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French Pages 200 [198] Year 2006
vie et mort du couple en nouvelle-france
studies on the history of quebec / études d’histoire du québec John Dickinson Series Editor / Directeur de la collection 1 Habitants and Merchants in Seventeenth-Century Montreal Louise Dechêne 2 Crofters and Habitants Settler Society, Economy, and Culture in a Quebec Township, 1848–1881 J.I. Little 3 The Christie Seigneuries Estate Management and Settlement in the Upper Richelieu Valley, 1760– 1859 Francoise Noël 4 La Prairie en NouvelleFrance, 1647–1760 Louis Lavallée 5 The Politics of Codificiation The Lower Canadian Civil Code of 1866 Brian Young 6 Arvida au Saguenay Naissance d’une ville industrielle José E. Igartua 7 State and Society in Transition The Politics of Institutional Reform in the Eastern Townships, 1838–1852 J.I. Little
8 Vingt ans après Habitants et marchands, Lectures de l’histoire des xvii e et xviii e siècles canadiens Habitants et marchands, Twenty Years Later Reading the History of Seventeenth- and Eighteenth-Century Canada Edited by Sylvie Dépatie, Catherine Desbarats, Danielle Gauvreau, Mario Lalancette, Thomas Wien 9 Les récoltes des forêts publiques au Québec et en Ontario, 1840–1900 Guy Gaudreau 10 Carabins ou activistes? L’idéalisme et la radicalisation de la pensée étudiante à l’Université de Montréal au temps du duplessisme Nicole Neatby 11 Families in Transition Industry and Population in Nineteenth-Century Saint-Hyacinthe Peter Gossage
12 The Metamorphoses of Landscape and Community in Early Quebec Colin M. Coates
16 A History for the Future Rewriting Memory and Identity in Quebec Jocelyn Létourneau
13 Amassing Power J.B. Duke and the Saguenay River, 1897–1927 David Perera Massell
17 C’était du spectacle! L’histoire des artistes transsexuelles à Montréal, 1955–1985 Viviane Namaste
14 Making Public Pasts The Contested Terrain of Montreal’s Public Memories, 1891–1930 Alan Gordon 15 A Meeting of the People School Boards and Protestant Communities in Quebec, 1801–1998 Roderick MacLeod and Mary Anne Poutanen
18 The Freedom to Smoke Tobacco Consumption and Identity Jarrett Rudy 19 Vie et mort du couple en Nouvelle-France Québec et Louisbourg au xviii e siècle Josette Brun
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Vie et mort du couple en Nouvelle-France Québec et Louisbourg au XVIII e siècle josette brun
McGill-Queen’s University Press Montreal & Kingston • London • Ithaca
© McGill-Queen’s University Press 2006 isbn-13: 978-0-7735-3067-6 isbn-10: 0-7735-3067-3 (relié toile) isbn-13: 978-0-7735-3068-3 isbn-10: 0-7735-3068-1 (relié papier) Dépôt légal, 4e trimestre 2006 Bibliothèque nationale du Québec Imprimé au Canada sur papier non acide qui ne provient pas de forêts anciennes (100% matériel post-consommation), non blanchi au chlore. Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération canadienne des sciences humaines de concert avec le Programme d’aide à l’édition savante, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’Édition (padié) pour nos activités d’édition. Nous remercions le Conseil des Arts du Canada de l’aide accordée à notre programme de publication.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada Brun, Josette, 1967– Vie et mort du couple en Nouvelle-France : Québec et Louisbourg au XVIIIe siècle / Josette Brun. (Studies on the history of Quebec = Études d’histoire du Québec; 19) Comprend des réf. bibliogr. et un index. isbn-13: 978-0-7735-3067-6 isbn-10: 0-7735-3067-3 (rel.) isbn-13: 978-0-7735-3068-3 isbn-10: 0-7735-3068-1 (br.) 1. Couples mariés – Québec (Province) – Québec – Histoire – 18e siècle. 2. Couples mariés – Nouvelle-Écosse – Louisbourg – Histoire – 18e siècle. 3. Veuvage – Québec (Province) – Québec – Histoire – 18e siècle. 4. Veuvage – Nouvelle-Écosse – Louisbourg – Histoire – 18e siècle. 5. Relations entre hommes et femmes – Canada – Histoire – 18 e siècle. 6. Famille – Droit – Canada – Histoire – 18e siècle. 7. Canada – Mœurs et coutumes – Jusqu’à 1763. I. Titre. II. Collection: Studies on the history of Quebec; 19 hq559.b78 2006
306.80971′09033
c2006-903122-3
Ce livre a été composé par Interscript en 10/13 Baskerville.
