Capital et machine à vapeur au XVIIIe siècle: Les frères Périer et l’introduction en France de la machine à vapeur de Watt 9783111401652, 9783111038575


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French Pages 322 [340] Year 1969

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Table of contents :
INTRODUCTION
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
CHRONOLOGIE
CHAPITRE PREMIER. UNE EXISTENCE D'INGÉNIEUR MÉCANICIEN A LA FIN DU XVIIIe SIÈCLE
CHAPITRE II. PÉRIER, D'AUXIRON, JOUFFROY D'ABBANS : LES PREMIERS ESSAIS DE NAVIGATION A VAPEUR EN FRANCE
CHAPITRE IV. L'ACTIVITÉ DE LA MANUFACTURE DE CHAILLOT - PREMIÈRE PARTIE : DE LA FONDATION (1778) JUSQU'A LA FIN DE L'ANCIEN RÉGIME
CHAPITRE V. L'ACTIVITÉ DE LA MANUFACTURE DE CHAILLOT SECONDE PARTIE : RÉVOLUTION ET EMPIRE
CHAPITRE VI. JACQUES-CONSTANTIN APRÈS LA RÉVOLUTION
CONCLUSION
DOCUMENTS
INDEX DES NOMS
TABLE DES MATIÈRES
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Capital et machine à vapeur au XVIIIe siècle: Les frères Périer et l’introduction en France de la machine à vapeur de Watt
 9783111401652, 9783111038575

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CAPITAL ET MACHINE À VAPEUR AU XVIIIe SIÈCLE Les frères Périer et l'introduction en France de la machine à vapeur de Watt

ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES — SORBONNE VI*

SECTION

;

SCIENCES

ÉCONOMIQUES

ET

HISTOIRE DES SCIENCES ET DES TECHNIQUES I

PARIS

MOUTON & CO MCMLXIX

LA HAYE

SOCIALES

JACQUES PAYEN

CAPITAL ET MACHINE À VAPEUR AU XVIIIe SIÈCLE Les frères Périer et l'introduction en France de la machine à vapeur de Watt

PARIS

MOUTON & CO MCMLXIX

LA HAYE

CET

OUVRAGE

PUBLIÉ DU

AVEC

CENTRE

LE

A

ÉTÉ

CONCOURS

NATIONAL

DE

LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

Illustration de la couverture : Pompe à feu du Gros-Caillou, gravure de l'époque romantique (Collection Charles Dollfus).

© 1969 École Pratique des Hautes Études and Mouton Se Co

Printed in France

On sait qu'au cours de la période que couvrent approximativement les quatre dernières décennies du XVIIIe siècle et les quatre premières du XIXe, le processus d'industrialisation des pays européens a brusquement changé d'allure. L'impulsion a été donnée par la Grande-Bretagne grâce à la suprématie économique et industrielle qu'elle a conservée jusque vers 1850. Le mouvement a gagné le continent d'abord avec quelques difficultés, en raison de la longue période des guerres de la Révolution et de l'Empire. Mais dès avant le début de cette période les « milieux d'affaires » continentaux prêtaient attention aux créations techniques des inventeurs et ingénieurs britanniques, à leur intérêt économique et aux transformations du système des manufactures qui étaient déjà engagées. La paix revenue, l'époque de la Restauration, en France comme dans les pays continentaux de l'Ouest, fut celle d'une reprise de contact avec le mouvement industriel anglais et d'une remise en ordre de l'économie. Pratiquement ce n'est qu'après les mouvements révolutionnaires de 1830, qui donnaient partout le pouvoir politique à la« bourgeoisie conquérante » que le rythme d'évolution britannique commença à se manifester d'une façon continue en Europe continentale. L'activité industrielle des frères Périer s'étend sur presque toute cette période qui a connu ou annoncé les premières étapes de notre civilisation industrielle. Si ces deux hommes avaient disparu avant que ne débute l'ère d'expansion, l'établissement de Chaillot qu'ils avaient fondé, et duquel étaient sortis des ouvrages considérables pour l'époque, a eu après eux une longue destinée et a compté parmi les premières entreprises de construction métallurgique et de construction mécanique du XIX' siècle en France. Les Périer, et surtout l'aîné Jacques-Constantin, ont fait œuvre de pionniers clairvoyants avant la chute de l'Ancien Régime. Ils faisaient partie du groupe d'industriels et de financiers que soutenait, pour son propre intérêt, le duc d'Orléans. Ils ont été à l'origine de plusieurs entreprises de caractère novateur pour l'époque; c'est grâce à eux que certaines des créations techniques britanniques ont commencé à être acclimatées dans notre pays, parmi elles la machine à condenseur de Watt, et un peu plus tard la machine à vapeur à double effet. Depuis iyyo environ, alors que Jacques-Constantin Périer avait à peine dépassé la trentaine, jusque vers 1790, celui-ci prit part aux grandes

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entreprises financières ou industrielles lancées ou reprises par Ventourage du duc d'Orléans, qu'il s'agisse de sidérurgie et de fonderie, de construction mécanique, d'essais de navigation à vapeur, de distribution des eaux dans Paris, d'ateliers de filature. En 1782 il figure parmi les fondateurs de la compagnie du Creusot, qui passera d'ailleurs bientôt en d'autres mains. En 1784. il fonde une manufacture de plomb laminé à Saint-Denis, la seconde en date de cette importance en France; en 1785 on le trouve parmi les fondateurs d'une filature. Mais c'est dans la création en 1778 de la fonderie de Chaillot, suscitée par la formation quelques mois plus tôt de la Compagnie des Eaux, que réside son œuvre maîtresse. C'est en effet de cet établissement, le premier de ce genre en France, que sortirent les premières machines à vapeur du type de Watt, avant et pendant la Révolution. Puis la production de Chaillot s'étendra aux différentes machines industrielles connues alors. Pendant la période des guerres révolutionnaires Périer apporte son talent de mécanicien à l'effort d'armement du Comité de Salut public; il installe à Chaillot et dans d'autres bâtiments des ateliers de fonderie, de forerie, d'émoulerie pour la fabrication des armes. A travers les difficultés financières de l'époque, l'établissement de Chaillot devient sous l'Empire la plus importante manufacture de construction mécanique de l'Europe continentale. Jacques-Constantin Périer lui-même jouit alors d'un grand prestige, qui aurait favorisé grandement le départ du nouveau style de production industrielle si les circonstances générales s'y étaient prêtées. Il n'en reste pas moins que les activités des Périer sont très caractéristiques d'une époque, celle où notre pays cherchait, à l'exemple de l'Angleterre, des voies nouvelles pour l'expansion de son industrie et de son économie. Ces hommes, qui ont été entourés au cours de leur existence d'une notoriété flatteuse et justifiée, sont de nos jours un peu tombés dans l'oubli. Le temps de paix revenu, les finances rétablies, d'autres hommes sont apparus qui ont repris l'œuvre et la manufacture des Périer, qui ont créé d'autres entreprises et dont les fortunes, facilitées par le mouvement général du XIX' siècle, ont été plus éclatantes. Il y a eu aussi la brillante génération des ingénieurs, issue des premières promotions de l'École Polytechnique et dont le prestige a éclipsé celui de leurs prédécesseurs. C'est ainsi que Jacques-Constantin Périer, et son frère qui vécut dans son sillage, n'avaient jusqu'à présent fait l'objet d'aucune étude, même succincte. Or, ignorer ces hommes et leurs travaux, c'est ignorer tout un aspect d'une des périodes les plus fascinantes de notre histoire; c'est négliger, ou mal connaître la formation de ce milieu d'entrepreneurs grâce auquel se sont accomplies les premières étapes du processus moderne de l'industrialisation de notre pays, les étapes du balbutiement d'abord, mais aussi celles des premières réussites. Si nous voulons prendre un point de repère moderne nous pouvons dire qu'il était aussi difficile entre 1780 et 1810 à des industriels d'acclimater en France la construction des machines à vapeur, que dans les années l%0 de développer les réacteurs nucléaires.

PRÉFACE

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Jacques Payen, qui s'est saisi de ce sujet et en a fait l'ouvrage que l'on va lire, apporte ainsi une contribution très précieuse à l'histoire des techniques et, au-delà, à l'histoire générale. Possédant bien les méthodes de la recherche historique il a su non seulement dépouiller la totalité des sources parfois très disparates, mais utiliser l'ensemble de son information avec une grande intelligence de la période et de la matière. On verra que non seulement il nous restitue un personnage sur lequel nous ne savions rien, mais qu'il le replace avec un sens particulier de l'histoire dans son temps et dans sa société, et qu'il évalue très judicieusement la qualité de son apport aux grandes techniques industrielles prêtes à franchir le seuil d'une expansion accélérée. Au passage, Jacques Payen met le dernier mot à des controverses stériles sur les premières tentatives de navigation à vapeur en France et éclaire aussi d'un jour insoupçonné plusieurs autres épisodes qui étaient restés jusqu'à présent confus. L'ouvrage de Jacques Payen révèle ses qualités de chercheur, une curiosité inlassable qui le pousse toujours à expliquer la moindre obscurité, enfin ses compétences d'historien des techniques, ce qui, pour cette discipline si jeune et si peu pourvue en France, constitue une acquisition précieuse. Ce livre fait pressentir que dans un champ d'étude encore neuf et presque inexploré son auteur poursuivra une carrière brillante et construira une œuvre personnelle de qualité. Maurice

DAUMAS.

INTRODUCTION

Dans les premières décennies du x i x e siècle, les savants les plus illustres ne marchandaient pas leur admiration aux étonnantes productions poétiques de l'abbé Jacques Delille. C'est ainsi que Cuvier, prononçant en i83i l'éloge funèbre de Vauquelin, ne craignit pas de lire devant l'Académie des Sciences une description des propriétés du chrome, donnée en 1809 par Delille dans son poème alors fameux Les Trois Règnes. C'était là, on ne le niera pas, reconnaître hautement la compétence de l'homme de lettres en matière scientifique. Comment, dès lors, l'historien pourrait-il tenir pour négligeable une œuvre où tout un siècle a v u la synthèse accomplie de la science et de l'art? Or ce même poème des Trois Règnes contient dans son chant II, intitulé « L'Air », une explication du fonctionnement des machines à vapeur qui a de quoi surprendre l'historien des techniques. Ce n'est pas que notre auteur se fasse une idée imprécise de ce dont il parle; mais ce qu'il décrit ici, en des métaphores trop claires pour laisser place au doute, c'est la vieille machine atmosphérique de Newcomen. Le poème des Trois Règnes, avons nous dit, est de 1809. Cette année-là, il y avait juste un tiers de siècle que les premières machines de W a t t avaient commencé à fonctionner. La machine de Watt, qui date en effet de 1776, était une nouveauté révolutionnaire, car son rendement était le quadruple de celui de la machine de Newcomen : à puissance égale, elle consommait quatre fois moins de combustible. Cette possibilité de produire économiquement la force motrice a conditionné en grande partie ce qu'on appelle la révolution industrielle anglaise. Comment donc est-il possible qu'un homme cultivé comme l'était l'abbé Delille, et pas seulement dans le domaine des lettres, puisse encore ignorer de tels faits en 1809? Devons-nous croire que la nouvelle machine à vapeur soit demeurée entièrement inconnue aux Français jusqu'à cette date? Ou, s'ils l'ont une fois connue, comment est-il concevable qu'ils soient retombés ensuite dans une ignorance aussi étrange que celle dont nous venons de donner un exemple? On peut répondre à ces questions en étudiant la vie et l'œuvre de deux « ingénieurs-mécaniciens » de Paris, les frères Jacques-Constantin et Augustin-Charles Périer. Introducteurs, et avec grand succès, de la machine à vapeur de W a t t sous le règne de Louis X V I , nous les voyons

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ensuite, malgré une persévérance inlassable, échouer à donner une vitalité définitive à cette branche d'industrie en France : passé la tourmente révolutionnaire, après l'espoir vite déçu d'un essor sous le Directoire, leur entreprise de construction mécanique de Chaillot, la première que la France ait connue, déclinera lentement sous le Consulat et l'Empire. En revanche, sitôt la Restauration affermie, la même entreprise va devenir le point de départ d'une extension considérable de l'industrie des machines à vapeur; et si Périer disparaît de la scène à ce même moment, il faut en chercher les causes dans les chagrins privés, la maladie, la vieillesse et la mort. Voilà en bref la carrière des Périer; c'est au détail de cette même carrière que notre travail est consacré. Ces faits, particuliers à Périer, envisageons-les maintenant comme des symptômes, si l'on nous permet cette expression; voici alors quelle évolution plus générale il nous semblerait pouvoir diagnostiquer, pour la période considérée. Dès la fin de l'Ancien Régime, le développement des forces de production paraissait devoir constituer tout à la fois un ressort d'évolution et une garantie de progrès ; cette notion semble ancrée dans l'esprit des personnes qui entourent la famille d'Orléans; et les Périer appartiennent à ce milieu; elle se fait jour aussi, mais d'une manière seulement temporaire, dans les sphères gouvernementales, au temps de Calonne, qui, dans cette perspective, pourrait nous apparaître comme injustement méconnu (à la mort de Périer on trouva chez lui trois portraits représentant respectivement Franklin, le duc d'Orléans, et Calonne). Toutes les tentatives qu'on enregistre à ce moment en vue de créer une industrie lourde à base capitaliste, tendent à faire évoluer la société dans le sens de ce qui était alors le modernisme. Tout cela s'effondre avec l'échec définitif de la politique réformiste. Mais après l'ère des transformations violentes, on a la déception de constater que nul effort n'est fait pour rattraper le temps perdu. Tout au long du Consulat et de l'Empire on assiste à une totale méconnaissance des vrais problèmes économiques et industriels, qui recoupent tous à quelque point de vue celui de la production peu onéreuse de la force motrice. On hésite à nommer celui qui, sans doute, f u t le responsable d'un tel état de choses. Nul n'ignore de quel tenace ostracisme fut frappé l'éminent JeanBaptiste Say par le pouvoir de l'époque; et l'examen de la vie d'un Périer ne fait que confirmer ce jugement défavorable sur le règne de Napoléon. Qu'importent dès lors l'élan artificiellement imprimé à quelques productions de luxe, et ces avances aux commerçants et aux industriels, que le ministre du Trésor qualifiait de « douloureux atermoiement »? Odette Yiennet qui, au terme d'une consciencieuse recherche, s'est efforcée d'exalter le mérite des initiatives de l'Empereur, a dû, bien malgré elle, enregistrer le bilan de leur désastreuse conséquence, en l'espèce l'effroyable crise de 1810; cette crise — plus peut-être que la

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guerre d'Espagne qui coûtait surtout beaucoup de sang — fut le véritable « commencement de la fin ». En présentant cette vie des frères Périer nous devons avant tout nous expliquer sur le fait qu'il n'y sera presque toujours question que de l'aîné, Jacques-Constantin. Nous avons pourtant pensé que le titre de « Recherches sur Jacques-Constantin Périer » ne se fût pas justifié. En effet les témoignages des contemporains sont unanimes sur ce point : ils n'ont jamais distingué Augustin-Charles, le puîné obscur, de son plus brillant aîné dans les éloges ou les blâmes qu ils ont répandus sur « Messieurs Périer ». Il n'est donc pas douteux qu'Augustin-Charles a été de moitié dans à peu près tout ce qu'a fait son frère, mais il s'est toujours effacé lorsqu'il s'agissait de prendre contact avec l'extérieur. De ce goût de l'ombre, il ne nous est même pas possible d'imaginer la raison; le plus vraisemblable paraît être qu'une telle préférence procédait d'un éloignement invincible pour les tracas qu'apporte la notoriété. Nous verrons du reste Augustin-Charles apparaître de temps à autre, avec une régularité qui prouve la continuité de sa présence aux côtés de son aîné. En nous proposant ce sujet, M. Daumas nous indiquait d'emblée les deux grands pôles d'intérêt que comporte la vie des Périer : d'une part l'introduction en France de la machine à vapeur moderne, celle de Watt; d'autre part l'initiation de la France à la construction mécanique. Ce sont donc ces deux directions que nous nous sommes efforcé de suivre. Il nous a fallu pour cela écarter délibérément bien des aspects du sujet dont la richesse s'est rapidement révélée telle que nous aurions pu être amené à en élargir indéfiniment les limites. Il n'était pas possible de céder à la tentation d'écrire à propos de Périer une histoire complète de la machine à vapeur en France à la fin du x v m e siècle ; tentation qui peut être forte, car comme on le verra, à lui seul, Périer assume à peu près la moitié de cette histoire. Il n'était pas possible non plus de faire en détail l'historique des grandes entreprises métallurgiques de la fin de l'Ancien Régime, Indret et Le Creusot, bien que le rôle de Périer y ait sans doute été beaucoup plus prépondérant que nous ne le laissons apparaître. Mais nous ne pouvions nous permettre d'en écrire davantage sur ce point. Car là, et notamment au Creusot, Périer n'est pas seul. La question de l'emploi de la machine à vapeur au Creusot, par exemple, excède donc le cadre de « Recherches sur les frères Périer ». Pâr ailleurs, une étude exhaustive de la machine à vapeur en France au x v m e siècle permettrait sans doute de préciser mieux que nous n'avons pu le faire le rôle joué par Périer au début de sa carrière durant la période où fut utilisée la machine de Newcomen. Mais elle nécessiterait aussi une périlleuse plongée dans des sources documentaires extrêmement dispersées, dans le dessein de préciser les circonstances dans

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lesquelles la France a entendu parler pour la première fois de la machine de Watt. Nous devions raisonnablement nous en tenir à éclairer les circonstances de l'acclimatation effective de cette machine en terrain français. E n demandant au lecteur qu'il veuille bien nous pardonner ces limitations volontaires, nous ne pouvons nous retenir d'émettre un vœu : c'est qu'il nous soit donné dans l'avenir de reprendre nos recherches sur une base plus large, qui pourrait précisément être l'étude de la machine à vapeur en France à la fin du x v m e et au début du x i x e siècle. Par ses limites chronologiques, l'activité de Périer embrasse une période particulièrement intéressante de l'histoire de France : nos informations précises s'étendent des deux dernières années du règne de Louis X V aux trois premières de celui de Louis X V I I I . Rien de plus varié que les avatars d'une vie d'ingénieur-mécanicien pendant ces quarante-cinq ans. Les Périer, jeunes gens, n'ont pu exercer cette profession, très rare vers 1775, que grâce à leurs fonctions de machinistes auprès du duc d'Orléans. Habilement, ils profitent de ce patronage pour réaliser un projet d'intérêt public : fournir Paris en eau. Là-dessus se greffent la création de la première grande usine de construction mécanique et l'introduction en France de la machine de Watt. L'Académie accueille alors Périer, et les sociétés financières du temps de Calonne ouvrent volontiers leur porte à l'académicien. On a parfois voulu ne voir dans l'anglomanie qu'un snobisme dont le futur Philippe-Egalité était l'un des représentants les plus frivoles. En fait, il était l'heure pour la France de se mettre à l'école de l'Angleterre, parce qu'en avance sur elle-même en matière industrielle. Le sort d'un Périer qui, dans son domaine, était à peu près seul à lutter, constitue une démonstration frappante de cette vérité. Il y avait en effet un abîme entre l'esprit des « lumières » qui régnait au Palais-Royal et ce qu'on pensait à Versailles. Puis survint la tourmente révolutionnaire et, jusqu'à l'Empire, aucune des conditions nécessaires au développement d'une industrie à la fois lourde et neuve comme l'était celle des machines à vapeur, ne se réalisèrent. Peu de gens étaient alors capables de comprendre le rôle primordial des sources d'énergie dans le développement industriel d'un pays, précisément parce que l'introduction du machinisme en France n'avait fait que commencer dans les dernières années de l'Ancien Régime. Au chapitre V on verra en détail comment Périer lutta pendant vingt-cinq ans, de 1790 à 1 8 1 5 , pour maintenir en vie sa fonderie de Chaillot, sans parvenir à triompher des difficultés. Lucide, il s'était du reste, ménagé dès 1790 une position de repli en devenant filateur de coton. Nous n'avons pas cru devoir étudier spécialement ce dernier aspect de son activité, parce qu'elle ne présente aucun caractère d'originalité et que, ce faisant, Périer semble avoir eu seulement pour but de s'assurer

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des ressources plus certaines que celles qui provenaient de la construction mécanique. Il était impossible que Périer parvînt à réaliser, par son seul labeur, l'évolution industrielle de tout un pays. A une telle tâche doivent coopérer toutes les ressources d'une économie nationale prospère. E n i 8 i 5 la France redécouvrit l'industrie anglaise et s'aperçut alors qu'en matière de machines à vapeur elle était en retard de trente ans. Périer est maintenant plus que septuagénaire, et surtout c'est un malade ; il ne peut que céder la place aux hommes nouveaux. Pour faire disparaître d'emblée une équivoque, il nous faut encore préciser que l'un de ces hommes nouveaux, l'acquéreur de la fonderie de Chaillot, f u t un homonyme de Périer : Scipion Périer, frère de Casimir Périer, le futur ministre. Aucun lien de parenté n'existe entre les deux familles. Les deux frères Périer qui nous occupent ici sont de souche parisienne. Les autres Périer, infiniment mieux connus sont, on le sait, originaires de Grenoble. Seule les rapprocha la similitude de leurs intérêts. Aucune monographie n'a été consacrée aux frères Périer. Il n'existe que trois notices nécrologiques sur Jacques-Constantin. Elles datent de 1818-1819. L a première est un discours prononcé par Prony lors des obsèques, les deux autres sont des éloges lus devant la Société d'Encouragement et l'Académie des Sciences par leurs secrétaires respectifs, Jomard et Delambre. Elles se réduisent chacune à quelques pages. On rencontre ensuite les études de Girard, Belgrand et enfin Bouchary sur les pompes à feu parisiennes et la Compagnie des Eaux. De ces trois auteurs Belgrand est le seul qui s'intéresse à la technique de la machine à vapeur. Bouchary en revanche a étudié l'aspect financier de la Compagnie des E a u x d'une manière qui semble à peu près définitive. Quant à la contribution de Pierre-Simon Girard, elle est fort ancienne et prend presque figure de source. Girard avait connu les Périer, et c'est de lui que provient le recueil de lettres et de pièces diverses conservé à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris. Quant à la fonderie de Chaillot, Charles Ballot est le seul à s'y être intéressé. E n quelques pages pleines de substance, il a regroupé tous les renseignements consignés dans les fonds des Archives Nationales. Il n'est pas douteux que si Ballot avait vécu davantage il eût donné un développement beaucoup plus grand à l'étude de la première usine française de construction mécanique moderne. Mais sans son apport il aurait probablement été impossible de progresser dans cette voie. Il faut encore accorder ici une mention spéciale à Camille Richard car, sans en avoir fait l'objet d'un paragraphe spécial il a, involontairement pour ainsi dire, rassemblé dans son immense travail presque tous les matériaux relatifs au rôle joué par les Périer dans les fabrications de guerre sous la Terreur. Quand nous aurons signalé les renseignements utiles donnés en quelques pages par Emile Eude dans son recueil sur l'histoire de la

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mécanique française, nous aurons à peu près fait le tour des moyens d'information accessibles relatifs aux Périer. A ces éléments il convient cependant d'ajouter ceux apportés par bon nombre d'auteurs qui ont rencontré Périer, parce que la nature de leurs travaux l'impliquait. Nous avons donné de notre mieux la chasse à ces renseignements épars, soit dans les publications techniques anciennes, soit dans les travaux de divers historiens. . Du côté des publications anciennes, il faut citer avant tout le témoignage d'un contemporain, Prony, qui donna en 1790 et 1796 les deux volumes de sa Nouvelle Architecture hydraulique. A travers lui c'est Périer qui parle lorsqu'il est question des machines à vapeur françaises. Ensuite, mentionnons les publications de l'abbé d'Amal, de CharlesLouis Ducrest, M m e de Genlis et ses Mémoires, Hachette, Héricart de Thury, les Jouffroy père et fils, Louis-Sébastien Mercier, Mollien qui ne nomme pas Périer mais apporte des éléments intéressants, Gaspard Monge, Mérignon de Montgéry, Luc-Vincent Thiéry, enfin Stuart et Tredgold, techniciens anglais de la machine à vapeur au début du x i x e siècle, bientôt traduits en français. Certaines de ces contributions ont paru dans des périodiques techniques anciens dont les plus importants sont le Bulletin de la Société d'Encouragement et les Annales des Arts et Manufactures. Enfin il ne faut pas oublier les quelques rares écrits dus à Périer luimême, les plus significatifs étant le mémoire de 1810 sur les machines à vapeur et ceux sur la machine de Marly. Du côté des historiens, on peut mentionner comme ayant rencontré Périer : Ernest Maindron, pour ses études sur l'Académie des Sciences ; Amédée Britsch et Béatrice Hyslop, qui ont écrit sur la maison d'Orléans au x v m e siècle. Puis les historiens de la machine à vapeur naturellement, qu'ils soient anglais comme H. W. Dickinson, John Lord et Rhys Jenkins, ou français comme Maurice Daumas, Bertrand Gille, Roger Gourmelon, Olivier de Prat ou René Théry. N'oublions pas les Canadiens Philip Spratt et Germaine Bigot, précieux historiens de Fulton, ni le redoutable J.-C.-Alfred Prost, qui a accablé Périer de reproches heureusement sans fondement. Enfin, les économistes et les historiens des techniques, Paul Mantoux d'abord, Georges Bourgin, J . Chevalier, Bertrand Gille et tout récemment Denise Ozanam puis, pour terminer, Maurice Lévy-Leboyer, à qui l'on doit un travail considérable en la matière. Nos recherches dans les sources manuscrites ne pouvaient manquer d'être grandement entravées par nos obligations de chef de travaux responsable de l'activité quotidienne du Centre de Documentation d'Histoire des Techniques, installé depuis i960 par la V I e section de l'École Pratique des Hautes Etudes et le Conservatoire National des Arts et Métiers dans les locaux du Musée de ce dernier. M. Daumas, Directeur du Centre et Conservateur du Musée, le sait mieux que personne, lui qui, en acceptant de guider nos recherches et

INTRODUCTION

de nous suggérer un sujet, a eu l'attention obligeante d'en désigner un, qui par sa nature, rentrât le plus exactement possible dans le cadre de cette histoire des techniques industrielles de la période moderne, dont nous nous occupons journellement. Nous avions donc le devoir d'explorer avant tout la documentation existante au Musée du C.N.A.M. ; elle a du reste peu retenu l'attention jusqu'ici et l'examen des ressources qu'elle offre constituait pour notre travail une raison d'être supplémentaire. L'essentiel de ce qui reste en France des collections de machines et modèles ayant existé au x v m e siècle est entré au C.N.A.M. dès l'origine de cet établissement. C'est ainsi que nous avons pu y retrouver, en dehors de la fameuse collection dite des maquettes de M m e de Genlis, dont l'attribution à Périer s'est confirmée dès 1963, quelques modèles des mêmes constructeurs, que nous citerons chacun en son lieu : pompe centrifuge, deux moulins à vent, machine à forer les tuyaux de bois, laminoir à tuyaux de plomb, machine à vapeur à double effet; il y a du reste très probablement dans le Musée d'autres modèles construits par Périer, mais qui ne sont pas identifiés. Le Musée possède une collection de dessins techniques dont le noyau original est constitué par le Portefeuille de Vaucanson. On a la preuve que des dessins techniques provenant de Périer ont rejoint cette collection en 1818. Nous avons pu y retrouver quelques planches intéressantes : machine à vapeur à double effet, forerie de Chaillot, dessins de la fonderie du Creusot. Les archives du Musée du C.N.A.M., essentiellement constituées par les papiers de Molard, sont peu accessibles, pour des raisons purement matérielles. Notre présence quotidienne nous a permis — grâce, il faut l'avouer, à de nombreuses séances de dépouillement — d'extraire de ce fonds bon nombre de renseignements utiles : des indications isolées d'abord, puis presque tous les éléments concernant la collection de Genlis, enfin un dossier Périer renfermant une lettre écrite par lui en 1793 au Bureau de Consultation, l'expertise d'objets mis en gage en 1807, l'indication de modèles mis en dépôt et la référence de la vente après décès dirigée par M e Orsel. Malheureusement le successeur de celui-ci, à qui nous nous étions adressé dès mars 1962, n'a pu que nous répondre, avec une brièveté tout évasive, que la minute de la vente en question n'avait pu être retrouvée. Quant aux Archives Nationales, à Paris, on peut dire que sinon tous les documents relatifs à Périer, du moins ceux qui ont véritablement une portée et qui existent dans les séries de ces Archives ont été employés par Charles Ballot, Camille Richard et enfin Jean Bouchary. Il en ressort des renseignements indispensables certes mais fort dispersés. Ce n'est que trop évident, l'essentiel d'une monographie sur Périer ne se trouve pas là. En revanche, toujours dans le cadre des Archives Nationales, le Minutier Central nous a réservé de fructueuses trouvailles. Les actes

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relatifs à Périer y sont nombreux, quoique disséminés dans des études assez diverses. En premier lieu, le bulletin de souscription qui, dans l'exemplaire de la Bibliothèque Nationale, se trouve joint au prospectus imprimé de 1778, nous renvoyait à l'étude de Me Lormeau, qui reçut l'acte de fondation de la Compagnie des Eaux. Les actes se citant les uns les autres, nous avons été ainsi conduit aux pièces relatives à l'achat des terrains de Chaillot, essentiellement l'Orangerie, puis des parcelles complémentaires ou des rachats de servitudes. Nous n'avions pas, nous a-t-il semblé, à faire état ici systématiquement de toutes ces pièces; en revanche, c'est dans les mêmes parages que nous avons rencontré celles relatives à l'installation de Périer à la Chaussée d'Antin, à proximité du duc d'Orléans. En second lieu, la déclaration de succession, trouvée ailleurs, nous donnait accès aux actes de la fin de sa vie. Nous étions ainsi éclairé, grâce aux inventaires des papiers, sur la plupart des affaires de Périer dans la seconde partie de son existence, affaires dont SaintLubin et Chaillot sont les deux pôles. Nous apprenions également les divers détails concernant la vie privée de Périer durant cette dernière période. Nous faisions allusion à l'instant à la déclaration de succession. Il a été en effet fort facile de la retrouver aux Archives de la Seine dans la série DQ 7, non loin de celle de Scipion Périer qui, seule, nous renseigne sur la vente de Chaillot. Nous avons également trouvé aux Archives de la Seine les pièces relatives à la vente du matériel destiné à Marly (6 AZ et DQ 10). Enfin dans le même dépôt, la série V 5 0 3 contient dans ses nombreux cartons non encore inventoriés toute l'histoire des pompes à feu parisiennes, mais seulement depuis leur transformation en service public. Aussi n'avons nous cru devoir en retenir que le carton 854, qui nous a permis de trancher l'irritante question de l'existence de la pompe à feu de la Gare. La Bibliothèque Historique de la Ville de Paris ne contient qu'un seul recueil, mais très important. Parfois signalé, et en dernier lieu par Bouchary, il n'a jamais été utilisé à fond. Il s'agit d'une collection de papiers réunis par Pierre-Simon Girard, qui avait bien connu les Périer (ms. nouv. acq. i47)- On y remarque la précieuse correspondance de l'an II, que nous ne publions pas intégralement ici, parce qu'elle concerne surtout l'industrie du coton. Elle pourrait être utilisée à ce point de vue dans un article séparé. Mais nous avons fait notre profit de bien des indications qu'il était facile d'y glaner. En dehors de cette correspondance, on trouve des pièces diverses, dont un mémoire autobiographique de Périer, le brouillon d'un curriculum vitae de 1785, etc. Les archives de l'Institut National de la Propriété Industrielle conservent les dossiers des anciens brevets. Outre ceux de Périer, nous avons pu, dans ce très riche dépôt, en consulter divers autres, tels que ceux de Jouffroy d'Abbans et de Joël Barlow, qui ont apporté des compléments utiles à notre documentation. Les archives de l'Académie des Sciences, avec celles des notaires et

INTRODUCTION

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celles de Watt, dont il sera question plus loin, ont été notre principale source. Ces archives contiennent les registres des procès-verbaux, les dossiers des séances et les dossiers biographiques. C'est un fonds extrêmement riche, dont le classement a nécessité depuis nombre d'années le dévouement consciencieux de ceux qui en ont la lourde responsabilité ; aussi, ni inventaire, ni fichier n'ont pu être entrepris. Nous n'en avons que plus d'obligation envers M m e Gauja et M. Berthon, dont l'inépuisable obligeance nous a donné accès à de précieux matériaux, que MM. les Secrétaires Perpétuels ont bien voulu nous autoriser à publier; qu'ils trouvent ici l'expression de notre reconnaissance. Ce sont, pour la période postérieure à la Révolution, les nombreux rapports auxquels Périer a participé ; ce sont encore et surtout, pour la période antérieure à la Révolution, le rapport fait en 1783 par Coulomb sur les machines à vapeur de Chaillot, et le mémoire présenté en 1789 par Bétancourt sur les machines à double effet qu'il venait d'observer en Angleterre. Après Paris, la province. Les relevés des papiers contenus dans les inventaires après décès, surtout celui de 1812, nous renvoyaient à l'étude du notaire de Nonancourt, chez qui, à partir de 1790, Périer a fait établir tous les actes de ses affaires relatives à Saint-Lubin. Les minutes de cette étude ont été conservées en totalité, mais elles sont devenues partiellement inaccessibles. L'extrême amabilité de M. Henri Goblot, retiré à Nonancourt et que nous remercions ici, nous a permis de prendre sur place les contacts indispensables. Toutefois nous n'avons pas pu retrouver plus des deux tiers des actes passés par Périer dans le pays. Nous ne faisons du reste que mentionner ces actes, ayant renoncé à écrire ici un chapitre sur Périer et l'industrie cotonnière. Comme nous l'avons dit, ce sujet pourrait faire plus logiquement l'objet d'un article à part. Les quelques pièces présentées à Paris au Bicentenaire de Claude de Jouffroy nous ont mis sur la trace du fonds d'Auxiron à la Bibliothèque publique de Besançon. Puis, grâce à l'examen des publications citées par Ballot, nous avons mis la main sur l'article de Charles Paguelle, et nous avons été frappé par une déclaration de celui-ci, qui affirme avoir remis les originaux de sa documentation à l'Académie des Sciences de Besançon. Le bibliothécaire commun aux deux établissements ayant confirmé l'existence du manuscrit à Besançon, nous y avons fait, à l'automne 1965, un séjour relativement court qui nous a suffi pour rassembler les matériaux relatifs à notre chapitre II. Un déplacement rapide effectué à Littry, près de Bayeux, avec MM. Daumas et Birembaut, au printemps de 1965, a permis un examen critique de la machine à vapeur des anciennes houillères. Cette seule machine à vapeur ancienne existant en France peut vraisemblablement avoir été fournie par Périer, mais a été à coup sûr fort remaniée. Enfin l'une de nos sources de documentation se trouve à l'étranger. Tous les papiers provenant de la fabrique de Soho et qui constituent les archives de Watt et Boulton ont abouti à la Bibliothèque publique de

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Birmingham après des vicissitudes diverses. L'histoire de la diffusion de la machine de W a t t de 1776 à 1800 (autant que dura le monopole) s'y trouve inscrite. Nul, on le sait, ne put parvenir à tourner le privilège de W a t t dans son pays ; mais ce qu'il faut encore souligner, c'est que sur le continent Périer f u t seul de taille à se permettre une glorieuse contrefaçon. Mantoux a signalé ces fonds. Lord, ainsi que Dickinson et Jenkins, les ont exploités, après les vieux historiens de W a t t tels que Muirhead; le dédain de Dickinson et de Jenkins pour tout ce qui concerne le continent est à peine dissimulé; encore cela vaut-il mieux que les injures contre Périer et Bétancourt devant lesquelles, voici un siècle, Muirhead ne reculait pas. Aujourd'hui la Watt and BouUon Collection est admirablement classée, et à la suite d'une simple demande de renseignements nous avons reçu des photostats de toutes les pièces relatives à Périer. Enfin une collection privée nous a été constamment ouverte avec une amabilité inégalable : c'est celle de M. Charles Dollfus, conservateur honoraire du Musée de l'Air. E n mettant à notre disposition une précieuse série comme celle du Journal de Paris, M. Dollfus nous épargnait bien des heures de bibliothèque que nos tâches quotidiennes ne nous eussent probablement pas permis d'accomplir. Nous lui devons également toute l'iconographie relative aux pompes à feu parisiennes et toutes les suggestions innombrables qui peuvent naître d'une érudition profonde; à peine nous étions-nous ouvert à lui de l'objet de nos recherches, que M. Dollfus nous remettait déjà, par exemple, le passage de Louis-Sébastien Mercier relatif aux maquettes de la collection de Genlis, passage qu'il connaissait pour ainsi dire par cœur. De même M. Arthur Birembaut, que nous avons déjà nommé, nous a ouvert libéralement le trésor inépuisable de ses connaissances. Il nous reste à dire en terminant que toutes nos recherches et notre travail de rédaction ont été suivis avec une attention aussi vigilante que bienveillante par M. René Taton, Directeur de Recherches à la V I e section de l'École Pratique des Hautes Etudes. M. Taton a bien voulu nous inviter à présenter notre travail en deux exposés faits au Centre de Recherches d'Histoire des Sciences et des Techniques de l'École des Hautes Études. Ces exposés ont été suivis de discussions qui nous ont considérablement aidé à déterminer la structure de notre plan. Nous prions donc M. Taton de vouloir bien trouver ici l'expression de notre vive et respectueuse reconnaissance.

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

I. SOURCES MANUSCRITES ET MODÈLES ANCIENS 1. Conservatoire National des Arts et Métiers. а) Archives du Musée, série A, liasse 32 (moulin à vent Lavocat) ; 69 (petite machine à feu oscillante de Périer pour Louis XVI) ; 89 (note sur les pompes à feu de l'Ile des Cygnes). — Série 10, liasse 84 (« dimensions des machines pour apprécier l'ampleur du local nécessaire pour les réunir et les conserver ») ; 121 (Bureau de Consultation, lettres de Périer et autres, an II); 186 (vol de machine à couper les pommes de terre à Chaillot, 1806); 241 (« Périer. Prêt de 4o 000 francs, dépôt de machines en garantie. Modèles déposés, retirés, prêtés, réclamés. Achat à l'encan de modèles. An II-1818 »). — Documentation-inventaire, n 08 126 et suivants (collection de Genlis). б) Portefeuille Industriel (n° d'inventaire global i3 571). Dossiers 383 et 392 (dessins originaux relatifs à l'art de fabriquer les canons de Monge et fonderie de Chaillot); 45o (bateau de Fulton); 553 (machine à vapeur à balancier à double effet de Périer); 565 et 566 (plans et détails de la fonderie du Creusot). c) Musée. Modèles : n° 104 (pièces de tour de Barreau) ; ia5 et suivants (collection de Genlis) ; 4*5 (pompe centrifuge à manège, par Périer) ; 857 (moulin à vent à calotte tournante, par Périer) ; 1 i5o (moulin à cabine tournante, par Périer) ; l l56 (machine à forer les tuyaux de bois, par Périer) ; I 157 (laminoir à étirer les tuyaux de plomb, par Périer) ; 1 3g5 (chronomètre de Pierre Le Roy) ; 4 078 (machine à vapeur à double effet à balancier par Périer); 16 680 (aquarelles des machines à vapeur de Boury). 2. Archives Nationales, Minutier Central. Étude V, liasse I 000; IX, 819; XIII, 584; XVIII, 769, 778; XXX, 459, 460; XLVI, 454; XCI, 1 5o4, 1 54I, 1 574. 3. Archives de la Seine. V5 o3 (Eaux de Paris), carton 854 (pompe de l'Hôpital) ; 6 AZ 188, pièce 2 et DQ7 10-367 (vente des machines à vapeur destinées à Marly et remboursement de l'avance de 1807); DQ 7 2 718 (enregistrements d'actes sous seing privé); DQ 7 3 002, f° 12 v et DQ 8 462, f° 92 v (succession Périer; EdmeLouis, fils naturel); DQ 7 3 4io, 25 avril 1822 (succession de Scipion Périer). 4. Bibliothèque Historique de la Ville de Paris. Manuscrit nouvelles acquisitions 147 (collection de papiers provenant de Périer par l'intermédiaire de Pierre-Simon Girard). 5. Institut National de la Propriété Industrielle. Dossiers manuscrits des brevets : 18 janvier 1792 (transformant le privilège royal du 18 avril 1789, Périer et Devismes, moulins à vapeur); 24 août 1793 (Joël Barlow, chaudière tubulaire); 3 pluviôse an V/23 janvier 1797 (Périer et Bétancourt, presse hydraulique); 23 avril 1816 (Claude de Jouffroy d'Abbans, bateaux à vapeur). 6. Académie des Sciences, Archives. Registres de procès-verbaux : 1786, 18 juin; 1776, 3 février, 9 mars, 27 juillet; 1783, 22 février, 12 mars, i5 mars, 19 mars,

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2 avril; 1789, 10 février. — Dossiers de séances : 1783, 19 mars (rapport de Coulomb) ; 1789, 16 décembre (mémoire de Bétancourt). — Dossier biographique JacquesConstantin Périer. 7. Musée de la Marine. N° 5o6 (modèle de bateau à vapeur très vraisemblablement attribuable à Jouflroy d'Abbans). 8. Nonancouri. Archives de l'étude du successeur de M® Despéruches. Restaient accessibles en 1965 les actes passés par Périer dans la région les 18 septembre 1790, a3 avril, 5 juin, 8 août, 2 novembre, 11 décembre, 12 décembre 1791, 12 mai, 18 octobre 1793, 17 frimaire et 18 nivôse an III. Il n'a pas été retrouvé trace des actes des 21 janvier, 26 mai, 5 décembre 1791, 14 avril 1792, 16 fructidor an IV, 21 prairial an X I I I , 25 novembre 1806, 22 décembre 1808. 9. Besançon. Bibliothèque municipale, mss. 1781 à 1790. Constituant la collection d'Auxiron et sont entrés en 1913. Il ne s'agit pas de volumes mais de liasses, dont les pièces ont cependant reçu un foliotage continue. Les pièces relatives à la navigation à vapeur sont groupées dans les mss. 1786 et 1787, le premier étant dans l'ensemble relatif aux essais d'Auxiron et le second aux essais de Jouffroy. Trois lettres du contrôle général à d'Auxiron, datant de 1772, semblent égarées dans le ms. 1784, fï. 468 et suivants. — Mss. 2 oo5 à 2007. Entrés en 1927, don de M lle Marie de Jouflroy, dernière des petites-filles de l'inventeur. Intitulés « Pièces diverses concernant l'invention des bateaux à vapeur par Claude de Jouffroy et concernant son fils Achille de Jouffroy ». Ils contiennent en fait surtout des papiers relatifs & Achille, et très peu de choses sur son père, en tout cas rien qui soit antérieur à la Restauration. Aussi n'aurons nous guère à les citer. On signalera ici pour ne plus y revenir une copie corrigée de la main de Jouffroy du mémoire « Des bateaux à vapeur », qu'il a publié en 1816. Académie des Sciences, Belles-lettres et Arts, ms. 325 : « Paguelle de Follenay. Notice sur la construction d'un bateau à vapeur pour le capitaine Joseph d'Auxiron, et correspondance de Charles-François Monnin (de Follenay), maréchal de camp avec le capitaine d'Auxiron et le marquis (Claude-) Dorothée de Jouffroy d'Abbans de 1772 à 1802. In-fol. de 14 p. et 5i pièces justificatives originales ». C'est le manuscrit donné en i865 par Charles Paguelle. 10. Littry, Musée des Anciennes Mines. Ancienne machine à vapeur, ayant subi des remaniements, mais dont les pièces essentielles proviennent certainement d'une machine d'extraction fournie par Périer; cheminée de maçonnerie datant très probablement de la même époque (toutes traces de foyer et de chaudière ont toutefois disparu). 11. Birmingham Public Library. Watt and Boulton Collection (pièces relatives aux rapports entre Watt et Périer; ne sont pas cotées; lettres reçues, minutes de lettres expédiées, en liasses ou en registres; notes très diverses en ampleur et en contenu). 12. Collection Charles Dollfus. Iconographie relative aux pompes à feu parisiennes : gravures de celles de Chaillot et du Gros-Caillou. Dessin au crayon (vers i83o) où figure le bâtiment de la pompe de la Gare.

II. SOURCES IMPRIMÉES (Abbé Étienne, dit Scipion d'), Mémoire sur les moulins à feu, in-4°, 8 p., 9.1., 1783 (Collection Charles Dollfus). Description de la minoterie à vapeur que l'abbé d'Amai venait d'installer à Nîmes. La force motrice était fournie par des roues hydrauliques, alimentées en eau grâce à une pompe à vapeur de Périer.

ARNAL

SOURCES

ET

BIBLIOGRAPHIE

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Catalogue général des collections du Conservatoire Royal des Arts et Métiers, in-16, xx-167 P-i Paris, de l'imprimerie de M m e Huzard, 1818. Premier catalogue publié des collections du Conservatoire des Arts et Métiers. ( E . ) , « Mémoire sur la puissance motrice de la chaleur », Journal de l'École Royale Polytechnique, X I V , 2 e cahier, i834, pp. l53-igo.

CLAPEYKON

C'est dans ce travail que Clapeyron fit connaître le mémoire de Sadi Carnot, qui datait déjà de dix ans, et utilisa pour la première fois le diagramme représentatif du travail. « Éloge de Scipion Périer », Bulletin de la Société d'Encouragement, t. X X , 1821, pp. 118-120.

DEGÉRANDO,

Notice nécrologique de l'acquéreur de la fonderie de Chaillot. S'il n'en fut propriétaire que durant trois ans, il exerça une influence durable sur la construction des machines à vapeur en France, en installant définitivement à Chaillot l'Anglais Edwards. « Notice sur la vie et les travaux de M . Périer, par M . le Ch e r Delambre, secrétaire perpétuel, lue dans la séance publique de l'Académie royale des Sciences le 22 mars 181g », Mémoires de l'Académie royale des Sciences de l'Institut de France, année 1818, pp. lix-lxxij.

DELAMBRE,

L'une des trois notices biographiques originales que l'on possède sur Périer (cf. JOMARD, e t P R O N Y ) .

« Devis d'une machine à feu de trente pouces de diamètre au cylindre pour forer les canons », Techniques et Civilisations, n° 8, 1952, p. 68. Publication qui ne donne malheureusement pas la référence du document original. (Charles-Louis), Essais sur les machines hydrauliques contenant des recherches sur la manière de les calculer et de perfectionner en général leur construction, in-8°, xxxvj-298 p., Paris, Esprit, 1777.

DUCREST

Techniquement médiocre dans son ensemble, l'ouvrage de ce frère de M m e de Genlis, qui, plus tard, se consacra exclusivement à l'économie, contient les seuls renseignements imprimés connus sur le bateau à vapeur essayé par Périer vers 1775. Exposition publique des produits de l'industrie française. An X. Procès-verbal des opérations du jury, in-8°, 72 p., Paris, an X I . Périer participa à cette exposition surtout comme iilateur de coton. GENLIS

(M me de), Mémoires, 2 vol. in-16, Paris, Firmin-Didot, 1928. On trouve dans ces Mémoires un passage relatif au « musée-bijou » du duc de Chartres, aujourd'hui conservé au Musée du C.N.A.M.

(Pierre-Simon), Recherches sur les eaux publiques de Paris, i n - 4 ° , 4 pl., Paris, Imprimerie Impériale, 1812 (Collection Charles Dollfus).

GIRARD

329

p.,

Première édition du grand travail de Girard sur les problèmes posés par l'alimentation de Paris en eau. Girard avait connu les Périer et fut le premier historien de la Compagnie des Eaux et des pompes à feu parisiennes. (Pierre-Simon), Mémoire sur le canal de l'Ourcq et la distribution de ses eaux, sur le dessèchement et l'assainissement de Paris et divers canaux navigables... mis à exécution ou projetés dans le bassin de la Seine..., tome I. Mémoires sur le canal de l'Ourcq..., tome II (publié par Louis-Joseph Favier. Précédé du discours pro-

GIRARD

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ET

MACHINE

A

VAPEUR

noncé aux funérailles de P. S. Girard par le baron Charles Dupin), 2 vol. in-4 0 , Paris, Carillian-Goeury et V. Dalmont, I83I-I843. Cet ouvrage constitue une seconde édition transformée de celui qui précède. (Jean-Nicolas-Pierre), Histoire des machines à vapeur depuis leur origine jusqu'à nos jours, in-8°, i5o p., 3 pl., Paris, Corby, mars i83o. Les travaux de Hachette contiennent de très précieux renseignements sur l'état du machinisme en France dans le premiers tiers du xix e siècle. Son histoire des machines à vapeur donne la chronologie exacte du remplacement de la machine de Marly par une pompe à vapeur.

HACHETTE

« Mémoires sur les machines à vapeur de rotation pour l'extraction des substances minérales et l'épuisement des eaux, présentement en usage dans les houillères de Littry, département du Calvados », Journal des Mines, vol. XIII, an XI, pp. 175-193 et planche V.

HÉRICART-THURY,

Les essais et la mise en place des premiers exemplaires — créés par Périer — de la machine à remonter le minerais. Institut de France. Académie des Sciences. Procès-verbaux des séances de l'Académie tenues depuis la fondation de l'Institut jusqu'au mois d'août 1835, publiés conformément à une décision de l'Académie par MM. les Secrétaires Perpétuels, 10 vol. in-4°, Hendaye, Imprimerie de l'Observatoire d'Abbadia, 1910-1922. Jusqu'à la création des Comptes Rendus en i835 par Arago, l'Académie n'avait publié que des Mémoires. La publication des registres des procèsverbaux des séances, où à peu près toutes les questions relatives à l'évolution de la science et de la technique en France pendant quarante ans (i795-i835) se trouvent abordées, ne fut décidée qu'au début du x x e siècle. On trouve dans cette collection l'indication des commissions dont fit partie Périer, la liste des rapports auxquels il collabora, et le texte des plus importants d'entre eux. « Notice sur feu M. Perrier, membre de l'Institut et du Conseil d'administration de la Société d'Encouragement à l'industrie nationale », Bulletin de la Société d'Encouragement, XVIII, 1819, pp. i35-i38. La seconde des trois notices biographiques consacrées à Périer (cf. D E L A M B R E , et P R O N Y ) . Il semble que Jomard ait reçu des renseignements de première main de P.-S. Girard, qui avait fort bien connu Périer. Jomard et Girard étaient l'un et l'autre des anciens de l'Institut d'Égypte.

JOMARD,

(Achille de), Des bateaux à vapeur. Précis historique de leur invention; essai sur la théorie de leur mouvement et description d'un appareil palmipède applicable à tous les navires. Ouvrage lu à l'Académie des Sciences le 18 novembre 1839, in-8°, 108 p., tableau, Paris, E. Duverger, 1839.

JOUFFROY

Achille de Jouffroy, fils de l'inventeur Claude de Jouffroy d'Abbans, donne un historique partial des travaux de son père. Les mécanismes employés par celui-ci sont décrits d'une manière qui semble vraisemblable, mais demeure pour une très large part impossible à contrôler. Quant aux origines de l'entreprise de Jouffroy et aux rapports de celui-ci avec d'Auxiron et Périer, ils sont traités avec un manque d'information et de sérieux qu'on peut qualifier de total. (Claude de), Des tableaux à vapeur, par M. le marquis de Jouffroy. Sic vos non vobis, in-8°, 4o + 8 p., Paris, Le Normant, février 1816. Texte revendicatif publié par Jouffroy en 1816 lorsque, s'apprêtant à lancer le Charles-Philippe, il se heurtait à la concurrence victorieuse des bateaux inspirés des réalisations anglo-saxonnes. Demeure assez pauvre en informations.

JOUFFROY D'ABBANS

SOURCES

ET

BIBLIOGRAPHIE

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LAVOISIER (Antoine-Laurent), « Calculs et observations sur le projet d'établissement d'une pompe à feu pour fournir de l'eau à la ville de Paris », Histoire de l'Académie Royale des Sciences, année 1771, in-40, Paris, 1774, pp. 17-44 de la partie « Mémoires ». C'est la première ébauche faite en France d'une recherche du rendement des machines à feu. Lavoisier considère d'une part des quantités de charbon brûlé, d'autre part des quantités d'eau élevées à des hauteurs données. On peut considérer ce texte jamais cité comme la toute première contribution valable à l'édification de la thermodynamique. Machines et Inventions approuvées par l'Académie des Sciences, 7 vol. in-40, Paris, 1735-1777.

Collection créée par Réaumur. Dirigée ensuite par l'ingénieur maritime Jean-Gaffin Gallon, elle ne survécut pas à la mort de celui-ci. Considérée par l'Académie elle-même comme un pis-aller qui devait permettre d'attendre l'achèvement des Descriptions des Arts et Métiers, cette collection constitue un ouvrage de référence indispensable pour tout ce qui concerne la technique en France au x v m e siècle. MERCIER (Louis-Sébastien), Tableau de Paris. Nouvelle édition corrigée et augmentée, 12 vol. in-8°, Amsterdam, 1782-1788. Descriptions de la pompe à feu de Chaillot, et surtout du « musée-bijou » du duc de Chartres, avec attribution précise à Périer. MOLLIEN (François-Nicolas), Mémoires d'un ministre du Trésor Public, 1780-1815, avec une notice par M. Ch. Gomel, 3 vol. in-8°, xx-562, 612 'et 486 p., Paris, Guillaumin, 1898. Mollien fut l'associé de Périer dès l'époque de la Terreur dans la filature de coton de Nonancourt/Saint-Lubin. Il est vraisemblable que, devenu ministre du Trésor de Napoléon, il ait rendu à son ancien associé certains services auprès des hautes sphères. MOLLIEN, PÉRIER, SYKES, « Les Saint-Lubin, Saint-Rémy et Loir, aux Citoyens Membres (Nonancourt, le 16 messidor

entrepreneurs des filatures mécaniques de coton de Nonancourt, dans les départements de l'Eure-etdu Bureau Consultatif des Arts et Manufactures an IV) », Journal des Arts et Manufactures, III,

a n c i n q u i è m e (1797), p p . 4 Ï I " 4 2 4 -

Appel au secours révélateur de l'état des choses et des esprits à ce moment du Directoire. MONGE (Gaspard), Description de l'art de fabriquer les canons faite en exécution de l'arrêté du Comité du Salut Public du 18 pluviôse de l'An II de la République française une et indivisible... imprimée par Ordre du Comité de Salut Public, in-4°, VIII-23I p., 3 tableaux, 60 planches, Paris, Imprimerie du Comité de Salut Public, an II. Directement lié à l'activité de Périer dont la fabrique de Chaillot, aménagée pour produire de l'artillerie, devint alors une sorte de modèle pour l'enseignement. MONTGÉRY (Jacques-Philippe Mérignon de), Notice sur la vie et les travaux de Robert Fulton, in-8°, 70 p., Paris, Bachelier, 1825. Travail d'un auteur fort qualifié dans l'art militaire et la marine. MOREAU DE SAINT-MÉRY (Médéric-Louis-Élie), Description topo graphique, civile, politique et historique de la partie française de l'isle de Saint-Domingue..., 2 vol. in-4°, carte, Philadelphie, l'auteur, 1797-1798. Renseignements sur une pompe à vapeur fournie par Périer pour SaintDomingue.

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ET MACHINE

A

VAPEUR

(Jacques-Constantin), Distribution d'eau de la Seine dans tous les quartiers et dans toutes les maisons de Paris, in-8°, 8 p., Paris, 1778. Prospectus de la Compagnie des Eaux.

PÉRIER

(Jacques-Constantin), Formes et conditions de l'assurance proposée contre les incendies, in-fol., 3 p., s.l.n.d. (Paris, 1786). Prospectus de la Compagnie d'assurance contre l'incendie.

PÉRIER

(Jacques-Constantin), Justification présentée par M. Périer, administrateur des eaux de Paris, in-4°, I p., Paris, 24 novembre 1790. Lettre ouverte publiée par Périer pour défendre les actes de sa gestion à la Compagnie des Eaux.

PÉRIER

(Jacques-Constantin), « Mémoire sur l'application de la machine à vapeur pour monter le charbon des mines, lu le 16 brumaire an V I I I », Mémoires de l'Institut, t. V, an X I I , pp. 36o-365. Description de la machine à remonter 1e minerai dont le premier exemplaire f u t fourni pour les houillères de Littry.

PÉRIER

(Jacques-Constantin), Mémoire sur l'établissement d'une gare à Paris, in-8°, i5 p., Paris, Imprimerie, 1790. Périer propose ici de transformer en gare pour bateaux les fossés de la Bastille. Le niveau aurait été entretenu supérieur à celui de la Seine grâce à une pompe à vapeur à double effet. Devis, avec l'estimation des frais courants.

PÉRIER

(Jacques-Constantin), Mémoire sur la machine de Marly, in-4°, 5o p., Paris, Porthmann, s.d. (Mémoires datés des 24 octobre 1807, août 1810 et 16 janvier 1811). Recueil de Mémoires revendicatifs où Périer relate ses démêlés avec le gouvernement impérial à propos de la fourniture de pompes à vapeur destinées à remplacer la vieille machine de Marly. L'auteur indique que la première édition avait été détruite par < ordre supérieur » en mai 1811. Il demeure impossible de préciser la date de celle-ci.

PÉRIER

(Jacques-Constantin), « Sur l'application des pompes à feu pour monter le charbon des mines », Annales des Arts et Manufactures, t. I, 1800, pp. 219-224. Périer cherche à faire connaître aux industriels sa machine à remonter le minerai.

PÉRIER

(Jacques-Constantin), Sur les machines à vapeur, in-8°, mann, 1810.

PÉRIER

14

p-, Paris, Porth-

(Jacques-Constantin), « Sur les machines à vapeur », Bulletin de la Société d'Encouragement, IX, 1810, pp. 163-169 (avec deux tableaux : i° « Table des machines à vapeur à simple effet... »; 2° « Table des machines à vapeur de rotation et à double effet... »). Texte le plus important de Jacques-Constantin sur le sujet. Édité deux fois la même année, en brochure séparée et en article dans le Bulletin de la Société d'Encouragement. Cette seconde édition est beaucoup plus intéressante, du fait des tableaux des dimensions, consommations et puissances des machines usuelles à simple et double effet.

PÉRIER

Funérailles de M. Périer, le 18août 1818 (Discours), i n - 4 0 , 4 P-> Paris, Didot, s. d. (1818). Dernière des trois notices biographiques consacrées à Périer (cf. D E L A M B R E , et J O M A R D ) . C'est la plus émue, mais la moins riche en informations; ce qui s'explique sans doute par le fait que ce discours a été lu au cimetière, ou tout au moins est censé l'avoir été.

PRONY,

SOURCES

ET

BIBLIOGRAPHIE

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Nouvelle Architecture hydraulique, contenant l'art d'élever l'eau au moyen de différentes machines, de construire dans ce fluide, de le diriger et généralement de l'appliquer de diverses manières aux besoins de la société. — Première partie, contenant un traité de mécanique à l'usage de ceux qui se destinent aux constructions de tous les genres et des artistes en général. — Seconde partie, contenant la description détaillée des machines à feu, 2 vol. in-4 0 , 624 p., l5 pl. et 204 + 38 p-> 52 pl., Paris, Firmin-Didot, 1790 et 1796.

PRONY,

Ce sont les premières publications françaises relatives aux machines à vapeur modernes. Il ne semble pas inexact de parler de deux publications, les deux volumes étant nettement distincts l'un de l'autre et en outre séparés dans le temps par toute l'épaisseur de la Révolution française. Prony indique expressément qu'il tient de Périer sa documentation relative aux machines à vapeur. Rapport fait à la classe des sciences mathématiques et physiques de l'Institut National sur diverses inventions de Jean-Pierre Droz relatives à l'art du monnayage, in-4°, 59 p., 4 pl-, Paris, Baudoin, nivôse an XI (commissaires avec Prony : Desmarest, Périer, Charles et Berthoud).

PRONY,

Renseignements sur le rôle de Droz à la Monnaie de Paris. On sait d'ailleurs qu'il y fit installer des machines à vapeur. (R.), Histoire descriptive de la machine à vapeur, traduite de l'anglais; précédée d'une introduction exposant la théorie des vapeurs ; suivie de la description des perfectionnements faits en France et des considérations générales sur l'emploi de ces machines, in-8°, 382 p., 6 pl., Paris, à la librairie scientifique et industrielle Malher et Compagnie, passage Dauphine, 1827.

STUART

Version anglaise, datant des derniers temps de la vie de Watt, des événements relatifs à l'introduction en France par Périer de la machine à vapeur à condenseur. « Sur de nouvelles presses hydrauliques », Annales des Arts et Manufactures, t. VI, n° de messidor an IX (juin-juillet 1801), pp. 100-112. Il s'agit de la presse hydraulique de Bramah introduite en France par Périer et Bétancourt. (Luc-Vincent), Guide des amateurs ou des étrangers voyageurs à Paris, ou description raisonnée de cette ville et de tout ce qu'elle contient de plus remarquable, 2 vol. in-12, pl., Paris, Hardouin et Gattey, 1786-1787.

THIÈRY

Renseignements sur les ateliers de Chaillot. (Th.), Traité des machines à vapeur et de leur application à la navigation, aux mines, aux manufactures, aux chemins de fer..., traduit de l'anglais... avec des notes et des additions par F. N. Mellet. Seconde édition, 1 vol. in-4°, xxij602 p. + atlas de 35 pl., Paris, Bachelier, i838.

TREDGOLD

Utile pour connaître l'état de l'industrie des machines à vapeur en France entre I8I5 et i83o.

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A

VAPEUR

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LORD

MAINDRON

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VAPEUR

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VIENNET

française: la crise de 1810-1811, in-8°,

CHRONOLOGIE

1742 1753 1760 1765 1767 1768 1769 1770 1771 1772 — 1773 — — — — — — — — 1774 — — — 1775 — —

Novembre, 2. — Naissance de Jacques-Constantin Périer. Mai, i5. — Premier cours de Nollet dans la nouvelle chaire de physique expérimentale du Collège de Navarre. (environ?). — Les Périer suivent les cours de l'abbé Nollet pendant sept ans. Mai. — W a t t : conception du condenseur. Avril, 26. — M m e de Genlis admise à être présentée à la Cour. Juin, 18. — Rapport de Nollet et Bory à l'Académie sur le moulin à sucre proposé par Périer. Janvier, 9. — Premier brevet de W a t t . Avril, 24. — Mort de l'abbé Nollet. (fin)-i772 (début). — M m e de Genlis nommée dame pour accompagner la duchesse de Chartres. Mai, 21. — Fondation de la société d'Auxiron, en vue de la construction de bateaux à vapeur. Juillet. — Liaison du duc de Chartres et de M m e de Genlis. Mars, 24. — Un cylindre destiné au bateau d'Auxiron et fourni par Jukes et Coulson, de Londres, arrive à Dunkerque. Avril, a i . — Périer visite le bateau d'Auxiron. Avril, 23. — Mariage secret de M m e de Montesson et du duc d'Orléans, LouisPhilippe. Juin. — Une entrevue a vraisemblablement lieu entre d'Auxiron et le duc de Chartres. — 11. — Seconde visite de Périer au bateau d'Auxiron. Juillet, 28. — Le mariage du duc d'Orléans et de M m e de Montesson devient public. — (fin). — Le prince de Ligne reçoit le duc de Chartres à Belceil; il lui fait voir une pompe à feu pour l'épuisement des mines, établie près de Mons. Septembre, 29. — Lettre de Périer à d'Auxiron; discussion sur les problèmes relatifs aux machines à vapeur. Novembre (fin). — D'Auxiron traite avec Dutour pour la construction de la mécanique de son bateau. Avril. — Le bateau à vapeur de Périer est prêt pour l'expérience. Juillet, 24. — Acquisition des terrains en vue de la construction de la maison de la Chaussée d'Antin. Septembre (début). — Perte du bateau d'Auxiron. Octobre. — Périer tente de s'associer à d'Auxiron, avant d'essayer son propre bateau à vapeur. Printempsj?). — Essai du bateau à vapeur de Périer. Mai, 22. — Prolongation par loi spéciale de la durée du brevet de W a t t . Juin, 8. — Les Périer hypothèquent pour 3o 000 livres la maison qu'ils viennent de construire Chaussée d'Antin.

32 — — 1776 — — — — — 1777 — — 1778 — — 1778 — — 1779 — — — 1780

1781 — — — 1782 — — — — 1783 — — —

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VAPEUR

Octobre, 2. — Lettre de Malesherbes à l'Académie pour recommander Périer. Novembre. — Premières démarches de Périer en vue du privilège des E a u x de Paris. Février, 3. — Projet Périer pour les E a u x de Paris présenté à l'Académie. Mars, 9. — Rapport de l'Académie sur le projet Périer pour les E a u x de Paris. Avril, 28. — L a marquise de Montesson présentée à la Cour. Mai. — Les premières machines de W a t t (simple effet) commencent à fonctionner. Juin, 29. — Périer annonce à Amelot qu'il v a bientôt produire sa machine à feu destinée a u x jardins du duc de Chartres. Octobre, 25. — A v i s favorable du Bureau de la Ville sur le projet Périer. Février, 7. — Périer obtient son privilège pour l'exécution du projet des E a u x de Paris. Avril. — Périer se trouve en Angleterre. Août. — Rupture des relations entre Périer et d'Auxiron. Mars, 27. — Mort d'Auxiron. Avril, 14. — W a t t et Boulton obtiennent un privilège pour la France. Août, 27. — Formation de la Compagnie des Eaux. Septembre, 4- — L a Compagnie des E a u x achète l'Orangerie de Chaillot. Octobre. — Fondation de la manufacture de Chaillot. — 19. — Périer reçoit de la Compagnie des E a u x procuration afin d'aller en Angleterre acquérir des machines à vapeur. Février, 12. — Périer traite avec W a t t pour la fourniture des machines à vapeur destinées à Chaillot. Juillet. — M m e de Genlis s'installe au Pavillon de Bellechasse avec les jumelles de la duchesse de Chartres (nées le 23 août 1777). Septembre-Octobre. — Livraison des machines de W a t t destinées à Chaillot. Novembre, 6. — Périer tombe à l'eau pendant le débarquement des machines à vapeur, il est sauvé de justesse. Installation d'une machine à vapeur a u x mines d'Aniche sous surveillance de Périer (type Newcomen?) : cylindres faits en Angleterre (ne proviennent pas de Watt). Mai, 5, 7, 9. — Mariage de Jacques-Constantin Périer avec Thérèse-Amélie Mignotte. Juin, 9. — Jouffroy s'associe aux héritiers d'Auxiron. Août, 8. — Inauguration de la pompe à feu de Chaillot. Octobre. — Diffusion du prospectus de la Compagnie des E a u x (rédigé par Beaumarchais). Fondation de la manufacture de plombs laminés de Romilly-surAndelle. Janvier, 4- — M m e de Genlis nommée « gouverneur » des enfants du duc de Chartres. — Jouffroy commence la construction de son bateau à Lyon. Novembre, a i . — Mort de Vaucanson. Son élève Calla v a sans doute alors travailler chez les Périer. Décembre, 18. — Fondation de la société Périer, Bettinger et C l e (Le Creusot). W a t t construit ses premières machines de rotation à double effet. Février, 11. — W a t t apprend que Wilkinson exécute en cachette le cylindre de la pompe à feu fournie par Périer pour Saint-Domingue. — 22. — Périer lit à l'Académie son premier mémoire sur les pompes à feu (machine de Chaillot). Mars, 12. — Périer lit à l'Académie son second mémoire sur les pompes à feu (machine de la fonderie de Chaillot).

CHRONOLOGIE —



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i5. — Périer demande à l'Académie des commissaires pour examiner les machines qu'il a construites pour le duc d'Orléans (maquettes dites « de M m e de Genlis »). — — 19. — Rapport de Coulomb sur les deux mémoires de Périer concernant les pompes à feu. — — 3o. — Amelot avise l'Académie que le roi a nommé Périer adjoint surnuméraire dans la classe de mécanique. — Avril, 2. — L'Académie prend connaissance de la lettre nommant Périer. — Juillet, 14. — Joufïroy manifeste le désir de se rendre à Nîmes pour examiner la machine à vapeur construite par Périer pour l'abbé d'Arnal. — — i5. — Expérience officielle du bateau de Joufïroy à Lyon. — Novembre, 22. — L'Académie reçoit pour examen du contrôleur général le dossier relatif au bateau de Joufïroy. Périer nommé commissaire. — Décembre, 20. — Rapport à l'Académie sur le bateau de Jouffroy. 1783-1784 Après la mort de François Perret, Périer examine les machines de la filature de Neuville-1'Archevêque. 1784 Exécution à Chaillot de certaines pièces destinées à une pompe à feu pour Saint-Domingue. — Janvier, 1. — Société Périer-Haudard de Sainte-Jame-Laurent pour les plombs laminés de Saint-Denis. — Février, 4- — Les actionnaires de Jouffroy délibèrent sur un appel de fonds de 60 OOO livres. — Avril. — Périer et Joufïroy entrent en relations. Le duc d'Orléans propose de mettre 4o OOO livres dans l'affaire. — Août, 24. — Périer déclare qu'il n'a plus entendu parler de Jouffroy depuis un certain temps et qu'il n'est pas chargé d'exécuter sa machine. — Septembre, 19. — Le gouvernement accorde une avance & la Compagnie des Eaux. — Novembre, 18. — Breteuil à la Maison du Roi. 1784 (après novembre, 18). — Périer demande au baron de Breteuil des lettres de noblesse et le cordon de l'ordre de Saint-Michel. 1785 Janvier. — Jouffroy se rend à Paris pour rencontrer Périer. — — 3i. — Rupture entre Jean-Baptiste d'Auxiron et Joufïroy. — Février, 6. — Lettre de Périer à Jouffroy déclarant qu'il est nécessaire de constituer un fonds de 100 000 livres avant d'entreprendre la construction de la machine. — Mars, 11. — Formation d'une société pour exploiter la filature de Neuvillel'Archevêque. Périer à sa tête. — Octobre, 12. — Achat du terrain en vue de l'établissement de la pompe à feu de la Gare. — Novembre, 18. — Mort du duc d'Orléans Louis-Philippe (père de PhilippeÉgalité). — Décembre, 11. — Première coulée au Creusot. 1786 Mai, 9. — Création de la « Compagnie », au comité de l'administration des biens du duc d'Orléans. J.-C. Périer en fait partie. — Été. — Les actions de la Compagnie des E a u x atteignent leur cours maximum. — Juillet, 24. — Pose de la première pierre de la pompe à feu du Gros-Caillou. — Août, 20. — Arrêt du Conseil autorisant la création de la Compagnie d'assurance contre les incendies. — Septembre-décembre. — Fourniture de caronades au gouvernement français par les Périer. — Novembre, 11. — Inauguration de la pompe à feu de Saint-Domingue. 1787 Avril, 3o. — Périer commence à être absent des réunions de la « Compagnie » et le reste jusqu'à la fin de décembre. — Septembre, 7. — Début de la construction de la forerie à vapeur à Indret.

34 1788 •— —

1788 — 1789 — — — — 1790 — — — 1791 — — — 1792 — — — — 1793 — — •—

— An I I

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Janvier. — Chute du cours des actions de la Compagnie des Eaux. Février, i5. — Début des litiges graves entre Périer et la Compagnie des Eaux. — a5. — A l'assemblée générale de la Compagnie du Creusot, de Wendel et Périer, quoique administrateurs perpétuels, et Baudard de SainteJ a m e , décédé, sont remplacés p a r Mollien, Parent et le baron de Castille. De l'ancien conseil d'administration ne restent que Bettinger, Lambert et Boyer. Avril, 4-18. — La Compagnie des E a u x se transforme en Administration Royale des Eaux. Juin, 18. — Les Périer destitués de leurs fonctions de directeurs des E a u x de Paris. Laminoirs à manège et balancier fournis par les Périer pour la m a n u facture de plaqué de Daumy. Janvier, 17. — Dissolution de la « Compagnie » : Périer recevra une indemnité à cette occasion. Mars, I. — Périer touche 279 792 livres d'indemnité du duc d'Orléans. Avril, 18. — Privilège Périer pour les moulins à feu. Décembre, 16. — Bétancourt présente à l'Académie son mémoire relatif a u x machines à double effet qu'il a observées en Angleterre. Les Périer fondent une filature de coton à Amilly dans le Loiret. Janvier, 17. — Suppression de l'Administration Royale des E a u x . Septembre, 18. — Achat du domaine de Saint-Lubin (67 o5o livres). Novembre, 24- — Promesse de justification imprimée p a r Périer. Fabrication par les Périer d'une forerie de canons pour le bey de Tunis. Janvier, 21. — Achat de la ferme de Merville près Nonancourt (80 100 livres). Mars, 9. — L'Académie invitée par Bailly à visiter les moulins de l'Ile des Cygnes. Août, 8. — Achat du moulin à t a n à Saint-Lubin/Nonancourt (18 900 livres). Fabrication à Chaillot de canons en bronze pour la municipalité de Rouen. Janvier, 9. — Liquidation à la suite de la suppression des apanages. Périer figure parmi les créanciers chirographaires du duc d'Orléans; il est également désigné comme mandataire des créanciers. Janvier, 18. — Le privilège de Périer pour les moulins à feu est transformé en brevet. Avril, 24- — Brevet Périer pour les machines à double effet. Août-septembre. — Fabrication à Chaillot d'artillerie pour la garde nationale. Janvier, 10. — Lettre de Périer au Ministre de l'Intérieur à propos de sa nomination au Bureau de Consultation. Avril, 9. — Commission comprenant Périer et chargée d'une enquête sur le pouvoir explosif du chlorate de potassium. Septembre, 5. — Périer envoyé à Rouen afin de se procurer des meules p o u r les émouleries de fusils. — 22. — Richard, fondé de pouvoir des Périer, adresse u n mémoire au gouvernement sur les moyens d'augmenter la production d'artillerie à Chaillot. Octobre, 18. — R a c h a t d'une rente due par la terre de Saint-Lubin (21 480 livres). Mémoire à la Convention sur la filature de Saint-Lubin (manuscrit) ; correspondance de Périer relative à la mise en route d e l à m a n u facture. Brumaire, 19. — Périer rend compte des ordres qu'il a reçus relativement a u x meules pour l'émoulerie des fusils. Frimaire. — Le gouvernement m a n q u e de foreries. Périer 'propose l'emploi de la machine à vapeur établie près de Saint-Denis.

CHRONOLOGIE — — — — — — — — — — — — — An I I I — An IV — — An V — — — — An V I —



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Périer chargé de transformer en émoulerie de fusils la fabrique à vapeur qu'il avait installée pour Gérenty dans l'île Louviers. — Périer chargé de l'exécution de modèles et de moules pour la fabrication d'artillerie de fer destinée à la marine. Frimaire-nivôse. — Périer chargé d'établir une forerie de canons à bras de âo forets ; elle est installée dans le cloître de Saint-Germain-des-Prés. Pluviôse. — Périer chargé par le gouvernement d'installer une seconde forerie à vapeur à Chaillot. — 23. — Périer autorisé à installer une émoulerie de fusils à chevaux dans l'église Notre-Dame-de-Lorette. Ventôse, 1-6. — Cours patriotiques d'artillerie en six leçons donnés par Périer, Monge et Hassenfratz. Visite des ateliers de Chaillot. Germinal. — Création d'une station d'essais d'artillerie à Meudon. Commande de boulets incendiaires aux Périer. — 11. — Les Périer créent une coquille spéciale à fondre les boulets. Floréal, 29. — Le Comité de Salut Public enjoint à Périer de mettre en état dans les meilleurs délais la machine à vapeur de l'île Louviers, qui fonctionne mal. Floréal-messidor. — Rachat par le gouvernement des moulins à vapeur de Harfleur. Périer chargé de les mettre en état. Prairial, 17. — Périer fait allusion à une machine à vapeur qui doit être fournie pour Indret. — 19. — D'après une allusion de Périer, il semble que la fabrication d'artillerie a cessé à Chaillot. Thermidor, 19. — Plaintes sur la qualité médiocre de l'artillerie fondue à Chaillot. Frimaire, 17. — Achat de la ferme de Folignière près Nonancourt (24 000 livres). Nivôse, 18. — Achat de 10 arpents 3i perches de pré près Nonancourt (61 000 livres). Frimaire, 18. — Périer nommé membre de la section de mécanique à la réorganisation de l'Institut. Machines à vapeur d'Édouard Boury, élève de Périer. Messidor, 16. — « Mémoire de Périer, MoIIien et Sykes au Directoire sur leurs filatures du département de l'Eure », Journal des Arts et Manufactures. Périer à cette date a cessé d'appartenir à la société exploitant la filature de Neuville-1'Archevêque, qui reste aux mains du seul Baraud. Oberkampf met en service à J o u y une machine à imprimer au rouleau construite par Périer, d'après u n modèle donné par Widmer. Frimaire, 1. — Commande d'une machine à vapeur pour la Monnaie de Paris aux Périer. — 11. — Rapport à l'Institut sur le métier à bas Mathis. Desmarest rapporteur, Bossut et Périer commissaires. Procès-verbaux, t. I, p. 140. Pluviôse, 3. — Brevet Périer-Bétancourt pour l'importation de la presse hydraulique. Brumaire, 26. — Rapport à l'Institut sur les fabrications de monnaie de Montu; Darcet, Périer, Coulomb, Desmarest. Procès-verbaux, t. I, p. 3i4Pluviôse, 11. — Mémoire de Rolland sur le fardier de Cugnot transmis à l'Institut par Bonaparte. Commissaires désignés : Coulomb, Périer, Bonaparte, Prony. Procès-verbaux, t. I, p. 34o (le rapport n ' a jamais eu lieu).

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VAPEUR

7. — Les Périer demandent un secours au gouvernement pour la filature de Nonancourt. — Ventôse, 26. — Rapport à l'Institut sur les machines hydrauliques Cordelle et Bralle. Rapporteur Bossut, commissaires Périer et Prony. Procès-verbaux, t. I, p. 538. — Germinal, 16. — Rapport à l'Institut sur une machine propre à fendre les cuirs sur leur épaisseur. Rapporteur Desmarest, commissaire Périer. Procès-verbaux, t. I, p. 547. — a i . — Rapport à l'Institut sur les fabrications de bas Rivey; — Périer et Desmarest. Procès-verbaux, t. I, p. 551. — Floréal, 11. — Rapport à l'Institut sur le système Lemercier d'assemblage des mâts. Rapporteur Lévêque, commissaire Périer. Procèsverbaux, t. I, p. 563. — Thermidor, a i . — Rapport à l'Institut sur le platine déposé dans le cabinet de l'Institut. Procès-verbaux, t. I, p. 610 (Périer n'est pas signataire du rapport, mais il est signalé comme commissaire p. 611, col. 1). Ans V I I I - X Deux machines de rotation construites pour les houillères de Littry par Périer. An V I I I Les Périer exécutent pour Oberkampf une machine à graver les cylindres pour l'impression au rouleau. — Fulton essaye à Paris un petit sous-marin construit par Périer. — Brumaire, 16. — Rapport à l'Institut sur la machine de Dumoutier pour sauver les personnes retenues dans les maisons incendiées. Le Roy, Périer, Lacroix. Procès-verbaux, t. II, p. 26. — Pluviôse, 26. — Rapport à l'Institut sur la pompe Bidot pour l'épuisement de l'eau des navires. Prony, Périer, Forfait, Sané. Procèsverbaux, t. II, p. 107 (suite et fin le 26 germinal; ibid., p. 14 1 )• — Ventôse, 1. — Après la mort de Le Roy, Augustin-Charles est proposé pour le remplacer à l'Institut. Son nom n'est pas retenu sur la liste des trois candidats présentés; c'est Carnot qui est élu le 5 germinal. Procès-verbaux, t. II, p. 110. — Ventôse, a i . — Rapport à l'Institut sur l'école de natation du citoyen Turquin. Coulomb et Périer, Procès-verbaux, t. II, p. 121. — Prairial, a i . — Rapport à l'Institut sur les chefs-d'œuvre de tour de Barreau. Périer rapporteur, Monge, Charles, commissaires. Procèsverbaux, t. II, p. 176. An I X Brumaire, 2. — Brevet Périer pour la machine à vapeur à remonter le charbon. — Frimaire, a i . — Rapport à l'Institut sur les procédés de Ducrest pour la construction des bateaux, Bossut, Coulomb, Bory, Prony, Périer et Forfait. Procès-verbaux, t. II, p. 278. — Floréal, 11. — Rapport à l'Institut sur le système Lacase pour remplacer les bacs sur les rivières. Rapporteur Périer, commissaires Desmarest et Prony. Procès-verbaux, t. II, p. 343. An X Exposition publique des produits de l'Industrie française. Périer membre du jury. Mentions favorables dans le rapport. — Vendémiaire, 5. — La direction du Trésor Public est érigée en ministère. — Brumaire, 10. — Fondation de la Société d'Encouragement à l'Industrie Nationale, Périer membre du Comité des Arts Mécaniques, de l'origine jusqu'à sa mort. — Frimaire, i5. — Le montant des fournitures par les Périer au Gouvernement porté sur le livre de la dette à 3 % . — Germinal, 11. — On signale en séance à l'Institut que Périer est absent pour assez longtemps. Procès-verbaux, t. II, p. 486.

CHRONOLOGIE

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Fructidor, 28. — Rapport à l'Institut sur le métier à bas Jeandeau. Desmarest et Périer. Procès-verbaux, t. II, p. 56i. An X I Périer chargé de monter à Liège une fonderie de canons pour la marine. Quatre machines fournies pour sa fonderie de Liège par Périer. Frimaire, 24. — Rapport à l'Institut sur les procédés de monnayage de Droz. Prony rapporteur, Périer, Desmarest, Charles, Berthoud commissaires. Procès-verbaux, t. II, p. 6o4 (impression du rapport décidée en séance). Pluviôse, 4- — Lettre de Fulton à Molard à propos du bateau à vapeur qu'il va essayer à Paris l'été suivant (cylindre de Périer, mécanique de Calla). Thermidor, 21. — Essais à Paris du bateau à vapeur de Fulton. An X I I Édouard Boury possède une fabrique de machines à vapeur à Lyon. Prairial. — Montant des dettes du gouvernement envers les Périer = 656 000 francs. An X I I I Les Périer demandent à employer des enfants assistés dans leur filature d'Amilly. Ventôse, 18. — Achat par Périer du Collège Neuf de Saint-Waast à Douai pour installer une filature de coton. Messidor, 19. — Rapport à l'Institut sur un métier à tisser mécanique de Rivey. Desmarest rapporteur, Périer commissaire. Procèsverbaux, t. III, p. 224. An XIV Vendémiaire, 8. — Rapport de Périer à l'Institut sur la machine à vapeur de Verzy. Périer, Bossut, Lelièvre. Procès-verbaux, t. III, p. 258. I8O5-I8O8 Deux machines à vapeur livrées par Périer aux ateliers textiles de Gand. 1806 Mollien devient ministre du Trésor en remplacement de BarbéMarbois. Installation d'une machine à vapeur à la filature Périer à Douai. — — Mars, 3i. — Rapport à l'Institut sur des machines présentées par Modeste Granier : charrue à vent, machine à remonter les bateaux, broche à filer. Périer rapporteur, Desmarest, Cels, commissaires. Procèsverbaux, t. III, p. 333. — Avril, 5. — Vol d'une machine à couper les pommes de terre dans la fonderie de Chaillot. — Avril, 14. — Rapport à l'Institut sur le métier à bas Favreau-Bouillon. Desmarest rapporteur, Périer commissaire. Procès-verbaux, t. III, p. 34i. — Mai, 19. — Rapport à l'Institut sur le chandelier mécanique Félix. Périer rapporteur, Guyton de Morveau commissaire. Procès-verbaux, t. III, p. 352. 1806 Décembre, 22. — Périer souffrant. Hallé donne de ses nouvelles à l'Institut. Procès-verbaux, t. III, p. 472. — Décembre, 29. — Monge annonce à l'Institut que Périer est à nouveau en bonne santé. Procès-verbaux, t. III, p. 473. — — Date de rédaction de l'inventaire des instruments et machines donnés par l'Institut au Conservatoire en janvier 1807. Procès-verbaux, t. III, pp. 477-486 et 4g3. 1807 Périer reçoit du gouvernement une avance de 4o 000 francs. — Janvier, 12. — Molard, Directeur du Conservatoire des Arts et Métiers, donne quittance à l'Institut des modèles, outils, machines et instruments qu'il lui a remis. — Février, 2. — Rapport à l'Institut sur les ponts à bascule de Dillon. Carnot rapporteur, Bossut, Périer, commissaires. Procès-verbaux, t. III, p. 496.

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16. — Hallé annonce à l'Institut que Périer a souffert de tumeurs très douloureuses mais est en bonne voie de guérison. Procès-verbaux, t. I I I , p. 5oi. — — 23. — Hallé annonce à l'Institut que la santé de Périer ne cesse de s'améliorer. Procès-verbaux, t. III, p. 5o2. Mai, 4- — Périer souffrant ne peut s'acquitter de ses fonctions de commissaire — de l'Institut. Procès-verbaux, t. I I I , p. 523. — Août, io. — Ducrest se plaint que l'absence de Périer empêche le rapport sur sa machine. Procès-verbaux, t. I I I , p. 56o. Septembre, 28. — Rapport à l'Institut sur un procédé de filature (file-fil) — de Raux. Rapporteur Périer, commissaire Desmarest. Procès-verbaux, t. III, p. 590. 1808 Mai, 2 et 9. — Rapport à l'Institut sur les papiers maroquins ForgetAymez. Desmarest rapporteur, Périer commissaire. Procès-verbaux, t. IV, pp. 65 et 67. — — 16. — Signature du marché avec le gouvernement pour la fourniture des machines de Marly. Périer relève alors de maladie grave. — Septembre, 12. — Rapport à l'Institut sur la voiture Déloyauté pour le service des postes. Monge, Périer, Sané, Bossut, Bosc. Procès-verbaux, t. IV, p. 99. — — — Rapport à l'Institut sur le métier à tricot-araignée (tulle) de Coutan. Desmarest rapporteur, Monge, Périer, commissaires. Procèsverbaux, t . IV, p. 100. 1809 Mai, i5. — Rapport à l'Institut sur le métier Barret pour tricoter le filet. Desmarest rapporteur, Périer commissaire. Procès-verbaux, t. IV, p. 203. — Juillet, 3i. — Rapport à l'Institut sur le métier à tricoter Wiedmann. Desmarest rapporteur, Périer commissaire. Procès-verbaux, t. IV, p. 23i (le 7 août on décide l'impression du mémoire; ibid., p. 234). Septembre-décembre. — Probablement voyage en Hollande pour étudier u n — projet d'assèchement par machines à vapeur (absent de l'Institut depuis le 11 septembre jusqu'à janvier 1810). — Septembre, i3. — Rapport de Prony à la Société d'Encouragement sur le concours des petites machines à feu. — Octobre, 9. — Rapport à l'Institut sur le Manuel du fileur-cordier de Gavotti. Rapporteur Desmarest, Sané, Périer, commissaires. Procès-verbaux, t. IV, p. 257. — Novembre, 18. — Décret relatif aux prix décennaux. 1810 Périer reçoit du gouvernement une avance de 260 000 F. — Juillet, 23. — E n exécution de l'arrêté du 18 novembre 1809, scrutin à l'Institut pour la nomination des commissions : prix des machines, Périer, Prony et Monge; prix des établissements d'industrie, Périer, Prony, Gay-Lussac, Chaptal, Berthollet. Procès-verbaux, t. IV, pp. 367368. — — 3o. — Périer présente à l'Institut son mémoire imprimé « Sur les machines à vapeur ». Procès-verbaux, t. IV, p. 369. — Octobre, 7. — Mémoire de Périer sur le bélier hydraulique de Montgolfier (manuscrit). — Décembre, 17. — Rapport à l'Institut sur la roue hydraulique horizontale de Cagniard-Latour. Carnot rapporteur, Périer, Charles, commissaires. Procès-verbaux, t. IV, p. 402. — 25. — Périer réclame le paiement du solde d'une machine à vapeur fournie pour le château de Compiègne. — Décembre, 3i. — Rapport à l'Institut sur l'échelle à incendie Régnier. Carnot rapporteur, Charles, Périer, commissaires. Procès-verbaux, t. IV, p. 4 1 0 .

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R a p p o r t sur les prix décennaux de l ' I n s t i t u t ; grands éloges à Périer. Périer reçoit du gouvernement une avance de 3oo 000 francs. Périer fournit une machine à vapeur pour les houillères de Bonnefin. Février, 11. — R a p p o r t à l ' I n s t i t u t sur l'appareil H e n r y Bidauld pour — couper les herbes dans u n canal. Rapporteur Périer, commissaires Carnot, Prony. Procès-verbaux, t. IV, p. 449— Mars, 25. — R a p p o r t à l ' I n s t i t u t sur la machine hydraulique Chauvin. Carnot rapporteur, Monge, Périer, commissaires. Procès-verbaux, t . IV, p. 462. Juin, 24. — R a p p o r t à l ' I n s t i t u t sur le métier à bas Julien Leroy, dit — « Tricoteur Français ». Desmarest rapporteur, Monge, Périer, commissaires. Procès-verbaux, t. IV, p. 490. 812 Mai, 4- — R a p p o r t à l ' I n s t i t u t sur une machine hydraulique de Julien Leroy. Poisson rapporteur, Prony, Monge, Périer, Carnot, commissaires. Procès-verbaux, t . V, p. 53. — Juin, I. — R a p p o r t à l ' I n s t i t u t sur le perfectionnement du métier à bas Favreau. Desmarest rapporteur, Périer commissaire. Procès-verbaux, t. V, p. 5g. — 8. — R a p p o r t sur la chaîne aspirante Castellano. Périer rapporteur, — Monge, Carnot, commissaires. Procès-verbaux, t. V, p. 63. — — — R a p p o r t sur le métier à bas Favreau. Desmarets rapporteur, Périer commissaire. Procès-verbaux, t. V, p. 64. — — 9. — Mort de M m e Périer. — 3o. — Inventaire après la mort de M m e Périer. — — Décembre, 28. — R a p p o r t à l ' I n s t i t u t sur une machine hydraulique de Manoury d ' E c t o t . Carnot rapporteur, Prony, Périer, commissaires. Procès-verbaux, t. V, p. i33. 813 Juin, 21. — R a p p o r t à l ' I n s t i t u t sur les moulins de Manoury d ' E c t o t . Carnot rapporteur, Prony, Périer, commissaires. Procès-verbaux, t . V, p. 221. — Août, 23. — R a p p o r t à l ' I n s t i t u t sur une machine hydraulique de Manoury d ' E c t o t . Carnot rapporteur, Périer, Prony, commissaires. Procèsverbaux, t . V, p. 238. 815 La santé de Périer devient très mauvaise, selon J o m a r d . — Mars, 27. — R a p p o r t à l ' I n s t i t u t sur une machine de rotation à mouvement continu de Devèze de Chabriol. Périer, Ampère, Lelièvre, commissaires. Procès-verbaux, t. V, p. 470— Mai, 8. — R a p p o r t à l ' I n s t i t u t sur une machine à vapeur de Gengembre. Périer, Prony, Ampère, commissaires. Procès-verbaux, t . V, p. Soi. — — 17. — Brevet français pris par H u m p h r e y Edwards pour la machine compound. — Octobre, 3. — Périer vend le domaine de Saint-Lubin a u x Darpentigny. 816 Janvier, 27. — Aitken au ministre de l'Intérieur : il demande à louer le bâtiment et le terrain inutilisés de la pompe à feu de la Gare, pour transférer à Paris la manufacture de machines à vapeur qu'il a établie depuis 14 ans à Senonches (Eure-et-Loir). — Avril, 8. — Périer chargé par l'Académie d ' u n rapport verbal sur la 2 e édition du Manuel du Tourneur de Bergeron. Procès-verbaux, t . VI, p. 45 (eut lieu le 20 mai; ibid., p. 58). 817 Février, 10. — Périer demandé comme commissaire pour assister a u x expériences que Thilorier se propose de faire sur la Seine (avec Prony et Sané). Procès-verbaux, t. VI, p. 149. — Décembre, 4- — Périer reconnaît son fils naturel Edme-Louis. — — 29. — Périer assiste pour la dernière fois à la séance de l'Académie des Sciences.

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Janvier, 26. — Incarcération de Darpentigny à Sainte-Pélagie. Février, 2. — J.-C. Périer vend la fonderie de Chaillot à Antoine-Scipion Périer. Mai, 25. — Eugénie Darpentigny obtient d'être séparée de biens de son mari. — 26. — Testament de Jacques-Constantin Périer. Août, 16. — Mort de Jacques-Constantin Périer. Août, 18. — Funérailles de Périer. Oraison funèbre prononcée par Prony. 27. — Inventaire après décès de Jacques-Constantin Périer. — 28. — Libération de Darpentigny. Novembre, 25. — L'Intendance des Bâtiments de la Couronne met en vente par adjudication les machines à vapeur construites par Périer pour Marly. Avril, 2. — Mort de Scipion Périer, acquéreur de la fonderie de Chaillot.

CHAPITRE

PREMIER

UNE EXISTENCE D'INGÉNIEUR MÉCANICIEN A LA FIN DU XVIII e SIÈCLE Jeunesse; éducation; premiers travaux. L'entrée dans la clientèle de la Maison d'Orléans. Mm> de Gerdis et le musée-bijou du duc de Chartres. Comment les Périer sont-ils venus aux machines à vapeur? Il faut avouer qu'on ne sait presque rien de la jeunesse des Périer. L'activité de Jacques-Constantin ne commence à être connue d'une manière précise qu'en 1773, c'est-à-dire lorsqu'il a déjà trente et un ans. En effet « Jacques-Constantin Périer était né à Paris le 2 novembre 1742 de Joseph-Constantin Périer, receveur général des domaines et bois de la généralité d'Alençon, et d'Anne-Charlotte Poupardin » 1 . Milieu de bourgeoisie aisée, par conséquent. Jacques-Constantin était l'aîné. Il sera toujours pour les contemporains « M. Périer l'aîné ». Auguste-Charles, si mal connu, était le second fils; Joseph-Constantin et Anne-Charlotte avaient encore donné le jour à un troisième garçon, mais il mourut jeune : « Une autre circonstance qui mérite qu'on la rapporte, c'est que le père de notre collègue (c'est Jomard, secrétaire de la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale, qui parle ici) eut trois fils adonnés tous les trois dès l'enfance à l'étude et à la pratique des arts. Le plus jeune mourut à vingt-quatre ans dans les Landes où des essais importants l'avaient déjà fait connaître » 2 . Un autre témoignage émane de Périer lui-même. C'est un mémoire autobiographique, inédit et inachevé, qu'il dicta et semble avoir corrigé de sa main, sans doute à la fin de sa vie 3 . «Les frères Périer depuis leur enfance, c'est-à-dire depuis 1750, ont fait leur étude particulière de la 1. D E L A M B R E , « Notice sur la vie et les travaux de M. Périer», p. ix. Voir également Archives Nationales, Minutier Central, étude X X X , liasse 460, 29 décembre 1778 (reconnaissance de dette). L'adresse des parents Périer était rue et porte Saint-Honoré, paroisse Saint-Roch. C'est là que les frères Périer demeurèrent jusqu'à leur installation Chaussée d'Antin. 2 . J O M A R D , « Notice sur feu M. Périer », p. 1 3 5 ; également D E L A M B R E , loc. cit., p.

IX.

3. Bibl. Historique de la Ville de Paris, ms. nouv. acq. 147, f. 465.

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mécanique et des arts dans tous les genres, c'est-à-dire de tous ceux qui pouvaient être utiles à l'industrie nationale. Ils ont commencé par étudier en physique expérimentale en suivant pendant sept années les cours de l'abbé Nollet ». On peut conjecturer qu'il s'agit de l'enseignement donné au Collège de Navarre par le célèbre physicien à partir du i5 mai 1753. Le Collège de Navarre, qui occupait l'emplacement de l'actuelle Ecole Polytechnique, était fréquenté par des jeunes gens appartenant aux couches supérieures de la société. C'était un foyer actif d'enseignement scientifique, l'un des rares établissements où existait un enseignement régulier des mathématiques; et c'est là que pour la première fois en France une chaire d'enseignement de la physique expérimentale f u t créée par le roi, précisément pour Nollet. Est-il possible d'admettre que l'année 1750, indiquée d'une manière un peu vague par Jacques-Constantin, f u t celle où il commença à fréquenter un cours de Nollet? Il avait alors huit ans, ce qui peut sembler bien jeune; toutefois remarquons que Polycarpe Poncelet conseillait de commencer dès l'âge de sept ans l'étude de la physique expérimentale x. « Ils se sont formés de leurs mains », enchaîne le mémoire que nous avons commencé à citer, « un cabinet de machines pour faire et répéter les expériences qui réussissaient toutes et qui étaient nécessaires. Nés avec une fortune honnête, ils ont aussi construit des laboratoires au moyen desquels ils pouvaient se passer des secours étrangers pour tout ce dont ils avaient besoin pour exécuter leurs idées. « Bientôt le succès de leurs travaux les fit connaître. Ils se livrèrent à l'exécution des diverses machines qui furent demandées par divers particuliers pour des exploitations de mines, de manufactures, des canaux de navigation, des usines de toutes espèces. Pour exécuter ces travaux ils avaient besoin d'ateliers plus vastes et plus étendus que ceux qu'ils avaient; ils construisirent des ateliers dans une maison qu'avaient leurs parents à la Porte Saint-Honoré. Mais ces ateliers ne tardèrent pas à devenir insuffisants ». De son côté Delambre retrace de la sorte les débuts des Périer : « Ils s'étaient formés eux-mêmes, ou presque sans aucun maître. Leurs premiers ouvrages furent des machines électriques et pneumatiques et divers autres instruments de physique expérimentale. La première invention un peu remarquable de Constantin Périer f u t une pompe centrifuge dont l'effet étonna l'abbé Nollet. Plusieurs machines hydrauliques ou à vapeur, quoi qu'elles ne fussent encore que des essais, annonçaient déjà ce que Périer devait être un jour ». Et Jomard de renchérir : « La pompe centrifuge f u t leur début en mécanique et frappa les physiciens du temps » 2. Si l'effet de cette pompe Un physicien au siècle des Lumières, pp. 187 et suiv. et 23o.

1.

TORLAIS,

2.

DELAMBRE,

loc.

cit.,

p. lx;

JOMARD,

loc.

cit.,

p.

135.

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put, comme l'a indiqué Delambre, étonner l'abbé Nollet, c'est donc qu'elle était exécutée avant le 24 avril 1770, date de la mort du physicien. Ce serait donc ce que nous savons de plus ancien sur l'activité de Périer. Auparavant on ne peut citer qu'un rapport peu flatteur présenté à l'Académie le 18 juin 1768 par le même Nollet assisté de Deparcieux, sur un moulin à canne à sucre. Il s'agissait « d'en rendre... la manœuvre moins dispendieuse, en les faisant tourner par des nègres à la place de mulets ou de chevaux » \ La conclusion des commissaires est « que le nouveau moulin présenté par M. Périer ne saurait produire l'effet qu'il s'est proposé et qu'il ne mérite en aucune manière l'approbation de l'Académie ». Mais s'agit-il du même Périer? Rien ne le prouve. Revenons-en donc à la pompe centrifuge, d'attribution incontestée. On peut s'en faire une idée claire grâce à un modèle exécuté par Périer et conservé au Musée du C.N.A.M. 2 . Il s'agit d'une de ces pompes centrifuges si souvent proposées et qui semblent bien n'avoir jamais vraiment réussi : un tuyau vertical, plongeant dans l'eau et jouant le rôle d'axe de rotation de la machine, porte un ou plusieurs bras horizontaux par l'extrémité desquels l'eau, chassée par la force centrifuge, s'écoule. La pompe devant rester amorcée (elle ne peut s'amorcer d'ellemême), l'extrémité de ces bras horizontaux est recourbée vers le bas et plonge dans une rigole circulaire. Tel est le schéma général du dispositif, construit à l'échelle du vingtième et qui occupe le rez-dechaussée d'un joli pavillon polygonal d'ébénisterie. L'étage supérieur forme manège à chevaux pour l'entraînement du système. L'allure générale de ce modèle fait penser à un projet établi pour l'une de ces « folies », auxquelles Périer apporta parfois sa collaboration. On ignore où la machine fut réalisée en grand; peut-être au château du Raincy, qui semble avoir été l'un des principaux théâtres des expériences de Périer. Nous devons en effet évoquer maintenant une étape décisive de la carrière des Périer : leur entrée en relations avec les princes de la maison d'Orléans. Il n'y a aucun doute que le projet des eaux de Paris, qui lança définitivement Périer, ne put être mené à bonne fin que grâce à l'intervention des personnages considérables qu'étaient le duc de Chartres et son père le duc d'Orléans. C'est avec ce dernier que les relations de Périer semblent avoir été d'abord les plus suivies. En effet, voici ce que nous apprend Jacques-Constantin dans son mémoire autobiographique manuscrit : Les frères Périer « étaient connus de S.A.S. Mgr le duc d'Orléans, grand-père de celui actuel; le prince aimait beaucoup la mécanique; ils firent pour lui plusieurs machines qui eurent des succès, entre autres une à vapeur pour le Raincy. Le prince les aimait beaucoup, il leur proposa de construire une maison assez près de son hôtel pour pouvoir 1. Archives de l'Académie des Sciences, Procès-verbaux, 18 juin 1768. 2. N° d'inventaire : 4 1 5 .

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y venir de chez lui et s'amuser de leurs travaux, en leur promettant de leur donner une pension qui représenterait l'intérêt des fonds qu'ils auraient employés à cette construction. Cette maison fut bâtie à la Chaussée d'Antin, elle était mitoyenne à l'hôtel de M m e de Montesson et communiquait par le jardin à celui de S.A.S. Mgr le duc d'Orléans par une porte de communication. Le prince venait souvent chez eux; il y fit un cours de chimie en mettant beaucoup d'intérêt aux travaux qu'ils faisaient. J'avais tous les jours des conférences avec le prince, dans lesquelles je l'instruisais de mes projets de mécaniques et des sciences que je professais. J'étais encore l'un des administrateurs généraux de ses domaines et lui présentais les améliorations que je croyais utiles ». Les archives des notaires nous ont conservé des renseignements tout à fait précis sur cette entrée des Périer dans la familiarité du duc d'Orléans. L'acquisition des terrains nécessaires à la construction de la maison de la Chaussée d'Antin eut lieu le a4 juillet 1774 1 . Cent quatre-vingt une toises furent acquises de la marquise de Montesson pour 26 000 livres, un autre terrain d'une superficie de i4g toises fut acquis de JacquesLouis-Guillaume Bouret de Vézelay, ancien trésorier général de l'artillerie et du génie, domicilié Chaussée d'Antin. Les deux terrains étaient bien entendu limitrophes et l'ensemble tenait d'un côté à l'avenue conduisant à la maison de la marquise, par derrière à la propriété de celle-ci et par devant à la rue. Un plan est annexé à la minute et permet de se faire une idée précise de la situation du terrain. Les Périer, dans les constructions qu'ils avaient l'intention d'élever sur ce terrain, étaient contraints de respecter certains engagements. C'était sans doute une conséquence de leurs conventions avec le duc d'Orléans, sur la pension représentant l'intérêt des fonds employés à la construction. Ils ne devaient construire que conformément à un plan qu'ils avaient présenté et qui reste attaché à la minute du 24 juillet. Une partie de ce plan présente l'implantation des bâtiments projetés, l'autre, l'élévation de la façade de la maison d'habitation. Les Périer ne pouvaient faire construire de forge que pour eux personnellement; cette forge ne pouvait être placée que sur la partie du terrain la plus proche de la rue. Elle ne pouvait subsister qu'autant que les Périer occuperaient euxmêmes la maison; si un jour ils voulaient déménager, ils devraient faire démolir la forge avant de quitter les lieux. C'est donc probablement ce qu'ils firent dès 1778, comme la suite le montrera. Il semble que la maison ait été construite en moins d'un an pour le gros œuvre. En effet, nous voyons dès le 8 juin 1775 les Périer emprunter 3o 000 livres à Pierre-Jacques Onésime Bergeret, trésorier général honoraire de l'ordre de Saint-Louis et receveur général des finances de 1. Arch. Nat., Minutier Central, étude XLVI, liasse 454. 24 juillet 1774-

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4 .

Plan du terrain acheté par Périer dans la Chaussée d'Antin (Archives Nationales, Minutier Central, étude X L V I , liasse 454, 2 4 juillet 1774)-

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Montauban, en hypothéquant pour ce faire la maison qu'ils venaient de construire sur leur terrain de la Chaussée d'Antin Cette somme était destinée au payement des entrepreneurs, dont nous apprenons ainsi le nom : 35 123 1. i4 s. 2 d. étaient dus pour la maçonnerie à Thévenin, et io 5o8 1. io s. io d. pour la charpente à Pierre-Abraham Guerne. Les quittances furent données le 17 juin. Quant à la créance de 3o 000 livres, qui devait être acquittée par moitiés, la première au bout de quatre ans et la seconde au bout de cinq, elle fut dès le 17 novembre 1776 cédée par Bergeret à Louis-Antoine-Hyacinthe Hocquart, président à la Cour des Aides 2 . Quelles circonstances avaient pu mettre les Périer en rapport avec le duc d'Orléans? On songe tout de suite à une intervention de M m e de Genlis, qui entretenait autour d'elle un va-et-vient incessant d'intellectuels et de savants. La chronologie des événements ne rend pas cette intervention impossible 3 . M m e de Genlis avait été nommée dame pour accompagner la duchesse de Chartres fin 1771-début 1772. Sa liaison avec le duc de Chartres est avérée six mois plus tard, dès juillet 1772. A cette époque, le duc d'Orléans est déjà plus ou moins lié avec M m e de Montesson, « tantâtre » (c'est-à-dire tante par alliance) de M m e de Genlis, qui lui doit son introduction auprès des Orléans. M m e de Montesson intrigue pour obtenir l'union morganatique. Un mariage secret a lieu le 23 avril 1773; il devient public le 28 juillet. C'est cet été-là que Périer visite le bateau d'Auxiron. Mais le duc de Chartres est ulcéré de la mésalliance de son père. Il voyage : le prince de Ligne, son ami, le reçoit à Belœil et, pour le distraire, lui fait voir une pompe à feu qui sert à l'épuisement des eaux dans une mine de la région de Mons (fin juillet 1773). M m e de Genlis avait eu l'esprit de mettre fin d'elle-même à sa brève aventure pour rester, de préférence, l'entière maîtresse de l'esprit seul du duc de Chartres, et elle y avait pleinement réussi; alors M m e de Montesson se sert d'elle pour réconcilier le duc d'Orléans avec son fils. Finalement tout s'arrange, ou à peu près. Tandis que le duc et la duchesse de Chartres habitent le Palais-Royal, le duc d'Orléans fait construire à la Chaussée d'Antin deux hôtels communicants, dont l'un est le sien et l'autre celui de M m e de Montesson. C'est là que, comme nous l'avons vu, les Périer viennent s'installer aussi le 24 juillet 1774. Pour M m e de Montesson et pour lui, le duc d'Orléans adopte comme résidence de campagne le château du Raincy. Si le rôle joué par M m e de Genlis auprès du duc et de la duchesse de Chartres est resté célèbre, l'intérêt du duc d'Orléans pour la science et la technique semble jusqu'ici n'avoir guère été souligné ; on a davantage 1. 2. 3. à la

Ibid., étude XVIII, liasse 769, 8 juin 1775. Ibid., étude XVIII, liasse 778, 17 novembre 1776. Toutes les données qui suivent empruntées à B R I T S C H , La maison d'Orléans fin de l'Ancien Régime, passim; pour le voyage à Mons et Belœil, cf. p. 1 2 1 .

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insisté sur le goût que son père, Louis le Genovéfain, avait montré pour l'histoire naturelle. Les faveurs accordées aux Périer sont donc un témoignage précieux; elles attestent une activité intellectuelle non négligeable chez ce Louis-Philippe dédaigneusement surnommé « le Gros », et auquel son aversion farouche pour le cérémonial et la représentation a fait du tort jusque dans l'esprit de ses historiens. Il faut enfin préciser que lorsque le duc de Chartres deviendra duc d'Orléans à son tour, par la mort de son père survenue le 18 novembre 1785, il saura lui aussi apprécier Périer. Lorsqu'en mai 1786 il créera le comité d'administration connu sous le nom de Compagnie, et dont la compétence s'étendait sur l'ensemble des finances ducales, le duc d'Orléans ne manquera pas d'y appeler Jacques-Constantin Périer. Celui-ci ne touchera pas moins de 279 792 livres d'indemnités en janvier-mars 1789, lorsque la Compagnie sera dissoute 1 . On sait malheureusement assez peu de choses sur les expériences faites par Périer avec l'appui moral et matériel du duc. Toutefois l'essai de bateau à vapeur en constitue à coup sûr un des chapitres les plus importants. Cette question est étudiée dans le chapitre suivant. Mais il faut attirer dès à présent l'attention sur la personnalité du marquis Ducrest, qui publiera en 1777 un Essai sur les machines hydrauliques renfermant de précieuses indications sur le bateau de Périer. Ce Ducrest n'est autre que le frère de M m e de Genlis, née Félicité Ducrest de Saint-Aubin; il sera après 1785 le chancelier du duc d'Orléans. Au Raincy on s'était également intéressé à l'énergie éolienne. On le sait par un rapport rédigé au Conservatoire des Arts et Métiers en 1818 sur le projet de moulin à vent à ailes horizontales du capitaine du génie Lavocat. « J'observerai seulement, note le rapporteur, qu'il a été fait au Raincy par les frères Périer, quelques années avant la Révolution, une expérience des ailes horizontales renfermées dans une tour et que les résultats ont été si peu avantageux que l'on a été obligé de rétablir l'ancien moulin à ailes verticales. Cette expérience, pour le succès de laquelle rien n'a été épargné, où la forme des ailes a été variée de toute manière, ainsi que l'étendue et la direction des ouvertures pour le passage du vent, peut être regardée comme décisive » 2 . On a un autre témoignage de l'intérêt de Périer pour l'énergie éolienne. Il existe au Musée du C.N.A.M. deux modèles de moulins à vent construits par lui. L'un est un modèle au quinzième; c'est un moulin en maçonnerie, avec calotte tournante et actionnant une paire de meules; à l'étage inférieur se trouve la bluterie 3 . Le second moulin est un modèle au vingtième; il s'agit cette fois-ci d'un moulin en charpente tournant sur pivot; il actionne également une paire de meules et une bluterie 4 ; 1. H Y S L O P , L'apanage de Philippe-Égalité, pp. I 3 6 - I 3 7 , annexe X X X I I I , p. 4 2 5. 2. Archives du C.N.A.M., série A, liasse 32. Non signé. 3. N° d'inventaire 8574. N° d'inventaire I l5o.

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moulin « à pile » et moulin « à pivot », ce sont là les deux types qui f u r e n t longtemps classiques. Les circonstances et la date exacte de l'entrée de ces modèles au Conservatoire ne sont pas connues. Ils ne figurent pas sur la liste des objets mis en dépôt par Périer le i e r prairial an X I I I et n'ont pas été non plus achetés à sa vente après décès le i e r octobre 1818. Ils étaient en t o u t cas au Musée avant 1814. Non plus pour le duc d'Orléans, mais pour le roi Louis XVI, Périer construisit un curieux petit moteur thermique dont, par hasard, la description nous a été conservée. « Cette machine est composée d'un tube de verre terminé par deux boules de verre et basculant par le milieu de sa longueur, et de deux lampes à l'esprit de vin correspondantes au-dessous de chaque boule. Le tube contient du mercure et de l'esprit de vin qui, en se dilatant dans la boule placée près de la lampe force le mercure à s'élever dans la boule opposée qui descend à son tour, s'échauffe, tandis que l'esprit de vin se condense et l'effet contraire a lieu, ainsi de suite. On change le mouvement de bascule en mouvement de rotation continu par des leviers de La Garouste » 1 . Curiosité de cabinet, bien sûr. Mais on ne peut manquer de faire remarquer la parenté de ce dispositif avec celui adopté dès 1766 par Pierre Le Roy pour réaliser la compensation thermique du balancier d'un de ses plus célèbres chronomètres de marine 2 . Il ne sera sans doute pas déplacé de parler maintenant d'une autre réalisation de Périer, importante celle-là, et directement provoquée p a r la famille d'Orléans et M m e de Genlis. Depuis ses origines le Musée du C.N.A.M. conserve une collection de maquettes d'ateliers divers d a t a n t de la fin du x v m e siècle; il était de tradition d'attribuer l'initiative de cette réalisation à M m e de Genlis, « Gouverneur » des fils du duc de Chartres depuis le 4 janvier 1782. Ces maquettes font depuis ig63 l'objet d'une présentation rénovée dans la salle d'honneur du Musée ; nous nous sommes livrés à cette occasion à une étude qui a abouti dès 1964 à une publication 3 dont nous nous bornerons à résumer les grands traits et les conclusions ; elles confirment d'une p a r t l'attribution traditionnelle à M m e de Genlis, elles font apparaître d'autre part que les réalisateurs ont été les Périer, assistés d ' u n mécanicien fort connu, Calla, qui semble avoir été à ce moment leur élève ou leur collaborateur, après avoir été celui de Vaucanson. Rôle de M m e de Genlis d'abord. Voici son propre témoignage tel qu'il apparaît dans ses Mémoires, rédigés vers la fin de sa longue vie : « Outre leur palais des cinq ordres d'architecture qu'ils montaient et démontaient eux-mêmes, je leur avais fait faire dans les mêmes propor1. Archives du C.N.A.M., série A, liasse 69. Lettre de Périer à Molard, 18 janvier 1807.

