactionis semper sancte negotiari”. Non enim sufficit transisse hiemem mentalis frigiditatis, nisi nos ipsos fortiter extendamus etiam indeclinabiliter in fervorem amative caritatis, que semper est sursumactiva et ad divinorum perfectionem sancte semper negotiativa. Hinc est quod bona ait Theologia, Iudic. 13, “angelum Domini in flamma ignis in celum ascendisse”, per quod datur intelligi | quoniam per ardentis amoris calidum igniculum Seraph mentis nostre ac deiformitas ad divinorum spectaculorum altitudinem sursumfertur. Quibus, cum nonnunquam anima unita sit, tantum divina distributione perfunditur, ut pre nimia suavitatis dulcedine progressu theorie impediatur ne eam valeat terminare. Ideo etiam hoc ipsum tale expediens impedimentum a dilecta amovetur, dum ei dicitur: imber abiit, quod est dicere: o anima, superexcedens divine distributionis abundantia pertransiit ut iam non impediaris theori583 alas – expandit] Iob 39, 26 586-588 non – submittat] Ps.-Dion., De eccl. hier., II, 11494-11502 588-590 Neque – negotiari] Ps.-Dion., De eccl. hier., II, 11502-11511 595-596 angelum – ascendisse] Iudic. 13, 20 579 inceperit] ceperit PM 580 est privata] privatur N 581 frequentiam] om. N boni operis] bone operationis N 582 et] ipsa calore add. N 583 succensa] accensa O ut] om. PM 584 a] om. PM 588 amoris] veritatis add. N 590 sursumactionis] scripsi cum O sursum actionem NPM 598 Quibus, cum] quia tamen N 599 unita sit] sic ignita in N 603 o anima] iam N 604 iam] om. O
580
585
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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dès que celui-ci commence à tiédir, l’âme de bonne forme est alors privée du commencement de la théorie intellectuelle; mais, dès que par l’instance de la prière, la fréquence de la lecture ou l’accomplissement diligent d’une bonne œuvre manuelle, la froideur de l’esprit aura été repoussée, et allumée la lampe de l’amour divin, alors «qu’elle étende ses ailes vers le midi», commençant sa théorie, afin de n’être pas saisie à nouveau par la malice de la froideur et ainsi privée de son vol heureux. Le bienheureux Denys enseigne, en effet, dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. II, que «non seulement on doit s’écarter de toute malice, mais encore être courageusement inflexible envers elle, afin de ne pas se soumettre de nouveau à ce qui est dépravé.» Mais qu’en est-il de l’amour? «Ne jamais, dit-il, en arriver au terme du saint amour, mais être tendu vers lui avec application et sans cesse, travailler toujours saintement à la perfection de l’élévation théarchique.» Il ne suffit pas, en effet, d’avoir passé l’hiver de la froideur de l’esprit, si nous ne nous tendons pas fortement et sans dévier vers la ferveur de la charité passionnée, qui pousse toujours vers le haut et œuvre toujours saintement en vue de la perfection des choses divines. La bonne Théologie dit donc: «L’ange du Seigneur monta au ciel au milieu des flammes.» Par quoi il est donné à penser, que, par le chaud petit feu de l’amour ardent, le séraphin et la déiformité de notre esprit sont emportés vers la hauteur des spectacles divins. Parce qu’elle leur est quelques fois unie, l’âme est tellement pénétrée de la distribution divine, qu’à cause de la trop grande douceur de la suavité, elle est entravée dans le développement de la théorie, au point de ne pouvoir l’achever. C’est aussi pourquoi cet empêchement avantageux est écarté de la bien-aimée, quand il lui est dit: «La pluie a cessé», c’est-à-dire: Ô âme, l’abondance surexcédente de la distribution divine a cessé, pour que tu ne sois plus empêchée de terminer la théorie que tu avais commencée; mieux, tu pourras
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2, 12a
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
am quam inceperas terminare; immo, tanto fortius poteris implere quanta copiosius imbre intelligibili es perfusa. Ad hoc sciendum est quoniam divinus imber duo stillat, scilicet dulcedinem qua infunditur vis motiva et lumen quo perfunditur cognitiva, ita ut libeat interdum illud exclamare: “super imbrem eius expavescit cor meum”. Tunc enim imber dicitur abire, cum per divinam providentiam nimietas dulcedinis subtrahitur, tunc vero recedere, cum excessus luminis temperatur, ut sic demum eo ferventius sursumferatur anima deiformis quo se videt impotentem ad tantam divini imbris distributionem sustinendam. Propter quod legimus, Iob 38, cuidam sanctorum nostrorum fore dictum: “Quis dedit vehementissimo imbri cursum”, quasi diceret: ille solus divine suberabundantis distributionis cursum accelerat qui proportionem novit animarum. Inde etiam est illud: “Veniet nobis quasi imber temporaneus et serotinus terre”, hoc est ut opportunissime seipsum infundat, cum ad sui susceptionem vident | animam magis aptam. Itaque, quoniam deiformis anima sepe super se divinum imbrem venientem suscipiens generat herbam tempore opportuno, utpote a thearchico radio quo incolitur benedicta, ergo bene subiungitur:
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Flores apparuerunt in terra nostra, tempus putationis advenit.
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Quod est dicere: candidissime et fragrantissime irradiationes resplenduerunt in intelligentia deiformi, propter quod opportunitas precidendi intellectuales operationes appropiavit, ne divina unitio retardetur. Sane illi sunt hii flores de quibus sancta tradit Theologia 630 Isaie, 58: “Implebit, inquit, splendoribus animam tuam, et eris
609-610 super – meum] Eccli 43, 20 616 Quis – cursum] Iob 38, 25 618-619 Veniet – terre] Os. 6, 31 631-632 Implebit – irriguus] Is. 58, 11 605 fortius] ipsam add. N 610 per] nimiam add. PM
implere] explere N 608 vis] via Op.cP 628 appropiavit] appropriavit P apparuit M
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la terminer avec d’autant plus d’ardeur que tu es inondée plus abondamment de pluie intelligible. Il faut savoir pour cela, que la pluie divine dispense goutte à goutte deux choses: la douceur par laquelle est pénétrée la puissance motrice, et la lumière par laquelle est arrosée la puissance cognitive, de telle sorte qu’il est parfois permis de proclamer: «Mon cœur s’effraie de son eau.» En effet, la pluie est dite s’en aller, quand, par la providence divine, est soustraite la surabondance de la douceur; on dit qu’elle s’éloigne, quand est tempéré l’excès de la lumière, de telle sorte qu’ainsi enfin l’âme déiforme est élevée avec d’autant plus de ferveur, qu’elle se voit incapable de recevoir une si grande distribution de pluie divine. Nous lisons donc, qu’à Job, l’un de nos saints, doit être dit: «Qui a ouvert le cours à la pluie torrentielle?», comme s’il disait: celuilà seul qui connaît la proportion des âmes accélère le cours de la distribution surabondante divine. D’où également ce verset: «Il viendra sur nous comme pluie printanière et tardive de la terre», c’est-à-dire, pour qu’il se répande lui-même très opportunément, quand il aura vu que l’âme est plus apte à le recevoir. C’est pourquoi l’âme déiforme, recevant souvent la pluie divine qui tombe sur elle, produit l’herbe en temps opportun, parce que bénie par le rayon théarchique qui l’habite, il est ajouté avec bonheur: Les fleurs sont apparues sur notre terre; le temps de la taille est venu. C’est dire: Les très éclatantes et très odoriférantes irradiations ont resplendi dans l’intelligence déiforme; l’occasion favorable s’est donc présentée de retrancher les opérations intellectuelles, de peur que soit retardée l’union divine. Vraiment, la sainte Théologie d’Isaïe parle de ces fleurs. «Le Seigneur, dit-elle, remplira ton âme de splendeurs et tu seras comme
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
sicut hortus irriguus.” Cum quanta vera sollicitudine hic hortus a supersapientissimo thearchico radio excolatur ut ad talium florum productionem, hoc est candidissimarum et fragrantissimarum illuminationum irradiationem, perducatur, satis luculenter patet per beatum Dionysium, De div. nom. IV, dicentem: “Lumen intelligibile bonum dicitur, propter hoc quidem quod omnem celestem mentem implet intelligibili lumine, omnem autem ignorantiam et errorem expellit ab omnibus quibus ingignitur animabus, et omnibus illis sanctum lumen tradit et intellectuales ipsorum oculos mundat a circumposita ipsis fece ex ignorantia, et movet et aperit multa tenebrarum gravitate conclusos et tradit primo quidem mensuratam claritatem et postea illis sicut gustantibus lumen et magis desiderantibus magis seipsum immittit et superfulget | abundantius, quoniam dilexerunt multum”. Ut ergo istius beati luminis superfulgentia, ministerio intellectualis hortulani, thearchici radii, quasi quidam candidissimi et beneolentissimi flores, in animam deiformem inceperint radiare, tunc non est dubium tempus putationis advenire, hoc est opportunitatem intellectuales operationes precidendi appropiare, ne supersubstantialis unitio tardetur, vel impediatur. Hinc beatus Dionysius, De div. nom. I: “Et post omnem secundum nos deiformem intellectualium unitionem sedantes”, id est precidentes, “nostras intellectuales operationes ad supersubstantialem radium, secundum quod est fas, nos immittimus”. Sicut enim tela preciditur ante finem, sic et intellectualis actio, antequam finiatur sive finem debitum consequatur, terminanda est. Finis vera ad quem intendit est unitio in qua finitur et terminatur omnis cognitio. Unde cum idem beatus Dionysius dixisset: “Ad 636-645 Lumen – multum] Ps.-Dion., De div. nom., IV, 1724-1743 652-655 Et – immittimus] Ps.-Dion., De div. nom., I, 323-4 659-660 Ad – immittimus] Ps.-Dion., De div. nom., I, 334 633 excolatur] excolitur PM 637 quidem] om. N 639 omnibus] in add. N 643 quidem] om. PacM 646 ministerio] misterio PM 646-647 intellectualis hortulani] intellectuali hortulum P 649-651 hoc est – appropiare] om. OPM 657 est] om. OPM
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un jardin irrigué.» En effet, ce jardin est cultivé par le rayon théarchique plus que très sage avec une si grande sollicitude qu’il en vient à produire de telles fleurs, c’est-à-dire l’irradiation d’illuminations très éclatantes et très odoriférantes. Cela est fort élégamment montré par le bienheureux Denys disant, dans les Noms divins, ch. IV: «La lumière intelligible est dite bonne, parce qu’elle emplit de lumière intelligible tout esprit céleste, dissipe toute ignorance et toute erreur dans les âmes en lesquelles elle existe, dispense à tous une lumière sainte, purifie également les yeux de leur esprit, de l’impureté qui les entoure du fait de l’ignorance, les éveille et les ouvre, fermés qu’ils sont par de lourdes ténèbres. Elle donne d’abord une lumière mesurée, puis elle se donne davantage à eux comme à ceux-là mêmes qui goûtent la lumière et qui la désirent davantage. Elle brille sur eux avec plus d’abondance, parce qu’ils ont beaucoup aimé.» Dès que, par l’éclat plus que brillant de cette lumière bienheureuse, grâce à l’assistance du jardinier intellectuel, les rayons théarchiques, tels des fleurs très éclatantes et très odoriférantes, auront commencé à briller sur l’âme déiforme, alors il n’est pas douteux que le temps de la taille arrive pour que l’union supersubstantielle ne soit pas retardée ou empêchée. D’où cette parole du bienheureux Denys, dans les Noms divins, ch. I: «Après toute union déiforme des choses intellectuelles selon qu’il nous est possible, arrêtant», c’est-à-dire retranchant, «nos opérations intellectuelles, nous nous élançons vers le rayon supersubstantiel, selon qu’il est permis.» De même, en effet, que la toile est coupée avant son extrémité, de même l’action intellectuelle doit être terminée avant que la fin soit acquise, et atteinte la fin qui est due. Or, la fin à laquelle elle tend est l’union en laquelle toute connaissance a sa fin et son terme. Après avoir dit: «Nous nous lançons vers le rayon supersubstantiel selon qu’il est permis», le même bienheureux Denys a donc ajouté: «en lequel toutes les limites de
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supersubstantialem radium, secundum quod est fas, immittimus”, 660 addidit: “in quo omnes fines omnium cognitionum superineffabiliter preextiterunt.” Quia vero plerumque contingit ut non solum per nimis distantem unitionem, verum etiam per divinam inspirationem presentiat intelligentia mentales actiones non tamen esse precidendas, ideo bene additur: 665 2, 12b
Vox turturis audita est in terra nostra. Quod est dicere: inspiratio divini radii certissimi insonuit in intelligentia deiformi. Aliquando autem talis actio accidit anime intellectualiter operanti, ut modicum velit eam dilectus privari potius suavitate unitionis quam exercitio illius actionis. Propter quod a castissimo divino radio per turturem designato, sine sono et strepitu | inspiratur ne finem actioni imponat, sed in ipsam potius, quantum licuerit, se exercitando extendat, ut tanto postmodum sit altior elevatio in Deum quanta fuerit protensior actio in radium. Hinc divinus ait Dionysius, De div. nom. III: “Nos igitur ipsos orationibus extendamus ad altiorem divinorum et bonorum radiorum respectum. Sicut si multiluminis catena, ex celesti summitate pendente, ad anteriora autem descendente, semper ipsam mutatis manibus ab anterioribus capientes, trahere quidem ipsam deorsum videmus, revera autem illam non deponeremus et sursum et deorsum presentem, sed nos ipsi sursumageremur ad altiores multorum luminum splendores radiorum”. Aut certe dici potest quod per vocem turturis intelligitur amativum suspirium anime deiformis, que per virtutem operationum intelligibilium confinia regionis divinorum ingressa in 676-683 Nos – radiorum] Ps.-Dion., De div. nom., III, 1241-1253 664 actiones] affectiones PM 664-665 non tamen] nondum N 669 autem] namque N 672 designato] designata PM 674 exercitando] exercendo N 675 radium] radiis O 679 ad] om. N anteriora] interiora anime PM 680-681 trahere – vedemus] om. N capientes deorsum trahere videremus PM 686 confinia] confiniam O
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toutes les connaissances ont existé à l’avance de façon plus qu’ineffable. Mais, parce que, la plupart du temps, il arrive que, non seulement en raison de l’union trop distante, mais aussi de l’inspiration divine, l’intelligence pressente que les actions de l’esprit ne doivent cependant pas être retranchées, il est heureusement ajouté: La voix de la tourterelle s’est fait entendre sur notre terre. C’est dire: L’inspiration du très assuré rayon divin a retenti dans l’intelligence déiforme. Mais parfois il arrive à l’âme qui agit intellectuellement que le bien-aimé la veuille un peu privée de la douceur de l’union, plutôt que de la pratique de cette action. À cause de cela, le très chaste rayon divin désigné par la tourterelle lui inspire, sans voix et sans bruit, de ne pas mettre fin à l’action, mais plutôt d’y tendre autant qu’il lui plaira, afin que, par la suite, l’élévation vers Dieu soit d’autant plus grande que l’action aura été prolongée sous le rayon. Le divin Denys dit en conséquence, dans les Noms divins, ch. III: «Nous nous étendons donc vers la contemplation plus élevée des rayons divins et bons que par une chaîne de mille lumières accrochée au plus haut du ciel et descendant sur la terre, si, la saisissant toujours en déplaçant nos mains depuis le bas, nous semblons la tirer vers celui-ci, alors qu’en réalité nous ne la ferions pas descendre, elle qui est présente en haut et en bas, mais nousmêmes serions soulevés vers le haut en direction des splendeurs plus élevées des nombreuses lumières que les rayons émettent.» Ou du moins l’on peut dire que, par la voix de la tourterelle, on entend le soupir amoureux de l’âme déiforme, qui, par la vertu des opérations intelligibles rendue proche de la région des choses divines, lance un si grand soupir d’amour qu’il sera parvenu aux
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
tantum amoris suspirium prorupit ut ipsum ad aures dilecti pervenerit, tunc forte ad auram post meridiem ambulantis. Quo audito ad se concomitantes angelos dixit: vox turturis audita est in terra nostra, quasi diceret: clara resonantia amativi suspirii 690 anime deiformis in regione personuit divinorum. O quam suavissime resonantie vox, que alta celorum penetrans universam terram regionis celestium replet et ipsius superdulcissimi dilecti aures suaviter propulsat, ita ut, oblitis ceteris delectabilibus tinnulis istius amantissime vocis, intentus clamet et dicat: vox tur- 695 turis, etc. Quoniam itaque tam nobilissima vocis emissio et dilecti ad ipsam animam allocutio nihil | aliud est quam beate (138a) deificationis et suavissime unitionis pullulatio, ideo congrue subinfertur: 2, 13a
Ficus protulit grossos suos, vinee florentes odorem dederunt.
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Ac si diceret: deiformis intelligentie amor emisit gemitus amativos et mentalis theorie dulcem cuiusdam suavitatis flatum emittentes perfectam suam fragrantiam resperserunt. Vide quoniam idcirco per ficum deiformitatis amor intelligitur, quia sicut inter arbores nulla est que dulciorem ficu pro- 705 ferat fructum, sic inter virtutes nulla est que perfectiorem amore eliciat actum. Inter hos tamen actus alii aliis sunt fortiores et perfectiores, quemadmodum inter ficus alii aliis inveniuntur maturiores. Unde pro tanto hec intellectualis arbor, amor videlicet, grossos suos dicitur protulisse, quia intelligentia sponse, se ad 710 divinam contemplationem elevante, quosdam amativos gemitus vere et perfecte amative dulcedinis previos, iuxta verbum dilecti credenda est emisisse. Quibus emissis tam cito et tam fortiter plena et perfecta divini amoris dulcedo cepit intellectualiter pul688 ad – ambulantis] Gen. 3,8 687 prorupit] prorumpit O 688 ambulantis] ambulantes O 693 celestium] spiritum add. N 694 delectabilibus] delectationibus PM 696 vocis] om. O 698 congrue] pulchre N 705 est] om. M que] eras. M 706 est] reperitur N 707 fortiores et] om. N 709 amor] om. M 712 previos] premens M
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oreilles du bien-aimé se promenant peut-être à la brise, après midi. Ayant entendu ce soupir, il a dit aux anges qui l’accompagnent: «La voix de la tourterelle est entendue sur notre terre»; comme s’il disait: Le clair écho du soupir amoureux de l’âme déiforme a retenti dans la région des choses divines. Ô voix de l’écho combien très harmonieux, qui, pénétrant les hauteurs des cieux, remplit toute la terre de la région des esprits célestes et frappe agréablement les oreilles du bien-aimé plus que très doux, de telle sorte qu’oubliés les autres sons argentins délectables de cette voix très aimante, attentif, il pousse un cri et dise: «La voix de la tourterelle», etc. Puisque cette émission tellement noble de la voix et cette adresse de l’époux à l’âme elle-même ne sont rien d’autre que la croissance de la déification bienheureuse et de la très douce union, il est ajouté, ainsi qu’il convient: Le figuier a donné ses figues, les vignes en fleur ont répandu leur parfum. Comme s’il disait: L’amour de l’intelligence déiforme a émis des gémissements d’amour et les théories de l’esprit qui émettent le souffle doux d’une certaine suavité ont répandu leur parfaite bonne odeur. Vois que, par figuier, on entend l’amour de la déiformité, car, de même qu’entre les arbres nul ne produit un fruit plus doux que le figuier, ainsi, entre les vertus, aucune ne produit un acte plus parfait que l’amour. Toutefois, parmi ces actes, certains sont plus puissants et plus parfaits que d’autres; de même, parmi les figuiers, certains trouvés plus mûrs que d’autres. En conséquence, pour autant cet arbre intellectuel, à savoir l’amour, est dit avoir produit ses figues, car il faut croire, sur la parole du bien-aimé, que l’intelligence de l’épouse, qui s’élève à la contemplation divine, a émis certains gémissements amoureux, précurseurs de la véritable, parfaite et amoureuse douceur. Ceux-ci étant émis, la pleine et parfaite douceur de l’amour divin commence à donner si vivement et si fortement une impulsion intellectuelle, que les théories intelli-
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sare, ut inde intelligibiles theorie, velut quedam vinee flores dulciformiter fomentate, suum odorem ceperunt dare, hoc est perfectam fragrantiam per totam animam exhalare. Interdum enim tanta intelligibilium theoriarum suavitatis fragrantia ex perfecta amoris dulcedine procedens olfactivam anime respergit, | ut etiam floris suavitas fructus esse credatur, ei tamen qui fructum amoris, qui est unitio, nondum gustavit. Hinc est quod per bonam traditur Sapientiam sic dicentem, Eccle. XXIIII: “Ego quasi vitis fructificavi suavitatem odoris et flores mei fructus honoris et honestatis,” quasi diceret: tanta est mei intelligibilis odoris suavitas qua deiformis anima perfunditur, quod flos fructus esse credatur. Propter quod ait beatus Dionysius, Eccl. hier. IV: “Ad diviniorem ipsius respiciamus pulchritudinem, ipsam in seipsa revelatam velaminibus respicientes et beatam resplendere facientem a seipsa claritatem, et non velato intellectualibus bono nos odore adimplentem.” Ex hiis verbis colligere potes quoniam ipsa divine claritatis revelatio odoris intelligibilis est distributio et anime impletio in qua, non solum mens eam percipiendo delectatur, sed delectando adimpletur. Itaque videns dilectus sponsam suam vehementi amore et intelligibili odore perfusam ad contemplationem beatissimi Crucifixi, excitat eam ut eo ardentius accendatur et copiosius perfundatur. Ait enim:
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Surge, amica mea, sponsa mea, et veni, columba mea, in foraminibus petre, in caverna macerie. Ac si dicat: de quiete lectionis ad exercitium meditationis te erige, tu que es amica mea per fervorem affectionis, sponsa 740 722-724 Ego – honestatis] Eccli 24, 23 Dion., De eccl. hier., IV, 12712-12721
726-730 Ad – adimplentem] Ps.-
718-719 perfecta] divini add. N 719 olfactivam] olfactiva N 728 velaminibus] om. N 732 anime impletio] adimpletio N mens] per add. OPM et eras. O 740 affectionis] affectus N
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gibles, doucement ranimées comme certaines fleurs de la vigne, ont commencé à répandre leur odeur, c’est-à-dire à exhaler une parfaite suave odeur à travers toute l’âme. En effet, parfois la bonne odeur de la suavité des théories intelligibles, émanant de la parfaite douceur de l’amour, remplit l’odorat de l’âme, et est si grande que la douceur même de la fleur est prise pour celle du fruit par qui n’a cependant pas encore goûté le fruit de l’amour qui est l’union. De là vient ce qu’enseigne la bonne sagesse s’exprimant ainsi: «Moi, comme la vigne, j’ai donné la suavité de l’odeur et mes fruits sont des fruits de gloire et d’honnêteté.». Comme si elle disait: Si grande est la suavité de mon odeur intelligible, qui pénètre entièrement l’âme déiforme, que la fleur est prise pour le fruit. C’est pourquoi le bienheureux Denys dit, dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. IV: «Regardons sa beauté plus divine, la regardant en elle-même que des voilent révèlent, faisant resplendir par elle-même sa bienheureuse clarté et nous remplissant d’une bonne odeur non cachée aux intellectuels.» Tu peux conclure de ces paroles que la révélation même de la clarté divine est la dispensation d’une odeur intelligible et le rassasiement de l’âme; en elle, non seulement l’esprit se réjouit en la percevant, mais il est comblé en se réjouissant. Voyant donc son épouse pénétrée d’amour véhément et d’odeur intelligible, le bien-aimé l’incite à contempler le très bienheureux Crucifié, afin d’être par lui plus ardemment enflammée et pénétrée plus abondamment. Il dit en effet: Lève-toi, mon amie, mon épouse, et viens, ma colombe, dans les ouvertures de la pierre, dans la cavité du mur. Comme s’il disait: Élève-toi du repos de la lecture à l’exercice de la méditation, toi qui es mon amie par la ferveur de l’affection,
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mea per perspicacitatem rationis, columba mea per simplicitatem sonitus, et accede | per imaginationem in vulneribus formosissimi Crucifixi. Attende quoniam ideo sponsa admonetur surgere, hoc est de quiete lectionis ad exercitium meditationis se erigere, ut de expressione vindemie, de botris, sive de diligenter examinatis sententiis quas in vineis Scripturarum collegit, eo ferventius suscitetur ad amorem et, ex amore, acutius subtilietur ad cognitionem. Nam si vehemens fuerit, fervor affectionis parit subtilitatem cognitionis et sublimitatem contemplationis. Quod satis pulchre elicitur ex verbis Isaie sic dicentis: “Egredietur virga de radice Iesse,” hoc est subtilitas cognitive ex incendio visionis. Iesse enim incendium sonat; et rursus ex hac flos ascendet virtutis contemplative. Cum enim, iuxta beatum Dionysium, materia ignis “secundum ea in quibus ingignitur ad propriam agat operationem”, necesse est ut mens intellectualis ignis qui amor est, cum ingignitur, ad cognitionem acuatur et ad contemplationis altitudinem extollatur, ubi potissimum necessarius est oculus columbinus, hoc est fidei et intentionis simplicitas sine qua impossibile est animam pervenire ad experientiam divinorum. Ad ipsam enim accedentem oportet credere simpliciterque intendere ne contingat pati repulsam ob fidei infirmitatem et intentionis duplicitatem, que a divinis penitus abdicantur. Inde est quod beatus admonet Dionysius, Eccl. hier. II, ubi ait: “Nullus imperfectus ad visionem eat; tunc enim in splendoribus quos parit sol pupillis infirmis | intuitum figere non est 751-752 Egredietur – Iesse] Is. 11, 1 Ps.-Dion., De cael. hier., XV, 9963-4 De eccl. hier., II, 11102-11111
755-756 secundum – operationem] 765-768 Nullus – lesione] Ps.-Dion.,
741 rationis] intellectus N 742 sonitus] intuitus N 742-743 formosissimi] fortissimi N 745-746 ut – botris] ut ibi expressis sue vindemie botris N 746 de2] om. N 748 ex amore] om. N acutius] purius N 752 subtilitas cognitive] subtilis cognitio PM 752-753 incendio visionis] vis motiva N 754 virtutis] virtus PM 755 secundum] sensibilis N 756 mens] in qua add. N 757 amor est, cum] amorem N
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mon épouse par la perspicacité de la raison, ma colombe par la simplicité de la voix, et pénètre par l’imagination dans les plaies du très beau Crucifié. Remarque donc que l’épouse est invitée à se lever, c’est-à-dire à s’élever du repos de la lecture à la pratique de la méditation, afin que, sous la pression de la récolte des grappes ou des pensées diligemment examinées qu’elle recueille dans les vignes des Écritures, elle soit stimulée avec d’autant plus d’ardeur à l’amour et, en raison de celui-ci, rendue plus subtile pour connaître. Si elle a été ardente, en effet, la ferveur de l’affection engendre la subtilité de la connaissance et la sublimité de la contemplation. Cela est très bellement déduit des paroles d’Isaïe disant ainsi: «Un rejeton sort de la racine de Jessé», c’est-à-dire la subtilité de la puissance cognitive sort du feu de la vision – Jessé, en effet, signifie «feu» – et, d’elle en retour, s’élève la fleur de la puissance contemplative. De fait, puisque, selon le bienheureux Denys, la matière du feu «produit sa propre opération selon ce en quoi il est engendré», il est nécessaire que, lorsque le feu intellectuel, qui est l’amour, est engendré, l’esprit soit stimulé à connaître et emporté vers la hauteur de la contemplation, où, par-dessus tout, est nécessaire l’œil de la colombe, c’est-à-dire la simplicité de la foi et du désir, sans laquelle il est impossible que l’âme parvienne à l’expérience des choses divines. Il faut donc que celle qui s’en approche croie et regarde simplement, pour que ne lui arrive pas de subir un refus à cause de l’infirmité de la foi et de la duplicité de son intention, absolument bannies des choses divines. Le bienheureux Denys avertit donc, dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. II: «Qu’aucun profane ne se dirige vers la vision. Fixer le regard sur les splendeurs que le soleil engendre n’est pas sans danger pour les yeux qui sont faibles,
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sine periculo, neque ad ea que sunt super nos conari non est sine lesione.” Quo dilecta sic anima amica Christi ardenter amando, sic speciosa subtiliter intelligendo, sic columba fideliter credendo ire debeat, subiungitur dum ait: in foraminibus petre et in caverna macerie, hoc est in intima consideratione vulnerum beatissimi et formosissimi Christi crucifixi per petram et maceriam designatorum. Nam inter omnes actiones mentis hec efficacissima est ad intelligentiam elevandum. Per ipsam enim anima mirabiliter elevatur et inflammatur, inflammata purificatur, purificata sursumagitur ad beatorum radiorum ditissimam susceptionem, si ratio secundum se totam et totaliter amplexata fuerit Crucifixum, qui totus vere totos et totaliter nos amavit. Hinc sanctus Ignatius, per relationem sancti Dionysii, De div. nom. IV, fertur exclamasse: “Amor meus crucifixus est”. Re enim vera, quanto in eius amore superdulcissimo fuerimus ardentiores per iugem ipsius beatissimam piam, devotam et venerandam imaginationem, tanto nimirum in apprehensione divinorum erimus altiores. Non enim, sicut bona tradit Theologia, licebat sine sanguine ingredi Sancta sanctorum. Quid enim per aspersionem sanguinis, nisi beatissimi Crucifixi virtuosissimam imaginationem intelligimus? Quid vero per ingressum in Sancta sanctorum, nisi divinorum intimam et secretissimam contemplationem accipere convenit? Ipse etiam beatissimus Crucifixus nonnisi per sanguinem introivit in Sancta sanctorum, ut ait divinus Paulus, cuius totalis gloriatio erat beata crucifixio Iesu Christi. Nostra itaque iugis, immo | perennis, habitatio sit in foraminibus petre, hoc est in pia consideratione vulnerum pedum et manuum Crucifixi,
780 Amor – est] Ps.-Dion., De div. nom., IV, 2091 789-790 Ipse – sanctorum] cf. Hebr. 9, 13 790-791 cuius – Christi] cf. Gal. 6, 14 768 sic anima] sic N anima sic PM Christi] om. N 769-770 credendo] quo add. in marg. P add. in textu M et intendendo add. N 772 formosissimi Christi] fortissimi N 775 elevatur et] om. N 777 ratio] tamen N 778 totos] om. PM 779 relationem] revelationem NPM 782 beatissimam] beatissime crucifixionis N 793 manuum] fortissimi add. N
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et il n’est pas sans danger d’entreprendre quelque chose en direction de ce qui nous dépasse.» Où devrait aller l’âme bien-aimée, ainsi amie du Christ en aimant ardemment, ainsi belle en comprenant avec subtilité, ainsi colombe en croyant fidèlement, c’est ajouté quand il dit: «Dans les ouvertures de la pierre, dans la cavité du mur», c’est-à-dire: dans la considération la plus profonde des plaies du Christ, très bienheureux et très beau, que «pierre» et «mur» désignent. En effet, parmi toutes les actions de l’esprit celleci est très efficace pour élever l’intelligence; par elle, de fait, l’âme est admirablement élevée et enflammée; enflammée, elle est purifiée; purifiée, elle est dressée en vue d’un très riche accueil des rayons bienheureux, si, selon tout elle-même et totalement, la raison a embrassé le Crucifié, qui tout entier nous a véritablement aimés tout entiers et totalement. C’est pourquoi, selon ce que rapporte saint Denys, dans les Noms divins, ch. IV, saint Ignace est dit avoir crié: «Mon amour est crucifié.» Vraiment, autant aurons-nous été plus ardents en son amour plus que très doux, grâce à l’incessante, très bienheureuse, pieuse, dévote et noble imagination de lui-même, autant assurément nous serons élevés en l’appréhension des choses divines. Il n’était pas permis, en effet, comme l’enseigne la bonne Théologie, de pénétrer sans le sang dans le Saint des saints. De fait, que comprenons-nous par aspersion de sang, sinon l’imagination très puissante du Crucifié? Que convient-il de comprendre par entrée dans le Saint des saints, sinon la très profonde et très secrète contemplation des choses divines? Le très bienheureux Crucifié lui-même n’est entré que par le sang dans le Saint des saints, comme le dit le divin Paul, dont toute la glorification était la crucifixion bienheureuse du Christ. Que donc notre habitation durable, mieux: perpétuelle, soit dans les ouvertures de la pierre, c’est-à-dire dans la considération pieuse des blessures des pieds et des mains du Crucifié, percés avec des clous de fer et des
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malleo clavisque confossorum ferreis, necnon in caverna macerie, hoc est in fenestra lateris, hasta militari profunde cru- 795 deliterque concavata, quoniam in ipsis est invenire ardentissimi amoris igniculum et forte ad divina vehiculum. Tradit enim beatus Dionysius, Eccl. hier. IV: “Quoniam divinissimum altare nostrum Iesus est, qui est thearchica divinarum mentium sanctificatio, in quo sanctificati et mystice oblati ad Deum habemus 800 accessum”. Sponsa igitur in beati et superamabilis Crucifixi vulneribus hospitante et se in ipsis deificante, adhuc dilecto pulchrior et suavior apparente, ait sibi dilectus:
2, 14b
Ostende mihi faciem tuam. Sonet vox tua in auribus meis. Quasi diceret: intelligentiam tuam in meis deificatam vulneribus ad me dirige et tui amoris clarum suspirium mee audientie intimetur. Nulli dubium esse debet faciem anime deiformis ipsius fore intelligentiam, que amplius redditur pulchrior ad videndum quo per assiduam divinissimi Crucifixi imaginationem fit habilior ad se deificandum; quod oportet, si concomitivam ipsius desideramus, ut sanctus tradit Dionysius, Eccl. hier. III: “Ad divinissimam ipsius secundum carnem conversationem respicere oportet et nos ipsi assimilando in sancta immunitate peccati ad deiformem et immaculatum habitum recurrere”. Felix anima que stolam suam lavare meruit et ad deiformitatis candorem perducere in sanguine super|virtuosissimi Crucifixi. Siquidem prevenit in benedictionibus dulcedinis et antequam sue faciei pulchritudinem audeat demonstrare dilecto, ab eodem dulciter prevenitur. Ostende, inquit, mihi faciem tuam. Queris ad quid sibi eam postulet demon798-801 Quoniam – accessum] Ps.-Dion., De eccl. hier., IV, 13073-13081 815 Ad – recurrere] Ps.-Dion., De eccl. hier., III, 12482-4
812-
800 oblati] holocausta facti N 808 Nulli] Nullum NM 811 quod] om. N concomitivam ipsius] communicare ipsi N 813 conversationem] vitam N oportet] om. N
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marteaux, mais aussi «dans la cavité du mur», c’est-à-dire dans l’ouverture du côté profondément et cruellement creusée par la lance du soldat, car c’est en elles que l’on trouve le feu de l’amour très ardent et le robuste char qui emporte vers les choses divines. Le bienheureux Denys enseigne, en effet, dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. IV: «Parce que notre autel très divin est Jésus, qui est la sanctification théarchique des esprits divins, en qui, sanctifiés et offerts mystiquement, nous avons accès auprès de Dieu.» À l’épouse, logée dans les blessures du bienheureux et plus qu’aimable Crucifié et se déifiant en elles, le bien-aimé, se montrant encore plus beau et plus affectueux, dit: Montre-moi ton visage. Que ta voix se fasse entendre à mes oreilles. Comme s’il disait: Dirige vers moi ton intelligence déifiée en mes blessures, et que le clair soupir de ton amour s’impose à mon attention. Nul ne doit douter que la face de l’âme déiforme elle-même doive être l’intelligence qui devient d’autant plus belle à voir que, par la représentation imaginaire continuelle du très divin Crucifié, elle devient plus apte à se déifier. Il le faut, si nous désirons lui être associé, ainsi que saint Denys l’enseigne, dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. III: «Nous devons regarder vers la vie très divine selon la chair, et, en nous rendant semblables à lui en la sainte immunité du péché, nous devons en appeler à sa déiformité et à sa manière d’être immaculée.» Heureuse l’âme qui mérita de laver son vêtement et de faire flamber l’éclat de la déiformité dans le sang du Crucifié plus que très bon. Le Crucifié, en effet, l’a prévenue de douces bénédictions, et, avant qu’elle n’ose montrer la beauté de son visage au bien-aimé, il la devance doucement: «Montre-moi, dit-il, ton visage.» Tu cherches pourquoi il lui demande de se faire
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strari? Utique, ut per mutuos tam gratiose visionis aspectus utriusque amor in alterutrum fortius accendatur, sicque dilectionis copula nunquam de cetero dissolvatur. Sed quid sibi vult quod ait: sonet vox tua in auribus meis, nisi: quanto anima fit deiformior, tanto clamor ipsius amativi desiderii fit suavior, ita ut 825 in ipso divina audientia delectetur? Ideo vero delectatur, quoniam ipse totus amor et ardor est. Propter quod vocem amoris et ardoris audit libentius et exaudit citius. Quare vero dilectus vocem sponse cupiat audire et faciem videre, subinfertur, cum dicitur:
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Vox tua dulcis et facies tua decora.
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Ac si diceret: resonantia tui amoris est suavissima et tue intelligentie species est decentissima. Si tu queris que sit vox amoris que dulcis a dilecto esse dicitur, dicendum est ipsam incessabilem esse quamdam gratiarum actionem ex perceptis ignibus et imbribus divinis, sicut 835 de ipsis Seraphim, qui incendentes interpretantur per beatum Dionysium, Eccl. hier. IV, dictum esse constat: “Nam sancta, inquit, supermundanarum mentium cognitio et infatigabilis est et indesinentem habet divinum amorem et ponitur super malitiam universam et oblivionem. Unde, existimo, | non tacens cla- (139c) mor signat eternam ipsarum et intransmutabilem in fortitudine omni et gratiarum actione divinorum scientiam et intellectum”. Nihil ergo aliud nobis libeat acclamare nisi: Sanctus, Sanctus, Sanctus, neque aliud petere nisi: amorem, amorem, amorem, ita ut indesinenti gratiarum actione crescat cognitio et ex cognitione 845 gratiarum actio, sicut datum est primis substantiis, quarum 837-842 Nam – intellectum] Ps.-Dion., De eccl. hier., IV, 12904-12912 821 gratiose] grata N 822 accendatur] intendatur N 824 nisi] quia add. N 829 videre] ratio add. N 835 ex perceptis] exceptis N imbribus] luminibus N 842 omni] omnium PM 843 nobis] nos OPM 846 sicut – substantiis] sicque superardentissimis substantiis primis conformemur N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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voir? Afin, certes, que, par les regards mutuels d’une si heureuse vision, l’amour de l’un et de l’autre soit plus fortement enflammé en l’un et l’autre, et qu’ainsi l’union de l’amour ne soit ensuite jamais rompue. Mais, que veut dire: «Ta voix se fait entendre à mes oreilles», sinon qu’autant l’âme devient plus déiforme, autant le cri de son amoureux désir devient plus agréable, de telle sorte qu’en lui l’attention divine soit charmée? En vérité, il est charmé, car il est lui-même tout amour et tout ardeur; à cause de cela, il entend plus volontiers la voix de l’amour et de l’ardeur, et plus rapidement il l’exauce. Pourquoi le bien-aimé désire-t-il entendre la voix de l’épouse et voir son visage? Cela est ajouté, quand il dit: Ta voix est douce et beau ton visage. Comme s’il disait: La voix de ton amour est très douce, et très beau l’ornement de ton intelligence. Si tu cherches quelle est la voix de l’amour que le bien-aimé assure être douce, il faut dire qu’elle est elle-même une certaine incessante action de grâces en raison des feux et des lumières divines reçus, ainsi qu’il est affirmé des séraphins eux-mêmes, dont le nom signifie brûlants, selon le bienheureux Denys, dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. IV: «En effet, dit-il, la sainte connaissance des esprits célestes ne cesse pas; elle renferme un amour divin ininterrompu; elle est située au-dessus de la malice universelle et de l’oubli. Je pense donc que le cri incessant désigne la science et la pensée éternelles et immuables de toutes les choses divines en toute solidité et action de grâces.» Que rien d’autre ne nous plaise donc plus que crier: «Saint, saint, saint», que demander: «Amour, amour, amour», de telle sorte que, par l’incessante action de grâces, croisse la connaissance, et qu’en raison de la connaissance croisse l’action de grâces, comme cela est donné aux substances premières
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
laudum excellentia suis cognitionibus correspondet. Quomodo autem non libenter sponse vox audiatur cum tam gratanter facies eius videatur? Et facies, ait, tua decora. Que sponse facies, nisi intelli- 850 gentia? Quid vere huius faciei decor, nisi deificatio, hoc est ad Deum intellectualis assimilatio et unitio? Itaque, quanto similior fuerit assimilatio et profundior unitio, tanto divinior deificatio, ac per hoc decori intelligentie clarior irradiatio, ut pura subsequatur meditatio. O vere amandus amor superamabilis 855 Crucifixi! Ex eius enim dulcore et decore sic vox sponse dulcoratur et facies decoratur, ut et hanc sibi petat ostendi et illius suavem resonantiam suis audiat auribus intonare: ostende, inquit, mihi faciem tuam, sonet vox tua in auribus meis, vox enim tua dulcis et facies tua decora; quasi diceret: nec a voce amoris debet 860 deesse dulcedinis suavitas, nec a facie contemplationis decoris puritas. Sic igitur dilecto cum sponsa suaviter colloquente et in eius dilecti voce et decora facie delectante nituntur adulteri demones has actiones utilissimas dissipare. Unde ait dilectus ad (139d) ipsius dilecte sodales | fidelissimas:
2, 15
Capite nobis vulpes parvulas que demoliuntur vineas, nam vinea nostra floruit. Quod est dicere: deprehendite et destruite demonum astutias nuper inceptas que mentales dissipant actiones, quia nostra 870 theoria iam suavitatem dulcissimam pullulavit.
847 excellentia suis cognitionibus correspondet] extollentie suis ignibus correspondent N 853 divinior] divinorum N 854 decori] decoris N 854-855 ut – meditatio] subsequenter N 858 audiat] iubeat N 860861 debet deesse] deest N 862-863 in eius] etiam PM 863 voce] voci P
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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dont l’excellence des louanges correspond à leurs connaissances. Mais, comment la voix de l’épouse ne serait-elle pas entendue volontiers, quand le visage de celle-ci est vu si volontiers? «Et ton visage est beau», dit-il. Quel est le visage de l’épouse, sinon l’intelligence? Mais, quel est l’ornement de ce visage, si ce n’est la déification, c’est-à-dire l’assimilation et l’union intellectuelles à Dieu? C’est pourquoi, plus auront été plus ressemblante l’assimilation, et plus profonde l’union, plus la déification aura été plus divine et, de ce fait, plus claire l’illumination, en vue d’orner l’intelligence, afin que s’ensuive une méditation pure. Ô amour qu’il faut véritablement aimer du plus qu’aimable Crucifié. En effet, par sa douceur et sa beauté, la voix de l’épouse est adoucie et son visage embelli, au point de demander que celui-ci lui soit montré et qu’à ses propres oreilles retentisse le doux écho de cellelà: «Montre-moi, dit-il ton visage; que ta voix se fasse entendre à mes oreilles.» En effet, «ta voix est douce et ton visage est beau.» Comme s’il disait: Ni la suavité de la douceur ne doit manquer à la voix de l’amour, ni la pureté de la beauté au spectacle de la contemplation. Ainsi donc, alors que le bien-aimé s’entretient agréablement avec l’épouse, et trouve sa joie dans la voix de sa bienaimée et dans le charme de son visage, les démons adultères s’efforcent de détruire ces très utiles opérations, le bien-aimé dit au très fidèles compagnons de sa bien-aimée: Capturez pour nous les petits renards qui détruisent les vignes, car notre vigne a fleuri. C’est dire: Interceptez et supprimez les ruses récemment entreprises des démons qui anéantissent les actions de l’esprit, car notre théorie a déjà produit une très suave douceur.
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Hec profecto sunt ille “musce morientes”, iuxta Theologie sententiam, “unguenti suavitatem perdentes”, quas certum est ad nutum dilecti nostri superamabilis Crucifixi deprehendi et destrui per ministerium angelorum, dum adhuc parvule, nuper immisse per demonum fraudulentias, cognoscuntur. Si enim, dum parvule sunt, actiones mentales per vineas designatas sufficientes sunt demoliri suis dolosis conatibus, ne ad maiorem valetudinem devenirent, in ipso utique principio sunt capiende, ne mentalium vinearum nostrarum vino suavissimo fiamus expertes. Sciendum est autem quod non omnis ita perfectus est, qui non interdum harum muscarum et vulpium molestias patiatur, tum propter exercitantis virtutem, tum etiam propter humilitatis custodiam. Hinc est quod tradit nobis divinus Dionysius, Eccl. hier. III: “Si enim verum est quod universaliter divinus vir, qui est divinorum dignus communicator ad summum deiformitatis secundum ipsum in perfectis et perfectissimis deificationibus sursumactus, nec ea que sunt carnis operabitur preter valde necessaria | secundum naturam, et hec si contingant preter studium. Templum autem fit et sequax thearchici spiritus erit in summitate secundum ipsum; in simili simile collocans non quidem talis a contrariis aliquando vexatur, aut phantasiis, aut morsibus, ridebit autem illa, et accedentia expugnabit et persequetur, et faciet magis quam patiatur; et tunc propter proprii habitus irremissibilitatem et impassibilitatem aliis medicus videbitur talium vexationum.” Ex hiis verbis colligere possumus quoniam, propter irruentes phantasias, aut graviores morsus per demonum astutias immissos, non debet perfectus vir in summa sanctitate, vel dignitate, constitutus contristari, nec ab hac actione mentis desistere, sed ea potius expugnare et persequi, et agere potius con871-872 musce – perdentes] Eccle 10, 1 Dion., De eccl. hier., III, 12044-12073
884-895 Si – vexationum] Ps.-
874 parvule] sive add. N 876 sunt] essent s.l. O (bonne abréviation?) designatas] designate PM 880 est2] s.l. O 890 simile] similem PM 891 a] om. PM 893-894 et tunc – medicus] et cum proprii actus irremissibili causa passibili aliis medicus N 898 ab hac actione] a bono N
875
880
885
(140a)
890
895
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Assurément, ces ruses sont ces mouches mourantes, selon l’idée de la Théologie «qui anéantissent les parfums de l’onguent». Il est certain qu’elles sont capturées au moindre signe du Crucifié, notre plus qu’aimable bien-aimé, alors qu’on les sait encore très petites, récemment envoyées par les fourberies des démons. Si, en effet, tandis qu’elles sont petites, elles sont capables d’altérer, par leurs efforts rusés, les actions de l’esprit désignées par les vignes, elles doivent certes être capturées dès le début, de peur qu’elles ne deviennent plus vigoureuses et que nous ne fassions pas l’expérience du vin très doux de nos vignes spirituelles. Mais il faut savoir que quelqu’un n’est pas si parfait qui n’a pas parfois enduré les désagréments de ces mouches et de ces renards, tant en raison de la force de qui s’exerce souvent, que de l’observance de l’humilité. De là vient ce que nous enseigne le divin Denys, dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. III: «S’il est vrai, en effet, qu’est homme tout divin celui qui est digne d’avoir part aux choses divines, soulevé par de parfaites et très parfaites déifications jusqu’au degré suprême de la déiformité accessible pour lui-même, qui ne s’occupera pas de ce qui relève de la chair, sauf en ce qui concerne ce qui, selon la nature, est très nécessaire, et s’en occupera, s’il le faut, sans application, cet homme devient, au sommet de sa déification, le temple et le disciple de l’esprit théarchique, situant le semblable dans le semblable. Un tel homme n’est jamais tourmenté par les images ou les attaques contraires; il s’en moquera plutôt; il vaincra les attaquants et les chassera; il agira plus qu’il ne pâtira; et alors, à cause de son propre comportement, impassible et inébranlable, il apparaîtra aux autres comme celui qui guérit ceux qui endurent de telles épreuves.» Nous pouvons conclure de ces paroles qu’en raison de visions imaginaires qui fondent sur lui, ou d’attaques plus graves que les démons lancent par leurs ruses, l’homme parfait, établi en très grande sainteté ou dignité, ne doit pas être attristé, ni non plus renoncer à cette action de l’esprit; il doit plutôt les combattre et les chasser, agir contre elles plutôt qu’en pâtir, de telle sorte que
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
tra ipsa quam pati ab eis, ita ut proprius sanctarum virtutum 900 habitus in nullo remittatur vel minorationem aliquam patiatur. Hoc autem maxime est faciendum in ipsa intellectualis nostre vinee floritione, quod patet ex verbis dilecti sic dicentis: nam vinea nostra floruit, quasi diceret: licet omni tempore vulpes parvule capiende sint, magis tamen cum vinea incipit efflorere, 905 hoc est quando theoria mentalis divino radio et intelligentia operante contexta incipit suavissimam quamdam dulcedinem in anima generare. Tunc enim signum est quod multorum fructuum divinorum ubertas subsequitur propter quod si vulpes parvule, id est diaboli fraudulenta, immittant, capiende sunt ab angelis 910 et abigende atque more Abrahe expugnande qui | aves super (140b) sacrificium volantes abigebat. Itaque, cernens sponsa dilectum suum pro se tam vehementer sollicitari et in bonis delectari, totam se in eius refundens amorem, dicit:
2, 16-17a
Dilectus meus mihi et ego illi qui pascitur inter lilia, donec aspiret dies 915 et inclinentur umbre. Ac si dicat: superamabilis meus Crucifixus pulchrificis mihi irradiationibus innotescit et ego ei totaliter me immitto, qui delectando conservatur inter mentis purissisimas actiones, donec splendens et calens cognitionis claritas in mente oriatur et per 920 ipsam tenebre ignorantie propulsentur. Animadvertere valemus sponsam nostram valde pulchrificis et dulcifluis irradiationibus a dilecto suo abundanter in ipsius intelligentiam emanantibus occupatam, dum hoc nequit explicare intellectu quod sentit affectu. Dilectus, ait, meus mihi et 925 911-912 more – abigebat] Gen. 11, 11 910 immitant] fraudulentie immitantur N 911 abigende] a nobis N 913 pro se] om. PM in bonis] suis mentalibus add. N 917 meus] dulcissimus add. N 920 splendens] ac candens add. PM calens ] divine add. N 925 sentit] nequit OPM
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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l’habitus personnel des saintes vertus ne soit en rien amolli, ou subisse quelque amoindrissement. Cela doit être surtout réalisé lors de la floraison même de notre vigne intellectuelle, ainsi qu’il ressort à l’évidence des paroles du bien-aimé s’exprimant ainsi: «En effet, notre vigne a fleuri.» Comme s’il disait: Bien qu’en tout temps les renards encore petits doivent être capturés, ils doivent l’être surtout lorsque la vigne commence à fleurir, c’est-à-dire lorsque la théorie mentale, résultant du rayon divin et de l’opération de l’intelligence, commence à engendrer en l’âme une certaine douceur fort agréable. C’est alors le signe que l’abondance de nombreux fruits divins va suivre. C’est pourquoi, si les renards encore petits, c’est-à-dire les fourberies du diable, sont lâchés, ils doivent être capturés et chassés par les anges, et vaincus à la façon dont Abraham chassait les oiseaux qui volaient au-dessus du sacrifice. Discernant que son bien-aimé s’inquiète si fortement pour elle et se réjouit de ce qu’elle a de bon, l’épouse, se repliant tout entière sur son amour, dit donc: Mon bien-aimé est à moi, et je suis à celui qui se nourrit au milieu des lis, jusqu’à ce que le jour paraisse et que les ombres déclinent. Comme s’il disait: Mon plus que très aimable Crucifié se fait connaître de moi par ses irradiations qui embellissent, et, moi, je me laisse aller totalement à celui qui est maintenu dans la joie au milieu des actions très pures de l’esprit, jusqu’à ce que la splendide et chaleureuse clarté de la connaissance se lève dans l’esprit et que, par elle, les ténèbres de l’ignorance soient écartées. Nous pouvons remarquer que notre épouse est occupée par les irradiations très embellissantes et sources de douceur, qui, de son bien-aimé, émanent abondamment en son intelligence, alors elle ne peut expliquer par l’intellectus ce qu’elle sent par l’affectus. «Mon bien-aimé est à moi», dit-elle, «et, moi, je suis à lui.» Quoi? Celui-
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
ego illi. Quid: ille tibi et tu ei? Ille mihi pulchrifice irradiantibus illuminationibus innotescit. Quare hoc non exprimis? Quia intellectus meus pre refulgenti earum lumine occupatur. Quid vero: tu mihi? Ego illi totis viribus me immitto, ut totam me effundam totaliter se mihi infundenti et in horti mei liliis se pascenti. Qui, inquit, pascitur inter lilia, id est delectabiliter commoratur inter mentis purissimas actiones. Sicut enim laudabiliter se aufert a cogitationibus que sunt sine intellectu, sic delectabiliter eruditis | interest actionibus mentalium, quarum intentio est unam esse animam ad dilectum. Nam, ut beatus tradit Dionysius, Eccl. hier. I: “Intentio ad Deum, prout nobis est possibile, assimilatio est et unitio”. Hanc autem, ut divina docent Eloquia, venerandissimorum preceptorum dilectionibus et sanctis operationibus consequimur. Notabile vero est quod ait: inter lilia. Est enim duplex actio sponse, una quidem manualis exteriorum, alia autem mentalis intelligentie sursumactiva. Tunc igitur dilectus inter lilia pascitur, quando utriusque huius actionis intentio est ad Deum assimilari velle et uniri, quod satis per sequentia declaratur: donec, inquit, aspiret dies, hoc est splendens et calens Dei cognitio elucescat, et inclinentur umbre, id est mentis tenebre propulsentur. Sed numquid, cum hoc actum est, desistet inter lilia nostra depasci dilectus? Numquid statim recessurus est? Minime quidem, sed eo ipso stabilius et delectabilius depasturus. Unde notandum quoniam istud “donec” potius notat dilecti intentionem qua inter lilia pascatur quam ipsius pastus finitionem, ut, cum dies aspiraverit, de liliis moveatur. Sed quid est dicere aspirare, nisi lucescentis et incalescentis luminis infusio, per quam congregamur a dispersionibus, illuminamur cognitionibus et perficimur unitionibus? Quid vero est umbras
936-937 Intentio – unitio] Ps.-Dion., De eccl. hier., I, 10903-4 926 ille] est PM 930-931 se pascenti] depascenti N 934 mentalium] mentalibus N 935 dilectum] intellectum M 940 exteriorum] exterioris N 941 autem] om. O 946 est] fuerit N 947 recessurus] recursurus N 952 dicere] diem M incalescentis] intelligibilis add. N
930
(140c)
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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ci est à toi, et toi à lui? Celui-ci se fait connaître de moi par des illuminations qui brillent abondamment. Pourquoi ne le dis-tu pas? Parce que mon intellectus est envahi de leur lumière resplendissante. Mais que veut dire: tu es à moi? Moi, je me précipite toute entière en lui, afin de m’épancher toute entière en lui, qui, tout entier, se répand sur moi, et se nourrit au milieu des lis de mon jardin. Celui-ci, dit-elle, «se nourrit au milieu des lis», c’està-dire séjourne agréablement au milieu des actions très pures de l’esprit. De même, en effet, qu’il se soustrait de louable manière aux pensées sans intelligence, de même il est agréablement présent aux actions éclairées des âmes, dont l’intention est d’être une âme attachée au bien-aimé. Comme le bienheureux Denys l’enseigne dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. I: «Notre but est, autant qu’il nous est possible, l’assimilation et l’union à Dieu.» Nous l’atteignons, ainsi que les paroles divines l’enseignent, par l’amour des très vénérables préceptes et par les saintes opérations. Il faut noter qu’elle a dit: «Au milieu des lis». Double est, en effet, l’action de l’épouse; l’une manuelle, dont l’action élevante porte sur les choses extérieures; l’autre, mentale, qui soulève l’intelligence. Le bienaimé se nourrit donc au milieu des lis, quand l’intention de l’une et de l’autre action est de vouloir être assimilée et unie à Dieu. Ce qui suit le dit très bien: «Jusqu’à ce que le jour paraisse», c’est-àdire jusqu’à ce que la brillante et réchauffante connaissance de Dieu commence à paraître, et que «les ombres déclinent», c’est-à-dire jusqu’à ce que les ténèbres de l’esprit soient repoussées. Mais, lorsque cela est réalisé, le bien-aimé cesse-t-il de se nourrir au milieu des lis? Ne doit-il pas se retirer aussitôt? Certes, nullement; mais il doit s’en nourrir avec plus d’assurance et de joie. On notera donc que «jusqu’à ce que» signifie plus l’intention du bien-aimé de se nourrir parmi les lis, que la fin de cette nourriture même, de sorte qu’il soit écarté des lis, quand le jour paraîtra. Mais que signifie «paraître», si ce n’est l’infusion de la lumière qui brille et réchauffe, par laquelle nous sommes rassemblés loin de nos divisions, illuminés par les connaissances et rendus parfaits par les unions? Mais que signifie: «Les ombres déclinent», sinon être illuminés
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
inclinari, nisi per idem lumen illuminari, ab errorum opinion- 955 ibus et phantasticis visionibus liberari? Ait enim beatus Dionysius, De div. nom. IV: “Sicut ignorantia divisiva est eorum qui in errorem ducti sunt, sic intelligibilis luminis presentia congregativa et unitiva est eorum qui illuminantur, et perfectiva et adhuc conversiva ad vere existens a multis | opinionibus con- (140d) vertens, et varias visiones aut, ut magis proprie dicatur, phantasias, ad unam veram et mundam et uniformem congregans cognitionem, et uno et unitivo lumine implens”. Itaque sponsa nostra lumine intelligibili perfusa permittitur a dilecto aliquam eclipsim sue claritatis sustinere, ut sic ad ipsum requirendum avid- 965 ius suscitatur. Unde bene per eam subditur: 2, 17b
Revertere, similis esto, dilecte mi, capree hinnuloque cervorum super montes Bethel. Ac si dicatur: lucis tue beneficium restitue, superdiligibilis Crucifixe, factus conformis subtilissime cognitioni et levis- 970 sime sursumactioni, qui habitas super altitudinem spirituum supernorum. Merito deiformis anima tam devote intelligibilis luminis beneficium ad modicum sublatum sibi restitui deprecatur, ut scilicet, eo amplius diligat et cognoscat, quo plus molestat ita sub- 975 tractum. Inde est quod thearchicus puer superdulcissimus Iesus, eo a sedulis parentibus ardentius queritur absens, quo dulcius delectabat presens. Quare hoc? Quoniam amate rei, intensioris amoris est suscitatio ipsius subtractio. Hinc est quod, non solum sponsa dilectum reverti exoptat, sed cum reversione similem fieri 980 957-963 Sicut – implens] Ps.-Dion., De div. nom., IV, 1764-1774 955 illuminari] om. N 955-956 opinionibus] operibus PM 960 opinionibus] operationibus OM operibus P 961 aut] quod O 963 unitivo] unico PM 964 permittitur] promittitur N 969 tue] tu N beneficium] substractum add. N 975 cognoscat ] restitum add. N molestat ita] molestavit N 978 amate rei] amator mei PM 980 sponsa] sponsam N
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par cette même lumière et libérés des opinions erronées et des représentations imaginaires? Le bienheureux Denys dit, en effet, dans les Noms divins, ch. IV: «De même que l’ignorance divise ceux qui sont conduits dans l’erreur, ainsi la présence de la lumière spirituelle rassemble et unit ceux qui sont illuminés; elle les parfait et les attire toujours vers ce qui existe vraiment, les détournant d’opinions nombreuses, ramenant les diverses visions ou, pour mieux dire, imaginations à une connaissance vraie, pure et simple, les remplissant d’une lumière une et unifiante.» Le bien-aimé permet donc que, pénétrée de lumière intelligible, notre épouse subisse quelque éclipse de sa clarté, pour l’exciter ainsi à le chercher plus avidement, celle-ci ajoute donc avec bonheur: Reviens; sois semblable, mon bien-aimé, à la chèvre et au faon des cerfs sur les ponts de Béthel. Comme si elle disait: Rends-moi le bienfait de ta lumière, Crucifié plus qu’aimable, devenu conforme à la connaissance la plus subtile et à l’élévation la plus rapide, toi qui habites au-dessus de la sublimité des esprits supérieurs. Avec raison, l’âme déiforme demande très dévotement qu’on lui rende le bienfait, pour un temps soustrait, de la lumière intelligible, afin de connaître et d’aimer d’autant plus, que ce qui est ainsi soustrait la tourmente. C’est pourquoi l’enfant théarchique, le plus que très doux Jésus, absent, est recherché par ses dévoués parents avec d’autant plus d’ardeur que, présent, il les charmait plus agréablement. Pourquoi cela? Parce que la soustraction d’une chose aimée suscite un amour plus fort la concernant. De là vient que, non seulement l’épouse souhaite le retour du bien-aimé, mais que, avec ce retour, il devienne semblable à la chèvre dont la vue
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
capree acute videnti, hinnuloque cervorum leviter salienti. Quasi diceret: sic tue lucis beneficium mihi subtractum restitue, ut mea deiformitas ad tui contemplationem subtilius acuatur et ad tui unitionem levius sursumferatur. | Hoc autem ideo petit sponsa, quoniam ad escam divine visionis non est possibile cuiquam elevari absque precepto beatissimi Crucifixi. Hinc est quod Dominus loquens ad Iob ait: “Numquid ad preceptum tuum elevabitur aquila et ponet in arduis nidum suum?”, quasi diceret: solum ad mei nutum deiformitas evolabit et in altissimis contemplationibus statuat quietem suam, cuius sicut visum est acuere sic et deifice suscitare. Alta quidem est dilecti habitatio et ardua, propter quod necessarius est obtutus aquilinus, necnon ad acute videndum et ad alte et agiliter volandum. Nam super montes Bethel conversatur, hoc est super altissimas intelligentias angelorum in celo empyreo habitantium, que proprie est dicenda domus Dei. Sonat enim “domus Dei” Bethel; “excelsior namque celo est”, ut bona ait Scriptura, “et super stellarum verticem sublimatur”, hoc est super apices angelicarum intelligentiarum. Hinc ait Psalmigraphus: “Ascendit super Cherubim et volavit, volavit super pennas ventorum”. Ascensus autem dilecti pertinet ad humanitatem, que non est ex sui, sed alterius nature virtute super angelos exaltata; volatus vero ad divinitatem convenit, per quam potentissimus est super pennas ventorum elevari, hoc est super leves et semper mobiles intelligentias Seraphim. Nam per pennas que leves sunt, et per ventos semper mobiles, significantur substantie ordinis Seraphim, que non tam leviter quam perenniter circa divina versantur et moventur. Ait enim de ipsis bea-
987-988 Numquid – suum] Iob. 39, 27 996-998 excelsior – sublimatur] Iob. 22, 12 999-1000 Ascendit – ventorum] Ps. 17, 11 989 evolabit] elevabit PM avolabit N 992 necnon] ad volatus add. N 997 Scriptura] theologia PM 1003 est1] se add. N 1104-1106 Nam – Seraphim] om. PM 1007 versantur et] om. N
(141a)
985
990
995
1000
1005
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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est perçante et au faon des cerfs qui bondit avec légèreté. Comme si elle disait: Rends-moi le bienfait, qui me fut ôté, de la lumière, de telle sorte que ma déiformité devienne plus pénétrante pour te contempler plus subtilement et qu’elle soit plus rapidement élevée à l’union avec toi. L’épouse demande donc cela, parce qu’il est impossible à quiconque d’être élevé à la nourriture de la vision divine sans l’ordre du très bienheureux Crucifié. De là vient que le Seigneur parlant à Job dit: «Est-ce à ton ordre que l’aigle s’élève et qu’il fait son nid sur les hauteurs?» Comme s’il disait: À mon signe seulement la déiformité s’envolera et elle fixera son repos dans les très hautes contemplations; de même qu’il lui revient d’exciter, on l’a vu, ainsi il lui convient d’élever déifiquement. L’habitation du bien-aimé est, en effet, élevée, et y accéder est difficile. C’est la raison pour laquelle un regard d’aigle est nécessaire et pour voir distinctement et pour voler haut et rapidement. Il se tient, en effet, sur les monts de Béthel, c’est-à-dire au-dessus des très hautes intelligences des anges, qui séjournent dans le ciel empyrée; cette habitation doit être dite proprement «maison de Dieu». «Béthel» signifie, en effet, «maison de Dieu», plus élevée, en effet, que le ciel, ainsi que l’affirme la bonne Écriture, et «elle est élevée au-dessus du sommet des étoiles», c’est-à-dire au-dessus des intelligences angéliques les plus hautes. Le psalmiste dit donc: «Il monta sur un chérubin, et il vola sur les ailes du vent.» L’ascension du bienaimé concerne son humanité, qui n’est pas exaltée au-dessus des anges par sa propre vertu, mais par celle d’une autre nature; mais le vol convient à la divinité, qui le rend très capable d’être élevé sur les ailes des vents, c’est-à-dire sur les intelligences agiles et toujours mobiles des séraphins. En effet, les ailes qui sont agiles et les vents qui sont toujours mobiles désignent les substances de l’ordre des séraphins, tournées et mues vers les choses divines, non pas tant légèrement que perpétuellement. En effet, le bienheureux Denys
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
tus Dionysius, Angel. hier. VII: “Etenim semper quidem mobile ipsorum circa divina et indesinens et calidum et acutum et superfervens | attente et irremissibilis et indeclinabilis sempiterne motionis”.
1108-1111 Etenim – motionis] Ps.-Dion., De cael. hier., VII, 8381-3
(141b)
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dit d’elles dans la Hiérarchie angélique, ch. VII: «Le mouvement vers les choses divines est incessant, chaleureux, ingénieux, attentif, plus que fervent, sans trêve, ferme, sempiternel.»
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
CAPITULUM TERTIUM 3, 1a
In lectulo meo per noctes quesivi quem diligit anima mea. Sciens anima deiformis quoniam non est ad occultam investigationem divinorum aliquatenus devenire, nisi mentali quiete, studuit sibi ipsi hunc lectulum intexere tribus funibus: strenuitate videlicet actionis, attentione lectionis atque fervore mentalis orationis, in quo iam suaviter quiescente sponsa nostra atque in divinorum occulta investigatione se fortiter promovente, ait: in lectulo meo, etc. Ac si dicat: in tranquillitate mee mentalis quietis per ignotas cogitationes superamabili divine inquisitioni vacavi. Hoc namque prudenter est adnotandum quoniam, cum adhuc viatores sumus, omnes deiformis anime contemplationes sive de divinis perceptiones sunt quedam cognitiones incognite, sive cognite incognitiones. Hinc est quod sanctus ait Iob: “Ad lumen ipsius ambulabam in tenebris”, quasi diceret: per cognitas incognitiones proficiebam in incognitis cognitionibus, nam lumen divinum est tenebre, sive magis lumen tenebrosum et tenebre luminose, et sic cognoscuntur quod ignorantur, sic ignorantur quod tamen aliqualiter cognoscuntur. Propter quod beatus ait Dionysius, Myst. theol. II: “In hac superlucenti caligine nos fieri precamur, et per non videre et ignorare videre et cognoscere eum qui est super visionem et cognitionem”. Bene ergo | per noctes dilectus queritur a dilecta, quia per non videre et non cognoscere videtur et cognoscitur qui omnem transcendit
III, 15-16 Ad – tenebris] Iob 29, 3 theol. II, 5792-4
21-23 In – cognitionem] Ps.-Dion., Myst.
III, Tit. Theorie super tercium N Capitulum tercium P Sequitur tercium capitulum M 4 devenire] pervenire N nisi] mediante add. N 10-11 ignotas] ignitas OPM 12 adnotandum] notandum PM 14 sive de divinis perceptiones] om. O 14 perceptiones] participationes PM 25 cognitionem] om. PM
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(141c)
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CHAPITRE III Sur ma couche, durant les nuits, j’ai cherché celui que mon âme aime. Sachant qu’on ne peut parvenir, jusqu’à un certain point, à une secrète recherche attentive des choses divines que par le repos de l’esprit, l’âme déiforme s’est appliquée à faire pour elle-même cette couche en entrelaçant trois cordes, à savoir le zèle de l’action, l’application à la lecture et la ferveur de l’oraison mentale, couche en laquelle notre épouse, se reposant déjà agréablement et se lançant avec force en l’attentive recherche secrète des choses divines, dit: «Sur ma couche», etc. Comme si elle disait: Dans la tranquillité du repos de mon esprit, je me suis adonnée à la recherche divine plus qu’aimable, grâce à des connaissances ignorées. Il faut noter avec prudence que, tant que nous sommes encore voyageurs, toutes les contemplations ou perceptions de l’âme déiforme au sujet des choses divines sont des connaissances inconnues et des inconnaissances connues. De là ce que dit saint Job: «Vers sa lumière, je marchais dans les ténèbres». Comme s’il disait: Par des inconnaissances connues, j’avançais en des connaissances inconnues, car la lumière divine est ténèbres ou plutôt lumière ténébreuse ou ténèbres lumineuses; ainsi sont-elles connues, parce qu’elles sont ignorées, et ainsi sont-elles ignorées, parce que cependant elles sont connues de quelque manière. C’est pourquoi le bienheureux Denys dit, dans la Théologie mystique, ch. II: «En cette ténèbre plus que brillante, nous souhaitons nous trouver, et, par non-savoir et non-connaître, voir et connaître celui qui est au-dessus de la vision et de la connaissance.» Le bien-aimé est donc raisonnablement cherché par la bien-aimée durant les nuits, parce que, par non-savoir, est vu, et, par non-connaître, est vu et connu celui qui transcende la vision humaine et la connaissance angélique,
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
visionem humanam et cognitionem angelicam, quia tales profecto noctes, hoc est ignote cognitiones, sunt sine nocte. Non enim luminis patiuntur defectum, sed potius excessum. Unde dicitur per Psalmistam: “Et nox illuminatio mea in deliciis meis”. “Et sicut tenebre eius, ita et lumen eius”, quasi diceret: et tene- 30 bre divine sunt luminose et lumen tenebrosum, non quidem in se, sed in nobis quibus, ob minimam capacitatem, quod est summe lucens videtur summe tenebrosum, et ubi lucescit dies videtur nox tenebrescere. Unde, quia per talem inquisitionem non potest supersplendens radius reperiri, ideo bene subinfer- 35 tur: 3, 1b
Quesivi et non inveni illum. Quod est dicere: per operationes mentales vehementer ad investigationes thearchici radii institi, nec ipsum sicut est poteram contemplari. “Nec enim aliter”, ut divinus tradit Dionysius, 40 Angel. hier. I, possibile est nobis supersplendere thearchicum radium nisi varietate sacrorum velaminum sursumactive circumvelatum, et usque sunt secundum nos providentia divina connaturaliter et familiariter apparatum”. Horum autem velaminum varietas solis valde spiritualibus viris est nota quibus sub variis 45 formis divinus circumtectus radius eorum se offert intelligentie, non quasi otiose sed sursumactive, ita ut vehementer per talia velamina iuxta eorum capacitatem a divina providentia preparata ad altiorem et secretiorem sui dilecti investigationem amatoris suscitentur. Unde bene adiungitur: | (141d)
29-30 Et – eius] Ps. 138, 11-12 cael. hier., I, 7331-4 26 cognitionem] om. PM 31 quidem] qualis OPM
40-44 Nec – apparatum] Ps.-Dion., De
26 quia] om. N 26-27 profecto] perfecte PM 45 sub] super PM 47 quasi] quidem N
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car, assurément, de telles nuits, c’est-à-dire les connaissances inconnues, sont sans nuit. Elles ne souffrent pas, en effet, d’un manque, mais plutôt d’un excès de lumière. Le psalmiste dit donc: «Et la nuit, mon illumination, en mes délices», et: «De même ses ténèbres, de même sa lumière», comme s’il disait: Et les ténèbres divines sont lumineuses et la lumière ténébreuse, non certes en soi, mais en nous, qui, à cause de notre capacité infime, est suprêmement ténébreux ce qui est suprêmement brillant, et là où le jour commence à luire, la nuit est vue s’obscurcir. En conséquence, puisque, par une telle recherche attentive, le rayon plus que brillant ne peut être découvert, il est justement ajouté: J’ai cherché, et je ne l’ai pas trouvé. C’est dire: Avec force, par les opérations de l’esprit, je me suis mis à rechercher le rayon théarchique, et je ne pouvais le contempler tel qu’il est. Ainsi que le dit le bienheureux Denys, dans la Hiérarchie angélique, ch. I: «Il n’est pas possible que le rayon théarchique brille sur nous autrement qu’enveloppé, de façon anagogique, d’une variété de voiles sacrés, et préparé à ce qui nous convient, par la providence divine, d’une façon qui nous est naturelle et familière. Mais la diversité de ces voiles n’est connue que des seuls très grands hommes spirituels à l’intelligence desquels le rayon divin, entièrement recouvert de formes diverses, s’offre, non, bien sûr, sans rien faire, mais en élevant, de telle sorte que, par de tels voiles préparés par la providence divine, selon leur capacité, ils soient stimulés à entreprendre une recherche attentive plus profonde et plus secrète de leur bien-aimé qui les aime. Il est donc ajouté avec bonheur:
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Surgam et circuibo civitatem; per vicos et plateas queram quem diligit anima mea. Ac si dicat: de forti ad fortiorem actionem me erigam et perfecte lustrabo celestium hierarchiarum qualitatem, per minus et maius divinarum claritatum capaces substantias diligenter investigans superdiligibilem sponsum meum. Nota quod nihil aliud est deiformem animam surgere quam ipsam de forti ad fortiorem mentalem actionem erigere, ad hoc ipsum boniformi angelo excitante, quemadmodum Elie repausanti legimus fore dictum: “Surge, comede; grandis enim tibi restat via”; similiter et Petro in carcere latitanti: “Surge velociter”. Hec autem surrectio nimirum tanto velocior est quanto anima fuerit in cognitionis lumine incumbentior et in amore ardentior. Unde bene per sanctum traditur Isaiam: “Ambulate in lumine ignis et in flammis quas succendistis”. Quasi diceret: secundum luminositatem et igniculum amoris erit vobis velocitas intellectualis ambulationis. Hinc est quod sponsa nostra vehementi ardore inflammata, non tantum surgere se fatetur, sed etiam circuire civitatem se promittit; quod non est aliud quam ipsam, sicut deiformis facta est et ipsi thearchico lumini, quod omnia scrutatur, unita, plenarie et perfecte lustrari celestium hierarchiarum ordinem et qualitatem, per ipsarum vicos et plateas, id est a minus et magis divinarum traditionum | perceptibiles substantias discurrendo. Nam alie aliis sunt ditiores et ad thearchicorum susceptiones splendorum latiores. In quibus omnibus sponsa nostra dilectum suum quem diligit querere non desistit sicut vere pulchrum et bonum, quod est amabile et diligibile, iuxta 60-61 Surge – via] III Reg. 19, 7 Ambulate – succendistis] Is. 50, 11
61 Surge velociter] Act. 12, 7
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55 maius] magis N claritatum] qualitatum NacPM 56 superdiligibilem] subdiligibilem N meum] om. O 58 forti] fortiori OPM 59 ipsum] eam add. N 63 incumbentior] luculentior N 70 quod] qui N 73 magis] maius PM traditionum] irraditionum N 74 ditiores] diviniores N 76 desistit] subsistit M
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Je me lèverai et je parcourrai la ville; je chercherai, à travers les quartiers et les places publiques, celui que mon âme aime. Comme si elle disait: Je m’élèverai d’une action forte à une plus forte, et j’examinerai parfaitement la qualité des hiérarchies célestes, cherchant avec diligence mon époux plus qu’aimable à travers les substances capables de recevoir, plus ou moins, les clartés divines. Note-le: Se lever, pour l’âme, n’est rien d’autre que s’élever d’une action forte de l’esprit à une action plus forte, l’ange de bonne forme l’invitant à cela même, comme nous lisons qu’il fut dit à Élie, qui se reposait: «Lève-toi, mange; grand est le chemin qui te reste à parcourir.» Il fut dit pareillement à Pierre, qui se tenait dans la prison: «Lève-toi vite.» L’action de se lever est certes d’autant plus rapide que l’âme se sera plus appuyée sur la lumière de la connaissance, et sera plus ardente dans l’amour. Saint Isaïe dit donc bien: «Marchez dans la lumière du feu et dans les flammes que vous avez allumées.» Comme s’il disait: La rapidité de la marche intellectuelle correspondra pour vous à la brillance et à la vivacité de l’amour. De là vient qu’enflammée d’une ardeur intense, notre épouse n’indique pas seulement qu’elle se lève, mais encore qu’elle se repose de parcourir la cité, ce qui n’est pas autre chose, attendu qu’elle est devenue déiforme et qu’elle est unie pleinement et parfaitement à la lumière théarchique elle-même qui scrute tout, qu’examiner l’ordre et la qualité des hiérarchies célestes à travers leurs quartiers et places, c’est-à-dire en parcourant les substances qui peuvent recevoir, plus ou moins, les enseignements divins. En effet, les unes sont plus riches que les autres et plus spacieuses pour recevoir les splendeurs théarchiques. En elles toutes, notre épouse ne cesse de chercher le bien-aimé qu’elle aime comme vraiment beau et bon, digne d’amour et de dilection, selon la belle idée de
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
beati Dionysii pulchram sententiam, De div. nom. IV, sic dicentis: “Ita autem diligibilem et amabilem ipsum vocant, divini theologi, sicut bonum et pulchrum; amorem autem rursus et dilec- 80 tionem sicut moventem simul et sicut quod est virtus sursumagens ad seipsum. Quod solum ipsum, propter seipsum, est pulchrum et bonum, sicut quod est manifestatio sui ipsius propter seipsum et segregate unitionis bonus processus et amativus motus simplex per se mobilis, per se operans, per se exis- 85 tens in bono et ex bono existentibus emanans”. Itaque, quoniam in presenti non est invenire dilectum nisi per participationem, tam in visibilibus quam in invisibilibus creaturis, ideo bene sequitur: 3, 2b
Quesivi et non inveni illum.
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Ac si dicat: tam in magis quam in minus capacibus creaturis Deum investigavi, nec eum in singularitate sue essentie simplicis adinveni; nec mirum, ut etiam sanctus Dionysius asserit, De div. nom. II: “Omnia divina et quecumque nobis manifestata sunt, solis participationibus cognoscuntur. Ipsa autem qua- 95 liacumque sunt secundum proprium principium aut collocationem, super mentem sunt et omnem substantiam et cognitionem. Sicut [si] supersubstantiale occultum, sive Deum, aut vitam, sive substantiam, aut lumen, nominemus, aut rationem, nihil aliud intelligimus | quam ad nos ex ipso productas virtutes, (142b) deificas, aut substantificas, aut vivificas, aut sapientificas”. Ex hiis verbis colligere possumus quoniam non potest ad simplicem cognitionem Dei perveniri nisi tantum per participationes, sive magne sint, aut parve, ita quod ipsius nominationes et cognitiones nihil aliud sunt quam eius bone participationes 105
79-86 Ita – emanans] Ps.-Dion., De div. nom., IV, 2213-2231 – sapientificas] Ps.-Dion., De div. nom., II, 941-953
94-101 Omnia
91 magis] magnis PM deificas N
101 vivificas]
94 manifestata] manifesta PM
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saint Denys disant, dans les Noms divins, ch. IV: «Les divins théologiens l’appellent donc digne d’être aimé et d’être chéri, en tant qu’il est beau et bon, amour et dilection, en tant qu’il meut et en même temps en tant qu’il est la force qui élève vers lui seul; beau et bon à cause de lui-même, en tant qu’il est manifestation de soi, à cause de soi, comme bonne marche vers l’union exclusive, simple mouvement d’amour qui se meut par soi, qui agit par soi, qui existe dans le bien et qui, du bien, s’écoule dans les êtres.» Puisque, présentement, on ne peut découvrir le bien-aimé que par la participation dans les créatures tant visibles qu’invisibles, il suit avec bonheur: J’ai cherché et je ne l’ai pas trouvé. Comme si elle disait: J’ai cherché Dieu dans les créatures capables, plus ou moins, des participations divines, et je ne l’ai pas trouvé dans la singularité de son essence simple. Ce n’est pas étonnant, comme l’affirme le bienheureux Denys dans les Noms divins, ch. II: «Toutes les choses divines, quelles qu’elles soient, qui nous sont manifestées, sont connues par les seules participations. Elles-mêmes, quelles qu’elles soient, sont, selon leur principe ou leur lieu propres, au-dessus de l’esprit et de toutes substance et connaissance. Quand donc nous nommons le secret supersubstantiel ou Dieu, ou vie, ou substance, ou lumière, ou raison, nous ne saisissons rien d’autre que les dons venant de lui qui nous déifient, substantifient, vivifient, nous rendent sages.» De ces paroles, nous pouvons conclure qu’on ne peut parvenir à la connaissance simple de Dieu que par ses participations grandes ou petites, de telle sorte que les désignations nominales et les connaissances le concernant ne sont rien d’autre que ses bonnes participations distribuées à chacun en particulier selon son rang. De
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
singulis, iuxta dignitatem ipsorum distribute. Nam, ut alibi idem Dionysius dicit, Angel. scilicet hier., XIII, secundum omnem supersubstantialem eminentiam incomparabiliter est collocatum esse divinum super universam visibilem et invisibilem virtutem. Igitur, ne sponsa nostra querendo et non inveniendo ab inquisi- 110 tione desistat, ab ipsius dilecti precursoribus invenitur, ut per hoc tanto ad ipsum querendum ardentius animetur, quanto ab ipsis angelis misericorditer invenitur. Nam ait: 3, 3a
Invenerunt me vigiles qui custodiunt civitatem. Quod est dicere: dilectum me querentem repererunt angeli 115 ad aspectum divini luminis nunquam oculos claudentes, qui et militantis Ecclesie solerter defensant unitatem. Pulchre per vigiles, a quibus dilectum suum querens anima invenitur, angeli designantur, quoniam ipsi nunquam ad aspectum thearchice claritatis dormitant, sed semper apertis oculis 120 ipsam continue contemplantur. Hinc per seipsam Veritas ait: “Angeli eorum semper vident faciem Patris qui in celis est”. Quasi diceret: divini spiritus continue, clare, vere et sublimiter Deum contemplantur. Continue, quia semper, non momentane, clare, quia vident sicut | est, vere, quia faciem, non posteriora, subli- (142c) miter, quia in celis entem acutissime contemplantur. Hoc autem notandum est quod angeli sic vident, quod tamen sine oculis. Non enim mens, sive humana, sive angelica, instrumentalem oculum habet, sed ipsa tantum sibi est oculus. Unde ait beatus Dionysius, Myst. theol: I: “Superpulchris claritatibus superim- 130 plentem non habentes oculos mentes”. Deiformem igitur animam 107-109 secundum – virtutem] Ps.-Dion., De cael. hier., XIII, 9623-4 122 Angeli – est] Matth. 18, 10 130-131 Superpulchris – mentes] Ps.-Dion., Myst. theol. I, 5671-2 109 esse] om. N 113 misericorditer] misericordius N 115 querentem] querente N 117 defensant] defendant M 119 angeli] om. PM 124 Continue] cottidie P 130-131 superimplentem] superimpleri N supersplendentem Mpc
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fait, comme le dit ailleurs le même Denys, Hiérarchie angélique, ch. XIII: «Selon toute éminence supersubstantielle, l’être divin est situé incomparablement au-dessus de toute vertu, visible et invisible.» Pour qu’en cherchant et en ne trouvant pas, notre épouse n’abandonne pas sa recherche attentive, elle est rencontrée par ceux qui précèdent le bien-aimé lui-même, afin que, grâce à cela, elle soit d’autant plus ardemment encouragée à le chercher, que les anges eux-mêmes la rencontrent avec bonté. Elle dit en effet: Les sentinelles qui gardent la cité m’ont rencontrée. C’est dire: Les anges, qui ne ferment jamais les yeux à la vue de la lumière divine, et qui défendent parfaitement l’unité de l’Église militante, m’ont découverte en quête du bien-aimé. À merveille, par «sentinelles», qui rencontrent l’âme en quête de son bien-aimé, les anges sont désignés, parce qu’eux mêmes ne s’endorment jamais à la vue de la clarté théarchique, mais, les yeux toujours ouverts, le contemplent sans arrêt. La Vérité par soi dit donc: «Leurs anges voient toujours la face du Père qui est aux cieux.» Comme si elle disait: Les esprits divins contemplent Dieu de façon continuelle, claire, vraie et sublime; continuelle, car ils le contemplent toujours, non passagèrement; claire, car ils le voient tel qu’il est; vraie, car ils voient sa face et non ce qui est par derrière; sublime, car ils contemplent de façon très pénétrante celui qui existe dans les cieux. Il faut noter que les anges le voient ainsi, mais sans yeux. En effet, l’esprit, soit humain, soit angélique, n’a pas d’œil à titre d’instrument; il n’est qu’œil pour lui-même. Le bienheureux Denys dit donc, dans la Théologie mystique, ch. XII: «Inondant de clartés plus que belles les esprits qui n’ont pas d’yeux.» Que l’âme déiforme soit donc rencontrée par les gardes
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
a vigilibus inveniri, nihil aliud est quam ipsam divine inquisitioni vacantem a iugiter Dei faciem contemplantibus celestibus spiritibus preveniri, quibus est et commissa defensio Ecclesie militantis; quod patet ex eo quod ait: qui custodiunt civitatem, id est defensant adhuc militantium civium unitatem, ne a malignis spiritibus dividatur. Nam, ut divinus ait Dionysius, Angel. hier. IX, “ipsa una universorum altissimi Dei providentia omnes homines salutariter propriorum angelorum suscitantibus manuductionibus distribuit.” Non solum igitur custodiunt ne bona amittantur, sed etiam suscitant ut maiora percipiantur. Unde idem ait, De div. nom. IV, quod per ipsas intelligentias, sive per intellectuales substantias anime ad angelicam vitam se extendentes, ad omnium bonorum bonum principatum sursumaguntur et participes fiunt emanantium illuminationum. Signanter vero dixit sponsa: invenerunt me vigiles, nam sicut videri in divinis sive illuminari precedit videre sive contemplari, sic nimirum inveniri ante est quam invenire, quemadmodum dicitur per Psalmistam: “Prevenerunt, inquit, principes coniuncti psallentibus in | medio iuvencularum tympanistriarum”, hoc est animarum purissimarum et disciplinis celestibus mortificatarum, que non tantum ab ipsis nostre hierarchie principibus angelis preveniuntur, sed etiam eis delectabiliter coniunguntur. Nec sunt profecto ille benedictiones dulcedinis quibus novit dilectus sponsas suas in spiritualibus exercitiis laborantes non tam suaviter quam mirabiliter prevenire, sicut et per beatum Dionysium dicitur in Epistola ad Demophilum: “Adhuc, inquit, ipsis longe existentibus tamen accedentibus occurrit et obviat et totos totus 138-140 ipsa – distribuit] Ps.-Dion., De cael. hier., IX, 9131-3 142-145 per – illuminationum] cf. Ps.-Dion., De div. nom., IV, 1542-1552 ad sensum 144145 Prevenerunt – tympanistriarum] Ps. 67, 26 157-161 Adhuc – habitatio] Ps.-Dion., Ep. VIII ad Demoph., 15121-4 134 preveniri] prevenire PM 135-136 id est – unitatem] om. OPM 139 suscitantibus] om. N 141 percipiantur] percipiant PM 142 intelligentias sive per] om. N 145 fiunt] inde add. N 151 celestibus] purissimis N
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n’est rien d’autre que, se livrant à la divine recherche, être précédée par les esprits célestes, qui sans cesse contemplent la face de Dieu, auxquels est également confiée la défense de l’Église militante. Cela ressort de ce qu’elle dit: «Qui gardent la cité», c’està-dire défendent l’unité des citoyens menant encore le combat, de peur que les esprits mauvais ne la divisent. En effet, comme le dit le divin Denys, dans la Hiérarchie angélique, ch. IX: «L’unique providence divine universelle a partagé elle-même utilement tous les hommes par les actions constructrices et élevantes de leurs anges respectifs.» Non seulement donc ils gardent pour que les bonnes choses ne soient pas perdues, mais aussi ils élèvent pour que de plus grandes soient perçues. En conséquence, le même Denys dit, dans les Noms divins, ch. IV, que, par les intelligences elles-mêmes ou par les substances intellectuelles, les âmes, qui tendent à vivre la vie angélique, sont soulevées vers le Bien, principe de tous les biens, et deviennent participantes des illuminations qui s’en échappent. L’épouse dit donc clairement: «Les gardes m’ont découverte». En effet, de même que, dans les choses divines, être vu ou être illuminé précède voir ou contempler, de même en vérité être trouvé précède trouver, ainsi qu’il est dit par le psalmiste: «Les chefs ont marché devant, unis à ceux qui chantent en s’accompagnant de la cithare, au milieu des jeunes filles qui jouent du tambourin», c’està-dire des âmes très pures et mortifiées par les disciplines célestes, âmes qui, non seulement sont précédées par les anges, chefs de notre hiérarchie, mais qui leur sont unies de façon délectable. Ils ne sont certes pas ces bénédictions de douceur, par lesquelles le bien-aimé a su précéder, de façon non pas tant agréable qu’admirable, ses épouses, qui pratiquent les exercices spirituels, ainsi que le dit le bienheureux Denys dans l’Épître à Démophile: «Il accourt au devant de ceux qui sont loin, mais qui s’approchent cependant; les rece-
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amplectens osculatur et non accusat de prioribus, sed diligit presentem et festum facit et convocat amicos, ut sit omnium letan- 160 tium habitatio.” Itaque deiformis anima a beatis vigilibus preventa atque ab ipsis intellectualiter salutata, an dilectum suum viderint taliter sciscitatur:
3, 3b
Num quem diligit anima mea vidistis? Ac si dicat: numquid supersubstantialem et supersplen- 165 dentem radium thearchicum, cui sum amore insolubili copulata, vidistis? Nota quoniam hec interrogatio potius est amantis quam dubitantis. Quomodo enim non eum vident quem incessanter clarissimis obtutibus contemplantur? “Oportet enim”, iuxta beati 170 Dionysii sententiam, Angel. hier. III, “illuminatos”, quasi angelos existentes, “divino lumine adimpleri ad contemplativum habitum et virtutem in castissimis mentis oculis sursumactos.” Propter quod dicendum est quod angelus, ex ipsa propria sua visione, manifeste | declarat se semper Deum videre, sicut totaliter ex (143a) plenitudine contenti luminis radiatus. Dionysius, De div. nom. IV: “Imago namque Dei est angelus, manifestatio occulte luminis, speculum purum, clarissimum, incontaminatum, immaculatum, incoinquinatum, suscipiens totam, si est fas dicere, pulchritudinem boniformis deiformitatis, et munde splendere faciem 180 in seipso”. Querit ergo sponsa, non ut certificetur quasi dubitans de continua angelorum contemplatione, sed ut ardentius suscitetur quasi nimium amans dilecti sui visionem. Unde bene subiungit:
170-173 Oportet – sursumactos] Ps.-Dion., De cael. hier., III, 7944-7952 181 Imago – seipso] Ps.-Dion., De div. nom., IV, 2693-2702
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167 vidistis] aliquando contemplastis N 174 angelus] angeli N 175 declarat] declarant N 182-183 suscitetur] suscitens P suscitans M
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vant à bras ouverts, il les embrasse; il ne leur reproche pas ce qu’ils ont fait; il aime celui qui arrive; il lui fait fête; il convoque ses amis, afin que la maison soit celle de tous ceux qui se réjouissent.» Devancée par les bienheureuses sentinelles et, par elles, intellectuellement saluée, l’âme déiforme cherche de cette manière à savoir si elles ont vu son bien-aimé: Avez-vous vu celui que mon âme aime? Comme si elle disait: Avez-vous vu le rayon théarchique, supersubstantiel et plus que brillant auquel je suis unie d’un amour indissoluble? Note que cette question est plus celle de celui qui aime que de celui qui doute. Comment, en effet, ne voient-ils pas celui qu’ils contemplent sans cesse de leurs très clairs regards? Il faut, en effet, selon l’affirmation du bienheureux Denys, dans la Hiérarchie angélique, ch. III: «Que les illuminés», comme s’ils étaient des anges, «soient remplis de la lumière divine, élevés au fait et au pouvoir de contempler avec les yeux très chastes de l’esprit.» Il faut donc dire, qu’en raison de sa propre vision, l’ange déclare manifestement qu’il voit toujours Dieu, attendu qu’il rayonne totalement de la plénitude de la lumière ardente. Denys dit donc dans les Noms divins, ch. IV: «L’ange est, en effet, l’image de Dieu, la manifestation de la lumière cachée, le miroir très pur, très net, intact, immaculé, sans souillure, qui reçoit toute la beauté, s’il est permis de le dire, de la bonne déiformité, et qui la fait resplendir en soi.» L’épouse cherche donc, non pour être rassurée, comme si elle doutait de la continuelle contemplation des anges, mais afin d’être plus ardemment stimulée, comme aimant extrêmement la vision de son bienaimé. Elle poursuit donc:
250 3, 4a
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Paululum cum pertransissem eos, inveni quem diligit anima mea.