À mon petit papa Omer, qui nous a quittés après 80 belles années. À sa grande joie de vivre et à son remarquable sens de la famille. À ma chère maman Dorothée, dont la peine n’a d’égale que le courage. À la famille qu’elle a bâtie avec cœur et qui la soutient de tout son amour.
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Table des matières
Remerciements Introduction
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1 Maris et femmes : des droits et des pouvoirs 2 Se remarier ou pas
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3 Veuves et veufs : la famille au cœur des stratégies de survie 58 4 La veuve, une «pauvre» de prédilection Conclusion
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Tableaux 101 Notes
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Bibliographie Index
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Remerciements
Ce livre, tiré de ma thèse de doctorat, est le produit d’années de fort joyeux labeur sous la direction de John Dickinson et Denyse Baillargeon à l’Université de Montréal. Je les remercie sincèrement de leur rigueur, de leur amitié et de leur confiance. Merci aux autres membres du jury : Geneviève Postolec, Bettina Bradbury, Thomas Wien et Denise Angers, qui m’ont aidée, grâce à leur critique constructive, à faire le pont entre la thèse et le livre. Je remercie également le professeur Allan Greer, qui m’a donné l’élan intellectuel nécessaire pour récrire la thèse avec créativité pendant mes recherches postdoctorales. Je suis toujours reconnaissante envers mes anciens codirecteurs de l’Université de Moncton, les professeurs Jacques Paul Couturier et Maurice Basque, dont les enseignements se lisent entre les lignes de ce livre. Merci au professeur Christian Dessureault, du Département d’histoire, et à Bertrand Desjardins, du Programme de recherche en démographie historique, pour leurs conseils judicieux et leur bonne humeur. À Bernard Robert et Michel Guénette, collègues et amis de la première heure, pour leur générosité légendaire. À Nathalie Pilon et à Molly Richter, avec qui j’ai formé avec plaisir le trio des «veuves vaillantes» pendant ces années. Aux employés du Centre d’études acadiennes de Moncton, de la Bibliothèque de la Forteresse de Louisbourg, des Archives nationales du Québec à Montréal et à Québec, qui ont toujours répondu gentiment et avec diligence à mes demandes. Merci surtout à Stephen White, à Moncton, de même qu’à John Johnston et Judith Rommard, à Louisbourg, qui ont porté un intérêt particulier à mes recherches. Mes remerciements à Jacques Vanderlinden, professeur d’histoire du droit à l’Université de Moncton, sans qui je ne serais jamais venue à bout de la Coutume de Paris.
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Remerciements
Je remercie mille fois les fondations, institutions et organismes suivants qui m’ont permis de poursuivre mes études sans souci financier, un luxe incomparable : le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, l’Université de Moncton, la Fondation O’Brien, le Département d’histoire, la Faculté des études supérieures et le Conseil permanent du statut de la femme de l’Université de Montréal, le gouvernement du Nouveau-Brunswick, l’Institut canadien de recherche sur les femmes et la Fédération de la jeunesse canadienne-française… sans oublier la «Fondation Bruneau»! Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération canadienne des sciences humaines de concert avec le Programme d’aide à l’édition savante, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Toute ma reconnaissance à la maison d’édition McGillQueen’s, qui a choisi de publier mon manuscrit. Merci à Aurèle Parisien, Jonathan Crago et Joan McGilvray pour leur excellent travail d’édition, aux évaluateurs Maurice Basque et Colin Coates pour la qualité de leur critique constructive, et à Christophe Horguelin pour sa révision empreinte de respect et de rigueur. Je me permets de remercier de façon plus personnelle les gens qui ont fait partie de l’aventure de façon indirecte. D’abord, merci à mes parents, Omer et Dorothée, et à Nathalie, Yves et Serge, pour leur appui indéfectible, leur confiance inébranlable, et surtout, leur amour inconditionnel. Merci à Eduardo, mon trésor de patience et de tendresse. À mes chères amies : Caritas, Emmanuelle, France-Isabelle, Ghislaine, Isabelle de France et Isabelle tout court, Janique, Julie, Lise, Lucie, Marie-France et Susan, qui ont, par la qualité de leur amitié et chacune à sa façon, rendu plus douce la vie en général. À Michel, qui m’a encouragée à faire mes premiers pas dans l’univers de la danse, exutoire des plus salutaires. Et à Roquette, qui m’a appuyée par sa muette mais affectueuse et rigolote présence pendant les derniers moments de réécriture. Enfin, merci à Cap-Pelé, sa mer et ses plages, mon refuge au cœur de l’Acadie. Au charme envoûtant du Cap-Breton, joyau de la planète bleue. À l’Italie, pour la beauté et la joie de vivre. À Montréal, qui m’a fait vivre des années passionnantes. À Québec et à mes formidables collègues de l’Université Laval, qui m’ont fourni un cadre et une ambiance magnifiques pour terminer l’écriture de ce livre…