2. Musée du C.N.A.M., n° d'inventaire i3g5. 3. P A Y E N , « Maquettes d'ateliers construites sur l'ordre de M m e de Genlis... », Sciences, V, 1964, n° 3i (mai-juin), pp. 42-57. Les Techniques au siècle de l'Encyclopédie... (catalogue de l'exposition du Musée du C.N.A.M., juin-décembre 1963).

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tions et avec la même perfection les outils et tous les ustensiles qui servent aux arts et métiers, l'intérieur d'un laboratoire avec les cornues, les creusets, les alambics, etc.; l'intérieur d'un cabinet de physique et tous les outils d'ouvriers étaient exécutés en miniature avec un art admirable. Après l'éducation ils furent déposés et exposés aux regards des curieux dans la galerie du Palais-Royal. Ils ont passé depuis dans les salles du Louvre où je les ai vus sous le règne impérial. J'étais très fière de voir le public admirer les joujoux que j'avais jadis inventés pour mes élèves » En fait les modèles semblent bien n'avoir jamais été exposés au Louvre, quoiqu'il soit sûr qu'ils y ont été entreposés pendant un certain temps. On reviendra là-dessus un peu plus bas. Il suffit quant à présent de noter que les Mémoires de M m e de Genlis ne sont pas toujours d'une exactitude très scrupuleuse sur les points de détail. Ils ont en outre été rédigés longtemps après les événements qu'ils relatent. Peut-être dans ses souvenirs M m e de Genlis confond-elle une visite au Louvre avec une visite au Conservatoire des Arts et Métiers. Les trois biographes de Périer sont en effet d'accord pour attribuer à celui-ci la création de modèles d'arts et métiers, destinés au duc d'Orléans, et qui sont ensuite passés au Conservatoire des Arts et Métiers. Voici ce qu'indique Delambre : « Le duc d'Orléans et le duc de Chartres, devant lesquels les deux frères furent admis à faire diverses expériences, surent les distinguer, ne cessèrent jamais de les protéger, et leur confièrent l'exécution d'une quantité de modèles, objets d'arts, et de métiers, qu'ils destinaient à orner une galerie. Cette collection intéressante a été admirée de tous ceux qui l'ont vue au Conservatoire des Arts et Métiers » 2. « Le duc d'Orléans, nous apprend de son côté Prony, lui confia la direction des ateliers où il faisait construire les modèles en relief de tous les objets à l'usage des arts et métiers, modèles dont le jeune Périer constitua une collection aussi curieuse qu'instructive » s . Pas question des Arts et Métiers ici, mais Jomard écrit : « C'est alors que le duc d'Orléans accueillit l'idée d'une galerie de modèles de machines que les frères Périer conçurent et exécutèrent sous ses auspices et qui orne aujourd'hui le Conservatoire des Arts » 4. En fait Jomard n'indique aucune date. Mais on a d'autres témoignages qui permettent d'affirmer que la collection était terminée dès le début de 1783. Dans son Tableau de Paris, édité la même année, Sébastien Mercier, après une description aussi enthousiaste que peu précise de la pompe à feu de Chaillot, enchaîne ainsi : « Les frères Perirer sont les entrepreneurs de ces machines; l'un invente avec génie et l'autre exécute de même. Ils s'occupent en ce moment d'un travail curieux et 1 . M m e d e G E N L I S , Mémoires, 2.

D E L A M B R E , loc.

cit.,

p.

t. I, p.

195.

ix.

3. PRONY, Funérailles de M. Périer, p. 1. 4.

JOMARD,

loc.

cit.,

p.

135.

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utile, celui de réduire en petit tous les arts et métiers. Aucun instrument des professions mécaniques n ' y manquera, joliment exécuté en relief dans la proportion d'un pouce pour un pied; cette collection déjà commencée appartiendra à Mgr le duc de Chartres. C'est immortaliser les arts que de leur donner ainsi l'asile respecté des palais. Si les anciens avaient eu cette prévoyance, nous ne serions pas à gémir sur la perte d'une infinité de procédés qu'il a fallu reconquérir à travers la pénible lenteur des siècles, et dont plusieurs nous manquent sans doute encore ; nous aurions pu retrouver dans un petit coffre enseveli sous terre à Herculanum ou ailleurs, les découvertes de tous les peuples ingénieux qui nous ont précédés. L'Encyclopédie écrite sera toujours vague, bornée, insuffisante, en comparaison de l'objet même qui frappe à la fois l'œil et l'entendement; l'objet ne leur dérobe alors aucune de ses proportions : il est vu sous toutes ses faces. Les rapports deviennent palpables, et il n ' y a plus de langue morte à apprendre, ni de calculs incertains et longs à tracer, pour aboutir le plus souvent à une erreur ingénieusement profonde » Style de journaliste, on le voit; Mercier brode volontiers des développements faciles sur le thème de préjugés vulgaires. Il nous importe assez peu. Il pourrait sembler plus fâcheux de remarquer une inexactitude d'échelle : les modèles existants sont à l'échelle de i pouce et demi par pied. En fait, il n ' y a sans doute pas de conséquence sérieuse à tirer d'une légère inexactitude de chiffres apparaissant sous la plume d'un tel homme. Ce texte publié en 1783 a pu être écrit quelques mois auparavant. Car c'est dès le samedi i5 mars 1783 que Périer demande à l'Académie des commissaires « pour examiner les modèles de machines qu'il a faits pour le duc de Chartres » 2. La situation semble donc assez claire. En fait le nom d ' u n autre mécanicien se rattache également à ces maquettes, celui d'Etienne Calla. Il s'agit là d'une tradition de famille qui peut sembler assez solide; l'ancien député de la Seine, Calla, qui en fait état dans une lettre adressée à Campion, conservateur du Musée du C.N.A.M., le 26 janvier 1890, restait encore en fait assez proche des événements puisque malgré un siècle entier écoulé il n'était que le petit-fils d'Etienne Calla s . Or il existe dans la carrière de celui-ci une lacune d'environ six ans. Il f u t en effet élève de Vaucanson, ce qui n'a pu se prolonger au-delà du 21 novembre 1782, date de la mort du célèbre mécanicien; et ce n'est 1. Mercier (Sébastien), Tableau de Paris. Nouvelle édition, Amsterdam, 1783, t. III, p. 128. 2. Académie des Sciences, Archives, Procès-verbaux, i5 mars 1783. Amédée B r i t s c h indique formellement la date de 1778 pour l'exécution de ce qu'il appelle un « musée-bijou », mais ne précise pas la source de son renseignement; la seule référence qu'il donne à cet endroit est le musée du C.N.A.M. lui-même (La Maison d'Orléans à la fin de l'Ancien Régime, pp. 124-125). 3. Musée du C.N.A.M., Documentation Inventaire 125 et suiv.

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qu'en 1788 qu'il crée sa propre entreprise, un atelier de filature à Paris. Calla sera ensuite un des fondeurs français les plus importants. Un stage à la fonderie de Chaillot de 1782 à 1788 n'apparaît donc nullement invraisemblable. Les deux attributions apparemment contradictoires à Périer et à Calla seraient, au total, vraies toutes les deux. On sait peu de chose de la prime histoire de ces modèles, c'est-à-dire antérieurement à leur apparition en 1818 dans le premier catalogue imprimé des collections du Musée du Conservatoire des Arts et Métiers. Les Archives du Musée du C.N.A.M. conservent un « Inventaire et description succincte des objets d'art mécanique et autres, provenant du ci-devant duc d'Orléans » et daté de l'an I I I 1 . Les maquettes n'y apparaissent pas; cet inventaire n'est du reste certainement pas complet, car il renvoie à une autre pièce intitulée ainsi dans l'inventaire des archives : « Modèles d'art provenant de la maison d'Orléans livrés au Conservatoire. Nomenclature et devis des objets manquants à la livraison. An X. Signé Coulomb » 2. Malheureusement cette pièce est en déficit, probablement depuis un siècle au moins. En revanche, on possède dans le même dépôt, sous la date du i4 nivôse an IV, un « Etat nominatif de la majeure partie des machines, outils, modèles et instruments de tout genre concernant l'agriculture, les arts mécaniques et les manufactures nationales, avec leurs dimensions en longueur et en largeur, pour servir à déterminer l'étendue du local nécessaire pour l'établissement du Conservatoire des Arts et Métiers décrété par la Convention Nationale dans le mois vendémiaire de l'an 3 e de la République Française » 3 . Les objets y sont classés en trois sections suivant le dépôt temporaire où ils se trouvaient alors : soit l'hôtel de Mortagne, ancienne maison de Vaucanson; soit l'hôtel d'Aiguillon, rue de l'Université; soit enfin le cabinet de la ci-devant Académie des Sciences, dans les locaux où elle avait siégé jusqu'à sa suppression, c'est-à-dire au Louvre. Dans cette section on relève les mentions suivantes : « 192. Modèle de l'atelier du potier de terre (10 pieds 6 pouces X 3 pieds) » ; c'est le « modèle d'un atelier de potier de terre et de fabricant de carreaux » du catalogue de 1818. « 193. Modèle de l'atelier du fabricant de porcelaine (10 pieds 6 pouces X 3 pieds) »; en 1818 : « Modèle de fabrique de porcelaine ». Cette maquette comprend en fait deux vitrines, l'une d'elles est manquante sur l'inventaire de l'an IV, nous verrons plus loin ce qu'il faut en penser. « 197. Modèle de l'atelier du fondeur en sable (2 pieds 3 pouces X 1 pied 8 pouces) » ; en 1818 : « Modèle d'un atelier de fondeur en sable. » « 198. Modèle d'un laboratoire de distillateur d'eau-forte (2 pieds 1. Archives du C.N.A.M., série 10, liasse 286. 2. Ibid., cette pièce m a n q u a n t e portait la cote 4 1 dans la série 10. 3. Ibid., série 10, liasse 84. Catalogue général des collections du Conservatoire des Arts et Métiers, 1818, n o s 200, 5i3, 5 i 5 à 518, 522 à 527.

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6 pouces X i pied 7 pouces) »; en 1818 : « Modèle d'un atelier pour la fabrication de l'eau-forte. » « 199. Modèle de l'art du fondeur de balles (2 pieds 4 pouces X 1 pied 7 pouces) »; en 1818 : « Modèle d'un atelier de fondeur de balles de plomb. » « 200. Modèle d'un laboratoire de chimie (4 pieds 4 pouces X 1 pied 9 pouces) »; en 1818 : « Modèle de laboratoire de chimie. » « 201. Modèle de l'art du plombier (5 pieds 8 pouces X 2 pieds) »; en 1818 : « Modèle d'un atelier de plombier, avec mandrins pour couler les tuyaux. » « 202. Idem du serrurier (3 pieds sur 1 pied 10 pouces) »; en 1818 : « Modèle d'un atelier de serrurerie. » « 2o3. Idem du menuisier (3 pieds sur 1 pied 10 pouces) »; en 1818 : « Modèle d'un atelier de menuiserie. » Toutes les dimensions indiquées par l'inventaire de l'an IV coïncident d'une manière satisfaisante avec celles des modèles existants. Nous avons déjà relevé une lacune, l'absence apparente en l'an IV d'une des vitrines de la fabrique de porcelaine. Il faut encore y ajouter les modèles que le catalogue de 1818 désigne ainsi : « Clouterie pour faire ce qu'on appelle les pointes de Paris, établie à Saint-Claude. — Modèle de laminoir pour le plomb établi à Romilly. — Modèle de faïencerie. » Il est vraisemblable que ces modèles n'étaient pas absents mais avaient seulement été mal rangés, sinon démontés — le laminoir de plomb avait conservé jusqu'à ig63 la trace d'un remontage hâtif. En effet, le dépôt se complétait d'un véritable fouillis que l'inventaire renonce à détailler. On peut y lire sous le numéro 191 : « Trois cent cinquante modèles de différentes machines propres aux travaux les plus utiles dans les arts et manufactures. Parmi ces modèles on en remarque de très ingénieux. » Surface occupée : 220 pieds carrés. Enfin, sous le numéro 204 : « Audessus du cabinet précédent, sous les combles et dans un lieu obscur... deux cent cinquante modèles de différentes machines utiles aux arts et aux manufactures, dispersés et accumulés sans ordre », sur un espace de 1 600 pieds carrés. Faut-il s'étonner de la présence au Louvre, c'est-à-dire à l'Académie des Sciences, de modèles provenant des Orléans? Certainement pas. Les dépôts de l'hôtel de Mortagne, de l'hôtel d'Aiguillon et du Louvre avaient certes pour noyau d'anciens cabinets préexistant aux mesures révolutionnaires, mais ces locaux servirent ensuite à entasser tous les modèles acquis par le Gouvernement en vue de la création du Conservatoire des Arts et Métiers. On sait que si le principe de celui-ci fut arrêté par la Convention elle-même, ce n'est que le 22 prairial an VI (10 juin 1798) que les bâtiments de l'ancienne abbaye Saint-Martin des Champs furent affectés au nouvel établissement. E t en fait ce n'est pas avant 1800 que l'on commença à emménager les collections dans les bâtiments qu'elles n'ont plus quittés depuis. On voit donc que si M m e de

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Genlis a pu voir sous l'Empire les « joujoux » qu'elle avait « jadis inventés » (ce qui est un peu forcer les choses ; elle est coutumière du fait), ce ne peut guère être qu'au Conservatoire des Arts et Métiers et non au Louvre. Ainsi que Sébastien Mercier le note avec raison, ces maquettes apparaissent souvent comme des traductions en volume de gravures de l'Encyclopédie, parfois aussi des « Descriptions des Arts et Métiers faites et approuvées par MM. de l'Académie Royale des Sciences ». Tous les rapprochements utiles ayant été faits dans les publications suscitées par l'exposition du C.N.A.M. en ig63, nous ne pensons pas qu'il soit utile d'y revenir à présent. On aimerait savoir comment les Périer ont été amenés à s'occuper plus spécialement de la machine à vapeur. Qu'ils l'aient connue et s'y soient intéressés, cela ne pose aucun problème. Mais de là à en entreprendre la construction, il y avait un grand pas à franchir. Il est t o u t à fait naturel de supposer, comme on l'a fait en général, qu'ils ont commencé par de petites machines destinées à fournir de l'eau a u x jardins des résidences seigneuriales. P a r des mentions des biographes, on connaît en effet l'existence de pompes à feu réalisées pour Bagatelle, Neuilly, Monceau et Le Raincy. A la machine du Raincy, Périer lui-même fait allusion dans son mémoire autobiographique manuscrit On sait que Bagatelle était la folie du comte d'Artois et Neuilly un château royal. Monceau est suffisamment connu comme folie du duc de Chartres, et nous avons indiqué que Le Raincy était devenu campagne du duc d'Orléans, au temps de M m e de Montesson. Malheureusement on ignore les dates, sauf dans le cas de Monceau; et nous allons voir que cette date est tardive et qu'en outre la machine est d'un type périmé, dérivant du système de Savery. Charles Ballot a noté ce qui suit : « Lorsque le duc de Chartres éleva sa folie de Monceau, il s'adressa à Blakey dont l'Académie des Sciences avait approuvé la machine, pour établir la pompe nécessaire à ses jardins, Blakey échoua complètement et le duc de Chartres demanda à ses mécaniciens préférés de lui fournir une autre machine » 2 . Or tout ceci semble s'être passé en 1776, car c'est le 29 juin de cette année-là que Périer écrivit à Amelot qu'il allait bientôt produire une machine à feu destinée aux jardins du duc de Chartres 3 . Cette pompe se voit décerner de grands éloges par les biographes de Périer. Prony nous apprend que « Périer construisit pour le jardin de Monceau une pompe à vapeur dont le mécanisme offrait des nouveautés ingénieuses » et Delambre faisant l'histoire du projet des Eaux de Paris, indique : « M. Périer avait déjà construit pour le jardin de Monceau une pompe à vapeur dont le mécanisme offrait des nouveautés ingénieuses; mais cette partie des arts industriels, a dit M. de Prony, n'en 1. Bibl. Historique de la Ville de Paris, nouv. acq. 147, f. 465. 2. BALLOT, Introduction du machinisme, p. 396. 3. BOUCHARY, L'eau à Paris, p. 40.

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était pas moins chez nous dans l'enfance, à une époque où le célèbre mécanicien W a t t en avait changé la face en Angleterre par les plus brillantes inventions » 1 . Qui était Blakey? Un partisan attardé de la machine de Savery. Il voulait l'améliorer en interposant entre la vapeur et l'eau un fluide, flottant sur cette dernière, et mauvais conducteur de la chaleur, par exemple de l'huile. Il songea aussi à l'interposition d'une couche d'air. Tous ces systèmes étaient inférieurs au piston flottant proposé depuis longtemps par Papin. Blakey avait pourtant réussi à persuader James Ferguson de l'avantage de ses projets et l'auteur des Analyses of Lectures on Mechanics alla jusqu'à en faire un exposé public 2. Blakey ayant donc échoué à Monceau, Périer acheva son ouvrage de la manière la plus raisonnable qui soit, c'est-à-dire en employant un piston libre. C'est Prony qui nous l'apprend lorsque, faisant en 1790 l'historique de la machine à vapeur, il décrit celle de Savery. Il signale les inconvénients qui résultent du contact immédiat de l'eau et de la vapeur, et indique qu'on a tenté de remédier à cet inconvénient « en établissant un flotteur entre la vapeur et l'eau... on ... voit (une machine) exécutée de cette sorte au jardin de Monceau, appartenant à Monseigneur le duc d'Orléans : nous entrerons, lorsqu'il en sera temps, dans de plus grands détails sur son mécanisme » s . Périer n'est pas nommé, mais il est suffisamment désigné par d'autres témoignages, dont celui de Prony lui-même dans son discours des funérailles, pour qu'il ne soit guère douteux qu'il s'agit bien de sa machine. Ainsi on ne peut donner son accord à la dernière phrase du récit de Ballot, dont la source n'est d'ailleurs pas connue. Ce n'est pas « ainsi que les Périer se trouvèrent amenés à s'occuper de machines à vapeur ». En fait les plus anciennes traces formelles d'une activité de ce genre sont celles contenues dans les manuscrits de Besançon, sur lesquels on va revenir en détail au chapitre suivant : ce sont les visites faites par Périer au bateau d'Auxiron les 21 avril et 11 juin 1773, et surtout la très importante lettre qu'il écrit à l'inventeur comtois le 29 septembre suivant. On débouche immédiatement ensuite sur le projet des eaux de Paris, qui eut les conséquences que l'on sait. Une allusion de Ducrest en 1777, sur les chaînes de fer construites par Périer pour l'attirail de ses machines, ne nous apprend évidemment rien de n e u f 4 . En revanche une machine construite pour les mines d'Aniche en 1779-1780 est probablement à rattacher à l'extrême fin de la période qui nous intéresse ici : il est très vraisemblable qu'il s'agit encore d'une machine de Newcomen. C'est le 10 août 1779 ^ effet que l'administration de ces mines invite les Périer à venir visiter les fosses 1.

PRONY,

Funérailles

de M. Périer, p. l x i j .

2. 3. 4.

de M. Périer,

p. 2;

DELAMBRE,

Notice sur la vie et les travaux

Traité des machines à vapeur, pp. 43-44Nouvelle architecture hydraulique, t. I, 1790, p. 566. D U C R E S T , Essai sur les machines hydrauliques, p. 2 3 G .

TREDGOLD, PRONY,

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en apportant des plans de machines. Les cylindres étaient d'ailleurs déjà commandés en Angleterre; évidemment pas chez Watt, car celui-ci, dans la correspondance que nous étudierons plus loin, ne fait pas état des administrateurs d'Aniche parmi ses relations du continent. Le 9 novembre 1779, les mêmes administrateurs déléguaient à Liège un technicien afin qu'il y étudiât le fonctionnement des machines à vapeur existant déjà dans le pays : machines de Newcomen toujours, par conséquent. En fin de compte la machine sera installée dès 1780, mais trois ans plus tard elle ne sera pas encore en fonctionnement 1 . Si ses liaisons avec la famille d'Orléans avaient permis à Périer de réaliser le projet des eaux de Paris, de même l'existence de la pompe de Chaillot allait contribuer après 1781 à faire de lui dans les dernières années de l'Ancien Régime un personnage fort important. Et tout d'abord les portes de l'Académie des Sciences allaient s'ouvrir devant lui 2 . Il n'était pas un inconnu pour la Compagnie. Oublions avec elle le fâcheux rapport rendu le 18 juin 1768 par Nollet et Oepar* cieux sur un moulin à sucre qui n'était peut-être que le projet d'un homonyme. Le nom de Périer reparut dès fin 1775 lorsqu'il entreprit ses premières démarches en vue de réaliser son projet des eaux. « Le sieur Périer jouit d'une très bonne réputation et son expérience dans l'art mécanique est connue », écrit Malesherbes le 2 octobre. Dans le rapport du 9 mars 1776, Périer est désigné comme étant le machiniste du duc d'Orléans : ses « talents sont déjà connus à plusieurs de nous par des machines à feu de son invention et par d'autres travaux », ajoute le rapporteur. Puis sept années s'écoulent. Bien que la pompe de Chaillot soit inaugurée dès l'été de 1781, ce n'est que les 22 février et 12 mars 1783 que Périer vient lire deux mémoires sur ses réalisations. Coulomb rend le 19 mars le rapport élogieux sur lequel nous aurons à revenir en détail. Quatre jours avant, le i5, Périer avait demandé des commissaires pour l'examen de modèles construits pour le duc de Chartres. Enfin le mercredi 2 avril 1783, l'Académie entend la lecture d'une lettre d'Amelot, datant du 3o mars, et l'avisant que le roi a « jugé à propos de nommer M. Périer à une place d'adjoint surnuméraire » dans la classe de mécanique. Voilà donc Périer académicien. Il deviendra adjoint mécanicien le 19 janvier 1784 en remplacement de Coulomb, promu associé; et lors de la réorganisation du 23 avril 1785 il sera associé dans la classe de mécanique. Mais il ne fera plus aucune communication ni aucun rapport etc., Machine à vapeur en France au XVIIIe siècle, pp. 1 6 0 - 1 6 1 . 2. Tout ce qui suit d'après les Archives de l'Académie des Sciences : registre de procès-verbaux, 1768, 18 juin; 1776, 3 février, 9 mars, 27 juillet; 1783, 22 février, 12 mars, 19 mars, l5 mars, 2 avril et dossiers de séances correspondants; également dossier biographique Périer. MAINDRON, Ancienne Académie des Sciences, p. 7 3 (indique l'adresse de Périer, Chaussée d'Antin) ; — Index biographique..., 1954, p. 4oo (carrière académique de Périer). 1 . DAUMAS,

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(sauf celui sur le b a t e a u de Jouffroy), j u s q u ' à la suppression de l'ancienne Académie. Il sera beaucoup plus actif comme m e m b r e de l ' I n s t i t u t . C'est q u ' à cette époque il est sollicité ailleurs : il y a d ' a b o r d , bien sûr, l'activité de la m a n u f a c t u r e de Chaillot, mais il y a aussi les entreprises industrielles et financières auxquelles il participe : dès le 18 décembre 1782, c'était le Creusot; le i e r janvier 1784, ce sont les plombs laminés de Saint-Denis, le 11 mars i j 8 5 la filature de Neuville-l'Archevêque, le 9 mai 1786 la « Compagnie » du duc d'Orléans, le 20 août 1786 la Compagnie d'Assurances contre les Incendies. Brève euphorie; le glas sonne dès le 18 juin 1788 lorsqu'il f a u t q u i t t e r la Compagnie des E a u x et l'année suivante ce sera la dissolution de la « Compagnie » d u duc d'Orléans. Il n'en est pas moins certain que Périer a connu en une dizaine d ' a n nées une promotion sociale rapide; son titre d'académicien lui a sans doute, après 1783, servi de passeport p o u r entrer dans les sociétés financières où il n ' a p p o r t a i t jamais que son savoir-faire de technicien. Ce n'est que dans la fonderie de Chaillot qu'il exposera « sa f o r t u n e entière » 1 . Périer s'était marié au d é b u t de l'été 1781; il avait épousé ThérèseAmélie Mignotte, jeune fille de bonne bourgeoisie comme il l'était luimême. Le duc d'Orléans n ' a v a i t pas dédaigné de signer au c o n t r a t 2 . Il ne s'agit pas d ' u n mariage précoce, puisque Périer est à ce m o m e n t dans sa trente-neuvième année. Dès 1766 d'ailleurs, alors qu'il a v a i t vingt-quatre ans, u n fils n a t u r e l lui était né, Edme-Louis-Constantin 3 . Au m o m e n t où son père se mariait, le garçonnet allait donc sur ses quinze a n s ; il ne sera reconnu que très t a r d , le 4 décembre 1817. Mais les trois filles issues du mariage légitime auront à compter avec lui pour le partage de la petite succession de Jacques-Constantin. Celui-ci, fin 1784 — d é b u t 1785, est certes bien loin de s'imaginer qu'il mourra ruiné après une longue série de déboires. Il s'adresse au baron de Breteuil pour lui demander des lettres de noblesse et le cordon de l'ordre de Saint-Michel. Mais il n ' o b t i e n t pas gain de cause, malgré le curriculum vitae flatteur qu'il est en mesure de présenter à cette d a t e 4 . 1. PÉRIER, « Sur les machines à vapeur », Bull, de la Soc. d'Encouragement,

1810, p. 164.

IX,

1. Contrat fait devant M® Armand, notaire à Paris, les 5-7-9 m a ' 1 781 : Archives Nationales, Minutier Central. 3. Archives de la Seine, DQ8-462, fï. 92 v.-g3. 4. Bibl. Hist. de la Ville de Paris, ms. nouv. acq. 147, ff. 446 et suiv. et 449 et suivants (brouillon, deux états). Non daté, mais adressé au baron de Breteuil venu à la Maison du Roi le 18 novembre 1784. Périer fait ici allusion à un encouragement reçu du gouvernement par la Compagnie des Eaux, il s'agit certainement du prêt du 19 septembre 1784. Périer déclare encore qu'il vient de provoquer à la fonderie d'Indret la fabrication des chaudières et moulins pour le sucre de canne et celle des tuyaux de fonte pour la distribution des eaux. Après un rappel de l'ensemble de son activité, il insiste sur le concours que lui a toujours apporté son frère. — On se bornera à signaler brièvement ici qu'en 1790 Périer fit imprimer un court mémoire

UNE

EXISTENCE

D'INGÉNIEUR

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Breteuil appartenait au parti royal et ne pouvait qu'être hostile à un client de la famille d'Orléans; son hostilité envers Périer se déclarera du reste au moment de la transformation de la Compagnie des Eaux en Administration Royale en 1788. Il convient maintenant de pénétrer dans le détail de l'activité de Périer dans le double domaine des machines à vapeur et de la construction mécanique en général. Les témoignages précis les plus anciens concernent les bateaux à vapeur présentés successivement par d'Auxiron, Périer et Jouffroy, c'est par là que nous commencerons.

proposant de transformer les fossés de la Bastille en gare de bateaux. Il proposait de les conserver à leur niveau plus élevé que celui de la Seine et de les alimenter en eau au moyen d'une pompe à feu de 42 pouces de diamètre, qu'il aurait pu fournir au prix de i4o 000 livres avec 2 pompes et 2 chaudières en cuivre. Ce projet spectaculaire semble être demeuré sans écho, malgré l'autorité incontestable de celui qui le présentait (Mémoire sur l'établissement d'une gare à Paris).

CHAPITRE

II

P É R I E R , D ' A U X I R O N , J O U F F R O Y D'ABBANS : LES P R E M I E R S ESSAIS D E NAVIGATION A V A P E U R EN FRANCE Périer a été mêlé d'une manière à peu près constante aux essais de b a t e a u x à vapeur poursuivis entre 1772 et 1783 par Joseph d'Auxiron et Claude de Joufïroy d'Abbans. Tout au long de cette histoire il a fait figure de la plus haute autorité qui existât alors en France en matière de machines à vapeur, et a exécuté lui-même un essai, qui se place très vraisemblablement en 1775. Il est en outre apparu comme un rival d'Auxiron lorsque celui-ci, après la perte de son bateau en 1774, a essayé de réaliser son projet d'alimenter Paris en eau au moyen de pompes à feu — projet dont en fin de compte la réalisation revint à Périer, et lui donna l'occasion d'importer la machine de W a t t en France. Enfin, après 1785 et bien qu'il ait cessé de se mêler personnellement de la question, le nom de Périer devient une pomme de discorde entre Jouffroy et ses associés, précisément à cause de la nécessité d'équiper le bateau d'une machine à vapeur du nouveau système, que Périer demeurait alors le seul à pouvoir fournir. Le récit le plus lisible qui existe des événements dont nous avons à nous occuper à présent est celui que l'on doit à Charles Ballot. Depuis la date où ce récit a été écrit, la bibliothèque de Besançon a recueilli u n certain nombre de manuscrits provenant de la famille d'Auxiron, et dont certains ont été produits en ig5i à l'occasion d'une exposition organisée pour commémorer le bicentenaire de la naissance de Claude de Jouffroy. Nous avons pris connaissance de ce fonds et nous avons eu la satisfaction de constater que les documents relatifs aux bateaux à vapeur avaient été groupés de longue date, probablement par JeanBaptiste d'Auxiron lui-même, avocat et frère de l'inventeur, dont le rôle, comme nous le constaterons, f u t capital dans toute cette affaire. Ces documents forment deux volumes. On conserve également à Besançon, mais à l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de cette ville, un recueil de documents provenant de Charles de Follenay, ami et associé d'Auxiron, et qui f u t ensuite en relations étroites avec Jouffroy. Ces pièces avaient été utilisées en i865 par leur propriétaire, le magistrat bisontin Charles Paguelle, petit-fils

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maternel de Follenay, pour composer un bref récit de la t e n t a t i v e d'Auxiron, récit qui f u t imprimé sans les pièces justificatives. Les originaux de celles-ci f u r e n t remis p a r Paguelle à l'Académie de Besançon, après une lecture en séance de l'article en question. Charles Ballot n ' a malheureusement pas eu le t e m p s de voir ces pièces et il a dû s'en tenir à l'article imprimé. Or les informations fournies p a r les documents originaux sont incomparablement plus riches que ce que Paguelle (dont le t e x t e est par ailleurs excellent) avait cru devoir se borner à en retenir. Tels sont donc les trois volumes manuscrits qui ont servi de source aux pages qui suivent. Bien entendu, nous en avons retenu surtout ce qui est relatif aux interventions de Périer. Sur d'Auxiron, Jouffroy eux-mêmes, nous avons relevé ce que nous avons cru indispensable à l'intelligence des problèmes qui se posent au long de cette histoire, et qui sont soit de n a t u r e technique, soit relatifs a u x r a p p o r t s a y a n t existé entre les trois protagonistes. A propos de ces problèmes, quelques réflexions sur les publications citées p a r Charles Ballot sont presque indispensables. Jouffroy est m o r t en I832. Son fils Achille a donné en 183g u n historique de ses t r a v a u x qui f u t la première publication sur ce sujet (après les quelques textes imprimés p a r l'inventeur lui-même). Achille ignorait presque complèt e m e n t d'Auxiron et ne le n o m m a q u ' u n e fois ou deux, comme a y a n t donné des encouragements à son père. C'est cette lacune qui poussa Charles Paguelle à publier en i865 sa notice des t r a v a u x d'Auxiron, d'après les papiers de famille qu'il possédait. Les éléments fournis en 1839 par Achille de Jouffroy et en i865 p a r Paguelle f u r e n t juxtaposés sans critique vers 1870 p a r Louis Figuier dans les Merveilles de la Science (vol. I, Paris, s.d., pp. i49"i5o, i 5 6 - i 6 3 , 164-169 et 207-209). Figuier semble avoir à peine pris conscience des contradictions existant entre ses deux sources. Il a surtout eu le t o r t immense de croire à la suite d'Achille de Jouffroy qu'en 1775 la machine de W a t t à simple effet existait déjà en France, sous les espèces de la pompe à feu de Chaillot — alors que Périer l'a achetée à Soho en février 1779 et mise en fonctionnement en août 1781. Figuier a donc affirmé à la légère que Jouffroy s'était servi dès l'origine de la machine de W a t t , et v a même jusqu'à soutenir que Périer en a utilisé une sur son b a t e a u de 1775. J.-C.-Alfred Prost donna ensuite en 1889 la première édition de son ouvrage sur le marquis de Jouffroy. Comme Charles Ballot l'a remarqué avec raison, il ignorait t o u t du côté technique du sujet. C'était a v a n t t o u t un publiciste; son ouvrage, difficilement lisible, se fait surtout l'écho de conflits dynastiques, politiques et religieux existant à l'époque entre les divers membres de la famille de Jouffroy. Reprochant à Paguelle d'avoir voulu ternir la mémoire de Claude de Jouffroy, il se garde bien de recourir a u x pièces originales que le magistrat avait offertes à l'Aca-

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démie de Besançon. Il semble n'avoir eu en main qu'un nombre restreint de documents nouveaux (cf. plus bas page 89, note 2). En fait, pour tout ce qui concernait la technique, il se contenta de démarquer Figuier mais, renchérissant encore sur l'erreur de celui-ci, il voulut à toute force attribuer à JoufTroy l'invention de la machine à vapeur à double effet. Parallèlement, les calomnies contre Périer, qui existent en germe dans le mémoire publié par Jouffroy en 1816 (voir plus bas page 91, note 1), avaient proliféré, sans s'appuyer sur rien de réel; on les voit grossir chez Achille de Jouffroy, puis chez Louis Figuier, et enfin atteindre au niveau de l'insulte chez Prost (prétendu vol du dossier Jouffroy dans les archives de l'Académie des Sciences par Périer, alors qu'en fait Calonne a écrit lui-même qu'il retournait toutes les pièces, etc.). Après quoi la confusion fut totale. Charles Ballot devait être tué avant d'avoir eu connaissance de la collection d'Auxiron. Mais la rectitude de son jugement lui ayant fait entrevoir la vérité, il donna à son chapitre sur la machine à vapeur en France au x v m e siècle, une structure qui implique bien que Jouffroy n'a utilisé que la machine de Newcomen. Ce n'était malheureusement pas assez pour dissiper l'équivoque. Celle-ci fut entretenue par la découverte au Musée de la Marine d'un modèle de bateau vraisemblablement attribuable à Jouffroy, et muni d'une machine à vapeur à condenseur et à double effet. Aussi devenait-il presque fatal que les excellents esprits, à qui sont dues les deux publications de 1951 et de 1952 citées un peu plus bas, tombassent dans le piège qui les guettait : en donnant à ce bateau, sur la base d'une allusion d'Achille de Jouffroy, la date de 1784, ils ont abouti, sans en avoir sans doute clairement conscience, à revenir en deçà du point jusqu'où Ballot avait fait progresser nos connaissances, ainsi qu'à entériner les pires erreurs de Prost et de Figuier. Nous espérons pouvoir contribuer à donner des choses une vision à la fois plus claire et plus juste. En 1771, l'idée de construire un bateau à vapeur avait définitivement pris corps chez Joseph d'Auxiron. Il rédigea, à l'appui d'une demande de privilège, un mémoire sur la puissance des machines à feu et celle qui serait nécessaire pour faire remonter le courant aux bateaux 1 . Ce premier texte ne contient pas de détails techniques. L'auteur y porte un peu plus tard l'annotation suivante : « Les savants que le ministre a consultés ont mis au bas des calculs ci-dessus : tous les calculs sont bons et on peut partir d'eux. Et c'est sur ce rapport que le ministre a présenté l'affaire au Conseil du Roi. » D'Auxiron concluait qu'avec une machine de 20 pouces de diamètre on pouvait largement donner une

1. Besançon, Bibliothèque Municipale, ms. 1786, f. 5 (désignation qui sera abrégée désormais par : Besançon 1786).

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vitesse absolue de 8 pieds par seconde à un bateau mesurant i3 pieds sur ioo et chargé de plus de ioo ooo livres de marchandise. Effectivement, après un bref échange de correspondance dont des lettres, émanant du Contrôle général et datées des 16 et 18 avril et 3 mai 1772, nous ont conservé la trace 1 , d'Auxiron recevait de Bertin, le i4 mai, la promesse d'un privilège, qui serait octroyé après l'exécution d'une expérience réussie 2 . Cette pièce permettait alors à d'Auxiron de fonder sa société par acte du 21 mai 1772 3, société qui réunissait son ami Follenay, le chanoine Jouffroy d'Uzelle fort lié avec ce dernier, enfin d'Harambure et Bernard de Bellaire, figures dont la personnalité nous échappe davantage. La construction du bateau f u t entreprise à Paris, à l'île des Cygnes, dès le mois de décembre 1772. La chaudière fut placée en janvier et les roues à aubes en février 1773 4. Tout ce travail de charpente et de chaudronnerie semble avoir été mené bon train, il n'excédait pas les capacités usuelles des artisans de l'époque, mais les choses commencèrent à se gâter lorsqu'il s'agit de réaliser la machine à vapeur proprement dite. C'est vainement que les associés cherchèrent à faire exécuter en France un cylindre de la dimension convenable. Ainsi Follenay passa-t-il le 22 février 1772 avec Courty, propriétaire d'un fourneau au MoulinRouge, sans doute non loin de Besançon, un marché en vue de la fourniture d'un corps de pompe en fonte mesurant 8 pieds de long, un pied 11 pouces 6 lignes de diamètre extérieur et 22 pouces de diamètre intérieur, moyennant 5oo livres pour la fabrication du modèle, puis 3 sols la livre pour la pièce coulée en fonte. Fait significatif, il était stipulé qu'en cas d'échec Follenay ne payerait que 2 sols par livre, mais encore la matière première devait-elle alors rester la propriété de Courty. On ne sait si ce marché a même reçu un commencement d'exécution 6 . Le i3 janvier 1773, Bernard de Bellaire en était encore à passer marché pour le même objet avec un fondeur de Rouen, Poisson père. Celui-ci avait demandé 1 597 livres. Moins d'un mois plus tard, le 11 février, ce marché était déjà résilié. Poisson avait tenté une coulée « à Paris » (il avait sans doute voulu se rapprocher du chantier d'Auxiron) et l'opération avait été manquée, la fonte s'étant répandue dans la terre. Poisson avait ensuite préparé un second moule à Rouen, mais l'avait 1. Besançon, Bibl. Mun., ms. 1784, ff. 468-473 (ce manuscrit ne contient pas d'autres pièces relatives à la navigation à vapeur et ne sera plus cité). 2. Expédition authentique dans : Besançon, ms. 1786, f. i5. Édition : Ch. P A G U E L L E , « Notice sur les premiers essais de navigation à vapeur », Annales franc-comtoises, t. IV, i865, pp. 267-279; pour cette pièce : p. 268. 3 . P A G U E L L E , ioc. cit., p. 269; pièces originales et relatives dans Besançon, Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts, ms. 325, passim (sera abrégé désormais par : Besançon, Ac. Se. 325). 4 . P A G U E L L E , loc. cit., p. 270, d'après l'état de dépenses du 17 juillet 1 7 7 5 (Besançon, Ac. Se. 325, pièce 17). 5. Besançon 1786, f. n .

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cassé du fait de la résiliation du marché, alors qu'il était, dit-il, sur le point d'allumer son fourneau et croyait tenir le succès. De nouvelles tractations eurent lieu, mais elles n'aboutirent à rien Dans l'été de 1772 Bernard de Bellaire s'était occupé également de chercher un fondeur dans la région de Saint-Dizier. Le commissionnaire du château de cette ville, nommé Saint-Pierre, lui avait fait le 12 juin une réponse bien caractéristique 2. Saint-Pierre pensait qu'un tel travail pouvait se faire aux fourneaux de Cousances, mais que de toute façon un corps de pompe de 22 pouces sur 8 pieds devait obligatoirement être exécuté en plusieurs morceaux : « Si vous jugiez à propos, Monsieur, il (le maître des fourneaux) les ferait tels que vous les demandez, mais de deux pièces, ... ces deux pièces se joindraient ensemble par des oreilles, et garni [le corps de pompe] d'une plaque de plomb entre les deux, et fermerait avec des clous à vis et ne prendrait pas plus d'air que s'il était d'une seule pièce ». Il est vrai que pour t o u t ce travail on ne demandait que 800 livres, et le transport de Saint-Dizier à Paris n'aurait coûté que 46 livres 8 sous. Il ne f a u t p o u r t a n t pas être surpris que d'Auxiron ait cherché à se procurer mieux. Pour avoir mieux c'était en Angleterre qu'il fallait aller. Le 22 juillet 1772, contact f u t pris par lettre avec Jukes et Coulson, fondeurs londoniens. E t dès la fin de septembre il était entendu que ce serait eux qui fourniraient le cylindre, dont la réalisation ne leur posait aucun problème : « Nous serons charmés de vous en faire passer un de ces dimensions que vous nous marquez », écrivent le 10 août 1772 3 les fondeurs anglais. Toutefois le prix demandé était de 3o sols sterling le quintal de métal travaillé, au lieu de 24 pour les corps de pompes ordinaires, à cause de la précision requise dans l'alésage : « Ces cylindres pareils à celui dont vous avez besoin doivent être percés plus exact, afin que le piston puisse agir librement ». Fond de cylindre et piston étaient également fournis aux mêmes conditions, le poids total pourrait atteindre 25 quintaux. Une deuxième lettre de Londres, datée du 29 septembre 1772 4 , donne les dernières précisions. Il est entendu que le cylindre aura 23 pouces de diamètre intérieur et 7 pieds 8 pouces de long. Avec fond et piston il coûtera 4o livres sterling. D'Auxiron avait également demandé 36 pieds de chaîne « d'une force proportionnée audit cylindre »; cette chaîne pourrait coûter de 20 à 3o livres sterling. D'Auxiron borna sa commande à 20 pieds pour réduire la dépense et consigna le 20 octobre 5o louis chez les banquiers Germani et Girardot, rue de Cléry à Paris. Jukes et Coulson demandaient un délai d'environ six semaines pour l'exécution de la commande. En fait ce n'est que le 24 mars 1773 que le passage du cylindre est signalé à Dunkerque, d'où il gagna Paris. Frais de douane 1. 2. 3. 4.

Besançon Besançon Besançon Besançon

1786, 1786, 1786, 1786,

ff. 173-175. f. i52. i. 147f. i49-

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compris, son transport coûta ii5 1. 5 s. 6 deniers . Au cours du mois d'avril il f u t installé sur le bateau 2 . C'est maintenant que nous allons voir Périer entrer en scène. Il est vraisemblable que d'Auxiron et lui se connaissaient déjà. Dans quelle mesure et depuis quand au juste, il est impossible de le savoir. En tout cas Périer connaissait d'Auxiron en tant qu'auteur du projet, imprimé en 1765, d'alimentation de Paris en eau au moyen de pompes à vapeur. Selon Sylvestre de Jouffroy, Périer aurait été consulté par les associés dès 1772 et aurait rédigé le 6 décembre un mémoire sur les vices de la machine et le moyen d'y remédier. On trouvera plus loin sous la plume d'un associé une allusion à un tel mémoire, qui prouve bien son existence, mais la date avancée semble un peu précoce. Du reste Sylvestre de Jouffroy n'indique que très vaguement ses sources 3 . Ce qui est sûr c'est que Périer inspecta au moins deux fois le bateau en 1773 : d'abord seul le 21 avril, puis le 11 juin en compagnie d'un religieux bénédictin, le père Noël. La société paya à dîner à Périer seul le 21 avril pour 1 livre 6 sous ; mais le 11 juin, outre le bénédictin, les maîtres-ouvriers furent conviés au repas, dont la note monta à 20 livres i3 sous 4 . C'est à ce moment même, le 27 mai, que Bachaumont signale l'existence du bateau à vapeur, mais sans nommer d'Auxiron : « Des gens intelligents viennent d'adapter cette machine (la machine à feu) à un bateau qui pourra sans le secours des chevaux remonter les rivières à peu de frais » 6 . Un peu plus tard, le 29 septembre 1773, Périer répondit longuement à une lettre d'Auxiron. Ce texte est trop important pour ne pas être cité intégralement. Par lui nous apprenons qu'à cette date Périer était déjà de son côté occupé à réaliser un bateau à vapeur, celui dont en 1777 Ducrest relatera l'expérience malheureuse 6 . « Je vous demande mil pardon Monsieur de n'avoir pas répondu plus promptement à votre lettre et aux objections qu'elle contient sur ma machine. Vous sçavés que je suis très occupé et j'espère que vous voudrés bien m'excuser. Je me suis déterminé à faire jouer mon piston en dessous pour élever ma machine le moins possible. Si je l'eusse fait jouer en dessus il auroit fallu élever une poulie et une charpente très forte et très solide pour la porter parce que c'est elle qui auroit supporté tout l'effort du piston. Cette charpente nous auroit fort embarrassés et auroit chargé considérablement le batteau. La pression de la colonne d'air 1. Besançon 1786, f. 189. 2.

P A G U E L L E , art.

cit.,

p.

270.

Sylvestre de J O U F F R O Y D ' A B B A N S , Une découverte en Franche-Comté au XVIIIe siècle, application de la vapeur à la navigation, 1881, p. 6. 4. Besançon, Ac. Se. 325, pièce 17, sous les numéros 110 et 218 (état de dépenses réparti en articles numérotés). 5. Cité par P A G U E L L E , loc. cit., p. 272. 6. Besançon 1786, fï. 223-224. 3.

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agissant sur le piston agit également sur le fond de la pompe et tend à l'enlever, ce qui aurait exigé à ce que j'imagine une construction plus forte et par conséquent plus pesante. « Il me faudrait effectivement une plus grande quantité d'eau pour l'injection si comme dans la machine ordinaire je l'introduisais par un seul jet qui se divise et produit tout son effet en retombant seulement. Au contraire mon eau entrera par mil trous très fins et cette grande quantité de jets divisera tellement la masse de vapeur contenue dans le corps de pompe que j'espère produire par ce moyen un vuide très prompt et avec une quantité d'eau peut-être moindre que celle qu'on emploie ordinairement. « Cette même eau doit servir à entretenir l'humidité nécessaire de mon piston mais sa chaleur ne me nuira point, parce que je compte faire mon piston sans cuirs et je vois même un grand inconvénient à entretenir comme on le fait une certaine quantité d'eau froide sur le piston qui dans le fait n'a besoin que d'une humidité renouvelée de tems en tems. La vapeur est légère et s'applique dans la partie supérieure du corps de pompe. Si elle trouve une surface froide il s'en condensera une partie qui peut faire un déchet considérable. C'est même ce qui me fait désirer que mon corps de pompe ne soit jamais trop refroidi. Il le sera suffisamment par l'aire ambiant, et comme mon injection dure autant de tems que le piston en met à retomber, la vapeur qu'elle pourra produire par la chaleur du corps de pompe sera aussitôt condensée que formée et par conséquant n'est point trop à craindre. « J e crois en général qu'il y a deux moyens pour porter quelque perfection aux machines à feu. C'est premièrement de produire beaucoup de vapeur avec peu de feu, ce qu'on peut faire en construisant une chaudière qui présente beaucoup de surface au feu en le laissant passer au travers de la masse d'eau qu'elle contient par plusieurs tuïaux qui servent de cheminée au fourneau. Cela est si vrai que si on pouvait attaquer ainsi toutes les parties de l'eau à la fois et la réduire en vapeur en un instant on lui ferait produire des effets beaucoup plus forts que ceux de la poudre à canon. J ' a y fait la-dessus beaucoup d'expériences qu'il serait trop long de détailler icy. C'est deuxièmement de condenser cette vapeur très promptement et c'est je crois par une injection telle que je viens de la proposer qui pénètre la vapeur dans toutes ses parties à la fois. « A l'égard de la vitesse que je donne à mes roues et des différents diamètres de mes roues et poulies, quoi que j'ay calculé tout cela, je n'ay pas la folle prétention de réussir du premier coup, mais comme j'ay eu l'honneur de vous dire chés vous, je me suis arrangé de manière à me rectifier facilement. « J e vous demande encore une fois pardon Monsieur de ne vous avoir pas répondu sur le champ, mais M. le duc de Chartres m'ayant chargé de quelque chose de pressé je n'ay pas eu une minute à moy. Cela a même fait tort à ma machine qui serait plus avancée sans cela. J ' a y cependant

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mon corps de pompe alaisé et tourné, ma chaudière, mon arbre et presque toutes les autres pièces de ma machine, mais j'ay l'assemblage de tout cela qui demande encore un peu de tems. « J e vous prie de croire que vos objections m'ont fait le plus grand plaisir, c'est en effet en se communiquant ses idées qu'on peut parvenir à quelque chose de parfait. « J e suis très persuadé de cela et vous prie de l'être des sentiments d'estime et de l'attachement sincère avec lequel j'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur ». Cette lettre appelle plusieurs observations. On est frappé d'abord du vif intérêt porté par Périer aux problèmes posés par la condensation. Ne va-t-il pas jusqu'à y voir l'un des deux moyens qui selon lui existent d'une manière générale pour le perfectionnement des pompes à feu. Singulière lucidité; eût-elle pu suffire à le conduire jusqu'à la conception du condenseur séparé? Nul ne peut le dire. Voyons ici simplement une preuve de plus de cette maturation lente de ce qu'il est convenu d'appeler l'invention dans l'esprit de la quasi-totalité des gens intelligents et compétents, lorsque les conditions techniques nécessaires sont en voie d'être réalisées. Remarquons encore que Périer a une idée tout à fait claire du rôle de la surface de chauffe dans une chaudière, et qu'il énonce explicitement l'idée d'une chaudière tubulaire. Enfin que pouvons-nous apprendre ici sur le bateau de Périer? Fort peu de chose, sinon qu'il employait des « roues » qui sont bien sûr des roues à aubes, cela va presque de soi : Ducrest le dira du reste explicitement en 1777. Que Périer ait cru bon de placer vers le bas l'ouverture de son cylindre, il y attache sans doute plus d'importance que nous ne serions disposés à le faire nous-mêmes. Mais nous ignorons, et Ducrest ne nous le dira pas davantage, comment Périer s'y prenait pour transformer le mouvement alternatif du piston en mouvement circulaire. A l'automne de 1773, d'Auxiron croyait toucher au but. L'idée ayant été lancée, d'une manière que nous ignorons, d'une association entre Périer et lui, il y fut naturellement d'emblée plutôt hostile; mais ayant, semble-t-il, soudain conçu des doutes sur ses chances de succès, d'Auxiron décida ensuite qu'il s'adjoindrait Périer si le bateau n'était pas en état de marche au i e r novembre. Le bateau ne fut pas prêt pour cette date, et l'association ne se fit pas non plus; les rapports des deux hommes semblent s'être gravement détériorés à l'époque, et comme nous le verrons, il fallut, à partir de décembre 1773, construire une mécanique entièrement nouvelle dont l'exécution fut confiée à un mécanicien réputé pour son inimitié avec Périer. Il semble donc que le projet d'Auxiron ait connu vers l'automne 1773 une inflexion dont nous ignorons la nature exacte, faute de détails techniques précis sur les réalisations poursuivies. Mais revenons-en aux remous provoqués dès juin 1773 par l'apparition de Périer. Son intervention avait suscité les réactions les plus contradictoires; Jacques-Constantin semble avoir eu toute sa vie le fâcheux pri-

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vilège de faire naître autour de lui à son sujet des opinions passionnées. C'est une disgrâce qu'ignorent les gens sans personnalité. Le i5 juin 1773, un des associés, Vallençay, écrivait à d'Auxiron : « J ' a i été bien fâché, Monsieur, d'être obligé de partir au moment de l'épreuve de votre pompe à feu; je n'ose croire que vous ayiez été content de la première, les ouvriers n'ayant pas disposé toutes les machines comme vous le désiriez. Vous avez dû avoir jeudi dernier une conversation avec M. le duc de Chartres, je serais très aise que vous voulussiez bien m'informer du résultat. J e suis intimement persuadé que notre affaire réussira, mais il faut un choix d'ouvriers que nous n'avons pas. M. Périer nous aurait été d'un grand secours par ses connaissances particulières et par celles qu'il a des meilleurs ouvriers, et je crois que nous ne pourrions mieux faire que de nous l'associer. Nous ne pouvons [faire] une meilleure emplette à tous égards *** il est ici à la campagne pour quelque [s] *** : Si vous vouliez tenir une petite assemblée et arranger les choses de façon qu'il y soit intéressé comme nous, je tâcherais de le déterminer à partir » 1 . Ne cédons pas à la tentation de faire dater de l'entrevue mentionnée dans cette lettre le début des relations de Périer et d'Auxiron, puisque le premier avait été invité à dîner par le second dès le 21 avril ! En revanche la mention du duc de Chartres est intéressante; la lettre écrite à la fin de septembre par Périer fait allusion à une commande pressée reçue du même duc, il semble que les rapports du mécanicien avec la famille d'Orléans soient déjà étroits, ce que sous-entendent peut-être les mots « à tous égards » glissés par Vallançay à la suite de sa phrase : « Nous ne pouvons faire une meilleure emplette ». Même son de cloche le 21 août et le 23 octobre sous la plume de Chevery, un autre associé 2 . Assez coutumier des intempérances de langage, le chanoine d'Uzelle de son côté extériorise le 6 septembre un mécontentement, dans lequel il ne faut peut-être pas prendre trop au sérieux les critiques contre la mécanique d'Auxiron. En effet le chanoine n'y connaît strictement rien. Mais il se déclare hautement partisan d'une association avec Périer. Il écrit à Follenay, parlant d'Auxiron : « Toutes ses machines sont faites à coup de hache, sans proportion, rien n'est fini et tout fait douter du succès. Son amour-propre est encore un obstacle, on pourrait prendre des mitaines pour le toucher, mais il ne faut pas lui parler, et on a toujours peur de quelque coup de tête, et notre argent s'en va grand train. J ' a i vu le mémoire du sieur Périer sur chaque article de la chose » (est-ce celui auquel fait allusion Sylvestre de Jouffroy?) « il m'a paru fait avec toute la précision et l'intelligence possibles, mais il n'est pas fait pour calmer les associés sur la réussite du projet actuel. On ne peut y remédier trop tôt et M. d'Auxiron par entêtement, par amour propre, demande 1. Besançon 1786, f. 186. 2. Besançon 1786, ff. ig3 et 195.

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encore jusqu'à la rin du mois pour faire seul son expérience; et au cas qu'elle ne réussisse pas, il consent à travailler avec le sieur Périer. Vous verrez, mon cher Follenay, qu'il faudra en venir là ..., mais il ne sera pas juste que nous supportions encore l'intérêt qui sera donné à celui qui secondera M. d'Auxiron, c'est à lui seul à le supporter et à faire un sort tel quel (sic) à celui qui s'associera pour remplir ses engagements » Follenay resta toujours de tous les associés le plus proche de son ami d'Auxiron dans les traverses que celui-ci rencontra. Il se montre d'abord hostile comme d'Auxiron lui-même à l'adjonction de Périer, puis les diverses pressions qu'il subit le font peu à peu changer d'avis 2 . « Tu as fait la plus haute sottise possible, mon cher d'Auxiron, écrit-il le 12 septembre, en donnant la lettre à Veymeranges pour adjoindre le sieur Périer à tes travaux si la machine n'était pas en état au i e r novembre : ... i°) les associés de Paris n'ont rien à voir à la machine puisque la construction de la première regarde M. d'Uzelle, d'Harambure et moi. •2°) Par cet arrangement vous trouverez tous les obstacles possibles dans l'exécution de votre affaire pour la Toussaint, cet homme (Périer) ne voulant pas perdre un intérêt qu'il a à cœur d'obtenir depuis si longtemps... Ton frère (Jean-Baptiste d'Auxiron, l'avocat) ... dit qu'il craint infiniment l'adjonction du sieur Périer, je suis bien de son avis... je regarde notre affaire désespérée si Périer y est, c'est un homme à manœuvres, je le crains ». Du 3o septembre, deux lettres; y a-t-il une erreur de date? Follenay a dû écrire d'abord ce que voici : « Vabry qui vient d'arriver ici, mon cher d'Auxiron, m'a dit une chose qui m'a donné la plus grande inquiétude. Il m'a dit que ton frère le docteur me priait de te mander de ne pas hésiter à prendre le sieur Périer, et de te faire un honneur dans la société de ce que tu seras forcé d'accepter, parce qu'il croit que tu ne peux réussir sans lui. J e t'avoue toute ma surprise, croyant surtout le sieur Périer peu savant. J e crois qu'il a de la pratique et de l'imagination, mais sur ce que tu m'as dit, et ton frère, dans le temps que nous l'avons connu, c'est qu'il avait peu de loisir, et ton frère [à] mon dernier voyage à Besançon me disait qu'il croyait que le sieur Périer manquerait l'affaire ». Ce qui suit, bien que portant la date du même jour, semble avoir été écrit en second lieu : (Les associés) « croyant tous que le sieur Périer peut faire ta machine et qu'en conséquence il doit jouir de ton bénéfice... si tu ne le peux (réussir), fais comme dis ton frère, prends Périer, arrangetoi avec lui, mais ne compte pas que personne de nous laisseront (sic) augmenter les sols et encore moins en donner sur nos intérêts... Voilà la première nouvelle que le sieur Périer doit faire une expérience. Comment l'as-tu souffert? Tu te conduis bien mal, et je tremble que tous 1. Besançon, Ac. Se. 325, pièce 8. 2. Besançon 1786, fï. 118-122.

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ces gens-là 11e te fassent beaucoup de sottises. Mais puisque ta machine a donné un coup plein, qu'attends-tu, je te répète, n'écoute aucune proposition si tu peux opérer sans secours ». Le 17 octobre Veymeranges, cet associé auquel Follenay fait allusion, ne craint pas en écrivant à d'Auxiron d'aller jusqu'à une légère raillerie : « J'aurais souhaité aussi que l'on pût admettre M. Périer, qui vous aurait soulagé sans rien diminuer, à mon avis, de l'estime due à vos lauriers, et il est certain que sa machine étant prête et réussissant avant la vôtre, cela doit nécessairement le rendre plus exigeant et peut causer quelque désagrément » x. Que pensait d'Auxiron lui-même? Il était naturellement porté à minimiser les chances de succès de son rival et aurait bien entendu préféré venir à bout de son affaire tout seul. Le 7 octobre il écrit à Follenay que Périer ne lui semble pas plus avancé que lui-même : « J e pense qu'il sera arrêté longtemps par le canal et l'ouverture d'évacuation » 2 . E t dans une lettre qui date certainement de la même époque, il explique la décision qu'il a prise, tout en se plaignant qu'elle lui ait été imposée : « J e ne me suis point associé M. Périer, mais les intéressés de Paris ayant fait toutes sortes de manœuvres pour me faire consentir à l'avoir comme adjoint, j'ai consenti à la chose si je ne mets pas le bateau en état de remonter de Rouen à Paris pour la Toussaint... La condition à laquelle il me serait adjoint dans ce cas c'est que la communauté créera pour lui un nouveau sol au moyen de quoi la livre serait à 21 s. au lieu de 20... Sans les tracasseries du sieur Périer... j'aurais fait poser les touches (?) et le bateau serait en route pour Rouen... Ce qui a été décidé pour le sieur Périer doit te plaire comme à tous les autres intéressés, puisque cela donne une nouvelle certitude de succès » 3 . Qu'y a-t-il derrière toutes ces tergiversations? Pour nous le figurer, essayons de nous représenter ce que nous savons de l'état du bateau en cet automne 1773. Coque, roues à aubes, chaudière et cylindre, tout cela ne pose plus de problème. En réalité d'Auxiron avait certainement sous-estimé la difficulté de la partie proprement mécanique, sur la nature exacte de laquelle il nous est demeuré jusqu'à présent impossible de nous faire une idée, et Périer passe, à tort ou à raison — nous ne savons pas non plus comment de ce côté il résolvait le problème — pour être l'homme capable de sauver la situation. Comment celle-ci évolue au cours de l'hiver, une lettre de Follenay à d'Auxiron en date du i e r février 1774 va nous l'apprendre : « La demande que tu fais, mon cher d'Auxiron, d'être instruit de l'état actuel des choses, est aussi juste que celle, que la communauté t'a faite, de ta part des fonds. Ainsi je vais y satisfaire et je l'aurais fait plus tôt si je n'avais cru que mes frères te faisaient passer sans nulle omission toutes les nouvelles que je leur donnais relatives à l'entreprise. 1. Besançon 1786, f. 89. 2. Besançon 1786, f. 212. 3. Besançon, Ac. Se. 325, pièce 10.

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» Lorsqu'au commencement de septembre je me déterminai, par les raisons que je vous ai déjà écrites à tous et qui sont en trop grand nombre pour les répéter ici, à revenir à mon premier plan qui, comme t u le sais était le mouvement continu, mouvement que je n'avais quitté que pour épargner du temps et de l'argent... ». Il f a u t se résoudre à ne pas éclaircir les allusions contenues dans cette phrase. Elles sont toutefois suffisamment claires sur un point, l'existence même de la crise que le projet a connue dès l'automne de 1773. «... il y avait déjà 21 4oo livres de fonds d'employés et je fis un nouvel appel de 3 000 livres que je savais bien être trop faible pour la chose et trop fort en même temps pour la volonté des autres associés. Effectivement le comte d'Uzelles y répondit par un refus, le vicomte (d'Harambure) n ' y répondit rien; t u fus le seul qui t'exécutas a u t a n t que t u le pus, mais le papier que tu m'envoyas ne produisit rien. Il fallut donc enrayer jusqu'au i5 novembre, qu'arrivât Veymeranges. A son arrivée il me demanda ce qu'il me fallait de fonds, je lui dis qu'il me fallait au moins 4 5oo livres de nouveaux fonds, et surtout me t r o u v a n t dans le cas de travailler en hiver après avoir perdu t o u t l'automne, qui est le meilleur temps de l'année pour travailler à ciel ouvert. Il me dit que je pouvais aller en avant et tirer dès le lendemain sur M. ***ent, que l'on avait fait caissier à mon insu. Tu me diras : pourquoi l'as-tu souffert? Parce que mon intérêt le voulait; je saurai bien en revenir dans le temps, mais il ne fallait pas par des altercations et en m'opposant aux volontés du comte et du vicomte leur donner de nouveaux dégoûts et augmenter mes embarras. L'expérience m'avait appris que t a n t que j'aurais affaire à différents ouvriers je ne finirais jamais rien. J e jetai les yeux sur Draouct (?) le charpentier de Passy, pour se charger de construire la machine sur mes plans et de prendre à sa charge les ouvriers nécessaires. Il parut ne demander pas mieux, mais il ne voulut pas que les marchés fussent passés en son nom, vraisemblablement crainte que les fonds ne viennent à manquer quand il lui faudrait faire des payements. Cela ne me convenait pas, puisque les dits ouvriers a y a n t directement affaire à moi auraient exécuté t o u t de travers pour avoir le profit de recommencer. Il fallut donc chercher ailleurs. On me découvrit vers la fin de novembre un nommé M. Dutour qui est maître horloger 1 et maître serrurier, machiniste connu pour avoir fait beaucoup de machines en grand, qui en outre est rival du sieur Périer, parce qu'ils I. Il ne peut s'agir ici que de Jean-Baptiste-Gervais Dutour, dit Dutour père, reçu maître le 3 septembre 1767. Il habitait rue Saint-Martin, n° 37 (listes des maîtres-horlogers pour 1772, 1778, 1781 et 1783, citées dans les fichiers manuscrits provenant de H. Brateau, actuellement conservés au Musée du C.N.A.M.). En effet son fils Étienne-Anne, dit Dutour fils, n'a été reçu que le 12 août 1775 (ibid., d'après liste de 1778 et Arch. Nat., Y 9 332 et 9 392). « Une très riche pendule astronomique savamment calculée et composée par Dutour et faisant exactement ses révolutions » figure sous le n° 238 dans le catalogue de la vente du duc de Choiseul, 18 novembre 1786 (ibid,.). J.-B.-G. Dutour était déjà grand-père en 1777 {ibid., d'après Bibl. Nat., Fich. de Laborde t. 63, Saint-André-des-Arts n° 47, 20 juillet).

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travaillent tous les deux en machines pour la maison d'Orléans. J'allai chez lui et j'y vis au moins pour vingt-quatre mille francs d'outils de toute espèce; il est très bien logé et meublé. J e lui remis mes plans et après qu'il les a eu examinés, nous passâmes marché ensemble, par lequel il s'oblige à me faire pour la somme de 3 000 livres toutes les principales parties de la nouvelle machine, de veiller à ce que la charpente, roues et vannes et toutes autres pièces non exprimées dans son marché soient bien exécutées et les faisant faire sous ses yeux et par des ouvriers à lui, sauf à la communauté à lui en tenir compte; enfin à me rendre la machine jouante pour le 4 mars prochain (1774); il a de plus cautionné la durée de toutes les pièces pendant six mois de travail de la machine. » Il faut s'arrêter ici pour une remarque. Nous ignorons la différence exacte entre les deux projets d'Auxiron, mais comme on le voit, il a été nécessaire de refaire ou tout au moins de reprendre, même les roues à aubes (ou vannes). « Quoiqu'il ait examiné mes plans avant que de passer marché, il lui est venu des doutes, après sa passation, sur le succès de la chose. Il a craint que dans la pratique certaines pièces ne souffrent trop. Il m'a fait ses objections et proposé ses améliorations; il a fait des modèles en bois pour certaines pièces pour voir leur jeu, et il n'a voulu commencer à travailler que lorsque, toutes bien considérées dans leurs détails, il a cru voir clairement que la chose réussirait. Cela a tenu jusque vers la fin de décembre. Alors après avoir bien pris ses précautions il s'est mis vraiment à l'ouvrage et il se trouve actuellement que toutes nos principales pièces sont faites. Il est venu la semaine dernière se meubler et s'approvisionner d'outils, de bois, de vin, etc., dans un appartement que je lui ai loué à Sèvres où j'ai fait descendre le bateau à sa requête. Il doit après demain venir s'y établir et tout de suite travailler à la posée des différentes parties de la machine et en faire l'assemblage. Il est très possible qu'il rende la machine jouante pour le temps qu'il l'a promis. J e suis très content de l'exécution des pièces que j'ai vues chez lui; il fait les choses comme je les demande, et s'il continue et que le bateau ne remonte pas bien, ce sera moi qui aurai tort » a . D'Auxiron semble donc aussi satisfait que possible. Périer a disparu du champ visuel, il est éloigné, on le croit neutralisé ; en fait il ne tardera pas à rentrer en scène. Nous croyons le moment venu de jeter les yeux sur un texte, non daté, que d'Auxiron a intitulé : « Calculs sur lesquels a été réglés la machine qui se construit pour faire remonter les bateaux » 2 . L'emploi au présent du verbe « se construit » indique en tout cas que ce mémoire n'est pas postérieur à la période à laquelle nous sommes maintenant parvenus. Il reste toutefois impossible de savoir dans quelle mesure les précisions techniques qu'il contient s'appliquent au projet définitif I. Besançon 1786, f. 2l4a. Besançon 1786, f. 3 (autographe) et f. 1 (copie ancienne).

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d'Auxiron, puisque celui-ci avait modifié ses plans en cours de réalisation — détail important et qu'il faut se garder de perdre de vue. D'Auxiron nous parle d'un bateau de n 4 pieds 6 pouces de long et 14 pieds de large, tirant 33 pouces d'eau et pouvant contenir 200 000 livres de marchandises. E t a n t donné ce poids, d'Auxiron aura rempli ses engagements s'il peut donner au bateau une vitesse de 5 pieds 6 pouces par seconde, au lieu de 6 pieds par seconde pour un bateau portant 100 000 livres. Nous savons déjà du reste que le cylindre a 22 pouces de diamètre intérieur; tous ces éléments ne sont guère nouveaux pour nous. Mais quelques phrases permettent de se faire une idée de la structure de la machine. Nous ne croyons pas nous hasarder beaucoup en avançant que le piston était relié à un cordage lesté d'un poids, et porté sur quatre poulies. Dans la longueur du cordage étaient intercalées deux crémaillères à dents mobiles, attaquant une lanterne de 24 pouces de diamètre dont les fuseaux étaient libres de tourner pour diminuer le frottement. Les dents mobiles des crémaillères étaient rabattues en permanence au moyen de ressorts. L'ensemble des deux crémaillères reposait sur cinq roulettes, la lanterne était placée sur l'arbre des roues à aubes, qui avaient six pieds de rayon. D'Auxiron arrivait ainsi à une rotation continue, la lanterne étant attaquée tantôt par une crémaillère, tantôt par l'autre et la continuité de l'effort était assurée par le poids qui redescendait quand le piston montait. Tout cela ressort des passages suivants : D'Auxiron parle des « cordes où s'attache le piston » et des « quatre poulies sur lesquelles ces cordages jouent »; il ajoute qu'on accroche un poids de 5 i o livres aux cordes en question. Ailleurs il parle du « frottement particulier de chaque crémaillère, tant pour les cinq roulettes sur lesquelles elles portent que pour le frottement de leurs dents lorsqu'elles sont tendues par leur ressort ». Ailleurs encore : « Le frottement particulier d'une crémaillère, etc. Le frottement de cette crémaillère étant de 25 livres et celui des dents de l'autre crémaillère, qui étaient tendues par leur ressort, estimé à 5 livres ». Ailleurs encore enfin : « L'effort des dents (des crémaillères) sur les fuseaux; cet effort se faisait sur un rayon de 24 poulces. Les roues qui portent les vannes ont 6 pieds de rayon tout compris... le frottement des dents (des crémaillères) sur les fuseaux tournants ». D'Auxiron avait même prévu une sorte de changement de vitesse réalisé « en se mettant à même de changer le levier sur lequel se faisait la résistance et de le rendre 4 fois plus court que le rayon de la lanterne » On peut donc voir, nous semble-t-il, l'ensemble de la machine à peu près comme suit : le cylindre à vapeur vertical, une corde attachée au piston, renvoyée vers le bas en passant sur une poulie placée au-dessus du cylindre, puis prenant la direction horizontale autour d'une seconde 1. Besançon 1786, f. 7.

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poulie placée à la hauteur des crémaillères qui attaquent l'arbre des roues à aubes. De l'autre côté des crémaillères, disposition symétrique, mais au lieu du cylindre à vapeur, un contrepoids. Le principe des crémaillères à dents mobiles sera conservé par Jouffroy Il remplacera le contrepoids par un second cylindre à vapeur placé côte à côte avec le premier, tous deux se t r o u v a n t dans une position inclinée presque horizontale. Malheureusement au cours du printemps de 1774 la situation ne tarde pas à se détériorer. E t le nom de Périer va reparaître, comme étant celui qu'on rend à présent responsable de tous les déboires. Le 3 juin, d'Auxiron écrit : « Le sieur Dutour qui est le machiniste, qui est chargé d'exécuter ma machine sur le plan que je lui en ai donné, refuse absolument d'aller en avant et n'a absolument rien fait depuis trois mois. Il y a un mois que voyant sa négligence j'ai pris le parti de le faire assigner aux consuls, on m ' y a nommé trois arbitres de suite et comme ce sont toujours des ouvriers, voyant qu'ils ne pouvaient s'empêcher de condamner le sieur Dutour, ils ont tous l'un après l'autre pris le parti de se démettre. ... Vincent m'a assuré que ledit Dutour me rendait bien justice, qu'il les avait encore assurés qu'on ne pouvait pas faire une machine plus simple ni meilleure et qu 'il répondait tou jours du succès sur sa tête au cas que la pompe à feu ait assez de force. Avec cela il n'avance pas davantage, ce qui prouve qu'il est gagné par le sieur Périer, dont la machine est finie depuis deux mois et qui attend que je culbute, ou plutôt que je meure à la peine, pour la faire jouer » 2 . Du 26 juillet 1774 : « Il est si certain que toutes les pièces sont finies, que le sieur Dutour me l'a fait signifier juridiquement en me demandant caution par un exploit du 2 de ce mois. L'arbitre et tous ceux qui les ont vues disent qu'elles sont d'une grande perfection, ce que je ne 1 . J O U F F R O Y D ' A B B A N S , Des bateaux à vapeur, 1 8 1 6 , p. 2 4 : « Ce moyen de provoquer un mouvement circulaire continu par le mouvement alternatif, au moyen d'une crémaillère double à dents mobiles, n'a été employé que par moi, du moins à ma connaissance ». Dans toutes les revendications qu'il a publiées, Jouffroy a toujours passé sous silence le nom d'Auxiron. Cette faiblesse s'explique sans doute par la véritable haine qui, à partir de 1785, existe entre lui et Jean-Baptiste d'Auxiron. Suivant Achille de J O U F F R O Y (Des bateaux à vapeur, 1839, p. 1 2 ) Joseph d'Auxiron aurait peu avant de mourir écrit à Claude de Jouffroy : « Courage, mon ami! vous seul êtes dans le vrai ». Cette assertion demeure invérifiable. En revanche, dans une assignation du 9 mai 1792 (Besançon, Ac. Se. 325, pièce 38), Jean-Baptiste d'Auxiron écrit, à propos des documents provenant de son frère et qui avaient été remis à Jouffroy au moment de la formation de la seconde société : « M. de Jouffroy, qui est aussi peu empressé de rendre les papiers qui y sont relatifs, qu'il a été empressé à les obtenir a répondu, fol. 34, à la conclusion tendant à la restitution, que ces papiers n'étaient que des projets informes qui, subissant le sort de leur valeur, étaient allés à leur destination, c'est-à-dire qu'il s'en était torché le derrière. Il serait difficile de trouver nulle part une pareille insolence ». On retiendra donc que l'impartialité, dans cette affaire, fit complètement défaut de part et d'autre. 2. Besançon 1786, f. 216.

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demandais pas, car c'est un ouvrage de serrurier et non pas un ouvrage d'horlogerie que j'ai commandé. J ' a i des témoins comme je l'ai répété cent fois au sieur Dutour, en lui disant qu'il était ridicule de chercher une précision rigoureuse dans des pièces qui, jouant continuellement et avec force, l'auront bientôt perdue » 1 . Il ne f a u t pas trop se choquer d'une conception de la mécanique apparemment si barbare. On doit considérer la faible vitesse des machines à vapeur de l'époque : une douzaine de tours p a r minute environ, quinze étant considéré comme un maximum. Du 3 août 1774 : « Il n'est point question, mon cher de Follenay, de trouver de l'argent. Le machiniste qui doit tout fournir n'en a malheureusement déjà que trop reçu. Il est question de faire exécuter cet homme qui, par des raisons qui me sont inconnues, et que je ne puis supposer autres que les manœuvres des sieurs Périer et Valencé, qu'il connaît dès longtemps ayant été employé au Palais Royal à fournir différentes machines, me fait tous les m a u x possibles » 2 . Inconstance des opinions humaines : on remarquera que, le i e r février précédent, d'Auxiron se croyait au contraire garanti de toute collusion Périer-Dutour, par le fait même que l'un et l'autre étant employés au Palais Royal, on pouvait supposer qu'ils se jalousaient. On sait la suite : la perte du bateau d'Auxiron à peu près terminé et qui sombra durant l'une des premières nuits de septembre 1774; la ruée des actionnaires déchaînés contre le malheureux inventeur — l'un des moins acharnés ne f u t pas le chanoine Jouffroy d'Uzelle; l'emprisonnement, l'arrivée précipitée à Paris du frère avocat, JeanBaptiste d'Auxiron, le procès, les débats houleux où les injures fusaient de toute part. D'Auxiron devait finir par échapper à cette curée, judiciairement indemne, mais profondément lésé financièrement, moralement et physiquement 3 . Il n'était d'accord que sur un point avec ses adversaires — c'était pour attribuer à Périer la responsabilité de la catastrophe. Il semble à peu près avéré que la cause immédiate de celle-ci ait été la maladresse d'un ouvrier et que la chute accidentelle d'un contrepoids ait défoncé la coque. Maladresse soudoyée? Du côté des actionnaires et principalement du côté du chanoine, on ne reculait devant aucune supposition; on était fort porté à accuser, aussi bien que Périer, d'Auxiron lui-même, qui aurait voulu échapper à la honte d'une défaite. Cela semble nettement excessif. Quant à un sabotage provoqué par Périer, l'accusation, pour avoir été mille fois répétée, n'a pas en fait dépassé le stade des racontars; judiciairement parlant, le mécanicien parisien ne f u t nullement impliqué dans l'affaire. 1. Besançon 1786, f. 218. 2. Besançon 1786, f. 220. 3. Sur tous ces événements, cf. P A G U E L L E , art. cit., passim, et bien entendu de très nombreux documents contenus dans les trois manuscrits de Besançon utilisés ici, documents dont nous n'avons pas à faire état.

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Quoi qu'il en soit, d'Auxiron et ce qui lui reste d'amis voient désormais en Périer un ennemi dangereux et dénué de tout scrupule, capable d'employer tous les moyens pour arriver à ses fins. Or, la rivalité entre les deux hommes va se poursuivre, en changeant seulement de terrain. Renonçant au bateau à vapeur, d'Auxiron essaye désormais de se refaire en relançant son projet vieux de dix ans, d'alimenter Paris en eau au moyen de pompes à vapeur. Là aussi il se heurte à Périer, qui triomphera en fin de compte; et d'Auxiron b a t t u perdra, avec ses derniers espoirs, jusqu'à sa propre vie. Nous avons vu que Périer tenait prêt pour l'expérience un bateau à vapeur. L'essai de celui-ci nous est rapporté en 1777 par un ouvrage du marquis Ducrest, frère de M m e de Genlis, et qui appartient comme elle et comme Périer à la clientèle de la famille d'Orléans. Nous ignorons la date exacte de l'expérience. Le livre de Ducrest a reçu l'approbation de Montucla le i e r février 1777 Périer n'avait encore rien tenté à l'automne de 1774 à la perte du bateau d'Auxiron ( « Il attend que je culbute ou plutôt que je meure »); son essai se place donc en 1775 ou 1776 — vraisemblablement au printemps de 1775, mais rien ne permet de l'affirmer positivement. Toutefois, Périer ayant fait ses premières démarches en vue des eaux de Paris en novembre 1775 2 , il est à supposer qu'il ne s'est tourné de ce côté, qu'après avoir déjà abandonné l'idée de la navigation à vapeur. Nous avons déjà eu plusieurs fois l'occasion de souligner à quel point nous sommes mal informés sur ce bateau de Périer. Nous allons maintenant rapporter les renseignements fournis par Ducrest et nous verrons qu'ils se réduisent à peu de chose. Relevons d'abord la confirmation de l'emploi de roues à aubes : « Il n ' y a qu'une seule façon de faire remonter un bateau par le moyen d'une machine, c'est de placer à chaque côté une ou plusieurs roues à aubes auxquelles on imprime une vitesse de rotation assez considérable » (pp. 125-126). E t voici les passages concernant l'expérience elle-même : « Un artiste célèbre par ses connaissances et son habileté dans la mécanique a beaucoup travaillé sur ce sujet, et est venu à bout de pousser les pompes à feu au plus grand point de perfection peut-être où elles peuvent arriver. Quoique son travail ait eu principalement pour objet l'élévation des eaux, il a cependant compris que la force de la vapeur était le moteur le plus puissant et en même temps le plus simple qu'on puisse employer, il a compris, dis-je, qu'on peut s'en servir pour imprimer le mouvement à toute espèce de machine quelconque. E n conséquence il a conçu l'idée de faire remonter les bateaux par une machine à feu, et il en a fait l'expérience sur la Seine, dont j'ai été témoin. Il s'en est bien fallu que cette expérience ait eu t o u t le succès qu'on pouvait en attendre. 1. Ducrest, Essai sur les machines hydrauliques, Paris, 1777. 2. Jean Bouchary, L'eau à Paris à la fin du XVIIIe siècle..., Paris, 1946, p. 34.

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Plusieurs causes qu'il serait trop long de détailler ici ont contribué à la faire échouer; une des principales a été le trop peu de grosseur du cylindre. Sans entrer donc dans le détail des défauts de la machine que j'ai vue exécutée », etc. (pp. 124-125). E t plus loin : « Au reste je ne saurais donner trop d'éloges au mécanisme ingénieux de la machine exécutée par M. Périer, dont les talents pour la mécanique sont si avantageusement connus du public; aussi je ne doute pas qu'elle ne réussisse parfaitement en augmentant de beaucoup le diamètre du cylindre, lequel (autant que je puisse m'en ressouvenir) n'était que de 8 pouces et qui aurait dû être, comme je l'ai dit, de 4o pouces au moins» (pp. i 3 o - i 3 i ) . Périer ne renouvela pas sa tentative de bateau à vapeur. Le temps est maintenant venu pour lui de se consacrer à la formation de la Compagnie des E a u x — entreprise qui, on le sait, provoquera l'introduction en France de la machine à vapeur à condenseur séparé. En 1775, de l'autre côté de la Manche, Watt est justement en train d'en achever la réalisation. Mais pour l'instant, Périer ne se préoccupe que de l'octroi d'un privilège pour l'alimentation de Paris en eau au moyen des pompes à feu. D'Auxiron se considérait comme propriétaire de cette idée depuis qu'il en avait fait imprimer le projet en 1765. A juste titre? E n fait il ne s'agissait que de démarquer une installation existant depuis un certain temps dans la ville de Londres. Les droits d'Auxiron se bornaient donc à ceci, qu'il avait avant Périer songé à réaliser cette importation. De plus, sa compagnie de navigation à vapeur venait de connaître un désastre financier complet, ce qui n'était pas arrivé à Périer, qui n'avait exécuté qu'une simple expérience sans former de société d'actionnaires : son échec compromettait donc beaucoup moins le mécanicien parisien. Il restait avantageusement connu, bien en cour auprès des Orléans, capable de former sans peine autour de son projet (la suite des faits le prouvera) une puissante société de capitalistes. D'Auxiron pouvait donc sembler battu d'avance dans la lutte en vue de l'obtention du privilège, et en réalité il l'était. Il y eut tout d'abord, fin 1774, quelques velléités de relancer l'affaire du bateau à vapeur. C'est l'époque où Périer n'a pas encore échoué de ce côté-là. Croyant alors pouvoir se permettre d'être beau joueur, il proposa à d'Auxiron de lui racheter sa part dans la société : « J ' a i vu votre dernière lettre à votre frère, écrit Follenay à d'Auxiron le 9 octobre 1774 et vous lui dites que le sieur Périer vous tourmente pour avoir votre intérêt. Gardez-vous de lui vendre en entier, vous vous déshonoreriez et vous ne pourrez plus vous montrer. Si cet homme est le chef de la cabale, c'est bien fait de le gagner, mais ce serait mal de tout abandonner, d'autant que vous avez dit cent fois à tous vos associés qu'il ne réussirait pas à faire une pareille machine même en voyant la vôtre et en la copiant. Que penserait-on pour lors si vous vous désistiez? » 1 . 1. Besançon 1786, f. i33.

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Un peu plus tard, le 7 novembre 1774, Follenay ne se montre plus hostile à l'idée de vendre une partie de l'affaire à Périer, sans cacher pour a u t a n t qu'il préférerait que cette acquisition soit faite p a r le gouvernement1. Rien ne devait sortir de cela. L'année 1775 dégoûta des b a t e a u x à vapeur d'une manière définitive et Périer et d'Auxiron — chacun pour des raisons différentes comme on l'a dit plus h a u t . Dès novembre 1775 Périer commence ses démarches en vue d ' u n privilège pour les eaux de Paris et il ne lâchera plus prise. L'Académie rendra sur la question u n premier rapport le 3 février 1776 2. Belgrand puis Bouchary ont rapporté la suite des événements avec suffisamment de détails pour que nous n'ayons pas à y r e v e n i r 3 ; rappelons seulement que le Bureau de la Ville donna son avis favorable au projet Périer le 25 octobre 1776 et que les patentes seront officiellement accordées le 7 février 1777. D'Auxiron p u t garder des illusions p e n d a n t u n certain temps. Le 22 mai 1776 Trincano lui écrit : « J e crois que t o u t ira bien auprès du Contrôleur Général qui arrive et auprès du P r é v ô t des Marchands, mais j'ai vu les bureaux, on aime M. Périer, il s'agit de le prévenir et de ramener les esprits en votre faveur. E n conséquence j'ai vu des personnes qui m ' o n t promis faveur auprès du ministre, de la Cour et de son favori » 4 . Quatre lettres de Blanchet à d'Auxiron en date des 3, 11, 3o juillet et 25 août 1776 nous tiennent au courant des hésitations des membres du Bureau de la Ville 5 . Blanchet pense déjà que l'approbation ira au projet Périer. D'Auxiron t e n t a alors une association. Un billet de Périer en date du 8 août garde une trace malheureusement bien vague de ces négociations : « J e suis bien fâché de n'avoir pu vous renvoyer votre acte hier, mais je l'avais donné à quelqu'un pour dresser une convention entre nous ». Périer ajoute qu'il compte bien voir d'Auxiron le lundi suivant 6 . La Haye, le 11 octobre 1776, prodigue les encouragements à d'Auxiron, le personnage est en relations avec Périer, mais n'éprouve aucune sympathie pour lui : « J e vous suis bien obligé, Monsieur et bon ami, de m'avoir donné de vos nouvelles. J ' a t t e n d a i s des lettres de M. Périer pour vous faire p a r t de ce qu'il a dans l'âme. Comme je n'en reçois point, je présume qu'il est en Angleterre. Mais quelque lieu qu'il habite, soyez bien certain que nous sommes en é t a t de lui faire voir plus de pays qu'il ne pense. J ' a i bien mis dans ma tête que ni vous ni moi ne 1. Besançon 1786, f. 135. 2. Archives de l'Académie des Sciences, registre des séances pour cette date. 3 . B O U C H A R Y , op. cit., passim; M . B E L G R A N D , Les travaux souterrains de Paris, III, première partie : Les eaux. Première section : Les anciennes eaux, Paris, 1877; voir chapitres xvi et xvii, pp. 318 et 383 (d'après les registres du Bureau de la Ville et les Archives Nationales, séries F et H). 4- Besançon 1786, fî. 33-345. Besançon 1786, fï. 257-59. 6. Besançon 1786, f. 225.

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serons ses dupes, soyez tranquille, au renouvellement de l'année je me propose de lui tailler de la besogne » 1 . Malheureusement, deux semaines après, le Bureau de la Ville approuvait le projet Périer 2. Trincano écrivant à d'Auxiron le 3 novembre 1776 reste dans le vague, volontairement peut-être : « Je ne puis, Monsieur et cher ami, vous rien apprendre de nouveau au sujet de votre projet des eaux... M. Decourchamp arrivera le 18 de ce mois, mon fils l'a prévenu que si les protections de M. Périer pressaient trop, vous seriez obligé de chercher des protections étrangères et de prendre des engagements pour les contrebalancer » 3 . Le 7 février 1777, les patentes étaient accordées à Périer 4. D'Auxiron n'abandonna pas la partie. « Laissons arriver le sieur Périer, écrit La Haye le 3o avril. J'ai été ce matin chez lui, il est encore à Londres, on l'attend ces jours-ci. Je le pratiquerai alors et je vous promets de le chauffer comme une pompe à feu » 5 . En fait, le 8 août d'Auxiron, comme il nous l'apprend dans une lettre datée du i e r octobre, suspendit toutes relations avec Périer. Celui-ci, fort de son privilège, n'offrait plus de racheter quoi que ce soit et d'Auxiron va envisager de s'engager dans la voie de la procédure 6. Les ultimes tentatives de transactions échouèrent vers la fin d'août, comme nous l'apprennent les lettres de La Haye 7 . Celui-ci écrit le 26 : « Hâtez-vous, mon cher ami, de me renvoyer votre mémoire, si vous le trouvez bien, ou avec les observations que vous aurez jugé à propos d'y faire. Il me le faut absolument jeudi prochain, vous n'avez pas une minute à perdre ni moi non plus. Il faut que je le fasse copier pour le communiquer au sieur Périer. S'il ne se rend point et ne passe pas par les arrangements que je lui proposerai, il faudra que, comme on dit, la gueule du juge en pète ». Quatre jours plus tard : « M. Périer s'est rendu chez moi jeudi dernier, a entendu la lecture de votre mémoire. Il prétend que s'il l'avait fait lui-même il n'aurait pu le faire plus à son avantage. Il dit aussi que vos prix sont beaucoup trop bas, que l'entreprise sur ce pied serait ruineuse, comme si en voulant donner des eaux à tout Paris il n'en restait pas seulement à boire pour l'entrepreneur ». L'affaire dura quelques mois, à peu près autant que ce qu'il restait à d'Auxiron de temps à vivre. En vain l'aubergiste Gouffier, chez qui d'Auxiron descendait lorsqu'il venait à Paris, et qui était le frère de sa logeuse et servante à Achères, l'assurait-il encore le 21 février 1778

1. Besançon 1786, f. 37. 2. B O U C H A R Y , op.

cit.,

p.

4o.

4 - B O U C H A R Y , op. cit.,

p.

il.

3. Besançon 1786, ff. 35-36.

5. Besançon 1786, f. 42. 6. Besançon 1786, f. 269. 7. Besançon 1786, ff. 4° et 44-

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que sa cause contre les Périer, suivant son procureur, était bonne Le mars, La Haye, désolé, se voyait contraint d'annoncer que t o u t espoir était perdu. A attaquer une patente délivrée par le Conseil du Roi, et compte tenu des protections puissantes dont disposait Périer, d'Auxiron risquait, de l'avis des meilleurs avocats, non seulement d'être débouté, mais encore de se voir condamner à de forts dommages et intérêts 2 . C'était le coup de grâce pour d'Auxiron qui mourut treize jours après, le 27 mars 1778- (< Ce qui a causé la mort dudit sieur d'Auxiron est une attaque d'apoplexie sanguine qui a procuré une extravasation de sang aux parties supérieures et à toute l'étendue du dos », déclara le médecin Grandhomme, chargé d'examiner le cadavre au domicile du défunt, au village d'Achères, à deux lieues de Saint-Germain 3 . Le 9 avril, le fidèle Goufïier transmettait à Jean-Baptiste d'Auxiron un récit de la mort de son frère; il tirait ce récit d'une lettre de M m e Baubard, la servante de Joseph d'Auxiron, qui avait assisté à ses derniers instants et qui, comme nous l'avons dit, était sœur de Goufïier. « Le chagrin plus que toute chose aura accéléré sa triste fin. Il était venu à Paris le a5 février et f u t pendant quelques jours d'une tristesse considérable, occasionnée par les mauvaises nouvelles que lui avait données son procureur, touchant son affaire avec le Périer. Deux ou trois jours après il revint de chez son procureur avec un air de satisfaction, disant que t o u t avait changé de face à son avantage ». A ce moment M m e Baubard reçut la nouvelle du prochain retour de son fils, depuis longtemps en voyage. Cela signifiait pour d'Auxiron la perte de sa servante et de son appartement. Dans l'état où il était, il n'en fallait pas plus pour accélérer l'issue fatale. (Cette nouvelle) « parut lui faire une révolution et il a éprouvé ce jour-là à dîner un vomissement subit et considérable. Cependant il a paru assez gai et tranquille jusqu'au 8 mars, qu'il est parti sans nous dire adieu et indisposé... Depuis ce temps sa santé, ainsi que nous l'écrit ma sœur Baubard, paraissait se rétablir, lorsque le 27 mars dernier sur les 6 heures du soir il sentit par une succession rapide des douleurs au cou, ou coude, car nous n'avons pas bien pu lire cet endroit du détail qu'en fait ma sœur, puis à l'estomac et aussitôt une colique violente. A ce dernier accès il voulut se jeter à bas du lit, et il n'était déjà plus ». Quelques précisions pénibles contenues dans la même lettre ne font que trop voir à quel point de délabrement moral et physique les soucis qui l'accablaient avaient réduit d'Auxiron : « Il était convenu de prix avec ma mère à trois livres par jour pour la nourriture, qu'il mangeât ou non à l'hôtel, en égard à ce qu'il buvait beaucoup plus que dans le temps de votre séjour en cette ville, et à vingt sols par nuit, par rapport x. Besançon 1786, f. 278. 2. Besançon 1786, f. 46. 3. Scellés du 27 mars, Besançon 1786, fï. 281 sq.

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à une incommodité qui lui était assez ordinaire lorsqu'il était fort endormi... « Toute sa dette se monte à 240 livres i4 sols; que ne puis-je pour le triple encore lui racheter la vie ». Telle est la conclusion de cet aubergiste élégiaque, qui du reste a fort certainement eu recours aux bons offices de l'écrivain public 1 . L'avocat Jean-Baptiste d'Auxiron était un homme extraordinairement entreprenant et actif. Sitôt son frère enterré, il entreprit avec succès de reconstituer la société de navigation à vapeur, seule idée de l'inventeur défunt dont il pouvait encore tirer parti, puisque les Périer étaient maintenant officiellement propriétaires du projet des eaux de Paris 2 . « A peine mon frère l'officier a été mort, écrit l'avocat au chanoine d'Uzelle le 20 mai 1778, que les sieurs Périer, qui ont obtenu à son préjudice le privilège de fournir la ville de Paris d'eau à l'aide de pompes à feu et de mettre en exécution le projet qu'il en avait fait imprimer en 1765, ont fait enregistrer ce privilège au Parlement de Paris, habiles à lui succéder comme vous voyez. Il est dangereux, Monsieur le Comte, qu'ils ne cherchent également à envahir le privilège que votre protection avait ménagé à mon frère pour remonter avec les mêmes moyens les bateaux sur les fleuves et il n'y a pas de temps à perdre pour prévenir ce danger. « J e vous prie en conséquence, Monsieur, de vouloir bien voir Monsieur Bertin et de le prévenir que depuis le décès de mon frère, arrivé le 27 mars dernier, j'ai trouvé ici des personnes dans le dessein et en état de faire l'expérience du projet des bateaux sur le Doubs dans trois mois en petit et dans son étendue sur la Seine dans le cours de l'année, et d'obtenir de lui de laisser les choses en leur entier dans tout le cours de cette année, de manière à n'accorder le privilège à personne au préjudice des héritiers de mon frère, c'est-à-dire au nôtre, notre intention de ma sœur, mon frère et moi étant de nous porter héritiers bénéficiaires. « J e dois vous prévenir, Monsieur, que les personnes qui s'offrent à mettre en exécution le projet demandent d'avoir part à l'entreprise et d'y être associées pour un quart et d'avoir cinq sols de vingt qui forment la société. J'en fais part à M. d'Harambure et à M. de Follenay — pour le prier ainsi que je vous prie, Monsieur, de vouloir bien m'envoyer, ou à quelque autre, procuration pour traiter avec les nouveaux sociétaires, qui sont gens que je ne puis encore vous nommer parce qu'ils ne veulent point encore l'être, mais que vous verrez avec plaisir nouveaux sociétaires » 3 . 1. Besançon 1 7 8 6 , £. 4o3 sq. (original calligraphié sur beau papier grand f o r m a t , attaches rubans de soie, etc.). 2. L a Compagnie des E a u x sera constituée par traité de société en date du 2 7 août (Arch. Nat., Minutier Central, étude X X X , liasse 459). 3. Besançon, Bibliothèque municipale, manuscrit 1 7 8 7 , f. 7 8 (sera abrégé désormais par : Besançon 1 7 8 7 ) .

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Du même jour, dans la lettre écrite à d'Harambure : « J'ai l'honneur de vous faire part que mon frère l'officier est mort le 27 mars dernier et que je suis au moment de me porter son héritier bénéficiaire. Qu'ayant soumis l'examen de son projet de faire remonter les bateaux à l'aide de pompes [à feu] à des gens instruits, [ceux-ci] l'ont trouvé fort raisonnable, et en conséquence qu'il se présente [des] gens connus et en état d'entreprendre l'ultérieure exécution du projet et qui s'y soumettent à leurs propres frais, risque, péril et fortune, pourvu qu'on les associe pour un quart à l'entreprise, c'est-à-dire qu'on leur cède cinq sols de vingt qui forment la société. « ... J'écris pour ce même sujet à Messieurs de Follenay et d'Uzelles et je marque à M. d'Uzelles que les sieurs Périer, qui ont obtenu un privilège au préjudice de mon frère pour mettre en exécution le projet qu'il avait fait imprimer en 1765 de fournir d'eau la ville de Paris à l'aide de pompes à feu, pourraient bien aussi tenter d'obtenir celui de faire remonter par le même moyen des bateaux, et qu'il ait la bonté d'obtenir de M. Bertin que les choses restent en leur entier toute cette année, parce que dans trois mois je ferai faire ici l'expérience à l'aide de personnes qui se présentent, et dans la fin de l'année sur la Seine, si vous, Monsieur, M. d'Uzelles et M. de Follenay cédez des actions aux personnes qui se présentent pour l'exécution ultérieure de l'entreprise » Jean-Baptiste d'Auxiron avait tort de tant se méfier de Périer. Celui-ci était trop occupé pour lors à découvrir en Angleterre les machines à vapeur du nouveau système et à en acheter une à W a t t en février 1779, qui sera mise en route à Chaillot en août 1781, pour se soucier beaucoup d'essais de bateau à vapeur en Franche-Comté. Pendant cinq ans environ, il n'interviendra pas. Lorsqu'il réapparaîtra, à la fois comme expert délégué par l'Académie, et comme seul constructeur valable de machines à vapeur existant en France, les rapports qu'il aura avec Jouffroy d'Abbans seront bons, mais la vieille défiance de Jean-Baptiste d'Auxiron, reparaissant avec toute sa vigueur provoquera entre Jouffroy et les autres associés, d'Auxiron à leur tête, une rupture qui empêchera toute réalisation utile. C'est sans doute déjà à Claude de Jouffroy que d'Auxiron fait allusion dans ses lettres de mai 1778. Suivant certains renseignements transmis par Prost, Jouffroy appartenait depuis le 2 mai 1768 à la loge La Sincérité à Besançon, il y était devenu maître en 1777 et avait pu y rencontrer Joseph d'Auxiron ainsi que Follenay 2. On conserve une note qui semble émaner de ce dernier et raconte comme suit le début des relations : « M. de Jouffroy étant chez son père à Abbans, que je voyais souvent, m'ayant paru fort appliqué et désirant acquérir des connaissances en mécanique, me proposa de 1. Besançon 1787, f. 80. 2. J.-C.-Alfred P R O S T , Le marquis de Jouffroy d'Abbans, inventeur de l'application de la vapeur à la navigation, 2 e édition, Paris, 1890, p. 271-272.

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construire sur le D o u b s une petite m a c h i n e à feu pour essayer s'il p o u r r a i t réussir à en construire une pareille à celle de f e u M. d ' A u x i r o n . A p r è s s'être occupé de cette petite m a c h i n e près d ' u n an, il a cru être en é t a t de remplir les v u e s du g o u v e r n e m e n t , qui a v a i t promis à M. d ' A u x i r o n u n privilège exclusif en cas de succès. Je proposai en conséquence à M. d ' A u x i r o n , héritier des droits de son frère », etc. \ Il y a v a i t une parenté, lointaine à v r a i dire, entre les J o u f f r o y d ' A b b a n s et le chanoine J o u f f r o y d ' U z e l l e . D a n s la seconde moitié du x v e siècle, une b r a n c h e J o u f f r o y - G o n s a n s s'était d é t a c h é e des J o u f f r o y d ' A b b a n s . D e cette b r a n c h e J o u f f r o y - G o n s a n s , s'était détachée, dès la première moitié du x v i e siècle une b r a n c h e J o u f f r o y - N o v i l l a r s , d o n t u n c a d e t a v a i t été au milieu du x v n e siècle, la souche des J o u f f r o y d ' U z e l l e . L e cousinage, on le v o i t , é t a i t donc f o r t éloigné, p u i s q u ' à la fin du x v i n e siècle les Uzelle et les A b b a n s é t a i e n t séparés depuis trois cents ans 2 . Néanmoins, le chanoine d ' U z e l l e é t a n t m o r t en 1779, c e t événem e n t e u t pour résultat de rendre J e a n - B a p t i s t e d ' A u x i r o n particulièr e m e n t f a v o r a b l e à une association a v e c J o u f f r o y d ' A b b a n s . N e d o u t a n t pas que les Périer ne continuassent à m a n œ u v r e r fort a c t i v e m e n t (en quoi il a v a i t , semble-t-il, t o u t à f a i t tort), il écrit v e r s cette d a t e ( 1 7 7 9 ou 1780) qu'il f a u t , pour déjouer les m a n œ u v r e s des Périer qui o n t « f a i t une petite m a c h i n e », représenter a u ministre « q u e la m o r t de quelques associés et de l ' a u t e u r ont retardé l ' e x é c u t i o n , mais que leurs héritiers supplient Sa M a j e s t é de faire repasser le privilège sur la t ê t e de M. le c o m t e de J o u f f r o y , cousin du c o m t e de J o u f f r o y d'Uzelles, u n des intéressés, qui seul a les plans et tous les renseignements p o u r construire la m a c h i n e » 3 . U n e lettre de F o l l e n a y en date du 11 m a i contient des idées t o u t à f a i t analogues ; le n o m de Périer reste et restera u n véritable épouvantail4. O n sait peu de chose des premiers essais de J o u f f r o y . L u i - m ê m e en a parlé très b r i è v e m e n t à d e u x reprises, la première fois dans une revendication de priorité contre D e s b l a n c , publiée en l'an I X . « Je viens à mon tour, fondé sur une a u t h e n t i c i t é i n a t t a q u a b l e , réclam e r c e t t e i n v e n t i o n qui m ' a p p a r t i e n t . M. B é r a r d fixe à 1780 l ' h o m m a g e q u e M. l ' a b b é d ' A m a i fit au g o u v e r n e m e n t de son i n v e n t i o n ; mais il est de t o u t e notoriété q u e lorsque l ' a b b é d ' A m a i fit à c e t t e é p o q u e l'expérience en petit, j ' a v a i s en 1778 f a i t à B a u m e - l e s - D a m e s , départem e n t du D o u b s , la m ê m e expérience d o n t les succès s ' é t e n d a n t de proche en proche mais sans éclat o n t p u donner à quelque personne l'idée de s'en approprier la première conception » 5 . 1. Besançon 1787, f. i32. 2. PROST, op.

cit.,

pp.

47-49.

3. Besançon 1 7 8 7 , FF. 82-86. 4- Besançon 1786, f. 241. 5. Lettre de revendication de Jouffroy publiée par le Grand Moniteur Universel, en date du 20 fructidor an I X , rééditée par PROST, op. cit., pp. 288-289.

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En 1816, Jouffroy revient sur le sujet non sans exagérer quelque peu l'originalité de ses essais. « Les machines à vapeur n'existaient point encore en France et nous ne les connaissions presque que par les descriptions des savants étrangers lorsque je conçus l'idée de les appliquer à la navigation. En 1779, j'avais déjà fait divers essais à ce sujet en Franche-Comté. Ces expériences m'ayant conduit à recueillir quelques heureuses applications des lois de l'hydrostatique, à découvrir les meilleures proportions à donner aux bateaux et aux machines et à établir d'une manière certaine, les calculs de leurs effets, je me déterminai » (suit la description des essais de L y o n ) 1 . Achille de Jouffroy publiera en 1839 une description circonstanciée de ce premier bateau, auquel il attribuera la date fantastique de 1776. Il se serait agi d'un propulseur à palettes oscillantes, sans aucun recours au mouvement rotatif. D'une manière générale Achille de Jouffroy est assez peu digne de confiance, mais il faut reconnaître que le mécanisme qu'il décrit ici est très vraisemblable 2. Le 18 janvier 1781, la promesse de privilège fut renouvelée par Joly de Fleury 3 . Puis Follenay, Jouffroy et d'Auxiron se rendirent à Paris où ils prirent leurs engagements réciproques par acte sous seing privé en date du 9 juin 4. Les actions furent distribuées sous signature de Jouffroy en date du 2 décembre 1781 5 . En janvier 1782 Jouffroy installa son chantier à Lyon, faubourg de Vaise 6 , et se consacra à la réalisation d'un bateau à vapeur dont il exposa les particularités dans un mémoire dont le brouillon est conservé, et semble faire suite au brouillon d'un autre texte plus général intitulé « Mémoire de M. le comte de Jouffroy pour Messieurs de l'Académie » 7 . Voici les passages les plus significatifs : « Les pompes à feu ont, comme chacun sait, un mouvement alternatif en sens contraire et leur effort n'a lieu que dans une seule direction. C'est par cette raison que pour obtenir une action ininterrompue, M. de Jouffroy s'est déterminé à placer deux cylindres à vapeur sur le bateau qu'il destinait à faire remonter les rivières. Les pistons de ces cylindres sont réglés de manière qu'ils agissent l'un après l'autre, c'està-dire que quand l'un monte l'autre descend. Ces deux mouvements se font en temps presque égaux et l'interruption de la force agissante doit être comptée pour nulle, puisque dans ces courts instants la machine agit par le mouvement acquis. 1. 2.

3. 4rées 5. 6.

7.

D ' A B B A N S , Des bateaux à vapeur, 1 8 1 6 , p. 9 . Achille de J O U F F R O Y , Des bateaux à vapeur, I 8 3 G , pp. 1 2 à 14. Besançon 1 7 8 7 , fi. 2 7 - 2 8 (copie ancienne). Besançon 1 7 8 7 , fi. 1 0 6 - 1 0 7 ; Besançon, Ac. Se. 325, pièces 33 et 38 (copies insédans des assignations postérieures à 1785). Besançon, Ac. Se. 325 (actions ayant appartenu à Follenay). J O U F F R O Y D ' A B B A N S , Des bateaux à vapeur, 1 8 1 6 , pp. 1 0 sq. Besançon 1787, ff. 137-138 et I45 V.-146. JOUFFROY

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a II y aurait eu de très grands inconvénients à placer les pompes à feu dans la direction accoutumée, c'est-à-dire dans une direction perpendiculaire. En conséquence elles ont été placées dans une direction inclinée de 20 degrés au-dessus de l'horizontale. Chaque piston agit sur une roue placée sous (sic) un arbre qui traverse le bateau suivant toute sa largeur. Cet arbre porte à son extrémité deux roues semblables en tout à celles des moulins, dont les vannes ne sont à proprement parler que des rames perpendiculaires. Le piston en redescendant imprime un mouvement de rotation à cet arbre, ce qui ne peut arriver sans que les vannes ne frappent l'eau et ne tendent à faire marcher le bateau. « Les deux cylindres de vapeur ont chacun 23 pouces de diamètre, ce qui donne une force de 6 36i livres et 11 onces 1 /2, dont nous citerons 2 /5 pour les frottements et les contrepoids (diminution mise ici plus forte qu'elle n'est en effet), il restera malgré cela 3 717 livres de force employée à faire tourner l'arbre de roues assorties de vannes ». Jouffroy estime encore la vitesse de son piston à 3 pieds par seconde. Les dimensions du "bateau étaient les suivantes : longueur i3o pieds (110 à la ligne de flottaison), largeur i4 pieds, tirant d'eau 3 pieds, diamètre des roues 120 pouces semble-t-il; les vannes avaient 6 pieds de largeur (dimension dans le sens axial) et tiraient 3 pieds d'eau. Enfin chaque piston agissait sur un levier de 16 pouces 1 . Pour la transformation du mouvement Jouffroy utilisait un système de crémaillères à dents mobiles a t t a q u a n t une lanterne placée sur l'arbre moteur — dispositif dont il a publié une gravure en 1816 et qui en fait était certainement assez peu différent de celui d'Auxiron. La machine avait été construite par des fabricants de Lyon nommés Frèrejean 2 . Le bateau f u t terminé dans l'été 1783 et Jouffroy exécuta quelques expériences réussies avec lui dans la première quinzaine de juillet. Considérant le succès comme acquis, la société se mit en devoir d'obtenir un privilège définitif, pour pouvoir entreprendre une exploitation commerciale. Le 10 juillet, Jouffroy rend compte à J.-B. d'Auxiron d'une expérience au cours de laquelle le bateau avait « marché, viré de bord, etc. ». Bien que les Académiciens de Lyon qui se trouvaient à bord, en fussent restés « la bouche béante », ils refusaient une attestation de succès, à moins que l'examen du projet ne leur f û t renvoyé par le ministre. Ils éprouvaient un vif sentiment d'infériorité vis-à-vis de l'Académie des Sciences de Paris et, se défiant sans doute de leur propre compétence, ils craignaient de se compromettre en manifestant un enthousiasme peut-être naïf. Jouffroy était d'avis de partir pour Paris 1. Quelques indications supplémentaires dans le mémoire imprimé en 1816, qu'on vient de citer (p. 83, n. 1), pp. i5 à 19 en particulier. 2. Ibid., p. 12.

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le plus r a p i d e m e n t possible, mais de n ' e m p o r t e r q u e la mécanique. Il estimait qu'il serait moins c o û t e u x de construire u n b a t e a u à Paris que de t r a n s p o r t e r jusque-là celui qui existait à L y o n Q u a t r e jours plus t a r d , J o u f f r o y annonce : « D e m a i n je fais u n e dernière expérience, après quoi je d é m o n t e le b a t e a u . . . Il m a r c h e t o u t seul a v e c une p o m p e , q u e peut-on vouloir de plus ». A p r è s s'être p l a i n t de la m a u v a i s e q u a l i t é de sa chaudière, faite a v e c du m a u v a i s c u i v r e , et a v o i r réfuté quelques critiques d ' A u x i r o n relatives a u x dimensions, t r o p grandes, selon ce dernier, des o u v e r t u r e s d'admission d'air v e r s le f o y e r et de la soupape de sûreté, J o u f f r o y a j o u t e ceci : « J ' a i envie d'aller le (il s'agit d ' u n des associés) rejoindre p o u r nous en revenir p a r N î m e s où j e verrais la p o m p e à f e u q u e Périer y a construite. S o y e z tranquille du côté de l ' a b b é d ' A r n a l , il n ' a pas u n actionnaire pour remonter les b a t e a u x et j a m a i s son p r o j e t ne pourra être mis à e x é c u t i o n , je tiens cela de source sûre 2 ». Il s'agit d ' u n e installation de moulins à v a p e u r , a v e c p o m p e s à feu a l i m e n t a n t des roues h y d r a u l i q u e s , q u i v e n a i t d'être faite à Nîmes. L ' a b b é d ' A r n a l en a publié lui-même une description où il rend longuem e n t h o m m a g e a u x Périer : « Mais, ni le zèle de MM. les Actionnaires, ni la justesse des combinaisons de l ' A u t e u r ne suffisoient p a s ; il falloit une P o m p e à feu, et des personnes expérimentées dans la construction de cette s a v a n t e et ingénieuse machine. Ces h o m m e s rares, si utiles à la société, et p a r là m ê m e si dignes d'éloges, o n t été MM. Périer frères, d é j à célèbres p a r d ' a u t r e s établissements utiles. E n t e n d u s en mécaniques de t o u t genre, mais surtout consommés dans l ' a r t des Machines à feu, ils p e u v e n t se féliciter de les avoir portées à u n degré de perfection inconnu j u s q u ' à ce j o u r : aussi le succès de celle qu'ils ont établie à Nîmes, ne laisse plus rien à désirer. « M. l ' a b b é d ' A r n a l doit rendre cette justice a u x talents distingués de MM. Périer, c o m m e il l'a rendue au zèle p a t r i o t i q u e des bons c i t o y e n s qui ont secondé son p r o j e t 3 ». L a m a c h i n e fournie à l ' a b b é d ' A r n a l est p r o b a b l e m e n t une des t o u t e s premières machines à condenseur q u e la m a n u f a c t u r e de Chaillot ait produites. O n a v u que la p o m p e de Chaillot elle-même n ' a v a i t commencé à fonctionner q u ' e n a o û t 1781. C'est sensiblement d e u x ans après que les moulins de l ' a b b é d ' A r n a l entraient en a c t i v i t é . Certes oui, J o u f f r o y aurait eu grand p r o f i t à aller à Nîmes et à s'enquérir des caractéristiques techniques des machines e x é c u t é e s p a r Périer. Mais il ne d e v a i t faire cette d é c o u v e r t e décisive q u ' u n an plus t a r d — et ce sera trop t a r d . Le

i 5 juillet, J o u f f r o y

exécuta

l'expérience définitive d o n t il fit

1. Besançon 1787, f. 48. 1. Besançon 1787, f. 5o. 3. L ' a b b é (I'ARNAL, Mémoire sur les moulins à feu, 1783, p. 8.

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dresser notoriété le 19 a o û t ; il « remonta en effet sans le secours d'aucune force animale et par l'effet seul de la pompe à feu pendant un quart d'heure environ ». A cette époque, tout le monde est d'accord sur la nécessité d'exécuter une seconde expérience à Paris : aussi bien J.-B. d'Auxiron le i 4 2 , que par exemple une associée demeurant à Ecully et qui écrit à ce dernier le 19 du même mois de juillet 3 . Toujours en agitant ce projet de départ pour Paris, voici qu'apparaissent sous la plume d'Auxiron, le 21, les surprenantes phrases que voici : « M. de Follenay ne croit pas non plus que ce soit par l'aspect de la machine de Nîmes mise en état par les Périer que vous pourrez consommer vos connaissances au fait de la machine dont il s'agit, mais par l'inspection de celle de Valenciennes, et d ' a u t a n t plus que MM. Périer eux-mêmes, pour donner de l'activité à celle de Paris, ont été obligés d'avoir recours à M. Mathieu, préposé à celle de Valenciennes, qui est venu à Paris rectifier leur ouvrage dont ils ne pouvaient tirer parti, faute de connaître les proportions qu'il fallait donner à la vapeur et à la manière de l'aménager pour y donner le mouvement continu » 4 . Follenay et d'Auxiron, égarés par leur malveillance envers Périer, se font ici l'écho de ragots invraisemblables. Sans doute un technicien de Valenciennes, région où il existait depuis cinquante ans des machines de Newcomen s , aura-t-il été amené à prêter son concours au montage de la machine de Chaillot où sa familiarité avec la routine des pompes à feu alors classiques aura pu être d'une grande utilité. Mais de là à considérer les Périer comme des incapables, il y a un abîme que Follenay et d'Auxiron, égarés par la passion, franchissent avec trop de facilité. L'année suivante, Jouffroy comprendra combien il a perdu à n'être pas entré en relations immédiates avec Périer et il se retournera alors, furieusement, contre ceux qui avaient contribué à l'égarer. En attendant, on forma un dossier pour solliciter l'octroi du privilège définitif. Ce dossier devait comprendre outre l'attestation en forme du 19 août, un mémoire à peu près identique au texte conservé par les deux brouillons dont nous avons fait état plus haut. Envoyées au Contrôleur Général, ces pièces furent transmises pour examen à l'Académie des Sciences. On trouve dans le registre de celle-ci à la date du 22 novembre 1783 : « Mémoires sur les pompes à feu de M. de Jouffroy, commissaires MM. le chevalier de Borda, l'abbé Bossut, Cousin et 1. Il s'en trouve une expédition authentique dans le dossier du brevet du 23 avril 1816 (Paris, Archives de l'Institut National de la Propriété Industrielle). J O U F F R O Y l'a éditée en 1816 dans son mémoire Des bateaux à vapeur, p. 1 des pièces justificatives. Achille l'a donnée à nouveau en i83g, p. 57. 2. Besançon 1787, f. 343. Besançon 1787, f. 73. 4- Besançon 1787, f. 36. 5. Voir dans les publications de l'Académie des Sciences le compte rendu de deux voyages faits par Lavoisier dans cette région en 1770, et au cours desquels il examina plusieurs machines à vapeur (Hist. Ac. Se., 1771, p. 18 des Mémoires).