185
Quod est dicere: cum me ab omni intellectuali creatura absolvissem, tunc absolute cognovi, quem insolubiliter diligo. Si quidem nihil aliud est celestes vigiles deiformem intelligentiam paululum pertransire nisi seipsam ab omni intellectuali creatura absolvere, que quidem absolutio est supermentalis 190 unitio, ubi absolute cognoscitur dilectus nullo medio interiecto. Hinc est quod beatus Dionysius, Myst. theol. I, ad Timotheum aiebat: “Etenim excessu tui ipsius et omnium irretentibili et absoluto munde, ad supersubstantialem divinarum tenebrarum radium, cuncta auferens et a cunctis absolutus sursumageris”. Ex 195 his verbis clare liquet quoniam inter excessum anime irre|ten- (143b) tibilem et absolutum et divini radii inventionem, que est per unitionem, nihil est medium. Tamen, quia ipsa talis inventio sic cognitissima est quod ineffabilis, sic clarissima quod incognitissima, ideo merito dicitur radius tenebrarum per excessum cognitio- 200 nis. Quia ergo sponsa nostra post intellectualium creaturarum absolutam pertransitionem meruit dilecti sui unitivam inventionem, ideo subiungitur per eamdem:
3, 4b
Tenui eum, nec dimittam donec introducam illum in domum matris mee 205 et in cubiculum genitricis mee. Ac si dicat: apprehendi eum per amplexum unitionis, nec separari eum a me permittam per lapsum pedestris deiectionis, quousque eum familiariter introductum sentiam in tuto affectionis mee et in abdito caritatis mee.
193-195 Etenim – sursumageris] Ps.-Dion., Myst. theol. I, 5683-5691 196 clare] dare N
198-199 cognitissima est] est effabilis N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Quand je les ai eu dépassées quelque peu, j’ai trouvé celui que mon âme aime. C’est dire: Quand je me fus détachée de toute créature intellectuelle, j’ai connu absolument celui que j’aime indissolublement. Si, en vérité, dépasser quelque peu les sentinelles célestes n’est rien d’autre, pour l’intelligence déiforme, que se détacher de toute créature intellectuelle, ce détachement est certainement l’union supramentale, où le bien-aimé est connu absolument sans intermédiaire. De là ce que le bienheureux Denys disait à Timothée, dans sa Théologie mystique, ch. I: «En effet, par la sortie de toi-même et de tout, sortie irrésistible, proprement totale, tu seras élevé, supprimant toutes choses et libre de toutes choses, au rayon supersubstantiel des ténèbres divines.» Il ressort, à l’évidence, de ces paroles qu’entre le dépassement qu’on ne peut empêcher, absolu, de l’âme et la découverte du rayon divin qui se fait par l’union, il n’y a aucun intermédiaire. Toutefois, parce que cette même découverte est très connue ainsi qu’elle est ineffable, très manifeste ainsi qu’elle est très ignorée, elle est dite justement rayon des ténèbres, par excès de connaissance. Puisque donc, après le franchissement absolu des créatures intellectuelles, notre épouse a mérité la découverte unitive de son bien-aimé, elle ajoute: Je l’ai tenu et je ne le lâcherai pas, jusqu’à ce que je l’introduise dans la maison de ma mère et dans la chambre de celle qui m’a engendrée. Comme si elle disait: Je l’ai saisi par l’embrassement de l’union, et je ne permettrai pas qu’il soit séparé de moi par la chute d’un faux pas, jusqu’à ce que je le sente familièrement introduit dans le lieu sûr de mon affection et le lieu retiré de ma charité.
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Hoc namque est notandum quoniam per nullum modum melius apprehenditur dilectus, aut tenetur in presenti ab anima deiformi, quam per amplexum cognitionis absolute que est unitio. Tunc enim vere et secure dicere potest talis anima: non dimittam eum, id est separari permittam per lapsum deiectionis ad cognitionem comparatam. Quod quidem fit quando intelligentia supermentalis unitionis absolutam cognitionem dimittens transit ad inferiores creaturas, sive sint intellectuales, sive materiales. | Hoc autem nullo modo facere convenit quousque ipsum dilectum suum anima boniformis senserit firmiter introductum et familiariter hospitatum in domum matris, id est in tuto affectionis, necnon in cubiculum genitricis sue, hoc est in secretarium caritatis, et tunc ipsa poterit securius circuire tali obtento custode. Si queratur cur per matrem affectio et per genitricem caritas designetur, dicendum quoniam, sicut matris est magis diligere et vehementius affici, sic ipsa mentis affectio dulcius amplexatur; preterea, sicut genitricis est generare, sic amor, sive caritas, est principium essendi divine ipsi anime, sive causa, ipsam promovendo generans ad divina. Hinc est quod sanctus dicit Dionysius, Eccl. hier. II: “Sicut, inquit, nobilis dux noster dixit secundum mentem ad divina primus motus dilectio est Dei; et sancte vero dilectionis, que est ad sanctam operationem divinorum preceptorum, principalissimus processus essendi divine est ineffabilissima dispensatio. Si enim essendi divine est divina generatio, nequaquam aliquid noscat a Deo traditorum, neque etiam operetur, qui esse in Deo habuit.” Nota igitur ex hiis verbis quod sancta Dei dilectio non solum est principium essendi divine et motus in Deum, verum etiam causa cognitionis et operationis divinorum. Non enim aliquid moveri potest nisi sit, nec cognosci
229-235 Sicut – habuit] Ps.-Dion., De eccl. hier., II, 11073-11091 212-213 unitio] coniunctio M 215 Quod] Que PM 218 ipsum] om. M 224 dicendum] est add. NM 230 est] om. OPM 231 vero] vere OPM 232 est] et OPM 233 Si] sic OPM 234 aliquid] aliquando qui OPM 235 qui] quod OPM Deo] non add. OPM
210
215
(143c)
220
225
230
235
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Il faut ici noter, en effet, que le bien-aimé n’est d’aucune manière mieux saisi ou présentement tenu par l’âme déiforme que par l’embrassement de la connaissance absolue qu’est l’union. Alors, en effet, une telle âme peut dire en vérité et sécurité: «Je ne le lâcherai pas», c’est-à-dire je ne permettrai pas qu’il soit séparé par la chute de l’abaissement à cause d’une connaissance relative. Cela se produit quand, abandonnant la connaissance absolue de l’union supramentale, l’intelligence passe à des créatures inférieures, intellectuelles ou matérielles. Il ne convient absolument pas de faire cela jusqu’à ce que l’âme de bonne forme ait perçu que le bien-aimé luimême est solidement introduit et familièrement reçu dans la maison de la mère, c’est-à-dire dans le lieu sûr de l’affection, non moins que dans la chambre de celle qui l’a engendrée, c’est-à-dire dans le lieu retiré de la charité. Elle pourra alors l’envelopper plus sûrement, ayant obtenu un tel gardien. Si l’on cherche pourquoi «mère» désigne l’affection, et «celle qui engendre» la charité, il faut dire que le propre de la mère est d’aimer davantage et d’être plus fortement affectée; ainsi l’affection même de l’esprit embrasse avec plus de douceur. De même, en outre, qu’il revient à celle qui engendre de concevoir, de même l’amour ou la charité est pour l’âme elle-même le principe de l’être divinement ou la cause qui l’engendre en l’élevant vers les choses divines. D’où ce que dit saint Denys, dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. II: «Comme, en effet, notre noble maître l’a dit, le premier mouvement de l’esprit vers les choses divines est l’amour de Dieu, ainsi, en vérité, la dispensation très ineffable de l’être divinement est la progression la plus essentielle de la sainte dilection, être divinement ordonné à la sainte exécution des préceptes divins. Si, en effet, elle est la divine génération de l’être divinement, jamais celui qui n’existe pas en Dieu ne connaît quelque chose de ce que Dieu communique, ni ne s’y conforme.» En raison de ces paroles, note donc que la sainte dilection de Dieu, non seulement est le principe de l’être divinement et du mouvement vers Dieu, mais encore la cause de la connaissance et de la réalisation des choses divines. De fait, rien ne peut être mû s’il n’existe pas, et quelque chose ne peut être connu, si ce
254
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
aliquid nisi per motum, nec aliquid operari nisi per cognitionem. Esse ergo divine est causa motus in Deum, motus vero causa 240 cognitionis, cognitio autem, causa operationis. Et hec omnia ex omnium bonorum spiritualium effectuum et materialium | matre, (143d) a genitrice caritate, procedunt. Igitur sponsa in secretis suis introducto dilecto, ac per hoc, ipsa in eo et ipse in ea, delectabiliter quiescente, rogat sponsus consodales sponse ne eius dulcedinem 245 interrumpant, dicens:
3, 5
Adiuro vos, filie Ierusalem, per capreas cervosque camporum, ne suscitetis, neque evigilare faciatis dilectam, donec ipsa velit. Quasi dicat: vehementissime vos deprecor, o anime visioni pacifice mancipate, per subtiles cognitiones et agiles sursumactiones ad divina, ne inquietetis deiformem animam a negotioso otio ad negotium otiosum, quousque sibi placitum fuerit. Pulchre nempe dilectus adolescentulas indiscretas, pro tanta quiete deiformis anime, per capreas cervosque camporum adiurat, hoc est per subtiles cognitiones et agiles sursumactiones ad divina. Quarum et ipse sunt emulatrices ne deiformem animam attentent suscitare ab otio negotioso ad negotium otiosum. Nam, etsi dormire videatur a materialibus actionibus, cor tamen vigilat in mentalibus, quod vere est otium negotiosum semper summa diligentia pertractandum. Omnis enim actio manualis quasi otiosa et inutilis respectu mentalis est dicenda, propter quod ab ista ad illam nullatenus, nisi forte ad modicum, est evigilandum, quoniam in nullo actu vel motu anima sic | deificatur et sanctificatur quomodo in actu vel motu amoris affectualis in Deum se ardentissime elevantis. Ideo merito non ante est excitanda sponsa a tam perutili otio, donec formaliter sit deificata et intelligibiliter fermentata, ut sic conformetur voluntati divine que est sanctifica-
240 vero] est add. O 241 ex] et PM 243 a] et N 245 eius] ei N 259 semper] scripsi cum O. a.m.s.l. super OacPM om. N 266 formaliter] totaliter N
250
255
260
(144a)
265
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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n’est par le mouvement, et rien ne peut être accompli, si ce n’est par la connaissance. Être divinement est donc la cause du mouvement vers Dieu; le mouvement, celle de la connaissance; la connaissance, celle de l’opération. Tout cela procède de la mère de tous les bons effets, spirituels et matériels, la charité qui engendre. Le bien-aimé, ayant été introduit dans les lieux secrets de l’épouse, et à cause de cela elle-même se reposant avec délices en lui, et lui en elle, l’époux demande aux compagnes de l’épouse de ne pas interrompre son plaisir. Il dit donc: Je vous adjure, filles de Jérusalem, par les chèvres et les cerfs des champs, ne tirez pas de son sommeil ni ne faites se réveiller la bien-aimée, jusqu’à ce qu’elle le veuille. Comme s’il disait: Ô âmes livrées à la vision purificatrice, je vous demande très instamment de ne pas troubler par de subtiles pensées et de rapides élévations vers les choses divines le repos de l’âme déiforme, pour que, d’un loisir fort occupé, elle passe à une occupation oiseuse, jusqu’à ce qu’il lui plaise. À merveille, en effet, à cause du si grand repos de l’âme déiforme, le bien-aimé adjure, par les chèvres et les cerfs des champs, les indiscrètes jeunes filles de ne pas tenter, par des pensées subtiles et de rapides élévations vers les choses divines, dont ellesmêmes sont les émules, de réveiller l’âme déiforme d’un repos actif en vue d’une activité oiseuse. En effet, même si elle paraît dormir au plan des actions matérielles, le cœur veille cependant à celui des actions de l’esprit, ce qui, en vérité, est un repos actif qu’il faut prolonger avec une extrême attention. De fait, toute action manuelle doit être jugée comme oiseuse et inutile par rapport à celle de l’esprit, parce que, d’aucune manière, sauf peut-être pour peu de temps, il ne faut se réveiller de celle-ci en vue de celle-là, parce qu’en aucun acte ou mouvement, l’âme n’est ainsi déifiée et sanctifiée à la façon dont elle l’est en l’acte ou le mouvement de l’amour qui affecte provisoirement et élève très ardemment vers Dieu. Avec raison, il ne faut donc pas sortir l’épouse d’un repos tellement utile avant qu’elle soit formellement déifiée et intelligiblement fermentée pour être ainsi conformée à la volonté divine qui est notre
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
tio nostra. Nam et “seipsum propter nos sanctificat sanctissimus Iesus et omni nos sanctificatione implet”, ut ait beatus Dionysius, Eccl. hier. IV. Quapropter, sciens sponsa quod secundum alti- 270 tudinem extensionis in Deum sit intentio deificationis et sanctificationis, altius se promovet in divina. Unde ipsius felicem volatum admirans dilectus ait: 3, 6
Que est ista que ascendit per desertum, sicut virgula fumi, ex aromati275 bus myrrhe et thuris et universi pulveris pigmentarii? Quod est dicere: quam mire virtutis est hec anima, que sic in altum se tollit per medium regionis intelligibilium radiorum inculte habitatore, velut agiliter subtiliata ex bene olente puritate mortificationis et sursumferente odore orationis et uni280 versali suavissima virtute mentalium actionum. Revera enim magne virtutis anima est dicenda, que tam otiosa in sensibus exterioribus, tam negotiosa in interioribus, tam dulcora in affectu, tam decora in aspectu, tam plumata per cognitionem | veritatis, tam alata per amorem bonitatis, per deser- (144b) tum se tollit intelligibilis regionis, que ob eius ignorantiam et 285 ascensus prominentiam, rarissimo incolitur habitatore. Nam, ut bona tradit Theologia, ipsius “semitam ignoravit avis, nec intuitus est eam oculus vulturis”, hoc est etiam alicuius eximii intellectus perspicacia. Qui igitur cum sponsa nostra cupit ab extremis finibus sue mortalitatis egredi et ascendere ad thronum sapientie 290 Salomonis, more Saba regine, iter faciens per desertas regiones imaginabilium et intelligibilium, necesse est ut optima aromata secum ferat, et primum quidem myrrham mortificationis, que est purgativa, thus orationis, que est elevativa, et pulverem pig-
268-269 seipsum – implet] Ps.-Dion., De eccl. hier., IV, 13084-13091 288 semitam – vulturis] Iob 28, 7 271 fit] sit O intentio] mentis PM mente N 277-278 radiorum] raro N cognitione O 285 ob eius] obvie N
287-
272 in] ad PM 276 mire] 283-284 per cognitionem] in
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sanctification. En effet, «le très saint Jésus se sanctifie lui-même et il nous remplit de sainteté», dit Denys, dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. IV. Sachant que l’élévation de la tension vers Dieu est déification et sanctification, l’âme s’élève plus haut vers les choses divines. Admirant ce vol heureux, le bien-aimé dit donc: Quelle est celle qui s’élève du désert comme un filet de fumée, aux aromates de la myrrhe, de l’encens et de la poudre odoriférante du parfumeur? C’est dire: De quelle admirable vertu est cette âme qui s’élève ainsi vers les hauteurs à travers la région sans habitant des rayons intelligibles, comme amincie rapidement par la pureté de bonne odeur de la mortification, élevée par l’odeur de la prière et par toute la force très douce des actions de l’esprit? Certes, l’âme doit être dite de grande vertu, qui tellement en repos des sens extérieurs, si active au plan des sens intérieurs, si adoucie en affection, si belle à voir, si couverte de la connaissance de la vérité, si ailée par l’amour de la bonté, s’élève à travers le désert de la région intelligible, qui, à cause de l’ignorance la concernant et du caractère abrupt de l’escalade, est très rarement habitée. En effet, ainsi que l’enseigne la bonne Théologie, «l’oiseau a ignoré le sentier et l’œil du vautour ne l’a pas perçu», c’est-à-dire: même la perspicacité de quelque éminent intellect. Qui donc, avec notre épouse, désire franchir les limites extrêmes de sa mortalité et s’élever jusqu’au trône de la sagesse de Salomon, à la façon de la reine de Saba, il est nécessaire que, faisant route à travers les régions désertes des choses imaginables et intelligibles, il porte avec soi les meilleurs aromates, et, d’abord, la myrrhe de la mortification qui purifie, l’encens de l’oraison qui élève, la poudre du marchand
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
mentarium mentalis operationis, que est suavitatis exhalativa, insuper etiam et aurum et gemmas pretiosas, hoc est studium sapientie et anagogicas sententias Scripturarum. Taliter namque merebitur ad supermentalem divine cognitionis celsitudinem pervenire que omnis dubietatis et ignorantie est penitus exclusiva, sive omnis obscure propositionis luculenter enucleativa. Inde etiam ordinem intellectualiter sibi famulantium celestium hierarchiarum, necnon et pinguissima holocausta amoris superferventissimi, quem incessanter ipsi Deo offerunt, poterit contemplari. Nam sancta supermundanarum visio et cognitio sicut est infatigabilis, sic amor incessabilis, ita ut, quanto plus videndo cognoscunt, tanto plus amando ac fortius | in divinam pulchritudinem inardescunt, “in quem, ait theologus Petrus, desiderant angeli prospicere”. Quare hoc? Quia et prospiciendo intensiori desiderio inardescunt et desiderando attentius prospicere concupiscunt. Sed que est illa anima, tam firma, tam fortis, que ad contemplationem horum non expavescat, ita ut non remaneat in ipsa spiritus, sed potius in Deum avolet, et iam non humanum, sed divinum, sit eum ulterius receptura? Quid autem sponsam est sicut virgulam fumi ex aromatibus myrrhe et thuris et universi pulveris pigmentarii exhalantis per desertum ascendere, nisi deiformem animam, per mortificationem subtiliatam, per virtutem orationis elevatam, per redolentiam universe mentalis sancte operationis deificatam, abdita imaginabilium et invia intelligibilium penetrare et sic ad contemplationem et cognitionem veri pacifici in Ierusalem pervenire? Hoc namque illud est desertum, quod vere deificata illa anima boni Moysi peragravit, ubi vere divinam visionem promeruit: “Cumque, ait, minasset gregem ad interiora deserti”, hoc est purissimas mentis theorias
307-308 in – prospicere] I Petr. 1, 12
322-326 Cumque – rubi] Ex. 3, 2
295 suavitatis exhalatativa] suavitas exaltativa N 299 exclusiva] expulsiva PM 303 offerunt] afferunt N 304 visio] mentium O 309 attentius] ardentius N 314 et thuris] om. PM 317 universe] universalem M 318 invia] intima N 321 deificata] deifica O 323 mentis] mentes PM
295
300
305 (144c)
310
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qu’est l’opération mentale exhalant la douceur, et, en outre, l’or et les pierres précieuses, c’est-à-dire l’étude de la sagesse et les pensées anagogiques des Écritures. De la sorte, il méritera, en effet, de parvenir au sommet supramental de la connaissance divine, qui exclut absolument tout doute et toute ignorance, ou qui explique fort bien toute énonciation obscure. Il pourra donc aussi contempler l’ordre des hiérarchies célestes qui le servent intellectuellement, non moins que les très riches holocaustes de l’amour, plus que très fervent, qu’elles offrent à Dieu lui-même sans arrêt. De même, en effet, que la sainte vision et la sainte connaissance des esprits supramondains sont incessantes, de même leur amour ne peut cesser, de telle sorte que, plus ils connaissent en voyant, plus ils s’enflamment, en aimant davantage et plus fortement, pour la beauté divine, «pour celui que», dit le théologien Pierre, «les anges désirent regarder». Pourquoi cela? Parce qu’en regardant, ils s’enflamment d’un plus ardent désir, et, en désirant, ils souhaitent regarder plus attentivement. Mais quelle est cette âme si solide, si forte, qui ne redoute pas de les contempler, si bien que l’esprit ne demeure pas en elle, mais s’envole plutôt vers Dieu, et doit alors le recevoir ultérieurement, non humain, mais divin? Mais que signifie: l’épouse s’élève du désert comme un filet de fumée à l’odeur issue des parfums de la myrrhe, de l’encens et de toute poudre odoriférante du parfumeur, si ce n’est qu’amincie par la mortification, élevée par la vertu de l’oraison, déifiée par l’odeur la meilleure de toute opération sainte de l’esprit, l’âme déiforme pénètre les secrets des choses imaginables et ce qu’ont d’impénétrable les choses intelligibles, et ainsi parvient en Jérusalem à la contemplation et à la connaissance du vrai Pacificateur? Tel est, en effet, ce désert que l’âme véritablement déifique du bon Moïse parcourut. Il y mérita véritablement la vision divine: «Lorsque, dit-il, il eut conduit le troupeau à l’intérieur du désert», c’est-à-dire lorsqu’il eut dirigé les théories très pures de l’esprit vers les secrets des choses
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
ad secreta intelligibilium direxisset, “venit ad montem Dei Horeb”, id est ad arcem contemplationis, “apparuitque Dominus Moysi in flamma ignis de medio rubi”, hoc est: per ardentes et luminosos sue beate lucis radios innotuit de medio sue inaccessibilitatis. Quid enim melius per rubum pungentem accipimus quam ineffabilem divinam lucem accessum ad Deum prohibentem et quid per hoc quia videbat quod rubus arderet et non comburetur, nisi quia divina lux | et semper ardendo luceat et lucendo ardeat, nunquam tamen defectum aut minorationem sue ignite claritatis et clare igneitatis patitur? Quod utique non tam admirabile quam inscrutabile est dicendum. Hinc est quod, cum sanctus Moyses divina suscitatus visione vult pergere ad videndum eam, audit Dominum sibi dicentem: “Ne appropies huc, solve calceamentum de pedibus tuis, locus enim in quo stas terra sancta est.” Quasi diceret: ad hanc mirabilem visionem aliqualiter apprehendendam non potes admitti, nisi omnem materialitatem a motibus tuis in Deum tendentibus abicias ut, sicut sancta et intellectualis est statio, sic tu prius sanctus et intellectualis efficieris, si in eam vis pervenire. Nam conveniens est ut, sicut materialia materialiter, sic intelligibilia intelligibiliter et divina divine capiantur. Unde ait beatus Dionysius, Eccl. hier. I: “De universa quidem superposita hierarchica sancta locutione non tradas alteri preter coordinatos tibi deiformes sanctitatis perfectores, et ipsis persuadebis confiteri secundum legem hierarchicam ut munda quidem munde tangant, communicent autem solis divinis deifica, perfectivis perfecta, et sanctis sanctissima”. Hec autem digressio idcirco facta est ut, notata utilitate intelligibilis deserti ad ipsius introitum et profectum, uniuscuiusque nostrum 336-338 Ne – est] Ex. 3, 5 hier., I, 11023-11034
344-349 De – sanctissima] Ps.-Dion., De eccl.
327 ei] om. O 329 divinam] Dei et corr. in marg. in divinam P Dei add. M 1 328-331 Quid – quia] om. N 331 et ] etsi N 334 admirabile] mirabile O 339 materialitatem] materialem N 345 superposita] supraposita PM 346 coordinatos] ordinatas OPM 350 digressio] dignissimo N 350 ut] ne N
325
330 (144d)
335
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345
350
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intelligibles, «il arriva à la montagne de Dieu, l’Horeb», c’est-àdire au faîte de la contemplation, et «le Seigneur apparut à Moïse en flamme de feu du milieu du buisson», c’est-à-dire grâce aux rayons ardents et brillants de sa bienheureuse lumière, il se fit connaître à lui du milieu de son inaccessibilité. Que comprenonsnous mieux, en effet, par buisson piquant que l’ineffable lumière divine empêchant l’accès à Dieu, et que comprenons-nous mieux par «il voyait que le buisson brûlait sans se consumer», si ce n’est que la lumière divine brille toujours en brûlant et brûle en brillant, ne souffre jamais cependant de réduction ou de diminution de sa clarté ignée et de sa claire ignéité? Cela, on doit le dire, n’est pas tant admirable qu’inscrutable. Lors donc que saint Moïse, intrigué par cette vision, veut poursuivre son chemin pour la considérer, il entend le Seigneur lui dire: «Ne t’approche pas d’ici; ôte tes sandales de tes pieds; en effet, le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sainte». Comme s’il disait: Tu ne peux être admis à percevoir quelque peu cette vision, que si tu rejettes toute matérialité de tes mouvements qui tendent vers Dieu, afin que, de même que saint et intellectuel est le repos, de même tu seras auparavant devenu saint et intellectuel, si tu veux parvenir jusqu’à elle. De même, en effet, que les choses matérielles sont perçues de façon matérielle, il convient que les choses intelligibles le soient de façon intelligible, et les choses divines, de façon divine. Le bienheureux Denys dit donc, dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. I: «De toute la sainte hiérarchie qui dépasse la nôtre ne parle à quiconque, si ce n’est à ceux qui, déiformes, parachèvent la sainteté et te sont coordonnés, et tu les persuaderas de s’engager selon la loi hiérarchique à traiter purement des choses pures, à communiquer les choses divines uniquement à ceux qui sont divins, les choses parfaites à ceux qui sont parfaits, et les choses très saintes aux saints.» Certes, on a fait cette digression pour qu’une fois signalée l’utilité du désert intelligible, la déiformité de chacun de nous soit encouragée à y entrer
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
deiformitas animetur ut, profecti “viam trium dierum”, videlicet intelligibilium, imaginabilium et divinorum, sacrificemus hostiam pinguissimi amoris et mundissime gratiarum actionis pro experientia supermentalis unitionis superdulcissimo Crucifixo. Quod 355 si aliquem ad viam unius diei cum Elia | lassari contingent, non (145a) diffidat; habebit enim sanctum angelum pane vite et intellectus ipsum excitantem et aqua sapientie salutaris suam intelligentiam epotantem, insuper et boniformiter confortantem, ut viriliter surgat et sanctam viam perficiat. Igitur, deiformi anima per medi- 360 um desertum ad dilectum suum ascendente, eiusque secreta diligentius contemplante, ipsa nobis, prout potest, explicat dicens:
3, 7
En lectulum Salomonis, sexaginta fortes ambiunt ex fortissimis Israel. Ac si dicat: quietissimam et secretissimam veri pacifici visionem universi angeli de ordine Seraphim amplectuntur, qui, 365 inter ceteros spiritus Dei faciem contemplantes, sunt caritate ardentiores ac per hoc fortiores. Recte siquidem per lectulum Salomonis quietissima et secretissima Dei visio designatur, quoniam, sicut lectulus locus est secreti et quietis, sic sola Dei visio et cognitio est illa in qua 370 omnia quiescunt et pacificantur et secretissime absconduntur, ita ut citra ipsam nusquam sit vera quies, nusquam latendi locus. Inde forsitan est quod dicitur per Psalmistam: “Abscondes eos in abscondito faciei tue, a contradictione hominum”, quasi diceret: quos ad secretum tue visionis et cognitionis admiseris, ab omni 375 inquietudine liberabis. Nam “in pace factus est locus eius et habi352 viam trium dierum] Ex. 3, 18 373-374 Abscondes – hominum] Ps. 30, 21 376-377 in – Sion] Ps. 75, 3 352 viam] perfecta via N 358 ipsum excitantem] se cibantem N 365 de] cum N ex PM 372 quies] nusquam vera pax add. N nusquam] nunquam PM 374 contradictione] conturbatione N 376 inquietudine] quietudine PMac
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et à s’y avancer, afin qu’étant allés à trois journées de marche, c’està-dire des intelligibles, des imaginables et des divines, nous offrions le sacrifice d’un amour très riche et d’une action de grâce très pure, pour expérimenter l’union supramentale au plus que doux Crucifié. Que s’il arrive à quelqu’un d’être, avec Élie, fatigué l’espace d’une journée de marche, qu’il ne désespère pas; il aura, en effet, un ange saint, qui remet sur pieds par le pain de la vie et de l’intellect, et qui abreuve son intelligence de l’eau de la sagesse salutaire et, de plus, le remettant en bonne forme, lui rend le courage de se lever avec énergie et d’achever sa route sainte. L’âme déiforme, qui monte vers le bien-aimé, à travers le désert, et qui contemple ses secrets avec plus de diligence nous l’explique elle-même, autant qu’elle peut, en disant: Voici le lit de Salomon; soixante forts d’entre les plus forts d’Israël l’entourent. Comme si elle disait: S’adonnent à la vision très paisible et très secrète du vrai Pacificateur, tous les anges de l’ordre des séraphins, qui, parmi les autres esprits qui contemplent la face de Dieu, sont plus ardents en charité et de ce fait plus forts. À bon droit, certes, par «lit de Salomon» est désignée la vision très paisible et très secrète de Dieu, parce que, de même que le lit est le lieu du secret et de la paix, de même seule la vision et la connaissance de Dieu est celle en laquelle toutes choses reposent, sont pacifiées et très secrètement cachées, de telle sorte qu’en deçà d’elle, il n’est jamais de vrai repos, jamais d’endroit pour se cacher. De là vient, peut-être, ce que dit le psalmiste: «Tu les caches dans le secret de ta face contre l’opposition des hommes». Comme s’il disait: Ceux que tu auras admis au secret de ta vision et de ta connaissance, tu les délivreras de toute inquiétude. En effet, «Son lieu est établi dans la paix et sa demeure en Sion». Vers un tel
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
tatio eius in Sion”, et ideo ad talem locum et habitationem, qui est quietissimus divine bonitatis sinus, omnia convertuntur, quemadmodum ad | proprium singula finem, quem, iuxta beati Dionysii De div. nom. IV et I sententiam, “Omnia desiderant, intellectualia quidem et rationalia cognitive, sensibilia sensibiliter, expertia vero sensus, naturali motu vivifici desiderii, carentia autem vita et tantum existentia, aptitudine ad solam substantie participationem”. Bene autem hunc secretissimum divine visionis lectulum sexaginta fortes ambiunt ex fortissimis Israel, quia universe substantie de ordine Seraphim per sexagenarium designate que, eo sunt fortissime ad divina agendum et patiendum, quo sunt ardentissime ad amandum ceteris inferiorum ordinum spiritibus, quietius et secretius et clarius, sive intensius, Dei faciem contemplantur. Unde beatus ait Dionysius, Angel. hier. VII: “Hic quidem est, secundum nostram scientiam, primus celestium substantiarum ornatus in circuitu Dei et circa Deum sine medio stans et simpliciter et indesinenter ambiens eternam ipsius cognitionem”. Taliter dicitur ambire, non quasi totaliter Dei cognitionem per intellectum Deum comprehendens, sed quoniam totaliter eam per affectum amplectitur et concupiscit. Plus enim amplectitur affectus quam capere valeat intellectus, nam totum Deum diligere possumus per affectum, sicut totum diligibilem, non autem comprehendere possumus, sicut nullo modo comprehensibilem. Quia vero, quanto plus ipsi angeli Dei cognitionem ambiunt, tanto plus ambire concupiscunt, ideo bene subiungitur:
380-384 omnia – participationem] Ps.-Dion., De div. nom., IV, 1683-1693 391-394 Hic – cognitionem] Ps.-Dion., De cael. hier., VII, 8602-4 382 expertia] expertiva N 392 circa] citra PMac 394 Taliter dicitur] maluit autem dicere N 397 enim] eam N 399 comprehendere] totum add. N
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lieu et vers une telle demeure, qui sont le sein très paisible de la bonté divine, toutes choses convergent donc, chacune vers sa fin propre. Selon la pensée du bienheureux Denys, dans les Noms divins, ch. IV et I, «toutes choses désirent: les êtres intellectuels et rationnels de façon cognitive, les êtres sensibles de façon sensible, ceux qui sont privés de sens par le mouvement naturel du désir vivifiant, ceux qui sont privés de vie et existent seulement, par l’aptitude à participer seulement la substance. Par bonheur, soixante forts parmi les plus forts d’Israël entourent ce lit très secret de la vision divine, car toutes les substances de l’ordre des séraphins, que désigne le nombre soixante, qui sont d’autant plus forts pour agir et subir les choses divines qu’elles sont très ardentes pour aimer, contemplent la face de Dieu plus paisiblement, plus clairement ou plus intensément que les autres esprits des ordres inférieurs. Le bienheureux Denys dit donc, dans la Hiérarchie angélique, ch. VII: «Tel est, selon ce que nous savons, le premier ordre des substances célestes qui se tient sans intermédiaire autour de Dieu et auprès de lui et qui sollicite absolument et constamment de le connaître éternellement.» Il est dit ainsi «entourer», non comme s’il comprenait totalement Dieu par la connaissance au moyen de l’intellectus, mais parce qu’il l’embrasse et le désire totalement par l’affectus. Celuici, en effet, embrasse plus que l’intellectus ne pourrait saisir, car nous pouvons aimer Dieu tout entier par l’affectus en tant qu’il est tout aimable, mais nous ne pourrions le comprendre en tant qu’il n’est d’aucune manière compréhensible. Mais, parce que, plus les anges eux-mêmes entourent la connaissance de Dieu, plus ils désirent l’entourer, il est dit ensuite avec bonheur:
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Omnes tenentes gladios et ad bella doctissimi. Ac si dicat: universe angelice virtutes habent | actuales experientias, per quas sibi preparant accessum ad divina. Insuper et ad divinos agones sunt sapientissimi. Hec autem virtutes nihil aliud sunt quam naturales in Deum ipsorum tendentie, sive surrectiones, eo acutiores quo ipsi Deo sunt propinquiores, per quas divina lumina ex pelago thearchici luminis emanantia fortiter conscendentes ad intentiorem Dei cognitionem sursumaguntur. Nam, sicut ala in angelis significat sursumactivum, id est angelicam virtutem in superiora elevantem agiliter, sic nimirum per gladios divinorum luminum iudicium figuratur. Hec est virtus thearchicorum splendorum penetrativa et in abdita intrativa. Sed, quia non sufficit habere virtutem, nisi assit sapientia per quam dirigatur, ideo bene ad bella dicuntur doctissimi, id est in divinis agonibus experientissimi, ac per hoc prudentissimi. Hinc est quod sanctus Dionysius, Angel. hier. III, tradit “hierarchiam esse ordinationem sanctam et scientiam et operationem ad deiformem, sicut est possibile, assimilatam et ad inditas ipsi a Deo illuminationes, secundum proportionem ad Dei imitativum sursumactivam”. Ubi notandum quoniam non solum dixit: “hierarchia est ordinatio”, vel operatio, quod est virtutis, sed addit: “et scientia”, ut per hoc notetur virtus angelica sic esse potentissima ad agendum, quod tamen sapientissima et doctissima. Quam quidem sapientiam non tam habent per divinum donum quam per continuum experimentum. Semper enim sunt in divinis agonibus constituti. Quia tamen per talem virtutem non solum ad superiora elevantur, verumetiam | ab omni dissimilitudine elongentur, ideo congrue subinfertur: 418-422 hierarchiam – sursumactivam] Ps.-Dion., De cael. hier., III, 7851-7861 405 experientias] om. N 408 surrectiones] rationes OPM 414 iudicium] intensivum sive inefactivum N 419 hierarchiam] hierarchicam PM 422 proportionem] propositionem N imititativum] mutationem N 423 hierarchia] hierarchica PM 425 esse] est PM
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Tous tenant des glaives et très exercés aux combats. Comme s’il disait: Toutes les vertus angéliques ont des expériences actuelles, par lesquelles elles se préparent à accéder aux choses divines. Elles sont en outre très expérimentées en vue des combats divins. Mais ces vertus ne sont rien d’autre que leurs tendances ou élévations naturelles vers Dieu, d’autant plus vives qu’ils sont plus proches de Dieu lui-même; par elles ils atteignent les lumières divines, qui proviennent de l’océan de la lumière théarchique, ils sont élevés à une plus intense connaissance de Dieu. De même, en effet, que, chez les anges, «aile» signifie ce qui soulève, c’est-à-dire ce qui élève rapidement la vertu angélique vers les choses d’en haut, de même les glaives représentent certainement le discernement des lumières divines. Telle est la vertu qui pénètre très avant les splendeurs théarchiques et qui entre dans les choses cachées. Mais, parce qu’il ne suffit pas d’avoir la vertu sans la sagesse qui la dirige, ils sont dits fort correctement très instruits en vue des combats, c’està-dire très expérimentés dans les combats divins, et, en conséquence, très prudents. Saint Denys dit donc, dans la Hiérarchie angélique, ch. III: «La hiérarchie est l’ordre saint, la science et l’opération rendus semblables à Dieu, autant qu’il est possible, et élevés à l’imitation de Dieu selon les illuminations qu’il lui donne.» Il faut ici noter qu’il n’a pas dit seulement «La hiérarchie est l’ordre ou l’opération» — ce qui relève de la vertu, mais qu’il ajoute: «et une science», pour signifier que la vertu angélique est ainsi très puissante pour agir, qu’elle est très sage et très docte. Cette sagesse, ils ne la tiennent pas tant du don divin, que d’une continuelle expérience. Ils sont, en effet, toujours engagés en des combats divins. Toutefois, parce que, non seulement cette vertu les élève aux réalités supérieures, mais les éloigne aussi de toute dissemblance, il est, comme il convient, ajouté:
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Uniuscuiusque ensis super femur suum, propter timores nocturnos. Id est: unusquisque angelus virtutem preparandi sibi accessum ad divina in promptu habet, propter elongationem a dissimilitudinibus. Si queratur quid sit in angelis ignorantia, cuius figura per timores nocturnos est designata, dicendum est nihil aliud eam esse quam aliquorum occultorum nondum habitam cognitionem. Similitudo vero, que et alio nomine munditia, vel purgatio vocatur, est eorumdem occultorum revelatio, iuxta beati Dionysii sententiam, Eccl. hier. VI, sic dicentis: “Est dicere in celesti hierarchia quod mundatio est subiectis substantiis a Deo tunc usque ignotorum data cognitio ad perfectiorem scientiam ipsas agens thearchicarum cognitionum et ab ignorantia quorum nondum scientiam habuerunt mundans, sursumactas ad superiores et clariores splendores”. Bene igitur propter timores nocturnos, hoc est propter fugam et elongationem a divinorum ignorantiis vel dissimilitudinibus, unusquisque angelus ensem super femur habere dicitur, id est deiformitatem suam promptam ad fortitudinem surrectionis, sive sursumactionis, ad ignota. Inde est quod sancta Theologia tradit Tobiam invenisse “iuvenem splendidum stantem, precinctum et quasi paratum ad ambulandum, | ignorans quod angelus Dei esset”. Ex quo anagogice edocemur quod virtus angelica semper est circa divina incrementa convalescens, in eo quod ait: iuvenem. Item, quod ipsorum substantie puritas est eximie claritatis, in hoc quod splendidum eum dixit. Preterea, quod eorum contemplationis sublimitas est immutabilis, per hoc quod stantem innuit. Item, eorum deiformis notatur habilitas et agilitas ad elongationem ab omni dissimilitudine, 441-446 Est – splendores] Ps.-Dion., De eccl. hier., VI, 14042-14052 443 iuvenem – esset] Tob. 5, 5-6
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436 angelis] dissimilitudo vel add. N figura] fuga N 439 munditia] mundatio N 443 perfectiorem] perfectione N perfectiorum PM 445 sursumactas] sursumactivas N 450 surrectionis] sive rationis OPM 459 habilitas] humilitas PM ab omni dissimilitudine] a boni similitudine N
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Une épée sur la cuisse de chacun, à cause des craintes nocturnes. C’est-à-dire: Chaque ange a à sa portée la puissance de se préparer l’accès aux choses divines à cause de l’éloignement des dissemblances. Si l’on cherche ce qu’est, chez les anges, l’ignorance, désignée et figurée par les craintes de la nuit, elle n’est rien d’autre, doit-on dire, que la connaissance non encore possédée de certains secrets. Mais la ressemblance, que l’on appelle également d’autres noms, tels que pureté ou purification, est leur manifestation, selon la pensée du bienheureux Denys, dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. VI: «Il faut dire, que, dans la hiérarchie céleste, la purification est la connaissance que Dieu donne aux substances inférieures de choses jusqu’à maintenant ignorées; elle les conduit à une science plus parfaite des pensées théarchiques et elle les purifie de l’ignorance de ce qu’elles ne connaissent pas encore, les élevant à des splendeurs supérieures et plus claires.» Il est donc bien de dire: «à cause des craintes nocturnes», c’est-à-dire à cause de la fuite et de l’éloignement des ignorances ou des dissemblances des choses divines, chaque ange est dit avoir une épée sur la cuisse, c’est-à-dire sa déiformité prompte à s’élever fermement vers les choses ignorées. De là vient que la sainte Théologie assure de Tobie qu’il trouva «un jeune homme splendide, qui se tient debout, ceint et, pour ainsi dire, disposé à se mettre en route, ignorant qu’il fût un ange de Dieu.» Cela nous enseigne donc anagogiquement que la vertu angélique grandit toujours en ce qui concerne les développements divins, du fait qu’elle dit «jeune homme»; de même, que la pureté de leur substance est d’une clarté extrême, en ce qu’elle la dit «splendide»; en outre, que la sublimité de leur contemplation est immuable, en ce qu’elle le montre «se tenant debout»; pareillement sont notées leur aptitude et leur agilité déiformes quant à l’éloignement de toute dissemblance et pour aller de toute dissemblance vers la res-
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et proficiendum ab omni dissimilitudine in divinam similitudinem, ut quod nunquam in eamdem dissimilitudinem de cetero sunt prolapsuri, ex eo quod ait eum quasi paratum fore ad ambulandum. Sicut enim legimus prophetam Ezechielem de illis animalibus tradidisse quia “non revertebantur cum incederent, sed unumquodque ante faciem suam gradiebatur”, quasi diceret: in eamdem ignorantiam vel dissimilitudinem, a qua semel purgati sunt, nunquam incidunt angeli, sed semper novas illuminationes et cognitiones experiuntur, quod est: ante faciem suam gradiebantur. Insuper et semper a veteribus ignorantiis purgantur et nunquam eis denuo immundantur, quod est: euntes ibant et non revertebantur fugientes a timoribus nocturnis, hoc est ab immundis dissimilitudinibus se fortiter elongantes. Itaque sponsa nostra aliquibus divinis secretis contemplatis, et ipsis aliquatenus explicatis, ad contemplationem superbeatissimi throni divine maiestatis se fortiter extendens, ipsum diligentius intuens, ait:
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Ferculum fecit sibi rex Salomon de lig|nis Libani, columnas eius fecit argenteas, reclinatorium aureum, ascensum purpureum media caritate constravit, propter filias Ierusalem.
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Ac si dicat: superquietissimus Deus omnipotens sedem sue 480 maiestatis aptissimam et sue glorie capacissimam fecit de incorruptibili corpore et anima supercandidissima Virginis, et seraphicas substantias immediate ei suppositas per superardentem amorem fecit fulgentissimas. Ordinem autem Cherubim super quem requiescit fecit splendorem sapientie redimitum. Ordinem 485 vero Thronorum superpulchris claritatibus fecit decorum. Substantias quoque medie hierarchie communione sue super464-465 non – gradiebatur] Ez. 1, 9 460 ab omni dissimilitudine] om. N 461-462 de cetero] om. O 470 nunquam] tanquam N 473-474 aliquatenus] aliqualiter PM 477 Libani] Sethim N 480 omnipotens] om. N 481-482 incorruptibili] imputribili N 483 suppositas] superpositas P 487 sue] om. O
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semblance divine, au point de ne jamais devoir tomber désormais en cette même dissemblance, en ce qu’elle dit de lui qu’il est disposé à se mettre en route. Nous lisons, en effet, de même que le prophète Ézéchiel a dit de ces animaux qu’ils «ne revenaient jamais sur leurs pas, mais chacun allait devant soi». Comme s’il disait: Les anges ne tombent jamais dans la même ignorance ou dissemblance dont une fois ils ont été purifiés, mais ils expérimentent toujours de nouvelles illuminations et connaissances, c’est-à-dire qu’ils allaient devant soi. En outre, ils sont toujours purifiés de leurs anciennes ignorances, et jamais ensuite ils n’en sont souillés, c’està-dire: ils allaient et ne revenaient pas sur leurs pas, fuyant les «craintes de la nuit», c’est-à-dire: s’éloignant avec force des dissemblances impures. C’est pourquoi, certains secrets divins ayant été contemplés et eux-mêmes ayant été quelque peu éclaircis, notre épouse, qui se tend hardiment vers la contemplation du trône plus que bienheureux de la majesté divine et le perçoit avec plus d’attention, dit: Le roi Salomon s’est fait une litière du bois du Liban; il fit d’argent ses colonnes; il recouvrit d’or les dossiers; il a couvert la montée pourprée de charité médiane à cause des filles de Jérusalem. Comme s’il disait: Dieu, plus que très paisible, tout puissant, a fait, du corps incorruptible et de l’âme, plus que très belle, de la Vierge, le siège très approprié de sa majesté, et très capable de recevoir sa propre gloire, et, par un amour plus que brûlant, il a fait plus que brillantes les substances séraphiques immédiatement placées en-dessous d’elle. L’ordre des chérubins sur lequel il repose, il l’a fait splendeur, ceint de sagesse; mais il a paré l’ordre des trônes de clartés plus que belles. Les substances de la hiérarchie médiane, il les a également comblées par la participation de sa plus que très
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dulcissime distributionis adimplevit propter inferiores substantias et animas sursumagendas. Pulchre siquidem, per ferculum Salomonis prominens et superius patulum de lignis Libani fabricatum, virginalis designatur gloria, quoniam ipsa super omnes angelicas hierarchias sursum est acta, et prima a Deo emanantium illuminationum superadmirabiliter capacissima, et primo et principaliter receptiva, propter quod ipsa dicitur ferculum, sive sedes, Dei, quoniam in ipsa plus quam in omnibus supercelestibus creaturis, divina maiestas et gloria superfulget, | quemadmodum nobis per Ezechielem prophetam luculentissime reseratur: “Super firmamentum quod erat imminens capiti eorum, quasi aspectus lapidis saphiri similitudo throni, et super similitudinem throni similitudo quasi aspectus hominis desuper”. Quasi diceret: super angelicam celsitudinem et firmitatem, que est super omnem humanam intelligentiam, est excellentissima Dei mater, cuius aspectus simillimus est Deo inter angelicas creaturas, sicut aspectus saphiri simillimus est celesti colore, et super thearchicam Virginem, que simillima est Deo omnium angelorum respectu, est maiestas Filii Dei supervenerabilis Iesu Christi, qui propter excessum fulgoris sue supersubstantialis glorificationis quasi similis dicitur esse aspectui hominis. Etenim, etsi vere humanam naturam habeat, tamen sic divinitatis gloria perfunditur et deificatur corpus, ut quasi plus divinitatis quam humanitatis habere respectum videatur. Vere hoc est illud ferculum, sive thronus, de quo ipse Dei Filius superdulcissimus Iesus Christus loquitur per Psalmistam: “Thronus eius sicut sol in conspectu meo et sicut luna perfecta in eternum”. Sicut sol autem intellige dictum, quoad thearchice Virginis animam, quam omnis claritatis et caritatis et perfectionis plenitudinem ad instar clari et calidi et rotundi et iocundi
498-501 Super – desuper] Ez. 1, 26
514-515 Thronus – eternum] Ps. 88, 38
491 superius] superans N 493 prima] primo OPM 494 primo] prima N 510 corpus] om. NP 515 eternum] et testis in celo fidelis add. N 517 et iocundi] om. N
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douce dispensation à cause des substances inférieures et des âmes qu’il faut élever. À merveille, en vérité, par siège de Salomon élevé et largement ouvert en sa partie la plus haute, fabriqué avec des bois du Liban, est signifiée la gloire de la Vierge, parce qu’elle-même est élevée au-dessus de toutes les hiérarchies angéliques, parce qu’elle est d’abord plus qu’admirablement très capable de recevoir, en premier lieu et principalement, les illuminations qui viennent de Dieu, en raison de quoi, elle-même est dite «litière» ou «siège» de Dieu, car la majesté et la gloire de Dieu brillent en elle plus qu’en toutes les créatures supracélestes, ainsi que le prophète Ézéchiel nous l’explique très clairement: «Au-dessus du firmament qui était sur leurs têtes... comme l’aspect d’une pierre de saphir en forme de trône et sur cette ressemblance de trône... une ressemblance comme une figure d’homme, au-dessus. Comme s’il disait: Au-dessus de la hauteur et de la force angéliques, qui dépassent toute intelligence humaine, est la très excellente Mère de Dieu, dont l’aspect est le plus semblable à Dieu parmi les créatures angéliques, à la façon dont l’aspect du saphir est le plus semblable à la couleur du ciel; et au-dessus de la Vierge théarchique qui, au regard des anges, est la plus semblable à Dieu, est la majesté du Fils de Dieu, le plus que vénérable Jésus-Christ, qui, à cause de l’excès d’éclat de sa glorification supersubstantielle, est dit comme semblable à l’aspect d’un homme. En effet, bien qu’il ait vraiment la nature humaine, son corps est cependant ainsi pénétré de la gloire de la divinité et déifié, qu’il paraît avoir l’aspect de la divinité plus, pour ainsi dire, que celui de l’humanité. C’est vraiment de cette litière du trône dont le Fils de Dieu lui-même, le plus que très doux JésusChrist, parle par l’intermédiaire du psalmiste: «Son trône est comme le soleil sous mon regard et comme la lune parfaite pour toujours.» Comprends: «Comme le soleil», par rapport à l’âme de la Vierge théarchique, dont il n’est pas douteux qu’elle est la plénitude de toute clarté, chaleur, perfection, à l’instar du soleil matériel, clair, chaud, rond et joyeux. Ce qu’il dit: «Comme la lune
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materialis solis non est dubium habuisse. Quod vero ait: sicut luna perfecta in eternum, ad ipsius supercastissimum corpus est referendum perfectissimis supersplendentibus radiis ab ipso vero lumine emanantibus decoratum, adeo ut ad eius superadmirabilem refulgentiam omnes supercelestes spiritus hilarescant, eo quod | supergloriosissime humanitatis divinissimi Iesu testis fidelissimus existat in secula seculorum. Bene ergo de lignis Libani huiuscemodi ferculum dicitur fore factum, quia de incorruptibili corpore et fragrantissima anima superabundantissime et supermundissime Virginis Marie divine maiestatis thronus est constructus. Quod si cuiquam hoc absonum videatur ut dicatur, tam corpore quam anima, Virgo thearchica glorificata, audiat quid inde beatus Dionysius tradat, De div. nom. III “Quoniam, inquit, et apud ipsos Deo acceptos hierarchas quando et nos, ut nosti, et multi alii sanctorum nostrorum fratrum convenimus ad visionem corporis vite principis, quod et Deum suscepit. Aderat autem et frater Dei Iacobus, et Petrus, summa et provectissima theologorum summitas. Postea visum est, post visionem, ut universi hierarche laudarent, sicut unusquisque sufficiens erat infinite virtutis bonitatem thearchice infirmitatis”. Attendendum est igitur ex hiis verbis quoniam nihil aliud est beatum Dionysium, cum aliis sanctis fratribus et Iacobo et Petro, ad visionem corporis vite principis quod Deum suscepit, convenisse, nisi corporali assumptioni divine matris interfuisse. Quod et Andree Cretensi divino theologo visum est, sicut eius super hunc locum expositio testatur. Hec itaque deificato animo de superfelicissima divine matris corporis assumptione dixisse sufficiat. Nam facillime ipsam percipiet, tam corporaliter quam secundum animam glorificatam qui suam deiformitatem habuerit deificatam. Merito autem intel530-537 Quoniam – infirmitatis] Ps.-Dion., De div. nom., III, 1352-1364 541543 Quod – testatur] Andreas Cretensis, In dormitionem b. Mar. Virg. hom., éd. PG 97, 1061BC 520 supersplendentibus] supersplendens PM 526 superabundantissime et] om. N 541 matris] om. M 543 itaque] pio et add. N 544 corporis] corporali N 545 corporaliter] corpore PM
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parfaite pour toujours» doit être rapporté à son corps plus que très chaste, orné des rayons très parfaits et plus que brillants qui émanent de la vraie lumière elle-même, au point que tous les esprits supracélestes se réjouissent de son éclat plus qu’admirable, d’autant plus qu’existe, dans les siècles des siècles, le très fidèle témoin de l’humanité plus que très glorieuse du très divin Jésus. Il est donc dit avec bonheur que cette litière doit être faite de bois du Liban, car le trône de la majesté divine est fabriqué avec le corps incorruptible et l’âme très odoriférante de la Vierge Marie plus que très riche et plus que très pure. Que s’il paraît à quelqu’un choquant de dire que la Vierge théarchique est glorifiée de corps et d’âme, qu’il entende ce qu’en dit le bienheureux Denys, dans les Noms divins, ch. III: «Parce que, devant nos hiérarques acceptés de Dieu, lorsque nous aussi, tu le sais, et beaucoup d’autres de nos saints frères, nous nous sommes réunis pour voir le corps, principe de vie, qui reçut Dieu lui-même. Il y avait là Jacques, frère de Dieu, ainsi que Pierre, la plus haute sommité des théologiens. On décida ensuite, après avoir vu ce corps, que tous les hiérarques loueront, selon qu’il serait capable, la bonté infiniment puissante de la faiblesse théarchique.» On déduit de ces paroles que le bienheureux Denys, avec les autres saints frères et Jacques et Pierre se réunirent pour voir le corps, principe de vie, qui reçut Dieu, et qu’ils assistèrent à l’assomption corporelle de la divine mère; et c’est ce que pense également le divin théologien, André de Crète, comme l’atteste son exposé de ce passage. Qu’il suffise donc à l’esprit déifié d’avoir dit ces choses sur l’assomption plus que très heureuse du corps de la Mère de Dieu, car celui dont la déiformité aura été déifiée, très facilement la percevra glorifiée en son corps et en son âme. On dit donc avec raison que notre Salomon intellectuel fit
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lectualis noster Salomon istius excellentissimi | ferculi columnas fecisse dicitur argenteas, quia dubium non est seraphicas substantias immediate virginali throno suppositas, per superardentem amorem esse fulgentissimas, per indesinentem divinam laudem sonorissimas et per continuam Dei contemplationem firmissimas et rectissimas. Semper namque iuxta supernaturalem Isaie visionem et beati Dionysii assertionem, Angel. hier. VII, “reclamant illam laudabilem et venerabilem Theologiam: Sanctus, sanctus, sanctus, Dominus Deus Sabaoth, pleni sunt celi et terra gloria tua”. Sed quid per hanc ternam laudationem intelligitur, nisi ipsorum superbeatissima cognitio et contemplatio Trinitatis per quam fiunt firmissimi et rectissimi ad divina patiendum et sustinendum, ita ardentissimi et in Dei laude indeficientissimi tam ad resplendendum, quam ad harmoniam sonorissimam promovendum? Merito ergo seraphice substantie, non solum columne dicuntur propter firmitatem patiendi et rectitudinem contemplandi, sed et argentee ob refulgentiam purissime claritatis et resonantiam suavissime Dei laudis. Laudant vero non tam sedentis in throno virginali gloriam predicantes, quam throni ipsius pulchritudinem admirantes, cuius sessor, Deus, columne, Seraphim, reclinatorium aureum Cherubim. Sed quid per aureum convenientius intelligimus quam divine scientie et sapientie fulgorem, quo hic ordo in tantum pre ceteris ordinibus est insignitus, ut in eo tanquam in reclinatorio aureo quiescat Deus? “Qui, inquit, sedes super Cherubim”, hoc est stabilem habes requiem in | Cherub cognitivo per distributionem sapientie. Nam ipsorum quidem cognitivum, sive diffusionis sapientissime susceptivum, intellectuale quoddam est presepe in quo divina Sapientia reclinatur. “Et reclinavit, ait, eum in presepio”.
554-556 reclamant – tuas] Ps.-Dion., De cael. hier., VII, 8642-3; Is. 6, 3 576 Qui – Cherubim] Ps. 79, 2 575-576 Et – presepio] Luc. 2, 7
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559 ita argentissimi] in superardentissimi N 565 virginali] virginalem PM 567 aureum] om. N 569 ceteris] inferioribus add. N
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d’argent les colonnes de ce siège très remarquable, car il n’est pas douteux que les substances séraphiques placées immédiatement sous le trône virginal sont très brillantes en raison d’un amour très ardent, d’une retentissante sonorité en une incessante louange divine, très forts et très droits en raison d’une incessante contemplation de Dieu. Toujours, en effet, selon la vision surnaturelle d’Isaïe et l’assertion de Denys, dans la Hiérarchie angélique, ch. VII, ils se renvoient cette Théologie de louange et de vénération: «Saint, saint, saint, le Seigneur Dieu Sabaoth; les cieux et la terre sont remplis de ta gloire.» Mais, qu’entendre par cette triple louange, si ce n’est leur connaissance et leur contemplation plus que très bienheureuse de la Trinité, qui les rend très forts et très droits pour pâtir et subir les choses divines, par conséquent très ardents et ne s’arrêtant absolument jamais tant pour resplendir que pour développer une très sonore harmonie? Avec raison, les substances séraphiques ne sont donc pas dites seulement «colonnes» à cause de leur force pour recevoir et de leur droiture pour contempler; elles sont également dites «d’argent», à cause du resplendissement de la clarté très pure et de l’écho de la très douce louange de Dieu. Elles louent, non pas tant en affirmant la gloire de celui qui est assis sur le trône virginal, qu’en admirant la beauté du trône luimême, dont celui qui en fait son siège est Dieu, dont les colonnes sont les séraphins, dont les chérubins sont le trône d’or. Mais qu’entendons-nous de plus convenable par «or», que l’éclat de la science et de la sagesse divines; plus que tous les autres, cet ordre en est tellement orné, qu’en lui Dieu prend son repos comme en un reposoir d’or? «Toi qui, dit-il, siège au-dessus des chérubins», c’est-àdire: tu as un repos stable dans le chérubin qui connaît, grâce à la dispensation de la sagesse. En effet, ce qui en eux peut connaître ou recevoir la dispensation de la sagesse la plus sage est une certaine crèche intellectuelle en laquelle la Sagesse divine est déposée. «Et elle le déposa, dit-il, dans la mangeoire.» Assurément,
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In quo nimirum Dei sapientia Iesus thearchicissime Virginis filius quasi primo intellectuali presepio potius quam alibi reclinatur, quia primo, post Seraphim, Cherubim cognitivo specialiter infunditur. Sed quare hoc? “Quia, inquit, non erat ei locus in diversorio,” id est nullus aliorum ordinum ad susceptionem distributionis Sapientie fuit convenientior. Nam, ut sanctus tradit Dionysius, Angel. hier. VII, nomen Cherubim manifestat “cognitivum ipsorum esse Dei inspectivum et supreme donationis luminis susceptivum et contemplativum in prima operante virtute thearchici decoris et sapientifica distributione repletum”. Quid vero per huiusmodi tam superpulchri throni ascensum purpureum congruentius accipimus quam ordinem Thronorum superpulchris claritatum et splendorum distributionibus intellectualiter coloratum et deifice decoratum? Quis bene dicitur ascensus? Quia ipse primus ordo est, in ascendendo in tertia hierarchia, sex distinctus gradibus, ut tradit Theologia Regum, per quos istius ordinis significantur sex sursumactive proprietates. Prima quarum, sublimitas contemplationis, iuxta quod thronus regius in sublimi est collocatus. Secunda vero, Dei circumdatio, iuxta quod thronus regius est regis complectivus. Tertia est in Deum stabilis collocatio, iuxta quod thronus firmiter stabilitur. Quarta est Dei susceptio, iuxta quod thronus supervenientis regis est | susceptivus. Quinta ipsius Dei gestatio, iuxta quod thronus regis suscepti est gestativus. Sexta autem continua est apertio ad divinas susceptiones, iuxta quod thronus regis sursum patulus esse minime dubitatur. Iste vero sex proprietates per sex gradus designate satis luculenter per beatum Dionysium designantur in Angel. hier. VII: “Altissimorum, inquit, thronorum et eleva579-580 Quia – diversorio] Luc. 2, 7 582-585 Cognitivium – repletum] Ps.Dion., De cael. hier., VII, 8401-4 590-591 ipse – gradibus] cf. III Reg. 10, 19 603-610 Altissimorum – apertum] Ps.-Dion., De cael. hier., VII, 84128423 576-577 In – filius] quem eum nisi Dei sapientiam Iesum thearchissime Virginis filium N 581 convenientior] vel aptior add. N 599 apertio] operatio PM
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en elle, la Sagesse de Dieu, Jésus, fils de la Vierge très théarchique, est déposé d’abord, pour ainsi dire, dans une crèche intellectuelle plus qu’ailleurs, car, après le séraphin, elle est d’abord spécialement infusée dans le chérubin qui connaît. Mais pourquoi cela? «Parce que, dit-il, il n’y avait pas de place pour lui dans l’hôtellerie», c’està-dire aucun des autres ordres ne convenait mieux pour accueillir la dispensation de la Sagesse. En effet, comme le dit saint Denys, dans la Hiérarchie angélique, ch. VII: «Le nom de chérubin désigne leur être cognitif qui scrute Dieu, qui reçoit le don suprême de la lumière et le contemple en sa première manifestation de splendeur théarchique et est rempli de la dispensation de la sagesse.» Qu’entendons-nous de plus convenable par «montée de pourpre» du trône plus que beau, que l’ordre des trônes, intellectuellement coloré et déifiquement décoré par les dispensations plus que belles des clartés et des splendeurs? Pourquoi est-il dit correctement «montée»? Parce qu’il est lui-même le premier ordre en remontant dans la troisième hiérarchie. On distingue en lui six degrés, comme l’enseigne la Théologie des Rois. Ils désignent les six propriétés élevantes de cet ordre: la première est la sublimité de la contemplation, selon que le trône royal est situé sur un piédestal élevé; la deuxième est l’action d’entourer Dieu, selon que le trône royal entoure le roi; la troisième est l’installation stable en Dieu, selon que le trône est affermi solidement; la quatrième est l’accueil de Dieu, selon que le trône reçoit le roi qui survient; la cinquième est l’action de porter Dieu, selon que le trône porte le roi qui est reçu; la sixième est l’ouverture continuelle aux dons divins, selon que le trône du roi est ouvert en haut, ce dont on ne peut douter. Ces six propriétés sont fort bien indiquées par six degrés dans la Hiérarchie angélique, ch. VII: «Le nom des trônes, très hauts
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
torum nominatio elevari”, supple eos, “docet ab omni pedestri subiectione, et ad superius supermundane sursumferens, et ab omni extremitate ineffabiliter sursumpositum, et circa vere altissimum totalibus virtutibus inconcusse et stabiliter collocatum, thearchici superadventus in impassibilitate omni et immateriale susceptivum et deiferum et familiariter ad divinas susceptiones apertum.” Talibus profecto virtutibus Thronorum ordo quasi quibusdam gradibus in divinam se extendit continue altitudinem quibus et haurit thearchicas distributiones per quas, velut deifica purpura, decoratur. Quod igitur ait sponsa nostra: ascensum, ad ipsius virtutes est referendum, quibus mediantibus in Deum proficit. Quod vero subdit: purpureum, divinis et superpulchris distributionibus est attribuendum, quibus ineffabiliter decoratur. Sicut igitur per hoc quod hic ordo ascensus dicitur, ipsius supermentalis actio designatur circa Deum. Per hoc vero quod purpureus, eius passio circa divina notatur. Nam pulchrifice et copiosissime thearchicis distributionibus angeli huius ordinis perfunduntur. Verum quia non solum superiores ordines angelorum sunt ad decorem et ornatum supergloriosissimi | ferculi Salomonis, sed etiam inferiores, ideo bene addit sponsa quod: media eius caritate constravit propter filias Ierusalem. Per media vero, ipsa hierarchia inter primam et ultimam collocata intelligitur, quam Deus communione sue superamantissime dulcedinis et supersplendentis luminis adimplet propter inferiores substantias et deiformes animas, per filias Ierusalem designatas, sursumagendas. Hoc namque sciendum est quod non tantum angeli superioris hierarchie, per columnas argenteas, reclinatorium aureum et ascensum purpureum superius designati, participant ignea virtute sicut Seraphim, aut cognitiva sicut Cherubim, vel etiam deisusceptiva ut Throni, sed etiam medie hierarchie substantie, tanto copiosius quanto per eas inferiores habent agi superius. Nam per ipsas sursumaguntur inferiores ad divinam contemplationem, secundum quod unaqueque earum particeps 605-606 sursumferens – sursumpositum] om. M deiformes] om. OPM
627-628 substantias et
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et très élevés, signifie qu’ils sont au-dessus de toute sujétion terrestre et qu’ils s’élèvent de façon plus que mondaine; qu’ils sont ineffablement placés au-dessus de toute petitesse; qu’ils sont situés de façon inébranlable et stable, par toutes leurs vertus, autour de celui qui est véritablement le Très-Haut, qu’ils peuvent recevoir d’en haut, en toute sérénité et en toute immatérialité, la venue théarchique, qu’ils portent Dieu et qu’ils sont familièrement ouverts pour le recevoir.» Par de telles vertus, certes, l’ordre des trônes comme par certains degrés, se tend continuellement vers la hauteur divine; par elles aussi il recueille les dispensations théarchiques qui le décorent comme d’une pourpre déifique. Ce que notre épouse nomme «montée» doit donc être rapporté à ses vertus par l’intermédiaire desquelles elle s’avance vers Dieu. Ce qu’elle ajoute: «pourprée» doit être attribué aux dispensations divines et plus que belles qui la décorent de façon inexprimable. Ainsi donc, en appelant «montée» cet ordre, on signifie son action supramentale concernant Dieu; en disant «pourprée», on signifie sa passion des choses divines, car les anges de cet ordre sont comblés de dispensations théarchiques de belle et copieuse façon. Mais, parce que, non seulement les ordres supérieurs des anges sont ordonnés à la parure et à la beauté du siège du plus que très glorieux Salomon, mais le sont également les ordres inférieurs, l’épouse ajoute à bon droit: «Il a couvert la montée de charité médiane à cause des filles de Jérusalem». Par intermédiaire, on entend la hiérarchie même située entre la première et la dernière que Dieu remplit de la participation de sa douceur plus que très aimante et de sa lumière plus qu’éclatante à cause des âmes déiformes désignées par «filles de Jérusalem» qu’il faut entraîner vers le haut. Il faut savoir, en effet, que, non seulement les anges de la hiérarchie supérieure, désignés plus haut par «colonnes argentées», «siège d’or» et «montée de pourpre» participent la vertu ignée comme les séraphins, ou la vertu cognitive comme les chérubins, ou la vertu réceptive de Dieu comme les trônes, mais aussi les substances de la hiérarchie médiane, d’autant plus abondamment que les substances inférieures doivent être par elles entraînées vers le haut. En effet, par elles les substances inférieures sont élevées à la contemplation divine selon
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
est supercaste purgationis, superpleni luminis et perfecte perfectionis. Est enim hierarchice legis ut, secundum maiorem purgationem, maior fit illuminatio et rursus, secundum ampliorem illuminationem divinorum, maior fit perfectio. Sic ergo propter 640 filias Ierusalem, id est inferiores substantias et deiformes animas visioni pacifice mancipatas medie substantie caritate replentur, hoc est, ex mero Dei amore, divinis et amativis, aut caritativis, ditantur distributionibus ad eas sursumagendas et promovendas. Itaque sponsa nostra thearchici throni pulchritudine iuxta 645 possibilitatem propriam explicata ad contemplationem sui sessoris superbeatissimi et superdulcissimi Crucifixi deiformes animas adhortatur dicens:
3, 11
Egredimini et videte, filie Sion, regem Salomonem in diademate quo coronavit eum mater sua, in die desponsationis eius et in die letitie cordis 650 illius. Ac si dicat: o anime speculationi celestium insudantes extra vos ipsas, gradiamini super vos ascendentes et claro intuitu contemplantes imperiosissimum et quietissimum sponsum nostrum, in honorificentia humanitatis quo decoravit eum deigena Virgo, 655 in claritate supermentalis unitionis, in splendore letabunde conceptionis. Pulchre siquidem deiformis sponsa animas celestium speculationi deditas adhortatur ad egrediendum extra sue mortalitatis confinia, ut sic claris obtutibus valeant contemplari impe- 660 riosissimum et superquietissimum sponsum suum clarissime refulgentem in honorificentia perfecte humanitatis, per diadematis pulchritudinem et rotunditatem designate. Si tu queris quis hoc tam insigne factum egerit, utique thearchica Virgo, est respon640 maior] om. N 648 adhortatur] exhortatur PM 649 filie Sion] om. PM om et add. in marg. O 658-659 speculationi] contemplationi PM 664 factum] perfectum PM virgo] Maria add. O
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que chacune d’elles participe à la purification plus que chaste, à la lumière plus qu’abondante, à la perfection complète. La loi hiérarchique est telle, en effet, que plus grande est la purification, plus devient grande l’illumination, et, en retour, plus ample est l’illumination des choses divines plus devient grande la perfection. Ainsi donc, à cause des filles de Jérusalem, c’est-à-dire à cause des substances inférieures et des âmes déiformes appelées à la vision pacifique, les substances intermédiaires sont remplies de charité, c’està-dire qu’en raison du pur amour de Dieu, elles sont enrichies des dispensations divines d’amour ou de charité, en vue de les entraîner vers le haut et de les faire avancer. C’est pourquoi notre épouse, définie selon sa propre possibilité par la beauté du trône théarchique, exhorte les âmes déiformes à contempler celui qui siège en elle, le plus que très bienheureux et plus que doux Crucifié. Elle dit donc: Sortez et voyez, filles de Sion, le roi Salomon sous le diadème dont sa mère le couronna au jour de son mariage et de la joie de son cœur. Comme si elle disait: Ô âmes qui vous appliquez à spéculer sur les choses qui vous dépassent, sortez de vous-mêmes, vous élevant au-dessus de vous, et contemplant d’un clair regard notre époux très puissant et très pacifique en l’honneur de l’humanité dont l’orna la Vierge, Mère de Dieu, en la clarté de l’union supramentale, en la splendeur de la toute joyeuse conception. Certes, l’épouse déiforme exhorte à merveille les âmes livrées à la spéculation des choses célestes à sortir des limites de leur mortalité, afin de pouvoir ainsi contempler d’un regard clair son époux très puissant et plus que très pacifique, qui brille d’un très grand éclat en l’honneur de l’humanité parfaite que désignent la beauté et la rondeur du diadème. Si tu cherches qui a réalisé cette action insigne, il faut répondre évidemment la Vierge théarchique, qui
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
dendum, que tam honorificentissimo et perfectissimo humanitatis diademate superdulcissimum Iesum Dei et ipsius unicum Filium decoravit. Vis scire quando? Sane in die desponsationis illius, hoc est in claritate supermentalis unitionis ipsius Filii Dei ad ipsam Virginem. Sed quia hoc solum est ei privatim, ideo bene adiungitur: in die letitie cordis illius. O viscera virginalia thearchici | spiritus suavissimis distributionibus irrigata, virtutibus obumbrata, ad deifici superadventus susceptionem dulciformiter preparata, quibus vos existimabo intellectualibus gaudimoniis et exultationibus et letitiis exultasse, in hora supermentalis unitionis et divine conceptionis! Revera tunc, o superdulcissima Mater Dei, nostrum pacificum honorifico et perfectissimo humanitatis diademate coronasti, totalemque sacrosancte Trinitatis presentiam hospitem habuisti, nuptiale convivium celebrasti, per quod celestia et terrestria satiasti torrente tue thearchice voluptatis. Egredimini ergo, filie Sion, ad solem stelle Filium contemplandum superpulchro humanitatis diademate coronatum, quo coronavit eum Mater superangelice puritatis in supersplendenti fulgore suscepte divinitatis, ut sic de superamabili Iesuitatis nostre parentis contemplatione sursumferamur ad supersanctam divinitatis nostre creatricis cognitionem.
666 Dei] om. O 669 solum est ei] eis solis erat N 670 illius] hoc est in splendore superletabunde conceptionis eiusdem quod omnibus est propalatum per angelos resplendentes et canticis celestibus exultantes add. N 674 et exultationibus] om. N 675 unitionis] unionis O 680 Egredimini – Sion] egrediantur igitur filie arcis Sion N 684 contemplatione] contemplationis N id est Marie genitricis Iesu speculatione add. PM
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orna le plus que très doux Jésus, Fils unique de Dieu et d’ellemême, d’un diadème très honorable et très parfait. Veux-tu savoir quand? «Au jour, certes, de son mariage», c’est-à-dire dans la clarté de l’union supramentale du Fils de Dieu lui-même à la Vierge elle-même. Mais, parce que cela lui advient à titre seulement privé, il est heureusement ajouté: «Au jour de la joie de son cœur». Ô sein virginal qu’irriguent les dispensations très suaves de l’esprit théarchique, couvert de vertus, doucement préparé à recevoir ce qui est déifique et vient d’en haut, j’estimerai que vous avez exulté de joies intellectuelles, de transports de joie et d’allégresse, à l’heure de l’union supramentale et de la conception divine. Alors, en effet, ô plus que très douce mère de Dieu, tu as couronné notre pacificateur du diadème honorifique et très parfait de l’humanité, tu as reçu comme hôte la totale présence de la très sainte Trinité, tu as célébré le festin nuptial par lequel tu as rassasié le ciel et la terre du torrent de ta joie théarchique. Sortez donc, filles de Jérusalem, pour contempler la lumière de l’étoile, le Fils couronné du diadème plus que beau de l’humanité, dont le couronne la mère de la pureté supraangélique en l’éclat plus que brillant de la divinité reçue, de telle sorte que, de la plus qu’aimable contemplation de la mère de notre Jésus, nous soyons élevés à la plus que sainte connaissance de la divinité qui nous crée.
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
CAPITULUM QUARTUM 4, 1a
Quam pulchra es amica mea, quam pulchra es. Quoniam, secundum intimam ad Deum inherentiam, tanto facta est sponsa nostra formosior quanto magis ipsi superpulchro dilecto coniunctior per amorem et propinquior per divino- 5 rum contemplationem, ideo ipse sponsus, eius admirans vehementer pulchritudinem, sic eam alloquitur: quam pulchra, etc. Quod est dicere, valde admirabili viges venustatis refulgentia propter inseparabilem mei amoris inhesionem et superdulcem mee contemplationis fru|itionem. Nam maior amoris (148c) communicatio et intensior fruitio divinorum maiorem parit in anima refulgentiam radiorum. Unde merito sponsa eo pulchra dicitur quo amore ardentior, et eo pulchrior quo fruitione suavior, quasi diceret ei sponsus: ob hoc tua pulchritudo est mihi admirabilis, quia tui a me amor inseparabilis; ob hoc autem tam 15 admirabilis, quoniam ad mei fruitionis revelationem es inestimabilis. Pulchritudinem igitur sponse non tam facit sue mentalis puritatis claritas, quam sui dilecti amoris et fruitionis supersuavis suavitas, qua quidem quanto copiosius perfunditur, tanto 20 ad divinorum aspectum subtilius simplificatur. Unde subdit:
4, 1b
Oculi tui columbarum, absque eo quod intrinsecus latet. Ac si dicat: respectus tui in divina simplicissimi sunt absque occultissimis eorum intellectibus. Si enim sponse contemplationes, sive obtutus, commendantur, quid de ipsius secretissimis obiectis est iudicandum? Nam 25 divinorum contemplationes nihil aliud sunt quam quedam divina signa, per quorum visionem iudicat intelligentia deiformis IV, Tit. Theoria quarti N 4 nostra] om. O 10 amoris] om. O 13 amore ardentior] amoris ardentioris Mac eo] om. PM fruitione ] per fruitionem N 16 ad mei fruitionis revelationem es] mei ad te revelatio est N es] est PM
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CHAPITRE IV Que tu es belle, mon amie, que tu es belle. Parce que, selon le profond attachement à Dieu, notre épouse devient d’autant plus belle qu’elle est plus unie d’amour au bienaimé, lui-même plus que beau, et plus proche par la contemplation des choses divines, l’époux lui-même admirant sa beauté s’adresse ainsi à elle: «Que tu es belle», etc. C’est dire: Tu es très remarquable par l’éclat de la beauté, à cause de l’attachement indissoluble de mon amour et de la jouissance plus que douce de ma contemplation. En effet, une communication plus grande de l’amour et une plus intense jouissance des choses divines engendrent en l’âme un plus grand éclat des rayons. Avec raison, l’épouse est donc dite belle, du fait qu’elle est plus ardente par l’amour et plus belle du fait qu’elle est plus que douce par la jouissance. Comme si l’époux lui disait: Ta beauté est pour moi admirable, car ton amour est inséparable de moi; mais tu es tellement admirable, parce que tu es inestimable en ce qui touche à la révélation de ma jouissance. L’éclat de sa pureté d’esprit n’assure donc pas tant la beauté de l’épouse que la douceur plus que douce de l’amour et de la jouissance de son bien-aimé; plus elle en est abondamment pénétrée, plus elle devient simple pour regarder avec pénétration les choses divines. Il ajoute donc: Tes yeux sont des yeux de colombe, sans ce qui est caché au-dedans. Comme s’il disait: Tes regards sur les choses divines sont très simples sans leurs perceptions très cachées. Si, en effet, les contemplations ou les regards de l’épouse sont mis en valeur, que penser de ses objets très secrets? De fait, les contemplations des choses divines ne sont rien d’autre que certains signes divins, par la vision desquels l’intelligence déiforme
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
de sacrosanctis signatis. Unde intellectuales oculi, sive virtutes contemplative, plus ex secretis et occultis divinorum signatis elevantur et afficiuntur quam ex signorum pulchritudine delectentur. Bene ergo oculi sponse columbini dicuntur absque interioribus, quia etsi sit pulchra et simplex visio intellectualium signorum, pulchrior tamen et simplicior est intrinsecus latitans intellectus divinorum signatorum, et profundius in Deum | trahens deiformem intelligentiam. Hinc est quod Dionysius ait, De div. nom. I: “Nunc autem propriis quidem ad divina signis utimur, et ex istis rursus ad simplicem et unitam et intelligibilium miraculorum veritatem proportionaliter extendimur, et post omnem, secundum nos, deiformium unitionem, sedantes nostras intellectuales operationes ad supersubstantialem radium, secundum quod est fas, immittimur”. Attendendum est, ex hiis verbis, beatum Dionysium innuere quod, sicut per umbratica signa manuducimur ad intellectualia que sunt signa divinorum, sic rursus per ista ad divina fit ascensus, que signata, sunt intellectualium ultra que non est procedere, quoniam in ipsis omnis visio firmatur et finitur, ut supradictum in illo versiculi: tempus putationis advenit. Quia vero sponse cognitiones, sicut sunt simplices et occulte, sic investigabiles et innumere, ideo ait Sponsus:
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Capilli tui sicut greges caprarum, que ascenderunt de monte Galaad. Ac si dicat: investigabiles et innumere tue cognitiones sunt 50 sicut multitudo theoriarum a multitudine divine altitudinis emanantium et in eamdem se experimento prehabito tollentium. IV, 36-41 Nunc – immittimur] Ps.-Dion., De div. nom., I, 314-324 42 umbratica] materialia N 43 signa] signorum add. PM 46 firmatur et finitur] terminatur N om. PM 51 multitudine divine altitudinis] divina altitudine N 52 experimento prehabito] om. N
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juge des réalités sacrées qu’ils désignent. Les yeux intellectuels ou les vertus contemplatives sont donc élevés, à partir des choses divines secrètes et cachées désignées, et en sont affectés plus qu’ils ne sont réjouis par la beauté des signes. Les yeux de l’épouse sont donc bien dits «de colombe, sans ce qui est caché au-dedans», car, bien que la vision des signes intellectuels soit belle et simple, plus belle certes et plus simple est l’intellection qui se cache au-dedans des choses divines signifiées, et qui entraîne plus profondément en Dieu l’intelligence déiforme. Denys dit donc dans les Noms divins, ch. I: «Mais maintenant, pour aller aux choses divines, nous nous servons de signes propres; à partir d’eux, en retour, nous sommes tendus en proportion vers la vérité, simple et une, des miracles intelligibles; ensuite, après toute union des choses déiformes, selon qu’il nous est possible, arrêtant nos opérations intellectuelles, nous nous lançons, selon qu’il nous est permis, vers le rayon supersubstantiel.» À partir de ces paroles, il faut prendre garde à ce que le bienheureux Denys suggère: de même que, par des signes ombreux, nous sommes conduits vers les choses intellectuelles, signes des choses divines, ainsi, inversement, par elles se réalise la montée vers les choses divines, expressive des réalités intellectuelles au-delà des quelles il ne faut pas avancer, car, en elles, toute vision est confirmée et trouve son terme, comme il est dit plus haut à propos du verset: «Le temps de la taille est venu.» Parce que les pensées de l’épouse sont simples et cachées et, dès lors impénétrables et innombrables, l’époux dit: Tes cheveux sont comme des troupeaux de chèvres qui ont remonté de la montagne de Galaad. Comme s’il disait: Tes insondables et innombrables connaissances sont comme une multitude de théories qui émanent de l’immense profondeur divine et y retournent après expérience.
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Ad locum enim unde exeunt, flumina, hoc est divinorum cognitiones, per distributionem, ad eumdem revertuntur per sursumactionem, ut tanto copiosius ex pelago lucis inaccessibilis fluant, quanto rapidius et ferventius in idipsum dilabuntur, ut luculentius effluant. Quid ergo per sponse capillos accipimus nisi ipsius subtilissimas et investigabiles cogni|tiones a fonte, sive a capite luminis emanantes? Quid vero est istis gregibus caprarum assimilari, nisi easdem in multitudinem divinarum theoriarum transmutari? Que bene dicuntur de monte Galaad ascendisse, quia dubium non est eas de altitudine experientie provenisse, ad quam eo avidius revertuntur quo satius eius virenti pabulo depascuntur. Unde et Iob de onagro dicit, per quem intellectus theoricus designatur: “Circumspicit, inquit, montes pascue sue et virentia queque perquerit”, ac si dicat: dum intellectus deiformis in suis exercetur theoriis, in altas experientias quibus depascitur se extendit et, dum inter eas aliquas meliores et pretiosiores invenit, in illis diutius commoratur et frequentius exercitatur. Sed quoniam sponsa non solum habet virtutes divinorum luminum cognitivas, sed et delectabiliter examinativas, ideo subiungitur:
4, 2a
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Dentes tui sicut greges tonsarum que ascenderunt de lavacro. Quod est dicere: virtutes tue divinorum nutritivorum proventuum delectabiliter examinative sunt, velut globus simplicium substantiarum multipliciter purgatarum, que, inquam, 75 de supermundissimo divine lucis pelago mundissime refulserunt.
65-66 Circumspicit – perquerit] Iob 39, 8 57 accipimus] accipiendum O 59 istis] istas N 62 eas] om. PM 67 altas experientias] altis experientiis PM 69 exercitatur] excitatur N
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En effet, les fleuves, à savoir les connaissances des choses divines, retournent en s’élevant au lieu même d’où ils sortent par la distribution qui en est faite, si bien que, plus ils s’écoulent abondamment de la mer de la lumière inaccessible, plus rapidement et plus impétueusement ils refluent en elle pour s’écouler avec plus d’abondance. Qu’entendons-nous donc par les cheveux de l’épouse, sinon ses connaissances très subtiles et insondables qui sortent de la source ou de l’origine de la lumière? Qu’est pour elles être assimilées à ces troupeaux de chèvres, sinon être changées en une multitude de théories divines? Ces chèvres sont bien dites avoir remonté de la montagne de Galaad, car il n’est pas douteux qu’elles soient venues de la hauteur de l’expérience à laquelle elles retournent d’autant plus avidement qu’elles se repaissent de préférence de son vert pâturage. Job dit donc de l’onagre, dont le nom désigne l’intellect théorique: «Il parcourt du regard les monts de son pâturage, et il cherche avec soin toutes plantes.» Comme s’il disait: Tandis que l’intellect déiforme s’exerce en ses théories, il se tend vers les hautes expériences dont il se repaît, et, tandis que, parmi elles, il en trouve certaines meilleures et plus précieuses, il s’attarde en elles plus longtemps, et plus fréquemment s’y exerce. Mais, comme l’épouse ne possède pas seulement les vertus qui lui permettent de connaître les lumières divines, mais également celles qui lui permettent de les examiner avec délectation, il est ajouté: Tes dents sont comme des troupeaux de chèvres qui ont remonté du bain. C’est dire: Tes vertus, qui examinent avec délectation les nourrissants fruits divins, sont comme la troupe des substances simples purifiées de plusieurs manières, qui, dis-je, ont très purement resplendi, venant de la mer plus que très pure de la lumière divine.