vie et mort du couple en nouvelle-france
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Introduction Vous pensez que le passé, parce qu’il a déjà été, est achevé et immuable? Ah non, son vêtement est fait d’un taffetas changeant et chaque fois que nous nous retournons sur lui nous le voyons sous d’autres couleurs. Kundera
Ce livre s’intéresse à l’histoire du «genre», c’est-à-dire aux rapports sociaux de sexe au sein de la famille et de la société dans les petites villes coloniales de Québec et de Louisbourg, capitales du Canada et de l’Île Royale, au dix-huitième siècle. Il révèle l’existence de rôles écrits en partie par l’État et l’Église et adaptés avec une certaine liberté par des femmes et des hommes aux prises avec les défis de la vie conjugale et du veuvage. S’appuyant sur de la correspondance religieuse et administrative, des textes juridiques, des registres paroissiaux, des actes notariés et des recensements, il montre de quelle façon les différences perçues entre les sexes construisent les rapports sociaux et de pouvoir dans la société urbaine française de la vallée du Saint-Laurent et de l’île du Cap-Breton, laquelle apparaît ainsi sous un éclairage nouveau1. L’étude qui suit répond directement à une interprétation qui demeure influente dans la production historique, celle d’un âge d’or de la condition féminine en Nouvelle-France. Selon cette lecture du passé, des particularités juridiques, démographiques, économiques et militaires en territoire français d’Amérique auraient «favorisé» les femmes de la colonie, en leur conférant un statut élevé et un champ d’action élargi. Le texte fondateur de cette interprétation, écrit par l’historienne Jan Noel en 1981, a été repris dans plusieurs recueils d’articles en histoire des femmes canadiennes au cours des années 1980 et jusqu’à la fin des années 1990. Même si Noel propose une lecture plus nuancée des rapports de sexe dans ses dernières publications, la théorie de «l’âge d’or» s’est néanmoins perpétuée sous d’autres formes dans les textes de plusieurs auteurs. Les principaux
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Vie et mort du couple en Nouvelle-France
arguments appuyant cette thèse ont été contestés. La rareté des femmes, qui aurait fait d’elles des êtres choyés, varie selon la période et la région étudiée. Le rôle important des congrégations religieuses ne modifie pas le statut des femmes laïques. La Nouvelle-France n’est pas seule à connaître des guerres qui éloignent les maris de leur famille et laissent les femmes à la tête des ménages. La traite des fourrures sollicite rarement les hommes mariés. La loi limite, comme partout, les droits des épouses. Et le pouvoir de délégation du mari n’est pas nécessairement exploité davantage ici qu’ailleurs2. Une réalité infiniment plus complexe que celle correspondant à un âge d’or ressort d’études plus récentes qui ont inspiré la mienne3. Enfin, la méconnaissance de la condition masculine, terrain en friche dans une historiographie pourtant centrée sur les hommes, limite grandement la portée de toute analyse des rapports de sexe dans la société coloniale4. Le couple mérite d’être étudié plus avant, et à travers un autre prisme que les seuls choix patrimoniaux dans les contrats de mariage, qui ont déjà suscité d’éclairantes analyses. Lieu d’interaction fondamental entre les femmes et les hommes d’âge adulte, le couple représente également un point d’appui nécessaire pour l’analyse d’une étape cruciale du cycle de vie, celle qui suit la mort d’un conjoint. L’étude de la période de vie commune servira ici de toile de fond à une réflexion qui porte principalement sur le veuvage. Deux grandes questions en orientent le cours. Les pratiques sociales diffèrent-elles de l’esprit des lois et des autres discours sur la féminité et la masculinité? Les stratégies des femmes et des hommes se conforment-elles à une conception large ou étroite des rôles sociaux féminins et masculins en Nouvelle-France? Dans cette société inégalitaire et hiérarchisée, le sexe, comme le rang et l’âge, dicte le comportement et les activités de chacun. Le concept de «genre» fait référence à cette construction sociale du masculin et du féminin, à ses conséquences sur l’organisation de la société et sur l’expérience des individus des deux sexes. Dans sa définition désormais classique, Joan W. Scott présente le genre comme «un élément constitutif des rapports sociaux fondés sur les différences perçues entre les sexes et … une façon première de signifier les rapports de pouvoir». C’est dire que l’influence entre le genre et la société est mutuelle : le genre est une construction sociale récupérée par les discours pour organiser la société d’après des intérêts issus d’un contexte particulier. Par le fait même, le genre «devient impliqué dans la conception et la construction du pouvoir lui-même5 ».