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Périer » x . E11 date du 20 décembre, le plumitif porte ce qui suit : « MM. Borda et Périer ont rendu compte de la machine à feu de M. le comte de Jouffroy. Attendre des expériences » 2. L e 31 janvier 1784, le Contrôleur général Calonne retourne tout le dossier à Jouffroy, ajoutant : « Il a paru que l'épreuve faite à L y o n ne remplissait pas suffisamment les conditions requises; mais si, au moyen de la pompe à feu, vous réussissiez à faire remonter sur la Seine l'espace de quelques lieues un bateau chargé de 3oo milliers, et que le succès de cette épreuve soit constaté à Paris d'une manière authentique, qui ne laisse aucun doute sur les avantages de vos procédés, vous pouvez compter qu'il vous sera accordé un privilège limité à quinze années » 3 . L e détail des conditions imposées à Jouffroy émane certainement de l'Académie, c'est-à-dire de Borda et Périer. Bien loin de trouver ce verdict scandaleux (comme le fera plus tard son fils Achille, qui y verra un résultat de l'hostilité jalouse de Périer), Jouffroy se mit simplement en devoir de se procurer les moyens matériels d'exécuter l'expérience requise. Les actionnaires délibèrent le 5 février 1784 un appel de fonds de 25o livres par action, soit 60 000 livres en tout 4 . C'est sur ces entrefaites que Jouffroy entra en relations avec Périer. Tout détail nous fait défaut sur les circonstances de cette rencontre. Jouffroy comprit immédiatement le profit immense qu'il aurait à utiliser les nouvelles machines, et il présenta Périer à sa société au début d'avril 1784. Cet événement ne nous est malheureusement connu que par des pièces de procédure qui ne font pas allusion aux détails techniques. Il ne semblera pourtant pas douteux qu'on puisse dater de ce printemps de 1784 la découverte par Jouffroy, chez Périer, de la machine à vapeur à condenseur séparé. En outre, Périer avait parlé du projet de bateau à vapeur au duc d'Orléans et celui-ci s'était déclaré prêt à mettre 4o 000 livres dans l'entreprise. Périer se contentait quant à lui de 6 deniers dans la société, c'est-à-dire 6 actions, puisque l'affaire était divisée en 240 parts 5 . Pour des raisons que nous ignorons, le projet d'association ne se réalise pas. Dès le 3 mai J.-B. d'Auxiron se demandait avec une certaine anxiété si Périer allait bien « fournir la ressource du premier prince du sang » 6 . De son côté Périer écrit le 24 août à une M m e de Saint-Paul, qui avait sollicité son avis avant d'acheter des actions, une lettre qui 1. Cette mention figure au f. 2 1 1 v. 2. Cette mention n'a pas été transcrite dans le registre; elle n'apparaît que dans le plumitif. L'une et l'autre furent publiées dès 1816 par J O U F F B O Y lui-même dans son mémoire Des bateaux à vapeur, p. 3 des pièces justificatives, d'après une copie conforme fournie par Delambre en date du 5 mars 1816. Achille a réédité ces textes en 1839, op. cit., p. 59. 3. Besançon 1787, fï. 27-28 (copie ancienne). Éditions : J O U F F R O Y , 1816, p. 4 des pièces justificatives; Achille de JOUFFROY, 1839, p. 60. 4- Besançon, Ac. Se. 325, pièce 38 (c'est une assignation en date du 9 mai 1792). 5. Ibid. 6. Besançon 1787, f. 42.

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sans être décourageante, témoigne bien que l'affaire est en état de stagnation : « J e ne suis point chargé de l'exécution de la machine de M. de Jouffroy pour remonter les b a t e a u x ; je n'ai connu cette machine que parce que j'ai été chargé par l'Académie de donner mon avis. Il est bien vrai que M. de Jouffroy m ' a demandé de l'exécuter, mais je n'ai pas entendu parler de lui depuis longtemps. « Si vous me demandez, Madame, ce que je pense sur le succès de cette machine, je vous dirai que la théorie indique qu'elle doit réussir, et qu'il y a moitié gain à remonter les bateaux par le feu, mais il ne f a u t point vous cacher qu'un premier essai et même qu'une première machine peuvent fort bien n'avoir point de succès; et si en conséquence M. de Jouffroy n'a pas calculé très largement ses dépenses, il s'expose à être arrêté dans ce projet, qui est véritablement très utile et très susceptible de donner des bénéfices » S'il f a u t en croire la version des faits présentée par Jean-Baptiste d'Auxiron au cours des débats ultérieurs, « les choses restèrent dès lors dans une stagnation complète jusqu'au mois de janvier 1785, que M. de Jouffroy se rendit à Paris auprès du sieur Périer, non pas pour le prier d'engager M. le duc d'Orléans à verser 4° 000 livres en caisse, conformément à la lettre que les suppliants lui avaient écrite le 24 avril précédent, mais pour le prier de suppléer à son incapacité et de construire la machine en son lieu et place, et pour concerter avec lui un appel de 100 000 livres de fonds » 2 . En effet, après cette période d'inaction dont la raison nous échappe et qui s'était prolongée pendant toute la seconde partie de 1784, Jouffroy s'était à nouveau mis en rapports avec Périer. Celui-ci s'était probablement absenté un certain temps (peut-être avait-il à faire au Creusot?), car une actionnaire de Rennes, M m e de Maillé, écrivait à d'Auxiron le 9 janvier 1785 : « J e suis bien aise, monsieur, de savoir monsieur Périer de retour à Paris, j'espère que, sur la lettre que M. de Jouffroy a reçue de vous, il ne balancera pas un moment de s'y rendre et de s'occuper de notre affaire avec activité afin de réparer le temps perdu » 3 . Malheureusement les nouvelles que Jouffroy avait à transmettre n'étaient guère de nature à réjouir les associés. « Pour me confirmer aux intentions du ministre, écrit-il de Paris à d'Auxiron dès le 24 janvier, je vais m'occuper d'exécuter une nouvelle machine à Paris. M. Périer, entrepreneur de la machine de Chaillot, à qui je me suis adressé pour construire cette machine, ne s'en occupera point qu'il n'ait la certitude d'un fonds d'au moins 100 000 livres, t a n t pour les constructions que pour les expériences qui sont indispensables dans une entreprise aussi 1. Besançon, Ac. Se. 325, pièce 32 (copie ancienne). Édition : P R O S T , op. cit., pp. i43-i44 avec la date erronée du 28 août 1789 (quatre-vingt-neuf). 2. Besançon, Ac. Se. 325, pièce 38. 3. Besançon, Ac. Se. 325, pièce 3o.

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nouvelle » . Se basant sur cette exigence de Périer, dont il ne songe nullement à discuter la légitimité, Jouffroy demande un appel de fonds de 5oo livres par action, au lieu des 25o décidées en février 1784. Le 6 février, Périer lui adressera la lettre suivante, sans doute destinée à le mettre à couvert vis-à-vis des actionnaires : « E t a n t obligé de partir pour un petit voyage, ce ne sera qu'à mon retour que je pourrai avoir l'honneur de vous voir. Une machine aussi nouvelle que celle que vous proposez est exposée à des expériences et des changements qui nécessairement seront dispendieux. Je pense que cette dépense montera à 100 000 livres et je ne vous cache pas, monsieur, que je ne livrerai à l'exécution de cette machine que lorsque j'aurai la certitude que votre compagnie aura formé un fonds de 100 000 livres au moins. J e vous prie de croire, monsieur, que ce n'est point défiance de ma part, mais l'usage que j'ai des entreprises de ce genre, me fait vous conseiller, pour votre intérêt a u t a n t que pour le mien, de ne rien entreprendre que vous ne soyez assuré positivement de ce fonds que je regarde comme indispensable » 2 . En effet, à la date de cette lettre la rupture Jouffroy-d'Auxiron est déjà consommée. Dès le 3i janvier le second avait adressé au premier une véritable lettre d'injures; c'est sans doute cette déclaration de guerre qui avait incité Jouffroy à demander à Périer une lettre qu'il pût produire aux actionnaires pour motiver l'appel de fonds. « Quand en 1781 il f u t question de vous confier cette entreprise, écrit d'Auxiron, je vous demandai si vous vous croyiez en état de la suivre et consommer et vous me donnâtes votre déclaration par écrit que vous étiez en état de le faire. Je vous en crus et j'eus tort, puisque le Ministère et l'Académie des Sciences ont jugé que la petite promenade que vous aviez faite sur la Saône était fort éloignée de garantir le succès... Votre engagement (était) de mettre le bateau en état de remonter de ville en ville et non pas pour vous aider à la jactance et inutile parade d'aller du dessus du faubourg de Vaize à l'île Barbe, promenade t o u t à la fois bien courte et bien chère » 3 . 1. Besançon 1787, f. 542. Besançon, Ac. Se. 325, pièce 33 (copie insérée dans une assignation du 7 juillet 1785). Éditions : P a g u e l l e , op. cit., p. 275; P r o s t , op. cit., p. i 5 4 - i 5 5 . Prost a déclaré avoir vu l'original (Histoire d'un livre, 1890, p. 46). Il serait entré en relations fin 1887 avec Claude-François de Jouffroy, qui lui aurait remis une petite malle mesurant 78 X 34 X 26 cm, dans laquelle Jouffroy serrait ses papiers lorsqu'à la fin de sa vie il occupait une chambre à l'Hôtel des Invalides. Entre autres pièces Prost aurait trouvé dans ce coffre l'original de la lettre de Périer. On a, depuis, perdu la trace de ces documents. Les mss. 2 oo5 à 2 007 de la Bibl. municipale de Besançon, provenant d'une petite-fille de Claude de Jouffroy, Marie, ne contiennent pas cette lettre; elle ne faisait pas non plus partie des documents encore possédés par divers membres de la famille de Jouffroy et présentés en 1951 à l'exposition du bicentenaire. On croit savoir que tout un lot de documents provenant de Jouffroy a été détruit pendant les inondations de 1910. (Renseignement donné, sans garantie, par M. Charles Dollfus.) 3. Besançon 1787, f. 45.



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On se mit à plaider et l'on plaida pendant des années. Les procès seront encore pendants, lorsque Joufîroy émigrera. Sa route ne devait plus jamais croiser celle de Périer, aussi n'avons-nous pas à suivre le cours ultérieur de sa destinée. Simplement les lettres de Périer furent constamment utilisées par Joufîroy au cours des débats, pour justifier l'appel de fonds que les associés refusaient obstinément. Des écritures auxquelles ces procès donnèrent lieu, nous reproduirons encore pour terminer l'extrait suivant, relatif à Périer, d'un mémoire rédigé par Joufîroy; ses termes suffisent, croyons-nous, à infirmer l'hypothèse qu'entre les deux hommes ait pu exister quelque hostilité ou jalousie. « Pour répondre au sieur d'Auxiron au sujet de ce sieur Périer, il est à propos de reprendre quelques détails analogues (sic) à cette affaire. « Il est à Paris un sieur Périer entrepreneur de la machine de Chaillot, parfaitement instruit dans les mécaniques et des effets de la pompe à feu, qui a donné des preuves éclatantes de ses talents. Un homme de cette intelligence travaille tout (sic, pour : travaillant) sous les yeux du chef de l'entreprise ne pouvait être que très utile à la Société. M. de Joufîroy en fit part à ses associés, qui le prièrent de s'adresser au sieur Périer pour qu'il voulût prendre des engagements avec la société. Celui-ci, instruit des intentions des associés par une missive de M. de Joufîroy, lui fit réponse le 6 février 1785 comme est ces termes (etc.). « Cette missive indisposa furieusement les défendeurs, eux qui étaient déjà très embarrassés de faire face au traité de 1784 étaient moins en en état de contribuer une somme plus forte. C'est la raison pour laquelle M. d'Auxiron rejette le suffrage du sieur Périer, il a même dit au procès qu'il ne connaissait pas cet homme. « Il n'est pas nouveau de le trouver en contradiction avec lui-même. Pour lui prouver, il n ' y a qu'à jeter un coup d'oeil sur sa lettre du 24 avril 1784, où M. d'Auxiron écrivant à M. de Joufîroy commence ainsi sa missive : « J'imagine, monsieur, que M. Périer venant de Montigny, devant passer par Lyon, pourrait bien saisir cette occasion de vous voir. Son adoption à notre entreprise pourrait ce me semble aplanir toutes les difficultés que nous éprouvons pour en faire les fonds, ce serait de (ne) la faire qu'à condition d'y verser quarante mille livres. « M. d'Auxiron, qui est instruit des démarches et des voyages de celui qu'il nomme monsieur Périer, qui a souhaité l'avoir pour son associé à moins de cent mille livres n'y contribuer quarante mille livres de son argent » (il est impossible de redresser cette phrase) « n'est plus qu'un aventurier qu'il ne connaît plus, que l'on veut introduire dans une société sans l'aveu des associés. Ces déclarations s'évanouissent d'elles-mêmes, le sieur Périer ne devait travailler que sous l'inspection de M. de Joufîroy et du consentement des associés qui, e u x premiers et

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surtout M. d'Auxiron, désiraient beaucoup l'avoir pour associé » 1 . J o u f f r o y exagère sans doute un peu pour les besoins de la cause le « désir » d'Auxiron de s'associer Périer ; ce que d'Auxiron désirait surtout, c'était les 4o 0 0 0 livres du duc d'Orléans. Nous ne pouvons prendre congé de J o u f f r o y d'Abbans sans faire justice de quelques hypothèses hasardeuses relatives aux caractéristiques techniques de ses réalisations, ainsi que, question connexe d'ailleurs, à la date d'un modèle de bateau qu'on peut lui attribuer et qui est conservé au Musée de la Marine à Paris. Est-il possible d'abord que la machine du bateau de 1 7 8 3 ait eu un condenseur? Nous pensons que le déroulement même des relations entre Périer et Jouffroy exclut cette éventualité, avec la plus grande évidence. J o u f f r o y n'a connu la nouvelle machine qu'au début de 1 7 8 4 , il en a reconnu les mérites et a fait l'impossible pour s'en servir, ce qui signifiait une association avec Périer. Mais de 1 7 8 1 à 1 7 8 3 il n'en avait pas encore la moindre idée 2 . On doit du reste remarquer qu'Achille de J o u f froy, décrivant en 1 8 3 9 le bateau de L y o n , se réfère explicitement à une machine de Newcomen. Il parle en effet de l'ouverture du robinet d'injection, détail caractéristique et qui indique que la condensation s'opère par projection d'eau froide à l'intérieur du cylindre. Malgré le peu de crédit que mérite en général cet auteur en ce qui concerne la 1. Besançon 1787, f. 3o6 v° (écritures de production du 21 novembre 1791). — Quelque aigreur contre Périer n'apparaîtra chez Jouffroy qu'en 1816 (on trouvera plus loin, p. 93, n. 1, une lettre de Jouffroy d a t a n t de 1802 et où celui-ci parle de Périer en termes très modérés) ; c'est qu'alors J O U F F R O Y accusera l'ingénieur parisien d'avoir communiqué à Fulton les dispositions du bateau essayé à Lyon en 1783 (Des bateaux à vapeur, 1816, p. 20). En fait les bons résultats obtenus par Fulton proviendront tout simplement de ce qu'ayant reconnu l'importance primordiale du moteur, il ne négligera pas de se procurer les machines à vapeur les plus perfectionnées possible. Il est d'autant plus regrettable que Jouffroy n'ai pu en 17841785 réussir à obtenir une machine de Périer. 2. Il a précisé lui-même dans son mémoire de 1816 qu'il avait travaillé dans l'isolement le plus complet : « Je laisse à apprécier au gens de l'art les difficultés que j'eus à surmonter pour construire, sans ateliers convenables, sans ouvriers exercés à ce genre de travail, et m'aidant de simples descriptions, une machine à vapeur de telles dimensions ». En fait de descriptions il n'existait alors de facilement accessibles à un provincial que celles de la machine de Newcomen, figurant dans l'Architecture Hydraulique de B É L I D O R et dans l'Encyclopédie; on peut être sûr que Jouffroy n'a pas puisé à d'autres sources, on pourrait tout au plus y ajouter le Cours de Physique Expérimentale de D É S A G U L I E R S , traduit de l'anglais en 1 7 5 1 ainsi que le recueil des machines approuvées par l'Académie des Sciences. La première description de machine à vapeur à condenseur qui ait été rédigée en France est le rapport de Coulomb sur la machine de Chaillot, qui date de 1783 et demeura enfoui à l'état de manuscrit dans les archives de l'Académie, où il est resté inédit jusqu'à aujourd'hui. Quant à la première description imprimée en France de la machine à condenseur, elle ne parut qu'en 1790 dans le premier volume de la Nouvelle Architecture Hydraulique de P R O N Y , qui précisément se documentait dans les papiers de l'Académie. On voit donc que, même en l'absence des renseignements apportés par les documents de Besançon, il pourrait déjà sembler hautement improbable que Jouffroy ait pu connaître le condenseur au moment où il préparait ses essais de 1783.

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chronologie et les diverses contributions particulières (il a ignoré à peu près complètement d'Auxiron et croit que la machine de Chaillot existait déjà en 1775), il f a u t reconnaître que sa description de la mécanique du bateau de son père est d'une précision et d'une vraisemblance qui forcent en quelque sorte la confiance Sur un autre point, c'est Jouffroy lui-même qui nous répondra. Prost a eu l'idée invraisemblable de lui attribuer l'invention de la machine à double effet 2 . Or celle-ci n'a été introduite en France par Périer qu'en 1790, lors de la construction des moulins de l'île des Cygnes, à la suite d'un rapport présenté à l'Académie en 1789 par Bétancourt, qui avait observé la nouvelle machine en Angleterre. Ce point est étudié ailleurs. Or il se trouve qu'en 1 8 0 1 - 1 8 0 2 , Jouffroy rentré d'émigration, ayant eu connaissance des essais de Desblanc, essaya à nouveau de construire un bateau. Il entendait naturellement l'équiper d'une machine de rotation à double effet, bien connue en France à cette époque, et voici ce qu'il en écrivait à Follenay le 10 février 1802 : « J'étais prêt à faire mon dépôt (d'une demande de brevet) aux 900 livres près, mon cher Follenay, que nous n'avons encore pu nous procurer, quand Frèrejean de Lyon est arrivé ici. Il vint me voir le jour même de son arrivée, nous causâmes beaucoup de l'affaire et il m'a paru content du modèle, mais il m'a fait p a r t de l'inquiétude qu'il avait sur la faculté de me livrer ma pompe à feu, ce qui n'est pas sans fondement. Voici le fait. Il y a quelque temps qu'ils étaient en marché pour construire une pompe à feu à double effet pour les mines de charbon de Rive de Gier près Lyon, quand on les prévint que Périer devait avoir un brevet d'invention pour ces mêmes pompes, et comme celle qu'ils se sont obligés de me livrer est à double effet, il me demanda de le conduire au département pour y vérifier le fait. Je fus avec lui chez M. Hannier, secrétaire-général; nous le priâmes de nous communiquer le catalogue des brevets d'invention et nous y trouvâmes ce qui suit : « Du 24 avril 1792, aux sieurs Périer frères, un brevet de i5 ans pour la confection de machines à feu de rotation et à double effet... « Vous devez penser que je dois être éclairci sur ces deux objets » (le second est le brevet Fitch, pour bateaux à vapeur, du 29 novembre 1 7 9 1 ) , « quoique dans le fond ils m'inquiètent peu, parce que la marche que je prendrai doit être telle, qu'elle ne m'embarasse pas. Ainsi je 1 . Achille de J O U F F R O Y , Des bateaux à vapeur, L 8 3 G , p. 18 : « L a machine du bateau de Lyon se composait de deux cyclindres de bronze accolés l'un à l'autre, ouverts par le haut... A l'extrémité inférieure de ces cyclindres, leurs fonds étaient réunis par une boîte de métal renfermant une tuile ou tiroir qui ouvrait et fermait alternativement le passage de la vapeur dans chaque eyclindre, et celui de l'eau d'injection ». Plus loin : « Toute communication de la vapeur au cylindre de droite avait cessé, et le robinet d'injection s'était ouvert de ce côté ». 2. P R O S T n'a pas craint de donner à son ouvrage Le marquis de Jouffroy d'Abbans... le sous-titre « Inventeur de la machine à vapeur à double effet et de rotation ».

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viens vous prier de vérifier ces deux faits sans vous précipiter et avec toute la prudence dont vous serez susceptible, et de me faire p a r t des éclaircissements que vous pourrez obtenir. « Le premier, celui de Périer, présente une difficulté qui est que, s'il a effectivement un brevet pour les pompes à feu à double effet, les Frèrejean ne pourront me livrer la mienne sans courir des risques d'amende et de confiscation, à moins qu'ils ne m'en livrassent les pièces en détail et que j'en fusse censé être le constructeur, et pour lors c'est moi qui encourrais les dangers. « Il paraissait persuadé que malgré t o u t privilège un particulier pouvait pour son usage construire une telle machine sans danger pourvu qu'il ne la vendît pas, mais j'ai peu de confiance à cette hypothèse; ce que je vous prie p o u r t a n t de vérifier. S'il en était ainsi, rien de plus aisé (que) de parer à tout inconvénient. Mais si cela n'est pas, et c'est ce que je pense, il f a u t d'autres précautions, et pour agir conséquemment il est nécessaire que vous vérifiez ce brevet d'invention et, s'il était possible, que vous vous procuriez une description du moyen que le sieur Périer a dû détailler dans sa demande. Il faudrait me l'envoyer pour que je puisse le comparer avec ma pompe à feu, et que je fusse dans le cas de faire les changements nécessaires, ou persister dans la forme que j'ai arrêtée. S'il résulte de vos recherches que je ne peux point employer une pompe à feu à double effet, j'en employerai une à simple effet pour le premier bateau seulement, sauf à traiter avec Périer pour ceux qu'on exécutera après le bateau d'expérience. Pour mille raisons je pense qu'il ne serait pas prudent de lui en faire la proposition auparavant. Vous voyez, mon cher Follenay, ce qu'il faut que vous fassiez pour ce premier objet. J e pense que M. Goiset peut vous être de la plus grande utilité. Je vous préviens que ma pompe à feu à double effet ne diffère de celle en usage que par sa situation : elle sera placée horizontalement. C'est une chose à laquelle vous devez avoir égard » On conviendra que ce n'est pas là le langage de quelqu'un qui aurait dès 1783 conçu ou même réalisé une machine à double effet. Du reste, si nous tenons pour assuré que Jouffroy a utilisé en 1783 une machine de type Newcomen, une remarque en découle : on ne sache pas qu'on ait jamais tenté d'appliquer le double effet à cette machine à condensation intérieure. Sans être sans doute radicalement impossible une telle disposition eût posé des problèmes de réalisation bien délicats. Jouffroy, dans une lettre du 4 mai, déclarera que grâce aux précisions de Follenay ses inquiétudes sont apaisées. Sans doute cela tient-il au fait que le brevet n'était que d'importation et de perfectionnement. Reste la question du modèle 2 . Est-il possible que ce soit celui que 1. Besançon, Ac. Se. 325, pièce 45. 2. Ce modèle est exposé au Musée de la Marine de Paris (Palais de Chaillot) sous l'étiquette suivante : « N° 5o6. — Projet de bateau à vapeur avec dispositions spéciales d'aubes. Paraît être le modèle du Charles-Philippe du marquis de Jouffroy d'Abbans, construit à Bercy en 1816. » Le Musée de la Marine ne possède sur cet

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J o u f f r o y aurait e n v o y é à Périer en 1784? A u r a i t e n v o y é , d i s o n s - n o u s . E n e f f e t les d o c u m e n t s o r i g i n a u x qui o n t é t é c o n s e r v é s n e f o n t n u l l e allusion à c e t épisode. Achille de J o u f f r o y seul en a parlé : « T o u t ce qu'il (Claude d e J o u f f r o y ) p u t faire, ce f u t d ' e n v o y e r en 1784 u n m o d è l e c o m p l e t , d a n s la proportion de s i x lignes p o u r p i e d d e s o n grand b a t e a u . Ce m o d è l e f u t adressé à MM. Périer frères e t d é p o s é chez e u x . D e p u i s c e t t e é p o q u e o n n ' e n a j a m a i s e u d e n o u v e l l e s e t o n n e sait c e q u e ce m o d è l e e s t d e v e n u » x . A d m e t t o n s le f a i t , sans d i s c u t e r ce qu'il y a d e p r o d i g i e u s e m e n t s o m m a i r e et i n e x a c t d a n s la l o c u t i o n « T o u t ce qu'il p u t faire ». D e u x o b s e r v a t i o n s s ' i m p o s e n t d'abord. L a première c o n c e r n e les d i m e n s i o n s . D a n s son m é m o i r e a u t o g r a p h e , q u ' o n p e u t considérer c o m m e la source la meilleure, J o u f f r o y i n d i q u e : l o n g u e u r i 3 o p i e d s h o r s - t o u t , largeur i 4 pieds, t i r a n t d'eau 3 pieds. A l'échelle d e 6 lignes p a r pied, ces d i m e n s i o n s d e v i e n n e n t 5 pieds 5 p o u c e s , 7 p o u c e s e t u n p o u c e et d e m i , r e s p e c t i v e m e n t , soit e n f i n en m è t r e s 1 , 8 7 7 3 ; 0,18949 e t o,o4o585. Si le b a t e a u d u Musée d e la Marine m e s u r e i , 8 5 m de l o n g u e u r , chiffre p e u différent d e 1,8773, il est en r e v a n c h e b e a u c o u p plus large e t b e a u c o u p p l u s p r o f o n d qu'il n e c o n v i e n d r a i t , ses autres d i m e n s i o n s é t a n t d e 0,80 X o,65 m . S e c o n d e o b s e r v a t i o n . D a n s son m é m o i r e i m p r i m é en 1816, J o u f f r o y objet aucune documentation qui permette de l'attribuer à Jouffroy. — Une exposition eut lieu en I95i à l'occasion du bicentenaire de la naissance de Jouffroy. Le bateau y f u t présenté avec la légende suivante : « N° 45. Modèle réduit du bateau à vapeur de Jouffroy. — 1,85 X 0,80 X o,65. — Bois et cuivre. — Exposé anonymement au Musée de la Marine pendant plus de cent ans, considéré aujourd'hui comme étant le modèle envoyé en 1784 à Périer par Jouffroy et que l'on croyait perdu. Il correspond à la description donnée par Jouffroy lui-même. Le mode de transmission à crémaillère se retrouve sur la maquette du modèle de Desblanc de 1804 ». (Bicentenaire de la naissance de Jouffroy d'Abbans, inventeur de la navigation à vapeur. Exposition 27 octobre-n novembre 1951, 52, rue de Bassano, Paris, p. 20.) Ce catalogue ajoute encore quelques références bibliographiques dont aucune ne renvoie à un document décisif. — Le modèle f u t étudié au même moment avec quelque détail par René T h é r y , « Jouffroy d'Abbans et la navigation à vapeur », Technique et Civilisations, 8-1952, vol. II, n° 2, pp. 55-62; conclusions analogues. — Il parut encore en 1958 à l'Institut National de la Propriété Industrielle à l'exposition « Un siècle de Progrès Technique: Brevets d'invention français iygi-igos », avec le n° 58 : « Modèle du bateau de Jouffroy d'Abbans ». M. Charles Dollfus ajoute en introduction (p. 66) : « Un fait important : Jouffroy ayant sollicité un privilège pour la navigation sur les rivières de France envoie pour examen à l'Académie des Sciences en 1784 un magnifique modèle fonctionnant de bateau à vapeur qui a été retrouvé et identifié au Musée de la Marine où il figure sous une étiquette erronée. » En fait nul document n'indique l'envoi d'un bateau à l'Académie. L'attribution à Jouffroy et la date de 1784 ne sont étayées que par la phrase d'Achille relative à l'envoi d'un bateau à Périer en 1784, et la ressemblance générale de la machine du modèle avec le mécanisme esquissé sur la gravure publiée dans le Journal des Maires en 1816 (cf. p. 94 n. 1 et p. g5 n. 2). Autant l'attribution à Jouffroy parait vraisemblable, autant la date de 1784 soulève de difficultés. 1. Achille de J o u f f r o y , Des bateaux à vapeur, 1839, p. 24-

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déclare expressément qu'après avoir songé à équiper son bateau d'aubes mobiles il a renoncé à cette idée. Or le modèle du Musée de la Marine comporte des aubes montées sur pivot de façon à conserver constamment une orientation verticale 1 . Venons-en maintenant à un examen plus approfondi de ce modèle, et en particulier de l'appareil moteur. On constate aisément qu'il s'agit d'une machine à vapeur à double effet et à condenseur. Le cylindre, horizontal, est incorporé à la partie supérieure de la chaudière. La distribution se fait d'une manière primitive par un unique robinet à quatre voies. Le condenseur est constitué par une caisse cubique placée sous l'axe des roues. L'eau froide est admise par le fond du bateau, et la pompe à air débouche sur le flanc du bateau par un orifice percé un peu au-dessus de la ligne de flottaison, à peu près sous l'axe de la roue à aubes, côté gauche. Jouffroy a publié en 1816 dans le Journal des Maires une gravure reproduisant très grossièrement une machine de dispositions analogues, gravure intitulée « Plan et profil du bateau à vapeur exécuté par M. le marquis de Jouffroy à Lyon en 1783 ». Jouffroy considérait ce document comme valable, puisqu'il en a fait figurer un exemplaire dans le dossier de son brevet de 1816 2 . L'inventeur se trouve pourtant ici, en apparence tout au moins, en contradiction avec lui-même, car cette machine n'a rien de commun avec celle qu'il décrit dans le mémoire autographe relatif aux essais de 1783. 1. J O U F F R O Y D ' A B B A N S , Des bateaux à vapeur, 1816, p. 2 3 : « Ce n'est qu'après m'être bien convaincu que la meilleure disposition à donner aux rames était de les fixer autour d'un arbre, dans la direction du rayon, que je les ai construites ainsi. Bien qu'il m'ait paru qu'en rendant ces rames mobiles sur un ou plusieurs sens, ou même en leur donnant la facilité de descendre et de remonter quelques pouces on pourrait en retirer quelque augmentation dans l'effet, je me suis déterminé à les laisser fixes, ayant reconnu que les légers avantages qu'on pourrait se procurer par les changements ci-dessus ne compenseraient dans aucun cas l'augmentation du mécanisme et les inconvénients d'une complication essentiellement nuisible à sa solidité et à sa durée ». 2. Paris, Institut National de la Propriété Industrielle, dossier Jouffroy d'Abbans en date du 23 avril 1816 : « Plan et profil du bateau à vapeur exécuté par M. le marquis de Jouffroy à Lyon en 1783. — Gravé par J. Jamont de Bois-Cholet, graveur du Journal des Maires » (la gravure est extraite du n° 35 de cette publication, paru en 1816). La planche comporte 4 figures : « 1. Plan. — 2. Coupe longitudinale. — 3. Coupe transversale par l'axe des roues. —• 4- Détail de la double crémaillère à dents mobiles et de la roue à rochet. » Machine à chaudière horizontale avec foyer intérieur; le cylindre unique est horizontal et enfermé dans la chaudière. La tige du piston sort au-dessus de la porte du foyer et est attachée directement à un cadre formant la double crémaillère. A côté de la chaudière, pompe verticale pour le service de la machine (sans doute mauvaise représentation du condenseur avec sa pompe à air). Cette pompe prend son mouvement d'une tiraille horizontale. Cette tiraille actionne également au moyen d'une manivelle le treuil de l'ancre, dispositif prévu par Jouffroy (p. 16 de son texte de 1816) en vue de la remonte des rapides. Gravure très sommaire et de format réduit; la parenté d'inspiration avec la machine exécutée sur le modèle du Musée de la Marine est pourtant indéniable.

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Il faut essayer de lever cette difficulté. On peut y parvenir, croyonsnous, de la manière suivante. Dans les quelques textes qui nous restent de lui, Jouffroy affecte toujours ostensiblement de considérer comme l'essentiel de son invention les dispositions et les proportions de la coque et des roues à aubes. La structure du moteur à vapeur paraît lui sembler un aspect auxiliaire du problème qu'il avait à résoudre. Or la gravure de 1816 représente bien un bateau environ dix fois plus long que large et muni de roues aux deux cinquièmes de sa longueur vers l'avant — tels sont les points dont Jouffroy a souvent souligné l'importance On peut donc sans doute admettre qu'en faisant en 1816 représenter (d'une façon extrêmement sommaire du reste, il faut le souligner) la machine à vapeur non pas telle qu'elle avait été en 1 7 8 3 , mais telle qu'il entendait maintenant la construire, Jouffroy n'a pas cru commettre une inexactitude. Il nous reste à évaluer la date la plus vraisemblable du modèle conservé au Musée de la Marine. Nous avons déjà fait allusion à l'épisode de 1801-1802. A cette époque, Jouffroy a tenté de construire un navire, et a commencé des démarches en vue de solliciter un brevet, pour lequel on lui demandait de déposer 900 francs et un modèle. Cette demande de brevet n'a pas abouti (Jouffroy ne prendra un brevet qu'en 1816), probablement à cause de l'impossibilité de réunir 900 francs ; en revanche l'inventeur a effectivement construit un modèle en 1801-1802, ainsi qu'il ressort de plusieurs allusions contenues dans ce qui nous reste de sa correspondance en ces deux années. Le 24 décembre 1801, il écrit : « Comme on me demande un petit modèle, je travaille fort à celui que j'ai commencé, j ' y mets tous mes soins, j'espère qu'il satisfera tous ceux qui le verront ». Et il envisage ensuite de porter, avec son fils Ferdinand, le modèle à Paris lorsque celui-ci sera terminé 2. Le 3 janvier 1802 : « Je travaille au petit modèle et j'espère qu'il sera fait dans une quinzaine de jours. Je vous assure que je suis étonné qu'il avance autant, car il y a un ouvrage incroyable et dont la minutie nécessite beaucoup de temps. Je n'épargne aucun soin, parce qu'il faut qu'il soit bien fait; je préfère y mettre plus de temps et qu'il rende bien en apparence l'effet que doit produire la machine en réalité » 3. Le 21 janvier 1802 : « Je suis ici depuis quinze jours occupé à travailler; j e préfère rester à Abbans parce que j'ai la ressource de Marmillon. Il faut que je dépose mon modèle cacheté, plus 900 francs » 4 . Enfin le 10 février, dans la lettre que nous avons déjà citée plus haut, Jouffroy rappelons-le, annonce qu'il est prêt à faire son dépôt, ce qui 1. Voir notamment le mémoire imprimé de 1816, pp. l5-l6. Besançon, Ac. Se. 325, pièce 41. Édition : J.-C. Alfred P R O S T , Le

2.

2E éd.,

1890, p p .

161-162.

3. Besançon, Ac. Se. 325, pièce 42. P R O S T , op. cit., p. 1 6 2 . Original inconnu.

4.

marquis...,

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signifie que le modèle est terminé, mais qu'il ne réussit pas à trouver les 900 francs nécessaires. Il précise qu'il emploie la pompe à feu à double effet, placée horizontalement et note « Frèrejean de L y o n est arrivé ici... il m ' a paru content du modèle » Ainsi nous avons des témoignages formels que Jouffroy a entièrement construit dans l'hiver 1801-1802, et avec le plus grand soin, un modèle de bateau à vapeur avec machine à double effet à cylindre horizontal, et précisément un tel modèle est parvenu jusqu'à nous. N'est-il pas raisonnable de conclure à l'identité? Un seul détail pourrait sembler gênant. L a coque du bateau du Musée de la Marine, d'une exécution fort soignée, est décorée de frises, sculptées en bas-relief, dont un motif, reproduit un grand nombre de fois, peut difficilement passer pour autre chose que pour une fleur de lis. Pour royaliste à tous crins qu'il fût, Jouffroy ne se serait probablement pas permis cette plaisanterie en 1802. Mais la coque peut très bien être postérieure à la machine (dont elle est indépendante). Si Jouffroy a dû renoncer en 1802 à déposer son modèle, il a très bien pu, en 1816 par exemple, au moment où la famille royale s'est intéressée au lancement de son navire le Charles-Philippe 2 , faire exécuter une coque décorée de motifs de circonstance, pour offrir le modèle à quelque personnage officiel dont l'identité ne nous est pas connue. Une autre supposition pourra sembler encore plus plausible. C'est le f u t u r Charles X qui a accepté d'être le parrain du navire de 1816. Le même Charles X , onze ans plus tard, le 27 décembre 1827, créait au Louvre sous le nom de Musée Dauphin, un établissement qui est devenu depuis notre Musée de la Marine. Le nom de Musée Dauphin rappelle le rôle prépondérant joué par le fils du roi, Louis-Antoine, duc d'Angoulême et grand amiral de France, dans l'organisation du Musée. Si donc Jouffroy ne s'est pas dessaisi de son modèle en 1816, c'est en 1827 qu'il se sera fait une dernière joie d'offrir son bateau au Dauphin à l'occasion de la formation du Musée qui portait son nom.

1. Besançon, A c . Sc. 325, pièce 45. 2. E x t r a i t s de la presse de l'époque publiés par Achille de JOUFFROY, Des à vapeur, 183G, pp. 89-93.

bateaux

CHAPITRE

III

PÉRIER ET WATT : L'INTRODUCTION EN F R A N C E DE LA MACHINE A A

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CONDENSEUR

L'histoire de la Compagnie des E a u x de Paris, fondée en 1 7 7 8 par les Périer, est parfaitement connue. Pierre-Simon Girard dans la première moitié du x i x e siècle 1 , Belgrand dans la deuxième moitié du même siècle 2 l'ont étudiée, en la considérant surtout comme un service public de distribution d'eau. Bouchary en 1946 a analysé l'aspect financier de cette affaire 3 . Ce qui nous intéresse ici plus particulièrement, c'est la partie mécanique de l'entreprise, c'est-à-dire l'installation élé1. Pierre-Simon GIRARD, Recherches sur les Eaux publiques de Paris, Paris, 1812. Une seconde édition remaniée parut en deux volumes in-4°, respectivement en i83i et i843, sous le titre Mémoires sur le canal de l'Ourcq. Le second volume est posthume et comporte (pp. ni-vii) une notice biographique de Girard par le baron Dupin. Dans ce même volume l'histoire de la Compagnie des Eaux occupe les pp. 53 à 56 et 5g à 65. Documentation utilisée : registres de la Ville et les divers mémoires, libellés et rapports imprimés publiés à l'époque à propos de la Compagnie. Girard a publié : le texte complet des patentes accordées à Périer le 7 février 1777 (p. 2O3) et l'arrêt du Conseil d'État du 18 avril 1788 portant création de l'Administration royale des Eaux (p. 2I3). Girard ( 1765-1836) qui avait 24 ans en 1789, commença sa carrière cette année-là; il assista aux démêlés relatifs à la liquidation de la Compagnie des Eaux (BELGRAND, op. cit., note suiv., p. 358). C'est de Girard que provient une collection de papiers de Périer conservés à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris. Plus tard il participa à l'expédition d'Égypte, d'où il rentra l'un des derniers, et consacra le reste de sa vie au projet du canal de l'Ourcq (c'est en fait, déjà, l'objet de son ouvrage de 1812). 1. M. BELGRAND, Directeur des Eaux de Paris, Les Travaux souterrains de Paris, III, première partie : Les Eaux. Première section : Les Anciennes Eaux. Paris, Dunod, 1877. — L'histoire des pompes à feu occupe les chapitres xvi et x v n , soit pp. 3i8 à 383. Pour la première partie, Belgrand a surtout utilisé les registres du Bureau de la Ville, et pour la seconde un certain nombre de documents des Archives Nationales, séries H et F. Il réédite entièrement le prospectus de 1781 et donne de larges extraits du pamphlet de Mirabeau publié en 1786. 3. Jean BOUCHARY, L'Eau à Paris à la fin du XVIIIe siècle, Paris, 1946. — Histoire détaillée de la Compagnie des Eaux depuis les origines jusqu'à l'achèvement de la liquidation. Étude très complète. Bouchary signale la collection de papiers de Périer existant à la Bibliothèque Historique de Paris.

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vatoire établie au bord de la Seine dans l'espace actuellement délimité par le fleuve, l'avenue du Président-Wilson et la rue précisément dénommée « des frères Périer »; installation dont la forme originelle n ' a disparu que sous le Second Empire, et qui f u t célèbre, dès sa création, sous le nom de « pompe à feu de Chaillot ». La pompe à feu de Chaillot offre en effet ceci de particulier qu'elle a donné lieu à l'installation de la première des machines à vapeur à condenseur, du type alors récemment créé par W a t t , qui ait existé en France. Cet aspect proprement mécanique de la question n'a guère été évoqué que par Belgrand en 1877, par Eude en 1902, par Charles Ballot et enfin p a r les auteurs d'un article collectif sur la machine à vapeur en France au x v m e siècle paru en ig53 dans Techniques et Civilisations 1. Or les rapports ayant existé entre W a t t et Périer peuvent être décrits d'une manière que nous croyons plus claire et plus complète au moyen de deux sources de documentation peu exploitées jusqu'à présent. La première de ces sources est formée par les archives des entreprises W a t t et Boulton, aujourd'hui déposées à la Bibliothèque publique de Birmingham 2 . La seconde source n'est autre que les Archives de l'Académie des Sciences de Paris, qui contiennent, comme nous le verrons, un rapport contemporain (il date de 1783) sur les machines à vapeur à condenseur installées par Périer à Chaillot. E n t r a i t a n t des rapports qui ont existé entre Périer et d'Auxiron durant les deux dernières années de la vie de celui-ci, nous avons été amenés à rappeler les dates essentielles de la genèse de la Compagnie des Eaux. Périer n'était venu à bout de ses desseins que grâce aux puissantes protections dont il jouissait; dans un mémoire autobiographique qu'il semble avoir dicté vers la fin de sa vie, il ne dissimule nullement ce fait. Après avoir expliqué le rôle qu'il jouait auprès du duc d'Orléans vers 1775, Périer continue ainsi : « J e lui parlai un jour de l'idée que j'avais de fournir de l'eau à Paris p a r le moyen de machines à vapeur, ainsi que cela existait à Londres. Il goûta beaucoup cette idée et me promit d'en parler au roi et de demander au ministre de l'Intérieur les 1 . B E L G R A N D , op. cit.; Émile E U D E , Histoire documentaire de la mécanique française, Paris, 1902. Sur les frères Périer (le nom est orthographié ici Perrier), pp. 20, 69, 78, 80, 81, 82, 83, 266, 3o3, 3o4; brève notice biographique et portrait p. 79. Charles B A L L O T , L'introduction du machinisme dans l'industrie française au XVIIIe s., Paris, 1 9 2 9 , pp. 3 9 6 - 3 9 9 ; Maurice D A U M A S , Bertrand G I L L E , Roger G O U R M E L O N , Olivier de P R A T , « La machine à vapeur en France au X V I I I ® siècle », Techniques et Civilisations, n° 11-12 (vol. II, 1953, n° 5-6), pp. I52-I63. 2 . Ces documents ont été signalés par Paul M A N T O U X , La Révolution industrielle au XVIIIe siècle..., Paris, 1959, p. 321. L'ouvrage de John L O R D , Capital and Steam Power 1750-1800, Londres, 1923 (cité par M A N T O U X , ibid.) donne de précieux renseignements sur l'histoire de cette collection de documents (pp. v-viij) et produit bon nombre d'entre eux. Nous avons pu retrouver dans ces abondantes archives l'essentiel du dossier Périer grâce à l'extrême obligeance de M. Bertenshaw, du City Muséum and Art Gallery, Department of Science and Industry, Birmingham, à qui nous présentons ici nos vifs remerciements.

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autorisations dont j'avais besoin pour exécuter cette entreprise. Le prince a eu la bonté de faire toutes ces démarches et m'a fait obtenir des lettres patentes et toutes les autorisations dont j'avais besoin... J ' a i trouvé facilement dans mes amis et connaissances les membres de cette Compagnie, qui se firent honneur de contribuer à l'établissement désiré depuis longtemps et dont l'utilité publique était démontrée » 1 . Au départ, c'est-à-dire à la fin de 1775, ni Périer ni personne en France n'a la moindre idée de la révolution qui est en train de s'opérer en Angleterre dans le mécanisme de la machine à vapeur. La lecture du rapport rendu le 9 mars 1776 sur ce projet par l'Académie est particulièrement instructive 2 ; les possibilités de rendement des machines de Newcomen et elles seules y sont longuement discutées; il n'y a pas de différence, pas de progrès par rapport au texte donné cinq ans auparavant par Lavoisier dans les mémoires de l'Académie 3 . Cet état de choses, qu'il faut souligner, s'explique par la chronologie même des travaux de Watt. Rappelons-en brièvement ici la partie qui devait aboutir à la création de la machine à simple effet, et nous verrons que pendant dix ans, le degré de publicité de cette conception appelée par la suite à une si brillante célébrité demeura extrêmement réduit 4 . Watt avait certes conçu le condenseur séparé en 1765, mais il ne prit son premier brevet que le 9 janvier 1769. Il est alors associé avec Roebuck. Rien de décisif ne se fit jusqu'à 1773; à cette date la banqueroute de Roebuck délivre Watt, et c'est alors la formation de son association avec Boulton. Elle marque le commencement de la phase active. En 1774 Watt se fixe à Birmingham, apportant le modèle expérimental réalisé entre 1769 et 1773. Courant 1774, la machine se trouve au point. Le 22 mai 1775, une loi spéciale prolonge jusqu'à 1800 la durée du brevet de Watt et Boulton. Sur les instances de Boulton, Watt se décide alors à entreprendre enfin deux machines réelles : l'une de cinquante pouces de diamètre au cylindre pour les mines de Bloomfield, l'autre de trente-huit pouces pour la soufflerie des hauts fourneaux de John Wilkinson à New Yilley près de Broseley. Wilkinson, faut-il le rappeler, avait précisément fait breveter en 1774 une nouvelle machine à aléser les cylindres, qui donnait des résultats de beaucoup supérieurs à ceux qu'on obtenait auparavant (il continuera jusque vers 1795 à exécuter à Bersham presque tous les cylindres de Watt et Boulton). Les machines de Bloomfield et de Broseley commencèrent à fonc1. Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, ms. nouv. acq. 147, ff. 465 sqq. 2. Archives de l'Académie des Sciences, registre des séances, sous cette date. Voir en pièce justificative des extraits de ce texte. 3. LAVOISIER, Calculs et observations sur le projet d'établissement d'une pompe à feu pour fournir de l'eau à la ville de Paris. C'est le projet de Joseph d'Auxiron qui a donné lieu à cet exposé. 4- Tous les détails suivants sont empruntés à H . W. D I C K I N S O N , A short History of the steam engine, Cambridge, 1939, pp. 66 et suivantes.

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tionner au début de l'été 1776, soit onze ans exactement après la conception initiale de Watt. Le premier coup de piston donné à Bloomfield est daté du 8 mai. Dès la fin de l'année, les commandes se mirent à affluer, venant surtout des mines de Cornouailles. Quiconque a la plus légère connaissance des mœurs industrielles du x v m e siècle, jugera, croyonsnous, impossible qu'on ait pu, en France, avoir entendu parler du nouveau système avant une date assez avancée de l'année 1776. Préciser davantage reste actuellement encore difficile. Des informations existent certes sur divers contacts franco-anglais de ce genre en 1777 et 1778, mais il s'agit d'une documentation assez dispersée; en faire le tour nécessiterait de longues recherches, davantage justifiées sans doute dans le cadre d'une étude générale du problème de la vapeur en France au x v m e siècle. Voici, de cette période, une première esquisse établie à l'aide des documents connus mais souvent cités séparément par différents auteurs. Périer se trouva face à face avec au moins trois concurrents, dont aucun n'était de taille à soutenir la lutte : le comte d'Hérouville 1 , un Anglais établi en France et nommé Alcok 2 , enfin un concessionnaire des mines royales dans la région de Nantes nommé Jary. L'action des quatre personnages se superpose en 1777 et 1778, mais au début de 1779 Périer reste seul en scène et finit par l'emporter en traitant avec W a t t et Boulton dès le milieu de février. Quelle fut la marche des événements? C'est le a5 octobre 1776 que le Bureau de la Ville s'était prononcé en faveur du projet Périer, conseillant l'octroi d'un privilège à ce dernier 8 . Après cette décision, Périer se rendit en Angleterre. A son retour il écrivit à Amelot pour lui demander des lettres patentes. Il l'informait qu'il avait déjà pris des engagements avec les principaux manufacturiers pour la fourniture des matériaux qui lui seraient nécessaires et qu'il serait obligé d'importer d'Angleterre ; il faisait valoir que dans ce pays on lui avait demandé des actions de la future entreprise et qu'il avait déjà des promesses de souscription pour l'eau. Ces détails laissent croire que Périer avait déjà eu des contacts au moins avec John Wilkinson, qui fournira des tuyaux de fonte et 1. D'HÉROUVILLE s'intéressait à la machine à vapeur depuis 1758 au moins. A cette date il avait joué un rôle dans une tentative, qui n'aboutit du reste pas, en vue d'établir une pompe à feu aux mines de Montjean en Anjou (Machine à vapeur en France au XVIIIe siècle, p. i56 et note 22). A la même époque il songeait déjà à l'assèchement des Moëres, près de Dunkerque (ibid., notes 3I, 32). En 1759 il projetait de remplacer par 7 machines à feu la pompe Notre-Dame; il faisait établir en même temps le devis d'une machine à feu à installer dans l'île Saint-Louis. A la même époque il fit un voyage en Angleterre et en rapporta un plan de machine à vapeur. En mai 1765 et mars 1766 il présenta des projets de fournitures d'eau pour Paris (ibid., note 33, d'après BOUCHARY, op. cit., p. 22). Il n'y a plus de témoignages de son activité dans les dix années suivantes. 2. Par la suite Alcok s'occupa de manufactures de quincaillerie en France. Cf. BALLOT, Introduction 3. B O U C H A R Y , op.

du machinisme..., cit.,

p. 40.

pp. 482-483.

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sera actionnaire de la Compagnie des E a u x 1 . Or une lettre de Boulton à Watt publiée par Muirhead 2 nous conserve précisément le récit d'une entrevue entre Périer et Wilkinson; sans doute se place-t-elle en cette fin de 1776 qui coïncide avec le premier afflux de commandes en Angleterre, donc avec le moment où le nouveau système commence à connaître une large publicité. Voici en effet ce que Boulton apprend à Watt dans cette lettre. Périer avait vu Wilkinson pour la fourniture des tuyaux. Il était venu dans le dessein d'acquérir des machines ordinaires (de Newcomen), mais en voyant celles de Watt il avait été convaincu de leur supériorité. Il avait alors demandé à Wilkinson de lui en construire, mais sans se mettre en rapports avec Watt. Il jugeait cette formalité inutile puisqu'il était « hors de la juridiction » des ingénieurs anglais, c'est-à-dire hors du ressort judiciaire anglais. Wilkinson avait représenté à Périer qu'il s'exposait à des poursuites et que du reste l'honneur et l'intérêt l'empêchaient lui-même d'en user de la sorte. Wilkinson avait ensuite conseillé à Boulton, s'il avait affaire à Périer, de consentir à ce dernier des conditions avantageuses, précisément parce que l'ingénieur français se trouvait hors du ressort judiciaire anglais. Boulton avait répondu que Watt et lui-même ayant des amis en France étaient sûrs de la protection de la Couronne française. Du reste, Boulton jugeait Périer un très médiocre ingénieur. Plutôt que de ne pas aboutir, il lui semblait préférable de construire une ou deux machines pour Périer en ne montrant que des exigences modérées, mais en s'arrangeant de telle sorte que ce dernier ait intérêt à sauvegarder le droit de propriété de Watt et Boulton en France. Cette lettre donne, comme nous le verrons, la clef de l'attitude à la fois méfiante et accommodante que Watt et Boulton observeront envers Périer fin 1778-début 1779. Le 7 février 1777, Périer recevait son privilège 3 . Il repartit immédiatement pour l'Angleterre où il se trouvait encore le 3o avril 4. Si l'entrevue avec Wilkinson, dont il vient d'être question, n'a pas eu lieu à l'automne précédent, c'est en ce printemps 1777 au plus tard qu'elle doit se placer. En effet Boulton est alors au courant du projet des eaux de Paris. Le 2 avril il écrit à Panchard qu'il songe pour cette raison à solliciter un privilège pour la France; il flaire le débouché possible 5. D'autre part le principe du nouveau mécanisme n'avait pas été révélé aux étrangers; cela est prouvé par une lettre de Watt en date du 11 mai 1777. Watt 1. L O R D , op. cit.,

p . 2 1 2 ; B O U C H A R Y , op. cit.,

5 . L O R D , op.

p. 210.

p. i l .

2. MUIRHEAD, The life of James Watt, pp. 265-266. 3. Nous avons signalé note I que le texte est dans GIRARD, Mémoires sur le canal de l'Ourcq et la distribution de ses eaux, t. II, p. 2o3. 4- Besançon, Bibliothèque municipale, ms. 1786, f. 42; L a H a y e à J o s e p h d'Auxiron, 3o avril 1777 : « Laissons arriver le sieur Perrier. J ' a y été ce matin chez lui, il est encore à Londres, on l'attend ces jours-ci ». cit.,

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pense alors que même si les Français retrouvent par eux-mêmes le secret des nouvelles machines, ils seront de toute façon incapables d'exécuter des cylindres sans l'aide de Wilkinson 1 . C'est à ce moment, en juin 1777, qu'Alcok f u t envoyé en Angleterre par Trudaine. A son retour il ne manquera pas de prôner les nouvelles machines; les informations qu'il rapporte semblent avoir joué un rôle dans l'octroi du privilège français à W a t t et Boulton 2 . Périer fit peut-être encore un autre voyage en Angleterre au cours de 1777. Ses nombreuses allées et venues sont en tout cas un fait certain, car en 1810 dans son mémoire imprimé Sur les machines à vapeur, il fixera lui-même à cinq le chiffre de ses séjours en Angleterre 3 . Nous voyons ensuite que, renseignés par Alcok, le 23 janvier 1778, Macquer et Montigny, membres de l'Académie des Sciences, émettent un avis favorable sur les nouvelles machines. Ils conseillent au Bureau de la Ville d'en acquérir une, afin de remplacer la pompe du P o n t NotreDame, qui menaçait ruine. E n cas de nécessité le Bureau était d'avis d'accorder à Boulton et à son associé W a t t un privilège de 15 années 4 . Necker répondit un mois plus tard sur cet objet. Nous voyons à cette occasion rentrer en scène le comte d'Hérouville, qui s'intéressait depuis plus de vingt ans à la machine à vapeur. Il appuyait l'affaire du privilège de W a t t et Boulton, voulant à ce moment employer les machines à vapeur à l'assèchement des Moëres près de Dunkerque 6 . Necker se m o n t r a n t favorable à l'idée d'un privilège de quinze ans, celui-ci f u t accordé aux deux ingénieurs anglais par arrêt du Conseil du i4 avril 1778 6 . Nous verrons dans la correspondance ultérieure que W a t t et Boulton ne manquaient jamais d'attribuer à d'Hérouville le mérite de l'obtention de ce privilège. Dans le même mois d'avril 1778, apparaît le quatrième personnage, un certain J a r y , concessionnaire des mines royales dans la région de Nantes. W a t t et Boulton lui adressent alors — certainement à sa demande — leurs propositions pour une machine à vapeur 7 . De brèves allusions à J a r y se rencontreront encore par la suite, on ne sait trop ce qu'il f a u t penser du sort de sa machine, qui ne devait jamais arriver à destination. D'Hérouville avait un agent, Magellan, qui était du reste également correspondant de l'Académie (cf. rapport du 3 février 1776 cité plus haut). Fin avril-début mai 1778, il est en Angleterre et s'occupe auprès de W a t t et Boulton de la fourniture d'une machine à vapeur pour d'Hérouville; c'est toujours de l'assèchement des Moëres qu'il s ' a g i t 8 . 1. Ibid. 2.

BOUCHARY,

op.

cit.,

p.

43.

3. PÉRIER, Sur les machines à vapeur, Paris, Porthmann, 4. Ibid. 5. Technique et Civilisations, loc. cit., p. 157. 6. Ibid. 7.

L O R D , op.

8.

Lettre de Boulton du

cit.,

p.

1810,

p. 4-

210. 2

mai

1776,

citée par

LORD,

op. cit., p.

210.

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Mais voici que d'Hérouville vend les Moëres. En juin, il se tourne vers une idée de moulins à vapeur et demande aux Anglais de lui envoyer des plans. En août, nouvelle allusion à Jary, dans une lettre de B o u l t o n 1 ; il possédait déjà, paraît-il, une machine de Newcomen et voulait la remplacer par une machine du nouveau système. Un peu plus t a r d le même J a r y , après un voyage en Angleterre, décrivait à d'Hérouville vingt-sept machines déjà installées qu'il avait pu voir dans ce pays. Mais Périer était le mieux armé pour réussir. Ayant son privilège du 7 février 1777 en poche, et fort de toutes les relations splendides que lui valait sa familiarité avec les Orléans, servi par un caractère « à la fois insinuant et entreprenant » 2 , il avait formé le 27 août 1778 la puissante société connue sous le nom de Compagnie des E a u x 3 . Le 19 octobre suivant, les administrateurs lui donnaient procuration pour se transporter « en la ville de Londres et toutes autres villes d'Angleterre qu'il jugerait à propos ». Voici quels étaient les objets de cette procuration 4 ' : i°) Traiter avec le sieur Boulton de l'achat, soit de la nouvelle machine à feu de son invention, soit de celles des pièces les plus essentielles à la construction de la machine, qui ne peuvent être fabriquées en France. 2 0 ) Fixer dans l'un ou l'autre cas le prix des objets qu'il achètera, moyennant une somme à payer en une fois. Cette clause sera souvent mise en a v a n t dans les discussions avec W a t t et Boulton, car ils avaient l'habitude de traiter moyennant une redevance, comme on le verra un peu plus loin. 3°) « E t si ledit sieur Périer trouvait que ces prix fussent portés trop haut, faire avec les fondeurs d'Angleterre qu'il lui plaira des marchés pour la fourniture des cylindres et autres pièces propres à la construction des ... machines à feu suivant l'ancien principe. 4°) « Traiter pareillement avec le sieur Wilkinson ou t o u t autre fondeur pour la fourniture des t u y a u x de fonte nécessaire à ladite entreprise, de toutes les qualités et proportions convenables. 5°) « Faire en Angleterre tous les autres achats de modèles, instruments et autres objets utiles ou nécessaires à l'économie et à la perfection » de la Compagnie des Eaux, « prendre avec lesdits sieur Boulton et Wilkinson et ainsi qu'avec tous les fondeurs, marchands et autres, tels engagements que ledit sieur Périer avisera pour le payement des achats qu'il fera en vertu des présentes... E t attendu les offres faites audit sieur Périer par divers fondeurs établis à Liège, lesdits sieurs administrateurs l'ont autorisé à passer par cette ville en allant en Angleterre pour comparer les qualités de la fonte, les prix des matières et marchandises, frais de transports et autres dépenses y relatives, s'assurer des quantités que la Compagnie pourrait tirer en même temps de Liège et d'Angleterre, 1. Document cité par Techniques et Civilisations, loc. cit., p. i58. Notice sur la vie et les travaux de M. Périer, p. lxiv. 3. Archives Nationales, Minutier Central, étude X X X , liasse 45g, minute du 27 août 1778. 4. Ibid., liasse 460, minute du 19 octobre 1778. 2. DELAMBRE,

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si les fonderies de chacun de ces pays ne fournissaient pas à temps tous les t u y a u x dont elle aura besoin ». Nous ignorons tout de ce détour par Liège, Il semble bien que par la suite Périer n'ait pas été amené à traiter avec des fabricants liégeois. En tout cas c'est de Londres qu'il écrit à Boulton le novembre 1778 : « Je suis dans ce pays-ci depuis deux jours et j'apprends que vous êtes dans la province de Cornouailles. Si comme on l'assure votre projet est de venir dans cette capitale incessamment, je vous serais très obligé que ce soit le plus tôt possible, sans cependant déranger vos affaires. Je suis chargé par ma Compagnie de traiter avec vous de l'acquisition de deux machines à feu pour mon entreprise des eaux de Paris dont les t r a v a u x sont déjà commencés et comme cette entreprise me donne des affaires avec M. Wilkinson pour les t u y a u x de fer, je ne voudrais pas quitter cette ville sans vous voir » 1 . La correspondance ne reprend que le 7 janvier 1779. C'est alors la période d'âpres tractations qui aboutit à l'accord du 12 février. Il nous reste à la bibliothèque de Birmingham une trace de ces négociations sous forme d'un grand nombre de lettres et brouillons de lettres, notes et calculs. Il serait fastidieux de les analyser en détail et on n ' y apprendrait au fond pas grand'chose 2 . Il suffira de relever dans ce dossier ce qu'il y a de plus saillant sur l'évolution des discussions. W a t t et Boulton avaient une manière quasi invariable de traiter. Cette manière est bien connue, rappelons-la pour fixer les idées. Il f a u t tout d'abord savoir que la machine de W a t t , à travail égal, ne consommait qu'un quart du charbon nécessité par celle de Newcomen. W a t t et Boulton demandaient en général une redevance annuelle toujours la même, qui pouvait être désignée de deux manières différentes : un quart de la valeur du charbon qu'aurait nécessité une machine de l'ancien système, ou un tiers des économies réalisées en employant une machine du nouveau système. 1. Périer à Boulton, 24 novembre 1776; Birmingham (voir note suivante). 2. Voici la liste des pièces (parfois informes) antérieures au traité du 12 février 1779 : Lettre de P. à B. et W . , 7 janvier 1779. — Lettre de B. et W . à P., 7 janvier 1779 également. — Feuille de calculs datée du 7 janvier encore. — Calculs et autres notes relatifs aux propositions de M. Périer, 10 janvier 1779. — Note en français sur le prix du charbon à Paris. — Calcul du nombre d'actions qui devrait revenir à W a t t et Boulton conformément aux propositions de Périer, janvier 1779. — L e t t r e à Muller, janvier 1779. — Brouillon d'une lettre au comte d'Hérouville, 9 janvier 1779 (en anglais). — Copie d'une autre version de la même lettre en français; plus développée et suivie d'un détail des propositions faites par Périer. — Lettre à Jary, 10 janvier 1779. — Lettre de Périer à W a t t et Boulton, 12 janvier 1779. — Lettre de W a t t à Périer, i5 janvier 1779. — Lettre de W a t t à Wilkinson, i 5 janvier 1779. — Lettre de W a t t à Périer, 25 janvier 1779. — Tous ces documents, comme ceux qui seront cités plus loin, sont conservés en Angleterre : Birmingham Public Libraries, Boulton and W a t t Collection (reproduction autorisée par le Directeur). Nous désignerons désormais ces pièces par l'indication « Birmingham », précédée dans la mesure du possible de l'indication du signataire et du destinataire, ainsi que de la date.

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Maintenant, que fournissaient Watt et Boulton à ceux qui traitaient avec eux? Une machine à vapeur? Pas exactement. Ils accordaient la permission de construire et d'utiliser leur machine. Ils fournissaient tous les plans, dessins et instructions par écrit nécessaires pour la construction et l'usage de la machine; ils dirigeaient en outre dans leurs ateliers l'exécution de celles des pièces qui requéraient un travail de fonderie ou autre ne pouvant être exécuté qu'en Angleterre. C'est bien sur ces bases que Périer et Watt ont traité. Ce que Watt avait à fournir n'a jamais été mis en discussion. C'est seulement la redevance due par Périer qui a fait l'objet d'un arrangement différent de celui accoutumé. Ainsi, à la question souvent posée de savoir si YAugustine et la Clémentine sont sorties soit de la manufacture de Watt et Boulton, soit de la fonderie de Chaillot (fondée à la fin de 1778, comme nous le verrons ailleurs), la réponse, ainsi qu'il advient souvent, doit être nuancée. Les pièces courantes ont été faites à Chaillot, les pièces spéciales ont été faites en Angleterre. Nous verrons tout cela se dérouler au jour le jour dans la deuxième partie de l'année 1779. Malheureusement nous n'avons pas la liste précise des pièces fabriquées d'un côté ou de l'autre. Nous ne savons pas si les installations fixes, ainsi que les balanciers et leurs chaînes, ont été faits à Paris x . Nous n'avons aucune mention spéciale des pièces les plus intéressantes. On peut être cependant certain que Watt et Boulton se sont partagés avec Wilkinson la fabrication des corps de pompes et des organes de distribution. Il est en particulier hors de doute que les cylindres moteurs ont été faits par Wilkinson, le spécialiste des alésages de précision à l'époque. Mais nous n'avons pas un mot sur les chaudières 2 . Ainsi Delambre est tout à fait véridique lorsqu'il note à propos de Périer en 1818 : « Rentré en France il y fut bientôt suivi des pièces principales des deux machines que l'on voit encore à Chaillot. Il fit fabriquer dans ses ateliers les pièces accessoires qu'il lui parut inutile de tirer de l'étranger » 3 . En 1790 et 1796, Prony avait été beaucoup moins explicite, peut-être parce que la situation lui semblait si claire, qu'il ne pouvait envisager qu'elle donnât prise un jour à la contestation. En effet en travaillant Prony avait sous les yeux le manuscrit d'un rapport de Coulomb et sans doute aussi celui de deux mémoires perdus de Périer, toutes pièces sur lesquelles on s'étendra plus loin, et où il est longuement question de Watt. Aussi Prony note-t-il d'abord avec une 1. « Les chaines sont forgées. Je fais faire les tiges des pistons dans une grosse forge à ancres », écrira Périer à Watt dans une lettre du 28 mars 1779 qui sera citée plus bas. 2. Périer donnera plus tard le prix de revient de ces chaudières en cuivre : 56 947 1. 16 s. 6 deniers. Cela veut-il dire qu'elles avaient été exécutées en France? Pas nécessairement. Mais il semble vraisemblable qu'il n'ait pas été nécessaire de les faire venir d'Angleterre ( P É R I E R , Mémoire sur la machine de Marly, p. 1 4 ) . 3. D E L A M B R E , « Notice... », p. lxv.

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parfaite clarté : « Un Anglais appelé M. Wats (sic) a imaginé vers l'année 1770 la machine... qui... a entre autres avantages celui d'opérer la condensation hors du cylindre » 1 . Il ne devient moins net que lorsqu'il s'agit des conditions de la réalisation : « La machine qu'on vient de décrire a été apportée d'Angleterre en France par MM. Perrier qui l'ont exécutée à Chaillot il y a quelques années 2 ... La machine... apportée à Paris en 1780 par MM. Perrier et employée aux pompes de Chaillot et du Gros-Caillou 3 ... La description (des machines)... construites depuis 1780 à Chaillot et au Gros-Caillou » 4 . Il faut remarquer ici que Prony néglige la différence entre les conditions de réalisation de ces deux établissements. Les machines de Chaillot firent l'objet du traité avec Watt dont nous sommes en train d'analyser l'histoire ; mais les machines du Gros-Caillou furent entièrement construites en France par Périer, quelques années plus tard, à la manufacture de Chaillot. La dernière fois qu'il évoque ces questions, Prony est encore plus vague, faisant allusion à « l'époque où MM. Perrier frères établirent la machine de Chaillot, bien supérieure à tout ce qu'on avait fait jusqu'alors dans ces contrées et dont voici la description d'après les dessins très exacts qui nous ont été fournis par M. Perrier l'aîné » 5 . Or Watt, qui exécuta en France un voyage sur lequel nous aurons l'occasion de revenir, et au cours duquel il rendit visite à Périer dans sa fonderie de Chaillot, manifesta alors, auprès de ses correspondants anglais un très vif mécontentement, sur la nature exacte duquel, les jalousies nationales aidant, un malentendu ne pouvait manquer de se produire. On a vu qu'un arrêt du conseil avait accordé en 1778 un privilège pour la France à Watt et Boulton. Ce privilège fut parfaitement ignoré par les Périer à partir du jour où ils exécutèrent eux-mêmes des machines à vapeur. Cela était tout à fait dans les mœurs du temps, certes, mais il n'était pas moins naturel que Watt s'en irritât. A partir de là, l'opinion publique n'avait plus qu'à donner libre cours aux chimères dont elle est coutumière. En France, le ton avait été donné dès octobre 1781 par le publiciste chargé de la rédaction du prospectus de la Compagnie des Eaux, et qui n'est vraisemblablement autre que Beaumarchais. Toujours spirituel et mordant, le célèbre auteur dramatique, mettant son talent au service d'une mauvaise cause, se montre ici parfaitement injuste. Si la Compagnie s'était vue forcée de dépenser près de deux millions en frais d'établissement c'est que cette somme avait été employée, « surtout à l'achat et à l'importation de tous les tuyaux et cylindres qu'elle s'est vue forcée de tirer d'Angleterre et, plus douloureusement encore, à traiter avec un Anglais établi à 120 miles de Londres et qui venait Nouvelle Architecture hydraulique,

1.

PRONY,

2.

P R O N Y , op.

cit.,

t.

I, p.

5yi.

3.

P R O N Y , op.

cit.,

t. II,

4.

P R O N Y , op.

cit.,

t.

II, p.

1796, p. 5.

5.

P R O N Y , op.

cit.,

t.

II, p.

86.

4-

t.

I,

pp. 568-569-

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d'obtenir au mois d'avril 1778 le privilège exclusif d'établir des machines à feu dans toute la France. La Compagnie Française a donc eu besoin d'aller à Birmingham acheter de cet Anglais le droit de faire à Paris des machines qu'il n'y faisait pas lui-même » Tout cela n'avait pas cours, bien sûr, entre académiciens; mais le public, incapable d'apprécier la nouveauté révolutionnaire de la machine de Watt, était abreuvé de telles calembredaines. Aussi, du côté anglais, lorsqu'en 1817 Farey écrira dans l'Encyclopédie de Rees que toutes les pompes à feu de Paris, y compris celle de Chaillot, ont été construites sur place par Périer, Playfair notera-t-il ironiquement dans ses Mémoires : « Les Français se donnent beaucoup de peine pour tenir secrètes la patrie et l'origine de la machine de Chaillot. Ils ont même réussi à les cacher à M. Farey » 2 . En fait vers 1780 tous les gens suffisamment avertis pour avoir une conscience exacte de la situation étaient au courant. Revenons-en donc à cette époque, au début de 1779 exactement, et essayons de suivre le fil des négociations. Par une lettre de Watt en date du 25 janvier, nous apprenons que le 7 du même mois des propositions en forme avaient été présentées à Périer qui se trouvait alors à Birmingham 3 . De ce 7 janvier 1779, nous avons deux lettres 4 . L'une est de Watt et Boulton, c'est un refus poli mais très ferme d'accepter les propositions faites jusque-là par Périer. Les ingénieurs anglais conseillent de consulter la Compagnie elle-même; leurs exigences pourront peut-être à la réflexion paraître plus raisonnables. De toute façon Périer n'aurait pas pour autant un retard de livraison à supporter, car Watt et Boulton sont précisément en train de construire des machines de la même taille, qu'ils pourraient lui remettre en cas d'accord. L'autre lettre du 7 janvier 5 est de Périer. Elle constitue peut-être une réponse à la précédente; il est en effet possible que Périer se soit trouvé alors à Birmingham. A la fin de sa lettre, n'annonce-t-il pas qu'il se rend à Londres pour attendre une réponse? En tout cas, l'opposition est nette à cette date : « L'intérêt que j'ai proposé à Mrs Boulton et Watt est exactement dans la proportion des bénéfices qu'ils veulent faire sur leurs machines, c'est-à-dire qu'il est égal à la valeur d'un quart du charbon que consommeraient les anciennes machines... Mais cette position d'intérêts qui est perpétuelle serait beaucoup plus considérable que leur prétention même, si, comme ils le demandent on leur donnait dans les subséquentes créations d'actions une portion toujours égale, attendu que leur privilège n'a qu'une durée déterminée de quinze années. 1 . BELGRAND, op. cit., p . 3 2 9 .

2. R. STUART, Histoire descriptive de la machine à vapeur. Voir les notes du traducteur, pp. 220-221. Stuart quant à lui donne pp. 219-220 une version des faits tout à fait correcte. 3. Watt à Périer, 25 janvier 1779, Birmingham. 4. Watt et Boulton à Périer, 7 janvier 1779, Birmingham. 5. Périer à Boulton et Watt, 7 janvier 1779, Birmingham.

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« Pour trancher sur des calculs inutiles qui ne sont point conformes aux intentions et aux ordres que j'ai de ma Compagnie, je propose à Mrs Boulton et W a t t de leur donner 25 actions de i 200 livres chaque dans mon entreprise, pour leur consentement à l'établissement de deux machines à feu sur leur principe, dè 63 pouces de diamètre et pour me fournir les plans et dessins nécessaires à leur exécution. « Je les prie de vouloir bien répondre d'une manière précise et le plus promptement possible, le bien de mon entreprise ne me permet pas le moindre retard ». Ce sont des lettres adressées à des tiers par le même W a t t qui vont nous apporter les renseignements les plus clairs sur le déroulement des négociations jusqu'au moment auquel nous sommes à présent parvenus. Réellement indécis, semble-t-il, à la fin de cette première quinzaine de janvier, W a t t et Boulton vont en effet essayer de prendre conseil de leurs relations du continent, c'est-à-dire de J a r y et d'Hérouville. Le 10 janvier 1779, W a t t écrit personnellement à J a r y 1 , pour s'ouvrir à lui sur ses plus importantes préoccupations du moment. W a t t venait de rentrer de Comouailles et les quelques jours écoulés depuis son retour avaient surtout été occupés par Périer, qui s'était montré pressant dans son désir d'obtenir deux machines pour Paris. Mais W a t t et Boulton n'avaient pas donné leur accord parce qu'ils n'avaient pas encore l'avis du comte d'Hérouville, et que d'autre part Périer n'acceptait pas le versement de la valeur d'un tiers du charbon économisé. « He seems to have fixed a certain thing and a certain mode of agreeing with us, which he would not depart from », écrit W a t t . Périer voulait deux machines avec cylindres de 63 pouces de diamètre, course 9 pieds. E t a n t donné le prix du charbon à Paris, le tiers de l'économie réalisée atteindrait £ 1 3oo par an. Périer n ' a offert que £ 1 000 en tout, ou 20 actions dans l'entreprise, sur un total de 1 200. W a t t et Boulton déclarent qu'ils accepteraient 36 parts pour le moment, mais à condition d'en recevoir de nouvelles, dans la même proportion, lors des futures augmentations de capital; Périer ayant refusé offre 25 actions. Si W a t t et Boulton avaient connu l'avis du comte sur ce sujet, ils auraient peutêtre abaissé considérablement leurs prétentions. Mais les circonstances où ils se trouvaient étaient telles, qu'il leur avait semblé impossible de prendre aucune décision sans commettre une imprudence. D'un côté ils risquaient de désobliger le comte d'Hérouville « who of all others has the most claim to our attention », d'un autre côté, on pourrait trouver mauvais qu'ils refusent de prêter leur concours à une entreprise d'utilité publique dans un pays où le privilège qu'ils avaient demandé leur avait été généreusement accordé. Aussi ils ont donné au comte des renseignements tout à fait circonstanciés sur l'affaire : (We) « have requested his advice and interposition to prevent the bad effects which m a y result from this affair being misrepresented ». i. Watt à Jary, 10 janvier 1779, Birmingham.

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Nous conservons en effet cette lettre au comte d'Hérouville; elle est datée du 9 janvier 1779 et se présente à nous sous deux formes différentes, dont l'une est en anglais et l'autre en français x . Watt et Boulton avaient écrit à d'Hérouville une première lettre, dès qu'ils avaient été au courant du voyage de Périer mais avant de voir celui-ci. D'Hérouville n'avait pas répondu, Périer avait rencontré Watt et Boulton et la discussion s'était engagée. « But we declined accepting his proposal... because we wish to know your sentiment, as you have been so kind as to interest yourself in our affair ». Il s'agit ici du privilège accordé pour la France par l'entremise d'Hérouville. « And also because from a passage in Mr. Jary's letter to us it appeared as if you turned your thoughts upon the same subject of some more commodious method than is now in action, of supplying the inhabitants of Paris with water.» Ainsi Watt et Boulton croient encore que les négociations entreprises l'année précédente avec d'Hérouville ont quelque chance d'aboutir. En tout cas ils sont bien décidés à ménager celui-ci à cause de leur privilège pour la France. « We submit this affair to your judgement, and shall abide by your decision in that or any other plan, you are pleased to propose for settling the matter in dispute between Mr. Périer and us ». Périer s'était montré légèrement menaçant dans la discussion. « Mr. Périer has insinuated that our patent might possibly be reversed, or that a clause might be inserted obliging us to erect two engines gratis for the use of the City of Paris, all which evils we do not fear while you honour us with your protection... Mr. Périer ... further says that his patent excludes all other persons from applying our engines to the purpose of raising water for the city of Paris and therefore if we do not accept his proposals we entirely lose all the advantage which can arise from this application of our engines. You, Sir, can better judge of the weight of these arguments, than we can ». Malheureusement le comte d'Hérouville semble bien n'avoir jamais répondu. Ce faisant, il laissait la place libre aux Périer. Nouvelle réponse de Périer le 12 janvier 2 : « J'ai fait part à ma Compagnie de vos trois propositions. La première, de vous donner 36,44 actions dans le nombre actuel et à proportion dans les créations subséquentes ; 20 de compter avec vous de la consommation du charbon et de vous payer en argent le tiers de l'économie qui s'en produira; 3° de mettre un compteur sur le balancier et de vous payer une redevance à proportion du nombre des coups de piston. M. Motteux à qui j'ai communiqué toutes mes affaires m'informe que vous serez incessamment à Londres (où se trouve alors Périer). Si j'ai quelque réponse favorable de ma Compagnie, nous pourrons traiter. En attendant je m'occupe du plan de mes machines sur l'ancien principe et je m'arrange de manière à rendre facile le changement de la machine sur le vôtre, 1. Watt à d'Hérouville, 9 janvier 1779, Birmingham. 2. Périer à Boulton et Watt, 12 janvier 1779, Birmingham.

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lorsque les circonstances le permettront. Je ne puis quitter l'Angleterre sans avoir terminé d'une manière ou de l'autre... « Faites-moi le plaisir de me mander à combien vous faites monter la redevance par coup de piston. Si, quoique je ne le pense pas, ma Compagnie agréait vos arrangements, mon avis serait pour le dernier moyen. Si vous aviez parfois oublié les données dont vous avez besoin pour le calcul, je les joins ici : diamètre des cylindres 63 pouces, hauteur de l'eau n o pieds, prix du charbon 28 livres. Faites-moi le plaisir de me répondre sur cet objet le plus promptement possible. E n cas d'arrangement je serais bien charmé que M. W a t t me donnât le temps nécessaire pour arranger mes plans. Je n'ai pas un instant à perdre dans ce pays-ci, mes affaires m'appellent à Paris ». Le i5 janvier W a t t répond à Périer en lui donnant les quelques renseignements complémentaires que celui-ci avait demandés 1 . Il témoigne de son espoir que la Compagnie autorisera Périer à faire à W a t t et Boulton des offres que ceux-ci puissent accepter. W a t t indique ensuite la manière de calculer la redevance par coup de piston. Une machine a y a n t un cylindre de 63 pouces de diamètre et 9 pieds de course peut élever 4 muids d'eau par coup de piston à 117 pieds anglais de hauteur. Donc, si l'on multiplie par quatre le nombre de coups de piston relevé à la fin de chaque année sur le compteur, on aura le nombre de muids d'eau élevés dans l'année. En divisant ce nombre par 365 on obtient le nombre de muids élevés chaque jour. Périer a calculé de son côté qu'en employant la machine de W a t t , la p a r t des économies revenant à Boulton et W a t t était de 18 sous et quart par an sur chaque muid d'eau élevé par jour. Donc le nombre de muids quotidiens multiplié par 18 1 /4 donnera la valeur de la redevance due pour l'année à W a t t et Boulton. Le même jour W a t t écrivait à Wilkinson, sans rien lui cacher du fond de sa pensée, cette lettre où son caractère, un peu cauteleux comme on le sait, se révèle t o u t entier 2 : « Mr. Périer has communicated to his Company our proposal and stays answer in London. He seems disposed to give up something. Mr. Boulton is now in London and I shall go if necessary. In case of our agreeing with Mr. Périer, hope you will guard against making him any cylinders which m a y be altered so as to elude our privilege, though I should expect him to be more of a gentleman t h a n to do such a thing ». Autrement dit : au cas où nous nous accorderions avec M. Périer, j'espère que vous vous garderez de lui fabriquer des cylindres susceptibles d'être modifiés de manière à tourner notre privilège — quoi que je doive le croire trop gentilhomme pour se livrer à pareille entreprise. Nous avons déjà remarqué que Wilkinson avait pour ainsi dire l'exclusivité de la fabrication des cylindres de machines à vapeur pour les clients de W a t t et Boulton. Du reste, dans une lettre du 5 juillet 1782, Périer parlera aux ingénieurs anglais de leurs « accords 1. Watt à Périer, l5 janvier 1779, Birmingham. 2. Watt à Wilkinson, i5 janvier 1779, Birmingham.

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particuliers avec M. Wilkinson, engagé envers vous de ne fabriquer aucune pièce desdites machines sans votre consentement ». Le dernier document qui nous reste encore avant Ta conclusion de l'accord définitif est une lettre de Watt en date du 25 janvier 1 . Une rencontre avait eu lieu entre Périer et Boulton, à Londres évidemment. Périer avait déclaré que la lettre du 15 ne lui avait pas paru assez explicite. Aussi Watt expose-t-il maintenant son point de vue en détail. La hauteur à laquelle il s'agit d'élever l'eau est de 110 pieds français, c'est-à-dire de 117 pieds anglais. Une machine du nouveau système avec cylindre de 63 pouces peut, lorsqu'elle élève l'eau à cette hauteur, actionner une pompe de 28 pouces. Or une telle pompe, ayant 9 pieds de course, donnera 4 muids par coup, soit 365 muids en 91 coups 1 /4L'Académie des Sciences avait calculé que pour élever 365 muids à la hauteur voulue, il fallait dépenser à Paris 73 sous de charbon exempt de droit 2 . La part revenant à W a t t et Boulton dans ce cas serait donc de 18 livres 1 /4. Par conséquent Watt et Boulton doivent recevoir 18 livres 1 /4 chaque fois que la machine a donné 91 coups 1 /4, c'est-àdire juste 20 sols, ou une livre, pour chaque centaine de coups. Watt propose donc de traiter sur cette base. Un compteur serait placé sur chaque machine, les Périer auraient une clef et l'agent de Watt et Boulton garderait l'autre. « We ask liberty to view and inspect the said counters and the state and condition of the engines themselves and their pumps at all lawful hours or reasonable times ». En réalité l'accord va se faire sur des bases tout à fait différentes. Entre-temps, le i e r février, Périer et Boulton auront été de concert examiner la machine à vapeur existant à Shadwell 3 . Examinons maintenant en détail le traité du 12 février 1779, dont on trouvera le texte anglais aux pièces justificatives. On peut passer assez rapidement sur le début. Il fait d'abord un historique de la Compagnie des Eaux, depuis le privilège initial jusqu'à la procuration donnée à Jacques-Constantin. Vient ensuite un exposé analogue concernant l'autre partie contractante : rappel du brevet de Watt, de son association avec Boulton, enfin et surtout du privilège octroyé pour la France : « James Watt and Matthew Boulton have likewise obtained an arrest of the Council of State in France granting into them an exclusive priviledge for the sole making and vending of their said new invented fire engines throughout the kingdom of France for the term of fifteen years ». Nous en venons maintenant à l'objet même du traité. Périer avait vu les nouvelles machines en Angleterre, et s'était convaincu de leur supériorité : « Périer having seen in England several engines of the aforesaid new invention and being convinced of their great superiority 1. Watt à Périer, 25 janvier 1779, Birmingham. 2. Voir textes cités plus haut, p. 101 n. 2 et n. 3. 3. Lettre de Boulton à Watt, 2 février 1779, citée par LORD, Capital and

Power, p. 210.

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over those of the old invention », etc. Il s'est donc adressé à W a t t et Boulton afin de traiter avec eux. Ensuite viennent des observations importantes, destinées à prévenir toute objection ultérieure (« But in doing this they think it necessary previously to insert the motives which have induced t h e m here to, which are as followeth »). Une machine de W a t t et Boulton avec cylindre de 63 pouces de diamètre peut élever 5j 600 muids d'eau en 24 h e u r e s 1 à la hauteur de 117 pieds anglais ou 110 pieds français. Donc si 365 muids coûtent 73 sous, 600 muids coûteront 11 620 sous. Ces calculs de l'Académie s'appliquent aux machines à feu de l'ancien système 2 . Si l'on suppose qu'une machine de W a t t et Boulton réalise une économie de trois pour quatre, les 3/4 seront égaux à 11 520 — 2 880 = 8 64o sous. Si W a t t et Boulton sont payés, comme en Angleterre, sur le pied d'un tiers des économies, ils doivent recevoir 2 880 sols par jour, c'est-à-dire i44 livres tournois. Pour une année, ils toucheraient donc 52 56o livres tournois, ou 2 190 guinées. « But as the said James W a t t and Matthew Boulton are not only desirous of establishing the use of their fire engines in France, b u t also testifying a proper sense of the honourable distinction conferred upon them by His Most Christian Majesty's having granted unto t h e m the arett of Council aforesaid, and as they consider the supplying of His metropolis with water an object of great publick utility, they have not insisted upon the same proportion of the savings of fuel being allowed to them by such persons as erect their engines in Britain, b u t have as an encouragement to so useful and noble an undertaking consented to accept of the terms following ». W a t t et Boulton s'engagent en ce qui les concerne de la manière qui leur est habituelle. Ils concèdent le droit de construire et utiliser des machines de leur système, « so many of their... as shall be necessary for the purpose of raising water for the supply of the said City of Paris, b u t for no other use or purpose whatsoever ». Tous les plans, coupes et dessins nécessaires aux maçons, charpentiers, fondeurs et forgerons seront fournis à Périer par W a t t et Boulton; l'exécution des pièces qui ne pourront être faites ailleurs qu'en Angleterre sera dirigée par les mêmes W a t t et Boulton, qui d'autre part remettront par écrit à Périer toutes les instructions nécessaires. En échange, Périer Frères et Compagnie verseraient une somme de 24 000 livres tournois. Ou bien, à la place de cette somme, ils remettraient 20 des 1 200 actions de 1 200 livres créées par la Compagnie. W a t t et Boulton feraient leur choix entre l'argent et les actions, et ils devaient faire ce choix avant la fin de mai 1779. S'ils choisissaient l'argent, les Périer devraient leur faire un premier versement de i4 4°° livres le 1. En fonctionnant à la cadence de 10 coups de piston par minute. Il est en effet entendu que chaque coup de piston élève 4 muids d'eau; voir plus haut sur ce dernier point lettres de Watt des 15 et 25 janvier. 2. Voir textes cités plus haut, p. 101 n. 1 et n. 3

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3o mai 1779. E n outre, si le nombre des actions était un jour augmenté, les Périer devraient faire un nouveau versement de 24 0 0 0 livres, exactement dans les mêmes conditions que ci-dessus. Il est certain que cet arrangement ne faisait encaisser à W a t t et Boulton que des sommes incomparablement plus faibles que celles qu'ils ont reçues en réalité pendant la durée de leur brevet pour les machines installées en Angleterre. Quelles considérations ont pu leur dicter cette attitude très modérée? Ils ont sans doute estimé important de placer une machine en France même à des conditions peu avantageuses. Ce faisant, ils commençaient sans tarder l'exploitation effective du privilège accordé u n an plus tôt. Ils pouvaient compter sur un certain effet publicitaire et espérer voir venir ensuite des commandes d'un profit plus réel. La ligne de conduite adoptée est en somme celle préconisée par Boulton dans la lettre que nous avons citée en commençant. Mais en réalité, une fois en possession des prototypes, Périer construira de nouvelles machines dans ses ateliers de Chaillot, sans plus s'occuper des droits de W a t t et Boulton. De quelle manière ces engagements réciproques ont-ils été remplis? Voyons quels renseignements la correspondance ultérieure nous apporte à ce sujet. Un échange de lettres assez actif eut lieu pendant une grande partie de l'année 1779, à propos surtout des modalités de livraison des pièces à fabriquer en Angleterre. Il ne f a u t pas oublier que nous sommes alors en pleine guerre d'Indépendance américaine. Pour fixer les idées, rappelons par exemple que La Fayette était parti en 1777 avec quelques nobles libéraux pour soutenir les insurgés. C'est en 1779 précisément qu'il rentre en France et décide Louis XVI à envoyer un corps expéditionnaire. Plus que des difficultés survenues, étonnons-nous de la liberté avec laquelle cette correspondance entre pays ennemis se poursuit. Ne va-t-on pas jusqu'à se mettre d'accord par écrit pour déclarer une fausse destination, lors du départ du navire anglais. E t t o u t finira bien. La correspondance reprit le 1 o mars 1779 x . Jacques-Constantin était alors de retour d'Angleterre « depuis quelques (sic) temps ». La Compagnie avait approuvé les arrangements qu'il avait faits avec W a t t et Boulton, soit pour les pièces qui devaient être fabriquées en Angleterre, soit pour celles qui devaient être exécutées dans les ateliers de la Compagnie. « E n conséquence nous vous prions de tenir la main aux premières, dont nous aurons besoin du moment que nos constructions en maçonnerie et charpente seront en état de les recevoir, ce qui ne tardera pas. Nous pressons vivement nos ouvriers et la belle saison nous aidera à avancer le travail. A l'égard des pièces que nous faisons fabriquer, les dessins en étant faits avec soin, il ne sera pas difficile ni long de les 1. Périer à Boulton et W a t t , 10 mars 1779, Birmingham.

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exécuter ». Il faut croire que Périer avait rapporté les plans des pièces et que les dessins de montage devaient suivre, car on peut lire un peu plus loin : « Nous attendons avec la plus grande impatience les dessins que vous vous êtes engagés de nous envoyer », alors que pourtant Chaillot pouvait annoncer « la chaîne est déjà avancée et nous allons travailler successivement et en même temps aux autres parties ». Pendant ce temps Wilkinson exécutait des pièces de fonte pour la Compagnie. Les Périer lui écrivaient en même temps pour lui indiquer de solliciter des passeports anglais, pendant qu'eux-mêmes en sollicitaient de français. Ils espéraient les obtenir du ministère parisien. C'était un moyen de gagner beaucoup de temps et d'argent, puisque des vaisseaux neutres auraient été obligés d'aller des bouches de la Severn à Ostende et revenir ensuite à Rouen, ce qui aurait rendu le transport très dispendieux. Quant à la nature du payement des 24 000 livres, la décision de Watt et Boulton n'était pas encore prise. Naturellement Périer Frères auraient préféré les voir choisir des actions. Cela, disent-ils, « autant par la bonne opinion que nous avons de notre affaire, qui promet les plus belles espérances de bénéfice, que pour avoir la satisfaction de vous compter au nombre de nos associés ». Comme nous le verrons plus loin, Watt et Boulton ne furent pas dupes de ces flatteries commerciales et choisirent d'être payés en argent comptant. Nouvelle lettre le 28 mars soit dix-huit jours après la précédente. Nouveau compte rendu de l'état des travaux, à l'appui d'une demande d'envoi rapide des dessins de montage. « Nous attendons toujours avec la plus grande impatience les dessins que vous devez nous envoyer. Nos travaux avancent et nous nous trouverons arrêtés sur la fin de la machine si nous ne recevons promptement les détails des balanciers. Les chaînes sont forgées. J e fais faire les tiges des pistons dans une grosse forge à ancre. A l'égard des bâtiments, ils vont leur train et sous trois mois les réservoirs et les bâtiments des machines seront finis ». Périer avait à ce moment obtenu les passeports français dont il est question dans la précédente lettre, mais il ne savait où en était Wilkinson à qui il se propose d'écrire à nouveau. Périer termine sa lettre en demandant à Watt de lui faire parvenir sur le premier navire qu'il lui enverra avec les pièces de machines à vapeur, une tonne d'aciers de différentes espèces qu'il lui fera payer en Angleterre. Nous avons le brouillon non daté d'une demande de passeport 2 adressée au roi d'Angleterre par Watt et Boulton pour les machines à vapeur et les tuyaux de fonte. L'argumentation vaut d'être relevée. « Nous appréhendons, disent les suppliants, que si les marchandises en question ne peuvent pas être transportées en France avec sécurité, les Français soient obligés d'établir des manufactures capables de leur 1. Périer à Boulton et Watt, 28 mars 1779, Birmingham. 2. Birmingham.

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fournir non seulement des machines à feu (objet précis du privilège français de Watt et Boulton) mais aussi beaucoup d'autres sortes d'articles de fonte d'une plus grande taille que ceux qui peuvent à présent être faits en France : or ce sont actuellement les manufactures britanniques qui leur fournissent ces sortes d'articles; si bien que Votre Majesté se trouverait exposée à perdre une branche fructueuse de son commerce ». L'autorisation était demandée pour aller de Chepstow au Havre. Nous ne savons pas si en définitive ces passeports anglais furent accordés et dans quelles conditions exactes la traversée, qui a fini par avoir lieu, a été effectuée. Comme nous allons le voir un peu plus loin, tout le matériel était en France au début du mois de septembre, mais jusqu'au dernier moment nous entendons parler des passeports anglais qui ne sont pas accordés. La lettre suivante de Périer est du 2 m a i 1 . Elle est rédigée en anglais, peut-être pour décourager les indiscrétions en territoire français. En effet, les choses en étaient maintenant venues au point où les pièces construites par Boulton et Watt étaient prêtes à être expédiées d'Angleterre; mais une foule de périls menaçaient le chargement. Coincés entre les corsaires et les tracasseries administratives, les malheureux négociants se trouvaient dans une situation qui n'avait rien d'enviable. Analysons donc avec soin la lettre envoyée par Périer le 2 mai 1779, elle en vaut la peine. La dernière lettre de Birmingham était parvenue à Paris le 21 avril alors qu'elle avait été expédiée le 6 (cette lettre n'a pas été conservée). Malgré les hostilités, le délai semble anormal. Sans doute provenait-il d'une inexactitude dans le libellé de l'adresse? Les huit premiers dessins de la machine étaient arrivés, mais il en restait d'autres : « We shall be very glad to receive the others you promise us as soon as they can be got ready ». Watt et Boulton avaient choisi d'être payés en argent. Il fallait donc leur verser 24 000 livres. La lettre du 2 mai annonce un acompte de 9 600 livres. La somme fut payée le 11 juin, comme nous l'apprend le compte de Périer Frères chez Watt et Boulton pour 1779 et 1780. Il est ensuite question des pièces que devait fabriquer Wilkinson, c'est-à-dire essentiellement les tuyaux de fonte, ainsi qu'un autre accessoire important, comme nous allons le voir. En effet les Périer étaient contents d'apprendre « that about this time there will be ready for shipping one complété engine with the air vaissel », et que le restant du chargement serait formé avec des tuyaux de 24 et de 12. On sait que Périer avait établi un réservoir d'air comprimé pour éviter les à-coups dans le fonctionnement de ses pompes 2 . Certainement c'est de 1. Périer à Boulton et Watt, 2 mai 1779, Birmingham. 2. Périer, Sur les machines à vapeur, passim.

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ce réservoir à air qu'il est question ici en même temps que des tuyaux de fonte que devait fabriquer Wilkinson. Les Périer espéraient pouvoir envoyer des passeports français valables pour un port ou deux. Ces passeports seraient une garantie suffisante contre les prises françaises et américaines et protégeraient complètement le navire au Havre ou dans tout autre port français. Du reste, ne valait-il pas mieux déclarer au départ qu'on faisait voiles pour Ostende, quitte à donner au capitaine des instructions expresses et secrètes d'aller en réalité au Havre (« This leads us to think that the navy should clear out for Ostend, but that the strongest and most secreet instructions should be given to the captain to put into Havre de Grâce »). Il n'était bien entendu pas question de passer par Ostende, ce qui aurait doublé le prix du transport. Les Périer pensaient qu'un sauf-conduit anglais suffisait à assurer la sécurité pleine et entière d'un produit manufacturé anglais, quel que fût le propriétaire du navire. Mais ils n'étaient pas sûrs que, dans la pratique, un bien français se trouvât en sécurité sur un bateau anglais, car dans ce cas un corsaire anglais pouvait toujours s'emparer du chargement. Aussi les Périer souhaitaient-ils pouvoir faire avec Watt et Boulton l'arrangement suivant : les marchandises seraient demeurées la propriété de Watt et Boulton jusqu'au moment où elles prendraient terre sur le sol français. De cette manière, leur qualité de bien anglais les protégerait contre les prises anglaises, et le passeport français les protégerait contre les Français et les Américains. Les Anglais avaient dû manifester quelque crainte à l'idée de s'aventurer par la Seine jusqu'à Rouen. Mais les Périer leur assurent que le navire peut le faire en toute sécurité. Au point de vue du transport, c'est pour eux une chose absolument indispensable, même si le prix doit s'en trouver grevé quelque peu. Les Périer auraient désiré que les premières pièces prêtes leur arrivassent le plus rapidement possible. Comme ils se trouvaient avoir besoin de 10 tonnes de cuivre et 20 tonnes de plomb, ils prièrent Watt et Boulton de bien vouloir en faire acheter à Bristol au plus bas prix possible. Mais s'il y avait suffisamment de pièces exécutées pour charger un navire — et les Périer non seulement souhaitaient, mais encore croyaient que c'était le cas — alors il suffirait de leur indiquer le prix du cuivre et du plomb à Chepstow ou Bristol. Il est à croire que, lorsqu'il est question de ce qui est déjà prêt à être embarqué, les Périer entendent à la fois les éléments des machines à vapeur et les tuyaux de fonte. Ils s'inquiètent en tout cas beaucoup de savoir à quel moment l'expédition de la totalité de ces tuyaux pourrait être terminée. Ils tiennent à ce que cela ait lieu dans le courant du présent été et avant les tempêtes de l'automne. Qu'on n'hésite pas à mobiliser pour ce faire deux ou même trois navires; les trajets en Seine peuvent être longs : « Any unexpected delay would be highly detrimental to us and must therefore be avoided... every kind of economy is requisite in this business and none more so than that of time ».

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A cette lettre envoyée par la Compagnie en tant que telle, Périer joignit un mot personnel 1 . Il demande qu'on ajoute au chargement « avec nos machines et tuyaux environ 2 000 1 des différentes espèces dont vous m'avez parlé et principalement de celui qui réussit le mieux pour tourner les métaux ». Il demande encore qu'on prie Wilkinson de charger sur le bâtiment huit ou dix tonnes de fonte de la meilleure qualité. « J'ai des coudes pour nos tuyaux de distribution qu'il est impossible de terminer d'avance et qu'il serait trop long de faire faire en Angleterre ». Une autre phrase est assez mystérieuse : « Vous voudrez aussi prier M. Wilkinson de ne pas oublier sur ce chargement la petite machine qu'il a dû faire. Tout le reste de cette machine est fini. Nous attendons après ces fontes et nous serions désolés qu'elles ne fussent pas faites ». De quoi s'agit-il? Nous verrons plus tard qu'il existait dès iy83 aux ateliers de Chaillot une machine à vapeur destinée à élever l'eau qui grâce à une roue en dessus fournissait la force motrice aux machinesoutils de l'atelier. Est-il question d'elle ici? Peut-être. Motteux et Cie étaient à Londres les correspondants de Périer Frères. Le 11 mai 1779, ils transmettent donc à W a t t et Boulton deux lettres de Paris 2 non sans s'être, conformément au contenu de ces deux lettres, renseignés sur le montant des primes d'assurance. Il s'agissait bien sûr de protéger contre toute prise française ou américaine le chargement de bateaux anglais quittant Bristol ou Chepstow en direction du continent. Dans le cas du trajet pour Rouen, la prime se serait élevée à 2 % au plus. En déclarant qu'on allait à Ostende, la prime descendait à i,5 % . Du reste, Motteux et Cie se montrent bien persuadés qu'étant donné l'état d'hostilité existant entre l'Angleterre et la France, la précaution de déclarer un départ pour Ostende est tout à fait indispensable. Le 24 juin 1779, une lettre des Périer nous apprend que les machines et les tuyaux sont prêts 3. Tout cela faisait deux chargements, si bien qu'un deuxième bateau, le brigantin Severn, avait du être nolisé pour apporter la seconde moitié du chargement. Périer Frères considèrent que Wilkinson s'est acquitté très rapidement de la fabrication des tuyaux de fonte et chargent W a t t et Boulton de transmettre leurs remerciements. Le premier bateau s'appelait La Marie et son capitaine John William. Les Périer, en cette fin de juin, ont déjà obtenu un passeport français pour le Severn, mais ils ignorent si le gouvernement anglais avait consenti à en accorder un pour La Marie. En obtenant des passeports des deux gouvernements, les assurances contre les risques de prise devenaient inutiles. Il aurait suffi de s'assurer contre les risques de mer. Pour le trajet en Seine entre Le Havre et Rouen, point final de la navigation, il était évidemment nécessaire que John William, capitaine 1. Périer à Boulton et Watt, 3 mai 1779, Birmingham. 2. Motteux à Watt et Boulton, I l mai 1779, Birmingham. 3. Périer à Watt et Boulton, 24. juin 1779, Birmingham.

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de mer, relâchât au Havre afin d'y prendre un pilote côtier, les Périer le recommandant dans ce but à la firme Jean-Baptiste Feray et Cie, où on lui donnera tous les conseils utiles. Wilkinson avait apporté une légère modification aux tuyaux de fonte : à la place des brides prévues par Périer il avait mis un astragale. Par ce terme, emprunté à l'architecture et qui désigne une moulure placée sur une colonne entre le f û t et le chapiteau, il faut sans doute entendre un rebord continu au lieu d'attaches isolées. Il est certain qu'il devait en résulter une meilleure étanchéité. Tout à fait d'accord sur cette modification, les Périer terminent cependant leur lettre sur une légère note d'impatience : « Nous aurions été bien aises d'apprendre que ce navire (La Marie, le premier des deux) est chargé et quand est-ce qu'il sera parti de Chepstone. Nous ne voyons pas ce qui pourrait le retarder actuellement s'il a tous ses passeports... Nous vous prions de ne pas oublier les autres dessins que vous avez à nous envoyer, nous les attendons avec impatience. Le bâtiment pour les machines avance et il nous tarde de voir arriver La Marie avec les pièces de la machine pour les placer ». Dans le courant de juillet, les passeports anglais n'avaient pas encore été accordés \ Il est évident que La Marie ne doit pas être encore en route. Il convient plus que jamais d'être sur ses gardes. Aussi Motteux et Cie transmettent-ils à Watt et Boulton les deux adresses de personnes sûres à qui John William pouvait s'adresser en arrivant en France. Au Havre c'est Feray déjà nommé, à Rouen il s'agit de « MM. R. et A. Garvey ». Le 19 juillet, les Périer sont toujours sans nouvelles! Ils écrivent à Motteux 2 qui transmettent à Watt et Boulton dès qu'ils ont la lettre, c'est-à-dire le 2 août seulement. Les Périer étaient inquiets du chargement de La Marie. Ils ne recevaient aucune lettre de Watt et Boulton, pas plus que de Wilkinson. Ils auraient été fâchés de savoir que le capitaine William n'eût pas encore mis à la voile, et souhaitaient apprendre le plus rapidement possible qu'il était parti : « Il nous est de la plus grande importance que ce premier chargement nous parvienne bientôt, puisqu'il contient les pièces principales de la machine d'où dépend toute notre affaire. Ce sera un grand souci de moins pour nous quand nous le saurons heureusement arrivé à Rouen ». II y eut une réponse de Watt et Boulton le 23 juillet. Nous ne l'avons pas. Mais le 2 août, les Périer répondaient à cette lettre 3 qui arriva à Londres et f u t transmise par Motteux le 10 : « Nous avons reçu la lettre dont vous nous avez honorés le a3 e du passé, par laquelle vous nous annoncez que M. Boulton est à Londres et qu'il n'a pu obtenir encore les 1. Motteux à Boulton et Watt, juillet 1779, Birmingham. 2. Périer à Boulton et Watt, 19 juillet 1779. Copie dans Motteux à Boulton et Watt, 2 août 1779, Birmingham. 3. Périer à Boulton et Watt, 2 août 1779. Copie dans Motteux à Boulton et Watt, 10 août 1779, Birmingham.

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passeports nécessaires à l'expédition de La Marie. Vous ne sauriez croire combien ce retard nous est désagréable, d'autant que nous ne pouvons prévoir le moment où l'embargo sera levé. Nos machines nous pressent infiniment et si les affaires ne prennent une autre tournure, nous pensons que nous serons obligés pour les chargements subséquents de fréter des navires neutres pour nous les apporter. Ce parti quoique plus dispendieux sera le plus court et le plus sûr. Nous nous adresserions alors à quelque maison d'Ostende qui nous prêterait le navire qui ferait plusieurs voyages, et nous serions débarrassés de solliciter dans les deux Cours des passeports très difficiles à obtenir et qui tiennent beaucoup de temps avant leur obtention ». La correspondance de l'année 1779 se termine malheureusement le 9 septembre 1 . A cette date, Jacques-Constantin, en voyage depuis quelque temps, se trouve au Havre où il est allé prendre des arrangements avec le gouverneur pour l'arrivée de La Marie, attendue depuis si longtemps. Il était nécessaire en effet, on ne sait pour quelle raison, que le navire allât à Honfleur et non pas au Havre. Entre temps, W a t t et Boulton avaient à différentes reprises, jusqu'au 7 septembre, envoyé diverses lettres contenant tous les dessins et instructions nécessaires pour les machines de Chaillot et qui manquaient encore. Les constructeurs anglais demandaient certaines précisions mécaniques que Jacques-Constantin était le seul à pouvoir donner, aussi la Compagnie s'excuse-t-elle de n'avoir pas encore répondu, pensant qu'il valait mieux attendre le retour de l'ingénieur. Ensuite c'est un silence de presque deux ans. Nous n'entendrons plus parler du brigantin Severn, ni des tuyaux. Ce n'est qu'en 1781 que la correspondance reprend — tout au moins dans ce qui nous en a été conservé. Entre temps, le transport avait fini par s'effectuer. Dans quelles conditions exactes? Il n'est pas possible de le dire. Peuton risquer une supposition? Cette longue lacune dans la correspondance pourrait facilement laisser croire qu'en fin de compte le transport n'a pu se faire que d'une manière peut-être pas entièrement régulière. Dans ce cas il ne serait pas surprenant que les lettres, s'il y en a eu, aient été détruites. D'autre part c'est à cette époque qu'on assista du côté anglais à la naissance, ou plutôt à la confirmation, du soupçon. En mai 1780, W a t t apprit que Périer s'occupait à construire trois machines, « where of one according to our plan, and the two others with changements qu'il avait imaginés; if we mean to keep those our kingdom in France in proper subjection, it will be necessary that one of ourselves go over there soon » 2 . Mais ni l'un ni l'autre ne put se déranger; ils avaient assez à faire à tenir tête aux contrefacteurs anglais. De quelles machines construites par Périer s'agit-il au juste, il semble difficile de le savoir. 1. Périer à Boulton et W a t t , 9 septembre 1779, Birmingham. 2. MUIRHEAD, The life of James Watt, p. 266.

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Peut-être les informations de W a t t ne sont-elles pas très exactes, il pourrait s'agir en fait des deux machines de la pompe à feu de Chaillot, plus la machine de la fonderie de Chaillot, cette dernière présentant, comme on le verra plus loin, des particularités. On a vu que sur les 24 000 livres dues par les Périer, 9 600 avaient été réglées dès juin 1779. Ne voyant pas venir les i4 4°o livres restantes, W a t t et Boulton se décidèrent à écrire le 4 mai 1781 une lettre qui n ' a pas été conservée, mais à laquelle les Périer répondirent le 24 du même mois 1 : « Nous vous annoncerons avec plaisir que nos machines sont sur le point d'être terminées. Nous comptons que l'une des deux marchera sous un mois. Nous ne doutons point de leur succès ». Mais la situation financière n'était pas brillante. « Les dépenses extraordinaires et le temps plus long que nous ne l'avions jugé nécessaire, qui s'est écoulé depuis le commencement de nos travaux, ont absorbé presque toute la première mise de fonds de nos actionnaires (rappelons que cette mise de fonds avait été de i44 000 livres), ce qui nous met aujourd'hui dans l'impossibilité de vous payer le restant de la somme qui vous est due par notre traité ». Toutefois, les Périer avaient l'intention de former une nouvelle création d'actions au moment où les machines marcheraient. Ils pourraient alors avoir des rentrées de fonds assez considérables pour s'acquitter de leur dette. En a t t e n d a n t de pouvoir faire mieux, ils réglaient une somme de ... £ I5I : 2 : « Montant des divers articles que vous nous avez fournis et expédiés par les navires qui nous ont apporté les pièces de fonte de nos machines ». Boulton répondit à une date que nous ignorons une lettre qui n ' e s t pas parvenue jusqu'à nous. D'après la réponse des Périer en date du 17 septembre 1781 2 on peut supposer que le négociant anglais avait dû réclamer son dû avec quelque énergie. Aussi, ne pouvant payer, Périer répond-il par une longue lettre qui constitue un rapport technique et financier intéressant. Côté technique d'abord : la machine à vapeur de Chaillot avait fonctionné. « Quoique cette machine ait marché plusieurs fois depuis son premier essai, elle n'est point encore portée à son dernier degré de perfection puisqu'elle ne donne que six impulsions par minute et qu'elle doit aller jusqu'à dix. M. Périer espère qu'elle arrivera à ce point dès qu'elle sera parfaitement terminée et qu'il aura ajusté certaines pièces avec plus de précision. En a t t e n d a n t nous avons lieu d'être contents p a r l'applaudissement général du public et par le succès qu'il paraît nous promettre ». Le « premier essai » de la machine de Chaillot avait en effet eu lieu le 8 août et f u t rapporté en ces termes dans le Journal de Paris : « Mercredi dernier au soir, en présence de M. le Lieutenant-Général de Police et de Mrs. les Prévôt des Marchands et Echevins, on a fait à 1. Périer à Boulton et Watt, 24 juin 1781, Birmingham. 2. Périer à Boulton et Watt, 17 septembre 1781, Birmingham.