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Nam sicut dentes in angelis, ut ait Dionysius, Angel. hier. XV, significant ipsorum “divisivum indite nutritive perfectionis”, id est virtutem segregandi participationem proprii luminis, sine aliqua sui diminutione ad communicandum inferiori, sic non incongrue in anima deiformi significant divinorum luminum examinativum, attractivum, vel etiam segregativum, ut in substantiis | divinis. Non enim sufficit divinos suscipere proventus, nisi et ipsi singulariter et delectabiliter atterantur sive examinentur, ut, tanto sit ipsorum nutritio efficacior et suavior delectatio, quanto morosior et avidior fuerit ipsorum intellectualis masticatio, sicque postmodum minoribus perfici volentibus participationem nostrorum luminum angelice dividamus. Nam, ut ibidem subiungit Dionysius: “Unaqueque substantia intellectualis datum ipsis ad diviniorem uniformem intellectum provisiva virtute dividit et multiplicat ad indigentioris sursumactivam proportionem”. Hee autem virtutes non immerito globo tonsarum que ascenderunt de lavacro assimilantur, quia nimirum eo abundantius et copiosius repurgantur, quo recentius in lavacro lucis supermundane balneantur, sive a luminis fulmine radiantur. Que quidem irradiatio nihil aliud est quam quedam de intellectuali lavacro ascensio. Nihil ergo est aliud ovium attonsio nisi virtutum mundissimarum purgatio, que fit per maius divini amoris incendium. Hinc est quod ait Isaias: “Volavit ad me unus de Seraphim”, id est una substantia de ordine inflammatorum, “et in manu eius calculus candidus”, id est divini amoris candidissimus igniculus, “quem forcipe tulerat de altari”, quia illum per forte desiderium de reverentia et copia divini amoris et ardoris hauserat, “et tetigit os meum”, quod quidem tangere fuit pur-
78-79 divisivum – perfectionis] Ps.-Dion., De cael. hier., XV, 10062 8992 Unaqueque – proportionem] Ps.-Dion., De cael. hier., XV, 10063-10071 99-104 Volavit – meum] Is. 6, 6-7 84 et1] etiam N 86 fuerit] fuit N 90 ipsis] ipsi O 94 repurgantur] repurgant OPM 95 supermundane balneantur] supermundissime baptizantur N 97 ovium] lotarum add. N 101 candidus] om. N
80
(149b)
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100
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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De même, en effet, que chez les anges les dents signifient, ainsi que le dit Denys, dans la Hiérarchie angélique, ch. XV: «ce qui divise la perfection nutritive donnée», c’est-à-dire de diviser une participation de sa propre lumière sans aucune diminution de soi à l’inférieur, de même, selon qu’il convient, elles signifient en l’âme déiforme ce qui examine, ce qui broie, ou également ce qui divise les lumières divines comme dans les substances divines. Il ne suffit pas, en effet, de recevoir les fruits divins à moins qu’eux-mêmes soient individuellement et délectablement broyés ou examinés, pour que leur fonction nourricière soit d’autant plus efficace et leur délectation d’autant plus agréable que plus lente et plus avide aura été leur mastication intellectuelle. Ainsi diviserons-nous ensuite, à la manière des anges, la participation de nos lumières aux plus petits, désireux de devenir parfaits. Comme Denys l’ajoute luimême, en effet: «Chaque substance intellectuelle divise et multiplie en prévoyant, compte tenu de l’analogie élevante de qui en a le plus besoin, ce qui lui est donné en vue d’une connaissance uniforme plus divine.» Mais ces vertus ne sont pas sans raison assimilées à la troupe des chèvres qui est remontée du bain, car, assurément, sont purifiées d’autant plus largement et grandement celles qui plus récemment ont été baignées dans le bain de la lumière plus que mondaine ou qui brillent de l’éclat de la lumière. Cette irradiation n’est rien d’autre que la purification des très pures vertus qui se réalise grâce à l’embrasement plus grand de l’amour divin. D’où ce que dit Isaïe: «L’un des séraphins vola vers moi», c’est-àdire une substance de l’ordre des enflammés, «et dans sa main, un caillou blanc», c’est-à-dire un petit feu très éblouissant d’amour divin, «qu’il avait pris sur l’autel avec une pince», car il l’en avait tiré par un fort désir de la grandeur et de l’abondance de l’amour et de l’ardeur divins; «et il toucha ma bouche»: toucher fut, certes, purifier. Mais que comprenons-nous par «bouche» qui peut rece-
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
gare. Sed quid per os ciborum materialium susceptivum et divi- 105 sivorum dentium contentivum, nisi virtutes susceptivas et participativas divini nutrimenti intelligimus? | Qui bene a Seraphim (149c) calculo tanguntur, quia deifice per amoris divini incendium repurgantur. Quis autem fructus sit harum ovium tonsarum sive vir110 tutum purgatarum, sequitur: 4, 2b
Omnes gemellis fetibus, et sterilis non est inter eas. Quod est dicere: universe sunt in divino amore et lumine perfuse quasi gemino fetu et ad hoc ipsum inferiores alias generantes, ut sicut a suis superioribus generantur per purgationem, illuminationem et perfectionem, sic ipse sibi subiectas generent 115 per sursumactiones. Quia vero quantum ad superius sursumagunt et sursumaguntur, tanto plus in suis virtutibus pulchrificantur, ideo bene subiungit:
4, 3a
Sicut vitta coccinea labia tua, et eloquium tuum dulce. Id est: virtutes tue secreti desiderii expressive, o sponsa, 120 sunt rubedine caritatis perfuse et, ob hoc, ipsarum expressio est dulciflua. Habet namque deiformis anima virtutes sue deifice concupiscentie effectivas et expressivas, que tanto pulchrius caritatis ardore rubescente colorantur, quanto ipsius anime desideri- 125 um fervidius exardescit, per quod compellitur quasi quadam vitta intelligibiliter summo sue vertici adherere. “Qui enim adheret Deo, unus, inquit, spiritus est”. Hec autem adhesio fit mediante vitta coccinea, id est desiderio inflammato, per quod summo bono copulatur anima deiformis et ipsi inseparabiliter unitur. 130 127-128 Qui – est] I Cor. 6, 17 112 in] om. N 120 tue] tui PM desiderii] om. PM 123 deifice] diffinite N 126 quadam] quedam OP 127 intelligibiliter] intelligibili N
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voir des aliments matériels, qui contient des dents pour diviser, si ce n’est les vertus qui peuvent recevoir et partager la nourriture divine? Ceux-là sont effectivement touchés par le caillou du séraphin, car ils sont déifiquement purifiés par l’embrasement de l’amour divin. Mais quel est le fruit de ces brebis ou de ces vertus purifiées? Il suit: Toutes sont jumelles, et parmi elles nulle n’est stérile. C’est dire: Toutes sont baignées en l’amour et la lumière divins comme en un double enfantement. Elles engendrent les autres qui leur sont inférieures selon qu’étant engendrées par celles qui leur sont supérieures par purification, illumination et perfection, elles engendrent par des élévations celles qui leur sont inférieures. Mais, parce que, autant elles se dressent et sont dressées vers le haut, autant elles deviennent plus belles en leurs vertus, il ajoute à bon droit: Tes lèvres sont comme un ruban écarlate, et ton entretien est doux. C’est dire: Tes vertus qui expriment un désir secret, ô épouse, sont teintes de la couleur rouge de la charité, et, à cause de cela, leur langage est doux. En effet, l’âme déiforme possède des vertus qui réalisent et expriment son désir déifique; l’ardeur rougissante de la charité les colore d’une façon d’autant plus belle que le désir de l’âme ellemême s’enflamme avec plus de ferveur, ce qui la pousse à se tenir intellectuellement attachée à sa plus haute cime comme par quelque cordon. «Qui adhère à Dieu, en effet, dit-il, est un seul esprit.» Cette adhésion se produit grâce à un cordon écarlate, c’est-à-dire le désir enflammé qui unit l’âme déiforme au Bien souverain et l’unit indissolublement à lui.
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
| Intexitur autem hec vitta triplici filo, scilicet puritate (149d) animi, ardore desiderii et frequentia mentalis exercitii. Bene ergo intelligibilium sponse labiorum eloquium dulce dicitur, quia eius intima divina dulcedine sunt perfusa. Ex abundantia enim dulcissimi cordis eloquia dulcissima emanant. Sed quid est hoc sponse 135 tam dulce eloquium, nisi eius cum sponso privatum quoddam colloquium, et eo nitet dulcius quo privatius? Quia vero non solum per secretam Dei collocutionem et visionem contrahit sponsa abundantiam divine dulcedinis quoad intima, sed etiam sancte 140 pulchritudinis quoad exteriora, ideo sequitur:
4, 3b
Sicut fragmen mali punici, sic gene tue, absque eo quod intrinsecus latet. Quod est dicere: sicut singularis aliqua visio secreti deifici, sic virtutes tue exterius apparentes absque eorum delectationibus soli Deo patentibus. Hoc enim sciendum est quod, dum anima deiformis per 145 sursumactionem mentalium operationum ad divina se erigit intuenda, ipsi divino radio unitur, per quod malum punicum, id est divinum secretum, ei aliquod aperitur. Ad sua vero rediens, studet exteriora sua divinis visis conformare, ut, cum divino Paulo, “revelata facie”, divinis visionibus, quasi quibusdam 150 fragmentis mali punici contemplatis, “in eamdem eorum imaginem”, sive similitudinem, “transformetur”. Nam, ut ait divina Theologia: “Sapientia hominis lucet in vultu eius”. Hinc est quod, cum sanctus Moyses a divina visione descendisset, “eius facies | (150a) cornuta” apparuit; quod nihil aliud est nisi divine claritatis reful- 155 gentia que, sicut eum totum interius perfuderat ex divino con-
150-152 revelata – transformetur] II Cor. 3, 18 154-155 eius – cornuta] Ex. 34, 29
153 Sapientia – eius] Sap. 8, 1
134 dulcedine] luce PM 135 dulcissima] dulciflua N eloquium O 137 et] quod O 137 nitet] utique N 149 sua] om. O 152 sive] vel N sibi PMac
137 colloquium] 148 id est] et PM
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Mais ce cordon est fait de trois fils: la pureté de l’esprit, l’ardeur du désir, la fréquence de l’exercice mental. L’entretien des lèvres intelligibles de l’épouse est donc heureusement dit «doux», car ce qu’il a de plus intime est rempli de douceur divine. En effet, de très doux entretiens sortent de l’abondance d’un cœur très doux. Mais quel est cet entretien si doux de l’épouse, si ce n’est quelque conversation privée avec l’époux, d’autant plus douce qu’elle est plus privée? Mais, parce que, non seulement par l’entretien secret et la vision de Dieu l’épouse obtient la plénitude de la douceur divine quant aux choses intimes, mais aussi celle de la sainte beauté quant aux choses extérieures, il suit: Tes joues sont comme un morceau de grenade, sans ce qui est caché au-dedans. C’est dire: De même qu’une vision singulière du secret déifique se dresse pour voir les choses divines, elle est unie au rayon divin lui-même; en raison de quoi, une «grenade», c’est-à-dire quelque secret divin, lui est offerte. Mais, revenant à soi, elle s’applique à conformer ce qu’elle a d’extérieur aux choses divines qu’elle a vues, afin qu’avec le divin Paul, «le visage découvert», elle soit, par les visions divines contemplées comme par certains morceaux de grenade, «transformée en leur image même ou en leur ressemblance.» Comme le dit, en effet, la divine Théologie, «la sagesse de l’homme brille sur son visage». En conséquence, lorsque saint Moïse fut descendu de la vision divine «sa face apparut comme ayant des cornes», ce qui n’est rien d’autre que le resplendissement de la clarté divine. Celle-ci qui l’inondait entièrement de l’intérieur en raison de la communion
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
sortio, sic etiam in eius facie, sive genis, resultabat, et in deifica Virgine, post divinam susceptionem, non est dubium fore factum. Nam ex plenitudine suscepti splendoris exterior eius facies gratiosissima radiabat, ut conceptus thearchici radii, sive Iesu divinissimi, manifestissime demonstraretur. Lux enim divina vestigium hominis est, id est lux divina, per genas sacrosancte Matris se diffundens, erat homines manuducens in cognitionem Dei qui intra viscera deifica latitabat. Confidenter igitur beatam Virginem alloquamur et dicamus: sicut fragmen mali punici, id est sicut splendor divini Filii, “de monte sine manibus abscissi”, sic gene tue divinis splendentibus splendoribus colorate, absque eo quod intrinsecus latet, hoc est excepta superdulci suavitate et superclara luminositate, qua frueris intrinsecus incessanter, quam impossibile est enarrare. Plena siquidem est domus tua “maiestate Dei”, et ideo exterius se diffundit, non quasi impotens ad se coarctandum, sed velut benefica ad sui et tui gloriam demonstrandum. Sed quid sibi vult in anima deiformi, quod ait: absque eo quod intrinsecus latet? Quia videlicet pulchritudo anime per divinam lucem sibi infusam nunquam sic in genis, sive in facie, elucescit, quomodo intrinsecus elucescit et splendescit et dulcescit? quoniam autem secundum quod maior est divinorum revelatio, sive bonorum interius latentium delectatio, tanto fit intelligentie luculentior contemplatio, ideo bene additur:
4, 4a
Sicut turris David collum tuum que e|dificata est cum propugnaculis. Ac si dicatur: secundum eminentiam divine contemplationis, sic extensio tua in Deum; que quidem contemplatio diversis plena est spectaculis. 166-167 de – abscissi] Dan. 2, 45 157 genis] refulgebat sive add. PM om. N
171 maiestate Dei] II Paral. 7, 1 167 splendentibus] splendentes PM
160
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(150b)
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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divine rejaillissait de même sur sa face ou sur ses joues. Il n’est pas douteux que cela dut se produire en la Vierge déifique après l’incarnation divine. Par suite, en effet, de la plénitude de la splendeur reçue, son très gracieux visage extérieur rayonnait, afin que fût très manifestement montrée la conception du rayon théarchique ou du très divin Jésus. La lumière divine est, en effet, l’empreinte de l’homme, c’est-à-dire: La lumière divine se répandant sur les joues de la très sainte mère conduisait les hommes à connaître Dieu qui se cachait dans le sein déifique. Adressons-nous donc hardiment à la Vierge bienheureuse, et disons: De même qu’un morceau de grenade, c’est-à-dire: de même que la splendeur du divin Fils, «détaché de la montagne, mais non par une main», ainsi tes joues colorées d’éclatantes splendeurs divines, «sans ce qui est caché au-dedans», c’est-à-dire: sans la plus qu’agréable douceur et la plus que brillante luminosité dont tu jouis intérieurement sans arrêt, qu’il est impossible d’exprimer. Oui, ta maison est remplie de la majesté de Dieu. Celle-ci se répand donc à l’extérieur, non parce qu’elle serait incapable de se retenir, mais comme pour montrer des bienfaits en vue de sa gloire et de la tienne. Mais que signifie en l’âme déiforme ce qu’il dit: «sans ce qui se cache à l’intérieur» Puisque la beauté de l’âme, par la lumière divine en elle répandue, ne brille jamais ainsi sur ses joues ou sur sa face? comment intérieurement brille-t-elle, resplendit-elle, s’adoucit-elle? Mais, parce que, selon que plus grande est la révélation des choses divines ou la délectation des biens cachés à l’intérieur, autant la contemplation de l’intelligence s’enrichit, il est heureusement ajouté: Ton cou est comme la tour de David, bâtie avec des défenses. Comme s’il disait: Ta tension vers Dieu correspond à l’éminence de la contemplation divine; celle-ci est remplie de spectacles divers.
300
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Nam intelligentia, tam angelica quam humana, secundum visa modificatur, ut secundum quod divinum visum, vel obiectum, sit altum, ipsa etiam in altum se extollat, vel potius virtute obiecti tollatur; ex quo fit ut divina lux, dum ab ipsa intelligentia altius elongatur, per ipsius superattractivam virtutem ipsa intelligentia amplius sublimetur. Unde Psalmista: “Accedat homo ad cor altum”, id est ad altam intelligentiam et experientiam divinorum, et sic “exaltabitur Deus”, id est ipsa divina altius ab intelligentia elongabuntur, ut per hoc ipsa magis ac magis exaltetur, et tum David, sive excellentissime divine contemplationi, conformetur; que idcirco bene dicitur edificata cum propugnaculis, quia ipsa divine lucis alta speculatio variis spectaculis et visionibus enitescit. Hinc est quod Ezechiel vidit “animalia plena oculis”; per quod vivificarum visionum varia contemplatio figuratur. Nam in una luce divina plenas luces possunt contemplari et plura intelligibilia; similiter in pluribus contemplationibus diversa obiecta intueri valeant; sic ait sanctus Dionysius, De div. nom. V: “Si multorum participantium causas unus sol in seipso uniformiter preaccepit, multo magis in causa et ipsius et omnium preexistere omnium existentium exemplaria secundum unam supersubstantialem unitionem, est concedendum”. “Exemplaria autem in Deo dicit existentium rationes substantificas et singulariter preexistentes, quas Theologia | predefinitiones vocat et divinas et bonas voluntates existentium determinativas et effectivas, secundum quas supersubstantialis existentia omnia predefinivit et produxit”. Liquet igitur ex his verbis quomodo turris David dicatur cum propugnaculis edificata, quoniam ipsa lux increata, super omnem altitudinem elevata, innumeris visionibus et intelligentiis et rationibus est munita. Sed, quia istius alte et beate lucis contemplatio est totius adeptio perfectionis, ideo subditur: 189-191 Accedat – Deus] Ps. 63, 8 197 animalia plena oculis] Ez. 10, 12 201-209 Si – produxit] Ps.-Dion., De div. nom., V, 3591-4, 3601-3611 186 potius] ex add. N 188 ipsius] lucis add. N 199 intelligibilia] intelligi N et add. PM 210 quomodo] om. PM quia in marg. altera manu M
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205 (150c)
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Tant angélique qu’humaine, l’intelligence est, en effet, mesurée selon ce qui est vu, de telle sorte que plus la vision divine ou l’objet est élevé, plus elle-même s’élève ou plutôt est élevée par la vertu de l’objet. Il s’ensuit que plus la lumière divine est plus hautement éloignée de l’intelligence elle-même, plus celle-ci est élevée par sa vertu surattractive. Le psalmiste dit en conséquence: «Qu’accède l’homme à un cœur élevé», c’est-à-dire qu’il accède à une haute intelligence et à une très haute expérience des choses divines; «et ainsi Dieu sera exalté», c’est-à-dire les choses divines seront plus hautement éloignées au-dessus de l’intelligence, afin qu’à cause de cela même elle soit de plus en plus élevée et conformée à la tour de David, ou à la très excellente contemplation divine. Elle est donc bien édifiée «avec des défenses», car la haute spéculation elle-même de la lumière divine commence à briller de spectacles et de visions variés. De là vient qu’Ézéchiel vit des «animaux pleins d’yeux», ce qui signifie la contemplation variée de visions vivifiantes. En effet, en une lumière divine d’intenses lumières et de nombreux intelligibles peuvent être contemplés; pareillement, en plusieurs contemplations, divers objets peuvent être vus. Denys s’exprime ainsi dans les Noms divins, ch. V: «Si un seul soleil possède d’avance en soi, de façon uniforme, les causes de tous ceux qui le participent, beaucoup plus doit-il être concédé que, dans la cause, préexistent les exemplaires de lui-même et de tous les existants selon une union supersubstantielle.» Denys dit que «les exemplaires sont en Dieu les raisons substantificatrices des existants préexistant d’une manière uniforme.» La Théologie les nomme «prédéfinitions, volontés bonnes et divines», qui déterminent et réalisent les existants, selon lesquelles l’existence supersubstantielle a prédéfini et produit tous les existants.» À partir de ces paroles, on voit donc manifestement comment la tour de David est dite «bâtie avec des défenses», car la lumière incréée elle-même, élevée au-dessus de toute hauteur, est fortifiée par d’innombrables visions, intellections et raisons. Mais, parce que la contemplation de cette haute et bienheureuse lumière est l’acquisition de toute la perfection, il est ajouté:
302 4, 4b
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Mille clypei pendent ex ea, omnis armatura fortium.
215
Quod est dicere: perfectio omnis virtutis, tam agentis quam patientis, ut propugnantis ex ipsa est. In divine namque lucis alta contemplatione non solum meretur anima muniri clypeo fortissime caritatis, sed etiam armari et amiciri lumine veritatis, quibus potens sit contra spirituales 220 nequitias in celestibus triumphare, necnon in oppugnatione divinarum munitionum strenue se habere. Non enim eas rapiunt, nisi per virtutem animi violenti et armis lucis communiti. In mille ergo clypeis ex davidica tum pendentibus igniti amoris perfecti motus intelliguntur, ex altitudine divine speculationis scin- 225 tillantes, ex quibus omnis armatura fortium fabricatur. Unde sequitur:
4, 5-6a
Duo ubera tua sicut duo hinnuli capree gemelli qui pascuntur in liliis, donec aspiret dies | et inclinentur umbre.
(150d)
Quod est dicere: due virtutes tue, videlicet motiva et co- 230 gnitiva, distributionem dulcedinis et luminis continentes, sunt velut motus bini et coevi intelligentie deiformis, qui pulchris intellectibus delectantur et depascuntur, donec perfecta Dei cognitio rutilet et omnia velamina deponantur. Vide quoniam virtutes sponse, divinarum dulcedinum et 235 illuminationum receptive et propinative, duobus hinnulis capree gemellis comparantur. Per quos duo motus deiformes Cherubim significantur, videlicet intellectus et affectus. Qui bene gemelli, sive coevi, dicuntur, quia dum intelligentia movetur in Deum, aut divinum aliquid contemplatur, non est prius affici quam intel- 240 ligere, nec prius intelligere quam affici, sed simul et semel intel217 patientis] sive protegentis vel add. N ut] sive N 219 caritatis] claritatis PM 223 communiti] contra muniti O 226 fabricatur] que in perfectione affectus consistit et intellectus add. N 232 deiformis] anime add. PM 237 deiformes] deiformis N 238 affectus] affectio N vel affectio add. M
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Mille boucliers y sont suspendus, toute l’armure des forts. C’est dire: La perfection de toute vertu, tant de celle qui agit que de celle qui pâtit comme combattant, vient d’elle. Dans la haute contemplation de la lumière divine, l’âme mérite, en effet, non seulement d’être protégée par le bouclier de la très puissante charité, mais aussi d’être armée et enveloppée de la lumière de la vérité; par elles elle devient capable de triompher des esprits mauvais répandus dans l’air, et de se comporter bravement lors de l’assaut des défenses divines. En effet, on ne s’en empare que par la force d’un esprit violent et fortifié par les armes de la lumière. Les mille boucliers suspendus à la tour de David sont donc compris comme signifiant les mouvements de l’amour parfait qui brûle; ils brillent en raison de la hauteur de la contemplation divine; à partir d’eux toute l’armure des forts est fabriquée. Il est donc dit: Tes deux seins sont comme deux faons jumeaux d’un chevreuil, qui paissent au milieu des lis, jusqu’à ce que le jour paraisse et que les ombres fuient. C’est dire: Tes deux vertus, à savoir la vertu motrice et la vertu cognitive, qui contiennent la distribution de la douceur et de la lumière, sont comme deux mouvements contemporains de l’intelligence déiforme, réjouis et nourris de belles perceptions, jusqu’à ce que brille la connaissance parfaite de Dieu et que tous les voiles soient déposés. Vois que les vertus de l’épouse, qui reçoivent et donnent douceurs et illuminations divines, sont comparées aux «deux faons jumeaux du chevreuil», par quoi sont signifiés les deux mouvements déiformes du chérubin, à savoir l’intellectus et l’affectus. On les dit bien «jumeaux», ou de même âge, car, alors que l’intelligence est mue vers Dieu ou contemple quelque chose de divin, être affecté ne précède pas connaître, et connaître ne précède pas être affecté, mais simultanément et en une fois elle connaît et est affec-
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
ligit et afficitur, quoniam intellectus theoricus plenus est affectionibus et affectus deiformis intelligentiis est imbutus. Hinc est quod sanctus Dionysius invenitur dixisse, De div. nom. IV: “Sicut videntibus lumen, ait, et sicut gustantibus lumen et magis desiderantibus”, per hoc ipsum significans germanitatem et gemellitatem gustus et visus, sive affectionis et cognitionis. Nam simul et semel sunt et alter alterius utitur obiecto. Quomodo enim affici potes sine intellectu, aut quomodo intelligere divinum quid vales sine affectu? Non enim lumen intelligibile, quod obiectum est intellectus, sine dulcedine, nec rursus dulcedo, que obiectum est affectus, sine lumine. Et ideo, dum illud splendescit, statim dulcescit et, dum illud dulcescit, statim splendescit. Non ergo immerito talibus hinnulis assimilantur ubera sponse nostre, quia ipsa nunquam carent dulcedine il|luminante, aut lumine dulcorante. Sed quid sibi vult quod ait: qui pascitur in liliis, donec aspiret dies et inclinentur umbre? Quia profecto intellectus et affectus deificati usque eo pulcherrimis intendunt theoriis, donec claram Dei cognitionem et experientiam consequantur, omnibus enigmatibus et velaminibus expulsis et propulsis. Unde est quod divinus ait Dionysius, tam dulcoribus quam splendoribus commoratus in divinas se promovens contemplationes aiebat, Eccl. hier. III: “O divinissima et sancta perfectio, circumpositis tibi significative velaminibus enigmatum discooperta, splendide nobis demonstrare et intellectuales nostras visiones unitivo et discooperto lumine adimple”. Igitur, sponso sponsam suam a longe commendante propius accedere proponit, ut eam tanto suavius alloquatur, quanto clarius ipsa per eius presentiam decoratur. Unde ait: 244-246 sicut – desiderantibus] Ps.-Dion., De div. nom., I, 1741-2 (les mots sicut videntibus ne sont pas dans le texte) 263-266 O – adimple] Ps.-Dion., De eccl. hier., III, 11804-11812 244 quod] cum add. N invenitur] debuisset N 249 intelligere] intelligi NP 256 dulcorante] decorante P delectante M 260-261 expulsis et propulsis] om. N 261 dulcoribus] dulcedinibus N 262 commoratus] irroratus N
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(151a)
260
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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tée, car l’intellectus théorique est rempli d’affections et l’affectus déiforme est imprégné de perceptions. De là vient que saint Denys se trouve avoir dit, dans les Noms divins, ch. IV: «Comme il se donne lui-même à ceux qui voient la lumière, il se donne ainsi à ceux qui la goûtent et la désirent davantage», signifiant par cela même la parenté et la gémellité du goût et de la vue, ou de l’affection et de la connaissance. Ils existent, en effet, ensemble et au même instant, et l’un jouit de l’objet de l’autre. De fait, comment peux-tu être affecté sans l’intellectus, et comment peux-tu connaître ce qui est divin sans l’affectus? Il n’y a pas, en effet, de lumière intelligible — objet de l’intellectus — sans douceur, ni, inversement, de douceur — objet de l’affectus — sans lumière. C’est pourquoi, alors que cet objet resplendit, il adoucit aussitôt, et, alors qu’il adoucit, aussitôt il resplendit. Ce n’est donc pas injustement que les seins de notre épouse sont assimilés à de tels faons, car ils ne manquent jamais de douceur qui illumine, et de lumière qui adoucit. Mais, que veut-il dire par «qui paissent au milieu des lis, jusqu’à ce que le jour paraisse et que les ombres fuient»? Certes, que l’intellectus et l’affectus déifiés tendent vers de très belles théories jusqu’au moment où ils acquièrent la claire connaissance et l’expérience de Dieu, toutes énigmes et voiles expulsés et écartés. De là vient qu’habité de douceurs et de splendeurs, et s’avançant vers les contemplations divines, le divin Denys disait, dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. III: «Ô très divine et sainte perfection, montrenous avec éclat les choses dont furent écartés les voiles symboliques des énigmes qui t’entourent de façon significative, et remplis nos visions intellectuelles de la lumière unitive et non voilée.» L’époux qui se manifeste de loin propose donc que l’épouse s’approche plus près, afin de lui parler d’autant plus doucement qu’elle est plus brillamment honorée de sa présence. Il dit donc:
306 4, 6b
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Vadam ad montem myrrhe et ad collem thuris.
270
Ac si dicat sponsus: gressus mee considerationis figam ad magnitudinem mortificationis et subtilitatem orationis sponse, ubi frequentius commoretur. Cum enim sancta corporalis mortificatio sit quedam habilitatio ad anime subtiliationem, pinguis vero oratio et fervens 275 sit stimulus ad sursumactionem, necesse est sponsam iugiter, tam in monte myrrhe quam in colle thuris, demorari, ut eo amplius sit simplicior mentalis subtiliatio, sive purificatio, et activior sursumactio, quo mortificatio fuerit perfectior et oratio fuerit ferventior. Quod in vertice apostolorum Petro legimus factum. | (151b) Nam, cum in superiora domus ascendisset ad orandum circa horam sextam, cepit esurire, ita ut gustare vellet. Parantibus autem illis, cecidit super eum mentis excessus et vidit visionem Dei. Per ascensum ergo in superiora domus ad orandum intellige directionem deiformitatis ad contemplandum, quam sequitur 285 esuries, id est mortificatio corporalis, que vigorem anime non modicum introducit, ita ut extasim patiatur, hoc est de monte myrrhe in collem thuris transferatur, ac per hoc divinam visionem mereatur. Qualiter autem sponsus inventam sponsam in iis mon290 tibus alloquatur, audiamus:
4, 7
Tota pulchra es, amica mea, et macula non est in te. Quod est dicere: totaliter es divino amore et lumine decorata et irradiata, ita ut nullus in te pateat locus ignorantie maculis, ubi fulget radius tam superclari luminis.
281-284 Nam – Dei] Act. 10, 9-10 272 subtilitatem] sublimitatem N altior N 280 factum] om. PM tamen ita Mpc 288 in] ad O
275 anime] animi N 278 activior] 282 ita ut] nec tamen ita 0 nec ita PMac
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
307
J’irai à la montagne de la myrrhe et à la colline de l’encens. Comme si l’époux disait: J’ajusterai les pas de ma considération à la grandeur de la mortification de l’épouse et à la simplicité de son oraison, là où elle séjourne plus fréquemment. Parce que, en effet, la sainte mortification corporelle est une certaine aptitude à acquérir la simplicité de l’âme, et parce que la prière complète et fervente est un encouragement à s’élever, il est nécessaire que l’épouse demeure toujours sur la montagne de la myrrhe et sur la colline de l’encens, afin qu’en outre soit d’autant plus pur l’affinement ou la purification de l’esprit, et plus active son élévation, que la mortification aura été plus parfaite, et plus fervente la prière. Cela se réalise, lisons-nous, chez Pierre, le chef des apôtres. Alors, en effet, qu’il était monté sur le toit de la maison pour prier, vers la sixième heure, il commence à avoir faim, en sorte qu’il voulait manger. Pendant qu’on lui préparait son repas, il tomba en extase, et eut une vision de Dieu. Par la montée sur le toit de la maison pour prier, comprends donc la direction de la déiformité vers la contemplation que suit la faim, c’est-à-dire la mortification corporelle; celle-ci introduit en l’âme une vigueur non de peu d’importance, de telle sorte qu’elle subit l’extase, c’est-àdire est transportée de la montagne de la myrrhe sur la colline de l’encens, et par cela mérite la vision divine. Écoutons comment l’époux parle à l’épouse qu’il trouve sur ces monts: Tu es toute belle, mon amie, et il n’y a pas de tache en toi. C’est dire: Tu es totalement ornée et éclairée d’amour et de lumière divine, de telle sorte qu’en toi, où brille le rayon de la lumière plus qu’éclatante, il n’est aucune place pour les taches de l’ignorance.
308
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Hoc autem nobis per illam divinam et bonam visionem Ioannis innuitur. Vidit enim “mulierem amictam sole et lunam sub pedibus eius”. Sed quid per mulierem sole vestitam et lunam pedestri subiectione conculcantem, nisi dilecti dilectam divinis luminibus et amoribus deifice redimitam et tenebrarum defectum penitus subpeditantem? Quid nisi sponsus cum sponsa eisdem vestibus induatur? Ipse quippe amicos luminis vestiri vult vestimento. Et hoc dicitur per Prophetam: O felix anima, tuo sponso tam nobiliter conformata, ut in eodem spiritu cum eo communices et amictu. Numquid tu similaginem puritatis, mel suavitatis et caritatis oleum comedisti, quia tota sic pulchra es facta vehementer ut in regnum profeceris vestita | discoloribus et beatitudinis diademate coronata et stola viduitatis exuta. Tota, inquit, pulchra es, amica mea, et macula non est in te. Ac si dicat: totaliter es deiformis, ab omni humana dissimilitudine repurgata. Ideo apte eius subiungitur vocatio, cuius purgatio tam feliciter commendatur. Ait enim:
4, 8a
295
300
305 (151c)
310
Veni de Libano, sponsa mea, veni de Libano, veni. Quasi dicat: de purgatione, vel candidatione, humana ad angelicam, per effectum purgative, illuminative et perfective vir315 tutis, exsurge. Notandum quippe est duplicem esse purgationem, aut candidationem, humanam videlicet et angelicam. Quarum prima est macule ablatio; secunda vero est divini occulti revelatio. Bene autem dicitur: veni de Libano, trina vocatione interposita, quia videlicet humana purgatio alia est activa, alia vero passiva, sicut 320 296-297 mulierem – eius] Apoc. 12, 1 295 divinam et] om. N 298 conculcantem] intelligimus add. N 301 induatur] induantur N amicos luminis] amictus lumine N 302 Et hoc] om. N 312 vel] sive O 317 est] vero N 319 veni] iter. N 320 vero] om. PM
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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La vision divine et bonne de Jean nous le suggère. En effet, il vit «une femme revêtue du soleil, et la lune sous ses pieds.» Mais, que comprenons-nous par «femme revêtue du soleil» et foulant «la lune sous ses pieds», si ce n’est la bien-aimée du bien-aimé déifiquement entourée des lumières et des amours divines, et mettant absolument sous ses pieds la déficience des ténèbres? Qu’entendons-nous, si ce n’est que l’époux porte les mêmes vêtements que l’épouse? Certes, lui-même veut que ses amis soient revêtus du vêtement de la lumière. Le prophète l’a dit: «Ô âme heureuse, si noblement conformée à l’époux, que tu partages avec lui le même esprit et le même vêtement. As-tu mangé la fleur de farine de la pureté, le miel de la douceur, l’huile de la charité, puisque tu es devenue avec force toute belle ainsi, au point de t’avancer vers le royaume, vêtue de couleurs variées, couronnée du diadème de la béatitude, et débarrassée de la longue robe du veuvage? «Tu es toute belle, mon amie, dit-il; il n’y a pas de tache en toi.» Comme s’il disait: «Tu es totalement déiforme, purifiée de toute dissemblance humaine.» Est donc ajouté justement l’appel de celle dont la purification est louée si justement: Viens du Liban, mon épouse, viens du Liban, viens. Comme s’il disait: Élève-toi de la purification ou du blanchiment humain à la purification ou au blanchiment angélique par l’effet des vertus purgatives, illuminatives et perfectives. Il faut certainement noter que la purification ou le blanchiment est double, à savoir humain et angélique. La première est l’enlèvement de la tache; la seconde, la révélation du secret divin. Mais il est dit justement: «Viens du Liban» en un triple appel, parce qu’une purification humaine est active, et l’autre passive, comme
310
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
et angelica, ad quam impossibile est suscitari, nisi per adminiculum purgantis, illuminantis et perficientis divine virtutis. Unde et ob hoc tripliciter ei dicitur: veni, ac si ei dicatur: si puritatis angelice vis habere participium, veni purgata, veni illuminata, veni angelice perfecta. Hec autem inter hanc triplicem angelicam 325 virtutem, salva reverentia melioris intelligentie, talis differentia est, quamquam aliam assignaverimus, quoniam purgatio dicit recessum ab ignoto, illuminatio vero accessum ad cognitum, perfectio vero eiusdem cogniti intellectum et comprehensionem, per quam amplius intellectus angelicus in divinas assurgit simili- 330 tudinem et perfectionem. Quia vero harum sanctarum trium virtutum distributio gradatim ab omnibus emanat ordinibus angelorum, ideo subiungitur:
4, 8b
| Coronaberis de capite Amana, de vertice Sanir et Hermon, de cubilibus (151d) 335 leonum, de montibus pardorum. Ac si dicat: tu perfecte perficieris ex pulchris et superabundantibus distributionibus pullulantibus de altitudine prime, medie et ultime hierarchie. Nam, per caput Amana, verticem Sanir et Hermon, superabundans distributio primi et secundi et tertii ordinis, id est 340 Angelorum, Archangelorum et Virtutum intelligitur. Amana quippe populi gratificatio, Sanir Deus luminis, Hermon anathema meroris interpretatur, per quod Angeli per suum ministerium animas Deo gratificantes, Archangeli queque eximia revelantes, Virtutes per miraculorum operationem salvandas animas a tristi 345 maligni spiritus dominio separantes, intelliguntur. Horum autem ordinum nobilis abundans distributio, que per caput et verticem
324 participium] precipium PM 326 intelligentie] om. N 327 aliam] alias O superius] add. N 328 vero] om. O 328-329 perfectio] perfectum OPM 340 distributio] om. OPM id est] om. OPM 341 Archangelorum et] archana OPM intelligitur] intelliguntur] OPM 345 operationem] om. OPM 346 dominio]divino N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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il en est de la purification angélique: on ne peut y être élevé que par le secours de la vertu divine qui purifie, illumine et rend parfait. C’est donc à cause de cela qu’il lui est dit trois fois: «Viens»; comme s’il lui disait: Si tu veux avoir part à la pureté angélique, «viens» purifiée; «viens» illuminée; «viens» parfaite, comme les anges. Étant sauf le respect d’une meilleure interprétation, telle est la différence de cette triple vertu angélique, quoique nous l’ayons définie autrement: la purification signifie l’éloignement de ce qu’on ignore; l’illumination, l’accès à ce que l’on connaît; la perfection, l’intellection et la compréhension de ce que l’on connaît, par laquelle l’intellect angélique s’élève davantage à la ressemblance et à la perfection divines. Mais, parce que la distribution de ces trois saintes vertus émane par degrés de tous les ordres angéliques, il est ajouté: Tu seras couronnée de la tête de l’Amana, des sommets de Sanir et de l’Hermon, des tanières des lions, des montagnes des léopards. Comme s’il disait: Tu seras à bon droit achevée en perfection par les belles et surabondantes distributions qui se répandent de la hauteur des première, deuxième et dernière hiérarchies. En effet, par «la tête de l’Amana, des sommets de Sanir et de l’Hermon», on comprend la distribution surabondante des premier, deuxième et troisième ordre, c’est-à-dire des anges, des archanges et des vertus. Amana signifie faveur du peuple; Sanir, Dieu de lumière; Hermon, anathème de la tristesse. À cause de cela, les anges sont conçus comme ceux qui, par leur ministère, rendent les âmes agréables à Dieu; les archanges, comme ceux qui révèlent des choses remarquables; les vertus, comme ceux qui, en accomplissant des miracles, écartent les âmes qu’il faut sauver de la triste domination de l’esprit malin. La noble, abondante distribution de ces ordres, figurée par «tête» et «sommet», ne tire pas
312
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
figuratur, non a seipsis sed a media hierarchia, que ipsis est superior, superfulget, que non immerito per cubilia leonum designatur, quoniam ipsa inter primam et ultimam hierarchiam, quasi in quodam antro et abdito, est quietissime collocata et stabilita. Bene ergo per cubilia leonum superquietissime stationes medii ordinis angelorum exprimuntur, quod etiam per leonina eorum nomina declaratur. Qui sicut suis inferioribus, quasi propriis catulis, tradunt de fortiter acquisita venatione divinorum, sic eamdem recipiunt a superioribus suis abundanter. Pulchre autem montibus pardorum ultima hierarchia Deo assistentium angelorum comparatur, quoniam ipsi sicut excellentissime sic et diversimode donis infrapositorum spirituum sunt | ornati. Hinc est quod tradit beatus Dionysius, Ang. hier. V: “Dicimus quod secundum omnem sanctum ornatum ordines quidem supergressi sunt et subiectorum ornatuum illuminationes et virtutes, non participes autem superpositarum sunt postremi”. Vide quoniam per hoc quod ait illuminationes et virtutes notat dona, tam indita quam superaddita, sive passiva sive activa, que immediate ipsis emanant a superfontali thearchica bonitate excellentissime, id est diversimode. Quia igitur perfecta divinorum donorum et luminum distributio derivatur a plenitudine secretissime deitatis, per alveos angelice puritatis, in totam purissime subtillissime sponse deiformitatem, ideo apte subsequitur:
4, 9
Vulnerasti cor meum, soror mea sponsa, vulnerasti cor meum in uno oculorum tuorum et in uno crine colli tui. Quod est dicere: amabilia secretorum meorum penetrasti, carissima et dilecta, per virtutem tue intentionis simplicissime et 360-363 Dicimus – postremi] Ps.-Dion., De cael. hier., V, 8232-8241 348 que ipsi est] ipsi N 351 in] a N 360 V] XII O 361 supergressi sunt] supergressum habent N 362 illuminationes] illuminationem PM 366 id est] et N 373 penetrasti] revelasti N
350
355
(152a)
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365
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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son éclat d’eux-mêmes, mais de la hiérarchie médiane qui leur est supérieure, qui brille au-dessus d’eux. Elle est désignée, non sans raison, par «tanières des lions», parce qu’elle-même est très paisiblement située et établie entre la première et la dernière hiérarchies comme en une certaine caverne et un certain lieu caché. Par «tanières des lions», on désigne donc bien les demeures plus que très paisibles de l’ordre médian des anges; ce que leur nom de lions déclare également. De même que ceux-ci laissent à leurs inférieurs, comme à leurs lionceaux, quelque chose de leur chasse courageusement acquis des choses divines, ainsi la reçoivent-ils abondamment de leurs supérieurs. Mais la dernière hiérarchie des anges qui entourent Dieu est à merveille comparée aux montagnes des léopards, parce qu’ils sont ornés, très excellemment et de diverses façons, des dons des esprits qui leur sont inférieurs. D’où ce que le bienheureux Denys enseigne, dans la Hiérarchie angélique, ch. V: «Nous disons que, selon la toute sainte disposition, les ordres en vérité plus élevés ont les illuminations et les vertus des ordres inférieurs; mais les derniers ne participent pas aux supérieurs.» En disant: «illuminations» et «vertus», vois qu’il désigne les dons, tant infus que surajoutés, passifs ou actifs, qui, pour eux, émanent immédiatement de la bonté théarchique, plus que source, de façon très excellente et de diverses manières. Puisque la distribution parfaite des dons et des lumières divins dérive de la plénitude de la très secrète déité, par les canaux de la pureté angélique, en toute la déiformité de l’épouse très pure et très subtile, il est ajouté comme il convient: Tu as blessé mon cœur, ma sœur épouse; tu as blessé mon cœur par l’un de tes yeux et par un cheveu de ton cou. C’est dire: Très chère et bien-aimée, tu as pénétré ce que mes secrets ont d’aimable, par la force de ton désir très simple et de ta
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
deiformitatis unitissime et subtilissime. Siquidem nihil aliud est 375 sororem et sponsam dilecti, id est sanctam animam sibi per dilectionis confidentiam et amoris excellentiam unitam, cor eius hiis vulnerare, nisi superamabilis divinitatis secreta penetrare et eorum intelligentiam, per intentionis puritatem et Cherub mentis simplicissimam subtilitatem et subtilem simplicitatem sibi vendicare. 380 Quid enim in uno oculorum sponse, nisi eius mentalis puritas, quid vero in uno crine colli, nisi ipsius intelligentie in divina se extendentis penetrativa subtilitas intelligitur? | “Non enim est ad unum (152b) congregari, ut sanctus tradit Dionysius, Eccl. hier. III, et pacifica unione unius participare ad seipsos divisos”. Ideo non sola mentis 385 simplicitate, sed etiam contemplativa bonitate, hoc est in divino radio unificata intelligentie subtilitate, opus est divina secreta penetrare et ipsorum amabilem intelligentiam sibi vendicare, quatenus a dilecto audire mereatur quod sequitur:
4, 10a
Quam pulchre sunt mamme tue, soror mea sponsa.
390
Quam supercandidissimis secretis divinorum intelligentiis tua cognitio, quam superdulcissimis experientiis tua affectio decoratur, o anima reverenter diligens et diligendo reverens. Hic namque sane notandum est quoniam mammarum sororis sponse pulchritudo est divine distributionis plenitudo, 395 que sicut ex superfluentibus radiis intellectualibus est cognitionis illustrativa, sic ex superdulcifluis gustibus est affectionis suavifactiva, ex quarum divino symbolo resultat mire pulchritudinis
383-385 Non – divisos] Ps.-Dion., De eccl. hier., III, 12201-3 377 hiis] bis N 378 divinitatis] deitatis N 386 contemplativa] contemplative virtutis N 387 opus est] sponse add. N secreta] volenti add. in marg a. m. O 396 superfluentibus] superfulgentibus N intellectualibus] vel intellectibus N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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déiformité très une et très subtile. En vérité, que l’épouse et la sœur du bien-aimé, c’est-à-dire l’âme sainte qui lui est unie par la confiance de la dilection et l’excellence de l’amour, blesse par eux son cœur n’est rien d’autre que de pénétrer les secrets de la divinité plus qu’aimable, et de revendiquer pour soi leur intelligence en raison de la pureté de l’intention, de la subtilité très simple et de la simplicité subtile du chérubin de l’esprit. Que comprenons-nous, en effet, par un seul œil de l’épouse, si ce n’est sa pureté d’esprit; «par un cheveu de ton cou», sinon la subtilité pénétrante de l’intelligence elle-même se tendant vers les choses divines? Il n’est pas possible à ceux qui sont divisés entre eux de se rassembler en l’Un, comme le dit saint Denys dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. III, et de participer à l’union pacifique de l’Un. Non par la seule simplicité de l’esprit, mais également par sa bonté contemplative, c’est-à-dire par la subtilité de l’intelligence unifiée dans le rayon divin, il lui faut donc pénétrer les secrets divins et revendiquer pour soi leur aimable perception intellectuelle dans la mesure où elle mérite d’entendre du bien-aimé ce qui suit: Combien beaux sont tes seins, ma sœur épouse. Combien ta connaissance est ornée des perceptions secrètes plus que très éclatantes des choses divines; combien ton affection est ornée de leurs expériences plus que très douces, ô âme qui aime en révérant et révère en aimant! En effet, il faut noter ici que la beauté des seins de la sœur épouse est la plénitude de la distribution divine, qui, de même qu’elle éclaire la connaissance par des rayons intellectuels qui s’échappent d’en haut, rend douce de même l’affection par de plus douces saveurs. De leur divine réunion résulte l’harmonie d’une beauté et
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
et dulcedinis harmonia. Magna quidem germanitas et affinitas est inter mentis cognitivum motum et affectivum, ut superius, 400 sicut nobis possibile fuit, explicavimus. Contentive nempe sunt lactee divine influxionis, non tam candidissime quam superdulcissime perfundentis et disponentis, cuius abundans plenitudo mammarum sororis sponse dilecti admirabilis est pulchritudo, ita ut tunc solum dicantur pulchre quando plene, quanto vero 405 pleniores, tanto utique pulchriores, sicut in materia radii solaris susceptiva est videre, qui nimirum, quanto luculentius ipse perfunditur, tanto pulchrius decoratur, adeo ut inter pulchritudinem refulgentem et | radium lumen perfundentem non sit medium (152c) invenire. Quam autem pulchre sint mamme sponse repetit dilec- 410 tus ut amplius addat. Unde sequitur: 4, 10b
Pulchriora sunt ubera tua vino et odor unguentorum tuorum super omnia aromata. Luciflue magis et dulciflue sunt intelligentie et affectiones tue quantalibet devotione ex materialibus exsurgente et fragrantia 415 tuarum intelligibilium distributionum omnem materialium specierum vincit suavitatem. Si enim duo hec obicientur materialibus sensibus, videlicet lac in uberibus et vinum in vitris, nonne vinum pulchrius uberibus apparebit? Numquid non clamat Theologia: “Ne respi- 420 cias vinum cum splenduerit in vitro”? Quomodo igitur vino sponse ubera pulchriora? Siquidem, si materialiter hoc dicatur, non bene quidem infertur. Quia vero spiritualiter examinatur, spiritualis est intelligentia requirenda. Quid enim per lac in uberibus, nisi lux intellectui et dulcedo affectui sponse distri- 425 399-401 Magna – explicavimus] Voir ci-dessus, p. 000 le commentaire de Cant. 4, 5 420-421 Ne – vitro] Prov. 23, 31 400 inter mentis] incrementis N 407 qui] que N ipse] ipso N 409 lumen] lumine N perfundentem] profundentem O 415 quantalibet] quantavis N 416 omnem] omnium N 423 non] om. N infertur] inferes N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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d’une douceur admirables. Grandes, à la vérité, sont la parenté et l’harmonie du mouvement cognitif et affectif, comme nous l’avons expliqué plus haut dans la mesure où ce nous fut possible. Les seins contiennent, en effet, le flux divin du lait qui les remplit et les dispose de façon, non pas tant très pure, que très douce. L’abondante plénitude de ce flux est l’admirable beauté des seins de la sœur épouse du bien-aimé, de telle sorte qu’ils sont dits beaux seulement lorsqu’il sont remplis, et d’autant plus beaux qu’ils sont plus remplis. On le voit dans la matière qui reçoit le rayon du soleil; plus il la pénètre abondamment, plus elle est bellement ornée, au point qu’entre la beauté qui brille et le rayon qui répand la lumière on ne trouve pas d’intermédiaire. Combien sont beaux les seins de l’épouse, le bien-aimé le répète pour renchérir. Il suit donc: Tes seins sont plus beaux que le vin et l’odeur de tes parfums l’emporte sur tous les aromates. Tes perceptions intellectuelles et tes affections, qui laissent échapper la lumière et la douceur, l’emportent sur la dévotion, aussi grande soit-elle, issue des choses matérielles, et la bonne odeur de tes distributions intelligibles l’emporte sur toute douceur des images matérielles. Si, en effet, l’on présente aux sens matériels ces deux choses: le lait dans les seins et le vin dans les verres, le vin n’apparaîtra-til pas plus beau que les seins? La Théologie ne proclame-t-elle pas: «Ne regarde pas le vin, quand il aura donné son éclat dans le verre»? Comment donc les seins de l’épouse sont-ils plus beaux que le vin? Certes, si cela est dit matériellement, l’inférence ne vaut pas; mais, parce que cela s’entend spirituellement, il faut se mettre en quête d’un sens spirituel. Qu’entend-on, en effet, par le lait dans les seins, sinon la lumière distribuée à l’intellectus de l’épouse, et la douceur
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
buta? Quid autem per vinum in vitro, nisi suavis et fervens devotio in materiali aliquo spectaculo constituta? Tantum revera inter hoc differt quantum inter lucem et tenebras, mel et absinthium. Quid namque pulchrius divino radio intelligentiam perlustrante? Quid sapidius divina dulcedine affectionem totaliter perfundente? Ut enim sanctus ait Dionysius in Eccl. hier. IV: “Immaculati sunt Dei occulti et supermentem bene olentes decores, et intelligibiliter manifestantur solis sanctis, conformes habere volentes secundum virtutem incorruptas ima|gines”. Unde merito pulchriora sunt ubera sponse vino quia ipsorum pulchritudo sive plenitudo non materialiter, sed intelligibiliter, exhauritur, ex qua velut ex quibusdam unguentis optimis inenarrabilis emanat fragrantia ipsi menti omnem superans suavitatis odorem, id est cuiuscumque materialis contemplationis ad odoriferam sursumactionis exaltationem. “Unguenti enim perfectiva unctio beneolentem facit perfectum”, ut ait Dionysius, Eccl. hier. II. Numquam autem tantum elevamur per quantamcumque pulchre materialis contemplationis olentem sursumactionem quantum attrahimur per virtutem fragrantie divinarum distributionum que intellectibus deiformibus reddunt divinissimas fragrantias, in quibus et mentes suaviter delectate altioribus contendunt contemplationibus, quasi divinitus suscitate ad currendum in odore horum intelligibilium unguentorum. Huius autem sancti odoris distributio, tanto utique est copiosior quanto intellectus fuerit deiformior. Hinc est quod per beatum Dionysium dicitur in Eccl. hier. IV: “Est autem, inquit, ut reor, manifestum quod substantiis que sunt super nos, sicut divinioribus, fontani boni odoris redditio, propinquior et seipsam magis manifestat et distribuit,
430-434 Immaculati – imagines] Ps.-Dion., De eccl. hier., IV, 12643-12651 440-441 Unguenti – perfectum] Ps.-Dion., De eccl. hier., II, 11591-2 451455 Est – intrans] Ps.-Dion., De eccl. hier., IV, 12874-12883 434 virtutem] virtutes in animabus N tionem] exalationem P explanationem M tantum PM fuerit] est O
439 ad] om. PM unctio] unitio N
440 exalta449 tanto]
430
(152d)
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440
445
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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dispensée à son affectus? Qu’entend-on par vin dans le verre, sinon la dévotion douce et fervente fondée sur quelque spectacle matériel? Leur différence est aussi grande qu’entre la lumière et les ténèbres, le miel et l’absinthe. Quoi de plus beau, en effet, que le rayon divin pénétrant l’intelligence? Quoi de plus agréable, en effet, que la douceur divine inondant totalement l’affection? Comme, en effet, le dit saint Denys dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. IV: «Les beautés de Dieu sont cachées, et elles répandent une bonne odeur sur l’esprit; elles sont intellectuellement manifestées aux seuls saints; elles désirent avoir leurs images conformes et pures selon leur vertu.» Les seins de l’épouse sont donc, avec raison, plus beaux que le vin, car leur beauté ou leur plénitude est entièrement bue, non matériellement mais intelligiblement. D’elle, comme de certains des meilleurs onguents, émane pour l’esprit lui-même une indicible bonne odeur, qui l’emporte sur tout parfum de douceur, c’est-à-dire de toute contemplation matérielle en comparaison de l’exaltation parfumée de l’action qui élève: «L’onction de l’onguent, qui rend parfait, rend odoriférant celui qui est parfait», comme le dit Denys dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. II. Mais nous ne sommes cependant jamais élevés par la bonne odeur de la belle contemplation matérielle, aussi grande qu’on voudra, autant que nous sommes attirés par la vertu de la bonne odeur des distributions divines, qui donnent en retour aux intellects déiformes de très divines bonnes odeurs; en elles, même les esprits qui s’y délectent agréablement s’efforcent à de plus hautes contemplations, comme divinement stimulés à courir après l’odeur de ces parfums intelligibles. La distribution de cette sainte odeur est certes d’autant plus abondante que l’intellectus est plus déiforme. D’où ce que dit le bienheureux Denys dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. IV: «À l’évidence, je le pense, la dispensation de la bonne odeur, qui est source, de quelque manière plus proche, des substances situées au-dessus de nous en tant que plus divines, se manifeste et se donne à eux
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
ad deiformosissimum ipsorum et bene habens secundum mentem susceptive virtutis copiose supermanans et multipliciter intrans”. 455 Quia vero huiusmodi odoris suavitas et suavitatis odor ab intimis anime distributionibus est emanans, ideo subiungitur:
4, 11
Favus distillans labia tua sponsa, mel et lac sub lingua tua et odor vestimentorum tuorum sicut odor | thuris. Quod est dicere: virtutes tue divinorum proventuum expressive suavitatis dulcedinem effluunt incessanter gustativa virtute eadem suavitate et suavi dulcedine perfruente et mentalium virtutum fragrantia sursumthurifice se tollente. Bene quidem odor vestimentorum sponse, hoc est ipsarum virtutum mentalium, odorifica virtus summa petens; cum in conspectu Dei fragraverit, subito mellea quedam et lactea, hoc est purgativa et nutritiva, distributio lingue sponse sive virtuti gustative ipsius infunditur. Quia diutius depasta et suaviter affecta quasi divino quodam nutrimento, ipsam sub custodia gustative, velut sub lingua reponit ut, dum intellectualiter et suaviter fuerit eliquata, per virtutes expressivas quasi per labia se diffundens, sicut divinus favus, incipiat melliflue distillare, ac sponsum suum suavi dulcedine irrigare. Nam, ut sancte vere Theologie problematis utamur, non est mirandum si de intellectualiter comedente exit cibus intelligibilis distributionis, aut de fortiter theorisante egreditur dulcedo thearchice unitionis. Nam, ut ait Dionysius, Angel. hier. XV: “Congaudere dicuntur beate mentes de perditorum inventione, secundum deiformem epulationem, et in providentia et salvatione ad Deum conversorum boniformem
477-482 Congaudere – superadventus] Ps.-Dion., De cael. hier., XV, 10361-10372 454 456 464 469
deiformosissimum] deiformissimum N habens] habilia O habile PM odoris] om. PM 460 tue] om. PM 463 virtutum] virtute PM ipsarum] ipsius sanctarum N 465 odorifica] odorifera PM cum] om. N ipsam] ipsa OacPM 472 sponsum suum] sponse sinum N
(153a)
460
465
470
475
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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davantage, se répandant abondamment et les pénétrant de multiples façons en ce qu’elles ont de plus déiforme et de bien disposé selon la capacité réceptive de l’esprit.» Mais, parce que la douceur de cette odeur et l’odeur de cette douceur proviennent des distributions plus secrètes de l’âme, il est ajouté: Rayon de miel qui tombe goutte à goutte sur tes lèvres, épouse; le miel et le lait sont sous ta langue; l’odeur de tes vêtements est comme celle de l’encens. C’est dire: Tes vertus, qui expriment la douceur de la suavité des fruits divins, s’écoulent incessamment par la vertu qui goûte la même suavité, par la même douceur suave et par la bonne odeur qui s’élève, à la façon de l’encens, des vertus de l’esprit. Heureusement certes, lorsque l’odeur des vêtements de l’épouse, c’est-à-dire la vertu odoriférante des puissances de l’esprit qui gagne les hauteurs, se sera exhalée en présence de Dieu, soudain une certaine distribution de miel et de lait, c’est-à-dire purificatrice et nutritive, est répandue sur la lèvre de l’épouse ou sur sa puissance gustative. Parce que, plus longtemps nourrie et pourvue agréablement comme d’un certain aliment divin, elle le met sous la garde de la puissance gustative, comme sous la langue, afin que, lorsqu’elle aura été intellectuellement et agréablement distillée, se répandant par les puissances expressives comme par des lèvres, à la façon d’un divin rayon de miel, elle commence à se répandre goutte à goutte, comme du miel, et à baigner son époux de suave amour. En effet, pour utiliser une proposition de sainte et vraie Théologie, il n’est pas étonnant que, de celui qui mange intellectuellement, sorte la nourriture intelligible de la distribution, ou, de qui théorise fortement, sorte la douceur de l’union théarchique. Comme le dit, en effet, Denys dans la Hiérarchie angélique, ch. XV: «Les esprits bienheureux sont dits se réjouir ensemble de la découverte de ceux qui sont perdus, selon le repas déiforme et selon la joie de bonne forme et abondante en la Providence et le
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
et copiosam exultationem et bonum affectum illum ineffabilem 480 in cuius participatione multotiens facti sunt viri sancti secundum deificos divinarum illuminationum superadventus”. Ex iis animadvertere potes nihil aliud esse intellectualem comestionem, nisi divinorum proventuum suavissimam delectationem, que nimirum eo dulcius a nobis in alios egreditur, quo fortius per 485 mentis theorias acquiritur et quo avidius comeditur tanto suavius propinatur | et copiosius distillatur. Igitur stillantes montes dul- (153b) cedinem et colles fluentes lac et mel sunt sub lingua sponse deiformis ut, dum per ipsius labia divina hec distributio distillare inceperit inferiorum sinus, aliqualiter dulcoretur. Quoniam 490 autem non solum mellee et lactee distributionis particeps est sponsa, sed omnibus sanctis delectationibus est abundans, ideo sequitur:
4, 12
Hortus conclusus soror mea sponsa, hortus conclusus, fons signatus. Quod est dicere: tua deiformis anima velut quidam locus 495 est amenissimus, divine deambulationi preparatus, intellectualibus imbribus irrigatus, divinis fructibus perornatus, corporali materia et sepi sensuum circumseptus, continens purissimum et profundissimum divinorum intellectum anulo reverentis silen500 tii sigillatum. Revera enim anima, per frequentes et ferventes recursus in seipsam et in Deum, necnon per divini radii sanctam illuminationem deificata, quasi quoddam delectabile deambulatorium vel spatiatorium est sponsi superdulcissimi Iesu Christi. “Inhabitabo enim, inquit, et deambulabo in eis”. Sed quando 505
505 Inhabitabo – eis] II Cor. 6, 16 487 stillantes] stillent N 488 fluentes] fluant N anima] amenitas O superabundant add. et eras. O 499 anulo] a nullo N 501 et ferventes] om. N
sunt] om. N 495 497 imbribus] om. M
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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salut de ceux qui reviennent à Dieu, et selon cet ineffable et bon sentiment que les hommes saints partagent souvent selon les venues déifiques d’en haut des illuminations divines.» À partir de ces paroles, tu peux estimer que la manducation intellectuelle n’est pas autre chose que la très douce délectation de fruits divins, qui, certes, sort de nous pour aller vers les autres avec d’autant plus de douceur qu’elle est acquise avec plus de courage grâce aux théories de l’esprit, et qu’elle est d’autant plus avidement mangée qu’elle est doucement présentée et plus abondamment distillée. Les montagnes qui dégouttent de douceur, et les collines qui ruissellent de lait et de miel se trouvent donc sous la langue de l’épouse déiforme, afin que, tandis que cette distribution aura commencé par ses lèvres divines, le sein des inférieurs soit, de quelque manière, pénétré de douceur. Parce que l’épouse ne partage pas seulement la distribution de miel et de lait, mais abonde de toutes saintes délectations, il est ajouté: Ma sœur épouse est un jardin fermé, un jardin fermé, une fontaine scellée. C’est dire: Ton âme déiforme est comme un lieu très agréable, préparé pour la promenade divine, irrigué de pluies intellectuelles, très orné de fruits divins, entouré de la matière corporelle et de la haie des sens, contenant la très pure et très profonde intellection des choses divines, scellée de l’anneau d’un respectueux silence. Réellement, en effet, par de fréquents et fervents retours sur elle-même et sur Dieu, mais aussi déifiée par la sainte illumination du rayon divin, l’âme est, pour ainsi dire, un certain déambulatoire ou promenoir agréable du plus que très doux époux, Jésus-Christ. «J’habiterai, en effet, en eux, dit-il, et j’y marcherai». Mais quand
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
deambulabis? Utique ad auram, post meridiem. Sic enim tradit Theologia Geneseos: Cumque, ait, audissem vocem Domini Dei deambulantis in Paradiso post meridiem, ad auram. Quod est dicere: dum perfecti amoris suavitas in anima deiformi inceperit exsufflare, tunc intellectualiter subtilissimus et suavissimus rumor iocunditatis divine presentie in anima poterit presentiri, huius autem tam voluptuosissimi horti irrigationes divinorum splendorum sunt irradiationes, fructuum | vero productiones sanctarum cognitionum et operationum pullulationes. Hoc vero reputo significare quod ait his: hortus conclusus, hortus conclusus, quia videlicet deiformis anima aliquando quidem intrat in seipsam, quasi in hortum amenissimum, et tunc concluditur maceria corporee gravitatis, vel exteriorum sensuum actualitate; aliquando autem ascendit super seipsam, et quasi in hortum deliciosum, et tunc concluditur sepi intellectualis luminositatis, vel totius virtuositatis. Mirabiliter enim anima, dum in tali statu est, ab angelis custoditur, ita quod ad eam nullus pateat accessus tenebrose lucis angelo. Hinc est quod eiectis Adam et Eva de Paradiso voluptatis, hoc est excluso spiritu rationali et sensualitate a deliciis divinarum theoriarum, collocatur Cherubim et flammeus gladius ad custodiendam viam ligni vite, per quod, ut arbitror, significatur angelica custodia et ardenter coruscantis divine lucis umbra ignea, que omnis virtutis tyrannice sit propulsiva ne ulla falsa et simulata visio deiformi intelligentie in deliciis divine unitionis voluptuanti adiciatur, sed potius delicato ligno vite, id est dulcissimo Iesu Christo, dulcissima dilecti perfruitione, aut certe privata deosculatione et deamplexatione, utatur, semota omni egyptiaca visione, sicut per mutuam visionem Ioseph et fratrum suorum nobis mystica demonstratione datum intelligi. 506-508 Cumque – auram] Gen. 3, 8 506-508 Sic – auram] om. N 511 iocunditatis] iocundantis N in anima] animam N presentiri] presentari PM 518 actualitate] inactualitatis N actualitas P 521 totius] angelice N virtuositatis] vigor add. PM 528 ignea] ignem N sit propulsiva] propulsivum N 530 delicato] delicate N dilatato PM 533 visionem] cognitionem NM
510
(153c)
515
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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marcheras-tu? Certes à la brise, après midi. La Théologie de la Genèse s’exprime ainsi, en effet: «Quand, dit-elle, j’entendais la voix du Seigneur Dieu se promenant dans le paradis, après midi, à la brise.» C’est dire: Quand la douceur de l’amour parfait aura commencé de souffler en l’âme déiforme, le murmure intellectuellement très subtil et très doux de la présence en l’âme de la joie divine pourra alors être pressenti; mais les irrigations de ce très délicieux jardin sont les irradiations des splendeurs divines et les productions de fruits sont les rejetons des saintes pensées et des saintes opérations. Qu’il dise deux fois «jardin fermé, jardin fermé» signifie, je pense, que l’âme déiforme entre parfois en elle-même comme en un jardin très agréable; la barrière du corps qui pèse ou l’usage des sens externes l’enferment alors; mais elle s’élève parfois au-dessus d’elle-même comme en un jardin délicieux; la haie de la luminosité intellectuelle ou de toute la virtuosité l’entoure alors. En effet, tant que l’âme demeure en cet état, elle est admirablement gardée par les anges, si bien qu’aucun accès n’est ouvert à l’ange de ténébreuse lumière. De là vient qu’Adam et Ève, ayant été chassés du paradis de la joie, c’est-à-dire l’esprit rationnel et la sensualité ayant été exclus des délices des divines théories, un chérubin et un glaive de feu sont établis pour garder le chemin de l’arbre de vie. Cela signifie, me semble-t-il, la garde de l’ange et l’ombre ignée de la lumière divine qui brille ardemment, qui chasse toute puissance tyrannique pour qu’aucune vision fausse et feinte ne soit adjointe à l’intelligence déiforme qui se réjouit dans les délices de l’union divine, mais pour qu’elle jouisse plutôt de l’élégant arbre de vie, c’est-à-dire du très doux Jésus-Christ, grâce à la jouissance très douce, ou du moins du baiser et de l’embrassement privés du bien-aimé, toute vision de mauvais augure étant écartée, comme nous le donne à comprendre par démonstration mystique la rencontre de Joseph et de ses frères. Commence alors à déborder en l’âme même le petit ruisseau de la fontaine qui rend
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Tunc autem in ipsa anima rivulus pulchrifici fontis incipit sca- 535 turire, hoc est profundissima intelligentia, id est cognitio divinorum de thesauris occultissimis emanare, cuius beatissima participatio non omnibus est exhibenda, sed sacro silentii signaculo consignanda, ut solis corde avidis et intellectu puris et piis eius | haustus dulcissimus tribuatur. Unde beatus Dionysius, De div. (153d) nom. I, sanctum instruens Timotheum dicebat: “Igitur hoc quidem tibi custodire utile est, pulcher Timothee, secundum sanctissimam memorationem, neque dicibilia, neque exportabilia divina facere ad indoctos manifesta”. Rursus autem, cum ei supersplendentis verticis occulta et abdita superlucentis caliginis 545 revelaret, aiebat, Myst. theol. I: “Vide ut nullus indoctorum ista audiat; istos autem dico qui in existentibus sunt firmati, nihil superexistentia supersubstantialiter esse opinantes, sed putantes scire ea que secundum seipsos est cognitione eum qui ponit tenebras latibulum suum”. Quia vero sponsa, non solum divinis suis 550 fructibus in paradiso sue mentis excrescentibus sibi ipsi utitur, sed et aliis mundicordibus interdum de eis elargitur, ideo subinfertur:
4, 13a
Emissiones tue paradisus malorum punicorum cum pomorum fructibus. Ac si dicat: pre fulgore et pre dulcore tue intelligentie, que 555 est ex intima tue contemplationis voluptate, prodeunt quedam que sunt grata et voluptuosa recreatio animorum piorum cum divinorum intellectibus. Nam deiformis anima, divinis debriata gustibus et saginata beate lucis pastibus, dum aliquid ex hiis contingit pro sur- 560 sumactione inferioribus propinare, quasi quedam divinissima est delectatio et dulcoratio sanctorum animas recreans fatigatas, 541-544 Igitur – manifesta] Ps.-Dion., De div. nom., I, 554-562 – suum] Ps.-Dion., Myst. theol. I, 5691-5701
546-550 Vide
536 profundissima] et perlucidissima add. N 540 haustus] purissimus add. N 544 manifesta] om. N 550 divinis] divina N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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beau, c’est-à-dire l’intelligence très profonde, c’est-à-dire la connaissance des choses divines commence à couler des trésors très cachés. Leur participation très bienheureuse ne doit pas être donnée à tous, mais elle doit être scellée du sceau sacré du silence, afin qu’en boire très agréablement soit permis à ceux-là seuls dont le cœur et l’intelligence sont avides, purs et pieux. Instruisant saint Timothée, le bienheureux Denys dit donc dans les Noms divins, ch. II: «Il t’est utile de garder cela pour toi, ô noble Timothée, selon le très saint récit, de ne pas manifester aux ignorants les choses divines, indicibles et intransmissibles.» Derechef, quand il lui révélait les choses que cache et dissimule le sommet plus que resplendissant de la ténèbre plus que brillante, il disait, dans la Théologie mystique, ch. I: «Vois qu’aucun ignorant n’entende ces choses; je parle de ceux qui sont établis dans les existants, pensant qu’au-dessus d’eux rien n’existe de façon supersubstantielle, pensant également connaître selon un mode de connaissance qui leur est propre celui qui se cache dans les ténèbres.» Mais, parce que l’épouse, non seulement utilise pour elle-même ses fruits divins qui croissent dans le paradis de son esprit, mais parfois les distribue largement aux autres dont le cœur est pur, il est ajouté: Tes pousses sont un jardin de grenades avec les fruits des pommiers. Comme s’il disait: Outre l’éclat et la douceur de ton intelligence qui résulte de la joie profonde de ta contemplation, certaines choses émanent qui sont le gratuit et délicieux rétablissement des pieux esprits avec les perceptions des choses divines. Alors qu’il arrive, en effet, qu’elle en offre quelque chose aux inférieurs pour les élever, l’âme déiforme, enivrée des saveurs divines et engraissée des nourritures de la lumière bienheureuse, est comme une certaine délectation et un certain adoucissement très divins rétablissant les âmes fatiguées des saints, ou comme une certaine
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
aut velut torrens quedam voluptas mellis habens dulcedinem, unctionem olei, lactis suavitatem, butyri fluentis pinguedinem, et omnium paradisi fructuum | vaporans odorem et saporem ad (154a) anagogicorum animorum intelligentias deliciandas et superfervide suscitandas. Nec enim tantum delectabiliter recreantur, sed et luculenter divinorum profundioribus intellectibus irradiantur. Unde bene addidit: cum pomorum fructibus, quia videlicet delectationi iocundissime et suavissime animorum additur intel- 570 lectus prefulgentissimus divinorum. Hinc est quod cum sanctus David precordialis in illa bona sua emissione dixit: “Inebriabuntur ab ubertate domus tue et torrente voluptatis tue potabis eos, quoniam apud te est fons vite”, et continue subiungit: “et in lumine tuo videbimus lumen”. Quid autem per divine domus intel- 575 ligimus ubertatem, torrentem et voluptatem et vite fontem, nisi divine sue dulcedinis distributionem, iocunditatem deliciantem et intellectualiter epotantem? Quid vero per visionem luminis in lumine, nisi intelligibilis luminis donationem divine claritatis pulchritudinem revelantem? Quoniam autem beate sponse emis- 580 siones, non tantum sunt ad deliciandum et illuminandum, sed etiam ad perfectionem omnimodam acquirendum, ideo subiungitur: 4, 13b-14
Cypri cum nardo, nardus et crocus, fistula et cinnamomum cum universis lignis Libani, myrrha et aloe cum omnibus primis unguentis. 585 Quasi dicat: tue suaves intelligentie ex mentis intimo coruscantes fructificant suavitatem divine unitionis | cum amore, (154b) amoris cum sapientia, orationis cum humili intelligentia et omnibus contemplativis actionibus, mentalis et corporalis mortificationis et universis sanctis affectionibus. 590 573-575 Inebriabuntur – lumen] Ps. 35, 9 564 unctionem] unitionem P olei] Dei N fluens] fluentis OpcM 568 et] etiam O profundioribus] profundius PM 571 cum] om. Opc 572 dixit] dixisset N 574 et] non leg. N 577 divine] divinam N 590 et] cum N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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joie impétueuse ayant la douceur du miel, le velouté de l’huile, le mœlleux du lait, la graisse du beurre qui fond et exprimant l’odeur et la saveur de tous les fruits du jardin pour charmer les intelligences des esprits anagogiques et les stimuler très ardemment. En effet, elles ne sont pas seulement agréablement rétablies; elles sont aussi abondamment éclairées par de plus profondes perceptions des choses divines. De là vient que, lorsque saint David aux sentiments profonds a dit heureusement: «Ils seront enivrés de la graisse de ta maison et tu les abreuveras au torrent de tes délices, parce qu’auprès de toi est la source de la vie», il a ajouté aussitôt: «Et dans ta lumière nous verrons ta lumière.» Mais que comprenons-nous par graisse de la maison divine, torrent, délices et source de vie, si ce n’est la distribution de sa douceur divine, la joie qui remplit de délices et intellectuellement absorbante? Que comprenons-nous par vision de la lumière dans la lumière, sinon la donation de la lumière intelligible, donation révélant la beauté de la clarté divine? Mais, parce que les pousses de l’épouse bienheureuse n’ont pas pour seul but de la réjouir et de l’illuminer, mais aussi de lui permettre d’acquérir toute sorte de perfection, il est ajouté:
Du cypre avec le nard; le nard et le safran, la cannelle et le cinnamome avec tous les arbres du Liban; la myrrhe et l’aloès avec tous les meilleurs parfums. Comme s’il disait: Tes agréables perceptions qui brillent à partir du plus profond de l’esprit produisent la douceur de l’union divine avec l’amour, de l’amour avec la sagesse, de la prière avec l’humble intelligence, de la mortification de l’esprit et du corps et toutes les saintes affections.
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Recte quidem, in coniunctione cypri cum nardo, divine unitionis et amoris convenientia exprimitur. Nam, sicut absque activa et passiva virtute impossibile est aliquid materialiter generari, ita sine amore agente et unitione patiente non potest anima deificari. Cur vero per cyprum unitio, per nardum amor designetur? Non est ab re. Cyprus quidem arbor aromatica, semen habens candidum et odoriferum, quod, coctum in oleo, exprimitur, et inde regalis unguentura efficitur et conficitur que cyprus appellatur. Quid ergo per hoc, nisi preciosa nostre sponse intelligentia motum emittens purissimum et fragrantissimum designatur qui, dum in pinguedine divine dulcedinis perficitur, statim amoris extatici confectio fit que unitio nuncupatur? Rursus, quid per nardum, herbam candentem et redolentem, nisi divini amoris virtutem intelligimus motus igniferos scintillantem et suavitatis fragrantiam exhalantem? Convenienter autem hoc croco, qui aurei coloris est, coniungitur, quia, nisi mediante ardenti amore, divinorum sapientia non habetur, que quibusdam aureis irradiationibus animam se possidentem non desinit illustrare. Ipsa enim est ad cuius dulcissimum gustum amabilis illius Ionathe oculi donatione luminis sunt colorati et cecutientis Tobie inspectui claritatis radio perlustrati, necnon squalentes Pauli visive virtutes splendore sapientie radiate, ita ut clamet et dicat: “Deus qui dixit de tenebris lumen splendescere illuxit in | cordibus nostris ad illuminationem scientie claritatis Dei in faciem Iesu Christi”. Propter quod iterum aiebat: “Nos autem revelata facie gloriam Dei contemplantes, in eamdem imaginem transformamur, de claritate in claritatem, tamquam a Domini Spiritu.” Bene 608-610 Ipsa – colorati] cf. I Reg. 14, 27 610-611 cecutientis – perlustrati] Tob. 11, 14 611-612 squalentes – radiate] Act. 9, 18 612-615 Deus – Christi] II Cor. 4, 6 615-617 Nos – Spiritu] II Cor. 3, 18 594 unitione] unione OpcPM 596 arbor] dicitur add. NM 598 unguentura] unctiva PM regale unguentum N efficitur et] om. N que] quod N 605 hoc] huic Oac croco] crocus Oac 608 illustrare] perlustrare N 610 donatione luminis] om. N 612 radiate] radiante PM 613 lumen] clarescere et add. O
595
600
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Avec raison, en effet, dans l’union du cypre et du nard est signifié l’accord parfait de l’union divine et de l’amour. De fait, de même que, sans les vertus actives et passives, il est impossible que quelque chose soit matériellement engendré, de même, sans l’amour qui agit et l’union qui pâtit, l’âme ne peut être déifiée. Pourquoi donc l’union est-elle désignée par le cypre et pourquoi l’amour l’est-il par le nard? La comparaison n’est pas hors de propos. Le cypre, à la vérité, est un arbre aromatique; sa graine est blanche et odoriférante; cuite dans l’huile, elle est fortement pressée, et, à partir de là, est produit un royal parfum sur le point de s’exhaler, que l’on appelle cypre. Qu’est donc signifié par cela, sinon la précieuse intelligence de notre épouse, qui produit un mouvement très pur et très odoriférant, qui, alors qu’il est réalisé dans l’huile de la douceur divine, devient aussitôt ce qui réalise l’amour extatique nommé union? D’autre part, qu’entend-t-on par «nard», herbe d’un blanc éclatant et odorante, sinon la vertu de l’amour divin, qui fait briller les mouvements ignifères, et qui exhale la bonne odeur de la suavité? Il convient qu’au nard soit rattaché le safran couleur d’or, parce que, sans la médiation de l’amour ardent, on ne possède pas la sagesse des choses divines, sagesse qui ne cesse d’éclairer par certains rayons d’or l’âme qui la possède. C’est en vertu de son goût très doux que les yeux de l’aimable Jonathan sont éclairés du don de la lumière; que les yeux de Tobie, qui voyait trouble, sont, pour qu’il voie, purifiés par le rayon de la clarté; que les yeux couverts d’écailles de Paul sont frappés par la splendeur de la sagesse, de sorte qu’il crie et dise: «Dieu qui a dit ‘Que la lumière resplendisse au sein des ténèbres’ a fait luire la lumière dans nos cœurs pour qu’y brille la connaissance de la clarté de Dieu qui resplendit sur la face de Jésus-Christ.» À cause de cela, il disait encore: «Contemplant, le visage découvert, la gloire de Dieu, nous sommes transformés en la même image, de clarté en clarté, comme par l’esprit du Seigneur.» Il est heureux qu’au nard de la sagesse divine
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
autem, post crocum divine sapientie, supponitur fistula, molestiarum internorum viscerum curativa, et cinnamomum, arbor brevis et odorifera, cum universis lignis Libani, quia dubium non est ab illuminante divina sapientia efficacissime virtutem orationis emanare, que omnium mentalium afflictionum sit penitus propulsiva et humilis et redolentis divinorum intelligentie effectiva naturalium et mentalium virtutum generativa. Hinc est quod ipsa per quemdam a se inspiratum ait: “Ego mater pulchre dilectionis et timoris et agnitionis”, etc. Pulchre vero post universa ligna Libani myrrha et aloe cum omnibus primis unguentis postponuntur, quoniam per fortes et purissimas deiformes actiones intelligentie, non solum mens ab inutili cogitatu et corpus ab indecenti actu crucifigitur, verum etiam omnis sancta et pia affectio generatur, que utilis est valde ad arescentis animi ex mentali labore unctionem, ut tanto amplius per ipsius suavitatem in Deum dilatetur, quanta plus per exercitii fatigationem fuerat contractus. Hinc est quod per divinum Dionysium traditur in Eccl. hier. IV: “Dicimus, inquit, quod unguenti compositio congregatio quedam est bene spirantium materiarum in seipsa large habens qualitates bene olentes quam participantes bonis odoribus efficiuntur secundum proportionem quantitatis ingenite ipsius bene olentis participationis”. Vide ergo quod bene spirantes materias et bene olentes qualitates continentes | sanctas dicit affectiones ex seipsis suavissimas fragrantias emittentes, ex quibus in divinis fatigatus theoriis animus oblectatur secundum ipsius preciosissimi unguenti quantitatem. Nam tanta est solum animi delectatio quanta fuerit ipsius suaviter olens affectio. Sequens igi-
625-626 Ego – agnitionis] Eccli 24, 24 621 illuminante divina sapientia] illuminate divina sapientia N illuminate divine sapientia Pac illuminate divine sapientie Ppc illuminatione divine sapientie M 631-632 ad – labore] arescentis animi ex mentali labore ad OPM arescentis animi] arescenti animo Opc 638 efficiuntur] afficiuntur N proportionem] propositionem N quantitatis] qualitatis PM 639 spirantes] om. PM
620
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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soit ajoutée la cannelle, qui guérit les affections internes des viscères, et le cinnamome, arbre petit et odoriférant, «avec tous les arbres du Liban», car il n’est pas douteux que la vertu de la prière très efficace émane de la sagesse divine qui illumine, prière qui repousse absolument toutes les afflictions de l’esprit, et qui, également, source des vertus naturelles et de l’esprit, produit l’humble et odoriférante intelligence des choses divines. Elle même dit donc par la bouche de quelqu’un qu’elle inspire: «Moi, mère du bel amour, de la crainte et de la connaissance», etc. Heureusement, après tous les arbres du Liban, viennent la myrrhe et l’aloès «avec tous les meilleurs parfums», car, par les actions déiformes très fortes et très pures de l’intelligence, non seulement l’esprit est crucifié par une pensée inutile, et le corps par un acte malséant, mais encore est engendrée toute affection sainte et pieuse, utile pour oindre l’esprit que dessèche très grandement le travail mental, de telle sorte que, par sa douceur, il soit d’autant plus ouvert à Dieu que la fatigue de l’exercice l’avait replié sur soi. Le bienheureux Denys enseigne donc, dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. IV: «Nous disons que la composition du parfum résulte d’une certaine réunion de matières qui exhalent une bonne odeur; en elle-même, elle possède abondamment des qualités aux odeurs délicieuses; ceux qui la participent sont comblés de bonnes odeurs dans la mesure où ils participent à sa bonne odeur naturelle.» Vois donc qu’à bon droit les matières, qui exhalent une bonne odeur et contiennent des qualités qui sentent bon, signifient les affections saintes qui laissent échapper d’elles-mêmes de très suaves odeurs; celles-ci recréent l’esprit fatigué par les théories divines, selon l’abondance de ce très précieux onguent. En effet, la grandeur de la joie de l’esprit correspond seulement à ce qu’aura été son affection de suave odeur. Tenant
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
tur dilectus adhuc emissionem sponse bonam similitudinem 645 addit: 4, 15
Fons hortorum, puteus aquarum viventium que fluunt impetu de Libano. Quod est dicere: tue, o sponsa, emissiones sunt velut suavissima et clarissima quedam irrigatio arentium et virentium animorum et sicut profundissima et supermanans abundantia illuminationum divinarum, que de supersplendidissime deitatis virtute prodeunt luculenter. Sciendum quippe est boniformis anime aliis distillare revelationes nihil aliud esse quam deificam quamdam irrigationem arentium, ut diximus, et virentium animorum, illorum satians et reficiens siccitatem, istorum superabundare faciens divine contemplationis viriditatem per superfluentem mentalis consolationis perfusionem, ita ut fons hortorum eis in aquarum viventium puteum convertatur, hoc est in purissimas incessanter refulgentes illuminationes de superpurissimo et supercandidissimo inaccessibilis lucis pelago “in similitudinem lucis coruscantis”, iuxta Ezechielis prophete bonam visionem. Cui concordat et sanctus Dionysius dicens sic in Myst. theol. I: “Et post omnem, ait, mundationem audit multarum vocum buccinas et videt | lumina multa cum fulgore emittentia mundos et multum effusos radios.” Hinc etiam est quod Daniel dicit: “Fluvius igneus rapidusque egrediebatur a facie eius”. Cuius autem eius nisi solis superclarissimi ignitos radios exsufflantis et altas celestium mentium intelligentias tripliciter consummantis? Ipse quidem est locus voluptatis ille ex quo fluvius egreditur ad irrigandum areolas Paradisi. Non autem putandum per nomen irrigationis sig-
661 in – coruscantis] Ez. 1, 14 663-666 Et – radios] Ps.-Dion., Myst. theol. I, 5744-5751 666-667 Fluvius – eius] Dan. 7, 10 649 virentium] urentium OPac 652 virtute] vertica N 655 virentium] nitentium N urentium OPac 661 lucis] fulgoris N 665 mundos] mundo PM 671-672 significari] significare Opc potius] secundum PM
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(155a)
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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encore compte de ce que l’épouse produit, le bien-aimé ajoute cette heureuse comparaison: Source de jardins, puits d’eaux vives qui s’écoulent impétueusement du Liban. C’est dire: Tes productions, ô épouse, sont comme une certaine irrigation très douce et très lumineuse des esprits desséchés et verts, et comme la très immense et plus que jaillissante abondance des illuminations divines qui sortent à merveille de la puissance de la déité plus que très brillante. Il faut, certes, savoir que, pour l’âme de bonne forme, répandre sur les autres les révélations divines n’est autre qu’une certaine irrigation déifique des esprits desséchés comme on l’a dit, et verts. Cette irrigation assouvit leur sécheresse et la remplit, fait surabonder la verdeur de la contemplation divine par l’arrosage, venu d’en haut, de la consolation de l’esprit, de telle sorte que la source des jardins soit changée pour eux en puits d’eaux vives, c’est-à-dire en de très pures illuminations qui brillent sans arrêt, et qui proviennent de l’océan plus que très pur, plus que très limpide de la lumière inaccessible, «en similitude de brillante lumière», selon l’exacte vision du prophète Ézéchiel. Avec lui s’accorde également saint Denys, qui s’exprima ainsi dans la Théologie mystique, ch. I: «Après avoir été entièrement purifié, il entend les trompettes aux mille sons et il voit de nombreuses lumières qui jettent avec éclat de purs et nombreux rayons.» D’où également ce que dit Daniel: «Un fleuve de feu et rapide coulait, sortant de sa face.» À quoi renvoie «sa», si ce n’est au soleil plus que très brillant qui darde des rayons ignés, et qui porte de trois manières à la perfection les hautes intelligences des esprits célestes? Lui-même est, certes, ce lieu de délices d’où sort le fleuve pour irriguer les parterres du paradis. Il ne faut cependant pas penser que, par le nom d’irrigation, soit désigné quelque
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
nificari quedam tenuis influitio, sed potius uniuscuiusque mentium proportio et mensurata distributio claritatis. Tanta namque est divini luminis infinitas ut quocumque influat totum vas mentis impleat. Mentes autem capaciores copiosius, ut supra diximus, 675 illud hauriunt et omnes illud accipientes eo replentur quemadmodum per diluvium et parva foramina et magni alvei fluviorum. Dominus quidem diluvium inhabitare facit et implet splendoribus sanctas mentes, ut enim per beatum Dionysium traditur in Ang. hier. IX: “Intellectualium visionum dissimilitudo super- 680 plenam paterne bonitatis luminis donationem, aut omnino non participabilem facit et ad ipsarum contraformationem distribui non valentem, participationes facit differentes, parvas aut magnas, obscuras aut claras, unius et simplicis semper eodem modo se habentis et supersimplificati fontani radii”. Ac si diceret: non 685 ipsa simplex et eodem modo semper se habens fontani radii distributio diversificat luminis donationem, sed ipsa intellectualiter videntium substantiarum dissimilis susceptibilitas, secundum quam unum et idem lumen diversis diversimode superlucet. Sponsus itaque, sue sponse deliciis descriptis | volens ut earum (155b) suavissimus odor omnibus patefiat, ait:
4, 16
Surge aquilo et veni auster, perfla hortum meum et fluent aromata illius. Id est: exsurgat fortissimus et purissimus motus intelligentie deiformis, cui occurat beate lucis radius incalescens sanctam perlustrans animam, ut ipsius beatarum deliciarum suavis- 695 sima fragrantia dispergatur.
680-685 Intellectualium – radii] Ps.-Dion., De cael. hier., IX, 9054-9071 673 proportio et] scripsi cum O proportionem NPM 682 contraformationem] circum formationem N superspansi N 685-686 Ac – radii] om. M
678 quidem] siquidem O 685 supersimplificati]
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écoulement peu abondant, mais plutôt la proportion de chaque esprit et la distribution mesurée de la clarté. L’infinité de la lumière divine est, en effet, si grande que, partout où elle coule, elle remplit tout le vase de l’esprit. Mais les esprits plus capables la recueillent plus abondamment, comme on l’a dit plus haut, et tous ceux qui la reçoivent en sont remplis à la façon dont le déluge remplit les trous petits et les grandes cavités des fleuves. Le Seigneur, en effet, fait habiter le déluge et il remplit de splendeurs les âmes saintes, comme l’enseigne Denys dans la Hiérarchie angélique, ch. IX: «La dissemblance des visions intellectuelles fait que la surabondante donation de la lumière de la bonté paternelle ou n’est absolument pas participable et ne peut être distribuée en raison de cette dissemblance, ou elle fait être différentes les participations, petites ou grandes, obscures ou claires, du rayon-source qui est un et simple, qui se comporte toujours de la même manière et de façon plus que simplifiée.» Comme s’il disait: La distribution simple et qui se comporte toujours identiquement du rayon-source ne diversifie pas elle-même la donation de la lumière, mais la capacité elle-même d’accueil différente chez les substances qui voient intellectuellement, selon que la lumière une et identique brille diversement sur les diverses substances. Voulant que l’odeur très agréable des délices décrits de son épouse soit évidente pour tous, l’époux dit donc: Lève-toi, aquilon; viens, auster; souffle sur mon jardin et que ses parfums se répandent. C’est dire: Que s’élève le mouvement très fort et très pur de l’intelligence déiforme, que le rayon de la bienheureuse lumière qui échauffe et éclaire l’âme sainte le rencontre, afin que la très suave bonne odeur des bienheureuses délices soit répandue.
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Sollerter hic attendendum est motum intelligentie elevari minime posse, nisi divinitus advocetur; ut autem ad preceptum ipsius se elevaverit pure fortiter agens, et nebulas divini solatii occultatrices dissipaverit, continuo a torrida superardentis divine caliditatis zona vehementissimus et callidissimus quidam vaporans spiritus afflare incipit, totius anime sanctas affectiones in ampliori sanctitate congregans et dulcissime condensans, ut tanto sit ipsarum aromatice fragrantie suavior emanatio, quanto per divini radii afflatum divinior fuerit earum condensatio. Sicut enim tradit Theologia, “repletio nubium parit effusionem imbrium super terram”, sic utique maior mentalium virtutum deificatio uberiorem generat dulcissime suavitatis emissionem. Hinc est quod Iacob vestibus suis valde bonis indutus inenarrabili fragrantia patris olfactivam excitavit, ita ut diceret: “Ecce odor filii mei, sicut odor agri pleni”. Cui benedixit Dominus. Per hoc autem non incongrue simplex ac purus animus figuratur splendidis virtutibus adornatus, ex quorum odore mirifice divina excitatur bonitas ad se filialiter complectendum, ita ut dicat: “Hic est filius meus dilectus in quo | bene mihi complacui”. Querere vero merito possumus quare aquiloni tantum dicatur: surge, austro autem: veni et perfla. Quia videlicet intelligentie deiformi tantum pertinet motum suum quasi quoddam velum in divinam extendere altitudinem. Thearchice autem bonitatis est ad huiusmodi exagitationem et sursumactionem boniformem radium advocare et ipsius sponse hortum suaviter perflare, quatenus eiusdem aromatum suaveolens fragrantia dispergatur in odorem suavitatis predulcissimo sponso suo beatissimo Iesu Christo.