Introduction
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Les femmes et les hommes sont perçus, dans la société française d’Ancien Régime, comme des êtres essentiellement différents et inégaux, les seconds jouissant d’un statut supérieur. L’image de «la femme» comme être différent de «l’homme» et inférieur à lui est véhiculée par l’Église, les lois et la sagesse populaire, héritage précieusement transporté en terre d’Amérique. «Consacrée par la loi, écrit François Lebrun, cette manière de voir est l’objet d’un consensus quasi général. La plupart des auteurs, juristes ou moralistes … ont tous justifié cette subordination par des considérations sur la physiologie du sexe faible, par des arguments empruntés à l’histoire ou surtout à la Bible, par la nécessité économique où serait la femme d’exercer les fonctions domestiques à l’exclusion de toute autre6.» En outre, la crainte du pouvoir féminin, ancienne et profondément enracinée, et la croyance en une nature féminine qui tend vers le désordre, font de l’autorité des hommes et de la dépendance des femmes une nécessité. Ces convictions qui fondent le patriarcat façonnent les rapports entre les sexes. Dans la société française d’Ancien Régime, ces rapports se caractérisent d’abord par l’importance accordée au couple, à l’autorité maritale et à la division sexuelle du travail. Le mariage est au cœur de l’organisation sociale, le mari et l’épouse formant avec leurs enfants une nouvelle unité de production et de consommation. C’est au sein de la famille que naissent et sont formés les bons chrétiens et loyaux sujets du roi et, dans une nouvelle colonie plus qu’ailleurs, l’entraide, le soutien économique et affectif qu’elle offre sont cruciaux. Le mariage est par ailleurs perçu comme étant la destinée naturelle des femmes, vouées autrement à la vie religieuse ou au sort peu enviable de célibataire. La distribution des rôles au sein de la famille se fait selon une certaine conception de la féminité et de la masculinité, les tâches domestiques étant l’apanage des femmes et le travail professionnel celui du mari, même si nécessité oblige les épouses à jouer un rôle d’assistantes sur ce dernier plan. En effet, même si la société remet aux maris les rênes du pouvoir en leur conférant le statut de chef de la société conjugale et de gestionnaire des biens, rien ne les empêche d’associer leurs épouses à ces lourdes responsabilités, dans le quotidien et sur la scène publique, quoiqu’elles soient mineures devant la loi 7. Il y a toute une zone grise à explorer à travers cette toile tissée de contraintes et de possibilités, puisque la condition réelle des femmes et des hommes en Nouvelle-France se révèle d’abord et avant tout dans l’action. Plusieurs questions surgissent tendant à faire ressortir
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non seulement le possible mais la norme en mettant en évidence l’étendue des pratiques et l’éventail des situations. Comment s’effectue concrètement le partage des rôles entre époux à Québec et à Louisbourg pendant la première moitié du dix-huitième siècle? Quelle place se taillent les femmes sur les plans professionnel, domestique, financier, patrimonial et parental pendant les années de vie commune? Les chefs de famille profitent-ils de la marge de manœuvre que leur accorde la loi pour déléguer certaines responsabilités à leur épouse? L’activité devant notaire de 137 couples de Québec et de 25 couples louisbourgeois, située dans son cadre juridique, permet d’illustrer certains aspects de la division du travail et des rapports de pouvoir entre les maris et leurs femmes. Aux 109 contrats de mariage et 1 683 autres actes notariés faits par les 137 couples de la cohorte québécoise s’ajoutent, contournant dans le premier cas les lacunes des sources de l’Île Royale, les 77 contrats de mariage faits dans la ville-forteresse entre 1713 et 1744, plus les 53 actes notariés d’un autre type réalisés par les 25 couples de la cohorte louisbourgeoise. Les couples retenus sont tous issus d’unions formées entre célibataires. Il s’agit donc d’un groupe homogène et représentatif de la majorité des mariages en NouvelleFrance. Les familles d’artisans et de marchands (toutes catégories confondues) sont les plus nombreuses, suivies par de plus rares familles de journaliers et d’officiers (tableau 1). Cet échantillon reflète donc assez bien la réalité socioprofessionnelle des deux villes, le commerce à Louisbourg allant souvent de pair avec la pêche ou un métier de la construction. Les officiers constituent cependant le deuxième groupe en importance après les marchands chez les fiancés contractants de Louisbourg (tableau 2). Pour le Canada, la cohorte a été constituée en fonction du début de la période de veuvage des femmes à Québec, entre 1710 et 1744. Les périodes de vie commune se déroulent néanmoins en bonne partie au cours du dix-huitième siècle et les couples ont tous vécu au moins cinq ans dans la capitale canadienne avant la rupture de l’union. Pour Louisbourg, les unions retenues pour l’enquête ont été rompues par la mort du mari entre 1713 et 1740, la plupart après plusieurs années de vie commune dans la ville8. Les contrats signés devant notaire représentent bien sûr la face publique et juridique des exigences de la vie conjugale, soit une partie seulement des actions que poseront les couples pendant leur vie commune. Source imparfaite, donc, mais quantifiable, et dont l’analyse permet de faire la nuance, à l’instar des historiennes du droit Parent et Postolec, entre la jouissance et l’exercice de leurs droits par les femmes et les hommes de la Nouvelle-France.