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Chaillot le premier essai de la Pompe à feu qui doit fournir de l'eau dans tous les quartiers de Paris : cette Machine a élevé et versé une très grande quantité d'eau dans les réservoirs construits sur la hauteur de Chaillot, à n o pieds du niveau de la Rivière. Nous donnerons incessamment des détails circonstanciés sur les dimensions et les effets de cette Machine, exécutée par M. Périer; en attendant nous pouvons assurer que les Magistrats et les Spectateurs qui ont assisté à cette première expérience, ont témoigné une satisfaction qui prouve le besoin qu'a cette Ville d'une pareille abondance d'eau, et le désir que cet établissement utile soit bientôt porté à sa dernière perfection » 1 . Telles furent les circonstances du premier coup de piston qu'une machine à vapeur moderne, à condenseur séparé, ait donné sur le sol français. On voit que cet aspect de nouveauté technique est parfaitement méconnu par le rédacteur du Journal de Paris. Quant aux i4 4oo livres, il était impossible de les régler à la fin de septembre, comme Boulton l'avait sans doute demandé. Pour se justifier, Périer expose l'état des fonds de la Compagnie. Lors de la formation de la Société on sait qu'il avait été émis i 200 actions dont 1 080 seulement étaient payantes, les 120 autres étant réservées aux Périer. Or les fonds fournis à mesure avaient tous été employés et n'avaient même pas suffi pour conduire les travaux jusqu'au mois de septembre 1781. De sorte qu'après avoir placé les actions réservées aux Périer (soit i4 4oo livres, ce qui complète à i44 000 la mise de fonds initiale), il avait fallu recourir en janvier 1781 à un emprunt de 100000 écus. Ce nouveau secours avait servi à payer une partie des dettes et à subvenir aux frais journaliers de l'établissement, de sorte qu'il se trouvait consommé. « Il est même indispensable, continue Périer, que nous recourions à une nouvelle création d'actions pour continuer la distribution des eaux dans la ville, ce qui sera l'objet de délibération d'une assemblée générale des intéressés qui doit avoir lieu sous peu de jours et qui sans doute aura l'effet nécessaire à la continuation de notre entreprise ». Conclusion : « Les machines ne sont point encore portées à leur perfection... les fonds destinés à l'établissement n'ont pas suffi aux dépenses déjà faites... l'affaire ne donne encore aucun produit ». Périer prie donc Boulton de bien vouloir attendre le résultat de l'assemblée générale. Cette assemblée eut lieu le 6 décembre 1781 2 . La minute de la délibération nous apprend qu'on décide la création de 600 actions •—• donc une augmentation de capital de 72 000 livres. Mais aux termes de leur contrat, les Périer se trouvaient dès lors devoir à Watt et Boulton un second versement de 24 000 livres. On devine bien que cette perspec1. Journal de Paris, samedi 11 août 1781, p. 896. Le mercredi précédent était donc le 8 août 1781. B O U C H A R Y (op. cit., p. 4 9 ) indique cette date du 8 août sans préciser sa source, qui est très vraisemblablement le Journal de Paris. 2. Archives Nationales Minutier Central, étude X X X , liasse 459; le compte rendu de l'assemblée du 6 décembre 1781 est annexé à la minute du 27 août 1778.

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tive ne devait guère sourire aux actionnaires, aussi la délibération prit-elle un tour dont la minute ne nous révèle rien, mais sur lequel une lettre adressée dès le lendemain 7 décembre à Watt et Boulton nous renseigne amplement. On n'hésitait pas à contester la validité de la créance des ingénieurs anglais, pour essayer de se dispenser des versements onéreux qui avaient été prévus par le contrat. « On allait s'occuper des moyens de vous satisfaire, écrivent les Périer — il s'agit de la présentation à l'assemblée de la créance de i4 4oo livres — lorsque plusieurs nouveaux actionnaires ont prétendu que vous n'aviez pas de privilège pour l'établissement de vos machines en France et qu'il n'y avait pas eu d'arrêt du Conseil expédié pour vous en accorder le droit ». L'argument pourra sembler pour le moins inattendu car dans Vendenture du 12 février 1779 on peut lire : « The said James Watt and Matthew Boulton have likewise obtained an arett of the Council of State in France granting unto them an exclusive priviledge for the sole making and vending of their said new invented fire engines throughout the kingdom of France for the term of fifteen years ». En 1779 les Périer étaient parfaitement au courant de la situation, comme ils le sont en 1781. En réalité ils cherchent à décourager leurs créanciers ou à gagner au moins du temps. Du reste il faudra bien finir par payer, ce qui prouve que la transaction de 1779 n'était pas attaquable. « Cette question a arrêté la décision de l'assemblée et pour justifier la convention que vous avez passée à Londres avec notre sieur Périer en 1779, autant que pour nous mettre à même de pourvoir au payement du solde qui vous reste dû, nous croyons devoir vous prier de nous remettre copie des pièces relatives à l'obtention de votre privilège en France ». En 1781, la France et l'Angleterre sont toujours en guerre. On imagine comme il pouvait être facile pour Watt et Boulton de se procurer une expédition d'un arrêt du Conseil et, à supposer qu'ils y parvinssent, quel délai de temps devait s'écouler avant que cette obtention fût effective. « La réception de ces pièces nous mettra à même, en les représentant à nos actionnaires, de justifier l'acte de cession que vous avez passé à Londres avec M. Périer et éclaircira pleinement un fait sur la vérité duquel nous n'aurions jamais formé le moindre doute d'après votre seule parole ». Répétons-le, les Périer et toute la Compagnie des Eaux savaient pertinemment que le privilège existait, et cela depuis le jour où il avait été accordé x. « Mais obligés de rendre compte à nombre de particuliers dont on ne peut souvent arrêter l'opinion ou les préjugés que par des preuves, nous espérons que vous ne trouverez pas mauvais que nous y recourions et que nous fournissions les moyens de conviction les plus parfaits. C'est avec le plus vif regret que nous nous voyons forcés de vous faire supporter ce nouveau retard, mais dans les affaires de Compagnie les administrateurs doivent pleine et entière satisfaction,

1. Voir plus haut l'analyse de cet acte, dont le texte figure aux pièces justificatives.

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et nous espérons que vous voudrez bien nous aider à la donner le plus tôt possible ». Pour terminer les Périer donnent des nouvelles de la machine à vapeur et ils le font sur le même ton d'amabilité hypocrite qui caractérise le reste de la lettre, ton qui semble ici devenir celui d'un reproche déguisé : « La dernière fois que notre machine a marché nous avons obtenu de 7 à 8 impulsions par minute. Nous comptons toujours arriver aux 10, terme de sa perfection; c'est ce que nous vous apprendrons avec le plus grand plaisir ». Cela ne semble-t-il pas vouloir dire : non seulement vous réclamez de l'argent que peut-être on ne vous doit pas, mais encore vos machines ne fonctionnent pas aussi bien que vous le prétendez. Nous connaissons mal la suite des événements, à part le résultat final. Une lettre du i4 janvier 1782 1 nous apprend qu'à cette date Augustin-Charles était parti pour l'Angleterre. Il se proposait de voir Watt et Boulton en passant à Birmingham : « Nous espérons que vous voudrez bien lui être utile pour lui faire voir les objets intéressants de votre ville ». Le 5 février suivant 2 Jacques-Constantin partait à son tour pour l'Angleterre, raccompagnant Wilkinson. Il devait visiter des manufactures et comptait se présenter à Watt et Boulton; ceux-ci n'avaient pas encore répondu à la lettre du 7 décembre 1781. Périer leur donnerait de vive voix des détails sur l'état des machines à feu. Nous ne savons rien d'autre sur ces voyages. Le i e r mai 1782, Watt et Boulton répondirent à la lettre du 7 décembre; cette réponse est perdue. Nous avons en revanche la lettre que les Périer écrivirent à leur tour le 5 juillet 1782 3 . « Nous avons communiqué à notre Comité d'administration la lettre... qui nous rend compte des droits que vous prétendez avoir de faire, user et vendre des machines à feu dans le domaine de la Grande-Bretagne et des accords particuliers avec M. Wilkinson engagé avec vous de ne fabriquer aucune pièce desdites machines sans votre consentement. C'est sur ces bases que vous vous êtes appuyés pour traiter avec M. Périer pour lui céder l'usage des machines à feu à Paris et de lui fournir tous les dessins, coupes, etc., et de lui donner en outre par écrit toutes les informations qui pourraient être par eux requises ». Il n'est donc plus question de l'arrêt du Conseil accordant un privilège de 15 ans pour la France. Ce point avait dû être réglé d'une manière officieuse dans les conversations ayant eu lieu à Birmingham en janvier-février 1782. Du moins c'est tout ce que nous pouvons supposer dans l'état actuel de notre documentation. Les Périer demandent à Watt et Boulton de bien vouloir attendre la prochaine assemblée générale, prévue pour août 1782 : « Les administrateurs... n'ont pas cru devoir prendre une délibération définitive 1. Périer à Watt et Boulton, 14 janvier 1782, Birmingham. 2. Périer à Watt et Boulton, 5 février 1782, Birmingham. 3. Périer à Watt et Boulton, 5 juillet 1782, Birmingham.

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qui terminât cette discussion élevée dans une assemblée générale d'actionnaires. Ils ont décidé de renvoyer cette affaire devant tous les intéressés, puisque c'est devant eux qu'elle a été présentée ». E n bref, ce sont de nouveaux atermoiements. « Nous espérons que vous ne trouvez pas mauvais que nous vous remettions à ce court délai et que vous êtes persuadés d'avance du désir que nous avons de voir se terminer cette discussion à la satisfaction mutuelle des parties intéressées ». Après cette date du 5 juillet 1782, nos renseignements deviennent fragmentaires. Courant 1784, le compte de Périer Frères chez W a t t et Boulton 1 était débiteur de 4 1 2 80 livres comprenant trois articles : 1) i4 4oo livres restant dues sur le premier versement de 24 000, depuis le versement de 9 600 fait en juin 1779 comme on l'a vu plus h a u t ; 2) quatre années (1780-1783) d'intérêts à 5 % sur ces i4 4oo livres, soit 2 880 livres; 3) un second versement de 24 000 livres dû à cause de l'augmentation de capital du 6 décembre 1781. Quant aux intérêts qui auraient pu être dus depuis janvier 1782 sur ce second versement de 24 000 livres, le compte spécifie que remise en est faite aux Périer. Or un dernier échange de lettres nous apprend qu'à l'automne de 1786, les Périer se sont complètement libérés envers W a t t et Boulton en leur versant 27 668 livres. En août 1786 en effet 2 , W a t t et Boulton se plaignent d'avoir écrit plusieurs fois sans avoir eu de réponse, « b u t in consequence of a conversation t h a t Mr. St.-James held with our friend Mr. Argand, we have been flattered t h a t it will be agreable to your Company to pay the bill of our account ». On précise que le total de la somme est de 27 668 livres, « which includes the interests on the first sums from the time they were due to this time. We have not charged any interest on the 24 000 livres agreed to be paid at the augmentation of the original number of 1 200 actions ». Ceci mérite quelque explication, et nous amène en tout cas à faire une supposition. En effet nous comprenons d'abord que les 27 668 livres se décomposent en 24 000 livres franches d'intérêt et en 3 668 autres correspondant à des intérêts. Lesquels au juste? On remarque que 3 668 livres équivalent à cinq années d'intérêt à 5 % sur i4 4oo livres. On sait que cette somme de i4 4 0 0 livres était restée due depuis 1780 inclus. Donc les i4 4oo livres ont été payées, mais sans intérêts, à une date que nous ignorons — mais en t o u t cas postérieure à janvier 1784 et antérieure à la fin de cette même année puisque ce sont 5 ans d'intérêts (17801784) qui restent dus. Ces intérêts avaient été mentionnés sur le compte que nous avons cité plus haut, mais ils ne s'élevaient alors qu'à 2 880 livres, parce que quatre ans seulement étaient dus. Nous avons encore une lettre des Périer du 23 septembre 1786 et une de W a t t et Boulton du i4 octobre suivant 3 qui nous apprennent que les 1. Birmingham. 2. Watt et Boulton à Périer, août 1786, Birmingham. 3. Périer à Boulton et Watt, 23 septembre 1786; Watt et Boulton à Périer, 14 octobre 1786, Birmingham.

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27 668 livres ont bien été réglées. On nous p e r m e t t r a de ne pas considérer comme un problème l'existence des 68 livres supplémentaires. Ainsi, 5i 600 livres, c'est t o u t ce que le privilège de Boulton a coûté à Périer — alors que l'établissement des deux grandes machines de Chaillot revint à 268 4o5 1. 19 s. 7 d., sans compter les conduites p o r t a n t l'eau au réservoir On conviendra que c'est peu. Ce serait déjà peu comparativement aux sommes perçues en Angleterre p a r W a t t et Boulton, s'il ne se f û t effectivement agi que de la seule installation de Chaillot. Mais en fait le rusé Jacques-Constantin se trouvait m a i n t e n a n t en possession d ' u n p r o t o t y p e que, comme nous avons eu déjà plusieurs fois l'occasion de le faire observer, il n'allait pas se faire f a u t e de démarquer. Lorsque les pompes à feu de Chaillot f u r e n t en é t a t de marche, Périer désira naturellement recevoir une sorte de consécration officielle de son succès. Il rédigea u n mémoire sur sa réalisation et le présenta à l'Académie des Sciences, en y joignant un second mémoire où il décrivait une seconde machine à vapeur d o n n a n t la force motrice à la fonderie de Chaillot, machine sur laquelle nous aurons à revenir. L'Académie délégua pour examiner les réalisations de Périer q u a t r e commissaires qui f u r e n t Le Roy, l'abbé Bossut, Cousin et Coulomb. La visite eut lieu fin février-début mars 1783. Le physicien suisse Deluc, a y a n t assisté à des essais antérieurs, en avait fait le compte rendu à W a t t , qui s'était empressé d'en écrire à Boulton le 29 octobre 1782 2 . A l'en croire, ces premières épreuves n ' a u r a i e n t pas donné de bien brillants résultats. La machine aurait d'abord donné deux coups de piston seulement par minute. E n effet, Périer dans sa hâte et son émotion, aurait oublié de m e t t r e la chaudière en communication avec la chemise de vapeur du cylindre. Cette omission réparée, la machine aurait atteint la vitesse de quatre coups p a r minute, et Deluc ne l'aurait jamais vue marcher plus vite. Cela est probablement exact à cette date de l'automne 1782 car, comme nous le verrons dans u n instant, la machine de Chaillot commença p a r aller fort l e n t e m e n t ; mais dans les mois suivants, son allure allait s'améliorer. D ' a u t r e p a r t W a t t commente ces résultats médiocres avec une joie maligne qui n ' a rien pour surprendre, la Compagnie des E a u x faisant justement à cette époque toutes sortes de difficultés p o u r lui régler son dû. Le r a p p o r t des commissaires de l'Académie, qui f u t rédigé p a r Coulomb en date du 19 mars 1783, nous a été conservé avec les archives de cette séance 3 . Nous en publions le texte complet dans nos pièces 1. P É R I E R , Mémoire sur la machine de Marly..., p. l4- Les 2 chiffres sont en livres tournois. 2 . Lettre de Watt à Boulton, 2 9 octobre 1 7 8 2 , citée par M U I R H E A D , Life of James Watt, p. 266. 3. 22 février 1783 : M. Périer a lu un mémoire sur les pompes à feu (Registre f. 56 v°) ; 12 mars 1783 : M. Périer a lu un deuxième mémoire sur la machine à feu

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justificatives. Ce rapport inédit jusqu'à présent constitue la première description qui ait été donnée en France du nouveau système de machine à vapeur à condenseur 1 . Il conclut à l'insertion des deux mémoires de Périer dans le Recueil des Savants étrangers, ce qui n'a malheureusement pas eu lieu et c'est d'autant plus regrettable que les originaux de ces mémoires sont perdus. Ce n'est qu'en 1790 que Prony, au tome I de sa Nouvelle Architecture hydraulique, ayant du reste sous les yeux toute la documentation conservée à l'Académie, et se trouvant en rapports constants avec Périer, devenu académicien dès 1783, donnera enfin à la France la première description imprimée du nouveau système de machines à vapeur 2 . Description fort sommaire, du reste; les explications circonstanciées, incluant cette fois-ci la machine à double effet importée entre-temps, n'interviendront qu'en 1796, dans le tome II de la Nouvelle Architecture hydraulique 3 . Aussi, jusqu'à la fin de l'Empire, {Registre, f. 79 v°); 19 mars 1783 : rapport des commissaires, désignés dès le 11 février : Le Roy, l'abbé Bossut, Cousin et Coulomb (original au dossier de la séance et registre, ff. 9 0 - 9 8 v°). Nous remercions MM. les Secrétaires perpétuels d'avoir bien voulu autoriser la publication de ce texte que, d'autre part, il nous aurait été impossible de retrouver sans l'inépuisable complaisance de M me Gauja et de M. Berthon, conservateurs d'archives. Cf. Jacques P A Y E N , Documents relatifs à l'introduction en France de la machine à vapeur de Watt, pp. 3O9-3I41. Dans les premières descriptions de la pompe à feu de Chaillot, faites par divers publicistes à partir de l'automne 1781, le rôle du condenseur est complètement méconnu. Ainsi un nommé L A M B E R T (Journal de Paris, 1 8 sept. 1 7 8 1 , pp. IO52lo53) déclare avoir été renseigné le 21 août précédent par Périer lui-même; l'ingénieur avait répondu « à toutes les questions qu'on lui faisait, même à celles qui décelaient une ignorance totale de cette machine ». Tout ce qui frappe Lambert, ce sont les chaudières; il ajoute cette faible phrase : « La vapeur de cette eau en se raréfiant sert de moteur à un balancier énorme qui met en jeu une pompe » (p. io53). Dans le prospectus de la Compagnie des Eaux, diffusé en octobre 1781 et vraisemblablement Tédigé par Beaumarchais, on trouve plus de détails, mais malheureusement ils sont faux (voir texte entier du prospectus dans B E L G R A N D , op. cit., pp. 328-345). L'auteur, quel qu'il soit, note d'abord : « Chaque fois que le piston est remonté au haut de sa course, une injection d'eau froide subitement lancée au-dessous de lui (!) par la machine et dans la vapeur dilatée, la condense aussitôt, la détruit et provoque un vide parfait dans tout l'espace occupé par la vapeur » (p. 336). Plus loin voici mieux encore : « Le... balancier par son mouvement alternatif ouvre et ferme les soupapes qui permettent ou empêchent l'introduction de la vapeur dans le cylindre; il y (!) fait lancer aussi l'injection d'eau froide qui produit le vide » (pp. 337). Cette fois-ci, c'est une machine de Newcomen qu'on nous décrit. Le fait n'a pas manqué de frapper B E L G R A N D qui, connaissant Prony, s'y est reporté. Il en reproduit une planche qu'il commente de la manière suivante : « A la simple inspection de cette figure, on voit qu'elle représente bien la machine... perfectionnée par Watt, puisqu'elle a un condenseur et une pompe à air » {op. cit., p. 336, note). 2 . P R O N Y , Nouvelle Architecture hydraulique, t. I , La machine de Watt est décrite rapidement pp. 568-571 (paragr. I34I jusqu'à paragr. i345, I. 4; et figure 194, très sommaire, en planche l5). 3 . P R O N Y , Nouvelle Architecture hydraulique, t. II. Les deux volumes sont séparés par toute la durée de la Révolution ( 1 7 9 0 à 1 7 9 6 ) . Prony insiste ici surtout sur les machines à double effet (signalées brièvement dès 1 7 9 0 ) ; il considère à juste titre la machine à simple effet comme à peu près périmée. La machine de Chaillot n'est

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ne construira-t-on pas les machines à vapeur, en France, autrement que W a t t ne le faisait en Angleterre vers 1785. Ne relevons ici que ce qu'il y a de plus saillant dans le texte de Coulomb. L e rapporteur note d'emblée, et il est évident qu'il ne fait que répéter les renseignements contenus dans le mémoire de Périer : « Cette pompe à feu est construite d'après les principes de MM. W a t t et Boulton, deux artistes anglais qui depuis à peu près douze ans se sont occupés avec beaucoup de succès de la perfection de cette machine ». Comme on le voit, tout malentendu est évité dès l'abord. Périer n'a jamais prétendu être l'inventeur des machines à vapeur. Il le répétera encore avec force dans le mémoire qu'il fit imprimer en 1810 : « Je ne suis donc point l'inventeur des machines à vapeur. Mais je suis le créateur de cette branche d'industrie en France » 1 . Coulomb décrit ensuite dans la première partie de son rapport le mode de fonctionnement de la machine de Newcomen, en renvoyant du reste à la Physique de Désaguliers. Il en analyse très correctement le principal défaut, utilisant là encore sans doute les données fournies par Périer : « L'injection rafraîchissant les parois intérieures du cilindre et... ces parois se trouvant exposées à l'air extérieur pendant la descente du piston, perdent une partie de leur chaleur et condensent ensuite dans le temps que le piston monte une partie de la vapeur fournie par la chaudière, condensation entièrement perdue dans l'effet de la machine ». Le remède apporté par W a t t et Boulton, le voici « d'après la description de la grande pompe à feu de Chaillot... » : « A u lieu de faire l'injection dans le cilindre même ils l'ont faite dans un t u y a u particulier qui communique avec le cilindre et qu'ils ont nommé le condenseur ». Bien entendu les autres particularités de la machine à simple effet de W a t t sont également décrites : admission de la vapeur sur la face supérieure du piston, usage de la pompe à air, chemise de vapeur, boîte à étoupe. L a description minutieuse du condenseur, du mécanisme de distribution, ainsi que du jeu de la machine, offre évidemment un moindre intérêt pour nous, à qui la machine de W a t t semble classique. Il ne faut pas oublier pourtant que c'était la première fois que de tels détails étaient exposés explicitement en France. Les commissaires avaient observé le fonctionnement de la machine durant deux jours. Périer y avait adapté deux manomètres, dont l'un donnait la pression de la chaudière et l'autre la pression du condenseur. Il est intéressant de noter, parmi tant d'autres, ce témoignage de la donc décrite que paragr. 1445, et suivants, puis la machine du Gros-Caillou (également à simple effet) paragr. 1454 et suivants, enfin la machine élévatoire de la fonderie de Chaillot, paragr. 1458. Le texte se complète de planches très détaillées. Nous croyons donc tout à fait superflu de donner ici une description de l'installation de Chaillot. 1. P É R I E R , Sur les machines à vapeur, p. 11.

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faiblesse des pressions alors usitées; elle dépasse tout ce qu'un esprit non prévenu pourrait imaginer : « La force d'expansion de la vapeur répond à une colonne de 3o pouces de mercure, c'est-à-dire à deux pouces de plus que le poids ordinaire de l'atmosphère ». Nous avons donc i /i4 d'atmosphère. En revanche, le vide du condenseur pourra ne pas sembler mauvais pour l'époque. « Dans le siphon du condensateur (sic) le siphon monte du côté du condensateur à 27 pouces, c'est-à-dire que le vide s'y fait à 1 /28 du vide parfait ». Coulomb présente encore quelques observations intéressantes sur les oscillations précipitées de la colonne de mercure au moment où le cylindre était mis en communication avec le condenseur. L'établissement rapide d'un bon vide était l'objet des soins de Périer, qui avait du reste déjà obtenu des résultats favorables en ce sens. « M. Périer s'est occupé de cet objet et la pompe à feu qui ne donnait au moment de son établissement que 4 ou 5 coups par minutes en donne à présent 10 ou 12 ». Ainsi l'extrême lenteur qui avait frappé Deluc six mois auparavant, et qui faisait la joie de Watt, avait alors disparu. Au sujet du rendement, il s'avérait conforme aux promesses de Watt et Boulton : l'économie de combustible était bien de 75 %. Coulomb entre ensuite dans de longs détails sur la manière dont Périer avait résolu les difficultés provenant de l'inertie d'une colonne d'eau élevée à 110 pieds dans une conduite de 36o toises de long où elle circulait à la vitesse de 5 pieds par seconde. L'ingénieur français n'était pas peu fier du dispositif imaginé à cet objet. Tout au long de sa carrière, il s'est étendu avec complaisance sur ce dispositif, chaque fois qu'il en a eu la moindre occasion. C'était une des rares choses dont il fût réellement l'inventeur 1 . « Cette partie de la théorie des pompes lorsqu'elles refoulent l'eau dans de longues conduites ne paraît pas avoir été assez examinée et a été sentie par M. Périer et voici le moïen qu'il a employé pour éviter ce défaut ». Il avait établi un réservoir d'air comprimé à une douzaine de pieds du départ inférieur de la conduite. Dans l'intervalle des coups de piston, l'air comprimé refoulait rapidement vers le bas la petite portion aval de la colonne d'eau, ce qui évitait sous le piston de la pompe élévatoire 1. Ou tout au moins dont il ait revendiqué l'invention. En fait il existait aux Yorks Buildings de Londres, construits avant la mort de Newcomen, c'est-à-direavant 1729, un dispositif du même genre : « The delivery pipes from the two pumps were led into a closed cistern or receiver, in which the compression of air acted as a balancer, forcing the water in a steady stream up a rising main to a storage réservoir » (L.T.C. R O L T , Thomas Newcomen, p. 115). Peut-être toute la nouveauté introduite par Périer consistait-elle à admettre des bulles d'air par barbotage, ce qui avait pour résultat d'envoyer au réservoir de l'air précomprimé.

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toute cavitation, dont l'effet eût été désastreux; le même air comprimé en se détendant permettait au même moment l'ascension de la partie amont de la colonne se trouvant alors dans la conduite, si bien que l'écoulement dans le réservoir situé au sommet de la colline se faisait d'une manière continue. Quant à la fourniture de l'air comprimé au réservoir, elle se faisait par des bulles qui, admises par un orifice spécial du corps de pompe, barbotaient dans l'eau aspirée et gagnaient le réservoir d'air avec cette même eau. Le balancier de la machine pesait 3o ooo livres. Périer avait cru bien faire en en disposant les parties : « de manière qu'il fasse des vibrations à peu près isocrones (sic) à celles des coups de piston. Par ce moïen, les forces destinées à produire l'effet de la machine ne sont que peu altérées par l'inertie du balancier. Nous disons : que peu altérées; parce qu'elles ne suivent pas ici dans leur marche des lois analogues à celles des vibrations du balancier. Mais l'idée de M. Périer n'en est ny moins juste ni moins ingénieuse, ny moins applicable à la construction de toutes les parties mobiles des grandes machines ». Trois ans plus tard, en 1786, Watt et Boulton firent un voyage en France. Ce voyage eut lieu sur l'invitation du gouvernement français qui commençait alors à se préoccuper du remplacement de la machine de Marly. C'était surtout dans ce but que les deux ingénieurs anglais avaient été invités. Quoique se déclarant « perfectly sensible at the honour which might be acquired by such a job as Marly », Watt montra peu d'enthousiasme. Il craignait que l'affaire ne lui rapportât que travaux excessifs et désagréments, et il ne se sentait « by no means sure of the profit » 1 . Vingt ans plus tard Périer n'aura pas la même circonspection, et malgré l'avantage qu'il avait de résider sur place, il lui en cuira, comme nous le verrons, d'avoir voulu s'occuper de la machine de Marly. C'est un fait digne de remarque qu'à cette date de 1786 Périer ne paraît nullement avoir été pressenti en vue d'une semblable réalisation. Il semble que Périer n'était pas sympathique au baron de Breteuil, qui f u t à la Maison du Roi et au Département de Paris de 1783 à 1787. Quoique les actions de la Compagnie des Eaux fussent alors à leur plus haut cours on peut sans doute discerner en outre dans cette froideur du pouvoir un prodrome des événements de 1788, dont le résultat f u t de chasser les Périer de leur entreprise. Après la transformation de la Compagnie des Eaux en Administration Royale des Eaux, les Périer en effet n'étaient plus que des étrangers à la pompe à feu de Chaillot, et devront plaider de longues années pour obtenir une liquidation acceptable de leurs droits. Tous ces événements ayant été étudiés dans le plus grand détail par Bouchary, on ne les rappelle ici que pour mémoire 2 . 1. M U I R H E A D , Life of James Watt, p. 3 9 9 . 2. B O U C H A R Y , L'eau à Paris, passim, mais surtout pp. 5 2 - 7 2 pour la période 1781-1786, et g3 et suivantes pour les déboires de la Compagnie des Eaux.

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Dans leur voyage de 1786, W a t t et Boulton admirèrent les machines à vapeur produites p a r Périer; nous aurons l'occasion de le dire plus loin. Mais en ce qui concerne la violation de leur fameux privilège de 1778, il semble qu'ils durent se borner à des revendications platoniques. Le 3 février 1787, W a t t écrira à Roebuck : « We have also vindicated the honour we were robbed of by M. Perrier's assuming the merit of my invention ; he said our coming was un coup de soufflet diabolique pour lui » 1 . L'acrimonie de W a t t lui fait ici excéder la réalité; car Périer, s'il lui a dérobé de l'argent, ne lui a jamais dérobé l'honneur; reconnaissons que c'était du reste assez de l'argent pour justifier le mécontentement de l'ingénieur anglais. D'autres rapports plus secrets eurent lieu à Paris en 1786 entre W a t t et Périer. Le brouillon d'un mémoire transmis au second par le premier nous éclaire bien sur l'hostilité de Breteuil envers Périer; il révèle en outre une fois de plus le caractère profondément cauteleux de W a t t . Celui-ci en effet, pressenti par le ministre pour réaliser de nouvelles installations élévatoires à Paris, voit avant t o u t dans Périer le rival puissant et dangereux et essaye de se concilier ses bonnes grâces 2 . En effet Breteuil demanda à W a t t et Boulton lors de leur visite de 1786 d'examiner les pompes hydrauliques de Notre-Dame et du PontNeuf, pour voir si elles pouvaient êtres améliorées. Il leur demanda également s'il n ' y avait pas d'autres moyens de fournir Paris en eau. C'est que le ministre en effet n'approuvait pas qu'une commodité si essentielle de la vie fît l'objet d'un monopole — c'est-à-dire restât entre les mains du seul Périer, qui avait reçu un privilège pour l'emploi des pompes à feu. W a t t et Boulton examinèrent donc les machines existant à NotreDame et au Pont-Neuf et considérèrent également le problème en général. Ils jugèrent que les machines de Notre-Dame et du Pont-Neuf pouvaient être reconstruites de manière à élever une quantité d'eau au moins double de celle qu'elles fournissaient alors. Mais ils aperçurent aussi un autre moyen de fournir de l'eau à la ville, moyen différent de celui qui aurait consisté à employer ou à exécuter aucun des projets proposés jusque-là, ou dont on avait publiquement parlé. Comment savoir ce qui se dissimule derrière ces phrases entortillées? Le plus vraisemblable est de supposer que W a t t et Boulton songeaient tout simplement à tourner le privilège de Périer en installant à Paris des machines à double effet, alors parfaitement au point, mais d o n t nul en France ne soupçonnait l'existence. W a t t et Boulton désiraient servir le public de leur mieux, et également servir la Compagnie des E a u x — ou tout au moins éviter de lui porter préjudice —, pour a u t a n t que le comportaient leurs obligations 1. Cité par B A L L O T , Introduction du machinisme, p. 3 G 8 , note 3 , d'après M U I R H E A D , Life of James Watt, p. 267. 2. « Heads of communication with M. Périer of Paris. 1786 », Birmingham.

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envers ceux qui les employaient, et que l'envisageait leur propre probité. Mais leur situation était désagréable. Les opinions de leurs amis se trouvaient partagées. Ils auraient facilement pu démontrer que la ville pouvait être alimentée en eau de façon abondante, régulière et sûre au moyen de machines à feu, sans employer d'autres appareils ou aqueducs quels qu'ils fussent. Un certain M. Demeronge les incitait même à remettre un mémoire en ce sens au ministre. Mais ils pensaient que Demeronge se trompait. Il leur semblait plus sûr pour la Compagnie d'éviter pour le moment de remettre aucun mémoire par écrit : ils craignaient s'ils le faisaient d'allumer « des incendies qu'il ne serait pas facile d'éteindre ». Le principal objet de W a t t et Boulton était de servir le public. Ensuite, de servir la Compagnie des Eaux. De plus « it is also natural that we should expect to serve ourselves, as we are spending our money, loosing our time and neglecting our own business very foolishly ». Le ministre, non moins que la population, craignait que la Compagnie des Eaux, si son monopole restait entier, pût prendre sur le public les avantages les plus arbitraires. Aussi W a t t et Boulton trouvaient-ils nécessaire que le public reçût la garantie d'être fourni en eau à un prix qui restât modéré. Si l'on pouvait trouver des moyens d'élever de grandes quantités d'eau à moindre prix qu'avec les machines à feu, W a t t et Boulton seraient d'avis que la Compagnie s'assurât de ces moyens et que les deux procédés fussent fondus en une seule entreprise. Si W a t t et Boulton pouvaient suggérer de tels procédés, ils auraient conscience de rendre service aux deux parties. Mais ce sont-là choses dont il leur est impossible de parler devant quelque étranger que ce soit. Ils souhaitent donc rencontrer Périer pour s'ouvrir plus pleinement à lui et recevoir son avis. W a t t termine en demandant à être renseigné avec précision sur la consommation des machines de Chaillot, avant de dire quoi que ce soit de décisif au ministre à leur sujet. Il semble que rien de positif ne sortit de ces tractations mystérieuses dont, si les modalités exactes demeurent obscures, le sens général n'est pas moins parfaitement clair. On ne toucha pas aux pompes de Notre-Dame et de la Samaritaine. E t Périer fit poser le 24 juillet 1786 la première pierre de sa seconde grande réalisation parisienne, la pompe du Gros-Caillou, sur laquelle nous reviendrons W a t t ne reparut à Paris qu'en 1802, au moment de la paix d'Amiens. Il avait pris sa retraite en 1800, à la fin de son brevet et de sa société avec Boulton. Entre-temps ses rapports avec la France s'étaient bornés aux inquiétudes que lui donnait son fils, jeune homme dont le caractère extraordinairement agité était aux antipodes de celui de son père. James W a t t junior séjourna en effet à Paris en 1792 et s'y mêla aux événements révolutionnaires. Il ne tarde du reste pas à gagner l'Italie, 1. L'événement fut annoncé et commenté, sans bienveillance aucune du reste, par les Mémoires secrets, t. X X X I I , pp. 209-210.

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peut-être, s'il faut en croire Muirhead, à la suite de difficultés avec Robespierre l . Ce n'est qu'en 1794 qu'il jugera pouvoir regagner l'Angleterre sans risquer le sort de Priestley, dont la maison de Birmingham avait dès 1791 été détruite aux cris de « Church and King ». A Paris en 1802, Watt, qui ne voulait plus entendre parler de Périer, rencontra de préférence Prony. Il en écrira de la sorte à Robison le 26 avril i8o3 : « (He) seems an exceeding good sort of man, as well as a very able mathematician. He appeared to be sorry that he had not taken more notice of me in his book on the steam engine, and he has offered to publish in a succeeding volume anything I please to furnish him with on the subject » 2 . Cela n'eut jamais lieu. La reprise de la guerre n'en f u t pas l'une des moindres raisons. Regrettons-le pour les progrès de la machine à vapeur en France. Mais, franchement, de quoi W a t t avait-il à se plaindre, sinon de la perte de ses royalties? Quant à ses mérites d'inventeur, Prony lui avait, nous l'avons suffisamment fait voir, pleinement rendu justice dès 1 7 9 0 . Vers i85o les machines de Chaillot existaient toujours sans avoir reçu de modifications sensibles au cours de leurs soixante-dix années d'existence. On décida alors de les remplacer par des machines de Cornouailles. L'opération se fit sous la direction de Belgrand. Celui-ci, avant de procéder à la suppression des vieilles pompes à feu, eut la curiosité de se livrer à quelques observations intéressantes. S'étant procuré le prospectus publié par la Compagnie des Eaux en 1781, il calcula la puissance en chevaux-vapeur d'une machine d'après ces données anciennes. Voici son raisonnement. Les machines pouvaient, selon le prospectus, donner de 8 à 10 coups de piston par minute. Soit donc 9 le chiffre moyen. Chaque coup de piston montait l'eau à 32,89 m en moyenne; la quantité d'eau élevée par la pompe à chaque coup de piston était de i,o53 m 3 (résultat obtenu par conversion des mesures anciennes). Donc la quantité d'eau élevée en moyenne par seconde était de 0,158 m 3 ; ce qui donnait pour la puissance en kgm/s : 3 2 , 1 8 9 X i58 = 5 1 9 6 , 6 2 ; soit en chevauxvapeur : 69 3 . Belgrand voulut ensuite confronter ces données avancées par le prospectus, avec la réalité, et se livra à des expériences sur Y Augustine. Il en ressortit que celle-ci pouvait monter en 24 heures 13 168 m 3 d'eau, ce qui, étant donné la hauteur, représentait un travail de 5 079 kgm /s, ou 67,7 chevaux-vapeur; ces chiffres on le voit sont à peine inférieurs à ceux fournis par le précédent calcul. Quant à la consommation de 1. MUIRHEAD, Life of James Watt, pp. 492 et suiv. — Arthur BIREMBAUT, « Deux lettres des W a t t père et fils, à Monge », Annales historiques de la Révolution française, X X X V , ig63, pp. 356-357. 2. MUIRHEAD, Life of James Wait, p. 482. 3. BELGRAND, Travaux souterrains de Paris, p. 34o.

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charbon elle avait été, lors de ces essais, de 4,74 kg de charbon par cheval et par heure 1 . Augustine cessa de fonctionner le 8 août I852 et f u t remplacée par la machine de Cornouailles baptisée Iéna; Constantine f u t arrêtée en juin i853 et céda la place à la machine Aima. Belgrand conclut avec regret : « Ces machines... méritaient d'être conservées dans un musée... Elles ont été vendues, parce que le service ne disposait d'aucun établissement convenable pour les recevoir et les conserver » 2 . Nous ne saurions mieux faire que de nous associer aux sentiments exprimés ici.

1 . B E L G R A N D , op.

cit.,

p.

382.

2.

cit.,

p.

383.

B E L G R A N D , op.

CHAPITRE

IV

L'ACTIVITÉ DE LA MANUFACTURE DE CHAILLOT — PREMIÈRE PARTIE : DE LA FONDATION (1778) JUSQU'A LA FIN DE L'ANCIEN RÉGIME On ne saurait, croyons-nous, définir l'origine et la nature de la fameuse fonderie de Chaillot plus clairement que ne le fait le document suivant; il s'agit d'un extrait des délibérations d'une assemblée générale des actionnaires de la Compagnie des Eaux, tenue le 6 décembre 1781 : « Un objet très essentiel dont MM. les administrateurs se sont toujours occupés, et dont ils croient devoir rendre compte à l'Assemblée générale, est la manière dont se font toutes les fabrications concernant l'entreprise dans les ateliers de Chaillot. En octobre 1778 MM. Périer, voyant que leur présence continuelle était absolument nécessaire pour le bien de cet établissement, se virent forcés de transporter à Chaillot toutes leurs affaires particulières et, dès ce moment, ils présentèrent à l'administration un mémoire dont l'objet était la manière dont s'y feraient les travaux. Ils proposèrent deux moyens : l'un d'être les régisseurs de cette partie et de faire tout fabriquer pour le compte de la Compagnie, l'autre d'être les fourniss eurs et de se charger de toute la manutention. Le premier parut offrir de plus grands inconvénients par la difficulté de distinguer les ouvriers et de séparer exactement leurs ouvrages particuliers de ceux de la Compagnie, le second fut trouvé plus convenable pour l'administration. « En conséquence et d'après ce plan, il fut fait un inventaire des meubles et outils que la Compagnie avait fait faire. MM. Périer se chargèrent de l'acquisition de toutes les matières premières, et de fournir à la Compagnie tous les objets nécessaires à l'entreprise sur des marchés caits pour les artistes qui en seraient susceptibles, ou sur le règlement de mémoires pour ceux de détail. Cette marche a été constamment suivie et les mémoires fournis jusqu'au 3i juillet dernier (1781). Ils sont actuellement entre les mains des experts pour la vérification et le règlement, et la Compagnie sera bientôt à même de juger du bien qui résulte pour elle de cet arrangement. Elle y trouvera deux grands avantages, celui de l'épargne par la modicité des prix demandés par MM. Périer, et celui d'avoir des ouvrages plus parfaits et bien plus tôt

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exécutés, ce qui la dédommage amplement des dépenses qu'elle a été obligée de faire en établissements et grosses réparations, dont elle doit être chargée en qualité de propriétaire des immeubles de l'Orangerie » x . On saisit donc la manœuvre de Périer. Au plus tard courant 1778, l'idée lui est venue de s'installer à Chaillot à proximité de la pompe à feu. Comme par hasard les terrains acquis sous la direction de Périer, notons-le, se trouvèrent trop grands... et la Compagnie fut toute heureuse d'accueillir Jacques-Constantin dans la partie inutilisée. Il est, du reste, parfaitement exact que la présence continuelle de l'ingénieur sur les lieux où devait se construire la machine élévatoire ne pouvait manquer d'être très profitable à l'entreprise. Mais pendant dix ans Périer va se trouver locataire de la Compagnie dans des conditions qu'il n'est sûrement pas hasardeux d'estimer très avantageuses : la dernière phrase du document que nous venons de citer semble répondre à un reproche de ce genre. Ayant ainsi trouvé à Chaillot en cet automne de 1778, tout leur espace vital — il semble bien qu'auparavant les Périer n'avaient en propre que leur forge de la Chaussée d'Antin —, les « affaires particulières » de Jacques-Constantin commencèrent par connaître un développement considérable. Il y eut une dizaine d'années d'euphorie, coïncidant avec les dix dernières années de l'Ancien Régime; la jeune fonderie de Chaillot se trouva entraînée dans le tourbillon général de cette période. En 1818, Jomard évoquera pour la Société d'Encouragement cette époque héroïque avec peut-être un soupçon de nostalgie : « Il fallut fabriquer pour le succès de l'entreprise (des Eaux de Paris) un grand nombre de tuyaux et créer des foreries à chariot et à engrenage. Pour confectionner de nouvelles machines à vapeur, les frères Périer exécutèrent une fonderie de quatre fourneaux à réverbère (appareil inconnu en France avant cette époque) et pouvant chacun servir à fondre cinq milliers de fonte en trois heures. Des ateliers de tout genre furent établis près de la fonderie avec une promptitude qui atteste l'activité d'esprit et l'habileté des deux frères, tels que des ateliers à martinets, des tours parallèles, des machines à tailler les vis, des ateliers de menuiserie, de chaudronnerie, de plomberie et de charpente, des alésoirs à engrenage et à manège horizontal et perpendiculaire, etc. On voit assez quelle variété de connaissances exigeaient ces travaux à une époque où les arts mécaniques étaient encore peu avancés et les ouvriers sans instruction et sans guide. On ignorait alors en effet l'art de fondre les pièces au moyen des fourneaux à réverbère, chauffés à la houille, ainsi que l'usage des étuis en fonte pour le séchage des moules, et le moulage en sable pour les grandes pièces. « A Chaillot on fabriquait des cylindres à vapeur de 0,67 m à 2 mètres de diamètre, sur 2,60 m et 3,25 m de longueur. C'est là qu'on a construit 1. Archives Nationales, Minutier Central, X X X 45g, 6 déc. 1781, dans la liasse du 27 août 1778.

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les machines à feu destinées pour le Gros-Caillou et pour la Gare; pour Monceau, Bagatelle, Neuilly et le Raincy, et qu'on a créé les moyens nécessaires tant au laminage des cuivres de Romilly qu'à l'établissement du Creusot. Plus de cent machines à vapeur sont sorties de ces ateliers. Les frères Périer ont fait en outre une multitude de machines hydrauliques ou à manège, de balanciers et de découpoirs d'une force extraordinaire; enfin d'ouvrages de tout genre dont il serait impossible de faire l'énumération complète. Nationaux et étrangers, fabricants, propriétaires ou capitalistes leur commandaient sans cesse de nouvelles entreprises. Ils fabriquèrent pour le commerce quantité de machines à feu à simple et à double effet et à rotation ; les unes pour l'arrosement, les autres pour faire mouvoir des laminoirs à tables et à tuyaux de plomb comme à Saint-Denis, ou des machines à frapper les boutons comme à l'île Louviers, ou des moulins à farine ou des filatures de coton et de laine. D'autres machines étaient destinées à l'alésage des cylindres de pompes de toute espèce, à l'épuisement des eaux, à l'extraction du charbon de terre, etc. Tant d'inventions ou d'applications utiles opérèrent une révolution dans nos arts et créèrent une école d'ouvriers, en même temps qu'un centre de perfectionnements incalculables » En 1787, l'auteur d'un guide de voyage décrivait ainsi l'usine de Chaillot (qu'il distingue du reste assez mal de la pompe à feu) : « Après la ruelle qui est au-dessus de cette église (Saint-Pierre de Chaillot), et du même côté, sont les ateliers de la pompe à feu de MM. Périer frères. Une grille en annonce l'entrée. Ces ateliers sont curieux à voir tant par le nombre d'ouvriers, que par les machines ingénieuses employées aux différents travaux. On y a construit aussi une petite machine à feu qui élève assez d'eau pour faire aller trois roues hydrauliques qui mettent en mouvement des martinets, des tours, et une machine à forer des tuyaux de bois avec une justesse et une promptitude extraordinaire » a . Nous pouvons nous faire une idée assez précise de cette machine à forer les tuyaux de bois. Il existe en effet au Musée du C.N.A.M. le modèle d'une telle machine, et ce modèle a précisément été construit par Périer 3. Il s'agit d'une forerie horizontale pouvant percer à la fois deux troncs d'arbres. Une roue hydraulique en dessus entraîne une grande roue dentée, qui au moyen de deux roues dentées plus petites donne le mouvement aux arbres portant les forets. Ceux-ci sont d'une forme très simple, évoquant celle d'une gouge. Les troncs sont fixés sur des chariots roulant au-dessus de fosses allongées. La pression du tronc sur le foret est donnée manuellement : des roues à mains permettent de faire tour1. JOMARD, « Notice sur feu M. Perrier... », Bulletin de la Société d'Encouragement, X V I I I , 1819, pp. I35-I36. 2. T H I É R Y , Guide des amateurs et des étrangers voyageurs à Paris, t. I , Paris, 1 7 8 7 , p. 44. 3. Musée du C.N.A.M., n° d'inventaire 1156.

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ner des pignons, placés dans la fosse, qui attaquent des crémaillères fixées sous les chariots. Une manœuvre rapide d'avance ou de recul des troncs à forer peut également avoir lieu, grâce à une commande des chariots par des treuils placés en tête de la forerie. Des embrayages par pignons d'angle permettent de faire tourner à volonté ces treuils dans un sens ou dans l'autre. Les leviers d'embrayage sont visibles à proximité des engrenages de la forerie. L'échelle semble être de l'ordre du douzième, ce qui donnerait aux troncs d'arbre figurant sur le modèle un diamètre réel de 25 cm environ. Le texte que nous venons de citer un peu plus haut nous parle également de la machine à vapeur qui servait à donner la force motrice à l'atelier. Nous connaissons bien cette machine; non pas tant par Prony qui n'en donne en 1796, dans le volume II de sa Nouvelle Architecture hydraulique, qu'une description assez succincte 1 , que par ce rapport de Coulomb, daté du 19 mars 1783, et dont nous avons déjà analysé la partie relative à la pompe à feu de Chaillot 2 . La machine élevait l'eau à une hauteur de i5 à 17 pieds. Comme machines-outils entraînées, Coulomb cite une machine à percer des tuyaux (nous la connaissons déjà), des soufflets, des marteaux de forge, « enfin toutes les parties d'un grand atelier ». La chaudière avait 5 pieds de diamètre et 6 pieds de haut. La course du piston moteur était de 4 pieds, le diamètre du cylindre de 22 pouces et demie; la cadence du fonctionnement était de 8 à 9 coups par minute. Le soufflet de forge n'était pas mu par la roue hydraulique, mais entraîné directement par la machine à vapeur, ce qui est logique puisque dans ce cas il n'est pas question de mouvement de rotation. La pompe avait le même diamètre que le cylindre moteur. En mars 1783 cette installation n'était « établie que depuis peu de jours ». Périer avait perfectionné le mécanisme de distribution. C'est ce point qui a surtout retenu l'attention de Prony. Un autre détail donné par Coulomb devra davantage retenir la nôtre, c'est la suppression de la pompe à air. Périer avait imaginé là un dispositif qui fait de lui le pionnier de l'emploi du condenseur-éjecteur, disposition suivant laquelle la pompe à air est remplacée par la force vive de la vapeur d'échappement, qu'on a soin de ne pas détendre complètement. Ce n'est que dans la seconde moitié du xix e siècle, et à la suite des travaux de Giffard, que ce système connut son plein développement grâce à Cherry, Körting, Morton et Mac Carter, par exemple. Voici comment Périer réalisait son condenseur-éjecteur. Le condenseur était fermé par une soupape chargée de 8 à 10 cm d'eau. L'eau d'injection se trouvait sous une charge supérieure, 20 à a5 cm d'eau. On donnait à la vapeur une légère surpression : « la force expansive de la vapeur se règle de manière qu'elle réponde à une colonne d'eau 1. PRONY, Nouvelle Architecture hydraulique, t. II, Paris, 1796, p. io5 et fig. 286. 2. Académie des Sciences, Archives, séance du 19 mars 1783.

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de 35 pieds de hauteur; elle est plus grande p a r conséquent de trois pieds que celle qui répond au poids de l'atmosphère ». La pression était donc de l'ordre de i / i i d'atmosphère, ce qui est effectivement plus qu'à Chaillot où on ne dépassait pas i / i 4 ; à cette époque, tout joue sur des fractions d'atmosphère. Cette surpression bien légère suffisait à produire l'effet désiré : « Lorsque la vapeur en élevant le piston a rempli le cylindre, la soupape du t u y a u de vapeur se ferme, le condenseur s'ouvre. La vapeur dont la force expansive est beaucoup plus grande que le poids de l'atmosphère chasse par l'extrémité inférieure du tuyau de condensation, dont la soupape ne porte que 3 ou 4 pouces d'eau, l'eau et l'air fournis dans la précédent injection. Une partie même de la vapeur s'échappe par la même soupape. Pour lors, lorsque la vapeur a perdu une partie de sa force expansive, l'eau de l'injection fait le vide et le piston du cylindre retombe ». Ici on obtient une force vive en donnant une légère surpression à la vapeur; le même résultat sera obtenu cent ans plus tard au moyen d'une détente incomplète. Mais en cette fin du x v m e siècle, bien que la notion de détente existe, elle n'est pas encore devenue une réalité dans la pratique. Il n'est que trop vrai que, comme le notait Jomard, il est « impossible de faire l'énumération complète » des productions de la manufacture de Chaillot, ne fût-ce que pendant ses dix premières et plus belles années, dont nous nous occupons à présent. Mais c'est seulement faute d'informations. Passons pourtant en revue les renseignements dont nous disposons. Nous commencerons par les fabrications diverses, pour continuer p a r les machines à vapeur; à l'intérieur de celles-ci, nous mentionnerons différentes productions, sur lesquelles on est plus ou moins renseigné; nous continuerons par la seconde grande réalisation parisienne de Périer, les machines à simple effet de la pompe du Gros-Caillou, pour finir avec l'introduction de la machine à double effet et la construction des moulins à vapeur de l'île des Cygnes, troisième grande réalisation parisienne, appartenant à l'extrême fin de la période, et la prolongeant même au-delà du début de la Révolution. Les fabrications diverses, qui feront l'objet de notre premier point, peuvent se répartir en machines relatives surtout à l'industrie du plomb et en machines relatives à l'industrie du fer; enfin en un certain nombre de fournitures hétéroclites dont il semble t o u t indiqué de dire un m o t en premier lieu pour ne plus avoir à y revenir. C'est ainsi que dans un mémoire manuscrit daté de 181 o, Périer déclare avoir construit trente années auparavant une machine à colonne d'eau ; cela nous situerait donc dans les années 1780 1 . Ballot a signalé un certain nombre de réalisations qui rentrent dans la présente catégorie. Les Périer ont été les premiers à fabriquer en 1. Bibl. Hist. Ville de Paris, ms. nouv. acq. i47» f- 419-

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France des caronades, canons gros et courts pouvant servir à jeter soit une grande quantité de mitraille, soit de très gros boulets, mais à courte distance. Les caronades étaient apparues dans la marine anglaise vers 1774. Elles tiraient leur nom de leur fonderie d'origine, établie sur la rivière Carron. En fait elles existaient dès avant i65o, car Siemienowicz en a donné le dessin; on s'en servait à son époque pour lancer d'énormes grenades, en fait des obus — terme qui n'existait pas à l'époque. Toujours est-il qu'en septembre 1786, l'administration de la marine commanda trois caronades aux Périer. Au début de décembre suivant ils en firent l'essai dans le parc de Versailles. Prélude au grand rôle joué par la fonderie de Chaillot dans les fabrications de guerre sous la Terreur 1 . La fonderie de Chaillot fut chargée de l'équipement d'une usine d'objets en doublé d'or et d'argent, pour laquelle un nommé Daumy avait formé une société en 1786. Ce Daumy jouissait, ainsi que son associé Tugot, de la protection du gouvernement. Ils reçurent une avance de 60 000 livres et furent protégés contre l'hostilité jalouse des orfèvres. En outre le gouvernement leur paya pour 4 2 000 livres vers 1789, deux laminoirs à manège et un balancier, que construisirent les Périer 2. On peut encore citer ici la fabrication de figures de fonte moulées pour l'embellissement de la porte du Havre — sans doute quelque chose d'assez analogue aux fameux lions de l'Institut, que le Creusot exécutera sous l'Empire 3 ; enfin en 1791, l'exécution d'une machine à forer les canons pour le bey de Tunis 4. On peut être à peu près certain qu'il s'agissait d'une forerie à manège. Passons maintenant à l'industrie du cuivre et du plomb. La manufacture de Romilly-sur-Andelle, fondée en 1782, est restée célèbre comme étant avec celle de Blendecques le premier établissement qui ait produit en France des plaques de cuivre laminé de grandes dimensions, propres, par exemple, à doubler les vaisseaux ou à couvrir les toits. Cette importante usine était mue par la force hydraulique; on y laminait accessoirement l'étain 5 et sans doute aussi, comme nous le verrons plus loin, le plomb. Les biographes de Périer sont d'accord pour lui faire honneur de l'équipement de cette fameuse manufacture : « C'est là (c'est-à-dire à Chaillot)... qu'on a créé les moyens nécessaires... au laminage des cuivres de Romilly », dit Jomard 6 ; et Delambre : « Ils (c'est-à-dire les frères Périer) furent chargés de former le laminoir, les rouleaux et les autres 1 . Charles B A L L O T , L'introduction du machinisme..., Paris, 1 9 2 3 , p. 3 9 9 ; les détails relatifs à l'histoire des caronades sont tirés de : M O N T G É H Y , Notice sur Fulton, p. 47* 2. B A L L O T , op. cit., p. 4oi, note 2; 473; et 487 et note 43 . Ibid.; Jean C H E V A L I E R , Le Creusot, Paris, I G 3 5 , p. L 4 4 -

4. Ibid. 5.

B A L L O T , op. cit.,

6.

J O M A R D , op.

cit.,

pp. p.

474*475. L36.

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machines pour l'établissement de Romilly » 1 . L'usine était promise à un succès durable; elle traversa les épreuves de la Révolution, commença à se relever sous l'Empire et connut un beau développement sous la Restauration 2 . Les deux fabrications, connexes entre elles, des feuilles et des tuyaux de plomb, étaient une branche importante de l'industrie du travail des métaux à la fin du x v m e siècle. Les feuilles de plomb trouvaient un grand nombre d'emplois dans le domaine des doublages étanches. Les tuyaux servaient à la conduite des eaux; on les utilisait pour les dernières ramifications, de petit calibre, des réseaux de distribution. Comme les conduites d'eau de moyen calibre en bois, cette fabrication était un poste important dans les fournitures faites par Périer à la Compagnie des E a u x . Il n'est donc pas surprenant que Périer ait voulu avoir une part dans une entreprise de plombs laminés. Le i e r janvier 1784, nous le voyons former avec Baudard de Sainte-Jame et un certain Laurent, marchand de plombs à Paris, rue Villedot, paroisse Saint-Roch, une société ou ehacun des associés est intéressé par tiers. Le capital de l'entreprise était de 240 000 livres et son but l'établissement d'une laminerie de plomb à Saint-Denis sur un terrain acquis dès le 23 septembre 1783 aux religieuses de Notre-Dame de la Ville-l'Evéque. Les a4o 000 livres du capital devaient être versées en billets à échéances diverses souscrits par chacun des intéressés. Il en restera encore pour 3 i 000 livres au i e r janvier 1788. L'établissement avait été autorisé par un arrêt du 16 juillet 1784. Les Périer furent chargés de fournir un laminoir et une machine à vapeur; étant donné ce que nous connaissons des habitudes de Périer lorsqu'il faisait une association, il s'était probablement arrangé pour que le montant de cette fourniture soit au moins égal, sinon supérieur, à sa quote-part de 80 000 livres dans l'entreprise. On sait comment Baudard fit faillite en 1787 et mourut la même année. Sa faillite mit ses représentants dans la nécessité d'abandonner l'entreprise des plombs laminés, de Saint-Denis. Le 12 avril 1788, une assemblée des créanciers de Baudard décide la dissolution de la société à la date du i e r janvier précédent. Périer et Laurent ayant alors offert d'acquérir le tiers de Baudard, deux négociants de Paris furent nommés comme experts. Leur évaluation atteignit la somme de 281 000 1. 12 s. 6 d., égale au passif de l'établissement, y compris diverses sommes appartenant à chacun des intéressés à titre particulier. Les mises premières n'étaient pas comprises dans ce chiffre; sur ces mises et compte tenu des 3i 000 livres susmentionnées, une 1. Delambre, « Notice sur la vie et les travaux de M. Périer... », Mém. Ac. Se., 1818, p. lxviij.

2. Ballot, op. cit., pp. 494-495.

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perte réelle de 49 0 0 0 livres était à supporter par chaque intéressé. Le 26 juin 1788, une nouvelle assemblée des créanciers de Baudard décida de céder le tiers de ce dernier à Périer et Laurent. Mais dès le 11 septembre suivant, Périer céda à son tour tous ses droits à Laurent, pour 120 000 livres, à acquitter en trois versements annuels devant avoir lieu les 10 août 1789, 1790 et 1791 1 . Périer se dégageait ainsi entièrement de la société; il avait alors des ennuis considérables du côté de la Compagnie des Eaux, et cessait sans doute de s'intéresser aux t u y a u x de plomb. L'entreprise équipée p a r Périer et qui restait aux mains du seul Laurent avait p o u r t a n t un assez bel avenir devant elle. Vers l'an VIII, l'usine étant toujours dirigée par Laurent, on y installera un laminoir pour transformer en plaques du cuivre et du laiton provenant du métal de cloches. Après 1815, l'entreprise de Saint-Denis sera transformée en « Manufacture royale de Plombs laminés » 2 . Des modèles construits par Périer nous m e t t e n t sous les yeux les techniques de laminage du plomb et de fabrication des t u y a u x soit soudés, soit coulés, puis laminés, telles qu'elles se pratiquaient au x v m e siècle. Toutes ces techniques avaient du reste été décrites en grand détail par Fayolle dès 1728; il les présentait alors comme le résultat d'observations de ce qui existait en Angleterre 3 . Toute cette documentation se retrouve fort peu modifiée dans Y Encyclopédie 4. Dans la série des maquettes de M m e de Genlis, terminée par Périer en 1783, on trouve un atelier de fabrication des tables de plomb laminé 6 ; c'est un modèle de grande dimension où l'on observe de droite à gauche le fourneau, la table de coulée, la grue, enfin le laminoir avec son renversement de marche et ses deux plans inclinés à galets où circule la feuille à amincir. Ce laminoir est indiqué comme a y a n t été réalisé à Romilly, ce qui tendrait à prouver qu'on n ' y traitait pas seulement le cuivre et l'étain. Dans une autre maquette de la collection de Genlis on peut observer les deux procédés de fabrication des t u y a u x 6 . L'un est le soudage : 1. Historique de l'entreprise d'après Arch. Nat., Min. Central, IX 819, 11 sept. autres détails dans B A L L O T , op. cit., p. 4 7 2 - " — J O M A R D indique [op. cit., p. 136) que la machine à vapeur « pour faire mouvoir des laminoirs à tables et à tuyaux de plomb... à Saint-Denis » fut construite à Chaillot. 1788;

2.

B A L L O T , op.

cit.,

p.

495.

3. Machines approuvées par l'Académie..., année 1728, t. V, 1735, pp. 43 et suiv.; nombreuses planches. 4- Voir en particulier au t. VIII des planches, les planches ij et iij du Plombier et les planches iv et vij du Laminage du Plomb. Cf. Les Techniques au Siècle de l'Encyclopédie et la collection des maquettes de M m e de Genlis, exposition du Musée du C.N.A.M., juin-décembre 1 9 6 3 , n oa 29 à 3a; Jacques P A Y E N , « Maquettes d'ateliers... », Sciences, t. V, n° 3i, mai-juin 1964. p. 56. 5 . Musée du C.N.A.M., n° d'inventaire I 3 2 ; J . P A Y E N , loc. cit. 6. Même numéro d'inventaire; nous décrivons cette maquette à côté de celle qui précède, dans notre article cité ci-dessus.

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la matière première est ici une bande étroite coupée dans une feuille de plomb laminé. L'autre procédé consiste à opérer d'abord une coulée sans soudure, dans un moule muni d'un mandrin qu'on arrache au moyen d'un cric. Ensuite les tuyaux sont amincis et allongés par laminage sur un mandrin de fer. Pour cela on utilise un laminoir dont les rouleaux sont creusés de gorges de tailles décroissantes. Le procédé sans soudure est décrit par Fayolle, mais l'auteur déclare qu'il ne l'a jamais vu mettre en œuvre. La question f u t reprise à la fin du x v i n e siècle par Charpentier qui obtient en société avec Laubréaux un privilège en date du 3o décembre 1783 1 . C'est sans doute vers la même époque que Périer construisit le modèle de laminoir à tuyaux de plomb qui existe au Musée du C.N.A.M., sans faire partie de la collection de Genlis. Périer lui-même l'avait déposé au Musée le i e r prairial an XIII. Après sa mort, le modèle f u t racheté, pour 181 francs, le 18 octobre 1818, par l'administration du Musée 2 . Il semble créé pour faire pendant au modèle de machine à forer les tuyaux de bois dont nous avons eu à nous occuper plus haut. La force motrice est fournie par une roue en dessus, qui est presque semblable sur les deux modèles. Les tuyaux circulent sur des tables de bois, creusées de rainures longitudinales pour assurer leur guidage. Ce ne serait probablement pas très utile de refaire l'histoire assez bien connue des grandes entreprises métallurgiques de la fin de l'Ancien Régime (Indret, Le Creusot) en se plaçant uniquement au point de vue du rôle qu'a joué Périer. Il serait en revanche très nécessaire de faire l'histoire de l'emploi de la machine à vapeur dans ces entreprises. Mais ce sujet déborde à la fois l'activité de Périer, la question de l'introduction en France des inventions de Watt, et même celle de l'activité de la manufacture de Chaillot. Il s'agirait en fait d'un chapitre de l'histoire de la machine à vapeur en France au x v m e siècle. Nous devrons donc nous contenter ici de notations fragmentaires. Selon ses biographes le rôle joué par Périer dans les entreprises en question, et en particulier au Creusot a été considérable; mais ils ne donnent aucun détail. D'après Delambre, les frères Périer « terminèrent... (l'établissement)... du Creusot, commencé par un Anglais ». Pour Jomard, « c'est là (à Chaillot)... qu'on a créé les moyens nécessaires... à l'établissement du Creusot » 8 . 1.

C h . B A L L O T , op.

cit.,

pp.

472"473.

2. Musée du C.N.A.M., n° d'inventaire I i57; historique du modèle d'après Archives C.N.A.M., série 10, liasse 241. 3. D E L A M B R E , loc. cit., p. lxviij; J O M A R D , loc. cit., p. l36. Dans un mouvement d'humeur, il est vrai, P É R I E R déclarera lui-même le 1 6 janvier 1 8 1 1 , à l'adresse du ministre de l'Intérieur : « Je n'ai eu besoin d'aucun secours étranger, ni d'aucun ingénieur ou architecte, lorsque j'ai construit... la fonderie du Creusot. » (Mémoires sur la machine de Marly, Paris, s.d., p. 33; le contexte indique que Périer pense ici surtout à des travaux de terrassement et de maçonnerie).

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Tout cela n'est certainement pas inexact. Ainsi M m e Ozanam a pu mettre en évidence l'étroitesse des contacts qui ont existé dès 17801781 entre Périer, de Wendel, Wilkinson et Toufaire, au moment où se décidait la création du Creusot. Dès mars 1780 Périer s'était rendu à Indret et le mois suivant il avait reçu Toufaire à Chaillot 1 . En juillet 1781, de Wendel, Wilkinson et Toufaire revinrent à Chaillot pour examiner la machine à feu, les réservoirs et les ateliers. Et c'est quelques jours après ces entretiens avec Périer que le choix se fixa sur Montcenis 2. De juillet 1781 à décembre 1782, les contacts restèrent incessants entre Périer et de Wendel. Si Baudard de Sainte-Jame entra dans l'affaire, ce fut par l'entremise de Périer. Ce dernier fit valoir qu'il y avait là un moyen d'obtenir à bon compte des fournitures pour la Compagnie des Eaux, en particulier des tuyaux de fonte 3 . En effet, dans l'impossibilité d'obtenir de l'argent du gouvernement, c'est une société de capitalistes qui f u t créée le 10 décembre 1782 sous la raison sociale Périer, Bettinger et Cie. Suivant son habitude Périer n'apportait dans la société que son savoirfaire d'ingénieur (la Compagnie des Eaux avait été formée de cette manière). Le Trésorier de la Marine lui rétrocédait ses droits sur une partie du tiers pour lequel lui-même faisait les fonds en totalité 4 . Périer était, conjointement avec de Wendel, chargé de diriger toutes les opérations des deux établissements d'Indret et du Creusot, ainsi que de ceux pouvant y être ajoutés par la suite. C'était le directeur des ateliers de Chaillot, Croze de Magnan, qui se chargeait de la correspondance et de la comptabilité 5 . De plus le Musée du C.N.A.M. possède dans son Portefeuille Industriel une série de coupes et de plans des installations du Creusot, documents qui ont appartenu à Périer. Ces planches ont été achetées pour 101 francs à la vente après décès du I e r octobre 1818®. Beaucoup de ces dessins concernent les fours, à l'installation desquels Périer présida aux côtés de Ramus, comme ils le firent pour la machinerie 7 . Mais d'autres plans permettent d'évoquer certains problèmes relatifs aux machines à vapeur. Dans le dossier 13571-566 se trouve un très grand plan général de la fonderie, dessiné à la plume, avec les caractères d'une sorte de brouillon. On retrouve la même disposition sur une gravure non datée intitulée « Plan de la fonderie royale du Creusot », dans le dossier 13571-565. Sur ces deux documents le plan fait voir une disposition très régulière 1 . Denise O Z A N A M , « La naissance du Creusot », Revue d'Histoire de la Sidérurgie, t. IV, 1963, n° 1, pp. io3 et io5. 2. Ibid., p. 106. 3. Ibid., p. 107. 4- Ibid., p. 108. 5. Ibid., p. 108. 6. Archives du C.N.A.M., série 10, liasse a4i7 . J. C H E V A L I E R , Le Creusot, p. 8 5 .

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qui correspond évidemment à l'état initial des choses. On y situe aisément les cinq machines à vapeur dont l'implantation avait été décidée d'emblée. Les trois machines pour les soufflantes sont les plus importantes, elles ont deux chaudières. Les deux machines à marteaux sont plus petites — cela se voit aux dimensions du local qui leur est destiné, et elles n'ont qu'une chaudière. Sur les machines à vapeur des marteaux, Ballot nous a transmis 1 d'après un texte de 1787 un renseignement d'importance capitale : c'étaient déjà des machines de rotation. Réaliser la rotation avec la machine à simple effet seule connue en France à l'époque c'était une gageure. Les créateurs du Creusot tentèrent de la soutenir. Voici le document en question : « A l'extrémité du balancier opposée à celle du cylindre, il y a un tirant de fonte pesant qui tient le bouton de deux manivelles. Ces deux manivelles sont iixées aux axes de deux arbres tournants qui portent les cames qui font mouvoir les marteaux; et comme la puissance de la machine est alternative et que la résistance du marteau 11'est pas uniforme, on a placé sur ces arbres tournants des volants de vingt pieds de diamètre, en fonte, dont le poids considérable égalise la puissance de la machine ainsi que la résistance ». Cette tentative audacieuse fut-elle couronnée d'un plein succès? Il semble bien que non. Un dessin du dossier i35yi-565 du portefeuille industriel du Musée du C.N.A.M., dessin daté de 1788, est intitulé : « Plan des dispositions à faire dans le bâtiment de la seconde forge pour faire mouvoir les marteaux par l'eau au lieu de les faire aller par une seconde machine à marteaux ». En consultant ce plan on se rend compte qu'il s'agit tout simplement d'en revenir au vieux système que nous avions v u employer à Chaillot : une pompe (« grande pompe » dit la légende) élève en effet de l'eau qu'elle distribue à quatre roues en dessous réparties autour du bâtiment et qui donnent le mouvement aux marteaux. Il faut donc croire, et cela pourra sembler très vraisemblable, que cette première tentative française de machine de rotation avait échoué. Elle avait tout contre elle du reste, et le document de 1787 le dit luimême très clairement : « la puissance de la machine alternative... la résistance du marteau n'est pas uniforme ». En s'attaquant à des moulins à grains on aurait peut-être mieux réussi. Mais malgré le volant de vingt pieds en fonte, faire marcher des martinets avec une machine à simple effet était une entreprise quasi désespérée. Ce n'est qu'avec l'application du double effet aux moulins de l'île des Cygnes en 1790, et cette fois par les Périer agissant en toute indépendance, que la machine de rotation sera naturalisée en France, sept ans après sa réalisation par Watt. Ce problème est évoqué par nous un peu plus bas; nous aurons alors l'occasion de rapporter les justes critiques opposées par 1.

BALLOT,

Introduction du machinisme, p.

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Bétancourt à l'idée de réaliser la rotation avec les machines à simple effet. En ce qui concerne les soufflantes, un dessin du dossier 565 en conserve la coupe. Un plan très sommaire, du même dossier, porte la date de 1788. La coupe porte une échelle. Voici quelles dimensions elle fait ressortir pour les différentes parties du mécanisme : cylindre moteur : alésage 3 pieds, course 8 pieds. Longueur du balancier : environ 22 pieds — sans doute un peu plus. Cylindre de soufflerie : diamètre 6 pieds ; course : 8 pieds. A propos de ce cylindre, Ballot n o t a i t 1 : « Le soufflage ne s'effectue que pendant que le piston s'abaisse ». Cela est exact si l'on comprend que ce piston est celui de la machine à vapeur; c'est-à-dire pendant que le piston du cylindre soufflant, qui est accroché à l'autre extrémité du balancier, s'élève. Dimensions des cylindres régulateurs : diamètre extérieur, le seul visible, 7 pieds ; hauteur hors tout, c'est-àdire depuis le massif de maçonnerie jusqu'au-dessus du couvercle, 6 pieds. La conduite à air comprimé sortant des régulateurs avait un pied et demi de diamètre. On peut encore noter à propos de cette machine à vapeur que le cylindre, au lieu de surmonter la bâche comme à Chaillot, était ancré directement dans un massif de maçonnerie. La bâche, qui se trouvait entre le cylindre et le puits d'où l'on tirait l'eau froide, avait ceci de particulier qu'elle était métallique. A l'époque on les faisait plus couramment en bois. Le cylindre de la pompe à air était en cuivre. Enfin le condenseur avait une forme assez curieuse, en sifflet pourrait-on dire. Notre dessin situe bien les soupapes, mais la tringle de commande de la distribution et les détails de celle-ci sont représentés d'une manière très approximative ou même inexistante. La première soufflante du Creusot fut installée en octobre 1785; ce qui autorisa bientôt la coulée de la première gueuse, qui eut lieu comme on le sait le 11 décembre suivant 2 . Maintenant, qui avait fourni cette machine? Il semble à peu près certain qu'elle a été fournie par Watt dans des conditions commerciales régulières. Le fait s'explique sans doute par la présence de William Wilkinson à la tête des travaux du Creusot. En effet les auteurs de l'article sur la machine à vapeur en France au x v m e siècle ont pu produire un document relatif à l'importation de « la première machine à feu arrivée d'Angleterre à Honfleur » à destination du Creusot, document en date du 11 février 1785 3 . De plus, Lord, après dépouillement des archives de la manufacture de Soho, a pu dresser une statistique de toutes les machines à vapeur fournies par Watt et Boulton entre 1775 et 1800 4 . Ce tableau ne fait apparaître 1. Ibid., p. 465. 2. J. CHEVALIER, Le Creusot, p. 88.

3. Techniques et Civilisations, vol. II, n o s 5-6, 11 /12, 1953, p. 160 et note 44. 4. John LORD, Capital and Steam Power, Londres, 1923, pp. 172-173. Voir aussi dans CHEVALIER, op. cit., p. 80, certaines indications sur des livraisons en provenance de Wilkinson, en 1782.

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que deux commandes, destinées à la France : l'une pour une installation élévatoire, qui est à coup sûr la pompe de Chaillot; l'autre pour des « forges et fonderies ». L e plus vraisemblable est que cette seconde commande était destinée au Creusot. Dickinson et Jenkins ne disent rien d'une telle fourniture, mais — c'est évident — ils s'intéressent notoirement peu à ce qui concerne le continent 1 . Une nouvelle consultation des papiers de W a t t et Boulton s'imposera donc ici dans l'avenir, en plus bien entendu de l'examen de toutes les pièces d'archives concernant L e Creusot, examen qu'il ne pouvait être question d'entreprendre à présent. A propos des frères Périer, Delambre a répété au sujet de la fonderie d'Indret ce qu'il avait dit du Creusot : « Ils terminèrent... (l'établissement) d'Indret » 2 . Malheureusement les précisions manquent sur une telle activité envisagée dans son ensemble. E n revanche on a quelques données relatives à l'installation par Périer d'une forerie à vapeur à Indret dans les dernières années précédant la Révolution. A l'origine, on avait établi à Indret, entre 1777 et 1779, une forerie hydraulique. Il avait fallu, pour disposer d'une chute, la créer en transformant en un vaste réservoir au moyen de deux digues, une portion du petit bras de la Loire s . Le recours à une force motrice d'origine hydraulique était certes très peu indiqué dans un tel site. Le fait est que, s'il est certain que la forerie à eau existait encore en 1808 à côté des foreries à vapeur, l'activité de la première était considérablement plus réduite que celle des secondes 4 . Le xix® siècle semble s'être désintéressé particulièrement tôt de la source d'énergie hydraulique qu'on avait réussi à créer à Indret. Toute trace du moulin à eau disparut et la vieille forerie f u t transformée en église paroissiale 5 . Par opposition à la « vieille forerie » hydraulique, la forerie à vapeur v a être dénommée « grande forerie ». L a première pierre du bâtiment

1. H . W. D I C K I N S O N , Rhys J E N K I N S , James Watt and the Steam Engine, Oxford, 1927. 1. D E L A M B R E , loc. cit., p. Ixviij; également B A L L O T , op. cit., p. 4oi. 3. T U R G A N , Les grandes usines..., t. VIII, 1871, p. 10. Il s'agit du bras longeant la partie méridionale de l'île. Le « moulin » était à l'emplacement actuel de l'église. Le barrage supérieur, celui de la Rochebalue, avait 200 toises de long; la digue inférieure, ou de Boisseau, occupait sensiblement le même emplacement que la chaussée qui réunit Indret et La Montagne; elle avait du reste la même longueur que cette dernière, soit 148 toises. Les digues s'élevaient à une hauteur de 5 pieds 6 pouces au-dessus des basses eaux; leur largeur était de 5o pieds et elles se composaient de 5 files de pieux. La surface du réservoir atteignait 90 000 toises. Tout ceci d'après : Marc B E R R I E R - F O N T A I N E , « L'Ile d'Indret et l'établissement de la Marine Nationale », dans La fille de Nantes et la Loire Inférieure (Recueil), t. II, Nantes, 1898, p. 200. 4 . B E R R I E R - F O N T A I N E , « L'île d'Indret et l'établissement de la Marine nationale », dans La ville de Nantes et la Loire-Inférieure, t. II, p. 202. Il y avait alors 4 forets à eau, contre 11 à vapeur et 6 par manège à chevaux (Ballot, p. 517). Ainsi on avait été contraint de préférer les chevaux à l'eau. 5 . T U R G A N , Les grandes usines, t. VIII, 1871, p. 10.

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fut posée le 7 septembre 1787; comme 011 l'a vu, la forerie fut en activité dans le cours de l'année suivante 1 . Cette réalisation fut faite sur l'initiative du directeur Lamballe, qui resta de longues années à la tête de l'entreprise. Le devis daté de 1785 d'une machine à vapeur destinée à la forerie, a été retrouvé et publié il y a une douzaine d'années 2 . Comme ce document l'atteste, il s'agit d'une machine à feu de 3o pouces de diamètre au cylindre. La chaudière devait avoir 11 pieds de long, 5 pieds 6 pouces de large et 6 pieds 6 pouces de haut ; avec ses accessoires son prix étaitde 18 200 francs. Pour les parties métalliques du fourneau, on demandait 85o francs. Pour le cylindre, la bâche, les pompes, la colonne de vapeur avec ses soupapes et le condenseur en cuivre, 12 468 francs. Le balancier du poids de 9 600 livres, avec tous les accessoires suspendus, devait coûter 9 600 francs. On arrivait donc à un total de 4i n o francs pour la machine. Pour la forerie il fallait compter 22 000 francs, pour le bâtiment 20 000. Total général 83 118 francs. Le prix de la machine à vapeur elle-même, — une quarantaine de milliers de livres — semble normal. Comme nous le rappelons ailleurs, les plus petites machines coûtaient à Chaillot, avant la Révolution 18 000 francs et les plus grandes 72 000. Une machine de trente pouces est précisément à cette époque une machine de dimensions moyennes. Les auteurs du devis avancent que la forerie entraînée par une telle machine pourrait percer deux canons de 18 par jour, et qu'elle userait dans le même espace de temps 7 5oo livres de charbon. Le charbon coûtant alors 25 livres le quintal, il en ressortait une dépense de 20 sous 6 deniers par quintal de canons forés. Les indications contenues dans ce devis sont en tout état de cause fort précieuses. Naturellement il est impossible de savoir si c'est exactement ce projet qui a été réalisé. En 1788, on nous parle de trente canons forés par mois, ce qui ne fait certes pas deux par jour. Mais encore faudrait-il pouvoir distinguer entre calibres. Très fier à juste titre d'avoir fait réaliser une forerie à vapeur, Lamotte fit apposer sur le bâtiment une plaque commémorative en marbre portant une inscription latine. Cette plaque existait encore au x i x e siècle. On pouvait y lire une sorte de description de la fabrication des canons, rédigée dans un style aussi laconique que poétique : « La Terre façonne, l'Ether fait fondre, le Feu et l'Eau percent » 3 . On sait en effet que les 1 . Ibid., p. 1 1 ; B E R R I E R - F O N T A I N E , loc. cit., pp. 202-203; B A L L O T , op. cit., p. 4 6 6 , n° 2 : débit de 3o canons par mois. Suivant BERRIER-FONTAINE, op. cit., p. 202, il y aurait eu d'emblée deux machines à vapeur, une grande et une petite. Mais d'après le même auteur (pp. 2o4-2o5), la présence d'une seconde machine semble plutôt être attestée à partir de 1808. 2. Devis d'une machine à feu de 3o pouces de diamètre au cylindre pour forer les canons. Techniques et Civilisations, n° 8, ig52, p. 68. 3. TURGAN, loc. cit.; BERRIER-FONTAINE, loc. cit., pp. 2o3 : « Terra Fingit, Aether Fundit, Ignis et Aqua Perforant », 1788.

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moules des canons étaient réalisés en terre argileuse. La suite est moins claire. Au lieu de l'Ether on s'attendrait à voir paraître l'Air pour que les quatre éléments de l'ancienne physique figurent au complet. Mais il s'agit ici de l'action du fourneau, qui combine l'air et le feu. Or le poète avait besoin de se réserver le Feu pour le citer, conjointement avec l'Eau, dans la partie la plus importante de son texte, celle qui se trouve à la fin et concerne la forerie entraînée par la machine à vapeur. Aussi, pour dépeindre l'action du fourneau de fonderie, a-t-il eu l'idée de recourir à l'Ether, ou cinquième essence de la physique aristotélicienne, qui est censé être doué de qualités à la fois ignées et aériennes. Si bien qu'en fin de compte, cette petite inscription latine mérite notre estime par sa concision et sa précision. Mais le but principal visé par le créateur des ateliers de Chaillot était à coup sûr l'acclimatation en France de la fabrication des machines à vapeur. Les divers témoignages cités plus haut, en particulier la description de Jomard, montrent bien l'importance de l'effort tenté et réussi sur ce point. Qui plus est, lorsque W a t t visita la manufacture de Chaillot en compagnie de Boulton, en 1786, et quoiqu'il fût plein de rancœurs assez justifiées contre Périer, il f u t contraint de rendre hommage aux qualités techniques de l'ingénieur français. « Il a toutefois réussi à établir une manufacture de machines à vapeur tout à fait commode et superbe, où il exécute toutes les pièces excessivement bien. C'est un homme capable; et il serait très estimable s'il était un peu plus juste ou un peu plus honnête » Que savons-nous des machines à vapeur produites à Chaillot jusqu'à la Révolution? Suivant un renseignement transmis par Charles Ballot, elles auraient été fournies au nombre d'une quarantaine 2 . Actuellement nous n'en connaissons que le quart environ. Sans doute la première machine réalisée fut-elle celle destinée aux ateliers de Chaillot eux-même. Elle n'a dû être entreprise qu'après le succès de la pompe de Chaillot (été 1781), et nous avons vu qu'en mars 1783 au moment du rapport de Coulomb, elle n'était établie que depuis peu de jours. Il est inutile de revenir ici sur sa description, que nous avons donnée plus haut en détail. Il suffira également de rappeler ici les quatre exemples connus de pompes à feu réalisées pour des résidences princières : Bagatelle, Neuilly, le Raincy et Monceau. Elles n'étaient vraisemblablement pas les seules. Comme nous l'avons noté plus haut, leur date de construction n'est pas connue, sauf pour celle de Monceau, machine de Savery qui peut dater de 1776. Les autres étaient peut-être des machines de Newcomen. On ignore également la date d'une machine citée par Jomard 3 et qui 1. Watt à Roebuck, 3 février 1 7 8 7 ; B A L L O T , op. cit., p. 4oo, note 2 , d'après Muirhead. 2 . B A L L O T , op. cit., p. 401 (la source du renseignement n'est pas indiquée). 3 . D E L A M B R E , loc. cit., p. lxviij ; J O M A R D , loc. cit., p. I 3 6 .

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donnait la force motrice à une usine de boutons située dans l'île Louviers Mais il est vraisemblable qu'il s'agit ici, comme dans l'atelier de Chaillot, et comme dans le cas des machines de manufactures qui vont suivre, d'une pompe à vapeur alimentant une roue hydraulique. Nous sommes tout à fait sûrs que tel était le cas dans la minoterie à vapeur de l'abbé d'Arnal, déjà en fonctionnement à Nîmes en 1783 2 . Nous avons cité in extenso dans le chapitre relatif aux essais de bateaux à vapeur le mémoire publié cette année-là par l'abbé d'Arnal et qui rend un bel hommage aux qualités de constructeur de Périer. On n'y reviendra donc que pour dire qu'au cours de la Révolution l'abbé d'Arnal, alors bien loin d'être jeune, se verra malencontreusement forcé de renoncer à son entreprise 3 . Une fourniture de machines élévatoires pour les mines d'Anzin eut également lieu assez tôt. En 1782, écrivent les auteurs de l'article sur la machine à vapeur en France au x v m e siècle, « la direction d'Anzin se met en rapport avec les Périer pour faire construire deux machines à vapeur qui devaient être mises en réserve pour le cas où on en aurait besoin. Les cylindres étaient toujours commandés en Angleterre ». Notons ce détail, il signifie qu'à cette date les équipements de la manufacture de Chaillot n'avaient pas encore atteint le point de perfection décrit par Jomard. « Un rapport de Duhamel en 1783 montre que ces machines étaient en quelque sorte portatives et que l'on s'en servait pour passer les couches d'eau qui étaient colmatées ensuite » 4 . En 1783, une pompe à feu f u t encore commandée pour l'hôpital de Rochefort 5 . Là aussi des recherches dans les archives locales nous permettront sans doute plus tard de préciser nos connaissances. Il faut rappeler ici la machine fournie pour l'atelier des plombs laminés de Saint-Denis, entreprise sur laquelle des détails ont été donnés plus haut. La date ne peut être antérieure à 1784. Il s'agit de fournir une force motrice, donc le recours à l'énergie hydraulique était nécessaire. Les mêmes observations sont valables de point en point pour la machine de la forerie d'Indret, qui peut dater de 1788 environ. Citons pour terminer, à l'extrême fin de la période, la pompe à feu des mines de Neuf-du-Mouillon. L'extracteur Donzel, qui, nous disent les auteurs de l'article déjà cité « s'était renseigné sur les procédés utilisés dans les mines flamandes et anglaises, commanda aux frères Périer une pompe à feu pour la mine de Neuf-du-Mouillon. Elle était destinée à élever les eaux d'une profondeur de cent mètres. La chaudière était de la forme dite à tombeau. Elle ne devait être mise en marche qu'en

1. J O M A R D , loc. 2 . B A L L O T , op.

cit., cit.,

p.

i36.

p. 4 0 2 .

3. Ibid. 4. Techniques et Civilisations, vol. II, n o s 5-6, 11 /12, 1953, p. 161, et note 52. 5. B A L L O T , op. cit., p. 481, note 8.

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1791. Malheureusement la chaudière explosa, ce qui jeta la défaveur sur les machines à vapeur » Il nous faut maintenant parler de la pompe à feu dite du Gros-Caillou, destinée à donner de l'eau au faubourg Saint-Germain. La chronologie de cet établissement a été établie par Bouchary d'une manière précise 2 . L'autorisation gouvernementale est du milieu de 1785. La première pierre f u t posée le 24 juillet 1786, on le sait par Bachaumont qui rendit compte de l'événement en termes fort malveillants; c'est qu'il s'agit d'une réalisation de la Compagnie des E a u x en t a n t que telle, et les dividendes tardaient fort à venir. Les fournitures d'eau commencèrent dès l'été de 1788. L a construction des machines occupe donc grosso modo l'année 1787. La mauvaise qualité de l'eau, qu'on aurait dû prévoir, occasionna d'emblée des indispositions et des plaintes. Nous aurons à y revenir. Prony est assez peu loquace sur les machines du Gros-Caillou; elles étaient deux, qui furent nommées la Louise et la Thérèse. Il s'agit forcément de machines à simple effet, et en 1796 le système est périmé; en outre Prony vient de décrire les machines de Chaillot, qui appartiennent à cette catégorie, mais sont de dimensions plus imposantes. L'auteur précise que les machines ont été exécutées à Chaillot. Il insiste surtout comme toujours, sur les détails du mécanisme de distribution. Il ne donne aucune cote 8 . Belgrand, qui présida quatre-vingts ans plus tard à la destruction des machines, nous a transmis les renseignements les plus circonstanciés à leur sujet. « Les machines du Gros-Caillou... étaient établies presque identiquement dans le même système que celles de Chaillot, mais étaient beaucoup plus petites. Leur force ne dépassait pas i4 à 16 chevaux. Elles en différaient sur un point très important, la forme du générateur à 1. Techniques et Civilisations, loc. cit., p. 160 et note 45. — B A L L O T a indiqué (op. cit., p. 4oi) que le prix des machines à vapeur alors fournies par la manufacture de Chaillot s'établissait entre 18 et 72 000 francs suivant la puissance; avant la Révolution les seuls concurrents de Périer en ce domaine auraient été Courrejollet à Choisy-sur-Seine, et à Beauchamp (Haute-Saône) Ramus, du reste collaborateur de Périer au moment de la construction du Creusot. Toutefois si Ramus apparaît comme un spécialiste des machines à vapeur dès 1791 ( C H E V A L I E R , Le Creusot, p. i35), il n'a quitté la fonderie du Creusot qu'en 1796, licencié par la nouvelle société Chardon-Chagot (ibid., p. i38), et il s'est installé alors du côté de Gueugnon, à Grandchamp, où il avait une forge, une mine de charbon et une mine de fer (ibid., p. i43). Il faudrait donc admettre que Ramus avait fondé une manufacture de machines à vapeur tout en continuant à s'occuper du Creusot. Dans ce cas il aurait pu fournir les 6 machines de forerie dont Young observa l'existence lors de son passage au Creusot le 3 août 1789 (ibid., p. 119). Tous ces points mériteraient de faire l'objet de recherches ultérieures. 2. Jean B O U C H A R Y , L'eau à Paris à la fin du XVIIIe siècle, pp. 70-72. Aussi mention dans J O M A R D , loc. cit., p. i36. 3. P R O N Y , Nouvelle Architecture hydraulique, t. II, Paris 1796, pp. 99-io5 et planches 43 et suiv.

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vapeur... (il) n'était pas sphérique, il avait la forme d'un tombeau... « L'eau était élevée dans une cuvette située au-dessus d'une tour à l'altitude de 60,01 m, c'est-à-dire à 8,52 m au-dessus de la cuvette du pont Notre-Dame et à 2,52 m au-dessus du niveau du château d'eau d'Arcueil. L'eau du Gros-Caillou pouvait donc atteindre facilement sur la rive gauche tous les points desservis parles eaux d'Arcueil et du pont Notre-Dame. MM. Périer, dans cette partie plate de la ville, n'avaient pas trouvé un emplacement pour y faire un réservoir à une altitude convenable; ils avaient donc conservé l'ancien système de distribution. L'emplacement de ces machines était en façade sur le quai d'Orsay; il est englobé aujourd'hui dans la manufacture de tabac » 1 . C'est l'endroit même où existent actuellement les services de la S.E.I.T.A. Pendant leurs quatre-vingts années d'existence, les machines ne subirent aucun changement appréciable. En 1826 Edwards faillit installer au Gros-Caillou une de ses machines modernes, à double expansion, balancier et volant; mais l'affaire n'eut pas de suite malgré un rapport d'expertise favorable de Prony, faisant ressortir une économie de combustible de 16 % 2 . Belgrand donne encore quelques détails techniques intéressants. « On brûlait 100 kg de charbon par heure. La hauteur ascensionnelle était de 3i à 35 mètres; on comptait 181 litres par coup de piston et le nombre des coups de piston variait de 10 à 11 par minute. On élevait 34 1. 5o d'eau par seconde. La force comptée en eau montée et en kgm /sec était donc en temps d'étiage 35 X 34,5, ou 1 207,5 kgm /s, soit 16 chevaux » 8 . La machine Ouest fut arrêtée le 21 mars i858 et la machine Est le i5 août de la même année. « Ces machines ont été démolies sur ma proposition : l'eau qu'elles montaient était inadmissible dans une ville comme Paris » 4 . Mais dans quelle ville aurait-elle été admissible? « J'ai vu fonctionner ces machines de i856 à i858, et il est difficile de se faire une idée de la puanteur de l'eau qu'elles aspiraient dans la longue traînée de déjections de toute nature, et surtout de matières fécales, que l'égout des Invalides projetait dans le fleuve » 6 . Telle était l'eau servie dans la première moitié du x i x e siècle aux habitants du quartier aristocratique entre tous, le faubourg Saint-Germain. Bien que non négligeable, cette deuxième des trois grandes réalisations parisiennes de Périer est donc loin d'égaler en importance celle qui l'a précédée, la pompe à feu de Chaillot, ou celle qui la suivra, les moulins de l'île des Cygnes, réalisations qui sont marquées chacune par une innovation technique saisissante. Ici rien de semblable, rien de 1.

BELGRAND,

2.

B E L G R A N D , op.

cit.,

p.

379.

3.

B E L G R A N D , op.

cit.,

p.

383.

cit.,

p.

3a6.

4. 5.

Les travaux souterrains de Paris,

Iiid. B E L G R A N D , op.

p.

347-

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nouveau; des dimensions modestes, et enfin, de par sa situation à côté de l'orifice d'un égout, l'établissement était entaché d'un vice de constitution qui n'aurait pas dû lui permettre de subsister si longtemps. L'hiver de 1788-1789, le dernier de l'Ancien Régime, f u t marqué par un froid rigoureux et à Paris par une disette de blé telle qu'il ne s'en était pas produit depuis longtemps. E n vue d'assurer le ravitaillement, Necker dut prendre des mesures au cours desquelles il f u t amené à demander à Périer son concours. Voici pourquoi. Ce n'était pas uniquement le manque de blé qui menaçait d'affamer Paris, mais aussi le fait que les rivières étant prises par le gel, les moulins hydrauliques, de beaucoup les plus importants dans la région, ne pouvaient pas fonctionner. Il était donc impossible de consommer même les quantités de blé dont on pouvait disposer. A la demande de Necker, Périer exécuta rapidement trois cents moulins à blé et autant de bluteries. Il s'agissait de moulins à bras, qui eurent l'avantage de fournir du travail à un grand nombre de chômeurs. Cette sorte d'atelier national avant la lettre semble avoir donné des résultats satisfaisants à tous les points de v u e 1 . Le péril passé, Périer n'eut pas de peine à persuader le gouvernement qu'il était nécessaire d'établir à Paris des minoteries indépendantes des variations météorologiques, c'est-à-dire à v a p e u r 2 . Dès le 18 avril 1789, il obtenait en société avec Devismes et Rebours de Villeneuve un privilège royal pour l'importation et le perfectionnement des « moulins à blé mus par les machines à feu ». Un peu moins de trois ans plus tard, le 18 janvier 1792, ce privilège sera transformé en brevet, conformément aux dispositions de la nouvelle législation 3 . La nouvelle minoterie f u t construite dans l'île des Cygnes, c'est-à-dire sur l'emplacement de l'actuel quai Branly; il existait alors, suivant sensiblement le tracé des rues Jean-Roy, Octave-Gréard et Silvestre-de1. « Un hiver rigoureux ayant suspendu l'action de tous les moulins, Paris conçut les alarmes les plus fondées sur ses subsistances. MM. Périer exécutèrent avec une promptitude et une perfection singulière trois cents moulins et autant de bluteries, qui présentaient d'ailleurs un avantage bien précieux dans la circonstance, celui d'employer une multitude de bras » ( D E L A M B R E , loc. cit., p. Ixix). — « Durant le terrible hiver de 1788, le service des moulins de la Seine fut suspendu par l'amas des glaces. Dans une position si critique MM. Périer, appelés par le Gouvernement, exécutèrent trois cents moulins d'un modèle simple et ingénieux » ( J O M A R D , op. cit., pp. 136-i 37). 2. « Pour empêcher que de pareilles alarmes pussent jamais renaître, MM. Périer créèrent les moulins de l'île des Cygnes » ( D E L A M B R E , loc. cit., p. Ixix). — « Le péril passé, on sentit qu'il fallait se mettre en garde contre un pareil danger à l'avenir, et d'après le désir du ministre ils firent des machines à feu à double effet dans l'île des Cygnes » ( J O M A R D , op. cit., p. 1 3 7 ) . 3. Publication des brevets, t. I, p. 198. Le dossier original existe aux archives de l'I.N.P.I.; il offre peu d'intérêt. On y relèvera l'indication suivante : à la fin de 1791 Devismes n'avait pu exécuter son privilège qu'avec des moulins à feu encore en exécution à Harfleur. Périer aura donc vraisemblablement exécuté des machines à double effet pour cette entreprise.

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Sacy, un petit bras de Seine qui ne f u t comblé que sous l'Empire. L'usine comprenait douze meules Quelle disposition allait-on donner aux moteurs? Des meules doivent évidemment être mises en rotation. En matière de rotation, la seule solution alors éprouvée en France restait celle adoptée en 1781 à la fonderie de Chaillot, en 1783 par l'abbé d'Arnal à Nîmes dans sa minoterie à vapeur, la première qui ait tourné en France; solution dont on avait essayé de s'écarter au Creusot et à laquelle on avait semble-t-il été contraint de revenir; bref, la seule solution dont pouvait s'accommoder sans inconvénients majeurs la machine à vapeur à simple effet, celle qui consiste à élever de l'eau pour la faire servir à l'alimentation d'une roue hydraulique. Mais en Angleterre cette étape de la technique était alors dépassée depuis environ six ans 2 . En effet Watt, après la création de la machine à simple effet, n'avait pas tardé à être assailli de demandes de machines de rotation — surtout en vue de l'équipement des filatures. La solution de ce problème était l'emploi du double effet; certains documents feraient croire que W a t t a pensé à cette disposition dès 1774-1775. On sait qu'il était accoutumé à méditer longuement la réalisation de ses idées; c'est vers 1780 qu'il commença à s'occuper activement de la construction de machines de rotation. Malheureusement le a3 août 1780 un nommé Pickard s'avise de prendre un brevet pour l'emploi du système bielle-manivelle, qu'il entendait appliquer à la machine de Newcomen. Watt en fut retardé et dut créer en 1781 son dispositif de transformation de mouvement à engrenage épicycloïdal, que les ingénieurs français de la fin du x v m e siècle appelleront, lorsqu'ils le connaîtront, la « mouche ». La première machine de rotation finit par être construite pour John Wilkinson en 1783. Le système atteignit sa perfection à partir de l'année suivante avec l'équipement des fameux Albion Mills de Blackfriars, à Londres. Le même année (1784) une machine à remonter le charbon f u t installée en Cornouailles. Le « parallélogramme de Watt », qui permettait d'articuler d'une manière rigide la tige du piston moteur au balancier, fut breveté en 1784; en 1787, le régulateur centrifuge, destiné à maintenir uniforme la vitesse de rotation par variation automatique de la section du débit, f u t introduit à son tour, mais sans brevet, car un dispositif assez analogue était déjà employé dans les moulins à farine. 1. « Deux superbes machines à double effet et de rotation faisaient mouvoir douze moulins dont les meules avaient 6 pieds 2 pouces de diamètre ( D E L A M B R E , ioc. cit., p. lxix). — « Chacune d'elles faisait mouvoir six meules à la fois » ( J O H A R O , op. cit., p. i37). 2 . Tout ce qui suit d'après H . W . D I C K I N S O N , A Short History ofthe Steam Engine, P P - 7 9 E T suiv. ; sur l'origine de l'idée du double effet chez Watt, cf. D I C K I N S O N , J E N K I N S , James Watt and the Steam Engine, p. 1 3 7 .

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Ce que nous avons eu à dire des reactions de Wîitt et Boulton lors de leur v o y a g e en France en 1 7 8 6 laisse aisément prévoir quelle f u t alors leur attitude sur le point particulier de la machine à double effet : ils se gardèrent bien de dire un seul mot à ce sujet. Peut-être n'en auraiton rien connu en France avant 1 8 1 5 ou au moins 1802 sans l'intervention du curieux personnage qu'était Augustin de Bétancourt y Molina, Espagnol des Canaries, d'ascendance française et qui devait finir sa carrière au service du t s a r 2 . Dans un mémoire daté du 1 5 décembre 1 7 8 9 et qu'il remit le lendemain à l'Académie des Sciences 3 , l'ingénieur espagnol nous rapporte en détail comment à Londres, et contre la volonté des Anglais, il avait fait connaissance avec les machines à vapeur de W a t t et Boulton les plus récentes et les plus perfectionnées. E n 1 7 8 8 il se trouvait chargé par la cour d'Espagne de faire une collection de modèles relatifs à l'hydraulique. Il voulut voir une machine à vapeur réunissant « toutes les découvertes faites jusqu'à ce jour », et dans ce but il passa en Angleterre, où l'usage des machines à vapeur était le plus répandu. Arrivé à Londres il s'était adressé à différents mécaniciens et physiciens, qui s'étaient tous bornés à lui expliquer l'effet de la vapeur dans les machines anciennes (c'est-à-dire sans doute celles à simple effet, sinon celle de Newcomen) ; de sorte qu'on ne lui disait rien qui ne f û t déjà connu en France. 1. Aitken avait établi au moment de la paix de 1802 à Senonches, dans l'Eure-etLoir, une manufacture de machines à vapeur qu'il réussit à maintenir en activité pendant toute la durée de l'Empire, mais ce n'est que sous la Restauration qu'il jugea opportun de la transporter à Paris (lettre du 27 janvier 1816, Archives de la Seine, V5 03, carton 854). Ce fait, très important, semble ne jamais avoir été signalé, si ce n'est par une mention très brève de Maurice L É V Y - L E B O Y E R (Les banques européennes, p. 346; mais le nom d'Aitken et celui de son associé Steel manquent à l'index). 2. Sur la carrière de Bétancourt, voir la bibliographie donnée par : Antonin Ruiz A L V A R E Z , « En torno al ingeniero canario don Agustin de Bethencourt y Molina », dans : El Museo Canario, n 0 8 77-84, 1961-1962. — Bétancourt f u t le premier à tenter d'établir la relation existant entre la pression et la température de la vapeur. Ses résultats furent incorporés à la Nouvelle Architecture de P R O N Y , t. II, 1796, pp. 534; mais ils étaient acquis dès les années précédant la Révolution, et Bétancourt en avait fait l'objet d'un mémoire publié en 1790; cf. Émile E U D E , Histoire documentaire de la mécanique française, Paris, 1902, pp. 6-9. Peut-être Bétancourt avait-il exécuté ses expériences à Chaillot, alors le lieu le plus approprié pour une telle entreprise. 3. L'original de ce mémoire existe dans les Archives de l'Académie des Sciences, dossier de la séance du 16 décembre 1789. Ce mémoire fit l'objet d'un rapport par Monge et Borda le 10 février suivant. Les deux commissaires demandaient l'insertion du mémoire dans le Recueil des savants étrangers, ce qui ne put avoir lieu; le cas est tout à fait analogue à celui du rapport fait par Coulomb en 1783 sur les mémoires de Périer. Ainsi les deux textes les plus importants relatifs à la pénétration en France de la machine à vapeur moderne se trouvèrent-ils demeurer inédits. — Cf. Jacques P A Y E N , « Bétancourt et l'introduction en France de la machine à vapeur à double effet (1789) », Revue d'Histoire des Sciences, t. X X , 1967, pp. 187198 (édition du texte.)

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Mais Bétancourt avait entendu parler de progrès récemment introduits par W a t t et Boulton dans leur fabrication. Aussi se décida-t-il à pousser jusqu'à Birmingham afin de les rencontrer. Il ne les connaissait en effet pas encore. Il fut fort bien reçu « avec la plus grande honnêteté ». On lui fit voir les fabriques de boutons et d'argent plaqué, mais aucune machine à vapeur. W a t t et Boulton ne se privèrent cependant pas de dire à Bétancourt que les machines « qu'ils fabriquaient actuellement étaient supérieures à toutes les autres, parce que leur vitesse se modérait à volonté, et qu'elles consommaient beaucoup moins de combustible que celles qu'ils avaient faites antérieurement »; mais on ne laissa même pas soupçonner à l'ingénieur espagnol d'où pouvaient provenir de si grands avantages. Bétancourt f u t donc contraint de rentrer à Londres, déçu; mais il ne voulait pas s'avouer battu. Il savait qu'on s'occupait alors de construire les Albion Mills; des trois machines à vapeur que devait comprendre l'installation, l'une était déjà complètement terminée. Par un ami qu'il avait à Londres, et dont il ne nous donne malheureusement pas le nom, Bétancourt obtint l'autorisation de visiter les Albion Mills. Il observa attentivement le fonctionnement de la machine à vapeur déjà mise en place Il fut d'abord frappé de voir qu'on avait enlevé la chaîne qui, dans la machine de Newcomen ou la machine de W a t t à simple effet, sert à relier le piston au balancier. Au lieu de cette chaîne, Bétancourt remarqua la présence d'un parallélogramme, dont il donne un peu plus loin la description détaillée, et qui n'est autre bien entendu que le parallélogramme de W a t t . En second lieu, dans les machines à simple effet, le cyclindre n'est flanqué que d'une seule colonne de vapeur, munie d'une soupape en haut et en bas; ici, Bétancourt remarquait deux colonnes de vapeur parallèles, et quatre soupapes qui se mouvaient à chaque oscillation du balancier. En troisième lieu, les dimensions du cylindre moteur étaient très faibles pour l'effort produit. Dès l'époque de la machine de Newcomen les ingénieurs savaient faire des estimations assez exactes de la puissance des machines à vapeur, en tenant compte du poids de l'atmosphère et de la surface du piston. Pour un technicien aussi expérimenté que Bétancourt, le diamètre du cylindre était donc un indice qui ne pouvait pas tromper. Aussi la solution se présenta, semble-t-il, sans beaucoup d'efforts à i. « Ces observations sont difficiles à faire lorsqu'on n'a que peu d'instants pour examiner une machine masquée par les distinctions d'un bâtiment, qui en isolent les différentes parties, même extérieures, et empêchent qu'on ne puisse en saisir la correspondance, l'ensemble et l'effet général » ( P R O N Y , Nouvelle Architecture hydraulique, t. I, Paris 1790, p. 572; ces réflexions proviennent sans doute de détails donnés verbalement par Bétancourt).

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son esprit : « Tout cela me fit soupçonner qu'il pouvait y avoir un double effet dans la machine, c'est-à-dire que tandis que la vapeur appuyait sur la partie supérieure du piston, le vide se faisait à la partie inférieure et que, réciproquement, tandis que la vapeur poussait le piston de bas en haut, le vide se faisait à la partie supérieure ». Faut-il aller jusqu'à s'émerveiller de cette perspicacité? Nous ne le pensons pas. Tel qui n'aurait jamais été capable d'imaginer de lui-même un dispositif mécanique donné, pourra aisément le reconstituer s'il est mis sur la voie. Bétancourt était sans doute bon observateur, parce qu'il connaissait son métier d'ingénieur mécanicien. Mais les trois indices qu'il remarqua étaient de taille, surtout les deux premiers. La seule présence du parallélogramme suffisait à indiquer que le piston exerçait un effort de poussée, et non plus seulement de traction. Moins facile à justifier au premier coup d'œil, la présence des deux colonnes de vapeur et des quatre soupapes prouvait qu'il ne s'agissait pas d'une machine à simple effet inversée pour répondre uniquement au besoin d'un effort dirigé de bas en haut. Enfin la réduction du diamètre du cylindre — l'effort étant continu dans la machine à double effet, la surface du piston peut être moindre de moitié — donnait la clef de la relation existant entre les deux premiers faits observés ; en fin de compte, poussée dans les deux sens, vapeur au-dessous et au-dessus du piston, effort doublé : là où quelqu'un d'incompétent n'eût rien remarqué, un homme comme Bétancourt ne pouvait manquer de déchiffrer ce qu'il voyait, presque aussi facilement que s'il se fût agi d'un dessin technique sans réticences. L'ingénieur espagnol ne put pas voir la pompe à air, ni le condenseur, ni le modérateur de la vitesse qui étaient complètement cachés. Il est fort à regretter qu'il n'ait pas vu le régulateur centrifuge, dont il aurait certainement compris le fonctionnement. Mais ni lui, ni Périer, ni personne d'autre en France ne fut capable de l'inventer; il n'y en eut pas aux moulins de l'île des Cygnes. On ne sait pas encore exactement à quelle date ce dispositif pénétra en France; cela eut lieu avant la fin de l'Empire — peut-être en est-on redevable à Aitken 1 . Bétancourt repartit pour la France le lendemain de sa visite aux Albion Mills. Il rassembla ses souvenirs, fit quantité de croquis et réussit à « composer » une machine à double effet. Il entreprit immédiatement d'en réaliser un modèle, qui réussit au-delà de ses espérances. C'est à la description de ce modèle que la suite du mémoire est consacrée. Sur le principe même du double effet, le rôle des deux colonnes de vapeur et le jeu des quatre soupapes, Bétancourt entre dans de longs détails, alors justifiés par la nouveauté du sujet, mais où il serait certainement tout à fait superflu de le suivre. Il fait ensuite toute la théorie du parallélogramme de Watt, qu'il avait employé dans son modèle non seulement pour le piston l. Voir ci-dessus p. l4o, n. 2.

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moteur, mais aussi pour la pompe à air et la pompe alimentaire. Il aborde ensuite la question du « régulateur », c'est-à-dire la com mande du mécanisme de distribution. L e type adopté par B é t a n c o u r t avait été imaginé quelque temps auparavant par Périer, et l'ingénieur espagnol n'y avait fait que de petits changements en vue de l'appliquer à la machine à double effet. Avant de passer à la description détaillée de ce régulateur, l'auteur nous livre quelques réflexions d'une portée générale et qui ne manquent pas d'intérêt. Un bon régulateur, fait-il observer, doit posséder les quatre qualités suivantes : « i ° Qu'une très petite force puisse vaincre l'effet de la vapeur sur la soupape, pour éviter les saccades toujours nuisibles à une machine; « 2° Que les soupapes s'ouvrent promptement afin que la vapeur puisse sans perte de temps vaincre l'inertie du balancier et des autres pièces qui en dépendent; « 3° Que les soupapes se ferment lentement afin qu'il ne résulte pas de mouvements violents dans l'axe du balancier quand la vapeur doit agir en sens contraire; « 4° Qu'on puisse régler avec facilité le moment d'ouvrir les soupapes selon que l'exige la machine ». On s'accordera certainement à trouver que cette analyse des qualités requises par une distribution n'est pas mauvaise, pour son lieu et sa date : la France en 1789. Nous avons dit que Bétancourt n'avait pu voir aux Albion Mills le régulateur centrifuge; il ne peut donc proposer que celui dit « à cataracte », moins perfectionné. Il consiste en une bâche constamment remplie par une petite pompe actionnée par la machine, et qui se vide par un robinet dont on peut régler le débit. Les variations du niveau de l'eau, transmises par un flotteur, servent à régler la section du canal faisant communiquer le cylindre moteur avec le condenseur. ( E n effet, les anciennes machines à basse pression se prêtaient à un réglage efficace plutôt du côté de l'échappement que du côté de l'admission). Après avoir brièvement expliqué le fonctionnement de l'engrenage planétaire, Bétancourt passe à sa conclusion. E n six paragraphes il s'efforce de dégager les avantages de la machine à double effet. Ce qu'il dit des conditions de la vaporisation et de l'emploi de la vapeur, etc., peut sembler, sinon contestable, tout au moins secondaire. E n revanche le fait qu'à poids égal la puissance est doublée est correctement analysé, dans le langage de l'époque, bien entendu : « Dans la machine double, la vapeur exerçant une action continuelle dans le cylindre, il suffit qu'elle agisse sur une surface égale à la moitié de celle nécessaire pour produire le même effet dans la machine simple. Cet avantage procure une épargne non seulement sur la matière du cylindre, mais encore sur celle de toutes les pièces qui en dépendent ». L'autre avantage est la facilité d'obtenir le mouvement de rotation. Dans les essais faits avec la machine à simple effet, on chargeait l'autre

1. Portrait de J.-C. Périer. Gravure d'après miniature d'Isabey ( M u s é e du C.N.A.M.).

2. La pompe à feu de Bagatelle " s u r les bords de la Seine près le pont de Neuilly" en 1 8 1 3 . Dessin encre et sépia, collection Charles Dollfus. La forme du bâtiment ne convient pas à une machine de N e w c o m e n ; il s'agit sans doute d'une machine genre Savery, comme au parc M o n c e a u .

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de la maison d'habitation construite Chaussée d'Antin par Périer (Archives «tude XLVI. liasse 4 5 4 . 2 4 juillet 1 7 7 4 ) .

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Central.

4. Pompe centrifuge à manège, modèle construit par Périer (Musée du C.N.A.M.)

5, 6. M o u l i n à vent à cabine tournante et moulin à vent à calotte tournante, modèles construits par Périer ( M u s é e du C.N.A.M.).

9, 10. Vues extérieures de la pompe à feu de Chaillot: gravure de la fin du XVIII* siècle, vue prise de la rive gauche de la Seine, les ateliers de la fonderie sont visibles; gravure d'époque romantique montrant le bâtiment de la pompe à feu (Coll. Charles Dollfus).

15, 16, 17. Machine à vapeur à double effet, planches accompagnant le mémoire de Bétancourt (Académie des Sciences, Archives, dossier de la séance du 16 décembre 1789).