706-707 repletio – terram] Eccle 11, 3 714-715 Hic – complacui] Matth. 17, 5
710-711 Ecce – pleni] Gen. 27, 27
698 minime] in Deum add. N 699 nebulas] vultum add. N 714 complectendum] et collaudandum add. N 722 aromatum] aromaticum PM
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Il faut ici remarquer avec sagacité que le mouvement de l’intelligence ne peut absolument pas être élevé, s’il ne répond pas à l’appel divin; mais, afin qu’à son ordre l’agent s’élève purement et avec force et qu’il ait dissipé les brouillards qui occultent la consolation divine, à l’instant, de la zone torride de la chaleur divine plus que brûlante, un vent très violent et très subtil qui épure commence à souffler, réunissant et serrant très doucement en une plus grande sainteté les saintes affections de toute l’âme, de telle sorte que l’émanation de leur bonne odeur de parfum est d’autant plus agréable que leur réunion aura été plus divine au souffle du rayon divin. Comme l’enseigne, en effet, la Théologie: «Les nuées remplies de pluie se vident sur la terre.» Ainsi, assurément, la déification plus grande des vertus de l’esprit engendre une plus abondante émission de très douce suavité. De là vient que, revêtu de ses vêtements d’excellente qualité, Jacob excita par son indicible bonne odeur l’odorat du père, au point qu’il dise: «Voici l’odeur de mon fils comme l’odeur d’un champ rempli.» Le Seigneur le bénit. Ainsi qu’il convient, l’esprit simple et pur est imaginé orné de vertus splendides; leur odeur pousse admirablement la bonté divine à l’embrasser filialement au point de dire: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je me suis complu.» Avec raison nous pouvons chercher pourquoi il est dit seulement: «Lève-toi» à l’aquilon, alors qu’il est dit à l’auster: «Viens et souffle». C’est parce qu’il convient à l’intelligence déiforme d’étendre seulement son mouvement comme une voile vers la hauteur divine, mais qu’il appartient à la bonté théarchique d’appeler le rayon de bonne forme à une telle violente poursuite et à une telle élévation et de souffler doucement sur le jardin de l’épouse elle-même, jusqu’à ce que l’agréable odeur de ses parfums soit répandue en odeur suave pour son époux plus que très doux, le très bienheureux Jésus-Christ.
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
CAPITULUM QUINTUM 5, 1a
Veniat dilectus meus in hortum suum, ut comedat fructum pomorum suorum. Sentiens sponsa interiora sua maturam germinasse perfectionem, ob gratiam irrigationis et perflationis dilecti sui, ne inimicum divine largitatis malum ingratitudinis incurrat, advocat eum pie dicens: veniat dilectus meus, etc. Quasi diceret: dignetur invisere intima mea amor meus et delectetur in profectum donorum suorum mihi largiter collatorum. Quamquam enim omni momento anima, caritate vulnerata et spiritu intellectualis zelotypie concitata, ardenter desiderat presentiam sui sponsi, plus tamen est sensibiliter seipsam in divinum amorem perfici et augmentari ex acceptis. Tunc namque inenarrabili quodam gaudio et sancta concupiscentia gestiens, dilecti sui ardenter presentiam familiarem plus solito concupiscit. Hinc est quod per sanctum traditur Isaiam: “Anima, inquit, mea desideravit te in nocte, sed et | spiritus meus in precordiis meis; de mane vigilabo ad te”. Quid autem nobis per hoc innuitur, nisi quod clausis sensibus exterioribus, sancta anima, dum totaliter ad intima sua se collegerit fructusque divinos in se maturescere prospexerit, quasi de gravi somno excitata, mentis oculos ad aspectum veri luminis incipit aperire dilectumque radium fragranti desiderio prestolari, ut tanto perfectius et ferventius ad maiorem perfectionem inhiet quanto iocundius a dilecto suo fructus suos viderit acceptari? Et comedat, inquit, fructum pomorum suorum, ac si dicat: non tantum exhibeat presentiam
V, 17-19 Anima – te] Is. 26, 9 V, Tit. Theoria quinta N, capitulum Vum P Sequitur capitulum quintum M 12-13 desiderat] desideret N 13 est] cum N 13 seipsam] sentit add. N presertim add. PM 15 quodam] om. PM 17 est] om. O 22 prospexerit] conspexerit O 24 perfectius et] om. N
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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CHAPITRE V Que mon bien-aimé vienne en son jardin pour manger le fruit de ses pommiers. Sentant que l’intimité de son âme a produit une rapide perfection grâce à l’irrigation et au souffle de son bien-aimé, l’épouse disant: «Que vienne mon bien-aimé», etc., fait appel à lui affectueusement pour ne pas encourir le mal de l’ingratitude, ennemi de la libéralité divine. Comme si elle disait: Que mon amour daigne regarder l’intimité de mon âme, et se réjouisse du succès de ses dons qu’il m’a copieusement accordés. Bien que, en effet, à tout moment, l’âme, blessée par la charité et saisie d’un esprit de jalousie intellectuelle, désire avec ardeur la présence de son époux, elle désire, ce qui est mieux, être parfaite et croître de manière sensible en l’amour divin en raison de ce qu’elle a reçu. Tressaillant alors, en effet, d’une certaine joie indicible et brûlant d’un saint désir, elle convoite ardemment, plus que de coutume, la présence familière de son bien-aimé. De là vient ce qu’enseigne saint Isaïe: «Mon âme, dit-il, t’a désiré pendant la nuit, mais également mon esprit au-dedans de moi; dès le matin j’aspirerai vers Dieu.» Que cela nous suggère-t-il, sinon qu’une fois clos les sens extérieurs, l’âme sainte, pourvu qu’elle se soit repliée sur son intériorité, et qu’elle ait remarqué en elle le mûrissement des fruits divins, comme tirée d’un lourd sommeil, commence à ouvrir les yeux de l’esprit à la vue de la vraie lumière et à attendre d’un désir odorant le rayon bien-aimé, de façon à aspirer d’autant plus parfaitement et impétueusement à une perfection plus grande qu’elle voit ses fruits plus joyeusement accueillis par son bienaimé? «Et qu’il mange, dit-elle, les fruits de ses pommiers.» Comme si elle disait: Qu’il ne montre pas seulement la présence
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
sue suavissime voluptatis sed et acceptet maturum et perfectum usum in me excrescentium motuum divinorum. Ideo dilecto voci sue carissime obediente et in horti fructibus delectante, advocat 30 eam dicens: 5, 1b
Veni in hortum meum, soror mea sponsa; messui myrrham meam cum aromatibus meis. Ascendens supra teipsam, secure delicias mee contemplationis ingredere, quia amaram tui mortificationem cum omnibus divinis actionibus acceptavi. Vide quoniam hortus sponsi est Cherub intelligentie deiformis, fructus vero sunt non tam anime affectiones quam divine immissiones ad maturitatem easdem affectiones perducentes. Sed, quia ad ingressum huius horti duo impedimenta occurrunt, videlicet corporalis maceratio et iterum de fructibus turbatio, ne adhuc divino conspectui sint accepti et usui apti, | ideo a dilecto suo suaviter confortatur, ut deiformitatis hortum ingredi non retardet eiusque deliciis perfruatur, sciens eum iam myrrham suam cum aromaticis actionibus messuisse, hoc est eius sanctam mortificationem cum universis mentalibus actionibus acceptasse, quod et bene per adiectos possessivi pronominis casus insinuatur. Messui, inquit, myrrham meam, non tuam, cum aromatibus meis, non tuis, ac si dicat: et si mortificaris, mihi mortificaris et si aromatizas, mihi aromatizas. Nam, ut divinus ait Apostolus: “Sive morimur, sive vivimus, Domini sumus”. Hinc etiam est quod ab eius sancto discipulo traditur in Eccl. hier. VII: “Si enim, inquit, in anima et corpore Deo amicam vitam is qui dormivit vivebat, pretiosum erit cum sancta anima et corpus quod concertavit illi in sanctis sudoribus. Unde divina iusti-
51 Sive – sumus] Rom. 14, 8 eccl. hier., VII, 14613-14634
53-64 Si – sanctificationibus] Ps.-Dion., De
29 me] om. PM 34 secure] sentire P 40 impedimenta] sponse add. N 42 turbatio] titubatio N 45 aromaticis actionibus] aromatibus N
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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de sa très douce joie, mais qu’il accepte aussi le fruit mûr et parfait des mouvements divins qui croissent en moi. Obéissant à la voix de sa très chère bien-aimée, et se réjouissant des fruits du jardin, l’époux la console donc en disant: Je suis venu dans mon jardin, ma sœur épouse; j’ai récolté ma myrrhe avec mes aromates. T’élevant au-dessus de toi-même, entre tranquillement dans les délices de ma contemplation, car j’ai accepté l’amère mortification de toi-même avec toutes les divines actions. Vois que le jardin de l’époux est le chérubin de l’intelligence déiforme, mais que les fruits ne sont pas tant les affections de l’âme que les secours divins les amenant à maturité. Mais, parce que deux empêchements se présentent à l’entrée de ce jardin, à savoir la mortification corporelle et, en second lieu, l’altération des fruits, de peur que ceux-ci, maintenant encore, ne soient plus agréables au regard divin et soient inutilisables, elle est alors doucement confortée par son bien-aimé, afin qu’il ne tarde pas d’entrer dans le jardin de la déiformité et qu’il jouisse de ses délices, sachant qu’il a déjà récolté sa myrrhe avec les actions odoriférantes, c’est-à-dire qu’il a agréé sa sainte mortification avec toutes les actions de l’esprit; ce qui est bien insinué par les cas ajoutés au pronom possessif: «J’ai récolté, dit-il, ma myrrhe», non la tienne, «avec mes aromates», non les tiens. Comme s’il disait: Même si tu es mortifiée, tu l’es pour moi-même; si tu dégages du parfum, tu le dégages pour moi. En effet, ainsi que l’Apôtre divin le dit: «Soit que nous mourrions, soit que nous vivions, nous appartenons au Seigneur.» De là vient ce que son saint disciple enseigne dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. VII: «Si, en effet, dit-il, celui qui s’est endormi vivait en son corps et en son âme une vie sainte aimée de Dieu, sera également honoré avec l’âme sainte le corps qui a combattu avec elle en de saints labeurs. En conséquence, la justice divine lui donne
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
tia ipsi donat retributionis fines cum corpore, sicut coambulabili et comparticipi sancte aut contrarie vite. Propter quod et sanctorum divina legislatio thearchicas communiones ambobus donat: anime quidem, in munda contemplatione et scientia eorum que fiunt; corpori vero, secundum divinissimum unguentum, 60 ut in imagine et thearchice communionis sanctissima signa totum hominem sanctificans et totalem ipsi salvationem sancte operans, et perfectissimam ipsius resurrectionem fore denuntians catholicis sanctificationibus”. Perpendere igitur possumus ex his verbis manifeste quoniam non tam corporis sancta exsudatio quam 65 anime ipsius divina conversatio Deo grata et accepta esse credantur, dum neutrum ab eximia remuneratione vult esse vacuum; ut autem sciat sponsa quibus fructibus hortus dilecti amplius debeat (156b) | abundare et in quibus suavius delectetur, ideo subinfertur:
5, 1c
Comedi favum cum melle meo, bibi vinum meum cum lacte meo.
70
Suavis mea delectatio est dulcis affectus cum dulci oratione, suavior autem fervens sursumactio cum deiformi sapore. Quid enim per favum mel continentem et emittentem congruentius accipimus quam dulcorosum affectum dulcedinem orationis evaporantem? Sicut namque affectus spiritus deiformis 75 super mel est dulcis, sic eius orationis suavitas super mel et favum, ita ut delectatio mea ei sit apta, id est suo sancto aspectui sit accepta. Bene autem dicit: comedi favum cum melle meo, quoniam sicut eius solius est acceptare, sic omne quod acceptat sua dulcedine dulcorare, ita ut nihil sit sibi dulce, nisi per suam 80 dulcedinem, nec aliquid diligibile, nisi per suam dilectionem, nec acceptabile, nisi per suam acceptationem. Si ergo acceptaris,
57 comparticipi] participi O 59 munda contemplatione et scientia] mundanam contemplationem et scientiam N 65 quoniam] quomodo N 69 delectetur] delectatur PM 71 oratione] amore M 72 sursumactio] sursum fervens actio PM 77 delectatio mea ei sit] dilecti nostri esui fit N 82 acceptationem] acceptionem OpcPM acceptaris] eius add. N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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le comble de la rétribution en même temps qu’au corps en tant qu’il est son compagnon de marche et qu’il participe aux choses de la vie sainte ou de son contraire; à l’âme certes dans la pure contemplation, la science des choses qui adviennent, mais au corps, selon la très divine onction, comme dans l’image et les signes très saints de la communion théarchique, sanctifiant tout l’homme et opérant saintement pour lui le salut total et annonçant par de totales sanctifications que sa très parfaite résurrection aura lieu.» À partir de ces paroles, nous pouvons donc manifestement comprendre que soient tenus pour agréables à Dieu et acceptées par lui, non pas tant la peine du corps que le commerce divin de l’âme, puisqu’il veut que ni l’un ni l’autre soit sans récompense insigne. Mais, afin que l’épouse sache de quels fruits le jardin du bien-aimé doit abonder davantage et en lesquels il se réjouirait plus agréablement, il est ajouté: J’ai mangé mon rayon avec mon miel; j’ai bu mon vin avec mon lait. Ma douce délectation est la douce affection accompagnée d’une douce prière, mais plus douce est l’élévation fervente accompagnée de saveur déiforme. En effet, par le «rayon» qui contient et laisse couler le miel, que comprenons-nous de plus convenable que l’affection qui adoucit et exhale la douceur de la prière? De même, en effet, que l’affection de l’esprit déiforme l’emporte en douceur sur le miel, ainsi la douceur de sa prière, sur le miel et le rayon, de telle sorte que sa délectation lui convienne, c’est-à-dire soit agréable à son regard saint: «J’ai mangé le rayon avec mon miel», parce que, de même qu’il revient à lui seul d’agréer, à lui seul il revient d’adoucir par sa propre douceur tout ce qu’il agrée, de telle sorte que rien n’est doux pour lui, si ce n’est par sa douceur; rien n’est digne d’être agréé, sinon par son agrément. Si donc tu es agréé, attribue-le à sa puissance;
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
ascribe sue potentie, si diligeris, eius attribue benevolentie, si dulcoraris eius gratias referas superdulcissime sapientie. Nam, sicut favus non a seipso sed ab ape construitur, nec rursus mel a seipso sed a favo emittitur, sed initium dulcoris utriusque ab ipsa ape egreditur, sic omnis nostra dulcedo, sive sit infusa, sive sit effusa, a totius fonte est bonitatis. Verum, quia cibus et potus quadam amicitia coniunguntur, ideo ait sponsus: bibi vinum | meum cum lacte meo. Scimus autem quoniam potus suavius traicitur quam cibus, utpote liquidior, per quod suavior dilecti dilectio innuitur erga ferventem sursumactionem, que per vinum, et deiformem saporem, qui per lac figuratur. Ferventem enim sursumactionem intelligo mentis in Deum robustam elevationem et deiformis saporis ipsius deificationem, aut potius de divinis perceptionem. Que pro tanto a dilecto bibi dicuntur, id est suavius acceptari, quia tunc ea patiens animus magis Deo appropinquat. Magis vero Deo appropinquantia, magis ipsi placentia sunt et accepta, unde et maioribus donis participantia, sicut ait Dionysius in Epist. ad Demophilum: “Etenim, inquit, unusquisque ornatus eorum que sunt circa Deum divinior est magis absistente; et luculentiora simul et magis illuminantia sunt, magis vero lumini propinqua”. Quis autem dubitet esse divinius, luculentius et Deo propinquius per mentis excessum in Deum elevari et eius donis deificari, quod est dilectum vino et melle potari, quam simpliciter suavi quodam affectu vigere affectuosisque orationibus Deum aliquatenus commovere, quod est eum favum cum melle comedere? Quia tamen istarum sanctarum operationum angeli sunt ministri et duces, ideo a dilecto excitantur, ut sibi mutuo debeant congaudere. Ait enim:
100-103 Etenim – propinqua] Ps.-Dion., Ep. VIII ad Demoph., 15322-4 87 egreditur] progreditur N 90-91 traicitur] trahicitur P trahitur M 9192 dilectio] delectatio N 93 enim] autem N in PM 95 deiformis saporis] deiformem saporem N 103 propinqua] propinquantia O 107 commovere] commonere OPM 108 angeli] spiritus angelici N
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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si tu es aimé, attribue-le à sa bienveillance; si tu deviens doux, rends grâce à sa sagesse plus que très douce. De même, en effet, que le rayon n’est pas fait par lui-même, mais par l’abeille, que le miel n’est pas produit non plus par lui-même, mais par le rayon — mais par l’abeille comme d’un principe provient la douceur de l’un et de l’autre —, de même toute notre douceur, infuse ou répandue, vient de la source de toute la bonté. Certes, parce que la nourriture et la boisson sont liées d’une certaine amitié, l’époux dit: «J’ai bu mon vin avec mon lait». Mais nous savons que la boisson est plus agréablement absorbée que la nourriture, parce qu’elle est plus fluide. Cela suggère la dilection plus agréable du bien-aimé envers l’élévation fervente, symbolisée par le vin, et la douceur déiforme, symbolisée par le lait. J’entends, en effet, par élévation fervente l’élévation vigoureuse de l’esprit vers Dieu, ainsi que la déification déiforme elle-même ou plutôt la perception des choses divines. Elles sont dites bues par le bien-aimé, c’est-à-dire acceptées plus agréablement, pour autant que l’esprit qui les éprouve s’approche davantage de Dieu. Mais les choses qui s’approchent de Dieu davantage lui sont plus agréables et sont par lui mieux accueillies; elles participent donc également à de plus grands dons, comme Denys le dit dans l’Épître à Démophile: «En effet, dit-il, chaque ordre de ceux qui se tiennent autour de Dieu est plus divin que celui qui en est loin; plus ils sont brillants, et plus ils illuminent, plus ils sont proches de la lumière.» Mais qui douterait qu’il soit plus divin, plus excellent et plus proche de Dieu d’être élevé vers Dieu par le dépassement de l’esprit et déifié par ses dons — ce qui signifie que le bien-aimé boit le vin et le miel — qu’être plein d’énergie grâce à une affection absolument douce, d’émouvoir Dieu jusqu’à un certain point par de très affectueuses prières — ce qui signifie qu’il mange le rayon avec le miel? Mais, parce que les anges sont les ministres et les guides de ces opérations saintes, ils sont stimulés par le bien-aimé pour cette raison qu’ils doivent se réjouir avec lui. Il dit en effet:
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Comedite amici; bibite et inebriamini, carissimi. Quasi dicat: per profectum vobis commissorum delectamini, actuamini et excessum in Deum patiamini. Hesitandum quippe non est intellectuales substantias rationabilium spirituum ministerio deputatas, | eo copiosius divinis affici distributionibus quo magis per suam manuductionem sursumacti spiritus deificantur. Hoc autem faciunt eos a dissimilitudinibus elongando, distributionibus coaptando et perfectius uniendo. Unde et propter primum eis dicitur: comedite, id est nova quadam delectatione vos reficite, causa secundi: bibite, hoc est acutius et suavius divina percipite, ob gratiam vero tertii: inebriamini, carissimi, id est per eximiam divinorum influentiam mente excedite. Dignum namque est et legis thearchice definitio ut valenti sursumactioni superpositorum respondeat desuper fluens illuminatio ministrorum, ut scilicet quo plus agunt ipsi amplius agantur. Illud autem pretereundum non est quare ad intellectualem commestionem invitans ante dicitur invitatis: amici, ad supermentalem vero debriationem cum advocat: carissimi, nuncupantur. Quia videlicet thearchica bonitas quos abundantius et excellentius suis beatis elargitionibus perfundit, strictius amplectitur et cariori amicitia eis copulatur, quod per Theologiam divinissimi Iesu didicimus; ait enim: “Quicumque fecerit voluntatem Patris mei qui in celis est”, etc. Sed quid sibi vult huiusmodi nominum distinctio, nisi quod graduum divine amicitie est expressiva? Ac si diceret: quicumque divinam voluntatem executus fuerit, hic mihi carus erit sicut frater fratri, qui autem plenius, sicut soror carior que affectuosius diligitur, qui vero plenissime carissimus, sicut mater cuius dilectio omnibus 132-133 Quicumque – est] Matth. 12, 50 112 per profectum] de profectu N 115 ministerio] misterio N 117 eos] eo P ea M 118 distributionibus] om. PM perfectius] perfectis N 125 scilicet] si N om. PM 127-128 invitans – amici] invitatis aut excitatis dicitur amici N 128 debriationem] inebriationem Oac 130-131 strictius] discretius M
(156d)
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Mangez, amis; buvez, très chers, et soyez enivrés. Comme s’il disait: À cause du progrès de ceux qui vous sont confiés, soyez réjouis, soyez agis et souffrez d’être ravis en Dieu. Il ne faut pas hésiter: les substances intellectuelles députées au service des esprits raisonnables sont d’autant plus abondamment pourvues de distributions divines que les esprits élevés, comme si elles les conduisaient par la main, sont davantage déifiés. Elles le font en en éloignant les dissemblances, en les adaptant et en les unissant plus parfaitement aux distributions. À cause de la première chose, il leur est donc dit: «Mangez», c’est-à-dire nourrissez-vous d’une certaine nouvelle délectation; à cause de la seconde: «Buvez», c’est-à-dire percevez les choses divines avec plus de pénétration et d’agrément; à cause de la troisième: «Soyez enivrés, très chers», c’est-à-dire, grâce à la remarquable entrée des choses divines en l’âme, soyez dans le ravissement. Il convient, en effet, — et c’est la définition de la loi théarchique — qu’à la forte surélévation de ceux qui dominent réponde l’illumination qui se répand d’en haut des ministres, en ce sens que plus ils agissent, plus ils sont agis. Mais il ne faut pas négliger la raison pour laquelle celui qui invite à la manducation intellectuelle dit auparavant aux invités: «Amis» et dit «très chers» aux invités dont l’ivresse dépasse l’esprit. C’est que la bonté théarchique embrasse plus étroitement ceux qu’avec plus d’abondance et d’excellence elle pénètre de ses bienheureuses largesses et leur est unie d’une plus précieuse amitié. Cela nous l’avons appris par la Théologie du divin Jésus. Il dit en effet: «Quiconque aura fait la volonté de mon père qui est dans les cieux…» Mais que signifie pour lui la distinction de tels noms, sinon qu’elle exprime les degrés de l’amitié divine? Comme s’il disait: «Quiconque aura exécuté la volonté divine me sera cher comme un frère l’est à un frère; qui l’aura exécutée plus pleinement me sera comme une sœur plus chère qu’il aime plus affectueusement; mais qui l’aura entièrement exécutée me sera très cher comme la mère dont la dilection doit être préférée à toutes les choses maté-
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
materialibus est preponenda. Eodem modo anagogice negotiantes dicimus quoniam qui magnis quidem donis participat amicus 140 et carus Dei est, qui vero maioribus, carior, qui maximis quasi divinitus debriatus, carissimus nominatur. Sponsa igitur, ad verba (157a) dilecti suspensa, demum in se reversa | eo loqui cessante, ait:
5, 2a
Ego dormio et cor meum vigilat. Ac si diceret: ab exterioribus operationibus vaco, interioribus vero tota virtute intendo. Proprium siquidem est intime Deum diligentis anime desertis suis exterioribus intima penetrare vigilanterque theoricis actionibus insistere, donec perfectum divine contemplationis consequatur habitum. Nam, sicut per exteriores operationes virtutum exercitium, sic per interiores sanctos earum habitus promeremur. Non autem per habitus intelligo habilitates que unicuique anime indite sunt a natura, sed habitus, hoc est sanctarum virtutum firmas habitudines, que non nisi animi virtute et Dei munere possidentur. Nam virtutis habilitas, ut largo sumatur modo, sine virtute esse potest; habitudo vero sine virtutis experientia non habetur, nec rursus sine maxima cordis vigilantia obtinetur. Propter quod et trade tu cor tuum vigilandum diluculo ad dilectum, ut perfecta virtutum habitudine consecuta, iam non molestet, sed potius vigilare delectet, lucerna ipsius desuper resplendente et ad superlucentes tenebras intellectualis ambulationis pandente. Aliter autem possunt hec verba intelligi: ego dormio et cor meum vigilat, ut sponsa intellectus sui vicem gerat; et sit sensus: ego dormio et cor meum vigilat, id est secundum intellectum de Deo nihil percipio, sed cor meum vigilat, hoc est, amor meus totum Deum per desiderii latitudinem lustrat. Plerumque enim vigilat et solerter desiderat affectus, sed dormit et latitat intellectus; per quod edoceris | ut nunquam 140 magnis] scripsi cum Opc magis cett. 142 inebriatus] debriatus Oac 143 demum] in divinum OPM 152 per] om. M habilitates] habitudines Opc 155 habilitas] humilitas N 168 latitat] latrat N
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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rielles. Pareillement, procédant de façon anagogique, nous disons que celui qui participe certes aux grands dons est ami de Dieu; celui qui participe à de plus grands dons lui est plus cher; celui qui est comme enivré divinement de très grands dons est appelé très cher. Suspendue aux paroles du bien-aimé, enfin revenue à soi, l’épouse dit donc, quand il cesse de parler: Moi, je dors et mon cœur veille. Comme si elle disait: Je ne m’occupe pas d’opérations extérieures, mais, à toute force, je me tourne vers les intérieures. En effet, le propre de l’âme qui aime Dieu du fond du cœur est de pénétrer les choses intérieures, les choses extérieures étant abandonnées, et de s’appliquer attentivement aux actions théoriques, jusqu’à ce qu’elle acquiere l’habitus parfait de la contemplation divine. De même, en effet, que nous obtenons la pratique des vertus par des opérations extérieures, de même, par des opérations intérieures, nous obtenons leurs habitus saints. Par habitus, cependant, je n’entends pas les habitudes introduites par la nature en chaque âme, mais les habitus, c’est-à-dire les solides manières d’être des saintes vertus possédées seulement par la force de l’esprit et le don de Dieu. En effet, l’aptitude de la vertu, pour l’entendre au sens large, peut exister sans la vertu, mais l’habitude n’est pas possédée sans l’expérience de la vertu, et, inversement, elle n’est pas obtenue sans une très grande vigilance du cœur. C’est également pourquoi, même toi, applique ton cœur à être dès le matin attentif au bien-aimé, pour que, étant acquise l’habitude parfaite des vertus, il ne soit pas ennuyé, mais plutôt se réjouisse de veiller, sa lampe brillant d’en haut et ouvrant le chemin vers les ténèbres plus que brillantes de la marche intellectuelle. Mais ces paroles: «Moi, je dors et mon cœur veille» peuvent être entendues autrement, de telle sorte que l’épouse tienne la place de son intellect et que le sens soit: «Moi, je dors et mon cœur veille», c’est-à-dire, selon l’intellectus, je ne perçois rien de Dieu, mais «mon cœur veille», c’est-à-dire mon amour parcourt tout Dieu par l’ampleur du désir. La plupart du temps, en effet, l’affectus veille et désire parfaitement, mais l’intellectus dort et se tient caché. Cela t’instruit que jamais
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
ab actu amoris si vales quiescas, nonnunquam vero ab intelligendi cupidine resipiscas. Nam semper amare velle bonum est ignite 170 affectionis, semper autem intelligere velle malum est presumptionis; non igitur te pigeat interdum dormire cum sponsa ab intelligendi concupiscentia; semper tamen libeat vigilare per amoris fragrantiam. Itaque sponsa in superiora mentis sue consistente et mentalibus actionibus vigilantissime persistente, audita voce 175 dilecti, ait ad seipsam:
5, 2b
Vox dilecti mei pulsantis. Quasi diceret: hec est aspiratio divini et superamabilis radii intelligentiam excitantis. Sepe namque contingit ut, dum sancta anima, neglectis 180 exterioribus, divinorum delectabilibus exercitiis est intenta, more superamabilis deigene Virginis deintus visitetur, atque ei dicatur:
5, 2c
Aperi mihi soror mea, amica mea, immaculata mea, columba mea, quia caput meum plenum est rore et cincinni mel guttis noctium. Quasi dicat: ad susceptionem mee infusionis te prepara, o 185 sponsa, cuius amor est gratiosus, cuius ardor viscerosus, cuius intentio simplicissima, cuius deiformitas purissima, quia plenitudo mee distributionis plenitudinem continet suavis refrigerationis et apprehensiones mee denuo superfuse distillationibus incognitis | sunt perfuse. (157c) Animadvertendum hic est quia dilecta anima ad novam quamdam dilecti sui susceptionem modo invitata, non solum preparari monetur ad magis suscipiendum, sed in quibusdam blanditiis perlinitur ad suavius et dulcius hec amplectendum.
181 exercitiis] om. O nem] sumptionem M bus – perfuse] om. N
182 deintus] divinitus N om. M 185 susceptio186 ardor] odor OpcPM 189-190 distillationi192 modo] om. N 193 monetur] movetur Opc
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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tu ne te reposes de l’acte d’aimer si tu vas bien, mais que, parfois, tu te repens du désir de connaître. En effet, vouloir toujours aimer est le bien d’une affection brûlante, mais vouloir toujours connaître est le mal de la présomption. Ne sois donc pas chagriné de dormir parfois avec l’épouse quant au désir de connaître, mais qu’il soit toujours permis de veiller par l’odeur suave de l’amour. Se tenant à la cime de son esprit et persistant avec une vigilance extrême dans les actions de l’esprit, ayant entendu la voix de l’époux, l’épouse se dit à elle-même: Voix de mon époux qui frappe. Comme si elle disait: Telle est l’aspiration du rayon divin et plus qu’aimable qui excite l’intelligence. Il arrive souvent, en effet, que, tandis que l’âme sainte, les choses extérieures étant négligées, est occupée aux délectables exercices des choses divines, elle soit visitée intérieurement à la façon dont le fut la Vierge plus qu’aimable, Mère de Dieu, et qu’il lui soit dit: Ouvre-moi, mon amie, mon immaculée, ma colombe, car ma tête est pleine de rosée et mes boucles de cheveux sont pleines des gouttes des nuits. Comme s’il disait: Prépare-toi à recevoir ce que je verse en toi, ô épouse dont l’amour est gracieux, dont l’ardeur vient du plus profond de l’être, dont l’intention est très simple, dont la déiformité est très pure, car la plénitude de ma distribution contient la plénitude d’un exquis rafraîchissement et mes connaissances de nouveau répandues d’en haut sont baignées d’influx inconnus. Il faut ici remarquer que l’âme bien-aimée, maintenant invitée à un certain nouvel accueil de son bien-aimé, non seulement est avertie de se préparer pour l’accueillir davantage, mais est enveloppée de certaines tendres paroles pour qu’elle l’accueille avec plus d’agrément et de douceur. Qu’est-ce en effet: «Ouvre-moi», sinon
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Quid enim est: aperi mihi, nisi quedam inspiratio ad susceptionem preparativa? Quid vero: soror mea, amica mea, columba mea, immaculata mea, nisi sancta quepiam blanditia suavioris et dulcioris amplexus excitativa? Porro per primum eius amoris exprimitur grata suavitas, per secundum interni ardoris immensitas, quorum unum communis, reliquum vero privati amoris est indicativum. Etenim alia amoris signa in aliorum presentia sunt ostentanda atque alia in secreto thalami exhibenda; ibi semper grate honestatis species est tenenda; he vero omnia ardentis amoris insigni proponenda. Que ergo soror est in publico per pudicam amoris exhibitionem, amica fit in occulto per superardentis amativi desiderii zelotypicam ostensionem. Ceterum in reliquis subsequentibus nominibus intentionis sponse nostre simplicitatis et deiformitatis puritas annotatur. Primum in eo quod columba dicitur, alterum in eo quod immaculata nuncupatur; ex simplicitate autem intentionis cogitur dilectus ad eam diligendum tenere ex puritate deiformitatis ad queque arcana revelandum. Nihil enim occultum esse potest puritati intelligentie cui nec ipsa divina visio occultatur. “Beati, inquit, mundo corde”, etc. Hinc est quod per sanctum Dionysium in Eccl. hier. VI nobis reseratur: “Est, inquit, ut arbitror, manifestum quod mundatus ab omni macula immunda et castissimam habens proprie mentis collocationem, ad contemplativum habitum et virtutem sanctifice transducitur, et communicat secundum ipsum divinissimis signis, in contemplationibus ipsorum et communicationibus | universa sancta letitia adimpletus, et ad divinum scientie ipsorum amorem sursumactivis virtutibus proportionaliter elevatus”. Causa autem quare dilectus sponsam suam moneat preparari ad divini
213 Beati – corde] Matth. 5, 8 hier., VI, 13814-13831
215-221 Est – elevatus] Ps.-Dion., De eccl.
199 ardoris] amoris PM 201 amoris] dilectionis N 202 ostentanda] ostendenda N exhibenda] nam add. NMP 211 ad queque] atque PM ad] s.l. PM 216-217 collocationem] collocutionem N 219 ipsorum] sanctorum O
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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une certaine inspiration en vue de préparer l’accueil? Mais que sont «ma sœur, mon amie, ma colombe, mon immaculée», sinon quelques saintes paroles tendres, qui poussent à une étreinte plus agréable et plus douce? Or le premier dit la douceur agréable de son amour; le second, l’immensité de l’ardeur intérieure; l’un indique l’amour commun; l’autre, l’amour particulier. Autres, en effet, sont les signes de l’amour dont il faut faire montre en présence des autres, autres ceux qu’il faut donner dans le secret de la chambre nuptiale; là, il faut toujours garder l’apparence de l’agréable honnêteté; ici, il faut offrir tous les signes d’un unique amour ardent. Celle qui est «sœur» en public, par la manifestation réservée de l’amour, devient «amie» dans le secret, par la jalouse manifestation d’un désir amoureux plus qu’ardent. Dans les autres noms qui suivent, est indiquée la pureté de l’intention, de la simplicité et de la déiformité de notre épouse. Le premier, en ce qu’elle est dite «colombe»; le second, en ce qu’elle est appelée «immaculée». Mais, en raison de la simplicité de l’intention, le bien-aimé est contraint de l’aimer tendrement; en raison de la pureté de la déiformité, il est tenu de lui révéler toutes les choses secrètes, quelles qu’elles soient. Rien, en effet, ne peut être caché à la pureté de l’intelligence à laquelle la vision divine elle-même n’est pas cachée. «Bienheureux, dit-il, les cœurs purs» etc. De là vient ce que saint Denys nous explique dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. VI: «Il est, je pense, évident que celui qui est purifié de toute tache impure, et qui est en très chaste possession de son propre esprit est saintement conduit vers l’habitus et la vertu de la contemplation, et qu’à sa manière il participe aux signes très divins, rempli d’une sainte joie totale en leurs contemplations et communications et en proportion élevé par les vertus surélevantes à l’amour divin de leur science.» Mais la cause pour laquelle le bien-aimé exhorte son épouse à se préparer à recevoir d’en haut les venues divines n’est
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
superadventus susceptionem non tam est rationabilis quam superadmirabilis. Quia, inquit, caput meum plenum est rore et cincinni mei guttis noctium. Sed quid per caput omnium sensuum contentivum et plenarie irroratum, nisi perfecta divine bonitatis distributio, omnium virtutum habituum contentivum insuper et ardoris amativi perfecte et suaviter mitigativa? “Nonne ardorem, ait a Deo inspiratus, refrigerabit nos” an non? Ille boni operativus angelus medium fornacis exhibuit velut ventum roris flantem. Quid ergo? numquid ardor amoris sponse mitigandus? Est quidem, non ut minus ardeat, sed ut suavius: quo enim plus suavius incenditur, eo accenditur et amplius eiusque irroratio sua est incensio. Quod igitur ait: caput meum, ad divine distributionis pertinet perfectionem; quod vero subdit: plenum est rore, ad perfectam igniculi incentivi refertur mitigationem, non tam suavifactivam quam incentivam, aut augmentativam. Quid vero sibi vult quod sequitur: et cincinni mel, sive capilli conglobati guttis noctium, supple pleni sunt, nisi quia ipse unite divinorum apprehensiones ex perfecta distributione quasi ex capite pullulantes quibusdam cognitionibus incognitis et irradiationibus tenebrosis sunt perfuse? Quamquam enim intelligentia aliqua eximia de divinis apprehendat et quibusdam perfundatur dulcifluis distillationibus, nescit tamen unde veniant, aut quo vadant sicut divina et supersplendenti caligine antefusa in nocte diescente quodam modo | mirabiliter constituta. Hoc autem in illa beata templi consummatione est premonstratum quando sicut “nebula implevit domum Domini”, ut non ipsa sacrificia viderent offerre, et sanctus Isaias in illa supernaturali visione ait: “Et domus impleta est fumo”. Sed quid hoc est, nisi intelligentiam guttis noc-
228-229 Nonne – ros] Eccli 18, 16 229-231 Ille – flantem] cf. Dan. 3, 4950 247-248 nebula – Domini] III Reg. 8, 10 249-250 Et – fumo] Is. 6, 4 227 contentivum] contentiva N 233 eo accenditur et amplius] eo amplius incenditur N et] in marg. O 233 irroratio] moratio OPM 242 enim] tunc add. N 243 dulcifluis] lucifluis N 244 vadant] vadat PM 245 antefusa] circumfusa N
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pas moins rationnelle que plus admirable. «Parce que, dit-il, ma tête est pleine de rosée et mes boucles de cheveux pleines des gouttes des nuits». Mais qu’entendre par «tête» contenant tous les sens et complètement humectée de rosée, si ce n’est la parfaite distribution de la bonté divine, contenant en outre tous les habitus des vertus, calmant parfaitement et doucement l’ardeur amoureuse? «La rosée rafraîchira-t-elle l’ardeur ou non?» dit l’inspiré de Dieu. Cet ange qui fit le bien a paru au milieu de la fournaise comme un vent de rosée qui soufflait. Quoi donc? L’ardeur de l’amour de l’épouse doit-elle être calmée, non certes pour brûler moins, mais plus agréablement? En effet, plus elle est affectueusement enflammée, plus elle croît; tomber comme une rosée est son embrasement. Ce qu’il dit donc: «Ma tête» se rapporte à la perfection de la distribution divine; ce qu’il ajoute: «pleine de rosée» se rapporte au parfait adoucissement du petit feu, adoucissement non pas tant source de douceur que stimulant ou source d’accroissement. Que signifie donc ce qui suit: «Et mes boucles de cheveux ou mes cheveux mis en boule» supplée: «sont remplis des gouttes des nuits», si ce n’est que les connaissances elles-mêmes des choses divines sont unies grâce à une parfaite distribution, répandues comme se multipliant à partir de la tête, grâce à certaines connaissances inconnues et à de ténébreuses irradiations? Quoiqu’en effet l’intelligence perçoive certaines choses remarquables concernant les réalités divines et est arrosée de certains influx, source de douceur, elle ignore cependant d’où ils viennent et où ils vont en tant qu’elle est de quelque manière admirablement établie dans la nuit, le jour pointant, par la ténèbre divine et plus que brillante auparavant répandue. Or cela est montré à l’avance en cette consécration bienheureuse du temple, lorsque «comme une nuée remplit la maison du Seigneur», en sorte qu’ils ne voyaient pas offrir les sacrifices eux-mêmes; et saint Isaïe a dit en cette vision surnaturelle: «Et la maison est remplie de fumée». Mais qu’est cela, sinon que l’intelligence est remplie des gouttes ou des illuminations des nuits? «Et
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
tium, sive illuminationibus adimpleri? “Et nox, inquit Psalmigraphus, illuminatio mea in deliciis meis, et nox sicut dies illuminabitur,” caligantibus et “sicut tenebre eius, ita et lumen eius”. Itaque, quia post acceptam notitiam veritatis et perceptis immaculatis affectionibus divinorum non est ad ignorantiam pro- 255 labendum, aut materialibus delectationibus inherendum, ideo ait sponsa: 5, 3
Expoliavi me tunica mea, quomodo induar illa; lavi pedes meos, quomodo inquinabo illos. Quasi dicat: ex quo pallium deposui ignorantie et vetuste servitutis, qualiter illo denuo involvam me rursus a materialibus affectionibus in Deum tendentibus repurgatis motibus, quomodo eis iterum patiar immundari; quasi diceret: neutrum est faciendum, sed potius laborandum ne percepti intellectualis luminis et divine libertatis irradiationem amittam, ne affectionibus et suavitatibus divinarum dulcedinum priver, quibus quasi quodam pinguissimo butyro lassi pedes in Deum tendentis anime delibuti deifice restaurantur ad supermentalem deambulationem. Quid autem significet denudatio et discalceatio secundum intellectualem acceptionem, ait divinus Dionysius in Angel. hier. XV: “Nudum, inquit, et discalceatum, demissum et facile solvi et non valens teneri et mundum ab exteriori additione et ad sim|plicitatem divinam assimilativum, sicut est possibile”. Quod est dicere: nos dicimus quod nuditas et discalceatio intellectualiter significant demissum, id est generalem libertatem a nullo impeditam, et facile solvi, id est prompte et sine offendiculo extendi ad operationes thearchicas exercendas, et non valens teneri, hoc est impediri, sicut nudus est expeditus et nihil habens additum per
251-254 Et – eius] Ps. 138, 11-12 De cael. hier., XV, 10101-4 265 irradiationem] amictum N chicas] theoricas N
271-273 Nudum – possibile] Ps.-Dion.,
276 extendi] expediri N
277 thear-
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la nuit, dit le psalmiste, mon illumination dans mes délices et la nuit comme le jour sera illuminée» par les ténèbres et «comme sont ses ténèbres, ainsi est également sa lumière.» Puisqu’après avoir reçu la connaissance de la vérité et connu les choses divines grâce aux affections immaculées, il ne faut pas se laisser glisser dans l’ignorance ou rester attaché aux délectations matérielles, l’épouse dit: Je me suis dépouillée de ma tunique, comment la remettrai-je? J’ai lavé mes pieds, comment les salirai-je? Comme si elle disait: De ce que j’ai déposé le manteau de l’ignorance et de l’antique servitude, comment m’en envelopperai-je de nouveau? Les mouvements qui tendent vers Dieu ayant été purifiés des affections matérielles, comment souffrirai-je d’en être souillée pour la seconde fois. Comme si elle disait: Il ne faut faire ni l’un ni l’autre, mais plutôt travailler pour que je ne perde pas le rayonnement de la lumière intellectuelle perçue et de la liberté divine, afin de n’être pas privée des affections et des suavités des douceurs divines, par lesquelles, comme par quelque beurre très gras, les pieds fatigués de l’âme tendant vers Dieu sont déifiquement remis en état pour une marche qui dépasse l’esprit. Mais que signifient, au sens intellectuel, «mise à nu» et «être déchaussé»? Le divin Denys le dit dans la Hiérarchie angélique, ch. XV: «Nu, dit-il, et déchaussé, libéré et facile à mouvoir, impossible à retenir, pur de toute addition extérieure, assimilé à la simplicité divine autant que possible.» C’est dire: La nudité et l’absence de chaussures signifient intellectuellement libéré — il s’agit de la liberté générale que rien n’entrave —, et «facile à mouvoir», c’est-à-dire à être tendu promptement et sans obstacle vers la pratique des opérations théarchiques, «impossible à retenir», c’est-à-dire empêché, comme celui qui est nu et que rien d’ajouté ne retient. Elles
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
quod teneatur. Iterum significant mundum, id est puritatem ab exteriorum additione, id est materialium applicatione, quibus 280 non applicantur, nec inherent. Et iterum significant assimilativum, id est assimilationem ad divinam simplicitatem, quia scilicet simplicem simpliciter sequuntur, sicut in nudo simpliciter est a natura. Igitur: expolia te tunica tua et lava pedes tuos, ambulans nudus et discalceatus, sanctorum angelorum sequens vesti- 285 gia, qui immaterialiter immaterialem et purum simpliciter imitantur, si angelice libertatis, promptitudinis, expeditionis, puritatis et divine assimilationis vis habere participium. Igitur sponsa ad dilecti susceptionem intellectualem sui ostii apertionem aliquantulum retardante, quasi interim foris stans dilectus, sub- 290 iungit: 5, 4
Dilectus meus misit manum suam per foramen et venter meus intremuit ad tactum eius. Quod est dicere: superamabilis meus divine bonitatis radius fortem quamdam operationem suam per deiformitatis mee rimu- 295 lam intromisit et infirmitas mea concussa est ad exper|ientiam eius. (158c) Nonnunquam enim accidit amicam Dei animam ad immissiones divinas percipiendas infirmitate aut ignorantia pigritantem quibusdam benedictionibus dulcedinis preveniri. Nam divinus radius puritatis et amoris amicus et perfectionis anime 300 zelotes, dum eam ad subreptionem viderit inclinari, ac per hoc retardari beneoperantem virtutis sue suavissime manum per puriorem intelligentie partem, quasi per ipsius foramen, intromittit, ut eo citius suscitetur ad intelligentie ostii apertionem quo importunius excitatur per dilecti radii immissam operationem. 305 Sed bene ad tactum eius venter debilis intremiscit, quia dubium non est ad novam et inassuetam divine virtutis experientiam capacitatem modicam et adhuc teneram, utpote lacte non solido cibo refectam, infirmari, hoc est, de statu proprio et consueto
284 est] quod est add. Opc 290 quasi] quid N 290-291 dilectus] egerit add. N 301 inclinari] coronari N 309 refectam] refertam OP
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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signifient encore qu’il est «pur», c’est-à-dire la pureté d’addition de choses extérieures, c’est-à-dire d’attachement aux choses matérielles auxquelles on n’est pas attaché et on n’inhère pas; qui peut être assimilé à la simplicité divine, car les anges cherchent à atteindre ce qui est absolument simple, à la façon dont, en ce qui est absolument nu, il n’y a que ce qu’il est par nature. En conséquence, dépouille-toi de ta tunique et lave tes pieds, marchant nu et déchaussé suivant les traces des saints anges, qui imitent immatériellement l’absolument immatériel et pur, si tu veux participer à la liberté, à la promptitude, à la légèreté et à la ressemblance divine des anges. Retardant quelque peu l’ouverture de sa porte à la réception intellectuelle du bien-aimé, alors que celui-ci se tient pour ainsi dire dehors durant ce temps, l’épouse ajoute donc: Mon bien-aimé a passé sa main par le trou de la serrure, et à son toucher mon sein s’est ému. C’est dire: Mon rayon plus qu’aimable de la bonté divine a introduit une certaine opération sienne et forte par la légère fente de ma déiformité, et ma faiblesse est secouée, quand elle en a fait l’expérience. Il arrive parfois, en effet, que l’âme, amie de Dieu, souffrant de faiblesse ou d’ignorance pour percevoir les stimulations divines soit prévenue par certaines bénédictions de douceur. De fait le rayon divin, ami de la pureté et de l’amour, et jaloux de la perfection de l’âme, alors qu’il l’aura vue décliner vers la dérobade et être par là retardée, introduit la main, qui agit bien, de sa très suave vertu, par la partie la plus pure de l’intelligence comme par son ouverture, afin qu’elle soit stimulée d’autant plus rapidement à ouvrir la porte de l’intelligence qu’elle est plus incessamment provoquée par l’opération introduite en elle du rayon bien-aimé. Mais le faible sein commence bien à trembler à son toucher, car il n’est pas douteux que sa capacité réduite et encore faible — elle est nourrie de lait et non de nourriture solide — est affaiblie par rapport à une expérience nouvelle et inhabituelle de la vertu divine, c’est-à-dire au passage de son état propre et habituel à un meilleur, grâce à
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5, 5a
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
extasi mediante ad meliorem immutari. Non enim talis infirmitas est defectum inducens, sed magis profectum maiorem adducens. An non tibi videtur tunc ventrem Sauli intremuisse, cum ad tactum virtuosissime lucis beatissimi Crucifixi corruit super terram? Sed quid? Numquid ex tactu infirmatus, an potius fortis effectus est? Sane utrumque contingit. Infirmatus est in suo statu; fortis autem effectus in Domino. Nam ait: “Domine, quid me vis facere?” Siquidem impossibile est quempiam ad divinum assumi statum, nisi primo fuerit infirmatus. Unde beatus Dionysius, De div. nom. VII, neminem asserit divinorum posse habere experientiam aut intelligentiam dum in se exstiterit, nisi tunc solum cum totaliter supra se fuerit totus deificatus et non sui ipsius, melius propter hoc existimans Dei esse non nostri ipsorum. Quoniam autem ex tactu virtutis radii dilectissimi teneritudo sponse sic est infirmata, quod tamen deifice excitata, ideo sequitur:
310
| Surrexi ut aperirem dilecto meo.
(158d))
315
320
325
Quasi dicat: de meo statu in divinum me erexi, ut sic me habilitarem ad plenam divine distributionis susceptionem. Si enim tactus manus dilecti sic me confortavit et tam mirabiliter immutavit, quid eius felix presentia est factura? Si sic 330 egit stilla, quid faciet imber? Si sic tactus, quid faciet amplexus? Si sic susurium, quid manifestum colloquium? Quia me separabit a me et convertit in se, ut iam sim quod non eram, a me immutata et a Deo deificata. Taliter sponsa secum agente et confe335 rente et ex actione proficiente ait:
316-317 Domine – facere] Act. 9, 6 Dion., De div. nom., VII, 3854-3862
319-323 neminem – ipsorum] cf. Ps.-
311 magis] potius N 321 deificatus] sive deifactus add. PM 323 radii] radio PM 329 confortavit] fortificavit N 331 imber] om. N 332 quid] faciet add. O colloquium] puto add. N 334 a Deo] in ipso N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
363
l’extase. Pareille faiblesse n’introduit pas, en effet, de manque; elle conduit plutôt à un progrès plus grand. Ne te semble-t-il pas que le sein de Paul ait été ému, lorsqu’au toucher de la très puissante lumière du très bienheureux Crucifié il tomba à terre? Mais quoi, à cause de ce toucher, devint-il faible? Ne devint-il pas plus fort? Certes, l’un et l’autre se produisirent. En son état il fut affaibli, mais, dans le Seigneur, il devint fort. Il dit, en effet: «Seigneur, que veux-tu que je fasse?» En vérité, il est impossible que quelqu’un soit élevé à un état divin, s’il n’a pas été faible d’abord. Le bienheureux Denys, dans les Noms divins, ch. VII, assure donc que «nul ne peut avoir l’expérience ou l’intelligence des choses divines tant qu’il est resté en soi; il ne le peut que s’il a été tout entier totalement déifié, au-dessus de soi, estimant à cause de cela qu’il est meilleur d’être à Dieu qu’à nous-mêmes.» Mais, parce qu’en raison du toucher de la vertu du rayon très aimé, l’épouse est ainsi affaiblie qu’elle est cependant déifiquement encouragée, il suit: Je me suis levée pour ouvrir à mon bien-aimé. Comme si elle disait: Je me suis dressée de mon état vers un état divin pour qu’ainsi je me rende apte à recevoir pleinement la distribution divine. Si, en effet, le toucher de la main du bien-aimé m’a ainsi confortée et si admirablement changée, que fera donc son heureuse présence? Si une goutte a agi de la sorte, que fera la pluie? Si le toucher a ainsi agi, que fera le baiser? Si le murmure a agi ainsi, que fera un clair entretien? Car il me séparera de moi-même et me changera en lui-même, de telle sorte que je sois maintenant ce que je n’étais pas, changée quant à moi et par Dieu déifiée. S’entretenant elle-même et conférant avec soi, progressant par l’action, l’épouse dit:
364 5, 5b
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Manus mee distillaverunt myrrham et digiti mei pleni myrrha probatissima. Quod est dicere: operationes mee mentales virtutem conservativam roboris genuerunt et per hoc motus mei virtute fortissima sunt perfecti. Hoc namque sciendum est nihil adeo esse efficax ad conservandam animam in virtute sue mentalis roboris, quo mediante regnum contemplationis rapitur violenter, quemadmodum ipse mentis ferventes et frequentes actiones, sive operationes, ex quarum forti agonia motus igniferi exurgent qui et ipsi eadem virtute probatissima perficiuntur, ne unquam opus eorum theoricum dissolvatur, sed crescat et proficiat. Siquidem operatio iusti quasi lux splendet crescens et proficiens usque ad perfectum diem, opus vero corruptibile in fine perdetur, sicut expers myrrhea virtute, que corruptionis est inimica. Merito igitur tam manus quam digiti sponse myrrha perfunduntur, quia tam actiones quam eius motus | in incorruptibili contemplationis opere exercentur, donec veniant ad id quod perfectum est, ipsoque quod ex parte fuerit evacuato. Docte quidem sunt a dilecto manus sponse ad prelium et digiti ad bellum, et idcirco non formidavit manus suas mittere ad fortia, hoc est actiones suas ad contemplationis militiam exercere; sed et digiti eius apprehenderunt fusum, quia per motus in Deum didicit circularis motionis exercitium et usum. Circulariter vero moveri est, per illuminationes a Deo emanantes et in idipsum terminantes, in id quod perfectum est promoveri, et talis motus omnibus aliis motibus est utilior, sicut deiformior, quoniam per ipsum tanto nobilius cognoscitur Deus, quanto altius anima per ipsum promovetur. Unde in tali motu sponsa nostra se incipiens exercere ait:
347 proficiat] usque dum perficiatur add. N 351 sponse] om. M om. O ipsoque] om. N 357 sed] insuper add. N
353 est]
340
345
350 (159a)
355
360
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
365
Mes mains ont distillé la myrrhe, et mes doigts sont pleins de myrrhe excellente. C’est dire: Mes opérations spirituelles ont engendré la vertu qui conserve la force, et, à cause de cela, mes mouvements de très puissante vertu sont parfaits. Il faut, en effet, savoir que rien n’est aussi efficace pour conserver l’âme en la puissance de sa force spirituelle — moyennant quoi le royaume de la contemplation est ravi avec violence — que les actions ou opérations mêmes, ferventes et fréquentes, de l’esprit: de leur puissant combat s’élèvent des mouvements enflammés, euxmêmes rendus parfaits par la même vertu excellente, pour que ne soit jamais interrompu leur travail théorique, mais qu’il croisse et progresse. En effet, l’opération du juste brille comme une lumière qui croît et progresse jusqu’au jour parfait, alors que l’œuvre corruptible est à la fin perdue en tant que dépourvue de la vertu de la myrrhe, ennemie de la corruption. À bon droit donc tant les mains que les doigts de l’épouse sont remplis de myrrhe; car tant ses actions que ses mouvements s’exercent en l’œuvre incorruptible de la contemplation, jusqu’à ce qu’ils parviennent à ce qui est parfait, ce qui aura été partiel ayant été évacué. Certes, le bien-aimé a instruit les mains de l’épouse pour le combat et ses doigts pour la guerre, et c’est pourquoi elle n’a pas craint de porter ses mains sur de grandes choses, c’est-à-dire de s’exercer au métier de la contemplation; mais ses doigts aussi ont saisi le fuseau, car, par les mouvements vers Dieu, elle a appris la pratique et l’usage du mouvement circulaire. Mais être mû circulairement est être, par les illuminations qui émanent de Dieu et se terminent en lui, poussé vers ce qui est parfait, et un tel mouvement est plus utile que tous les autres, attendu qu’il est plus déiforme, car, par lui, Dieu est d’autant plus noblement connu que l’âme est, par lui, poussée plus haut. Commençant à s’exercer en un tel mouvement, notre épouse dit donc:
366 5, 6a
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Pessulum ostii mei aperui dilecto meo, at ille declinaverat atque tran- 365 sierat. Quasi diceret: circularem motum intelligentie mee exercui ad Dei veram visionem consequendam, sed ipse se elongans fore incomprehensibilem demonstravit. Nam, licet motus sensualis circularis agat ut Deus intensius et splendidius agnoscatur, efficere tamen minime potest ut perfectum Dei cognoscatur. Etiam, inquit Psalmigraphus, si evolaverit “ad cor altum, exaltabitur tamen Deus”, per altitudinem cordis significans motum intelligentie circularem, qui omnibus etiam aliis supereminet, non tamen divine totalitatis est comprehensivus, et si apprehensivus, | magis autem exaltativus. At illa ait: declinaverat atque transierat, ne totaliter participaretur. Nunquid et tibi videtur hoc ille divine conflatorio repurgatus Iob exarasse: “Si, inquit, ad orientem iero, non apparet, si ad occidentem, non intelligam eum. Si ad sinistram, quid agam? Non apprehendam eum. Si me vertam ad dexteram, non videbo illum”. Ac si dicat: si circulariter, quod per orientem, sive naturaliter, quod per occidentem, aut oblique, quod per levam, sive directe, quod per dexteram figuratur, ad inquisitionem Dei me prebuero, nunquam tamen plenarie eum comprehendam, quoniam mirabilis facta est scientia eius, confortata est et non potero ad eam. Ipse autem omnia nostra videt et munde per omnia vadit, attingens a fine usque ad finem fortiter et disponens omnia harmoniace, servans sibi honoris gloriam, nobis vero fructum laboris et honestatis ac humilitatis dimittens. Ita fiat. Superamabilis et superdulcissime amor meus, da laborando humiliari et humi-
373 ad – Deus] Ps. 63, 8
379-382 Si – illum] Iob 23, 8-9
370 sensualis] fusualis N 371-372 tamen – cognoscatur] tam minime potest ut ad perfectum comprehendatur N 373 exaltabitur] elevabitur N 374 qui] pre M 76 et si apprehensivus] om. N 377 declinaverat] ne scilicet plenari videretur add. N 383 quod1] om. OPM 385 eum] om. N 387 eam] eum O 388 omnia] suaviter sive add. PM 390 dimittens] dulcis oratio add. P dulcens oratio add. M 391 superdulcissime] Iesu add. PM
370
375 (159b)
380
385
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
367
J’ai levé le verrou de ma porte pour mon bien-aimé, mais il s’était éloigné, et il était passé. Comme si elle disait: J’ai pratiqué le mouvement circulaire de mon intelligence pour obtenir une vraie vision de Dieu, mais lui-même s’éloignant a démontré qu’il devait être incompréhensible. En effet, bien que le mouvement des sens ou circulaire fasse que Dieu soit perçu avec plus d’intensité et d’éclat, il ne peut absolument pas faire, cependant, que la perfection de Dieu soit connue. Même, dit le psalmiste, «si l’homme montait au faîte de son cœur, Dieu sera pourtant exalté», signifiant par hauteur du cœur le mouvement circulaire de l’intelligence qui l’emporte aussi sur tous les autres. Il ne comprend cependant pas la totalité divine, et s’il en saisit quelque chose, il l’exalte plus encore. Mais elle dit elle-même: «Il s’était éloigné et il était passé» pour n’être pas totalement participé. Ne te semble-t-il pas aussi que ce Job, divinement purifié par le creuset, écrivit: «Si, dit-il, je vais à l’orient, il n’apparaît pas; à l’occident, je ne le comprendrai pas; à gauche, que ferais-je? je ne le saisirai pas; si je me tourne à droite, je ne le verrai pas.» Comme s’il disait: Si circulairement, ce qui est signifié par orient; si naturellement, ce qui est signifié par occident; ou obliquement, ce qui est signifié par gauche; soit directement, ce qui est signifié par droite, je me livre à la recherche de Dieu, jamais cependant je ne le comprendrai pleinement, parce que sa science est admirable, elle est élevée et je ne pourrai pas l’atteindre. Mais lui-même voit tout ce qui est nôtre, et il va purement à travers toutes choses, atteignant d’un bout du monde à l’autre fortement et disposant harmonieusement toutes choses, gardant pour lui la gloire de l’honneur, mais nous laissant le fruit du travail, de l’honnêteté et de l’humilité. Qu’il en soit ainsi! Mon amour plus qu’aimable et plus que très doux, donne-moi d’être humilié en travaillant et de tra-
368
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
liando laborare, conservans mihi in sinu tuo fructum laboris et humilitatis, ut vel, post longum laborum et profundam humiliationem, prebeas illum servo tuo inutili, qui quidem quod debuit facere adimplevit, te ei velle et perficere largiente. At ille, inquit, 395 declinaverat atque transierat. Quomodo hoc fuit sponsa? Cur lumen oculorum tuorum baculum infirmitatis tue solatium vite tue abire permisisti et quidem in uno dilecto tuo habens omnia non debuisti a te dimittere? Si enim ostii pessulum aperuisti aut circulari motu te exercuisti, quare non vidisti, quare non com- 400 prehendisti? Quia declinaverat sicut invisibilis, pertransierat sicut incomprehensibilis. Hoc vere dixisti, nam “Deum nemo vidit unquam”, nec omnipotens | ad plenum potuit reperiri. Quia vero (159c) sponsa, etsi per circularem motum non pervenerit ad perfectam Dei visionem, tamen proficit in subtilem eius cognitionem et 405 suavissimam pregustationem, ideo sequitur:
5, 6b
Anima mea liquefacta est ut dilectus locutus est. Quod est dicere: deiformitas mea calido amoris ignita exacuta est, ut vive vocis suavem dilecti sonitum intellexi. Attende quia, dum pia anima a Deo profluentibus irradi- 410 ationibus interminabilibus unita in id quod perfectum est fervide se extendit, interdum a superocculto et superinfinito et superreverentissimo supersplendentis divine lucis pelago cuiusdam vive vocis suavissimus sine sono sonitus in ipsam emanat animam. Ad cuius superdulcem tactum ob ipsius divini amoris ardentis 415 calidum in dilecti sui dulcedinem continuo resolvitur et liquescit, liquefacta vero, ac per hoc seraphice exacuta, indicibiliter divi-
402-403 Deum – unquam] I Ioh. 4, 12 398 in uno – omnia] omnia in uno dilecto suo habens cum N ignito O 416 in] id est N
408 ignita]
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
369
vailler en étant humilié, conservant pour moi en ton sein le fruit du travail et de l’humilité, afin que, par exemple, après un long labeur et une profonde humiliation, tu l’accordes à ton serviteur inutile, qui, certes, a accompli ce qu’il a dû faire, comme tu lui accordais et le vouloir et le faire. Mais, dit-elle, «lui s’était éloigné et était passé.» Épouse, comment cela survint-il? Pourquoi as-tu permis et que la lumière disparaisse de tes yeux, et le bâton de ta faiblesse, et la consolation de ta vie? Certes, possédant toutes choses en ton unique bien-aimé, tu n’as pas dû t’éloigner de toi-même. Si, en effet, tu as baissé le verrou de ta porte, ou si tu as pratiqué le mouvement circulaire, pourquoi n’as-tu pas vu, pourquoi n’astu pas compris? Parce qu’il s’était éloigné, car il est invisible; parce qu’il était passé, car il est incompréhensible. Tu l’as vraiment dit, car «Dieu, personne ne l’a jamais vu», et le Tout-Puissant n’a pu être découvert en plénitude. Mais, parce que, bien qu’elle ne soit pas parvenue, grâce au mouvement circulaire, à la vision parfaite de Dieu, l’épouse progresse dans une connaissance subtile et en un avant-goût très agréable, elle poursuit: Mon âme a été liquéfiée, dès que le bien-aimé a parlé. C’est dire: Enflammée par la chaleur de l’amour, ma déiformité fut aiguisée, dès que j’eus reconnu le doux son de la vivante voix du bien-aimé. Prends garde que, tandis que l’âme pieuse, unie aux illuminations sans fin qui s’écoulent de Dieu, se tend avec ferveur vers ce qui est parfait, le très doux murmure de la parole se répand parfois sans voix en l’âme elle-même à partir de l’océan plus que secret, plus qu’infini et plus que très digne d’honneur de la lumière divine plus qu’éclatante. À son toucher plus que doux, à cause de la chaleur de son ardent amour divin, elle s’amollit sans cesse et se liquéfie en la douceur de son bien-aimé, mais, liquéfiée, et, par cela, séraphiquement aiguisée, elle pénètre d’indicible façon les choses
370
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
norum secretorum abdita penetrat. Nam omne calidum et liquidum est penetrativum, sicut calefice et resolutorie exacutum; huius vocis tinnulum senserat profecto qui dicebat: 420 “Audiam quid loquatur in me Dominus”, et illud: “Audivi et conturbatus est venter meus”. Ac si dicat: ad vocis dilecti suavitatem passus sum, non solum extatici, sed et penetrativi amoris infirmitatem. Extasis quippe nihil aliud est quam firmans infinitas et penetrans liquiditas. Cum igitur boniformis anima per 425 calidum seraphice in se ardentis amoris caleat et ad vocem dilecti sui superdulcissimam eliquescat, quid | eam impedire potest (159d) ne subtilissime et acutissime divina queque subintrat? “Ubi enim Spiritus Domini” ad deificandum, “ibi libertas” ad penetrandum, quoniam divinus Spiritus, qui est amor, omnia potens est scru- 430 tari, “etiam profunda Dei”. Verum, quia nec sic dilectus cognoscitur? Sed potius exaltatur ut queratur attentius, et silentium agit ut desideretur avidius, ideo subinfertur:
5, 6c
Quesivi illum et non inveni; vocavi et non respondit mihi. Quasi dicat: acute et subtiliter divina investigavi et non 435 reperi, fragranti desiderio acclamavi et tacuit. Sed quare hoc tibi, dilecta dilecti, nisi ut querendo et non inveniendo subtilius investiges, vocando et responsum non percipiendo fortius vociferes? Ideo quere subtiliter et amplius acueris, invoca fortiter et intensius succenderis. Nam et ab hoc dilectus 440 occultatur et respondere non dignatur, ut tuam amplificet uti-
420-421 Audiam – Dominus] Ps. 84, 9 421-422 Audivi – meus] Hab. 3, 16 428-429 Ubi – libertas] II Cor. 3, 17 430-431 etiam profunda Dei] I Cor. 2, 10
423 non solum] om. N
431 dilectus] ad plenum add. N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
371
cachées des secrets divins. En effet, tout ce qui est chaud et liquide est pénétrant, comme aiguisé par réchauffement et amollissement. Assurément, il avait perçu le son clair de cette voix celui qui disait: «Que j’entende ce que le Seigneur dit en moi», et ceci: «J’ai entendu, et mes entrailles se sont troublées». Comme s’il disait: À la douceur de la voix du bien-aimé, j’ai éprouvé la faiblesse de l’amour non seulement extatique, mais encore pénétrant. L’extase, en effet, n’est rien d’autre que la faiblesse qui affermit et la fluidité qui pénètre. Puisque donc l’âme de bonne forme brûle séraphiquement elle-même de la chaleur de l’amour ardent en elle, et se liquéfie à la voix plus que très douce de son bien-aimé, qu’estce qui peut l’empêcher de pénétrer très subtilement et de façon extrêmement aiguë les choses divines, quelles qu’elles soient? En effet, «Où est l’esprit du Seigneur», pour déifier, «là est la liberté» pour pénétrer, parce que l’esprit divin, qui est amour, peut tout scruter, «même les profondeurs de Dieu». Mais, parce que le bienaimé n’est pas ainsi connu, mais plutôt exalté pour être recherché plus attentivement, et puisqu’il garde le silence, afin d’être plus ardemment désiré, il est ajouté: Je l’ai cherché et ne l’ai pas trouvé; je l’ai appelé et il ne m’a pas répondu. Comme si elle disait: J’ai scruté avec ingéniosité et subtilité les choses divines, et je n’ai pas trouvé; j’ai crié par un désir exhalant une suave odeur, et il s’est tu. Mais pourquoi cela t’arrive-t-il, bien-aimée du bien-aimé, si ce n’est pour qu’en cherchant et ne trouvant pas, tu scrutes avec plus de subtilité, qu’en appelant et ne recevant pas de réponse, tu cries plus fort. Cherche donc avec subtilité, et tu seras plus pénétrante; appelle fortement, et tu seras plus intensément enflammée. En effet, le bien-aimé est caché et il ne daigne pas répondre pour accroître
372
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
litatem et suam revereri doceat maiestatem. Sicut autem querere opus est intellectus, sic invocare actio est affectus; unde bene, postquam dixit: quesivi et non inveni, merito subditur: vocavi, quoniam, ubi deficit intellectus, suppleat necesse est affectus, 445 sicut calidi et acuti contentivus, per quorum unum petit, per alterum vero pulsat et intrat. Nam, sicut ad intellectum pertinet querere et ad affectum petere, sic calidi est pulsare et acuti intrare. Quomodo ergo repulsam pateris, o sponsa, talibus munita questoribus tam opportune et importune instantibus? Sed revera 450 repulsam non est dicenda sustinuisse que se asserit angelis obviasse; nam sequitur:
5, 7a
| Invenerunt me custodes qui circuierunt civitatem.
(160a)
Quod est dicere: celestes substantie universitati sanctarum animarum deputate custodie me in dilecti inquisitione laboran- 455 tem reperierunt. Sciendum quippe est divinos spiritus cuiusdam specialis dilectionis et zeli impetu ferri erga amatorie suscitativas animas ad divinorum inquisitionem et contemplationem, sicut possibile est participes fieri desiderantes angelice puritatis et con- 460 templative ipsorum virtutis calidi et acuti et superferventis, hoc est amoris subtilitatis et excessus eorum in Deum. Unde, ne laborantis sponse desiderium diutius subtollatur, continuo ei ipse substantie tradunt quod optavit. Ait enim:
442 doceat] faciat PM 443 actio] actus O 445 quoniam] quia O 446 petit] stetit M 448-449 et acuti intrare] sic petere est calidi sic pulsare acuti N 451 se] om. PM 454 universitati] unitati N 459-460 possibile est participes] comparticeps N 463 ipse] beate add. N 464 tradunt] exhibent N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
373
ton intérêt et pour enseigner le respect de sa majesté. De même, en effet, que chercher est le travail de l’intellectus, ainsi appeler est l’acte de l’affectus. En conséquence, et valablement après qu’elle eut dit: «J’ai cherché et n’ai pas trouvé», il est justement ajouté: «J’ai appelé», car là où l’intellectus défaut, il est nécessaire que l’affectus supplée en tant qu’il contient chaleur et acuité; par l’un d’eux elle demande; mais, par l’autre, elle frappe et pénètre. De même, en effet, qu’il revient à l’intellectus de chercher et à l’affectus de demander, ainsi il appartient à ce qui est chaud de frapper et à ce qui est aigu d’entrer. Comment donc, ô épouse, essuieras-tu un refus, entourée de tels compagnons qui insistent à temps et à contretemps? Mais, en réalité, il ne faut pas dire que celle qui affirme être allée à la rencontre des anges a essuyé un refus. Il suit en effet: Les gardes qui ont entouré la cité m’ont trouvée. C’est dire: Les substances célestes, députées à la garde de l’ensemble des âmes saintes, m’ont découverte, peinant à la recherche du bien-aimé. Il faut, certes, savoir que les esprits divins sont poussés par l’impétuosité de quelques dilection et zèle particuliers vers les âmes amoureusement poussées à la recherche et à la contemplation des choses divines, et désirant, comme il est possible, devenir participantes de la pureté des anges et de leur ardente, pénétrante et plus que fervente vertu contemplative, c’est-à-dire de la subtilité de leur amour pour Dieu et de leur transport vers lui. Pour que ne soit pas frustré plus longtemps le désir de l’épouse qui peine, ces mêmes substances lui communiquent immédiatement ce qu’elle a souhaité. Elle dit en effet:
374 5, 7b
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Percusserunt me et vulneraverunt me; tulerunt pallium meum custodes 465 murorum. Ac si diceret: calidi, acuti, superfervidi mihi participium tribuerunt zelotes fortium animorum. Nam amoris caliditas sine lesione percutit, apicis intelligentie subtilitas sine divisione penetrat et vulnerat, excessiva in 470 Deum ebrietas pallio discretionis privat. Percutitur ergo sponsa, cum calido amoris succenditur, vulneratur, cum acuto intelligentie decoratur, pallio exuitur, cum per unitionis excessum ratione, aut discretione, non utitur. Hoc autem totum fit per deiformium sanctorum spirituum operationem, quibus specialis 475 | quedam tradita est tutela fortium animorum ex vivis quibus- (160b) dam lapidibus et indissolubili caritatis glutino constructorum. Muri quippe Ierusalem, ut ait Iohannes altividus, sunt ex lapidibus pretiosis, super quas, ut fert Isaias divinus, positi sunt custodes laudare superlaudabilem perpetuo non cessantes, non 480 tam murorum formosam fortitudinem quam eos edificantis superbonam pulchritudinem admirantes. Quia vero, quanto plus Deus participatur et conmunicatur, tanto avidius et ardentius esuritur, ideo ait sponsa:
5, 8a
Adiuro vos, filie Ierusalem, si inveneritis dilectum meum, ut annunti- 485 etis ei quia amore langueo. Quasi dicat: per divinorum reverentiam vos contestor, supercelestes substantie, pacifice eterne beatitudini mancipate, ut si reperieritis quem diligo, significetur ei quia amore amoris estuo. 490 478-479 Muri – pretiosis] Apoc. 21, 19 Is. 62, 6.
479-482 super – admirantes]
469 apicis] aspiciens OPM 470 excessiva] excessus N 479 ut] om. Oac pc add. O a.m. 481 eos] om. O eas PM 488 substantie] visioni add. N beatitudini] beatitudinis N 489 significetur] significetis N amoris om. PM
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Ils m’ont frappée et blessée; les gardes des murs ont enlevé mon manteau. Comme si elle disait: Ceux qui ont du zèle pour les âmes fortes, bouillants, subtils, plus que fervents m’ont accordé de participer. En effet, la chaleur de l’amour frappe sans blesser, la subtilité et la pointe de l’intelligence pénètrent et blessent sans diviser, l’ivresse qui fait sortir de soi en direction de Dieu prive du manteau du discernement. L’épouse est donc frappée, quand elle est enflammée par la chaleur de l’amour; blessée, quand elle est ornée de la subtilité de l’intelligence; dépouillée de vêtement, quand, à cause du dépassement de l’union, elle n’use pas de la raison ou du discernement. Mais tout ceci se réalise grâce à l’opération des saints esprits déiformes auxquels est confiée une sorte de garde spéciale des esprits forts, formés de certaines pierres vivantes et du lien indissoluble de la charité. Les murs de Jérusalem, en effet, ainsi que le dit Jean, qui voit dans les hauteurs, sont faits de pierres précieuses sur lesquelles, comme le rapporte le divin Isaïe, les gardes sont placés, ne cessant jamais de la louer comme au-dessus de toute louange, et admirant non pas tant la belle solidité des murs que la beauté plus que bonne de celui qui les a édifiés. Mais, parce que plus Dieu est participé et communiqué, plus ardemment il est convoité, l’épouse dit: Filles de Jérusalem, si vous trouvez mon bien-aimé, je vous adjure de lui faire savoir que je languis d’amour. Comme si elle disait: Par respect des choses divines, je vous supplie, substances supracélestes, pacifiquement vouées à la béatitude éternelle, si vous trouvez celui que j’aime, de lui faire savoir que je brûle de l’amour de l’amour.
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Attende quoniam vere theorici viri anima superfervido amoris ebulliens nequit se coarctare in sese, resiliet supra se discretionis metas et rationabilitatis oblita. Unde conceptum superardentis amoris igniculum non valens ulterius sustinere, cogere nititur incogibiles, ut, si cordis sui individuum uspiam invenerint, studeant hoc ipsum ei intimare, nesciens quid dicat. Si inveneritis, inquit, dilectum meum, nuntietis ei quia amore langueo. Quare si inveneritis? Quia invenire non dubito quem tam ardenter diligo. Quare nuntietis? Quia sustinere non valens vos interpellare cogor. Cur amore langueo? Quia amore estuans adhuc amorem sitio. O suavis amoris passio que, cum plus sentiris, plus sitiris, cum plus sitiris, plus exuris, ita ut | semper de te langueat te optando quam nunquam deseris inflammando. Licet enim totaliter infundas te taliter te amanti, semper tamen te esurit, semper sitit te se recreantem. Nihil ergo aliud est sponsam dilecti amore languere, nisi eum quem tam suaviter sentit, suavius esurire, ut quo avidius esuritur et sititur, dulcius sentiatur. Quoniam autem supermentalis divinorum collatio amoris est suscitatio, ideo ab ipsis intellectualibus substantiis tribuitur ei materia conferendi. Aiunt enim:
5, 8b
Qualis est dilectus tuus ex dilecto, o pulcherrima mulierum? Quod est dicere: cuius qualitatis est superamabilis radius ex superamabili divine lucis pelago emanans, o purissima animarum? 491 vere] veri PM viri] om. N 492 amoris] amore PM coarctare in sese] continere in se sed N se2] om. N 499 non valens] valeo N 500 vos – cogor] om. N 501-502 cum plus sentiris] om. PM furis N 502 exuris] esuris N 504 te taliter] totaliter N 505 sitit te se] se de te N 506 dilecti] om. PM eum] eam PM 508 collatio] amoris add. N
495
500 (160c)
505
510
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Prends garde, parce que l’âme d’un homme vraiment contemplatif, bouillant d’un amour plus que fervent, ne peut se concentrer elle-même, elle reviendra sur elle-même, oublieuse des limites du discernement et de la rationalité. En conséquence, ne pouvant entretenir plus longtemps le petit feu allumé d’un amour plus qu’ardent, elle s’efforce de contraindre les substances qu’on ne peut contraindre, pour que, si elles découvrent quelque part l’ami de son cœur, elles prennent soin de lui faire savoir, ignorant ce qu’elle dirait: «Si, dit-elle, vous trouvez mon bien-aimé, dites-lui que je languis d’amour.» Pourquoi «Si vous trouvez»? Parce que je ne doute pas de trouver celui que j’aime si ardemment. Pourquoi «Dites-lui»? Parce que ne pouvant endurer, je suis forcée de vous interpeller. Pourquoi «Je languis d’amour»? Parce que, brûlante d’amour, j’ai encore soif d’amour. Ô douce passion de l’amour dont plus tu l’éprouves, plus tu as soif; plus tu as soif, plus tu brûles, si bien que se languit toujours de toi en te désirant celle que tu n’abandonnes jamais en l’enflammant! En effet, bien que tu te répandes tellement en celui qui t’aime ainsi, il te désire cependant toujours; il a toujours soif de toi qui le réjouit. C’est donc même chose pour l’épouse que languir de l’amour du bien-aimé et connaître plus agréablement celui qu’elle sent si agréablement, de telle sorte que plus il est avidement et ardemment convoité, plus il est agréablement perçu. Mais, parce que l’octroi, qui dépasse l’esprit, des choses divines suscite l’amour, les substances intellectuelles ellesmêmes lui fournissent matière à entretien. Elles disent en effet: Quel est ton bien-aimé au-dessus de tout bien-aimé, ô la plus belle des femmes? C’est dire: De quelle qualité est le rayon plus qu’aimable qui émane de l’océan plus qu’aimable de la lumière divine, ô la plus pure des âmes?
378
5, 9
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Dubium non est per angelicam inspirationem animam in divinum radium se extendentem et eius amore fragranten talibus actionibus interdum occupari, ut eo nobilius ad ipsius cognitionis experientiam sursumagatur, quo attentius eius deiformitas divina agens negotia de superlucenti radii effluentia eiusque supersplendenti origine interrogatur. Qualis est, inquiunt, dilectus tuus ex dilecto? Ac si dicant: attende diligenter quante sit pulchritudinis radius in te missus et ex supersubstantiali fonte luminis emissas. “Qui emittit, ait, lumen et vadit, vocavit illud et obedivit illi.” “Sed et omnis a Patre mote luminis apparitionis processus”, ut sanctus tradit Dionysius in Angel. hier. I, “ad nos bonitatis dono veniens, rursus sicut unifica virtus suscitative nos adimplet et convertit ad Patris congregantis unitatem et deificam simplicitatem”. Sed quia, dum delectabilis sponse amativa passio per suscitativam interrogationem interrumpitur, ipsa quasi stupefacta redditur et ideo rursus ab eisdem substantiis excitatur:
515
| Qualis est dilectus tuus ex dilecto, quia sic adiurasti nos?
(160d)
520
525
530
Quod est dicere: quam luminosus, quam saporosus est diligibilis radius, o formosissima, quia taliter ut eum inveniremus constrinxisti nos. Siquidem, si eum vidisti, eius scire debes pulchritudinem, 535 si tetigisti eum, ut ipse te, suam experta es dulcedinem. Quomodo enim aliter sic eius amore langueres, nisi eius sentita dulcedine, 523-524 Qui – illi] Bar. 3, 33 cael. hier., I, 7281-4
524-525 Sed – simplicitatem] Ps.-Dion., De
515-516 in divinum] individuum PM 519 superlucenti] superefluenti PM 527 unitatem] veritatem N 530 substantiis] sompniis OPM 533 quia] quoniam N inveniremus] invenires N 536 tetigisti] tu add. PM te] add. in marg. al. manu O 537 eius] om. PM
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Il n’est pas douteux que, se tendant vers le rayon divin sous inspiration angélique et exhalant par amour de lui une odeur agréable, l’âme soit parfois occupée à de telles actions qu’elle est poussée en haut à le connaître expérimentalement d’autant plus noblement que sa déiformité, livrée avec plus d’attention à de divines occupations, est interrogée sur l’épanchement plus que brillant du rayon et sur son origine plus qu’éclatante. «Quel est, disent-ils, ton bienaimé au-dessus de tout bien-aimé?» Comme s’ils disaient: Prête une attention scrupuleuse à la grande beauté du rayon divin envoyé en toi et lancé à partir de la source supersubstantielle de la lumière. «Il envoie, dit-il, la lumière, et elle va; il l’a appelée, et elle lui a obéi», «mais aussi tout le processus de l’apparition de la lumière mue par le Père», comme l’enseigne saint Denys dans la Hiérarchie céleste, ch. I: «Venant à nous par le don de la bonté, en retour comme une vertu unifiante, elle nous remplit en nous élevant et nous tourne vers l’unité et la simplicité déifiques du Père qui rassemble.» Mais, puisque, tandis que la délectable passion amoureuse de l’épouse est interrompue par une stimulante interrogation, elle-même s’étonne pour ainsi dire. C’est pourquoi à nouveau elle est provoquée par ces mêmes substances: Quel est ton bien-aimé au-dessus de tout bien-aimé, puisque tu nous adjures ainsi? C’est dire: Combien lumineux, combien savoureux est le rayon digne d’être aimé, ô la plus belle, que tu nous aies ainsi contraints à le retrouver? Si vraiment tu l’as vu, tu dois savoir sa beauté; si tu l’as touché, comme lui-même t’a touchée, tu as expérimenté sa douceur. En effet, comment autrement languirais-tu ainsi de son amour, si tu es sans expérience de sa douceur? Comment serais-tu remplie
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
quomodo eius virtute et pulchritudine vigeres, nisi ipsius irradiata lumine? Nec enim sine causa tam obnixe nos adiurasses, nisi ab eo occultum aliquid percepisses, propter quod tam sol- 540 licita reddereris. Talibus actionibus excitata sponsa et ad contemplationem divini luminis sursumacta, cernens ipsum, ait:
5, 10
Dilectus meus candidus et rubicundus, electus ex millibus. Id est, superamabiliter illustrans me radius divinus splendidus est et igneus, universis aliis distributionibus preponendus, sicut prelatus. Nam certum est intelligentiam anime boniformis in divina se promoventis habere quidem cognitivum et motivum, per quorum unum circa pulchritudinem, per alterum vero erga bonitatem delectatur. Unde superbonus superlucentis solis radius intelligentiam ad se suspensam totaliter afficere volens et perficere indicibiliter, se ei candidum et rubicundum ostendit, hoc est superardentem et superlucentem et superlucifluum et ignifluum, ut, tam ipsius cognitiva lumine superlucido, quam motiva bonitatis igniculo delectetur | et eorum bona participatione perficiantur. Ait enim beatus Dionysius, in Angel. hier. XV, quod album significat luciforme, rubicundum, igniforme, que duo divinus radius mirabiliter in se uniformiter preaccepit, ita ut nihil aliud sit sua luciditas quam sua igneitas, nec minus igneitas quam luciditas. Profecto hoc est illud quod sanctus Ezechiel asserit se vidisse “splendorem ignis et de igne fulgur egrediens”. In quorum uno beati radii luciditatem, in alio vero ipsius igneitatem expressit; uniformitatem autem et simplicitatem eius, in eo quod tam splendorem quam fulgur ab uno igne dicit emanare. Sed et illud non immerito adiungitur quod ex millibus est electus, quo557 album – igniforme] cf. Ps.-Dion., De cael. hier., XV, 10231 561 splendorem – egrediens] Ez. 1, 13 570-572 Et – puer] Matth. 2, 9 538 eius virtute et] tanta N 545 igneus] igneis N 549 erga] circa PM 559 nec minus igneitas] hom. om. N 564 splendorem] splendor PM
545
550
(161a)
560
565
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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de sa vertu et de sa beauté, sans l’irradiation de sa lumière? De fait, ce n’est pas sans raison que tu nous aurais adjurées obstinément, si tu n’avais pas perçu de lui quelque secret, à cause duquel tu es devenue si agitée. Excitée par de telles actions et poussée en haut à la contemplation de la lumière divine, l’épouse, le voyant luimême, dit: Mon bien-aimé est blanc et rouge, choisi entre mille. C’est-à-dire: Le rayon divin qui m’éclaire de façon plus qu’aimable est splendide et de feu; il doit être mis au-dessus de toutes les autres largesses en tant que préféré. Il est, en effet, certain que l’intelligence de l’âme en bonne forme, qui s’avance vers les choses divines, a un principe cognitif et un principe moteur. Par l’un, elle se réjouit de la beauté, mais, par l’autre, elle se réjouit de la bonté. En conséquence, le rayon plus que bon du soleil plus que brillant, voulant combler totalement et parfaire indiciblement l’intelligence attachée à lui, se montre à elle blanc et rouge, c’est-à-dire plus qu’ardent et plus que brillant, plus que source de lumière et source de feu, afin que tant sa puissance cognitive soit réjoui par la lumière plus que brillante, que sa puissance motrice par la petite flamme de la bonté, et qu’elles deviennent parfaites par la bonne participation de l’une et de l’autre. Le bienheureux Denys dit en effet dans la Hiérarchie angélique, ch. XV, que le blanc signifie ce qui a forme de lumière, et le rouge ce qui a forme de feu. Ces deux choses, le rayon divin les possède d’avance en soi uniformément de façon admirable, de telle sorte que sa clarté ne soit rien d’autre que son ardeur de feu, et celle-ci, non moins que sa clarté. C’est assurément cela que saint Ézéchiel affirme avoir vu: «La splendeur du feu et l’éclair sortant du feu». En l’un, il exprime la clarté du rayon bienheureux; en l’autre, son ardeur de feu. Mais il exprime aussi son uniformité et sa simplicité en ce qu’il dit que tant sa splendeur que son éclat proviennent d’un seul feu. Mais il est aussi ajouté à bon droit qu’il est «choisi entre mille», parce que le rayon divin doit être préféré à toutes
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
niam omnibus aliis distributionibus est preferendus divinus radius, sicut in bonitate et pulchritudine excessivus et sicut preambulativus et manuductivus, tam angelice quam humane deiformitatis ad omnium finem pulchrum et bonum. Hinc est quod bona tradit Theologia: “Et ecce, inquit, stella quam viderant in 570 oriente antecedebat eos, usque dum veniret et staret supra ubi erat puer”. Ubi notare possumus istius deifici radii fontalem luminositatem manuductionem et finalem productionem regalium deiformitatum ad desideratum finem: quibus productis, etiam signanter disparet, quia cum deiformitas Deo unitur “ab omnibus 575 absolvitur, visis et videntibus”, secundum beatum Dionysium, Myst. theol., “sicut intrans ad caliginem ignorantie in qua clauduntur omnes cognitive susceptiones”. Igitur sponsa amore dilecti et radii mirabiliter inflammata, sicut ab ipso deificata, singulas quas 580 potest laudes eius prosequitur, dicens:
5, 11a
| Caput eius aurum optimum.
(161b)
Quod est dicere: principalis et perfecta ipsius illuminationis distributio thesaurus est pretiosissimus, sicut omnia bona secum pariter introducens per saporem et splendorem divine sapientie, que abundanter immutabilis est in omnes bonarum virtu- 585 tum pretiosos habitus et deificos quos infundit. Unde apte subiungitur: 5, 11b
Come eius sicut elate palmarum, nigre quasi corvus. Ac si dicat: illuminationes ab eo emanantes sunt velut abundantes divisiones gratiarum, ignote sicut radius. 590
575-576 ab – videntibus] Ps.-Dion., Myst. theol. I, 5771-3 572-573 luminositatem] esse add. in marg. a. m. O 585 immutabilis est in] immittit et N 590 ignote] ignite PM radius] divinus add. Oac divinus superingnotus add. Opc
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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autres distributions, en tant qu’il les dépasse en bonté et en beauté, et en tant qu’il précède et conduit comme par la main la déiformité, tant angélique qu’humaine, à la fin belle et bonne de toutes choses. De là ce qu’enseigne la bonne Théologie: «Et voilà, ditelle, que l’étoile qu’ils avaient vue en Orient les précédait jusqu’à ce qu’elle vienne au-dessus de l’endroit où l’enfant était et s’y arrêtât.» Ici nous pouvons noter que la luminosité fontale de ce rayon déifique est la conduite comme par la main et l’horizon des royales déiformités. Une fois réalisées ces choses, l’étoile disparaît encore manifestement, car lorsque la déiformité est unie à Dieu, «elle est libre de toutes les choses qui sont vues et qui voient», selon le bienheureux Denys dans la Théologie mystique, ch. I: «en tant qu’elle entre dans la ténèbre de l’ignorance en laquelle sont enfermées toutes les connaissances.» Admirablement enflammée par l’amour du bien-aimé et du rayon en tant que déifiée par lui, l’épouse chante donc chacune des louanges qu’elle peut lui adresser, disant: Sa tête est d’or excellent. C’est dire: La principale et parfaite distribution de son illumination est un trésor très précieux, en tant qu’elle introduit avec elle tous les biens par la splendeur et la saveur de la sagesse divine, qui est largement immuable en tous les habitus précieux et déifiques des bonnes vertus qu’elle infuse. Il est donc justement ajouté: Ses cheveux sont comme de jeunes pousses de palmiers, noirs comme le corbeau. Comme si elle disait: Les illuminations qui sortent de lui sont comme les abondantes répartitions des grâces, ignorées comme un rayon.