Introduction
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L’activité devant notaire permet notamment de vérifier l’importance réelle du «rôle de représentation» que les épouses peuvent chercher ou être appelées à jouer en dépit de leur incapacité juridique9. La situation particulière créée par le décès du mari ou de l’épouse soulève également des questions quant au pouvoir des femmes et des hommes dans la société coloniale et quant à la flexibilité des rôles féminins et masculins. Le veuvage, moment de rupture dans l’organisation sociale, constitue un problème de choix pour l’analyse historique puisque les bouleversements sont toujours porteurs d’un potentiel de changement y compris dans les rapports sociaux de sexe. L’accès subit des veuves au pouvoir et à l’autonomie, de même que leur plus grande vulnérabilité à cause de leur dépendance pendant la vie conjugale, expliquent en partie l’attention portée presque exclusivement à l’expérience féminine du veuvage, sauf chez les démographes. À l’intérieur du champ de l’histoire sociale, cette étape du cycle de vie familial n’a cependant pas beaucoup retenu l’attention des historiens, plutôt affairés à cerner la réalité des gens mariés et des familles complètes10. La marginalisation de l’étude du veuvage dans la production historique découle également de l’importance attribuée au remariage dans la société coloniale. Si tous convolent rapidement en secondes noces, le problème que pose le veuvage disparaît en effet comme par enchantement. Les études démographiques, comme les autres analyses, laissent pourtant deviner une grande diversité de situations11. Mais en Nouvelle-France comme dans les autres champs d’étude, les personnes veuves, quel que soit leur sexe, sont rarement étudiées pour elles-mêmes et apparaissent surtout dans des études sur le pouvoir des femmes, le mariage, la pauvreté, la transmission du patrimoine et le commerce12. Le veuvage est cependant un phénomène important qui touche inévitablement presque toutes les familles de la Nouvelle-France, puisque le décès simultané du mari et de l’épouse est chose rare, que les séparations de corps et de biens, permises par l’État dans certaines situations extrêmes, n’annulent pas le mariage célébré devant l’Église, et que celle-ci n’accepte de rompre une union bénie devant Dieu qu’exceptionnellement. Les personnes veuves se font de plus en plus nombreuses à Québec au dix-huitième siècle, suivant ainsi la croissance de sa population. On en compte presque trois fois plus au milieu du siècle qu’au début – la ville en abrite 86 en 1716 et 223 en 1744. Pendant cette période, le veuvage présente, comme presque partout ailleurs, un visage surtout féminin. La capitale canadienne compte en
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effet trois fois plus de veuves que de veufs à partir de 171613. Le veuvage prend pareillement un visage féminin à Louisbourg, où les hommes sont pourtant majoritaires et les femmes rares. Les veuves y forment, comme à Québec, un groupe de plus en plus important au cours de la première moitié du siècle en dépit du contexte démographique de la ville. Leur nombre assez modeste double en 10 ans; il passe de 8 à 16 entre 1724 et 1734, tandis que les hommes sont très rarement identifiés comme veufs dans les recensements14. On ne sait pas encore très bien comment ces personnes veuves s’adaptent à leur nouveau statut, ni comment les autorités coloniales encadrent leurs actions. L’ambivalence européenne face au remariage – surtout celui des femmes – trouve-t-elle un écho dans le discours juridique et religieux et dans les pratiques populaires malgré l’importance cruciale qu’a prise le mariage dans ces jeunes colonies15? Le comportement des veuves, qui échappent à la supervision d’un père ou d’un mari, préoccupe-t-il les autorités civiles et religieuses de la colonie comme celles de la métropole? Outre les secondes noces, quelles solutions met-on de l’avant pour pallier la perte du mari, principal soutien économique de la famille, ou de l’épouse, mère, ménagère et assistante? De quelles formes de soutien bénéficient les femmes et les hommes en état de viduité dans la famille ou le voisinage? Enfin, dans quel esprit et par quels moyens les autorités coloniales font-elles face à la vulnérabilité économique des veuves? La correspondance religieuse et administrative, les registres paroissiaux et les recensements viennent s’ajouter aux sources juridiques pour documenter l’expérience du veuvage de 137 femmes et 147 hommes ayant perdu leur conjoint à Québec pendant la première moitié du dix-huitième siècle, et de 43 veuves et 31 veufs louisbourgeois touchés par ce deuil au cours de la même période16. Ces