23. Presses hydrauliques construites par Périer (Bulletin

de la Société d'Encouragement, le numéro XCII).

tome 11, 1812. planche accompagnant

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extrémité du balancier d ' u n poids qui, en redescendant, servait à fournir u n effort p e n d a n t la course ascendante du piston. Mais u n tel dispositif offre u n grave inconvénient : l'énorme masse du contrepoids, lorsqu'elle redescend « é t a n t abandonnée à elle-même, communique t o u t son m o u v e m e n t au volant qui, ne t r o u v a n t pas de résistance, p e u t acquérir u n e vitesse capable de m e t t r e en pièces t o u t e la machine, ce qui est arrivé plusieurs fois ». Un tel risque disparaissait entièrement avec la machine à double effet, le m o u v e m e n t du piston se t r o u v a n t contrôlé en chacun de ses points. B é t a n c o u r t conclut de la sorte son mémoire : « MM. Périer, convaincus de t o u t ce que je viens d'exposer et a y a n t vu la réussite de mon modèle, se sont déterminés à l'exécuter en grand ». Ce sont les moulins de l'île des Cygnes que nous retrouvons ici. Une semaine plus t a r d , le 23 décembre 1789, Yandermonde, Monge et Condorcet, commissaires de l'Académie, donnaient leur a p p r o b a t i o n au premier volume de la Nouvelle Architecture hydraulique de Prony, qui p a r u t avec la d a t e de 1790. A la fin de ce premier volume, P r o n y aborde brièvement la question des machines à vapeur, se réservant d ' y revenir dans son second volume ; sans doute n'imaginait-il pas alors que celui-ci n e devait paraître que six ans plus t a r d . Déjà l'approbation des commissaires nous avertit que le dernier chapitre contient « l'histoire et l'usage des machines à feu... j u s q u ' a u x dernières découvertes faites p a r MM. W a t s et Bolton, d o n t la machine à double injection vient d ' ê t r e apportée en France et présentée à l'Académie p a r M. de Bétancourt » P r o n y lui-même résume en deux pages le mémoire que nous venons. d ' a n a l y s e r 2 ; chemin faisant, il note quelques détails supplémentaires que B é t a n c o u r t lui avait sans doute donnés de bouche à oreille 3 E t il termine en i n d i q u a n t « que MM. Perrier excellents juges en pareille matière, se sont déterminés à faire construire u n e machine à feu à double effet et conforme au modèle de M. le chevalier de B e t t a n c o u r t : cette machine, destinée à faire mouvoir des moulins, doit être en activité au d é b u t de l'année 1790 » . Il ne s'agissait plus d ' u n e entreprise d o n t Périer faisait les frais, mais bien d ' u n e fourniture exécutée pour le g o u v e r n e m e n t ; celui-ci a u r a i t payé à Périer, p o u r les d e u x machines à v a p e u r à double effet, la somme de 200 000 livres 4 . Tandis q u ' o n poussait la construction de l'usine de l'île des Cygnes, la nouvelle ne t a r d a i t pas à en parvenir à W a t t . Le i 3 juillet 1790, il écrit à Boulton qu'il vient de recevoir de Paris u n e lettre d ' u n certain Lévêque, en d a t e du 4 juillet. Ce Lévêque a v a i t vu les machines à double effet de Périer et s'empressait de les déclarer mauvaises ; il savait déjà I. Prony, op. cit., p. xij. 1. Prony, op. cit., pp. 571-572. 3. Ci-dessus page 158, note 1. 4. B a l l o t , Introduction du machinisme, pp. 42-4o3.

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parfaitement que Bétancourt avait appris à Périer à faire les machines à double effet, et que le même Bétancourt en avait construit un modèle qu'il avait envoyé en Espagne « as he does of everything he sees »; l'ingénieur espagnol enfin avait rédigé un mémoire sur les effets de la vapeur, mémoire qui devait être inséré dans l'Hydraulogie (sic) de Prony. Conclusion de W a t t : nous devons nous méfier de plus en plus des étrangers 1 . Mais, cette fois encore, il était déjà trop tard. La construction de l'usine semble s'être poursuivie sans retard au cours de 1790. Le 9 mars 1791 Bailly pouvait adresser la lettre suivante à l'Académie : « Le Directoire du Département et la municipalité de Paris ont décidé de faire procéder le jeudi 17 mars à onze heures du matin à une expérience authentique des moulins à feu construits par MM. Périer à l'île des Cygnes. J'ai l'honneur de vous faire part au nom de la Municipalité du désir qu'elle a que l'Académie juge cette expérience assez digne de son intérêt pour charger des commissaires d'y assister » 2 . Les deux machines à double effet faisaient aller chacune douze moulins de 6 pieds 2 pouces de diamètre 3 . C'est sans doute ici le lieu d'évoquer la description qu'en a donnée Prony, bien qu'elle n'ait été livrée à l'impression que cinq années après cette date de 1791 à laquelle nous sommes maintenant parvenus 4 . Après avoir rappelé qu'il a donné dans son premier volume toutes les précisions sur le rôle joué par Bétancourt dans cette affaire, Prony enchaîne : « M. Périer l'aîné nous a assuré que quoiqu'il n'ait construit des machines à double effet qu'après avoir connu le modèle de M. Bétancourt, il avait cependant depuis très longtemps l'idée de pareilles machines; que son objet était de diminuer la grosseur du cylindre à vapeur, de supprimer le contrepoids, de simplifier tout l'attirail, enfin d'économiser le combustible. On ne saurait révoquer en doute l'assertion d'un artiste aussi habile que digne de foi. Il est d'ailleurs très naturel de penser que ceux qui ont beaucoup réfléchi sur les divers moyens d'employer la vapeur de l'eau comme moteur aient cherché à transmettre son effet d'une manière telle que l'attirail intermédiaire le diminuât le moins possible. Or les machines de Chaillot, quoique beaucoup plus parfaites que les anciennes » (c'est-à-dire les machines de Newcomen) « étaient encore loin de remplir cette condition ». Quoique ces réflexions restassent assez modérées, on pense bien que W a t t ne pouvait manquer d'en être piqué au vif. Nous avons eu plus haut l'occasion de rapporter la visite qu'il fit à Prony à Paris en 1802 B ; l'ingénieur français, peut-être du reste par simple urbanité, n'avait pas 1. Watt à Boulton, 23 juillet 1790; publ. par MUIRHEAD, The life of James Watt, Londres, i858, p. 267. 2. Académie des Sciences, Archives, carton Périer. 3. Voir ci-dessus page i56, note 1. 4- PRONY, Nouvelle Architecture hydraulique, t. II, Paris, 1796, pp. 35-58. 5. Dans notre chapitre sur les rapports entre Watt et Périer et l'introduction en France de la machine à condenseur, page l34> note 2.

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refusé de se livrer à une certaine autocritique. Watt avait dès lors trouvé Prony personnellement fort aimable. Six ans plus tard, en écrivant à son propre fils, l'inventeur renchérira encore en ce sens, mais sa rancœur contre Périer et Bétancourt semble n'avoir fait que s'aigrir avec les années : « Je déclare Prony quitte de tout reproche ou intention envieuse; il n'a été que le chroniqueur de ce qu'on lui rapportait; ayant à son oreille des rapporteurs tels que Périer et Bétancourt, que pouvait-on attendre de mieux? Il ne savait de moi ou de mes travaux rien d'autre que ce qu'il leur plaisait de rapporter. Lui-même, c'est un homme fort ingénieux, modeste et candide, et il regrette beaucoup d'avoir publié ce qu'il a publié; et il m'a offert d'insérer dans sa prochaine publication tout ce qu'il me plairait de lui communiquer touchant ce sujet » Cette lettre est du 10 novembre 1808; Watt avait été élu membre correspondant pour la section de mécanique à la première classe de l'Institut le 20 juin précédent. Dans sa description des machines de l'île des Cygnes, qui occupe les pages 35 à 58 et les planches 21 à 28, Prony se montre avare d'indications chiffrées. C'est ainsi qu'il nous laisse ignorer le diamètre du cylindre. Après Bétancourt, il donne des détails circonstanciés sur le modérateur à cataracte, le seul dont on disposât alors 2. Ce n'est qu'incidemment, à titre d'exemple pour un problème de calcul, qu'il nous indique que la longueur du balancier, prise entre les centres de rotation, était de 9 pieds 2 pouces, soit un peu plus de 2,65 m; la course du piston était, quant à elle, de 5 pieds 52/i 000 (un peu plus de 1,625 m) 3 . Cette course de 5 pieds est égale, comme le remarque Prony, au double du bras de manivelle du volant. La longueur de ce bras de manivelle peut se mesurer avec précision sur la planche 23, elle y est de 22 mm; ce qui est précisément, toujours dans la même gravure, le diamètre extérieur du cylindre. On arrive donc pour celui-ci à un diamètre de l'ordre de trente pouces (autour de 0,80 m), c'est-à-dire la moitié du diamètre du cylindre des machines de Chaillot. Ce qui signifie donc que Périer se serait proposé de réaliser là un moteur environ moitié moins puissant que celui de sa première pompe à feu, compte tenu du double effet. Aux pages 58 et suivantes et planches 29 à 34, Prony décrit une autre machine à feu à double effet. Il ne s'agit nullement de la seconde des machines de l'île des Cygnes ; celles-là étaient toutes deux identiques et conformes à la description donnée plus haut par Prony. L'auteur indique qu'il s'agit quant à présent de machines exécutées plus récemment, et qui se caractérisent surtout par certaines simplifications. Notamment le régulateur à cataracte a disparu. Si Prony décrit ce modèle plus rudi1. Watt à Watt junior, 10 novembre 1808; 2. P R O N Y , op. cit., t. I I , pp. 5o et suiv. 3. Op. cit., p. i33 et i34-

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mentaire, c'est vraisemblablement qu'il se propose de mettre la construction d'une machine à vapeur à la portée du plus grand nombre possible de gens. Ayant réalisé la première application de la machine à vapeur à double effet en France, Périer ne négligea pas de se protéger par un brevet d'importation et de perfectionnements, en date du 24 avril 1792 1 : « La machine à vapeur à double effet et de rotation est composée d'un cylindre qui reçoit la vapeur de la chaudière par ses deux extrémités, de manière que cette vapeur, agissant sur le piston qui renferme le cylindre alternativement dessus et dessous, le fait mouvoir avec une force égale soit en montant, soit en descendant ». En même temps Périer entendait protéger deux idées annexes. La première était celle de construire une machine à double effet horizontale, légère et quasi portative; le cylindre est simplement fixé sur la bâche et « la tige du piston passe par les deux bouts du cylindre et peut faire mouvoir par ses deux extrémités tout ce que l'on veut. On a figuré sur ce dessin deux roues de tour pour indiquer cette disposition ». La seconde idée consiste à supprimer le volant. Dans ce but, les Périer « ont imaginé de se servir de deux cylindres et de deux balanciers qui sont dépendants l'un de l'autre par leur réunion à une même manivelle. Les deux boutons de cette manivelle sont fixés à deux rayons qui forment entre eux un angle droit... On peut ainsi construire une machine de rotation avec un plus grand nombre de cylindres ». C'est peut-être au moment où il sollicitait son brevet que Périer construisit le superbe modèle de machine à double effet qui fait à présent partie des collections du Musée du C.N.A.M. La machine a été exécutée à une échelle qu'il est malheureusement impossible de préciser 2 . Elle est à cylindre vertical, balancier, volant, mouche, etc. ; le tout du système le plus classique. Tout ce qui est tuyauterie (cylindre compris) est en laiton ; la bâche est en cuivre, la tringlerie, les pièces en mouvement sont en acier poli; charpente et balancier sont en acajou. L'ensemble constitue un véritable objet d'art. En outre une des planches du portefeuille industriel du Musée du C.N.A.M. est un dessin au lavis de cette machine à grandeur d'exécution, vue en élévation latérale 3 . Une inscription portée au dos nous apprend que le modèle ici représenté 1. Publication des brevets, t. II, p. 151. C'est ce même brevet qui inquiétera tant Jouffroy d'Abbans une dizaine d'années plus tard, comme on l'a vu. 2. Musée du C.N.A.M., n° d'inventaire 4078. — D'après P R O N Y {op. cit., I , p. 5 7 2 ) le modèle exécuté par Bétancourt était au douzième; celui-ci serait plutôt au vingt-quatrième ou au trentième. 3. Musée du C.N.A.M., portefeuille industriel, n° 553. — Nous avons publié la photographie du modèle et de la planche en tête de notre article : « Maquettes d'ateliers... », dans Sciences, V, n° 3i, mai-juin 1964, p. 42- La restriction que nous faisions alors sur la véracité du récit, présenté par Prony, de l'introduction en France de la machine à double effet, nous semble avoir perdu sa raison d'être du fait de la découverte du mémoire de Bétancourt, dont nous ignorions l'existence au moment où nous avons livré cet article à l'impression.

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était conservé « dans le salon ». Sans doute s'agit-il du domicile de Périer; la beauté de l'objet fait, en t o u t cas, qu'il n'est nullement indigne de figurer dans une pièce de réception. Le destin des moulins à feu de l'île des Cygnes ne f u t pas aussi brillant qu'il aurait sans doute mérité de l'être. Ballot a indiqué 1 qu'ils fonctionnèrent normalement jusqu'à l'été de 1793, puis restèrent inutilisés pendant dix-huit mois. Les gelées persistantes de l'an I I I décidèrent le gouvernement à les faire remettre en état par Périer assisté d'un certain Ovide. Ces moulins fonctionnèrent alors jusque sous le Consulat, mais furent donnés ensuite, pour sa filature de laine, à Douglas qui les garda jusqu'en 1817. II est certain qu'en 1801 le gouvernement, avant de les confier à Douglas, avait fortement hésité à les supprimer, comme on le voit d'après deux notes conservées dans les archives du C.N.A.M. 2 . Ces notes contiennent des données statistiques assez précises. Elles ne sont guère favorables au maintien de l'usine. Voici le texte de l'une et de l'autre : « Note au sujet des machines à vapeur de l'Ille des Cignes. « Les moulins à machine à vapeur de l'Ille des Cignes appartiennent au gouvernement. Le gouvernement sous le ministère de M. Necker les fit construire pour servir à la mouture des grains dans les temps de grande gellées et de sécheresse. La dépense de cet établissement se monte à 5oo mille francs. Les deux machines à vapeur sont à double effet, leurs cilindres ont 76 pouces de diamètre, chaque cylindre accompagnées) de deux chaudières, le t o u t construit solidement et avec soin ainsi que les moulins à bled. « Ces machines à vapeur indépendamment de la mouture des grains peuvent encore être utiles au département de la Seine pour le point de vue de l'élévation des eaux nécessaires à la ville de Paris. On peut néanmoins transporter ces machines et même dans un département éloigné sans les détériorer, en employant toutefois des hommes instruits dans l'art. On observera à ce sujet que leurs grandes dimensions les rendent propres au service de très grands travaux. « Les 2 machines à vapeur peuvent être évaluées ensemble à environ 200 mille francs prises séparément des moulins à farine ». L'auteur de la note insiste sur les grandes dimensions des machines. 76 pouces seraient en effet un fort grand diamètre : un peu plus de deux mètres. Cela n'est certes nullement impossible, mais ce chiffre est en contradiction formelle avec les renseignements qu'on peut tirer de la publication de Prony. Ainsi, dans la gravure que nous avons déjà commentée, le diamètre du cylindre n'est que légèrement supérieur à la hauteur de la rampe d'un escalier construit juste derrière lui; ce qui nous ramène bien à une dimension de l'ordre de 80 cm. Il est difficile 1. B a l l o t , Introduction du machinisme, p. 4o42. Musée du C.N.A.M., Archives, série A, liasse 89.

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de conclure. La remise en état de l'an III avait-elle pris l'allure d'une véritable transformation? Des recherches ultérieures le révéleront peut-être. Voici le texte de la seconde note : « Note sur les moulins à vapeur de l'Ille des Cignes. « Il résulte des observations faites par le citoyen Béranger sur l'emploi des moulins de la pompe à feu, qu'ayant conduit l'année dernière six de ces moulins il a remarqué qu'ils avaient consommé pour 22 200 1. de charbon de terre en 18 jours et qu'ils avaient coûté en outre 8 800 1. pour frais de meunier, garde-moulin, angreneurs, ouvriers, pour la manutention des bluteries et mélanges, les méchaniciens, charpentiers, chauffeurs, pompier, savon, huile, marteaux etc. ; ce qui fait une dépense totale de 3i 000 1. Il ajoute que dans cet intervalle il a été moulu 1 737 septiers de bled et seigle du poids de 240 livres lesquels ont produit 4o5 sacs de farine moulue en boulange et environ 100 sacs de gruau qui ont été envoyés à d'autres moulins, ceux dont est question n'étant guères propres à finir les moutures; que le septier a coûté plus de 18 1. de frais de mouture et que cette dépense énorme, jointe à la quantité considérable de combustibles que ces moulins consommaient, ont déterminé l'ancienne administration à cesser de s'en servir. « L'usage du bois s'il était employé serait encore plus dispendieux que celui du charbon de terre. » Il n'y avait donc ici que six meules en service. En divisant 1 737 par (18 X 6) = 108, on trouve 16, avec un petit reste de

Si on 108

suppose que les journées de travail ont été de 12 heures, on arrive à une capacité de mouture de 32 setiers par meule et par 24 heures. Or Périer à l'origine avait mis en avant un chiffre de 72 setiers par meule et par 24 heures 1 . On voit que nous en sommes loin. Que faut-il penser de ces appréciations franchement défavorables? Les biographes de Périer font entendre un tout autre son. Delambre garde une retenue toute académique dans son éloge prononcé à l'Institut. « Quelques intérêts privés, quelques inconvénients particuliers, tels que les frais de combustible, qui empêchaient de considérer un tel établissement autrement que comme une ressource extraordinaire dans un besoin extrême firent négliger peu à peu cette usine superbe, dont il reste à peine quelques légers vestiges ». Jomard avait dit avec moins d'ambages devant la Société d'Encouragement : « On sait que les propriétaires des moulins de Corbeil parvinrent à les faire abandonner » 2 . On doit certes regretter la disparition prématurée de « cette usine superbe » ; mais la machine à double effet n'en était pas moins acclimatée en France, ce qui est, croyons-nous l'essentiel.

1.

B A L L O T , op.

2.

DELAMBRE,

cit.,

p.

4o3.

loc. cit., p. lxix; Jomard, op. cit., p.

137.

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APPENDICE : LA POMPE A F E U DE SAINT-DOMINGUE

167 (1784).

Il existe des témoignages intéressants sur une pompe à vapeur fournie par Périer en 1784 pour la colonie française de Saint-Domingue, en plein développement à cette époque 1 . Moreau de Saint-Méry a en effet donné en 1790 les indications s u i v a n t e s * . Un 1. Sauf indication contraire, tous les renseignements contenus d a n s ce p a r a g r a p h e se trouvent dans un dossier de documentation longtemps conservé dans les archives du Musée de l'Air, dont le conservateur, M. le colonel Rougevin-Baville, vient de l'offrir au Musée du C.N.A.M. — Ce dossier comprend une lettre de Pierre Léglise, en date du 17 février ig36, adressée au lieut.-colonel Bellenger, et accompagnant l'envoi d'une traduction dactylographiée de l'article de Boyden, p a r u en anglais sous le titre : « L e mystérieux moteur à air chaud de Haïti », dans United States Naval Instituie Proceedings, numéro de janvier 1936. 2 . M O R E A U D E S A I N T - M É R Y , Description... de la partie française de l'Isle de SaintDomingue, t. I I , Philadelphie, 1798. — « On s'occupait depuis 1744 environ de l'aménagement de la plaine de l'Artibonite, région très fertile mais soumise alternativement à la sécheresse et a u x inondations » (pp. 127 et suiv.). Bertrand de Saint-Ouen se fit nommer en 1781 Commissaire du Toi pour les arrosements de l'Artibonite et quartiers adjacents, et présenta des projets très vastes pour lesquels il obtint u n accord de principe le 9 janvier 1782. Bertrand fut contraint de revenir à la simple idée d'essayer une pompe à feu d'une part et un siphon d'autre p a r t (il ne réalisa du reste p a s ce dernier). « L e gouvernement consentit le 3 février 1782 à lui faire fournir une pompe à feu de la manufacture de MM. Perrier frères et on lui assigna des fonds sur la caisse des libertés pour les autres dépenses de l'essai, le tout remboursable dans la seconde année de la p a i x » (pp. I38-I39). Il semble que là première pompe à feu, montée à titre expérimental, a v a i t un cylindre de 40 pouces; elle aurait suffi à fournir de l'eau à i 5 propriétés (p. 140). On prévoyait en tout cinq pompes à feu d'arrosage; plus tard, d'autres pompes auraient pu épuiser les e a u x stagnantes du bas de l'Artibonite; les machines à vapeur auraient pu aussi être employées à mouvoir les moulins à sucre (p. 141 )• « De tout ce que je viens de r a p porter comme observé ou proposé en 1 7 8 1 , les seules vues de M. Bertrand de SaintOuen ont été suivies de quelque exécution, avec le secours de la pompe à feu qui lui a été donnée à titre de prêt par le gouvernement, à qui elle a coûté 72 000 livres tournois. L'idée du siphon a été abandonnée » (p. 149) - « L e 11 novembre 1786, la pompe à feu que M. Bertrand avait fait placer par un ingénieur venu exprès de France f u t mise en jeu en présence de M. le comte de L a Luzerne, gouverneur général. Cette pompe est établie sur l'habitation même de M. Bertrand et sur la rivière de l'Artibonite, à environ à I 5oo toises dans le Sud de sa prise d'eau. Elle prend l'eau à 2 pieds au-dessous du niveau des plus basses eaux, et l'élève à 21 pieds au-dessus de ce niveau. Elle peut fournir à l'arrosement de 2 000 carreaux (1 carreau = 3 25 /32 arpents de Paris) et consomme par 24 heures 5 à 6 barriques de 5 à 6 pieds cubes de charbon de terre, valant 33 livres pièce » (p. i53). Bertrand estimait à une somme forfaitaire de 66 000 livres la fourniture d'eau capable d'arroser 100 carreaux. Il se contentait de l'intérêt de cette somme pendant dix ans et ne demandait le capital que pour la onzième et la douzième année, en deux payements égaux. Mais il ne trouva aucun acquéreur (p. l54). « Il (semble) que tous les projets sur l'Artibonite (ont) été ensevelis avec l'homme qui s'en (est) occupé le plus constamment, et l'on (dirait) qu'un événement qui a précédé sa mort, (a) été le funeste présage de cet abandon : l'action de la machine à feu sur elle-même n'ayant pas été assez mesurée dans son rapport avec un sol aussi peu solide que celui de l'Artibonite, cette machine a descendu au-dessous du niveau où elle avait été placée » (pp. I 5 4 - I 5 5 ; Moreau de Saint-Méry écrit le début de la phrase à l'imparfait, croyant encore à une renaissance possible de l'entreprise du fait d'un projet présenté en 1789 et qui n'eut évidemment p a s de suite).

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colon, Bertrand de Saint-Ouen, se trouvant en 1781 à Paris, propose au gouvernement un plan d'irrigation de la vallée de l'Artibonite. Ce plan supposait l'utilisation d'un certain nombre de pompes à feu. C'est sans doute le succès de la pompe de Chaillot, qui date précisément de 1781, qui fit germer cette idée dans le cerveau de Bertrand. Bertrand réussit à obtenir que le gouvernement achetât une pompe à feu et la lui prêtât. Cela f u t fait, et la machine f u t fondue chez les Périer. Elle coûta 72 000 livres. D'après le tarif de Chaillot publié par Ballot, ce serait donc une machine de la plus grande taille qui existât alors ; mais le prix de 72 000 livres comprend peut-être des fournitures annexes de pompes, tuyaux, etc.; d'après une allusion de Moreau de Saint-Méry, il semble qu'il s'agissait d'une machine de 40 pouces. L'installation dut se faire en 1785-1786; l'inauguration eut lieu le 11 novembre 1786. Les fondations prévues se révélèrent insuffisantes, et la machine s'enfonça quelque peu. Elle servait à irriguer une surface de terrain étendue, plus de 2 5oo hectares Malheureusement Bertrand de Saint-Ouen mourut en 1787; la pompe à feu f u t abandonnée sinon immédiatement, tout au moins à la suite des troubles provoqués par la révolte des Noirs, quatre années plus tard. On ne saurait rien de plus, si le capitaine-aviateur américain Hayne Boyden n'avait été chargé en 1924 de dresser la mosaïque photographique de la vallée de l'Artibonite. Boyden, qui s'intéressait à l'histoire de la mécanique, recueillit dans le pays des souvenirs d'allure plus ou moins légendaire sur l'existence d'une pompe à feu datant des anciens temps de la colonie. On ne sait pourquoi, Boyden se persuada qu'il s'agissait d'un moteur à air chaud, idée sans fondement, mais qui par bonheur ne pouvait nuire au succès de ses recherches. Du reste il ne trouva d'abord rien. Mais lors d'un second séjour, il examina la carte de la vallée de l'Artibonite dressée en 1788 par René Philippeaux. Il y lut le mot « pompe » près d'un coude accentué de la rivière. Un vol effectué à basse altitude lui permit ensuite de distinguer, à une centaine de mètres de la rive, une grande cheminée de briques et un cylindre métallique de grande taille ressemblant à un réservoir rouillé. Boyden monta une petite expédition avec deux officiers de ses amis. Les trois hommes quittèrent leur voiture quelques milles avant Port-Sondé, et descendirent vers le cours d'eau en suivant un ancien chemin français sur une longueur de deux milles et demi environ. Ils découvrirent une prise d'eau au bord de la rivière, un regard construit en briques donnant sur une canalisation souterraine reliant la rivière à la pompe, et enfin l'installation élévatoire elle-même. Boyden, qui n'a pas reconnu qu'il avait affaire à une machine à vapeur, n'en donne qu'une description assez confuse. Il signale d'abord la haute cheminée de briques et le cylindre vertical, de grandes dimensions et rouillé, qu'il avait déjà aperçu de son avion. Ensuite, dit-il : « Un fourneau en briques à la base de la cheminée et un tuyau souterrain aboutissant au cylindre étaient parfaitement visibles. Sous les arbres, un autre gros cylindre ouvert à son extrémité supérieure et comportant quelque mécanisme, reposait dans un puits de briques carré de l5 pieds de côté, son sommet de niveau avec le sol. « Couché et partiellement enterré, entre le puits et le cylindre vertical, se trouvait u n petit cylindre auxiliaire, dont l'inspection attentive me révéla quelques inscriptions. J e me mis à les déchiffrer... Estampés sur le métal du petit cylindre, était la mention : Perrier Frères, Chaumont, France 1784 ». Boyden ajoute encore, u n peu plus loin, que les initiales P. F. étaient estampées sur chaque pièce de la mécanique. 1. Moreau de Saint-Méry indique (op. cit., t. I, p. xviij), que le carreau de SaintDomingue vaut 3 25 / Î 2 arpents de Paris. 2 000 carreaux valent donc 7 562,5 arpents. Comme l'arpent commun de la région parisienne valait 34 ares 18 ca, on arrive donc pour 2 000 carreaux à une valeur exacte de 2 584 ha 86 ares 25 ca.

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Comme on le voit, cette description est trop confuse pour qu'on puisse identifier les éléments qui correspondent à la chaudière, au cylindre, au condenseur, à la pompe et au réservoir. Normalement, il devait y avoir aussi des vestiges de bâtiments écroulés. Mais le tout comme le précise Boyden, était recouvert par une végétation tropicale de deux mètres de haut. Plus curieuse est l'indication d'une fabrication à Chaumont. Le plus probable est que Boyden a fait une mauvaise lecture pour Chaillot. Grâce à des renseignements transmis par Lord, nous sommes en mesure d'indiquer quelques détails supplémentaires. Il semble bien que les organes essentiels — cylindre, condenseur, distribution — aient été exécutés par Wilkinson dès 1782-1783, et cela à l'insu de W a t t , qui découvrit l'affaire par hasard. En effet, le 11 février 1783, W a t t écrivait à Boulton : « Je viens juste d'apprendre que la machine qui est à Bersham est pour Périer. Il a envoyé un passeport pour la faire expédier à SaintDomingue, où elle doit être montée. Méfiez-vous des fondeurs » conclut W a t t , ce qui signifie qu'il englobe cette fois-ci Wilkinson et Périer dans la même réprobation. Ainsi nous comprenons mieux les conditions de fourniture de cette pompe à vapeur et nous sommes éclairés sur les possibilités réelles des ateliers de Chaillot tout au début de leur existence. L'alésage des cylindres restait une opération redoutable pour les fondeurs français, et on n'hésitait pas à faire venir cette pièce d'Angleterre lorsque la chose était possible d'une manière économique, c'est-à-dire, en l'occurrence, irrégulière. Le cylindre dont il est question ici aura été expédié directement d'Angleterre à Saint-Domingue grâce au passeport fourni par Périer. Quant aux autres pièces moins délicates, fondues et estampillées à Chaillot, un bateau français les aura transportées. La machine ayant été achetée par le gouvernement français, nous espérons reconstituer son dossier d'archives dans une phase ultérieure de nos recherches. Quant aux ruines qui existaient il y a une quarantaine d'années sur le territoire de la république d'Haïti, il peut sembler probable qu'elles continuent d'y exister. Quarante ans de plus sont, après tout, peu de chose pour une machine qui a pu, sans disparaître complètement, braver cent trente-cinq années environ d'abandon total.

1. « The engine now lying at Bersham, I have just learnt, is for Périer, who has sent a passport to convey it to S. Domingo, where it is to be erected. Put not your trust in founders. » ( L O R D , Capital and Steam Power, Londres, 1 9 2 3 , pp. 2i2-2i3.)

CHAPITRE

V

L ' A C T I V I T É D E L A M A N U F A C T U R E D E CHAILLOT SECONDE P A R T I E : R É V O L U T I O N E T E M P I R E

A. RÉVOLUTION, D I R E C T O I R E E T CONSULAT

Les Périer se séparent de la Compagnie des Eaux; Vévolution de la manufacture de Chaillot de 1788 à 1805 Il nous faut revenir de quelques années en arrière, jusqu'à 1788, pour enregistrer un événement décisif : la séparation complète des ateliers de Chaillot et de l'entreprise des eaux de Paris. Il y avait en effet des rapports trop étroits entre la fonderie de Chaillot, entreprise particulière aux Périer, mais locataire de la Compagnie des Eaux, et cette Compagnie, dont les mêmes Périer étaient administrateurs perpétuels, pour que les deux ingénieurs n'eussent pas à souffrir du désordre provoqué par l'agio. Ce désordre se traduisit pour eux par une expulsion brutale, qui devint définitive en ce qui concerne la pompe à feu, laquelle se transforma en service public; quant aux ateliers, une réintégration rapide eut lieu, mais il fallut une vingtaine d'années pour régler la situation. Les biographes de Périer ont consacré des récits assez émus à cet épisode. En effet, comme ils parlent sous la Restauration, ils insinuent que Périer a été une victime de la Révolution alors en gestation. Cela est très net chez Delambre : « Leurs ateliers étaient parvenus au plus haut point de faveur lorsque la Révolution éclata. MM. Périer en furent les premières victimes puisque dès 1788 la Compagnie des Eaux, qui commençait à prospérer, se trouva renversée par une Compagnie nouvelle. Une troupe de soldats suisses envahit à main armée leurs ateliers, d'où ils se virent contraints de sortir avec leurs ouvriers. Pendant toute la durée du procès qui fut la suite de cet acte arbitraire, MM. Périer continuèrent de payer tous ceux d'entre ces ouvriers qui purent prouver qu'ils n'étaient pas employés. Réintégrés au bout de six semaines par arrêt du Parlement,

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ils restèrent privés d'une pension de 20 000 livres qui leur avait été assurée par la première Compagnie » 1 . « Un peu avant la Révolution, nous apprend de son côté Jomard, une nouvelle Compagnie des Eaux forte de puissantes protections renversa celle que les frères Périer avaient si heureusement établie. On vit alors, chose inouïe, un détachement de soldats suisses disperser les ouvriers de Chaillot et menacer l'existence de ces belles usines. Pour les sauver, les frères Périer eurent la générosité de continuer gratuitement la paie des ouvriers pendant tout le temps qui s'écoula jusqu'à ce qu'on eut jugé les prétentions de la nouvelle Compagnie. Voilà des services marquants, qui ont des droits certains à la reconnaissance publique, et qu'on ne saurait trop signaler dans une assemblée comme celle-ci » 2 . Nous emprunterons quelques détails complémentaires à Bouchary, qui a étudié d'une manière approfondie l'histoire financière de la Compagnie des Eaux 3 . Les actions avaient atteint leur plus haut cours dans l'été de 1786, mais en janvier 1788 la ruine était consommée; entre temps (avril 1786-octobre 1787) le gouvernement était devenu le plus fort actionnaire, des spéculateurs « ayant profité des difficultés du Trésor pour se décharger sur lui d'une situation qui devenait dangereuse ». Tout ceci coïncide en effet avec la fin, si troublée, du ministère de Calonne. Les spéculateurs avaient bien manœuvré : le gouvernement avait maintenant en main les quatre cinquièmes des actions. Par un traité des 4 _ I 8 avril 1788, il fut entendu que la Compagnie des Eaux était transformée en une Administration Royale des Eaux. Restait à éliminer les Périer qui touchaient des honoraires élevés et à qui des remises d'actions devaient être successivement faites. Les difficultés commencèrent après une assemblée d'actionnaires ayant eu lieu le i5 février 1788, alors que la Compagnie était encore en voie de transformation. Puis, les administrateurs royaux ayant fait mettre les scellés sur la caisse, les Périer obtinrent d'abord « la levée des scellés et la création, pour faire face aux besoins de l'entreprise, d'une caisse de 5oo 000 livres, dont une clef sur deux resterait aux mains de Périer l'aîné ». Mais le Parlement cassa cette disposition et la caisse fut transportée au domicile de Pourrat, qui dirigeait le nouveau groupe. L'assemblée générale du 18 juin 1788 destitua les Périer de leurs fonctions de directeurs. C'est alors que les contestations et le désordre atteignent leur point culminant; il fallut que Jacques-Constantin allât un jour jusqu'à en venir aux mains avec l'un des administrateurs royaux, le 1. DELAMBRE, « Notice sur la vie et les travaux de M. Périer, » pp. Ixviij-lxix. — Charles B A L L O T , Introduction du machinisme, pp. 4 O 4 - 4 O 5 , n'a pas manqué de donner sur la fonderie de Chaillot les renseignements fournis par les fonds des Archives Nationales, dans le cadre d'un exposé général sur « l'emploi de la machine à vapeur pendant la Révolution et l'Empire ». 2. JOMARD, « Notice sur feu M. Perrier », loc. cit., p. 137. 3. B O U C H A R Y , L'eau à Paris, pp. 7 8 et suiv., 9 7 et suiv., lo5 et suivantes.

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marquis de Gouy d'Arcis. Une procédure interminable s'engagea ensuite. Rétablis sans préjudice dès août 1788 dans leur libre entrée et possession de l'atelier de Chaillot, les Périer n'eurent, dès lors, plus à en sortir; c'était désormais le plus important pour eux. Mais il fallut encore de longues années avant d'aboutir à un règlement définitif. Le 17 janvier 1790, la Constituante supprima l'Administration Royale des Eaux. A partir de juin 1790, les Périer continuèrent à plaider devant le Châtelet, avec de Sèze pour avocat. La situation ne sera complètement liquidée que sous le Consulat. Les Périer demeureront en fin de compte propriétaires de Chaillot, cession leur ayant été faite du terrain et des ateliers. La perte de leur position d'administrateurs perpétuels de la Compagnie des E a u x privait les Périer d'une importante source de revenus fixes. Ils se tournèrent immédiatement vers une autre activité : « Incapables de découragement, ils se livrèrent bientôt à de nouvelles entreprises. On commençait à introduire en France les filatures de coton; ils fabriquèrent un grand nombre de métiers à filer et de mule-jennys; ils firent ensuite ... des métiers à filer la laine », nous apprend Jomard 1 . E t Delambre : « Les manufactures qui se multiplièrent bientôt leur offrirent quelques légers dédommagements » 2 . En effet, les filatures de coton pouvaient intéresser les Périer à un double titre : en t a n t que capitalistes, ils étaient manufacturiers; en t a n t que constructeurs, ils étaient fournisseurs de mécaniques. Ils n'étaient du reste pas novices en la matière, puisque dès 17831784 Périer avait été appelé comme expert pour examiner la fameuse filature de Neuville-1'Archevêque. Ses conclusions avaient provoqué le 11 mars 1785 la formation d'une nouvelle société dont il prit la tête et qui devait durer jusqu'à 1797 8 . Après la transformation de la Compagnie des Eaux, les Périer créèrent d'abord dès 1790 une filature à Amilly, dans le Loiret. On sait peu de chose de cette entreprise, sinon qu'elle existait encore en 18o5 4 . On est mieux renseigné sur une autre filature établie dans l'Eure, à Saint-Lubin et Nonancourt sur l'Avre 5 . Dès le 18 septembre 1790 Périer achète le château de Saint-Lubin pour 67 o5o livres, le 21 janvier 1791 la ferme voisine de Merville pour 80 100 livres, et le 8 août suivant les 3/4 du moulin à tan de la paroisse Saint-Martin, dépendance du château de Saint-Lubin, pour 18 900 livres. Cette filature f u t montée pendant la Révolution, en particulier pendant la Terreur; Périer conserva l'entreprise jusqu'à la fin de l'Empire, et le château de Saint-Lubin était devenu sa résidence secondaire. Nous y reviendrons. 1. JOMARD, loc. cit.,

p . L38.

2. DELAMBRE, loc. cit., p. Ixxj. 3. BALLOT, op. cit.,

p. 67.

4- BALLOT, op. cit.,

p. 3g et p. l 5 o .

5. Archives Nationales, Minutier Central, étude XCI, liasse i5o4, 3o juin 1812 (inventaire des papiers de Périer, établi après la mort de sa femme).

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Plus tard Périer essaya encore de monter une filature à Douai. Il acheta un bâtiment le 18 ventôse an XIII, pour 36 ooo francs. Mais en 1812 la filature n'était pas encore en activité En 1810, Périer affirmera avoir monté six grands établissements de filature de coton 2. Comme on le voit, nous ne pouvons ici en énumérer que quatre : Neuville-l'Archevêque, Amilly, Nonancourt Saint-Lubin et Douai. Il en existe donc deux autres sur lesquels nous n'avons aucune information. Dans le domaine de l'industrie du coton, les Périer ont certes contribué à répandre les nouveaux procédés, mais il ne faut pas les considérer comme des novateurs; leur rôle ici ne ressemble nullement à celui qu'ils ont joué vis-à-vis de la machine à vapeur de Watt. En fait le coton fut simplement pour eux une industrie dont ils tiraient profit mais sans chercher à la transformer. C'est ainsi qu'il n'y eut jamais de machine à vapeur à la filature de Nonancourt, l'Avre suffisant à donner la force motrice; tout au plus peut-on signaler une velléité d'installer en 1806 une machine à vapeur à la filature de Douai 3 , entreprise qui du reste, comme on l'a dit, semble n'avoir pas réussi. Il serait vain de chercher à se le dissimuler : à partir du début de la Révolution, l'histoire de la fonderie de Chaillot n'est plus que celle d'une lente et longue décadence. Jamais l'élan des dernières années de l'Ancien Régime ne f u t retrouvé. Mais ce déclin graduel comporte des épisodes multiples et divers. Il est très représentatif de l'évolution économique et industrielle de cette période, telle qu'on peut l'apprécier grâce à un travail comme celui de M m e Viennet par exemple 4 . Au plus chaud de la Révolution, nous sommes en présence d'une activité fébrile : les fabrications de guerre de l'an II. Mais il s'agit d'un effort artificiel qui, en fait, marque pour les Périer le commencement 1. Ibid. 2. Bulletin de la Société d'Encouragement, t. IX, 1810, p. 168. — Il a existé une filature Périer à Vizille, mais elle appartenait à Auguste Périer, de la famille de Casimir ( L É V Y - L E B O Y E R , Les banques européennes, p. 6 2 note 52 et p. 45o). 3.

B A L L O T , op.

cit.,

p.

4'2.

Odette V I E N N E T , Napoléon et l'industrie française: la crise de 1810-1811, Paris, 1947. Ouvrage fondamental pour l'étude de la période napoléonienne. Mais par le terme d'industrie l'auteur entend surtout désigner les conditions financières de la production et du marché des matières premières et des produits manufacturés; aucun compte n'est tenu de l'évolution des procédés. Le problème de l'établissement en France d'une infrastructure industrielle qui fût techniquement à jour ne sort pas de l'ombre; cela semble être une conséquence de l'indifférence presque générale des contemporains, l'empereur en tête, pour cet aspect de la question. Or à la base de ce problème d'infrastructure il y avait la question des sources d'énergie, c'est-àdire, à cette époque, la machine à vapeur. Périer est un des rares contemporains à l'avoir compris : « Une machine véritablement importante pour les arts et les manufactures est la machine à vapeur, parce qu'elle s'applique à tous » (Bull. Soc. Enc., IX, 1810, p. 162). M me Viennet fait du reste (pp. 153-162) des réserves sérieuse» sur la valeur du rôle de Napoléon vis-à-vis de l'industrie. 4.

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de la ruine, car le Directoire esquivera le payement des fournitures faites à l'époque précédente. Le Consulat et les bonnes années de l'Empire — jusqu'aux premiers mois de 1810 — sont marqués par une lente reprise. Nouvelle activité de la manufacture : des applications nouvelles de la machine à vapeur apparaissent, monnayage, machine à remonter le charbon; de nouveaux essais de bateaux à vapeur ont lieu, et ce sont ceux de Fulton, l'Américain qui, ailleurs à vrai dire, et avec un moteur anglais, devait réussir un peu plus tard. On enregistre des témoignages de l'activité d'au moins un élève de Périer, Boury, dans le domaine de la construction des machines à vapeur, et il semble avoir été particulièrement ingénieux. Périer introduit aussi en France une précieuse machine anglaise, la presse hydraulique. Enfin il jouit de la faveur du gouvernement impérial : il reçoit des avances de plusieurs centaines de milliers de francs et on lui passe une très grosse commande, une installation de pompes à vapeur destinées à remplacer la vétusté machine de Marly. Puis 1810 arrive, et tout craque. Déjà ces avances reçues du pouvoir, cette nécessité d'encouragements donnés sous forme de commandes officielles du genre de celles de la machine de Marly, n'étaient pas de si bons signes. Mais en 1810, deux cent quatre-vingt-trois bilans de première grandeur, dont deux cent soixante-six pour la Seine, sont déposés en neuf mois. C'est la crise Est-ce un hasard si Périer choisit cette année de catastrophe pour publier un bref et vigoureux mémoire Sur les machines à vapeur ? Certainement pas. Dans ce texte, le vieux Jacques-Constantin — il a déjà soixante-huit ans et il est riche, sinon d'argent, du moins de son immense expérience de pionnier de la construction mécanique, accumulée en presque quarante ans d'activité infatigable — se dresse pour attirer l'attention sur un certain nombre de fautes. Que dénonce-t-il? La fausse orientation donnée à l'industrie française sous le règne de Napoléon. Même les admirateurs de celui-ci comme M m e Viennet, ne peuvent nier que les secteurs de la métallurgie et de la mécanique n'ont pas été particulièrement favorisés par le pouvoir impérial. Périer, rempli des idées les plus saines, essaye d'attirer l'attention publique sur le problème des sources d'énergie, dont bien peu de gens, semble-t-il, réussissaient à prendre conscience à l'époque. Il se trouve donc entraîné à faire entre la France et l'Angleterre u n parallèle qui, comme on s'en doute, tourne tout à l'avantage de cette dernière. Périer écrit certes avant tout dans le but de promouvoir la construction des machines à vapeur en France, et donc d'obtenir des commandes. Mais ce faisant il attire involontairement notre attention sur un fait important et qui v a u t d'être souligné. Comment un pays peut-il rattraper son retard par rapport à un voisin techniquement plus évolué? Il ne 1 . V I E N N E T , op.

cit.,

p.

117.

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peut le faire qu'en important les procédés déjà créés à l'étranger; s'il s'abandonne à son évolution naturelle, le décalage a toutes les chances de demeurer constant. Ce phénomène s'observe avec une singulière netteté dans le domaine qui nous intéresse ici. A partir de 1789, la construction des machines à vapeur n'a plus évolué en France. Les machines construites à la fin de l'Empire seront exactement celles que Watt fabriquait en 1785. On aurait tort d'attribuer ce fait à une médiocrité particulière d'esprit chez Périer. C'est simplement parce que l'isolement engendre la stagnation. Entre temps, l'industrie anglaise avait créé l'excentrique, le tiroir en D et la construction tout métal — pour ne citer que l'essentiel; on pourrait ajouter les essais concluants faits par Trevithick dans le domaine des hautes pressions, qui allaient bientôt ouvrir le champ immense des applications à la locomotion terrestre. Dès 1816, les échanges techniques entre l'Angleterre et la France, la première exportant des machines et des constructeurs, la seconde déléguant ses ingénieurs en voyages d'étude, reprendront avec une intensité telle, qu'elle fait irrésistiblement penser à une explosion. Or, le bouchon qui saute en I8I5, c'est le système du blocus continental. Les idées énoncées par Périer en 1810 renferment donc une critique implicite, claire, et tout à fait valable de ce système. La prohibition des marchandises, dont on ne veut pas discuter ici le bien-fondé, engendrait des conditions générales telles que le développement du machinisme en France s'en trouvait, lui, inhibé. Ce n'est sans doute pas un hasard si ces critiques implicites ont été formulées au moment précis où le régime impérial commençait à sombrer dans l'autoritarisme. Du reste, Périer ne tarda pas à recueillir les fruits amers de sa lucidité. Ses ateliers restaient encombrés des machines destinées à Marly, le gouvernement qui avait maintenant autre chose en tête que les jeux d'eau de Versailles, ne se souciant ni d'en prendre livraison ni de les payer. Périer tente alors de publier un mémoire de revendication : un ordre supérieur en fait saisir le tirage et briser les planches. A l'échéance de I8I5, Périer n'est plus jeune : il a soixante-treize ans. Il est malade, et il est abreuvé de chagrins domestiques. Non seulement il est devenu veuf en 1812, mais sa fille cadette, Eugénie, a épousé un homme indigne, Darpentigny, qui ne tarde pas à goûter, à SaintePélagie, de la prison pour dettes. Il est très probable que Périer n'avait consenti à ce mariage qu'à regret et sans illusions; car dès l'an I X il avait eu affaire en Normandie à un Darpentigny, sans doute son futur gendre, qui apparaissait alors comme un commissionnaire fort indélicat. Il est donc trop tard. Périer traînera encore trois ans avant de se décider à vendre Chaillot, qui connaîtra entre les mains de son acquéreur une transformation et une renaissance presque immédiates. Puis, aussitôt, et comme s'il avait perdu sa dernière raison de vivre, il mourra ruiné. Nous allons maintenant parcourir en détail les étapes de la longue

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histoire — elle occupe en effet presque trente ans — que nous venons de résumer. Revenons donc en arrière et plaçons nous au début de la Révolution française. La fonderie de Chaillot est devenue indépendante depuis 1788 et en 1790 elle termine les moulins de l'île des Cygnes. Les années 1791 et 1792 n'ont vraisemblablement pas été très actives, on ne sait à peu près rien sur elles. C'est sur la période de la Convention, marquée par le puissant effort des fabrications de guerre, que nous sommes au contraire mieux renseignés. Les fabrications patriotiques de l'an II Les guerres de la Révolution provoquèrent à l'intérieur le grand effort connu sous le nom de fabrications patriotiques. Camille Richard leur a consacré dès 1922 un très important ouvrage, auquel nous aurons beaucoup à e m p r u n t e r 1 . L a perfection de la fonderie de Chaillot, la réputation dont elle jouissait et enfin sa situation à proximité immédiate de la capitale, amenèrent en effet les Périer à jouer durant cette période un rôle prépondérant, que les biographes de Jacques-Constantin n'ont pas manqué de souligner. « Quand on voulut donner des canons à chacune des sections de la garde nationale », écrit en effet Delambre, « MM. Périer se chargèrent de cette entreprise toute nouvelle pour eux ». E n fait quelques caronades avaient été exécutées dès 1786, comme on l'a v u ; mais il semble que cette fabrication ne s'était pas développée. « Us coulèrent et forèrent toutes les pièces demandées. Bientôt de nombreuses armées leur donnèrent de nouvelles occasions de déployer leurs talents et leur industrie ». Il faut remarquer au passage la discrétion toute académique avec laquelle le secrétaire perpétuel évoque les événements de l'an II. « On conçut le projet de remonter la marine; il lui fallait une artillerie particulière. Douze cents bouches à feu de différents calibres sortirent en différents temps de leurs fonderies. Ils ne pouvaient suffire à des besoins toujours croissants; on v i t se former un grand nombre d'ateliers qui tous adoptèrent les procédés employés dans ceux de MM. Périer » 2 . Jomard est beaucoup plus explicite : « Bientôt de grands événements jetèrent les frères Périer dans une sphère d'action toute différente. On leur demanda de fabriquer des bouches à feu pour le besoin des armées françaises. De paisibles ateliers consacrés au progrès des arts se transformèrent en arsenaux. On y coulait en bronze des pièces de seize livres de balle. De grands appareils pour le forage furent comme improvisés avec la promptitude qui caractérise toutes les opérations de cette époque mémorable. Les lumières d'un savant célèbre, que l'année dernière a v u périr, contribuèrent puissamment au succès de cette entreprise, 1 . Camille R I C H A R D , Le Comité de Salut Public et les fabrications de guerre sous la Terreur, Paris, 1922. 2. D E L A M B R E , loc. cit., pp. lxix-lxx.

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difficile pour les hommes qui, bien que très habiles, étaient étrangers aux travaux de l'artillerie. L'ouvrage que l'illustre Monge composa alors en deux mois sur la fonte des canons, n'est pas un des résultats les moins étonnants de cette activité générale qui emportait alors tous les esprits, les uns vers la gloire militaire, les autres vers la gloire des sciences. « Les frères Périer firent des efforts incroyables pour satisfaire aux besoins du moment. L'artillerie de marine f u t remontée, ainsi que celle de la ligne, comme par enchantement. On fabriquait dans leurs ateliers cinq pièces de canons dans un jour. Il en sortit douze cents de différents calibres, une foule de pierriers, d'affûts, de caissons, et de modèles pour le moulage » 1 . Activité fébrile et de courte durée, les fabrications patriotiques n'avaient rien de commun avec l'activité ordonnée et soutenue qui se produit en temps de prospérité. Sans aller peut-être, jusqu'à oser imaginer quels procédés de liquidation le Directoire ne craindra pas d'appliquer, Périer qui ne pouvait certes se dérober aux ordres d'un gouvernement tel que celui de l'an II, espérait encore en janvier 1793 tirer le plus clair de ses profits de ses filatures de coton. Cela ressort nettement d'une lettre écrite au ministre de l'Intérieur le 10 janvier, lettre par laquelle il s'excuse d'avance de ses absences fréquentes au Bureau de Consultation où il vient d'être nommé. Sous de multiples précautions de langage, il apparaît clairement que Périer est désireux de consacrer à ses filatures le meilleur de son temps 2 . Dès germinal, c'est du reste à Saint-Lubin qu'il résidera habituellement; et cela sera d'autant plus nécessaire que les espoirs qu'il plaçait dans ses manufactures seront largement déçus. Dès le printemps 1793, Périer fit partie d'une commission créée le 9 avril et chargée de poursuivre des expériences sur l'emploi du chlorate de potassium comme explosif. Cette idée remontait à 1785, elle avait été présentée par Berthollet, mais les essais entrepris alors sous la direction de Lavoisier s'étaient terminés par un très sérieux accident. Les expériences reprises en 1793 semblent avoir fait à nouveau un grand nombre d'éclopés et on dut renoncer à l'emploi de cet explosif exagérément brisant 8 . Un an plus tard, en germinal, une installation d'essais pour l'artillerie est créée à Meudon. Les Périer sont chargés alors de fabriquer deux dizaines de boulets d'un type spécial pour pièces de 8 et de 4- Il s'agissait d'expérimenter des boulets incendiaires, pour la marine. Le procédé était préconisé par Prieur, mais il ne sera pas appliqué 4 . Au même moment, le 2 a germinal, le Comité de Salut Public prescriI.

J o M A R D , loC. cit., p .

137.

1. Archives du C.N.A.M., série io, liasse 121 (nous donnons ce texte dans nos pièces justificatives). 3.

R I C H A R D , op.

cit.,

p. 576.

4 . R I C H A R D , op.

cit.,

p.

35o.

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vait à Périer de lui présenter les dessins d'une coquille qui rendait les boulets « parfaitement ronds et unis dans toute leur surface », sans qu'on fût obligé de les rabattre et sans rien leur faire perdre de leur dimension. C'était sans doute une invention de Jacques-Constantin sur laquelle nous n'avons pas d'autres détails Il ne s'agit encore là que d'essais épars et dont les résultats demeurent peu concluants. Venons-en maintenant aux fabrications d'armes classiques, fusils d'abord et, ensuite et surtout, canons. Des meules étaient nécessaires pour les émouleries de fusils. Le 5 septembre 1793, le Comité autorisa le ministre de la Guerre à envoyer Périer à Rouen pour acheter celles qu'il y trouverait. Le 11, il décide que Périer fera fabriquer pour essai 6 meules de grès de Pontchartrain. Périer rendit compte de l'exécution de ces ordres dans une lettre adressée le 19 brumaire à Dupin, adjoint au ministre de la Guerre 2 . Il avait acheté 200 meules à Rouen, avait déjà fait faire une meule en grès de Pontchartrain, et avait pris des renseignements sur les carrières de Saint-Etienne. Au début de pluviôse, Périer propose au Comité de construire une émoulerie à chevaux. Cette offre fut acceptée le 9 et, le 23, Périer f u t autorisé à installer cette émoulerie dans l'église Notre-Dame-de-Lorette (février 1794) 3 . Il faut parler maintenant d'une émoulerie à vapeur, dont la création fut décidée dès décembre 1793, par un ordre de réquisition. Il s'agit de l'usine de boutons installée par Gérenty dans l'île Louviers — et donc d'une machine à vapeur fournie par Périer lui-même quelques années auparavant. Après transformation, on obtint une émoulerie de six meules. Mais en floréal, le Comité apprendra que les résultats sont insignifiants. Le 29, il enjoint à Périer de réparer la pompe à feu avant le 3 prairial ; passé cette date les frais seraient à sa charge 4 . Venons-en maintenant à la fabrication des canons. Dès 1792, les ateliers de Chaillot avaient construit des canons de bronze pour la municipalité de Rouen. Après le 10 août, ils en firent pour la garde nationale de Paris. En 1793, les Périer se mirent naturellement à la disposition du Comité de Salut Public. Le 22 septembre, leur fondé de pouvoir Richard, adressa au gouvernement un mémoire sur les moyens d'augmenter la production d'artillerie des ateliers de Chaillot. Cette offre ayant été acceptée, la production à Chaillot de canons de bronze pour l'armée de terre se développa rapidement. Au début de brumaire, le Comité autorisa les Périer à se faire expédier pour leur propre compte trente bateaux de charbon, bien que le manque de combustible risquât justement alors de paralyser la fabrication des fusils 1 . R I C H A R D , op.

cit.,

p.

386.

2.

R I C H A R D , op.

cit.,

p.

5l.

3.

R I C H A R D , op.

cit.,

4.

B A L L O T , op.

cit.,

p. p . 4 ° 4 ; RICHARD, p . 6 0 .

i8o

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à Paris. Delambre a estimé à i 200 environ le nombre des bouches à feu sorties de Chaillot. Le gouvernement y commanda entre autres : en frimaire, des obusiers, en ventôse, cent canons légers propres à un transport facile en montagne; cent autres pièces de cette artillerie volante furent commandées à nouveau le 25 floréal; on sait qu'elles furent livrées antérieurement au 11 brumaire an I I I 1 . Pour la marine, on utilisait des canons en fonte de fer. Il f u t décidé en frimaire, c'est-à-dire vers décembre 1793, d'en fabriquer par moulage au sable. Des modèles de laiton étaient nécessaires. On s'adressa aux fondeurs parisiens qui, précisément, manquaient alors de cuivre rouge pour les canons en bronze. En particulier Périer f u t chargé de confectionner vingt modèles de chacun des calibres suivants : 36, 18, 6 long, et cinq de 6 court ; cela si possible dans l'espace de cinq décades. Il reçut ensuite la commande de modèles, en bois, de caisses pour couler au sable puis, le 22 pluviôse, de 20 taillants de forets pour chacun des calibres de 36, 24, 12, 8, 6 et 4- Périer devait recevoir pour l'aider une attribution de cinq ouvriers réquisitionnés, on lui adjoignait le fondeur Gaudelet et il recevait des attributions spéciales de combustible. Jomard, assistant de Vandermonde, f u t chargé, en floréal, d'observer les progrès du travail dans les fonderies de Paris. Il devait se concerter avec les Périer en vue de toute mesure capable d'accélérer les progrès. Les travaux durèrent jusqu'à la fin de l'an II. Le 2 messidor, les commandes faites aux Périer furent réduites et reportées sur d'autres fondeurs de Paris, car les ateliers de Chaillot étaient surchargés de travail 2 . Il avait été ordonné, dès pluviôse, relativement à la matière première nécessaire, que Périer pouvait se fournir librement, pour cet objet, de fonte de récupération au magasin de la rue Saint-Dominique et de fonte neuve aux forges de la Nièvre 3 . Ce n'était pas tout que de fondre les canons, il fallait les forer. Dès frimaire, le Comité constatait la lenteur de la réalisation des foreries sur bateau qu'il avait ordonné d'installer. Périer proposa alors d'employer la machine à vapeur de l'usine des plombs laminés de Saint-Denis, qu'il avait lui-même construite et qui demeurait pour lors inemployée. Vandermonde fut chargé par le Comité de faire un rapport sur la question 4. La réquisition eut lieu le 3 ventôse. Entre-temps, le Comité, constatant qu'il disposait de plus de canons fondus qu'il n'en pouvait forer, s'était encore adressé à Périer le 24 frimaire pour construire 5o forets à bras, qui devaient d'abord être placés dans l'église des Quatre-Nations ; mais on décida le i e r nivôse de les mettre dans le cloître de Saint-Germain-des-Prés. Nous en arrivons maintenant aux cours patriotiques sur la fabrication 1.

R I C H A R D , op.

cit.,

PP.

2.

R I C H A R D , op.

cit.,

PP.

22G-23O.

3.

R I C H A R D , op.

cit.,

P.

4.

R I C H A R D , op.

cit.,

P. 5 3 .

288-290. 471.

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de l'artillerie. Par un arrêté du i4 pluviôse (2 février 1794) le Comité de Salut Public appela à Paris de chaque district de la République des citoyens choisis parmi les canonniers de la garde nationale pour y apprendre dans des cours révolutionnaires les techniques de l'armement, notamment la fabrication des canons de bronze pour le service de l'armée de terre et de fer coulé pour l'armement des vaisseaux. C'est Hassenfratz, Monge et Périer lui-même qui furent chargés de la partie de ces cours concernant les canons. Les cours étaient donnés à Paris dans la salle des Electeurs 1 . Le cours d'artillerie se fit en six leçons données du i e r au 6 ventôse. Les trois journées suivantes furent consacrées à la visite des ateliers et du champ d'épreuves. Parmi les ateliers figurait naturellement celui des Périer à Chaillot 2 . Les fabrications qui en sortaient revêtaient en effet une certaine valeur exemplaire. A la fin des cours, une fête eut lieu. On présenta à la Convention du salpêtre, de la poudre et une pièce de canon en bronze que les élèves avaient moulée au sable, coulée, forée et tournée et qui, le même jour, soutint les épreuves d'usage. « Cette fête fut une des plus belles de celles qui ont eu lieu dans la Révolution ; toutes les sections y assistèrent, portant l'hommage de leurs travaux en salpêtre, qu'elles avaient fait cristalliser sous des formes patriotiques toutes très aimables et pour la plupart très ingénieuses » 3 . On sait que Gaspard Monge fut chargé de publier ces leçons, qui parurent presque immédiatement sous le titre de Description de l'art de fabriquer les canons. L'ouvrage de Monge forme un volume in-quarto de 240 pages imprimées environ, suivies de quatre tableaux et de soixante planches. Le texte proprement dit, celui des leçons, occupe les pages 1 à 101. Le reste des pages contient la « description des planches suivant l'ordre des matières contenues dans le discours ». Il y a toutefois en appendice (p. 217 et suivantes) le texte de règlement de 1786 sur la visite des canons de fer pour l'artillerie de mer. Pour les tableaux, les deux premiers donnent les dimensions de l'artillerie de fer pour la marine, les deux suivants les dimensions des canons de bronze pour l'armée de terre. Viennent ensuite les planches. A la bibliothèque du C.N.A.M., un volume in-quarto, dont le dos est arraché et qui ne comporte pas de feuillet de titre, contient les 60 planches de l'ouvrage de Monge coloriées à la main avec beaucoup de soin 4 . Tant dans les planches et leur explication que dans le texte luimême, la Description de l'art de fabriquer les canons indique une bonne demi-douzaine de dispositifs appartenant à la fonderie de Chaillot. La planche X I I I décrit la méthode employée à Chaillot pour mouler 1. Gaspard pp. iv-v.

MONGE,

2.

R I C H A R D , op.

3.

M O N G E , op. cit.,

cit.,

Description de l'art de fabriquer les canons, Paris, an p. 475-

pp.

iv-v.

4. Bibliothèque du C.N.A.M., cote : 4° Qa 6.

II,

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les anses (fig. i à 5), en la comparant avec celle, différente, qu'employait Le Creusot (fig. 6 à 8). Monge juge du reste la seconde méthode préférable (p. i3o). Les « nouveaux fourneaux à réverbère » de Chaillot, construits accouplés comme ceux de la manufacture existant à Ruelle, sont représentés pl. X X I I - X X I I I et décrits pages 144 et suivantes. Nous y reviendrons plus bas. Nous rencontrons ensuite la marmite employée dans les fonderies (pl. XXVI et p. i48) pour recevoir le métal en fusion et le verser dans les moules. Cette marmite était surtout pratique pour les petites pièces, ce qui était le cas à Chaillot où, dit Monge, on ne fondait ordinairement que des pièces de petit calibre. La marmite qu'on y employait contenait 4 ooo livres de fonte. On disposait les moules dans la fonderie circulairement autour d'une grue, à une distance de son arbre égale à la longueur de son bras. En faisant tourner la grue horizontalement, la marmite, répartissait ses 4 0 0 0 livres de fonte, dans les moules qu'elle remplissait les uns après les autres avec le minimum de déchet. Nous avons également (pl. LII et p. 197) une « nouvelle machine pour forer les lumières dont on fait usage à Chaillot et à Indret ». Cette méthode, comparée à celle qui est en usage à Ruelle, présente plus de précision et de promptitude. Elle doit donc être préférée à cette dernière et à plus forte raison à la méthode ordinaire (représentée au haut de la planche précédente). On peut lire encore (p. 178), à propos d'un moulin bateau transformé en forerie horizontale : « en général cette forerie est une imitation de celle de Chaillot ». Venons-en maintenant à la fameuse forerie horizontale de Chaillot (pl. XL-XLI, pp. 88 et suiv., pp. 166 et suiv.). Cette forerie était déjà remarquable par son moteur. « A Chaillot (le moteur) de cette machine est une pompe à feu de nouvelle construction, c'est-à-dire à double injection. Le cylindre à vapeur a 16 pouces de diamètre ; on estime ordinairement la force de la vapeur comme équivalente à la pression d'une colonne d'eau de 18 pieds de hauteur (cette quantité est le résultat de la force expansive de la vapeur de l'eau dans le cylindre de la pompe, déduction faite de celle de l'eau du condenseur, et des frottements de la machine) ; et l'effet de la machine est de forer deux pièces de douze et deux de huit, en bronze » (p. 171). Quant à la forerie proprement dite, elle permettait de forer les pièces en une seule opération, c'est-à-dire que normalement on n'était pas obligé de passer plusieurs forets les uns après les autres. On forait quatre canons à la fois. La machine était actionnée par quatre puissantes roues dentées engrenant entre elles deux à deux, et chacune des paires avec une roue dentée principale, calée sur l'arbre moteur. Sur les planches, cet arbre moteur porte une roue à augets. Faut-il en déduire que, en 1794 comme en 1783, la machine à vapeur bien qu'elle fût à double effet, ne servait qu'à élever de l'eau? Une

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description manuscrite de la forerie (voir plus bas) nous dit seulement de cette roue dentée « cette roue est mue par le moyen d'une machine à feu placée en dehors de l'atelier ». Renseignement vague. Peut-être Monge a-t-il fait représenter une roue à augets afin que son ouvrage gardât une valeur exemplaire; étant donné la rareté des machines à vapeur en France à l'époque, une forerie à vapeur ne pouvait être proposée comme modèle, surtout en temps d'urgence. Un carré de fonte venu à l'extrémité de chaque pièce de canon permettait d'assujettir celle-ci dans le prolongement de l'axe de l'une des roues dentées. Le foret unique était porté par une tige de la longueur et de la grosseur nécessaires. On le présentait au canon en rotation. Ce foret comportait trois taillants. Le premier, en langue de carpe, faisait un trou de trois pouces. Derrière ce premier taillant se trouvait une mortaise dans laquelle on introduisait en travers un barreau ou lame d'acier qui, coupant de part et d'autre en avant, augmentait d'environ 8 lignes de diamètre l'ouverture faite par la langue de carpe. Derrière se trouvait une autre mortaise d'équerre sur la première, recevant une autre lame qui, coupant de même en avant, portait la pièce à son calibre. Ces lames devaient avoir un peu de jeu dans leur mortaise. Quand le forage proprement dit était terminé, il fallait, au moyen de la pièce de fond, égaliser le fond de l'âme qui présentait naturellement deux redents. Puis on passait l'alésoir, pièce semi-cylindrique portant une lame d'acier à biseau dont le tranchant était dans la longueur de l'âme. Pendant le forage, la rotation de la pièce devait être assez lente : 4 i /s ou 5 t /mn pour une pièce de trente-six, 7 t /mn pour une pièce de quatre. En revanche la pression du foret devait être assez forte. Cette pression était donnée par un poids suspendu à une corde entourée autour d'une roue. La descente de ce poids tendait, par un dispositif de roue dentée et crémaillère, à faire avancer le chariot portant le foret. Le service des bancs à forer se faisait par un pont roulant, « un chariot roulant sur deux fortes jumelles de bois » qui traversaient « tout l'atelier au-dessus des bancs à forer ». Les roues de ce chariot avaient un rebord denté et, au moyen d'un pignon sur l'axe duquel était montée une manivelle, on lui faisait parcourir facilement la longueur des jumelles. Un treuil était naturellement monté sur ce chariot et comportait la démultiplication nécessaire pour qu'on pût enlever la pièce avec facilité, en s'aidant de poulies, mouflées au besoin. Tels sont les renseignements que nous a transmis Monge sur les installations existant à Chaillot en 1794. Le Portefeuille Industriel du Musée du C.N.A.M. conserve sous la cote 383 une série de soixante-dix-sept dessins coloriés dont la plupart constituent les originaux des soixante planches de l'ouvrage de Monge. Nous y avons retrouvé portant tous, sauf celui de la planche X L , le numéro qu'ont dans l'édition, les originaux des planches concernant la fonderie de Chaillot.

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Il existe en plus un dessin en couleurs de petit format (255 X 325 mm), qui a pour titre « Fourneau à réverbère pour la fonte des canons de bronze exécuté dans les ateliers des citoyens Périer frères à Chaillot. Levé et rapporté par Brochin, élève des Mines ». L'appareil représenté semble n'offrir que des différences de détail avec celui que représentent les planches X X I I et X X I I I . Le dessin dont nous nous occupons à présent n'a sans doute pas été retenu pour la reproduction parce qu'il était exécuté à trop petite échelle. Le dossier n° 3g 2 du même Portefeuille contient deux dessins de la forerie horizontale « exécutée dans les ateliers des citoyens Périer frères à Chaillot ». Ces dessins sont assez différents de ceux qui ont été gravés pour former les planches XL et XLI de l'ouvrage de Monge. Le même dossier contient encore deux courtes notices manuscrites : « Description du fourneau à réverbère pour la fonte des canons exécuté dans la fonderie de Chaillot » et « Description de la machine à forer les canons exécutée dans les ateliers des citoyens Périer frères à Chaillot ». Ni l'une ni l'autre de ces descriptions ne sont identiques, au moins dans la forme, à celles publiées par Monge (pages i44 et 166 respectivement). La description de fourneau à réverbère s'applique précisément au dessin inédit dont nous avons donné la notice plus haut et qui est conservé dans le dossier n° 383. L'autre notice se rapporte aux planches représentant la fonderie de Chaillot; elle en décrit trois, mais nous n'en possédons plus que deux. Enfin le dossier n° 383 contient encore deux cahiers manuscrits qui doivent être des notes de cours mises en forme par des élèves. Ces deux cahiers sont signés Klié, Perrodon et Hacquin. L'un est intitulé : « 5 e leçon. Coupe de la masselotte et forage », l'autre « 6 e leçon. Tournage, ciselage et pose des grains de lumière ». Les textes contenus dans ces cahiers ne figurent textuellement en aucun endroit de l'ouvrage de Monge. Celui-ci du reste se trouve cité dans nos manuscrits leçon 5, début du chapitre 2 (forage). Ce fait indique que les leçons n'ont dû être rédigées qu'après la parution du livre. Nous sommes mal renseignés sur le sort ultérieur des fabrications de guerre. En floréal, les frères Périer déclaraient au Comité qu'ils ne pourraient venir à bout des fabrications entreprises avec la rapidité qu'on requérait d'eux, s'ils n'étaient mieux secondés par leurs ouvriers, dont pourtant ils venaient, disaient-ils, d'augmenter les salaires. Aussi, le 18, le Comité édicta-t-il une réglementation sévère, prévoyant des retenues de salaires. Le travail des ouvriers commençait à six heures du matin 1 . Le 19 thermidor, les représentants aux armées du Nord et de la Sambreet-Meuse se plaignent : sur l'initiative des Périer et d'autres, on a perdu l'usage de mettre à froid les grains des lumières ainsi que cela était pratiqué dans les anciennes fonderies. Les pièces se trouvaient, paraît-il, hors 1.

R I C H A R D , op.

cit.,

p. 702.

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d'usage après avoir tiré 4° coups. Camot donne une réponse à ce sujet le 3o. Les pièces neuves seraient faites avec des grains posés à froid, et on enverrait aux armées le matériel nécessaire à la pose de grains nouveaux sur les pièces endommagées 1 . E n fait la fabrication des canons semble avoir été interrompue à Chaillot dès prairial, car le 19 de ce mois Périer écrivait de Saint-Lubin à Richard : « Il me semble qu'il était convenu, lorsque j'étais à Paris, que l'on se remettrait à fondre de l'artillerie ; cette fabrication régulière est utile à nos finances en nous procurant des fonds toutes les décades... Il faut tâcher de fournir ceci, sans cela il nous sera impossible de faire face à nos affaires » 2 . En effet le coton marchait fort mal; on y reviendra dans un instant, mais disons ici qu'on conserve de Périer une collection de lettres écrites à Saint-Lubin de germinal à prairial, et qui sont parfaitement désespérées, sans que pour autant Jacques-Constantin laisse paraître le moindre indice d'abattement. Le 17 prairial, nous y entendons parler d'une machine à vapeur à fournir à la fonderie d'Indret : « Presse vivement Duval de terminer l'affaire de la machine d'Indret, cela seul peut nous sauver de tous nos embarras » 3 . Cette commande relève évidemment du même ordre d'idées que les fabrications de guerre. En effet, il ne pouvait guère, alors, être question d'autre chose; et si l'on se détournait du problème de l'armement ce n'était que pour se heurter à celui des subsistances. C'est ainsi que de floréal à messidor le gouvernement racheta les moulins à vapeur fondés au début de la Révolution par Osterwald, Abbema, Dewitt et Edouard Milne à Harfleur. Périer f u t chargé de les mettre en activité, mais en messidor an V la machine à vapeur n'était pas encore installée 4 .

Les Périer mauvais marchands de leur effort de guerre; les filatures de coton; apparition de Mollien « Tant de travaux, une activité si soutenue », s'écrie Delambre en faisant allusion aux fabrications patriotiques, « auraient dû leur procurer une fortune immense et bien légitime ; mais qu'on se rappelle le discrédit des assignats et les formes de liquidation établies par les divers gouvernements qui se sont succédé si rapidement, et l'on concevra que le résultat définitif de t a n t d'entreprises ait été la ruine complète des courageux entrepreneurs » 5 . « Qui croirait, ajoute Jomard, que le prix de ces immenses t r a v a u x 1.

R I C H A R D , op.

cit.,

p. 3 7 4 .

2. Bibl. Historique de la Ville de Paris, ms. nouv. acq. i47> A- 397 et suiv. 3. Ibid., i. 5G5. 4. BALLOT, op. cit., pp. 4O4-4O5. L e gouvernement paya ces moulins I . I A 5 . 3 I 8 livres (en assignats). 5. DELAMBRE, loc. cit., p. l x x j .

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ne f u t point recueilli par ces laborieux artistes; loin de s'enrichir, ils trouvèrent leur ruine dans le discrédit du papier monnaie. Qu'on en juge par ce trait seul : pour payer les ouvriers de Chaillot, il y avait un tombereau sans cesse occupé à charrier les assignats. La ruine de la maison f u t consommée par la liquidation de leurs comptes avec le Gouvernement d'alors. La base qui f u t admise est trop singulière pour n'être pas rapportée : ou le Gouvernement doit (leur dit-on), ou ce sont les fournisseurs. Dans le premier cas, il déclare qu'il ne payera rien; dans le second, les fournisseurs sont totalement liquidés. Les frères Périer furent compris dans le premier cas » Que devenaient dans cette débâcle les filatures de coton? On a fait allusion plus haut à la mauvaise situation de la filature de Saint-Lubin durant la Terreur. A l'époque de la Convention thermidorienne puis du Directoire, les filateurs de Normandie essayèrent d'intéresser le gouvernement à leur sort. On conserve u n mémoire manuscrit de Périer, qui peut dater de l'an I I I ; il est adressé en effet à la Convention, mais semble être postérieur à la Terreur 2 . Dans ce texte Périer prétend avoir perfectionné les machines anglaises au point de leur avoir donné un véritable caractère national, mais il évite de donner aucune précision technique. Il ajoute qu'à côté de sa filature « du district de Dreux et Verneuil », c'est-à-dire Saint-Lubin/Nonancourt, il a établi une fabrique de mousselines et nankins dont les produits rivaliseront bientôt avec l'industrie anglaise. Il avait installé en outre une teinturerie et un appareil de blanchiment. Trois cents ouvriers avaient été formés, en dépit de l'hostilité des maires locaux, paysans jaloux de se voir arracher la main-d'œuvre agricole. Mais la situation des filateurs est mauvaise. Ils ont subi le préjudice du maximum; ensuite la législation est devenue plus libérale, mais un autre inconvénient s'est développé, qui est celui de l'agio. Aussi les Périer demandent-ils au gouvernement un secours, mais un secours en nature. E t a n t capables de fournir sous peu une dizaine de milliers de filés par mois, ils pourront alimenter de vingt à trente fabriques d'étoffes. Ils demandent donc que le gouvernement leur cède au prix du maximum des cotons en laine, dont il possède une grande quantité. Les Périer s'acquitteront non pas en argent, mais en filés (dont à poids égal la plus-value est grande par rapport aux cotons en laine). Faute d'un tel secours en matières premières, ils déclarent qu'ils seraient à bref délai obligés de fermer leurs établissements. 1. Jomard, loc. cit., pp. i37-i38. 2. Bibl. Historique de la Ville de Paris, ms. nouv. acq. 147, ff. 454*462. — « Ils n'auraient rendu qu'un médiocre service à leur pays s'ils s'étaient bornés à n'être qu'imitateurs et copistes des procédés déjà connus. Ils ont commencé par augmenter les moyens et les ressources des machines anglaises par des combinaisons entièrement nouvelles, et c'est ainsi qu'ils sont parvenus dès le principe à donner à leurs établissements une sorte de caractère national. Ils n'ont imité les entrepreneurs anglais que pour faire mieux et plus qu'eux ». On voit d'après B a l l o t (op. cit., p. 74> p. 75 et note 4) que c'est Milne qui équipa la filature Périer.

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Le Journal des Arts et Manufactures a publié u n e p é t i t i o n adressée au Directoire en d a t e du 16 messidor an I V ; elle é m a n e des filateurs associés de N o n a n c o u r t / S a i n t - L u b i n , c'est-à-dire Périer, Mollien et Sykes 1 . Il est curieux de rencontrer ici le f u t u r ministre d u Trésor de N a p o l é o n . François-Nicolas Mollien, après avoir appartenu sous l'Ancien R é g i m e au Contrôle général, é t a i t en effet, a v e c la R é v o l u t i o n , d e v e n u directeur du D o m a i n e et de l ' E n r e g i s t r e m e n t d a n s le départem e n t de l ' E u r e ; en 1792, il a v a i t dû résigner cet emploi, et s'était alors a d o n n é d a n s le p a y s m ê m e à l'industrie, c'est-à-dire à la filature du coton, en société a v e c Périer. P e n d a n t la Terreur, il a v a i t été incarcéré sous la p r é v e n t i o n de complicité a v e c les Fermiers g é n é r a u x ; l'accusation, absurde semble-t-il, p r o v e n a i t de ce que d a n s son ancien p o s t e du Contrôle, il é t a i t précisément chargé de la surveillance de la F e r m e générale par laquelle il a v a i t en outre été e m p l o y é quelque t e m p s au d é b u t de sa carrière. Cet épisode f â c h e u x a v a i t inspiré à Périer de v i v e s inquiétudes, exprimées surtout d a n s u n e lettre d u 15 messidor; ces inquiét u d e s f u r e n t suivies d'un grand s o u l a g e m e n t (lettre d u 20 thermidor), lorsque Périer apprit que son associé et ami a v a i t été libéré par la chute de Robespierre 2 . Encore associé avec Périer à Saint-Lubin en l'an IV,

1. M O L L I E N , P É R I E R , S Y K E S , « Les entrepreneurs de filatures, mécaniques de coton de Saint-Lubin, Saint-Remy et Nonancourt... aux Citoyens Membres du Bureau Consultatif des Arts et Manufactures », Journal des Arts et Manufactures, III, an V, pp. 4ii-4242. Bibl. Historique de la Ville de Paris, ms. nouv. acq. 147. Les allusions à Mollien sont constantes dans toute une série de lettres écrites par Périer à St-Lubin en l'an II. Entre autres : « Si tu pouvais accrocher Prieur un instant, tu lui parlerais de Mollien. Je suis sûr que Deydier, malgré sa blessure, lui a écrit d'une manière pressante sur cette affaire qui me tourmente infiniment» (f. 395, 17 prairial) ; « Envoie... ou remets toi-même cette lettre (?) à Mollien; nous désirons qu'elle lui soit remise promptement et directement » (f. 396, vers le 18 prairial) ; « Deydier le représentant du peuple a écrit à Prieur, je crois te l'avoir mandé, mais il paraît que cela n'a point fait d'effet » (f. 397, 19 prairial); « La plus importante de nos affaires est celle de Mollien » (f. 401, 26 prairial) ; « Ta lettre, me désole, mon cher ami. Je croyais l'affaire de Mollien terminée et je m'attendais à le voir arriver » (f. /¡o3, l5 messidor) ; « Jamais lettre ne m'a fait plus de plaisir que ta seconde lettre... Tu connais mon cœur et l'amitié que j'ai pour ce bon Mollien : à peine si je suis revenu de l'effet que cela m'a fait. Je l'attends, avec ce bon père, qui s'est donné du mal : mais tout est oublié lorsqu'on a réussi » (f. 4'5, 20 thermidor); « Mollien a été comme vous le pensez bien, reçu avec grand plaisir, tous nos bons ouvriers avaient la larme de joie » (f. 4o5, fin thermidor) ; enfin, l'année suivante, une note d'un caractère différent : « Il n'y a plus qu'une difficulté à résoudre, c'est celle de savoir, Mollien prenant sa maison, si sa femme sera avec lui ou si elle n'y sera pas. Si elle y est, tout est pour le mieux, mais sera-t-il heureux? Si elle n'y est pas, quel effet cela ferait-il aux yeux du public? Nous avons tous pris quelques jours pour réfléchir sur cela » (f. 409, 10 germinal an III). — Voici comment Mollien lui-même rapporte cet épisode de sa vie : « On commençait alors à multiplier en France les essais des procédés mécaniques que l'Angleterre avait depuis vingt ans appropriés à ses manufactures, et particulièrement à la filature du coton. Un de mes alliés avait dans un département voisin un grand établissement de ce genre, et il me proposa d'y prendre un intérêt; né moimême dans une manufacture, je retrouvais là mon ancien patrimoine, et il me parais-

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Mollien abandonna l'industrie un peu plus tard pour faire en Angleterre un voyage dont il sera de retour avant le 18 brumaire. On aura à revenir plus loin sur la suite de sa carrière mais il faut noter d'emblée que Périer avait là une éminente relation. C'est évidemment le soutien du gouvernement que les filateurs du département de l'Eure demandent à nouveau en l'an IV. Mais cette fois-ci ils s'en prennent surtout à la concurrence des filés anglais, apportés dans les ports français par les vaisseaux neutres. D'autres causes d'insuccès étaient de nature intérieure, notamment l'opposition des « administrations secondaires », déjà signalée dans le mémoire précédent; les filateurs se plaignent en outre de l'agio des intermédiaires, et enfin de l'insubordination des ouvriers grisés par les notions nouvelles de liberté et d'égalité. Enfin la concurrence anglaise ne jouait pas seulement sur l'importation des filés, elle jouait aussi sur l'exportation des matières premières, proprement raflées dans les ports français, à destination de l'Angleterre, toujours sous le couvert de la médiation des neutres. Le gouvernement anglais, on le sait, accordait alors une prime à l'entrée sur les matières premières et une prime à la sortie sur les produits manufacturés. Les associés brossent de la situation des filateurs de coton en l'an IV, sait tout simple de finir ma vie comme mon père avait commencé la sienne. J'acceptai donc l'intérêt qui m'était offert, bien résolu de mettre dans l'entreprise le peu que je possédais, avec le peu que je valais. Après quelques mois d'apprentissage, j'avais déjà fait assez de progrès pour que mes nouveaux confrères montrassent quelque déférence pour mes opinions et mes expériences. Si je pouvais vanter en moi quelque mérite, je serais disposé à croire que j'aurais fini par me faire une assez bonne réputation dans ce métier; mais je n'étais pas destiné à jouir longtemps de mon nouvel état ». (Mémoires d'un ministre du Trésor, I, pp. 148-149). Arrêté, Mollien fut incarcéré avec les Fermiers généraux. Son affaire étant distincte de celle des Fermiers eux-mêmes, le 9 thermidor arriva avant qu'il eût comparu. Libéré, il perdit son père et prétend avoir éprouvé alors du dégoût pour l'état de manufacturier : « La perte de mon père me laissait presque sans intérêt de famille dans ce département et dans son voisinage. Mon intérêt de commerce était encore bien récent dans la manufacture où j'avais cherché à retrouver du moins l'état de mon père, en perdant le fruit de plus de quinze années de services publics. Or cette manufacture avait bien pu se passer de moi pendant la longue captivité que le régime de la Terreur m'avait fait subir; et j'avais rapporté de ma prison des souvenirs et des impressions qui ne fortifiaient pas ma résignation à surveiller des ateliers, à diriger des détails de frottement et des calculs de vitesse dans les rouages des machines à filer » (ibid., p. 179). En fait il ne partira pour l'Angleterre que fin 1798, c'est-à-dire plus de quatre ans après sa libération. — Le nom de Périer n'est prononcé nulle part dans les Mémoires de M O L L I E N , même pas lorsque l'auteur fait allusion à la Compagnie des Eaux (p. 122). On se demande donc ce qu'il faut entendre par l'expression « un de mes alliés », certainement Mollien n'était pas parent avec Périer, même pas par alliance. Les Mémoires d'un ministre du Trésor, qui affectent une grande franchise de ton, sont en fait pleins de réticences. Lorsqu'il relate son mariage en août 1802, Mollien feint que ce soit sa première union; en fait son désaccord avec la première M m e Mollien, qui apparaît en profil perdu dans la correspondance de Périer en l'an II, a peut-être été la raison véritable de son éloignement pour la manufacture de SaintLubin.

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un sombre tableau, valable pour Périer en particulier. Les propriétaires des filatures françaises sont sans crédit, puisqu'il n'en existe pour personne, sans capitaux libres, puisque tous leurs capitaux sont transformés en bâtiments, en ateliers et en machines; ils ont à soutenir les frais de la paye journalière de leurs ouvriers en valeurs métalliques, les frais du renouvellement de leurs matières premières, et enfin ceux de leur propre existence. En conclusion, ils demandent un règlement contre l'insubordination des ouvriers, un « code industriel »; l'interdiction de l'exportation des matières premières, et enfin et surtout la prohibition de toute marchandise étrangère quel que soit son pavillon. Ainsi saisissons-nous dès l'an IV le germe de l'idée du blocus continental dans ce texte à la rédaction duquel a participé le futur ministre du Trésor Public de l'Empire 1 . Quant aux livrets d'ouvriers, créés le 12 septembre 1781, mais tombés en désuétude du fait de la Révolution, on sait que le Consulat à vie prendra soin de les rétablir par la loi du 22 germinal an XI, suivi de l'arrêté consulaire d'organisation du 9 frimaire an XII (avril-décembre i8o3). En fait, la situation des Périer va rester médiocre et leurs appels au secours se prolongeront à travers toute cette période du Consulat, à laquelle nous venons de faire allusion. En nivôse an VII, ils demanderont des secours pour leur filature de Nonancourt ; leur établissement de Chaillot, entièrement consacré aux besoins du gouvernement n'est disent-ils, même pas payé pour le service courant de la guerre et de la marine. Le i5 frimaire an X, ils se disent menacés de ruine, le montant de leurs fournitures, pour lesquelles ils n'ont reçu aucun acompte, devant être porté sur le livre de la dette à 3 %. En prairial an XII, le gouvernement leur devait 656 000 francs 2 . M m e Viennet a noté justement que Napoléon regardait les fournisseurs comme des voleurs : il « ne payait pas, ou payait, après réduction, en rentes sur l'Etat » 3 . Cela semble s'appliquer en particulier aux Périer. Cependant les honneurs ne manquaient pas à Jacques-Constantin. La Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale fut fondée le i e r novembre 1801 ; elle était dirigée par un Conseil, divisé en Comités. Périer fut, jusqu'à sa mort, membre du Comité des Arts Mécaniques. Son nom apparaît souvent dans le bulletin de la Société, que nous aurons fréquemment l'occasion de citer 4 . En 1819, le secrétaire de la Société, 1. Cela n'empêchera pas MOLLIEN de multiplier dans ses Mémoires, rédigés entre L8I5 et 1837, les critiques les plus sévères contre le blocus continental napoléonien {Mémoires d'un ministre du Trésor, t. III, pp. 7 et suiv.). 2. BALLOT, op. cit., p. 4143. VIENNET, op. cit., p. L47•

4- Le Bulletin parut régulièrement à partir de 1802, première année. Périer est désigné comme membre du Comité des Arts mécaniques : t. I, p. 17; t. III, p. 55; t . V , pp. 100 e t 106; t. V I I , p. 45; t . V I I I , p. 81 ; t. I X , p. 42; t. X I , p. 69; t . X I I I ,

p. I3I ; t. XIV, p. I53; t. XV, p. 86; t. XVI, p. I55; t. XVII, p. IG5; enfin la notice biographique de JOMARD parut dans le tome X V I I I , pp. I35-I38.

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Jomard, prononcera un éloge de Périer. C'est la meilleure des biographies de Jacques-Constantin dont nous disposions. Il faut du reste regretter ici que les archives de la Société d'Encouragement soient devenues inaccessibles depuis vingt-cinq ans environ ; elles contiennent sans doute des renseignements précieux sur Périer, et probablement même sur son frère Augustin-Charles, qui prendra part au concours des machines à vapeur de 1806-1809. E n l'an X , une exposition publique des produits de l'industrie française f u t organisée. Nous trouvons Périer parmi les membres du jury. Celui-ci dans son rapport signale la filature Guérout-Lelièvre, à Rouen, comme possédant une machine à vapeur. Cette machine provenait de Chaillot, ainsi que les métiers à filer « du système Arkwright perfectionné par Périer ». Le même rapport signale que le directeur de l'aciérie de Soupes, en Seine-et-Marne, n'avait pas cru pouvoir trouver mieux que les établissements de Chaillot pour y faire faire l'essai de ses aciers 1 . Passons donc maintenant en revue les témoignages qui nous restent de l'activité des ateliers de Chaillot pendant les dix années écoulées de 1795 à 1804. Cette activité, qui est loin d'être négligeable, semble montrer une tendance à s'intensifier légèrement au cours de la période envisagée.

Un brillant élève de Périer ; la fonderie de Liège; Périer et Oberkampf ; Droz à la Monnaie de Paris E t tout d'abord il pourra ne pas sembler exagéré de parler d'une sorte de rayonnement. Des témoignages existent sur l'activité d'un élève de Périer, qui ne tardera pas à fonder sa propre manufacture. On conserve au Musée du C.N.A.M. deux tableaux en couleurs, des aquarelles représentant des machines à vapeur, signées de CharlesEdouard Boury et datées de 1796 2 . L ' u n des tableaux représente une pompe à vapeur installée dans une pyramide de charpente construite sur la margelle d'un puits. Le piston de la machine à vapeur et celui de la pompe sont montés sur la même tige; le cylindre moteur est à double effet. Ainsi le nombre des organes en mouvement se trouve-t-il réduit au minimum; cette disposition offre quelque ressemblance avec celle des pulsateurs modernes, qui ne comportent aucun organe rotatif. Toutefois ce dispositif peut sembler d'originalité et surtout d'intérêt assez limité. Il n'en est pas de même du second tableau, qui représente une machine à vapeur à double effet, horizontale, qui pourrait sembler en avance sur les machines à balancier construites par W a t t à la même date. On y voit 1. Exposition publique des produits de l'industrie française, An X. Procès verbal des opérations du jury, in-8°, 72 p., Paris, an X I , pp. 6, 29 et 48. 2. Musée du C.N.A.M., n° d'inventaire 16 680.

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en effet la commande directe de l'arbre manivelle par la tige de piston et la bielle. La tige du piston est guidée par des galets. La distribution est opérée par une barre horizontale à taquets, qui fait basculer un levier vertical agissant sur l'ouverture et la fermeture des soupapes d'admission et d'échappement. Le trait le plus curieux de la machine est sans doute la spécialisation des fonctions des colonnes de vapeur : l'une est réservée à l'admission et l'autre à l'échappement; cette dernière est tenue constamment froide grâce à son immersion dans la bâche même du condenseur. Ainsi la colonne d'admission reste-t-elle constamment chaude. Admission chaude, échappement froid par spécialisation des orifices : il n'est pas exagéré de dire que Boury anticipe ici sur Corliss ; cette disposition résulte de réflexions prolongeant directement celles qui avaient conduit Watt à créer le condenseur séparé. Boury venait du reste trop tôt, comme Watt lui-même lorsqu'il avait conçu la détente; un mécanisme aussi raffiné ne se justifie qu'avec l'emploi de la vapeur à haute pression ; or sur ce point Boury, comme il est aisé de s'en convaincre par l'inspection du dispositif d'alimentation de ses chaudières, n'innovait en rien; il s'en tenait sagement à l'emploi de la vapeur à la pression atmosphérique. Il ne faut donc pas être surpris que l'ingénieux mécanisme de Boury soit tombé dans l'oubli. Ce n'est qu'un demi-siècle après que Corliss, venant, lui, bien à son heure, en concevra un semblable. D'après des renseignements transmis par Charles Ballot, Boury fonda, avant l'an X I I , une manufacture de machines à vapeur à Lyon, rue Saint-Biaise. Les Périer n'avaient pas dédaigné de lui céder leurs droits de brevet pour la construction des machines à double effet dans tous les départements du Midi depuis l'Atlantique jusqu'à la Méditerranée 1 . On ignore le succès rencontré par Boury dans son entreprise. Chose curieuse, son nom n'est pas prononcé en 1802 dans la correspondance de Jouffroy d'Abbans, au moment où l'autre constructeur lyonnais, Frèrejean, signale à Jouffroy l'existence du brevet Périer pour les machines à double effet. On sait trop que la paix d'Amiens ne devait être qu'une trêve. Dès 1802 Napoléon, qui entendait faire d'Anvers une place d'armes contre l'Angleterre, et ordonnait dans ce port la construction de quais superbes et de chantiers pour les navires de guerre, se préoccupa de créer dans la région une fonderie de canons en fer pour la marine. Le lieu choisi fut Liège et Périer l'ingénieur désigné pour assumer la responsabilité de l'entreprise. Voici ce qu'il en dit lui-même huit ans plus tard : « J ' a i établi une grande fonderie à Liège pour l'artillerie de la marine. Vingt-six foreries de canons sont mues par (des) machines (à vapeur). Cette fonderie qui a fourni dans une année 637 pièces de canons qui ont armé la flotte d'Anvers, n'aurait pu se construire sans ces utiles machines, puisqu'aucun cours d'eau dans ce lieu n'aurait pu donner 1.

B A L L O T , op.

cit.,

p.

4I4-

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le mouvement à toutes ces foreries » 1 . Jomard ajoute que les fourneaux de cette fonderie étaient magnifiques et que l'on y tenait en fusion 11 o milliers de matière à la fois 2. C'est donc en partie grâce à Périer que les Anglais échoueront deux fois contre Anvers, en 1809 et même en 1814. Pourtant il avait dû résilier son marché dans des circonstances mal connues; la fonderie f u t alors prise en régie par le gouvernement, ce qui toutefois ne l'empêcha pas de se développer, si bien qu'elle faisait vers I 8 I 3 figure d'usine modèle 3 . Comme on sait, cette région cessa d'être française à la chute de l'Empire. Revenons-en à présent à la production des ateliers de Chaillot. En fait, la fonderie de Liège ne nous en a guère éloignés, car il est hors de doute que les machines à vapeur des foreries furent exécutées à Chaillot. Les Périer travaillèrent également pour Oberkampf. Jomard nous apprend qu'ils « exécutèrent pour les célèbres manufactures de Jouy des machines nouvelles, propres à graver et à imprimer soit au cylindre, soit à la planche, des moulins et des appareils pour blanchir et chauffer à la vapeur » 4 . Ce f u t en effet Oberkampf qui donna le premier en France une application industrielle de la machine à imprimer au rouleau. « D'après le Mémorial de la Manufacture de Jouy, note Charles Ballot 5 , c'est Widmer qui construisit la machine. Il aurait commencé à y travailler dès 1793, mais Oberkampf ne voulut pas en parler pendant les troubles révolutionnaires; les travaux furent repris quand le calme revint, Widmer en construisit un modèle d'après lequel la machine f u t exécutée en grand dans les ateliers Périer à Chaillot. Elle commença à fonctionner en septembre 1797 et donna les meilleurs résultats ». Elle était en effet capable d'imprimer facilement 5 000 mètres de tissu par jour. L'exécution manuelle des cylindres était longue et coûteuse. Aussi trois ans plus tard Widmer donna-t-il le modèle d'une machine qui, à partir d'un poinçon d'acier, permettait de multiplier les rouleaux. C'est encore Périer qui f u t chargé de l'exécution en grand, Comme on aura l'occasion de le redire plus bas, Augustin-Charles s'intéressait au problème des machines à vapeur de petites dimensions. En i8o5, nous apprendrons que depuis un certain temps il en a exécuté une qui est en service à la manufacture de Jouy. Le diamètre du cylindre était inférieur à 8 pouces 6 . 1. Bull. Soc. Ene., IX, 1810, p. 1671 — « J e n'ai eu besoin d'aucun secours étranger lorsque j'ai construit... la fonderie de Liège », déclarera Périer au ministre de l'Intérieur le 16 janvier 1811 (Mémoire sur la machine de Marly, p. 33). 2.

J O M A R D , TOC. cit.,

p.

i38.

3. B A L L O T , op. cit., pp. 5i7-5i8. — Trois machines à vapeur sont livrées par Périer pour la fonderie de Liège en i8o3 ( L É V Y - L E B O Y E R , p. 346). 4 - J O M A R D , loc. 5 . B A L L O T , op.

cit., cit.,

p. pp.

i38. 291-292.

6. Bull. Soc. Eric., IV, l8o5, p. 226. (Rapport Gengembre sur la question des petites machines à feu.)

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Ce sont les efforts réunis de Jean-Pierre Droz et de Jacques-Constantin Périer qui réussirent à acclimater à la Monnaie de Paris le monnayage à vapeur « à la Boulton ». Le graveur en médailles Jean-Pierre Droz était né à la Chaux-de-Fonds en 1746. Auteur de nombreux perfectionnements dans les techniques de frappe des monnaies et médailles il avait fait ses premiers essais en ce sens de 1783 à 1786 à la Monnaie de Paris. Quand W a t t et Boulton vinrent à Paris en 1786, ils firent la connaissance de Droz, admirèrent sa production et en emportèrent des échantillons. Au vu de ces pièces frappées à Paris, Boulton obtint de son gouvernement la fabrication de la monnaie de cuivre pour toute la GrandeBretagne. Il écrivit à plusieurs reprises à Droz en 1787, pour lui demander à quelles conditions il permettrait que l'on copiât ses presses. Finalement, « il associa le citoyen Droz à ses t r a v a u x et lui procura tous les moyens de se rendre en Angleterre. Là il f u t construit sous sa direction huit balanciers, huit coupoirs et les ateliers nécessaires à ce genre de fabrication. C'est là que la machine à feu a été substituée avec succès aux bras des hommes pour mettre les balanciers et les coupoirs en mouvement. La puissance de cette machine f u t si bien appliquée, que chaque balancier frappait régulièrement soixante pièces par minute et qu'un enfant suffisait pour le service de deux balanciers. C'est dans cet atelier que f u t fabriquée cette jolie monnaie en cuivre qui a circulé pendant quelque temps en France sous le nom de monnerons ». Or Jean-Pierre Droz, de retour en France, f u t sous le Directoire nommé directeur de la Monnaie. Il se tourna vers Périer et lui fit d'abord installer une machine à vapeur en l'an IV; une seconde commandée le i e r frimaire an V sera en fonctionnement en l'an V I I I . Plus tard, en 1809, la Société d'Encouragement recevra un exemplaire d'un rapport imprimé de Guy ton de Morveau et Prony sur un appareil établi à l'Hôtel des Monnaies pour faire consumer la fumée des machines 1 . Quant à l'historique des t r a v a u x de Droz que nous avons cité plus haut, il f u t d'abord publié dans le Moniteur en l'an X. Le 17 frimaire an XI, Prony, assisté de commissaires parmi lesquels figure Périer, rendait à l'Académie un Rapport sur diverses inventions de Jean-Pierre Droz relatives à l'art du monnayage. Ce rapport qui f u t imprimé par ordre de la classe, incorpore le texte précédemment publié dans le Moniteur 2. Jean-Pierre Droz garda la direction de la Monnaie jusqu'à i 8 i 4 ; il devait mourir à Paris en i8a3. Peut-être est-ce lui qui, à son retour d'Angleterre sous le Directoire, a pu, plusieurs années a v a n t la venue d'Aitken en 1802, introduire en France le régulateur centrifuge, qu'il ne pouvait pas ne pas connaître, puisqu'il arrivait de chez Boulton.

I. BALLOT, op. cit., p . 4 * 3 ; Bull.

Soc. Enc.,

V I I I , 1809, p . 2 1 2 .

a. PRONY, Rapport... sur diverses inventions de Jean-Pierre Droz, pp. 4 1 e t suiv.

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Deux réalisations marquantes : la machine à remonter le charbon et le bateau à vapeur de Fulton La machine à vapeur à remonter le charbon est l'une des réalisations les plus connues de Périer. En fait, son degré d'originalité est assez faible. Comme Périer le dira dans son brevet : « J'ai pris la machine à double effet et de rotation; sa construction est trop connue pour la décrire ici, mon objet d'ailleurs est seulement de présenter une application nouvelle et non pas une description de la pompe à feu ». On ne saurait mieux s'exprimer; nous dirons toutefois, un peu plus bas, un mot de certains détails mécaniques appelant quelque remarque. Les Périer avaient proposé dès l'an II au gouvernement révolutionnaire de construire une machine à remonter le charbon, mais rien ne se fit sur le m o m e n t 1 . Périer notera vers 1800 dans un mémoire inédit : « Je m'étais occupé de cet objet il y a quelques années et j'avais même pris des engagements pour les exploitations de la Flandre Autrichienne ; la guerre en a empêché l'exécution » 2 . En l'an VI, les Périer renouvelèrent leur offre; la Compagnie des houillères de Littry passa alors, de confiance, une commande pour la machine bien qu'elle ne fût pas encore réalisée 3 . Le 16 brumaire an VIII, cette première machine était exécutée et se trouvait à Chaillot, prête pour l'essai et Périer en traita dans un mémoire lu à l ' I n s t i t u t 4 ; cela nous amène à dire quelques mots de ses dispositifs; Périer en fera l'objet de son brevet, déjà cité, qui ne date que du 2 brumaire an I X 5 . Il s'agissait de faire tourner ces treuils à manège appelés molettes ou parfois baritels, dont l'usage était classique dans les houillères. La machine à vapeur devait donc fournir le travail de 4 à 5 chevaux, et Périer fixait en conséquence le diamètre du cylindre à 1 a ou 13 pouces. Si le changement de marche ne posait pas de problème (on se contentait de lancer le volant à la main), en revanche un freinage énergique était nécessaire. Périer avait employé une sorte de frein à disque : « Le frein... consiste en deux forts segments de bois qui embrassent étroitement un plateau circulaire de bois porté sur l'axe du volant... on augmente le frottement avec de la craie ou du plâtre jeté sur les segments et sur le plateau » 6 . Il faut toutefois remarquer qu'il ne s'agit 1. BALLOT, op. cit., p . / ¡ n .

2. Bibl. Historique de la Ville de Paris, ms. nouv. acq. l i y , f. 432. 3. HÉRICART-THURY, « Mémoire sur les machines à vapeur de rotation pour l'extraction des substances minérales », Journal des Mines, XIII, an XI, pp. 1754. PÉRIER, « Mémoire sur l'application de la machine à vapeur pour remonter le charbon des mines », Mémoires de l'Institut, t. V, an XII, pp. 36o-365. 5. Brevet du 2 brumaire an IX/24 octobre 1800. Description des Brevets, t. VI, n° 426, pp. 109-114 et planche. BALLOT indique que Périer obtint une remise de 75o F sur la taxe due pour ce brevet (op. cit., p. 4 1 4). c'est-à-dire une réduction de 5o %. 6. HÉRICAHT-THURY, loc.

cit.

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que de segments et non pas de mâchoires. Mais l'emploi d'un disque spécialement destiné à créer une grande surface de frottement mérite d'être relevé. Le plus curieux était le mode de transmission du mouvement du piston au volant : « J ' a i changé quelque chose à la forme ordinaire... j'ai remplacé le balancier par deux roues d'engrenage qui dirigent la tringle du piston dans une direction perpendiculaire. Ce changement réduit le volume de la machine, la rend plus transportable et plus facile à démonter et remonter lorsqu'on abandonne un puits d'extraction pour la replacer à un autre » 1 . Héricart de Thury a donné une description plus claire de ce système : « Cette machine n'a point de balancier comme on en voit dans les machines à vapeur ordinaires; mais à l'extrémité supérieure de la tige du piston est adapté un fléau horizontal. Ce fléau porte à ses deux bouts deux bras à charnière qui sont attachés aux deux manivelles de deux roues dentées qui engrènent l'une dans l'autre ; par ce mécanisme simple la tige du piston est forcée de se mouvoir verticalement » 2 . Ce mécanisme curieux, sinon bizarre, était déjà connu en Angleterre avant 1800. Il avait été introduit à une date qu'il est difficile de préciser par Edmund Cartwright ( 1 7 4 3 - 1 8 2 3 ) . En I 8 I 3 , l'éditeur de la publication américaine Emporium of Arts and Science n'hésitait pas à n ' y voir rien de plus qu'un divertissement d'amateur. En 1827 John Farey déclarera dans son traité sur la machine à vapeur qu'un t o u t petit nombre seulement de machines ont été construites suivant ce système 3 . On ne sait donc que penser du choix de Périer. Il semble avoir été, au moins pendant une dizaine d'années, satisfait de ce dispositif qui n'excitait que de la raillerie chez les auteurs anglo-saxons. Au point de vue du rendement, Périer parla d'abord de i / i 5 o du charbon monté, pour un puits de moins de 3oo m ; puis de 1 /100 pour un puits de 200 m. C'était de l'optimisme 4 . Des essais eurent lieu en effet à Chaillot le 22 brumaire an V I I I . Un chariot pesant 489 kg et chargé de 929 kg f u t traîné sur une longueur de gi,56 m en 5 minutes, quoique ses roues enfonçassent de 2 à 3 pouces dans le sol; le cylindre de la machine avait o,352 m de diamètre 8 . Néanmoins Périer dira plus prudemment après cette épreuve faite q u ' « un tonneau de charbon consommé dans le fourneau de cette machine fait monter dans le même temps environ cent tonneaux de même poids d'un puits de i5o m de profondeur, et à proportion dans les fosses plus Mémoires de l'Institut,

1.

PÉRIER,

2.

H É R I C A R T - T H U R Y , loc.

t.

V,

loc. cit.

cit.

3. Eugène S. F E H G U S O N , « Kinematics of Mechanisms from the Time of W a t t », Contributions from the Muséum of History and Technology, Paper 27, Smithsonian Institute, Washington, 1962, p. 199. 4 . Bibl. Historique de la Ville de Paris, ms. nouv. acq. 1 4 7 , f. 4 ^ 2 . — P É R I E R , Mémoires de l'Institut, t. V, loc. cit. 5.

H É R I C A R T - T H U R Y , loc.

cit.

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ou moins profondes » 1 . En fait en l'an X la seconde machine de Littry considérée comme perfectionnée ne montera d'un puits de 320 pieds que 1 /80 e du poids de charbon consommé 2 . Nous venons d'indiquer le diamètre du cylindre de cette toute première machine. Celui de son volant était de 3,896 m. On ne tarda pas à la mettre en place aux houillères de Littry. La machine à vapeur tournant à 32 t/mn, on plaça une démultiplication qui donnait 3 t/mn au tambour; étant donné son diamètre, celui-ci enroulait i4,6o m de cable par minute et, le puits ayant 107,16 m de profondeur, la remontée s'opérait en 7 ou 8 minutes. La machine se trouvant assez puissante pour permettre une cadence plus rapide, on changea la démultiplication, la vitesse du piston restant la même. Cette fois le tambour fit 4 t /mn, ce qui lui permettait d'enrouler par minute 19,48 m de câble et la remontée ne durait plus que 5 minutes et demie 3 . La machine prise à Chaillot avait été vendue 18 000 francs par Périer; son transport à Littry avait coûté 3oo francs ; il avait été nécessaire de l'équiper d'une chaudière de rechange avec fourneau et cheminée, d'où un supplément de 5 200 francs. Le prix d'établissement total était donc de 23 5oo francs 4 . Les dépenses courantes s'élevaient à 2 000 francs par an, dont 1 290 francs pour 6 000 boisseaux de charbon, 600 francs pour le salaire du conducteur et le reste en réparations. Or, quoique sa force fût celle de 4 à 5 chevaux, la machine en remplaçait 9, puisqu'elle était capable de travailler plus longtemps qu'eux; et 9 chevaux coûtaient par an 8 266,5o francs. Héricart de Thury estime donc l'économie annuelle à 6 266,5o francs, c'est-à-dire à un quart du prix d'établissement; d'où il résulte que la machine doit être amortie en quatre ans s . Le succès remporté par cette création de Périer ne semble pas douteux. Dès germinal an X une seconde machine fut installée à Littry 6 ; au même moment de nombreuses commandes furent passées par les houillères du Nord de la France 7 ; l'une des premières machines de cette région fut établie à Anzin sur un puits de plus de 200 mètres de profondeur 8 . En 1807, il existait aux ateliers de Chaillot une machine à 1. Bibl. Historique de la Ville de Paris, ms. nouv. acq. i47> f. 43o. 1.

HÉRICART-THURY,

loc.

cit.

HÉRICART-THURY,

toc.

cit.

3. Ibid. 4. Ibid. 5. Ibid. — « Ces machines coûtent prises dans les ateliers des citoyens Périer de i 5 à 18 000 F, mais si on en demandait plusieurs il y aurait de l'économie, la première étant faite et servant de modèle, on pourrait se dispenser de faire à Paris la charpente des autres » (Bibl. Historique de la Ville de Paris, ms. nouv. acq. 147. f. 43O). 6.

7. Ibid. 8. Ibid.

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cylindre de 16 pouces, prête pour la livraison, estimée i5 ooo francs sans chaudière 1 . Périer déclarera enfin en 1810 qu'il a construit depuis dix ans quarante machines à remonter 2 . Le site des houillères de Littry a été transformé en un petit musée, encore actuellement en voie d'organisation. Il existe là une machine à vapeur qui date certainement des premières années du xix e siècle, mais dont il faut avouer que l'état de conservation est assez déconcertant. L'examen de l'ensemble, auquel nous nous sommes livré, tendrait à suggérer qu'il s'agit bien d'une machine d'extraction du type construit par Périer, mais qu'à une époque postérieure, qui reste assurément fort ancienne, elle a subi un remaniement en vue de sa transformation en machine à balancier actionnant des pompes. Il faut regretter que le seul spécimen de machine à vapeur primitive qui soit conservé en France n'offre pas des dispositifs plus classiques, qui en feraient un témoin plus représentatif de la construction mécanique de son temps. Robert Fulton, auquel le titre de véritable créateur de la navigation à vapeur ne saurait être sérieusement disputé, a exécuté à Paris quelquesuns de ses essais; ceux-ci se placent en i8oo-i8o3, ils concernent un sous-marin d'abord et un bateau à vapeur ensuite. Périer y a été étroitement mêlé, ainsi que celui qui avait été, une vingtaine d'années auparavant, très vraisemblablement son élève et en tout cas son collaborateur au moment de l'exécution des maquettes de M m e de Genlis, Etienne Calla. Calla avait en effet fondé à Paris, peu avant la Révolution, une entreprise de constructions mécaniques. Nous avons des témoignages très précis sur les caractéristiques du sous-marin construit par Périer pour Fulton; en revanche la chronologie et les lieux des essais souffrent de quelque incertitude. On dispose en effet d'un récit fait au bout de neuf ans par Guyton de Morveau devant la Société d'Encouragement, à l'occasion du projet de sous-marin de Castéra qui s'était, lui aussi du reste, adressé à Périer pour solliciter ses conseils. « M. Guyton-Morveau a rapporté qu'il avait été témoin au mois de juin 1800 de la première expérience d'un bâtiment de cette espèce construit chez M. Périer par M. Fulton qui lui a donné le nom de Nautile. Le bâtiment était en cuivre de forme ovoïde très allongée portant à l'un de ses bouts un collet relevé propre à recevoir un couvercle, et sur l'arête supérieure une rigole destinée à contenir un petit mât qui se relevait à charnière. « Dans l'intérieur qui avait environ deux mètres de diamètre étaient disposés les manches des rames à vis pour aller en avant, et des pompes aspirantes pour plonger à volonté par la charge de l'eau. « L'expérience f u t faite sur la Seine en face des Invalides » (pas très loin de l'atelier de Chaillot par conséquent). M. Fulton s'enferma avec 1. Archives du C.N.A.M., série 10, liasse 241. 2. Bull. Soc. Enc., t. I X , 1810, p. 167.

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u n matelot et u n e bougie. Il plongea au point de disparaître entièrement, r e m o n t a environ 18 à 20 minutes après à u n e assez grande distance, replongea et revint au point de départ. « Les spectateurs p a r m i lesquels se t r o u v a i e n t plusieurs officiers de marine et du Génie lui d e m a n d è r e n t s'il p o u r r a i t leur faire voir là m a n œ u v r e de ce vaisseau sous voile. Il annonça que le v e n t et le peu de profond n ' é t a i e n t pas favorables; cependant il en fit faire l'essai et, son matelot a y a n t relevé le m â t , courut plusieurs bordées sur la rivière. « M. Guyton-Morveau a a j o u t é que quelques jours après il remit à M. Fulton u n mémoire sur les moyens à employer p o u r prolonger sans aucun accident le séjour de deux hommes dans u n vaisseau fermé de la même capacité en y r e s t i t u a n t de l'air vital et en a b s o r b a n t le gaz acide carbonique. Il a lu ce mémoire à la classe des sciences physiques et m a t h é m a t i q u e s de l ' I n s t i t u t le i3 septembre 1801, époque à laquelle M. Hodgman, ingénieur à Folkestone, venait d'annoncer qu'il était resté 18 minutes sous l'eau de la m e r à la profondeur de 18 pieds, allant et v e n a n t dans son vaisseau sous-marin en différentes directions p e n d a n t plus d ' u n q u a r t de mille. « On sait que l'expérience de M. Fulton a été depuis répétée a u H a v r e . Il voulait se faire suivre d ' u n petit batelet rempli de poudre à canon auquel on aurait mis le feu au moyen d'une détente et qui aurait pu faire sauter le vaisseau sous lequel il serait arrivé. P o u r cet effet il a u r a i t fallu rester 3o à 35 minutes sous l'eau » 1 . De son côté Montgéry, a u t e u r d'une compétence sûre en t o u t ce qui touche à l'artillerie et à la marine a publié en 1822 et 1825 u n e notice sur Fulton, d o n t il tirait les éléments d ' u n e biographie publiée en Amérique en 1817 p a r Colden, ami de l'ingénieur américain. Si l'on en croit Montgéry a , Fulton a construit u n premier sous-marin en 1800, l'a essayé p e n d a n t l ' a u t o m n e à Rouen et au H a v r e et a f a i t n a u f r a g e près de Cherbourg en essayant de gagner Le Havre. Après la perte de ce premier b a t e a u , « on en construisit u n second à Paris dans les ateliers de MM. Périer », et il aurait été terminé dans le mois de juin 1801. Après les essais de Paris, t o u j o u r s selon Montgéry, ce sous-marin f u t essayé à Brest où il avait été envoyé p a r voie de terre. Fulton fit m e t t r e u n hublot à son b a t e a u , qui n'en avait pas au début. Il descendit j u s q u ' à 25 pieds et resta en plongée j u s q u ' à 4 h 20 avec trois passagers, grâce à une provision d'air comprimé à 200 atmosphères dans u n récipient d ' u n pied cube, qu'il ne f u t du reste nécessaire d'ouvrir q u ' a u b o u t d ' u n e heure q u a r a n t e . Il est assez inquiétant de constater que Montgéry, s'il renvoie p o u r l'expérience de Brest au « r a p p o r t des officiers de marine chargés de suivre les nouvelles expériences », cite comme source de renseignements sur les essais de Paris ce même récit de G u y t o n de 1. Bull. Soc. Enc., VIII, 1809, pp. 197 et suiv. Notice sur Fulton, pp. 1 2 à i5.