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Quid enim aliud sunt thearchice illuminationes nisi quedam largiter effluentes gratiarum distributiones, animam in divinam altitudinem tollentes et in divinum dulcissimum unitionis fructum provehentes? “In luce sagittarum tuarum, ait bonus Habacuc, ibunt in splendore fulgurantis”, etc. Ac si dicat: 595 in luculentia illuminationum tuarum, Domine, proficient sancti tui et in splendore tui rectissimi radii feliciter coruscantis, donec videant Deum deorum et dilectum ex dilecto in Syon benedicta, cuius lucerna est Agnus et calculus supersplendidissimus beatissimus et superdulcissimus Iesus Christus. Bene autem tales illu- 600 minationes nigre sicut corvus esse perhibentur, quoniam ipsarum emanationes et operationes nobis sunt ignote et occulte, sicut superignotus ipsarum radius, cuius adventum et recessum, principium et terminum penitus ignoramus. Quia vero nigredo divinarum illuminationum non est ignorantie, sed potius cogni- 605 tionis operativa, ideo subiungitur: 5, 12
Oculi eius sicut columbe super rivos aquarum, que lacte sunt lote | et resident iuxta fluenta plenissima.
(161c)
Quasi dicat: intelligentie divini radii inspectrices supersimplicissime divinis spectaculis, insistentes candore luminis deal- 610 bate in pinguissimis et delectabilibus sunt pascuis quiescentes. Cum enim divini radii luciditas sit simplicissima, et eo lucidissima quo simplicissima, et quo simplicissima eo lucidissima, quid restat nisi ut intelligentias, quas suo splendore illustraverit, reddat simplicissimas ad intelligendum, sapientissimas 615 ad diaboli insidias deprehendendum, candidissimas ad refulgendum, et quietissimas ad divinorum mysteria contemplandum?
594-595 In – fulgurantis] Hab. 3, 11 591 thearchice] thearchici radii N 593 in divinum] demum N 594 provehentes] promerentes N 599 calculus] dactilus N 602 emanationes] et illuminationes add. PM 613-614 et quo – lucidissima] om. PM 614 intelligentias] intelligas N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Que sont d’autre, en effet, les illuminations théarchiques, sinon certaines distributions qui coulent abondamment des grâces emportant l’âme à la hauteur divine et l’entraînant vers le très doux fruit divin de l’unition? «À la lumière de tes flèches, ils iront», dit le bon Habacuc. Comme s’il disait: Seigneur, tes saints s’avancent dans l’éclat de tes illuminations et dans la splendeur de ton rayon très droit qui étincelle heureusement, jusqu’à ce qu’ils voient le Dieu des dieux et le bien-aimé parmi les bien-aimés en Sion, la bénie, dont la lampe est le Seigneur, et la pierre, le plus que très brillant, très bienheureux et plus que très doux Jésus-Christ. Mais ces illuminations sont bien dites noires comme le corbeau, car leurs émanations et leurs opérations nous sont ignorées et cachées, ainsi que le rayon plus qu’ignoré dont nous ignorons totalement la venue et le retrait, le commencement et la fin. Mais, parce que la noirceur des illuminations divines n’est pas celle de l’ignorance, mais plutôt produit de la connaissance, il est ajouté: Ses yeux sont comme des yeux de colombes sur les rives des eaux, colombes qui sont baignées dans le lait et se tiennent près des fleuves très pleins. Comme si elle disait: Les intelligences qui scrutent de façon plus que très simple le rayon divin, s’attachant aux spectacles divins, blanchies par l’éclatante blancheur de la lumière, se reposent en de très gras et délectables pâturages. Parce qu’en effet la clarté du rayon divin est très simple et d’autant plus très claire qu’elle est très simple, et d’autant plus très simple qu’elle est très claire, que reste-t-il, sinon qu’il rende les intelligences, qu’il aura éclairées de sa splendeur, très simples pour connaître, très sages pour découvrir les embûches du diable, très éclatantes pour resplendir, et très paisibles pour contempler les mystères des choses divines? En effet, de ce que ses yeux sont com-
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Nam, in eo quod oculis columbe comparantur, ipsarum intentiones et affectiones simplicissime demonstrantur, quas in perfusione radii susceperunt qui, secundum beatum Dionysium, De div. nom. IV, unificat omnia quibus unitur secundum eius simplificativam virtutem. Sicut enim ignorantie est unita segregare, sic intelligibilis radii dispersa congregare et unire ad simplificativam Dei unitatem. In eo vero quod subditur: “super rivos aquarum”, earum intelligentiarum simplicium sapientia innuitur, que per continuam suspensionem in divina spectacula edocentur et inspiciunt, ubi nisi insidiantis astutie deprehendantur et declinentur. Siquidem, ut ait a Deo illuminatus, “frustra iacitur rete ante oculos pennatorum”, hoc est ante eos qui illuminati sunt et oculati per illuminativam cognitionem, pennati vero per amativam affectionem, que per divinorum spectaculorum considerationem continuam possidentur. Puto autem non esse ab re quod huiusmodi intelligentie lote dicuntur lacte, quia videlicet quo fuerint simpliciores, tanto dulciori et candidiori radio dealbantur. Unde traditur in Eccl. hier. II: “Luciformes vestes ei qui perficitur | imponuntur”. Per quod non immerito significatur obscurum quidem intelligentie candidissimo et divinissimo lumine adimpleri et informe ipsius deiformibus dealbari pulchritudinibus. Quid vero est quod iuxta fluenta plenissima residere perhibentur, nisi quia deiformes intelligentie circa delectabiles et suaves mysteriorum intelligentias negotiose semper otiantur ipsorumque profunda scrutantes et abscondita, producentes in lucem. Ne
620-622 qui – virtutem] Cf. Ps.-Dion., De div. nom., IV, 176-177 623-624 frustra – pennatorum] Prov. 1, 17 635-636 Luciformes – imponuntur] Ps.Dion., De eccl. hier., II, 11581-2 619-620 in perfusione] per infusionem M 620 qui] quod N 624 unitatem] veritatem N 626 que] om. N suspensionem] inspectionem N 626-627 edocentur et inspiciunt] om. et add. in marg. O 627 nisi] om. N nisus P nisi enim sperwer vulgo dicitur add. in m. a.m. Opc 627-628 deprehendantur et declinentur] om. N 629 rete] recte N illuminati] om. N
620
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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parés aux yeux de colombes sont manifestées les intentions et les affections très simples reçues dans le bain du rayon, qui, d’après le bienheureux Denys dans les Noms divins, ch. IV, «unifie toutes choses auxquelles il est uni selon sa vertu simplifiante.» De même, en effet, qu’il revient à l’ignorance de séparer ce qui est uni, il revient au rayon intelligible de rassembler et d’unir ce qui est dispersé, en vue de l’unité simplificatrice de Dieu. Ce qui est ajouté: «Sur les rives des eaux» suggère la sagesse de ces intelligences simples, instruites par leur continuelle attention aux spectacles divins, regardant où seraient découvertes et évitées les ruses de l’épervier à l’affût. En effet, comme le dit l’illuminé de Dieu: «L’on jette en vain le filet devant les yeux de ceux qui ont des ailes», c’est-à-dire devant ceux qui sont illuminés et éclairés par la connaissance illuminative, qui ont des ailes par l’affection aimante, qui sont possédés par la considération continuelle des spectacles divins. Mais, je pense, ce n’est pas sans raison que de telles intelligences sont dites baignées dans le lait, car il est clair qu’autant elles auront été plus simples, autant elles étaient blanchies par le rayon plus doux et plus brillant. Il est donc dit, dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. II: «À celui qui est devenu parfait on remet des vêtements en forme de lumière.» Par quoi il est signifié justement que l’obscurité de l’intelligence est remplie par la lumière très éclatante et très divine, et que ce qu’elle a d’informe est blanchi par ses beautés déiformes. Mais que signifie qu’on les dise se tenir près des fleuves très remplis, si ce n’est qu’occupées aux délectables et douces connaissances des mystères, scrutant leurs profondeurs et amenant à la lumière ce qu’elles ont de caché, les intelligences déiformes sont
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
autem qualitatem et modum istarum luculentarum productionum valeat animus ignorare, ideo subinfertur: 5, 13a
Gene illius sicut areole aromatum, consite a pigmentariis.
645
Quod est dicere: pudice et reverentes divinorum mysteriorum sunt intelligentie velut quedam productiones bene olentium irradiationum hierarchice immisse ab angelis. Nam cum profunda humiliter et reverenter sublima perscrutantur, inde fit ut pudice et reverentes intelligentie hauri- 650 antur quibus quasi nitentibus quibusdam genis deiformis anime facies decoratur. Bene autem hee gene areolis aromatum consitis a pigmentariis assimilari dicuntur, quoniam ambiguum non est eas servare naturam bene fragrantium illuminationum divinarum a quibus fragrantes et optime olentes emanaverunt per angelo- 655 rum bene instructorum pigmentariorum hierarchicam operationem. An non vides quoniam sanctus ille Zacharias ab angelo est hierarchice edoctus de occultis, sic vir desideriorum Daniel gabrielica lingua instructus, sic Iohannes fragrantissimis aromatibus pigmentariis est imbutus? | Hinc etiam est quod per di- (162a) vinum dicitur Dionysium, in Angel. hier. IX, formatarum, ab angelis scilicet, visionum manifestationes sanctis viris Danieli et Ioseph, per angelos esse revelatas. Sed quid est ab angelis visiones formari et eas iterum explicare, nisi areolas aromatum a pigmentariis consiti et eas denuo pigmentare? Quia vero de vir- 665 tute istarum intelligentiarum posset quis dubitare, ideo subsequenter adiungitur:
657-658 sanctus – occultis] Luc. 1, 19 658-659 vir – instructus] Dan. 2123 659-660 Iohannes – imbutus] I Ioh. 1, 20 et 27 656-663 formatarum – revelatas] Cf. Ps.-Dion., De cael. hier., IX, 910-911 644 animus] aliquis N add.
655 optime] bene PM
659 Iohannes] petasus
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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toujours en repos? Pour que, cependant, l’esprit ne puisse ignorer la qualité et le mode de ces lumineuses productions, il est ajouté: Ses joues sont comme des parterres d’aromates plantés par des parfumeurs. C’est dire: Les chastes et respectueuses connaissances des mystères divins sont comme certaines productions d’irradiations de bonne odeur hiérarchiquement envoyées par les anges. Lorsqu’en effet les profondeurs sublimes sont scrutées avec humilité et révérence, il arrive que soient perçues de chastes et respectueuses connaissances, qui, pour ainsi dire, ornent de joues brillantes la face de l’âme déiforme. Mais, raisonnablement, ces joues sont dites semblables aux parterres des aromates plantés par des parfumeurs, car il n’est pas douteux qu’elles gardent la nature des illuminations divines de bonne odeur dont elles sont issues, répandant une bonne odeur et parfaitement odorantes, grâce à l’opération hiérarchique des anges parfumeurs bien disposés. Ne voistu pas que ce saint Zacharie fut hiérarchiquement instruit par un ange de choses cachées, que l’homme de désir, Daniel, est instruit par la parole de Gabriel, qu’ainsi Jean est, par des parfumeurs, rempli d’aromates qui sentent très bon? De là vient également ce que dit le divin Denys dans la Hiérarchie angélique, ch. IX: «Que les manifestations des visions composées par les anges sont par eux révélées aux saints hommes, Daniel et Joseph.» Mais que signifient les visions composées par les anges et ensuite expliquées, sinon que les parterres d’aromates sont plantés par les parfumeurs, et les parfument à nouveau? Mais, parce que l’on pourrait douter de la vertu de ces connaissances, il est tout de suite ajouté:
390 5, 13a
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Labia eius distillantia myrrham primam. Arcanorum divinorum revelationes signum preferunt puritatis virtutem ex se sapientificam emittentis. Siquidem divina sapientia, que de ore distillare perhibetur, “Dei virtutis vapor est et emanatio quedam claritatis Omnipotentis sincera, in qua nihil inquinatum incurrit; candor enim est lucis eterne et speculum sine macula”. Ad cuius inspectionem necessarii sunt oculi columbini. Pulchre igitur per labia dilecti accipi possunt divine sapientie pulchrifice revelationes, que sicut ex fonte candidissime liliato emanant, sic et purissimum in quod infundantur alveolum requirunt. Unde cuicumque dilecti labia aperiuntur signant eum bone indolis et immense esse puritatis, et ideo in eo myrrha prima iugiter distillatur a labiis dilecti fluens. Hec est virtus quedam sapientifica, sive illuminatio, nunquam deficiens, quoniam inextinguibile est lumen eius in se, nobis vero extinguibilis, si tamen nos prius eum per sui contrarii admissionem extinxerimus. Ipsius enim natura est indesinenter et semper amplius elucere in animam in qua fuerit distillatum, si non vanitatis vento, aut aliquo ipsi contrario, ipsum nobis extinguamus. Myrrhe igitur prime distillatio divine sapientie indesinens est illuminatio, | que paulatim fluit ex beatorum dilecti labiorum apertione et ex secreta divinorum revelatione. Quales autem et cuius efficacie sint iste illuminative revelationes, subditur:
672-674 Dei – macula] Sap. 7, 25-26 670 emittentis] emittentes N om. N 683 prius] om. PN et ex secreta] vel exsecrata N ipsorum PM
671 que de ore distillare] fore N 672 est] 687 nobis] non ipsum ipsi add. N 689 divinorum] vere add. PM 697 ipsarum]
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675
680
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(162b)
690
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
391
Ses lèvres distillent la myrrhe la meilleure. C’est dire: Les révélations des secrets divins fournissent le signe de la pureté de celui qui émet une vertu, qui, par elle-même, rend sage. Si vraiment la sagesse divine, qui est dite découler goutte à goutte de la bouche, est «le souffle de la puissance de Dieu» et une certaine émanation pure de la clarté du Tout-puissant en laquelle ne tombe rien de souillé — elle est, en effet, le resplendissement et l’image sans tache de la lumière éternelle — pour la regarder des yeux de colombe sont nécessaires. À merveille, par lèvres du bienaimé peuvent donc être comprises les révélations, sources de beauté, de la sagesse divine; de même qu’elles sortent de la liliale fontaine très brillante, de même aussi elles requièrent une petite cavité très pure en laquelle elles seraient répandues. En conséquence, les lèvres du bien-aimé sont ouvertes à quiconque, elles signifient son bon naturel et son être d’immense pureté; c’est pourquoi la myrrhe la meilleure est en lui continuellement distillée, coulant des lèvres du bien-aimé. Elle est une certaine vertu ou illumination qui rend sage, qui ne fait jamais défaut, parce que sa lumière est en ellemême inextinguible, alors qu’elle peut être éteinte en nous, si toutefois nous ne l’avons pas éteinte auparavant en admettant son contraire. Sa nature est, en effet, de briller sans relâche et toujours davantage dans l’âme en laquelle elle aura été distillée, si nous ne l’éteignons pas en nous par le vent de la vanité ou par quelque chose qui lui est contraire. La distillation de la myrrhe la meilleure est donc l’incessante illumination de la sagesse divine, qui coule peu à peu des bienheureuses lèvres du bien-aimé qui s’ouvrent, et de la secrète révélation des choses divines. Mais quelles sont ces révélations illuminatrices, et quelle est leur efficacité? Il est ajouté:
392 5, 14a
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Manus illius tornatiles, auree plene hyacinthis. Quod est dicere: bonum operantes illuminationes divine sunt proportionatissime, fulgentissime et divinorum intellectibus adimplete. Si diligenter hoc advertimus, quatuor hic notantur circa revelationes divinas: ipsarum videlicet operatio, proportio, refulgentia et adimpletio. Primum quidem, scilicet operatio, quietis est acquisitiva, quando finis et intensio mentalium operationum quies est, in qua dispersa omnia congregantur et lassa reficiuntur. “Modicum, ait a Deo inspiratus, laboravi et inveni mihi multam requiem”. Secundum autem, videlicet proportio, operationum est modificativa, ita ut, non altius, nec latius se extendant, nec rursus ad inferius, aut strictius prolabantur, nisi inquantum earum tornator et modificator, divinus radius, inspiraverit faciendum. Hinc est quod arcanorum ille contemplator beatus Iohannes asserit angelum, qui secum loquebatur, habere “arundinem auream, ut metiretur civitatem et portas et murum Ierusalem”, per quod non incongrue divinus radius intelligitur, qui totaliter deiformis anime est modificativus et modificator et mensurator doctissimus, adeo quod altitudo visionis non excedit latitudinem amoris, nec rursus hec longitudinem extensionis ad ipsum. Immo, per omnia sunt equalia, ut idem ait, longitudo, latitudo et altitudo; nam quantum extenderis, tantum intenderis, quantum vero succenderis, tantum vides, quoniam claritas et altitudo visionis consistit in virtute et intensione amoris. Bene igitur manus dilecti tornatiles esse dicuntur, quoniam ipsius operationes in mentem optime sunt proportionate. Tertium autem, hoc est refulgentia, est luminis diffusiva et omnis tenebrositatis expulsiva, sicut ipsi
701-702 Modicum – requiem] Eccli 51, 35 Apoc. 21, 15
708-709 arundinem – Ierusalem]
700 lassa] lapsa N 703 non] nec s.l. a.m. O 704 inferius] infimius N infimos PM 709 totaliter] totalis Opc a.m. 712 ipsum] vel ipsum ad ipsam N 715 vides] videris PM 717 mentem] mente PM
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
393
Ses mains sont faites au tour; elles sont d’or et remplies d’hyacinthes. C’est dire: Les illuminations divines qui font le bien sont très proportionnées, très éclatantes et remplies de perceptions des choses divines. Si nous y faisons scrupuleusement attention, quatre choses sont ici désignées qui concernent les révélations divines, à savoir leur opération, leur proportion, leur éclat et leur accomplissement. La première, certes, à savoir l’opération, procure le repos quand la fin et la tension des opérations de l’esprit est le repos en lequel est réuni tout ce qui est dispersé, et refait tout ce qui est fatigué. «J’ai peu travaillé, dit l’inspiré de Dieu, et j’ai trouvé pour moi un grand repos.» Mais la seconde, à savoir la proportion, règle les opérations de telle sorte qu’elles se déploient ni plus haut, ni plus loin, ni, inversement, ne tombent au-dessous ou se rétrécissent, si ce n’est dans la mesure où celui qui les tourne et les règle, à savoir le rayon divin, aura inspiré de le faire. En conséquence, ce contemplateur des secrets, le bienheureux Jean, assure que l’ange qui s’entretenait avec lui avait «un roseau d’or pour mesurer la cité, les portes et le mur de Jérusalem»; par quoi l’on entend, comme il convient, le rayon divin qui, très docte, règle et mesure entièrement l’âme déiforme, à tel point que la hauteur de la vision ne dépasse pas la latitude de l’amour, ni, à l’inverse, celle-ci la longueur de l’extension vers lui. Bien plus, comme le dit le même Jean, la longueur, la largeur et la hauteur sont en tout égales, car autant tu seras étendu, autant tu seras tendu, mais autant tu auras été enflammé, autant tu auras vu la clarté et la hauteur de la vision se tenant en la vertu et l’intensité de l’amour. Les mains du bienaimé sont donc dites faites au tour, car ses opérations sont en l’esprit parfaitement proportionnées. La troisième, c’est-à-dire l’éclat, diffuse la lumière et chasse toute obscurité en tant qu’elle lui est
394
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
contraria et circa ipsam | tota virtute erecta, donec anima totaliter fuerit ab ipsa, aut potius ab ipsius effectu, ignorantia repurgata et splendore divine luculentie deaurata. Tunc enim dilecti nostri manus auree merito perhibentur, quando omnes mentis operationes, sive operationis mentalis revelationes, divino lumine perlustrantur. Sole namque supersplendente in clypeos aureos, hoc est in intelligentias deiformes, tunc etiam ipsi montes, id est alte mentis operationes, incipiunt refulgere ipsius solaris luminis munere. Quartum vero, videlicet adimpletio, divinorum intellectuum est manifestativa, dum ait: plene hyacinthis. Siquidem, cum anima ad divinum radium mentalibus operationibus exercetur, divinorum intellectibus adimpletur quasi quibusdam hyacinthis, qui sic ab eodem radio perfunduntur sua radiosa illuminatione, quemadmodum pannus subtilissimus cum lapidi, qui hyacinthus dicitur, fuerit appositus intigitur ceruleo splendidoque colore. Huius autem virtus quedam admirabilis est, ut sanctus quidam theologus ait quod in sereno tempore perspicuus et gratus est nubilo vero coram oculis evanescit. In quo divini radii munditia intelligitur, qui solum mundis intellectibus elucescit, impuris vero penitus tenebrescit, aut evanescit, nullam sibi delectationem inferens, sed potius lesionem, ut sanctus ait Dionysius, in Eccl. hier. VII: “Ledentur enim, inquit, immunde ipsis participantes, et ad maiorem divinorum et sui ipsorum venient contemptum”. Ac si dicat: qui tempore nubilose conscientie conturbatis oculis querunt fieri in participatione divinorum ad tantam subiectionem devenient, ut non solum divina appetere contempnant sed et seipsos totaliter negligant. Quia vero 725-728 Sole – munere] I Macch. 6, 39 736-737 in – evanescit] Isid. Hisp., Etym., I, 9, éd. PL 82, 574BC 741-743 Ledentur – contemptum] Ps.-Dion., De eccl. hier., VII, 14332-3 724 operationis mentalis] operationes mentales N 725 aureos] refulgente add. N 728 luminis munere] muneris lumine N 730-731 operationibus] operibus PM 733-734 cum lapidi] flore N 734 fuerit appositus] om. N 736 theologus] scilicet Isidorus in libro Etymologiarum] add. in marg. a. manu O 739 aut evanescit] om. PM
(162c)
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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contraire et dressée de toutes ses forces contre elle, jusqu’à ce que l’âme soit totalement purifiée de l’ignorance elle-même ou plutôt de son effet, et dorée de l’éclat de l’élégante lumière divine. Alors, en effet, les mains de notre bien-aimé sont dites d’or à bon droit, quand toutes les opérations de l’esprit ou révélations de l’opération mentale sont entièrement purifiées par la lumière divine. De fait, quand le soleil brille d’en haut sur les boucliers d’or, c’est-à-dire sur les intelligences déiformes, alors aussi les montagnes ellesmêmes, c’est-à-dire les hautes opérations de l’esprit, commencent à briller sous l’action de la lumière même du soleil. La quatrième, à savoir l’accomplissement, montre les intellections divines, lorsqu’elle dit «pleines d’hyacinthes». En effet, quand l’âme est tenue en haleine, en direction du rayon divin, par les opérations de l’esprit, elle est remplie de perceptions des choses divines, comme d’hyacinthes, qui sont versées par l’illumination étincelante du même rayon, à la façon dont une étoffe très fine placée sur la pierre appelée hyacinthe est imprégnée d’une splendide couleur bleue. Sa vertu est admirable; comme le dit un saint théologien: «par temps clair, elle est diaphane et agréable, mais, par temps sombre, elle disparaît aux yeux.» On comprend en cela la pureté du rayon divin, qui brille seulement pour les intellects purs, mais qui s’obscurcit ou s’évanouit totalement pour les impurs, ne leur apportant aucune joie, mais plutôt blessure, ainsi que le dit saint Denys dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. VII: «Ils seraient, en effet, blessés ceux qui y participeraient indignement, et ils en viendraient à un mépris plus grand des choses divines et d’eux-mêmes.» Comme s’il disait: Ceux qui, au temps de la conscience obscurcie, cherchent, les yeux troubles, à participer les choses divines en viennent à une si grande sujétion que, non seulement ils tiennent pour négligeable de désirer les choses divines, mais se négligent eux-mêmes. Mais,
396
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
dubitari posset ubi ea que per manus dilecti, hoc est per divinas operationes, acquiruntur, reponantur, ideo subinfertur:
5, 14b
Venter eius eburneus, distinctus saphiris. | Quasi dicat: deiformis anime intelligentia nutrimentorum divinorum receptaculum castissima et mundissima variis viribus est adornata. Attende quoniam, sicut inter cetera corporis membra nullum mollius, aut tenerius, est ventre, ita nulla inter vires anime aptior est cultui pietatis intelligentia, non tam in agendo et operando pie divina quam etiam fortiter et potenter patiendo ipsa et recipiendo. Sed ideo talis venter eburneus dicitur, quia, sicut munda capit, ita et munde et castissime retinet, non in se habens quod dissimilitudinem aliquam representet, sed potius omnem similitudinem et deiformitatem preferat et commendet, diversis distinctus saphiris, hoc est quibusdam pretiosis viribus perornatus, videlicet appetitiva boni, que splendet ex concupiscibili, cognitiva veri, que rutilat ex rationali, quasi ex pretiosissimis aliquibus saphireis lapidibus, qui omnes ex se celestinum emittent colorem et splendorem, dum preter divina nihil aliud intendunt, aut in ipsa intelligentia efficiunt. Aliter etiam divinorum capax et cultrix intelligentia castissima dici potest distincta saphiris. Cum enim ipsa totaliter divino cultui dedicata est et intenta diversimodis obiectis spectaculis et splendoribus delectatur castissime et oblectatur; quod recte est ventrem eburneum variis distingui saphiris. Sed quoniam, quanto plenius et pulchrius est vas intelligentie, tanto firmiori et pulchriori indiget sustentamento, propterea adiungitur:
754 inter] ceteras add. N 758 retinet non] nihil N 763 rutilat ex rationali] et reiectiva contrarii que lucet ex irascibili add. N 764 celestinum] celestem PM 765 preter] post N 772 tanto] in add. N
(162d)
755
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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parce que l’on pourrait douter de l’endroit où sont mises en réserve les choses acquises par les mains du bien-aimé, c’est-à-dire par les opérations divines, il est ajouté: Son ventre est d’ivoire, orné de saphirs. Comme si elle disait: L’intelligence très chaste et très pure de l’âme déiforme, réceptacle des nourritures divines, est ornée de diverses forces. Note-le: de même qu’entre les autres membres du corps nul n’est plus mou ou plus tendre que le ventre, de même aucune des forces de l’âme n’est plus apte à la pratique de la piété que l’intelligence, non pas tant en agissant et en œuvrant pieusement les choses divines, qu’en les subissant aussi, fortement et puissamment et en les recevant. Mais un tel ventre est dit d’ivoire, parce que, de même qu’il reçoit les choses pures, de même aussi il les retient purement et très chastement, n’ayant pas en soi de représenter quelque dissemblance, mais plutôt de manifester et de faire éclater toute ressemblance et déiformité; «orné de divers saphirs» c’est-à-dire très orné de certaines forces précieuses; à savoir de la force qui désire le bien — elle brille du côté du concupiscible —, de la force qui connaît le vrai — elle brille du côté du raisonnable —, comme de quelques pierres de saphirs très précieux qui toutes émettent par elles-mêmes couleur et éclat célestes, pourvu qu’elles ne cherchent ou réalisent en l’intelligence elle-même rien d’autre que les choses divines. On peut dire autrement que l’intelligence très chaste, capable des choses divines et les honorant, est ornée de saphirs. Quand, en effet, elle-même est entièrement consacrée et appliquée au culte divin, elle se réjouit très chastement des spectacles et des splendeurs qui lui sont divinement présentés, et elle est charmée. C’est cela que signifie fort bien «ventre d’ivoire orné de saphirs variés.» Mais, parce que le vase de l’intelligence a d’autant plus besoin d’un support plus solide et plus beau qu’il est plus rempli et plus beau, il est ajouté:
398 5, 15a
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Crura illius columne marmoree, que fundate sunt super bases argenteas. Quod est dicere: gemine divine affectiones anime circa pulchrum et bonum rectissime sunt et firmissime stabilite | super motivam et cognitivam potentias boniformes. Nulli mirandum est si quod de dilecto dicitur sponse attribuitur, quoniam non est aliud sponsam taliter dilectum suum describendo laudare quam ipsius gloriosos effectus in seipsa memoranda verbis quibus potest explicare. Unde ait: crura illius columne marmoree, per hoc significans geminam virtutem, videlicet affectionem et cognitionem circa pulchrum et bonum, que vere marmoree intelligentie receptive divinorum sunt fortissimum sustentamentum, quod per assimilationem ad columnas marmoreas explicatur. Nam, dum anima munere dilecti sui erga summum bonum afficitur per amorem et circa summe pulchrum delectatur per cognitionem, rectissima sicut columna in Deum tendendo et solidissime velut marmor in ipso persistendo efficitur. Ac per hoc profectuum intellectualium intelligentia perceptibilis fortiter sustentatur ne ad inferiora prolabatur. Pulchre autem tales virtutes super bases argenteas fundate describuntur, quia proculdubio amor super affectum, et cognitio super intellectum stabilitur, sicut super potentias boniformes ex quibus totaliter anima pulchrificatur. Unde apte subiungitur:
5, 15b
Species eius ut Libani, electus ut cedri. Ac si dicat: id est divini radii amor cognitivus et cognitio amativa, sive calor splendens et splendor calens amplitudine et
780 effectus] affectus OP seipsa] seipso M 781 explicare] explicando N 782 et cognitionem] om. N 783 vere marmoree] ventris eburnei sive N 783-784 receptive] bonorum add. PM 784 divinorum] om. O 787 delectatur] oblectatur N 789 profectuum] profectivum O proventuum N
775 (163a)
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Ses jambes sont des colonnes de marbre solidement établies sur des bases d’argent. C’est dire: Les deux affections divines de l’âme concernant le beau et le bien sont établies très purement et très fermement sur les puissances, de bonne forme, motrice et cognitive. Nul ne doit s’étonner, si ce qui est dit du bien-aimé est attribué à l’épouse, car ce sont même chose: l’épouse loue son bien-aimé en le décrivant, fait mémoire de ses effets glorieux sur elle-même à l’aide des mots par lesquels elle peut expliquer. Elle dit donc: «Ses jambes sont des colonnes de marbre», signifiant par là la double vertu, à savoir l’affection et la connaissance du beau et du bien qui, vraiment de marbre, soutiennent très fortement l’intelligence qui reçoit ce qui vient de Dieu; ce qui est expliqué par l’assimilation de ces vertus à des colonnes de marbre. Alors, en effet, que, par le don de son bien-aimé, l’âme est affectée à l’égard du bien suprême par l’amour et suprêmement réjouie par la connaissance en ce qui concerne le beau, elle devient très droite comme une colonne en tendant vers Dieu, et très solide comme le marbre en demeurant en lui; et, à cause de cela, l’intelligence qui peut percevoir les progrès spirituels est fortement soutenue pour ne pas descendre vers les choses inférieures. De telles vertus sont décrites à merveille comme solidement établies sur des bases d’argent, car, sans nul doute, l’amour prend appui sur l’affectus, et la connaissance sur l’intellectus, comme sur des puissances de bonne forme qui embellissent totalement l’âme. Il est donc ajouté, ainsi qu’il convient: Son aspect est comme celui du Liban; il est remarquable comme celui du cèdre. Comme si elle disait: C’est-à-dire, l’amour cognitif et la connaissance amoureuse ou la chaleur qui resplendit et l’éclat qui réchauffe du rayon divin sont remarquables par la dimension, la hauteur et
400
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
altitudine ac fructuum nobilitate est insignis, ut Libanus, pulchritudine et fortitudine et odore prepollens, ut cedrus. Quid enim amplius, quid altius, quidve fructuosius divini radii splendore incalescente et calore resplendente? Per ipsum enim anima sive intelligentia in quam refulserit, dilatatum ad amorem, sublimatur ad cognitionem, fecundatur ad | divinorum fructuum productionem. Queris qui sunt illi fructus: utique strenuitas morum, puritas affectionum, subtilitas intellectuum, desideriorum sanctitas, meritorum dignitas, premiorum sublimitas. Merito ergo species divini radii monti Libano comparatur qui, tam amplitudine quam altitudine et nobilitate arborum, est ornatus. Rursus, quid divino radio pulchrius, fortius, aut etiam odore suavius, invenitur? Siquidem, per eius pulchritudinem, tam celestia quam terrestria illuminari valentia perlustrantur. Per eius virtutem universa intellectualia deificantur, per eius fragrantiam queque ad olfaciendum habilia suavificantur, et hoc est quod ait: electus ut cedri. Etenim hec arbor valde pulchra, fortis et odorifera esse fertur. Sic igitur sponsa dilectum suum tam excellenter commendante et ipso eam in se profundius attrahente, ait sponsa: 5, 16a
800
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Guttur eius suavissimum, et totus desiderabilis. Ac si dicat: secreta et intima superamabilis radii experi- 820 entia et degustatio predulcissima est et, ut breviter me expediam, totaliter propter se et secundum se est sitiendus. Libet autem hic querere quare sponsa laudem gutturis aliis omnibus postponit presertim, cum ipsa a superioribus membris incipiens ad inferiora descenderit. Ad hoc dicere possumus, salva 825 melioris intellectus reverentia, quoniam ad hoc ipsius gutturis preconium postposuit, ut per hoc significaret omnem anime
817 commendante] commendat N 818 attrahente] ad se trahente PM 821 predulcissima] suavissima M 824 postponit] preposuerit N 825 incipiens] recipiens OpcPM 826 ad] ob N 827 preconium] om. N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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l’excellence des fruits; comme le Liban et comme le cèdre, ils l’emportent en beauté, en force et en odeur. En effet, quoi de plus ample, de plus noble ou de plus fructueux que l’éclat qui réchauffe et la chaleur qui resplendit du rayon divin? Par lui, en effet, l’âme ou l’intelligence en laquelle il aura brillé est ouverte à l’amour, élevée à la connaissance, fécondée pour produire des fruits divins. Tu cherches quels sont ces fruits? Certainement: le zèle des mœurs, la pureté des affections, la subtilité des connaissances, la sainteté des désirs, la dignité des mérites, la sublimité des récompenses. À bon droit, l’aspect du rayon divin est donc comparé au mont Liban qu’ornent tant la grandeur que la hauteur et la noblesse des arbres. De plus, que trouve-t-on de plus beau, de plus robuste ou même de plus délectable odeur que le rayon divin? Si vraiment les choses célestes et terrestres qui peuvent être illuminées sont parcourues par sa beauté, toutes les choses intellectuelles sont déifiées par sa vertu, par son parfum toutes choses qui peuvent être senties sont dotées d’une odeur agréable. Et c’est cela qu’elle dit: «remarquable comme l’aspect du cèdre.» On dit, en effet, que cet arbre est très beau, très robuste et très odoriférant. Faisant ainsi valoir si excellemment son bien-aimé et luimême l’attirant plus profondément en soi, l’épouse dit donc: Sa gorge est très délectable, et il est tout entier désirable. Comme si elle disait: L’expérience secrète et intime du rayon plus qu’aimable et sa dégustation sont d’extrême douceur, et, pour m’exprimer brièvement, on doit avoir soif de lui tout entier à cause de lui-même et selon lui-même. Mais il plaît de chercher ici pourquoi l’épouse situe, après toutes les autres, la louange de la gorge, alors surtout qu’elle-même, commençant par les membres supérieurs, est descendue jusqu’aux inférieurs. À cela nous pouvons répondre — sauf le respect dû à une compréhension meilleure — qu’elle a situé après les autres la louange de la gorge pour signifier par là que tout le travail et tous les exercices de l’âme sont «en sa bouche», selon ce que dit la
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
laborem et exercitia esse “in ore eius”, iuxta Theologie sententiam, hoc est finem universe sue mentalis operationis esse veram experientie cognitionem, que per suavitatem gutturis figuratur. 830 Quanto vero interior et secretior fuerit cognitio, tanto utique dulcior et suavior, et quo amplius intima et secretissima, eo suavissima et dulcissima. Sed quare hoc? Quia videlicet ubi est anime | maior intentio, ibi maior sensus et quanta totalius intendit, (163c) suavius sentit, nam virtus ad seipsam congregata fortioris virtutis 835 esse dicitur quam dispersa. Unde et congrue sponsa, suavissime et secretissime degustationi radii totaliter intenta, eum totum et totaliter desiderabilem dicit, sicut propter se et secundum se totum et totaliter diligibilem. Neque enim aliud est totaliter desiderabile, nisi quod totum est et totaliter amabile. Divinus 840 autem radius totaliter est amabilis et superamabilis, igitur totus desiderabilis, et hoc est quod subdit sponsa:
5, 16b
Talis est dilectus meus et ipse est amicus meus, filie Ierusalem. Quasi dicat: tam desiderabilis, tam superamabilis est divinus radius quem in tantum diligo, ut etiam more amice car- 845 naliter diligam in simili faciendi exemplum vobis relinquens, anime visioni pacifice mancipate. Puto enim non esse ab re quod tam sollerter, postquam ait sponsa: dilectus meus, intulit: et ipse est amicus meus. Nam, ut asserit sanctus Dionysius, De div. nom. IV, “divinius esse nomen 850 amoris quam dilectionis”. Sancti quidam patres tradiderunt amplius. Unde et “divinum Ignatium fert dixisse: amor meus crucifixus est”. Illi quidem igitur apponere volens sponsa rei quod dixerat: dilectus meus, addidit: et iste est amicus meus. Sed quid 828 in ore eius] Eccle 6, 7 IV, 2084-2091
850-853 divinius – est] Ps.-Dion., De div. nom.,
828 exercitia] exercitium N 834 intentio] attentio N 846 in simili] et similiter N idem PM 852 amplius] ideo autem divinius quia ponitur add. N 854 dilectus meus] om. PM 855 nisi] ut add. N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Théologie, c’est-à-dire que la fin de toute son opération spirituelle est la vraie connaissance expérimentale figurée par la douceur de la gorge. Mais, en vérité, plus la connaissance aura été plus intime et secrète, plus aussi elle aura été plus douce et plus agréable; et plus elle aura été intime et très secrète, plus elle aura été très agréable et très douce. Mais pourquoi cela? Parce que là où la tension de l’âme est plus grande, là est plus grand le sentiment; et plus elle se tend totalement, plus elle sent agréablement, car la vertu, concentrée sur elle-même, est dite plus forte que la vertu dispersée. En conséquence et ainsi qu’il convient, l’épouse totalement appliquée à la dégustation très douce et très secrète du rayon le dit tout et totalement désirable, en tant qu’il est aimable à cause de lui-même, selon tout lui-même et totalement. En effet, être totalement désirable n’est pas autre chose qu’être tout et totalement aimable. Mais le rayon est totalement aimable et plus qu’aimable; il est donc tout désirable, et c’est cela que l’épouse ajoute: Tel est mon bien-aimé, et lui-même est mon ami, filles de Jérusalem. Comme si elle disait: Le rayon divin est si désirable, tellement plus qu’aimable, que je l’aimerai aussi charnellement à la façon d’une bien-aimée, vous laissant l’exemple pour que vous agissiez de même, ô âmes vouées à la vision pacifique. En effet, il n’est pas, je pense, inopportun qu’ayant dit de façon si pénétrante: «Mon bien-aimé», l’épouse ajoute: «Et lui-même est mon ami». De fait; comme l’affirme saint Denys dans les Noms divins, ch. IV: «Le nom d’amour est plus divin que celui de dilection»; certains Pères en ont dit davantage. Il rapporte donc que le divin Ignace a dit: «Mon amour est crucifié.» Voulant ajouter à ce qu’elle avait dit: «Mon bien-aimé», l’épouse a dit: «Et celuici est mon ami». Mais que sera-ce? Voici: de même qu’elle se
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
erit illud, nisi sicut cum se mentaliter, ita etiam et carnaliter diligere ostendat? Hoc sane est illud quod aiebat Psalmus: “Sitivit, inquit, in te anima, Domine, quam multipliciter tibi caro mea”. Ac si dicat: si tam sitibunde perfectionem suam anima desiderat, que aliqualiter in presenti sentit consolationes divinas, quomodo non multiplicius caro desiderat et ardentius anhelet, que totaliter miserie est addicta? Dicat ergo secura sponsa nostra: | talis est dilectus meus, id est quem mentaliter diligo, et ipse est amicus meus, quia eum carnaliter amo. Quomodo enim aliter illud dominicum preceptum adimplebitur: “Diliges Dominum Deum tuum ex toto corde tuo”, hoc est ex toto continente, “ex tota anima”, hoc est ex toto contento, et “ex tota mente”, hoc est toto supercontento? Scimus autem quoniam totum cor carneum est, a quo procedit omnis motus, et tota anima spiritualis est, a qua fluit omnis sensus, et tota mens supereminens, a qua emanat omnis usus. Quid ergo sibi vult ista triplex totalitas, nisi quia secundum omnem motum, sive vim vegetabilem, secundum omnem sensum, sive vim sensibilem et secundum omnem rationem, sive vim rationabilem, diligendus est et amandus dilectus? Talis dilectionis et amoris optat fieri emulatrices sponsa adolescentulas dum ait: talis est dilectus meus et ipse est amicus meus, filie Ierusalem, quasi diceretur: taliter diligendus et taliter amandus et superdiligibilis et superamabilis sponsus meus, superdulcissimus Crucifixus.
857-858 Sitivit – mea] Ps. 62, 2
864-867 Diliges – mente] Luc. 10, 27
860 et] ad eum add. N 863 eum] etiam add. O 864 illud] om. O 866-866 continente – toto] om. M 871 quia secundum omnem] quod sermonem N
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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montre l’aimer spirituellement, elle se montre l’aimer charnellement. Certes, c’est cela que disait le psaume: «Mon âme a soif de toi, Seigneur; combien fréquemment ma chair a eu soif de toi.» Comme s’il disait: Si l’âme qui présentement sent de quelque manière les consolations divines est tellement assoiffée de sa propre perfection, comment la chair qui est entièrement condamnée à la misère ne désirerait-elle pas plus fréquemment et n’aspirerait-elle pas plus ardemment? Que, tranquille, notre épouse dise donc: «Tel est mon bien-aimé», c’est-à-dire celui que j’aime spirituellement, «et lui-même est mon ami», parce que je l’aime aussi charnellement. En effet, comment ce précepte du Seigneur sera-t-il accompli: «Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur», c’està-dire de tout ce qui contient, «de toute ton âme», c’est à dire de tout le contenu, «et de tout ton esprit», c’est-à-dire de tout ce qui dépasse le contenu? Mais nous savons qu’est de chair tout le cœur de qui procède tout mouvement, et que toute l’âme est spirituelle de qui découle tout sentiment, et que tout l’esprit (mens) de qui émane toute expérience est suréminent. Que veut donc dire cette triple totalité, sinon que, selon tout mouvement, ou force végétative, selon tout sens ou force sensible, et selon toute raison ou force rationnelle, le bien-aimé doit être honoré et aimé? L’épouse souhaite que les jeunes filles deviennent les émules d’une telle dilection et d’un tel amour, quand elle dit: «Tel est mon bien-aimé et lui-même est mon ami, filles de Jérusalem», comme s’il était dit: ainsi doit être estimé et aimé mon époux plus qu’estimable et plus qu’aimable, le plus que très doux Crucifié.
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
CAPITULUM SEXTUM Tam nimie bonitatis et pulchritudinis et tam supereximie dilectum esse audientes anime divinorum exercitiorum inexpertes ab anima deiformi, que tam bonitatis eius participio quam pulchritudinis est ditata, quibusdam scintillis amoris accenduntur, 5 scire cupientes ubinam sit, vel inveniri possit, de quo talia predicantur. Aut magis, celestium substantiarum contemplativam animam alloquentium potest esse interrogatio | non dubitation- (164a) is causa mota, sed potius excitandi amoris gratia proposita; nam 10 dicunt: 5, 17
Quo abiit dilectus tuus, etc. Quasi dicant: ostende nobis locum quo divinus properavit radius ad refulgendum, a quo sic meruisti pulchrificari, quo declinavit ad manendum, ut a nobis valeat associari. Cuius ad tam mirabilem questionem non elevetur cor, non 15 excitetur amor? Si de hac questione dubitat sponsa, cogitare super eo est iocundissimum, ad quod sequitur cordis elevatio. Si autem in promptu habet respondere, est suavissimum, ex quo amoris provenit excitatio. Dicas igitur, quo abiit ut refulgeat, quo declinavit ut maneat, si angelice societatis optas potiri solacio? Nec enim 20 sine causa aliquo abiret, sive claritatis sue luminositatem dirigeret, nisi locus foret amenissimus. Rursus, nec alicubi inde declinaret, id est permanentem et perseverantem sui splendoris refulgentiam tribueret, nisi status esset decentissimus et in omni virtute fecundissimus. Unde et tam instanter interrogatur, ut tanti meriti et vir- 25 tutis locum edoceat ad quem dilectus ire voluerit et in quo declinare decreverit. Sponsa itaque, ne tantorum comitum felici societate privetur, aut ipsi sue petitionis repulsam patiantur, ait:
VI, Tit. Theoria sexti N Capitulum VI PM 2 nimie] immense N tam supereximie] om. N 4 participio] participa N participatione M 12 ostende] dic N 14 valeat] valeas N 15 mirabilem] et superadmirabilem add. N 16 si de hac questione] si enim de hoc N 23 et] perseverantem add. et expunct. O
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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CHAPITRE VI Apprenant de l’âme déiforme, enrichie de la participation de sa bonté et de sa beauté, que le bien-aimé est d’une bonté et d’une beauté grandes et tellement surexcellentes, les âmes inexpertes dans les exercices divins sont enflammées de certaines étincelles d’amour et désirent savoir où se trouve, où peut être découvert celui de qui de telles choses sont dites. Ou plutôt, l’interrogation peut être celle des substances célestes qui s’adressent à l’âme contemplative, non parce qu’il y a doute, mais plutôt pour éveiller l’amour. Elles disent en effet: Où est allé ton bien-aimé? etc. Comme si elles disaient: Montre-nous le lieu où le rayon divin, par qui tu as ainsi mérité de devenir belle, s’est hâté de briller, où il s’est éloigné pour demeurer, afin que nous puissions nous associer à lui. Après une si admirable question, le cœur ne serait-il pas élevé, l’amour ne serait-il pas excité? Si l’épouse est dans le doute sur cette question, réfléchir sur ce à quoi fait suite l’élévation du cœur est très agréable; mais, s’il est à sa portée de répondre, il est très doux de réfléchir sur ce dont provient l’excitation de l’amour. Tu dirais donc: «Où est-il allé» pour qu’il brille; «de quel côté s’est-il éloigné» pour qu’il demeure, si tu souhaites jouir de la consolation de la société angélique? Il ne s’en irait pas, en effet, quelque part sans raison, ou il ne dirigerait pas la clarté de sa lumière, si le lieu n’était pas très agréable. Inversement, à partir de là, il ne se serait pas dirigé quelque part, c’est-à-dire il n’aurait pas réparti l’éclat permanent et persévérant de sa splendeur, si le lieu n’était pas très beau et très fécond en toute vertu. En conséquence, elle est également interrogée si instamment qu’elle montre le lieu d’un si grand mérite et d’une si grande vertu vers lequel le bien-aimé voudrait aller et dans lequel il déciderait de se diriger. Pour n’être pas privée de l’heureuse société de tant de compagnons ou pour que ceuxci ne souffrent pas de l’insuccès de leur demande, l’épouse dit donc:
408 6, 1
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Dilectus meus descendit in hortum suum ad areolam aromatum, ut pas30 catur in hortis et lilia colligat. Ac si diceret: predulcissimus mihi supersplendentis eterni solis radius animam suo deditam cultui boniformiter visitavit et in cherub mentis beneolentium fragrantiarum | divinarum contentivum visitandi gratia declinavit, ut in sanctis virtutum habitibus delectetur et earum actus purissimos in bonitatis sue sinu recondat et remuneret. Hic namque prudenter advertendum est et omni amore amplectendum quod, sicut omnis divine providentie fluxus in animam suo munere descendens divine predicat bonitatis humilitatem, sic nostre humilis rationabilitatis commendat sublimitatem. Unde enim ipse descendit, nos ascendimus: dilectus, inquit, meus descendit in hortum suum. O quanta dilecti humilitas ad tam infimum quid descendendo, quanta horti sublimitas in tam nobile quid suscipiendo. Quis autem est iste dilectus descendens, nisi superamabilis radius a superinfinito divine claritatis pelago emanans? Rursus, quis est iste hortus, nisi pia mens in divino cultu continue se exercens? Nihil ergo aliud est dilectum in hortum suum descendere quam divine bonitatis fluxum in animam theoricis actionibus deditam emanare, tanto utique copiosius, quanto agit sive operatur studiosius et ferventius. Hinc est quod summe operans ille et nunquam quiescens a theoriis suis supermentalibus ardentissimus Seraphim dilecti sui muneribus copiosius repletur, sicut habetur ex Angel. hier. XIII: “Primus, ait, sanctorum angelorum ornatus magis habet universis incensivam proprietatem et effusivam thearchice sapientie traditionem et cognitivum supreme divinarum illuminationum scientie et Thronorum proprietatem apertam Deum recipiendi opportuniVI, 53-58 Primus – significantem] Ps.-Dion., De cael. hier., XIII, 9582-9591 32-33 et in – beneolentium] superolentium N 33 beneolentium] benevolentium PM 33-34 contentivum] Cherub add. N 34 in] om. O 42 suum] aromatum PM 44 in] om. N 45 superamabilis] superamabilius PM divine] om. O 49 deditam] om. PM 51 summe] semper N
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Mon bien-aimé est descendu dans son jardin vers le parterre des aromates pour se nourrir dans les jardins et cueillir des lis. Comme si elle disait: Le rayon plus que très doux pour moi du soleil éternel plus que brillant a visité de façon salutaire l’âme dédiée à son culte, et, pour la visiter, il s’est dirigé vers le chérubin de l’esprit, chérubin qui contient les suaves odeurs divines qui sentent bon, afin d’être charmé par les saints habitus des vertus et de tenir cachés leurs actes très purs dans le sein de sa bonté et de les récompenser. En effet, il faut ici remarquer avec prudence et comprendre avec un amour total que, de même que tout le flux de la providence divine descendant en l’âme par son bienfait signifie l’humilité de la bonté divine, elle fait valoir de même la sublimité de notre humble rationalité. Nous montons, en effet, d’où lui-même est descendu: «Mon bien-aimé, dit-elle, est descendu dans son jardin.» Ô combien grande est l’humilité du bien-aimé qui descend en quelque chose de si infime, combien grande la sublimité du jardin qui reçoit quelque chose d’aussi noble! Mais, quel est ce bienaimé qui descend, sinon le rayon plus qu’aimable émanant de l’océan plus qu’infini de la clarté divine? D’autre part, quel est ce jardin, sinon l’esprit pieux se livrant continuellement au culte divin? La descente du bien-aimé en son jardin n’est donc rien d’autre que l’émanation du flux de la bonté divine en l’âme appliquée aux actions théoriques, certes d’autant plus abondamment qu’elle agit ou opère avec plus de zèle et de ferveur. Celui qui agit au plus haut degré et ne se repose jamais de ses théories supramentales, à savoir le très ardent séraphin, est donc rempli plus abondamment des dons de son bien-aimé, comme on le déduit de ce qui est dit dans la Hiérarchie céleste, ch. XIII: «Le premier ordre des saints anges, dit-il, possède plus que les autres la propriété d’embraser et celle de répandre la sagesse théarchique, ainsi que celle de connaître la science suprême des illuminations divines, et celle, ouverte, des trônes signifiant la facilité de recevoir Dieu.» Avec raison donc,
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tatem significantem”. Merito ergo pre omnibus et plus omnibus participant, quia plus omnibus ex superagente in ipsis amore circa divina se excitant. Non autem simpliciter dictum est dilectum in hortum suum descendisse, sed additum est: ad areolam aromatum, quasi omnibus aliis horti locis iste excellentior sit et delectabilior et fecundior. Quis vero divina expertorum dubitet nostre mentis cherub sive deiformitatem altiorem sedem in anima obtinere | beneolentibus suavitatibus fragrare, et motus et actus puriores producere? huc itaque congrue descendere perhibetur, quia quo sublimior et perfectior est dilectus, eo altioribus per puritatem et suavioribus per amorem et fecundioribus per operationem locis delectatur. Talis autem est angelice sive humane mentis cherub, nam et a materialibus est remotius, unde et altioris puritatis, et quo altioris eo Deo propinquius, ac per hoc amore fragrantius et in actionibus studiosius. Sicut enim puritatis est elevare, sic amoris aromatizare et operationes augmentare, quoniam ignis totaliter est activus. Restat ergo videre que fuerit causa descensionis dilecti in hortum suum ad areolam aromatum: ut pascatur, inquit, in hortum et lilia colligat. Hec profecto causa extitit et intentio. Sed quid, queso, est dilectum in hortis depasci et lilia colligere, nisi in sanctarum virtutum divino splendore virentibus habitibus delectari et earum actus liliatos in omniscientis sapientie sue gremio singulariter recondere, ut tanto remuneret gloriosius, quo collegit amplius? Videat tamen quisque ne fiat dilectus in se ipso, sicut racemos colligens, non botros vindemians, sicut urticarum sumens folia, non carpens lilia. Nam quanta et qualis fuerit meritorum collectio, talis et tanta est premiorum remuneratio, qualis in modo vivendi, tanta in intentione fruendi. Igitur sponsa pie contubernalium suarum petitioni satisfaciente et quasi non in suum, sed in alterius hortum dilectus
58-59 et – superagente] pre omnibus participet quod et omnes participant quia fortius ex semper agente N 67 sublimior] fragrantior add. N 69 autem] lucus add. N 71 quo altioris eo] purius sive altius N 74 causa] in marg. alt. m. O 77 et] hec N
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ils participent avant tous et plus que tous, parce que plus que tous, à cause de l’amour qui est en eux plus agissant, ils s’enflamment pour les choses divines. Mais il n’est pas dit simplement que le bien-aimé est descendu dans son jardin; il est ajouté: «Vers le parterre des aromates», comme si, de tous les autres endroits du jardin, celui-ci était le plus remarquable, le plus délectable et le plus fertile. Parmi ceux qui éprouvèrent les choses divines, qui donc douterait que le chérubin de notre esprit ou sa déiformité occupe en l’âme une haute place, qu’il répande des parfums suaves et de bonne odeur et qu’il produise des mouvements et des actes plus purs? Il convient donc de dire qu’il descend là, parce que, plus le bien-aimé est élevé et parfait, plus il est charmé par les lieux plus élevés par la pureté, plus délectables par l’amour, plus féconds par l’opération. Tel est le chérubin de l’esprit angélique ou humain, car, plus il est éloigné des choses matérielles, plus, de ce fait, sa pureté est élevée; et plus celle-ci est élevée, plus il est proche de Dieu, et, à cause de cela, plus il est de bonne odeur par l’amour et plus zélé dans les actions. De même, en effet, qu’il revient à la pureté d’élever, il revient à l’amour de dégager du parfum et d’accroître les opérations, le feu étant totalement actif. Il reste donc à voir pourquoi le bien-aimé est «descendu dans son jardin vers le parterre des aromates». «Pour être nourri, dit-il, dans les jardins et cueillir des lis.» Cette cause et ce projet existent, en effet. Mais je demande ce que signifie pour le bien-aimé être nourri dans les jardins et cueillir des lis, sinon être charmé par les habitus, brillants de splendeur divine, des saintes vertus, et recueillir un à un dans le sein de la sagesse omnisciente leurs actes liliaux pour les récompenser d’autant plus glorieusement qu’il en recueille davantage. Cependant, que chacun veille à ce que le bien-aimé ne devienne pas en lui-même comme celui qui recueille des grappes et ne vendange pas de raisin, comme celui qui prend des feuilles d’orties et ne cueille pas des lis. En effet, la récompense des mérites correspond en quantité et qualité à l’intensité de la fruition correspondant en quantité et qualité au mode de vie. Répondant donc à la pieuse demande de ses compagnons et suggérant, pour ainsi dire, que le bien-aimé n’est pas descendu dans son jardin, mais dans celui
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
descenderit innuente, ne hoc ille credant seipsam illum fore hortum consequenter ostendit. Ait enim: 6, 2
Ego dilecto meo et dilectus meus mihi, qui pascitur inter lilia. Quasi dicat: ego meipsam dignissimam superamabili habitationem exhibui et ipse mihi sue beatissime presentie | fruitionem elargitur, qui tantum inter motus purissimos et actus gloriosissimos delectatur. Si queratur a me, et bene quidem, quare, si hoc totum sponsa dicere voluerit, cur totum non expresserit, congruenter dicere possumus cor illius, dum hec fari vult, deliciis dilecti esse occupatum. Unde quod perfecte non valuit, se implere voluisse explicuit. Ego, inquit, dilecto meo; quasi diceret: hortum irriguum et areolam aromatum in meipsa preparavi ex virtutum abundantia et amoris fragrantia. Vide quoniam, sicut ex virtutum productionibus et dilectionibus hortus dilecti fit irriguus, sic ex amoris redolentia areola spargitur aromatica ad quam frequenter descendit dilectus et declinat. Unde et ipsius supersuavissimum descensum et superdulcissimum declinium sponsa nequiens exprimere, verbis utitur imperfectis, putans nullius latere intelligentiam quod intro sentit per experientiam. Nam subditur: et dilectus meus mihi. Puto quia nunc dilectum tuum inter horti tui lilia depascentem attentissime contemplaris et inenarrabilibus deliciis occuparis, et idcirco tantum ore dimidio memoriam abundantie suavitatis tue nobis eructuas, eius plenitudinem exprimere non valens. O suavis dulcedo et dulcis suavitas, sic superamabilis et superlucentis divini radii iocundari aspectibus, deliciari haustibus, frui dulcedinibus, visitari influitionibus, licet ad hoc ipsum exprimendum nullatenus sufficiat intellectus, ad quod
83 urticarum] viticarum N 91 superamabili] modo add. N mihi add. PM 93 qui] et add. N in add. PM 98-99 Unde – explicuit] om. M 100 preparavi] quomodo add. N 102 dilectionibus] delectationibus N 108 mihi] qui pascitur inter lilia numquid secretum tuum tibi, o sponsa; quid est hoc quod ais: et dilectus meus add. N Puto] puta PM tuum] suum M 109 tui] sui M 114 licet] ut N 115 intellectus] om. N
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d’un autre, de peur que celui-ci ne la croie être ce jardin, elle le montre par la suite. Elle dit en effet: Je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé, qui se nourrit au milieu des lis, est à moi. Comme si elle disait: Je me suis montrée moi-même comme une habitation très digne pour le plus qu’aimable, et lui-même, qui se plaît tellement au milieu des mouvements très purs et des actes très glorieux, m’a fait jouir très largement de sa présence très bienheureuse. Si l’on me demande – et certes à bon droit – pourquoi, voulant dire tout cela, l’épouse ne l’a pas dit, nous pouvons affirmer, ainsi qu’il convient, que, tandis qu’elle veut le dire, son cœur est rempli des délices du bien-aimé. Elle a donc expliqué qu’elle a voulu réaliser ce qu’elle n’a pas pu faire parfaitement: «Moi, dit-elle, je suis à mon bien-aimé». Comme si elle disait: J’ai préparé en moimême un jardin irrigué et un parterre d’aromates grâce à l’abondance des vertus et à la bonne odeur de l’amour. Vois que, de même que le jardin du bien-aimé est irrigué par les productions et les dilections des vertus, ainsi l’odeur qu’exhale l’amour arrose le parterre aromatique vers lequel le bien-aimé descend fréquemment et vers lequel il se dirige. Ne pouvant dire sa descente plus que très délectable et son plus que très agréable éloignement, l’épouse se sert donc de termes imparfaits, estimant ne pas cacher le sens de rien de ce qu’elle expérimente intérieurement. Il est, en effet, ajouté: «Et mon bien-aimé est à moi». Je pense que tu contemples maintenant très attentivement ton bien-aimé qui se nourrit parmi les lis de ton jardin, et que tu es remplie d’inénarrables délices; pour cela tu nous dis à mi-voix le souvenir de l’abondance de ta douceur, n’en pouvant exprimer sa plénitude. Ô suave douceur et douce suavité qu’être ainsi réjoui par les apparitions du plus qu’aimable et plus que brillant rayon divin, d’être abreuvé de ses délices, de jouir de ses douceurs, d’être visité par ce qu’il répand, quoique l’intellectus ne suffise absolument pas à exprimer cela même que,
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tamen sentiendum et amplectendum promptissimus et aptissimus est affectus. Dilectus itaque ad sponsam conversus cernensque ipsam divina pulchritudine redimitam et harmonia angelica insignitam, ait ad ipsam: 6, 3
Quam pulchra es, amica mea, suavis et decora sic|ut Ierusalem, terribilis ut castrorum acies ordinata. Quasi dicat: valde admirabilis tue pulchritudinis refulgentia, que mei amoris est cuspide vulnerata, valde delectabilis tue suavitatis decor et decora suavitas, sicut contemplationi quietissime predotata et superadmirabilis formidinis ad instar hierarchia angelice ordinata. Sciendum quippe est quod omnis deiformis anime pulchritudo inde refulget unde ipsa anima ex amore ardet. Nam ex virtute amoris pendet omnis splendor pulchritudinis. Si ergo cupis per pulchritudinem refulgere, prius ut studeas oportet per amorem ardere. Hinc est quod dilectus ait ad sponsam suam: quam pulchra as, amica mea. Ac si dicat: nisi amica fores, pulchra non esses. Nunc vero quia mihi per amorem ardentissimum copularis, admirabili pulchritudine perlustraris, dum per omnia disciplinis celestibus te informas et angelicis motibus te conformas, tanto nobilius, quanto suavius disposita interius. Post pulchritudinem namque amoris additur suavitas dulcoris: suavis, inquit, et decora, sicut Ierusalem. Unde suavis? ex decore; unde decora? ex suavitate; unde suavis simul et decora? ex Ierosolima, sive pacifica contemplatione. Siquidem, dum nostre mentis intelligentia quietissime et pacifice celestium contemplationi, sive speculationi, intenta est et totaliter dedita, suavificando decoratur et decorando suavificatur ex perceptione et infusione divinorum radiorum, quorum suavitas est inestimabilis et decor incomparabilis. Sapiunt enim naturam sui a quo emanant fontalis luminis quod dulce et suave est ad gustandum decorum et delectabile ad videndum. 125 predotata] dedicata N formidinis] quia N 129 per pulchritudinem] pulchritudine PM 134-135 disciplinis] discipulis N 135 motibus] moribus N
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cependant, l’affectus est très prompt et très apte à sentir et à comprendre. Tourné vers l’épouse et la voyant ornée de la beauté divine et rendue remarquable par l’harmonieuse disposition angélique, le bien-aimé lui dit donc: Que tu es belle, mon amie, douce et parée comme Jérusalem, terrible comme l’armée ordonnée des camps. Comme s’il disait: Très admirable est l’éclat de ta beauté blessée par le dard de mon amour, très délectables l’éclat de ta suavité et ton éclatante suavité, dotée à l’avance pour la très apaisante contemplation et réglée à la façon de la hiérarchie angélique qui inspire une crainte plus qu’admirable. Il faut, certes, savoir que toute la beauté de l’âme déiforme tire son éclat de l’amour dont l’âme elle-même brûle. En effet, toute la splendeur de la beauté est suspendue à la vertu de l’amour. Si donc tu désires briller par la beauté, il faut que d’abord tu t’attaches à brûler d’amour. L’époux dit donc à son épouse: «Que tu es belle, mon amie!» Comme s’il disait: Si tu n’étais pas amie, tu ne serais pas belle; mais, parce que maintenant tu m’es unie d’un amour très ardent, tu es éclairée d’une admirable beauté, tandis que, sous tous les rapports, tu t’instruis par les disciplines angéliques et te conformes aux mouvements angéliques, intérieurement disposée d’autant plus noblement que plus suavement. Après la beauté de l’amour est ajoutée, en effet, la suavité de la douceur: «Douce, dit-il, et parée comme Jérusalem.» D’où tire-t-elle sa douceur? De la beauté. D’où tire-t-elle sa beauté? De la douceur. D’où tire-telle à la fois sa douceur et sa beauté? De la contemplation jérosolimite ou pacifiante. Si vraiment, tant que l’intelligence de notre esprit est appliquée et livrée entièrement à la contemplation ou à la spéculation très paisible et très pacifiante des choses célestes, elle est parée en adoucissant et adoucie en ornant, en raison de la perception et de l’infusion des rayons divins dont la douceur est inestimable et l’éclat incomparable. On sait, en effet, la nature de sa lumière fontale d’où émanent ce qui est doux et agréable à goûter, ce qui est orné et agréable à voir. Une telle épouse peut donc
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Merito igitur talis sponsa dici potest terribilis ut castrorum acies ordinata, id est ad similitudinem hierarchiarum angelicarum pulchre | disposita, que talibus ac tantis muneribus est dotata. Nam cum prima et summa hierarchia que tribus illis terribilibus angelorum ordinibus est distincta, Seraphim, Cherubim et Thronis, participat deiformis anima amoris semper mobilis incentivo, supreme donationis luminis communicativo et Dei nobilissima susceptivo. Cum media vero, que dominativis, roborativis et potestativis spiritibus est ornata, participat libertatem ab omni indebita subiectione, inseparabilem unionem ex forti ad Deum conversione et inconfusam ordinationem ex divine bonitatis illuminatione. Cum tertia autem et infima, qua ex Principatuum Archangelorum et Angelorum boniformibus substantiis decoratur, participat sponsa nostra sursumactionis inferiorum ducativam, thearchicarum nudationum revelativam et sanctorum intellectuum instructivam virtutem. Vere igitur terribilis aspectu et quam admirabilis est dicenda que sic omnium supercelestium castrorum et angelicarum hierarchiarum virtutibus et donis est dotata, non tam ex ipsorum ordinatione malignis spiritibus timorem incutiens quam bonis letitie et amoris et admirationis materiam excitans. Unde enim sancti angeli letantur, de deiformis anime hierarchica dispositione admirantur, inde mali tristantur et tremebundi efficiuntur. Quomodo ergo merito favere non debeant, dum ipsam cernunt sic per amorem ardere, sic per sapientiam refulgere, sic per divinam in se presentiam eminere? Aut quomodo non eis terribilis videatur quam vident ab omni pedestri subiectione absolutam, Deo virtuosissime counitam et in singulis boniformiter et deifice ordinatam? Rursus, qualiter eius aspectum non refugiant quam conspiciunt sursumactione tam utiliter
148 id est] sive N 150 terribilibus] et add. PM 153-154 nobilissima] nobilissimo N 155 libertatem] libertate N 156 inseparabilem unionem] inseparabili unione N 156 forti] fortitudine O 158 Principatuum] principativorum OPM 166 et amoris] om. N 167 de] et O 168 hierarchica dispositione] hierarchicam dispositionem O 175 conspiciunt] inferiorum add. N
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être dite avec raison «terrible comme l’armée ordonnée des camps», c’est-à-dire bellement disposée à la ressemblance des hiérarchies angéliques, elle qui a de telles et si grandes fonctions. En effet, avec la première et suprême hiérarchie, divisée en ces trois ordres terribles des anges, séraphins, chérubins et trônes, l’âme déiforme participe à l’ordre brûlant de l’amour toujours en mouvement, à celui qui accompagne le don suprême de la lumière, à celui qui reçoit Dieu de la plus noble façon. Avec la hiérarchie médiane, ornée des esprits de domination, de vertu et de puissance, elle participe la liberté à l’égard de toute soumission indue, l’union inséparable résultant d’une forte conversion vers Dieu et l’ordination sans confusion vers Dieu en raison de l’illumination de la bonté de Dieu. Avec la troisième et dernière, ornée des substances de bonne forme, principautés, archanges et anges, notre épouse participe la vertu qui dirige comme par la main les inférieurs vers ce qui est en haut, celle qui manifeste les révélations théarchiques mises à nu, celle qui instruit les intellects saints. Il faut donc dire, en vérité, terrible d’aspect et combien admirable celle qui est dotée ainsi des vertus et des dons de tous les camps supracélestes et des hiérarchies angéliques, non pas tant qu’elle terrorise par leurs dispositions les esprits malins, qu’elle prête aux bons un sujet de joie, d’amour et d’admiration. Car, ce qui fait que les saints anges se réjouissent de la disposition hiérarchique de l’âme déiforme et l’admirent, fait que les mauvais s’attristent en tremblant. Comment donc ne devraientils pas, à bon droit, l’applaudir, alors qu’ils la voient ainsi brûler d’amour, resplendir de sagesse, exceller par la présence divine en elle? Ou bien, comment ne leur paraîtrait-elle pas terrible celle qu’ils voient libérée de toute sujétion terrestre, très puissamment unie à Dieu, chacune disposée selon une forme bonne et de façon déifique? En outre, comment ne fuiraient-ils pas le regard de celle qu’ils voient dominer si avantageusement par son élévation, être ornée de certains dons très cachés et très secrets, instruite des réa-
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principari, quibusdam arcanissimis et secretissimis illustrari et divinorum altissimis intellectibus informari? Talia igitur et tam eximia de sponsa sua referente dilecto, ac per hoc ipsa amore | eius (165c) accensa, ad ipsius altissimam contemplationem se ultra quam 180 necesse sit fortiter elevante, ait dilectus: 6, 4a
Averte oculos tuos a me, quia ipsi me avolare fecerunt. Quod est dicere: virtutes tuas contemplativas ab irreverenti mee maiestatis scrutinio comprime, quoniam ipse maioris mee avolationis causa exstiterunt. Plerumque etenim contingit Dei dilectam animam ob nimium amoris excessum et familiarem quamdam sui superamabilis dilecti experientiam plus sapere quam oportet et, dum de ipsius privata amicitia confidens, ad altiorem divinorum secretorum contemplationem quam conveniat, aut sibi datum sit, se extendit, fit ut quam ante suaviter et fortiter amplectabatur per humilem amorem, nunc altius a se avolare fecerit per supervacuam perscrutationem. Quod tamen eidem facile remittitur, quoniam non ex presumptione inducente, sed potius ex amoris calido superfervente hoc eam egisse constat. Hinc est quod ipsa tam cito et tam dulciter ab ipso eodem dilecto queri offendit ad humilitatis formam reducitur et de causa propter quam se elongaverit instruitur. Averte, inquit, oculos tuos a me, quoniam ipsi me avolare fecerunt, ac si dicat: quia non maliciose moveris, sed simplicitate tollens, ideo es suaviter reducenda, non graviter punienda. Nam, ut a sancto traditur Dionysio ad Demophilum: “Doceri, non puniri, convenit ignorantes, sicut et cecos non punimus, sed manuducimus”. Notare ergo potes quoniam idcirco divine bonitatis suavitas et supersplendentis ipsius radii claritas electis
200-202 Doceri – manuducimus] Ps.-Dion., Ep. VIII ad Demoph., 15524-15531 182-183 irreverenti] reverenti OPM 183 mee] mei PM quemdam O 189 sit] sic M 190 fit] sic P om. M ab ea N
186 quamdam] 191 a se] ad se
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lités divines par de très hautes connaissances? Énonçant sur son épouse de telles et si grandes choses, elle-même étant, à cause de cela, enflammée d’amour pour lui et s’élevant avec force au-delà de ce qui est nécessaire à sa très haute contemplation, le bienaimé dit donc: Détourne de moi tes yeux, car ils m’ont fait me retirer précipitamment. C’est dire: Retiens tes vertus contemplatives d’examiner irrévérencieusement ma majesté, parce qu’elles-mêmes sont cause de mon plus grand retrait. Il arrive ordinairement, en effet, qu’à cause d’un trop grand excès d’amour et d’une certaine expérience intime de son plus qu’aimable bien-aimé, l’âme bien-aimée de Dieu s’estime plus qu’il ne convient, et, comptant alors sur sa particulière amitié, se tend vers une contemplation des secrets divins plus haute qu’il ne conviendrait ou qu’il ne lui est donné. Il en résulte qu’elle aura fait maintenant se retirer au-dessus d’elle-même, par une investigation plus que vaine, celui qu’auparavant elle étreignait avec douceur et force par un humble amour. Cela toutefois lui est aisément pardonné, car il est évident qu’elle l’a fait, non par fallacieuse présomption, mais plutôt en raison de la chaleur plus que fervente de l’amour. Elle-même est donc aussi vite et aussi doucement ramenée à la règle de l’humilité par ce même bien-aimé qu’elle a offensé, et elle est instruite de la cause pour laquelle il se serait retiré. «Détourne de moi tes yeux», dit-il, «car eux-mêmes m’ont fait me retirer». Comme s’il disait: Parce que tu n’as pas été poussée malicieusement, mais parce que tu as été soulevée par naïveté, tu dois être ramenée doucement, et non gravement punie. En effet, ainsi qu’il est enseigné par saint Denys à Démophile: «Il convient que les ignorants soient instruits et non punis, de même que nous ne punissons pas les aveugles, mais les conduisons par la main». Tu peux donc noter que, pour cette raison, la douceur de la bonté divine et la clarté plus que brillante du rayon lui-même sont parfois cachées
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
interdum occultatur et elongatur, quia aut tepidius queritur, aut irreverentius perscrutatur. Quod utique cum magna diligentia est cavendum ne nobis id Evangelii proponi contingat: “An oculus | tuus nequam est, quia ego bonus sum”, mei ipsius tibi presentiam exhibendo. Numquid non alibi clamat beata Theologia: “Ne oculos nostros erigamus ad opes quas querere non possumus, alioquin faciunt sibi pennas et evolabunt in celum”? Sed quid est sibi pennas facere et in celum avolare, nisi eo altius eas a nobis elongari quo indiscretius ad eas optinendas nostri speculativi oculi eriguntur? “Itaque revereamur ea qua occulta sunt Dei”, iuxta beati Dionysii consilium, ”et ea intellectualibus et invisibilibus in cognitionibus honoremus”, ne inde contingat nostros intellectuales oculos obscurari unde illuminari debuerunt. Nam, si secundum eius divinam sententiam, occultum quod super nos est silentio est venerandum, quanto magis ipsum quod reseratum est animo reverandum? Ne ergo sponsa, propter quod sibi dictum est, crederet desistendum ab altis mentalibus actionibus, ideo ait:
6, 4b
205 (165d)
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Capilli tui sicut grex caprarum que apparuerunt de Galaad. Ac si dicat: tue subtilissime mentis actiones assimilantur multitudini intelligentiarum sursumactivarum, que ex multis sacre Scripture mysteriis refulserunt. Vide quoniam in mentalibus theoriis non prohibetur sub- 225 tilitas, aut altitudo, dum tamen humilitas sit in agenda et reverentia servetur in scrutando. Alias enim periculum est ne actio
206-207 An – suum] Matth. 20, 15 209-210 Ne – celum] Prov. 23, 5 213 Itaque – honoremus] Ps.-Dion., De eccl. hier., I, 10724-10731 207 est] irreverenter et indiscreta divina contemplando add. N tibi] suavissimam add. N 215 cognitionibus] incognitionibus O 218-219 ipsum – animo] est scrutinio N
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aux élus et éloignées d’eux, car, ou bien elles sont recherchées avec plus de tiédeur, ou bien elles sont scrutées avec moins de respect. Certes, il faut être grandement attentif à ce qu’il n’arrive pas que nous soit mis sous les yeux ce verset de l’Évangile: «Ton œil estil mauvais, parce que je suis bon» en me rendant présent à toi? Ailleurs la bienheureuse Théologie ne dit-elle pas: «Ne dressons pas nos yeux vers les richesses que nous ne pouvons pas chercher; autrement elles se font des ailes, et elles s’envoleront vers le ciel.» Mais qu’est-ce donc se faire des ailes et s’envoler vers le ciel, sinon qu’elles s’éloignent de nous d’autant plus haut que nos yeux contemplatifs sont appliqués avec plus d’indiscrétion à les posséder? C’est pourquoi nous révérons les choses cachées de Dieu selon le conseil du bienheureux Denys et nous les honorons par des connaissances intellectuelles et invisibles, de peur qu’il n’arrive à nos yeux intellectuels d’être obscurcis par cela même à partir de quoi ils ont dû être illuminés. Si, en effet, selon la pensée divine, le caché qui nous dépasse doit être honoré par le silence, combien plus doit être révéré par l’esprit ce qui est dévoilé. Pour qu’en raison de ce qui lui est dit l’épouse ne croie pas devoir renoncer aux hautes actions de l’esprit, il ajoute donc: Tes cheveux sont comme un troupeau de chèvres qui ont apparu de Galaad. Comme s’il disait: Les très subtiles actions de ton esprit ressemblent à la multitude des connaissances qui surélèvent et qui ont resplendi des nombreux mystères de l’Écriture sacrée. Vois que, dans les théories de l’esprit, la subtilité ou la hauteur ne sont pas interdites, pourvu toutefois que soient saufs l’humilité dans l’action et le respect dans la recherche. Autrement il est à
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potius repulsam quam finem debitum consequatur. Cum enim ait: capilli tui, mentalium actionum commendat subtilitatem, cum vero subiungitur sicut grex caprarum, earum sursumactionis et elevationis acceptat agilitatem. Quod autem subinfertur: que apparuerunt de Galaad, Scripture insinuat auctoritatem. Galaad enim acervus testimonii interpretatur. Horum igitur verborum vis est et sensus talis sit: a sponsa | tuarum subtilitas theoriarum qualis est agilitas sursum tollentium sententiarum que ex altis Scripture mysteriis emanaverunt. Nam emanando illuminant et illuminando elevant. Sicut igitur huiusmodi sententie ex sacre Scripture profluunt auctoritate, sic tue subtiles actiones ex divine mentis procedant maturitate, ut sic amplius extendantur deificationis sue cesariem in divine bonitatis arcem reflectentes, iuxta illud sancti Prophete: “Meditatio cordis mei in conspectu tuo semper”, unde “prevenerunt oculi mei ad te diluculo, ut meditarer eloquia tua”, quasi diceret: prius speculativas meas virtutes in ortu lucis intellectualis dirigo ad te contemplandum, quam investigativas preparem ad tua Eloquia meditandum, ut tanto sequatur Eloquiorum sanctorum subtilior perscrutatio, quanta purior et maior ac maturior anteprecessit divinorum contemplatio. Siquidem in contemplatione humana intelligentia intelligibili lumine amoris accenditur quo facillime omnis Scripture obscuritas illustratur, illustrata intelligitur, intellecta suavius et dulcius opere compleatur. Dum enim theoricus intellectus sui intellecti formam induerit, non modo levissimum sed etiam delectabilissimum est ei hoc exsequi quod intendit. Unde et taliter dispositam dilectus sponsam sentiens suam aiebat:
241-242 Meditatio – semper] Ps. 18, 15 118, 148
242-243 prevenerunt – tua] Ps.
230 subiungitur] subiungit PM 232 insinuat] insinuant N 234 vis] is N 239-240 extendantur] intendantur N 240 deificationis – arcem] sue in divinam bonitatem deificationis cesariem N 244 dirigo] dirige N 247 et maior] om. N
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craindre, en effet, que l’action aboutisse à un échec plutôt qu’à la fin attendue. En effet, lorsqu’il dit: «Tes cheveux», il fait valoir la subtilité des actions de l’esprit; quand il ajoute: «comme un troupeau de chèvres», il entend la rapidité de leur action qui élève et leur élévation; mais ce qui est ajouté: «qui ont apparu en Galaad» suggère l’autorité de l’Écriture. Galaad signifie, en effet, colline du témoignage; c’est la signification des mots et que tel en soit le sens: Ô épouse, la subtilité de tes théories est comme l’agilité des pensées qui soulèvent, sorties des hauts mystères de l’Écriture. Elles illuminent, en effet, en sortant, et, en illuminant, elles élèvent. De même donc que de telles pensées découlent de l’autorité de l’Écriture sacrée, que tes actions subtiles procèdent de la perfection de l’esprit divin, de manière à être ainsi plus amplement déployées, ramenant au sommet de la bonté divine la chevelure de sa déification, selon cette parole du saint prophète: «La méditation de mon cœur est toujours sous ton regard»; en conséquence, «mes yeux ont devancé le jour pour que je médite tes paroles.» Comme s’il disait: Je dirige mes puissances de spéculer, au lever de la lumière intellectuelle, pour te contempler avant de préparer mes puissances d’investigation pour méditer tes paroles, afin que s’ensuive un examen d’autant plus subtil des paroles saintes qu’une contemplation plus pure, plus profonde, plus complète des choses divines le précède. Dans la contemplation, en effet, l’intelligence humaine est enflammée par la lumière intelligible de l’amour, par qui est très facilement éclaircie l’obscurité de toute l’Écriture; éclaircie, elle est comprise; comprise, elle est plus agréablement et plus doucement complétée par l’action. En effet, quand l’intellect théorique aura revêtu la forme de ce qu’il connaît, non seulement il est pour lui très doux, mais encore très agréable d’accomplir ce qu’il projette. Sentant son épouse ainsi disposée, le bien-aimé lui disait donc:
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Dentes tui sicut greges ovium que ascenderunt de lavacro. Quasi diceret: tui acutissimi et fortissimi intellectus sunt velut simplicissime et mundissime intelligentie, que de veritatis balneo exierunt. Nota quoniam, largo loquendi modo, tot sunt deiformis anime intellectus quot nisus ad diversa divinorum oblectamina. Hoc | enim idipso meretur ut vel in ipsis aliquid intelligat. Unde merito dici potest quod et in nisu est intellectus et in intellectu nisus, ita ut magis nitenda clarius intelligatur et clarius intelligendo fortius nitatur. Nos autem idcirco dentibus comparamus, quia sicut ipsi acumine et fortitudine vigent ad dura queque atterendum cibaria, sic huiusmodi nimirum intellectus, aut nisus, universa nutrimenta intellectualia, tam valida quam fortia, sui fortis desiderii cuspide comminuentes traiciunt ad deificam anime vivificationem et impinguationem, quemadmodum dicitur per Prophetam: “Sicut adipe et pinguedine repleatur anima mea”. Bene igitur tales intellectus gregi ovium de lavacro ascendentium comparantur, quia, dum ipsi multimodis et simplicibus intelligentiis, sive obiectis, de purgatissimo lucis alveo aut divine Theologie stagno emanantibus, fortiter intendunt, ipsorum formam induunt et imbibunt, ut tales sint formaliter intellectus, quales ipsorum intelligentie, tales dentes sponse, quales greges ovium de lavacro ascendentium. Si autem istius induitionis et imbibitionis intellectualis modum ignoras, interroga materiale ferrum quomodo formam ignis induat; similiter etiam qualiter lana colorem imbibat, ut sic per huiuscemodi manuductionem pervenias ad supermentalis illius unitionis intelligentiam. Qua
270 Sicut – mea] Ps. 62, 6 259 deiformes PM 260 nisus] visus M 261 Hoc – intelligat] nec enim ad ipsa niteretur nisi ipsa vel in ipsis aliquid intelligeret N 263 intelligatur] intelligat N 264 comparamus] comparavimus O 272 multimodis] multis modis O multimodum PM 273 purgatissimo] purgantissime N aut] de add. PM 278 imbibitionis] iubilationis PM
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Tes dents sont comme des troupeaux de brebis qui sont remontées du lavoir. Comme s’il disait: Tes très pénétrantes et très puissantes perceptions sont comme de très simples et très pures connaissances sorties du bain de la vérité. Note qu’au sens large les perceptions de l’âme déiforme sont aussi nombreuses que les efforts en direction des charmes divers des réalités divines. De cela même qu’elle mérite d’en connaître quelque chose, qui plus est en elles-mêmes, on peut dire justement qu’il y a perception dans l’effort et effort dans la perception, de telle sorte que plus on fait effort, plus clairement on connaît, et que plus clairement on connaît, plus on fait effort. C’est la raison pour laquelle nous les comparons aux dents, car, de même que, par leur extrémité et leur force, elles peuvent broyer tous les aliments durs, ainsi assurément les perceptions ou efforts de ce genre, broyant par la pointe de leur puissant désir toutes les nourritures intellectuelles, tant solides que substantielles, vivifient et engraissent déifiquement l’âme, comme il est dit par le prophète: «Mon âme est comme remplie de moelle et de graisse.» Ainsi qu’il convient, de telles perceptions sont donc comparées au troupeau de brebis «qui remontent du lavoir.» En effet, alors qu’elles-mêmes sont fortement attentives aux notions ou aux objets multiformes et simples qui sortent du bassin très pur de la lumière ou du lac de la divine Théologie, elles prennent leur forme et s’en imprègnent, de sorte que les intellections soient formellement telles que leurs connaissances, que les dents de l’épouse soient telles que les troupeaux de brebis remontant du lavoir. Mais, si tu ignores le mode de cette prise de forme et de cette pénétration intellectuelles, demande au fer matériel comment il prend la forme du feu; demande pareillement comment la laine s’imprègne de couleur, afin de parvenir ainsi par cet exemple à comprendre cette union qui dépasse l’es-
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vero divinorum intelligentie sic ex fontalis lucis lavacro emanant, quod tamen steriles non manent, ideo bene adiungitur:
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Omnes gemellis fetibus et sterilis non est in eis. Hoc est, universe divinorum intelligentie habent virtutem a dissimilitudinibus separandi et celestibus uniendi, nec est invenire inter eas aliquam otiosam. Nam, cum anima in alicuius supermentalis rei est actuali intelligentia constituta, necesse est ipsam a materialibus extrahi et in divina subvehi ipsius divini intellectus virtute; qui sicut ab omni materiali dissimilitudine est elongatus, | sic ad divinam similitudinem ipsum aptissimum esse constat. Itaque fetus gemelli omnium spiritualium intelligentiarum sunt a dissimilitudinibus separatio et ad omnia divina assimilatio, quorum unus est purgativus, ab impuris separans, et reliquus perfectivus, divinis associans. Idcirco autem nulla in eis sterilis reperitur, quia nunquam divina aliqua actualiter intelliguntur et experientialiter, quando aliquid impuritatis in anima obtinetur. Unde cernens dilectus sponsam suam tam nobiliter purificatam per ablationem a dissimilitudinibus et tam mirabiliter deificatam per unitionem ad supermundana, ait:
6, 6
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Sicut cortex mali punici, ita gene tue absque occultis tuis. Quasi dicat: qualis est pulchritudo, sive claritas divini radii, talis est species tuarum affectionum, exceptis privatis distribu305 tionibus tibi inditis.
287 eas] ea OPM 289 extrahi] abstrahi OPM 290 et in divina subvehi ipsius] ipsius et in divina subvehi OacPM ipsius om. Opc qui] et quod N 291 elongatus] elongatum N 293 intelligentiarum] intellectivarum PM 294 omnia] om. N 297-300 quando – deificatam] quin aliquid dematur impuritatis et deificationis quippiam optineatur N 303 pulchritudo, sive claritas] species N
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prit. Mais, parce que les connaissances divines sortent ainsi du bain de la lumière fontale, sans toutefois rester stériles, il est justement ajouté: Toutes ont deux petits; nulle d’entre elles n’est stérile. C’est dire: Toutes les connaissances des choses divines peuvent séparer des dissemblances et unir aux choses célestes, et parmi elles on n’en trouve pas d’oisive. En effet, lorsque l’âme connaît actuellement une chose qui dépasse l’esprit, il lui est nécessaire de s’extraire des choses matérielles et soulevée en direction des choses divines par la puissance même de l’intellect divin. Lorsque quelqu’un est éloigné de toute dissemblance matérielle, il est très apte à la ressemblance divine; c’est pourquoi les deux petits de toutes les connaissances spirituelles sont la séparation des dissemblances et l’assimilation à toutes les choses divines; l’un purifie, séparant des choses impures; l’autre parachève, associant aux choses divines. Nulle n’est donc stérile, car certaines choses divines ne sont jamais connues actuellement et expérimentalement, lorsque quelque chose d’impur est maintenu en l’âme. Voyant son épouse si remarquablement purifiée par la séparation des dissemblances et si admirablement déifiée par l’union aux réalités qui dépassent celles du monde, le bien-aimé dit donc: Tes joues sont comme l’enveloppe de la grenade, sans tes secrets. Comme s’il disait: Telle est la beauté ou la clarté du rayon divin, tel est l’aspect de tes affections, à l’exception des distributions privées qui te sont accordées.