personnes en état de viduité sont surtout issues des milieux artisans et marchands, les officiers, journaliers et autres étant plus rares (tableau 3). Comme pour la vie conjugale, les ressemblances sont à prévoir entre l’ancienne et la nouvelle France, ainsi qu’entre Québec et la jeune capitale Louisbourg. Elles partagent, après tout, les principes de base de l’organisation sociale issus de la France d’Ancien Régime, ainsi que le cadre juridique et religieux – c’est-à-dire la Coutume de Paris et la religion catholique17. Cependant, les transferts culturels n’ont peut-être pas empêché, ici comme ailleurs en Amérique, et à bien d’autres égards, une adaptation au contexte colonial tout aussi importante à saisir pour comprendre les rapports de genre. Québec et Louisbourg présentent des profils
Introduction
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démographiques, économiques et sociopolitiques différents dont l’influence sur l’expérience féminine et masculine doit être mesurée. La capitale canadienne est, au dix-huitième siècle, un univers mixte où s’activent un peu plus de femmes que d’hommes, après un dix-septième siècle marqué par la rareté des premières. Québec compte 1 182 femmes et 1 099 hommes en 1716, 2 587 femmes et 2 458 hommes en 1744. Cette supériorité numérique est due aux femmes âgées de 15 à 30 ans, plus nombreuses que les hommes du même groupe d’âge, le rapport s’inversant dès la trentaine18. Néanmoins, Québec présente, au premier abord, un visage masculin. Le Cap-aux-Diamants, choisi en 1608 pour ses vertus stratégiques, en impose par sa face belliqueuse au voyageur et à l’ennemi qui se hasardent là où le majestueux fleuve Saint-Laurent se rétrécit. Le château Saint-Louis, demeure du gouverneur et symbole de l’autorité virile de l’État, surplombe des ouvrages militaires, un port de commerce actif et un chantier de construction navale, territoires masculins avant tout. Ancien comptoir d’échanges entre Amérindiens et Européens, Québec est au dix-huitième siècle un centre commercial et un entrepôt où s’affairent nombre de marchands et de navigateurs veillant à la circulation des marchandises à l’intérieur de la colonie, au commerce en gros avec la France et les Antilles et à la vente au détail. Les auberges et cabarets sont nombreux près du port, où ils nourrissent une certaine culture masculine reliée à l’alcool et au jeu19. Les artisans, majoritaires dans cette ville de quelques milliers d’habitants (2 285 âmes en 1716, environ 5 000 en 1744), s’activent aux divers métiers de la construction mais également de l’alimentation, du vêtement et du cuir, dans une économie précaire et peu diversifiée. Une population moins favorisée composée de domestiques, de journaliers, de soldats et d’esclaves fait face à une élite militaire, administrative et religieuse qui dirige la petite société coloniale. Seules les communautés de femmes, dont les activités éducatives, hospitalières et caritatives ont marqué le développement du Canada, figurent au palmarès de ce pouvoir autrement masculin. Les femmes du commun sont plus visibles sur la place du marché, espace d’échanges important et partagé, et bien sûr dans l’univers domestique où les appellent leurs devoirs primordiaux de mères et de ménagères. La colonie canadienne a déjà un siècle lorsque la nouvelle colonie de l’Île Royale est créée sur les possessions françaises du golfe SaintLaurent20, entre l’Acadie et Terre-Neuve devenues entièrement britanniques suivant les termes du traité d’Utrecht de 1713. Les femmes ne
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représenteront jamais plus de 12 % de la population civile et permanente de Louisbourg, sa capitale, où dominent les soldats, les pêcheurs et les matelots de passage dans la colonie. Aux épouses, veuves et filles des premiers habitants arrivés de Plaisance, de France et d’Acadie s’ajoutent des jeunes filles venues du Canada ou de l’Acadie britannique (Nouvelle-Écosse), employées comme domestiques ou mariées à des habitants d’une ville en mal de femmes, ainsi que quelques religieuses, esclaves noires et prostituées21. Louisbourg est avant tout un monde d’hommes sur lequel veille un cortège de fonctionnaires royaux. Les travaux de fortification de cette ville vouée à la protection des colonies françaises d’Amérique du Nord occupent aussi de nombreux hommes de métier – maçons, charpentiers et menuisiers. Avec les gens des métiers de l’alimentation, du vêtement et du cuir, ces artisans constituent environ la moitié des chefs de famille de la population civile et permanente de la villeforteresse. Malgré la faiblesse de sa population (900 habitants en 1720, 1 633 en 1734), Louisbourg rivalise d’importance