2. MONTGÉRY,

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Morveau, inséré au Bulletin de la Société d'Encouragement, que nous avons reproduit plus haut. Montgéry ne semble pas remarquer qu'il place en 1801 ce que Guy ton plaçait en 1800. Ce détail en fait, importe assez peu sans doute puisqu'il ne nous empêche pas de nous représenter assez exactement ce qu'ont pu être les expériences de Fulton avec ce sous-marin de cuivre construit par Périer. Il f a u t en venir maintenant à un fait plus important, le bateau à vapeur essayé à Paris en i8o3. On est assez bien renseigné sur ce bateau grâce à un article publié il y a une quinzaine d'années 1 , ainsi que par les documents originaux émanant de Fulton et conservés dans le portefeuille industriel du Musée du C.N.A.M. C'est le cylindre de la machine à vapeur qui f u t fourni en i8o3 par Périer. Vertical et à double effet, il avait 45° m m de diamètre et la course du piston était de 800 mm. Les autres parties de la mécanique f u r e n t construites par Calla. Il est facile d'imaginer que de fréquentes conférences ont dû avoir lieu entre Périer, Calla et Fulton, de sorte que cette machine à vapeur, dont les dispositions seront analysées dans un instant, peut être regardée comme l'œuvre collective des trois hommes. On sait que Fulton f u t amené à construire deux coques, la première s'étant rompue sous le poids de la machine. La seconde mesurait 74 pieds 2 pouces X 8 pieds 2 pouces, avec un creux de 3 pieds deux pouces. Les roues à aubes de 12 pieds de diamètre portaient chacune dix pales de 3 pieds sur 22 pouces; leur vitesse était sans doute de l'ordre de i5 t / m n . Fulton avait songé d'abord à employer de la vapeur à haute pression produite dans une chaudière à vaporisation instantanée anticipant sur celle de Serpollet; mais, déçu par les essais entrepris avec Calla, il en revint à la basse pression, employant toutefois, avec raison, l'ingénieuse chaudière à tubes d'eau brevetée le 24 août 1793 à Paris par son ami Joël Barlow, poète et homme politique américain qui à un moment donné hébergea Fulton z . Cette chaudière f u t réalisée par Calla et mesurait 7 pieds sur 5, avec une hauteur de 5 pieds. Les essais, très réussis, eurent lieu le 9 août 18o3 ; 1. H. Philip S P R A T T , B I G O T , L. G E R M A I N E , « Le premier bateau à vapeur de Robert Fulton », Techniques et Civilisations, n° 9-10, 1952, pp. io2-io3. 2. Chargé en 1793 de porter une adresse à la Convention, Barlow s'était vu. décerner par elle le titre de citoyen français. Il avait ensuite accompagné les commissaires envoyés pour organiser la Savoie. De retour à Paris, la spéculation sur les assignats l'avait enrichi. Consul des États-Unis à Alger en 1795, il ne séjourna guère dans son poste. Il ne retourna en Amérique qu'en i8o5. Le dossier original de son brevet du 24 août 1793 est conservé à l'Institut National de la Propriété Industrielle; on y voit des dessins très clairs représentant avec tous les détails d'exécution une chaudière cubique très analogue à celle que Fulton a fait figurer sur le dessin dont il sera question un peu plus bas; elle ne comporte pas moins de cent trente tubes d'eau.

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le bateau put remonter le courant à une vitesse de 2 4°o toises à l'heure. Périer était si peu étranger à l'affaire, que c'est du quai de la pompe à feu de Chaillot, c'est-à-dire également à proximité immédiate de la fonderie, que le bateau prit son départ. Dès le 24 janvier précédent Fulton s'était tourné vers Molard et lui avait adressé le dossier aujourd'hui conservé au Musée du C.N.A.M. et qui comporte lettre et p l a n C e dessin est très vraisemblablement autographe (il ne faut pas oublier que la véritable profession de Fulton était celle d'artiste peintre) ; on y distingue parfaitement en coupe et en plan la machine à vapeur. Celle-ci présente des dispositions étonnamment ingénieuses et appelées à devenir classiques sur les vapeurs du milieu du x i x e siècle. Le trait le plus remarquable est la position inférieure du balancier, rendue possible par l'emploi de bielles pendantes. En outre la machine est, si l'on peut dire, étirée dans le sens de la longueur. Sur la gauche du dessin se trouve la chaudière parallélépipédique. Vient ensuite le cylindre, vertical, mais posé directement sur le plancher du bateau au lieu d'être au-dessus de la bâche comme les machines ordinaires. La colonne de vapeur est entre le cylindre et la chaudière, ce qui dégage la partie droite du cylindre. Aussi la tringle de commande de la distribution est-elle suspendue à un levier horizontal qui, fixé à la crosse du piston, oscille autour d'un point fixe placé au-dessus de la chaudière. La crosse du piston est guidée entre deux glissières verticales et porte deux bielles en retour attachées au balancier horizontal, qui est fourchu du côté du cylindre. L'autre bras du balancier est simple; il porte, semble-t-il, un léger contrepoids. La transmission du mouvement se fait par un troisième bras vertical qui attaque par une longue bielle horizontale l'axe des roues à aubes, dont la partie centrale est coudée en forme de vilebrequin. Le condenseur est horizontal, ce qui permet de le placer dans une bâche très plate qui se trouve précisément sous le balancier. La pompe à air est reliée au condenseur par une conduite inclinée assez longue, elle est verticale et se trouve dans une bâche spéciale tout à fait à droite, plus loin que l'axe des roues, où sa forme haute ne constitue pas une gêne. Elle reçoit son mouvement depuis le bras horizontal à contrepoids du balancier, au moyen d'une bielle verticale et d'un léger balancier horizontal qui utilise un prolongement du support de l'axe des roues à aubes comme point d'oscillation. La régularité de la rotation est assurée par un volant, double en ce sens qu'il est composé de deux lourdes roues montées sur un axe très court et parallèle à celui des roues à aubes. Cette disposition a évidemment pour but d'assurer un meilleur équilibre à l'embarcation. Egalement dans le même but, l'axe des volants est ramené le plus bas possible — sensiblement au même niveau que le point d'oscillation du 1. Musée du C . N . A . M . ,

Portefeuille Industriel, n° d'inventaire i 3 5 7 i - 4 5 o .

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balancier. L'axe du volant est relié à celui des roues par un double train d'engrenages 36 : 1 2 : 6 , disposé de telle façon que le volant fait six tours quand les roues en font un. Quoique remarquable par la distribution topographique de ses organes, la machine reste en elle-même d'un type primitif. Elle témoigne de l'absence d'évolution de la machine à vapeur sur le continent entre 1789 et I 8 I 5 .

La comparaison avec la machine du Clermont, qui est de 1807 et fut commandée par Fulton chez W a t t et J. J. Boulton, met ce fait bien en évidence. La machine du Clermont est, elle aussi, une machine à balancier latéral — la disposition devait rester classique dans la marine jusqu'à la fin du xix e siècle — mais sa construction fait un bien plus large appel à l'emploi du métal. E t pourtant la disposition d'ensemble des organes reste très semblable à celle du croquis de i8o3. Le fait mérite donc d'être souligné, car les auteurs anglais s'accordent à attribuer la création de la machine à balancier latéral à Murray en i8o5; il n'en est que plus intéressant de constater qu'elle est née à Paris en i8o3 entre les mains de Fulton, de Calla et de Périer 1 .

B. L'EMPIRE ET L'AURORE DE LA RESTAURATION (1805-1818) L'attitude du gouvernement impérial envers Périer; état stationnaire de la fonderie de Chaillot sous l'Empire; fabrications diverses. Introduction en France de la presse hydraulique Les meilleures années du premier Empire coïncident avec les dernières tentatives faites par Périer pour rétablir une situation qui au fond, depuis la fin de l'Ancien Régime, est restée définitivement compromise. A cette époque, Périer jouit auprès du gouvernement d'une certaine faveur; elle n'est pas sans nuages, mais semble persister même après un refroidissement marqué qui s'observe en 1811. Quelle est la raison de cet état de choses? En l'absence de preuves directes, il convient certes d'être prudent. Toutefois on ne saurait se dispenser de faire remarquer ceci. 1 . D I C K I N S O N , A Short History of the Steam Engine, p. 109. Les témoignages des JOUFFROY sont fort suspects de partialité, on ne saurait cependant les passer sous silence. Claude d'abord : « Ce fut sous les yeux de... (M. Périer) et à l'aide d'une pompe à feu qu'il avait pu lui-même fournir que, vingt ans après son expérience, le sieur Fulton construisit son premier bateau à Chaillot » (Des bateaux à vapeur, 1816, p. 20). Achille ensuite : « L'ingénieur américain Fulton, venu en France dans le dessein d'y proposer son système de petits canaux de navigation intérieure, entreprit tout à coup de construire un petit bateau à vapeur sur la Seine, sous les yeux et dans les ateliers de MM. Périer » (Des bateaux à vapeur. Précis historique de leur invention, 183g, p. 25).

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On a vu en quels excellents termes Périer se trouvait en l'an II et l'an I I I avec Mollien, son associé dans l'entreprise de Saint-Lubin. Or la carrière ultérieure de celui-ci f u t la suivante. Après un séjour de quelques mois en Angleterre, en 1 7 9 8 - 1 7 9 9 , afin d'étudier les institutions financières du pays, il était devenu directeur de la Caisse d'Amortissement au début du Consulat. C'est alors que, rapidement, il gagne la confiance du chef de l ' E t a t . En 1804, il est nommé conseiller d ' É t a t , et enfin en 1806 il devient ministre du Trésor Public, en remplacement de Barbé-Marbois. Le Trésor Public, qu'il f a u t se garder de confondre avec le ministère des Finances, était une ancienne direction, devenue ministère p a r arrêté du 5 vendémiaire an X. La gestion de Barbé-Marbois avait été plutôt malencontreuse; en revanche Mollien sut améliorer profondément le régime de la trésorerie et le service de la comptabilité publique. Il devait d'ailleurs rester en fonctions jusqu'en avril 18i4, c'est-à-dire jusqu'à la chute de Napoléon. E t les régimes qui succédèrent à l'Empire surent, eux aussi, apprécier ses qualités, bien qu'il eût repris ses fonctions au Trésor durant les Cent Jours. Il semble donc qu'à partir de 1806 Périer possède très près du pouvoir un ami sûr; on peut en effet se fier à l'habileté de Périer, auquel Delambre a t t r i b u e 1 un caractère à la fois insinuant et entreprenant, ce qui veut dire beaucoup de choses dans un éloge académique : Jacques-Constantin avait certainement su conserver ou renouer d'excellentes relations avec un homme aussi influent que l'était devenu Mollien. E n effet le soutien officiel ne se démentit guère, à partir de 1806 : avance de 4° 0 0 0 francs en 1807, marché de 300 000 francs pour les machines de Marly en 1808, avance de 260 000 francs en 1810, avance de 3oo 000 francs en 1811. Un seul nuage : la saisie et la mise au pilon d ' u n mémoire imprimé par Périer en 1811, mesure hâtive et brutale, dont nous verrons comment elle peut s'expliquer et qui n'entraîna apparemment pas de vraie disgrâce. La même année 1811, les rapporteurs du prix décennal de l'Institut accablent Périer d'éloges; on énumère ses principales réalisations et il est déclaré digne d'un prix d'intérêt public « comme celui à qui les arts mécaniques et l'industrie nationale ont les plus nombreuses obligations » 2 . Mais en fin de compte les efforts de Périer et les bonnes intentions du gouvernement ne devaient aboutir qu'à des résultats médiocres. Les conditions générales de l'industrie étaient trop mauvaises durant cette période. De 1807 à 1812, notamment, on a l'impression nette que la fonderie de Chaillot ne cesse de s'enfoncer dans le marasme. En effet nous connaissons bien sa situation à cette époque grâce à un é t a t publié par Charles Ballot pour 1807, et à l'inventaire des objets mobiliers, machines et ustensiles garnissant la fonderie de Chaillot, 1. DELAMBRE, loc. cit., p . l x i v .

2. Cité par DELAMBRE, loc. cit., pp. lxxj-lxxij.

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dressé en vue de la liquidation de la communauté, après le décès de M m e Périer, morte le 9 juin 1812 1 . En 1807 la firme employait 3oo ouvriers et calculait ses immobilisations à 9 0 0 0 0 0 francs 2 . En 1812, l'estimation des seuls objets mobiliers, machines et ustensiles ne dépasse pas 127 0 7 2 , 7 3 francs. On ignore malheureusement le prix de vente du 2 février 1818, lorsque JacquesConstantin se sépare enfin de sa vieille fabrique. Mais celle-ci, bien que remise à flot par l'acquéreur, Scipion Périer, qui y a installé Edwards, n'est encore en 1821 estimée qu'à 12 0 0 0 francs en revenu, 240 0 0 0 en capital 3 . A un tout autre point de vue, ces documents permettent de se faire quelque idée sur l'implantation matérielle de la fabrique. Celle-ci, comme l'a indiqué Charles Ballot, se décompose en un certain nombre d'ateliers parfaitement spécialisés. On peut en énumérer huit. D'abord la fonderie au creuset, avec trois fourneaux pour couler le fer et le cuivre. Relevons-y la présence de 3o plateaux ronds et de nombreuses lanternes pour les noyaux, matériel permettant de couler les cylindres depuis 2 pieds jusqu'à 6 pieds de diamètre. Ensuite un atelier qui contient 5 forges doubles et qu'on appelle aussi l'atelier des forges, ajusteurs et tourneurs « à la suite du bureau ». Il était en effet précédé d'un bureau d'études dit « bureau de dessin ». Les ajusteurs et tourneurs étaient installés au premier étage dans un atelier fréquemment qualifié d'atelier « du haut », on y faisait le petit travail des métaux. Un troisième atelier est dit l'atelier « des grandes forges, dans lequel se trouvent plusieurs usines », c'est-à-dire des ensembles de machinesoutils, qui sont : i° les martinets, 2 0 les alésoirs, 3° les tours, 4 ° l a forerie. Celle-ci en 1812 ne sert plus qu'à entreposer des objets fabriqués. On sait qu'il y en avait eu deux sous la Révolution; la seconde existait encore en l'an V, mais avait disparu avant 1807 4 . Chacune des quatre usines est actionnée par une roue hydraulique ; cela nous est familier. La machine élévatoire, nous pouvons le préciser maintenant, était placée dans un hangar qui flanquait ce vaste bâtiment. En 1812 cet atelier comprend de plus un alésoir pour cylindres de grand diamètre, et on observe qu'une machine à vapeur à double effet sert à donner le mouvement au tour. C'est sans doute celle de la forerie maintenant désaffectée. Vient ensuite l'atelier de chaudronnerie. Un alésoir à manège y était placé en 1807, mais en 1 8 1 2 n'y subsiste plus que le petit outillage nécessaire à la chaudronnerie. 1. BALLOT, p. 4 i 3 et suiv.; Archives Nationales, Minutier Central, étude XCI, liasse i5o4, 3o juin 1812. 2. L É V Y - L E B O Y E R , op. cit., p. 346, note 43. Archives de la Seine, DQ7 - 34io, 7.5 avril 1822 (extrait de la déclaration de succession de Scipion Périer). 4- B A L L O T , p. 4 1 3 , n o t e 5.

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En cinquième lieu le grand atelier de menuiserie, ou menuiserie du bas. Sa « grandeur » est toute relative : il contient neuf établis. Il est flanqué d'un hangar où se trouve en 1812 l'alésoir à manège qui avait précédemment séjourné dans la chaudronnerie. C'est une « machine destinée à l'alésage des corps de pompe et des cylindres, depuis 5 pouces de diamètre jusqu'à 2 pieds ». Petits calibres, par conséquent. Les forts alésages, de 2 à 6 pieds, se faisaient avec l'alésoir hydraulique de l'atelier des grandes forges. L'alésoir à manège se compose de deux forts arbres en fer corroyé, de diverses pièces en fer forgé et fer fondu, de deux poulies en cuivre, d'une charpente et de deux bras de manège. Il est assorti de seize corps d'alésoir en fer fondu. Le sixième atelier est une plomberie, qui avait contenu un matériel pour la fabrication des tuyaux, dont il ne reste pas de traces bien nettes en 1812 : on n ' y trouve plus que des objets fabriqués de peu d'importance. Les deux derniers ateliers sont réservés à la fabrication des métiers à filer et nous intéressent moins ici; dans l'un on travaille aux pièces des métiers. (Les machines-outils sont surtout des tours et des perceuses); l'autre est un hangar réservé au montage. Une observation s'impose après cet examen des lieux. C'est qu'en trente-cinq ans l'usine n'a nullement évolué. W a t t pouvait encore l'admirer en 1786, lorsque la machine à double effet était toute nouvelle. Mais s'il avait pu revenir en 1812 et voir la vieille machine à vapeur à simple effet qui pompait encore l'eau sur les roues hydrauliques, on imagine aisément à quelle jubilation maligne sa tenace rancune envers Périer l'aurait alors porté. On a bien sûr, des renseignements sur un certain nombre de fabrications d a t a n t de cette période; mais ces renseignements sont très fragmentaires et ne peuvent refléter l'activité de l'usine. Il f a u t se contenter de les énumérer. E n 1806, il est question d'une machine « à couper les pommes de terre et autres tubercules servant à la nourriture des troupeaux » 1 . En 1809, Périer présente à la Société d'Encouragement des échantillons de fonte argentée : « des boucles de harnais en fer fondu de sa fabrique, et très solides, revêtues d'un beau plaqué d'argent » 2 . E n 1811, pour la manufacture de toiles peintes de Wetter, Thierry et Grossmann à Mulhouse, l'usine de Chaillot exécute une chaudière en fonte et les principales pièces d'un appareil destiné à chauffer par la vapeur les cuves de teinture. Cette installation était inspirée de celle qui existait à la manufacture de Jouy et provenait aussi de chez Périer 3 . Chaillot continue également à servir de laboratoire d'essai ; le 14 février 1811, on procède à l'épreuve d'une certaine quantité de fonte provenant de chez Robert, à Nevers 4 . Maurice Lévy-Leboyer a pu indiquer qu'il y avait sous 1. 2. 3. fi.

Archives du C.N.A.M., série 10, liasse 186 (5 avril 1806). Bull. Soc. Enc., VIII, 1809, p. 44. Bull. Soc. Enc., X, 1811, p. 291. Bibl. Hist. de la Ville de Paris, ms. nouv. acq. 147, f. 433.

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l'Empire deux fabricants principaux de métiers à filer le coton dans la région parisienne : l'un est Calla, le second n'est autre que Périer 1 . Venons-en maintenant aux fournitures de machines à vapeur. Certaines, mieux connues ou plus importantes, seront étudiées à part. Voici celles qu'il est possible de mentionner brièvement ici. Vers 1806, on signale l'emploi d'une machine à vapeur dans la filature que Périer avait établie à Douai 2 . De i8o5 à 1808, fourniture de deux machines aux ateliers textiles de Gand s . En 1809, une machine pour les charbonnages de Védrin 4. A une date inconnue le gouvernement avait commandé à Périer une pompe à vapeur pour fournir de l'eau au château de Compiègne. Le 25 décembre 1810 elle est terminée, mais 6 000 livres sont encore dues à Périer qui les réclame avec énergie : « Les engagements que j'ai à remplir ce mois près d'expirer me rendent ce secours indispensable. Je serais dans le plus grand embarras si je ne le recevais pas » 6 . En 1811, une machine d'extraction est fournie aux houillères de Bonnefin. On en a conservé le devis qui monte à 20 000 francs pour une machine de i5 pouces au cylindre®. D'autres furent fournies aux houillères de Rieu-du-Cœur et Quaregnon à des dates qui ne sont pas connues 7 . Il faut enfin préciser le rôle joué par les Périer dans le fameux concours des petites machines à feu organisé par la Société d'Encouragement de 1806 à 1809 8 . Il semble que ce soit Augustin-Charles qui se soit surtout intéressé à cette question. Dès l'an VI on le voit donner à côté de Montgolfier son approbation à la petite machine de Jadon, de Rouen. Mais la mort de l'inventeur arrête le succès qui s'annonçait. En i8o5, le problème fut discuté à la Société d'Encouragement. Gengembre déclara « qu'il connaissait déjà chez nous deux petites machines à feu employées utilement, l'une dans les ateliers de M. Auguste, orfèvre, l'autre à la manufacture de M. Oberkampf à Jouy; que leurs cylindres avaient moins de huit pouces de diamètre. La première, d'un mécanisme un peu compliqué, a été exécutée chez M. Auguste lui-même par un élève de MM. Périer; la seconde, simplifiée et perfectionnée, a été construite par M. Périer le jeune ». Gengembre ajoute un peu plus bas que Périer le jeune avait fait des tentatives jusqu'alors infructueuses pour rendre les petites machines utiles dans un plus grand nombre de cas en supprimant l'injection. En cela il ne faisait du reste qu'imiter les recherches poursuivies par Cartwright en Angleterre. On sait qu'en 1806, f u t proposé par la Société d'Encouragement un 1.

LÉVY-LEBOYER,

2 . B A L L O T , op.

cit.,

op. cit., p. 58, note 35. p.

412.

L É V Y - L E B O Y E R , op.

cit.,

pp. 346 et

4 . L É V Y - L E B O Y E R , op.

cit.,

p.

7 . L É V Y - L E B O Y E R , op.

cit.,

3.

35g.

346.

5. Bibl. Historique de la Ville de Paris, ms. nouv. acq. 147 f. 4 a 46. Ibid., f. 4>5 (devis non daté; la date est donnée par L É V Y - L E B O Y E R , p. 346). p.

346.

8. Sur ce concoure en général : B A L L O T , op. cit., pp. 4 O 5 - 5 O 7 - Pour les points qui nous intéressent ici : Bull. Soc. Enc., IV, l8o5, p. 226 et IX, 1810, pp. I39-I53.

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prix de 6 000 francs, décerné en 1809. Pour répondre aux conditions du concours, la machine devait fournir un travail de 1 000 000 kg/m en 12 heures pour 7 fr. oo. Les auteurs du règlement précisent que le chiffre requis équivaut au travail de dix hommes pendant 12 heures. Cette évaluation est assez exacte, puisque le cheval-vapeur de 75 kg/m /sec est estimé valoir le travail de trente-six hommes. Or 1 000 000 kg/m en 12 heures donnent un peu moins de 23 kg/m/sec, soit pas tout à fait un tiers de cheval-vapeur, donc approximativement le travail de dix hommes. D'un autre côté le cheval-vapeur de 75 kg/m/sec est estimé remplacer 3 chevaux vivants. La machine requise par le concours de 1806-1809 était donc une machine capable de tenir lieu d'un cheval vivant, ce qui situe bien l'échelle des ateliers où elle aurait pu s'employer. Les résultats du concours furent proclamés par Prony le i3 septembre 1809. Jacques-Constantin était rapporteur. Augustin-Charles avait voulu présenter une machine où, comme Boury, il améliorait le rendement en séparant l'admission de l'échappement. Une maladie l'empêcha d'être prêt à temps. Le prix f u t attribué à Charles Albert et Louis Martin, mécaniciens du faubourg Saint-Denis, dont le succès f u t malheureusement arrêté en 1812 par une faillite. Nous verrons réapparaître Martin après la chute de l'Empire. Lorsque la précieuse machine qu'est la presse hydraulique apparut en Angleterre, c'est-à-dire au temps de notre Directoire, Périer f u t mis au courant presque immédiatement et en comprit jtout de suite l'intérêt. Il nous a semblé toutefois plus logique de parler de cette innovation en abordant l'époque impériale, car les renseignements les plus précis que nous ayons sur des machines effectivement construites datent de 1807-1812. Chacun sait qu'on peut faire remonter jusqu'à Pascal le principe de la presse hydraulique; le traité De l'équilibre des liqueurs définit en effet nettement le levier hydraulique. Mais Pascal n'a sans doute jamais envisagé d'en faire un appareil pratique. La réalisation est due à l'Anglais Bramah qui prit un brevet sur ce sujet en 1796. Bétancourt poursuivait à cette date l'activité à laquelle nous l'avons vu occupé en 1788, et il fit sans tarder entrer la presse hydraulique dans le cabinet des machines du roi d'Espagne. Il ne manqua pas non plus de mettre Périer au courant, et les deux hommes prirent ensemble un brevet français le 3 pluviôse an V (23 janvier 1797) 1 . Le mémoire descriptif f u t rédigé par Périer, et celui-ci y indique expressément que, par un étranger de ses amis, il vient d'avoir connaissance d'une nouvelle invention anglaise : la presse hydraulique. On ne sait comment le brevet put être exploité dans les premières années. En messidor an IX (juin-juillet 1801) les Annales des Arts et 1. Dossier original conservé à l'Institut National de la Propriété Industrielle. Périer fait valoir que ses ateliers ont travaillé pour la défense de la République depuis le début de la guerre et que le gouvernement est engagé envers lui pour des sommes considérables. Il obtient la remise du droit de brevet, qui se montait à 1 5oo livres.

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Manufactures publièrent une description des « nouvelles presses hydrauliques » de Bramah 1 . L'auteur anonyme conclut ainsi son article : « Nous terminerons en observant que les frères Périer ont déjà construit à Paris des presses sur ce principe ». En 1807, quand Périer consigne des machines en gage d'une avance accordée par le gouvernement, il y a dans le lot deux presses hydrauliques. D'abord, « une grande presse hydraulique pour la construction de laquelle le gouvernement a accordé un brevet d'invention, dont il (Périer) est propriétaire. Cette presse produit une pression égale à deux cents fois le poids atmosphérique. Elle est complète et est évaluée par M. Périer à 4 800 francs ». Ensuite, « une seconde presse hydraulique construite sur le même principe que la précédente, mais disposée pour fabriquer par la seule pression des tuiles et des carreaux. Cette presse est accompagnée des meules et ustensiles propres à la fabrication qui vient d'être indiquée. M. Périer l'évalue à 3 000 francs » 2 . En 1812, le Bulletin de la Société d'Encouragement publia la description avec planche d'une presse hydraulique exécutée à Chaillot 3 . Cette presse avait été construite un certain temps auparavant pour le célèbre fabricant d'étoffes et de châles, Ternaux, chez qui elle était déjà en usage l'année précédente. Elle servait à l'apprêt des étoffes 4 . En 1818, Delambre, lorsqu'il prononcera l'éloge de Périer, ne manquera pas de mettre à son actif l'introduction en France de la presse hydraulique. Citant les auteurs du rapport sur le prix décennal de l'Institut, qui est de 1 8 1 1 , il est amené à mentionner une troisième application, la fabrication de la monnaie : « M. Périer exécuta plusieurs presses hydrauliques, qu'il a le premier importées en France. L'une d'elles est en activité dans la manufacture de M. Ternaux à Louviers. Une autre est destinée à la fabrique de la brique et de la tuile; elle presse à sec et avec une telle force que, presque au même moment on peut mettre au four ces briques, qui en sortent plus compactes et mieux faites que par les procédés ordinaires. Une troisième est destinée à frapper la monnaie » 5 . L'industrie des machines à vapeur sous l'Empire : l'échec de la pompe de l'Hôpital: le mémoire de Périer « Sur les machines à vapeur »; l'échec du projet de Marly Nous croyons devoir évoquer maintenant la question d'un troisième établissement parisien de pompes à feu, appelé tantôt la « Pompe de 1. « Sur de nouvelles presses hydrauliques », Annales des Arts et Manufactures, t. VI, n° de messidor an IX (juin-juillet 1801), pp. 100-112; cf. p. 112 pour le passage cité ici. 2. Archives du C.N.A.M., série 10, liasse 241. 3. Bull. Soc. Enc., XI, 1912, p. 27. 4. Bull. Soc. Enc., X, 1811, p. 316. 5. D E L A M B R E , loc. cit., p. lxxj.

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l ' H ô p i t a l » et t a n t ô t la « P o m p e de la Gare », du fait de la situation qui a v a i t été choisie pour elle : l'emplacement actuellement occupé p a r le n ° 29 du quai d'Austerlitz. La première dénomination renvoie à l'hôpital de la Salpêtrière, t o u t proche, la seconde à la vieille gare fluviale d o n t notre quai de la Gare a conservé le souvenir. A ce sujet, Charles Ballot a noté, p a r l a n t des frères Périer : « Ils construisirent également des machines pour distribuer l'eau au J a r d i n des Plantes et à l ' H ô p i t a l Général » Effectivement les machines données en garantie en 1807 contre une avance de 4o 000 francs comprennent ce qui suit : « Une grande partie des pièces composant les machines à v a p e u r destinées à fournir l'eau au J a r d i n des Plantes, à l ' H ô p i t a l Général et a u x quartiers environnants, d o n t le b â t i m e n t se trouve construit. Ces machines, semblables en t o u t à celles placées au Gros-Caillou o n t u n cylindre de t r e n t e pouces de diamètre, u n réservoir ou colonne d'air, les chapelles des pompes, les embranchements, les coudes, les a r m a t u r e s des balanciers et u n grand n o m b r e d'objets accessoires et de détail. M. Périer en porte la valeur à au moins 3o 000 francs » 2 . C'est de loin le plus i m p o r t a n t des objets mis en garantie, son estimation a t t e i n t presque les d e u x cinquièmes de la valeur demandée comme gage du prêt p a r le gouvernement. L'établissement était alors décidé depuis au moins vingt-deux ans, depuis l'époque de la vieille Compagnie des E a u x . E n effet c'est dès le 12 octobre 1785 que Jacques-Constantin a v a i t acheté à l ' a b b a y e SaintVictor, pour le prix de 5i 4^7 livres 10 sous, 1 120 toises 3o pieds de terrain sis « sur le bord de la rivière, au-dessus du J a r d i n des Plantes, vis-à-vis la Râpée, à l'endroit appelé la Gare » 3 . Du reste le prospectus de 1781 annonçait déjà l'établissement d ' u n e pompe à feu d o n t la position devait être p a r r a p p o r t à Paris symétrique à celle de la pompe de Chaillot. Mais comme l'a indiqué Belgrand, « les événements n'ont... pas permis la réalisation de ce projet » 4 . Il est nécessaire de souligner que la pompe à feu de la Gare n ' a jamais été terminée, quelques témoignages semblant l'affirmer. E n fait, les auteurs de ces témoignages anticipaient probab l e m e n t p a r la pensée sur l'achèvement de l'entreprise qui, alors, p o u v a i t sembler certain. Ainsi en 1814, Trouville parle des « i3o 000 muids que p e u v e n t donner en 24 heures les trois établissements de pompes à feu » 5 . De même, le 16 janvier 1811, Jacques-Constantin Périer p a r l a n t en personne des pompes alors en construction à Marly, a v a i t écrit : « Il serait encore nécessaire d'élever u n e t o u r à chaque machine, avec u n e cuvette p o u r 1.

BALLOT,

op.

cit.,

p.

4 !2.

2. Archives du C.N.A.M., série 10, liasse 241. 3. Archives de la Seine, V5 o3-854 (expédition du 6 août 1822). 4 . B E L G R A N D , Les Anciennes eaux, p. 3 2 6 . 5. Bull. Soc. Enc., X I I I , 1814, p. 25.

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recevoir l'eau et lui donner la chute nécessaire... ainsi que je l'ai fait à la machine... près de l'Hôpital Général » 1 . De telles phrases s'expliquent par le fait que le bâtiment, non moins que les machines, ayant été construits, la pompe à feu de la Gare pouvait être considérée comme virtuellement terminée. Mais l'Empire s'acheva sans que les machines eussent été mises en place, et les gouvernements suivants ne se soucièrent pas de le faire. Le bâtiment resta longtemps inoccupé. Dès 1808, les Périer de la Banque, c'est-à-dire Casimir et Scipion, cherchaient à se le faire louer pour y établir des fours à chaux; ils furent écartés sur le rapport de Pierre-Simon Girard, car ils n'offraient qu'un loyer ridiculement bas, inférieur à 3oo francs par an. Vers 1825-1826, Aitken et Steel en sont locataires, depuis une date postérieure au 18 mars 1821; ils y ont installé la manufacture de machines à vapeur qu'Aitken avait fondé à Senonches dès 1802. En i835 ils seront remplacés par Pleyel et Compagnie. En 184g nous apprenons que le bâtiment a été démoli 2 . Le terrain était devenu propriété publique au même titre que les pompes de Chaillot et du Gros-Caillou; il se trouvait donc appartenir au Service des Eaux. Celui-ci, par l'effet d'une étrange incurie administrative, perdit jusqu'au souvenir de ses droits. Il fallut la venue du directeur énergique qu'était Belgrand pour clarifier la situation. Celui-ci pourra noter que le terrain jadis prévu pour la pompe de la Gare était « le terrain appartenant au Service des Eaux, que j'ai découvert en 1861 ». Dès l'année suivante, il entreprenait d'y faire construire les deux pompes à vapeur connues sous le nom de pompes du quai d'Austerlitz 3 . Elles ont été remplacées depuis par l'usine d'assainissement des eaux qui existe encore aujourd'hui. Le mémoire sur les machines à vapeur Il a été longtemps admis, pour des raisons d'extension territoriale de l'Empire et de calme militaire, que l'apogée du règne impérial se situait vers 1810. Mais, à partir de son second trimestre, cette année est précisément marquée par la crise économique et la cascade de faillites que M m e Viennet a magistralement étudiées; circonstances auxquelles pourrait s'appliquer le mot si fameux de Talleyrand, sur le « commencement de la fin ». Quant à l'industrie lourde, la lamentable odyssée de la pompe de l'Hôpital n'est qu'un minime incident parmi bien d'autres qui pouvaient, à l'époque, révéler aux esprits clairvoyants la méconnaissance complète que rencontraient, dans les milieux officiels, les problèmes d'infrastruc1. PÉRIER, Mémoire sur la machine de Marly, pp. 32-33. 2. Tout ceci d'après : Archives de la Seine, pièces diverses contenues dans le carton V5 03-854.

3. BELGRAND, Les Anciennes eaux, p. 334-

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ture et en particulier la question de l'énergie. E n matière d'industrie, celle-ci passe avant toutes les autres, aujourd'hui comme hier, parce que la possession de sources d'énergie puissantes et peu onéreuses rend seule possible le développement du machinisme. Cette idée si banale de nos jours était neuve au début du x i x e siècle, au moins pour les Français, et nous allons voir dans un instant qu'elle n'entrait sans doute dans l'esprit que d'un très petit nombre de gens. Or Périer avait été honoré, en 1808, d'un important marché gouvernemental, sur le caractère et les vicissitudes duquel on reviendra ensuite en détail — il s'agit de 3oo 000 francs pour des pompes à vapeur devant remplacer la vieille machine de Marly; il se sent donc en position forte et éprouve un légitime désir d'informer le public sur les possibilités offertes par les puissants moteurs qu'il fabrique. E n 1810, Périer livre à l'impression un mémoire simplement intitulé Sur les machines à vapeur. Ce « prospectus » de fabricant est aussi un document intéressant au stade de développement qu'avait atteint en France l'emploi de la machine à vapeur, en cette année cruciale du règne de Napoléon I e r 1 . Comme on s'en doute, le sujet qu'il traite va amener Périer à établir entre l'Angleterre et la France un parallèle qui ne sera pas à l'avantage de ce dernier pays : « On assure qu'il existe en Angleterre plus de cinq mille de ces machines. A peine en avons-nous en France deux cents, t a n t sur l'ancien principe que sur le nouveau ». Passant ensuite à quelques considérations d'ordre général, Périer souscrit au principe intéressant suivant lequel la puissance d'une nation est proportionnelle à la quantité d'énergie dont elle est à même de disposer : « Il n'y a aucun doute que la force des E t a t s et les produits de leur industrie sont en raison de la masse de puissance motrice qu'ils renferm e n t ; cette puissance se compose de la population, du nombre de chevaux, des cours d'eaux et du v e n t ; si par le moyen d'une machine je supplée ou fais le travail d'un million de bras, c'est précisément comme si j'augmentais la population d'un million d'individus; si ces machines représentent la force de 20 à 3o 000 chevaux, ces chevaux suppléés par des machines sont renvoyés à l'agriculture, au commerce et aux armées, avec cet avantage encore en faveur des machines qu'elles ne consomment rien des produits de la surface du sol, qu'elles ne coûtent rien non plus lorsqu'elles ne travaillent pas, pendant que les chevaux mangent tous les jours; les cours d'eau sont rares et ne se trouvent souvent pas placés convenablement; le vent ne peut être utile à faire marcher des machines avec un peu de régularité que dans les pays de plaines très étendues comme celles de la Flandre et de la Hollande ». Ce principe était d'une application actuelle en Angleterre, dont la puissance se révélait alors si redoutable. Périer connaît bien ce pays : 1.

PÉRIER,

graphie).

Sur les machines à vapeur (deux éditions simultanées; cf. Biblio-

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« En parcourant l'Angleterre j'ai remarqué que presque toutes les manufactures avaient ces machines pour moteur; les hauts fourneaux où l'on fond la mine de fer, les marteaux de forge, les laminoirs pour la tôle et les autres métaux, les tours à tourner, les foreries de canons pour la marine, enfin tout ce qui tient à l'art de traiter le fer et à celui de faire les grandes machines est mis en mouvement par des machines à vapeur; la grande fonderie de Caron en Ecosse occupe vingt-deux de ces machines. Cet utile établissement qui fournit une grande partie de l'artillerie de la marine n'existerait pas sans cette précieuse invention, car aucun cours d'eau dans ce lieu n'aurait pu fournir une puissance suffisante. « Toutes les filatures de coton et de laine sont mues par ces machines ; la plus grande partie des canaux de navigation qui y sont extrêmement multipliés sont alimentés par l'eau qu'elles élèvent; il est facile de se convaincre de leur utilité pour cet objet lorsque, plus instruit de l'effet de ces machines, on saura qu'une quantité de charbon consommée dans leur fourneau élève à 3o mètres ou i oo pieds plus de i 5oo fois son poids d'eau » (p. 6). Voici comment Périer explique plus particulièrement la contribution de la machine à vapeur au développement de la puissance politique anglaise. Ce sont les machines à vapeur et elles seules, qui permettent l'exploitation des mines de charbon. La vente de ce charbon dans toute l'Europe a provoqué un grand développement de la flotte : dix-neuf sur vingt des bateaux sortant des ports anglais, estime Périer, étaient chargés de charbon. Ces circonstances ont constitué « l'école et la pépinière des matelots qui ont armé la flotte militaire ». Pendant ce temps on se servait en France de charbon étranger et on n'exploitait pas les mines françaises. Pourquoi l'Angleterre avait-elle pris une telle avance dans la production charbonnière? Parce qu'elle avait compris l'intérêt de la pompe à feu pour épuiser les mines et alimenter les canaux. Conscient de tous les faits qui précèdent, Périer a toujours contribué dans la mesure de son pouvoir à ce que la France rattrapât le retard qu'elle avait sur l'Angleterre dans le domaine de la force motrice. Ainsi il n'a pas seulement le mérite de la clairvoyance; mais n'hésitant pas à payer de sa personne et de ses biens, il a entrepris de faire passer sa conviction en actes. « J'ai senti depuis de longues années l'importance de cette sublime invention. Cinq voyages que j'ai faits en Angleterre m'ont mis à portée de connaître et d'étudier les détails de la composition de ces étonnantes machines; mais ce n'était pas assez, il fallait s'affranchir du recours à l'étranger pour les construire. Il n'existait en France aucun moyen de les exécuter; quelques-unes qui étaient dans les exploitations des mines de charbon de Valenciennes et au Yieux-Condé avaient été importées d'Angleterre, et ne jouissaient point des nouvelles perfections qui y avaient été ajoutées et que j'avais observées avec grand soin. J'ai encore rapporté de ce pays non sans des difficultés et des risques sans nombre

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(j'ai été dénoncé deux fois au Parlement d'Angleterre comme enlevant les procédés des manufactures du pays) toutes les machines et les moyens nécessaires pour leur exécution; tous ces moyens ont été établis dans mes ateliers de Chaillot, établissement pour lequel j'ai exposé ma fortune tout entière. « J e n'ai pas dû me borner en Angleterre à examiner la composition de ces utiles machines, et j'ai voulu connaître les différentes applications qui leur ont été données; j'ai observé d'abord que la ville de Londres était abondamment alimentée par onze de ces machines; c'était l'objet principal que j'avais en vue; car alors j'avais le projet de distribuer l'eau de la Seine à Paris par ce même moyen, projet que j'ai exécuté depuis ». Mais en France même Périer a rencontré bien des obstacles. Il était difficile de fabriquer des machines à vapeur sur le continent, à cause du retard de son évolution technique sur celle de l'Angleterre où « même les machines indispensables pour l'exécution des pièces difficiles existaient ». « J'étais au contraire en France dénué de tout moyen d'exécution; je n'ai trouvé ici aucune fonderie pour couler les cylindres; la construction des fourneaux de réverbères qui permettent de couler de grandes pièces, l'art de mouler en sable d'étuve y étaient inconnus. Aucune machine à allaiser les cylindres, aucun tour, enfin j'ai été obligé de tout créer. « Il est notoire que c'est seulement depuis que j'ai formé mes ateliers que l'on commence en France à exécuter les grandes machines avec une certaine précision. « Ces procédés que j'ai importés de l'étranger par des voyages dispendieux, ainsi que ceux que j'ai imaginés, je les ai propagés autant que je l'ai pu; jamais je n'ai eu rien de secret. On trouve ces procédés établis dans presque tous les établissements d'industrie répandus dans les départements de l'Empire français. J'ose donc croire avoir rendu quelque service à mon pays ». Périer tient à faire à Watt la part qui lui revient. Il n'entend point s'attribuer des mérites qui ne seraient pas les siens : « J e ne suis donc point l'inventeur des machines à vapeur, mais je suis le créateur de cette branche d'industrie en France. Elle n'existait pas avant moi. Au moment où j'ai commencé à m'en occuper, il n'y avait que quelques-unes de ces machines près Valenciennes ; elles étaient sur l'ancien principe et telles qu'elles sont décrites dans Bélidor; elles avaient été importées d'Angleterre; je suis encore presque le seul qui en ait construit ». Malheureusement les machines à vapeur n'ont pas rencontré en France le succès qu'elles méritaient. Faute de clairvoyance, on n'a pas su les employer dans bien des entreprises où elles auraient rendu les plus grands services. « Si le canal de Saint-Quentin eût été construit sur ce principe, il

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aurait coûté dix millions de moins et serait en pleine navigation depuis dix ans; on n'avait pas à craindre que la consommation journalière des machines fût un obstacle à cette spéculation; la principale destination de ce canal est le transport des charbons de la Belgique et un modique droit payé en nature par chaque bateau chargé de ce combustible aurait alimenté de reste ces machines ». Veut-on un exemple concret? En voici un de fraîche date et que Périer emprunte à sa pratique d'ingénieur. « Appelé l'année dernière 1809 en Hollande pour donner mon avis sur des dessèchements projetés, j'ai démontré que ces dessèchements s'exécuteraient avec infiniment plus d'économie par des machines à vapeur que par les moulins à vent que l'on est dans l'usage d'employer à cette opération. Une machine à vapeur de 60 pouces de diamètre comme celles de Chaillot qui fournissent de l'eau à Paris, mais à double effet, élèverait 20 000 toises cubes d'eau dans vingt-quatre heures, à la hauteur nécessaire pour ces dessèchements; elle ferait autant d'effet que trente moulins; ces moulins, d'après les informations qui m'ont été données, coûteraient dans ce moment environ deux millions; la machine coûterait toute établie deux cent mille francs ; il y a donc sur le capital à employer neuf dixième d'économie. Il est bien vrai que les machines à vapeur nécessitent une consommation journalière, pendant que le vent ne coûte rien ; mais cette dépense, de telle manière qu'on la calcule, n'équivaut pas à l'intérêt du capital économisé et lors même qu'elle serait égale, il vaut mieux dépenser la rente que le capital ». Périer termine en observant qu'une fois le dessèchement terminé, il suffirait de faire marcher les machines à vapeur par intermittence, de sorte qu'elles ne consommeraient de charbon qu'autant qu'on aurait besoin d'elles. Pour finir le mémoire l'auteur énumère quelques-unes de ses réalisations les plus significatives. Périer n'est alors qu'à huit ans du terme de son existence et il a accompli depuis longtemps le plus important de son œuvre. Aussi est-il significatif que se refusant à parler de toutes ses réalisations, il cite pourtant ce qui lui tient le plus à cœur : quatre fonderies, Chaillot d'abord! puis le Creusot, Indret et Liège; les pompes à feu de Paris, les moulins de l'Ile des Cygnes; et pour finir, six filatures de coton. « Depuis dix ans j'ai fait des applications heureuses et nouvelles de la machine à vapeur. J e l'ai employée à monter le charbon des mines. Ce combustible se tire des fosses qui ont six cents et douze cents pieds de profondeur; on employait à cette extraction un nombre de chevaux considérable qui sont retournés à l'agriculture et au commerce : plus de quarante de ces machines que j'ai faites attestent leur succès. « J ' a i établi une grande fonderie à Liège pour l'artillerie de la marine ; vingt-six foreries de canons sont mues par ces machines. Cette fonderie, qui a fourni dans une année 637 pièces de canons qui ont armé la flotte d'Anvers, n'aurait pu se construire sans ces utiles machines, puisqu'aucun

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cours d'eau dans ce lieu n'aurait pu donner le mouvement à toutes ces foreries. « Je m'occupe dans ce moment d'une autre application de ce moteur universel, qui n'aura pas moins de succès. Il existe en France des forêts dont l'extraction des bois est difficile et quelquefois impossible. J'ai composé une machine à vapeur facile à démonter et à transporter qui s'établira dans les coupes de ces forêts pour exploiter en bois de sciage ceux que l'on ne pourrait extraire autrement. Cette machine m'est demandée pour les bois qui entourent Bayonne. Elle se multipliera sans doute lorsque l'on en connaîtra les avantages. « Je ne présenterai point ici l'énumération des nombreux établissements que j'ai formés pendant quarante années de travaux : les fonderies de Chaillot, du Creusot, d'Indret, de Liège; les machines qui fournissent de l'eau à Paris, les moulins à vapeur de l'Ile des Cygnes, six grands établissements de filature de coton et une infinité d'autres, attestent que ma vie n'a pas été oisive. « Je dois déclarer ici que mon frère a constamment coopéré à tous mes travaux et qu'il s'est rendu particulièrement utile par les moyens qu'il a donnés et sa surveillance pour la bonne exécution de nos machines. » Dans ce mémoire Périer, certes, parle d'or. Mais pouvait-il être vraiment entendu? Il était trop tard et pour l'Empire et pour Périer. Tandis que le régime, à partir de 1812, s'abîme dans les désastres, Périer, qui devient cette année même septuagénaire, va voir sa propre santé se détériorer de plus en plus. Nous allons constater, en étudiant l'affaire des pompes de Marly, que sa pensée technique peut ne plus sembler tout à fait à jour, non seulement pour son époque mais même pour son pays. E t lorsque la Restauration apportera à son début du moins, des conditions plus favorables au développement industriel, Périer, qui n'aura plus que trois ans à vivre, sera définitivement hors de course. U échec du projet de Marly « D e 1808 à 1812, les Périer établissent deux grandes machines à vapeur à Marly à côté des fameuses pompes hydrauliques, moyennant 3oo 000 francs », a noté Charles B a l l o t C e l a n'est pas tout à fait exact et Marzy indiquait plus correctement dès 1868 : « En 1807, on commença l'exécution d'un projet présenté par les frères Périer pour élever toutes les eaux avec deux machines à vapeur; mais les travaux ne tardèrent pas à être abandonnés » 2 . On a la chance d'être renseigné sur les péripéties de cette affaire par un texte dû à Périer lui-même, et sans doute le plus développé qui soit jamais sorti de la plume du mécanicien. Ce texte a été imprimé, à une 1. B A L L O T , op.

2. E.

MARZY,

cit.,

p.

412-

L'hydraulique, Paris, 1868, pp. 270-271.

2l6

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date qui n'est pas exactement connue, mais certainement postérieure à 1811. En effet une première édition fut détruite par ordre du pouvoir impérial dans le courant de cette année 1 . Il faut noter l'importance du marché. Trois cent mille francs, c'est le tiers de ce que vaut la fonderie de Chaillot, c'est la moitié des avances reçues par Périer pendant la durée de l'Empire. La nécessité d'un appui officiel aussi efficace n'est certes pas autre chose qu'un témoignage de la situation naturellement médiocre de la grosse industrie à cette époque. Mais il faut mettre ici au crédit des officiels leur évident désir de bien faire, tout en s'étonnant du caractère peu judicieux de leur choix : commande essentiellement somptuaire et vis-à-vis de Périer pure commande de soutien, car quoi de plus inutile à l'économie du pays, il y a cent soixante ans, que les grandes eaux de Versailles? La suite le montrera trop bien : vienne la moindre difficulté, et le gouvernement s'empressera de se désintéresser du projet. Pour Périer, c'est une catastrophe; aussi tente-t-il de protester, mais on étouffe impitoyablement sa voix. S'il obtient en fin de compte d'être plus convenablement traité, c'est sans doute grâce à de puissantes protections. Suivons maintenant le récit des événements, grâce au texte de Périer. En 1807, il fut une fois encore question de remplacer la machine élévatoire de Marly, où fonctionnait toujours l'installation de Louis XIV. Périer établit un projet, daté du 24 octobre 1807, et le présenta au gouvernement, c'est-à-dire au ministre de l'Intérieur Cretet, comte de Champmol. Excellente en son temps, la vieille machine de Marly, avec ses i4 roues actionnant 253 pistons dont un certain nombre se trouvaient à flanc de montagne, fort loin du moteur, était au début du x i x e siècle à la fois vétusté et périmée, onéreuse et peu efficace. Périer proposait de la remplacer par des pompes à vapeur. Au lieu de la conduite forcée gravissant la montagne de Marly il voulait creuser un tunnel, recevant l'eau de la Seine et terminé par un puits débouchant auprès de la tour de l'aqueduc. Au-dessus de ce puits, une machine à vapeur aurait actionné des jeux de pompes élevant l'eau depuis le fond du puits jusqu'au sommet de la tour. Pour éviter de donner une trop grande longueur au tunnel, Périer voulait le faire partir non du niveau de l'eau, mais du premier puisard intermédiaire, déjà établi par Louis XIV « à i5o pieds de hauteur perpendiculaire et 100 toises de distance du chemin ». Une machine à vapeur auxiliaire placée au niveau du fleuve aurait refoulé l'eau jusqu'à ce premier puisard. Dans son avant-projet du 24 octobre 1807, Périer estimait la dépense à environ 3 80 000 fr. non compris « les machines à monter le charbon, les chemins de fer et les chariots destinés à cet objet ». Le projet ayant été agréé par le ministère de l'Intérieur, Périer établit un devis descriptif et estimatif, où le prix tomba à 300 000 fr. Ce devis fit l'objet d'un 1. P É R I E R , Mémoires sur la machine de Marly. II semble que le seul exemplaire conservé de ce texte soit celui de la Bibliothèque du C.N.A.M., cote 4° Di 1 (5).

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marché du 16 mai 1808. Il était entendu que les machines de Périer devaient être faites et prêtes à poser le i e r août 1809 et qu'à cette époque elles devaient être complètement payées. A la date où nous sommes, Mollien a remplacé depuis deux ans Barbé-Marbois au ministère du Trésor Public; il fait sans doute bénéficier son ancien associé Périer des bienfaits de sa protection. En août 1810, deux ans et trois mois après la signature du marché, nous voyons Périer présenter au nouveau ministre, Montalivet, des « observations sur les travaux relatifs au placement des machines à vapeur de Marly ». Voici ce qu'il relate. En 1808, il venait d'être gravement malade ; sur le désir du ministre, il avait renoncé à faire les travaux de terrassement et de construction nécessaires au placement des machines, et les Ponts et Chaussées en avaient été chargés. Plus de deux ans après, si les terrassements étaient commencés, rien n'était encore construit et Périer se plaignait amèrement de voir les machines encombrer ses ateliers dont il avait besoin pour d'autres constructions. Devant la lenteur et le coût des travaux, le ministre avait nommé un conseil pour statuer sur le sort de l'entreprise; en attendant sa décision, les travaux étaient suspendus. Où en étaient exactement les terrassements? La prise d'eau de la rivière était faite, ainsi que les excavations pour le bâtiment de la machine à vapeur inférieure. La galerie souterraine (entre le premier puisard et la tour) était faite sur la moitié de sa longueur. Trois des quatre puits intermédiaires de déblaiement étaient poussés à toute leur profondeur, un seul était achevé. Quant au puits définitif qui devait s'ouvrir au pied de la tour de l'aqueduc, il avait été manqué. En commençant le percement, on avait trouvé des sables et de l'eau, ce à quoi on aurait dû s'attendre en observant les puits de Louveciennes ; au lieu alors de continuer activement, on avait abandonné le travail pendant plus de six mois, les sables s'étaient éboulés, il s'était formé des vides autour de la fouille, et la tour avait failli s'écrouler! Périer présentait encore diverses critiques sur des points de détail (pierre de taille trop luxueuse, trop belles baraques pour les ouvriers : autant de prodigalités inutiles) ; il proposait divers moyens de terminer aux moindres frais, s'efforçant surtout de démontrer qu'il eût été déraisonnable de revenir à la machine hydraulique. Ses observations se terminent sur cette conclusion aigre-douce : « J'entrerai dans tous les détails de construction de cet établissement si le Conseil nommé par Son Excellence me fait l'honneur de m'appeler ». Périer n'obtint pas ce qu'il désirait. Les machines restèrent dans ses ateliers et il ne fut pas appelé à prendre la direction des travaux de Marly. Faute de voir exécuter son marché, il reçut en 1810, du gouvernement, une avance de 260 000 francs ce qui avec celle de 4o 000 reçue en 1807, en porte le total au montant du marché. Mais la situation 1.

Sur les avances faites par le gouvernement impérial à Périer :

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ainsi créée est bien différente de celle qui aurait suivi un payement véritable, aussi Périer va-t-il continuer à protester. Le 16 janvier 1811, il présente un nouveau mémoire qui révèle un fort mécontentement : « Il était juste, il était nécessaire que je fusse entendu. Malgré mes instances et mes demandes réitérées, je n'ai pu obtenir cette faveur; je n'ai été appelé qu'à la dernière assemblée de cette Commission (nommée par le ministre), pour entendre la lecture du rapport qu'elle a fait... Je n'ai qu'une connaissance très imparfaite de la décision qui a été prise et dont je n'ai reçu aucune notification officielle; la lecture rapide que j'ai entendue... », etc. Périer renonce à présent aux quelques précautions de langage dont il usait encore l'été précédent. Le traité de 1808, dit-il, « m'imposait l'obligation de tenir mes machines prêtes à poser le i e r août 1809, et je l'ai rempli; par ce même traité le Ministre prenait l'engagement de me faire payer tous les trois mois un à-compte de l\o 000 francs et de solder mon payement à cette époque; cet engagement n'a point été rempli. J'ai compté sur l'exécution littérale d'un acte aussi authentique. Si j'eusse pu penser que la partie accessoire de mon projet, qui était les travaux de terrasse et de maçonnerie nécessaires pour placer les machines dût renverser et annuler la principale, je n'aurais pas consenti qu'un autre que moi en fût chargé ». Qui en avait été chargé, en effet? Le directeur de la machine de Marly, nommé Bralle, ingénieur des Ponts et Chaussées. A u x termes du traité, il aurait dû se concerter sans cesse avec Périer. S'il ne l'a pas fait, n'est-ce pas qu'il avait intérêt à faire échouer l'entreprise : « Il ne paraissait pas d'ailleurs naturel de le voir diriger ces travaux, parce qu'ayant présenté une machine de son invention pour le même objet, il pouvait conserver l'espérance de la voir un jour adoptée et on ne devait pas attendre de lui le zèle et l'activité nécessaires. Cette réflexion tardive me fut faite par le ministre lui-même ». La Commission avait pensé qu'il suffirait d'établir au pied de la montagne une pompe foulante à vapeur; Périer s'insurgea contre cette proposition, déraisonnable selon lui : « Dans toutes les exploitations de mines de charbon... où les fosses ont de 600 à 1 200 pieds deprofondeur, jamais on ne donne au-delà de 120 pieds à chaque jeu de pompe; ces pompes sont placées dans la fosse au-dessus l'une de l'autre et se versent l'eau ». Pour avoir voulu à Montrelais faire monter 4oo pieds d'un seul jet à l'eau de sa mine de charbon, Borda avait jadis, avant la Révolution essuyé bien des mécomptes : « Je lui fournissais toute l'année des renouvellements de pistons, clapets et chapelles de pompes; il a fini par renoncer à cette mauvaise méthode et il a adopté le système des répétitions de pompes ». Or, on le sait par un rapport de Prony, Carnot et Poisson en date du 8 décembre 1814 1 , un mécanisme dû à Brunet avait été installé à titre 1. Bull. Soc. Enc., X I V , i8i5, p. 75.

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expérimental à Marly en 1806 pour refouler une partie de l'eau d'un seul jet jusqu'en h a u t de la colline et fonctionnait encore parfaitement au bout de plus de huit ans. Après la chute de Napoléon et la mort de Périer, une installation analogue sera réalisée sans difficulté. Mais le vieil ingénieur ne veut à aucun prix entendre parler d'une telle disposition. « L'expérience de M. Brunet qui, dit-on, monta (ceci s'écrit le 16 janvier 1811; il faudrait donc dire : monte) l'eau à Marly d'un seul jet sur l'aqueduc, ne fera pas changer mon opinion sur cela. Sa pompe a 4 pouces de diamètre, son piston n'est chargé que d'une colonne d'eau qui pèse 3 000 livres. Il est mené par une manivelle qui lui fait donner trois à quatre coups au plus par minute. La manivelle a l'avantage de ralentir la vitesse du piston aux deux extrémités de sa course, en sorte que la retombée des clapets du piston s'opère doucement. La machine à vapeur dont les mouvements sont brusques et qui a une grande vitesse n'a pas cet avantage. Elle donne dix et douze coups de piston dans le même temps. Si la pompe de M. Brunet était appliquée à une machine à vapeur, elle ne marcherait pas quatre jours. A bien plus forte raison si les pistons avaient dix à douze fois plus de surface. » Périer, sous le rapport de la pensée technique, est donc devenu un homme du passé. Les temps de la pompe à feu de Chaillot et des moulins de l'île des Cygnes sont bien loin. Il est ici aveugle, sinon de mauvaise foi. Qui l'empêchait d'employer des pompes lentes, de faible diamètre, à longue course, et multiples? Qui l'empêchait de profiter des bienfaits de la manivelle en faisant aller ses pompes au moyen d'une machine de rotation, par l'intermédiaire d'une démultiplication au besoin? Ne l'a-t-on pas fait immédiatement après lui? E n fait, en 1807-1808 il était incapable sans doute d'imaginer que l'on p û t faire aller les pompes autrement que dans sa jeunesse, c'est-à-dire avec « l'attirail » des chaînes et du balancier. Maintenant il se cramponne à son projet avec toute l'énergie d'un homme pour qui 3oo 000 francs sont en jeu. Mais peut-il encore garder des illusions sur la valeur réelle de ses machines? N'ayons pas la témérité de nous poser de semblables questions. E t notre ingénieur termine son mémoire avec des phrases où il donne libre cours à toute son acrimonie : « J e n'ai eu besoin d'aucun secours étranger ni d'aucun ingénieur ou architecte, lorsque j'ai construit l'établissement des eaux de Paris qui présentait beaucoup de difficultés; celui du Gros-Caillou; les moulins à vapeur de l'île des Cygnes, la fonderie du Creusot, celle de Liège, etc. etc. J e pouvais donc me charger de même de celui-ci; mais mon âge avancé et le mauvais état de ma santé, qui avait altéré considérablement mes forces physiques, me firent penser qu'un ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussées, qui se concerterait avec moi et qui ne rougirait pas de prendre des avis d'un membre de l'Institut et de l'Académie des Sciences depuis vingt-huit ans, me serait utile et m'éviterait la peine de gravir la montagne de Marly aussi souvent qu'il était nécessaire pour conduire les t r a v a u x ».

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Périer propose que les travaux soient continués sous sa direction, mais il le fait en termes fort vifs : « Si l'inexpérience, la profusion et peut-être des motifs de malveillance que j'ai droit de soupçonner ont dirigé ces premiers travaux, ce n'est pas une raison pour les continuer d'une manière aussi dispendieuse et aussi maladroite »; et il en vient pour terminer à un véritable ultimatum : « Je dois prévenir Son Excellence le Ministre de l'Intérieur que dans le cas où Elle persisterait dans le projet d'élever l'eau d'un seul jet depuis la rivière jusque sur la tour, alors je ne me mêlerais plus de rien, ne voulant pas à la fin de ma carrière détruire une réputation acquise par quarante ans de travaux et de succès. Il me restera de supplier son Excellence de faire prendre livraison des machines, de me payer suivant les stipulations de mon marché et de les faire enlever dans le plus court délai ». Régler 3oo ooo francs en janvier 1811, en pleine crise, c'était bien la dernière des choses que le gouvernement entendait faire. Périer voulut alors sans doute entamer une action judiciaire contre l'administration, et il fit imprimer son marché suivi de ses deux mémoires revendicatifs. Mal lui en prit. Une note placée en tête de l'édition définitive nous apprend ceci : « J'ai livré ce mémoire à l'impression en mai 1811 ; il a été revêtu de la permission de la censure. Un ordre supérieur dont je n'ai pu connaître le motif en a arrêté l'impression et fait briser les planches ». De quel échelon exact de la hiérarchie impériale émanait cet « ordre supérieur »? Étant donné l'importance de la somme, il est vraisemblable que Montalivet en ait référé à Napoléon lui-même. Que celui-ci ait alors brièvement déclaré qu'on ne payerait pas, et c'en était assez pour déclencher une procédure arbitraire où l'on ne saurait, croyons-nous, méconnaître la lourde poigne du duc de Rovigo, successeur de Fouché l'année précédente. Pourtant Périer finit par obtenir gain de cause, probablement grâce à Mollien. Le mémoire put paraître et on prit livraison des machines ce qui, du reste ne fit pas encaisser un sou à Périer, car tout le montant du marché servit à rembourser le prêt de 4o 000 francs datant de 1807 et celui de 260 000 francs accordé en 1 8 1 0 2 . Comme il n'en résultait pour Périer qu'une amélioration en quelque sorte négative de sa situation, un prêt de 3oo 000 francs lui f u t même accordé dès 1811 3 . Ce retourne1. Le 3o juin 1812, le matériel prévu pour Marly n'apparaît pas dans la liste des objets fabriqués, lorsqu'on dresse l'inventaire consécutif à la mort de M m e Périer (Archives Nationales, Minutier Central, étude XCI, liasse i5o4). 2. B A L L O T , op.

cit.,

p.

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3. Ibid. MOLLIEN était très hostile au principe de ces avances, dont le montant atteignit dix-huit millions en deux ans ; mais toutes les demandes lui passaient entre les mains : « C'était par l'intermédiaire du ministre de l'Intérieur qu'elles parvenaient à Napoléon, mais ce ministre se bornait à les présenter et à les appuyer de son suffrage; c'était son rôle, puisqu'il avait le patronage nominal du Commerce. Le soin d'effectuer les prêts, d'en stipuler les conditions, d'en exiger régulièrement les garanties, ne pouvait concerner que le Trésor public. Je me trouvais donc

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ment est trop soudain pour ne pas avoir été provoqué par l'intervention du ministre du Trésor Public. Mais les machines acceptées ne furent pas utilisées pour Marly. L'Intendant des Bâtiments de la Couronne les fera mettre en vente le 25 novembre 1818, peu après la mort de l'ingénieur. En examinant le marché de 1808, nous allons en effet constater l'identité du matériel décrit avec celui qui sera mis en vente dix ans plus tard, sans spécification de destination, mais en indiquant toutefois qu'il s'agit de produits de la fabrique de Périer. La première machine, nous dit Périer dans son marché, devait être placée au bas de la montagne, dans le terrain dépendant de la machine alors existante « où se trouve le logement de l'inspecteur et du Suisse ». Il s'agissait d'une machine à double effet ayant 36 pouces de diamètre au cylindre. Périer estimait que cette machine à double effet devait revenir, sans les chaudières, à 80 000 francs. L'année précédente en 1807, il l'avait évaluée à 15o 000, mais y compris deux chaudières en cuivre, et en comptant que le cylindre et les pompes seraient également en cuivre. Aucune précision n'étant donnée sur ce dernier point dans le devis estimatif de 1808, il faut en conclure que le ministre avait prescrit l'emploi d'un métal moins onéreux. La course du piston n'est indiquée nulle part; la consommation de charbon prévue était de 9 072 livres par jour; la pompe élévatoire avait deux cylindres ayant chacun i4 pouces de diamètre et une course de 5 pieds. Comme en général les bras du balancier sont égaux, ce devait être là également la longueur de course de la machine à vapeur. La seconde machine était à placer dans la tour, au haut de la montagne, en tête de l'aqueduc. Cette machine devait être à simple effet. Son cylindre à vapeur devait avoir 60 pouces de diamètre. Dans le puits qui devait être creusé sous la tour et dont la profondeur pourrait être évaluée à environ 60 toises, il devait y avoir quatre jeux de pompes superposés, de i4 pouces de diamètre. Cette machine à vapeur de 60 pouces devait revenir à 100 0000 francs. Le corps de pompe avait 8 pieds, ce qui est sans doute aussi la course du piston moteur. Enfin, dernière précision : « Les tuyaux seront en fonte du diamètre de i5 pouces et auront de 6 à 8 pieds de longueur; ils seront réunis par 8 boulons avec leurs écroux; entre eux on mettra des rondelles de plomb garnies de flanelle goudronnée ». Or une affiche conservée aux Archives de la Seine 1 nous apprend que condamné à cette journalière et douloureuse revue des plaies du commerce à l'égard duquel des prêts, et des prêts faits en deniers publics destinés à d'autres dépenses, n'étaient au lieu d'un remède qu'un atermoiement, pour une plus rude agonie » [Mémoires d'un ministre du Trésor, t. III, p. 20). 1. Archives de la Seine, 6 AZ 188 pièce 2. Dossier. Voir également dans le même dépôt, DQ 10-367, des pièces relatives à d'obscures tractations qui eurent lieu jusqu'à 1824 entre les Domaines et le Ministère de l'Intérieur, les premiers réclamant

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le 25 novembre 1818, l'Intendance des Bâtiments de la Couronne, dépendant de la Maison du Roi, fit mettre en vente les articles suivants, provenant de la fabrique de Périer : — Une machine à feu à double effet, diamètre au cylindre 0 , 9 7 5 m, ou 36 pouces, avec deux pompes aspirantes et foulantes, calibre 0 , 3 7 9 m > ou i4 pouces. — Une machine à feu à simple effet, diamètre au cylindre 1,624, ou 60 pouces, avec quatre pompes aspirantes et foulantes en dépendant, calibre 0,379 m ou i4 pouces. — De plus, 1 2 6 tuyaux en fonte, mesurant 2,60 m de long et 0 , 3 7 9 m de diamètre pesant 9 0 7 7 5 kg; avec 1 1 1 7 boulons en fer forgé pour les assembler et un moule en cuivre pour couler les rondelles de jonction. Aucun doute n'est permis. Il s'agit du matériel exécuté pour Marly. Les caractéristiques des machines à vapeur, des pompes, des conduites, le nombre approximatif des boulons et même l'allusion aux rondelles de jonction, tout est absolument concordant dans la brochure de Périer et dans l'affiche. Pourquoi cette vente à l'encan? C'est qu'il s'agissait d'un matériel périmé. Depuis I8I5, nous l'avons déjà dit, les Français avaient réappris à connaître les produits de l'industrie anglaise, et les machines de Périer, figées dans la même forme depuis trente ans, n'étaient plus que des curiosités archéologiques. Aussi quand le gouvernement des Bourbons acheva à Marly ce dont l'Empire n'avait pu venir à bout, il le fit avec un matériel tout autre que celui prévu par Périer. C'est l'année même de la mort de celui-ci que la suppression de l'ancienne machine fut décidée. Dès mars 1818, la Commission nommée par le baron Mounier, intendant des Bâtiments de la Couronne, commence à se réunir 1 . au second le montant de l'avance de 1807, qu'ils avaient versée. En fin de compte, le ministre des Finances de Villèle jugea le 23 avril 1822 que Périer s'était libéré par compensation à due concurrence avec ce qui lui était dû pour les travaux faits à Marly. Le ministre de l'Intérieur s'étant substitué à Périer comme débiteur de la Caisse d'Amortissement du Domaine extraordinaire, la créance ne pouvait plus être répétée à la succession Périer, ni au ministère de l'Intérieur qui n'avait pas de crédit sur lequel il pût l'imputer. Villèle fit donc savoir le 28 août 1824 qu'il faisait effectuer la radiation de la créance sur le sommier du Domaine extraordinaire. Il est amusant de noter, qu'en 1820, le ministère de l'Intérieur s'était révélé incapable d'indiquer aux Domaines si les machines avaient été fournies, ou non. I . Jean-Nicolas-Pierre H A C H E T T E , Histoire des machines à vapeur depuis leur origine jusqu'à nos jours, Paris, l83o. Sur la machine de Marly, pp. II3-II5 (voir ce texte aux pièces justificatives); sur le voyage en Angleterre, p. I32. Les renseignements sur F.-C. Cécile sont donnés par : René T R E S S E , « Le Bureau de Dessin du Conservatoire des Arts et Métiers », Techniques et Civilisations, n° 27, 1956, p. 95. Cinq photographies originales de cette machine depuis longtemps disparue ont été présentées à l'Exposition Universelle de 1900 et sont aujourd'hui conservées au Musée du C.N.A.M., n° d'inventaire i3 397-2 4i3. 1 bis. Deux d'entre elles ont été publiées par E U D E , Histoire documentaire de la mécanique française, pp. 83 et 84-

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Le 20 avril 1819, nous trouvons en Angleterre, où ils font un voyage d'études, l'illustre Hachette, professeur à Polytechnique, accompagné de F. C. Cécile et de L. Martin, les deux futurs réalisateurs de la nouvelle machine de Marly. Martin n'est autre que le mécanicien qui en 1809 avait partagé avec Albert le prix de la Société d'Encouragement pour les petites machines à feu. Cécile, architecte, sorti de l'ancienne Académie d'Architecture, avait dirigé les fabrications d'artillerie chez Périer. De 1797 à 1822, il appartint au Conservatoire des Arts et Métiers; dès 1812, il avait été nommé directeur de la machine de Marly. Mettant à profit les enseignements reçus en Angleterre, Cécile et Martin achèvent rapidement leur projet. Ils le soumettent à la Commission, qui par la voix d'Hachette, que nous retrouvons ici, et de notre vieille connaissance Prony, donne le feu vert aux travaux en juin 1820. Le service des eaux par la nouvelle machine à vapeur commencera en mars 1826. La machine à vapeur fut exécutée au Creusot; elle portait sur le cylindre l'inscription « Cette machine a été exécutée aux ateliers du Creusot en 1823. Louis Martin, mécanicien français ». A basse pression, elle était d'une force de 64 chevaux et brûlait 5 kg de charbon par cheval et par heure, ce qui était la consommation normale des bonnes machines de Watt. Elle élevait d'un seul jet — chose dont Périer avait dit et répété qu'elle était impossible — 1 520 m 3 d'eau par 24 heures à la hauteur verticale de 162 mètres. C'est pour la recevoir que fut construit le joli bâtiment encore visible aujourd'hui, quoique vide, sur la gauche de la route lorsqu'on laisse Paris derrière soi. On sait en effet que Napoléon I I I en était revenu au système des roues hydrauliques, en faisant construire la machine récemment supprimée.

Ultime déclin, vente et transformation de la fonderie de Chaillot Au début de ce chapitre nous avons déjà cité l'inventaire mobilier de la fonderie de Chaillot fait en 1812, pour noter que l'état du matériel à cette époque dénotait à tout le moins une absence inquiétante d'évolution. Il faut y revenir à présent pour insister sur le petit nombre des objets fabriqués ou en fabrication existant dans l'usine à cette date de 1812 1 . Du côté des machines à vapeur, la seule commande en cours d'exécution est une machine à feu de 21 pouces, « pour Liège »; à moitié faite, elle est cependant estimée 9 000 francs. Il y a aussi deux machines de rotation à double effet, de 16 pouces, mais elles sont « faites d'avance, sans destination ». Elles ne sont inscrites que pour 3 000 francs chacune, n'ayant ni chaudière ni bâche. Signalons encore une chaudière de 574 kg, estimée 1 i48 F au poids, c'est-à-dire 2 F le kilo. Elle doit 1. Archives Nationales, Minutier Central, étude X C I , liasse 1 5o4, 3o juin 1 8 1 2 .

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être en fer, car les planches de laiton v a l e n t u n peu plus de 3 F au kilog et celles de cuivre rouge 4>5o F . Faut-il relever à côté de ces machines la présence de 200 kg de robinets et de 60 kg de soupapes, le t o u t en cuivre, à 4 F le kilog, soit 1 0/40 francs? Il semble en effet qu'il s'agit de pièces de machines à vapeur. Les articles les plus i m p o r t a n t s après cela sont des métiers à filer le coton; il y en a sept, mais ils semblent n'avoir pas non plus de destination. Ils se divisent en d e u x continus (« trossel », p o u r throstle) de 72 broches chacun, à demi construits et v a l a n t 6 francs la broche, soit 864 francs, d ' u n e p a r t ; de l'autre, cinq mule-jennys à moitié construites, à 4 F la broche; comme il y en a deux de 1 1 6 broches, d e u x de 192 et u n de 168, l'estimation totale a t t e i n t 3 936 francs. Il y a en outre u n b â t i de cardes à coton au 1 /3 de sa construction, v a l a n t i5o francs. Le reste pourra sembler affligeant : u n e bascule, 200 f r a n c s ; u n e machine hydraulique à 4 corps de pompes, « complète, sans destination, n ' e n trouvera peut-être pas de sitôt » : 3oo f r a n c s ; u n e pompe à incendie à deux corps, à demi construite, 3oo f r a n c s ; u n e pompe à incendie à brouette, 200 f r a n c s ; et enfin huit mécaniques p o u r cuvettes de lieux d'aisances, d o n t cinq seulement o n t leur vase en porcelaine, 48o francs. Voilà t o u t ce qui était en chantier chez Périer en 1812. L'outillage et les fournitures f o n t également l'objet de réflexions qui ne sont pas favorables. Sur u n e grande q u a n t i t é de limes, on en relève 5o douzaines « d o n t la plus grande partie est de la plus grande dimension et peu utile a u x t r a v a u x dans le m o m e n t actuel » ( 15o F) ; q u a n t a u x vis à bois de toutes les sortes mises ensemble, leur t o t a l a t t e i n t 120 grosses, mais « la plus forte partie est d'ancienne fabrique et de mauvaise qualité » (320 F). Il semble que l'activité de la m a n u f a c t u r e est restée à peu près nulle passé cette date. On p e u t seulement relever qu'Eugénie, fille de Périer, arrivant à Saint-Lubin le 2 décembre 1815, écrit à son père : « J ' a i été ce matin voir la pompe à feu de M. Corbillé. Il v a bien. Il a essayé plusieurs sortes de bois, et le petit bois est celui qui a le mieux réussi. Il en brûle trois cordes p a r jour (soit 11,52 stères; il ne s'agit pas d ' u n e petite machine). Il doit t'écrire la semaine prochaine » 1 . Peut-être cette machine était-elle d'installation encore récente? Lorsque la R e s t a u r a t i o n f u t définitivement établie, il se produisit dans le domaine qui nous intéresse, l'industrie des machines à vapeur, u n phénomène d'expansion brutale, auquel nous avons souvent été amenés à faire allusion, et que F. N. Mellet, t r a d u c t e u r du célèbre t r a i t é de Tredgold, caractérisera en i838 d ' u n e manière p a r f a i t e m e n t n e t t e . C o m p a r a n t la situation de la France et celle de l'Angleterre, il écrit : « La France, restée en arrière de ce grand m o u v e m e n t industriel parce que ses v œ u x et ses besoins étaient tournés vers u n e révolution sociale devenue indispensable, la France ne connut les progrès de son 1. Bibl. Historique de la Ville de Paris, ms. nouv. acq. 147, ff. 4 2 7

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suiv.

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émule qu'à l'époque du rétablissement des communications européennes, trop longtemps interrompues. A partir de I8I5, des entreprises se formèrent pour appliquer la vapeur à la navigation, aux t r a v a u x métallurgiques, a u x manufactures; des ateliers de construction s'élevèrent à Paris, à Lyon, à Nantes, à Bordeaux et dans les plus importantes de nos villes industrieuses ». L'étude de ce mouvement reste à écrire, et demande à l'être; elle ferait du reste probablement ressortir un ralentissement graduel de cette impulsion 1 , et il serait d'une grande importance d'en déterminer les causes; cela d ' a u t a n t plus que ce demi-avortement sur le plan technique n'a pas suffi à empêcher l'essor d'une réflexion scientifique particulièrement féconde sur les conditions de fonctionnement des machines à feu. On pense ici, bien sùr, à Carnot; mais on ne doit pas oublier qu'un Clapeyron a pu être, seulement dix ans plus tard, assez sensibilisé au message apporté par les Réflexions sur la puissance motrice du feu, pour croire nécessaire de leur donner une seconde fois la publicité, non sans leur ajouter d'utiles prolongements 2 . L'un des épisodes de cet essor de la vapeur en France après i 8 i 5 est la venue d ' H u m p h r e y Edwards, qui importa sur le continent la machine alors appelée à double expansion, dite compound en langage moderne. E n 1783 un certain Hornblower avait déjà pris pour un dispositif de ce genre un brevet qui, un moment, avait inquiété W a t t . Mais les très basses pressions en usage à l'époque rendaient bien inutile le recours à la double expansion. Une vingtaine d'années après, en revanche, la chose commençait à prendre un certain intérêt, car on se préoccupait d'employer des pressions plus hautes. Woolf prit un brevet en 1802. Mais on connaissait mal le comportement de la vapeur d'eau sous des pressions et des températures élevées, et Woolf eut beaucoup de mal à mettre sa machine au point. Après des déboires initiaux, il s'était associé avec Humphrey Edwards. C'est alors que f u t réalisée une 1. TREDOOLD, Traité des machines à vapeur, 2 E édition, i838, p. viij. Le traducteur enchaîne aussitôt pour faire remarquer qu'à l'époque où il écrit on est encore obligé d'importer d'Angleterre beaucoup de machines à vapeur : « Soit que nos constructeurs en trop petit nombre n'aient pu suffire aux demandes; soit que les difficultés d'un art aussi complexe et encore peu connu éloignent les concurrents de cette carrière; soit enfin que les acquéreurs de machines craignent de faire à leurs dépens l'apprentissage des nouveaux mécaniciens ». La raison indiquée la dernière est probablement, dans la pensée de l'auteur, la plus forte. Il faut noter qu'Auguste Comte n'avait pas dédaigné d'apporter son concours à ce travail de traduction. 2. E. CLAPEYRON. « Mémoire sur la puissance motrice de la chaleur », Journal de l'École Royale Polytechnique, X I V , 2E cahier, 1834, PP- i53-igo, avec planche (c'est la première apparition du diagramme représentatif du travail). Nous avons rappelé ailleurs (M. DAUMAS, Histoire Générale des Techniques, t. I I I à paraître aux Presses Universitaires de France en 1969) les travaux exécutés par Arago et Dulong de 1824 à 1829 en vue de rendre possible l'exécution de l'ordonnance royale du 29 octobre 1823, prescrivant entre autres l'usage sur les chaudières à vapeur de bouchons fusibles réglés pour céder à la température correspondant au timbre.

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machine compound de rendement intéressant. Mais la société prit fin en 1811, Woolf étant d'un caractère extrêmement difficile. Edwards passa en France en I8I5 Son brevet français date du 17 mai de cette année. En 1817, nous le trouvons installé à Paris 15, rue des Marais dans le Faubourg du Temple. Molard rend un rapport sur une de ses machines installée 95, rue de Charonne chez le manufacturier Richard et servant à actionner une machine à carder la laine. On peut dans ce rapport lire ce qui suit : « M. Edwards a déjà construit et importé en France depuis 2 ans, i5 de ses machines à vapeur de différentes dimensions, lesquelles sont établies aux mines d'Anzin, à Grillon, à Montargis, à Orléans, à Saint-Quentin, à Elbeuf, à Bolbec et à Paris, ainsi qu'il résulte des certificats des autorités qu'il nous a soumis. « Pour faire jouir plus promptement la France de ses machines, M. Edwards a autorisé la Cie des Mines d'Anzin à confectionner ellemême dans ses ateliers 25 machines à vapeur de rotation pour l'extraction de la houille; et il est disposé à donner une pareille autorisation à tous les mécaniciens français. « Il a formé pour ses propres ouvriers fondeurs un établissement aux forges et fourneaux de Dampierre appartenant à MM. Goupil et Cie, qui le secondent dans cette importante entreprise qu'il eût peut être été obligé d'abandonner sans leur secours. « Les travaux de M. Edwards et sa persévérance lui ont mérité des témoignages honorables de la protection du Gouvernement. Sa Majesté a daigné lui conférer les droits civils de citoyen français » 2. Comme on le voit, le mauvais état de la métallurgie française n'avait pas été sans paralyser quelque peu Edwards. On constate également qu'il avait su se mettre en excellents termes avec la Compagnie des Mines d'Anzin. L'administrateur de celle-ci était depuis longtemps AntoineScipion Périer (1776-1821), le frère du futur ministre Casimir Périer. C'est dès 1801 que la famille Périer de Grenoble avait acquis une part considérable des houillères d'Anzin. Scipion « y introduisit d'abord les machines à vapeur et ce fut le premier exemple donné en France d'un moyen d'exploitation qui a obtenu un si grand développement en Angleterre » s . Traduisons : c'est lui qui avait commandé à JacquesConstantin les machines d'extraction que celui-ci avait exécutées pour Anzin. Ainsi les deux Périer se connaissent-ils depuis longtemps. On possède une lettre écrite à Douai le 9 octobre 1809 4 , par laquelle J.-C. Périer prie Molard de remettre à Scipion un modèle de machine à aléser les cylindres qu'il avait déposé au Conservatoire des Arts et Métiers 1. Dickinson, A Short History of the Steam Engine, p. 100. 2. Bull. Soc. Enc., XVI, 1817, pp. 267-270. L'année suivante le même Bulletin publiera une importante description de la machine à vapeur d'Edwards (t. XVII» 1818, p p . 3 6 5 - 3 8 6 ) .

3. Degébando, « Éloge de Scipion Périer », Bull. Soc. Enc., X X , 1821, p. 118. 4. Archives du C.N.A.M., série 10, liasse 241.

L'ACTIVITÉ

DE LA MANUFACTURE

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en prairial an X I I I (mai-juin i8o5). Quand Scipion Périer m o u r r a en 1821, sa déclaration de succession révélera ses créances sur la terre de Saint-Lubin « dans les cantons de Dreux, E v r e u x et N o n n a n c o u r t a 1 . Il a p p a r a î t donc q u ' a u d é b u t de la Restauration Scipion est en relations étroites à la fois avec Edwards et Jacques-Constantin. Brasseur d'affaires et capitaliste, il avait les moyens matériels d'offrir à l'ingénieur anglais u n établissement confortable pour y effectuer ses fabrications : quel endroit pouvait être mieux choisi que la vieille et certainement encore célèbre fonderie de Chaillot, spacieuse, proche de Paris et qu'il suffisait de moderniser pour lui faire reprendre vie? Peut-être Jacques-Constantin manifesta-t-il u n e certaine répugnance à se défaire d ' u n établissement auquel, plus q u ' à aucune a u t r e de ses créations, il pouvait s'identifier. S'il avait vécu j u s q u ' e n octobre 1818, la fonderie de Chaillot aurait alors eu exactement q u a r a n t e ans. Cet établissement était antérieur même à la p o m p e à feu de Chaillot, et celle-ci n'avait-elle pas été arrachée au vieil ingénieur depuis déjà t r e n t e ans? Finalement, ce n'est que cinq mois et demi a v a n t sa m o r t , le 2 février 1818, que Jacques-Constantin, p a r u n e v e n t e sous seing privé 2 , accepte de livrer la fonderie de Chaillot a u x desseins de Scipion Périer et d ' E d wards, faisant ainsi presque ensemble ses adieux à la vie et à ce q u i a v a i t été l'âme de t o u t e son existence : la construction mécanique. « L'établissement n ' a point changé de n o m » note Delambre en 1818. « C'est u n premier avantage et d'ailleurs le n o u v e a u possesseur ne néglige rien p o u r en soutenir la r é p u t a t i o n » 3 . Malheureusement Scipion Périer d e v a i t mourir au b o u t de trois ans, en 1821, en pleine force de l'âge : il n ' a v a i t que quarante-cinq ans. Degérando, qui prononça son éloge d e v a n t la Société d ' E n c o u r a g e m e n t , rend certes h o m m a g e à ses efforts, mais se voit contraint de reconnaître qu'il n ' a pas eu le t e m p s de les mener à terme : « De grands obstacles ont jusqu'à ce jour contrarié en F r a n c e les efforts tentés p o u r la construction des machines à v a p e u r . On suppose que la qualité de nos fontes y est moins favorable que la fonte anglaise ». C'est u n n o u v e a u témoignage de l ' é t a t déplorable de la métallurgie française à la fin de l'Empire. « Scipion Périer ne négligea rien p o u r rendre a u x fonderies de Chaillot u n e nouvelle activité, p o u r en améliorer les produits, p o u r triompher des difficultés nombreuses q u ' o f f r e n t ces immenses constructions... Il n ' a v a i t commencé que depuis peu d'années, il lui en fallait plusieurs encore p o u r atteindre son b u t et achever son ouvrage. Il est d ' u n e h a u t e importance p o u r l'industrie française 1. Archives de la Seine, DQ 7-3 4io, 25 avril 1822. 2. Ibid.; ce document n'est autre que la déclaration de succession de Scipion Périer, où l'on peut lire qu'il avait acheté la fonderie de Chaillot par acte sous seing privé du 2 février 1818, enregistré le 4- Mais le registre correspondant des enregistrements d'actes sous seing privé (Arch. Seine DQ 7-2 718) ne porte pas trace de cet acte. C'est ainsi que le prix de vente à la date du 2 février 1818 ne nous est pas connu. 3.

DELAMBRE,

loc.

cit.,

p.

lxx.

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qu'on parvienne enfin à exécuter parmi nous avec le plus haut degré de perfection ces puissants moteurs, que sollicitent toutes nos exploitations et qui les multiplient à leur tour » 1 . Fort heureusement l'implantation d'Edwards à Chaillot survécut à la disparition prématurée du propriétaire de l'établissement. Dickinson a pu estimer que jusque vers i83o Edwards fabriquera à Paris environ 200 machines de Woolf. Après i833, il entama la production des locomotives en copiant la « Samson » de Robert Stephenson dont il avait fait venir un exemplaire. Un peu plus tard, les bâtiments de la fonderie de Chaillot furent annexés par une entreprise voisine, Derosne et Cail (i84o). C'est là que furent construites à partir de 1849 les fameuses machines Crampton. Jean-François Cail était resté seul en 1846, et il avait fondé une annexe sur le quai de Grenelle. En i865, un incendie détruisit les ateliers du quai de Billy qui furent réunis à leur annexe du quai de Grenelle. Cet incendie de 1865 marque donc la fin matérielle de la vieille fonderie de Chaillot 2 . En prononçant le 18 août 1818 l'oraison funèbre de Jacques-Constantin, Prony avait indiqué que « plus de cent machines à feu construites dans ces ateliers et répandues dans tout le royaume y font connaître et apprécier les avantages immenses de l'emploi économique de la force » 3 . Périer avait fait remarquer lui-même en 1810 qu'il y avait en France à peine deux cents machines à vapeur tant sur l'ancien principe que sur le nouveau En comparant ces deux indications, il est facile d'apprécier l'importance du rôle joué par la fonderie de Chaillot, puisqu'on peut dire que la moitié des machines à vapeur existant en France à la fin de l'Empire en étaient sorties.

1.

DEGÉRANDO,

hc.

cit.,

p.

120.

A Short History of the Steam Engine, p. 1 0 0 . — Charles D O L L F U S , Histoire de la locomotion terrestre, p. 8. T U R G A N , Les grandes mines de France, t. I I , 2.

I860,

DICKINSON, p.

i.

Funérailles de M. Périer, p. 2 - 3 . 4. Bull. Soc. Enc., IX, 1810, p. i63, note. 3.

PRONY,

CHAPITRE

VI

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Dans ce dernier chapitre, plus spécialement consacré à la seconde partie de la vie de Périer, nous dirons d'abord quelques mots de son activité comme membre de l'Institut de France, qui remplaça les anciennes Académies le i5 frimaire an IV (6 décembre 1795). Nous insisterons plus longuement ensuite sur ce qu'on pourrait appeler les objets de culture possédés par Périer : bibliothèque, tableaux, objets et modèles d'arts et métiers, enfin mécanique de précision et horlogerie; à travers les sèches listes des inventaires pourra, espérons-nous, transparaître quelque chose d'une figure de mécanicien cultivé de la fin du x v m e siècle. Enfin après un regard sur les dernières années du vieil homme malade et malheureux, nous prendrons congé de Périer sur une note moins mélancolique, en essayant de préciser brièvement ce qu'il convient de mettre à son actif; il sera facile d'en mesurer l'importance et d'apprécier également combien les circonstances, si elles n'ont pas empêché Périer d'être célèbre en son temps, ont nui à la conservation posthume de sa réputation. Périer à l'Académie des Sciences A la formation de l'Institut, Périer fut, dès la troisième séance (18 frimaire an IV-9 décembre 1795) élu membre de la section de mécanique de la première classe, celle des Sciences Physiques et Mathématiques. « Nommé de droit commissaire toutes les fois qu'il s'agissait de juger quelque invention nouvelle en mécanique, ses rapports, dont il s'occupait sans délai, étaient rédigés avec autant de netteté que d'impartialité » 1 . En effet Périer fut incomparablement plus actif comme membre de l'Institut qu'il ne l'avait été comme membre de l'Académie Royale des Sciences. De 1795 à 1815, il fut commissaire une quarantaine de fois, soit deux fois par an en moyenne. En revanche il ne fut que très rarement rapporteur. Il paraît le plus souvent aux côtés de Prony, Poisson, Delambre et surtout Desmarest. 1.

DELAMBRE,

« Notice sur la vie et les travaux de M. Périer », p. lxxij.

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Il y a donc peu à tirer de ces nombreux rapports en ce qui concerne Périer lui-même; on en trouvera la liste dans la chronologie que nous faisons figurer eii tête de notre travail. Les deux tiers de ces rapports concernent la mécanique en général; une douzaine sont relatifs à la filature, au tissage, ou à la bonneterie. Fait significatif, rien d'important n'y apparaît concernant la machine à vapeur. On accordera une mention spéciale au rapport rendu le 21 prairial an Y I I I sur les chefs-d'œuvre de tour de Barreau, pour la double raison que Périer lui-même fut cette fois rapporteur et que les pièces examinées ici existent encore : elles sont conservées au Musée du C.N.A.M. Périer signale que les moyens de réalisation employés par Barreau avaient été des plus simples ; l'artisan était d'une habileté prodigieuse, comme nous pouvons nous en convaincre aujourd'hui en examinant à notre tour cette étonnante collection Il faut signaler aussi une pièce conservée aux archives de l'Académie et qui sans être exactement un rapport constitue un document historique fort important. C'est un inventaire de vingt grandes pages, établi conjointement par Périer et Molard en date du 12 janvier 1807, et qui constitue « l'état des modèles, outils, instruments et machines donnés par l'Institut National de France au Conservatoire des Arts et Métiers en janvier 1807 » 2 . Il comprend 44 1 articles répartis en i4 chapitres : hydraulique, art du tourneur, tableaux mouvants représentant différents arts et métiers, agriculture et économie domestique, grues et cabestans, voitures et divers moyens de transport, serrures et cadenas, modèles de machines propres à divers usages dans les arts et métiers, modèles de métiers à filer, dévider et tisser, articles de tour en l'air, à l'archet, à guillocher et à portrait, imprimerie, modèles de construction de charpente et d'étude pour la coupe des pierres et la géométrie, art de l'horlogerie et enfin « machines propres à divers usages et provenant de dessous les combles du Louvre ». Molard et Montgolfier donnèrent quittance le même jour, en tant qu'administrateurs du Conservatoire des Arts et Métiers. C'est dire que l'inventaire avait été rédigé courant 1806. Une mention nous apprend qu'il était terminé le 29 décembre. Cette pièce, croyons-nous, mérite d'être étudiée à part. Elle peut contribuer à éclairer beaucoup l'histoire de la formation des collections 1. Académie des Sciences, Archives; registre des procès-verbaux et dossier de la séance. Musée du C.N.A.M., n° d'inventaire 104. 2. Ibid., dossier de la séance du 29 décembre 1806. L'inventaire est paraphé à chaque feuillet par Molard et Périer. Ce dernier a certainement été responsable de la rédaction de l'inventaire vis-à-vis de l'Académie. Molard en effet n'a pas appartenu à l'Ancienne Académie et n'est entré à l'Institut qu'en I8I5; Montgolfier, seulement correspondant à partir de 1783, n'entra à l'Institut que le 16 février 1807. Maindron donne une brève analyse de cet inventaire, sans signaler le rôle important joué par Périer dans sa rédaction (L'Académie des Sciences, p. I3I). Le texte est imprimé dans les Procès-Verbaux des séances de l'Académie, III, Hendaye, i g i 3 , pp. 477-486.

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du Musée du C.N.A.M.; mais son édition, qui se justifie probablement, ne peut être envisagée qu'après des recherches approfondies dans les collections elles-mêmes, dans les archives du Musée et dans les anciens catalogues de celui-ci, afin d'identifier les objets mentionnés et de déterminer quels sont ceux d'entre eux qui ont été conservés jusqu'à nos jours. L'ensemble des rapports dont s'est occupé Périer en tant que membre de l'Institut justifie la phrase prononcée par Prony dans son oraison funèbre; Périer, déclare-t-il, était « un homme qui n'a jamais parlé que de ce qu'il savait, qui n'a jamais fait que ce qu'il avait appris à faire » 1 . On ne saurait dire mieux. La bibliothèque d'un savant mécanicien La bibliothèque de Jacques-Constantin nous est connue d'après l'inventaire après décès du 27 août 1818 2 . Cette partie de l'inventaire f u t dressée par un libraire de la rue Dauphine, n° 18, nommé Bleuet. On peut supposer qu'il était spécialement compétent en ouvrages scientifiques et techniques. Ceux-ci, qui sont en majorité, semblent en effet avoir été décrits avec un soin particulier. Ce n'est pas à dire que Périer ne s'intéressait pas à la littérature et à l'histoire. A vrai dire, ses goûts d'historien semblent avoir été plus sérieux que ses goûts littéraires; la littérature devait être pour lui un passe-temps. Il ne possédait en effet aucun auteur classique, à part Voltaire, dont il avait « 46 volumes séparés... dont 26 de l'édition encadrée ». Bleuet nous signale ensuite : 58 volumes séparés de la Bibliothèque des Romans, depuis son origine en 1775 jusques et y compris avril 1787. — Des volumes séparés de l'Almanach des Muses, et opéras. — Des pièces de théâtre et romans, incomplets. — Les Étrennes du Parnasse, en n volumes in-18. — Le Journal de Littérature de 1778 à 1783. — Enfin : 32 volumes séparés du Mercure de France, depuis la réunion de ce journal en juin 1778 jusqu'au 3i décembre 1791, i55 volumes in-12 reliés et les six derniers mois en cahiers, incomplets du mois d'avril. Il faut y joindre encore I4I volumes dont les titres ne sont pas précisés, parce que semblant dépourvus de valeur et d'intérêt. On ne peut guère supposer que des auteurs importants s'y soient trouvés. Enregistrons donc l'absence de Jean-Jacques Rousseau, qui pourra sembler significative. Tournons-nous vers l'histoire et la politique. Les ouvrages semblent assez nombreux, mais Bleuet ne nous donne que de maigres détails. Avec des Almanachs royaux, on signale brièvement des livres sur l'économie politique, des livres sur la Révolution française, des règlements municipaux, des volumes séparés d'annales politiques. Ensuite, un peu mieux désignés : 18 volumes séparés de la collection des décrets 1. P R O N Y , Funérailles de M. Périer, p. 42. Archives Nationales, Minutier Central, étude XCI, liasse 1 574, 27 août 1818.

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et autres brochures sur la Révolution, 37 volumes séparés de l'Histoire universelle traduite de l'anglais par Letourneur, 55 volumes séparés du Journal des Causes célèbres par Des Essartz. Un dictionnaire anglais, par Boyer, évoque les relations de Périer avec ce pays. Enfin, un ouvrage dont l'auteur n'est pas précisé et qui traite de l'éducation d'un prince. Peut-être est-ce l'ouvrage assez connu du théologien et moraliste janséniste J . - J . Duguet, qui p a r u t d'abord en 1729 et f u t fréquemment réédité. La présence d'un tel livre chez Périer évoque ses rapports avec la maison d'Orléans. Passons maintenant aux ouvrages scientifiques. D'abord les grandes collections. Ici notre attente n'est pas déçue; mais, chose curieuse, il s'agit toujours de volumes dépareillés; c'est ce qui se produit souvent quand on se sert beaucoup de ses livres. Ainsi on relève 29 volumes in-4° de Mémoires de l'Institut, qui formaient sans doute une série continue, puis 3 volumes de rapports, ou encore 3 volumes séparés de l'Académie des Sciences. Ces trois volumes semblent être t o u t ce que Périer possédait de l'ancienne Académie. Exception faite, bien entendu, de la Description des Arts et Métiers, dont il avait 29 volumes, dont 25 reliés et 4 en feuilles. Rappelons que cette collection comprend 84 monographies. Même lacune du côté de Y Encyclopédie, dont il n'existe chez Périer que 7 volumes de planches, soit reliés, soit brochés; aucun volume du texte n'est signalé. Pour l'Encyclopédie méthodique, également représentée, les indications de l'inventaire de 1818 offrent quelque confusion : « 61 livraisons in-4° brochées et a33 volumes dont 3o de planches ». Les ouvrages de mathématiques se réduisent à deux : la Géométrie de position de Carnot et la Mécanique analytique de Lagrange. Le premier de ces ouvrages est de i8o3, le second de 1811. On n'a aucune raison de penser que Périer ait été particulièrement versé dans les mathématiques, il avait dû cependant s'instruire dans sa jeunesse en étudiant des ouvrages élémentaires qui n'étaient pas restés dans sa bibliothèque. S'agissant de l'abbé Nollet, auprès de qui les Périer s'étaient formés, nous ne pouvons manquer de rencontrer chez Jacques-Constantin ses œuvres principales. Voici en effet les Leçons de physique expérimentale, son ouvrage le plus célèbre, qui est de 1743-1764 et a connu de nombreuses éditions. Puis l'Art des expériences, qui est de 1770; le Recueil de lettres sur l'électricité, qui vit le jour en 1753, et l'Essai sur l'électricité des corps, de 1746. A côté de Nollet l'inventaire indique les Récréations physiques de Guyot. Il s'agit d'un ouvrage assez connu à la fin du x v i n e , dont le véritable titre est Nouvelles récréations physiques et mathématiques. La première édition en 4 volumes in-8° est de 1769. La Bibliothèque nationale en possède un exemplaire relié aux armes de Marie-Antoinette. Une troisième édition p a r u t dès 1786, une autre encore en l'an VII. On fit même de cet ouvrage une traduction en néerlandais publiée à Rotterdam de 1771 à 1775. Le même Guyot dont le prénom n'est pas connu mais qui faisait partie de la Société littéraire et militaire de

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Besançon, fit p a r a î t r e en 1784 u n Essai sur la construction des ballons aérostatiques et le moyen de les diriger. E n chimie, nous voyons que Périer possédait dix-huit volumes des Annales de Chimie, « et autres ». L'inventaire indique u n Essai sur les feux d'artifices p a r Ruggieri. Il ne semble pas que le célèbre artificier ait rien publié sous ce titre exact. E n revanche Claude F o r t u n é Ruggieri a donné en l'an X des Éléments de Pyrotechnie. C'est sans doute ce livre que possédait Périer. Le traité étudie les matières, les feux de terre et d'eau et les feux d'aérostation. Il f u t du v i v a n t de Périer réédité en 1811 et le sera encore en 1821. Le Manuel d'un Cours de Chimie de Bouillon-Lagrange, qui est de 1812, est cité p a r son titre exact. L ' a u t e u r , E d m e Bouillon-Lagrange (1764-1844) d o n t le n o m est u n peu oublié a u j o u r d ' h u i , f u t u n p h a r m a cien et chimiste qui occupa des positions officielles e x t r ê m e m e n t élevées. E n particulier il était médecin de l'impératrice Joséphine. Il f u t u n lavoisiériste de la première heure et se dépensa inlassablement p o u r assurer le triomphe des idées nouvelles. On nous cite ensuite sans n o m d ' a u t e u r une Chimie appliquée aux Arts. Il s'agit sans doute de l'ouvrage, d o n t c'est là le titre exact, et qui f u t publié en 1807 p a r Chaptal en 4 volumes in-8°. Les œuvres de Lavoisier ne sont pas absentes, bien entendu. L'inventaire en cite « q u a t r e volumes », mais ne croit pas utile de préciser les titres. Passons à la mécanique de précision. Un Art du tourneur est cité sans indication d ' a u t e u r . C'est à coup sûr l'ouvrage dit du Père Plumier (1646-1704), parce que celui-ci en donna la première édition en 1701, mais qui est s u r t o u t répandu sous une forme considérablement améliorée et augmentée, procurée en 1749Onze volumes in-4° étaient constitués chez Périer p a r les traités d'horlogerie de Thiout, Lepaute et Berthoud. Jean-André Lepaute et Ferdinand Berthoud sont t r o p connus pour qu'il soit besoin d'évoquer leur figure et leurs œuvres. Rappelons seulement que L e p a u t e d o n n a son Traité d'Horlogerie en 1755, avec un supplément en 1760, et Berthoud son Essai sur l'Horlogerie en 1763. Thiout, qui disparaît u n peu dans leur ombre, à t o r t sans doute, avait donné dès 1741 son Traité de l'Horlogerie mécanique et pratique, magnifique publication accompagnée de plus de cinquante planches superbes, où t o u t le x v m e siècle horloger semble s'être alimenté, et en particulier les Encyclopédistes. Nous n ' a v o n s pu réussir à nous renseigner sur la collection de machines de Pierre Schenk, dont Périer possédait u n exemplaire. On cite deux graveurs de ce n o m . Le père, né en Allemagne en 1645, est m o r t en Hollande en 1715, laissant derrière lui 600 planches médiocres; l'œuvre de son fils est, dit-on, de valeur encore moindre. Ni la Bibliothèque Nationale, ni celle du Conservatoire des Arts et Métiers, ne possèdent de recueil de machines d o n t l'auteur soit u n Schenk, Schenck, Schenke ou Schencke.

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On trouva chez Périer trois paquets du mémoire in-4° sur la machine de Marly, publication que nous avons longuement analysée. Ces trois paquets devaient renfermer la quasi-totalité du tirage. Périer n'avait guère dû l'envoyer qu'aux officiels de qui il attendait une décision favorable. Il est heureux pour nous qu'un exemplaire en soit entré à la Bibliothèque des Arts et Métiers. Il n'en existe pas à la Bibliothèque Nationale, et les Archives de l'Académie des Sciences ne semblent pas le posséder. L'exemplaire du Conservatoire des Arts et Métiers ne porte aucune mention de propriétaire, mais seulement le cachet aux trois fleurs de lis de la Restauration. Il f u t sans doute versé par Périer lui-même. Plusieurs ouvrages assez curieux concernent la construction. De Fleuret d'abord, un traité de 1807, en 2 volumes in-4° : L'art de composer les pierres factices... recherches sur la manière de bâtir des anciens, sur la préparation l'emploi et les causes de durcissement des mortiers... (et) moyens de fabriquer en pierres factices des conduites d'eau. L'idée d'employer la pierre synthétique a donc un long passé derrière elle. Il faut relever l'intérêt de Périer pour cette solution qui devait alors relever des idées d'avant-garde. Nous avons pu identifier cet ouvrage, très brièvement indiqué sur l'inventaire de 1816, grâce à l'exemplaire conservé à la Bibliothèque du C.N.A.M. Non moins intéressant semblera le tableau des ouvrages de bâtiment publié de 1804 à 1806 par Madeleine-Rose-Joseph Morisot, dont le titre complet est : Tableau détaillé des prix de tous les ouvrages de bâtiment, en 4 volumes in-8° : le premier sur la menuiserie, le second sur la maçonnerie, le troisième sur la peinture, le quatrième sur la marbrerie. Ce livre plusieurs fois réédité, avait été complété en 1814 par un vocabulaire des Arts et Métiers en ce qui concerne la construction. Cet ouvrage existe au C.N.A.M. Sur la question des canaux, Périer possédait le traité in-folio donné en 1778 par Delalande (qu'il ne faut pas confondre avec l'astronome) : Des canaux de navigation et spécialement du canal du Languedoc. Nous avons également pu l'identifier à la Bibliothèque du C.N.A.M. Avec quelques publications relatives à la géographie, nous en aurons fini avec la bibliothèque de Périer. C'est d'abord la carte de la France par MM. de l'Académie, 160 feuilles collées sur toile et renfermées dans 36 boîtes couvertes en maroquin rouge, le n° 1 60 était manquant. Ensuite, un atlas minéralogique de Dupain-Triel, c'est-à-dire en fait le fameux atlas de Guettard et Monnet, lequel comporte un avis indiquant que les feuilles en seraient vendues au fur et à mesure de leur parution chez Dupain-Triel « ingénieur géographe du roi qui, ayant su réunir les lumières de la géographie aux talents du dessin et de la gravure, a été seul chargé de l'exécution de cet ouvrage ». On trouve encore un atlas de Lesage, c'est-à-dire l'Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique par A. Lesage (pseudonyme du marquis de Las Cases), paru chez Didot en 1804. Viennent

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ensuite des cartes d'Angleterre, Ecosse et Irlande par Doret, Petty et Patterson. William Petty est un cartographe de l'Irlande fort connu et abondamment représenté au Département des Cartes et Plans de notre Bibliothèque Nationale, alors que Doret et Patterson n'y apparaissent pas. J.-H. Weiss, dont Périer possédait une carte de la Suisse, est également un classique de la fin du x v m e siècle. Enfin, il est parfaitement inutile de chercher à identifier une description d'Amsterdam que mentionne encore notre inventaire, la Venise du Nord ayant fait à partir du xvii e siècle l'objet d'un très grand nombre de publications. Rappelons toutefois que Périer avait fait un voyage en Hollande pour étudier des projets d'assèchement, peu avant la publication de son mémoire sur les machines à vapeur de 1810. Tableaux; objets d'arts et métiers; horlogerie Parmi les tableaux ou dessins possédés par Périer, quelques-uns ont de l'intérêt pour nous. L'inventaire après décès du 27 août 1818 mentionne par exemple un portrait du duc d'Orléans et un portrait de Calonne, tous deux en gravure. Il est inutile de rappeler le rôle joué par les Orléans auprès des Périer. Quant à Calonne, la période d'euphorie de la Compagnie des Eaux coïncide on le sait avec l'époque où il était au Contrôle général. Par son testament du 26 mai 1818 1 , Jacques-Constantin léguait à son frère Périer Des Garennes, qu'il instituait son exécuteur testamentaire un « portrait du docteur Francklin au bas duquel est écrit Vir ». Les Périer avaient sûrement connu Franklin lorsqu'il vint en France. L'inscription dont il est question ici prouve qu'il s'agit du portrait fait par Joseph-Sifrède Duplessis, bon peintre de célébrités de la fin du x v m e siècle, qui termina sa carrière comme directeur des galeries de Versailles. Périer, évidemment, ne pouvait en posséder qu'une gravure. Mentionnons encore, d'après l'inventaire de 1818, cinq vues du domaine de Saint-Lubin, exécutées par Jean-Baptiste Lagrenée, ce gendre de Périer qui était peintre. On ignore le sort de ces tableaux. Il faut citer à présent les dessins techniques. « Deux coupes des bâtiments de la pompe à feu » semblent avoir disparu. Il n'en est pas de même de « trois coupes des bâtiments du Mont-Cenis », c'est-à-dire de la fonderie du Creusot. Ces coupes furent achetées par le Musée du Conservatoire des Arts et Métiers pour 101 francs à la vente après décès dirigée par M e Orsel; elles en forment l'article 523 2. Elles sont entrées aujourd'hui dans les dossiers 565 et 566 du Portefeuille Industriel, avec d'autres documents sur Le Creusot, dont l'origine est inconnue, 1. Arch. Nat., Minutier Central, étude XIII, liasse 584, mai 1818. 2. Archives du C.N.A.M., série 10, liasse 241. Ce sont les extraits relatifs aux objets achetés par le Conservatoire des Arts et Métiers. Le successeur du commissaire-priseur Orsel n'a pu retrouver la minute de cette vente.

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mais qui faisaient peut-être partie des dossiers dont nous avons à parler maintenant. En effet l'inventaire de 1818 cite « trois portefeuilles contenant des dessins de mécaniques au lavis et au crayon ». A la vente, le Conservatoire acheta effectivement 3 cartons de dessins, article 493, pour 5 fr. 20; mais en outre : 2 cartons de dessins, article 494> pour 6 fr., et enfin : deux cartons de plans et dessins, article 495, pour le prix beaucoup plus élevé de 3o2 fr. Tous ces dessins ont dû être dispersés dans le Portefeuille Industriel, où il est impossible de les identifier. On trouve naturellement chez Périer un certain nombre d'objets et de modèles relatifs aux arts et métiers; pas autant toutefois qu'on pourrait s'y attendre. Tous ces objets se trouvaient au château de Saint-Lubin avant 1815; rapportés après la vente, ils apparaissent en 1818 sur l'inventaire de Jacques-Constantin. On trouve un banc à tirer, une manivelle à tordre les fils de fer, une monture de pierre à aiguiser « garnie de trois meules en grès, bois et plomb ». Plus intéressantes sont trois presses, dont deux au moins sont des presses d'imprimerie. D'abord « une presse à vis garnie de ses montants et traverses en bois et clefs en fer »; ensuite une presse anglaise pour l'impression ; enfin une presse à lithographie garnie de son poids et de ses pierres. En revanche, nulle mention de caractères. La presse à lithographier f u t acquise par le Conservatoire pour 211 fr., article 48o de la vente après décès. Il y a bien entendu tout l'attirail du menuisier : un tour en chêne ordinaire, garni de ses accessoires (soigneusement distingué du tour de cabinet en acajou que nous mentionnons ailleurs) ; et un « lot d'outils de menuiserie de toutes espèces, tels que scies, rabots, ciseaux, gouges fermoirs, valets et 12 râteliers à outils ». Venons-en aux modèles. On trouve un modèle de moulin à bras; il est question ailleurs, dans la correspondance de Périer, de ces modèles à bras. La suite concerne la machine à vapeur. « Un modèle de machine servant à aléser les cylindres des machines à vapeur ». Par l'histoire des rapports de Watt et Wilkinson, on connaît l'importance du rôle joué par cette machine dans les débuts du moteur à vapeur. Dans son mémoire de 1810, Périer s'est plaint que lorsqu'il a entrepris de faire des machines en France, il n'existât pas encore d'alésoir dans ce pays. Sans doute le modèle de celui de Wilkinson fut-il introduit d'Angleterre. Mais quand? Mais comment? On ne sait rien de plus à ce sujet que l'existence d'une maquette d'alésoir chez Périer. Voici maintenant les modèles de machines à feu. Ici le manque de précision est total. On nous indique seulement qu'il y avait un modèle de machine à vapeur de forme circulaire; c'est sans doute une de ces tentatives de machines à rotation directe par lesquelles depuis Watt, et même avant, jusqu'à Wankel compris, tous les mécaniciens semblent s'être laissés séduire. Plus intéressants en fait seraient : « Un modèle de machine à feu » et : « Deux autres modèles de machines à vapeur », si nous avions quelque

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idée de leurs caractéristiques. Malheureusement il f a u t s'en passer. Toutefois, nous savons quelque chose de l'histoire ultérieure de ces modèles. En effet le i e r octobre, à la vente après décès, le Conservatoire des Arts et Métiers se rendit acquéreur, entre autres, de : « Art. 447» une machine à vapeur... 100 fr. i5 c.; Art. 448, un modèle de machine à vapeur... 29 fr. ; Art. 467, un modèle de pompe à feu, monté en acajou, a y a n t sa chaudière... 532 fr. ». Malheureusement il n'existe plus au Musée du C.N.A.M. qu'un seul modèle de machine à vapeur, celui de la machine à vapeur à double effet dont nous avons parlé dans un autre chapitre. S'il est monté en acajou, il n'a pas de chaudière. S'agit-il du modèle acheté 532 francs en 1818, ou bien d'un quatrième dont l'histoire serait entièrement inconnue. Périer possédait assez peu d'appareils scientifiques à proprement parler, ce qui ne saurait surprendre; il était mieux équipé en ce qui concerne la mécanique de précision. Du côté des instruments scientifiques, voici pour l'optique : un prisme, deux petites chambres noires dans leurs boîtes en noyer, une lorgnette en ivoire au nom de Lerebours à Paris. Quelques instruments d'observations et de mesures : deux boussoles d'arpenteur avec leurs pieds, un petit thermomètre en bois de merisier, un pèse-liqueurs; trois baromètres : le premier avec boîte d'acajou était dans la chambre à coucher de Périer. Les deux autres sont signés. L'un est de Chevalier et se trouve « dans un office donnant sur la salle à manger », l'autre est de Lepaute, il a un cadre en cuivre doré et se trouve dans la chambre à coucher. Il f a u t signaler encore une balance de précision : « Une balance sous verre sur son pied d'ébène, servant à peser les diamants, garnie de ses poids en argent ». Ce devait être une fort jolie pièce. Enfin, « une machine électrique en bois d'acajou, garnie de deux plateaux en glace et... de son tiroir et de tous ses accessoires », avec « deux batteries... garnies de leurs conducteurs » et « une meule à polir les glaces ». On peut supposer que Périer, qui ne semble plus s'être occupé d'électricité dans son âge mûr, avait cette machine électrique depuis fort longtemps. Sans doute peut-on faire remonter son acquisition, ou plutôt sa construction au début de la carrière des deux frères. E n bon ingénieur qu'il était, Jacques-Constantin possédait une « grande table à dessin en acajou, avec tiroir et a b a t t a n t ». En 1818, ce meuble était du reste « en assez mauvais état ». On signale deux équerres et quatorze règles de divers bois, sept mesures (de longueur probablement) françaises et étrangères, et deux mesures en forme de tabatière. Nous devons avouer que cette désignation nous laisse assez perplexes; s'agit-il de quelque chose d'analogue à nos mètres pliants ou flexibles? Comme il se doit, les instruments de dessins apparaissent nombreux. Dès 1812 on signale deux étuis de mathématiques. L'un 1. Arch. Nat., Minutier Central, étude XCI, liasse i5o4, 3o juin 1812 (inventaire après le décès de M me Périer).