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Si diligenter attendimus, paulo ante nobis monstratum est dilectum sponse fore candidum et rubicundum, per quem superamabilis divinus radius figuratur, sicut ibi dissertum est. Cum itaque affectiones anime deiformis nulla splendeant claritate, nulla rubeant caritate, que non a divino emanent radio, sicut omnium virtutum totaliter informativo, restat ut qualis est ipse speciei talia sint et ea qua ab ipso specificantur, sive pulchrificantur, aut informantur. Si autem queris cur ipse radius tot diversis nominibus nuncupetur, ut nunc dilectus, nunc malum punicum, aut quolibet alio nomine dicatur, sane dicendum est ipsum multis et variis distributionibus abundare et ideo merito diversis vocabulis appellari. Quomodo enim non debeat dici malum punicum qui et rubicundum reddit ignificando, candidum illuminando, rotundum proficiendo, gemmulis plenum variis distributionibus adimplendo? | Pulchre igitur gene sponse cortici mali punici assimilari dicuntur, quia dubium non est affectiones sponse tali speciositate vigere quali pulchritudine constat thearchicum refulgere, dum eodem lumine, sive forma, decoratur illuminatum cum illuminante, sive patiens cum agente. Quod vero dicitur: absque occultis tuis, ad illas inditas pertinere distributiones puto, que nunquam ad publicum efferuntur, sed in intimis cordis secretissime custodiuntur, sicut pretiosissime et paucis intellectibus apte. Hec eo nobilius novis irradiationibus perlustrantur, quo sapientius et reverentius humiliter occultantur. Unde et per beatum Dionysium traditur in Eccl. hier. II: “Dicimus, inquit, quod est divine beatitudinis bonitas semper se eodem et eodem modo habens, proprii luminis bonum operantes radios extendens copiose ad omnes intellectuales visiones”. Igitur, quanto secretius fuerit quod intro latet et intellectualius, tanto
306 paulo – est] Voir ci-dessus, p. 000 Dion., De eccl. hier., II, 11344-11352
331-333 Dicimus – visiones] Ps.-
306 nobis] om. O 311 informativo] formativo PM 319 proficiendo] perficiendo NP 326 ad] in PM 328 irradiationibus] et illuminationibus add. N 331-332 se eodem] secundum N 334 intro] in te N
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Si nous sommes attentifs, il nous a été montré peu avant, que doit être blanc et vermeil le bien-aimé de l’épouse par qui le rayon divin plus qu’aimable a été représenté, ainsi qu’il a été dit à cet endroit. C’est pourquoi, puisque les affections de l’âme déiforme ne brillent d’aucune clarté, ne sont rouges d’aucune charité, qui ne proviennent du rayon divin en tant qu’il informe totalement toutes les vertus, il reste que tel il est lui-même selon l’aspect, telles sont aussi les choses auxquelles il donne leur aspect, qu’il rend belles ou qu’il informe. Si tu cherches pourquoi le rayon lui-même reçoit autant de noms divers, comme tantôt «bien-aimé», tantôt «grenade», ou quelque autre nom, il faut raisonnablement dire qu’il est abondamment pourvu de nombreuses et variées distributions, et qu’à juste titre il est donc appelé par divers vocables. Comment, en effet, ne devrait-il pas être dit «grenade» celui qui rend rouge en enflammant; «blanc» en illuminant, «rond» en perfectionnant, «plein de pierres précieuses» en comblant de distributions diverses. Avec bonheur, les «joues» de l’épouse sont donc dites ressembler à «l’enveloppe de la grenade», car il est indubitable que les affections de l’épouse sont d’une beauté telle que celle dont, à l’évidence, brille le rayon théarchique, alors que sont ornés de la même lumière ou forme celui qui illumine et celui qui est illuminé; celui qui reçoit et celui qui agit. Ce qui est dit: «Sans tes secrets» se rapporte, je pense, à ces distributions qui ne sont jamais rendues publiques, mais qui sont très secrètement gardées au plus profond du cœur en tant qu’elles sont très précieuses et faites pour un petit nombre d’intellects. Elles sont d’autant plus parcourues de nouvelles irradiations qu’elles sont plus humblement, plus judicieusement et plus respectueusement cachées. Il est donc enseigné par le bienheureux Denys dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. II: «Nous disons, dit-il, que la bonté de la béatitude divine qui se comporte d’une seule et même manière, qu’elle étend largement sur toutes les visions intellectuelles les rayons bienfaisants de sa propre lumière.» Autant donc ce qui se cache à l’intérieur aura été plus secret et plus intellectuel, autant il est certain qu’il rayonnera plus
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certum est radiari copiosius. Hinc etiam est quod alibi suas cer- 335 tissimas intellectuales visiones petit unitivo et discooperto lumine adimpleri, Eccl. hier. III. Quod et intellectuali Petro legimus contigisse, dum eximium illud “lumen refulsit in habitaculo” quo latebat, non tam materiali quam spirituali. Ne autem putet sponsa se solam divina similitudine et pulchritudine redimitam, ideo 340 bene per dilectum dicitur:
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Sexaginta sunt regine, octoginta concubine et adolescentularum non est numerus. Quod est dicere: multe et perfecte sunt anime qua ad divinam unitionem et regiam generationem et supernaturalem sublimationem admittuntur, plures vero que ad | huiusmodi exsequenda fortiter exercentur, infinite autem que tantum bonis desideriis commoventur. Siquidem sexies decem, sexaginta fiunt. In quo, non sola pluralitas, sed cum pluralitate perfectio per denarium numerum intelligitur, que de reginis intellectualibus predicantur. Nam plures sunt quantum ad numerum, que sexaginta perfecte propter numeri mysterium, quod tibi discutiendum relinquo. Scimus autem materiales reginas triplice inter alias gaudere proprietate, quoniam ad cubile regium admittuntur, regiam stirpem generant et regio diademate coronantur. Quid igitur dicere est dilectum: sexaginta sunt regine, nisi multe et perfecte sunt anime divina unitione fruentes, motus deificos emitentes et sublimi perfectione refulgentes? Preterea, quid per octoginta concubinas, nisi illas animas, que etsi ista non habeant, tamen ad ea obtinenda
335-337 suas – adimpleri] Ps.-Dion., De eccl. hier., III, 11812 habitaculo] Act. 12, 7
338 lumen –
335-336 certissimas] secretissimas N 338 habitaculo] carceris add. et expunct. O 345-346 sublimationem] sublimitatem PM 346-347 exsequenda] assequenda N 359 concubinas] intelligimus add. N
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abondamment. De là vient aussi qu’elle demande ailleurs que ses très certaines visions intellectuelles soient remplies de la lumière unitive et sans voile (Hiérarchie ecclésiastique, ch. III). Cela advint, lisons nous, au Pierre intellectuel, lorsque cette grande lumière resplendit dans la maison, non tant matérielle que spirituelle, où il était caché. Pour que l’épouse ne pense cependant pas qu’elle seule est ornée de la ressemblance et de la beauté divines, l’époux dit heureusement: Il y a soixante reines, quatre-vingt concubines et des jeunes filles sans nombre. C’est dire: Nombreuses et parfaites sont les âmes admises à l’union divine, à l’engendrement royal et à l’élévation surnaturelle; plusieurs sont celles qui s’exercent avec courage à obtenir de telles choses; mais infinies sont celles qu’excitent seulement de saints désirs. Puisque dix fois six font soixante, en quoi n’est pas entendue la seule pluralité, mais avec elle, par le nombre dix, la perfection, l’une et l’autre sont dites des reines intellectuelles. Plusieurs, en effet, par le nombre, car elles sont soixante, parfaites à cause du mystère du nombre, ce que je te laisse le soin de discuter. Mais nous savons que les reines matérielles jouissent entre autres d’une triple propriété: elles sont admises à la couche royale, elles engendrent une lignée royale et elles sont couronnées du diadème royal. Que signifie donc ce que dit le bien-aimé: «Il y a soixante reines», sinon que nombreuses et parfaites sont les âmes qui jouissent de l’union divine, produisent des mouvements déifiques et resplendissent d’une perfection sublime? En outre, que signifie ce qu’il dit par «quatre-vingt concubines», sinon ces âmes qui, bien que n’ayant pas ce que l’on vient de dire, travaillent cependant avec courage pour les obtenir? En effet, quatre-vingt résulte de dix fois huit, par
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
viriliter laborant? Etenim octoginta, ex octies decem exurgit, per quod exercitium circa perfectionem significatur. Nam sicut denarius numerus est perfectionem significans, sic octonarius laborem et exercitium exprimens. Hinc est quod David octavus Isaie filius ad laborem regalis exercitii eligitur, sic et Noe cum octo animabus regendam arcam ingreditur, sic et octo beatarum virtutum exercitia sunt, quibus ad veram beatitudinem pervenitur. Bene ergo octoginta dicuntur esse concubine, quia est numerus animarum ad perfectionem laborantium et in ea se exercitantium maior quam eamdem iam obtinentium. Unde et pauciores sunt regine quam concubine et anime nondum perfecte, que ob hoc concubinarum nomine nuncupantur, quoniam ad aliqualem unitionem, sive copulam, admittuntur, ex qua, si boni et naturales motus, non tamen perfecte gratuiti et deifici generantur, sicut ex perfecta et vera unitione minima procedentes. Quod autem sequitur: et adolescentularum non est numerus, ad illas referendum est animas que quibusdam noviter ex fervescentibus | motibus ad divinam inhiant perfectionem, que, licet nondum in magnam utilitatem, in decorem tamen et honorem aule regie cedunt, sive ecclesiastice hierarchie. Novit namque superdulcissimus dilectus noster benigne sibi complacere “super vitulos novellos cornua producentes et ungulas”, hoc est super rudes adhuc animos novos motus et affectiones adolescentulas pullulantes. Quia vero inter omnes reginas, concubinas et adolescentulas, sponsa nostra maiori resplendet sanctitate, propterea apte additur:
364-365 David – filius] I Reg. 17, 12 381-382 super – ungulas] Ps. 68, 32
365-366 Noe – ingreditur] Gen. 7, 13
361 exurgit] surgit PM 362 Nam] et iam PM 372 aliqualem] aliquam PM intellectualem add. N 374 perfecte] perfecti et PM 376 adolescentularum] quarum add. PM 378 motibus] om. PM
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quoi est signifié l’exercice en vue de la perfection. De même, en effet, que le nombre dix signifie la perfection, de même le nombre huit exprime le travail et l’exercice. En conséquence, David, huitième fils d’Isaïe, est choisi pour le labeur de l’exercice de la royauté; de même aussi Noé entre avec huit âmes dans l’arche qu’il faut piloter; il y a de même huit exercices des vertus bienheureuses par lesquelles on parvient à la vraie béatitude. On dit donc bien qu’il y a «quatre-vingt concubines», car c’est le nombre des âmes qui travaillent en vue de la perfection; le nombre de celles qui s’exercent en elle est plus grand que le nombre de celles qui l’obtiennent. Les reines sont donc moins nombreuses que les concubines, et les âmes pas encore parfaites qui, elles, à cause de cela, reçoivent le nom de «concubines», car elles sont admises à une certaine union et à un certain lien. Si, de cette union, résultent des mouvements bons et naturels, ils ne sont cependant pas parfaitement gratuits et déifiques, en tant qu’ils ne procèdent absolument pas d’une union parfaite et vraie. Ce qui suit: «Et les jeunes filles sont sans nombre» doit être entendu des âmes qui, depuis peu, aspirent à la perfection divine par certains mouvements enflammés. Bien qu’elles ne soient pas encore de grande utilité, elles contribuent cependant à l’éclat et à l’honneur de la cour royale ou de la hiérarchie ecclésiastique. En effet, notre plus que très doux bienaimé sait se complaire avec bienveillance «au-dessus des veaux qui produisent cornes et sabots», c’est-à-dire au-dessus des esprits encore grossiers qui produisent des mouvements nouveaux et d’adolescentes affections. Mais, parce que, parmi toutes les reines, concubines et jeunes filles, notre épouse resplendit d’une plus grande sainteté, il est justement ajouté:
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Una est columba mea, perfecta mea; una est matri sue, electa genitrici sue. Quasi diceret: dilecta mea singularis est ab aliis in mentis simplicitate, perfectionis sublimitate, ferventi caritate et divine dulcedinis suavitate. Dum enim ait: una est columba mea, singularitas ostenditur simplicitatis, ex qua divina affabilitas et inspiratio obtinetur, iuxta Theologie sententiam qua dicitur: “Cum simplicibus sermocinatio eius”, id est intellectualis allocutio et inspiratio, que maxima in mundis cordibus actitatur. Quod vero subdit: una est perfecta mea, totius virtualitatis perfectionem singularem innuit, quod non est humane virtutis, sed angelice administrationis et divine distributionis. Quid autem sibi vult quod sequitur: una est matri sue, electa genitrici sue, nisi quod singulariter est ardenti caritate mancipata et nobiliter per suavitatem divine dulcedinis adoptata? Sicut enim per maternum affectum fervens significatur caritas, ita, per teneritudinem genitricis, divine dulcedinis exprimitur suavitas, quibus dilecti sponsa tam copiose perfundetur, ut quasi sola filia caritatis et electa divine dulcedinis videatur. Unde, quia hoc non tam intimo desiderio est desiderandum quam ingenti demonstratione venerandum, ideo congrue subiungitur:
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| Viderunt illam filie Syon et beatissimam predicaverunt, et regine et concubine laudaverunt eam.
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Quod est dicere: tam incipientes quam perfecta et profi- 410 cientes anime, sive substantia infime hierarchie, supreme et medie,
393-394 Cum – est] Prov. 3, 32 391 Dum] unde PM 400 caritate] caritati N 401 adoptata] adaptata O 404 perfundetur] perfunditur N 405 est] om. et add. in m. a. m. O
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Unique est ma colombe, ma parfaite; elle est unique pour sa mère, élue pour celle qui l’a engendrée. Comme s’il disait: Ma bien-aimée est unique entre toutes en simplicité d’esprit, sublimité de perfection, charité fervente et suavité de divine douceur. Alors qu’il dit en effet: «Unique est ma colombe» est montrée la singularité de la simplicité de laquelle la bienveillance et l’inspiration divines sont obtenues, selon l’affirmation de la Théologie: «Son entretien est avec les simples», c’est-à-dire la parole et l’inspiration intellectuelle qui adviennent surtout dans les cœurs purs. Mais ce qu’il ajoute: «Unique est ma parfaite» suggère la singulière perfection de toute virtualité; ce qui ne relève pas de la vertu humaine, mais de l’administration angélique et de la distribution divine. Que signifie ce qui suit: «Elle est unique pour sa mère, elle est élue pour celle qui l’a engendrée», sinon qu’elle est singulièrement acquise à une charité ardente et remarquablement adoptée par la suavité de la douceur divine? De même, en effet, que, par l’affection maternelle, la charité ardente est signifiée, de même, par la tendresse de celle qui engendre, est exprimée la suavité de la douceur divine; par elles l’épouse du bien-aimé sera si abondamment comblée qu’elle semblerait, pour ainsi dire, seule fille de la charité et seule élue de la douceur divine. Parce que cela n’est pas tant à désirer d’un secret désir, qu’à célébrer au moyen d’une grande démonstration, il est ajouté, ainsi qu’il convient: Les filles de Sion l’ont vue et l’ont proclamée très bienheureuse; les reines et concubines l’ont loué. C’est dire: Tant les âmes qui débutent que les âmes parfaites et celles qui progressent, ou bien les substances des hiérarchies infé-
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
sponse dilecti gloriam admirantes, ipsam laudibus eximiis extulerunt. Non solum enim Deo, sed et angelis et hominibus, fit spectaculum anima deiformis, Deo quidem sicut per amorem ardentissima, angelis autem sicut per puritatem castissima, hominibus sicut per humilitatem sublimissima et divine influitionis capacissima. Tamen, quia “stella a stella differt in claritate”, idcirco, tam homines quam angeli, diversis hiis nominibus distinguuntur. Viderunt inquit, eam filie Sion et beatissimam predicaverunt, id est incipientes anime, vel infime hierarchie substantie, quarum esse et bene esse ex matre omnium divina bonitate non est dubium finaliter processisse. Similiter etiam: regine et concubine viderunt et laudaverunt eam. Sed quid per reginas nisi perfectas animas et superioris hierarchie substantias intelligimus, que omnes pretiosissimo universe perfectionis diademate, id est amore, cognitione, fruitione, quasi quibusdam refulgentibus gemmis, conserto, pulchrifice coronantur? Insuper quid per concubinas congruentius accipimus quam proficientes animas, aut substantias medie hierarchie, que inter inferiores et superiores quasi inter duo divina ubera et extrema amatorie collocantur, non hinc ad inferius per pedestrem subiectionem depresse, neque inde ad superius ultra quam datum sit elate? Que autem harum omnium sit predicatio et laus de anima deiformi, subsequenter adiungitur:
418 stella – claritate] I Cor. 15, 41 415 per amorem] amore OpcPM 417 influitionis] influitionibus O scilicet add. in marg. a.m. Opc et PM demate] scilicet add. s.l. a.m. O 431 divina] om. O
415-416 ardentissima] ardentissimo PM 419 hiis] hic N 421 id est] om. Oac 423 finaliter] filialiter N 426 dia428 conserto] et serto N cum serto PM
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rieure, suprême et médiane, admirent la gloire de l’épouse du bienaimé, lui ont adressé de remarquables louanges. Non seulement, en effet, l’âme déiforme devient un spectacle pour Dieu, mais aussi pour les anges et les hommes; pour Dieu, certes, en tant qu’elle est très ardente par l’amour; pour les anges, en tant qu’elle est très chaste par la pureté; pour les hommes, en tant qu’elle est très sublime par l’humilité et très capable de recevoir l’influx divin. Cependant, parce que «une étoile diffère d’une autre en clarté», tant les anges que les hommes sont distingués à l’aide de ces noms divers. «Les filles de Sion, dit-il, l’ont vue et l’ont proclamée très bienheureuse», à savoir les âmes qui débutent ou les substances de la hiérarchie inférieure dont l’être et le bien-être ont procédé en définitive, c’est indubitable, de la bonté divine, mère de toutes choses. Pareillement aussi «les reines et les concubines l’ont vue et l’ont louée.» Mais qu’entendre par «reines», sinon les âmes parfaites et les substances de la hiérarchie supérieure qui toutes sont bellement couronnées du très précieux diadème de toute la perfection, à savoir de l’amour, de la connaissance, de la fruition comme d’un collier de pierres éclatantes? De plus, qu’entendre de plus convenable par «concubines» que les âmes qui progressent ou les substances de la hiérarchie médiane, qui sont amoureusement situées entre les inférieures et les supérieures, comme, pour ainsi dire, entre les deux seins de Dieu et deux extrêmes, non que, d’un côté, elles soient abaissées d’un abaissement matériel, non que, d’un autre, elles soient élevées au-delà de ce qui leur est donné? Quelles sont la proclamation et la louange de l’âme déiforme émanant d’elles toutes, cela est immédiatement ajouté:
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Que est ista que progreditur quasi aurora con|surgens, pulchra ut luna, electa ut sol, terribilis ut castrorum acies ordinata? Quod est dicere: quante excellentie est hec anima que de statu in statum proficit, quasi lux primaria se diffundens, clara ut lumine participans, clarissima ut fontali lumini unitissima, admirabilis velut angelorum turma, sapientifice adunata? Hoc nempe prudenter est adnotandum nihil eque inter rationalis anima actiones angelica admiratione dignum sicut cum ipsa tenebras sue mortalitatis egrediens per contemplationis excessum, per divinorum spirituum regionem luculenter progreditur, quod utique minime facere potest, nisi super eam prima solaris radius oriatur. Cuius superbona et superdulci excitatione et advocatione egrediatur, egressa progrediatur et progrediens ingrediatur in potentias se ducentis. Hinc est quod ad hoc ipsum per sanctum Isaiam devota anima confortatur: “Surge, inquit, illuminare, Ierusalem, quia venit lumen tuum et gloria Domini super te orta est, et ambulabunt gentes in lumine tuo et reges in splendore ortus tui”. Quasi aliter sibi dicerat: o anima visioni pacifice mancipata, te contra te eleva, amative suscipians illustrationem thearchici radii ad te perficiendum venientis et propter hoc gloriose super te orientis. Et si hoc egeris naturales tui motus proficient in tui illustratione et gratuiti in tui refulgentia super te emanantes. Merito itaque perfecta anime, aut supercelestes substantie, admirantur de dilecti sponsa que progreditur, id est de profectu in profectum, de statu in statum, de lumine in lumen graditur, et hoc quasi aurora consurgens, hoc est velut divini radii primaria lux | seipsam in animam paulatim diffundens. Non enim simul et semel perfectam illuminationem recipit anima, sed gradatim, quemadmodum et per divinam Theologiam traditur: “ius-
450-453 Surge – tui] Is. 60, 1 et 3 442 eque] fere add. N 454 contra] supra N 457 illustratione] illustrationem O refulgentia] refulgentiam O luminis] add. N 458 emanantes] emanantis N
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Quelle est celle qui s’avance comme l’aurore qui se lève, belle comme la lune, excellente comme le soleil, terrible comme une armée ordonnée des camps? C’est dire: De combien grande excellence est cette âme qui s’avance d’un état à un autre comme la première lumière qui se répand, claire, en tant qu’elle participe à la lumière, très claire, en tant qu’elle est très utile à la lumière fontale, admirable comme la foule des anges très sagement assemblée. Il faut assurément noter avec prudence que, parmi les actions de l’âme raisonnable, rien n’est aussi digne de l’admiration angélique que lorsqu’elle-même, sortant des ténèbres de sa condition mortelle par le transport de la contemplation, s’avance brillamment à travers la région des esprits divins, ce que, certes, elle ne peut absolument pas faire, si le rayon du soleil ne se lève d’abord sur elle. Que, par son encouragement et son assistance plus que bons et plus que doux, elle sorte; que, sortie, elle progresse; que progressant, elle entre dans les vertus de celui qui la conduit. De là vient que l’âme dévote est à cette fin même confortée par saint Isaïe: «Lève-toi, dit-il, et resplendis, Jérusalem, car ta lumière est venue et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi, et les nations marcheront à ta lumière et les rois, en la splendeur de ton lever.» Comme s’il lui disait sous une autre forme: Ô âme, ordonnée à la vision béatifique, élève-toi au-dessus de toi, recevant avec amour l’illumination du rayon théarchique qui vient pour te parfaire et, à cette fin, se lève avec gloire au-dessus de toi. Et si tu accomplissais cela, tes mouvements naturels serviraient à ton illumination et tes mouvements gratuits, qui viennent au-dessus de toi, à ton éclat. C’est justement pourquoi les âmes parfaites ou les substances supracélestes s’étonnent au sujet de l’épouse du bien-aimé qui s’avance, c’est-à-dire va de progrès en progrès, passe d’un état à un autre, de lumière en lumière, et ceci comme l’aurore qui se lève, c’est-àdire comme la première lumière du rayon divin se diffusant ellemême peu à peu dans l’âme. En effet, celle-ci ne reçoit pas en même temps et en une seule fois l’illumination parfaite, mais elle la reçoit graduellement, comme le dit la divine Théologie: «Le sentier des
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torum, ait, semita prima quasi lux splendens, postea procedit, deinde crescit usque ad perfectam diem”. Hinc est quod in predicta admiratione de triplici luce agitur, scilicet de luce aurore, lune et solis, quarum prima minor est secunda et secunda tertia. Tunc autem fit anima quasi aurora consurgens, sive lux splendens, cum iam a tenebrositate omnium materialium est absoluta per illuminationem divini radii se advocantis et illuminantis et in se attrahentis. Tunc vero procedit pulchra ut luna, quando, maioribus illuminationibus perlustrata, creata invisibilia contemplatur. Tunc autem electa ut sol, sive ad perfectam diem augmentata, quando ipsa fontali lumini unita ab ipso totaliter radiatur, ita ut fiat thronus eius, id est alta collocatio in Deum sicut sol in conspectu angelorum et sicut luna perenniter illustrata. Unde bene ab eis terribilis dicitur quasi ordinata castrorum acies, quia eo amplius est admirabilis quo angelice dispositioni similius. Nam sicut castra ordinatissima collocantur, et tamen ad regis imperium facillime commoventur, ita nimirum celestes substantie, licet hierarchice sint disposite, tamen ad supersubstantialis distributionis nutum de maiori in maiorem cognitionem proficiunt. Eodem modo, anima deiformis, quamquam angelicis illuminationibus sit sapientifice redimita, tamen ad thearchici radii iussum de lumine in lumen, de claritate in claritatem tanquam a Domini spiritu proficiscitur letabunda, quod valde est admirationis angelica excitativum. Igitur relatis a dilecto que ad sponse preconium pertinent, tam in sua quam celestium mentium persona, nunc vehementer ipsius sanctimonia delectatus et spiritualibus deliciis illectus, eius ingressus intima ait:
465-467 iustorum – diem] Prov. 4, 18 4682 secunda] om. O
489 quam] in add. PM
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justes est d’abord comme une lumière brillante; elle s’avance ensuite, puis elle croît jusqu’au jour parfait.» De là vient que, dans l’étonnement dont on a parlé, il s’agit d’une triple lumière, à savoir la lumière de l’aurore, de la lune et du soleil; la première étant moindre que la seconde, et la seconde que la troisième. Mais alors l’âme devient comme l’aurore qui se lève ou brillante lumière, lorsqu’elle est déjà libérée de l’obscurité de toutes les choses matérielles par l’illumination du rayon divin qui l’appelle, l’illumine et l’attire en lui-même; elle s’avance alors en vérité «belle comme la lune», quand, pénétrée de plus grandes illuminations, elle contemple les créatures invisibles, elle devient alors «excellente comme le soleil»; ou, ayant crû jusqu’au jour parfait, quand elle-même, unie à la lumière fontale, est rendue par elle totalement rayonnante, de telle sorte qu’elle devienne son trône, c’est-à-dire le haut siège de Dieu, «comme le soleil» au regard des anges, et «comme la lune» perpétuellement éclairée. Ils la disent donc bien «terrible comme une armée ordonnée des camps», car elle est d’autant plus admirable qu’elle est disposée comme les anges. En effet, de même que les camps sont établis très régulièrement et cependant très facilement déplacés sur l’ordre du roi, de même certes les substances célestes, bien que hiérarchiquement disposées, vont d’une connaissance plus grande à une plus grande, au moindre mouvement de la distribution supersubstantielle. Pareillement, bien qu’avec sagesse elle soit ornée d’illuminations angéliques, l’âme déiforme, sur l’ordre du rayon théarchique, s’avance comme poussée par l’esprit de Dieu, toute joyeuse, de lumière en lumière, de clarté en clarté, ce qui excite grandement l’étonnement des anges. Ayant rapporté en son propre nom et en celui des esprits célestes ce qui concerne la louange de l’épouse, maintenant grandement réjoui de sa sainteté et séduit par ses délices spirituelles, entré en son intimité, l’époux dit donc:
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Descendi in hortum nucum ut viderem poma | convallium et inspicerem si floruissent vinee et germinassent mala punica. Quod est dicere: presentialiter visitavi animam dulcissimis refertam virtutibus, ut delectarer in eius humilibus perfectionibus et attenderem si adhuc fragrasset divinorum theoria et pullulassent intellectualia lumina. Attende quoniam descensus dilecti in hortum nucum nihil aliud est quam intensa divina distributio in animam deiformem, que, ob hoc hortus nucum dicitur, quia, tam virentes affectiones quam maturas virtutes in ea semper est reperire. Nux enim exterius dura in cortice, sed dulcis interius in nucleo, merito virtutes figurat que, etsi foris aliquam asperitatem pretendant in actibus, tamen dulcissimis delectationibus intus vigent in habitibus, sicut frequenter divinis dulcedinibus irrigate. Causa vero huius descensus triplex est, scilicet pomorum convallium visio, vinea floritio et malorum punicorum germinatio. Ut viderem, inquit, poma convallium, hoc est: ut delectarer in perfectionibus humilibus. In pomo enim rotunditas, in convalle profunditas intelliguntur, ex quibus congrue perfectio humilis designatur. Unde nihil aliud dilectum est videre poma convallium nisi ipsum profectionibus humilibus delectari. Magne quippe virtutis est sublimitatem perfectionis habere et nunquam profunditatem humilitatis deserere, sed inde semper humiliari profundius quo se agnoscat perfici sublimius. Cum dulcedine ergo et rotunditate perfectionis, semper habeant profunditatem humilitatis qui volunt ut in hortum eorum dilecti distributio condescendat. Non enim sufficit habere poma dulcis perfectionis, nisi sint de convalle infima humiliationis. Causa autem secunda vinea florentis est visio: et inspicerem ait, si floruissent vinee, id est si adhuc suam fragrantiam amisisset mentalis theoria, | sive intellectualis actio. Sicut enim vinea ex paxillis constat et vitibus sic 495 refertam] refectam N 512 perfectionibus] coni. perfectis N profectis O profectibus PM 515 et rotunditate] ut iocunditate N 516-517 qui volunt] si volumus N 517 eorum] nostrum N 521 theoria] om. O 522 vitibus] viribus N
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Je suis descendu dans le jardin de noyers pour voir les fruits des vallées et regarder si les vignes avaient fleuri, si les grenades avaient poussé. C’est dire: J’ai visité en personne l’âme remplie de vertus très douces pour me réjouir de ses humbles perfections et bien voir si la théorie des choses divines exhalait encore une odeur suave, si les lumières intellectuelles s’accroissaient. Prends garde que la descente du bien-aimé «dans le jardin des noyers» n’est autre que l’intense distribution divine en l’âme déiforme qui, à cause de cela, est appelée «jardin des noyers», car il s’agit de trouver toujours en elle autant de fortes affections que de douces vertus. En effet, la «noix», extérieurement dure en son enveloppe, mais intérieurement douce en son amande, figure à bon droit les vertus qui, bien qu’elles présentent quelque rudesse à l’extérieur dans les actes, sont cependant, à l’intérieur, remplies dans les habitus de délectations très douces en tant qu’irriguées fréquemment par les douceurs divines. Triple est la cause de cette descente, à savoir la vision des fruits des vallées, la floraison de la vigne, la pousse des grenades. «Pour voir, dit-il, les fruits des vallées», c’est-à-dire pour me réjouir de ses humbles perfections. On perçoit, en effet, dans le fruit la forme ronde, dans la vallée, la profondeur; par l’une et l’autre est, comme il convient, désignée l’humble perfection. En conséquence, voir les fruits des vallées n’est rien d’autre pour le bien-aimé que se réjouir de ceux qui sont devenus humbles. C’est certainement le propre d’une grande vertu de posséder la sublimité de la perfection et de ne jamais abandonner la profondeur de l’humilité; ce l’est donc aussi de s’humilier toujours d’autant plus profondément que l’on se sait devenu plus sublimement parfait. Qu’avec la douceur et la rondeur de la perfection, possèdent toujours la profondeur de l’humilité ceux qui veulent que la distribution du bien-aimé descende en leur jardin! Il ne suffit pas, en effet, de posséder les fruits d’une douce perfection, s’ils ne proviennent pas de la vallée du plus humble abaissement. La deuxième cause est la vision de la vigne qui fleurit. «Pour voir, dit-il, si les vignes avaient fleuri», c’est-à-dire si la théorie de l’esprit ou l’action intellectuelle avait encore fourni sa bonne odeur. De même, en effet, qu’une vigne consiste en pieux et en pampres, de même
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
mentalis theoria ex puris motibus, sive intellectibus sive divinis affectionibus generatur. Que bene tunc florere dicitur, quando per eius bonam negotiationem in tantum anima in Deum proficit ut quadam indicibili fragrantia corporaliter respargatur, ita ut ab ea omnis serpentina calliditas propulsatur. In huiusmodi vero vinea floritione eo amplius delectatur dilectus quo, non tantum floritionem suavis fragrantia, sed etiam multarum illuminationum refulgentia, commitatur. Unde etiam dicit se velle inspicere an germinaverint mala punica, hoc est utrum intellectualia adhuc pullulaverint lumina ex quibus anima fit intellectualiter rubicunda, per ignificationem, et gemmulis plena, per divinorum multiplicem obiectorum visionem. Hinc est quod divinus Dionysius dicit, Myst. theol. I, intellectualem animum “videre multa lumina cum fulgore emittentia mundos et multum effusos radios”, id est puras et multimodas visiones, quemadmodum et alibi per bonam Theologiam eidem promittitur: “Implebit, ait, splendoribus animam tuam”. Talibus ergo sponsa ex descensu dilecti in ipsam debriata distributionibus, ita ut sui ipsius penitus sit oblita, ait: 6, 11
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Nescivi; anima mea conturbavit me propter quadrigas Aminadab. Ac si dicat: statum in quo nunc fui, penitus ignoravi, et ipsa animativa et vivificativa distributio me totaliter immutavit, 545 propter sursumvectivas virtutes divine amoris. Notandum enim est quod plerumque, ad descensum divini fluxus, tantis suavitatibus et dulcedinibus anima occupatur, ut quasi animo se nesciat, quod per Theologiam Geneseos optima nobis figuraliter demonstratur dum ob nimiam copiam et abundantiam, tam deliciarum quam divitiarum, “oblitus est regis pin- 550 535-537 videre – radios] Ps.-Dion., Myst. theol. I, 5751 538-539 Implebit – tuam] Is. 58, 12 550-551 oblitus – sui] Gen. 40, 23 579-580 cernentes – Helie] IV Reg. 2, 11 523 sive] et N 524 tunc] om. O 526 corporaliter] totaliter N 531 germinaverint] germinarent PM 538 eidem] idem PM
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la théorie de l’esprit est engendrée par de purs mouvements ou des intellections ou affections divines. La vigne est bien dite fleurir, quand, par sa bonne activité, l’âme s’avance vers Dieu au point d’être réellement inondée d’une indicible bonne odeur, de telle sorte que toute beauté fallacieuse en soit chassée. Le bien-aimé se réjouit d’autant plus de la floraison d’une telle vigne, qu’une suave bonne odeur n’accompagne pas seulement la floraison, mais aussi l’éclat de nombreuses illuminations. Il dit également vouloir «vérifier si les grenades ont poussé», c’est-à-dire si ont encore poussé les lumières intellectuelles en raison desquelles l’âme devient intellectuellement rouge par embrasement et remplie de bourgeons par une multiple vision d’objets divins. De là vient ce que le divin Denys dit dans sa Théologie mystique, ch. I, que l’âme intellectuelle «voit beaucoup de lumières émettant avec éclat des rayons purs et très répandus», c’est-à-dire des visions pures et diverses comme cela lui est promis ailleurs par la bonne Théologie: «Il emplira, dit-elle, ton âme de splendeurs.» Enivrée de telles distributions, qui descendent du bien-aimé en elle, au point de s’oublier totalement elle-même, l’épouse dit donc: Je n’ai pas su; mon âme m’a troublée à cause des chars d’Aminadab. Comme si elle disait: J’ai profondément ignoré l’état dans lequel je fus alors, et la distribution même qui anime et vivifie m’a totalement changée à cause des vertus qui élèvent de l’amour divin. Il faut noter, en effet, qu’ordinairement, lors de la descente du flux divin, l’âme est envahie de suavités et de douceurs si grandes que, pour ainsi dire, elle ne se connaît pas par l’esprit. La Théologie de la Genèse le montre excellemment en image, quand «l’échanson du roi oublia son interprète», à cause de la trop grande abon-
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cerna interpretis sui”; hoc autem fit quando animus divino cultui deditus ob ingentem | affluentiam distributionis supersuavissime et superdulcissime obliviscitur rationis, sive intellectus, quorum unum rerum materialium, alterum vero intelligibilium est interpretativum. Unde, quia ad tantum excessum non est dubium animam rationalem valde alienari, ideo bene ait sponsa se a sua anima conturbatam, hoc est ab animante et vivificante divina distributione vehementer immutatam. Re autem vera, talis immutatio est dextere Excelsi, quoniam inde anima gloriosius consolatur et deliciatur, unde per talem extasim amplius conturbatur, sive immutatur. Sive ergo queratur a sponsa cur ab intelligibili bono nutrimento se animante et vivificante thearchica distributione fuerit conturbata, respondet quia per quadrigas Aminadab, id est per sursumvectivas et activas virtutes divini amoris; nam divinus amor, quo fuerit intensior et virtuosior, eo ad sursumagendum et subvehendum intelligentiam ad divina contemplanda aptior et fortior. Secundum autem quantitatem sursumactionis circumscribitur et determinatur magnitudo extatice conturbationis, aut immutationis. Et idcirco sponsa nostra, tanto amplius est conturbata, quanto per fortitudinem quadrigarum Aminadab est sublimius sursumacta et subvecta. Illud vero non est pretereundum quare per Aminadab, qui spontaneus meus interpretatur, divinus significatur amor; cuius rei causam hanc fore existimo, quoniam solo divino amore mediante, anima sponte divino iugo et cultui subiungatur, et per ipsum omne difficile et contrarium voluntarie toleratur, nullo ad aliquam remunerationem habito respectu, sed tantum ad eum quem solum propter se ipsum diligit, superamabilem et superdulcissimum Crucifixum.
552 distributionis] distributionum N 556 rationalem] rationabilem P 561 Sive ergo] si vero N 563 per] propter N 564 per] propter N 565 intensior] eo virtuosior quo vero N 566 ad sursumagendum] adversus agendum N 576 toleratur] tolluntur O tollerantur PM 578 ipsum] om. et add. in m. a. m. O
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dance des délices et des richesses. Cela se produit quand l’esprit, livré au culte divin, oublie, à cause du flux puissant de la plus que suave et plus que très douce distribution, de la raison ou de l’intellect, dont l’un interprète les choses matérielles, l’autre les choses intelligibles. Parce qu’il n’est pas douteux que, lors d’un si grand transport, l’âme raisonnable soit grandement ravie en extase, l’épouse dit donc fort bien qu’elle est «troublée par son âme», c’està-dire fortement changée par la distribution divine qui l’anime et la vivifie. Mais, en vérité, un tel changement relève de la droite du Très-Haut, car l’âme est plus glorieusement consolée et réjouie du fait que, par une telle extase, elle est davantage troublée ou modifiée. Que si donc on demande à l’épouse, pourquoi elle a été troublée par le bon aliment intelligible, par la distribution théarchique qui l’anime et la vivifie, elle répond que c’est «par les chars d’Aminadab», c’est-à-dire par les vertus élevantes et actives de l’amour divin; en effet, plus celui-ci aura été plus intense et plus puissant, plus il sera apte et fort pour élever l’intelligence et la porter vers les choses divines à contempler. La grandeur du trouble ou de la modification extatique est circonscrite et déterminée selon celle de l’élévation. C’est pourquoi notre épouse est d’autant plus troublée que la force des chars d’Aminadab l’élève et la pousse plus haut. Mais il ne faut pas négliger de dire pourquoi par «Aminadab», qui se traduit «mon spontané», l’amour divin est signifié. La raison en est, je pense, que, par la seule médiation de l’amour divin, l’âme est spontanément soumise au joug et au culte divins, et que, par eux, tout ce qui est difficile et contraire est supporté volontiers, sans nul rapport avec quelque rémunération, mais uniquement à celui qu’elle aime seul pour lui-même, le plus qu’aimable et le plus que très doux Crucifié. C’est pourquoi les
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Itaque, cernentes adolescentule deiformem animam a suis aspectibus amoveri et in quadrigis igneis, more Helie asportari, 580 aiunt unanimiter exclamantes: 6, 12
| Revertere, revertere Sunamitis, revertere, revertere ut intueamur te. Quasi dicerent: O anima captivata amoris vinculis, redeas purificata, ignificata, illuminata et intellectualibus fragrantiis suavificata, ut sic tue pulchritudinis specie delectemur. Attende quoniam exclamatio hec, quater geminata, adolescentularum est intelligentie, id est aliarum virium anime vehementer desiderantium ipsius reditum, sive descensum, a contemplatione celestium, propter quadruplicis boni effectus utilitatem inde consequendam. Cum enim nostre mentis seraphim, adminiculantibus ardentis desiderii virtutibus, ad contemplanda celestia elevatur, quatuor gloriosissimis distributionibus insignitur, scilicet purificatione, ignificatione, illuminatione et redolitione. Purificatur autem cum ab omnibus dissimilitudinibus elongatur; ignificatur, cum ardoribus sempiternis inflammatur; illuminatur, cum superlucentibus irradiationibus fulguratur; suavificatur, cum superolentibus divinis fragrantiis et odoribus delectabiliter adventatur, ita ut nihil penitus fit ibi sordidum, nihil frigidum, nihil tenebrosum, nihil fetidum, sed potius omni pulchritudine nitens, omni calore vigens, omni lumine micans et omni odore fragrans. Unde talibus divitiis et margaritis sentientes adolescentule, sive inferiores vires anime, intelligentiam ornatam, eius suppliciter et uniformiter acclamant reditum dicentes: revertere, revertere, Sunamitis, revertere, revertere ut intueamur te. Sunamitis autem tantum sonat quantum captivata, vel mortificata, per quam nostra mentis deiformitas merito figuratur, qua sic fortissimis divini amoris ligaminibus
579 animam] sponsam N 580 et] in celum add. N Helie] et Enoch add. N 584 intellectualibus] intelligibilibus PM 601 divitiis] deliciis PM
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jeunes filles, voyant que l’âme déiforme est dérobée à leurs regards et enlevée sur des chars de feu à la façon d’Élie, s’exclament et disent unanimement: Reviens, reviens, Sunamite; reviens, reviens pour que nous te regardions. Comme si elles disaient: Ô âme captivée par les liens de l’amour, reviens purifiée, enflammée, illuminée, rendue douce par les bonnes odeurs agréables intellectuelles, pour qu’ainsi nous nous réjouissions de voir ta beauté. Fais attention: quatre fois répétée, cette exclamation est celle de l’intelligence des jeunes filles, c’est-à-dire des autres forces de l’âme désirant ardemment qu’elle revienne ou descende de la contemplation des choses célestes, à cause de l’utilité quadruple du bon effet qui doit s’ensuivre. Lorsqu’en effet le séraphin de notre esprit est élevé à contempler les choses célestes par les vertus d’un amour ardent qui le soutiennent, il se distingue par quatre distributions très glorieuses, à savoir: la purification, l’embrasement, l’illumination et l’odeur suave qui se répand. Il est purifié, quand il est éloigné de toutes dissemblances; embrasé, quand il est enflammé de perpétuelles ardeurs; illuminé, quand il brille de rayonnements plus qu’éclatants; de suave odeur, quand il est délectablement proche des bonnes odeurs divines plus qu’odoriférantes, de telle sorte qu’ici rien de sordide, de froid, de ténébreux, de fétide ne survient absolument pas: il est plutôt paré de toute beauté, fort de toute chaleur, brillant de toute lumière, exhalant toute bonne odeur. S’apercevant donc que l’intelligence est ornée de telles richesses et de telles perles, les jeunes filles ou les forces intérieures de l’âme souhaitent humblement et uniformément son retour, disant: «Reviens, reviens Sunamite; reviens pour que nous te voyions.» Sunamite signifie seulement captive ou mortifiée; par elle est à bon droit figurée la déiformité de notre esprit, ainsi retenue et capturée par les liens très forts de l’amour divin qu’elle meurt
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
compeditur et captivatur, ut penitus omni voluptati materiali, sive dissimilitudini, moriatur. Quod vero quater dicitur: revertere, ipsarum adolescentularum aviditatis est nota erga quadruplicem illum affectum assequendum; | ac si dicerent: revertere ut tua puritate purificemur, revertere ut tua ignificatione ignificemur, revertere ut tua illuminatione illuminemur, revertere ut tua fragrantia suavificemur. Dubium enim non est quin omnes vires anime, sive sit sensus, sive imaginatio, sive ratio, sive intellectus, eo amplius in suis actibus proficiant quo intelligentia plus in divina profecerit, cum ipsarum omnium profectus et usus ab ipsius dependeant bonitate, non principaliter, sed secundario. Ipsius namque est prima a divina bonitate emanantes distributiones suscipere, susceptas vero suis inferioribus, secundum eorum proportionem, boniformiter erogare. Sed quid est quod addunt: ut intueamur te, nisi quod ipse inferiores anime vires que famulantur intelligentie in eius pulchritudinis specie vehementissime delectantur? Eius enim deificatio ipsarum est admiratio, contemplatio et delectatio. Hinc est quod omnes sensus et vires spiritualium virorum semper ad intima et superiora recurrunt, ita ut plenumque difficile sit eorum impetum et aviditatem posse, vel ad modicum refrenare. Propter quod sanctus Iob aiebat: “Suspendium elegit anima mea et montem ossa mea”, hoc est: tam debilia quam fortia precordiorum meorum ad superiora intelligentie elevantur, de exterioris hominis mortificatione penitus non curantes.
629 Suspendium – mea] Iob 7, 15 603 ornatam] oneratam N 616 quo] ad add. O eras. PM 617 usus] nisus N 618 bonitate] unitate M non – secundario] om. N 626 virorum] om. PM
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absolument à toute volupté ou dissimilitude matérielle. Qu’il soit dit quatre fois: «Reviens» signifie l’avidité de ces jeunes filles d’obtenir ce quadruple effet. Comme si elles disaient: Reviens, pour que nous soyons purifiées de ta pureté; reviens, pour que nous soyons enflammées de ton embrasement; reviens, pour que nous soyons illuminées de ton illumination; reviens, pour que de ta bonne odeur nous soyons odorants. Il n’est pas douteux, en effet, que toutes les forces de l’âme, que ce soit le sens ou l’imagination, la raison ou l’intellect progressent d’autant plus en leurs actes que l’intelligence aura progressé davantage dans les choses divines, puisque le progrès et l’exercice d’elles toutes dépendent, non principalement, mais secondairement de sa bonté. Il lui revient, en effet, d’abord de recevoir les distributions qui émanent de la bonté divine, et, les ayant reçues, de les donner de belle façon à ses inférieurs selon leur capacité. Mais que signifie ce qu’elles ajoutent: «Pour que nous te voyions», sinon que les forces inférieures elles-mêmes de l’âme au service de l’intelligence se réjouissent très véhémentement de voir sa beauté? Sa déification est, en effet, leur admiration, leur contemplation et leur délectation. Tous les sens et toutes les forces des hommes spirituels retournent donc toujours aux choses intimes et supérieures, de telle sorte qu’habituellement il est difficile de pouvoir, fût-ce un peu, réfréner leur élan et leur avidité. C’est pourquoi saint Job disait: «Mon âme a choisi l’élévation, et les os, la mort», c’est-à-dire que tant en ce qu’ils ont de faible qu’en ce qu’ils ont de fort, mes sentiments sont soulevés vers les choses supérieures à l’intelligence, ne se souciant absolument pas de la destruction de l’homme extérieur.
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
CAPITULUM SEPTIMUM 7, 1a
Quid videbis in Sunamite, nisi choros castrorum? Dilectus noster, sic amore sue sponse fortiter vulneratus et in suavi intuitu eius pulchritudinis occupatus, quoniam ubi amor viget ibi oculus viget, intendens in eam, ait uni ex magis familiaribus dilecte sue contubernalibus: quid videbis in Sunamite, nisi choros castrorum? Quod est dicere: quid aliud intueri poteris in deiformi sponsa quam dulcisonas harmonias virtutum angelice immissarum? Si diligenter advertimus, tria hec de sponsa maxime commendabilia proferuntur, scilicet continua circa divina conversatio, suavis | in delectationibus modulatio et mirabilis in virtutibus ordinatio. Primum autem elicitur eo quod dicitur Sunamitis, id est captiva, per quod nobis aperte ostenditur tantum esse amorem eius et zelum erga celestia, ut nunquam inde aliquatenus separetur, scilicet dilectione, cognitione, fruitione, quasi “triplici quodam funiculo, quod difficile rumpitur”, ibidem perpetualiter captivetur. Quo enim ibi amat ardentius, eo videt subtilius, fruitur suavius, ac per hoc diutius et dulcius commoratur. O felix captivitas, nescia prorsus servitutis miserorum, sed in libertatem glorie potius tradita filiorum! Suavis vero in delectationibus modulatio per id habetur quod dicitur choros. Est enim chorus modulata vocum concordia, per quod suavissima harmonia intellectualium delectationum, aut inspirationum anime deiformis manifeste innuitur; de qua nobis dicitur per quemdam divinitus inspiratum: “In magna, ait, domo auctus est sonus suavitate
VII, 17-18 triplici – rumpitur] Eccle 4, 12
27-28 In – plenus] Eccli 50, 20
VII, Tit. Theoria super VIIum N Capitulum VIIum sequitur P Sequitur 7um capitulum M 5 viget1] urget O viget2] videt PM 14 elicitur] ex add. N Sunamitis id est] in Sunamite om. et add in marg. M 24-25 intellectualium] intelligibilium N
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CHAPITRE VII Que verras-tu en la Sunamite, sinon les chœurs des camps? Ainsi fortement blessé par l’amour de son épouse et absorbé par la vue agréable de sa beauté – parce que là où presse l’amour, l’œil exerce sa force – notre bien-aimé, songeant à elle, dit à l’une des plus familières de celles qui habitent avec sa bien-aimée: «Que verras-tu en la Sunamite, sinon les chœurs des camps?» C’est à dire: Que pourras-tu considérer d’autre en l’épouse déiforme que les accords au son agréable des vertus envoyées angéliquement? Si nous faisons diligente attention, trois choses surtout sont dites recommandables, s’agissant de l’âme: la continuelle fréquentation des choses divines, le rythme dans les délectations, l’ordre admirable dans les vertus. La première se déduit de ce qu’il est dit: «Sunamite», c’est-à-dire captive; par quoi nous est clairement montré que son amour des choses célestes et son zèle à leur égard sont si grands, que, sur ce point, elle n’en est jamais séparée, à savoir qu’elle est perpétuellement captive de l’amour, de la connaissance et de la fruition, comme par «un fil triplé, qui ne se rompt pas facilement.» Plus elle aime ardemment, en effet, plus elle voit avec pénétration, plus elle jouit suavement et, à cause de cela, elle s’attarde plus longtemps et plus agréablement. Ô bienheureuse captivité totalement ignorante de la servitude des miséreux, mais livrée plutôt à la liberté de la gloire des fils! Le rythme doux dans les délectations s’explique par ce qu’il est dit: «Chœurs». Le chœur est, en effet, la concordance modulée des voix. Par là est manifestement suggérée la très douce harmonie des délectations ou des inspirations intellectuelles de l’âme déiforme. Quelqu’un, divinement inspiré, nous en dit: «Dans la grande maison a crû un son plein
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
plenus”. Magna autem domus anima est deiformis supermanantium capacissima; in hac augetur sonus suavitate plenus, cum ex ingenti delectatione celitus tinnientium inspirationum, suavitate quadam indicibili adimpletur. Ita ut in tympano et choro, in cordis et organo, non cesset laudare superlaudabilem, iuxta illud sancti Tobie: “Per omnes vicos Ierusalem alleluia cantabitur”, quasi dicat: per singulas vires anime visioni pacifice mancipate laus et iubilus inenarrabilis celebrabitur. Mirabilis autem in virtutibus ordinatio ex eo quod ait: castrorum, intelligitur. Nam castra sunt tentoria ad exercitium militie prudentissime ordinata. Quid igitur per hoc intelligimus nisi singula virtutum munimina in sponsa nostra angelice disposita? Amat enim cum Seraphim, cognoscit cum Cherubim, iudicat cum Thronis, presidet cum Dominationibus, operatur cum Virtutibus, tuetur cum Potestatibus, regit cum Principatibus, revelat cum Archangelis, et cum Angelis custodie deputatur. Que omnia castra sunt perfecte anime in quibus singulas virtutes has tutissime ob intellectuale militie exercitium receptat. Itaque videns dilectus sponsam suam ad aggressum sue militie progredi, sapienter ait id quod nunc sequitur:
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| Quam pulchri sunt gressus tui in calceamentis, filia principis.
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Ac si dicat: valde sunt purissimi motus tui in suis delec50 tamentis, tu que es progenies radii principalis.
28-29 supermanantium] supermanentium OpcPM divinarum distributionum add. N 29 in] om. PM 30 ex ingenti] exigenti N tinnientium] timentium N 31 indicibili ] indicibiliter OM 38 singula] singularum N 44 singulas – has] om. N 45 militie] se add. N 46 aggressum] congressus N 49-50 delectamentis] oblectamentis N
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de douceur.» Or l’âme déiforme est une grande maison très capable de recevoir les distributions qui s’écoulent d’en haut: en elle croît un son plein de douceur, quand elle est indiciblement remplie d’une certaine douceur provenant de la grande délectation des inspirations venant du ciel, qui rendent un son clair, de telle sorte qu’avec le tambourin et la danse ou l’instrument à cordes, elle ne cesse de louer celui qui est au-dessus de toute louange, selon cette parole de saint Tobie: «À travers tous les quartiers de Jérusalem Alléluia sera chanté»; comme s’il disait: Par chaque puissance de l’âme, absorbée par la vision de paix, d’inénarrables louange et jubilation seront célébrées. L’admirable disposition dans les vertus se comprend à l’aide de ce qu’il dit: «Les camps». Les camps sont, en effet, les tentes disposées avec une extrême sagacité pour l’exercice de l’armée. Que comprenons-nous par cela, si ce n’est chacun des exercices des vertus en notre épouse bien ordonnée de manière angélique? Elle aime, en effet, ainsi que le séraphin, elle connaît ainsi que le chérubin, elle juge ainsi que les trônes, elle préside ainsi que les dominations, elle opère ainsi que les vertus, elle protège ainsi que les puissances, elle régit ainsi que les principautés, elle révèle manifestement ainsi que les archanges, elle garde ainsi que les anges. Tous ces camps sont ceux de l’âme parfaite en lesquels elle reçoit en toute sûreté chacune de ces vertus en vue de l’exercice intellectuel de la milice. Voyant son épouse avancer, en vue de l’attaque, sa milice, le bien-aimé lui dit donc sagement ce qui suit maintenant: Qu’ils sont beaux tes pieds dans tes chaussures, fille de prince. Comme s’il disait: Tes mouvements sont très purs en leurs délectations, toi qui es fille du rayon principal.
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Sciendum est enim tot esse gressus deiformis anime quot sunt ipsius motus in Deum et profectus, qui merito pulchri dicuntur, quia a suis contrariis fortiter separantur, nullatenus permittentes materialibus immunditiis se coinquinari. Hinc est quod pedes in Angelis, secundum beatum Dionysium, in Ang. hier. IV, significant anagogice “motivum et acutum et velox ad divina ambulatione sempiterne motionis”, id est virtutem se a materialibus movendi et intellectualia scindendi, sicut pedes secant aerem, id est celeriter in divina proficiendi, propter virtutem desiderii semper in Deum se promoventis. Unde et ob hoc Theologia sanctorum mentium alatos figurat pedes, ut per hoc manifeste monstretur, tam ipsorum munditia per separationem a dissimilibus, quam eorum agilitas per volatum ad superiora. Horum autem calceamenta sua sunt oblectamenta, dum, scilicet, affectus divina dulcedine et intellectus thearchico lumine calceatur sine istis calceamentis, nullo modo possunt prerupta et ardua montuose regionis, id est intelligibilium peragrari. Unde et hoc ipsum in seipso Propheta expertus aiebat: “Emitte lucem tuam et veritatem tuam, ipsa me deduxerunt et adduxerunt in montem sanctum tuum et in tabernacula tua”, quasi diceret: nisi nobis infuderis tui intelligibilis luminis claritatem et celestis dulcedinis veritatem, non valemus ad contemplationis altitudinem pervenire, aut in potentias angelicarum hierarchiarum introire. Illud vero minime est obmittendum quod ipsa sponsa filia principis nominatur, id est progenies radii principalis, quod fit per ipsius bonam actionem et anime affectuosam passionem, ex quo deificatio | generatur, que est proles divina. Inde est quod omnes spirituales animi dii vocantur, non per habitum nature, sed per 31-32 tympano – organo] Ps 150, 4 33-34 Per – cantabitur] Tob. 13, 22 56-57 motivum – motionis] Ps.-Dion., De cael. hier., XV, 10083-4 68-70 Emitte – tua] Ps. 42, 3 56 IV] sic codd. at potius XVleg. 59 proficiendi] proficiendum PM 60 ob] ab PM 61 figurat] figurarum N 62 monstretur] scripsi cum O monstraretur NPM 67 id est] om. N 68 ipsum] proprium PM 76 affectuosam ] effectuosam N
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Il faut savoir, en effet, que les pieds de l’âme déiforme sont aussi nombreux que ses mouvements et avancées vers Dieu; avec raison, il sont dits «beaux», car ils sont tout à fait séparés de leurs contraires, ne permettant d’aucune manière qu’ils soient souillés d’impuretés matérielles. De là vient que, chez les anges, les pieds, selon le bienheureux Denys dans la Hiérarchie angélique, ch. XV, signifient anagogiquement «ce qu’il y a de mobile, de vif, de rapide dans le mouvement perpétuel vers les choses divines», c’est-àdire la force de se mouvoir loin des choses matérielles et de fendre les choses intellectuelles, comme les pieds fendent l’air, c’est-à-dire la force de s’avancer rapidement vers les choses divines à cause de la vigueur du désir qui porte toujours vers Dieu. En conséquence et pour cela, la Théologie représente ailés les pieds des saints esprits, afin que, par là, soient montrées manifestement tant leur pureté, par la séparation des dissemblances, que leur rapidité, par le vol vers les réalités supérieures. Mais leurs «chaussures» sont les délectations tant que l’affectus est chaussé de la douceur divine et l’intellectus de la lumière théarchique. Sans elles, en effet, les escarpements et les hauteurs de la région montagneuse, c’est-à-dire de la région des réalités intelligibles, ne peuvent d’aucune manière être parcourues. En conséquence, l’ayant expérimenté en soi-même, le prophète disait: «Envoie ta lumière et ta vérité; elles-mêmes m’ont conduit et amené à ta montagne sainte et à tes tabernacles». Comme s’il disait: À moins que tu n’aies versé en nous la clarté de ta lumière intelligible et la vérité de ta douceur céleste, nous ne pouvons parvenir à la hauteur de la contemplation ou entrer dans les vertus des hiérarchies angéliques. Mais on ne peut absolument pas omettre que l’épouse elle-même est appelée «fille de prince», c’està-dire fille du rayon originaire; ce qui se réalise par sa bonne action et par la passion affectueuse de l’âme, en raison de quoi la déification, qui est enfant divin, est produite. Tous les esprits spirituels sont donc appelés «dieux», non en raison d’un habitus de nature,
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participium gratie, sicut dicitur per Psalmistam: “Ego dixi: dii estis et filii Excelsi omnes”. Quia tamen divina generatio non 80 est nisi per coniunctionem affectionum anime ad Deum, ideo bene additur: 7, 1c
Iunctura femorum tuorum sicut monilia que fabricata sunt manu artificis. Hoc est: coniunctio tuorum principalium motuum sunt velut quedam aurifrigia ornamenta, que per operationem sapientissimi radii sunt fabricata. Certum quippe est hoc idem esse femen, seu femina, in mulieribus quod femur, sive femora, in hominibus. Quid igitur per pulchram iuncturam feminum in perfecta anima ad corpus mystice est intelligendum, nisi gloriosissima coniunctio piorum ipsius motuum ad plenitudinem divinorum? Nam, dum dextro latere amor anime superardenti coniungitur igneitati et ex levo cognitio supersplendenti claritati unitur, velut in una eadem re se iungentes, hoc est in Deo, tunc quasi in figura quadam et cum pulchritudine micantia ornamenta ipsi anime circumponuntur. Queris que sint illa? Profecto ardor lucens et lux ardens que sunt monilia, non nisi per operationem artificiosissimi radii fabricata, a quibus puto illam emanare “gloriam filie regis ab intus, in fimbriis aureis” splendide prodeuntem, ita ut varietatibus et discoloribus circumamicta longe lateque ipsius speciei claritas diffundatur. Quoniam autem ad coniunctionem principalium motuum ad Deum sequitur plenitudo et perfectio amoris, ideo apte subiungitur:
79-80 Ego – omnes] Ps. 81, 6
99-100 gloriam – aureis] Ps. 44, 14
81 est] s. l. a. m. O 86 aurifrigia] insigna N 90 iuncturam] in hominibus add. N 92 dum] ex add. PM dextro] ex suo N 95 figura quadam] signa quedam N 102 ad] per M
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mais par la participation à la grâce, comme le dit le psalmiste: «J’ai dit: vous êtes tous des dieux et des fils du Très-Haut.» Mais, parce que la génération divine n’existe que par l’union des affections de l’âme à Dieu, il est ajouté, à bon droit: La jointure de tes jambes ressemble à des bijoux que la main de l’artiste a fabriqués. C’est-à-dire: L’union de tes mouvements principaux ressemble à des ornements d’or que fabrique l’opération du très sage rayon. Il est, en effet, certain que sont identiques chez les femmes et chez les hommes la jambe ou les jambes. Qu’entendre donc mystiquement par la belle jointure des jambes en l’âme parfaite en référence au corps, sinon l’union très glorieuse de ses pieux mouvements en vue de la plénitude des réalités divines? Tandis qu’en effet, à droite, l’amour de l’âme est uni à l’ardeur plus que bouillante, et, à gauche, la connaissance l’est à la clarté plus que brillante, s’unissant en quelque sorte en une seule et même réalité, c’est-àdire en Dieu, sont alors disposés, autour de l’âme elle-même, en forme de brillants bijoux. Tu cherches quels ils sont? Certes, l’ardeur brillante et la lumière ardente, bijoux que seule fabrique l’opération du très artificieux rayon, dont, je pense, émane cette «gloire au dedans» de la fille du roi s’avançant avec éclat, de telle sorte qu’«enveloppée de tissus aux couleurs variées», l’éclat de sa beauté soit diffusé au loin de long en large. Mais, parce que la plénitude et la perfection de l’amour suivent l’union des mouvements principaux vers Dieu, il est justement ajouté:
460 7, 2a
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Umbilicus tuus crater tornatilis, | numquam indigens poculum. Quod est dicere: vis tue intellectualis concupiscentie est quedam plena et perfecta distributio superabundans influitionibus. Notum vobis siquidem esse debet virtutem concupiscendi in mulieribus sedem habere in umbilico, quemadmodum viris in lumbis. Unde merito ardens concupiscentia deiformis anime erga dilectum suum per umbilicum designatur, ex qua ei appetit delectabiliter et intelligibiliter couniri, ut inde motus et actus deifici generantur. Hinc arbitror esse vocem illam qua dicitur: “Da mihi liberos, alioquin moriar”. Sed ideo hec ipsa sancta concupiscentia crater tornatilis dicitur, quia plene et perfecte distributionis est contentiva. Plenitudo autem notatur in cratere, quia concavus, perfectio vero, quia tornatilis et rotundus; talis perfectio est virtus intellectualis concupiscentie, sive amor divinus. Nam semper est plenus, quia capacissimus, semper perfectus, quia rotundissimus; semper plenus quidem propter abundantiam distributionum quarum est contentivus, ita ut, ex nimia plenitudine, semper quasi extasim patiatur, semper perfectus propter interminabilitatem illuminationum et indivisibilitatem unitionum quarum est operativus, ita ut sine ipso nulla perfectio habeatur, aut aliquid istorum obtineatur. Assimilatur etenim suo fontali pelago a quo manat quod semper est plenum, semper perfectum, et ideo ab ipso pleni et perfecti rivuli derivantur. Unde per sanctum Dionysium traditur in Epistolam ad Titum quod ipsa supersapiens et bona sapientia crateri ab eloquiis divinis com109-111 Notum – lumbis] Greg. Magn., Mor. in Iob XXXII, XIV, 20, éd. M. Adriaen, Turnhout, 1985 (CCSL 143B), p. 1644-1645; id., XL Hom. in Ev., XIII, 1, ed. R. Étaix, Turnhout, 1999 (CCSL 141), p. 89-90. 115 Da – moriar] Gen. 30, 1 130-133 ipsa – profusum] cf. Ps.-Dion., Ep. IX ad Tit., 650-651 112 ei] eam OPM 117 contentiva] continua OPpc M 121 rotundissimus] iocundissimus P 121-122 abundissimam] abundam P 122 distributionum] distributionis O distributionem PM 124 indivisibilitatem] Dei visibilitatem O
(170b)
110
115
120
125
130
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
461
Ton nombril est une coupe faite au tour, ne manquant jamais de breuvage. C’est dire: La force de ton désir intellectuel est une pleine et parfaite distribution surabondante d’influx divins. Vous devez savoir que la puissance de désirer a son siège chez la femme dans le nombril, comme chez les hommes dans les reins. En conséquence, l’ardent désir de l’âme déiforme concernant son bien-aimé est, avec raison, désigné par le nombril; en vertu de ce désir, elle convoite de lui être unie de façon délectable et intelligible, afin qu’à partir de là mouvements et actes déifiques soient engendrés. De là vient, je pense, cette voix disant: «Donne des enfants ou je mourrai.» C’est pourquoi ce saint désir lui-même est dit «coupe faite au tour», car il possède une pleine et continue distribution. On indique dans la coupe la plénitude, car elle est concave, la perfection l’est, parce qu’elle est faite au tour et ronde. Une telle perfection est la vertu du désir intellectuel ou l’amour divin. En effet, l’amour est toujours plein, car il est très capable de recevoir; toujours parfait, car il est très rond; toujours plein, à cause de l’abondance des distributions qu’il contient, de telle sorte qu’en raison de son extrême plénitude, il éprouve toujours pour ainsi dire une extase; toujours parfait, à cause des illuminations sans fin et de l’indivisibilité des unions qu’il opère, si bien que, sans elle, nulle perfection n’est possédée ou rien n’est obtenu dont il a été fait mention. En effet, il est assimilé à son océan fontal d’où il sort, toujours rempli, toujours parfait; c’est pourquoi s’échappent de lui de petits ruisseaux abondants et parfaits. Il est donc dit par saint Denys dans l’Épître à Tite, que les paroles divines comparent la sagesse plus que sage et bonne à une coupe, en tant qu’elle contient et offre une bois-
462
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
paratur, sicut mysticum continens et sanctum potum propinans et alimentum tribuens, unum quidem forte et manens, aliud vero humidum et profusum. Quomodo autem hic crater rotundus et apertus et superpropinativus existat et quid ista alimenta et potus significent, non est hic disserendum, sed ibi potius requirendum. Dicimus ergo quod divinus amor crater tornatilis dicitur, tum propter plenitudinem distributionis quam obtinet, scilicet dulcedinis, luminis, suavitatis et huiusmodi, tum propter perfectionem unitionis quam obtinet, tum etiam propter abundantiam influitionis quam ex sui plenitudine emittit. Unde merito ipse nunquam | egere poculis dicitur, id est semper emanationibus abundare. Nam minus dixit et plus significat. Vis scire quomodo abundet poculis? Audi quid Theologia dicat: “Fluvius, inquit, egrediebatur de loco voluptatis ad irrigandum paradisum”. Quis est iste fluvius egrediens? Profecto divinus amor exardescens. Quis est locus voluptatis? Animus deiformis. Que est paradisi irrigatio? Nihil melius quam delectabilium virtutum perfectio, sive ipsius inenarrabilis quedam suavitas et dulcoratio, que ab ipso divino amore fragrantissime emanans per totam animam copiosissime se diffundit, ipsas totaliter intelligentias ab usu rationis penitus alienans. Hec sunt illa dulcia pocula quibus sanctus Ieremias extitit inebriatus et quasi a vino madidus; hec est illa fortissima distributio que “facta fuit in corde eius quasi ignis estuans”, ita ut nullatenus posset sustinere, quin aliquid eructaret. Igitur, quia indesinens distributio intelligibilium poculorum maiorum parit teneritudinem desideriorum, propterea bene subiungitur:
143-144 Fluvius – paradisum] Gen. 2, 10 20, 9
153-154 facta – estuans] Hier.
134 superpropinativus] semper propinativus N 137 obtinet] continet PM 148 ipsius] animi add. N 150 ipsas] ipsam N intelligentias] om. N
135
140 (170c)
145
150
155
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
463
son mystique et sainte, et qu’elle distribue un aliment dont l’un est, certes, fort et stable; l’autre, humide et débordant. Mais comment cette coupe est-elle ronde, ouverte et toujours offerte? Et que signifient ces aliments et ces boissons? Ce n’est pas ici le lieu d’en discuter, mais plutôt de le rechercher. Nous disons donc que l’amour divin est dit «coupe faite au tour», tant à cause de la plénitude de la distribution qu’il contient, à savoir de la douceur, de la lumière, de la suavité et d’autres choses de ce genre, qu’à cause de la perfection de l’union qu’il obtient, que de l’abondance de l’influx qu’il laisse échapper de sa plénitude. Lui-même est donc, à juste titre, dit «ne manquer jamais de boissons», c’est-à-dire abonder toujours en émanations; en effet, il a dit «moins» et il fait entendre «plus». Tu veux savoir comment il abonde en boissons? Écoute ce que dit la Théologie: «Un fleuve, dit-elle, sortait du lieu de délices pour irriguer le paradis.» Quel est ce fleuve qui sort? Certes, l’amour divin qui s’enflamme. Quel est le lieu de délices? L’esprit déiforme. Quelle est l’irrigation du paradis? Rien de mieux que la perfection des vertus délectables ou ses particulières douceur et saveur inénarrables qui émanent, avec une très suave odeur, de l’amour divin lui-même, se répand très généreusement en toute l’âme, écartant totalement les intelligences elles-mêmes de l’usage de la raison. Tels sont ces doux breuvages dont, comme imbibé de vin, saint Jérémie fut enivré; telle est cette très importante distribution qui «fut faite en son cœur comme un feu brûlant», si bien qu’il ne pouvait absolument pas la soutenir sans dire quelque chose. Parce que l’incessante distribution de plus grands breuvages intelligibles engendre la tendresse des désirs, il est heureusement ajouté:
464 7, 3b
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Venter tuus sicut acervus tritici vallatus liliis. Ac si dicat: teneritudo tua circa dilectum est velut cumulus, sive abundantia, cibi regii castissimis sensuum motibus circumdatus. Notandum quod teneritudo circa Deum nihil aliud est nisi amor quidam dulcissimus quo anima non patitur individuum suum a suis gremiis, osculis et amplexibus separari, aut aliquid committere quo ipsius dulcis presentia molestetur. Hec autem teneritudo bene per ventrem figuratur, quia, sicut inter membra ipse venter est tenerior, ita ista virtus inter reliquas est dulcior ad sentiendum, suavior ad appetendum et mollior ad contrectandum ipsum dilectum dulcissimum, suavissimum et mollissimum. Sed quid est quod acervo tritici huiuscemodi virtus comparatur, nisi quod ex ipsa maxima copia et affluentia cibi regii | generatur? Nam, quanto ipse dilectus amatur tenerius, eo pascitur et cibatur uberius, et quo amor fuerit tenerior, tanto et cibus, id est suavitas affectionis, erit abundantior. Que sic est cibus divinus, quemadmodum triticum cibus regius esse fertur. Quod vero subditur: vallatus liliis, ipsos purissimos et castissimos materialium sensuum motus puto significare, quibus ipse acervus tritici, sive abundans amoris soliditas, circumsepitur et circumornatur, ne ei adulterinus amor se immisceat, ut tanto crescat altius quo purius custoditur. Summa cum diligentia est servandus talis cibus, quo ipse dilectus pascitur et nutritur. Hinc est quod nobis per sanctum Zachariam traditur: “Quid aliud bonum eius et quid pulchrum, nisi frumentum electorum et vinum germinans virgines?” Quasi diceret: nihil est in electis quod melius, vel pulchrius, reputet Deus, quam ipsam amoris soliditatem qua, non solum cibus divinus conficitur, sed vinum spiritualis letitie exprimitur, ex quo affectiones et actiones purissime producuntur. Unde apte subiungitur:
182-184 Quid – virgines] Zach. 9, 17 162 nisi] quam N
181 soliditatem] solidationem M
182 quo] qua PM
160
165
170 (170d)
175
180
185
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
465
Ton ventre est comme un tas de froment entouré de lis. Comme s’il disait: Ta tendresse envers le bien-aimé est comme un amoncellement ou une abondance de nourriture royale qu’entourent les très chastes mouvements des sens. Il faut noter que la tendresse envers Dieu n’est rien d’autre qu’un certain amour très doux par lequel l’âme ne souffre pas de voir son ami écarté de ses bras, de ses baisers et de ses caresses, ou de commettre quelque chose qui gênerait sa douce présence. À juste titre, cette tendresse est figurée par le ventre, car, de même que, parmi tous les membres, le ventre lui-même est le plus tendre, de même cette vertu est parmi les autres la plus douce à sentir, la plus suave à désirer et la plus tendre à toucher le bien-aimé luimême très doux, très suave, très tendre. Mais que signifie le fait que cette vertu soit comparée à un «tas de froment», sinon qu’elle engendre une très abondance et surabondance de nourriture royale? En effet, autant le bien-aimé lui-même est plus tendrement aimé, autant il est plus abondamment sustenté et nourri; et autant l’amour aura été plus tendre, autant la nourriture, c’est-à-dire la suavité de l’affection, sera aussi plus abondante. Celle-ci est la nourriture divine, de même que le froment, dit-on, est la nourriture royale. Ce qui est ajouté: «Entouré de lis» signifie, je pense, les mouvements mêmes, très purs et très chastes des sens matériels par lesquels le tas lui-même du froment, ou la riche fermeté de l’amour, est entouré et paré de tous côtés, de peur qu’un amour adultérin ne se mêle à lui, afin qu’il s’élève d’autant plus haut qu’il est plus purement gardé. Cette nourriture par laquelle le bien-aimé luimême est alimenté et nourri doit être conservée avec une extrême vigilance. De là ce que Zacharie nous enseigne: «Quel autre bien, quel autre beau que le sien, sinon le froment des élus et le vin qui fait germer les vierges?» Comme s’il disait: Dieu n’estime rien de meilleur ou de plus beau dans les élus, que la fermeté de l’amour; par elle, non seulement est confectionnée la nourriture divine, mais est exprimé le vin de la joie spirituelle, vin d’où proviennent les affections et les actions très pures. Ainsi qu’il convient, il est donc ajouté:
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Duo ubera tua sicut duo hinnuli gemelli capree. Hoc est: tue plene due distributiones sunt velut uniti con- 190 temporanei effectus amantissime caritatis. Queris que sint duo ubera, vel due plene sponse distributiones? Revera, hee sunt dulcedinis suavitas et luminis claritas, que de intimo ipsius pectoris fluunt abundanter ad parvulorum adhuc motuum nutrimentum. Lacte enim opus habent suavis 195 luminositatis et luminose dulcedinitatis, non solido cibo fortissime contemplationis divinitatis. Pro tanto autem duobus hinnulis gemellis capree hee distributiones assimilari perhibentur, quia dubium non est ipsam mentis dulcedinem et claritatem duos esse effectus pares et coevos | divine caritatis, que, velut caprea, (171a) cursum habet agillimum ad mentaliter sursumagendum et visum acutissimum ad intelligibilia contemplandum. Nam nihil est quod in tantum mentales motus acceleret et visus subtiliet, sicut ignita et luculentissima caritas. Igitur talis cerva, vel caprea, sit nobis carissima et amantissimus hinnulus ipsius; ubera eius ine- 205 brient nos omni tempore, ut sic in amore eius continue delectemur. Ita enim fiet ut per hoc nostre mentis deiformitas in altissimis stationibus intelligibilium collocetur. Nam sequitur:
7, 4a
Collum tuum sicut turris eburnea. Hoc est: tue mentis intelligentia est in altissima et castis- 210 sima contemplatione intelligibilium sublimata. Vide quoniam sicut, mediante collo, corpus unitur capiti et caput corpori, ita, mediante intelligentia, anima unitur Deo et Deus anime. Et ideo bene per collum ipsa intelligentia designatur, sicut Dei et anime unitiva et nutrimenti intelligibilis traiectiva ad ipsius anime incre- 215
190 tue] om. PM uniti] bini N 215 eius] om. O 215 ad] aliud PMac
196 luminose] lumine PM
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
467
Tes deux seins sont comme les deux faons jumeaux du chevreuil. C’est-à-dire: Tes deux abondantes distributions sont comme les effets contemporains et unis de la très aimante charité. Tu cherches quels sont ces deux seins ou ces deux abondantes distributions de l’âme? Réellement, elles sont la suavité de la douceur et la clarté de la lumière qui coulent abondamment du plus profond de son sein pour nourrir des mouvements encore petits. Ils ont, en effet, besoin du lait de la douce luminosité et de la lumineuse douceur, non de la nourriture solide de la très puissante contemplation de la divinité. Pour autant, ces distributions sont dites semblables «aux deux faons jumeaux du chevreuil», car il est indubitable que la douceur même et la clarté de l’esprit sont deux effets égaux et contemporains de la charité divine qui, comme le chevreuil, a une course très rapide pour s’élever mentalement et une vue très aiguisée pour contempler les réalités intelligibles. Rien, en effet, n’accélère autant les mouvements de l’esprit et n’aiguise la vision comme l’ardente et très lumineuse charité. Que donc nous soient très chers une telle biche ou un tel chevreuil, et que son faon nous soit très affectueux! Que ses seins nous enivrent en tout temps, pour qu’ainsi, sans fin, nous nous plaisions en son amour. Ainsi, en effet, adviendra-t-il que la déiformité de notre esprit soit, par là, établie dans les très hautes demeures des réalités intelligibles. Il suit, en effet: Ton cou est comme une tour d’ivoire. C’est-à-dire: L’intelligence de ton esprit est élevée en la très haute et très chaste contemplation des intelligibles. Vois: de même que, par l’intermédiaire du cou, le corps est uni à la tête et la tête au corps, ainsi, par l’intermédiaire de l’intelligence, l’âme est unie à Dieu et Dieu à l’âme. L’intelligence elle-même est donc bien désignée par «cou», en tant qu’elle unit Dieu et l’âme, et fait passer la nourriture intelligible en vue du progrès spirituel de l’âme.
468
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
mentum. Unde tali nutrimento sponsa nostra delicatissime alita, in tantum crevit ut ipsius sublimitas tum eburnee comparatur. Sed quid per turrim eburneam convenientius intelligitur, quam ipsa altissima et castissima intelligibilium contemplatio sive statio ad quam sponse deiformitas est sublimata? Nam, sicut per 220 turrim altitudo, ita per ebur castitas figuratur, que ambo de contemplatione perfecte anime predicantur. Altitudo quidem, quia usque adeo de terrenis ad celestia sublimatur, ut inde possit Dei celsitudinem contemplari, castitas vero, quia nihil impurum ibi incurrit, aut alia aliqua dissimilitudine inquinatum, sed potius 225 omni splendore coruscum. Quia vero, quanto sponse contemplatio | est sublimior per excessum caritatis et castior per mundi- (171b) tiam puritatis, tanto etiam est copiosior in spectaculis veritatis, ideo bene subiungitur:
7, 4b
Oculi tui sicut piscine in Hesebon, que sunt in porta filie multitudinis. 230 Quod est dicere: tue intellectuales visiones sunt velut affluentes emanationes distributionum in anima spirituali que sunt in propatulis intelligentie multitudinem motuum generantis. Si queratur a nobis cur intellectuales visiones per oculos designentur, sane dicendum est quod, sicut oculi sensibiles sunt 235 illuminativi ad quecumque materialia pertractandum, sic ipse intellectuales visiones, sive obiecta, aut apparitiones, sunt splendificative et manuductive rationabilium theoriarum ad finem debitum consequendum, hoc est perfectionem unitionis. Que visiones idcirco piscinis entibus in Hesebon comparantur, quia ambigu- 240 um non est eas ad modum affluenter emanantium distributionum in anima dilecta augmentari, ut ex ipsis, quasi ex quibusdam uberrimis fluentiis, mystica Hesebon, id est spiritualis anima irrigetur. Interpretatur enim Hesebon cingulum tristitie et co217 crevit] cernit N 223 de] om. N 224 nihil] inquinatum et add. PM ibi] om. P 226 quanto] quantum PM 238 rationabilium] mentalium N 240 piscinis] piscine PM entibus] existentibus Opc a. m. 242 dilecta] devota N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Très délicatement nourrie d’un tel aliment, notre épouse a donc grandi au point que sa hauteur est comparée à une tour d’ivoire. Mais que comprendre de plus convenable par «tour d’ivoire» que la très haute et très chaste contemplation des intelligibles, ou l’état vers lequel est élevée la déiformité de l’âme? De même, en effet, que «tour» signifie «hauteur», de même «ivoire» signifie «chasteté», qui toutes deux sont dites de la contemplation de l’âme parfaite. Hauteur, certes, car elle est élevée des réalités terrestres aux réalités célestes au point de pouvoir, à partir de là, contempler la hauteur de Dieu; chasteté, car là elle n’encourt rien d’impur ou de souillé par quelque autre dissemblance, mais, brillant plutôt de toute splendeur. Parce que, toutefois, autant la contemplation de l’épouse est plus élevée par l’excès de la charité et plus chaste par la parure de l’innocence, autant elle est aussi plus riche en spectacles de vérité, comme il convient, il est ajouté: Tes yeux sont comme les piscines d’Hésébon à la porte de la fille de la multitude. C’est dire: Tes visions intellectuelles sont comme les abondantes émanations qui affluent des distributions en l’âme spirituelle; elles sont aux portes de l’intelligence qui engendre une multitude de mouvements. Si on nous demande pourquoi les visions intellectuelles sont désignées par les «yeux», il faut certes dire que, de même que les yeux sensibles illuminent, afin que l’on explore toutes réalités matérielles, ainsi les visions intellectuelles elles-mêmes, ou les objets, ou les apparitions, rendent brillantes les théories des réalités raisonnables, et les conduisent pour qu’elles atteignent la fin requise, c’est-à-dire la perfection de l’union. Ces visions sont donc comparées aux «piscines» qui existent en Hésébon, car il n’est pas douteux qu’elles grandissent à la mesure des distributions qui émanent de l’âme bien-aimée, afin que, par elles, dont le flux est très abondant, l’Hésébon mystique, c’est-à-dire l’âme spirituelle, soit irriguée. Hésébon signifie, en effet, ceinture de tristesse et connais-
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
gitatio meroris, per quod non incongrue Dei dilecta anima fi- 245 guratur, que interim quodam salubri baltheo tristitie cingitur et perutili nonnullo merore afficitur, donec egrediatur ut splendor dilectus eius qui reformet corpus humilitatis eius, configurando eum corpori sue refulgentissime claritatis. Quid vero est quod ait: que sunt in porta filie multitudinis, nisi quia ipse afflu- 250 enter emanantes piscine distributionum intelligibillium sunt in ipsis propatulis intelligentie deiformis? Vis audire que sunt huius intelligentie propatula? Amor siquidem et cognitio. Ea sunt iuxta que cuncte divinorum influitiones quasi quedam intelligibiles piscine scaturiunt | et omnis turma affectionum et caterva intel- (171c) lectuum commoratur, cum reliqua ceterorum motuum multitudine. Ex ipsis, etiam per ipsa, velut per quasdam portas, egreditur anima ad dilectum suum et ipse ad eam ingreditur. Hee sunt ille porte de quibus dicitur per Psalmistam: “Diligit Dominus portas Sion”, id est amorem et cognitionem anime contempla- 260 tive, “super omnia tabernacula Iacob”, id est plus quam omnes strenuas exercitationes anime dedite actioni. Itaque, quia ubi maior claritas et abundantia visionum, ibi maior est etiam redolitio distributionum, ideo pulchre subinfertur:
7, 4c
Nasus tuus sicut turris Libani que respicit contra Damascum.