avec Québec et Boston en tant que port de pêche et de commerce. La pêche représente le deuxième gagne-pain en importance chez les chefs de ménage de la ville, dans une île où l’agriculture est presque inexistante. La morue séchée, seul produit d’exportation de la colonie, lui permet de se procurer les biens et les denrées importés dont dépend sa survie. Comme le voulait la métropole, Louisbourg devient de ce fait la plaque tournante du commerce entre la France et ses colonies d’Amérique du Nord et des Antilles, en plus d’être le centre des échanges commerciaux à l’intérieur de l’Île Royale. L’essor des activités commerciales confère aux marchands et aux navigateurs une importance numérique comparable à celle des travailleurs des domaines de la pêche et de la construction pendant les années 1730. Les dépenses publiques pour les fortifications, l’entretien des troupes et les besoins de l’administration coloniale – près de la moitié de la valeur des fonds reçus par le Canada – constituent un autre secteur important de l’économie de l’Île Royale. L’évolution de Louisbourg sera interrompue brusquement lors de la conquête britannique de 1745, qui forcera la plupart des habitants à quitter la colonie jusqu’à la seconde occupation française, entre 1749 et 175822. Les différences sociopolitiques, économiques et démographiques que nous venons d’exposer permettront de saisir les particularités des rapports de sexe en contexte québécois et louisbourgeois.
Introduction
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Cet ouvrage a l’originalité de se pencher sur l’expérience féminine et masculine de la vie conjugale et du veuvage au moyen de l’analyse du discours des autorités coloniales et d’une biographie collective des familles. Cette recherche est hautement redevable aux historiens, hommes et femmes, qui ont déjà tracé les contours de la vie familiale en Nouvelle-France en s’intéressant à la transmission du patrimoine, aux comportements démographiques, aux alliances matrimoniales, aux droits et au pouvoir des femmes23. Le «genre» s’y présente cependant comme un concept de choix pour l’étude de la société coloniale, ici en contexte urbain24. Tout en ouvrant une fenêtre sur les rapports sociaux de sexe, il permet d’observer les liens entre la famille et l’État, le travail et le pouvoir, le quotidien et la scène publique, la religion et la sexualité, la loi et les comportements démographiques, la parenté et la transmission du patrimoine, les politiques coloniales et les classes sociales, la métropole française et ses colonies nord-américaines. C’est à une visite guidée de la Nouvelle-France, mais guidée autrement, que sont conviés les lectrices et les lecteurs.
1 Maris et femmes : des droits et des pouvoirs
Quand Anne LeBlanc débarque avec d’autres «filles du roi» dans le port de Québec en 1672, elle a en tête un objectif clair : se trouver un mari. C’est sur Pierre Ménage, un habitant de la Rivière-Saint-Charles de quatre ans son aîné, que la jeune femme de 23 ans jettera son dévolu. Les deux jeunes gens, sans doute heureux de fonder un foyer, répondent du même coup aux vœux des autorités. Ces nouvelles familles représentent en effet un gage de survie pour la colonie canadienne encore peu peuplée. Le couple est à l’image des jeunes ménages de la capitale. Comme Anne, la majorité des femmes qui prennent mari pour la première fois à Québec à la fin du dix-septième et pendant la première moitié du dix-huitième siècle le font entre l’âge de 20 et 24 ans. Les hommes, souvent plus âgés que leur épouse de quelques années, convolent en moyenne vers l’âge de 27 ans. À Louisbourg, où le marché matrimonial est moins équilibré, les femmes se marient un peu plus jeunes et les hommes un peu plus vieux1. En quittant le port de La Rochelle, Anne LeBlanc ignorait presque tout de cette nouvelle France où elle s’en allait. Mais elle savait bien ce qu’on attendait d’elle en tant que future épouse et mère. Elle s’y préparait depuis déjà bien des années, en s’initiant au travail ménager et au soin des enfants. Veiller au bien-être d’une famille n’est pas de tout repos, surtout quand une nouvelle naissance survient tous les deux ans environ. C’est à ce rythme que l’épouse de Pierre Ménage mettra au monde ses dix enfants, soit jusqu’à l’âge de 43 ans, année qui marque la fin de sa période de fertilité2. Cette progéniture nombreuse, plus caractéristique du dix-septième siècle, est inhabituelle à Québec au dix-huitième, où la moyenne se situe entre cinq et six enfants et où les familles de quatre enfants ou moins sont majoritaires. Le phénomène