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avec les instruments en cuivre, l'autre, qui devait être fort beau, avec les instruments en argent. En 1818, avec un compas géométrique et un compas de proportions, c'est trois étuis de mathématiques que nous trouvons. D'abord un étui de mathématiques en cuivre, incomplet; ensuite un petit étui de mathématiques en galuchat vert garni en argent, composé de cinq pièces; enfin un étui de mathématiques garni aussi en argent, composé de onze pièces. Les deux étuis de 1812 doivent se retrouver parmi ces trois de 1818, mais il est difficile de les identifier. Naturellement Périer ne pouvait pas ne pas posséder un tour. Il en avait un, et fort beau. Il n'est pas difficile de s'en faire une idée lorsqu'on connait les tours employés à la fin du x v m e siècle par les personnes de la bonne société pour exécuter leurs chefs-d'œuvre. On mentionne chez Périer en 1812 un tour en acajou dans un laboratoire du château de Saint-Lubin. Rapporté à Paris en 1815, ce tour est décrit pour le menu en 1818 : « Un tour complet en acajou composé de tour à pointe, tour en l'air, et garni de tous ses accessoires, roues avec pédales montées sur le tour, plusieurs filières en bois avec tarauds, arc en acier, avec pédales pour tourner au pied ». On le voit, c'est le tour de cabinet classique de la fin de l'Ancien Régime. Il s'y adjoignait, en 1818 toujours, une boîte en acajou contenant divers outils de menuiserie, se trouvant « dans un petit cabinet ». La présence de la boîte en acajou indique bien qu'il s'agissait, plutôt que de ce que nous entendons aujourd'hui par outils de menuiserie, d'un véritable outillage d'ébéniste. Périer possédait, en ce qui concerne l'horlogerie, de l'outillage et des machines d'une part ; d'autre part, quelques belles pièces dont plusieurs signées de noms illustres. L'inventaire du 3o juin 1812 signale, dans un laboratoire du château de Saint-Lubin, une grande quantité d'instruments d'horlogerie*; rapporté à la suite de la vente de i8i5, ce « lot d'outils propres à l'horlogerie » est mentionné à nouveau le 27 août 1818. Malheureusement le détail n'en est pas donné. Il s'agit sans doute du petit outillage. Les pièces plus importantes sont énumérées en 1818 ; elles avaient toutes été rapportées du château de Saint-Lubin. Ce sont : trois tours à diviser et refendre les roues d'horlogerie; deux machines à pointer les platines de pendules et montres; enfin un établi d'horloger, en noyer supporté par deux petits corps d'armoire en acajou. C'est sans doute lui qui avait été déjà désigné plus simplement en 1812 comme « un établi en acajou, dans un laboratoire du château de Saint-Lubin ». Huit pièces d'horlogerie apparaissent en 1818. C'est d'abord un réveil dans sa boîte de cuivre doré, cadran d'émail, marquant heures et minutes. Puis une pendule de cuivre bruni à trois cadrans marquant heures, minutes et quantièmes, sur son socle de bois noirci, sous sa cage de verre, avec un cadran marquant l'équation du soleil; cette pièce se 1. Ibid.

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t r o u v a i t dans une chambre à coucher de la maison de Périer à Paris. On trouve ensuite six pièces signées. E n premier lieu une m o n t r e à boîte d ' a r g e n t , cadran émail, m a r q u a n t heures et minutes, de J e a n Martin, boîte numérotée 2706. E n second lieu, u n e petite m o n t r e de femme, boîte d'or guilloché, du n o m de Lépine, cadran d'émail m a r q u a n t heures et minutes, numérotée 1765. E n troisième lieu, u n e m o n t r e à boîte d'or, m a r q u a n t heures, minutes et secondes, à é c h a p p e m e n t à repos, de Lépine horloger du roi, boîte n° 633. Nous avons ensuite à citer deux pendules de Lepaute. L'une, seulement désignée comme pendule à secondes, se t r o u v a i t dans la c h a m b r e à coucher de Périer; l ' a u t r e était dans le salon : « pendule de L e p a u t e en cuivre et bronze, avec d e u x figures de bronze, surmontée d ' u n e m a p p e m o n d e , a y a n t d e u x cadrans t o u r n a n t s , avec chiffres d'émail, m a r q u a n t heures et minutes, avec sonnerie ». Enfin, le joyau de cette petite collection : la m o n t r e marine numéro 72 de Ferdinand Berthoud, d o n t la boîte était d'argent et qui était rangée dans u n écrin d ' a c a j o u . Nous n ' a v o n s actuellement aucune idée de ce q u ' o n t pu devenir ces pièces importantes, la m i n u t e de la vente après décès de J.-C. Périer n ' a y a n t pu être retrouvée. E n t o u t cas elles ne figurent pas sur la liste des quelques objets dont le Conservatoire des Arts et Métiers s'est rendu acquéreur.

Périer malade et malheureux;

la fin

Le fléchissement qui peut s'observer chez Périer dans les dix dernières années de sa vie environ est dû a v a n t t o u t à u n délabrement progressif et sans remède de sa santé. C'est ainsi qu'il f u t contraint d'assister de moins en moins souvent a u x séances de l'Académie des Sciences. « Sa mauvaise santé et les infirmités qui o n t fini p a r l'accabler ne lui p e r m e t t a i e n t pas de suivre nos assemblées avec beaucoup d'activité », nous déclare P r o n y . E t Delambre : « Longtemps M. Périer f u t assidu à nos séances... L'âge, les infirmités, les maladies, augmentées peut-être p a r les chagrins, cortège t r o p ordinaire de la vieillesse, ont r e n d u plus rare ces derniers t e m p s sa présence p a r m i nous; mais elle n ' a cessé t o u t à fait que lorsque ses forces l'eurent entièrement abandonné ». Elles l ' a b a n d o n n è r e n t vers 1815, comme le prouve cette phrase de J o m a r d : « Ce n'est q u ' a p r è s cinquante ans de t r a v a u x ininterrompus que cet habile mécanicien se livra au repos, encore y fut-il forcé p a r des infirmités graves, qui l'ont conduit au t o m b e a u au b o u t de trois ans de souffrances » On ignore la n a t u r e de la maladie qui emporta Périer, mais il semble que sa santé avait en fait déjà subi des atteintes assez sérieuses dès 1806-1808. Le 23 décembre 1806, en effet, il était t r o p souffrant p o u r 1 . P R O N Y , op. cit., p. 4; M. Périer », p. i38.

DELAMBRE,

hc. cit., p. lxxij;

JOMARD,

« Notice sur feu

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assister à la séance de l ' I n s t i t u t . Le 29 il semblait rétabli. Mais le 16 février 1807, on annonçait qu'il venait de souffrir de « onze tumeurs très douloureuses de la nature de l'anthrax ». Huit jours après son état s'améliorait; toutefois le 4 mai il était de nouveau malade et devait refuser d'être commissaire. Il p u t cependant ensuite l'être au début d'août, puis courant septembre. Mais ensuite il 11e participe à aucun rapport entre le 28 septembre 1807 et le 2 mai 1808. Cette date se place quatorze jours avant la signature du marché pour les machines de Marly. Dans un de ses mémoires rédigés ensuite sur cette affaire, Périer précisera qu'il venait d'être gravement malade 2 au moment de la signature du marché. Il semble que son activité ait conservé ensuite un rythme normal jusqu'à la fin de I8I3. Dans ses dernières années Périer ne f u t pas seulement un malade, il f u t aussi accablé d'ennuis domestiques graves. Delambre n ' y fait qu'une discrète allusion lorsqu'il parle de maladies « augmentées peutêtre encore par les chagrins » ; tous ses auditeurs savaient probablement à quoi il voulait faire allusion : au moment de la mort de Périer, l'un de ses gendres était en prison pour dettes 3 . Jacques-Constantin avait eu le malheur de perdre sa femme ThérèseAmélie le 9 juin 1812, après juste trente et un an et un mois d'union conjugale. Les époux Périer avaient eu trois filles. Deux d'entre elles s'étaient mariées du vivant de leur mère. L'une, Aglaé, était devenue M m e de Marsilly; son mari, Guérin de Marsilly, était un « propriétaire ». L'autre, Charlotte-Rosalie, avait épousé un artiste peintre nommé Jean-Baptiste Lagrenée *. La plus jeune des filles, Eugénie, était encore célibataire et mineure au moment de la mort de sa mère. Mais elle ne tarda pas à épouser un certain Robert Darpentigny, que les actes qualifient de négociant, ou d'ancien négociant, et sur les antécédents duquel nous avons de fâcheux renseignements. En effet en l'an I X nous voyons un Darpentigny s'occuper en Normandie de négoce du coton, ce qui l'amène à entrer en relations avec la famille Périer. Le 21 germinal, un des collaborateurs de Périer à Saint-Lubin écrivait à Jacques-Constantin pour se plaindre : 1. Tous ces renseignements d'après les Archives de l'Académie des Sciences, registres de procès-verbaux, aux dates correspondantes. 2. PÉRIER, Mémoires sur la machine de Marly, p. 19. Il qualifie la maladie dont il relevait de « très grave ». 3. Tout ce qui suit, sauf indication contraire, d'après : Arch. Nat., Minutier Central, étude XCI, liasse i 5 4 i , 3 octobre 1815 (vente de Saint-Lubin); X I I I , 584, 26 mai 1818 (testament de J.-C. Périer); V, 1 000, 17 août 1818 (constitution de procureur par M m e Darpentigny); XCI, I574, 27 août 1818 (inventaire de JacquesConstantin Périer); V, 1 000, 28 août 1818 (arrangement avec les créanciers de Darpentigny). 4- Trois peintres du nom de Lagrenée ont acquis en leur temps une certaine réputation. Ce sont Louis-Jean-François l'Aîné (179.4-180.5), son frère Jean-Jacques le Jeune (1740-1821) et enfin Anthelme-François (1775-1832), fils de l'Aîné. Jean-Baptiste était sans doute un membre plus obscur de la même famille.

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« J e suis très mécontent de Darpentigny. Croiriez-vous que parmi les effets qu'il a versés pour notre compte et d'après nos ordres dans la maison Thérard de Rouen, il n ' y en a pas un dont l'échéance ne soit postérieure au 20 messidor prochain. Cependant d'après les dates de vente qu'il nous a fournies, nous devions en avoir pour environ 8 000 livres d'échus dans le courant de prairial. J e lui ai écrit une lettre où je ne lui cache pas tout le mécontentement que doit nous inspirer une conduite aussi extraordinaire. J ' a t t e n d s sa réponse pour savoir de quel prétexte il colorera un pareil abus de confiance. Nous ne devons pas, absolument, souffrir qu'il puisse dénaturer les effets qu'il a reçus pour notre compte et les convertir en effets d'une échéance plus reculée, pour s'assurer par-là une plus longue jouissance de nos fonds » 1 . On n'a pas la réponse de Périer; il semble qu'il ait essayé de justifier Darpentigny, car le 25 prairial il recevait de nouvelles plaintes ainsi rédigées : « J e ne saurais attribuer la conduite de Darpentigny au sujet de nos rentrées au retard seul des fabricants. Quelques-uns sans doute excèdent le terme qui leur est accordé; mais le plus grand nombre doit payer à l'échéance ; la condition de la vente, qui fixe un délai pour le remboursement, deviendrait complètement illusoire si chaque acheteur pouvait à son gré en reculer l'époque, même en t e n a n t compte de l'intérêt depuis le moment où il aurait dû s'acquitter. Cet usage, s'il pouvait s'introduire, rendrait impossible toute affaire de commerce et je ne crois pas qu'il existe plus à Rouen qu'ailleurs. Il n'y a pas de doute que notre commissionnaire n'ait cru pouvoir se permettre à notre égard une chose dont les commissionnaires ne se font pas scrupule. Il a voulu conserver le plus longtemps qu'il lui serait possible l'usage de nos fonds. Quand nous devrions, pour prévenir un pareil abus, avoir un commis à nos frais, que nous chargerions de la vente de nos cotons filés, ou bien les vendre directement nous-mêmes aux consommateurs, ainsi que le pratiquent MM. de Louviers, je crois qu'il n ' y aurait pas à balancer » 2 . Tel est l'homme qu'Eugénie Périer épousa, ou dans la famille duquel, t o u t au moins, elle entra. On ignore en effet le prénom du Darpentigny de l'an IX, et on ne peut savoir si c'est lui-même ou, p a r exemple, son fils, qui épousa Eugénie Périer, plus de dix ans plus tard. Le 3 octobre 1815 Périer, sans doute obligé de renoncer à séjourner à la campagne du fait du mauvais état de sa santé, vendait le château de Saint-Lubin et la filature aux Darpentigny. Les hypothèques se mirent alors à pleuvoir sur la malheureuse propriété. Les affaires de Darpentigny se gâtèrent rapidement à tel point que le 28 janvier 1818, incapable de payer une somme qui n'atteignait même pas dix mille francs il était incarcéré pour dettes à Sainte-Pélagie. Sentant sa fin approcher Périer s'était de son côté décidé le 4 décembre 1. Bibl. Historique de la Ville de Paris, ms. nouv. acq. 147, f. 141. 2. Ibid., t. 4i3.

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1817 à reconnaître son fils naturel Edme-Louis. Celui-ci, alors âgé de cinquante et un ans environ, était devenu architecte. Lorsque son mari fut en prison, Eugénie Darpentigny ne tarda pas à obtenir sa séparation de biens; cela eut lieu le 18 mai 1818. Le lendemain, Jacques-Constantin fit son testament. En fait, il laissait sa succession suivre son cours naturel; il ne possédait du reste plus grand'chose. Il est très vraisemblable qu'une grande partie des ressources dont il avait pu disposer dans les dernières années de sa vie avait été employée à payer des dettes faites par Darpentigny. Aussi son testament ne comporte-t-il que des legs insignifiants à des domestiques ou familiers, ainsi qu'à Augustin-Charles, nommé exécuteur. En fait le testament semble avoir surtout pour but de préciser que Jacques-Constantin « lègue à Edme-Louis... la totalité de la portion de ses biens meubles et immeubles dépendant de sa succession à l'époque de son décès ». C'est encore Edme-Louis qui est chargé d'acquitter les humbles legs faits au domestique, à la cuisinière et au secrétaire Duchoisel : 600 francs à chacun. Jacques-Constantin mourut le 16 août. Il était âgé de soixantequinze ans, neuf mois et quelques jours. L'actif de sa succession n'atteindra que 23 959 francs 81 centimes Douze jours après sa mort, se dénouait la situation scandaleuse qui avait, sinon hâté la fin de Périer, tout au moins contribué à rendre ses derniers mois encore plus pénibles : à la suite d'un arrangement intervenu avec les créanciers, Darpentigny était libéré le 28 août 1818.

CONCLUSION Les trois biographes de Périer ne tarissent pas d'éloges, et c'est fort naturel, sur ses vertus privées et professionnelles. Sans prendre pour argent comptant toute leur rhétorique, tâchons de voir quelle idée on peut conserver de Jacques-Constantin après avoir examiné son existence. Prony lui attribue une philanthropie dont nous ignorons malheureusement les détails. Rappelons-nous toutefois comment Périer continua la paye de ses ouvriers chômeurs en 1788. Trente ans plus tard, le 16 août 1818, Prony nous fait voir, au bord de la fosse ouverte de Périer, « ce nombreux concours d'artistes, d'ouvriers, dont la foule se presse autour de nous, qui viennent arroser de leurs larmes la tombe de celui qui fut leur ami, leur soutien, leur père, dont le désintéressement et les soins généreux rendirent leur existence indépendante des choses commerciales ». Il semble y avoir là plus que des figures de style. Aussi Prony, d'un seul élan, nous invite-t-il encore à écouter « les regrets, les plaintes naïves et touchantes de ces hommes que la reconnaissance, 1. Archives de la Seine, DQ-7 3 002, fï. 12 v-i3 (n° 125, en date du i5 février 1819).

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CONCLUSION

l'amour! rassemblent dans ce séjour lugubre; concert d'éloges bien au-dessus de ce qu'on pourrait attendre de la bouche la plus éloquente » La seconde qualité personnelle de Périer qui retient l'attention de ses biographes, c'est sa modestie. « Telle est la vie simple et laborieuse qu'a menée M. Périer et qui lui a acquis sans qu'il l'eût cherchée une grande et solide réputation », nous dit Jomard : « Comme sa vie entière a été consacrée aux sciences et aux arts utiles, son éloge est tout fait par le simple récit de ses t r a v a u x » 2 . Delambre renchérit de son côté : « Le nom de M. Périer est célèbre. Ses ouvrages sont disséminés sur toute la face de la France. Sa réputation s'est établie sans que jamais il ait eu le loisir ni peut-être l'idée d ' y songer. Il a peu écrit, et presque rien imprimé » 3 . E t Jomard d'insister encore : « Par la simplicité et la modestie de sa vie scientifique et de sa vie privée, il s'est presque autant singularisé que par ses ouvrages, et ce n'est pas un des traits les moins saillants de son caractère que cette sorte d'insouciance absolue pour tout ce qui tient à la renommée; négligence qu'il a poussée si loin qu'on a eu la plus grande peine à découvrir quelques matériaux écrits de sa main pour composer une notice biographique... De pareils traits ne sont pas assez communs pour qu'on néglige l'occasion de les rappeler; et ce n'est point le cas de craindre l'influence de l'exemple » 4 . En effet le catalogue des publications de Périer est singulièrement réduit. On ne peut certes pas considérer comme des œuvres les prospectus qu'il a signés en 1778 et 1786 sur la distribution d'eau de Seine dans Paris et la Compagnie d'assurances contre les incendies, ni sa justification du 24 novembre 1790, simple tract. Il reste donc le texte sur la machine à remonter le charbon, lu à l'Institut le 16 brumaire an V I I I , et qui empêche que Périer ne soit tout à fait absent de la publication des Mémoires. Les Annales des Arts et Manufactures donnèrent également un article de Périer sur ce sujet en 1800. Puis c'est le mémoire sur l'établissement d'une gare à Paris dans les fossés de la Bastille en 1790, les mémoires sur la machine de Marly, ignorés des biographes, enfin le mémoire de 1810 sur les machines à vapeur, écrit fort précieux pour nous. L'ensemble reste ridiculement bref. C'est que l'essentiel de Périer n'y est pas. Cet essentiel, nous espérons avoir pu contribuer à le mettre en relief dans les pages qui précèdent : en premier lieu l'introduction de la machine de W a t t en 1779-1791 et la construction sur les indications de Bétancourt de la première machine à double effet française en 1789-1790. Cela est, en somme, facile à exprimer. Il est facile aussi de se rendre compte que Périer a été dès cette période de sa carrière, victime des circonstances malheureuses dont il eut à souffrir jusqu'à la fin : c'est la Révolution qui a sans doute 1.

PRONY,

2.

JOMARD,

op.

3.

DELAMBRE,

4.

JOMARD,

op.

op.

cit., cit., op. cit.,

p.

4-

p. cit., p.

138. p.

lix.

135.

CAPITAL

244

ET

MACHINE

A

VAPEUR

empêché l'impression dans le Recueil des Savants étrangers des deux mémoires de Périer sur les machines à simple effet et du mémoire de Bétancourt sur la machine à double effet; en des temps plus calmes le rapport de Coulomb sur les machines de Chaillot aurait certainement été au moins mentionné dans les recueils de l'Académie. Les belles initiatives de Périer dans le domaine de la machine à vapeur ne purent donc être appréciées que des hommes spéciaux, et encore avec retard puisque seul Prony en parla en 1790 et 1796 dans sa Nouvelle Architecture hydraulique, qui a certainement connu une audience beaucoup moins large que celle dont bénéficiaient les publications de l'Académie. L'autre grand mérite de Périer est moins facile à exprimer et à apprécier, parce qu'il consiste dans la continuité d'une activité : c'est l'impulsion donnée en France dès 1778 à la construction mécanique. Là aussi les circonstances politiques causèrent à Périer un tort immense. Que pouvait-il faire, malgré toute sa lucidité et son courage, au cours d'une période telle que celle de la Révolution et de l'Empire? Nous avons cru devoir diagnostiquer un déclin graduel de la fonderie de Chaillot; il faut, peut-être, s'expliquer un peu sur ce point. Ce n'est pas à dire que l'activité ne soit pas demeurée assez grande au moins jusque vers 1810. Il s'agit d'une forme de déclin plus subtile, plus insidieuse, contre laquelle toutes les éminentes qualités de Périer ne pouvaient rien. C'est un déclin par absence de progrès, conséquence du manque d'information et de concurrence. Qui n'avance pas recule, dit-on; et Périer, faute d'émulation, s'est vu privé de tout moteur d'évolution. Sa valeur personnelle n'y est donc pour rien, et de cette valeur nous ne pouvons douter; il a suffi de voir de quoi il était capable dès que le minimum de moyens de réalisation indispensables était réuni. Rien, après examen, ne nous empêche donc de souscrire à l'ensemble des jugements favorables portés sur lui. Aussi peut-on sans doute conclure, en pensant à l'introduction de la machine de Watt et à la promotion de la construction mécanique en France, sur cette phrase que Jomard applique à Périer : « Il est glorieux pour lui d'avoir marqué dans une époque si fertile en grandes découvertes, et plus glorieux encore de l'avoir devancée s 1 . 1. J O M A R D , loc. cit., p. 138. Les trois biographes ont fait leur possible pour associer Augustin-Charles à l'hommage rendu à son frère; mais cet homme insaisissable s'était une fois de plus dérobé : « Augustin-Charles Périer des Garennes resta toujours associé à son frère aîné Jacques-Constantin. Il partagea presque tous ses travaux et mérite d'en partager l'honneur » ( J O M A R D , p. i35); — « Ce serait à M. Périer-Desgarennes, qui fut dès l'enfance le digne coopérateur de tous ses travaux, à nous servir ici d'interprète. Mais nous devons respecter sa douleur » ( P R O N Y , op. cit., p. 4) > — « Son frère, le digne compagnon de ses travaux, M. Périer-Desgarennes, a montré une indifférence plus grande encore pour la renommée. Nous l'avions consulté pour obtenir de lui les renseignements qui nous manquaient et qui auraient pu donner à cette notice plus d'intérêt et de variété. Nous attendons encore une réponse » (DELAMBRE,

loc.

cit.,

p.

lix).

DOCUMENTS i LA

MÉCANIQUE

DU B A T E A U

A

VAPEUR

DE

JOUFFROY

A. — Mémoire de M. le Comte de Jouffroy pour Messieurs de l'Académie (août ou septembre 1783) M. de Jouffroy (fils ainé du marquis d'Abbans) aïant formé s'est occupé en 1781 du projet de faire remonter les batteaux sur les fleuves navigables à l'aide seul (sic) de la pompe à feu, il en a fait l'essay sur la Sône près de Lyon avec un batteau de i3o pieds de long, de i4 pieds de large dans œuvre, chargé du poids de trois cent vingt-sept milliers, celui de la machine compris et cela en présence de M. le lieutenant général de police, de plusieurs académiciens et notables de la ville de Lyon qui, (sans s'expliquer sur l'utilité de la machine se sont bornés à en) en ont attesté le succès, par acte reçu de notaires le 19 août de l'an présent; légalisé le même jour par M. le lieutenant général de la sénéchaussée de Lyon. En conséquence M. de Jouffroy sollicite le privilège pour l'ultérieure exécution de ce projet, que le ministère (se réserve de lui accorder si Messieurs de l'Académie des Sciences trouvent que ce projet soit utile) lui a accordé en demandant néanmoins l'approbation de l'Académie sur son utilité à la navigation. M. de Jouffroy le croit utile : i° en ce que descendant et remontant les batteaux à l'aide de la pompe à feu seule, on épargnera une immense quantité de chevaux qui sont à présent employés à cet usage, chevaux que l'on n'aura plus besoin d'y faire servir, et qui seront rendus à l'agriculture, ou non-achetés de l'étranger. 2 0 en ce que par cette méthode one on (sic) conservera les hommes et les chevaux que la traite des batteaux fait périr, en suite d'orages ou dans les grandes eaux; 3° en ce qu'on rendra à l'agriculture une immense quantité d'excellens terreins qui sont à droitte et à gauche des fleuves et qui servent actuellement de troitoirs aux chevaux employés à la traitte des bateaux ;

246

CAPITAL

ET MACHINE

A

VAPEUR

4° en ce que tout ce qui est objet de commerce et de consommation se transportera de ville en ville et de province à autre avec plus d'abondance, d'aisance, de célérité et avec moins de frais. 5° en ce que préférant la voie d'eau pour les transports à celle des chemins ordinaires, les routes seront beaucoup moins détériorées; 6° déjà M. l'abbé d'Arnal aïant proposé un projet qui tendait au même but mais avec des moyens différens, puisque son projet emportait tout à la fois l'usage des pompes à feu, l'usage d'ancres à jetter à l'eau et à relever de distance à autre avec des batelets et l'usage de chevaux quoi qu'en moindre nombre que celui ordinaire son projet (alors) aïant été renvoyé au jugement de Messieurs de l'Académie des Sciences, elle l'a jugé utile à la navigation. M. de Jouffroy a lieu d'espérer en conséquence que MM. de l'Académie voudront bien rendre jugement semblable en faveur de son projet, puisque réunissant tous les avantages de celui de l'abbé d'Arnal, il a de plus celui de supprimer non seulement une partie des chevaux mais bien leur totalité, et celui de rendre désormais les troitoirs superflus. Dans ces circonstances M. de Jouffroy attend avec confiance le jugement de Messieurs les Académiciens, qu'il a tout lieu d'espérer devoir être entièrement en sa faveur. (En ce qui est du fait de savoir s'il y a) Qu'il y ait possibilité dans l'exécution de ce projet, ce n'est plus un problème, d'après l'attestation authentique donnée à Lyon de son exécution. En ce qui est du fait de savoir comment M. de Jouffroy y est parvenu? Il est tout prouvé par la même attestation que ç'a été sans le secours (de rames, de main d'homme) de traits et de chevaux et par le seul moyen de pompe à feu (qui a donné) s'il faut le dire, cette pompe à feu a donné le mouvement à une roue aporhé (?) de vannes, (lequel) lesquelles on fait le même effet, en plus considérable, que celui de beaucoup d'hommes dont les efforts eussent été réunis pour faire remonter le batteau à force de roues. Mais comment cela? C'était un détail qui paraît étrange, à la question de savoir, si cette façon de remonter les batteaux est utile ou non à la navigation? En effet que le batteau ait 6o, 8o ou i3o pieds de long, io, 12, 13 ou 20 pieds de large, que la chaudière soit plus ou moins vaste? Que le cylindre de la pompe à feu soit de tel ou tel (calybre) diamètre? Les pistons et rouages soient de telles ou telles dimensions? (tout cela ens) que les tuyaux de vapeur et de dégorgement soient de telle ou de telle (grosseur tous deux) circonférence? Tous ces détails qui sont propres à l'auteur et forment en quelque sorte son secret, sont fort indifférens à la question soumise à MM. de l'Académie, laquelle purement considérée consiste uniquement à savoir s'il peut être utile à la navigation de se servir de pompes à feu pour remonter les batteaux au lieu de se servir (de rames et) de chevaux, (sans rames et sans chevaux et à l'aide de la seule po) Utilité que déjà l'Académie a attesté (pour) suivant la lettre du ministre cy-jointe,

247

DOCUMENTS

utilité que M. de Joufïroy croit avoir rendu palpable et sur laquelle ainsi que sur le mécanisme de sa machine il est en état de donner verbalement tous éclaircissemens qu'on pourra raisonnablement exiger. Cependant il f a u t donner une idée du mécanisme de la machine, j'aurai l'honneur d'observer en deux mots (Jouffroy n'a pas écrit la suite, le reste de la feuille est blanc) 1. B. — Précis

sommaire

... Les pompes à feu ont comme chacun sçait un mouvement alternatif en sens contraire et leur effort n'a lieu que dans une seule direction. C'est par cette raison que pour obtenir une action non interrompue, M. de Jouffroy s'est déterminé à placer deux cylindres à vapeur sur le bateau qu'il destinait à faire remonter les rivières. Les pistons de ces cylindres sont réglés de manière qu'ils agissent l'un après l'autre, c'est-àdire que quand l'un monte, l'autre descend : ces deux mouvemens se font en temps presque égaux, et l'interruption de la force agissante doit être comptée pour nulle, puisque dans ces courts instants la machine agit par le mouvement acquis. Il y aurait eu de très grands inconvénients à placer les pompes à feu dans la direction accoutumée, c'est-à-dire dans une direction perpendiculaire. En conséquence elles ont été placées en une direction inclinée de 20 degrés au-dessus de l'orizontal. Chaque piston agit sur une roue placée sous (sic) un arbre qui traverse le batteau suivant toute sa largeur. Cet arbre porte à son extrémité deux roues semblables en t o u t à celles des moulins, dont les vannes ne sont à proprement parler que des rames perpendiculaires. Le piston en redescendant imprime un mouvement de rotation à cet arbre, ce qui ne peut arriver sans que les vannes ne frappent l'eau et ne tendent à faire marcher le batteau. Ces deux cylindres de vapeur ont chacun 23 pouces de diamètre, ce qui donne une force de 6 361 livres et 11 onces 1/2, dont nous ôterons les 2 ¡5 pour les frottemens et les contrepoids (diminution mise ici plus forte qu'elle n'est en effet); il restera malgré cela 3 717 livres de force employée à faire tourner l'arbre de roues assortis de vanne (sic) 2...

t. Besançon, Bibl. Mun., ms. 1787, fï. 137-138. Autographe de Jouffroy. 2. Besançon, Bibl. Mun., ms. 1 787, fï i45 V.-146, extraits. Autographe de Jouffroy. Ce texte semble former la seconde partie du mémoire conservé dans le même ms. f ofl 137-138.

II

GÉNÉROSITÉ DE PÉRIER A u x auteurs du journal. Rouen, ce i4 novembre 1779. Tout ce qui intéresse l'humanité, tout ce qui peut constater que l'homme est naturellement bon et généreux, doit être publié et transmis à la postérité; c'est pour remplir ce devoir que je vous annonce que le samedi 6 de ce mois, à quatre heures après midi, M. Perrier, l'entrepreneur des pompes à feu qu'on doit établir sur la Seine à Paris, était occupé ici à faire décharger un navire pour faire recharger dans le bateau de la diligence les tuyaux de fer qui doivent être employés à cette machine. Les deux bateaux étaient posés vis à vis le chantier de M. Hubert, charpentier-constructeur; le grand bateau contre l'abattage de ce chantier, et le navire en travers le long de ce bateau; ils se joignaient à la distance d'environ six pieds. M. Perrier veut passer de l'un dans l'autre, il perd l'équilibre et tombe à la renverse dans la rivière entre les deux bateaux; un enfant, un jeune homme de quatorze ans, se précipite après lui et le raccroche par la basque de son habit au moment qu'il coulait à fond. Un instant plus tard il n'y avait plus de ressource, il périssait sous le bateau. Les soldats d'artillerie, les matelots, les mariniers travaillant à ce déchargement et témoins de cette chute ne pouvaient lui donner aucun secours. L'enfant n'avait point calculé qu'il n'y avait pas assez d'espace pour nager et qu'il courait lui-même le plus grand péril; il n'avait consulté que son cœur. On les retira tous deux de la rivière très froide dans ce moment. On transporta M. Perrier dans la cabane du bateau où l'on fit bon feu, et où il changea de linge et d'habits; l'enfant reprit gaiement son poste pour haler sur la corde où il était employé; ce ne fut qu'avec peine que nous l'obligeâmes d'aller chez le constructeur changer de chemise. L'action qu'il venait de faire lui paraissait toute simple, il en riait et n'en était pas plus glorieux. M. Perrier, qui a bien senti qu'il lui devait la vie, lui a présenté une récompense très honnête en argent, il l'a refusée généreusement; M. Perrier insistant vivement, il lui a répondu que son père était pauvre, chargé d'une nombreuse famille, que s'il voulait lui faire du bien il en était le maître. M. Perrier enchanté de la conduite de ce jeune homme, a mandé le père, l'a gratifié noblement, lui a demandé son fils, l'a conduit à Paris et s'est chargé de son éducation et de sa fortune. Le père s'appelle

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Henri Roguet, c'est un pauvre ouvrier passementier, honnête homme et très estimable. Le maître-charpentier qui, par commisération avait pris gratuitement son fils en apprentissage ainsi que tous ceux qui ont employé cet enfant, attestent qu'il est plein d'intelligence et de bonne volonté. C'est une plante précieuse qui va s'élever sous les yeux d'un bon cultivateur. J'ai l'honneur d'être, etc. x . Q****

i. Journal de Paris, n° 3 a i , 17 novembre 1779, pp. I3O7-I3O8.

III E X T R A I T S D E LA CORRESPONDANCE D E W A T T E T P É R I E R i. — Périer à Boulton, Londres 24 novembre 1778. J e suis dans ce pays-ci depuis deux jours et j'apprends que vous êtes dans la province de Comwailles. Si comme on l'assure votre projet est de venir dans cette capitale incessamment je vous seray très obligé que ce soit le plutôt possible sans cependant vous déranger dans vos affaires. J e suis chargé par ma Compagnie de traiter avec vous de l'acquisition de deux machines à feu pour mon entreprise des eaux de Paris dont les t r a v a u x sont déjà commencés et comme cette entreprise me donne des affaires avec M. Wilkinson pour les t u y a u x de fer je ne voudrais pas quitter cette ville sans vous voir. J e me fais u n vray plaisir, Monsieur, d'avoir l'honneur de vous voir et de traiter avec vous. J'espère que vous voudrez bien m'accorder votre confiance et votre amitié et me croire avec les sentiments les plus distingués. Votre humble et très obéissant serviteur Périer.

2. — Périer à Boulton et Watt, 7 janvier

1779.

L'intérêt que j'ay proposé à Mrs Bolton et W a t t est exactement dans la proportion des bénéfices qu'ils veulent faire sur leurs machines, c'est-àdire qu'il est égal à la valeur d'un q u a r t du charbon que consommeraient les anciennes machines comparé totalle. Mais cette position d'intérêts qui est perpétuelle serait beaucoup plus considérable que leur prétention même si comme ils le demandent on leur donnoit dans les subséquentes créations d'actions une portion toujours égale attendu que leur privilège n ' a qu'une durée déterminée de i5 années. Pour trancher sur des calculs inutiles qui ne sont point conformes aux intentions et aux ordres que j'ay de ma Compagnie, je propose à Mrs Bolton et W a t t de leur donner vingt-cinq actions de 1 200 11. chaque dans mon entreprise pour leur consentement à l'établissement de deux machines à feu sur leur principe de 63 pouces de diamètre et

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pour me fournir les plans et desseins nécessaires à leur exécution. J e les prie de vouloir bien répondre d'une manière précise et le plus promptement possible, le bien de mon entreprise ne me permet pas le moindre retard. Périer Frères et Compagnie. Ces Mrs peuvent adresser leur consentement à Mr. Motteux à Londres où je l'attendray 5 jours.

3. — Périer à Boulton et Watt, Londres 12 janvier

1779.

J ' a y fait part à ma Compagnie de vos trois propositions : la première de vous donner 36

actions dans le nombre actuel et à proportion 100 dans les créations subséquentes; 2 0 de compter avec vous de la consommation du charbon et de vous payer en argent le tiers de l'économie qui s'en produira ; 3° de mettre un compteur sur le balancier et de vous payer une redevance à proportion du nombre des coups de piston. M. Motteux à qui j'ai communiqué toutes mes affaires m'informe que vous serez incessamment à Londres. Si j'ay quelque réponse favorable de ma Compagnie, nous pourrons traiter. En a t t e n d a n t je m'occupe du plan de mes machines sur l'ancien principe et je m'arrange de manière à rendre facil (sic) le changement de la machine sur le vôtre lorsque les circonstances le permettront. J e ne puis quitter l'Angleterre sans avoir terminé d'une manière ou de l'autre. Soyés persuadés, Messieurs, que tous les arrangements qui vous conviendront et qui seront compatibles avec le bien de mon entreprise ne trouveront aucune opposition chez moy. Faites-moy le plaisir de me mander à combien vous faites monter la redevance par coup de piston. Si, quoique je ne le pense pas, ma Compagnie agréoit vos arrangements, mon avis serait pour le dernier moyen. Si vous aviés parfois oublié les données dont vous avés besoin pour le calcul, je les joins icy : Diamètre des cilindres 63 pouces, hauteur de l'eau 110 pieds, prix du charbon 28 11. Faites-moy le plaisir de me répondre sur cet objet le plus promptement possible. En cas d'arrangement je serais bien charmé que M. W a t t me donna le tems nécessaire pour arranger mes plans. J e n'ay pas un instant à perdre dans ce pays-cy, mes affaires m'appellent à Paris. J ' a i l'honneur d'être, Messieurs, avec la plus parfaitte considération, votre très humble et très obéissant serviteur. Périer. Faites-moy le plaisir aussi de me faire parvenir, Suffolk Street n° 35, une lettre pour moy qui a été adressée au château à Birmingham. J ' a u r a y soin de vous faire rembourser les frais de poste. P.

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4-

CAPITAL

— Accord du 12 février

ET MACHINE

A

VAPEUR

1779.

Articles of agreement indented and made the 12th day of february in the year of Our Lord 1779 between James Constantine Perier of the city of Paris in the kingdom of France engineer and mechanicien of the one part, and James W a t t and Matthew Boulton of Soho in the County of Stafford in the Kingdom of Great Britain engineers of the other part wittness. (1). That whereas the said James Constantine Perier hath obtained of His Most Christian Majesty an exclusive priviledge dated the 7 the day of February in the year 1777 for supplying the city of Paris with water from the river Seine by means of fire engines and other works. (2). And whereas in order to carry the said undertaking into execution the said James Constantine Perier together with his brother Augustin Charles Perier and divers other persons in France have by articles of agreement made between them bearing date the 27th day of August in the year 1778 have formed themselves into a Company at Paris under the firm of Perier freres and Company, and have thereby agreed t h a t the business of the said Company shall be conducted b y five of the members of the said Company together with the said Mess18 Perier brothers making the number seven as directors or managers of the business of the same Company. (3). And whereas in pursuance of the said articles of agreement of the said Company the members thereof did on the 3 i t h day of August last nominate and choose Mess rs Panchard, Duperreux, de La Ferté, Aubert and de L'Etang to be together with the said Perier brothers directors or managers for the said Company. (4). And whereas by procuration bearing date the 29th day of October last past passed before Mr. Lormeau and his brother notary at Paris the said Mess rs Duperreux, Panchard, de L'Etang and Aubert did authorise the said James Constantine Perier to treat with the said Matthew Boulton and others in England for the purchase of a new invented fire engine and other materials necessary for carrying the above mentioned undertaking into execution. (5). And whereas an act of the British Parliament was passed in the 15th year of his Britannick Majesty George the Third's reign intitled : an act for vesting in the said James W a t t , his executors, administrators and assigns the sole use and property of certain steam engines commonly called fire engines of his invention described in the said act of Parliament for the term of twenty five years. (6). And whereas the said Matthew Boulton by virtue of an agreement of partnership with the said James W a t t is become interested in the said new invention and act of Parliament, and in consequence thereof they have granted their licence to divers persons in great Britain for

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erecting fire engines of their invention as described in t h e said act of P a r l i a m e n t , and such persons h a v e accordingly erected t h e said engines upon t h e plans and b y t h e directions of t h e said J a m e s W a t t and Matt h e w Boulton, and f r o m various experiments and comparisons t h a t h a v e been m a d e between such engines and those of t h e older common const r u c t i o n it h a t h been found t h a t a b o u t three fourths of t h e coal or fuel is saved b y t h e use of t h e said new invented engines, and t h e said J a m e s W a t t and M a t t h e w Boulton claim an annual sum for their licence drawings and instructions during t h e said t w e n t y five years equal to t h e value of one third p a r t of such savings of coal or fuel m a d e b y t h e use of their said invention. (7). And whereas t h e said J a m e s W a t t and Matthew Boulton h a v e likewise obtained an a r e t t of t h e Council of S t a t e in France granting u n t o t h e m an exclusive priviledge for t h e sole making and vending of their said new invented fire engines t h r o u g h o u t the kingdom of F r a n c e for the t e r m of fifteen years. (8). And whereas t h e same J a m e s Constantine Perier having seen in England several engines of t h e aforesaid new invention and being convinced of their great superiority over those of t h e old invention h a t h applyed to t h e said J a m e s W a t t and Matthew Boulton for their consent to erect t h e engines of their said invention at Paris for t h e supplying of t h a t city with water, to which the said J a m e s W a t t and Matthew Boulton h a v e agreed on t h e terms and conditions following. B u t in doing this t h e y t h i n k it necessary previously to insert t h e motives which have induced t h e m hereto which are as following: one engine of t h e said J a m e s W a t t and Matthew Boulton's construction with a cylinder of 63 inches in diameter is capable of raising 5 7 6 0 0 muids of water to t h e h i g h t h of 170 English or n o French feet in 24 hours, and t h e Royal Academy of Sciences a t Paris h a v e calculated t h a t to raise 365 muids of water 170 English or n o French feet high will cost 73 sols in fuel or coals, hence if 365 muids cost 73 sols 5 7 6 0 0 muids will cost 11522 b y a fire engine of t h e old construction; b u t suppose one a f t e r J a m e s W a t t and Matthew Boulton's invention to save t h r e e forths, which will be equal to I I 5 2 0 — 2 8 8 0 = 86/+0, then suppose J a m e s W a t t and Matthew Boulton to be paid as in England one third p a r t of such saving, it would be equal to 2 8 8 0 sols per d a y or i44 livres tournois per day, which being multiplyed b y t h e days in one year will a m o u n t to 5i56o livres per a n n u m or 2190 guineas. B u t as t h e said J a m e s W a t t and Matthew Boulton are n o t only desirous of establishing t h e use of their fire engines in France, b u t also testifying a proper sense of t h e honourable distinction conferred upon t h e m b y His Most Christ i a n Majesty's having granted u n t o t h e m t h e a r e t t of Council aforesaid, and as t h e y consider t h e supplying of His metropolis with w a t e r an object of great publick utility, t h e y have n o t insisted upon the same proportion of the savings of fuel being allowed to t h e m b y such persons as erect their engines in Britain, b u t have as an encouragement to so

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CAPITAL

ET MACHINE

A

VAPEUR

useful and noble an undertaking consented to accept of the terms following. (9). And therefore the said parties do hereby for themselves respectively and for their respective heirs, executors and administrators covenant, promise and agree to and with each other his and their heirs, executors, administrators and assigns in manner and form following that is to say, (10). First that they the said James W a t t and Matthew Boulton do hereby grant unto the said Perier Frères and Company their licence and liberty for erecting and using so many of their the said James W a t t and Matthew Boulton's new invented fire engines with cylinders of 63 inches in diameter capable of making ten strokes of nine feet long each in each minute and of working pumps of 28 inches diameter in the working barrell to the highth of 170 feet (all English measure) as shall be necessary for the purpose of raising water for the supply of the said City of Paris, but for no other use or purpose whatsoever, (11). Secondly that they the said James W a t t and Matthew Boulton or one of them shall furnish to the said James Constantine Perier all necessary plans, sections and drawings for the masons, the carpenters, the founders and the smiths that shall be employed in preparing the several parts of the said intended machines or engines, and to direct the execution of such parts of the said machines or engines as shall be required to be executed in England, and to communicate in writing for the said James Constantine Perier such further informations and directions as may be required for erecting and fixing together all the parts of the said engines and for using and working the same, (12). Thirdly that the said Perier Frères and Company in consideration of the first and second articles above mentioned shall pay unto the said James W a t t and Matthew Boulton, their executors, administrators or assigns the sum of 24000 livres tournois or in lieu thereof transfer and assign to them 20 shares of and in the said undertaking of supplying the said city of Paris with water (the whole undertaking having been divided b y the subscribers to the said undertaking into 1200 shares estimated at 1200 livres tournois per share as particularly sett forth in the above mentioned articles of agreement bearihg date the said 27 th day of August 1778) at the option and choise of them the said James W a t t and Matthew Boulton, their executors, administrators or assigns, who are to make such their option and choise on or before the last day of May now next ensuing, and in case they shall choose to take the said sum of 24 000 livres tournois in lieu of the said 20 shares, that then the said Perier Frères and Company shall pay the said sum of 24000 livres tournois to the said James W a t t and Matthew Boulton, their executors administrators or assigns in Paris in manner following, that is to say i 4 4 ° ° livres, part thereof on the 3oth day of June now next ensuing, (13). And also, in case the number of shares in the said undertaking

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shall hereafter be increased to more than the 1200 shares above mentioned, t h a t they the said Perier Frères and Company shall either p a y to the said James W a t t and Matthew Boulton, their executors, administrators or assigns the further sum of 24000 livres tournois, or assign and transfer to them 20 of the said new shares free from all payments whatsoever for the same, according as they the said James W a t t and Matthew Boulton, their executors, administrators or assigns shall have made their choice touching the first mentioned 24000 livres or 20 shares above sett forth, and in case they shall have chosen the first mentioned 24000 livres to be paid to t h e m in money, then the payments of the second sum of 24000 livres shall be paid at the like times and in the like proportions as shall be appointed for the subscribers to the said additional shares to pay their subscription money for the said additional shares, (i4). And to the performance hereof the said James Constantine Perier doth hereby bind and oblige himself, his heirs, executors and administrators and also the said society or company of Perier Frères and Company unto them the said James W a t t and Matthew Boulton, their executors, administrators and assigns and they the said James W a t t and Matthew Boulton do hereby bind and oblige themselves, their heirs, executors and administrators unto the said Society or Company of Perier frères and Company and their assigns firmly by these presents, In writing whereof the said parties have to two parts hereof severally sett their hands and seals the day and year first above written. Sealed and delivered (being first duly stampt) in the presence of : — — — —

by Mess re Perrier and Bolton. John Motteux. J. P. Du Bourg Not. Pub. And by the said James W a t t in the presence of Bas. Walker Ant v 6 Jer. Cabrit (Signé) Perier James W a t t Matt w Boulton. 5. — Périer à Boulton et Watt, Paris 10 mars i f j g .

Notre sieur Périer l'aîné de retour d'Angleterre depuis quelque tems nous a communiqué les arrangemens que vous avez pris avec lui pour la construction des machines à feu de votre invention; nous avons pleinement aprouvé ses opérations et les conventions faites entre vous, soit pour les pièces qui doivent être fabriquées en Angleterre, soit pour celles qui seront exécutées dans nos atteliers. E n conséquence

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nous vous prions de tenir la main aux premières dont nous aurons besoin du moment que nos constructions en maçonnerie et charpente seront en état de les recevoir, ce qui ne tardera pas. Nous pressons vivement nos ouvriers et la belle saison nous aidera à avancer le travail. A l'égard des pièces que nous faisons fabriquer, les dessins en étant faits avec soin il ne sera pas difficile ni long de les exécuter. La chaîne est déjà avancée et nous allons travailler successivement et en même tems aux autres parties. Nous écrivons à M. Wilkinson et lui fesons part que nous espérons obtenir du Ministère des passeports pour le transport de nos pièces de fonte qu'il fabrique et nous le chargeons en même tems d'en solliciter de pareils en Angleterre ce qui nous feroit gagner beaucoup de tems, puisque des vaisseaux neutres seraient obligés d'aller des bouches de la Severn à Ostende et revenir ensuite à Rouen, ce qui rendrait le transport très dispendieux. Nous attendrons votre décision pour la nature du payement de vingt quatre mille livres qui vous sont dues pour la cession de votre privilège. Nous sommes prêts à le faire de la manière que vous jugerés à propos, mais nous ne vous cacherons pas que nous serions plus flattés de vous voir préférer des actions, autant par la bonne opinion que nous avons de notre affaire qui promet les plus belles espérances de bénéfice que pour avoir la satisfaction de vous compter au nombre de nos associés.

Périer Frères et Compagnie. P . S. Nous attendons avec la plus grande impatience les dessins que vous vous êtes engagé de nous envoyer et vous pouvés les adresser à M. Motteux et Cie de Londres qui nous les fera parvenir par la voie la plus sûre et la plus prompte.

6. — Périer

à Boulton

et Watt, Paris s8 mars IJJQ.

Nous attendons toujours avec la plus grande impatience les desseins que vous devés nous envoyer. Nos travaux avancent et nous nous trouverons arrêtés sur la fin de la machine si nous ne recevons promptement les détails des ballanciers. Les chaînes sont forgées. Je fais faire les tiges des pistons dans une grosse forge à ancres. A l'égard des bâtiments ils vont leur train et sous trois mois les réservoirs et les battimens des machines seront finis. J'ai obtenu du ministre icy des passeports pour nos machines et tuyaux. Si on peut obtenir la même chose en Angleterre je crois que cela seroit très économique. M. Wilkinson étant chargé de faire les charge-

DOCUMENTS ments je lui écris sur cet article avec plus de détail. Je vous seray obligé lorsqu'il en sera tems de mettre sur le premier navire une tonne de différentes espèces d'aciers que je vous feray payer en Angleterre. Je vous seray très obligé. Périer.

7. — Périer à Boulton et Watt, Paris 2 mai

177g.

W e did not receive till the 21 ult. your favour of the 6th. W e beg you will in future attend to the direction at foot hereof, as we imagine the delay to have proceeded from the inaccuracy of the address. W e are much obliged to you for the drawings you have sent us, n 0 8 1 à 8, and we shall be very glad to receive the others you promise us as soon as they can be got ready. W e observe and have acquainted the Company that you have made your option to take the money and not the actions agreed upon between us as a premium to be paid you for the use of your fire engines, and the Company regrets exceedingly the not having you amongst its members, but is fully persuaded you will on all occasions give us, according to your promise, every advice and assistance we may stand in need of. Y o u will be pleas'd to let us know on what manner you choose to receive your payments. There is now £ 9600 coming to you, for which you m a y either draw on us at a few days sight, or on your answer we will remit you the amount on London. W e shall now reply to that part of your letter which more particularly concerns Mr Wilkinson, who as also written to us from Brosely the 12th ult. with instructions to send our reply to you, as he was to be some time absent from home. W e observe with pleasure b y these letters that about this time there will be ready for shipping one complete engine with the air vessel, and that the remainder of the cargo will be made up with 24 and 12 inch pipes. W e hope to be able to send you in a port or two the French pass, which will be a sufficient security against French and American seizures and protect the ship v e r y completely at Havre de Grâce or in any other French port whatever. This leads us to think that the n a v y should clear out for Ostend, but that the strongest and most secreet instructions should be given to the captain to put into Havre de Grâce : he must b y no means proceed to Ostend because the expense of getting h e a v y articles from the sea would be as great as from Chepstown. It should seem to us that an English bottom should be a full and sufficient security for English manufactury, let who would be the owner of them: y e t we are not clear that in practice French property is safe on board an English vessel: if so, an English privateer might still

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seize the cargo, and this makes us wish t h a t we could come to some agreement with you, t h a t the goods shall not be ours till landed in France. By these means, their being English property whilst at sea would secure them against captures and seizures, and the French pass would guard against French and Americans. We send this letter open to our mutual friend Messieurs J . Motteux and C°, requesting t h e m to give you their friendly advice how it m a y be safest to proceed; we request you will consult with t h e m on the subject and we shall aprouve whatever m a y be done in consequence. If by the result the insurance is to be made on our account, we request it may be done b y Messieurs Motteux and C°, and as the great danger must be from French privateers we consent to have t h a t risk excepted in the policy: the seas and the English are all we have anything to fear from. It is absolutely necessary the vessel should come up to Rouen, she can do with safety; we expect t h a t will make some addition to her freight and we do not object to it, as we are sure you will make the difference as small as possible. If there are not passes enough ready for immediate shipping, we desire you will load about 10 tons of cake copper and 20 tons of piplead to be purchased at Bristol at the very cheapest prices, and as soon as you advise us of the purchase, we will immediately provide for your payment. But should the whole loading for the n a v y be ready, as we hope and trust it will, we shall then only desire to know at what prices copper and lead m a y be shipt at Bristol or Chepstown. We also request you will inform us at what periods you expect to be able to ship the remainder of our order for pipes. It will be of great consequence to ship the whole in the course of this summer and before the stormy weather. You must have 2 or 3 vessels employed, for the trips to Rouen and back m a y be long and any unexpected delay would be highly detrimental to us and must therefore be avoided. We submit the whole to your mature deliberation and prudent management, at the same time t h a t be recommend all possible dispatche ; every kind of economy is requisite in this business and none more so t h a n t h a t of time. We are with great regard and t r u t h sincerely etc. Périer Frères et Compagnie. Address : à Monsieur Périer Mécanicien, rue de la Chaussée d'Antin à Paris. Trouvez bon, Messieurs, que je joigne icy une notte de différentes choses qui m'intéressent. Vous m'avez promis de me procurer des aciers, je vous serai en conséquence très obligé d'en faire charger avec nos

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machines et t u y a u x environ 2 000 11. de différentes espèces dont vous m'avez parlé et principalement de celui qui réussit le mieux pour tourner les métaux. Je vous serai pareillement obligé de prier M. Wilkinson de charger sur ce bâtiment huit ou dix tonnes de fonte de la meilleure qualité. J'ai des coudes pour nos t u y a u x de distribution qu'il est impossible de terminer d'avance et qu'il serait trop long de faire faire en Angleterre. Vous voudrez bien aussi prier M. Wilkinson de ne pas oublier sur ce premier chargement la petite machine qu'il a du faire; tout le reste de cette machine est fini, nous attendons après ces fontes et nous serions désolés qu'elles ne fussent pas faittes.

Périer.

8. —

Périer à Boulton et Watt, Paris 24 juin

iyjQ.

Nos amis communs Mess. Jn. Motteux et Comp. de Londres nous ont communiqué ce que nous avés eu la bonté de leur marquer au sujet de la fabrication de nos machines et t u y a u x . Nous avons v u avec plaisir qu'il y avait deux chargemens prêts et qu'en conséquence vous aviez nolisé le brigantin « Le Severn » pour nous apporter le second chargement. Nous avons à remercier M. Wilkinson de la diligence qu'il a mis à la fabrication de ses marchandises et nous vous prions de lui dire que si nous ne lui écrivons pas, c'est dans la crainte que notre lettre ne lui parvienne pas bientôt, ignorant en quel endroit il se trouve. D'ailleurs nous comptons que vous voudrés bien lui communiquer la présente. En conséquence de votre avis, nous avons obtenu un passeport pour le brigantin « Le Severn ». Il est à l'expédition et nous vous l'adresserons dès qu'il aura été expédié. Nous ne doutons pas que vous n'en ayés obtenu du ministre anglais pour « La Marie ». D'après ce que M. Boulton a écrit à M. Motteux ce navire n'aurait plus rien à craindre alors de la part des corsaires des deux nations et nous n'aurons à faire d'assurances pour le chargement que contre les risques de mer. Comme nous pensons que le capitaine John William relâchera au Havre de Grâce pour y prendre un pilote côtier, nous le recommanderons à Jean-Baptiste Feray et Comp., desquels il pourra se réclamer pour ses instructions et qui lui donneront l'adresse d'une maison de Rouen à laquelle nous écrirons aussi, pour que ce capitaine trouve toutes les facilités convenables. Nous aurions été bien aises d'aprendre que ce navire est chargé et quand est-ce qu'il sera parti de Chepstowe. Nous ne voyons pas ce qui pourroit le retarder actuellement s'il a tous ses passeports. A l'égard du payement des fournitures faites par M. Wilkinson, nous

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pensons que le moyen le plus simple est qu'il tire des lettres de change sur nous à quelques jours de vue, après la livraison des marchandises. Il fera à ce sujet ce qu'il jugera à propos. Il peut être sûr que ses lettres de change seront acceptées et payées exactement à l'échéance. Nous avons vu par votre lettre du 5 e courant les changements que M. Wilkinson a fait aux tuyaux et l'astragal qu'il a substitué aux brides. Nous aprouvons son opération dès qu'il a cru qu'elle étoit préférable à celle qu'avait proposé M. Périer. Nous vous prions de ne pas oublier les autres dessins que vous avés à nous envoyer, nous les attendons avec impatience. Le bâtiment pour les machines avance et il nous tarde de voir arriver « La Marie » avec les pièces de la machine pour les placer. Périer frères et Comp. 9. — Périer à Watt et Boulton, Paris ig juillet J775. Nous sommes inquiets sur notre chargement du navire « La Marie » et privés de l'honneur de vos lettres, ainsi que de celle qu'aurait pu nous écrire M. Wilkinson. Nous serions fâchés que le capitaine Williams n'eût pas encore mis à la voile. Nous espérons que votre première nous donnera avis de son départ qui n'aura pas été retardé par la faute des chargeurs, mais par la circonstance. Il nous est de la plus grande importance que ce premier chargement nous parvienne bientôt puisqu'il contient les pièces principales de la machine d'où dépend toutte notre affaire. Ce sera un grand souci de moins pour nous quand nous le saurons heureusement arrivé à Rouen. (Copie transmise par Motteux le 2 août 1779.) 10. — Périer à Watt et Boulton, Paris 2 août

ijjg.

Nous avons reçu la lettre dont vous nous avés honorés le 23 e du passé; par laquelle vous nous annoncés que Mr Boulton est à Londres et qu'il n'a pu obtenir encore les passeports nécessaires à l'expédition de « La Marie ». Vous ne sauriés croire combien ce retard nous est désagréable, d'autant que ne pouvons prévoir le moment ou l'embargo sera levé. Nos machines nous pressent infiniment et si les affaires ne prennent une autre tournure, nous pensons que nous serons obligés pour les chargemens subséquents de fréter des navires neutres pour nous les aporter. Ce parti quoique plus dispendieux sera le plus court et le plus sûr. Nous nous adresserions alors à quelque maison d'Ostende qui nous prêteroit le navire qui feroit plusieurs voyages, et nous serions débarrassé de solliciter dans les deux Cours des passeports très difficiles à obtenir et qui tiennent beaucoup de temps avant leur obtention. (Copie transmise par Motteux le 10 août 1779.)

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11. — Périer à Watt et Boulton, Paris g septembre IJ7Q. Nous avons reçu les lettres dont vous nous avés honoré jusqu'à la datte du i e r 7bre et en même tems tous les dessins et instructions qu'elles contenoient pour notre machine à feu. Si nous avons différé d'y répondre, c'est que nous avons été bien aises que nostre Sr Périer l'ainé entra dans les détails mécaniques que vous nous demandés et qui ne sont pas de notre connoissance. Il n'a pu le faire parce qu'il a été en voyage jusqu'à ce jour et il est actuellement au Havre de Grâce où il a été prendre des arrangemens avec le gouverneur pour l'arrivée de « La Marie » qui sera obligée d'aller à Honfleur, port situé vis à vis du Havre. A son retour il ne manquera pas de satisfaire à tout ce que vous avés demandé par vos lettres et il vous confirmera les sentimens etc. Périer Frères et Comp. 12. — Compte Périer Frères. To amount of sundy materials in 1779 & 1780, including charges = £

I5I.2.I.

1779. June 11. By produce of a draft drawn by Mr Boulton Junior in favour of John Motteux Esq. & C° for livres tournois 9600: £ 383.6.8. Negotiated a 28 3 /4 £ per French Crown. 13. — Périer à Boulton et Watt, Paris 24 mai

ij8i.

Nous avons reçu la lettre dont vous nous avés honorés le 4 du courant et pour y répondre nous vous annoncerons avec plaisir que nos machines sont sur le point d'être terminées; nous comptons que l'une des deux marchera sous un mois. Nous ne doutons point de leur succès, par les soins que nous y avons aporté et nous nous empresserons de vous faire part de leur réussite, persuadés de l'intérêt que vous y prenés. Les dépenses extraordinaires et le tems plus long que nous l'avions jugé nécessaire, qui s'est écoulé depuis le commencement de nos travaux, ont absorbé presque toute la première mise de fonds de nos actionnaires, ce qui nous met aujourd'huy dans l'impossibilité de vous payer le restant de la somme qui vous est due par notre traité. Mais notre intention étant de former une nouvelle création d'actions au moment que les machines marcheront il nous rentrera alors des fonds assés considérables et notre premier soin sera de vous remettre ce solde. En attendant cette époque qui ne peut être bien éloignée et pour vous prouver que nous voulons faire tout ce qui dépendra de nous pour vous satisfaire, nous vous prévenons que vous pouvés à la réception de cette lettre vous prévaloir sur nous à 10 jours de viie pour la somme de

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£ 151 : 2 : montant des divers articles que vous nous avés fournis et expédiés par les navires qui nous ont aporté les pièces de fonte de nos machines. Nous ferons à votre traite l'accueil qu'elle mérite. Nous sommes très fâchés que la circonstance ne nous permette pas de nous aquitter entièrement avec vous dans l'instant où vous témoignés le désirer. Nous acceptons avec plaisir vos offres de service et nous en userons librement si l'occasion se présente pour vous réitérer les assurances etc. Périer Frères et Comp.

i4. — Périer à Boulton et Watt, Paris i j septembre

ij8i.

Nous répondons à la lettre que M. Boulton a pris la peine d'écrire à notre Sr Périer et nous recevons avec plaisir les complimens que vous lui faites sur le succès de la machine à feu qu'il a établie. Quoique cette machine ait marché plusieurs fois depuis son premier essay, elle n'est point encore portée à son dernier degré de perfection puisqu'elle ne donne que six impulsions par minute et qu'elle doit aller jusqu'à dix. Mr Périer espère qu'elle arrivera à ce point dès qu'elle sera parfaitement terminée et qu'il aura ajusté certaines pièces avec plus de précision. E n attendant nous avons lieu d'être contens de son exécution par l'aplaudissement général du public et par le succès qu'il paroit nous promettre. C'est avec le plus grand regret que nous nous voyons dans l'impossibilité de vous payer vers la fin du présent mois le solde de 14 4oo livres tournois que nous vous devons en vertu de l'accord passé entre vous et Mr Périer; mais les circonstances s'y opposent absolument et vous aller en juger vous mêmes par l'état des fonds de notre Compagnie. Lors de la formation de notre société, il a été fait une création de 1080 actions payantes dont les fonds fournis à mesure ont été employés et n'ont pas même été suffisans pour conduire les t r a v a u x jusqu'à l'époque où nous sommes parvenus, ce qui a obligé la Compagnie après avoir placé les 120 actions de notre Sr. Périer, de recourir à un emprunt qui a été effectué en janvier dernier pour la somme de cent mille écus. Ce nouveau secours a servi à payer une partie des dettes et à subvenir aux frais journaliers de l'établissement, de sorte qu'il se trouve consommé. Il est même indispensable que nous recourions à une nouvelle création d'actions pour continuer la distribution des eaux dans la ville, ce qui sera l'objet de délibération d'une assemblée générale des intéressés qui doit avoir lieu sous peu de jours et qui sans doute aura l'effet nécessaire à la continuation de notre entreprise. Par cet exposé succint de la situation de notre affaire vous voyés, Messieurs, que les machines ne sont point encore portées à leur perfection, que les fonds destinés à l'établissement n'ont pas suffi aux dépenses

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déjà faites et que l'affaire ne donne encore aucun produit. Vous pouvés voir par là l'impossibilité où nous sommes dans le moment de nous acquitter envers vous et par conséquent d'accepter les traites que vous êtes dans l'intention de fournir sur nous. Dès que la création d'actions projettées aura eu lieu d'après la décision de l'assemblée générale, les fonds provenans des nouvelles actions nous rentrerons bientôt et nous nous empresserons de vous faire tenir le solde qui vous est du, soit en vous faisant des remises sur Londres, soit en accueillant les traites que vous jugerés à propos de fournir. En attendant nous vous prions d'accepter nos regrets sur le refus forcé que nous vous faisons, et de nous croire etc. Périer Frères et Comp.

i5. — Périer à Boulton et WcUt, Paris 7 décembre

ij8i.

En nous rapportant à la lettre que nous avons eu l'honneur de vous écrire le 17 septembre dernier, nous venons vous faire part aujourd'hui de la tenue de notre assemblée générale. Parmi les objets de payement que nous avons mis sous les yeux des intéressés actionnaires, votre créance de 14 4oo était comprise et nous avons demandé qu'il fût pourvu à son acquittement. On allait s'occuper des moyens de vous satisfaire, lorsque plusieurs nouveaux actionnaires ont prétendu que vous n'aviez pas obtenu de privilège pour l'établissement de vos machines en France et qu'il n'y avait pas eu d'arrêt du Conseil expédié pour vous en accorder le droit. Cette question a arrêté la décision de l'assemblée et pour justifier la convention que vous avez passée à Londres avec notre S. Périer en 1779, autant que pour nous mettre à même de pourvoir au payement du solde qui vous reste du, nous croyons devoir vous prier de nous remettre copie des pièces relatives à l'obtention de votre privilège en France, telles que lettres du ministre, arrêt du Conseil, réponses aux mémoires, requêtes, etc. La réception de ces pièces nous mettra à même, en les représentant à nos actionnaires, de justifier l'acte de cession que vous avez passé à Londres avec M. Périer et éclaircira pleinement un fait sur la vérité duquel nous n'aurions jamais formé le moindre doute d'après votre seule parole. Mais obligés de rendre compte à nombre de particuliers dont on ne peut souvent arrêter l'opinion ou les préjugés que par des preuves, nous espérons que vous ne trouverez pas mauvais que nous y recourions et que nous fournissions les moyens de conviction les plus parfaits. C'est avec le plus vif regret que nous nous voyons forcés de vous faire supporter ce nouveau retard, mais dans les affaires de Compagnie les administrateurs doivent pleine et entière satisfaction, et nous espérons que vous voudrez bien nous aider à la donner le plutôt possible. La dernière fois que notre machine a marché nous avons obtenu

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7 à 8 impulsions par minute. Nous comptons toujours arriver aux io terme de sa perfection, c'est ce que nous vous apprendrons avec le plus grand plaisir. E n attendant, permettez" etc.

16. — Périer à Boulton et Watt, Paris 5 juillet

1782.

Nous avons communiqué à notre comité d'administration la lettre dont vous nous avés honoré le i e r may dernier servant de réponse à la nôtre du 7 décembre dernier et qui nous rend compte des droits que vous prétendés avoir de faire, user et vendre des machines à feu dans le domaine de la Grande Bretagne et des accords particuliers avec M. Wilkinson engagé envers vous de ne fabriquer aucune pièce desdites machines sans votre consentement. C'est sur ces bases que vous vous êtes apuyés pour traiter avec M. Périer pour lui céder l'usage des machines à feu à Paris et de lui fournir tous les dessins coupes etc. et de lui donner en outre par écrit toutes les informations qui pourroient être par eux requises. Les administrateurs de notre Compagnie n'ont pas cru devoir prendre une délibération définitive qui terminât cette discussion élevée dans une assemblée générale d'actionnaires. Ils ont décidé de renvoyer cette affaire devant tous les intéressés, puisque c'est devant eux qu'elle a été présentée et nous nous sommes chargés de vous prier de vouloir bien attendre la prochaine tenue de notre assemblée générale qui aura lieu dans le mois d'août prochain et dans laquelle nous ferons lecture de votre réponse pour qu'il soit définitivement statué sur votre demande. Nous espérons que vous ne trouverez pas mauvais que nous vous remettions à ce court délai et que vous êtes persuadés d'avance du désir que nous avons de voir se terminer cette discussion à la satisfaction mutuelle des parties intéressés. C'est dans ce sentiment etc. Périer Frères et Comp.

17. — Compte Périer

Frères.

Mess rs Perrier frères & Company to Boulton and W a t t . 1780. J a n u a r y 1. To amount due us per agreement dated 12 feb. 1779 payable at different times, the last payment due 1 st J a n u a r y 1780. Livres tournois : 24 000. By drawn in the year 1779 for : 9 600 (reste du) : i4 4oo. 1784. To interest on the above 14 4°o. from 1 st J a n u a r y 1780 to this date ; 4 years à 5 per cent : 2 880. ( Total des deux premiers articles : 14 400 + 2 880) 17 280.

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To amount further due to us per the above mentioned agreement : a4 000. (Total des 3 premiers articles) livres tournois =

4 1 280.

To interest on the last mentioned 24 000 (Néant; n'ont pas été demandés).

les intérêts

18. — Watt et Boulton à Périer, 22 août 1786. Gent n We have repeatedly done ourselves the honour of writing to you with copies of our account against you, to which we have not hitherto been favorised with any written answer. But in consequence of a conversation that Mr. St-James held with our friend Mr Argand, we have been flatterd that it will be agreeable to your Company to pay the bill of our account, and therefore we have this day taken the liberty of drawing upon you for 27 668 livres tournois in favour of the said Mr Ami Argand at twenty days sight, which is the ballance of our account as standing in our books and which includes the interest on the first sums from the time they were due to this time. We have not charged any interest on the 24 000 livres agreed to be paid at the augmentation of the original number of 1 200 actions. We have also drawn a small bill of 1.36.6 sterling for files and some charges paid by us by our order. Your paying due honour to these drafts will ballance our account and will much oblige us, who remain with due respect, gent n .

19. — Périer à Boulton et Watt, Paris 23 septembre

ij86.

La lettre que vous nous avés fait l'honneur de nous écrire le 22 août dernier nous a été remise par M. Argand qui nous a en même tems présenté votre lettre de change dudit jour payable à vingt jours de vue à son ordre pour la somme de 27 668 livres tournois. Cette lettre a été par nous acceptée et payée. Par ce moyen notre compte courant se trouve soldé puisque ce montant comprend tout ce qui vous étoit du en capital et en intérêt jusques à ce jour. Nous avons également payé la lettre de change de £ 1 : i3 : 6 : sterling payable à la même époque, montant de quelques fournitures que vous aviez faites précédemment d'ordre de notre Sr. Périer. Nous avons l'honneur etc. Périer Frères et Comp.

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20. — Watt et Boulton a Perier, Birmingham

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14 octobre 1786.

We received in due course the honour of your letter of the 23th. sept. We have also received advice from Mr. Argand, that you accepted and duly paid our bill of exchange on you in his favour dated aug* 22th at 20 days sighted, for 27 668 livres toumois and also our draft at same time and date value of £ i . i 3 . i . ster., which two drafts are in full of your debit to us as by the account delivered to you and which we now discharge. Returning you our thanks for the payment and wishing you success in your undertakings, we have the honour to remain with due respect and regard.

IV R A P P O R T D E COULOMB SUR L A POMPE A F E U D E CHAILLOT, 19 MARS 1783 Nous avons examiné par ordre de l'Académie, M. Le Roy, M. l'abbé Bossut, M. Cousin et moy deux mémoires de M. Périer sur les pompes à feu. Le premier contient la description d'une pompe à feu qu'il vient d'établir à Chaillot pour élever les eaux de la Seine dans plusieurs réservoirs à 1 1 0 pieds de hauteur au-dessus des basses eaux. Cette pompe à feu est construite d'après les principes de Mrs. Watt et Bolton, deux artistes anglois qui depuis à peu près douze ans se sont occupés avec beaucoup de succès de la perfection de cette machine. Le 2 e mémoire contient la description d'une seconde pompe à feu que M. Périer vient encore d'établir à Chaillot, qui élève l'eau dans un réservoir de i5 pieds de hauteur, d'où en retombant elle fait tourner plusieurs roues à godets qui sont destinées à mettre en jeu une machine à percer des tuïaux, des soufflets, des marteaux de forge, enfin toutes les parties d'un grand attelier (f. iv). Dans cette seconde machine, en prenant de celle de M. Watt et Bolton quelques-unes des parties qui doivent le plus contribuer à en augmenter l'effet, M. Périer a cherché à en diminuer le prix, à en simplifier l'exécution et à en faciliter en cas d'accident les réparations et l'entretien. Nous allons rendre compte des deux mémoires de M. Périer, ainsi que de l'examen de ces deux machines, que nous avons fait sur les lieux. Dans les grandes machines à feu destinées à produire beaucoup d'effet et telles qu'on les emploie ordinairement dans l'exploitation des mines, c'est le poids de l'air qui fait descendre le piston lorsque l'on a fait le vide dans l'intérieur du cilindre. Voici en gros comment cet effet s'opère. La vapeur s'introduit de la chaudière sous le piston du cilindre, le piston s'élève et le cilindre se remplit de vapeur. Alors la communication entre la chaudière et le cilindre se ferme, un tuyau d'injection qui pénètre dans le fond du cilindre s'ouvre, l'eau s'élance de ce tuyau d'injection, condense la vapeur, forme le (f. 2) vide. Pour lors le poids de l'air extérieur sur le piston du cilindre force le piston de redescendre et au moïen d'un balancier auquel il est suspendu, il élève de l'autre côté du balancier une colonne d'eau, par une ou plusieurs pompes. L'on pratique ordinairement sur le côté inférieur du cilindre un petit godet avec une soupape que l'on nomme reniflard, qui est destiné à évacuer l'air intro-

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duit pendant l'injection. Du fond du cilindre part encore un petit tuïau qui décharge dans une cuvette l'eau d'injection; ce tuïau fournit en passant une branche pour alimenter la chaudière. Les soupapes ou robinets d'injection et de vapeur sont fermés et ouverts par le mouvement d'une coulisse qui, suspendu au balancier fait manœuvrer différents contrepoids. Telle est en général l'idée que l'on peut se former des grandes machines à feu que Newcomen et Cauly substituèrent vers 1 7 1 3 à la machine de compression du capitaine Saveri. L'on peut voir dans La phisique du D(r). Desaguilliers toute l'histoire de cette découverte (f. 2v). Mais cette machine telle que nous venons de la décrire a plusieurs grands déffauts. Le premier c'est que l'injection rafraîchissant les parois intérieur(es) du cilindre, et que ces parois se trouvant exposées à l'air extérieur pendant la descente du piston, perdent une partie de leur chaleur et condensent ensuite dans le tems que le piston monte, une partie de la vapeur fournie par la chaudière, condensation entièrement perdue dans l'effet de la machine. Le second vient de ce que le vide se fait dans le cilindre d'une manière très imparfaite. Ce qui peut nous en convaincre, c'est que l'usage a indiqué que dans ces sortes de machines il faloit faire le poids à élever moitié seulement du poids de l'atmosphère. Pour corriger ces défauts, voici d'après la description de la grande pompe à feu de Chaillot les moïens que Mrs Watt et Bolton ont emploies. 1). Ils ont cherché à faire descendre le piston par la force d'expanssion de la vapeur, et ils (f. 3) (ont) oté toute espèce de communication entre l'air et le cilindre. 2). Au lieu de faire l'injection dans le cilindre même ils l'ont fait(e) dans un tuyau particulier qui communique avec le cilindre et qu'ils ont nommé condenseur. 3). Au lieu du reniflard par où l'air n'étoit chassé que d'une manière très imparfaite, ils ont adapté une double pompe à l'extrémité du condenseur. Cette pompe fait le vide dans le condenseur et enlève en même temps l'eau d'injection, dont elle porte une partie dans la chaudière. D'après ces principes voici comme ils ont exécuté leur machine : le cilindre est formée d'une double enveloppe de fonte à deux pouces à peu près de distance l'une de l'autre. L'espace entre les deux enveloppes se remplit de vapeur au moïen d'un tuïau qui communique avec la chaudière. Une troisième enveloppe de laine recouvre le tout. Le cilindre est fermé dans sa partie supérieure d'un couvercle qui joint partout exactement, mais qui est percé au centre d'un trou où passe la (f. 3v) tige du piston du cilindre. Cette tige tournée avec le plus grand soin glisse dans un collier de tresse de chanvre serrée avec des vis par un anneau de fonte, ce qui ne permet pas à la vapeur de s'échapper. La vapeur qui sort de la chaudière communique d'abord dans la partie supérieure du cilindre au-dessus du piston. Le même tuïau qui porte la vapeur de la chaudière descend ensuite parallèlement au cilindre

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et communique encore sous le piston avec la partie inférieure du cilindre, mais cette communication se ferme par une soupape dans le moment où le vide doit se faire. Du même endroit où le tuïau de vapeur communique avec la partie inférieure du cilindre part le condenseur. C'est un tuïau fermé dans sa partie supérieure par une soupape. Il s'étend ensuite horizontalement, forme un coude pour plonger verticalement dans une cuvette pleine d'eau (f. 4). A la courbure de ce condenseur se trouve le tuyau d'injection qui lance l'eau vers le cilindre dans la partie horisontale du condenseur. Ce tuyau d'injection prend l'eau dans la cuvette où il est plongé. L'extrémité inférieure du condenseur aboutit à une grande pompe qui fait le vide dans le condenseur, et qui enlève en même tems l'eau d'injection. Cette pompe a 22 pouces de diamètre, ce qui donne à son jeu assez de capacité pour qu'elle fasse le vide avec exactitude. Mais comme un piston de 22 pouces de diamètre faisant le vide aurait supporté de la part de l'air extérieur une pression très considérable, on a accolé une seconde pompe d'un pied de diamètre qui communique et fait le vide au dessus du piston de la première. La partie inférieure de ces pompes à air est plongée dans l'eau de la même cuvette où trempe le condenseur pour empêcher l'air extérieur de pénétrer dans les joints des différentes pièces (f. 4v). Il sera actuellement facile d'entendre le jeu de cette machine. Si l'on suppose que la vapeur en s'introduisant et circulant librement dans la partie supérieure et inférieure du cilindre en a chassé l'air, ce qui s'exécute au commencement du travail par un robinet que l'on pratique à la partie inférieure du cilindre et par une soupape qui s'ouvre à la partie inférieure du condenseur, le piston du cilindre se trouvera pressé également par la vapeur dans la partie supérieure et inférieure. Mais comme dans l'exécution de cette machine l'on fait le piston du cilindre moins pesant qu'un contrepoids que l'on ajoute au poids du piston et de la tige des pompes, le piston du cilindre montera naturellement au haut du cilindre et la vapeur circulant librement du dessus au dessous du piston passera en entier sous le piston. Alors la soupape qui ferme la communication (f. 5) de la vapeur avec le dessous du piston se ferme, la soupape du condenseur s'ouvre ainsi que celle du tuïau d'injection. La vapeur par sa force expansive se précipite du cilindre dans le condenseur à mesure que l'injection y fait le vide et dès l'instant que la vapeur sous le piston est assez condensée pour que la pression de la force expansive de la vapeur sur le piston soit plus considérable que le poids de la colonne d'eau élevée par les pompes à l'autre extrémité du balancier, le piston commence à redescendre et continue ainsi jusqu'à quatre ou cinq pouces de distance du fond du cilindre. Pour lors le condenseur se ferme, la communication de la vapeur avec le dessus du piston s'ouvre, la vapeur se répand sous le piston, il arrête sa marche et le piston du cilindre recommence à monter comme auparavant.

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Dans le temps que le piston du cilindre descend, la pompe à air forme le vide dans le condenseur (f. 5v). Les différentes soupapes de vapeur et de vide se lèvent et se ferment par le mouvement même de la machine. Voici le plus généralement le méchanisme que l'on emploie pour opérer cet effet. Un coin attaché à une solive que le mouvement du balancier fait monter et descendre rencontre l'extrémité d'une détente, la pousse en arrière en faisant glisser un cran taillé dans cette détente. Ce cran soutient l'extrémité du levier où est attaché un contrepoids. Dès que le cran échappe, le levier qui porte le contrepoids fait tourner son axe avec beaucoup de vitesse. Un levier courbe fixé à ce même axe frappe sur le levier de la soupape et l'élève rapidement. L a détente est remise en arrêt dans le mouvement contraire de la solive. Pour pouvoir apprécier le degré de perfection de cette machine il faudrait encore comparer son effet avec la quantité de vapeur que la chaudière dépense ou au moins avec la quantité de charbon qu'elle consome (f. 6). Mais cet objet demande une suite d'observation que M. Périer n'a pas pu encore faire avec exactitude, parce que n'aïant eu que des masses d'eau peu considérables à porter dans ses réservoirs, la machine n'a marché que par des intervalles de tems très court. Voici cependant d'après les notes et les observations de M. Périer, ainsi que d'après les remarques que nous avons faites sur les lieux les deux jours où nous avons vu marcher cette machine, quelques remarques qui pourront être utiles. Pour connoître à tous les instants la situation de cette pompe à feu M. Perier y a adapté deux syphons remplis de mercure. L'un communique par une de ces (sic) branches avec le tuïau de vapeur et indique la force d'expansion de la vapeur, l'autre communique avec le condensateur (sic) et indique jusqu'à quel degré le vide (f. 6v) se fait dans le condensateur (sic). Le cilindre a 5g pouces de diamètre, le piston de la pompe qui élève l'eau dans le réservoir a 26 pouces. Dans les basses eaux la pompe élève l'eau à 11 o pieds de hauteur. Pour lors, par les observations de M. Périer, la machine donne sans fatigue 8 coups de piston par minutte. Chaque coup de piston est de huit pieds quatre pouces de hauteur. L a force d'expansion de la vapeur répond à une colonne de 3o pouces de mercure, c'est à dire à deux pouces de plus que le poids ordinaire de l'atmosphère. Dans le syphon du condensateur (sic) le syphon monte du côté du condensateur (sic) à 27 pouces, c'est à dire que le vide s'y fait à 1 /28 près du vide parfait (f. 7). Dans la première visite que nous avons fait à cette machine, le baromètre ordinaire étant à 27 pouces 10 lignes et la rivière de 16 pieds au dessus des basses eaux, nous n'avons estimé à peu près qu'à une colonne de 2 1 pouces de mercure le vide du condenseur. Nous disons à peu près, parce que le mercure fait dans le syphon des oscillations continuelles très irrégulières, ce qui doit arriver parce que lorsqu'on ouvre la communication entre le cilindre et le condenseur, la vapeur s'y préci-

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pite avec force et 11e se condense que successivement. Nous avons en effet observé que lorsque le piston du cilindre étoit arrivé à son point le plus élevé, il s'arrête au moins 5 /4 de seconde a v a n t de retomber. Or, comme en supposant le vide parfait sous le piston du cilindre la pression de la vapeur sur ce piston est au poids de la (f. jv) colonne d'eau élevée comme 3 /a, il en résulte qu'en m e t t a n t à p a r t les frottements le piston du cilindre ne peut recommencer à tomber que lorsque la force expansive de la vapeur sous le piston sera réduite au tiers. Ainsi d'après notre observation il faudrait au moins 5 /4 de seconde pour que le condenseur détruisît les deux tiers de la vapeur contenus sous le piston dans le cilindre. Il y a donc toujours dans le cilindre une quantité plus ou moins grande de vapeur qui s'oppose à la descente du piston. D'après cette observation un des points essentiels de cette machine c'est que le vide s'y fasse avec rapidité. M. Périer s'est occupé de cet objet, et la pompe à feu qui ne donnoit au moment de son établissement que 4 ou cinq coups par minutte en donne à présent 10 et 12 (f. 8). Pour comparer actuellement cette machine relativement à son effet avec les anciennes, voici l'aperçu qui nous a été donné p a r M. Périer. Le fourneau consomme dans i4 heures 106 pieds cubes de charbon de Saint-Etienne. D'après le toisé du réservoir, la pompe élève dans le même temps 239 j5o pieds cubes d'eau, ce qui revient suivant les mesures ordinaires à 416 pouces d'eau. C'est donc plus de 4 pouces d'eau fournis à cent pied(s) de hauteur avec une consommation d'un pied cube de charbon. Pour comparer cet effet avec celui des anciennes machines nous trouvons dans le rapport fait (à 1') Académie en 1776 du projet de M. Périer, de l'exécution duquel nous rendons compte aujourd'hui, qu'un ces commissaires qui avait longtemps suivi le travail des machines à feu de Montrelais a observé que la consommation d'un pied cube de charbon n'élevait qu'un pouce d'eau à 100 pieds de hauteur. Ainsi avec la même dépense de feu, la machine établie à Chaillot feroit un effet quadruple des anciennes machines. Mais quoique ce résultat extraordinaire soit, d'après le mémoire de M. Périer, conforme a u x assertions de Mrs W a t t et Bolton, il f a u t pour y compter une suite d'expérience dont M. Périer va s'occuper. Nous allons actuellement rendre compte de la manière dont M. Périer a fait usage de cette pompe pour élever les eaux de la Seine d'un seul coup de piston à 110 pieds de hauteur par une conduite de 36o toises de longueur. Si le piston de cette pompe eut donné comme il le fait souvent 10 ou 12 coups de 8 1 /2 pieds chacun par minutte, il auroit fallu que dans l'instant où le piston cesse par son mouvement d'ascention de presser et d'élever la colonne d'eau, cette colonne de 36o toises de longueur ait (f. 9) acquis une vitesse au moins de cinq pieds par seconde, en vertu de laquelle l'eau de cette conduite continuerait à ce (sic) mouvoir à peu près 6s dans le plan incliné de la conduite dont la h a u t e u r est le 3o e de la base. Il faudrait donc pour fermer les soupapes dans la descente du piston,

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qu'il détruisît toute l'action due à une pareille quantité de mouvement, ce qui n'est pas possible. Aussi arriveroit-il que pendant la descente du piston, les soupapes du piston, celles de la chapelle d'aspiration resteroient ouvertes et que, malgré la descente du piston, l'eau aspirée par le mouvement de l'eau de la conduite continuerait à s'élever dans le corps de pompe et le piston en remontant ne commencerait même à presser l'eau supérieure qu'après avoir acquis un certain degré de vitesse. La machine auroit donc été très fatiguée par l'irrégularité d'un pareil mouvement et il en serait résulté une très grande perte d'effet (f. gv). Cette partie de la théorie des pompes lorsqu'elles refoulent l'eau dans de longues conduites ne paroit pas avoir été assez examinée et a été sentie par M. Périer, et voici le moïen qu'il a employé, pour éviter ce défaut. Le tuyau de conduite ferme par des soupapes du côté de la pompe lorsque le piston cesse de refouler, mais à 10 ou 12 pieds de la jonction du corps de pompe avec la conduite, il a placé sur la conduite un réservoir d'air de 4 pieds i / j de diamètre et de 17 pieds 1 / 2 de hauteur. Lorsque le piston cesse de refouler, l'air comprimé dans le réservoir fait refluer contre les soupapes l'eau contenue entre le corps de pompe et le réservoir et entretient en même temps le mouvement de l'eau dans t o u t le reste de la conduite sans que le mouvement du piston puisse en être altéré (f.io). M. Périer a senti encore que pour avoir le plus d'uniformité possible dans le mouvement des eaux de la conduite, il faloit que la plus grande partie de la capacité du réservoir d'air f û t rempli(e) d'air condensé et qu'en introduisant dans ce réservoir de l'air ordinaire il (se) serait trouvé par la charge de la conduite réduit au tiers de la capacité du réservoir. Il a cherché un moyen de remplir presque en entier ce réservoir d'air condensé. Ce moyen est très simple et très ingénieux. La pompe est percée d'un petit trou un peu au dessus du niveau des eaux de la rivière. Dans le moment de L'aspiration il entre par ce trou des bulles d'air, elles s'élève(nt) le long du corps de pompe (et p a r c o u r e n t la conduite jusqu'au réservoir d'air, où elles se joigne(nt) à la masse d'air qui y est déjà renfermée. M. Périer a pratiqué deux robinets au bas du réservoir qui lui serve(nt) de régulateur pour déterminer la h a u t e u r de l'eau dans ce réservoir (f.iov). Une autre idée très ingénieuse de M. Périer et qui peut être d'un grand usage dans les grandes machines en mouvement, c'est d'avoir disposé les différentes parties de son balancier, dont le poids est à peu près de 3o mille livres, de manière qu'il fasse des vibrations à peu près isocrones à celles des coups de piston. P a r ce moïen, les forces destinées à produire l'effet de la machine ne sont que peu altérées par l'inertie du balancier. Nous disons : que peu altérées; parce qu'elles ne suive(nt) pas ici dans leur marche des loys analogues à celle des vibrations du balancier. Mais l'idée de M. Périer n'en est ny moins juste ni moins ingénieuse, n y moins applicable à la construction de toutes les parties mobiles des grandes machines (f. 11).

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M. Périer décrit dans son second mémoire une pompe à feu de son invention qui est également exécutée à Chaillot et qui est beaucoup plus simple que celle de Mrs W a t t et Bolton. Voici en quoi elle consiste : le cilindre est formé d'une seule enveloppe de métal, entouré(e) d'une seconde enveloppe de laine. Le cilindre n'a point de couvercle et le piston descend dans ce cilindre, lorsqu'on fait le vide sous le piston, par la pression de l'air extérieur. Mais la condensation de la vapeur, ou le vide, se fait comme à la machine à feu de Mrs W a t t et Bolton, dans un tuïau particulier qui répond par une de ces (sic) extrémités au fond du cilindre et qui en se recourbant et descendant verticalement trempe par l'autre extrémité dans une cuvette : cette extrémité inférieure du condenseur est fermée par une soupape très légère couverte de 3 ou 4 pouces d'eau (f. n v ) . L'injection se fait à la courbure du condenseur. Le tuïau d'injection et chargé de 8 ou io pouces d'eau : ce tuïau de condensation sert en même temps de reniflard et de tuïau d'évacuation pour les eaux d'injection. Voici le jeu de cette machine. La force expansive de la vapeur se règle de manière qu'elle réponde à une colonne d'eau de 35 pieds de hauteur. Elle est plus grande par conséquent de 3 pieds que celle qui répond au poids de l'atmosphère. Mais l'on regagne cet excès de force expansive en chargeant à proportion le piston du cilindre. Lorsque la vapeur en élevant le piston a rempli le cilindre, la soupape du tuïau de vapeur se ferme, le condenseur s'ouvre. La vapeur dont la force expansive est beaucoup plus grande que le poids de l'atmosphère chasse par l'extrémité inférieure (f. 12) du tuïau de condensation, dont la soupape ne porte que 2 ou quatre pouces d'eau, l'eau et l'air fournis dans la précédente injection. Une partie même de la vapeur s'échape par la même soupape. Pour lors, lorsque la vapeur a perdu une partie de sa force expansive, l'eau de l'injection fait le vide et le piston du cilindre retombe. Pour simplifier encore davantage cette machine, M. Périer a fait dépendre l'ouverture des soupapes du vide et de la vapeur, de la chute alternative du même contrepoids suspendu à une manivelle. Cet effet s'exécute au moyen de deux axes placés sur une même ligne horizontale mais dont le mouvement peut être indépendant l'un de l'autre. Dans le point où ces deux axes se joignent, ils portent une roue garnie à sa circonférence d'une portion d'anneau par où elles s'engrainent, mais qui peuvent parcourir librement un q u a r t de cercle sans se joindre. Le modèle présenté (f. i2v) par l'auteur et qui est sous les yeux de l'Académie nous dispense d'une description plus détaillée. Cette machine de M. Périer a le mérite le plus à désirer dans les grandes machines, celui (de) la simplicité, puisqu'elle se réduit essentiellement à une chaudière, au cilindre et au condensateur (sic) qui sert en même tems de reniflard et de tuïau d'évacuation; que d'ailleurs l'ouverture des soupapes du vide et de la vapeur s'exécute par un seul axe et un seul contrepoids. Celle que nous avons examinée à Chaillot et que M. Périer destine au service de son attelier donne 8 à 9 coups de piston de 4 pieds

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de h a u t par minutte. La chaudière a 5 pieds de diamètre et 6 pieds de hauteur. Le cilindre a 22 pouces 1 /s de diamètre et 5 pieds 6 pouces de hauteur. La pompe a le même diamètre. Elle élève l'eau à 17 pieds de hauteur (f. i3) en sorte que la colonne d'eau élevée n'est guère que la moitié du poids de l'air. Mais M. Périer a besoin d'un excédent de force pour mouvoir un grand soufflet de forge. Comme cette machine est plus petite que celle que M. Périer a exécuté(e) et perfectionné(e) d'après Mrs W a t t et Bolton; comme d'ailleurs elle n'est établie que depuis peu de jours et qu'elle n'est pas encore parfaitement réglée il ne nous a pas été possible de comparer sa dépense et ses effets avec l'autre machine de Chaillot. M. Périer va s'en occuper et il en rendra compte à l'Académie (f. i3 v). Quel que soit le succès de ses expériences, il paraît que lorsque on voudra établir une petite machine d'une grandeur moïenne pour supléer dans un attelier ou dans une manufacture à la force des hommes et des chevaux, celle de M. Périer et que nous venons de décrire sera par sa simplicité, par la facilité de son exécution, par le peu d'entretien qu'elle exigera, préférable à toutes celles que l'on a proposé(es) jusqu'à présent. D'après cet examen il nous paroit que le degré de discution que M. Périer a porté dans l'exécution des différentes machines qu'il a construites, que les différents moïens qu'il a emploïé(s) pour les simplifier, que les détails dans lesquels il est entré pour que la liaison de toutes les parties f û t toujours proportionnée au momentum des efforts qu'elles ont à soutenir suivant leur (f. i4) position respective, annonce dans l'auteur beaucoup de réflexions, d'inventions et une étude très approfondie de ces machines. Nous croïons aussi que les deux mémoires dont nous rendons compte, où il décrit d'une manière simple et claire une machine à feu de son invention ainsi que celle de Mrs W a t t et Boulton, mérite l'approbation de l'Académie et d'être imprimés dans le recueil des savants étrangers. Fait à l'Académie le 19 mars 1783 1 . (Signé) Coulomb, Bossut, Cousin, Le Roy.

1. Archives de l'Académie des Sciences, Dossier de la séance du 19 mars 1783.

V EST-IL V R A I S E M B L A B L E Q U ' U N E MACHINE F O U R N I E P A R W A T T A J A R Y AIT FONCTIONNÉ A V A N T CELLE DE

CHAILLOT?

Dickinson et Jenkins ont affirmé formellement en 1927 qu'une machine fournie à Jary, ce concessionnaire de mines de houille dans la région de Nantes, que nous avons déjà rencontré, serait la première machine de Watt à avoir fonctionné en France. Cette assertion ne semble pas soutenable. En fait, quoique les pourparlers entre Jary et W a t t aient été poussés assez loin, il semblerait plutôt que la machine n'ait jamais été livrée. Jary s'était mis en rapport avec Watt peu après que celui-ci eût obtenu son privilège pour la France (i4 avril 1778), et il avait obtenu un décret autorisant Watt et Boulton à faire chez lui l'expérience effective nécessaire pour que le privilège acquière toute sa vigueur. W a t t fait allusion à ce projet d'expérience dans sa lettre à d'Hérouville le 9 janvier 1779. Mais le demain il écrit à Jary lui-même, multipliant à la fois les excuses et les protestations de confiance; la machine, dit-il, est en construction, mais le bateau sur lequel il comptait pour la transporter a été pris et se trouve à Dunkerque, « So that you see we are obliged to pay somewhat more than our share of the expense of this ruinous war ». Au mois d'avril suivant, W a t t et Boulton s'occupèrent d'obtenir de leur gouvernement une permission d'exportation spéciale, en raison de la guerre. A ce moment ils avaient déjà traité avec Périer; désirent-ils encore réellement fournir une machine à Jary, provincial obscur? Tout en se méfiant de Périer, ils sont sans doute soucieux de le ménager, espérant que l'établissement hydraulique de Paris, qui réalisera l'expérience demandée pour la confirmation du privilège, sera bénéfique à leur réputation française. Aussi ne trouvent-ils rien de mieux à faire, que de demander à Périer si on ne pourrait pas faire voyager toutes les machines ensemble. Une telle proposition peut sembler presque absurde : passer par Le Havre pour aller à Nantes! W a t t et Boulton n'espéraient sans doute pas autre chose qu'une réponse 1. Nous discutons ici les éléments fournis par : Birmingham Public Library, W a t t and Boulton Collection; W a t t à d'Hérouville, 9 janvier 1779; W a t t à Jary, 10 janvier 1779; Périer à Watt, 2 mai 1779. — H. W . D I C K I N S O N , Rhys J E N K I N S , James Watt and the steam Engine, Oxford, 1927, pp. 48 et i38. — John L O R D , Capital and Steam Power, Londres, 1923, p. 172-173.

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négative, et ils l'obtinrent. Le 2 mai 1779, Périer écrit à Watt qu'un tel projet est tout à fait irréalisable. Il n'avait obtenu du ministre l'autorisation de faire venir du matériel d'Angleterre qu'à la condition que ce matériel fût réservé à son usage personnel, restriction facile à comprendre. S'il agissait autrement, il perdrait tout espoir d'obtenir dans le futur d'autres passeports. C'était dire clairement à Watt : ménagez-moi, vous aurez besoin de moi pour vos exportations ultérieures. Comme l'ont noté Dickinson et Jenkins eux-mêmes, on ne trouve par la suite dans les archives de Watt et Boulton aucune trace de payements qui leur aient été faits par J a r y . Lord, de son côté, en dressant son tableau des machines fournies pour la France jusqu'à 1800, n'a trouvé que les deux commandes que nous avons signalées en leur lieu, et qui correspondent très probablement aux machines de Chaillot et du Creusot. Jusqu'à preuve du contraire, nous considérons donc que la machine destinée à J a r y n'a pas franchi la Manche. Du reste, à supposer qu'elle ait été effectivement livrée, le fait n'en resterait pas moins dépourvu de toute signification historique. Si une machine de Watt est venue en Bretagne en même temps que celle de Chaillot, le moins qu'on puisse dire est qu'elle y est passée fort inaperçue. Rien de comparable avec l'implantation d'une branche nouvelle d'industrie réalisée par Périer. Ni J a r y , ni d'Hérouville, quoique informés de l'existence de la machine de Watt, ne semblent en avoir compris comme Périer, la véritable signification et la véritable portée.

VI L E T T R E DE P É R I E R AU MINISTRE, A P R O P O S D E SA NOMINATION A U B U R E A U DE C O N S U L T A T I O N

Lubin, le 10 janvier 1793, l'an 2 e de la République Française. Citoyen Ministre. J'ai reçu la lettre par laquelle, en me faisant l'honneur de m'annoncer que la Convention Nationale conserve provisoirement au Bureau de Consultation son organisation et sa composition actuelle, vous voulez bien m'inviter comme un de ses membres à partager ses travaux. Je mets trop de prix aux suffrages qui m'y ont appellé, trop d'intérêt à l'objet de cette institution, pour ne pas placer au rang de mes premiers devoirs le faible concours que le Bureau peut attendre de mon zèle. Mais c'est par la raison même que la recherche de tous les moyens, qui peuvent tendre au développement et au perfectionnement des arts dans ma patrie, est la destination exclusive, et, j'ose le dire, le premier besoin de tous les moments de ma vie, que je n'ai pas la libre disposition de tous ceux que je voudrais consacrer au Bureau de Consultation; et les différents établissements que je forme, mes absences nécessaires, les diverses missions dont m'honore le pouvoir exécutif, me forceront à mon grand regret à manquer à ses séances, tandis que mes atteliers de Chaillot sont employés à augmenter l'artillerie de la République, à réparer par la construction de nouvelles machines une partie des désastres de nos colonies, à approprier aux manufactures de toutes les classes les inventions utiles, les procédés économiques qui peuvent perfectionner et accroître leur produit. Je viens de faire dans un lieu trop longtemps négligé par l'industrie et surchargé d'une population pauvre et malheureuse un établissement de filature, dans lequel j'espère introduire quelques inventions heureuses. Je commence à y jouir du bonheur d'avoir converti en une colonie laborieuse un pays que j'ai trouvé dans le plus triste dénuement; avant la révolution de cette année mille familles, que la misère dégradait, se trouveront changées dans mes ateliers en artisants utiles, en dignes membres de la République, car le travail seul peut assurer à l'Etat de bon citoyens. J'ai cru devoir vous présenter ce tableau de ma position, qui m'oblige de me partager entre plusieurs établissements, tous également voués à la chose publique.

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Parmi tant de devoirs je distinguerai sûrement tous ceux qui m'attachent au Bureau de Consultation et je tacherai que mes absences n'y soient que très rarement remarquées, mais j'ai désiré les justifier d'avance auprès de vous. Si je puis espérer en même temps que quelques détails sur ma filature puissent intéresser votre amour pour les arts utiles, je m'empresserai de vous les soumettre aussitôt que vous m'en aurez marqué le désir 1 . Périer.

1. Archives du C.N.A.M., série 10, liasse 121.

VII AVANCE DE 4o ooo FR. CONSENTIE A P É R I E R PAR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, GARANTIE SUR DES MACHINES EXISTANT A CHAILLOT (1807) 1. Préfecture du Département de la Seine, i r e Division, 4 e Bureau. Paris le 29 mai 1807, à Monsieur Molard Directeur du Conservatoire des Arts et Métiers à l'Abbaye Saint-Martin. Monsieur, Son Excellence le Ministre de l'Intérieur voulant donner à M. Perrier un témoignage de son estime et du désir que les ateliers de cet estimable mécanicien ne ralentissent pas leurs travaux a décidé de lui faire une avance de 4o 000 fr à prendre sur la Caisse d'Amortissement. S. Exc. a mis à l'accomplissement de ce prêt une condition : c'est que M. Perrier consignera en garantie de cette somme des machines existant dans son atelier et dont la valeur ne pourra être moindre de 53.333 fr 33 c. S. Ex. m'a en même temps chargé de désigner deux personnes particulièrement versées dans la connaissance des machines qui se fabriquent chez M. Perrier pour certifier la valeur de celle qu'il présentera en consignation. Je n'ai pas cru Monsieur pouvoir m'adresser plus sûrement qu'à M. Montgolfier et à vous pour terminer cette opération qui exige autant de délicatesse que d'habileté. J'attends de votre complaisance pour l'administration et de votre estime pour M. Perrier que vous voudrez bien vous en charger. Il sera nécessaire de dresser un procès-verbal de votre estimation. Ce procès-verbal devra contenir : i° Description succincte des machines présentées; 20 Désignation du prix assigné par M. Perrier à chaque machine; 3° enfin votre avis sur ce prix. Je vous prie Monsieur pour l'intérêt de M. Perrier de vouloir bien mettre le plus de célérité possible dans l'exécution de cette mesure et de vouloir bien m'adresser votre procès-verbal aussitôt qu'il sera clos. J'ai l'honneur de vous saluer. Le Conseiller d'État Préfet du département de la Seine. 2. Réponse à une lettre du préfet de la Seine, i r e division, 4 e bureau. Paris le I e r juin 1807.

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Les Membres du Conservatoire des Arts et Métiers à Monsieur le Préfet du département de la Seine, Conseiller d ' E t a t et membre de la Légion d'Honneur. Monsieur, Le 29 mai dernier en nous annonçant que Son Excellence le Ministre de l'Intérieur avait décidé de faire une avance à titre de prêt de la somme de 4o.ooo fr à M. Perrier mécanicien membre de l'Institut National vous nous avez fait en même temps l'honneur de nous nommer pour certifier le prix des machines que cet artiste doit consigner en garantie de cette somme et dont la valeur ne pourra être moindre de 53.333 fr 33 c. Pour remplir cette importante mission nous nous sommes transportés de suite dans les ateliers de M. Perrier à Chaillot où nous avons examiné les machines qu'il offre en consignation et après nous être assurés que le prix qu'il y met n'excède pas celui que produirait une estimation rigoureuse nous en avons dressé un état dont nous vous adressons ci-joint un double contenant : i ° la description succincte des machines présentées par M. Perrier, 2 0 la désignation des prix assignés par lui à chaque machine. Nous désirons que le procès verbal fait double entre nous et Monsieur Perrier puisse remplir vos vues ainsi que celles de Son Excellence le Ministre de l'Intérieur et mettre cet artiste infiniment recommandable par ses longs et utiles travaux à portée de jouir le plus t ô t possible des bienfaits du gouvernement. Nous avons l'honneur d'être avec considération

(Minute).

3. Paris ce i5 juin 1807. Messieurs, j'ai reçu le procès verbal que vous m'avez adressé et qui contient l'expertise des machines proposées par M. Perrier en consignation du prêt de 4o 000 fr qui lui est fait par le gouvernement. J ' a i pareillement reçu la lettre par laquelle vous me prévenez que vous ne prétendez à aucune indemnité pour le travail et les soins auxquels cette opération a donné lieu. J ' a i transmis ces deux pièces à S. E. le Ministre de l'Intérieur qui me mande que pour consommer cette affaire il est indispensable que vous preniez encore la peine de vous transporter aux ateliers de M. Perrier et d'examiner si le local offert par lui pour le dépôt des objets qu'il consigne présente les sûretés et s'il est disposé de manière à ce que les machines qui y seront placées n'y éprouvent pas de détérioration. Vous voudrez bien me faire le plus t ô t possible un rapport à ce sujet afin que je remplisse les formalités que le ministre me prescrit et que M. Perrier puisse toucher la somme qui lui est accordée. J ' a i l'honneur Messieurs de vous saluer avec considération. (Signature du Préfet de la Seine). MM. Montgolfier et Molard.

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4. Ce trente mai 1807 nous soussignés Claude Pierre Molard administrateur des Arts et Métiers et Joseph Montgolfier démonstrateur en suite de la lettre qui nous a été écrite le 29 de ce mois par Monsieur le Conseiller d ' E t a t Préfet de la Seine sur les ordres de son Excellence le Ministre de l'Intérieur nous sommes rendus aux ateliers de M. Perrier Membre de l'Institut National établis dans l'enclos de la pompe à feu de Chaillot à l'effet d'examiner et estimer les objets que Monsieur Perrier offre de remettre à la consignation du gouvernement pour la sûreté d'un prêt de quarante mille francs que son Excellence le Ministre de l'Intérieur lui accorde. E t premièrement M. Perrier nous a présenté une grande partie des pièces composant les machines à vapeur destinées à fournir de l'eau au Jardin des Plantes, à l'Hôpital Général et aux quartiers environnants dont le bâtiment se trouve construit. Ces machines semblables en tout à celles placées au Gros Caillou ont un cylindre de trente pouces de diamètre, un réservoir ou colonne d'air, les chapelles des pompes, les embranchements, les coudes, les armatures des balanciers et un grand nombre d'objets accessoires et de détail. M. Perrier en porte la valeur au moins à trente mille francs. 2 0 Monsieur Perrier nous a présenté ensuite une machine hydraulique à quatre corps de pompe en cuivre destinée à élever de l'eau. Ce qui particularise la composition de cette machine, c'est que les quatre pistons agissant (sic) l'un après l'autre et qu'ils sont mus par une simple manivelle. Elle est complète et évaluée p a r M. Perrier à quatre mille francs. 3° Monsieur Perrier nous a aussi présenté une grande presse hydraulique pour la construction de laquelle le gouvernement a accordé un brevet d'invention, dont il est propriétaire. Cette presse produit une pression égale à deux cents fois le poids atmosphérique elle est complète et est évaluée par M. Perrier à quatre mille huit cents francs. 4° Monsieur Perrier nous a aussi présenté une seconde presse hydraulique construite sur le même principe que la précédente mais disposée pour fabriquer par la seule pression des tuiles et des carreaux. Cette presse est accompagnée des meules et ustensiles propres à la fabrication qui vient d'être indiquée. Monsieur Perrier l'évalue à trois mille francs. 5° Enfin Monsieur Perrier nous a présenté une machine de rotation (pour la construction desquelles machines il a obtenu un brevet d'invention) propre à l'extraction des charbons des mines. Cette machine a un cilindre de 16 p. de diamètre elle est absolument complète de sa charpente, de sa bâche, de toutes ses pièces de fonte de fer et de cuivre, excepté toutefois la chaudière avec les tuyaux. Monsieur Perrier l'évalue à quinze mille francs non compris la chaudière. E t ces cinq objets dont les évaluations partielles nous ont parues (sic) convenables et justes, s'élèveront à cinquante six mille huit cents francs, somme excédant celle de cinquante trois mille trois cents trente trois francs trente trois centimes prescrits par la lettre précitée de

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ET MACHINE

A

VAPEUR

Monsieur le Conseiller d'État Préfet de la Seine qui exige un tiers de valeur en sus de la somme prêtée nous avons terminé notre opération et sans continuer à vérifier les objets fabriqués qui existent encore dans les ateliers de Monsieur Perrier, nous avons clos et arrêté le présent procès verbal fait double les jours et an que dessus 1 . (Signé)

Montgolfier Perrier C. P. Molard.

I. Archives du C.N.A.M., série io, liasse 241.

Vili I. TABLES DES MACHINES A VAPEUR, A SIMPLE E F F E T , DESTINÉES A É L E V E R DE L'EAU; LEUR CONSOMMATION DE CHARBON DANS VINGT-QUATRE H E U R E S ; L E U R PRODUIT D'EAU DANS LE MÊME TEMPS, E X P R I M É EN P I E D S CUBES, ET ÉLEVÉS A 5o P I E D S DE HAUTEUR, SUIVANT LE DIAMÈTRE DE L E U R CYLINDRE

DIAMÈTRE

des cylindres

CONSOMMATION

du charbon

i5 pouces

1,125 lb.

18 21

1,620 2,200 2,880

24 3o 36 4a 48 54 60

4,5oo 6,33o 8,820 11,120 i4,64o 18,000

PIEDS CUBES

d'eau élevés à 5o pieds 48,960 pieds cubes 6o,48o

83,520

87,840 168,480 241,920 329,760 4io,4oo

545,760

673,920

PUISSANCE

de la machine

1,575 lb. 2,268 3,087

4,O32 6,3oo 9,072

12,348 16,128 20,412 25,200

OBSERVATIONS Les dimensions des machines, portées dans cette table, peuvent être modifiées comme on le désire; on peut en faire de beaucoup plus petites et de beaucoup plus grandes. On connoîtra leur puissance en multipliant le diamètre du cylindre, exprimé en pouces cylindriques, par lui même, et ensuite par 7 lb. poids de marc; la consommation de combustible se connoîtra de même, en multipliant ce même nombre de pouces par 5 lb. de charbon pour 24 heures. Ainsi, par exemple, une machine dont le cylindre a 25 pouces de diamètre, donne, 25 par 25, 625 pouces circulaires, qui, multipliés par 7 lb., donnent 4)375 lb. pour la puissance d'une machine à vapeur de

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ET

MACHINE

A

VAPEUR

25 pouces de diamètre; et sa consommation de charbon sera, par 24 heures, de 625 pouces multipliés par 5 lb., ou 3,ia5 lb. Les machines à double effet peuvent également être employées à élever de l'eau; alors leur produit est double, à égalité de diamètre du cylindre, parce que le piston agit, soit en montant, soit en descendant. Leur consommation de combustible présente une économie de 3 1/2 à 5; c'est-à-dire qu'il faut multiplier le nombre de pouces par 7; mais on a un effet double 1 .