265
Ac si dicat: vis tua fragrantiarum intelligibilium discretiva et perceptiva altissime cuidam et candidissime prominentie assimilatur, que intuetur versus beatissimum Crucifixum. Attende quoniam sicut materialis nasus instrumentum est olfaciendi queque, sic anima bene disposita virtutem, sive vim, 270 quamdam habet, qua mediante percipit et discernit universas
259-261 Diligit – Iacob] Ps. 86, 2 256 motuum] om. PM 258 ipse] ipsa OpcP grantium] tuarum add. O
eam] eum PM
266 fra-
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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sance réfléchie de l’affliction; ce qui, sans incongruité, figure l’âme aimée de Dieu, qui est parfois entourée de la ceinture salutaire de la tristesse et est touchée de quelque affliction très utile, jusqu’à ce que lève, comme l’aurore, son bien-aimé qui transformerait son humble corps en le configurant à la très resplendissante clarté du sien. Mais que signifie ce qu’il dit: «Qui sont à la porte de la fille de la multitude», si ce n’est que les bassins d’où sortent abondamment les distributions intelligibles sont les portes mêmes de l’intelligence déifique? Veux-tu entendre quelles sont les portes de cette intelligence? L’amour et la connaissance. Près d’elles jaillissent tous les influx des choses divines comme des piscines intelligibles; y demeurent également la foule entière des affections et la troupe entière des connaissances avec la multitude restante des autres mouvements. D’elles, mais aussi par elles, comme par certaines portes, l’âme sort vers son bien-aimé, et lui-même s’avance vers elle. Elles sont les portes dont il est dit par le psalmiste: «Le Seigneur aime les portes de Sion», c’est-à-dire l’amour et la connaissance de l’âme contemplative, «au-dessus de tous les tabernacles de Jacob», c’est-à-dire plus que tous les exercices empressés de l’âme livrée à l’action. Parce que là où il y a plus grande clarté et abondance de visions, là aussi il y a production de la meilleure odeur des distributions, il est justement ajouté: Ton nez est comme la tour du Liban qui regarde vers Damas. Comme s’il disait: Ta force, qui discerne et perçoit les bonnes odeurs des intelligibles, est semblable à une très haute et très belle éminence qui regarde vers le très bienheureux Crucifié. Fais attention: De même que le nez matériel est l’instrument destiné à sentir quoi que ce soit, ainsi l’âme bien disposée possède une certaine vertu ou force grâce à laquelle elle perçoit et discerne
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
intelligibiles fragrantias. Hinc est quod per divinum Dionysium traditur nobis in Ang. hier. XV: “Olfactivum, inquit, discretivas virtutes, super mentem bene olentis distributionis, sicut est possibile, receptivum, et non talium scientia discretivum et totaliter effugitivum”, quasi diceret: nos dicimus virtutes nostras olfactivas, id est nares, per quas nos discernimus olfactibilia significare in angelis, sive deificatis animis, vim quamdam receptivam iuxta captum suum intelligibilis “distributionis”, id est divine suavitatis vane et copiose eisdem mentibus distribute, que quidem est “bene olentis mentem”, quia etiam incomparabiliter superat intellectum angelicum. Insuper et vim quamdam significant discernendi per scientiam quelibet divine sua|vitati contraria et dissimilia et eadem omnimode effugiendi et evitandi. Et quidem inde arbitror sponse nasum turri Libani que respicit contra Damascum comparari, quia ipsius virtus intelligibilium olfactiva prominentius et purius quam potest se ad superiora elevat sue contemplationis obtutum et sue postulationis spem dirigens ad superdilectissimum Crucifixum, ut inde optime spirantes fragrantias per circuitum intelligibilis regionis eo copiosius suscipiat quo super se ascendit altius et ipsum purius contemplatur. Nam enucleante divino Dionysio in Eccl. hier. IV: “Novimus thearchissimum Iesum substantialiter beneolentem intelligibilibus beneolentibus distributionibus divine delectationis intellectuale nostrum adimplentem”. Qui non immerito per Damascum, quod potus sanguineus sonat, designatur, quia luce clarius est ipsum supersubstantialem fontem a quo omnes sanguinei potus, id est universi haustus vitales in celestes, sive ratio273-276 Olfactivum – effugitivum] Ps.-Dion., De cael. hier., XV, 10034-10043 292-295 Novimus – adimplentem] Ps.-Dion., De cael. hier., XV, 12834-12842 275 non talium] mentalium N 276-277 olfactivas] om. N 280 distribute] distribuere PM 282 superat] separat OpcPM 284 omnimode] omnimodis N quidem] quod O quidem add. in m. a. m. quidem inde] proinde N 288 postulationis] prestolationis N 289 superdilectissimum] superdulcissimum O 290 eo] om. et add. in m. a. m. O 297 clarius] esse add. N
275
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COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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tous les parfums intelligibles. De là ce qui nous est enseigné par le divin Denys dans la Hiérarchie angélique, ch. XV: «L’odorat, dit-il, reçoit, autant qu’il est possible, les vertus dont la propriété est de discerner la distribution de bonne odeur qui dépasse l’esprit et de savoir discerner et fuir absolument ce qui n’est pas tel.» Comme s’il disait: Nous affirmons que nos vertus olfactives, c’està-dire les narines, par lesquelles nous discernons les choses qui peuvent être senties, signifient, dans les anges ou dans les âmes déifiées, une certaine force réceptive, selon sa capacité, de la «distribution» intelligible, c’est-à-dire de la suavité divine diversement et abondamment répartie dans ces esprits, force qui, certes, est réceptive de la distribution de bonne odeur au-dessus de l’esprit, car elle dépasse aussi incomparablement l’intellect angélique. En outre, elles signifient une certaine force de discernement par science de tout ce qui est contraire à la suavité divine et de tout ce qui lui est dissemblable, ainsi que la force de fuir et d’éviter de toutes façons ces mêmes choses. Je pense donc que le nez de l’épouse est comparé à «la tour du Liban qui regarde vers Damas», car sa vertu olfactive des intelligibles élève plus haut et plus purement qu’elle le peut vers les choses d’en haut le regard de sa contemplation, tournant l’espoir de sa demande vers le Crucifié plus que très aimé, afin de recevoir à partir de là les bonnes odeurs qui s’exhalent excellemment sur toute l’étendue de la région intelligible d’autant plus copieusement qu’elle s’élève plus haut au-dessus de soi et le contemple plus purement. En effet, selon l’explication du divin Denys dans la Hiérarchie angélique, ch. IV: «Nous savons que le très hiérarchique Jésus, parfum supersubstantiel, remplit notre esprit des distributions intelligibles odoriférantes de la délectation divine. Non sans raison, Jésus est désigné par Damas, qui signifie «breuvage de sang» car il est plus clair que la lumière qu’il est la source supersubstantielle d’où émergent tous les breuvages de vie dans les esprits célestes ou rationnels, breuvages sans lesquels
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
nales, spiritus derivantur, sine quibus nulla spiritualis creatura subsisteret aut viveret, quemadmodum nec aliquod sensibilium 300 animalium posset absque irrigatione sanguinis vegetari, quia anima omnis viventis in sanguine est constituta. Quoniam igitur beneolentium fragrantiarum et vivificativarum haustum et repletionem omnium intelligibilium delectationum affluentia commitatur, ideo bene adiungitur: 305 7, 5
Caput tuum ut Carmelus et come capitis tui sicut purpura regis vincta canalibus. Quod est dicere: tue mentis Cherub est velut omnium delectationum mollitie et teneritudine abundans, et actiones mentis tue sunt sicut theoria divina unita intelligibilibus distributionibus. Evidens namque est | ipsum caput tamquam dignius ceteris membris presidere, sic nimirum intelligentia omnibus viribus anime est prelata sicut deiformior. Potest autem pluribus vocabulis denominari, videlicet superior pars rationis propter maiorem dignitatem, sive intelligentia ob subtiliorem perspicacitatem, deiformitas propter maiorem Dei similitudinem sive boniformitas propter maiorem bonitatis participationem, aut Cherub mentis propter clariorem Dei cognitionem, aut Seraph mentis ob ardentiorem dilectionem. Quocumque igitur nominetur modo, dicendum pro tanto ipsum caput mentis Carmelo assimilari, quod sonat mollis, vel tenellus, sive scientia circumcisionis, quia dilectum suum superdulcissimum radium, et mollius sentit, et tenerius diligit, et clarius cognoscit ea que sunt ab anima resecanda et circumscindenda. Huius vero come sunt innumere et pulchrifice actiones ab ipso fluentes et ipsi inseparabiliter adherentes. Que bene purpure regis vincte canalibus comparantur, quia ex ipsis actionibus, tanquam ex suis filis subtilissimis, 303 vivificativarum] vivificorum N et2] etiam OpcPM 304 repletionem] repletione N 314 denominari] Nota quod intelligentia multis vocabulis in hoc libro nominatur ut hic patet add. in m. a. m. O De vocabulis intelligentie in m. a. m. M 315 ob] ad M 317 propter] ob N 318 Dei] om. N 327 suis filis subtilissimis] filis quibusdam et pretiosissimis N
310 (172a)
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320
325
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aucune créature spirituelle ne subsisterait ou vivrait, de même qu’aucun animal sensible ne pourrait vivre sans l’irrigation du sang, l’âme de tout vivant résidant dans le sang. Puisque la satiété accompagne l’absorption de toutes les délectations intelligibles et la plénitude de toutes les bonnes, suaves et vivifiantes odeurs, il est ajouté avec bonheur: Ta tête est comme le Carmel et les cheveux de ta tête sont comme la pourpre du roi enfermée dans les canaux. C’est dire: Le chérubin de ton esprit abonde pour ainsi dire de la douceur et de la tendresse de toutes les délectations, et les actions de ton esprit sont comme la théorie divine unie aux distributions intelligibles. Il est évident, en effet, que la tête dirige les autres membres, car elle est plus digne que tous; ainsi assurément l’intelligence est supérieure à toutes les forces de l’âme en tant qu’elle est plus déiforme. Mais elle peut être désignée à l’aide de plusieurs vocables, à savoir: partie supérieure de la raison, à cause d’une plus grande dignité; intelligence, à cause d’une perspicacité plus subtile; déiformité, à cause d’une plus grande ressemblance avec Dieu; ou boniformité, à cause d’une plus grande participation à la bonté; ou chérubin de l’esprit, à cause d’une connaissance plus claire de Dieu; ou séraphin de l’esprit, à cause d’une dilection plus ardente. De quelque façon qu’on la nomme, il faut cependant dire que la tête elle-même de l’esprit est assimilée au Carmel, qui signifie tendre ou délicat, ou science de la circoncision, pour autant qu’elle sent plus tendrement et aime plus délicatement son bien-aimé, le rayon plus que très doux, et connaît plus clairement ce qu’il faut retrancher ou arracher de l’âme. Ses cheveux sont les innombrables actions qui rendent beau, descendent d’elle et adhèrent inséparablement à elle. Ils sont heureusement comparés à «la pourpre enfermée dans les canaux du roi», car, des actions elles-mêmes, comme de ses fils très fins, la théorie divine est formée, telle la
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theoria divina, quasi purpura regis, contexitur, que eo deiformiore colore pulchrius decoratur, quo copiosius in ipsis distributionibus velut intelligibilibus canalibus tincturarum intellectualium 330 contentivis submergitur. Hoc autem totum alludit artificio, quod in materiali purpura observatur. Cum enim ipsa sit pannus pretiosissimus filis contextus, tingitur sanguine cuiusdam piscis, qui murex dicitur, qui et capitur in mari Tyrio, propter quod et purpura Tyria nominatur; sed sanguis ille infunditur canalibus, 335 ut bona sit tinctio et abundans. Quid igitur purpura, nisi mentalis theoria ex purissimis actionibus contexta? Quid sanguis muricis, nisi splendor igneus deifici radii ex pelago infiniti luminis emanantis? Quid infusio purpure in canalibus, nisi unitio theorie | cum distributionibus plenissimis et beati radii illumina- (172b) tionibus et delectationibus? Inde est quod ipse dilectus sponsam suam, ex huiusmodi perfusionibus quam plurimum decoratam, attente admiratur dicens:
7, 6
Quam pulchra es et quam decora, carissima, in deliciis. Ac si dicat: valde appares admirabilis, valde existis delec- 345 tabilis, sponsa mea, in affluenti perfusione divinarum deliciarum. Si tu queris unde tam appareat admirabilis sponsa sponso, dicendum est quoniam ex refulgenti indita pulchritudine; si vero unde tam existat delectabilis, profecto ex superaddita superdulci deliciarum plenitudine. Nam et inditam habet pulchritudinem anima deiformis per quam digna est admirari et superfusam super- 350 suavissimarum deliciarum plenitudinem qua oculos se intuentium apta est delectari. Hinc est quod ait Psalmista: “Gloriosa
352-353 Gloriosa – Dei] Ps. 86, 3 332 pannus] de add. N 335 sed sanguis] sanguisque Opc si sanguis PM ac pc 340 et] quidem O et O 342 decoratam] tam add. N 345-346 admirabilis – deliciarum] om. N 347 refulgenti] ore fulgenti PM 348 unde] non .OacPM existat] existis PM
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pourpre du roi, qui est décorée de couleur plus déiforme de façon d’autant plus belle qu’elle est plus largement plongée dans les distributions elles-mêmes comme en des canaux intelligibles contenant les teintures intellectuelles. Tout ceci fait allusion à la pratique de l’art observée pour obtenir la pourpre matérielle. Puisqu’en effet celle-ci est un morceau d’étoffe très précieuse faite de fils, elle est trempée dans le sang d’un certain poisson appelé murex, capturé dans la mer de Tyr – c’est pourquoi elle est aussi appelée pourpre de Tyr – mais ce sang lui-même est versé dans les canaux, afin que la teinture soit bonne et riche. Qu’est donc la «pourpre», sinon la théorie de l’esprit formée des actions très pures? Qu’est le sang du murex, sinon la splendeur ignée du rayon déifique émanant de l’océan de la lumière infinie? Qu’est l’action de verser la pourpre dans les canaux, sinon l’union de la théorie aux très riches distributions, illuminations et délectations du rayon bienheureux? De là vient que le bien-aimé lui-même admire avec application son épouse très grandement décorée en raison de ces bains et dise: Que tu es belle, que tu es grâcieuse, très chère, au milieu des délices! Comme s’il disait: Tu te montres très admirable, tu es très délectable, mon épouse, en l’abondante plénitude des délices divines. Si tu demandes d’où vient que l’épouse apparaisse si admirable à l’époux, il fait dire que c’est en raison de la beauté resplendissante qui lui est donnée. Mais si tu demandes d’où vient qu’elle soit si délectable, c’est certainement en raison de la plénitude plus que très douce surajoutée des délices. En effet, l’âme déiforme possède et une beauté, à elle donnée, qui la rend digne d’être admirée, et une plénitude de délices plus que très suaves répandue sur elle, qui la rend apte à réjouir les yeux de ceux qui la regardent. De là vient ce que dit le psalmiste: «Des choses glo-
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dicta sunt de te, civitas Dei”. Que sunt hec que dicuntur: “Qui posuit fines tuos pacem et adipe frumenti satiat te”. Sed qui sunt hii fines sponse, nisi suarum intelligibilium actionum ter- 355 minationes, que unitione pacifica circumscribuntur? Qui vero adeps quo satiatur, nisi superfusarum deliciarum solida pinguedo, qua superdelectabiliter saginatur? In uno ergo istorum redditur admirabilis, in altero autem delectabilis carissima Dei sponsa, ita ut merito tam pulchram quam decoram eam dicat. Sed 360 quoniam iuxta bonitatem delicatissimi nutrimenti habet fieri et augmentatio intelligibilis incrementi, ideo bene subiungitur:
7, 7
Statura tua assimilata est palme et ubera tua botris. Quasi diceret: extensio tue intelligentie alte plenitudini 365 celestis | contemplationis configuratur et virtutes sue susceptive (172c) intelligibilibus distributionibus comparantur. Siquidem nihil aliud est statura anime deiformis quam ipsius recta extensio in superna ob sui rectitudinem et firmitatem; dicta statura quasi stans tuta, eo quod in divino esse tanto solide- 370 tur fortius quo extenditur altius. Que pulchre assimilata dicitur esse palme, id est alte et pulchre contemplationi, quia secundum proportionem intellectualis extensionis fit et altitudo contemplationis. Hinc, ni fallor, est quod parviformis ille Zacheus legitur ascendisse altius ut videret, aut videretur clarius ab ipso 375 speciosissimo forma non tam pre filiis hominum quam pre vultibus angelorum superbeatissimo Iesu Christo. Ideo autem divina contemplatio per palmam designatur, quia ad ipsius simi353-354 Qui – te] Ps. 147, 14
374-375 parviformis – videret] cf. Luc. 19, 4
357 superfusarum] divinarum add. N 360 tam – dicat] quam pulchra et quam decora esse dicatur N 362 incrementi] nutrimenti PM 365 plenitudini] pulchritudini N 369 in] et OpcPM ob sui rectitudinem] ob supernam PM 373-374 fit et altitudo contemplationis] om. et add. in m. a. m. O om. PM pensanda et estimanda est altitudo divine visionis N
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rieuses sont dites de toi, cité de Dieu.» Quelles sont ces choses dites? «Il a assuré la paix à tes frontières et il te rassasie de la fine fleur du froment.» Mais, quelles sont ces frontières de l’épouse, sinon les limites de ses actions intelligibles qu’entoure l’union pacifique? Quelle est cette graisse dont elle est rassasiée, sinon la solide consistance des délices répandues d’en haut sur elle, par laquelle elle est plus que délectablement nourrie? En l’une de ces choses, la très chère épouse de Dieu est donc rendue admirable, mais en l’autre, délectable, de telle sorte qu’il la dise à bon droit belle et brillante. Mais, parce que le progrès spirituel doit se réaliser et croître selon la bonté de la nourriture très délicate, il est heureusement ajouté: Ta stature est semblable à celle du palmier, et tes seins sont semblables aux grappes. Comme s’il disait: L’extension de ton intelligence est modelée sur la plénitude sublime de la contemplation céleste, et ses vertus d’accueil sont réglées sur les distributions intelligibles. Puisque la «stature» de l’âme déiforme n’est rien d’autre que sa droite extension vers les réalités d’en haut, à cause de sa rectitude et de sa fermeté – stature est dit au sens de ce qui se tient en sûreté –, du fait qu’elle est d’autant plus fortement affermie en l’être divin qu’elle est plus haut élevée, elle est heureusement assimilée au palmier, c’est-à-dire à la haute et belle contemplation, car la hauteur de celle-ci est proportionnée à l’extension intellectuelle. De là, si je ne me trompe, vient ce qu’on lit de Zachée, petit de taille: Il monta plus haut pour voir ou pour être vu plus clairement par le plus que très bienheureux Jésus-Christ lui-même, qui, en raison de sa forme, est le plus beau, non pas tant au regard des fils des hommes qu’au regard des anges. La contemplation divine est donc désignée par le «palmier», car, à sa ressemblance, elle est
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litudinem aspera est in imo, frondosa in medio, fructu dulcissima in supremo. Nam tria circa divinam contemplationem con- 380 currunt, sine quibus nullatenus finem debitum obtineret; et primum quidem est asperitas operis, sive mentalis actionis, per quam initiatur; secundum, dilatatio affectionis, sive fervor orationis, per quam altius levigatur; tertium vero dulcedo et suavitas visionis, per quam dulciformiter terminatur, sive perficitur. Quod 385 autem sponse ubera botris assimilari dicuntur, puto significari quod ipse affectus et intellectus anime deiformis, qui sunt virtutes lactis dulciflui susceptive, intelligibilibus distributionibus comparentur, que, dum velut botri in sponse uberibus fortiter exprimuntur, eis sue deifice similitudinis signacula largiuntur, 390 ita ut omnino talia sint continentia qualia contenta effecerint. Itaque dilecto altitudinem contemplationis sue sponse notabiliter commendante nunc, ut in ea se ostendat quam plurimum delectari, adiungit:
7, 8a
Dixi: ascendam in palmam et apprehendam fructus eius.
395
| Quod est dicere: consilio mee bonitatis hoc decrevi quod (172d) dirigam gressum mee considerationis in verticem alte tue contemplationis et delectabor in eius effectibus. Animadverte quod dicere dilecti est aliquid immutabili ter decernere consilio sue sapientissime bonitatis. In quo notare potes 400 ipsius mirabilem dilectionem erga exercitium contemplationis, dum tam insigne edictum emittere voluerit propter illam quod non liceat immutari. Queris quid sit illud: ascendam, inquit, in palmam et apprehendam fructus eius. Ac si diceret: hoc sine dubitatione eveniet, hoc absque immutatione continget, quod dirigam 405
382 operis] operationis N 391 continentia] contentiva PM 392 altitudinem] altitudine N 393 notabiliter] om. O commendante] scripsi cum O commendata cett. ut] autem add. PM 400 decernere] discernere OPM
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rugueuse en bas, touffue au milieu, très douce par son fruit au sommet. Trois choses, en effet, concourent à la contemplation divine sans lesquelles elle n’atteindrait aucunement la fin poursuivie: d’abord, la difficulté de l’œuvre ou de l’action de l’esprit par laquelle elle débute; deuxièmement, l’extension de l’affection ou la ferveur de l’oraison par laquelle elle est rendue plus grandement légère; troisièmement, la douceur et la suavité de la vision par laquelle elle est agréablement achevée ou rendue parfaite. Que les seins de l’épouse soient dits semblables aux grappes signifie, je pense, que l’affectus et l’intellectus eux-mêmes de l’âme déiforme – vertus pouvant recevoir le lait qui coule doucement – seraient comparés aux distributions intelligibles; tandis que celles-ci sont fortement pressées comme des grappes dans les seins de l’épouse, leur sont prodiguées les marques de sa ressemblance déifique, de telle sorte que le contenant soit absolument tel que le contenu. C’est pourquoi, faisant maintenant valoir de façon ostensible la hauteur de la contemplation de son épouse, en vue de montrer combien grandement il se réjouit en elle, le bien-aimé ajoute: J’ai dit: Je monterai au palmier et je saisirai ses fruits. C’est dire: Sur le conseil de ma bonté, j’ai décidé de diriger ma considération vers le point culminant de ta haute contemplation et je me réjouirai de ses fruits. Remarque-le: le dire du bien-aimé consiste à décider quelque chose de façon immuable sur le conseil de sa très sage bonté. En cela tu peux noter son admirable amour pour l’exercice de la contemplation, puisqu’en ce qui la concerne il voudrait porter une ordonnance si singulière qu’il ne serait pas permis de la changer. Tu cherches ce que signifie: «Je monterai au palmier, et je saisirai ses fruits»? C’est comme s’il disait: Ceci arrivera sans aucun doute; ceci adviendra sans changement, que je dirigerai le pas de
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gressum mee considerationis in verticem alte contemplationis et in eius dulcissimis et pretiosissimis effectibus delectabor. Gratias tibi superdulcissime, supersuavissime, superpretiosissime amor meus, qui tam nobile edictum facere decrevisti, non ob aliquam tui necessitatem, sed propter filiorum tuorum immensam utilitatem. Duo autem in premisso versiculo sunt attendenda, cur videlicet, pro dirigere dictum est: ascendam, et quare, pro delectari positum est: apprehendam. Cuius rei causam hanc fore puto, salva reverentia intelligentie sanioris: cum enim dictum sit superius tria debere considerari in contemplatione, scilicet labor manualis et mentalis actionis, magnitudo sive fervor orationis, et suavitas unitionis et visionis, congrue, pro verbo directionis, positum est verbum ascensionis, quia primo divina consideratio inchoat a postremo per medium usque ad superius ascendendo, qualiter unumquodque anime exercitium fideliter et viriliter propagatur. Ubi autem prospexerit ab actione abesse negligentiam et ab oratione insolentiam atque a visione, immunditiam et irreverentiam, tunc proculdubio apprehendit fructus eius, quia in huiusmodi contemplationis sanctissimis effectibus adeo delectatur ut, non tantum aspiciat ad de|lectationem, sed etiam accipiat ad conservationem, et amative apprehendat ad bonam et confertam et coagitatam et supereffluentem remunerationem (si autem quis mente sollicitatur volens scire qui sint isti effectus in quibus tantum dilectus delectatur, possumus dicere quod sunt septem, scilicet ignificatio calidissima, unctio suavissima, extasis perfectissima, speculatio lucidissima, degustatio deliciosissima, quies et unitio pacatissima et gloria supergloriosissima, de quibus specialis extat Tractatus) iuxta divinam bonitatem nos414-417 cum – visionis] Voir ci-dessus, p. 281 et 133 426-427 bonam – supereffluentem] Luc. 6,38 427-433 si – Tractatus] Voir introduction, p. 67-69 407 dulcissimis] suavissimis add. N 411-411 immensam] bonitatem add. M 412 pro1] per N 412 pro2] per N 417 et1] vel N 417 et] vel N 420 qualiter] quare N 421 propagatur] propagetur O 422 insolentiam] insolertiam N 425 tantum] eos add. N 426-427 confertam] confectam N 430 unctio] unitio PM 432 et1] vel N
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ma considération vers le point culminant de la haute contemplation et je me réjouirai de ses effets très doux et très précieux, grâce à toi, plus que très doux, plus que très suave, plus que très précieux, qui décidas de porter cette si noble ordonnance, non en raison de quelque nécessité te concernant, mais pour l’immense utilité de tes fils. Mais en ce verset deux choses doivent être remarquées, à savoir: pourquoi, en ce qui se rapporte à la direction, il est dit: «Je saisirai»? La raison, je pense, doit être celle-ci, étant sauf le respect d’une meilleure interprétation. Il a été dit, en effet, plus haut que trois choses doivent être prises en considération dans la contemplation, à savoir: le travail de l’action manuelle et de l’esprit, la grandeur ou la ferveur de l’oraison, la douceur de l’union et de la vision. Il convient donc qu’au terme de «direction» ait été substitué celui d’«élévation», car la considération divine commence d’abord par ce qui est en bas, en s’élevant, grâce à un intermédiaire, vers ce qui est en haut, ainsi que n’importe quel exercice de l’âme se développerait fermement et virilement. Dès qu’il aura remarqué qu’il n’y a pas de négligence dans l’action, d’orgueil dans la prière, ni d’impureté et d’irrévérence dans la vision, alors, sans nul doute, il saisit ses fruits, car il est tellement réjoui des effets très saints d’une telle contemplation, que non seulement il les regarde pour se réjouir, mais aussi il les prend pour les conserver, et il les saisit amoureusement en vue d’une récompense bonne, pressée, secouée et débordante, selon que la bonté divine s’accorde avec nos possibilités. Mais, si voulant savoir quels sont ces effets en lesquels seulement l’époux se réjouit ou s’inquiète, nous pouvons dire qu’ils sont sept, à savoir: l’ignification très brûlante, l’onction très suave, l’extase très parfaite, la spéculation très lucide, la dégustation très délicieuse, le repos et l’union très paisibles, et la gloire plus que très glorieuse. Parce que donc, en vue de la montée du bien-aimé au palmier de l’âme déiforme, est répandue une
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
tre possibilitati coniunctam. Quia igitur ad ascensum dilecti in palmam anime deiformis multa distributionis copia infunditur, 435 ideo apte subinfertur: 7, 8b
Et erunt ubera tua sicut botri vinee, et odor oris tui sicut malorum. Ac si dicat: tue omnes virtutes divinis suavitatibus et dulcedinibus redundabunt et fragrantia aviditatis tue erit odor intelligibilium radiorum. Merito per ubera sponse eius virtutes singule designantur, quia omnes sunt thearchicarum influitionum capacissime. Quelibet enim virtus sue proprie delectationis quasi cuiusdam lactee distributionis contentiva est. Hee autem tunc dicuntur fieri velut botri, cum ex desuper abundanter fluentibus divinis suavitatibus et dulcedinibus adimplentur ita ut parvuli earum motus sugant et repleantur ab uberibus consolationis ipsarum, mulgentes fortiter et deliciis affluentes. Declinat quippe dilectus super ipsas quasi | flumen pacis et velut torrentem botros inundantem. Non igitur mirum si odor oris sponse fiat sicut malorum, hoc est fragrantie desiderii ipsius erunt sicut odor intelligibilium radiorum, que tantis earum beneolentibus distributionibus est perfusa. Aut certe per eius oris odorem intelligere possumus quamlibet sanctorum verborum pronunciationem anime boniformis que, eo silentius reverentiusque ab aliis acceptatur, quo ipsa intra seipsam quidquid profert suavius experitur et fragrantius idipso dulcoratur. Unde, quia hoc ipsum esse in sponsa sua dilectus minime dubitabat, ideo congrue subadiungit:
433 Tractatus] Qui tractatus incipit ‘Contemplativorum aquilinos obtutos acui’ etc licet quidam inscribant Bonaventure ipsum, nisi quidam alius tractatus quem hic auctor scripserit] add. in m. a. m. O 7m fructus contemplationis add. in m. M 434 possibilitati] passibilitati N 439 erit] quasi add. N 443 lactee] quia add. PM 444 tunc] om. N 449 flumen] fluvium N inundantem] inundantes N 450 oris] om. M 451 erunt] om. N odor] om. N 452 earum] eorum] N 453 eius oris odorem] os N 454-455 silentius reverentiusque] libentius N 456 idipso] om. N 457-458 dubitabat] dubitat OpcPM
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grande abondance de distributions, il est ajouté de façon appropriée, parce que le bien-aimé ne doutait absolument pas que cela même existe en son épouse, il ajoute comme il convient: Et tes seins seront comme les grappes de la vigne, et l’odeur de ta bouche comme celle des pommes. Comme s’il disait: Toutes tes vertus déborderont de divines suavités et douceurs, et l’odeur de ton ardent désir sera celle des rayons intelligibles. Les seins de l’épouse désignent à bon droit chacune de ses vertus, car toutes sont très capables de recevoir les influx théarchiques. Chaque vertu contient, en effet, sa propre délectation comme une distribution de lait. Ils sont dits devenir «comme des grappes», lorsqu’elles sont remplies des suavités et douceurs divines qui s’écoulent abondamment d’en haut, de telle sorte que, savourant fortement les délices dont ils regorgent, leurs petits mouvement les sucent et sont rassasiés par les mamelles de la contemplation, les trayant avec force et débordant de délices. Certainement, le bienaimé fait couler sur elles comme un fleuve de paix et comme un torrent inondant les grappes. Il n’est donc pas étonnant que l’odeur de la bouche de l’épouse, épouse inondée de leurs si grandes distributions odoriférantes, devienne comme celle des pommes, c’està-dire que les suaves odeurs de son désir seront comme l’odeur des rayons intelligibles. Nous pouvons du moins comprendre par «odeur de sa bouche» toute déclaration des paroles saintes de l’âme de bonne forme qui est reçue par les autres d’autant plus silencieusement et révérencieusement qu’elle expérimente en soi tout ce qu’elle dit et par quoi elle est plus suavement adoucie. Aussi, parce que le bien-aimé ne doutait nullement qu’il en était ainsi de son épouse, il ajoute avec à propos:
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7, 9b
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Guttur tuum sicut vinum optimum. Quod est dicere: intima tua experientia, vel exterior prolocutio, divinorum est velut suavitas quedam probatissima. Sicut enim guttur materiales escas gustu diiudicat, per quod intellectualis experientia figuratur, sic rursus mediante ipso elementa formamur, per quod universa divinorum verborum locutio designatur. Quodcumque ergo istorum per guttur sponse accipiatur, ipsum vino optimo comparatur, quia tam intelligibilium alimentorum experientiam, quam divinorum sermonum eloquentiam, mirabili quadam probatissima suavitate certissimum est redolere. Hinc est quod divinus Paulus tali gutture perornatus, talique vino optimo potissime debriatus, aiebat: “Christi bonus odor sumus in omni loco”. Sed unde hoc? Quia mente excedebat Deo, intime divina experiendo; et iterum sobrius erat hominibus eadem divina modeste et reverenter proloquendo, propter quod ipsius suavissimus odor longe lateque spargebatur. Sciens itaque sponsam non solum ex sua vivifica suavitate ceteros debriari, sed etiam ipsum dilectum et angelos admodum delectari, ait:
460
| Dignum dilecto meo ad potandum, labiisque et dentibus illius ad ruminandum.
(173c)
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Ac si dicat: ipsa mee experientie et eloquentie divinorum 480 optima suavitas aptissima est ad dilecti mei beatissimi Crucifixi delectationem et minorum et maiorum ipsius angelorum attentam examinationem.
471 Christus – loco] II Cor. 14-15 460 exterior] interior M 466 ipsum] provide add. N quia] que P 472 divina] divine O 475 sponsam] sponsa N 481 aptissima] apertissima PM
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Ta bouche est comme le vin le meilleur. C’est dire: Ton intime expérience ou l’expression extérieure des choses divines est comme une certaine douceur très agréable. En effet, de même que la bouche discerne par le goût les nourritures matérielles – ce qui signifie l’expérience intellectuelle – ainsi sommes-nous en retour formés par l’aliment lui-même – par quoi est désignée toute expression des mots divins: chacun d’eux, reçu par la bouche de l’épouse, est donc comparé au vin le meilleur, car il est très certain que tant l’expérience des aliments intelligibles que l’expression des paroles divines dégagent une très manifeste douceur. De là vient que le divin Paul, pourvu d’une telle bouche et surtout enivré de ce meilleur vin, disait: «Nous sommes la bonne odeur du Christ en tous lieux». Mais pourquoi cela? Parce que, par l’esprit, il était hors de sens pour Dieu en expérimentant intimement les choses divines, et, en retour, il était de sens rassis en s’entretenant avec les hommes, modestement et respectueusement, de ces mêmes choses divines. À cause de cela, son odeur très suave était répandue sur une vaste étendue. Sachant donc que non seulement les autres sont fortement enivrés de sa vivifiante douceur, mais aussi que le bien-aimé lui-même et les anges sont pleinement réjouis, l’épouse dit donc: Vin digne d’être bu par mon bien-aimé et d’être savouré par ses lèvres et ses dents. Comme si elle disait: La parfaite douceur elle-même de mon expérience et de l’énonciation des choses divines est très propre au plaisir de mon bien-aimé, le Crucifié très bienheureux, et à l’examen attentif de ses anges, petits et grands.
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Luce clarius est quoniam, si sola humane conditionis attendatur infirmitas nec divina providentie consideretur benignitas, nihil nobis est tam sanctum, tam iustum, tam devotum, ut dignum ad potandum dilecto debeat reputari, cum “omnes iustitie nostre panno menstruate” comparentur. Si vero ad suam benignam providentiam solum dirigatur respectus, nihil in nobis est tam minimum bonum quod non apud eum maximum et dignissimum deputetur. Quomodo igitur sponsa nostra de dilecti sui totaliter bonitate, non sua aliqua virtute confidens, nunc secure dicat vinum suum optimum ex optimo dignum esse ad potendum dilecto? Hoc est ad eum suaviter delectandum aptissimum. Et quidem hoc potest dicere eo securius, quo se sentit ei unitam suavius. Nam omnia nostra bona per unitionem ad Deum perficiuntur et digna delectatione eius redduntur. Hinc puto illam esse bonam enunciationem que per ipsum thearchissimum Iesum dicitur: “Ego sto ad ostium et pulso. Si quis aperuerit mihi, intrabo ad illum et cenabo cum illo et ille mecum”. Quasi diceret: ego incessanter humanam affectionem meis illustrationibus excito et si quis eas ad intima sum avidissime introduxerit, delectabor in eius affectionibus et ipse in meis deliciabitur distributionibus. Sed quid est quod subdit: labiis et dentibus illius ad ruminandum, | nisi quod tam a minoribus quam a maioribus angelis nostre mentis suavitas attentissime examinatur? Idcirco autem per labia, quorumlibet occultorum verborum expressiva, et per dentes, ciborum fortium incisivos, minores et maiores angelos dixerim figuram, quia per illos latentia queque nobis mysteria reserantur, et per istos universa fortia divinorum proventuum nutrimenta validissime atteruntur, et comminuuntur traicientes ipsa ad sui ipsorum deificam unionem. Talibus vero
487-488 omnes – menstruate] Is. 64, 6
499-500 Ego – mecum] Apoc. 3, 20
487 ad] aliquid N 491 deputetur] reputetur P Quomodo] Quoniam O 492-493 non secure dicat] nunc secure dicit OM 494 dilecto] dilecti PM 501 humanam affectionem] hominum affectiones O meam affectionem PM meis] in eis PM 512 traicientia] traicientes N
485
490
495
500
(173d)
510
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Il est plus clair que la lumière que, si est seule prise en considération l’infirmité de la condition humaine, si ne l’est pas la bienveillance de la providence divine, rien n’est si saint, si juste et si pieux en nous qui devrait être jugé digne d’être bu par le bienaimé, puisque «toutes nos justices sont comparées à un linge souillé». Mais, si le regard est seulement dirigé vers sa providence bienveillante, rien n’est si minime en nous, qui ne soit estimé par lui très grand et très digne. Comment donc, faisant totalement confiance à la bonté de son bien-aimé, non à une quelconque sienne vertu, notre épouse dit-elle maintenant sans trouble que son vin, le meilleur de tous, est digne d’être bu par le bien-aimé, c’est-àdire très apte à le réjouir très agréablement? Certes, elle peut le dire avec d’autant plus d’assurance qu’elle se sent unie à lui avec plus de douceur. En effet, par l’union à Dieu, tous nos biens deviennent parfaits et sont rendus dignes de le réjouir. En conséquence, j’estime bonne cette énonciation du même théarchique Jésus: «Je me tiens à la port et je frappe. Si quelqu’un m’ouvre, j’entrerai chez lui et dînerai avec lui et lui avec moi.» Comme s’il disait: Moi, j’excite sans arrêt les affections des hommes par mes illuminations, et, si quelqu’un les a très avidement introduites en son intimité, je prendrai mon plaisir en ses affections et lui-même prendra ses délices en mes distributions. Mais qu’est-ce qu’il ajoute: Par ses lèvres et ses dents en vue de savourer, sinon que la bonté de notre esprit est très attentivement examinée tant par les anges inférieurs que par les anges supérieurs? Pour cette raison, par les «lèvres» qui expriment n’importe quelles paroles cachées, et par les «dents» qui tranchent les aliments solides, je dirais que sont figurés les anges inférieurs et supérieurs, car, par ceux-là, tous les mystères cachés nous sont dévoilés, et, par ceux-ci, tous les aliments solides des productions divines sont eux-mêmes très fortement broyés et brisés en vue de leur union déifique. Par eux assurément
490
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
nimirum vinum optimum anime deiformis est dignum ad ruminandum, quia omnes ipsius suaves experientias vel fragrantes affectiones, aut strenuas actiones diligentissime examinant, ne 515 quid dissimilitudinis ibi oriatur, ut sic eas post omnem repurgationem conspectui sui dilecti superamabilis representent, quemadmodum de purissimis orationibus et actionibus boni Tobie legimus fore factum. Igitur sponsa nostra, tantorum dilecti beneficiorum in se experta humanitatem, et ipsa ipsius erga se 520 cognoscens dilectionis suavitatem, ait sponsa:
7, 10
Ego dilecto meo et ad me conversio eius. Quod est dicere: meipsam totaliter superdiligibili radio committo et ad meam aviditatem eius distributio est conversa. Attende quoniam, inter omnia bona anime deiformis, hoc 525 precipue est notandum, videlicet quod ipsa se totam totaliter dispositioni divini radii committat, sive in interioribus promovendis, sive in exterioribus exercendis. Hoc autem voluit designare sponsa nostra dum dixit: ego dilecto meo. Quasi dicat: totam me toti sibi commendo et sue dispositioni me subdo, nihil mihi de 530 me relinquens, ut enim ait sanctus Dionysius, De div. nom. VII: “Melius est esse Dei et non nostri ipsorum”. Si vero queris quam utilitatem ex huiusmodi totali commissione sponsa nostra | con- (174a) consecuta, magnum utique respondendum est: et ad me, inquit, conversio eius, hoc est ad meam sitibundam aviditatem eius dis- 535 tributio, eius influitio est conversa, adeo copiosius quo me sibi committo totalius, ita ut nunquam desistat influere abundan-
518 de – Tobie] Tob. 12, 12 nom., VII, 3862
532 Melius – ipsorum] Ps.-Dion., De div.
516 dissimilitudinis] difficilis PM 516-517 repurgationem] repugnationem N 519 dilecti] om. PM 520 humanitatem] humanitate O ipsa] om. N 523 dicere] ego add. O radio] me add. N 525 Attende] om. OPM 530 commendo] commito PM 537 ut] ipse add. N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
491
le vin le meilleur de l’âme déiforme est digne d’être savouré, car ils examinent avec une diligence extrême toutes ces douces expériences ou ses affections odoriférantes, ou ses infatigables actions, de peur que quelque dissemblance ne naisse de là, afin qu’ainsi, après toute purification, ils les mettent sous les yeux du plus qu’aimable bien-aimé, comme nous lisons que cela dût être fait des prières et des actions très pures du bon Tobie. Ayant expérimenté en elle la bonté des si grands bienfaits du bien-aimé, et connaissant elle-même la douceur de son amour envers elle, notre épouse dit donc: Moi, je suis à mon bien-aimé, et il se tourne vers moi. C’est dire: Je m’abandonne moi-même totalement au rayon plus qu’aimable, et sa distribution est entièrement tournée vers mon ardent désir. Entre tous les biens de l’âme déiforme, il faut surtout noter celui-ci, à savoir qu’elle remet tout elle-même totalement à la disposition du rayon divin en ce qui concerne soit les choses intérieures à promouvoir, soit les choses extérieures à réaliser. C’est cela que notre épouse voulut indiquer quand elle a dit: «Moi, je suis à mon bien-aimé.» Comme si elle disait: Je me remets toute entière à lui tout entier, et je me mets à sa disposition, ne gardant pour moi rien de moi, ainsi qu’en effet saint Denys le dit dans les Noms divins, ch. VII: «Mieux vaut être de Dieu que de nous-mêmes.» Mais, si tu cherches quelle utilité notre épouse retire d’un tel total abandon, il faut répondre que, certes, elle est grande: «Et vers moi, dit-elle, sa conversion», c’est-à-dire sa distribution, son influx sont entièrement tournés vers la satisfaction de mon ardent désir, d’autant plus largement que je m’abandonne à lui plus totalement, si bien qu’il ne cesse jamais de se répandre abondamment, comme
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
ter, ut et ego me sibi subiciam incessanter. Hinc arbitror esse illud: “Convertimini ad me et ego convertar ad vos”, quasi dicat: si vos ipsos mee benigne dispositioni subdideritis totaliter, ego 540 fluenta mee bonitatis convertam ad alveum vestre capacitatis. Quia vero, post quietem susceptionis et passionis, evigilandum est ad exercitium actionum, ideo bene ait sponsa:
7, 11-12a
Veni dilecte mi, egrediamur in agrum, commoremur in villis, mane surga545 mus ad vineas. Quasi dicat: irradia mihi peramabilis radii tui luminis claritatem et sic pariter exeamus ad exercitium lectionis, quiescamus in receptaculis meditationis, et intelligibili diluculo ascendamus ad mentales theorias. Pulchre deiformis anima dilectum suum superdulcissimum 550 radium ad sui invitat commitatum, quia sine ipso nulla proficit lectio, nulla afficit meditatio, nulla elucescit contemplatio. Quo autem ipsius luciflua presentia obtenta profectura sit, per sequentia declaretur: egrediamur, inquit, in agrum, hoc est de penetralibus et abditis unitionis exeamus ad exercitium lectionis, vel 555 studium predicationis, aut laborem cuiuslibet bone manualis operationis, ut sic in ipso exteriori homine stigmata refulgeant beatissimi Cruci|fixi. Queris que sint illa: utique mortificatio cogita- (174b) tionum, sensuum et membrorum que ex hoc triplici acquiruntur exercitio. Nam ex attenta lectione crucifigitur aspectus, ex fre- 560 quenti predicatione affectus et ex virili actione manuali actus illicitus cohibetur. Hoc autem totum fit virtute comitantis sanctissimi radii qui est castissimus malum succidens affectum, qui est pudicissimus adulterinum obtundens aspectum, qui est ho-
539 Convertimini – vos] Zach. 1, 3 538 ut] om. N 542 passionis] divinorum add. N 551 invitat] invocat N 552 lectio] actio N 555 vel] in ras. a. m. O id est PM 560-561 frequenti] ferventi N 562 comitantis] concomitantis O
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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moi aussi je me soumets sans arrêt à lui. De là vient, je pense, cette parole: «Tournez-vous vers moi, je me tournerai vers vous.» Comme s’il disait: Si vous vous soumettez vous-mêmes totalement à ma bienveillante disposition, je tournerai les influx de ma bonté vers la cavité de votre capacité. Mais, parce que, après la paix de l’accueil et de la passion, il faut veiller à agir, l’épouse dit, ainsi qu’il convient: Viens, mon bien-aimé; que nous sortions vers le champ, que nous demeurions dans les maisons de campagne, qu’au matin nous nous levions pour aller vers les vignes. Comme si elle disait: Projette sur moi la clarté de lumière de ton rayon plus qu’aimable, et qu’ainsi, ensemble, nous en venions à l’exercice de la lecture, nous nous reposions dans les lieux de la méditation et que nous nous élevions aux théories de l’esprit, à la pointe du jour intelligible. L’âme déiforme invite joliment son bien-aimé, le rayon plus que très doux, à l’accompagner, car sans lui aucune lecture n’est utile, aucune méditation n’émeut, aucune contemplation ne brille. Mais où, une fois obtenue, sa présence, source de lumière, doitelle aboutir? Que la suite le dise: «Que nous sortions, dit-elle, vers le champ», c’est-à-dire, de l’endroit le plus reculé et le plus caché de l’union vers l’exercice de la lecture, ou vers le travail de la prédication, ou vers le labeur de n’importe quelle bonne opération manuelle, afin qu’ainsi les stigmates du bienheureux Crucifié brillent en l’homme extérieur lui-même. Tu cherches quels sont ces stigmates? Certes, la mortification des pensées, des sens et des membres qui sont acquis grâce à ce triple exercice. En effet, par une lecture attentive, le regard est crucifié; par une fréquente prédication, l’affectus l’est aussi; par une action manuelle virile, l’acte illicite est empêché. Mais tout cela advient par la vertu du très saint rayon accompagnateur qui est très chaste, coupant par le pied la mauvaise affectivité; très pudique, émoussant le regard adultérin; très honnête, réprimant l’acte honteux. Mais, parce que, après le
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
nestissimus turpem restringens actum. Sed, quia post laborem 565 dulcius sapit quies, ideo bene ait: commoremur in villis, id est quiescamus in receptaculis meditationis interim ruminantes nostre fructus operationis, donec erumpat mane intelligibilis illuminationis, et sic surgamus ad vineas, id est ad mentales theorias nos ipsos viriliter erigamus. Est autem differentia inter 570 meditationem et theoriam; nam meditatio est eorum que intra mentem sunt contenta collatio, que est quoddam ignifactivum ad theoriam. Theoria vero est eorum que mentem excedunt ignificativa, illuminativa et sursumactiva quedam investigatio totaliter animam vendicans sibi ipsi actu. Quoniam autem inter theo- 575 rias alia aliis est dignior, sublimior et fructuosior, utpote illa que est circa divinam caliginem, propterea bene subintulit sponsa:
7, 12b
Videamus si floruit vinea, si flores fructus parturiunt, si floruerunt mala 580 punica. Quod est dicere: diligentissime mentis intuitu contemplemur si eruperit divina theoria, si eruptiones excessus pariunt, si germinaverunt divina obiecta. Nota quod videre anime est aliquid intelligibilium diligenti mentis oculo contemplari, | quod quidem minime potest, (174c) nisi eidem oculo thearchici radii coruscatio se infundat. Hinc est quod ipsa sponsa signanter dixit: videamus, quasi dicat: nisi mecum videris, aut loco pupille meo oculo te immiseris, non videbo. Sed quid desideras videre: si, inquit, floruit vinea, hoc est si adhuc in mente erupit divina theoria, sive supersplendentis cali- 590 ginis incontemplabilis contemplatio. Non enim ista sicut alie erumpit theoria, sed omnimodo dissimiliter, sicut superexistens
571 est] earum vel add. OPM intra] infra N 572 contenta] attenta N 575 animam] animum N actu] attamen N actum PM 580-582 si floruerunt – pariunt] om. M om. et add. in m. P 581 diligentissime] diligentissimo 0acPM 590 erupit] erumpitur N 592 omnimodo] omnimodis N
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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travail, le repos est plus agréablement senti, elle dit avec bonheur: «Que nous demeurions dans les maisons de campagne», c’est-àdire que nous nous reposions dans les lieux de la méditation, savourant pendant un moment les fruits de notre opération, jusqu’à ce qu’éclate le matin de l’illumination intelligible et qu’ainsi nous nous levions nous-mêmes pour aller vers les vignes, c’est-à-dire que nous nous élevions avec courage vers les théories de l’esprit. Mais il existe une différence entre la méditation et la théorie. La méditation, en effet, est un entretien qui enflamme en vue de la théorie sur les choses contenues à l’intérieur de l’esprit; la théorie est une certaine recherche attentive, qui enflamme, illumine et élève, des choses qui dépassent l’esprit, réclamant en acte pour elle-même l’âme entière. Mais, puisque, parmi les théories, l’une est plus digne, plus sublime, plus fructueuse que les autres, à savoir celle qui se rapporte à la ténèbre divine, l’épouse a ajouté, ainsi qu’il convient: Voyons si la vigne a fleuri, si les fleurs produisent des fruits, si les grenades ont fleuri. C’est dire: Contemplons très attentivement par le regard de l’esprit si la divine théorie n’a pas jailli, si ses jaillissements n’enfantent pas des extases, si les divins objets n’ont pas germé. Voir, pour l’âme, est contempler de l’œil diligent de l’esprit quelque intelligible; ce dont elle est absolument incapable, si la fulguration du rayon théarchique ne se répand pas en cet œil luimême. De là vient que l’épouse elle-même dit clairement: «Voyons», comme si elle disait: À moins que tu ne voies avec moi, ou que tu t’introduises en mon œil à la place de la pupille, je ne verrai pas. Mais, que désires-tu voir? «Si, dit-elle, la vigne a fleuri.» Si, dit-elle, la divine théorie ou la contemplation de la ténèbre plus que brillante, impossible à contempler, éclate encore en l’esprit. Cette théorie, en effet, ne se manifeste pas comme les autres, mais de façon absolument dissemblable, en tant qu’elle surexiste
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
supersubstantialiter. Eius namque eruptiones supersplendentes quedam sunt coruscationes et irradiationes ex ipsa quasi florigere pullulantes. Cuius fructuum parturitio est ad excessus dispositio. 595 Parturitio enim tantum dicit actum patiendi; sic tales florum coruscationes fructus parturiunt, quia ipsos rationis usus iam quasi suspendunt, etsi nondum ad plenum auferunt. Quod vero dicit: si floruerunt mala punica, de intelligibilibus obiectis est intelligendum, que modo in ipso tali statu incipiunt pulchrifice efflo- 600 rere, hoc est pulcherrima fragrantia ipsius anime conspectibus visibiliter se prebere, quod valde est iocundissimum et dulcissimum. Post hec autem ipsa supersubstantialis theoria, id est divina caligo sive supersplendens lux, que Deus est, incipit non videndo videri et non contemplando contemplari, et tunc vere 605 accidit quod per sponsam subiungitur:
7, 12c
Ibi dabo tibi ubera mea. Quasi diceret: omnem amorem meum, id est cognitionem, tibi impendam, immo potius tu ipse tibi impendes et vendicabis, 610 dum ad contemplationem beate caliginis me adduxeris. Ibi quippe anima ob nimium visionis excessum ita absorbetur, ut nihil sentiat se amare, nihil percipiat se videre, sed super intellectum amans et videns. Dat ergo sponsa ubera predilecto suo, tunc non ex ratione amando et cognoscendo, sed | super (174d) rationem in amoris dulcedine et cognitionis lumine excedendo. 615 Hinc est quod divinus Dionysius, Myst. theol. I, de anima in tali statu constituta ait: “In eo quod nihil cognoscit, super mentem est cognoscens.” Quod sic intelligendum est: pro eo quod nihil
617-618 In – cognoscens] Ps.-Dion., Myst. theol. I, 5782 596 dicit] om. P 597 iam] om. O om. et add. s. l. O
patiendi] pariendi N florum] flores PM sive add. N 600 modo] tunc N 601 ipsius] ipsis N 609 tibi] 612 super] affectum et add. N 613 ubera] om. M
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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supersubstantiellement. En effet, de ses brillantes manifestations, certaines fulgurations et irradiations sortent d’elle comme des fleurs. La production des fruits est la disposition aux dépassements. Production dit, en effet, seulement acte de pâtir; ainsi de telles apparitions de fleurs engendrent des fruits, car pour le monde elles suspendent, pour ainsi dire, les usages de la raison sans les supprimer encore totalement. Mais il faut entendre ce qu’elle dit: «Si les grenades ont fleuri» des objets intelligibles qui, pour l’instant, en cet état même, commencent bellement à fleurir, c’est-àdire les très belles et suaves odeurs commencent à se manifester visiblement aux regards de l’âme elle-même, ce qui est très agréable et très doux. Après cela, la théorie supersubstantielle elle-même, c’est-à-dire la ténèbre divine ou la lumière plus que brillante, qui est Dieu, commence à être vue sans qu’on la voie et à être contemplée sans qu’on la contemple. Advient alors vraiment ce que l’épouse ajoute: Là, je te donnerai mes seins. Comme si elle disait: Je t’accorderai tout mon amour, ou, plutôt, tu t’approcheras toi-même et revendiqueras pour toi jusqu’à ce que tu m’aies conduite à la contemplation de la ténèbre bienheureuse. Ici, certes, à cause du très grand dépassement de la vision, l’âme est absorbée de telle manière qu’elle ne se sente rien aimer, qu’elle perçoive ne rien voir, mais se perçoit aimant et voyant au-dessus de l’intellect. L’épouse donne donc ses seins à son très aimé, non pour aimer et connaître alors à partir de la raison, mais au-dessus de la raison, dans la douceur de l’amour et en sortant de la lumière de la connaissance. De là ce que le divin Denys dit dans la Théologie mystique, ch. I, de l’âme qui se trouve en cet état: «En ce qu’elle ne connaît rien, elle connaît au-dessus de l’esprit»; ce qu’il faut comprendre ainsi: en ce qu’elle se connaît ne rien connaître
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
percipit se cognoscere secundum rationem, dicendum est quod supra mentem sit cognoscens, hoc est supra rationem. Nam spon- 620 sa nostra, rediens ad seipsum, cernensque omnia sua intima odore intelligibili respersa, ait ad dilectum: 7, 13a
Mandragore dederunt odorem in portis nostris. Ac si dicat: perfecte virtutes resperserunt fragrantiam in sensibus et actibus nostris. Si diligenter animadvertimus, non immerito per mandragoras, que radicem habent ad instar imaginis femine, necnon et poma valde redolentia producunt, perfectas virtutes designavimus, que piissimam Dei bonitatem habent pro radice, a qua premia perfectissima sive actiones fragrantissime generantur, de quibus bene dicitur quod dederunt odorem in portis, quia dubium non est, tam omnes sensus quam actus anime deiformis, mirabili quadam sanctitate vigere, ex qua maxima spirat fragrantia dispositis olfactivis. Si vero queris cur sponsa non simpliciter dixerit portis, sed addidit nostris, respondendum est quod ipsa nihil deputat sibi proprium, aut peculiare, presertim cum se totam in amabile dilecti sui obsequium deputaverit, sive in sentiendo, sive in agendo. Unde quidquid bene sentit, aut strenue agit, totum in superamabilis sui laudem et gloriam refundit a quo omnis voluntas et perfectio ministratur. Quia tamen posses credere hoc ipsam tantum agere de recenter collatis non quondam exhibitis beneficiis, ideo merito subadiungit:
620 sit] est PM 626 per] semper PM 627 femine] feminine N feminee PM 631 quia] quare PM 633 fragrantia] bene add. N 635 dixerit] dixit O 637 deputaverit] vendicaverit N 638 aut] om. PM 639 sui] dilecti add. O quo] sibi add. N
625
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selon la raison, il faut dire qu’elle connaît au-dessus de l’esprit, c’est-à-dire au-dessus de la raison. Revenant à elle-même, en effet, et constatant que toute sa profondeur est inondée d’un parfum intelligible, notre épouse dit au bien-aimé: Les mandragores ont donné leur parfum à nos portes. Comme si elle disait: Les vertus parfaites ont inondé d’une suave odeur nos sens et nos actes. Si nous portons diligente attention, par les «mandragores», dont la racine ressemble à l’image d’une femme, et qui, en outre, produisent des fruits très odoriférants, nous avons désigné les vertus parfaites, qui ont pour racine la bonté très clémente de Dieu dont sont engendrées de parfaites récompenses ou des actions très odoriférantes; il en dit heureusement qu’«elles ont donné leur parfum aux portes», car il n’est pas douteux que tous les sens et tous les actes de l’âme déiforme sont remplis d’une sainteté admirable d’où, pour les odorats disposés, spire l’odeur suave la plus grande. Si tu demandes pourquoi l’épouse n’a pas dit simplement «portes», mais a ajouté «nos», il faut répondre qu’elle-même ne s’attribue rien de propre ou de spécial, surtout lorsqu’elle se sera mise toute entière à l’aimable service du bien-aimé, soit en sentant, soit en agissant. Ce qu’elle sent agréablement ou réalise avec diligence, elle le restitue donc totalement en louange et gloire de son bien-aimé plus qu’aimable qui procure toute volonté et toute perfection. Parce que cependant tu pourrais croire qu’elle fait cela uniquement à cause des bienfaits récemment accordés et non autrefois dispensés, elle ajoute à juste titre:
500 7, 13b
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
| Omnia poma nova et vetera, dilecte mi, servavi tibi. Quasi diceret: universorum perfectorum operum fragrantias, tam noviter collatorum, quam hactenus exhibitorum, ad tuam gloriam deputavi, superamabilis Iesu Christe. Proprium enim est perfecte anime omnia perfecta sua opera, tam preterita quam futura, sive presentia, atque ex ipsis bene spirantes laudis odores et bonorum fragrantias intra cordis sui arcana ad dilecti sui gloriam et magnificentiam reservare, cantans et psallens cum illa beata anima, et dicens: “Non nobis, Domine, non nobis sed nomini tuo da gloriam”. Hinc est quod de divinis viris sanctus Dionysius dicit in Eccl. hier. IV, quod “nec apparentia vane pulchra et iusta, sed vere existentia amant, neque ad opinionem inspiciunt a multitudine irrationabiliter laudatam”. Tali igitur sententia suffulta sponsa nostra, omnia poma sua nova et vetera, hoc est laudem et gloriam omnium suarum operum perfectorum, presentium aut preteritorum, dilecto suo reservare decrevit in armariolo cordis sui, ne forte foris exposita possent porcorum pedibus, vel dentibus, conculcari.
651-652 Non – gloriam] Ps. 113, 9 653-655 nec – laudatam] Ps.-Dion., De eccl. hier., IV, 12694-12701 659-660 foris – conculcari] cf. Matt. 7, 6 648-649 spirantes] spirantis PM 653 apparentia] apparentibus N 656657 omnia poma sua nova et vetera] om. OPM 659 decrevit] et add. PM
(175a)
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Je t’ai gardé, mon bien-aimé, tous les fruits nouveaux et anciens. Comme si elle disait: J’ai attribué à ta gloire les bonnes odeurs de toutes les œuvres parfaites réalisées tant récemment que produites jusqu’ici, plus qu’aimable Jésus-Christ. Il est, en effet, propre à l’âme parfaite de réserver, en vue de la gloire et de la magnificence de son bien-aimé, toutes ses œuvres parfaites, passées, présentes et futures, ainsi que les odeurs de la louange et les bonnes odeurs des biens qu’elles spirent heureusement, dans le secret de son cœur, chantant et psalmodiant avec cette âme bienheureuse et disant: «Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom donne la gloire.» De là ce que, dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. IV, saint Denys dit des hommes divins: «Ils aiment non les choses qui apparaissent vainement belles et justes, mais ce qui existe vraiment; ils ne prennent pas en considération l’opinion que beaucoup louent déraisonnablement.» Soutenue par un tel sentiment, notre épouse a donc décidé de conserver dans la petite armoire de son cœur pour son bien-aimé tous ses fruits nouveaux et anciens, c’est-à-dire la louange et la gloire de toutes ses œuvres parfaites, présentes ou passées, de peur qu’exposées par hasard à l’extérieur, elles puissent être écrasées par les pieds ou les dents des porcs.
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
CAPITULUM OCTAVUM 8, 1
Quis mihi det te fratrem meum sugentem ubera matris mee, ut inveniam te foris et deosculer et me iam nemo despiciat. Sciens sponsa nostra deiformitate insignita nullatenus posse | se plena dilecti sui presentia perfrui, nisi sue interioritatis confinia egrediatur, sive vehementi desiderio ipsius inflammata et a seipsa egressa, aptat eum solum in campis intelligibilium reperire, dicens: quis mihi det te fratrem meum, etc., quis tanti boni sublimitatem largietur, ut te germanum meum divinum delectantem in plenitudinibus deiformitatis mee reperiam extra me et uniar tibi et de cetero nullus angelorum me abiciat. Attende quia sponsa dilectum suum interrogando alloquitur, non quasi de ipsius bonitate diffidens, sed potius de sua mirans infirmitate, ne forte tam humili, tam sublimis suum recuset prebere aspectum. Quia vero nullus nisi ipse solus hoc ei potest tantum conferre munus, ideo ipsa et veris et sanctis blanditiis nititur ipsum attrahere, et primo quidem vocat eum fratrem, quoniam tam thearchicus radius, sive supersplendidissimus Dei Filius, quam universa intellectualis et spiritualis creatura ab eodem Patre luminum emanaverunt: ille, per eternam generationem, hoc per benignam creationem. Secundo autem dicit eum sugere ubera matris sue, hoc est delectantem in plenitudinibus intelligentie et deiformitatis sue. Quod quidem fit, cum ipsa intelligentia suavificata, et dulcedine divini amoris respersa, et claritate et luminositate beati luminis dealbata, ab ipso thearchica radio suavius dulcoratur et dulcius demulcetur, ita ut sugendo magis impleat et implendo magis sugat. Hunc igitur sponsa nostra desiderat foris invenire et eum deosculari, hoc est ipsam
VIII, Tit. Theorie super octavum N Capitulum octavum P Sequitur ultimum M 4 deiformitate] deiformi animo N 6 sive] sicut N 7 campis] campo PM 8 boni] doni N 9 largietur] mihi add. N divinum] radium add. N 15 aspectum] conspectum N 19 intellectualis] intellectualia PM 20 emanaverunt] manaverunt N 24 suavificata] suavifica OpcM suavitate N 27 magis] fortius N
(175b)
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CHAPITRE VIII Qui te donnerait à moi comme mon frère, suçant les seins de ma mère, pour que je te rencontre dehors et t’embrasse et que personne alors ne me méprise? Sachant ne pouvoir absolument pas goûter avec délices l’entière présence de son bien-aimé, si elle ne dépasse pas les limites de son intériorité, ou bien enflammée de son violent désir et sortie d’ellemême, notre épouse de remarquable déiformité souhaite le découvrir seul dans les champs des réalités intelligibles, disant: «Qui te donnerait à moi comme mon frère», etc. Qui m’accorderait la sublimité d’un si grand bien, pour que je découvre hors de moi mon frère divin qui se plaît dans les plénitudes de ma déiformité et que je m’unisse à toi et qu’à l’avenir aucun ange ne me chasse? Remarque que l’épouse parle à son bien-aimé en l’interrogeant, non comme si elle se méfiait, mais plutôt comme s’étonnant de sa propre faiblesse, de peur que peut-être celui qui est si sublime refuse de porter son regard sur elle qui est si humble. Mais, parce que nul, si ce n’est lui seul, ne peut lui accorder si grande faveur, ellemême s’efforce de l’attirer par des paroles tendres, vraies et saintes. Elle l’appelle d’abord «frère», parce que tant le rayon théarchique ou le plus que très splendide Fils de Dieu que toute créature intellectuelle ou spirituelle sont sortis du même Père des lumières, celuilà par génération éternelle, celles-ci par généreuse création. Mais, deuxièmement, elle le dit «sucer les seins de sa mère», c’est-àdire se réjouir dans les complets développements de son intelligence et de sa déiformité. Cela advient quand l’intelligence ellemême adoucie, inondée de la douceur de l’amour divin et blanchie par la clarté et la luminosité de la bienheureuse lumière, est plus agréablement adoucie et plus doucement charmée par le rayon théarchique lui-même, de telle sorte qu’en suçant, elle soit davantage rassasiée et qu’en étant rassasiée, elle suce davantage. Notre épouse désire donc le trouver au dehors et l’embrasser, c’est-à-dire se
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totaliter extra se factam clare et lucide contemplari et ex contemplatione sue superbeatissime unionis dulcedinem experiri. 30 Nec enim aliter in campis intelligibilium per contemplationem invenitur, nisi per ebrietatem alienationis. Hinc est quod per divinum Dionysium traditur in Myst. theol. I: “Etenim excessu tui ipsius et omni irretentibili et absolute munde ad supersubstantialem | divinarum tenebrarum radium, cuncta auferens et a (175c) cunctis absolutus sursumageris”. Que vero ex huius inventione et deosculatione utilitas subsequatur, patet per hoc quod ait: et me iam nemo despiciat, quasi diceret: ex quo invenero te per contemplationem, ex quo deosculata fuero te per unitionem, nullus angelorum me quasi fornicariam abiciet, aut quasi adulteram 40 despiciet, sed magis velut sororem et sponsam factam venerabitur obsequendo et diliget amplectendo. Quoniam autem post semel adeptum vinculum unitionis vix sustineri potest solutio separationis, ideo bene subiungitur a dilecta:
8, 2a
Apprehendam te et ducam te in domum matris mee et in in cubiculum 45 genitricis mee. Ac si dicat: fortiter te capiam et intromittam in secreto memorie meo et in quiete conscientie mee. Tunc namque dilectus apprehendi dicitur, cum ex prelibata iam ipsius dulcedine, toto corde, tota anima et totis viribus 50 amatur et desideratur. Tunc vero in domum matris et in cubiculum genitricis ducitur, cum, nec a secretis memorie, nec a quiete conscientie, aliquatenus elongatur, sed semper ante cordis oculos statuitur et in manibus apportatur, ne per oblivionem, vel
VIII, 33-36 Etenim – sursumageris] Ps.-Dion., Myst. theol. I, 5683-5691 32 alienationis] nec tur[turis] ipsius dulcissime unionis osculum optinetur, nisi per clarita[tem] contemplationis add. N 38 ex quo] om. M 48 et in quiete conscientie mee] om. N 54 vel] per add. PM
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contempler elle-même, clairement et lucidement, totalement sortie de soi et, en raison de cette contemplation, expérimenter la douceur de son union plus que très bienheureuse. En effet, il n’est pas découvert autrement dans les champs des intelligibles par la contemplation, si ce n’est par l’ivresse de l’aliénation. De là ce qu’enseigne le divin Denys dans la Théologie mystique, ch. I: «En effet, par le dépassement de toi-même, sans aucune retenue, absolu et pur, ôtant toutes choses, libre de toutes choses, tu seras élevé vers le rayon des ténèbres divines.» Quelle utilité résulte de cette découverte et de ce baiser? Ce qu’elle dit le montre: «Et qu’alors personne ne me méprise.» Comme si elle disait: De ce que je t’aurai découvert par la contemplation, de ce que je t’aurai tendrement embrassé par l’union, aucun des anges ne me rejettera comme fornicatrice ou ne me méprisera comme adultère, mais plutôt me respectera comme devenue sœur et épouse en se complaisant et il m’aimera en approuvant. Mais, parce que, une fois acquis le lien de l’union, le dégagement de la séparation peut à peine être admis, l’épouse ajoute avec bonheur: Je te saisirai et je te conduirai dans la maison de ma mère et dans la chambre de celle qui m’a engendrée. Comme si elle disait: Je te saisirai fortement et je t’introduirai dans le secret de ma mémoire et dans le repos de ma conscience. Alors, en effet, le bien-aimé est dit «être saisi», quand, en raison de sa douceur déjà savourée, il est aimé et désiré de tout le cœur, de toute l’âme et de toutes les forces. Il est alors conduit dans la maison de la mère et dans la chambre de celle qui a engendré, n’étant éloigné jusqu’à un certain point ni des endroits secrets de la mémoire, ni du repos de la conscience, mais étant toujours fermement établi devant les yeux du cœur et porté dans les mains,
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negligentiam, tante suavitatis dulcedo amittatur. Sed cur per 55 matrem memoria et per genitricem conscientia designatur, nisi quia, ab illa quarumdam scientiarum et intelligibilium formarum memoratione et ab hac bona et simplici quadam voluntatis intentione, materna affectu depascimur et nutrimur et ad altiorum radiorum contemplationem provide generamur? Quasi enim fili- 60 us nutrimenta matris, sic ipsa anima pascitur | bonis formis sibi (175d) a memoria propinatis. Nam dicit Psalmista: “Memor fui Dei et delectatus sum et exercitatus”. Preterea, sicut infans lacte genitricis sue tenerrime educatur, sic pura voluntate et simplici intentione ipsius conscientie anima vegetatur et augmentatur. Quia 65 vero per fortem apprehensionem et intimam dilecti introductionem in secretum memorie et in quietem conscientie, non solum intelligentia illuminatur, sed etiam ipso intellectus debriatur, ideo bene subinfertur:
8, 2b
Ibi me docebis et dabo tibi poculum ex vino condito et mustum malorum 70 granatorum meorum. Quasi diceret: in illo secreto et in illa quiete tu meam intelligentiam radiabis et ego propinabo tibi haustum ex fervore amoris dulcedine temperato et novam quamdam degustationem per75 fectorum operum meorum et intellectuum divinarum. Dum enim anima in secreto sue memorie ob iocunditatem formarum intelligibilium se ei incessanter obicientium quietatur, necnon in tranquillitate boniformis consciencie ob puritatem et simplicitatem eximiam delectatur, non est dubium ipsam sapi62-63 Memor – sum] Ps. 76, 4 57 et] om. OpcPM 58 voluntatis] voluptatis PM 59 altiorum] altorum O alterum PM 61 bonis formis] boniformis N 62 Psalmista] om. PM 67 quietem] quiete OP 74 temperato] temperacio N 76 sue] sancte add. N conscientie add. PM
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de peur que, par l’oubli ou la négligence, la douceur d’une si grande suavité soit perdue. Mais, pourquoi la mémoire est-elle désignée par «mère» et la conscience par «celle qui engendre», si ce n’est parce que, grâce à ce souvenir de certaines sciences et formes intelligibles et grâce à cette certaine bonne et simple intention de la volonté, nous sommes nourris et entretenus par l’affection maternelle et providentiellement engendrés pour contempler des rayons plus élevés? En effet, comme un fils est nourri de l’aliment que lui donne sa mère, ainsi l’âme elle-même l’est de formes bonnes que lui offre la mémoire. Le psalmiste dit en effet: «Je me suis souvenu de Dieu et je me suis réjoui et j’ai été enseigné.» En outre, de même que l’enfant est très tendrement nourri du lait de celle qui l’engendre, de même par une volonté pure et une intention simple de la conscience même, l’âme est vivifiée et croît. Mais, parce que, par la forte saisie du bien-aimé et son introduction dans le secret de la mémoire et dans le repos de la conscience, non seulement l’intelligence est illuminée, mais l’intellect est également enivré, il est heureusement ajouté: Là, tu m’enseigneras et je te donnerai une coupe de vin aromatisé et le moût de mes grenades. Comme si elle disait: En ce secret et en ce repos tu irradieras mon intelligence, et moi je te ferai boire une gorgée de ferveur d’amour tempérée de douceur, et je t’offrirai une certaine dégustation nouvelle de mes œuvres parfaites et de mes perceptions divines. Alors, en effet, que dans le secret de sa mémoire l’âme se repose à cause de la joie des formes intelligibles qui se présentent sans cesse à elle et qu’elle ne se réjouit pas moins dans le repos de la conscience de bonne forme en raison d’une pureté et d’une simplicité extrêmes, il n’est pas douteux qu’elle soit éclairée par les
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8, 3
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entificis dilecti sui irradiationibus illustrari eo splendidius quo repausat quietius et requiescit secretius. Unaqueque enim forma intelligibilis per memorie beneficium representata anime suam ei relinquit illuminationem, ita ut miro modo etiam de ignotis spiritualibus exercitiis doceatur. Docta vero mirabili quodam fervore accenditur, quem suavi dulcedine divini amoris conditum et temperatum velut egregium quoddam poculum dilecta suo exhibet, ut in eo delectetur suavius quo ministratur libentius et abundantius. Nec tamen in hoc contenta | est, sed etiam mustum malorum granatarum suarum ei studet prominare, hoc est novam quamdam et dulcissimam degustationem suarum perfectorum operum et divinorum intellectuum sibi presentare. Que merito perfecta operatio et divini intellectus per mala granata designantur, quia tam illa quam isti quibusdam innumeris gaudiolis et dulcedinibus, quasi quibusdam condensis gemmulis adimpletur, ex quibus predulcissima quedam musti intellectualis degustatio exprimitur, qua potatus dilectus vehementissime debriatur. Que quidem debriatia nihil aliud est quam ipsius supersubstantialis radii ad perfectam animam unitio. Quod bene per sequentia verba sponse declaratur. Ait enim:
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Leva eius sub capite meo et dextera ipsius amplexabitur me.
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Hoc est: contemplatio intelligibilium sub capacitate mee intelligentie est redacta et contemplatio superintelligibilium me in sui amore totaliter vendicabit. Si attente verba sponse examinentur, duo nobis supermentalis unitionis effectus proponuntur; unus quidem in re, sci- 105 licet capacitas intelligibilium, dum ait: leva eius sub capite meo; alius vero in spe, videlicet apprehensio divinarum, dum addit: et dextera illius amplexabitur me. Primo enim divinus radius 81 secretius] securius OacPM 82 anime] animam PM 84 exercitiis] om. PM 85 quem] que PM conditum] conditam N editum OpcPM 92 operatio] opera N 95 predulcissima] prudentissima OPM 96 potatus] vocatus PM 105 quidem] qui PM
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irradiations, qui rendent sage, de son bien-aimé, de façon d’autant plus splendide qu’elle se repose plus paisiblement et se refait plus secrètement. En effet, chaque forme intelligible représentée à l’âme par le bienfait de la mémoire lui laisse son illumination, de telle sorte qu’elle est admirablement instruite d’exercices spirituels ignorés; mais instruite, elle est enflammée d’une certaine ardeur admirable aromatisée et mêlée de la douceur de l’amour divin qu’elle présente à son bien-aimé comme un remarquable breuvage, afin qu’il s’en réjouisse d’autant plus suavement qu’il aura été versé plus librement et plus abondamment. Cependant l’âme ne se satisfait pas de cela; elle s’emploie à lui faire boire «le moût de ses grenades», c’est-à-dire à lui présenter une nouvelle dégustation très douce de ses œuvres parfaites et de ses perceptions divines. Avec raison, cette opération parfaite et les perceptions divines sont désignées par «grenades», car, tant celle-là que celles-ci sont remplies d’innombrables petites joies et douceurs comme des gémules serrées. On en exprime une certaine dégustation très douce de moût intellectuel. En ayant bu, le bien-aimé est très fortement enivré. Cette ivresse n’est rien d’autre que l’union du rayon lui-même supersubstantiel à l’âme parfaite; ce qu’expriment avec bonheur les mots suivants de l’épouse. Elle dit, en effet: Sa main gauche est sous ma tête, et sa main droite m’embrassera. C’est-à-dire: La contemplation des intelligibles est ramenée à la capacité de mon intelligence et la contemplation des réalités plus qu’intelligibles me soutiendra totalement en son amour. Si les paroles de l’épouse sont attentivement examinées, deux effets de l’union supramentale nous sont présentés: l’un, certes, réel, à savoir: la faculté de recevoir les intelligibles, quand elle dit: «Sa main gauche est sous ma tête», mais, l’autre, en espérance, à savoir: l’appréhension des choses divines, lorsqu’elle ajoute: «Et sa droite m’embrassera». D’abord, en effet, le rayon divin, uni à l’âme, la
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anime unitus ipsam purgat et emundat ab omni dissimilitudine ipsam obfuscante, demum eam ampliat et dilatat, donec apta sit 110 intelligentia, que caput est anime, claritatem intelligibilium, velut levam dilecti, sive fortem aliquam radii operationem sue capacitati subicere. Cum vero ipsam ei subiecerit et supposuerit, tunc merito ardentissime incipit ad amplexum dextere, hoc est ad divinarum sive superintelligibilium apprehensionem super- 115 dulcissimam anhelare. Qua obtenta, ita in ipsius verum | amorem (176b) et suavem fruitionem vendicatur, ut vix inde valeat separari, sicut a dilecta sua utrisque manibus fortiter amplexata, ac per hoc in ipsius brachiis consopita. Quantum autem talis quies placeat ipsi sponso, per responsionem factam adolescentulis dilectam inqui- 120 etantibus demonstratur. Nam dicit: 8, 4
Adiuro vos, filie Ierusalem, ne suscitetis neque evigilare faciatis dilectam, donec ipsa velit. Ac si dicat: per amoris mei reverentiam vos contestor, anime contemplationi celestium insudantes, ne somnum con- 125 templationis aut soporem unitionis deiformis sponse interrumpatis, donec idipsum sibi videbitur faciendum. Animadverte quia, nisi dilectus sponse sue quietem pacatissimam zelaret, nequaquam pro ea adolescentulas tam sollicite adiuraret. Non enim patitur eam suscitari a somno contemplatio- 130 nis, non ab unitionis sopore evigilari. Queris quare? Nam in uno intellectuale ipsius anime matrimonium pertractatur et in reliquo consummatur. Sicut enim nihil aliud est animam contemplationi vacare, quam mutuos inter se et dilectum sibi prebere conspectus et placide collocutionis affectus, sic nihil aliud 135 est ipsam per unitionem soporari, quam veraciter ipsius cum dilecto ineffabile matrimonium consummari. Unde ne eam tanti boni permittat reddi expertem importunas adolescentulas contestatur ne suscitent, neque evigilent eam donec ipsa velit, hoc est 110 demum] deinde N 113 ei] om. N 114 ad] a O 118 in] om. OPM 120 sponso] sponsa OPM 127 idipsum] ad ipsum N 131 Nam] quoniam N
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purifie et la nettoie de toute dissemblance qui l’obscurcit, l’amplifie et la dilate ensuite jusqu’à ce que l’intelligence — tête de l’âme — soit en état de soumettre à sa capacité la clarté des intelligibles, comme la main gauche du bien-aimé, ou quelque forte opération du rayon lorsqu’elle la lui aura soumise, alors justement elle commence à aspirer très ardemment à l’étreinte de la main droite, c’est-à-dire à la saisie, plus que très douce, des choses divines ou supraintelligibles. L’ayant obtenue, elle est rendue à son amour véritable et à sa douce fruition, de telle sorte qu’elle pourrait à peine en être séparée, en tant qu’elle est fortement serrée par les deux mains de son bien-aimé et, de ce fait, endormi en ses bras. Combien un tel repos plaît à l’époux lui-même, sa réponse aux adolescentes qui troublent l’épouse le montre. Il dit en effet: Je vous adjure, filles de Jérusalem, ne tirez pas de son sommeil, ne faites pas s’éveiller la bien-aimée jusqu’à ce qu’elle le veuille. Comme s’il disait: Par respect pour mon amour, je vous supplie, âmes appliquées à la contemplation des choses célestes, de ne pas interrompre le sommeil de la contemplation ou le profond sommeil de l’union de l’épouse déiforme, jusqu’à ce que cela lui paraisse devoir être fait. Remarque que, si le bien-aimé n’était pas zélé pour le repos très paisible de son épouse, il ne prierait jamais pour elle les adolescentes avec tant de sollicitude. Il ne souffre pas, en effet, qu’elle soit tirée du sommeil de la contemplation, qu’elle soit sortie du profond sommeil de l’union. Tu cherches pourquoi? En effet, en l’un est administré le mariage intellectuel de l’âme elle-même; en l’autre, il est consommé. De même, en effet, que vaquer à la contemplation n’est pas, pour l’âme, autre chose que s’accorder de réciproques regards entre elle et le bien-aimé et les sentiments d’un entretien paisible, de même être endormi durant l’union n’est pas autre chose que consommer son ineffable mariage avec le bien-aimé. En conséquence, pour ne pas permettre qu’elle soit dépourvue d’un si grand bien, il supplie les importunes adolescentes de ne pas la tirer de son sommeil, de ne pas l’éveiller, jusqu’à ce qu’elle-même le veuille, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’elle-même, sentant le mariage
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quousque ipsa totum inter se et beatum radium connubium sen- 140 tiens consummatum voluntarie ad adolescentularum profectum | et studium excitetur. Alias valde timendum est ne ante tem- (176c) pus suscitata et evigilata possit ulterius obdormire, sed vaga et profuga effecta ab adulterinis amatoribus rapiatur. Igitur adiurationi dilecti adolescentule acquiescentes ipsamque sponsam 145 vehementer ab amplexu dilecti quietissime proficientem clariori oculo admirantes, aiunt:
8, 5a
Que est ista que ascendit de deserto, deliciis affluens, innixa super dilectum suum? Quod est dicere: quante probitatis est hec anima deiformis que tam viriliter sursumagitur de ariditate mortalitatis dulcissimis delectationiibus abundans, appodiata super suum predulcissimum Iesum Christum! Hic sane notandum est tria eximia circa sponsam nostram adolescentulas admirari: ipsius videlicet probitatem, felicitatem et privatam quamdam amicabilitatem erga dilectum suum; probitatem, dum cernunt ipsam de deserto ascendentem, felicitatem, dum vident deliciis affluentem, privatam amicabilitatem, cum eam contemplantur super suum amantissimum innitentem. De deserto quippe ascendere est probitatis, deliciis affluere felicitatis, super dilectum inniti peculiaris caritatis. Que est ista, inquiunt, que ascendit de deserto, id est elevatur a solitudine et ariditate sue corporeitatis ad choros angelice iocunditatis, tam viriliter, tam potenter, ut nihil sit quod impediat, nihil occurrat quod retardet? Hoc plane magne est virilitatis et eximie probitatis corpus deserere et celestibus properare. Talis non est dubium “animo suo dominatur” et ideo probior est dicenda “expugnatore urbium” 166-167 animo – urbium] Prov. 16, 32 138 expertem] inexpertem PMac 146 ab] ex N proficientem] proficiente O 166 dubium] quin add. PM 167 et ideo] unde N urbium] etiam add. N
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entièrement consommé entre elle et le rayon bienheureux, soit volontairement éveillée pour le progrès et l’ardeur des adolescentes. Autrement, il est beaucoup à craindre que, tirée du sommeil et éveillée avant le temps, elle ne puisse s’endormir plus tard, mais, devenue errante et vagabonde, elle soit entraînée par des amants adultérins. Se rendant donc à l’abjuration du bien-aimé et admirant d’un plus clair regard l’épouse elle-même qui s’en va vivement, très paisiblement, après le baiser du bien-aimé, les adolescentes disent: Quelle est celle-ci qui monte du désert, débordante de délices, appuyée sur son bien-aimé? C’est dire: De quelle grande droiture est cette âme déiforme qui est si virilement élevée de l’aridité de la mortalité, débordante de très douces délectations, appuyée sur son plus que très doux Jésus-Christ? Il faut assurément noter ici que les adolescentes admirent trois choses remarquables concernant notre épouse, à savoir: la droiture, la félicité et une certaine relation amicale particulière avec son bien-aimé. Droiture, lorsqu’elles la voient monter du désert; félicité, lorsqu’elles la voient déborder de délices; relation amicale particulière, lorsqu’elles la contemplent s’appuyant sur son très aimé. Certainement, monter du désert relève de la droiture, déborder de délices relève de la félicité, s’appuyer sur le bien-aimé relève d’une particulière charité. «Quelle est, disent-elles, celle qui monte du désert?», c’est-à-dire qui est élevée au-dessus de la solitude et de l’aridité de sa corporéité aux chœurs de la joie angélique, si virilement, si puissamment qu’il n’est rien qui l’empêche, rien ne survient qui la retarde? C’est absolument le propre d’une grande virilité et d’une droiture remarquable d’abandonner le corps et de se hâter vers les choses célestes. Il n’est pas douteux que tel qui «commande à son esprit» doit être dit meilleur que «le défenseur de
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munitarum. Sed quid? Numquid de deserto ascendit aliquo squalore vel inedia deficiens? | Non profecto, sed magis deliciis affluens, hoc est mellifluis suavitatibus et suavissimis mellifluitatibus divinarum distributionum abundans, quod ipsius sponse felicitatis est expressivum. Sed unde hec omnia sibi? Utique a dilecto suo superdulcissimo Crucifixo et thearchico radio, super quem innititur et super quem appodiatur, quasi super fontem affluentissimum et fundamentum stabilissimum a quo incessanter emanat omnium deliciarum affluentia et fortitudinis subsistentia. Qui super hunc non innititur, revera nullis deliciis dicendus est dulcorari et nullis virtutibus suffulciri, sed potius omni amaritudine et infirmitate repleri, sicut ab ipso principali deliciarum fonte et virtutum robore reprobatus vel potius non roboratus. Non sic sponsa que super dilectum suum viriliter innititur et innitendo deliciatur. Ipsa enim est intellectualis Esther “regio fulgens habitu roseoque vultu colore perfusa, nec non gratis et nitentibus oculis” decorata, que, assumptis duabus famulis, hoc est amabili experientia et letabunda cognitione divinorum, super unam quidem, id est super experientiam innititur quasi pre deliciis et nimia suavissimarum distributionum teneritudine se ipsam non valens sustinere; alia vero, scilicet cognitio, ipsam sequitur defluentia in humum indumenta sustentans, hoc est omnes ipsius influitiones ad inferiores emanantes regens et dirigens ne materialibus inquinationibus immundentur. Aut certe et melius per has duas famulas intelligere possumus duplicem dilecti naturam, scilicet divinitatem et humanitatem quarum certum est ob universorum providentiam incessabiliter famulari singulis singula secundum dignitatem propriam tribuendi, quarum
182-184 regio – oculis] Esther 15, 5 et 8 174 quem2] om. OPM 176 et] omnis add. N 178 sufulciri] fulciri PM 180 potius] om. et add. a. m. O 181 reprobatus – roboratus] separatus N 182 innitendo] suaviter add. N Esther] super OPM 189 ipsius] om. O 193 divinitatem et humanitatem] divinam et humanam PM quarum] quam N 194 famulari] famularum O
(176d)
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villes fortifiées». Mais quoi? Du désert monte-t-elle en haillons ou mourant d’inanition? Non certes, mais plutôt «débordante de délices», c’est-à-dire abondante de douceurs d’où coule le miel, et de coulées très suaves du miel des distributions divines; ce qui exprime la félicité de l’épouse elle-même. Mais d’où tout cela lui vient-il? Certes, de son bien-aimé, le plus que très doux Crucifié et rayon théarchique sur lequel elle s’appuie comme sur le principe très abondant et sur le fondement très stable de qui émanent sans arrêt l’afflux de toutes les délices et l’être de la force. Qui ne prend pas appui sur lui ne peut, en vérité, être dit pénétré réellement d’aucunes délices et soutenu d’aucune vertu, mais plutôt rempli de toute amertume et infirmité, en tant qu’il s’est écarté de la source principale des délices et est privé de la force des vertus ou plutôt non affermi par elles. Ainsi n’est pas l’épouse qui s’appuie courageusement sur son bien-aimé, et qui, en s’appuyant, est remplie de délices. Elle-même est, en effet, l’Esther intellectuelle «éclatante en sa parure royale, le visage couleur de rose, ornée d’yeux charmants et brillants», qui, ayant pris avec soi deux suivantes, c’està-dire l’aimable expérience et la joyeuse connaissance des choses divines, s’appuie certes sur l’une, c’est-à-dire sur l’expérience, comme si elle ne pouvait se soutenir elle-même à cause des délices et de la trop grande délicatesse des distributions plus que très suaves; l’autre, c’est-à-dire la connaissance, la suit, soutenant les vêtements qui tombent sur le sol, c’est-à-dire guidant et dirigeant tous ses influx qui émanent en direction des inférieurs, pour que les souillures matérielles ne les atteignent pas. Mais certainement et mieux nous pouvons voir en ces deux servantes la double nature du bien-aimé, à savoir: la divinité et l’humanité. Il est certain, à cause de la providence universelle, qu’elle fournit sans cesse à chacun ce qui lui revient selon sa dignité propre, l’une, à savoir la divi-
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una, scilicet divinitas, deliciarum intellectualium est donativa, unde ad innitendum delectabilis, alia vero, scilicet humanitas, labentium et defluen|tium virtutum sustentativa, propter quod (177a) ad commeandum est peramabilis. Itaque sponsa nostra cum dilecto suo tam feliciter et tam delectabiliter proficiscente, ne forte de 200 loco ubi ad hoc ipsum peragendum excitata sit sollicitetur, ait sibi dilectus: 8, 5b
Sub arbore malo suscitavi te. Ac si dicat: sub statu firmiter radicati et in altum extenti divini amoris te ad intellectualiter vigilandum animavi. Non enim aliter Dei dilecta anima ad intellectualem contemplationem excitatur, nisi cum eam dilectus subfirmiter radicato divino amore et in altitudinem desideriorum extento viderit quiescentem. Hinc est quod deiformis ille Paulus suos discipulos exhortatur dicens: “In caritate radicati et fundati, ut possitis comprehendere cum omnibus sanctis que sit latitudo, longitudo, sublimitas et profundum, scire etiam supereminentem scientie caritatem Christi, ut impleamini in omnem plenitudinem Dei”, quasi diceret: primo necesse habetis in divino amore radicitus et funditus solidari ut sic perveniatis ad veram Dei cognitionem, que est dilatativa ad intelligendum et operandum, que est longificativa ad perseverandum, que est sublimificativa ad contemplandum et profundificativa ad mentaliter excedendum, per quam etiam devenietis ad supermentalem unitionem, que est omnis intellectualis plenitudinis contentiva. Que quidem unitio merito dicitur supereminens caritas scientie Dei, quia ad ipsius experientiam et notitiam nisi per supermentalem amorem et caritatem nullatenus pervenitur. Sic igitur man210-214 In – Dei] Eph. 3, 17-19 196 donativa] dictativa OacPM 198-199 commeandum] commedandum PM 200 delectabiliter] in eo add. N 215 ut] et O 217 sublimificativa] sublimativa P sublimitiva M 222 notitiam] non add. O 223 nullatenus] ullatenus N om. O
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nité, accorde des délices intellectuelles, en conséquence de quoi elle est agréable pour s’appuyer; mais l’autre, à savoir l’humanité, soutient les vertus qui trébuchent et faiblissent, c’est pourquoi elle facilite très aimablement le trajet. Afin que notre épouse, s’avançant si heureusement et si délectablement avec son bien-aimé, ne soit pas éventuellement tentée de s’inquiéter du lieu où elle est invitée à réaliser cela même, le bien-aimé lui dit: Sous le pommier je t’ai réveillée. Comme s’il disait: Je t’ai excitée à veiller intellectuellement sous l’état de l’amour divin fermement enraciné et tendu vers le ciel. L’âme bien-aimée de Dieu n’est pas autrement provoquée à la contemplation intellectuelle que lorsque le bien-aimé l’aura vue se reposer sous l’amour divin fermement enraciné et tendu vers l’élévation des désirs. De là vient que le déiforme Paul exhorte ses disciples en disant: «Enracinés et fondés en la charité, pour que vous puissiez percevoir avec tous les saints quelle est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur; savoir également la charité suréminente de la science du Christ, afin que vous soyez remplis jusqu’à l’entière plénitude de Dieu». Comme s’il disait: Il est nécessaire d’abord que vous soyez affermis radicalement et à fond en l’amour divin pour parvenir ainsi à la vraie connaissance de Dieu, connaissance qui dilate pour comprendre et pour agir, qui accorde de la durée pour persévérer, qui donne de la hauteur pour contempler, qui donne de la profondeur en vue du dépassement mental, connaissance par laquelle aussi vous parviendrez à l’union supramentale qui contient toute plénitude intellectuelle. À juste titre, cette union est dite charité suréminente de la science de Dieu, car on ne parvient à l’expérimenter et à la connaître que par l’amour et la charité qui dépassent l’esprit. Ainsi donc tu peux manifeste-
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
ifeste perpendere potes quomodo congrue per arborem malum divinus amor figuretur, qui pro radice habet caritatem, pro trunco | (177b) desiderium, pro ramis latitudinem intelligentie, longitudinem perseverantie, sublimitatem contemplationis et profunde extatice absorptionis, pro malo quoque fructu dulcissimo habet suavitatem unitionis, per quam omni intellectuali plenitudine adimplemur. Quia vero nonnunquam contingit ut ex perceptione tantorum bono- 230 rum per subreptionem anima extollatur, ideo bene adiungitur:
8, 5c
Ibi corrupta est mater tua, ibi violata est genitrix tua. Quod est dicere: te in tali statu existente et inde superbiente, refrigerata est affectio tua et denigrata cognitio tua. Nam, nisi summo studio et grandi cautela ipsa bona custodiantur que per contemplationem acquiruntur, faciliter amittuntur aut etiam aliter corrumpantur. Hinc est quod per Isaiam duabus alis volare et quatuor velari Seraphim perhibentur, ut per hoc significaretur maiorem debere adhiberi cautelam in custodiendo acquisita per contemplationem quam in acquirendo nondum habita. Quod si per incuriam neglectum fuerit, paulatim mater nostra incipit corrumpi, hoc est animi affectio omnium nostrorum parvulorum motuum alitiva refrigerari, ita ut, flante aliquo vento tentationis, concrescat gelu mentalis refrigerationis. Insuper etiam genitrix nostra violatur, quia ipsa divinorum cognitio bonorum et pulchrorum intellectuum generativa denigratur, ne possit adeo lucide et perspicue dilecti sui speciem contemplari, ita ut sequenter libeat exclamare: “Cor meum conturbatum est, dereliquit me virtus mea”, que tam ardenter succendebat, “et lumen oculorum meorum, et ipsum non est mecum”, quo tam luculentissime contem248-249 Cor – mea] Is. 6, 2
249-250 et – mecum] Ps. 37, 11
227 profunde] profundum PM 228 habet] supereminentem add. N 229 intellectuali] intelligibili O adimplemur] adimpletur PM 238-239 significaretur] figuretur O 245-246 bonorum et pulchrorum] beatorum et pulchriorum PM 249 succendebat] luscescebat PM et] om. PM
235
240
245
250
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ment évaluer comment le «pommier» représente convenablement l’amour divin qui a la charité pour racine, le désir pour tronc, la largeur de l’intelligence, la longueur de la persévérance, la sublimité de la contemplation et de la profonde absorption extatique pour rameaux, pour fruit très doux la suavité de l’union par laquelle nous sommes remplis de toute la plénitude intellectuelle. Mais, parce qu’il arrive parfois qu’en raison de la perception de si grands biens l’âme soit, par intervention insidieuse, inspirée d’orgueil, il est heureusement ajouté: Là, ta mère fut corrompue; là, ta mère fut maltraitée. C’est dire: Toi qui es en un tel état et en tire orgueil, ton affection est refroidie et ta connaissance obscurcie. En effet, à moins que ne soient gardés avec très grand soin et grande précaution les biens mêmes acquis par la contemplation, ils sont facilement perdus, voire même autrement corrompus. De là vient que, selon Isaïe, les séraphins sont dits voler de deux ailes et être voilés par quatre, afin de signifier par cela qu’une précaution plus grande doit être prise pour garder ce que l’on a acquis par la contemplation, que l’on en eut pour les acquérir. Si cela est négligé par incurie, notre mère commence insensiblement à être corrompue, c’est-à-dire l’affection de l’esprit qui nourrit tous nos petits mouvements commence à être refroidie, de telle sorte qu’au souffle de quelque vent de tentation, croisse la glace du refroidissement de l’esprit. En outre également, notre mère est corrompue, car la connaissance même des biens divins qui engendre de bonnes et belles perceptions est obscurcie, afin de ne pas pouvoir justement contempler lucidement et nettement le visage de son bien-aimé, au point qu’il lui plaise par la suite de s’écrier: «Mon cœur est troublé; ma force qui brûlait ardemment m’a abandonnée, et la lumière de mes yeux, par laquelle je les contemplais tellement bien,
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
plabar. Ut autem ab huiusmodi peste sponsa nostra valeat liberari, subsequenter per dilectum suum sapientissime eruditur:
8, 6a
| Pone me ut signaculum super cor tuum, ut signaculum super brachium tuum, quia fortis est ut mors dilectio, dura sicut infernus emulatio.
(177c)
Ac si dicat: statue me ut firmam custodiam super intentionem voluntatis tue et actionis tue, quia fortiter est abstractiva dilectio cordis et vix mitigativa executio actionis. Sciendum quippe est nihil esse tam utile, tam delectabile ad custodiam omnis nostre actionis, intentionis et voluntatis, ad inflammationem amoris et caritatis, sicut cum ipse dilectus noster predulcissimus Crucifixus iugiter ante cordis oculos ponitur et statuitur, ne inde inhonesti aliquid emittatur, aut immundum quippiam ab extra immittatur. Et tales revera possunt canere cum Propheta: “Signatum est super nos lumen vultus tui, Domine; dedisti letitiam in corde meo”. Hoc autem fit quando ipsius superbeatissimam Passionem continue, quantum fas est, meditamur ardenter, et dulciformiter imaginamur, sicut divini vultus imaginativam, illuminativam et declarativam et omnimode letitie repletivam. Quod igitur ait: pone me ut signaculum super cor tuum, ad intentionem voluntatis est referendum, que nobilissimo supersuavissimi Crucifixi meditationis anulo continue est signanda, ut eo dirigatur rectius et ferventer incorruptius, quo signatur gloriosius. Quod vero subiungit: ut signaculum super brachium tuum, de fortitudine actionis intelligendum est, que semper debet bulla divine dispositionis et glorie consignari ut, quidquid a nobis agitur, totum ipso disponente fiat | et ad eius laudem et gloriam referatur. Sed que nobis ex hoc provenit utilitas? Profecto, magna. Nam inde intentio voluntatis fortius
255
264-265 Signatum – meo] Ps. 4, 7 257 mitigativa] omnem add. N 259 actionis] eius add. N 262 inde] om. N 267-268 imaginativam] om. N 269 repletivam] om. N 278 intentio voluntatis] cor N
260
265
270
275 (177d)
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n’est plus avec moi.» Mais, afin qu’elle puisse être libérée d’un tel malheur, notre épouse est tout de suite très sagement instruite par son bien-aimé: Mets-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras, car l’amour est fort comme la mort, l’émulation dure comme l’enfer. Comme s’il disait: Établis-moi comme une garde solide sur l’intention de ta volonté et de ton action, car l’amour du cœur est fortement abstractif et l’exécution de l’action calme à peine. Il faut certes savoir que rien n’est si utile, si délectable pour garder toute notre intention et toute notre volonté, en vue de l’embrasement de l’amour et de la charité, que lorsque notre bien-aimé, le plus que très doux Crucifié, est, sans interruption, placé et établi devant les yeux du cœur pour qu’en conséquence rien de malhonnête n’en sorte ou rien d’impur n’y pénètre de l’extérieur. Plus d’un, en effet, peut chanter avec le prophète: «La lumière de ton visage s’est levée sur nous, Seigneur; tu as mis la joie dans mon cœur.» Cela se réalise, quand nous méditons avec ardeur continuellement, autant qu’il est permis, sa passion plus que très bienheureuse et l’imaginons avec douceur comme représentant, illuminant, faisant connaître le visage divin et comme remplissant de toute sorte de joies. Ce qu’il dit donc: «Mets-moi comme un sceau sur ton cœur» doit être rapporté à l’intention de la volonté qui doit être continuellement marquée de l’anneau très noble de la méditation du plus que très doux Crucifié, afin d’être dirigée avec ferveur d’autant plus droitement et purement qu’elle est marquée plus glorieusement. Ce qu’il ajoute: «Comme un sceau sur ton bras» doit s’entendre de la force de l’action qui doit être toujours marquée du sceau de la disposition et de la gloire divines, afin que tout ce que nous puissions faire se fasse selon qu’il l’ordonne et soit rapporté à sa louange et à sa gloire. Mais de quelle utilité cela nous sera-t-il? Grande, certes. En effet, l’intention de la volonté
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
accenditur et actionis executio durius intenditur. Hinc est quod ait: fortis est ut mors dilectio, qua, scilicet per hoc, inflammaberis ad amandum, adeo ut intellectualiter anima a corpore separetur et divinis uniatur, dura sicut infernus emulatio, qua suscitaberis ad operandum in tantum ut nunquam executione bonorum operum satieris, velut infernus “qui nunquam dicit: sufficit”, aut aliquibus cruciatibus mitigatur, si tamen semper ipsum cor et brachium sigillo beatissimi Crucifixi fuerint consignata. Alias enim cito ipsa dilectio, quantumcumque fortis, debilitaretur et emulatio actionis, quantumcumque dura, proculdubio molliretur. An non tibi vere videtur in illo fuisse fortis ut mors dilectio et dura sicut infernus emulatio qui aiebat: “cupio dissolvi et esse cum Christo”, et “bonum facientes non deficiamus, tempore enim suo metemus?” An non sic fuit per excessum amoris absorptus et abstractus et “sive in corpore, sive extra corpus” se fore raptum usque ad tertium celum penitus ignoraret? Preterea, numquid sic non fuit zelo emulationis accensus, ut nocte et die laborare manibus propriis non cessaret? Sed hec ideo omnia illi erant, quia tam fortiter dilectum suum super cor et super brachium consignaverat, ut per nullam mortem, aut vitam aliquam, vel creaturam, posset ab ipsius amore separari. Hinc est quod de talibus a beato Dionysio nobis traditur, De div. nom. VII: “Ita igitur, inquit, nostre sapientie principes et duces pro veritate moriuntur omni die, testificantes sicut est conveniens, et verbo omni et opere et unitiva christianorum vera Dei cognitione, omnibus ipsam esse et simpliciorem et diviniorem, magis | autem ipsam esse solam veram et unam et simplicem Dei
284-285 qui – sufficit] Prov. 30, 16 291-292 bonum – metemus] Gal. 6, 9
291 Cupio – Christo] Phil. 1, 23 293-294 sive – corpus] II Cor. 12, 2
279 accenditur] om. N 280 qua] quia PM 286 ipsum] om. N 289 An] Unde PM vere] om. PM 294 fore] forte PM 295 numquid] non quod OP non] om. P 304-305 et simpliciorem – ipsam esse] om. M
280
285
290
295
300
(178a)
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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en est ainsi plus fortement enflammée, et l’exécution de l’action plus vigoureusement poursuivie. De là vient ce qu’il dit: «La ferveur est forte comme la mort». Par elle, en effet, c’est-à-dire par cela tu seras enflammé pour aimer au point que l’âme soit intellectuellement séparée du corps et unie aux choses divines. «La ferveur est dure comme l’enfer», par laquelle tu ne seras jamais rassasié de l’accomplissement d’œuvres bonnes, à la façon dont l’enfer qui ne dit jamais: «Il suffit», ou n’est jamais adouci de quelques tourments — à supposer que le cœur lui-même et le bras aient été marqués du sceau du bienheureux Crucifié. Assurément, en effet, l’amour lui-même, aussi fort qu’on le voudra, deviendrait vite faible, et l’émulation de l’action, aussi dure qu’on le voudra, serait sans aucun doute amollie. Ne te semble-t-il pas, en vérité, que l’amour fut fort comme la mort et l’émulation dure comme l’enfer en celui qui disait: «Je désire m’en aller et être avec le Christ», et, «faisant le bien, n’abandonnons pas; en son temps, moissonnons en effet»? Ne fut-il pas absorbé et abstrait par l’excès de l’amour au point d’ignorer totalement avoir été ravi jusqu’au troisième ciel «dans son corps ou hors de son corps»? En outre, ne fut-il pas enflammé du zèle de l’émulation au point de ne pas cesser de travailler de ses mains, nuit et jour? Toutes ces choses étaient à lui, car il avait si fortement marqué son bien-aimé comme un sceau sur le cœur et sur le bras qu’il ne pouvait être séparé de son amour par aucune mort ou quelque vie ou quelque créature. De là ce que nous livre sur de tels gens le bienheureux Denys dans les Noms divins, ch. VII: «Ainsi donc, dit-il, les princes et les chefs de notre sagesse meurent chaque jour pour la vérité, protestant, ainsi qu’il convient, par toute parole et œuvre et par la vraie connaissance de Dieu qui unit les chrétiens, qu’elle est pour tous la plus simple et la plus divine, bien plus: qu’elle est seule la vraie, l’unique et la simple connaissance de Dieu.» Mais, parce que toutes ces choses
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
cognitionem”. Sed quia hec omnia ab ipsa procedunt ardentissima Dei caritate, ideo merito subinfertur: 8, 6b
Lampades eius, lampades ignis atque flammarum. Quod est dicere: anime divini amoris contentive sunt anime ardentissime et superardentissime. Nam per lampades, que vasa sunt pinguissima, congrue deiformes anime figurantur, que usque adeo sunt ignite et inflammate ut, pre nimia divini amoris ardore, inter se ipsas totaliter eliquescant, ita ut et alie se eis iungentes ex flammis ipsarum dulciter succendantur. Hinc est illud quod bona clamat Theologia: “Surrexit Helias quasi ignis et verbum illius quasi facula ardebat”: sicut ignis quidem, quia interius fortiter inflammatus, sicut facula vera, quia in igne zeli ipsius et predicationis devorabatur omnis terrenitas aliarum. Aut certe lampades ignis atque flammarum dicuntur anime deiformes, quia in ipsis est reperire splendorem castissime puritatis, oleum pinguissime dulcedinis papyrum candidissime simplicitatis, ignem ferventissime caritatis et flammas superexcedentis et superegredientis intellectualitatis. Inde forte est quod intellectualis Ezechiel ait aspectum animalium, hoc est animarum deiformium, esse aspectum carbonum ignis ardentium, id est ardorum divini amoris fortiter ebullentium et quasi aspectum lampadarum, hoc est superexcedentium theoriarum. Quia igitur caritas, quanto est ardentior et divinior, tanto inestimabilior, idcirco bene adiungitur:
301-306 Ita – cognitionem] Ps.-Dion., De div. nom., VII, 4131-4141 317 Surrexit – ardebat] Eccli 48, 1 327 ardorum] ardorem N
329 inestimabilior] inexterminabilior N
316-
310
315
320
325
330
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procèdent du très ardent amour de Dieu lui-même, il est ajouté à juste titre: Ses lampes sont de feu et de flammes. C’est dire: Les âmes qui contiennent l’amour divin sont des âmes très ardentes et plus que très ardentes. En effet, par «lampes», récipients qui contiennent de l’huile, sont figurées, ainsi qu’il convient, les âmes déiformes à ce point ardentes et enflammées qu’en raison de l’ardeur extrême de l’amour divin, elles coulent totalement entre elles, si bien que les autres, se joignant à elles, sont agréablement embrasées à partir de leurs flammes. De là ce que réclame la bonne Théologie: «Hélie se leva comme un feu et sa parole était enflammée comme une torche»; «comme un feu», certes, car il était fortement enflammé à l’intérieur; mais «comme une torche», car, dans le feu de son zèle et de sa prédication, tout le caractère terrestre des autres était détruit. Ou du moins, les âmes déiformes sont dites «lampes de feu et de flammes», car en elles on peut découvrir la splendeur de la très chaste pureté, l’huile de la très riche douceur, le roseau de la très candide simplicité, le feu de la très fervente charité et les flammes de l’intellectualité qui passe plus outre et s’élève plus haut. De là vient peut-être que l’intellectuel Ézéchiel dit que l’aspect des animaux, c’est-à-dire des âmes déiformes, est celui des charbons de feu ardents, c’est-à-dire des ardeurs en forte ébullition de l’amour divin, et qu’il est comme l’aspect des lampes, c’est-à-dire des théories transcendantes. Parce que la charité est d’autant plus ardente et divine qu’elle est plus impérissable, il est heureusement ajouté:
526 8, 7a
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
| Aque multe non poterunt extinguere caritatem, neque flumina obruent illam. Quasi diceret: multe passiones materiales nequibunt suffocare ardentissimam et divinissimam dilectionem beatissimi Crucifixi, neque per preceps irruentes diabolice illusiones prosternent eam. Nulli nempe dubium esse debet boniformem sponsam validissimo amore divini et supercalidissimi radii inflammatam nullis posse materialibus passionibus, sive interius innatis, sive exterius oblatis ac illatis, a statu sui ardoris aliquatenus immutari. Ipse enim divinus amor sui supersubstantialis ignis omnia consumentis a quo emanat gerens naturam nihil iuxta se patitur morbidum, nihil sordidum, nihil frigidum, nihil tepidum, nihil infirmum, sed magis omnia morbida sanificat, sordida mundificat, frigida ignificat, tepida caleficat et infirma fortificat in sui ipsius semper convalescens ardore. Quapropter, bene ait dilectus quod aque multe non possunt extinguere caritatem, quia ipse quotquot fluide materiales passiones, etsi ad modicum aliquem stuporem afferant, tamen ad ardorem ipsius intellectualiter ardentis ignis penitus consumuntur. Ipse enim est ille admirabilis ignis de quo bona tradit Theologia quod “in aqua valebat et aqua extinguentis nature obliviscebatur”. Inde etiam est quod ipse sensibilis ignis, per quem divinus figuratur amor, inter alia multa dicitur esse a beato Dionysio, XV Angelice hierarchie, superans omnia, acute pergens, nullam recipiens pedestrem subiectionem. Superat autem omnia, quia est fortissimus ad corrodendum, acute pergens, quia subtilissimus | ad penetrandum, nullam recipit
351-352 in – obliviscebatur] Sap. 19, 19 Ps.-Dion., De cael. hier., XV, 995-1000
352-355 ipse – subiectionem]
335 per preceps] prepetes OPM 336 eam] om. O 338 divini] amoris add. PM 342 consumentis] consummantis OpcP consumantis Mpc 345 in] et OP ex Mpc 346 semper convalescens] superconvalescenti M 348 quotquot] quidem PM 349 ardorem] scripsi cum M odorem cett. 350 consumuntur] consumitur PM
(178b)
335
340
345
350
355 (178c)
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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Les eaux abondantes n’ont pu éteindre la charité, et les fleuves ne la recouvriront pas. Comme s’il disait: Les nombreuses passions matérielles ne pourront pas étouffer la dilection très ardente et très divine du très bienheureux Crucifié, et les rapides tromperies diaboliques qui l’attaquent ne l’abattent pas. Nul doute, en effet, que l’épouse de bonne forme, enflammée par l’amour du rayon divin très vigoureux et plus que très ardent, ne peut, par aucune passion matérielle intérieurement innée ou produite de l’extérieur, être changée jusqu’à un certain point en l’état de son ardeur. En effet, conformément à la nature de son feu supersubstantiel qui consume toutes choses dont il émane, l’amour divin n’endure près de soi rien de morbide, de sordide, de froid, de tiède, de faible, mais plutôt assainit toutes choses morbides, purifie toutes choses sordides, enflamme toutes choses froides, réchauffe toutes choses tièdes, fortifie toutes choses faibles en sa propre ardeur toujours croissante. Le bien-aimé dit donc heureusement que «les eaux abondantes ne peuvent éteindre la charité», car, quel que soit leur nombre, les passions éphémères, même si elles apportent un petit ravissement, sont cependant totalement consumées en l’ardeur de son feu intellectuellement ardent. Lui-même est, en effet, ce feu admirable dont la bonne Théologie enseigne qu’«il gardait sa force dans l’eau», et que «l’eau oubliait sa propriété d’éteindre.» De là vient également que le feu sensible lui-même, qui signifie l’amour divin, est dit, entre autres nombreuses choses, par le bienheureux Denys, dans la Hiérarchie angélique, ch. XV: «tout dépasser, pénétrer avec acuité, ne consentir à aucune soumission terrestre.» Il dépasse toutes choses, en effet, car il est très fort pour consumer progressivement; il pénètre avec acuité, car il est très fin pour pénétrer; il ne subit aucune sujétion terrestre, car il est très agile pour
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
pedestrem subiectionem, quia agillimus est ad sursumferendum, sic et de divino amore intellige. Quid vero sibi vult quod sequitur: et flumina non obruent illam, nisi quia ipsa in superdulcissimo 360 Crucifixo fortiter solidata caritas nullatenus potest ab ipsis etiam per preceps imminentibus diabolicis tentamentis aliquatenus infirmari? Nam, ut ait evangelica Theologia: “Venerunt flumina, flaverunt venti et irruerunt in domum sapientis et non cecidit; fundata enim erat supra firmam petram”, videlicet fortissi- 365 mum Crucifixum, super quem omnia, tam celestia quam terrestria, solidantur et stabiliuntur. Itaque, quoniam ipsa beata caritas virtuosissima et incorruptibillissima est, ac per hoc incomparabilissima, ideo merito subinfertur: 8, 7b
Si dederit homo omnem substantiam domus sue pro dilectione, quasi nihil 370 despiciet eam. Quod est dicere: si quispiam bonus vir totaliter exteriora et interiora sua exposuerit pro iesuitica caritate acquirenda, vel conservanda, aut etiam augmentanda, tamen hoc totum pro nihi375 lo reputabit. Ipsa enim est illa pretiosissima margarita in agro exercitationis abscondita, quam si volumus adipisci, necesse est ut quecumque habemus vendamus et omnes anime vires et corporis ad ipsius iocundum exercitium tribuamus. Non enim aliter obtinetur, nisi per ardentissimum et attentissimum studium medita- 380 tionis, orationis et lectionis et maxime supersuavissimi Crucifixi imaginationis. Bene igitur ait dilectus noster: si dederit homo omnem substantiam domus sue, id est omnes vires anime | et cor- (178d) poris exposuerit, illam ardenter desiderando, has fideliter operando, pro dulcissimo caritatis habitu, quasi tamen nihil despiciet 385
363-365 Venerunt – petram] Matth. 7, 25 Matth. 13, 46
376-377 Ipsa – vendamus] cf.
361 etiam] om. O 362 per preceps] prepetes PM 362 imminentibus] ruentibus N 373 iesuitica] om. M 385 habitu] obtinendo add. N
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s’élever. Comprends-le ainsi également de l’amour divin. Mais que signifie ce qui suit: «Et les fleuves ne le recouvriront pas», sinon que la charité elle-même, fortement affermie dans le plus que très doux Crucifié, ne peut absolument pas être affaiblie, jusqu’à un certain point, par les tentations diaboliques qui la menacent? En effet, ainsi que le dit la Théologie évangélique: «Les torrents sont venus, les vents ont soufflé et ont battu la maison du sage, et elle n’est pas tombée; de fait, elle était fondée sur une pierre solide», à savoir sur le Crucifié très fort sur qui toutes choses, tant célestes que terrestres, sont affermies et stables. Parce que la bienheureuse charité elle-même est très puissante et très incorruptible et, de ce fait, absolument incomparable, il est heureusement ajouté: Si l’homme avait donné toute la richesse de sa maison pour l’amour, il le tiendrait pour rien. C’est dire: Si quelque homme bon avait totalement abandonné ce qu’il possède intérieurement et extérieurement pour acquérir ou conserver ou même accroître l’amour de Jésus, il estimera cependant tout ceci pour rien. Il est, en effet, cette perle très précieuse cachée dans le champ de la méditation. Si nous voulons l’obtenir, il est nécessaire que nous vendions tout ce que nous possédons et que nous engagions, en vue de sa joyeuse méditation, toutes les forces de l’âme et du corps. En effet, il n’est pas obtenu autrement que par la pratique très ardente et très attentive de la méditation, de l’oraison et de la lecture et surtout de l’imagination du Crucifié plus que très doux. Notre bien-aimé dit donc avec bonheur: «Si l’homme avait donné toute la richesse de sa maison», c’est-à-dire, s’il avait offert toutes les forces de l’âme et du corps en désirant ardemment celles-là, en accomplissant fidèlement celles-ci en vue de l’habitus très doux de la charité, il la tiendrait cependant pour rien, car, ainsi que le
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eam quia, ut sancta tradit Theologia, “omne aurum” et argentum “in comparatione illius arena est exigua”. Sive enim totum possideas aurum sapientie, sive omni resplendeas argento eloquentie aut etiam quibuscumque materialibus divitiis sine dilectionis ardore superamabilis Crucifixi, totum est arena ponderans, 390 non penna sublevans. Si vero supertotaliter eiusmodi arseris caritate, ipsa tua sapientia erit suavissima, eloquentia efficacissima et omnes materiales divitias pedibus conculcabis, te ipsum leviter ad celestia sublevando per virtutem ipsius divini amoris in te boniformiter operantis. Est enim omnis dissimilitudinis 395 reiectivus et omnis similitudinis amativus, agiliter supersuavifactivus, ab omnibus sensibilibus et intelligibilibus absorptivus et Deo totaliter unitivus. Non igitur exhibere nos pigeat omnem substantiam domus nostre, pro dilectione acquirenda, si non habemus, conservanda si habemus aut etiam augmentanda, si eius 400 desiderio fortiter ardemus, quia “omnia bona venient nobis cum illa et innumerabilis honestas per manus illius”. Ita supercelestes substantie dilecti nostri comites finem ipsius prelocutionis exspectant, necnon et novelle sponse infantiam intuentes aiunt intra se:
8, 8a
Soror nostra parvula est et ubera non habet.
405
Hoc est: anima devota minima est in experientia divinorum, et intelligibilium distributionum receptaculis caret. Pulchre spiritus etherei animam devotam | sororem no- (179c) minant, quia ipsi cum ea eiusdem supersubstantialis fortis et luminis sunt rivuli et scintille et eiusdem superbeatissime glorie 410 coheredes. Unde bene pro ea tanto studiosius et benignius sollicitantur, quo ei affinitate intellectuali dulcius et suavius et inse-
386-387 omne – exigua] Sap. 7, 9
401-402 omnia – illius] Sap. 7, 11
389-390 dilectionis ardore] dilectione N 396 et omnis] om. N supersuavifactivus] supersuavivificativus PM sursumactivus N 408 devotam] om. O 411 bene] om. PM
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dit la sainte Théologie, «tout l’or et tout l’argent ne sont auprès d’elle qu’un peu de sable.» Que tu possèdes, en effet, tout l’or de la sagesse, ou que tu brilles de tout l’argent de l’éloquence, ou même de toutes les richesses matérielles sans l’ardeur de l’amour du plus qu’aimable Crucifié, tout cela est sable qui pèse, non aile qui soulève. Mais, si plus que totalement tu brûles d’une telle charité, ta sagesse elle-même sera très douce, ton éloquence très efficace, et tu fouleras aux pieds toutes les richesses matérielles en t’élevant toi-même avec légèreté vers les choses célestes par la vertu de l’amour divin lui-même, qui agit en toi de bonne façon. Il rejette, en effet, toute dissemblance, il assure rapidement une très grande douceur, il entraîne loin de toutes choses sensibles et intelligibles, et il unit totalement à Dieu. Ne soyons donc pas mécontents d’abandonner toute la richesse de notre maison pour acquérir la charité si nous ne l’avons pas, la conserver si nous la possédons, ou même l’augmenter si nous brûlons fortement de son désir, car «tous les biens nous viennent avec elle et une richesse infinie nous vient par ses mains.» Ainsi les substances supracélestes, compagnes de notre bien-aimé, attendant la fin de sa déclaration et considérant également le jeune âge de la nouvelle épouse se disent entre elles: Notre sœur est très petite et elle n’a pas de seins. C’est dire: L’âme est très petite en expérience des choses divines, et elle manque de réceptacles pour les distributions intelligibles. Bellement les esprits célestes nomment «sœur» l’âme, car euxmêmes sont avec elle les petits ruisseaux et les étoiles de la même source et lumière supersubstantielles, cohéritiers de la même gloire plus que très bienheureuse. Il sont, en conséquence, par bonheur remplis pour elle de sollicitude, avec d’autant plus de zèle et de bonté qu’ils lui sont unis par affinité intellectuelle avec plus de douceur, de suavité et de façon tellement inséparable. Si nous por-
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
parabilius coniunguntur. De duobus autem circa eam, si diligenter attendimus, sollicite redduntur, quod videlicet non sit apta ad agendum et patiendum divina. Ad agendum, dum dicunt 415 eam parvulam, hoc est ad laborem actionum ineptam, ad patiendum vero, dum aiunt: et ubera non habet, id est virtutes distributionum intelligibilium receptivas. Adhibeat ergo deiformis anima super eo affectum amplissimum et intellectum fortissimum, ut affluenter emanantes suscipere possit dulcifluas lumi- 420 nositates et lucifluas dulcedinitates, que sibi a dilecto pro subarratione intellectualis matrimonii per angelos transmittuntur. Qui longe antequam hec ei donativa largiantur cognoscentes ipsam minus bene dispositam ad hoc ipsum, iterum pie incipiunt conferre inter se dicentes: 425
8, 8b
Quid faciemus sorori nostre, in die quando alloquenda est? Ac si dicant: quod adminiculum tribuemus devote anime in hora claritatis et luminositatis que sibi revelanda est? Animadverte quo fervore, quove amore nobis esset spiritualibus exercitiis vacandum, dum pro nobis promovendis ipse 430 supercelestes substantie tam sollertes et studiose redduntur. Non enim hoc ideo querunt quasi dubitent, sed ut fortius excitent audientem. Nam devota anima, erga Deum dilectum suum spiritu sancte zelotypie concitata, plenumque | intelligit quando (179b) intellectualibus distributionibus est visitanda. Unde deiformes 435 spiritus hoc de dilecti adolescentula presentientes ipsam sapientissime student reddere cautiorem, ne subito preoccupata tanti luminis donatione privetur. In die, inquiunt, quando alloquenda est, hoc est in luminosa claritate et clara luminositate, que sibi revelanda est. Hoc autem ideo dicunt, ut ipsa perpendat quod 440
414 quod videlicet] quia videlicet quod O quia videlicet cum PM 415 Ad agendum dum] om. PM 416 actionum] mentalium add. N 418 Adhibeat – anima] om. N 419 super eo] sine quo N 424-425 ad hoc – dicentes] om. M 433 Deum] om. N
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tons diligente attention, ils sont rendus soucieux de deux choses la concernant, à savoir qu’elle n’est pas apte à agir et à subir les choses divines; à agir, quand ils disent «très petite», c’est-à-dire maladroite pour ce qui se rapporte au travail des actions mentales; à subir, quand ils disent: «Et elle n’a pas de seins», c’est-à-dire de vertus pouvant recevoir les distributions intelligibles. Que, sur ce point, l’âme déiforme use donc de l’affectus le plus ample et de l’intellectus le plus robuste, afin de pouvoir recevoir les lumières sources de douceurs et les douceurs sources de lumières qui se répandent avec abondance; le bien-aimé les lui communique par les anges comme gage du mariage intellectuel. Bien avant que ces largesses lui soient abondamment accordées, la sachant moins bien disposée à cela même, ceux-ci, de nouveau, affectueusement commencent à s’entretenir, disant entre eux: Que ferons-nous pour notre sœur, le jour où elle doit être exhortée? Comme s’ils disaient: Quelle assistance apporterons-nous à l’âme dévote à l’heure où doivent lui être manifestées clarté et illumination? Remarquez avec quelle ferveur ou quel amour il nous faudrait vaquer aux exercices spirituels, alors que, pour nous faire avancer, les substances supracélestes elles-mêmes deviennent si industrieuses et si pleines d’ardeur. En effet, elles ne demandent pas cela comme si elles doutaient, mais pour exciter plus fortement l’auditrice. L’âme dévote, en effet, emportée par un esprit de sainte jalousie pour Dieu son bien-aimé, comprend quand elle doit être visitée par les distributions intellectuelles. Pressentant donc cela de la toute jeune femme du bien-aimé, les esprits déiformes s’efforcent très sagement de la mettre en garde, pour que, soudain surprise, elle ne soit pas privée du don d’une si grande lumière. «Le jour, disent-ils, où elle doit être exhortée», c’est-à-dire dans la brillante clarté et la claire illumination qui doivent lui être manifestées. Mais ils lui disent cela pour qu’elle-même juge devoir être inondée du don de
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
distributione luminis sit perfundenda sicque suam intelligentiam mundet purius, dilatet amplius, roboret fortius, ut per hec copiosius radietur. Hinc est quod per Theologiam devota anima premonetur: “Exue te, Ierusalem, stola luctus et vexationis tue, et indue te decore et honore; circumda te diploide iustitie et 445 impone capiti tuo mitram honoris eterni; Deus enim ostendet splendorem suum in te que sub celo es”. Quasi dicat: remove a te omnem dissimilitudinem et omni sancta similitudine adorneris, ut sic capacior sis splendoris divini radii, qui te totaliter est perfusurus. Quia vero omnis humane intelligentie fortitudo potius 450 infirmitas quam firmitas est dicenda, nisi divinitus adiuvetur, ideo merito ab eiusdem angelis subinfertur:
8, 9a
Si murus est, edificemus super eum propugnacula argentea. Quod est dicere: si intelligentia adolescentule est amoris glutino et incorrupti luminis sententiarum lapidibus solidata, 455 fabricemus super eam intelligibiles theorias. In vanum quippe nititur arcem montis Sion expugnare, sive per virtutem animi contemplationis | gratiam obtinere, qui (179c) prius intra seipsam ex indissolubili cemento caritatis et spiritualium sententiarum lapidibus fabricam non construxerit. Hinc 460 est quod tantum sub conditione ipse celestes substantie opem ferre decernunt devote anime. Si, inquiunt, murus est, edificemus super eum propugnacula, quasi dicerent: nisi murum non habuerit, non super edificabimus. Quomodo enim debent propugnacula edificari, nisi antea sternatur murus? Ex hoc per pen- 465 dere potes quod ad gratiam contemplationis obtinendam perpendere aliquid a nobis exigitur, aliquid etiam ab ipsis divinis spiritibus nobis gratuite condonatur. A nobis autem exigitur fer-
444-447 Exue – es] Bar. 5, 13 449 capacior] capi facilior OPM 455 incorrupti luminis] incorruptibilium N 457 montis] om. P 464 habuerit] habeat PM enim] coni. ante add. codd.
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la lumière, et qu’elle rende ainsi plus pure son intelligence, la dilate davantage, la rende plus forte, afin, grâce à cela, d’être plus copieusement éclairée. De là vient que l’âme dévote soit prévenue par la Théologie: «Dépouille-toi, Jérusalem, de la robe de ton deuil et de ton affliction; revêts-toi de gloire et d’honneur; enveloppetoi du manteau de la justice, et mets sur ta tête la mitre de l’honneur éternel. Dieu montrera, en effet, sa splendeur en toi qui es sous le ciel.» Comme si elle disait: Écarte-toi de toute dissemblance et tu seras ornée de toute sainte ressemblance, afin d’être ainsi plus apte à recevoir la splendeur du rayon divin sur le point de te combler entièrement. Mais, parce que la force de toute intelligence humaine doit être faiblesse plutôt que solidité, à moins d’être aidée divinement, ces mêmes anges ajoutent avec raison: Si elle est un mur, édifions sur lui des remparts d’argent. C’est dire: Si l’intelligence de la jeune femme est affermie par le lien de l’amour et par les pierres des pensées de lumière incorrompue, fabriquons sur elle des théories intelligibles. Certainement, s’efforce en vain de prendre d’assaut la citadelle du mont Sion ou d’obtenir par la force de l’esprit la grâce de la contemplation, qui n’aura pas d’abord construit en lui-même un édifice avec le ciment indestructible de la charité et les pierres des pensées spirituelles. De là vient que, seulement sous condition, les substances célestes elles-mêmes décident de prêter assistance à l’âme dévote. «Si, disent-elles, elle est mur, édifions sur lui des remparts», comme si elles disaient: À moins qu’elle n’ait eu un mur, nous ne construisons pas sur lui. Comment, en effet, des remparts doivent-ils être édifiés, si le mur ne s’étend pas auparavant sur le sol? Tu peux donc estimer que, pour obtenir la grâce de la contemplation, quelque chose est exigé de nous, et quelque chose nous est gratuitement accordé par les esprits divins eux-mêmes. De nous sont exigés la ferveur de l’amour et son désir, ainsi que l’étude
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
vor et desiderium amoris, et attentum studium Scripturarum, ex quibus intellectualis murus construitur, quo fabricato ab ipsis 470 angelis propugnaculis argenteis communitur, hoc est theoriis intellectualibus que operatione angelica in ipsa intelligentia fabricantur. Que pro tanto dicuntur edificari super murum, quia frequenter ipsam intelligentiam excedunt in tantum ut non sibi, nisi cum labore earum, summitas et altitudo contingatur. Si vero 475 queris an per propugnacula argentea theorie intelligibiles designentur, dicendum est propter ipsarum egregiam fortitudinem ad divina nondum habita expugnandum, vel habita defendendum sonorissimam et dulcissonam earum harmoniam ad universarum intellectualium virtutum militiam delectandum. Quia igitur, non 480 solum sunt necessaria propugnacula quibus fortia expugnentur, sed etiam propatula per que amabilia et amicabilia admittantur, ideo bene per eosdem adiungitur spiritus deiformes:
8, 9b
Si ostium est, compingamus illud tabulis cedrinis. | Ac si dicat: si ipsa devote anime intelligentia apta et (179d) prompta est ad intellectualem operationem, ornemus eam distributionibus divine. Contingit namque plurimum nonnullas devotas animas susceptionem sui dilecti superdulcissimi nimium insolescere, dum tantum fenestram simplicis desiderii, non ostium late affectio- 490 nis, ei aperire conantur. Et tales profecto pulchrifica compinctione tabularum cedrinarum, hoc est distributionum divinarum privantur. Que vero attollunt portas suas ut ingrediatur rex glorie, hee angelorum nimirum docto ministerio quibusdam solidis, perfectis et beneolentibus distributionibus divinis, velut aliquibus 495 493 attolunt – glorie] Ps. 23, 7.9 474 sibi] om. N 475 contingatur] attingatur N 476 per] om. PMac 479 sonorissimam] sonorosissimam N dulcissonam] dulcissimam P universarum] universam N 486 operationem] apertionem N 491 tales] tale P 494 nimirum] murum O docto] docte PM
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attentive des Écritures; le mur intellectuel est construit à partir d’elles. Quand il est construit, il est fortifié par les anges eux-mêmes de «remparts d’argent», c’est-à-dire de théories intellectuelles, qui, par l’opération angélique, sont fabriquées en l’intelligence elle-même. On les dit construites sur le mur pour autant qu’elles dépassent fréquemment l’intelligence elle-même au point que leur cime ou leur hauteur ne la touchent pas, si ce n’est par leur soin. Mais cherchestu si par «rempart d’argent» sont désignées les théories intelligibles? Il faut dire que c’est en raison de leur force éminente pour prendre d’assaut les choses divines non encore possédées, ou pour défendre, quand on les possède, leur harmonie très mélodieuse et très douce destinées à charmer la troupe de toutes les vertus intellectuelles. Puisque donc, non seulement sont nécessaires les défenses, grâce auxquelles serait vaincu ce qui est supérieur, mais le sont aussi les ouvertures par lesquelles serait accueilli ce qui est digne d’amour et amical, les mêmes esprits déiformes ajoutent heureusement: Si elle est une porte, consolidons-la avec des planches de cèdre. Comme s’ils disaient: Si l’intelligence elle-même de l’âme dévote est faite pour l’opération intellectuelle et prête à la réaliser, ornons-la de distributions divines. Il arrive, en effet, la plupart du temps, que quelques âmes deviennent extrêmement fières de recevoir leur bien-aimé plus que doux, alors qu’elles s’efforcent de ne lui ouvrir que la fenêtre du simple désir, non la porte d’une large affection. De telles âmes, certes, sont privées de l’assemblage embellissant des planches de cèdre, c’est-à-dire des distributions divines. Mais celles qui élèvent leurs portes pour que le roi de gloire entre sont assurément, grâce au docte ministère des anges, consolidées par certaines distributions divines, solides, parfaites et de bonne odeur, comme par des
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tabulis cedrinis compinguntur, ut ex pulchritudine et redolentia aditus introeuntis sponsi aspectus et olfactus delectentur, et tunc vere accidit quod per sanctum traditur Dionysium, Eccl. hier. III, ut “nostre quidem mentis obscurum impleatur copioso et divinissimo lumine et informe deiformibus ornetur pulchritu- 500 dinibus.” Studeat igitur unusquisque deiformitatem suam non fenestram coartantem, sed potius ostium patens exhibere dilecto suo, ne tante compinctionis gloria fiat expers. Ita tandem fiet ut, quo latius cordis ostium dilataverit ad eum suscipiendum, eo fortior et aptior reddatur ad divinarum exercitium perferen- 505 dum. Hinc est quod per ipsam sponsam eisdem angelis loquentibus subsequenter respondetur: 8, 10
Ego murus, et ubera mea quasi turris, ex quo sum coram eo quasi pacem reperiens. Quod est dicere: firmiter sum in intelligibilibus | stabili- (180a) ta et secundum affectum et intellectum altissime sublimata, ex quo per dulcissimam dilecti presentiam sum pacatissime quietata. Vide quoniam sponsa duo innuit necessaria ad laborem spiritualis militie leviter sustinendum, fortitudinem munitionis 515 qua viriliter resistatur, cum ait: ego murus, et altitudinem speculationis que de longe videatur, dum subiungit: et ubera mea sicut turris. Dicitur autem esse sicut murus, quia in intelligibilibus firmiter stabilita, imperforabilis omnino maneat a sagittis et spiculis inimici. Et talis qualis erat deiformis anima Ieremie 520 que data fuerat “in civitatem munitam”, ut nullatenus caperetur, et “in columnam ferream”, ne aliquatenus deiceretur, et “in murum ereum”, ut nullo modo perforaretur. Profecto hic est ille 499-501 nostre – pulchritudinibus] Ps.-Dion., De eccl. hier., III, 12393-4 521523 in – ereum] Hier. 1, 18 524-525 murus – cementarii] Amos 7, 7 496 pulchritudine] Hic desinit N 510 in] om. PM 518 in] om. PM 519 maneat] manet PM 523 ille] om. PM 524 Amos] amoris PMpc quem] om. et add. in marg. a. m. O
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planches de cèdre, afin que la vue et l’odorat soient réjouis par la beauté et la bonne odeur de l’époux qui entre. Advient alors ce que saint Denys dit dans la Hiérarchie ecclésiastique, ch. III, que: «ce qui est obscur en notre esprit soit rempli d’une lumière abondante et très divine, et que ce qui est informe soit orné de beautés déiformes.» Que chacun veille donc à présenter sa déiformité, non une fenêtre qui rétrécit, mais plutôt une porte qui s’ouvre, de peur d’être privé de la gloire d’une si grande ornementation. Il arrivera de la sorte que, plus largement il aura ouvert la porte du cœur pour le recevoir, plus il devient fort et plus apte à s’acquitter des exercices divins. De là vient que l’épouse réponde aux mêmes anges qui lui parlent: Je suis un mur et mes seins sont comme une tour; je suis donc en sa présence comme celle qui trouve la paix. C’est dire: Je suis fermement établie dans les réalités intelligibles, et je suis élevée très haut selon l’affectus et l’intellectus; par suite, grâce à la présence très douce du bien-aimé, je suis très paisiblement en repos. Vois que l’épouse indique deux choses nécessaires pour soutenir aisément le travail de la milice spirituelle: la force du rempart par laquelle on résiste courageusement, lorsqu’elle dit: «Je suis un mur», et la hauteur, visible de loin, de la spéculation, alors qu’elle ajoute: «Et mes seins sont comme une tour.» On la dit être comme un mur, car, établie fermement dans les réalités intelligibles, elle resterait absolument incapable d’être trouée par les flèches et les javelots de l’ennemi. Ainsi était l’âme déiforme de Jérémie qui avait été établie comme une ville protégée, afin de n’être prise d’aucune manière, et comme une colonne de fer, afin de n’être pas, jusqu’à un certain point, renversée, et comme un mur d’airain, afin de n’être pas transpercée d’aucune manière. Assurément, tel est le mur d’aplomb du bienheureux prophète
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“murus litus” beati Amos prophete, super quem vidit “Dominum stantem et in manu eius trullam cementarii”, ut si forte aliquid inde corruerit paratus sit restaurare. Quomodo enim non murus litus anima boniformis, que omni caret dubietatis scrupulo et asperitatis motu, super quem iugiter dilectus sedet ad ipsam dulciter quietandam et, cum trulla cementarii, hoc est cum provide agente sapientia divini magisterii, ad ipsam docte resarciendam? Que igitur est sicut murus ad resistendum, est in uberibus sicut turris ad precavendum. Et ubera, inquit, mea sicut turris, hoc est affectus et intellectus meus sunt vehementissime sublimati, ita ut per unum a remotissimis omnia mala afficientis, per aliud vero, universa prope imminentia caveantur. Unde bene ipsum affectum et intellectum nomine uberum expressit, quia, dum sicut turris in divine contemplationis altitudinem elevantur, alter suavissima dulcedine omnis male afficientis est reiectiva, alius vero castissima claritate omnis false illuminationis | repulsiva plenarie adimpletur. Sed quid est quod ait: ex quo facta sum coram eo quasi pacem reperiens, nisi quia ex tunc solum incipit anima sicut murus intellectualiter stabiliri, et secundum affectum et intellectum velut turris deifice sublimari intellectualique dulcedine et lumine repleri, quando, per dilecti presentiam in se existentem, incipit ab omnibus materialibus passionibus et fantasiis imaginabilibus quietari et pacificari? Sponsam ergo coram dilecto reperire pacem est eam per ipsius presentiam ab omnibus se inquietantibus, sive materialibus, sive spiritualibus, reddi pacificam et tranquillam, et tunc iam libere solidatur ubi murus ubertim divinis distributionibus adimpletur et ut turris per contemplationem nobilissime sublimatur. Quia vero dubitari posset utrum sponsa nostra tantam pacem coram dilecto suo promeruerit reperire, ideo ab ipsis suis contubernalibus angelis subinfertur:
534 afficientis] est s. s. a. m. O tiva] reiectivus a. m. in ras. O 549 libere] liberior PM
535 imminentia] irruentia M 539 reiec539 repulsivo] repulsivus a. m. in ras. O
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Amos, sur lequel il vit «le Seigneur se tenir et ayant en ses mains une truelle de maçon», afin d’être prêt à le restaurer, si par hasard quelque chose en tombait. Comment, en effet, l’âme de bonne forme ne serait-elle pas un mur d’aplomb, elle qui est exempte de toute pierre de doute et de toute passion violente, mur d’aplomb sur lequel le bien-aimé se tient continuellement, afin de lui donner doucement le repos et, avec la truelle du maçon, c’est-à-dire avec la sagesse, agissante et prévoyante, du magistère divin pour la réparer savamment? Celle qui est donc comme un mur pour résister est, en raison de ses seins, comme une tour pour se tenir sur ses gardes: «Et mes seins, dit-elle, sont comme une tour», c’est-à-dire mon affectus et mon intellectus sont très fortement élevés, de telle sorte que, par l’un, tous les maux qui affaiblissent, depuis les plus éloignés, sont évités, et, par l’autre, sont évités tous les maux imminents. Elle donne donc à bon droit le nom de «seins» à l’affectus et à l’intellectus eux-mêmes, car, alors qu’ils sont élevés, comme une tour, à la hauteur de la contemplation divine, l’un est pleinement rempli d’une très suave douceur qui rejette tout mal qui affaiblit, l’autre est rempli totalement d’une clarté très chaste qui écarte toute fausse illumination. Mais que signifie ce qu’elle dit: «Je suis donc en sa présence comme celle qui trouve la paix», si ce n’est parce que, seulement alors, l’âme commence à être intellectuellement affermie comme un mur, et, selon l’affectus et l’intellectus, déifiquement élevée comme une tour, et remplie de douceur et de lumière intellectuelles, lorsque, par la présence en elle du bien-aimé, elle commence à être en repos et pacifiée par rapport à toutes les passions et toutes les possibles imaginations matérielles? En conséquence, trouver la paix par la présence du bien-aimé est pour l’épouse devenir celle qui établit la paix et la tranquillité en toutes choses matérielles et spirituelles qui l’inquiètent. Elle devient alors franchement solide comme un mur, quand elle est abondamment remplie des distributions divines, et elle est très remarquablement élevée comme une tour par la contemplation. Mais on pourrait douter que notre épouse ait mérité de trouver une paix si grande en présence du bien-aimé. Ses compagnons eux-mêmes ajoutent donc:
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Vinea fuit pacifico in ea que habet populos. Ac si dicat: ipsa deiformis anima quondam extitit spiri- 555 tuali cultui pacifici mancipata, dum in ea pace et tranquillitate existeret que deificos habet actus. Attende quoniam Dei dilecta anima tunc fit vinea pacifica quando ipse superpacificus et superpacatissimus divinus radius eam suis beatissimis illustrationibus excalit et exercet, putat et 560 impinguat ut botros afferat suavissimarum affectionum, quod quidem solum contingit ipsa existente in ea pace que multos et deificos habet actus, sive in ea tranquillitate qua multis et sanctis superdivinis actibus et motibus exercetur ut quo scilicet studiosius a suo pacifica extollitur, eo in pluralitate sanctorum motu- 565 um et actuum quasi populorum multitudine augmentatur. Quia tamen, quantum deiformis | anima ipsa crescit et multiplicatur (180c) in bonis actibus, tantum honoratur ab angelicis spiritibus, ideo bene adiungitur:
8, 11b
Tradidit eam custodibus.
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Hoc est: posuit eam sub custodia et protectione angelorum sive spirituum supernorum. Nam, licet unaqueque fidelis anima suo speciali gaudeat custode et consolatore, tamen ad ipsius intellectuale incrementum ab aliis beatis spiritibus, sive substantiis, visitatur et cus- 575 toditur, ex ipsius dilecti precepto quibus delicatissime dimittitur conservanda. Hinc est quod divinus ille patriarcha Iacob intellectualibus suis oculis vidit angelos ascendentes et descendentes ad ipsius auxilium pacis existentes et eius contemplativas virtutes felicissime delectantes et gratissimam exhibentes 580 555 quondam] quodammodo PM 564 exercetur] exercentur PMpc 566 augmentatur] augmentantur PM 573 fidelis] et sancte add. PM 574-575 incrementum] nutrimentum PM 575 visitatur] consolatur add. PM 578-579 descendentes] quasi add. PM
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Le pacifique eut une vigne en celle qui a des peuples. Comme s’ils disaient: Autrefois l’âme déiforme elle-même fut vouée au culte spirituel de celui qui donne la paix, alors qu’elle se trouvait en cette paix et cette tranquillité dont les actes sont déifiques. Note que l’âme aimée de Dieu devient une vigne pour celui qui donne la paix, quand le rayon divin lui-même, plus que pacifique et plus que très pacifié, la cultive et la travaille sans arrêt, la taille et l’engraisse, afin qu’elle produise des grappes de très suaves affections. Cela n’advient, certes, que lorsqu’elle est en cette paix dont les actes sont nombreux et déifiques, ou en cette tranquillité en laquelle elle s’exerce par des actes et des mouvements nombreux et saints, plus que divins, de telle sorte que, plus elle est soulevée avec ardeur par celui qui lui donne la paix, plus elle croît en pluralité de mouvements et d’actes saints, comme en une multitude de peuples. Autant cependant l’âme déiforme elle-même croît et s’enrichit en bonnes actions, autant elle est louée par les esprits angéliques. Il est donc heureusement ajouté: Il l’a confiée à des gardiens. C’est-à-dire: Il l’a mise sous la garde et la protection des anges ou des esprits supérieurs. En effet, bien que chaque âme fidèle ait son gardien et son consolateur particulier, cependant, en vue de son accroissement intellectuel, elle est visitée et gardée par les autres esprits ou substances bienheureux auxquels, sur l’ordre du bien-aimé lui-même, elle est très délicatement confiée pour être gardée. De là vient que ce divin patriarche Jacob vit de ses yeux intellectuels les anges monter et descendre, venant au secours de sa paix, réjouissant très heureusement ses vertus contemplatives, et lui témoignant une très
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
familiaritatem. Quomodo enim non custodiant, confortent et delicient ipsi angeli quam vident ab ipso rege glorie tam tenerrime custodiri, viriliter confortari et suavissime delectari? Non solum autem illos delectat sed et ipse in nobis delectatur vere nostris profectibus congaudendo, ita ut, non tantum gratis eas dignetur 585 accipere, sed multa pretia comparare. Unde sequitur:
8, 11c
Vir affert pro fructu eius mille argenteas. Ac si dicatur: virtuosissimus Crucifixus pro merito profectuum sponse dat perfectissimas refulgentias radiorum, sive immittit radios perfectissime resplendentes. Novimus namque, bona tradente Theologia, “a femina virum circumdatum”, hoc est | in thearchica Virgine divinissimum Dei Filium incarnatum, virtutem quidem Dei et sapientiam existentem, virtutem fortiter sustinendo, sapientiam vero prudentissime demonstrando. Hinc nimirum, eo suavius in sue sponse fructibus ac profectibus delectatur, quo durius ex hiis que passus est didicit obedientiam Dei Patris, ascendens in palmam et apprehendens fructus eius. Unde, quia in seipso expertus fuit labores nostrorum defectuum, dulcius acceptat fructus nostrarum profectuum. Hinc est quod non gratis adtentat petere fructus sue sponse quasi momentanee et leviter productos, sed pro mille argenteis comparat, sicut tam longo labore et studiosissimo exercitio congregatos. Quid autem per has mille argenteas a dilecto adlatas convenientius intelligimus quam perfectissimas intelligibiles radios perfectissime refulgentes in ipsius sponse intelligentiam copiosissime perfusos? Sicut enim per millenarium perfectio, sic per argenteos refulgentia et sonoritas designatur, que omnia in ipsis beatissimis radiis esse minime dubitantur. Nam
591-592 a – circumdatum] Hier. 31, 22 584 delectat] delectari PM 589 radiorum] angelorum PM filium] om. O 597 est] om. PM 601 sed] se Opc
593 Dei
590 (180d)
595
600
605
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précieuse familiarité. Comment, en effet, les anges eux-mêmes ne garderaient-ils pas, ne réjouiraient-ils pas celle qu’ils voient si tendrement gardée, si virilement confortée, si suavement réjouie par le roi de gloire lui-même? Non seulement il les réjouit, mais luimême se plaît en nous, se réjouissant vraiment de nos progrès, de telle sorte que, non seulement il daigne les accueillir sans y être obligé, mais les acquiert d’un grand prix. Suit donc: L’homme apporte pour son fruit mille pièces d’argent. Comme s’il disait: Le très puissant Crucifié donne à l’épouse en salaire de ses progrès les éclats très parfaits de ses rayons, ou il envoie des rayons qui resplendissent très parfaitement. Nous connaissons, en effet, par la bonne Théologie qui l’enseigne «l’homme entouré par une femme», c’est-à-dire le très divin Fils incarné de Dieu en la Vierge théarchique, certes vertu et sagesse de Dieu; vertu, en supportant courageusement; sagesse, en faisant connaître très prudemment. De là vient assurément qu’il aime les fruits et les progrès de son épouse avec d’autant plus d’agrément qu’en raison de ce qu’il a enduré, il a appris plus durement l’obéissance à la loi de Dieu le Père, montant au palmier et saisissant ses fruits. En conséquence, parce qu’il a expérimenté en lui-même les peines de nos défauts, il accepte plus agréablement les fruits de nos progrès. Il ne tente donc pas de demander gratuitement les fruits à son épouse, comme s’ils étaient produits en un moment et sans difficulté, mais il les compare à mille pièces d’argent, comme étant obtenus par un si long travail et par un exercice très appliqué. Mais, par ces «mille pièces d’argent» qu’apporte le bien-aimé, que comprenons-nous de plus convenable que les très parfaits rayons intelligibles qui brillent très parfaitement, très généreusement répandus dans l’intelligence de l’épouse elle-même? De même, en effet, que la perfection est désignée par le millénaire, ainsi l’éclat et la sonorité le sont par les pièces d’argent; toutes choses dont on ne peut absolument douter qu’elles existent dans les rayons très bien-
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
perfectissimi sunt sicut ab eterno sole eternaliter emanantes refulgentissimi, quia supersubstantialiter resplendentes sicut sonoris- 610 sime supermentaliter delectantes et totaliter ipsam animam in angelicum tripudium convertentes. Itaque, quanto ipsa deiformis anima per distributionem intelligibilium radiorum ditatur felicius, tanto ab ipso dilecto gratius acceptatur; ideo bene per ipsum adiungitur: 615
8, 12a
Vinea mea coram me est. Quod est dicere: ipsa deiformis anima | meis intelligibilibus (181a) radiis acquisita, vehementer meo conspectui est accepta. Merito dilectus noster superdulcissimus Crucifixus boniformem animam dicit vineam suam sicut mille argenteis, sive 620 perfectissimis et candidissimis radiis acquisitam, sive potius irrigatam. Dum enim ipsis superlucentibus splendoribus per dilectum anima adimpletur, quasi supermentaliter irrigatur. Que quidem irrigatio, nihil aliud est quam quedam ipsius intellectualis vinee vendicatio et acquisitio, tanto utique gratior, quanto fruc- 625 tuosior. Nec enim alias speciali quodam modo eam coram se esse diceret, nisi eam vehementissime acceptaret et suo conspectui placeret, sicut odoris suavissimi spargitiva et fructus dulcissimi et bene clarissimi et bene olentissimi productiva, qui Dei et hominis est letificativus. Quia vero istius vinee tam mera bonitas, non 630 solum procedit a pinguissima illustratione radiorum, sed et a studiosissima custodia angelorum, ideo per dilectum congrue subinfertur:
611 supermentaliter] om. PM
631 et] est PM
COMMENTAIRE DU CANTIQUE DES CANTIQUES
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heureux eux-mêmes. Ils sont, en effet, très parfaits, en tant qu’ils émanent éternellement du soleil éternel; très brillants, car ils resplendissent plus que substantiellement; très sonores, réjouissant l’âme au-dessus de l’esprit et tournant totalement l’âme elle-même vers la joie des anges. C’est pourquoi, autant l’âme déiforme ellemême est très heureusement enrichie par les distributions des rayons intelligibles, autant elle est agréée avec plus de plaisir par le bienaimé lui-même. Il ajoute donc heureusement: Ma vigne est devant moi. C’est dire: L’âme déiforme elle-même, acquise par mes rayons intelligibles, est très agréable à ma vue. Justement, notre bien-aimé, le plus que très doux Crucifié, dit que l’âme de bonne forme est sa vigne en tant qu’elle est acquise par mille pièces d’argent ou plutôt irriguée de rayons très parfaits et très éclairants. En effet, tandis que l’âme est remplie par le bien-aimé de splendeurs elles-mêmes plus que brillantes, elle est pour ainsi dire irriguée d’une façon qui dépasse l’esprit. Cette irrigation n’est en vérité rien d’autre qu’une certaine revendication et acquisition de la vigne intellectuelle elle-même, d’autant plus agréable certes qu’elle est plus féconde. Autrement, en effet, il ne dirait pas qu’elle est devant lui de quelque manière spéciale, s’il ne l’agréait pas très fortement et si elle ne plaisait pas à sa vue en tant qu’elle répand une odeur très suave et produit un fruit très doux et heureusement parfaitement éclatant et parfaitement odoriférant qui réjouit Dieu et l’homme. Mais, parce que la bonté si pure de cette vigne ne procède pas seulement de l’illumination très riche des rayons, mais aussi de la garde très zélée des anges, le bien-aimé ajoute, comme il convient:
548 8, 12b
«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
Mille tui pacifici et ducentibus qui custodiunt fructus eius. Ac si dicat: perfectissimi sunt radii quibus tu totaliter tranquillaris et etiam perfectissimi sunt splendores quibus perfunduntur angeli, qui custodie fructuum huius vinee deputantur. Si queratur cur per mille pacificos sponse intelligibiles radii designentur, merito dici potest quod, sicut ipsi sunt totaliter in se perfecti, sic illius anime, in qua copiosissime perfunduntur, sunt totaliter perfectivi, ipsam | perfectissime unientes, et totaliter pacificativi, eam ab omni dissimilitudine liberantes. Unde in ea quod dicunt: mille, notatur earum perfectio, sive perfecta unitio ad perfectum, in eo vero quod pacifici, pacatissima et tranquillissima earum designatur efficacitas ad subiectum. Quid autem sibi vult quod sequitur: et ducenti hiis qui custodiunt fructus eius, nisi quia magis dilecti deputati plenissime perlustrantur? Centenarius enim sicut millenarius numerus est perfectus, cui si reliqua centum addas, duplicem designant perfectionem que secundum legem hierarchicam in angelicis distributionibus observatur propter ipsorum fidele ministerium erga intelligibiles vineas, scilicet Deo devotas animas salutari gubernandas. “Omnes quippe domestici eius, ait Theologus, vestiti sunt duplicibus”, hoc est duplo perfectioribus distributionibus quam nos angeli sunt perfusi. Nam cum per ipsos ad nos divine profluant distributiones, necessarium est ut, eo magis eis debeantur perfectiores et copiosiores quo ipsi nobis sunt capaciores et propter nos custodiendos studiosiores, ut sic, non tantum deiformitas capacissima repletur, sed etiam ipsarum erga nos fidelis studiositas, sive fervens zelotypia, remuneretur. Non solum enim vineas, hoc est animas nostras custodiunt sed etiam fructus eius; vineas quidem, ne a malis interius germinantibus corrumpantur,
653-654 Omnes – duplicibus] Prov. 31, 21 647 dilecti] om. P
653 eius] ut add. PM
656 profluant] perfluant PM
635
640 (181b)
645
650
655
660
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Mille sont tes rayons qui pacifient, et deux cents pour ceux qui gardent ses fruits. Comme s’il disait: Très parfaits sont les rayons par lesquels tu es totalement apaisée, et très parfaites sont également les splendeurs dont sont baignés les anges députés à la garde des fruits de cette vigne. Si l’on cherche pourquoi sont désignés par «mille qui pacifient» les rayons intelligibles de l’épouse, on peut dire avec raison: de même qu’ils sont eux-mêmes totalement parfaits, ainsi ils perfectionnent totalement cette âme en laquelle ils sont très abondamment répandus, l’unissant très parfaitement, la pacifiant entièrement, la libérant de toute dissemblance. En ce qu’ils sont dits «mille» est donc indiquée leur perfection ou l’union parfaite à celui qui est parfait, mais, en ce qu’ils sont dits «qui pacifient» est désignée leur efficacité très apaisante et sans trouble pour qui les reçoit. Mais que signifie ce qui suit: «Et deux cents pour ceux qui gardent ses fruits», sinon que sont plus parfaits ou deux fois plus parfaits les rayons par lesquels les anges députés à la garde de la vigne du bien-aimé sont très abondamment éclairés? En effet, comme le nombre mille, le nombre cent est un nombre parfait. Si tu lui ajoutes cent autres, ils désignent une double perfection, qui, selon la loi hiérarchique, est observée dans les distributions angéliques, à cause de leur fidèle ministère au bénéfice des vignes intelligibles, à savoir le gouvernement salutaire des âmes pleines de ferveur pour Dieu. «Tous ses domestiques, dit le théologien, sont vêtus d’un double vêtement», c’est-à-dire les anges sont baignés de distributions doublement plus parfaites que nous. En effet, puisque les distributions divines s’écoulent par eux vers nous, il est nécessaire que leur soient dues de plus parfaites et plus abondantes distributions, d’autant plus qu’eux-mêmes sont plus capables que nous et plus attentifs pour nous garder, afin qu’ainsi, non seulement leur déiformité très spacieuse soit remplie, mais qu’également leur fidèle attention ou leur fervente jalousie à notre égard soit récompensée. Non seulement, en effet, ils gardent les vignes, c’est-à-dire nos âmes, mais aussi leurs fruits; les vignes certes, pour qu’à l’intérieur de mauvais germes ne les corrompent pas; les fruits,
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«DEIFORMIS ANIME GEMITUS»
fructus vero, ne a malignis furibus et doctissimis diripiantur. Aut certe et melius vineas custodiunt, dum animas nostras intelligibili lumine sua ambiunt et circumdant, fructus autem, dum 665 eas in tuto sue memorie recondentes conspectui nostri dilecti superdulcissimi representant. | Igitur cernens dilectus sponsam (181c) suam tam fideliter ab angelicis spiritibus custodiri, ac per hoc ipsam in suis vernantibus delectationibus secretissime commorari 670 ait ei: 8, 13
Que habitas in hortis, amici auscultant te, fac me audire vocem tuam. Quasi diceret: o tu, sponsa mea que iugiter commoraris in virentibus delectabilibus sententiis Scripturarum aut suavissimis odoribus orationum, vel fragrantissimis materialium laboribus actionum, angeli te attendunt. Age igitur ut virtus tua meis auribus intimetur. Deiformis siquidem anime est semper in hortis habitare, hoc est, aut in virentibus et delectabilibus Scripturarum sententiis commorari ut, tam ipsius intellectualis visus ex viridi luminositate, quam gustus e sapore delectabili recreetur, aut in suavissimis orationum ferventium odoribus quibus intellectualiter excitetur, aut fragrantissimis materialium actionum laboribus in quibus modicum remissa facta postmodum fortius intendatur. Hii profecto sunt tres sponse horti delicatissimi in quibus, dum continue commoratur Scripturarum sententias attentissime ruminando, ferventissime orando et fidelissime laborando, tunc nimirum ab ipsis suis amicis, angelis videlicet, eo auscultatur attentius, quo per hoc proficit vehementius. Sed quid est angelos habitantem in hortis sponsam auscultare, nisi tacitis ipsius sanctis profectibus congaudere, scilicet attente meditationi, ferventi orationi et studiosissime actioni, ex quibus viva quedam emanat vox in qua dilectus | mirabiliter delectatur? Fac qui-
666 recondentes] retundantes PM 679 sententiis] iugiter add. PM 681 orationum] orationibus M
675 ut] om. et add. in m. a. m. O 678679 ipsius] om. PM 680 e] om. PM 689 habitantem] habitare M
675
680
685
690 (181d)
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pour que d’envieux et habiles voleurs ne les pillent pas. Ou du moins et mieux, ils gardent les vignes, tandis qu’ils entourent et enveloppent nos âmes de leur lumière intelligible; ils gardent les fruits, alors que, les gardant dans la paix de leur mémoire, ils les mettent sous le regard de notre bien-aimé plus que très doux. Voyant que son épouse est si fidèlement gardée par les esprits angéliques et qu’à cause de cela elle s’attarde très secrètement en ses délectations qui fleurissent, l’époux lui dit: Toi qui habites dans les jardins, tes amis t’écoutent avec attention; faismoi entendre ta voix. Comme s’il disait: Ô toi, mon épouse, qui demeures sans interruption dans les verdoyantes pensées délectables des Écritures ou dans les odeurs très suaves des oraisons ou dans les très odoriférants labeurs des actions matérielles, les anges t’écoutent attentivement; fais donc en sorte que ta vertu soit annoncée à mes oreilles. Il revient, en effet, à l’âme déiforme d’habiter toujours dans les jardins, c’est-à-dire de demeurer dans les pensées fortes et délectables des Écritures, de sorte que tant sa vue intellectuelle soit charmée par la verdoyante lumière, que son goût soit réjoui par une saveur délectable, ou bien au milieu des très suaves odeurs des ferventes oraisons qui la stimulent intellectuellement, ou bien dans les labeurs très odorants des actions matérielles en lesquelles, s’étant un peu relâchée, elle est ensuite plus fortement tendue. Certes, ce sont les trois jardins très attrayants de l’épouse, alors qu’elle demeure en eux de manière continue en ruminant très attentivement les pensées de l’Écriture, en priant avec une très grande ferveur, en travaillant très constamment; elle est alors assurément d’autant plus attentivement écoutée par ses amis eux-mêmes, à savoir les anges, que, grâce à cela, elle progresse plus rapidement. Mais que signifie «les anges écoutent avec attention l’épouse qui habite dans les jardins», si ce n’est qu’ils se réjouissent de ses progrès saints et secrets, à savoir de la méditation attentive, de la prière fervente, de l’action très appliquée? D’elles sort une certaine voix qui charme admirablement le bien-aimé. «Fais-moi donc, dit-
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dem, inquit, me audire vocem tuam, quasi dicat, ita attente, ita ferventer, ita studiose meditare, ora et operare, ut inde virtus exhalet suavissima, que per angelos in tuis profectibus tacite delec- 695 tantes, meis auribus intimetur, intimata vero feliciter remuneretur. Sciens itaque sponsa dilectum sibi appropiasse, rogat eum longius recedere ut sic ipsa eum sequendo amplius a se separetur. Ait enim: 8, 14
Fuge, dilecte mi, et assimilare capree hinnuloque cervorum super montes 700 aromatum. Ac si dicat: dulciter flagito, amor mi, ut a mea deiformitate altius te elonges conformis factus agillime levitati et levissime agilitati super fragrantissimas intelligentias angelorum. Pulchre deiformis anima optat dilectum fugere, hoc est 705 eam a sue mentis Cherub altius exaltari, ut sic ipsa, tanto remotius a se separetur eum insequendo, quo ipse longius abierit ab ipsius aspectibus se amplius absolvendo, et, ne forte nimium elongaretur, ita ut non possit insequi fugientem pre virium paupertate taxat ei modum, ut scilicet non fiat sicut aquila volans, aut navis 710 preteriens, sed velut caprea cervarumque hinnulus, quorum sequi posset agillimam levitatem et levissimam agilitatem usque ad montium aromatum vertices. Non enim tales bestie altius se extollunt quam sint montium summitates. Quid autem per montes aromatum super quas | vult sponsa dilectum exaltari magis con- (182a) grue intelligimus quam ipsas altissimas intelligentias angelorum, ad quos apta et idonea est deiformis anima sublimari? Non enim aliter hac optaret nisi se fore sciret habilem et potentem ad dilectum prosequendum super tam altissimas et beneolentissimas summitates, inter quas recreari et conversari mirabiliter delectatur. 720 Animadvertendum est igitur quoniam liber iste ab uno optabili incipit, videlicet a desiderio, vel experientia unitionis
694 ora] orare PM 711 preteriens] pretervolans PM tutes P 719 quos] quas P 721 iste] est PMpc
713 vertices] vir-
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il, entendre ta voix»; comme s’il disait: Médite, prie et œuvre attentivement avec ferveur, avec application, de telle sorte que s’en dégage une vertu très douce qui, par les anges réjouis en secret de tes progrès, soit perçue de mes oreilles, et que, perçue, elle soit heureusement récompensée. Sachant donc que son bien-aimé s’est approché d’elle, l’épouse lui demande de s’éloigner, afin qu’elle-même, en le suivant, soit ainsi plus séparée de lui. Elle dit en effet: Fuis, mon bien-aimé, et sois semblable au chevreuil et au faon des biches sur les monts des aromates. Comme si elle disait: Je demande instamment et avec douceur, mon amour, que tu t’éloignes plus haut que ma déiformité, devenu semblable à la très agile légèreté et à l’agilité très légère, audessus des intelligences très odoriférantes des anges. L’âme déiforme souhaite que le bien-aimé «fuie», c’est-à-dire soit élevé plus haut que le chérubin de son esprit, afin qu’ainsi ellemême soit d’autant moins séparée de lui en le suivant, que luimême s’en sera allé plus loin en se soustrayant davantage à ses regards. Et pour que, peut-être, elle soit trop éloignée, au point de ne pouvoir suivre celui qui fuit, à cause de l’indigence de ses forces, elle détermine pour lui la manière dont il doit se comporter, à savoir de ne pas devenir comme l’aigle qui vole ou le navire qui passe, mais comme le chevreuil ou le faon des biches dont elle pourrait suivre la très agile légèreté et la très légère agilité jusqu’au sommet des monts aromates. De tels animaux, en effet, ne s’élèvent pas plus haut que le sommet des monts. Par «monts des aromates», sur lesquels l’épouse veut que le bien-aimé soit élevé, que comprenons-nous de plus convenable, sinon les très hautes intelligences elles-mêmes des anges auprès desquelles l’âme déiforme est apte à être élevée et est capable de l’être? Autrement, elle ne le souhaiterait pas, si elle ne se savait pas devoir être disposée à suivre le bien-aimé et capable de le suivre sur les cimes aussi élevées et odoriférantes, au milieu desquelles elle se réjouit d’être admirablement charmée et de demeurer. Il faut donc remarquer que ce livre commence par une chose souhaitable, à savoir le désir ou l’expérience de l’union, quand il
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dum dictum est: osculetur me osculo oris sui, et similiter in aliud optabile terminatur, scilicet in affectum angelice conversationis, quod per fugam dilecti, more capree et hinnuli, super montes aro- 725 matum designatur. Ex hoc autem duo arbitror figurari ad deiformis anime documentum, ut scilicet semper iuxta possibilitatem suam anhelet ad experientiam divine unitionis et altitudinem angelice conversationis, quorum unum intellectualis nostre passionis, alterum vero perfectivum est actionis. Dum enim anima 730 Deo unitur, perfecta passione frui dicenda est cum vero super montes aromatum, sive inter altas et fragrantes intelligentias angelicas conversatur, perfecte agere nullatenus dubitetur. Talia nobis prestet superdulcissimus Crucifixus, meritis et intercessione supersuavissime matris sue Marie et omnium celestium 735 catervarum, qui vivit et regnat cum Deo Patre et Spiritu Sancto per infinita secula seculorum. Amen. Explicit hic liber feliciter. Amen. Legentes in hoc orent pro scriptore.
734 prestet] om. PM 736 catervarum] concedat add. PM Deo – Sancto] om. PM Explicit – scriptore] om. P Deo gratias. Explicit Vercellensis super Cantica Canticorum M
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est dit: «Qu’il me baise d’un baiser de sa bouche», et que, pareillement, il s’achève en une autre chose souhaitable, à savoir le désir de la vie angélique, ce qui est signifié par la fuite du bien-aimé à la façon du chevreuil ou du faon des biches sur les monts des aromates. À partir de cela, je pense donc que deux choses sont conçues pour l’instruction de l’âme déiforme, à savoir que toujours, selon sa possibilité, elle aspire à l’expérience de l’union divine et à l’élévation de la vie angélique, l’une rendant parfaite notre passion intellectuelle, l’autre notre action. En effet, quand l’âme est unie à Dieu, elle jouit, doit-on dire, d’une passion parfaite; quand elle vit sur les monts des aromates ou parmi les hautes intelligences angéliques de bonne odeur, nul ne peut absolument douter qu’elle agisse parfaitement. Que le Crucifié plus que très doux nous accorde de telles choses par les mérites et l’intercession de sa Mère plus que pleine de bonté, Marie, et de toutes les troupes célestes, lui qui vit et règne avec Dieu le Père et l’Esprit-Saint durant les siècles infinis des siècles! Ainsi soit-il! Ce livre s’achève heureusement. Ainsi soit-il! Que ceux qui le lisent prient pour le copiste!
Index Index biblique Index des sources
INDEX BIBLIQUE1 Genèse 2, 10 3, 8 7, 13 11, 11 30, 1 27, 27 32, 28* 35, 10* 40, 23
Exode 3, 1 3, 2 3, 5 3, 18 33, 20 34, 29
VII, 143-144 II, 688 IV, 506-508 VI, 365-366 II, 911-912 VII, 115 IV, 710-711 II, 19-20 II, 19-20 VI, 550-551 I, 436-437 III, 322-326 III, 336-338 III, 352 II, 164 IV, 154-155
Deutéronome 32, 11* I, 168-170 Nombres 24, 17
II, 22
Juges 13, 20
II, 595-596
I Samuel 14, 27* 17, 12
IV, 608-610 VI, 364-365
1
I Rois 8, 10 10, 19* 19, 7
V, 247-248 III, 590-591 III, 60-61
II Rois 2, 11
VI, 579-580
II Chroniques 7, 1 IV, 171 Tobie 5, 5-6 11, 14 12, 12 13, 22
III, 441-443 IV, 610-611 VII, 518 VII, 33-34
Esther 15, 5 et 8
VIII, 182-184
Job 4, 12 4, 15 4, 16 7, 15 23, 8-9 28, 7 29, 3 33, 15-16 38, 25 39, 6 39, 8
Intr., 37-38 I, 160-162 Intr., 38 VI, 629 V, 379-382 III, 287-288 III, 15-16 Intr., 29-32 II, 616 I, 780-781 IV, 65-66
Les références de sources suivies d’une astérisque (*) ne sont littérales. Les renvois se font au chapitre du commentaire, en chiffres romains, puis au numéro de ligne, en chiffres arabes.
560 39, 26 39, 27
Psaumes 4, 7 17, 11 18, 15 22, 5 22, 12 23, 7.9 30, 21 33, 9 35, 9 37, 11 42, 3 44, 14 54, 7 62, 2 62, 6 63, 8 67, 4 67, 26 68, 32 75, 3 76, 4 79, 2 81, 6 84, 9 86, 2 86, 3 88, 38 113, 9 115, 11 118, 148 131, 14 138, 6 138, 11-12 142, 5-7 147, 14 150, 4
INDEX II, 583 II, 987-988 VIII, 264-265 II, 999-1000 VI, 241-242 I, 135-136 II, 996-998 VIII, 493 III, 373-374 I, 130 IV, 573-575 VIII, 249-250 VII, 68-70 VII, 99-100 II, 134-135 V, 857-858 VI, 270 IV, 189-191 V, 373 I, 234-235 III, 144-145 VI, 381-382 III, 376-377 VIII, 62-63 III, 571-576 VII, 79-80 V, 420-421 VII, 259-261 VII, 352-353 III, 514-515 VII, 651-652 II, 210-211 VI, 242-243 I, 760 I, 120-121 III, 29-30 V, 251-254 I, 370-371 VII, 353-354 VII, 31-32
Proverbes 1, 17 3, 24 3, 32 4, 18 16, 32 23, 5 23, 31 25, 4 30, 16 31, 21
V, 623-624 II, 302 VI, 393-394 VI, 465-467 VIII, 166-167 VI, 209-210 IV, 420-421 Intr., 5 Intr., 43-44 Intr., 79 VIII, 284-285 VIII, 653-654
Ecclésiaste 4, 12 5, 11 6, 7 10, 1 11, 3 11, 7
VII, 17-18 II, 298-299 V, 828 II, 871-872 IV, 706-707 I, 550-551
Cantique des cantiques 1, 1a I, 8 1, 1b-2a I, 48 1, 2b I, 89 1, 3a I, 142 1, 3b I, 190 1, 3c I, 214 1, 3d I, 241 1, 4 I, 266-267 1, 5a I, 314 1, 5b I, 335 1, 5c I, 353 1, 6 I, 384-385 1, 7 I, 449-450 1, 8 I, 502 1, 9a I, 534 1, 9b I, 560 1, 10 I, 582 1, 11 I, 603 1, 12 I, 630
INDEX 1, 13 1, 14 1, 15a 1, 15b 1, 16 2, 1 2, 2 2, 3a 2, 3b 2, 4 2, 5 2, 6 2, 7 2, 8a 2, 8b 2, 9a 2, 9b 2, 10a 2, 10b 2, 11 2, 12a 2, 12b 2, 13a 2, 13b-14a 2, 14b 2, 14c 2, 15 2, 16-17a 2, 17b 3, 1a 3, 1b 3, 2a 3, 2b 3, 3a 3, 3b 3, 4a 3, 4b 3, 5 3, 6 3, 7 3, 8a 3, 8b
I, 659 I, 688 I, 715 I, 744 I, 764 II, 2 II, 38 II, 73 II, 124-125 II, 154 II, 196 II, 227 II, 277-278 II, 322 II, 333 II, 381 II, 421-422 II, 484 II, 500 II, 563 II, 625 II, 666 II, 700 II, 737-738 II, 804 II, 830 II, 866-867 II, 915-916 II, 967-968 III, 2 III, 37 III, 51-52 III, 90 III, 114 III, 164 III, 185 III, 204-205 III, 247-248 III, 274-275 III, 363 III, 403 III, 432
3, 9-10 3, 11 4, 1a 4, 1b 4, 1c 4, 2a 4, 2b 4, 3a 4, 3b 4, 4a 4, 4b 4, 5-6a 4, 6b 4, 7 4, 8a 4, 8b 4, 9 4, 10a 4, 10b 4, 11 4, 12 4, 13a 4, 13b-14 4, 15 4, 16 5, 1a 5, 1b 5, 1c 5, 1d 5, 2a 5, 2b 5, 2c 5, 3 5, 4 5, 5a 5, 5b 5, 6a 5, 6b 5, 6c
561 III, 476-478 III, 649-650 IV, 2 IV, 21 IV, 49 IV, 72 IV, 111 IV, 119 IV, 141 IV, 180 IV, 215 IV, 228-229 IV, 270 IV, 291 IV, 312 IV, 334-335 IV, 371-372 IV, 390 IV, 412-413 IV, 459-460 IV, 494 IV, 554 IV, 584-585 IV, 646 IV, 691 V, 2-3 I, 204-205 V, 32-33 V, 70 Intr., 50 V, 111 V, 144 V, 177 V, 183-184 V, 258-259 V, 292-293 V, 326 V, 336 V, 365 Intr., 52-53 V, 407 V, 434
562 5, 7a 5, 7b 5, 8a 5, 8b 5, 9 5, 10 5, 11a 5, 11b 5, 12 5, 13a 5, 13b 5, 14a 5, 14b 5, 15a 5, 15b 5, 16a 5, 16b 5, 17 6, 1 6, 2 6, 3 6, 4a 6, 4b 6, 5a 6, 5b 6, 6 6, 7 6, 8a 6, 8b 6, 9 6, 10 6, 11 6, 12 7, 1a 7, 1b 7, 1c 7, 2a 7, 2b 7, 3 7, 4a 7, 4b 7, 4c
INDEX V, 453 V, 465-466 V, 485-486 V, 511 V, 531 V, 543 V, 581 V, 588 V, 607-608 V, 645 V, 668 V, 692 V, 749 V, 774 V, 796 V, 819 V, 843 VI, 11 VI, 29-30 VI, 90 VI, 120-121 VI, 181 VI, 221 VI, 255 VI, 284 VI, 302 VI, 342-343 VI, 386-387 VI, 408-409 VI, 436-437 VI, 492-493 VI, 542 VI, 582 VII, 2 VII, 48 VII, 83-84 VII, 105 VII, 158 VII, 189 VII, 209 VII, 230 VII, 265
7, 5 7, 6 7, 7 7, 8a 7, 8b 7, 9a 7, 9b 7, 10 7, 11-12a 7, 12b 7, 12c 7, 13a 7, 13b 8, 1 8, 2a 8, 2b 8, 3 8, 4 8, 5a 8, 5b 8, 5c 8, 6a 8, 6b 8, 7a 8, 7b 8, 8a 8, 8b 8, 9a 8, 9b 8, 10 8, 11a 8, 11b 8, 11c 8, 12a 8, 12b 8, 13 8, 14
VII, 306-307 VII, 344 VII, 364 VII, 395 VII, 437 VII, 459 VII, 478-479 VII, 522 VII, 544-545 VII, 579-580 VII, 607 VII, 623 VII, 643 VIII, 2-3 VIII, 45-46 VIII, 70-71 VIII, 100 VIII, 122-123 VIII, 148-149 VIII, 203 VIII, 232 VIII, 253-254 VIII, 308 VIII, 331-332 VIII, 370-371 VIII, 405 VIII, 426 VIII, 453 VIII, 484 VIII, 508-509 VIII, 554 VIII, 570 VIII, 587 VIII, 616 VIII, 634 VIII, 671 VIII, 700-701
Sagesse 7, 9 7, 11 7, 25-26
VIII, 386-387 VIII, 401-402 V, 672-674
INDEX 8, 1 19, 19
IV, 153 VIII, 351-352
Ecclésiastique 18, 16 V, 228-229 24, 20 I, 619-622 24, 23 II, 722-724 24, 24 IV, 625-626 43, 20 II, 609-610 48, 1 VIII, 316-317 50, 10 Intr., 81-82 50, 20 VII, 27-28 51, 35 V, 701-702 Isaïe 6, 2 6, 4 6, 6-7 11, 1 26, 9 50, 11 58, 11 58, 12 60, 1 et 3 62, 6 64, 6
VIII, 248-249 V, 249-250 IV, 99-104 II, 751-752 V, 17-19 III, 64-65 II, 631-632 VI, 538-539 VI, 450-453 V, 479-482 VII, 487-488
Baruch 3, 33 5, 13
V, 523-524 VIII, 444-447
Jérémie 1, 18 20, 9 31, 22 49, 28-29*
VIII, 521-523 VII, 153-154 VIII, 591-592 I, 291-292
Ezéchiel 1, 9 1, 13 1, 14 1, 26
III, 464-465 V, 561 IV, 661 III, 498-501
563
10, 12
IV, 197
Daniel 2, 45 3, 49-50* 7, 10 21-23
IV, 166-167 V, 229-231 IV, 666-667 V, 658-659
Osée 6, 31
II, 618-619
Amos 7, 7
VIII, 524-525
Habacuc 3, 2 3, 11 3, 16
I, 367-368 V, 594-595 V, 421-422
Zacharie 1, 3 9, 17
VII, 539 VII, 182-184
I Macchabées 6, 39 V, 725-728 Matthieu 2, 9 5, 8 7, 6* 7, 25 12, 50 13, 46* 17, 4 17, 5 18, 10 20, 15
V, 570-572 V, 213 VII, 659-660 VIII, 363-365 V, 132-133 VIII, 376-377 I, 759 II, 549-550 IV, 714-715 III, 122 VI, 206-207
Luc 1, 19 2, 7
V, 657-658 III, 575-576
564
6, 38 10, 27 19, 4*
INDEX III, 579-580 VII, 426-427 V, 864-867 VII, 374-375
Actes des apôtres 9, 6 V, 316-317 9, 18 IV, 611-612 10, 9-10 IV, 281-284 12, 7 III, 61 VI, 338 Romains 1, 20 8, 14 14, 8
I, 97-98 II, 186-187 V, 51
I Corinthiens 2, 10 II, 330-331 V, 430-431 2, 15 II, 329 6, 17 IV, 127-128 15, 41 VI, 418 II Corinthiens 3, 17 II, 186 V, 428-429 3, 18 II, 458-460 IV, 150-152 IV, 615-617 4, 6 IV, 612-615 4, 16 I, 325-327 6, 16 IV, 505 12, 2 VIII, 293-294 14-15 VII, 471 Galates 2, 20 6, 9 6, 14*
II, 536-538 VIII, 291-292 II, 790-791
Éphésiens 3, 17-19
VIII, 210-214
Philippiens 1, 23 VIII, 291 Colossiens 3, 3
I, 328-329
Hébreux 9, 13*
II, 789-790
I Pierre 1, 12
III, 307-308
I Jean 1, 20 et 27 4, 12
V, 659-660 V, 402-403
Apocalypse 3, 20 12, 1 21, 15 21, 19
VII, 499-500 IV, 296-297 V, 708-709 V, 478-479
INDEX DES SOURCES1 André de Crète, In dormitionem beatae Mariae Virginis homilia, éd. PG, t. 97 col. 1061BC III, 541-543 Grégoire le Grand, Moralia in Iob, éd. M. ADRIAEN, Turnhout, 1985 (CCSL 143B) XXXII, XIV, 20 (p. 1644-5) VII, 109-111 Gregorius Magnus, XL Homiliae in Euangelia, éd. R. ÉTAIX, Turnhout, 1999 (CCSL 141) XIII, 1 (p. 89-90) VII, 109-111 Isidore de Séville, Origines siue Etymologiae, éd. W. M. LINDSAY, Oxford, 1991 I, 9 (col. 574BC) V, 736-737 Pseudo-Denys, Opera, éd. Ph. CHEVALLIER, Dionysiaca, recueil donnant l’ensemble des traductions latines des ouvrages attribués au Denys de l’Aréopage, Paris, 1937-1940, 2 tomes.2
De caelesti hierarchia (t. II des Dionysiaca) I, 7281-4 V, 524-425 I, 7331-4 III, 40-44 III, 7851-7861 III, 418-422 III, 7944-7952 III, 170-173 III, 7952-3 I, 709-710 IV, 8084-8101 II, 437-442 IX, 9054-9071 IV, 680-685 IX, 910-911* V, 656-663 IX, 9131-3 III, 138-140 V, 8232-8241 IV, 360-363
1 1
Mêmes conventions que pour l’index biblique. Le renvoi aux écrits dionysiens se fait au chapitre (chiffres romains), puis à la page des Dionysiaca (chiffres arabes), puis au paragraphes (chiffres arabes en exposant).
566
INDEX VII, 8381-3 VII, 8401-4 VII, 8412-8423 VII, 8602-4 VII, 8602-8622 VII, 8642-3; Is. 6, 3 XIII, 9623-4 XIII, 9492-9502 XIII, 9504-9512 XIII, 9582-9591 XV, 10034-10043 XV, 10044-10052 XV, 10062 XV, 10063-10071 XV, 10083-4 XV, 10101-4 XV, 10231* XV, 10361-10372 XV, 12834-12842 XV, 995-1000 XV, 9963-4
II, 1108-1111 III, 582-585 III, 603-610 III, 391-394 I, 406-415 III, 554-556 III, 107-109 II, 366-371 II, 390-393 VI, 53-58 VII, 273-276 I, 25-27 IV, 78-79 IV, 89-92 VII, 56-57 V, 271-273 V, 557 IV, 477-482 VII, 292-295 VIII, 352-355 II, 755-756
Pseudo-Denys, De ecclesiasti hierarchia (t. II des Dionysiaca) III, 12201-3 IV, 383-385 I, 10724-10731 VI, 213 I, 10903-3 II, 936-937 I, 10903-4 II, 168-169 I, 11023-11034 III, 344-349 II, 11073-11091 III, 229-235 II, 11074 II, 578 II, 11102-11111 II, 765-768 II, 11344-11352 VI, 331-333 II, 11494-11502 II, 586-588 II, 11502-11511 II, 588-590 II, 11581-2 V, 635-636 II, 11591-2 IV, 440-441 III, 11804-11812 IV, 263-266 III, 11812 VI, 335-337 III, 11832-4 II, 345-347 III, 12044-12073 II, 884-895
INDEX III, 12203-12213 III, 12371-12382 III, 12393-4 III, 12482-4 IV, 12643-12651 IV, 12694-12701 IV, 12712-12721 IV, 12802-3 IV, 12841-2 IV, 12862-12872 IV, 12874-12883 IV, 12904-12912 IV, 12994-13003 IV, 13073-13081 IV, 13084-13091 VI, 13814-13831 14042-14052 VII, 14332-3 VII, 14613-14634
567 II, 236-240 I, 726-732 VIII, 499-501 II, 812-815 IV, 430-434 VII, 653-655 II, 726-730 I, 496-497 I, 62-64 I, 75-79 IV, 451-455 II, 837-842 II, 494-497 II, 798-801 III, 268-269 V, 215-221 III, 441-446 V, 741-743 V, 53-64
Pseudo-Denys, De diuinis nominibus (t. I des Dionysiaca) I, 91-2 I, 567-568 I, 151-4 Intr., 16-20 I, 314-324 IV, 36-41 I, 323-4 II, 652-655 I, 334 II, 659-660 I, 554-562 IV, 541-544 I, 1741-2 IV, 244-246 II, 941-953 III, 94-101 III, 1241-1253 II, 676-683 III, 1352-1364 III, 530-537 IV, 1522-4 Intr., 90-93 IV, 1542-1552* III, 142-145 IV, 1641-1653 II, 405-413 IV, 1683-1693 III, 380-384 IV, 1724-1731 I, 126-127 IV, 1724-1743 II, 636-645 IV, 1741-4 II, 151-152 IV, 1744-1762 II, 109-117 IV, 176-177* V, 620-622
568
INDEX IV, 1764-1774 IV, 1793-1803 IV, 2051-3, 2022-2031, 2041-2 IV, 2084-2091 IV, 2091 IV, 2151-3, 2161-4 IV, 2161-4 IV, 2184-2202 IV, 2213-2231 IV, 2693-2702 V, 3591-4, 3601-3611 VII, 3851-3861 VII, 3854-3862* VII, 3861 VII, 3862 VII, 4013-4021 VII, 4061-4 VII, 4131-4141 XI, 5023-5034
II, 957-963 II, 100-105 II, 83-85 V, 850-853 II, 780 I, 641-643 I, 643-646 II, 218-224 III, 79-86 III, 177-181 IV, 201-209 I, 463-468 V, 319-323 II, 252-253 VII, 532 II, 312-315 I, 737-741 VIII, 301-306 II, 554-559
Pseudo-Denys, Mystica theologia (t. I des Dionysiaca) I, 5571-5782 II, 264-271 I, 5671-2 III, 130-131 I, 5672-4 II, 516-518 I, 5683-5691 III, 193-195 VIII, 33-36 I, 5691-5701 IV, 546-550 I, 5744-5751 IV, 663-666 I, 5751 VI, 535-537 I, 5771-3 V, 575-576 I, 5782 VII, 617-618 II, 5792-4 III, 21-23 Pseudo-Denys, Epistula VI ad Dorotheum (t. I des Dionysiaca) 6201-4 II, 477-480 Pseudo-Denys, Epistula VIII ad Demophilum (t. II des Dionysiaca) 15121-4 III, 157-161 15322-4 V, 100-103 15322-15332 II, 355-358
INDEX 15524-15531
569 VI, 200-202
Pseudo-Denys, Epistula IX ad Titum (t. I des Dionysiaca) 6252-4 Intr., 58-60 6353-6371 Intr., 62-70 6363-6371 I, 253-256 650-651* VII, 130-133 6581-6592 I, 678-684 Pseudo-Denys, Epistula X ad Iohannem (t. II des Dionysiaca) 15742-15753 II, 48-54 Thomas Gallus, Extractio in De caelesti hierarchia (t. II des Dionysiaca) I, 1044 (cf. 7351-7361) I, 105-112
TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION I. II. III. IV. V.
La tradition manuscrite Critique d’authenticité Deux théologies spirituelles Genèse et histoire d’une erreur Influence franciscaine et origine victorino-vercellienne
5 9 17 32 61 76
UN COMMENTAIRE VERCELLIEN DU CANTIQUE DES CANTIQUES «DEIFORMIS ANIME GEMITUS» Introduction Chapitre premier Chapitre II Chapitre III Chapitre IV Chapitre V Chapitre VI Chapitre VII Chapitre VIII
86 94 158 236 286 340 406 452 502
INDEX Index biblique Index des sources
559 565
Saint-André de Verceil: vue générale du cloître et de l’église (cliché M. Schilling)
Saint-André de Verceil, façade ouest, tympan du portail nord: la dédicace de l’abbaye (cliché M. Schilling)