2. TABLES DES MACHINES A VAPEUR, DE ROTATION ET A DOUBLE EFFET, SUIVANT LEUR PUISSANCE COMPARÉE A UN NOMBRE DE CHEVAUX ATTELÉS A LA FOIS

FORCE

CONSOMMATION

DIAMÈTRE

des chevaux

du charbon par heure

des cylindres

pour 4 chevaux

42 lb. par heure

11 pouces i3 i5 17 18 1 j 2 21 1 ¡2 24 3o 35 4o

6

60

10

90

8

12 16 20

3o 4o 5o

72 120

i38 168

263 35o 466

OBSERVATIONS Le calcul du nombre de chevaux relatif aux différens diamètres des cylindres n'est pas rigoureusement exact, la force des chevaux n'étant pas la même pour tous, et ayant voulu négliger des fractions qui n'ont aucune importance dans l'exécution des machines; mais ce calcul est très rapproché, et l'on peut compter sur une puissance plutôt supérieure qu'inférieure. La force d'un cheval attelé à un manège est calculée en mécanique être de 175 lb., avec une vitesse de 2 , 0 0 0 toises par heure; celle d'une machine à vapeur est de 7 lb. par pouce circulaire de l'aire de son piston, 1. Bulletin de la Société d'Encouragement,

X , 1810, p. 168.

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et sa vitesse est bonne lorsque ce même piston parcourt 3 pieds par seconde, ce qui fait 1,800 toises par heure. D'après cette donnée, si l'on a un cylindre de 24 pouces de diamètre, on dira 24 par 24, multipliés par 7 lb. pour la puissance de la vapeur sur un pouce, donnent 4,°32 lb., qui, divisées par ij5 lb. pour la force d'un cheval, donnent 23 chevaux et une fraction; j'ai porté 20 chevaux sur la table pour être un peu au-dessous de l'effet. Il résulte de ces calculs et d'expériences bien constatées que le travail de la journée d'un cheval fait par une machine à vapeur consomme 66 lb. de charbon de terre qui coûtent dans ce moment à Paris 1 liv. 12 s. 6 d. Cette dépense est moindre que la nourriture d'un cheval, et la machine ne coûte rien les fêtes et dimanches qu'elle ne travaille pas ; son mouvement est infiniment plus régulier. Si le canal de Saint-Quentin étoit navigable, les charbons de Valenciennes et de la Belgique ne coûteroient à Paris que la moitié de ce qu'ils coûtent m a i n t e n a n t 1 .

1. Bulletin de la Société d'Encouragement,

X, 1810, p. 169.

IX DEVIS D'UNE MACHINE A VAPEUR POUR LES HOUILLÈRES DE BONNEFIN Entre Messieurs les Concessionnaires des mines de houille de Bonnefin situées près le faubourg Ste Walborge à Liège, réunis en Assemblée Générale à l'effet des présentes d'une part. Et Mr. Jacques-Constantin Périer membre de l'Institut de France ingénieur mécanicien demeurant à Paris rue du Mont Blanc n° 5 faisant élection de domicile par l'effet des présentes dans ses ateliers de fonderies et mécaniques sis à Paris quay de Billy n° 6 enclos des pompes à vapeur, d'autre part. A été convenu ce qui suit, savoir : Mr. Périer s'engage à fournir aux dits concessionnaires dans le délai de quatre mois à partir du jour où un des doubles du présent lui sera retourné revêtu des signatures de Messieurs les Concessionnaires. Une machine à vapeur à double effet ayant 21 pouces de diamètre à son cylindre, destinée à monter le charbon d'une fosse dépendante de la dite houillère et devant remplacer i5 chevaux travaillant à la fois. Cette machine se composera Pour le fourneau De deux peignes de chauffe en fer fondu, d'une portière également en fer fondu garnie de ses gonds, portes en tôle avec pentures et de quatre scellemens. De la quantité de barreaux en fer forgé nécessaires pour garnir la grille du fourneau. Machine D'un cylindre à vapeur complet de toutes ses pièces. D'un assortiment de boëtes à vapeur complet avec ses colonnes. D'un condenseur. D'une pompe à air. D'une pompe à eau chaude. D'une pompe à eau froide. Le tout également complet. Quant à la pompe d'eau froide, il sera fourni un aspirant d'environ 3 pieds 1 ¡1 de long le surplus s'il était nécessaire et le fourneau supérieur seront fournis par la Société. Les pièces en fonte, fer et cuivre qui dépendent de l'armature des balanciers seront fournies par Mr. Périer ainsi que les pièces qui servent

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à la suspension de la tringle du piston à vapeur, celles qui composeront l'armature du frein et enfin le régulateur. Les tirants et boulons de la bâche qui reçoit les corps de pompes à air, à eau chaude et le condenseur seront également fournis par Mr. Périer. La chaudière sera faite par la Cie et à ses frais M. Périer fournira seulement la vidange et son robinet, les deux tuyaux d'épreuve, le tuyau nourricier et sa cuvette ainsi que le tuyau qui part de la pompe d'eau chaude et va alimenter la chaudière; ce dernier tuyau sera garni de son robinet. La soupape de sûreté sera également fournie par M. Périer ainsi que la pièce qui se place sur la chaudière et qui reçoit la dite soupape qui sera en outre garnie de son levier à bascule et de son contrepoids en plomb. La charpente en entier, les bois de la bâche et toutes les autres pièces dont il n'est fait ici nulle mention seront fournies par la Société et à ses frais ainsi que le rouet et le tambour, M. Périer fournira la lanterne du rouet. Mr. Périer fournira à la Société : Le plan de la chaudière et celui du fourneau sur lequel on pourra l'établir. Plus les plans de la charpente de la machine et du frein ainsi que celui de la bâche. M. Périer fournira encore un ouvrier qui sera chargé de diriger l'exécution de la charpente dont il vient d'être parlé celle du rouet et du tambour. Il se chargera encore du montage de la machine, de sa mise en marche de sa direction, ainsi que de l'instruction de l'ouvrier que la Société désignera pour conduire cette machine après le départ du contre maître de M. Périer. Ce contre maître sera aux frais de la société pendant tout le temps de son séjour sur la mine qui ne pourra cependant pas excéder deux mois. Il lui sera payé huit francs par jour et il lui sera en outre tenu compte de ses frais de route pour aller et revenir. La Société s'engage envers M. Périer de payer le prix de la machine dont il vient d'être question, la somme de 20.000 francs par tiers. Le premier tiers sera compté aussitôt la signature du présent traité... ; le deuxième tiers aussitôt l'arrivée dans la mine de toutes les pièces que M. Périer doit fournir aux termes du traité et qui sont à prendre dans les ateliers sus désignés aux frais de la Société...; le troisième et dernier tiers trois mois après la mise en marche de la machine terme suffisant pour s'assurer qu'elle remplit bien le but que la Compagnie se propose en l'établissant, etc. 1 . 1. Bibl. Hist. Ville de Paris, ms. nouv. acq. 147, f. i i 5 . — Cette machine aurait été fournie en 1 8 1 1 . Cf. Maurice L É V Y - L E B O Y E R , Les banques européennes et l'industrialisation..., Paris, 1964, p. 346, n° 5.

X MARCHÉ P O U R LA CONSTRUCTION D E S MACHINES A V A P E U R D E S T I N É E S A R E M P L A C E R LA MACHINE D E M A R L Y Devis

descriptif

Dispositions générales Au bas de la montagne de Marly, et dans le terrain dépendant de la machine actuelle, où se trouve le logement de l'inspecteur et du suisse, il y aura une machine à vapeur et à double effet. Il sera construit un puisard, qui, au moyen d'une arche pratiquée sous la route de Saint-Germain, et d'une prise d'eau, communiquera avec la rivière; cette prise sera à 4 pieds au-dessous des plus basses eaux. Sur le puisard, on placera deux pompes de i 4 pouces de diamètre, qui fouleront l'eau dans un réservoir d'eau, à l'instar de celui de Chaillot, et de là dans une conduite en tuyaux de fonte, lesquels, ayant 15 pouces de diamètre, seront placés sur la pente de la montagne, entre les deux lignes des tirans de la machine actuelle, et arriveront au premier puisard, situé à 25 toises de hauteur perpendiculaire, au-dessus de la rivière, et à ioo toises de distance environ. A partir de ce puisard, l'eau sera conduite jusques sous la tour par une galerie ou aqueduc souterrain, à laquelle il sera donné 5 pieds de largeur, io de hauteur et 4 de profondeur d'eau; sa longueur sera d'environ 5oo toises; dans cette longueur, on percera trois ou quatre puits d'airage, destinés à servir à l'extraction des terres, et afin d'attaquer la fouille par plusieurs endroits à la fois. Dans la tour de l'aqueduc, il sera creusé un puits de 8 à 9 pieds de diamètre, et il sera enfoncé jusqu'à la rencontre de la galerie. Dans ce puits, on placera quatre jeux de pompe, les uns au-dessus des autres ; le quatrième, se déterminant à l'orifice du puits dans la tour, foulera l'eau dans un réservoir d'air, et de là, par une conduite perpendiculaire, jusqu'au haut de la tour, dans le grand aqueduc. Ces pompes auront i4 pouces de diamètre dans les parties travaillantes et i 5 dans celles d'ascension. Elles seront mises en mouvement par une machine à vapeur, à simple effet, placé dans la tour. Toutes les constructions de maçonnerie, tant celles du puisard au bas de la montagne, de la galerie et du puits, que celles relatives aux bâti-

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mens destinés à recevoir les machines, d e v a n t être exécutées p a r les soins de Messieurs les Ingénieurs des ponts-et-chaussées, les soussignés n ' e n t r e r o n t ici dans a u c u n détail à cet égard; mais ils observent q u e toutes ces constructions devront être concertées avec eux. P a s s a n t a u x détails des machines et des pompes, on les divisera, p o u r plus de clarté, en q u a t r e parties. La première machine à vapeur, et à double effet, à placer au bas de la montagne. Les pompes à placer sur le puisard, et la conduite j u s q u ' à la galerie. La seconde machine, à simple effet, à placer dans la t o u r du grand aqueduc. Les pompes à placer dans le puits, et la conduite pour m o n t e r l'eau jusques sur la t o u r dans le grand aqueduc.

Première

partie

Première machine à v a p e u r à placer en bas de la montagne. Cette machine sera à double effet; son cylindre aura 36 pouces de diamètre. Elle sera composée : i ° de d e u x chaudières, d o n t la matière et la forme seront ultérieurem e n t indiquées p a r Son Excellence le Ministre de l ' I n t é r i e u r ; Ces chaudières seront accompagnées de leurs t u y a u x en cuivre rouge de chaudronnerie, nourriciers, d'épreuve et de décharge, ou vidange avec leurs robinets; elles seront accompagnées de leurs soupapes de sûreté, avec leur leviers et les poids propres à les charger; on y joindra tous les ferremens nécessaires pour consolider la maçonnerie des fourn e a u x : plus, les registres, les portières, les peignes et les b a r r e a u x de chauffe. 2 0 Des t u y a u x conducteurs de v a p e u r ; 3° Du cylindre, a y a n t ses fond, couvercle, stuffimbox et boîte à c a l f a t p o u r le passage de la tringle du piston ; le cylindre aura aussi son piston armé de ses ressorts de pression, crampons et cercles p o u r a p p u y e r sur la garniture; plus, la tringle avec ses pièces de suspension; 4° Des sommiers en bois destinés à porter la base d u cylindre avec les tirans, ancres et plates-bandes en fer forgé, destinés à être pris et scellés dans la maçonnerie; on joindra les boulons nécessaires p o u r fixer sur ces sommiers le fond ou base du cylindre; 5° Des boîtes de vapeur, garnies de leurs soupapes; des t a m p o n s , couvercles, et autres pièces en d é p e n d a n t e s ; 6° Des deux colonnes de v a p e u r ou t u y a u x de communication entre les boîtes; 7 0 Du condenseur et de sa communication avec la base de la p o m p e à air; on y joindra la soupape d'injection garnie de son coude, de son jet et de son t i r a n t avec bascule et vis de r a p p e l ;

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8° De la base de la pompe à air formant chapelle pour recevoir le clapet du tuyau qui le fait communiquer avec le condenseur; 9° De la pompe à air, de son couvercle, de son piston monté de sa tringle; le piston aura ses clapets et le cercle destiné à presser sur la garniture ; La pompe à air sera accompagnée de sa soupape de décharge, et, en outre, à sa base, du tuyau, de la soupape et de la cuvette qui composent le reniflard. io° D'un récipient ou bâche en bois de chêne, assemblé sur toutes ses faces par des boulons; cette bâche doit contenir la pompe à air et le condenseur; elle reposera sur des solives, placées elles-mêmes sur des plates-formes en bois, au fond de la fosse; i i ° De la pompe d'eau chaude et de son tuyau de communication avec le tuyau nourricier de la chaudière; cette pompe étant garnie de ses piston, soupape et tringle de suspension du piston; i2® Du régulateur avec ses axes, palliers, tirans et accessoires, ainsi que sa poutrelle en fer, et les deux poteaux qui la portent; 13° Du chevalet et des jumelles en bois de chêne, destinés à supporter les balanciers; plus, des plate-bandes, boulons, et pièces de fer, propres à consolider cette charpente; i4° Du balancier principal, armé de quatre étriers, tournés à leurs extrémités, et filtés d'un filet carré, ainsi que leurs écroux; armé, en outre, de deux contre-platines d'étriers, de quatre martingales, et d'un axe en fer fondu, reposant sur des palliers en cuivre, fixés dans des porte-palliers en fer fondu. Sur un des bouts de ce balancier, sera placé un attirail, pour servir à la suspension de la tringle du piston à vapeur, et la maintenir dans sa direction verticale. Sur l'autre bout, sera placée une courbe supportant deux martingales, avec deux chaînes à mailles anglaises, destinées à servir à la suspension de la tringle du piston d'une des pompes de i4 pouces de diamètre. Dans l'intervalle de l'axe du balancier au bout qui communique au cylindre à vapeur, seront placées deux courbes, parallèles sur les côtés du balancier, et qui porteront deux martingales, et deux chaînes, qui réunies par-dessous au moyen d'un fléau, serviront à la suspension de la tringle du piston de la seconde pompe de i4 pouces de diamètre. Sur ce même balancier, sera placée une quatrième courbe, avec martingale et chaîne pour la suspension de la tringle du piston de la pompe à air; enfin, on y placera un tourillon pour le tirant du piston de la pompe d'eau chaude. Au-dessus du chevalet, il sera mis un bâtis en charpente, pour butter et maintenir l'axe du balancier principal sur ses palliers. i5° Du petit balancier, armé de ses deux étriers, portant boulons, et de son axe reposant sur des palliers en cuivre, fixés dans des porte-palliers en fer fondus ; ce balancier sera porté sur des jumelles et une charpente. Par un de ses bouts, il sera fixé à l'attirail du grand balancier. Il sera

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garni d'une courbe, avec martingale et chaîne, pour la suspension de la poutrelle du régulateur. i6° Cette machine sera enfin accompagnée de deux engins, placés sur la charpente des balanciers à engrenages, avec moufles, poulies en fonte, et cordages pour le service des deux pompes de i4 pouces.

Troisième partie Seconde machine à vapeur à placer dans la tour Cette machine sera à simple effet, telle qu'on les emploie dans les mines de charbon pour l'extraction des eaux; son cylindre à vapeur aura 60 pouces de diamètre. Elle sera composée : i° De deux chaudières, dont Son Excellence le Ministre de l'Intérieur déterminera ultérieurement la matière et la forme; De tous les accessoires de ces chaudières, suivent la description faite au premier article de la première 'partie du présent devis ; 2 0 Des tuyaux conducteurs de vapeur; 3° Du cylindre ayant ses fond, couvercle, et autres pièces, suivant la description faite au troisième article de la première partie de ce devis; 4° Des sommiers en bois, destinés à porter la base du cylindre et autres ferremens, décrits dans le quatrième article de la première partie de ce devis; 5° Des boîtes de vapeurs garnies de leurs soupapes, tampons, couvercles, tête et autres pièces qui en dépendent; 6° De la colonne de vapeur, ou tuyau de communication entre les deux boîtes; 7 0 Des condenseur, pompe à air, pompe d'eau chaude, bâche, et leurs accessoires, ainsi qu'il a été décrit aux articles 7, 8, 9, 10 et 11 de la première partie de ce devis; 8° Du régulateur avec ses axes, palliers, tirans et accessoires; de la poutrelle en bois, avec son armure en fer; des deux poteaux qui la maintiennent, et de l'attirail propre à la porter, lequel sera fixé sur un côté du balancier par un bout, et par l'autre contre le mur du bâtiment ; 9 0 De deux fortes jumelles en bois, et deux forts sommiers, destinés à recevoir les palliers des balanciers, des plates-bandes, boulons et pièces de fer propres à fixer ces jumelles et sommiers dans la maçonnerie; 1 o° Du balancier armé de quatre étriers, dont les extrémités seront tournées et filtées d'un filet carré, ainsi que leurs écroux. Le balancier sera en outre armé de deux contre-platines d'étriers, de quatre tirans ou plate-bandes pour le poinçon sur l'axe, de quatre

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autres plates-bandes pour fixer les deux courbes, avec des boulons et barres d'arrêts sur ces mêmes courbes, d'un axe en fer fondu, avec ses palliers en cuivre, et porte-palliers en fer fondu ; enfin, de six martingales, dont trois pour chaque extrémité. Ces martingales suspendront deux assortimens de chaînes à maille anglaise et en fer forgé, dont un sur chaque courbe ; chaque assortiment sera à triple rang de mailles. L'un de ces assortimens servira à la suspension de la tringle du piston à vapeur, et l'autre à celle du tirant des pompes dont il sera parlé plus bas. Sur ce même balancier, sera placée une troisième courbe avec martingale et chaîne, pour la suspension de la tringle du piston de la pompe à air. On y placera aussi un tourillon pour le tirant du piston de la pompe d'eau chaude. Enfin, on y placera une partie des pièces de la suspension de la poutrelle du régulateur. i i ° Cette machine sera accompagnée, comme la première, tant du côté du cylindre à vapeur, que de celui des pompes, d'engins à engrenages, avec moufles poulies en fonte, et cordages pour aider au service; 12° L e peu de profondeur qu'aura le puits, ne permet pas de supposer qu'il soit nécessaire d'appliquer à la machine un contre-poids propre à équilibrer l'équipage des pompes, ainsi que cela se pratique pour les puits très profonds des exploitations de charbons; cependant, si le besoin venait, après l'essai de la machine, à en être reconnu, on ajouterait un contre-poids.

Devis estimatif Première partie Constructions

fixes.

i ° La machine à vapeur, dont le cylindre aura 36 pouces de diamètre, composée suivant la première partie du devis descriptif, sera payée On en excepte les deux corps de chaudière seuls. 2 ° Les deux pompes, adaptées à la machine de 36 pouces, composées suivant la deuxième partie du devis descriptif, et comprenant les aspirans à placer dans le puisard avec les pièces intermédiaires, jusques et inclus, le réservoir d'air et la chapelle de repos, à laquelle la colonne de tuyaux montants sur la pente de la montagne prendra naissance, seront payées

80,000 fr.

c.

4o,ooo fr.

c.

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3° La grande machine à vapeur, dont le cylindre aura 60 pouces de diamètre, composé suivant la troisième partie du devis descriptif, sera payée 100,000 fr. c. Sont exceptés les deux corps de chaudière seuls. 4° Le tirant principal, et les quatre tirans particuliers à descendre dans le puits, pour le service des pompes, construits et ferrés, ainsi qu'il est dit à la quatrième partie du devis. Ensemble, les trois cuvettes ou bâches, destinées à être placées dans le puits, pour la réception des eaux des trois premiers jeux de pompes (ces cuvettes étant doublées de plomb), seront payées 14,000 fr. c. 5° Les quatre corps de pompes, leurs pistons, leurs chapelles, porte-clapets et accessoires, suivant le devis, à placer dans le puits, seront payés 4°»° 0 0 fr. c. 6° Le transport de toutes les pièces à Marly, la mise en place des deux machines, la pose des pompes dans le puits sous la tour, et dans le puisard au bas de la montagne ; celle des t u y a u x de conduite sur la pente de la montagne et dans le puits; ensemble, les équipages, attirails, frais, et événement imprévus, seront payés. 3o,ooo fr. c. Néanmoins, les soussignés auront la faculté de demander, et être admis à compter de clerc-à-maître pour toutes les dépenses qui viennent d'être évaluées 3o,ooo francs. Il seront tenus de déclarer leur intention a v a n t d'entamer les transports, pose etc., afin que s'ils préfèrent compter de clerc-à-maître, le Ministre puisse préalablement, à l'ouverture des travaux, prescrire les formalités qu'il jugera convenables pour en constater les frais. Si le besoin de contre-poids à appliquer à la grande machine, dont il a fait mention à l'article 12 de la troisième partie du devis descriptif, vient à être reconnu, et après l'essai de la machine, les soussignés seront obligés de le fournir à leurs frais, et sans pouvoir prétendre, pour ce, aucune indemnité ou augmentation de prix 3o4,ooo fr. c. Deuxième partie Constructions dont le montant est encore incertain. i ° La confection des quatre corps de chaudières nécessaires pour les deux machines, aura lieu conformément à la décision que S. Ex. le Ministre portera ultérieurement.

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ET MACHINE

On construira d'abord une chaudière; le coût sera payé suivant la facture que l'on soumettra à Son Excellence; le règlement de prix qui interviendra, fera base pour les trois autres chaudières, ci 2° Les t u y a u x de conduite qui doivent être placés dans le puits, et sur la pente de la montagne, seront payés à raison de 58 francs les cent kilogrammes, ci 3° Les joints des tuyaux, composés de huit boulons avec leurs écroux, et d'une rondelle de plomb revêtue de flanelle goudronnée, seront payés à raison de 4° f r l'un, ci 4° Les moises ou jumelles de bois, ainsi que leurs ferremens qui seront placés dans le puits et dans le puisard, pour maintenir et porter les pompes et tuyaux, ne pourront être évaluées que lorsque la largeur du puits aura été déterminée, ci Il en sera a u t a n t des boîtes à calfat, pour les t u y a u x sur la pente de la montagne, dont l'emploi devra être ultérieurement arrêté, ainsi que pour les bois qui supporteraient ces mêmes tuyaux, dans le cas où l'on ne préférerait pas faire ces supports en pierre, ci 5° Enfin, on classera, comme Mémoire, les fournitures indépendantes des machines, mais applicables aux bâtimens qui les contiendront, dont la demande viendrait à être adressée aux soussignés, ci

A

VAPEUR

Mémoire.

Mémoire.

Mémoire.

Mémoire.

Mémoire.

Mémoire. 3o4,ooo fr.

c.

Conditions de payemens Immédiatement après l'acceptation du présent traité, il sera délivré aux soussignés une ordonnance de 4o,ooo francs, par forme d'à compte. Sur les 264,000 francs, auxquels sera réduit, après ce payement, le prix des constructions fixes, on prélèvera les 3o,ooo fr. de frais de transports, pose et événements, pour n'être payés qu'après l'essai des machines. Le surplus de 234,000 francs sera divisé en cinq payemens égaux, de trois mois en trois mois ; de sorte que dans quinze mois, ou au 1 e r août 1809, époque à laquelle toutes les constructions devront être achevées dans les ateliers de Chaillot, la totalité se trouve soldée. Les soussignés demanderont qu'on leur délivre et comprenne dans les payemens, les matières qui pourront leur servir, et qui se trouveraient exister sans emploi à la machine actuelle; le prix de ces matières sera convenu de gré à gré, ou réglé par deux experts. Les fournitures ou constructions variables seront payées à part, à

295

DOCUMENTS

fur et mesure que les constructions auront eu lieu ; c'est-à-dire, les chaudières une à une, si les soussignés le désirent; les tuyaux, par partie de 3o à 4 ° toises, et ainsi de suite pour le reste. Toutefois, Son Excellence le Ministre aura la faculté de s'assurer, tant du progrès des travaux que de la réunion des approvisionnemens nécessaires pour les exécuter, dans les ateliers de Chaillot. A l'époque de la pose, il sera donné aux soussignés une partie des ateliers de forge, magasins et logemens de Marly. On les admettra à jouir des engins et équipages qui s'y trouveront, sauf à eux à les restituer en bon état, après s'en être servis. Les soussignés, Jacques-Constantin Périer, membre de l'Institut, et Martial Théophile Barnoin, associés pour l'exploitation des ateliers de M. Périer, sis à Chaillot, où ils élisent domicile, sous la raison de Périer, Barnoin et compagnie, se soumettent et s'engagent. Envers son Excellence le Ministre de l'Intérieur, stipulant pour le Gouvernement, à exécuter le devis qui précède, en tous ses points, clauses et conditions. Si le présent traité avait besoin d'être enregistré, les frais en seraient supportés par le Gouvernement. Se soumettent les sieurs Périer, Barnoin et compagnie, en cas de difficultés et contestations sur l'exécution des présentes conventions, à être jugés administrativement. Convenu que le prix de 3o4,ooo francs est réduit à 3oo,ooo fr. Fait double entre Son Excellence le Ministre de l'Intérieur et les soussignés. A Paris, le 16 mai 1808. Le Ministre, Signé, C R E T E T , P É R I E R , B A R N O I N et Compagnie. Pour copie conforme,

PÉRIER

1.

1. Jacques-Constantin PÉRIER, Mémoire sur la Machine de Marly, Paris, Portmann, s.d., pp. 35-5o.

XI ÉLÉVATION DES E A U X DE LA SEINE POUR LE SERVICE DES C H A T E A U X DE M A R L Y ET VERSAILLES Élever chaque jour six mille mètres cubes d'eau à une hauteur verticale de 162 mètres, telle est la question d'hydraulique qui fut proposée aux mécaniciens du siècle de Louis X I V . La première solution de cette question est due à Swalm Renkin, dit Rennekin, auteur de l'ancienne machine de Marly. Cette machine, commencée en i6yS, fut achevée en 1682, jugée hors de service et supprimée en 1818. Une nouvelle machine remplace celle-là ; elle a été conçue et exécutée par MM. Cecile et Martin, le premier, architecte et directeur de l'établissement de Marly, le second artiste mécanicien. Seize pompes, dont huit sont mises en mouvement par une machine à vapeur, et les huit autres par deux roues hydrauliques placées au dessous du barrage de la Seine à Marly, peuvent élever chaque jour 2 4oo mètres cubes d'eau à la hauteur de 162 mètres; cette élévation d'un volume d'eau aussi considérable se fait par une seule conduite et d'un seul jet à partir du niveau des eaux de la Seine. Un bâtiment de la meilleure architecture renferme la machine à vapeur et les huit pompes qu'elle fait mouvoir. Cette machine seule peut élever journellement 76 à 80 pouces fontainiers chacun de 20 mètres cubes; elle est à double effet et à vapeur ordinaire, suivant le système de Watt. Aucun ouvrage destiné à élever des eaux ne peut être comparé pour la grandeur, la beauté et le luxe d'exécution, à ce monument, qui a été construit aux frais de la Maison du Roi, et sous la direction de M. le baron JVIounier, pair de France *, intendant des Bâtiments de la Couronne. Note communiquée par M. Cécile, directeur de la machine de Marly, et publiée dans le douzième cahier du « Recueil des études relatives à l'art de la construction »; par M. Bruyère, ancien directeur des travaux de Paris (Cahier in-folio. Chez Bance, éditeur, à Paris; décembre 1829). « La machine à vapeur qui remplace l'ancienne machine est à simple * M. le baron Mounier avait nommé une commission qui f u t chargée d'examiner les projets présentés par MM. Cécile et Martin. L a première séance de cette commission eut lieu le 24 mars 1818; le 26 juin 1820, MM. de Prony et Hachette, membres de la commission, ont fait un rapport sur les projets présentés par MM. Cécile et Martin; d'après ce rapport, et sur l'avis de la commission, M. l'intendant a ordonné l'exécution des projets. Le service des eaux de Versailles se fait par les nouvelles machines depuis le mois de mars 1826, et n'a éprouvé aucune interruption.

DOCUMENTS

297

pression et à double effet; sa force est évaluée à soixante-quatre chevaux; le mécanisme qu'elle fait mouvoir m e t en activité huit pompes foulantes et aspirantes, dont le jeu produit l'effet d'une manivelle à huit coudes égaux, et l'on obtient par cette disposition u n jet continu sans avoir besoin d'employer u n récipient d'air. Les t u y a u x d'embranchement adaptés à ces pompes se réunissent d'abord à une conduite unique ascendante d ' u n grand diamètre (27 centimètres), qui se divise ensuite en deux branches égales d ' u n plus petit diamètre (19 centimètres), lesquelles se prolongent j u s q u ' a u sommet de la grande tour, en parcourant sur une ligne droite t o u t e la pente de la montagne de Louveciennes, sur une longueur en pente de 1 3oo mètres, et sur une h a u t e u r verticale de 162 mètres; le terme moyen du produit de chaque jour, p e n d a n t les huit premiers mois de la mise en activité (à compter du i5 mars 1826), a été de 76 pouces, chacun de 20 mètres cubes, ou de 1 520 mètres cubes p a r vingt-quatre heures. On a consommé dans le même temps 7 584 kilogrammes de charbon de terre, ou 3 i 6 kilogrammes p a r heure. Le prix du charbon de terre était, à Marly, de 3 francs 4 4 centimes l'hectolitre, mesure qui pèse 80 kilogrammes. » On voit par cette note bien authentique que l'effet dynamique utile de la machine à vapeur est p a r heure de 63 1 /3 mètres cubes d'eau élevés à 162 mètres, ou de 10 260 unités dynamiques, chacune de mille kilogrammes élevés à u n mètre, ou enfin de 4i fois le nombre de 25o unités, qui mesure la force du cheval-vapeur, en une heure. La machine de Marly a été construite pour une puissance de soixante-quatre chevaux v a p e u r ; la consommation de charbon est donc p a r heure et p a r cheval à peu près de cinq kilogrammes, comme dans les bonnes machines de W a t t à double effet.

(Extrait de : origine jusqu'à

Histoire des machines à vapeur depuis nos jours, Paris, mars i83o, pp. i i 3 - i i 5 . )

HACHETTE.

leur 19»

XII

OBJETS MIS EN DÉPÔT AU C.A.M. PAR P É R I E R EN L'AN XIII, RACHETÉS APRÈS SA MORT A SES H É R I T I E R S PAR LE C.A.M. (1818-1819) 1.

Renvoyé au citoyen Molard. État des instruments qui sont entre les mains du C. Vandermonde et qui lui ont été confiés par l'Académie. i° Le modèle de moulin à bras du C. Perrier. 20 Celui d'une machine à râper le tabac où la râpe se meut horizontalement tandis que la carotte ne fait que tourner sur elle-même. Je soussigné trésorier de la ci-devant Académie des Sciences certifie l'état ci-dessus conforme au récépissé du C. Vandermonde resté entre mes mains. A Paris ce i3 brumaire 2 e année républicaine. Saunier 2. Paris le i e r prairial an i3. Je vous envoye, Monsieur, ainsi que nous en sommes convenus, les modèles que vous m'avez promis de placer au Conservatoire. Je vous seray obligé de les faire étiqueter comme m'appartenant ; nous verrons ensuite ceux qui pourroient convenir au dépôt. Je tiendray une note à mesure de leur enlèvement et nous ferons un état que vous voudrez bien me signer. Je vous salue de tout mon cœur. Périer 3.

Douai le 9 octobre 1809.

Je prie Monsieur Molard de remettre à M. Scipion Perrier mon modèle de machine à allaiser les cilindres de machine à vapeur que j'ay déposé au Conservatoire ; M. Scipion Perrier lui en donnera son reçu qui opérera sa décharge à mon égard. Périer Je prie M. Molard de remettre au porteur la caisse qui renferme le modèle de la machine à alézer. Paris ce 9 novembre 1809. Scipion Périer. Conservatoire des Arts et Métiers, rue Saint-Martin. (Au crayon) La caisse et l'emballage ne sont pas payés.

DOCUMENTS

»99

4- J'ai l'honneur de faire mille compliments à Monsieur Mollard. J'ai vu au Conservatoire plusieurs modèles des moulins à bras que j'ai faits pour le gouvernement dans le tems de la disette et qui étaient placés à l'École Militaire auriez vous la complaisance de me confier un de ces modèles pour quelques jours seulement. J'ai à le faire voir au Ministre qui me le demande. Je vous salue de tout mon cœur Périer Rue du Mont Blanc n° 5. 24 janvier 1812. Remis à Monsieur Périer même le modèle demandé le a5 janvier 1812. (Molard). 5.

Conservatoire des Arts et Métiers. Par duplicata. Etat des machines que M. Périer, Membre de l'Institut, a déposé au Conservatoire des Arts et Métiers le premier prairial an i3 et dont il s'est réservé la propriété. i° Un modèle de moulin à soie de Vaucanson premier aprêt. 20 Un modèle de moulin à soie de Vaucanson 2 e aprêt. 3° Un modèle de banc de doublage. 4° Un modèle de banc de dévidage. 5° Un modèle de mouton avec engrenage et manège. 6° Un modèle de laminoir pour les tuyaux de plomb sans soudure. 7 0 Un modèle de machine à percer les corps de pompes et tuyaux en bois. 8° Un modèle de machine hydraulique à force centrifuge allant au moyen d'un manège à quatre chevaux. Certifié l'état ci-dessus délivré à M. Périer par duplicata le 1 o décembre 1816 conformément à la demande qu'il en a faite le 7 du même mois. Paris, ce 10 décembre 1816. 6. Ministère de l'Intérieur. 3 e division. Bureau des Arts et Manufactures. Communication d'une demande des héritiers Périer. Paris le 6 novembre 1818. Monsieur, les héritiers de M. Jacques-Constantin Périer, décédé, membre de l'Institut, viennent de m'adresser la demande ci-jointe. Ils réclament la remise de divers modèles existant au Conservatoire. Ils annoncent en même temps que M. Périer les y déposa le i e r prairial an i3. Je vous invite Monsieur à vérifier si tous ces objets sont effectivement au Conservatoire, à quel titre il s'y trouvent, si c'est par don ou par dépôt? Vous voudrez bien ensuite me faire connaître le résultat de

3oo

CAPITAL

ET MACHINE

A

VAPEUR

cette vérification et me renvoyer la demande que je vous communique. J'ai l'honneur Monsieur de vous offrir l'assurance de ma considération. Le Sous-Secrétaire d'Etat au Département de l'Intérieur. Monsieur Christian, Directeur du C.N.A.M. 7.

Le 7 novembre 1818. Monseigneur. D'après la lettre que Monsieur le Sous-Secrétaire d'État m'a fait l'honneur de m'écrire le 6 de ce mois et à laquelle était jointe une réclamation de machines adressée à V.E. par les héritiers de feu M. Périer, membre de l'Institut, j'ai fait compulser les papiers du Conservatoire, parmi lesquels il a été trouvé un état par duplicata délivré en 1816 par M. Molard à M. Périer, constatant que tous les objets portés dans la susdite réclamation ont été déposés au Conservatoire le i e r prairial an i3 par M. Périer avec la réserve de pouvoir les reprendre. Tous ces objets font en ce moment partie des collections du Conservatoire. Je remets ci-joint la réclamation des héritiers de feu M. Périer. 8.

Ministère de l'Intérieur. 3 Division. Bureau des Arts et Manufactures. e

Autorisation de remettre aux héritiers Périer les objets qu'ils réclament. Monsieur, il résulte de votre lettre du 7 de ce mois que les huits objets compris dans la réclamation que je vous avais communiqué le 6 furent déposés au Conservatoire par M. Périer le i e r prairial an i3, avec la réserve de pouvoir les reprendre. Les héritiers ont ainsi le droit de les retirer. Je vous autorise, Monsieur, à les leur remettre en vous en faisant donner décharge. J'ai l'honneur de vous offrir l'assurance de ma considération. Le Sous-Secrétaire d'État au Département de l'Intérieur. Monsieur Christian, Directeur du Conservatoire des Arts et Métiers. 9. Je soussigné fondé de pouvoirs de Mss. les héritiers de M. JacquesConstantin Périer, Membre de l'Institut, décédé à Paris le 16 août dernier Rue Ste Croix n° 4> reconnais que Monsieur Christian, chef du Conservatoire des Arts et Métiers, m'a remis les modèles cy-après désignés, lesquels avaient été déposés audit Conservatoire par M. Jacques-Constantin Périer le i e r prairial an XIII et dont il s'était réservé la propriété. Savoir (Numéros du catalogue = ) 189 : i° Un modèle de moulin à soye de Vaucanson, i e r aprêt. 184 : 2 0 Un modèle de moulin à soye de Vaucanson, 2 e aprêt. • i83 : 3° Un modèle de banc de dévidage.

DOCUMENTS

3oi

(corr. en 189). 4° Un modèle de banc de doublage. 5° Un modèle de mouton avec manège. 6° Un modèle de laminoir pour les tuyaux de plomb sans soudure. 7 0 Un modèle de machine à percer les corps de pompes et tuyaux de bois. 387 : 8° Un modèle de machine hydraulique à force centrifuge allant au moyen d'un manège à quatre chevaux.

i85 473 ig3 201

: : : :

En foi de quoi les dits héritiers en tiennent quitte et déchargée ladite administration des Arts et Métiers. A Paris ce 24 nov. 1818. Dubus. Fondé de pouvoir de Mss. les héritiers. 10. Du procès verbal de vente après décès de Monsieur Périer, en date au commencement du premier octobre 1818, enregistré dressé par Maîtres signataire Antoine Orsel demeurant à Paris rue St Martin numéro deux cent quatre vingt cinq et Etienne Auguste Deschambeaux demeurant à Paris rue de Condé numéro treize, tous deux commissaires priseurs au département de la Seine a été extrait ce qui suit. Art. 447- Une machine à vapeur adjugée pour 100 fr. i5 c. à Comoyers. Art. 448. Un modèle de machine à vapeur adjugé pour 29 fr. au même. Art. 467. Un modèle de pompe à feu monté en acajou ayant sa chaudière adjugé pour 532 fr. à Comoyers. Art. 473. Un modèle de mouton avec manège adjugé pour 34 fr. à Comoyers. Art. 475. Un modèle d'alésoir adjugé pour 220 fr. à Comoyers. Art. 476- Un thermoscope, un modèle de machine hydraulique à force centrifuge allant au moyen d'un manège à quatre chevaux adjugé pour 73 fr. au même. Art. 477- Un modèle de machine à percer les corps de pompes et tuyaux en bois, adjugé pour 220 fr. au même. Art. 478. Un modèle de laminoir pour les tuyaux de plomb sans soudure adjugé pour 181 fr. au même. Art. 480. Une presse à lithographier et accessoires adjugé pour 211 fr. à Comoyers. Art. 493. Trois cartons contenant des desseins adjugé pour 5 fr. 20 c. à Comoyers. Art. 494- Deux cartons contenant des desseins de plans adjugé à Comoyers pour 6 fr. Art. 4g5. Deux cartons contenant plans et desseins adjugé pour 3O2 fr. à Comoyers. Art. 523. Coupes des manufactures de Montcenis adjugés pour 101 fr. à Comoyers. Total.

2.014 fr. 35 c.

3o2

CAPITAL

ET MACAINE

A

VAPEUR

Pour extrait conforme au procès verbal sur énoncé et date dont la minute est demeurée au commissaire priseur soussigné qui a délivré le présent extrait à la réquisition de Monsieur Christian, directeur du Conservatoire des Arts et Métiers y demeurant... J'ai reçu de Monsieur Christian... La somme de 2.014 fr- 35 c. pour le montant des adjudications des autres parts, plus 7 fr. 25 c. pour l'extrait et papier timbré. Paris le 5 janvier 1819. (Signé) Orsel. Je soussigné reconnais avoir reçu de Monsieur le Directeur du Conservatoire Royal des Arts et Métiers la somme de i53 fr. 75 c. pour avoir sur l'invitation qui a été faite par l'administration de cet établissement acheté à la vente des objets provenant du cabinet de feu M. Périer différents modèles de machines pour le compte du Conservatoire, ainsi que pour les frais de transport de ces machines audit établissement Paris le 3i décembre 1818. signé Cornoyer

1. Archives du C.N.A.M., série 10, liasse 241.

XIII D É C L A R A T I O N D E SUCCESSION DE JACQUES-CONSTANTIN

PÉRIER

N ° 125. Succession directe de Jacques-Constantin Périer, m e m b r e de l ' I n s t i t u t , décédé le 16 août 1818, rue Sainte-Croix n° 4. Du i 5 février 1819. E s t comparu M. J a c q u e s Fauconnier, quai Malaquais n° 9, m a n d a t a i r e de M. de Marsilly suivant pouvoir s.s.p. ci-joint de ce jour. Lequel a déclaré que M. Jacques-Constantin Périer, m e m b r e de l ' I n s t i t u t est décédé le 16 a o û t 1818, rue Sainte-Croix n° 4> veuf de Thérèse-Amélie Mignotte morte le 10 juin 1812, déclaration 2 décembre 1812. Laissant pour héritiers trois enfants issus de ce mariage : 1) Aglaé Marie Barthélémy Périer épouse de M. Antoine François A r m a n d Guérin de Marsilly propriétaire rue Chantereine n ° 44; 2) Charlotte Rosalie Périer, épouse de M. J e a n Baptiste Lagrenée, peintre rue des Champs Elysées n ° 3. 3) Eugénie Thérèse Périer épouse séparée de biens de GuillaumeRobert-Frédéric Darpentigny, rue du F a u b o u r g Saint-Honoré n° 5. 4) et u n e n f a n t naturel, reconnu p a r acte d e v a n t Foucher notaire à Paris le 4 décembre 1817, M. E d m e Louis Constantin Périer, architecte rue Basse du R e m p a r t n° 38, passage Sandrié, légataire à titre universel de la portion disponible p a r t e s t a m e n t reçu p a r M e Fouché notaire à Paris le 26 mai 1818, enregistré le 19 août 1818. Ce t e s t a m e n t contient de plus les legs particuliers qui seront déduits ci-après. L'inventaire a été fait p a r M e P é a n de Saint-Gilles, notaire à Paris le 27 août 1818. Prisée du mobilier Deniers c o m p t a n t Billet H e n r y Billet H a u l t Billet Marie Intérêt de 3 000 fr. d û p a r ses trois filles d o n t le d é f u n t avait l ' u s u f r u i t et ses e n f a n t s la nue-propriété Créance sur le gouvernement non liquidée Créance sur M. Darpentigny Créance sur M. de Marsilly p o u r fournitures

12 4 2 4-6o 3 oo5. io5. 15o. 25o. 106. 1 000. 4 296.94 200.

CAPITAL

3o4

Créance sur Créance sur Créance sur Reliquat de

ET MACHINE

A

Darpentigny père et fils Henchoz Périer compte Despéruche notaire à Nonancourt

VAPEUR

i 704. 221. 436.48 60.79

Total vingt trois mille neuf cent cinquante neuf francs 81 centimes Legs particuliers à déduire 1) à Charles 600 ) 2) à la femme Charles 600 > 3) à la Duchoisel 600 ;

23 959.81

Reste aux enfants

22 159.81

Droit à 25 centimes pour cent sur 22 i5g.8i, c i 1

1 800.

55.4o

1. Archives de la Seine, Déclaration des mutations par décès, DQ 7 3 002, f o s 12 v°i3.

I N D E X DES NOMS (*)

Abbans, 8 1 , 96.

ig3, 196, 2O3, 206, 2 1 1 , 2 1 2 , 2 i 3 ,

2 2 2 n. 1, 223, 2 2 4 , 225, n. 1, 232,

ABBANS (le m a r q u i s d ' ) , 2 4 5 . ABBEMA, 1 8 0 .

Académie Royale d'Architecture (Paris), 223. Académie des Sciences (Besançon), 19, 22, 5g, 60, 6 1 . Académie des Sciences (Lyon), 84. Académie des Sciences (Paris), 11, i4, i5, 16, 18, 2 1 , 23, 24, 25, 28, 29, 32, 33, 34, 3g, 43, 5o, 5 i , 52, 53, 55, 56, 6 1 , 77, 8 1 , 84, 86, 87, 88, 89, 91 n. 2, 92, 94, 100, 1 0 1 , io4, n 3 , i i 4 , 127, 157, 1 6 1 , 162, 166, 219, 229, 23O, 232, 234, 239, 244» 245 à 247, 253, 267 à 274, 298; voir aussi Institut de France. Achères, 78, 79. Administration royale des Eaux, 34, 57, 9 9 n. 1, I 3 I , 1 7 2 , 1 7 3 . Aiguillon (hôtel d') Paris, 5 i , 52. A I T K E N , 3 g , i5y n . 1, i 5 g , i g 3 , 2 1 0 . A I T K E N & S T E E L , 157 n . 1, 2 1 0 . ALBERT (Charles), 207, 2 2 3 .

Albion Mills (Londres), i56, i58, i5g, 160. ALCOK, 1 0 2 ,

104.

ANGOULÊME ( L o u i s - A n t o i n e , d u c d ' ) ,

97Aniche, 32, 54, 55. Anjou, 102 n. 1. Anvers, 1 9 1 , 192, 214. Anzin, I52, 197, 226. ARAGO

(Dominique-François-Jean),

24, 225 n. 2 .

ARCET ( J e a n d ' ) , voir

DARCET ( J e a n ) .

Archives Nationales (Paris), i5, 17, 2 1 , 77 n. 3, gg n. 2. Archives de la Seine (Paris), 18, 2 1 . Arcueil, i54ARGAND ( A m i ) , 1 2 6 , 2 6 5 , 2 6 6 . ARKWRIGHT, 1 9 0 . ARMAND ( n o t a i r e à P a r i s ) , 5 6 n . 2 . ARNAL ( a b b é d ' ) , 1 6 , 2 2 , 3 3 , 8 2 , 8 5 ,

I52, I56, 246. Artibonite (fl.), 167 n. 1, 168. ARTOIS ( c o m t e d ' ) ,

53.

Atlantique (océan), 1 9 1 . AUBERT, 2Ô2. AUGUSTE, 2 0 6 .

Augustine (pompe de Chaillot), 107, i34, i35. Austerlitz (quai .d') Paris, 209, 210.

Alençon, 4 i . Alger, 200 n. 2. Allemagne, 233. ALLRIDGE ( A l f r e d O w e n ) , 2 7 .

Alma (pompe de Chaillot), i35.

235, a â i , 2Ö2, 253, 255, 256, 257, 258, 25g, 264, 276.

Cornouailles

AMELOT ( A n t o i n e - J e a n ) , 3 2 , 3 3 ,

55, 102. Amiens, 1 9 1 . Amilly, 34, 37, 173, 174. AMPÈRE ( A n d r é - M a r i e ) ,

à 53,

AUXIRON ( f a m i l l e d ' ) , 1 9 , 2 2 , 6 1 . AUXIRON ( J e a n - B a p t i s t e d ' ) , 3 3 , 5 g ,

68, 73 n. 1, 74, 7g, 80, 8 1 , 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 9 1 .

AUXIRON ( J o s e p h d ' ) , 2 2 , 2 4 , 3 i , 3 2 ,

3g.

Amsterdam, 235. Angleterre, 7, 8, i4, ig, 29, 32, 34, 54, 55, 63, 77, 8 1 , 92, 1 0 1 , 102, io3, io4, io5, 107, 108, 1 1 2 , n 4 , n 5 , 1 1 6 , 1 1 7 , 1 1 9 , 124, 125, 127, 129, i34, i44, i48, I52, I56, I57, 169, 175, 187 n. 2, 188, 1 9 1 , ig2,

46, 54, 57, 5g, 60, 6 1 , 62, 63, 64, 66, 67, 68, 6g, 7 1 , 72, 73, 74, j5, 76, 77» 78, 79) 8 1 , 82, 84, 92, 100, 101. Avre (riv.), 173, 174. AYMEZ, 38. BACHAUMONT, 6 4 ,

i53.

Bagatelle, 53, i3g, I5I. BAILLY ( J e a n - S y l v a i n ) , 34, 1 6 2 .

*. Cet index n'aurait pu être établi sans la collaboration du Centre de Documentation d'Histoire des Techniques; je tiens à remercier tout particulièrement M m 0 Anna Neyrinck et M e l I e Dominique de Place de l'aide t r i s efficace qu'elles m'ont apportée.

CAPITAL

3o6

ET MACHINE

A

VAPEUR

BALLOT (Charles), i 5 , 17, 19, 27, 53, 54, 5g, 60, 61, 100, I 4 I , I47I I 4 8 ,

Académie des Sciences, 19, 22, 5g,

I 5 I , i65, 168, 191, 192, 2O3, 2O4>

Bibliothèque Municipale, 19, 22,5g. Société littéraire et militaire, 232.

209, 215. BARAUD,

35.

BÉTANCOURT ( A u g u s t i n de),

Barbe (île) Lyon, 89. BARBÉ-MARBOIS (François, de), 37, 2 O 3 , 2 1 7 .

marquis

BETTINGER, 34.

(Martial-Théophile), 2 9 5 .

BARNOIN

&

CLE

BARREAU, 21, 36,

(PÉRIER),

BETTINGER

2g5.

23o.

Basse du Rempart (rue) Paris, 3o3. Bastille (Paris), 26, ¿7, 243. Bâtiments de la couronne, (\0, 221, 222,

296.

BAUBARD

(Mme), 79.

BAUDARD

DE S A I N T E - J A M E , 34>

I43,

I44,

I46,

(Sté

PÉRIER),

126,

265.

B A U D A R D DE S A I N T E - J A M E ,

LAURENT

33.

Baume-les-Dames, 82. Bayeux, 19. Bayonne, 215. Beauchamp, i53 n. 1. B E A U M A R C H A I S (Pierre-Augustin C A RON de), 32, 1 0 8 , 1 2 8 n. 1. Belgique, 214, 285. BELGRAND

(M.),

i 5 , 27, 77, 99,

100,

i34, i35, i53, i54, 2 0 9 , 2 1 0 . B É L I D O R (Bernard F O R E S T de), n. 2, 2 i 3 . BELLAIRE

(BERNARD

91

DE), 62, 63.

Bellechasse (pavillon de) Paris, 32. BELLENGER

( L t Colonel),

167 n. 1.

Beloeil, 3 i , 46. BÉRANGER,

166.

BÉRARD, 82.

Bercy, g3 n. 2. B E R G E R E T (Pierre-Jacques Onésisme) 44, 46. B E R G E R O N (Hamelin), 3 9 . B E R N A R D DE B E L L A I R E , voir BELLAIRE.

100 n .

(PÉRIER) &

C l e , 32,

i46.

Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, i5, 18, 21. Bibliothèque Nationale (Paris), 18, 232, 233, 234, 235. B I D A U L D (Henry), 3g. BIDOT ( V i n c e n t ) , 36. BIGOT ( G e r m a i n e ) , 16, 29.

Billy (quai de) Paris, 228, 286. BINET ( L é o n ) , 29. BIREMBAUT ( A r t h u r ) , 19, 20, 28.

Birmingham, 28, 101, 109, 117, 125, i34, i58, a5i. Public Library, 20, 22, 100, 106. Blackfriars (Pont) Londres, i56. B L A K E Y , 53, 54. BLANCHET,

77.

Blendecques, 142. BLEUET,

a3i.

Bloomfield, 101, 102. Bois C H O L E T , voir J A M O N T D E Bois CHOLET

(J.).

Boisseau, 149 n. 3. Bolbec, 226. BONAPARTE (Napoléon), 35; voir aussi N A P O L É O N I E R . Bonnefin, 3g, 206, 286. BORDA (Jean-Charles, chevalier de), 8 6 , 8 7 , 157 n. 3, 2 1 8 . Bordeaux, 225. BORY ( G a b r i e l d e ) , 3 i , 36.

Bosc (Louis-Augustin-Guillaume) ,38. BOSSUT

(Charles),

35,

36,

37,

38,

86, 127, 128, 267, 274.

2.

BOUCHARY ( J e a n ) , i 5 , 17, 18, 28, 77, gg, I 3 I , i53, 1 7 2 . BOUILLON-LAGRANGE ( E d m e ) , 233.

Claude-Louis),

BOULTON

BERRIER-FONTAINE ( M a r c ) , 28.

Bersham, 101, 169. BERTENSHAW,

19, 20,

34, 35, 9 2 , i48, i57, I58, i5g, 1 6 0 , 161, 1 6 2 , i63, 164 n. 2 et 3, 2 0 7 , 243, 24421, 22, 27, 29,

BARLOW ( J o ë l ) , 18, 21, 200. BARNOIN

60, 61.

38, 1 7 8 . B E R T H O N (Pierre), 19, 1 2 8 n. B E R T H O U D (Ferdinand), 2 7 , 3 7 , 2 3 3 , 23g.

(Matthew), i g , io5, 1 0 6 , 1 1 2 , n 3 , 1 2 0 , 1 2 2 , 123, 124, 1 2 7 , I33, I 5 I , 1 6 1 , 1 6 2 n. 1, B O U L T O N (J.-J.), 2 0 2 .

BERTIN, 62, 80, 81.

BOULTON ( W A T T & ) , 22, 32, 100, 101,

BERTHOLLET

(comte

B E R T R A N D DE S A I N T - O U E N , 1 6 7 n . 1, 168.

Besançon, 54, 62, 68, 81.

104,

101, 114,

io3, II5,

i 3 i , i32, 1 6 9 , ig3.

io3, io4, io5, 1 0 6 , 1 0 7 , 10g, m , 112, n 3 , n 4 , 1 1 5 , 116, 117, I l 8 , 1 1 9 , I20, 121, 122, 123, 102, 110,

INDEX

307

124) 125, 126, 1 2 7 , 129, i3o, 148, I49, I57, I58, 1 6 1 , 25O à 266, 267, 273, 274, 275, 276. BOURDE ( A n d r é J.), 2 9 . B O U R E T DE V É Z E L A Y ( J a c q u e s - L o u i s -

Guillaume), 44. BOUHGIN (Georges), 1 6 , 2 8 .

BOURY (Charles-Édouard), 2 1 , 35, 37, 1 7 5 , 190, 1 9 1 , 207. BOYDEN ( H a y n e ) , 1 6 7 n. 1, 1 6 8 , 1 6 9 . B O Y E R , 3 4 , 232. B R A L L E , 36, 2 1 8 .

BRAMAH (Joseph), 2 7 , 2 0 7 , 2 0 8 .

Branly (quai) Paris, i35. BRATEAU

( H . ) , 7 0 n.

1.

Brest, 199. Bretagne, 276.

C H A M P M O L , voir

l32. Bristol, 1 1 8 , 1 1 9 , 258.

BRITSCH ( A m é d é e ) , 1 6 , 184.

Champs-Élysées (rue des) Paris, 3o3. Chantereine (rue) Paris, 3o3.

CHARLES X , 9 7 . C H A R L E S , 3O4-

BRUNET, 2 1 8 , 2 1 9 . BRUYÈRE, 296.

CHARLES

Bureau de consultation, 17, 2 1 , 25, 29, 34, 178, 187 n. 1, 277, 278.

(Jacques-Alexandre-César),

27, 36, 37, 38. Charles-Philippe (bateau à vapeur de Jouffroy), 24, g3 n. 2, 97. CHARPENTIER,

CABRIT (Antonius-Jer.) CAGNIARD-LATOUR,

255.

38.

CAIL (Jean-François), 228. CAIL (DEROSNE &),

228.

Caisse d'amortissement, 2 o 3 , 2 2 2 , 2 7 9 . CALLA (Étienne), 32, 3 7 , 4 8 , 5o, 5 i ,

198, 200, 202, 206. CALLA (Louis), 5o. CALLEY (John), 2 6 8 . CALONNE (Charles-Alexandre de), 1 2 ,

i4, 6 1 , 87, 1 7 2 , 235. Calvados (département), 24CAMPION, (A.-V.) 5O. CARNOT ( L a z a r e ) , 2 9 , 36, 37, 38, 3g,

i 8 5 , 218, 232. CARNOT (Sadi), 2 3 , 225.

Carron, 142, 2 1 2 .

CARTWRIGHT ( E d m u n d ) , 1 9 6 , CASTELLANO (Joseph), 3 9 . 198.

(F.

C.),

222

n.

1, 2 2 3 ,

296.

CELS (Jacques-Philippe-Martin), 37. Centre de Documentation d'Histoire des Techniques (Paris), 16. Centre de Recherche d'Histoire des Sciences (Paris), 20. CHAGOT

(Sté

CHARDON),

I53

n.

I45.

Charonne (rue de) Paris, 226. CHARTRES (Louise de Bourbon Penthièvre, duchesse de), 3i, 32, 46. CHARTRES (Philippe « Égalité » duc de), 23, 25, 3i, 32, 41, 43, 46, 48, 4g, 5o, 53, 55, 65, 6 7 ; voir aussi : ORLÉANS (Philippe « Égalité » duc d'). Châtelet de Paris, 173. Chaumont, 168, 169. Chaussée d'Antin (Paris), 18, 3i, 4* n.i, 44, 45, 46, 55 n. 2, i38, 258. Chaux-de-Fonds (La), 193. Chepstow, 1 1 7 , 1 1 8 , 1 1 9 , 120, 257,. 258, 25g. Cherbourg, 199. C H E R R Y , I4O. C H E V A L I E R , 237. CHEVALIER (J.), 1 6 , 2 8 . CHEVERY, 6 7 . C H O I S E U L ( d u c d e ) , 7 0 n . 1.

206.

CASTILLE (baron de), 3 4 . CÉCILE

CHAMP-

CHAPTAL ( J e a n - A n t o i n e ) , 38, 233. CHARDON-CHAGOT (Sté), i53 n. 1.

28.

Broseley, 1 0 1 , 257.

CASTÉRA,

C R E T E T DE

MOL.

BRETEUIL (baron de), 33, 56, 57, I 3 I ,

BROCHIN,

Chaillot (fonderie), 7, 8, 12, 14, i5, 17, 18, 2 1 , 23, 25, 27, 32, 33, 34, 35, 37, 4o, 5i, 56, 8 1 , 85, 107, 108, 109, n 5 , 1 1 6 , 1 1 9 , 122, 1 2 7 , 129, 137 à 227, 244, 267, 273, 277, 279 à 282, 294, 295. Chaillot (orangerie), 18, 32, i38. Chaillot (pompe), 19, 22, 25, 32, 49, 55, 60, 8 1 , 85, 86, 88, 90, 9 1 n. 2, 92, IOO, 107, 108, 1 2 1 , 122, 1 2 3 , 1 2 7 , 128 n. 1 et 3, 129, i 3 i , i33, 134, i3g, i4o, 149, I 5 I , I53, i54, 162, i63, 168, 210, 214, 2 1 9 , 227, 244, 267, 268, 2 7 1 , 274, 275, 276, 2 8 1 , 286, 288.

1.

Choisy-sur-Seine, i53 n. 1. CHRISTIAN (Gérard-Joseph), 3oo, 3o2. CLAPEYRON

(E.),

23,

225.

Clémentine (pompe de Chaillot), 107, 135. Clermont (bateau à vapeur de Fulton) > 202.

3o8

CAPITAL

Cléry (rue de) Paris, 63.

36.

(George), 191. Cornouailles, 102, 106, 110, i56, 25o.

CORLISS

CORNOYER,

301,

302.

(Charles-Augustin), 19, 22, 33, 35, 36, 5 i , 55, 91 n. 2, 107, 127, 128, 129, i3o, i4o, I 5 I , 157 n. 3, 244) 267 à 274.

•COULOMB

COULSON (JUKES •COURREJOLLET,

&), 3 I , I53

63.

n.

i.

CoURTY, 62. Cousances, 63. COUSIN (Jacques-Antoine-Joseph), 86, 127, 128, 267, 2 7 4 . •CRAMPTON,

228.

CRETET

CHAMPMOL,

DE

DE

(Joseph), 35. (Georges), 11. Cygnes (île des), 21, 34i 62, 92, I 4 I , 147, i54, i55, i5g, 161, 162, i63, i65, 166, 177, 214, 2i5, 219.

MAGNAN,

Dampierre, 226. D A R C E T (Jean), 35. DARPENTIGNY,

216,

295.

I46.

176,

3g,

241,

3o4.

(Guillaume-ifofcertFrédéric), 4o, 176, 240, a4i> 242, 3o3. D A R P E N T I G N Y (Eugénie Thérèse P É R I E R , Madame Robert), 40i 240, 242, 3o3. D A U M A S (Maurice), i3, 16, 19, 28, 225 n. 2. DARPENTIGNY

DAUMY, 34,

142.

Dauphine (rue) Paris, 231. DECOURCHAMP,

78.

DEGÉRANDO,

23,

DELALANDE,

234-

227.

(chevalier Jean-Baptiste), i5, 23, 24, 26, 42, 43, 49) 53, 87 n. 2, 107, 142, i45, I49> 166, 1 7 1 , 173, 177, 180, i85, 2o3, 208, 227, 229, 23g, 240, 243, 244 et n. 1. D E L I L L E (abbé Jacques), 11. DELAMBRE

DÉLOYAUTÉ,

38.

(Jean-André), 127, i3o. D E M E R O N G E , I33. (Il s'agit peut-être de Palteau de Veymeranges.) D E P A R C I E U X (Antoine), 43, 55. DELUC

DEROSNE

&

228.

CAIL,

DÉSAGULIERS,

gi

2,

n.

129,

268.

(Joseph), 82, 92, 94. DESCHAMBEAUX (Etienne-Auguste), commissaire priseur à Paris, 3 o i . D E S E S S A R T Z (Jean-Charles), 232. D E S È Z E (Romain), 1 7 3 . D E S M A R E S T (Nicolas), 27, 35, 36, 37, 38, 39, 229. D E S P É R U C H E (notaire à Nonancourt), 22, 3o4DESBLANC

DEVÈZE DE CHABRIOL, 21,

DEVISMES, DEWITT,

187 n.

DIDOT,

2.

(H. W.),

228, 275, 276.

DILLON,

39.

i55.

I85.

DEYDIER, DICKINSON

Creusot (Le), 8, i3, 17, 21, 28, 29, 32, 33, 34, 56, 88, i3g, 142, i4§, i46, 147, i48, 149, i53 n. 1, i56, 182, 2i4, 2 i 5 , 219, 223, 235, 276; voir aussi : Montcenis. CROZE

VAPEUR

CUVIER

Collège de Navarre (Paris), 3 i , 42. Collège Neuf de Saint-Waast, Douai, 37. Comité de Salut Public, 8, 25, 29, 35, 178, 179, 180, 1 8 1 , 1 8 4 . Compagnie d'Assurance contre les incendies, 26, 33, 56, 243. Compagnie des Eaux, 8, i5, 18, 23, 26, 28, 32, 33, 34, 56, 57, 76, 80 n. 2, 99, 100, io3, io5, 108, 109, 110, m , 1 1 2 , n 3 , n 4 , 115, 116, 119, 1 2 1 , 123, 124, 127, 128 n. 1, i 3 i , I32, I33, I34, I37, I38, i43, i44, i46, i53, 1 7 1 , 172, 173, 188 n., 209, 235, 250-266. Compiègne, 38, 206. C O M T E (Auguste), 2 2 5 n. 1. Condé (rue de) Paris, 3 o i . Condé, voir : Vieux-Condé. C O N D O R C E T (Antoine C A R I T A T , marquis de), 161. Conservatoire des Arts et Métiers (Paris), 16, 17, 21, 23, 29, 3o, 37, 43, 47, 48, 49» 5o > 5 l > 5 2 » 53, 70 n. 1, i3g, i45, i46, i47» i64> i65, 181, i83, 190 n. 2, 200, 201, 216, 222 n. 1, 223, 226, 23o, a 3 i , 233, 234, 235, 236, 23g, 279, 280, 281, 298, 299, 3oo, 3oi, 3O2. Contrôle général, 62, 77, 86, 187, 235. Corbeil, 166. CoRBILLÉ, 224CORDELLE,

A

CUGNOT

199.

COLDEN,

ET MACHINE

16, 20, 28,

I49,

23437.

(Charles), 20, 22, 23, 28, 8g n. 2, g4. Domaine (Enregistrement et), 187, 221 n. 1.

DOLLFUS

INDEX

3o9

Domaine extraordinaire, 2 2 2 n. DONZEL, DOREY,

Eure-et-Loir (département), 25, 3g, 157 n. i . Europe, 8, 212. Évreux, 2 2 7 .

IÖ2. 235.

Douai, 37, 174, 206, 2 2 6 . Doubs (département), 82. Doubs (riv.), 80, 82. DOUGLAS,

I65.

FAREY ( J o h n ) , 1 0 9 , 1 9 6 . FAUCONNIER ( J a c q u e s ) , 3o3.

DRAOUCT,

70.

FAVIER

Dreux, 2 2 7 . Dreux

et

(Louis-Joseph), 23.

FAVREAU ( É t i e n n e ) . 3g.

Verneuil

(district),

186.

FAVREAU-BOUILLON,

DROZ ( J e a n - P i e r r e ) , 2 7 , 37, 1 9 0 , i g 3 .

FAYOLLE,

Du

FÉLIX,

(J.-P.), notaire,

BOURG

DUCHOISEL,

242,

255.

3o4.

(Charles-Louis, marquis), 1 6 , 23, 36, 38, 47» 54, 64i 66> 7®D U C R E S T DE S A I N T - A U B I N (Félicité),

DUCREST

M

de

m e

GENLIS,

voir aussi

47 ;

: GENLIS

DULONG

(Pierre-Louis), 225 n. 2. 36.

Dunkerque, 3 i , 63, 1 0 2 n. 1, 104,275. DUPAIN-TRIEL, DUPERREUX, DUPIN,

234-

252.

(Baron Charles), 24, 99 n. 1. D U P L E S S I S (Joseph-Sifrède), 235. DUTOUR (Étienne-Anne), 7 0 n. 1. D U T O U R (Jean-Baptiste-Gervais), 3 I , 7 0 , 7 3 , 74.

Eaux École École École

I85.

de Paris (Services des), 2 1 0 . Militaire, 299. des Mines (Paris), 1 8 4 . Polytechnique (Paris), 8, 23,

42, 223.

École Pratique des Hautes Études. V I e section (Paris), 1 6 , 20. Écosse, 2 1 2 , 2 3 5 . Écully, 86. E D W A R D S (Humphrey), 23, 3G, I 5 4 , 204, 2 2 5 , 226, 2 2 7 , 228. Egypte, 99 n - tEgypte (Institut d), 24. Elbeuf, 226. Électeurs (salle des) Paris, 1 8 1 . Enregistrement et Domaine, 1 8 7 , 2 2 1 n. 1. Espagne, I3, 157, 1 6 2 , 207. États-Unis, 1 9 9 , 200 n. 2, 258. EUDE ( É m i l e ) , I5, 2 8 ,

25g.

Ferme générale, 1 8 7 , 1 8 8 n. FIGUIER ( L o u i s ) , 6 0 , 6 1 .

Flandre, 2 1 1 . Flandre Autrichienne, ig5. FLEURET,

234-

voir J O L Y DE F L E U R Y . Folignière (ferme à Nonancourt), 35. Folkestone, 1 9 9 . FLEURY,

FOLLENAY (Charles d e ) , 2 2 , 5g, 6 0 ,

179.

DUPIN

DUVAL,

37.

FERAY ( J . - B . ) & Cie, 1 2 0 , FERGUSON ( E u g è n e S.), 2 8 . FERGUSON ( J a m e s ) , 54-

FITCH ( J o h n ) , g 2 .

I52.

DUMOUTIER,

37.

I45.

Finances (Ministère des), 222 n.

( M m e de).

DUGUET (J.-J.), 232. DUHAMEL,

I44,

100.

Eure (département), 35, 173, 188.

187,

62, 6 7 , 68, 6 g , 74, 76, 7 7 . 80, 8 1 , 8 2 , 83, 86, g 2 , g3. FORFAIT ( P i e r r e ) , 36. FORGET,

38.

(notaire), 3o3. F O U C H É (Joseph), 220. France, 7 , 8, g, 1 2 , i3, i4, i5, 1 7 , i g , 24, 25, 2 7 , 28, 2 g , 3o, 32, 42, 55, 5g, 60, 6 1 , 6 2 , 76, 8 1 , 83, 9 1 , n. 2, 9 2 , g4, 1 0 0 , 1 0 1 , 1 0 2 , io3, io5, 1 0 7 , 1 0 8 , 10g, M , I I 3 , n 4 , n 5 , 1 1 6 , 1 1 7 , 11g, 1 2 0 , 1 2 1 , 124, 125, 1 2 8 , 1 2 g , I 3 I , I32, I33, I38, 142, i45, i48, I49> I5I, I52, I56, 157, i5g, 1 6 0 , 1 6 1 , 1 6 4 , 1 6 6 , 1 6 7 n. i , 1 6 8 , 174 n. 4, 175, 1 7 6 , i83, 1 8 7 n. 2, 1 9 2 , 1 9 7 , 1 9 8 , 200 n. i , 208, 2 1 1 , 2 1 2 , 2 l 3 , 2 i 5 , 2 2 4 , 2 2 5 , 226, 227, 243, 275, 276, 2Ö2, 253, 258. FOUCHÉ

Franche-Comté, 28, 64 n. 3, 8 1 , 83. FRANKLIN

(Benjamin),

FRÈREJEAN, g 2 , g3, g7,

12,

27,

235.

igi.

Frères-Périer (rue des) Paris, 1 0 0 . F U L T O N (Robert), 1 6 , 2 1 , 25, 2 g , 36, 37, g ì n. i , 175, ig5, ig8, i g g , 200, 2 0 1 , 202. (Jean-Gaffin), 25. Gand, 37, 206.

GALLON

CAPITAL

IO Gare (pompe de la) ou pompe de l'Hôpital Général (Paris), 1 8 , ai, 22, 3 3 , 3G, I 3 G , 208, 209, 2 1 0 , 2 8 1 . G A R N I E R (Modeste), 3 7 . GARVEY

(R.

et

120.

A.),

Pierre),

19,

GAY-LUSSAC

(Joseph),

38.

GENGEMBRE,

3G,

GAU JA (M ME GAVOTTI,

AUBIN,

M

128.

HENRY,

16,

17,

20,

21,

23, 29, 3i, 3 2 , 4i, 46, 47, 48, 49» 53, 7 5 , i44, i45, 198G E O F F R O Y (Edgar de), 28. 179.

G É R E N T Y , 35, GERMANI,

63.

(Henri),

I4O.

GILLE ( B e r t r a n d ) , 1 6 , 2 8 . GIRARD ( P i e r r e - S i m o n ) , I 5 ,

18,

21,

23, 24, 99, 2 1 0 . GIRARDOT,

63.

19.

GOBLOT ( H e n r i ) , 25.

GOUFFIER, 7 8 , GOUPIL

&

Cie,

D'ARCIS,

GRANDHOMME,

226.

28.

173. 79.

Grenelle (quai de) Paris, 228. Grenoble, i5. Grillon, 226. Gros-Caillou (pompe), Paris, 22, 33, 108, 1 2 9 , i33, i3g, I 4 I , i53, i54, 209, 2 1 0 , 2 1 9 , 2 8 1 . (WETTER,

THIERRY

&),

2O5. GUÉRIN

DE

MARSILLY,

voir

MAR-

SILLY.

GUERNE

(Pierre-Abraham),

GUÉROUT-LELIÈVRE,

46-

190.

(Jean-Étienne), Gueugnon, i53 n. 1. GUETTARD GUYOT,

DE

THURY,

16,

24,

196,

r97-

(comte d'), 102, io4, io5, 106 n. 2, n o , i n , 275, 276. HOCQUART (Louis-Antoine-Hyacinthe), 46. HÉROUVILLE

199.

Hollande, 38, 2 1 1 , 2i4) 233, 235. Honfleur, 1 2 1 , i48, 2 6 1 . Hôpital Général (pompe de 1') ou pompe de la Gare (Paris), 18, 2 1 , 22, 33, 39, i3g, 208, 209, 2 1 0 , 2 8 1 . HORNBLOWER (Jonathan-Carter), 248.

16,

(Béatrice),

79.

Grandchamp, I53 n. 1.

GROSSMANN

HÉRICART

HYSLOP

GOURMELON ( R o g e r ) , 1 6 , GOUY

3O4-

3O3.

HUBERT,

(Ch.),

68,

225.

G O I S E T , G3. GOMEL

62,

3O3.

HODGMAN,

GÉVEL (Claude), 2 7 . GIFFARD

d'),

Herculanum, 5o.

206.

D U C R E S T DE S A I N T de),

M E

VAPEUR

70, 80, 8 1 . Harfleur, 35, i55 n. 3, i85. H A S S E N F R A T Z (Jean-Henri), 35, 1 8 1 .

HENCHOZ, 192,

(vicomte

A

Havre (Le), 1 1 7 , 1 1 8 , 1 1 9 , 120, 1 2 1 , I 4 2 , 199, 257, 25g, 2 6 1 , 275.

38.

(Félicité

GENLIS

HARAMBURE

HAULT,

180.

GAUDELET,

ET MACHINE

234-

232.

(baron LouisBernard), 37, ig3 ,198, 199, 200.

28.

léna (pompe de Chaillot), i35. Indret, i3, 28, 33, 35, 56, i45, i46, i4g, I52, 182, i85. 214, 2i5. Institut de France (Paris), 29, 35 à 3g, 56, 142, i63, ig5, igg, 2o3, 208, 2 1 g , 22g, 23O, 2 3 I , 2 3 2 , 2 4 0 , 2 4 3 , 280, 2 8 1 , 286, 2g5, 3oo, 3o3; voir aussi Académie des Sciences. Institut d'Égypte, 24. Institut National de la Propriété industrielle (Paris), 1 8 , 2 1 , 28, g5 n. 2, 200 n. 2. Intérieur (Ministère de 1'), 100, 220, 2 2 1 n. 1, 222 n., 277. 278. 279 à 282, 289, 2 9 1 , 294, 295, 29g, 3oo. Invalides (égout) Paris, i54Invalides (Hôtel des) Paris, 89, n. 2. 198. Irlande, 235. Italie, i33.

G U Y T O N DE M O R V E A U

(Jean-Nicolas-Pierre), 1 6 , 24, 223, 296 n.

HACHETTE HACQUIN,

I84-

Haïti, 167 n. 1, 169. HALLE

( N o ë l ) , 37, 38.

HANNIER,

92.

JADON,

206.

JAMONT

DE

BOIS

CHOLET

(J.),

g5

n. 2. Jardin des Plantes (Paris), 209, 2 8 1 . JARY,

102,

104,

io5,

106

n i , 275, 276. JEANDEAU,37.

Jean-Roy (rue) Paris, i55.

n.

2,

110,

INDEX

3II

(Rhys), 275, 276.

JENKINS JOLY

DE

16, 20, 28,

FLEURY

149,

(Jean-François),

83. (Edme-François), i 5 , 2 3 , 26, 39, 4 i , 42, 4g, i38, I 4 I , 142, i45 I 5 I , I 5 2 , 166, 172, 173, 177. 180, i85, 189 n. 4, 190, 192, 23g, 243, 244 et n. 1. J O S É P H I N E (Impératrice), 233. JOUFFROY

D'ABBANS,

VOIT

AUSSI L

ABBANS. JOUFFROY

D'ABBANS

82, 89 n. 2.

(famille des),

(Achille de), 16, 22, 24, 60, 6 1 , 73 n. 1, 83, 87, 9 1 , g4, 202 n. 1. J O U F F R O Y D ' A B B A N S (Claude de), 16, 18, 19, 2 1 , 22, 24, 28, 29, 32, 33, 56, 57, 5g, 60, 6 1 , 73, 8 1 , 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 9 1 , 92, g3, 94, g5, 96, 164 n. 1, 1 9 1 , 202 n. 1, 245 à 247. JOUFFROY D'ABBANS (Claude-François de), 89 n. 2. J O U F F R O Y D ' A B B A N S (Ferdinand de), 96. J O U F F R O Y D ' A B B A N S (Marie de), 22, 89 n. 2. J O U F F R O Y D ' A B B A N S (Sylvestre de), 28, 64, 67. JOUFFROY D'ABBANS

JOUFFROY-GONSANS,

82.

JOUFFROY-NOVILLARS,

77,

HAYE,

& COULSON, 3 i ,

70,

LACASE, LACROIX

63.

I4O. 36.

(Sylvestre-François), 3 6 . (Marie-Joseph, marquis

LA FAYETTE

de), I I 5 . FERTÉ,

202.

L A GAROUSTE, 4 8 . LAGRANGE LAGRENÉE

n.4. LAGRENÉE

(comte Louis de), 2 3 2 . (Anthelme-François), 2 4 0 (Charlotte-Rosalie

PÉ-

RIER, M m ® J e a n - R a p t i s t e ) , 2 4 0 , 3 o 3 . LAGRENÉE

(Jean-Raptiste), 235,

240,

3o3. LAGRENÉE

(Jean-Jacques),

240

78,

7g.

(comte de), 167 n. 1.

I5O.

LAMBERT, 34LAMBERT,

1 2 8 n.

LAMOTTE,

I5O.

1.

Landes (Les), 4iL A S C A S E S (marquis de), 2 3 4 . LAUBRÉAUX,

I45.

LAURENT, 33,

143,

i44-

LAURENT (Sté PÉRIER, RAUDARD SAINTE-JAME), LAVOCAT, 2 1 ,

DE

33.

47-

(Antoine-Laurent), 25, 86 n. 5, 1 0 1 , 178, 233. L É G L I S E (Pierre) 167 n. 1. L E L I È V R E (Claude-Hugues), 37, 39. LAVOISIER

LELIÈVRE (GUÉROUT-), LEMERCIER,

190.

36.

LEPAUTE, 237,

23g.

(Jean-André), 233.

LEPAUTE

23g.

LÉPINE,

LEREBOURS,

237.

LE ROY (Jean-Raptiste), 36, 127, 128, 267, 274. LE ROY (Julien), 3g. LE ROY (Pierre), 2 1 , 48. LESAGE

(A.),

L'ÉTANG

234-

(de),

LETOURNEUR,

252. 232.

161.

(Pierre), 36. LÉVY-LEBOYER (Maurice),

16,

28,

2O5.

184.

KÖRTING,

LAMBALLE,

LÉVÊQUE

74, 80, 8 1 , 82. Jouy-en-Josas, 35, 192, 2o5, 206.

LA

LA

LEVEQUE,

82.

JOUFFROY D'UZELLE, 62. 6 7 , 68,

Klié,

240 n. 4L A LUZERNE

JOMARD

JUKES

(Louis-Jean-François),

LAGRENÉE

n. 4-

Liège, 37, 55, io5, 106, 190, 1 9 1 , 192, 2 1 4 , 2 i 5 , 219, 223, 286. L I G N E (le prince de), 3 i , 46. Littry, 19, 24, 26, 36, 195, 197. Musée des Anciennes Mines, 22, 198. Loire (fl.), I49Loire-Atlantique (département), 28. Loiret (département), 34, 173. Londres, 3 i , 63, 76, 78, 100, io5, 106, 108, 109, m , n 3 , 1 1 9 , 120, 124, i56, 157, i58, 2i3, 25O, a 5 i , 256, 257, 25g, 260, 263. Albion Mills, i56, i58, i5g, 160. Sufïolk Street, 251. York Ruldings, i 3 o n. 1. L O R D (John), 16, 20, 29, i48, 169, 276. L O R M E A U (notaire à Paris), 18, 252. Louis X I V , 216, 296.

CAPITAL

3l2

Louis X V , i4Louis X V I , n , 2 1 , 48, n 5 . Louis X V I I I , 14. Louise (pompe du Gros Caillou), i53. Louveciennes, 217. Louvier (île) Paris, 35, 13g, i5a, 179. Louviers, 208, 241. Louvre (Le) Paris, 4g, 5 i , 52, 53, 97. Lyon, 32, 33, 37, 83, 84, 85, 87, 90, 91 > 92, 95, 97» I 9 I > 2 a 5 > 2 45, 246. Académie des Sciences, 84. MAC CARTER,

I4O.

(Pierre-Joseph), I O 4 M A G E L L A N (Joâo Jacinto de Magalhâes, alias), io4MACQUER

MAILLÉ ( M M E d e ) ,

88.

(Ernest), 16, 29. Maison du roi, 33, 56 n. 4, I3I, 222. Malaquais (quai) Paris, 3o3. MALESHERBES (Chrétien-Guillaume MAINDRON

d e LAMOIGNON d e ) , 3 2 ,

55.

Manche (mer), 276. MANOURY

D'ECTOT,

39.

(Paul), 16, 20, 29. Manufacture royale de plombs laminés, i44. Marais (rue des) Paris, 226. MANTOUX

MARIE,

3o3.

Marie (la), navire, 1 1 9 , 120, 1 2 1 , 25g, 260, 261. M A R I E - A N T O I N E T T E , reine de France, 232.

Marly, 175, 216, 222, 295,

16, 18, ai, 24, 26, 38, 4o, 176, 2O3, 208, 209, 2 1 1 , 217, 218, 219, 220 n. 1, 223, 234, 2 4 ° , 243, 288, 296, 297.

MARMILLON, MARSILLY

M

me

I3I, 2l5, 221, 293,

96.

(Aglaé Marie Barthélémy,

de), 240, 3o3. (Antoine François Armand

MARSILLY

GUÉRIN MARTIN MARTIN

DE),

MARZY ( E . ) , 2 9 , MATHIEU, MATHIS,

3o3.

(Jean), 2 3 G . (Louis), 207, 223, 296. 2i5.

86. 35.

Méditerranée (mer), 1 9 1 . M E L L E T (F.N.), 27, 224. M E R C I E R (Louis-Sébastien), 16, 20, 25, 49, 5o, 53. Merville (ferme à St-Lubin), 34, 173. Meudon, 35, 178. MIGNOTTE (Thérèse - Amélie), M M E

ET MACHINE

A

VAPEUR

Jacques-Constantin P É R I E R , 32, 56, 3o3. M I L N E (Édouard), i85, 186. Ministère, voir: — Finances (Ministère des) — Intérieur (Ministère de 1'). — Trésor Public (Ministère du) M I R A B E A U (Honoré-Gabriel de), 99 n. 2. Moëres, 102 n. 1, io4, io5. M O L A R D (Claude-Pierre), 17, 37, 48 n. 1, 201, 226, 23o, 279, 280, 281, 282, 298, 299, 3oo. M O L L I E N (François-Nicolas), 16, 25, 34, 35, i85, 187, 188, 2O3, 2 1 7 , 220. MOLLIEN

(MME),

187

n.

2,

188

n.

Monceau, 53, 54, i3g, I5I. M O N G E (Gaspard), 16, 2 1 , 25, 28, 29, 35, 36, 37, 38, 3g, i34 n. 1, 157 n. 3, 1 6 1 , 178, 181 à 184. Monnaie de Paris, 27, 35, igo, ig3. MONNET,

234.

Mons, 3i, 46. Montagne (La), I49 n. 3. MONTALIVET (Jean-Pierre B A C H A S SON, comte de) 217, 220. Montargis, 226. Montauban, 46. Mont Blanc (rue du) Paris, 286, 299. Montcenis, i46, 235, 3oi ; voir aussi Creusot (le). MONTESSON (Charlotte-Jeanne B É RAUD DE LA H A I E DE R I O U ,

mar-

quise de), 3 i , 32, 44, 46, 53. M O N T G É R Y (J.-Ph. Mérignon de), 16, 25, 199, 200. M O N T G O L F I E R (Joseph), 38, 206, 23o n. 2, 279, 280, 281, 282. Montigny, 90. MONTIGNY (Étienne M I G N O T D E ) , 104. Montjean, 102 n. 1. Montrelais, 218, 271. M O N T U (Anselme), 33. M O N T U C L A (Jean-Étienne), 75. M O R E A U D E S A I N T - M É R Y (MédéricLouis-Élie), 25, 167, 168. M O R I N (Arthur), 29. MORISOT (Madeleine-Rose-Joseph), 234. Mortagne (hôtel de) Paris, 5 i , 52. MORTON,

I4O.

(John) ou M O T T E U X & Cie, m , 119, 120, a5i, 255, 256, 258, 25g, 260, 261. Moulin-Rouge, 62. MOTTEUX

INDEX

3I3

(baron), 2 2 2 , 2 9 6 . (James Patrick), 103, i34. Mulhouse, 2O5.

MOUNIER

MUIRHEAD

MULLER,

106, n .

20,

29,

100,

2.

Musée de l'Air (Paris), 20, 167 n. 1. Musée Dauphin (Paris), 97. Musée de la Marine (Paris), 22, 61, 9 1 , g3 n. 2 , 94, 95, 9 6 , 9 7 . Nantes, 28, 102, io4, 225, 275. 189,

coir aussi NAPOLÉON

191, 211, 219, 2 2 0 ;

BONAPARTE.

III,

129,

g3, 1 0 1 , io3, io5, i3o n. i , I 5 I , i56,

162,

268.

91,

128

n. i, i58,

64-

NOLLET (l'abbé Jean-Antoine), 29, 3i, 42, 43, 55, 232. Nonancourt, 19, 22, 25, 34, 35, 36, 1 7 3 , 174, 1 8 6 , 1 8 7 , 1 8 9 , 2 2 7 , 3o4Nord (département), 184. Normandie, 186. Notre-Dame (pompe) Paris, 102 n. 1, 104, I32, I33, I54Notre-Dame-de-Lorette (église) Paris, 35, 1 7 9 . Notre-Dame de la Ville l'Evêque, i43. (Christophe-Philippe), 35, 36, 1 9 0 , 1 9 2 , 2 0 6 . Octave-Gréard (rue Paris), i55. Orléans, 226. O R L É A N S (famille d'), 12, 16, 2 8 , 4 I , 43, 46, 48, 5o n. 2 , 5i, 52, 55, ¿7, OBERKAMPF

67, 71, 75, 76, I 0 5 , 232.

(Louis « le Genovéfain », duc d'), 47-

ORLÉANS

(Louise

de

BOURBON-PEN-

THIÈVRE, duchesse d ' ) , coir TRES

(Louise

de

CHAR-

BOURBON-PEN-

THIÈVRE, duchesse de). ORLÉANS

PAGUELLE

(Charles),

19, 2 2 ,

29,

5g,

60.

Palais de Chaillot, Paris, 93 n. 2. Palais-Royal, Paris, i4, 46, 49, 74PALTEAU DE YEYMERANGES, coir VEYMERANGES. P A N C H A R D , I O 3 , 2Ô2. P A P I L L O N DE L A F E R T É ,

coir

LA

FER-

TÉ.

New Villey, 101. Nièvre (département), 180. Nîmes, 22, 33, 85, 86, i5a, i56.

ORLÉANS

I65.

i65.

NEWCOMEN, I I , i 3 , 29, 32, 54, 55, 61,

(le P . ) ,

I85.

Ourcq (canal), 23, 99 n. 1. OZANAM ( D e n i s e ) , 16, 29, i 4 6 .

Nevers, 2o5. Neuf-du-Mouillon, IÖ2. Neuilly, 53, 139, I 5 I . Neuville-1'Archevêque, 33, 35, 56, 1 7 3 , 174.

NOËL

OSTERWALD, OVIDE,

223.

NECKER (Jacques), i o 4 , i 5 5 ,

86,

(Philippe « Égalité », duc d'), 7, 8 , i4, 2 8 , 2 9 , 33, 34, 47, 5 i , 54, 56; coir aussi C H A R T R E S (Philippe « Égalité », duc de). Orsay (quai d') Paris, i54ORSEL (Antoine), commissaire priseur à Paris, 17, 235, 3oi, 3o2. Ostende, 116, 118, 119, 121, 256, 257, 260.

N A P O L É O N I e r , 12, 2 5 , 2 9 , 3 o , 1 7 4 n . 4 , 187,

235.

ORLÉANS

MURRAY ( M a t t h e w ) , 202.

175,

duc d'), 12, i4, 18, 3i, 33, 4 3 , 4 4 , 46, 47, 48,49, 53,55,56, 87,88,91,

(Louis-Philippe « le Gros »,

P A P I N ( D e n i s ) , 54. PARENT,

34-

Paris, 8, i4, 19, 21, 23, 25, 26, 28, 34, 36, 37, 39, 4i, 5 i , 53, 54, 55, 5j, 5g, 62, 63, 64, 6 8 , 6 g , 74, 7 5 > 7 6 > 77, 7 8 ,

83, 84, 85, 8 6 , 8 8 , g3 n. 2 , g6, gg, 1 0 0 , 1 0 1 , 102 n. 1, io3, 1 0 6 , 1 0 7 , 10g, 1 1 0 , m , 1 1 2 , n 3 , n 4 , 1 1 7 , 11g, 123, 125, I 3 I , I 3 2 , I33, I 3 4 , I 4 3 , i54, 155, 157 n. 1, 1 6 1 , 1 6 2 , i65, 1 6 8 n. 1, 172 n. 3, 1 8 0 , 1 8 1 , i85, ig3, 1 9 8 , igg, 2 0 0 , 2 0 9 , 80, 81,

2L3, 2L4, 2L5, 219, 223, 225,

226,

237, 238, 23g, 243, 248, 2 5 I , 252, 254, 2 58, 285, 2 8 6 , 3oi, 3o3. coir aussi : 227,

Académie Royale d'Architecture; Académie des Sciences; Aiguillon (hôtel) ; Archives Nationales; Archives de la Seine; Austerlitz (quai d') ; Basse du Rempart (rue) ; Bastille ; Bellechasse (pavillon de); Bercy ; Bibliothèque Historique de la Ville de Paris; Bibliothèque Nationale ; Billy (quai de);

3i4 Branly (quai de); Centre de Documentation d'Histoire des Techniques; Centre de Recherche d'Histoire des Sciences; Chaillot ; Champs-Élysées (rue des) ; Chantereine (rue) ; Charonne (rue) ; Châtelet de Paris; Chaussée d'An t i n ; Cléry (rue de) ; Collège de Navarre; Condé (rue de); Conservatoire des Arts et Métiers; Cygnes (île des) ; Dauphine (rue) ; E a u x de Paris (Service des) ; École Militaire; École des Mines; École Polytechnique; École Pratique des Hautes Études. V I e section; Électeurs (salle des); Frères-Périer (rue des); Gare (pompe de la ); Grenelle (quai de) ; Gros-Caillou (pompe du); Hôpital Général (pompe de 1') Institut de France; Institut National de la Propriété Industrielle ; Invalides ; J a r d i n des Plantes; J e a n - R o y (rue) ; Louvier (île) ; Louvre (le); Malaquais (quai); Marais (rue des) ; Monceau ; Monnaie de Paris; Mont Blanc (rue du) ; Mortagne (hôtel de); Musée de l'Air; Musée Dauphin; Musée de la Marine; Notre-Dame (pompe) ; Notre-Dame-de-Lorette (église) ; Octave-Gréard (rue) ; Orsay (quai d') ; Palais de Chaillot; Palais-royal ; Parlement de Paris; Passy; Président Wilson (avenue du); Quatre-Nations (église) ;

CAPITAL

ET MACHINE

A

VAPEUR

Râpée (quai de la); Saint- Denis ( faubourg) ; Saint-Dominique (rue) ; Saint-Germain (faubourg) ; Saint-Germain-des-Prés (abbaye) ; Saint-Honoré (porte) ; Saint-Honoré (rue du fg) ; Saint-Louis (île) ; Saint-Martin (rue) ; Saint-Martin des Champs (abbaye) ; Saint-Pierre-de-Chaillot (église) ; Saint-Roch (paroisse); Saint-Victor (abbaye) ; Sainte-Croix (rue) ; Sainte-Pélagie (prison) ; Salpêtrière ; Samaritaine (pompe); Sandrié (passage) ; Silvestre-de-Sacy (rue) ; Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale; Temple (faubourg du) ; Université (rue de 1'); Villedot (rue). Parlement de Paris, 80, 172. P A S C A L (Biaise), 2 0 7 . Passy, 70. P A S T E U R (Louis), 2 9 . PATTERSON, PAYEN PÉAN

235.

(Jacques), DE

29.

SAINT-GILLES

(notaire à

Paris), 3o3. PÉRIER

:

Famille de Casimir P É R I E R . P É R I E R (Auguste), 1 7 4 n. 2 . P É R I E R (Casimir), i5, 1 7 4 n. 2 , 2 1 0 , I°

226. PÉRIER

204, PÉRIER

(Scipion), i5, 219, 226, 227,

18, 21,

23,

4°>

298.

:

2 0 Famille de Jacques-Constantin PÉRIER.

PÉRIER M

M E

PÉRIER

Mme

PÉRIER

(Aglaé Marie

Barthélémy),

de MARSILLY. 240,

3o3.

(Anne-Charlotte P O U P A R D I N , Joseph-Constantin), 4i• (Augustin-Charles), 1 1 , I 3 ,

36, 4 I , 125, 190, 192, 206, 207, 235, 242, 244)

N

- !»

252.

2I5, me

(Charlotte-Rosalie), M Jean-Baptiste L A G R E N É E , 240, 3o3. PÉRIER (Edme-Louis-Constantin), 2 1 , 3g, 56, 242, 3o3. me P É R I E R (Eugénie Thérèse), M DAR-

PÉRIER

PENTIGNY, 176, 224, PÉRIER

24O, A4L,

(Joseph-Constantin),

3o3.

41-

INDEX

3i5

(Thérèse-Amélie M I G N O T T E , M M E Jacques-Constantin), 3g, 173 n. 5, 204, 2 2 0 n. 1, 237, 240, 3o3. P É R I E R - D E S G A R E N N E S , voir PÉRIER (Augustin-Charles). PÉHIER

PÉRIER

:

3° Personnes morales et divers. PÉRIER,

RENNEKIN

(Swalm),

RICHARD, 34,

17g,

DE

VILLENEUVE,

REES ( A b r a h a m ) , RÉGNIER,

PÉRIER, BAUDARD

(Marcel), 2g. Rennes, 88.

(Sté), 33.

LAURENT PÉRIER,

PÉRIER

SAINTE-JAME,

BETTINGER

FRÈRES

&

&

Cie, 32,

Cie,

146.

25o-266.

PLEYEL

210.

Cie

(le

P.),

i34,

(John),

134-

ROEBUCK ( J o h n ) , 1 0 1 , I32, I 5 I n. 1. ROGUET ( H e n r i ) , 24G.

109.

&

PLUMIER

(Maximilien de),

Rochebalue (La), i4g n. 3. Rochefort, I52.

(James), i56.

PLAYFAIR,

2O5.

ROBESPIERRE ROBISON

184.

P E T T Y ( W i l l i a m ) , 235. PHILIPPEAUX ( R e n é ) , 1 6 8 . PICKARD

R I V E Y (Claude), 36, 37.

187.

PERRET ( F r a n ç o i s ) , 33 PERRODON,

38.

REINHARD

ROBERT,

Périer (rue des Frères), Paris, 100.

I55.

109.

P É R I E R , B A R N O I N & Cie, 295. DE

226.

(Camille), I 5 , 1 7 , 2g, 1 7 7 . Rieu-du-Cœur, 206. Rive-de-Gier, g2. RÉAUMUR (René-Antoine de), 2 5 . RICHARD

REBOURS

3O4-

2g6.

I85,

233.

ROLLAND

(L.

N.),

35.

ROLT

T.

C.),

29.

(L.

POISSON

Romilly-sur-Andelle, 32, 52, 142, i43,

POISSON

i44. Rotterdam, 232. Rouen, 34, 62, 69, 1 1 6 , 1 1 8 , 1 1 9 , 1 2 0 ,

père, fondeur à Rouen, 62. (Denis), 3g, 2 1 8 , 229. P O N C E L E T (Polycarpe), Pontchartrain, 1 7 9 . Ponts et Chaussées, 2 1 7 , 2 1 8 , 2 1 9 , 289. Port-Sondé, 168. POUPARDIN (Anne-Charlotte), Madame Joseph-Constantin P É R I E R ,

41.

POURRAT.

172.

PRAT ( O l i v i e r de), 1 6 ,

28.

Président Wilson (avenue du) Paris, 100. PRIESTLEY PRIEUR

(Joseph),

DE L A

I34-

CÔTE-D'OR,

178,

187

n. 2. (Marie R I C H E , baron de), i5, 16, 23, 24, 26, 27, 35, 36, 37, 38, 3g, 4o, 4g, 53, 54, 9 1 n. 2, 1 0 7 , 108, 1 2 8 , i34, i4o, i53, i54, 1 6 1 , 1 6 2 , i63, iô4 n. 3, i65, ig3, 2 0 7 , 2 1 8 , 2 2 3 , 228, 229, a3i, 23g, 242, 244 n. 1, 296 n.

PRONY

PROST ( J . - C . - A l f r e d ) , 1 6 , 2 9 , 6 0 ,

61,

8 1 , 92. Quaregnon, 206. Quatre-Nations (église) Paris,

180.

Raincy (le), 43, 46, 47> 53, i3g, i 5 i . RAMUS,

I46,

I53

n.

1.

Râpée (quai de la) Paris, 209. RAUX,

38.

179»

I9°>

!99»

206, 241, 248,

256,

2Ô8, 2 5 g , 260. ROUGEVIN-BAVILLE ( C o l o n e l ) , 1 6 7 n.

i. (Jean-Jacques), 231. ROVIGO ( S a v a r y , duc d e ) , 2 2 0 . ROUSSEAU

Ruelle, 1 8 2 . R U G G I E R I (Claude Fortuné), 233. Ruiz A L V A R E Z (Antonio), 2g. Saint-Biaise (rue) Lyon, i g i . Saint-Claude, 52. Saint-Denis, 8, 33, 34, 56, i3g, i43, i 4 4 , I 5 2 , 180. Saint-Denis (faubourg) Paris, 207. Saint-Dizier, 63. Saint-Domingue, 25, 32, 33, 167, 168 n. i, 169. Saint-Dominique (rue) Paris, 180. Saint-Étienne, 1 7 g , 2 7 1 . Saint-Germain (faubourg) Paris, i53, i54. Saint-Germain-des-Prés (abbaye) Paris, 35, 180. Saint-Germain-en-Laye, 7g, 288. Saint-Honoré (porte) Paris, 4i n. 1, 42.

Saint-Honoré (rue du f g ) Paris, 3o3. Saint-Louis (île) Paris, 102 n. 1. Saint-Lubin, 18, 19, 25, 34, 3g, 173,

CAPITAL

3i6 174, 1 7 8 , 185, 186, 187, 188 n., 2O3, 224, 227, 235, 236, 238, 240, 2 4 1 , 277. Saint-Martin (paroisse) Saint-Lubin, 173. Saint-Martin (rue) Paris, 70 n. 1, 298, 3oi. Saint-Martin des Champs (abbaye) Paris, 52, 279. SAINT-OUEN,

voir

BERTRAND

SAINT-PAUL

DE

(MME),

SAINT-PIERRE,

SAINT-OUEN.

87.

63.

Saint-Pierre de Chaillot (église) Paris, 139. Saint-Quentin, 2 i 3 , 226, 285. Saint-Rémy, 25, 187 n. 1. Saint-Roch (paroisse) Paris, 4i n - i> i43. Saint-Victor (abbaye) Paris, 209. Saint-Waast (collège Neuf de Douai), 37. Sainte-Croix (rue) Paris, 3oo, 3o3. SAINTE-JAME,

voir B A U D A R D DE S A I N T E - J A M E . Sainte-Pélagie (prison) Paris, 4o, 176, 241. Sainte-Walborge (faubourg) Liège, 286. Salpêtrière (Paris), voir Hôpital Général. Samaritaine (pompe) Paris, I32, i33. Sambre-et-Meuse (département), i84Samson, locomotive. 228. Sandrié (passage) Paris, 3o3. S A N É (baron Jacques-Noël), 3 6 , 3 8 ,

SAVARY,

duc

SAVERY,

53,

de 54,

ROVIGO, I5I,

Savoie, 200 n. 2. SAY (Jean-Baptiste), SCHENK

(Pierre),

i53

220.

268.

12.

233.

Seine (département), 5o, i65, ij5, 279, 280, 3oi. Seine (fl.), 23, 26, 3g, 47> 75, 80, 8 1 , 87, 100, 1 1 8 , 1 1 9 , i55 n. i , i56, 198, 2 i 3 , 2 1 6 , 243, 248, 252, 2 7 1 , 296. Seine-et-Marne (département), 190. S.E.I.T.A.,

A

VAPEUR

Severn (le), navire, 1 1 9 , Sèvres, 7 1 . SÈZE ( R o m a i n

121,

25g.

de),

voir DESÈZE (Romain). Shad well, n 3 . SIEMIENOWICZ

(Kazimierz),

142.

Silvestre-de-Sacy (rue) Paris, i55. Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale (Paris), i5, 1 6 , 23, 26, 36, 38, 4 i , i38, 166, 189, 190, ig3, 200, 2O5, 206, 223, 227. Soho, 19, 60, 148. Soupes, 190. SPRATT ( P h i l i p ) , 1 6 , 2 9 .

Stafford (comté de), 2Ö2. STEEL

1,

210.

(Charles-Maurice

de),

(AITKEN

&),

157

STEPHENSON ( R o b e r t ) , STUART

16,

(R.),

n.

228.

27.

Suffolk Street (Londres), 251. Suisse, 235. SYKES,

187.

25, 35,

TALLEYRAND

210.

TATON ( R e n é ) , 2 0 , 2 9 .

Temple (faubourg du) THÉRARD

Thérèse i53.

226.

(Maison), 241. (pompe du Gros-Caillou), 16, 2g,

THÉRY (René), THÉVENIN, THIERRY

2O5. THIÉRY

Paris,

208.

TERNAUX,

g4.

46.

&

GROSSMANN

16,

(Luc-Vincent),

THILORIER,

(WETTER),

27.

3g.

THIOUT ( A n t o i n e ) , 233. TORLAIS ( J e a n ) , 2 g .

39.

Saône (riv.), 89, 245. Saône (Haute-) (département), n. i.

ET MACHINE

TOUFAIRE,

I46.

(Th.), 16, 27, 224. Trésor Public (Ministère du), 1 2 , 25, 36, 2O3, 2 1 7 , 220 n. 3, 221 n. 3. TREDGOLD

TRESSE ( R e n é ) , 3o. TREVITHICK ( R i c h a r d ) , TRINCANO

(Ch.

TUGOT, TUNIS

176.

V.), 77,

78.

20g.

TROUVILLE, TRUDAINE,

L.

104.

142. (Bey

d e ) , 34,

i42-

T U R G A N , 3O. TURQUIN, 36.

I54.

Senonches, 3g, i5j n. 1, 2 1 0 . SERPOLLET ( L é o n ) ,

200.

Severn (fl.), 1 1 6 , 256.

Université (rue de 1'), Paris, 5i. UZELLE,

voir

JOUFFROY

D'UZELLE.

INDEX VABRY,

3I7 68.

Vaize (Faubourg de) Lyon, 83, 89. Valenciennes, 86, 212, 213, 285. V A L L E N Ç A Y , 6 7 , 74.

VANDERMONDE

(Alexandre-Théo-

phile), 161, 180, 298. VAUCANSON

(Jacques

de),

17,

32,

48, 5o, 5i, 299, 3oo. VAUQUELIN

(Nicolas-Louis),

11.

Yédrin, 206. Verneuil (district de Dreux et), 186. Versailles, i4, i42> !76, 216, 235, 296. V E R Z Y , 37. V E Y M E R A N G E S ( P A L T E A U DE), 68, 69, 70;

voir aussi DEMERONGE. VÉZELAY, voir BOURET

DE

VÉZELAY.

VIENNET ( O d e t t e ) , 12, 3o, 174, 175, 189, 210.

Vieux-Condé, 212. Villedot (rue) Paris, i43. VILLÈLE (Joseph, comte de), 222 n. VINCENT,

73.

Vizille, 174 n. 2. VOLTAIRE,

(Bas.),

WANKEL,

236.

255.

W A T T (James), 7, 8, 11, i 3 , I4, 19, 20, 22, 27, 28, 29, 31, 32, 54, 55, 5g, 60, 76, 81, 99, 100, 101, 102, io3, io4, 106, 107, 108, 109, 110,

124,

I32, i58, 176, 2I3, 276,

WATT Junior (James), 28, i33, i63 n. 1, 202. W A T T & B O U L T O N , 32, 100, 103, io4, IO5, 106, 107, 110, H I , 112, n 3 , n 4 , 117, I L 8 , I I G , I 2 0 , 121, 124, 125, 126, 127, 129, I49, I58, 161, 25O à 266, 274, 275, 276.

WEISS

(J.-H.),

101, 102, 108, 109, n 5 , 116, 122, 123,

i3o, i48, 267, 273,

235.

W E N D E L ( d e ) , 34, i 4 6 . W E T T E R , T H I E R R Y & GROSSMANN, 2O5. W I D M E R , 35, 192. W I E D M A N N , 38.

WILKINSON (John), 32, 101, 102, i o 3 ,

104, io5, 106, 107, 112, 116, 117, 118, 119, 120, i46, i56, 169, 236, 25O, 256,

23I.

WALKER

112, Il3, Il4, 116, 121, 122, 127, 128 n. i, 129, i3o, I 3 I , I33, I34, I45, 148, I 5 I , i56, i5g, 161, 162, i63, 169, 174, 190, 191, 193, 196 n. 3, 2O5, 223, 225, 236, 243, 244) 2 7 5 , 296, 297.

257,

259,

260,

264.

WILKINSON ( W i l l i a m ) , 125, i48. WILLIAM (John), 119, 120, 25G, 260. WOOLF ( A r t h u r ) , 225, 226, 228.

York Building (Londres), i3o n. 1. YOUNG ( A r t h u r ) ,

Yvette (riv.), 28.

i53 n. 1.

TABLE DES ILLUSTRATIONS

HORS-TEXTE

1. P o r t r a i t de J.-C. Périer. G r a v u r e d ' a p r è s m i n i a t u r e d ' I s a b e y (Musée d u C.N.A.M.). 2. L a p o m p e à feu de Bagatelle « sur les bords de la Seine près le p o n t de Neuilly » en i 8 i 3 . Dessin encre et sépia, collection Charles Dollfus. L a forme d u b â t i m e n t ne convient p a s à une m a c h i n e de N e w c o m e n ; il s'agit sans d o u t e d ' u n e m a c h i n e genre Savery, c o m m e a u p a r c Monceau. 3. F a ç a d e de la maison d ' h a b i t a t i o n construite Chaussée d ' A n t i n p a r Périer (Archives Nationales, Minutier Central, é t u d e X L Y I , liasse 454, 24 juillet 1774) • 4- P o m p e centrifuge à manège, modèle construit p a r Périer (Musée d u C.N.A.M.). 5, 6. Moulin à v e n t à cabine t o u r n a n t e et moulin à v e n t à calotte t o u r n a n t e , modèles construits p a r Périer (Musée d u C.N.A.M.). 7, 8. Modèle de b a t e a u à v a p e u r construit p a r J o u f ï r o y d ' A b b a n s ; v u e d'ensemble et détail d u cylindre à double effet m o n t r a n t le mécanisme de d i s t r i b u t i o n (Paris, Musée de la Marine). 9, 10. Vues extérieures de la p o m p e à feu de Chaillot : g r a v u r e de la fin d u x v m e siècle, v u e prise de la rive gauche de la Seine, les ateliers de la fonderie sont visibles; g r a v u r e d ' é p o q u e r o m a n t i q u e m o n t r a n t le b â t i m e n t de la p o m p e à feu (Collection Charles Dollfus). i l , 12. Machine à v a p e u r de la p o m p e à feu de Chaillot, v u e extérieure et coupe (Prony, Nouvelle Architecture hydraulique, t o m e I I , planches 38 et 3g). 13. Machine à forer les t u y a u x de bois, modèle c o n s t r u i t p a r Périer (Musée d u C.N.A.M.). 14. L a m i n o i r p o u r les t u y a u x de plomb, modèle c o n s t r u i t p a r Périer (Musée d u C.N.A.M.). 15. 16, 17. Machine à v a p e u r à double effet, planches a c c o m p a g n a n t le m é m o i r e de B é t a n c o u r t (Académie des Sciences, Archives, dossier de la séance d u 16 décembre 1789). 18. Dessin d ' u n e m a c h i n e à v a p e u r horizontale de B o u r y (Musée d u

C.N.A.M.).

19. Dessin d ' u n modèle de m a c h i n e à v a p e u r à double effet construit p a r Périer (Musée d u C.N.A.M., Portefeuille Industriel). 20. Modèle de m a c h i n e à v a p e u r à double eiïet construit p a r Périer, conforme a u dessin de la p l a n c h e précédente (Musée du C.N.A.M.). 2 1 . Machine à v a p e u r à double effet des moulins de l'Ile des Cygnes (Prony, Nouvelle Architecture Hydraulique, t o m e I I , planche 23). 22. Premier b a t e a u à v a p e u r de F u l t o n , dessin envoyé à Molard p a r l ' i n v e n t e u r en i8o3 (Musée d u C.N.A.M., Portefeuille Industriel). 23. Presses h y d r a u l i q u e s construites p a r Périer (Bulletin de la Société d'Encouragement, t o m e 11, 1 8 1 2 , planche a c c o m p a g n a n t le n u m é r o X C I I ) . 24. B â t i m e n t construit a u b o r d de la Seine p o u r recevoir la p o m p e à feu de l ' H ô p i t a l . Dessin a u crayon, époque r o m a n t i q u e , détail (Collection Charles Dollfus).

ILLUSTRATIONS

IN-TEXTE

P l a n d u t e r r a i n acheté p a r Périer d a n s la Chaussée d ' A n t i n Machine à v a p e u r de Périer p o u r r e m o n t e r le c h a r b o n des mines

45 194

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

il

SOURCES

21

ET

BIBLIOGRAPHIE

3I

CHRONOLOGIE CHAPITRE I —

Une existence d'ingénieur-mécanicien

e

à la fin du XVIII

siècle.

41

J e u n e s s e ; é d u c a t i o n ; premiers t r a v a u x . L ' e n t r é e d a n s la clientèle de la Maison d'Orléans. M m e d e Genlis et le musée-bijou d u d u c d e Chartres. C o m m e n t les Périer sont-ils venus a u x m a c h i n e s à v a p e u r ? Périer, d'Auxiron, Jouffroy navigation à vapeur en France.

C H A P I T R E II —

d'Abbans

: les premiers essais de 5g

M — Périer et Watt : l'introduction en France de la machine à vapeur à condenseur.

CHAPITRE

CHAPITRE

IV —

formation

L'activité de la manufacture de Chaillot. Première ( 1778) jusqu'à la fin de l'Ancien Régime.

Appendice

: la pompe

99

partie : de la 137

(1784).

à feu de Saint-Domingue

V — L'activité de la manufacture de Chaillot. lution et Empire.

CHAPITRE

Seconde partie : Révo-

171

A. Révolution, Directoire et Consulat. — Les Périer se s é p a r e n t de la Compagnie des E a u x : l'évolution de la m a n u f a c t u r e de Chaillot de 1788 à i8o5. — Les fabrications patriotiques de l ' A n I I . filatures — Les Périer m a u v a i s m a r c h a n d s de leur effort de g u e r r e ; les de c o t o n ; a p p a r i t i o n de Mollien. — U n brillant élève de Périer; la fonderie de Liège. Périer et O b e r k a m p f . Droz à la Monnaie de Paris. — D e u x réalisations m a r q u a n t e s : la m a c h i n e à r e m o n t e r le c h a r b o n e t le b a t e a u à v a p e u r de F u l t o n . B. L ' E m p i r e et l'aurore de la R e s t a u r a t i o n

(I8O5-I8I8).

— L ' a t t i t u d e d u g o u v e r n e m e n t impérial envers P é r i e r ; é t a t s t a t i o n n a i r e d e la fonderie de Chaillot sous l ' E m p i r e ; fabrications diverses. I n t r o d u c t i o n en F r a n c e de la presse h y d r a u l i q u e . — Le mémoire sur les machines à v a p e u r . — L'échec d u p r o j e t de Marly. — Ultime déclin, v e n t e et t r a n s f o r m a t i o n de la fonderie de Chaillot. C H A P I T R E VI —

— — — —

Jacques-Constantin

après la Révolution.

229

Périer à l'Académie des Sciences. L a bibliothèque d ' u n s a v a n t mécanicien. T a b l e a u x ; objets d ' a r t et m é t i e r s ; horlogerie. Périer m a l a d e et m a l h e u r e u x ; la fin.

CONCLUSION

242

CAPITAL

322

ET MACHINE

A

VAPEUR 245

DOCUMENTS

I. II. III. IY. V. VI. VII. VIII. IX. X. XI. XII. XIII.

L a mécanique du bateau à vapeur de Joufîroy. Générosité de Périer. Extraits de la correspondance de W a t t et Périer. Rapport de Coulomb sur la pompe à feu de Chaillot, 19 mars 1783. Est-il vraisemblable qu'une machine fournie par W a t t à Jary ait fonctionné avant celle de Chaillot? Lettre de Périer au Ministre à propos de sa nomination au Bureau de Consultation. Avance de 4o 000 F consentie à Périer par le ministre de l'Intérieur. Garantie sur des machines existant à Chaillot (1807). Tableaux des machines à vapeur. Devis d'une machine à vapeur pour les Houillères de Bonnefin. Marché pour la construction des machines à vapeur destinées à remplacer la machine de Marly. Élévation des eaux de la Seine pour le service des châteaux de Marly et Versailles. Objets mis en dépôt au C.A.M. par Périer en l'an X I I I , rachetés après sa mort à ses héritiers par le C.A.M. (1818-1819). Déclaration de succession de Jacques-Constantin Périer. 3o5

INDEX TABLE

DES

ILLUSTRATIONS

HORS-TEXTE

3IG

Imprimé en France IMPRIMERIE FIBMIN-DIDOT. - PARIS • MESNIL - I T B Y Dépôt légal : 2 ' trimestre 196».

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