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n’a pas été étudié chez les familles louisbourgeoises, mais celles-ci connaissent sans doute une situation comparable. La mortalité infantile, qui frappe plus durement à la ville qu’à la campagne, réduira de moitié la charge familiale d’Anne LeBlanc et de Pierre Ménage, dont cinq enfants seulement atteindront l’âge adulte. Mais la nature des tâches à accomplir demeure essentiellement la même : il faut allaiter, surveiller les enfants, repriser, laver et confectionner certains vêtements; sans oublier la préparation des repas, activité astreignante sans cesse à recommencer. À moins, bien sûr, de mettre les enfants en nourrice, comme le font certaines femmes de l’élite coloniale, ou de bénéficier d’une aide domestique, ce que peuvent se permettre les familles bien nanties3. Quoi qu’il en soit, le labeur quotidien des femmes est d’une importance cruciale pour l’économie coloniale, dont le bon fonctionnement dépend de la disponibilité de ce travail non rémunéré. Pierre Ménage était prêt, pour sa part, à assumer son nouveau statut de chef de famille. Dans la colonie comme en ancienne France, c’est à lui, en tant qu’homme, que revient le rôle de diriger et de gérer la nouvelle société conjugale. Le chef de famille possède d’ailleurs un droit de correction «raisonnable» sur sa femme et ses enfants, qui lui doivent soumission et obéissance. Ce mode de penser et d’agir qui fonde le patriarcat est profondément enraciné dans les us et coutumes des sociétés européennes. On considère que l’homme, par nature, est supérieur à la femme, et que l’autorité qu’il a sur son épouse et sa famille est de droit divin, comme celle du roi sur ses sujets4. Le pouvoir du mari s’accompagne d’une importante responsabilité puisque la survie financière du ménage repose principalement sur ses épaules. En Nouvelle-France comme en Nouvelle-Angleterre, le statut et la valeur d’un homme adulte se mesurent non seulement à son autorité mais à sa capacité de subvenir aux besoins de sa femme et de ses enfants5. Il faut être en mesure d’y pourvoir avant de prendre épouse, ce qui explique d’ailleurs l’âge au mariage plus élevé chez les hommes. La dot offerte par l’État aux «filles du roi» aidera le couple Ménage-LeBlanc à s’établir à Québec peu après la noce. Pierre y exercera le métier de charpentier. Anne n’aura pas à participer aux travaux des champs, contrairement à beaucoup de ses compagnes de voyage qui se sont établies dans les côtes avec leur nouveau conjoint. On s’attend néanmoins à ce qu’elle collabore aux activités professionnelles du ménage en tant qu’assistante de son mari. En Nouvelle-France comme dans les autres sociétés préindustrielles, l’unité économique est la famille plutôt que l’individu, et le mari travaille généralement à partir du domicile familial, ce
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qui permet aux femmes de concilier leurs fonctions domestiques avec les tâches professionnelles qui leur échoient. Chez les familles où le travail salarié est la base de la subsistance, les épouses peuvent, quand cela est nécessaire, travailler comme journalières ou effectuer de menus travaux pour procurer à la famille une autre source de revenu. Ainsi, les femmes peuvent et doivent pratiquer certaines activités dites masculines sans pour autant pouvoir prétendre au même statut que les hommes dans la société. Ces derniers, piliers économiques de la famille, se trouvent dans une situation tout autre puisqu’ils doivent se consacrer à leur travail et qu’il n’est pas à leur avantage d’être associés aux tâches dites féminines, auxquelles on attribue un statut inférieur. «Il existe un véritable tabou dans le domaine des travaux domestiques, écrit Martine Segalen. Aucun homme ne remplacerait une femme pour la cuisine quotidienne, pour la lessive, pour le soin au poulailler, au potager. Un ensemble de surnoms existent qui tournent en dérision celui dont la masculinité se perd dans des travaux essentiellement féminins. [Il n’y a pas] de tabou réciproque qui pèserait sur un domaine d’activité spécifiquement masculin. Si la femme peut le faire, la communauté l’accepte6.» Les documents de l’époque gardent malheureusement peu de traces de la répartition du travail au quotidien et de l’influence que les femmes peuvent exercer sur la gestion de la cellule familiale. Le travail des femmes, qu’il s’agisse de fonctions domestiques ou d’activités «productives», est généralement invisible dans les sources, en Nouvelle-France comme ailleurs7. Les recensements, par exemple, ne mentionnent généralement que la profession des hommes chefs de ménage. Les autres types de documents qui nous sont parvenus donnent rarement accès à l’intimité des familles et au partage informel du pouvoir entre les époux. La correspondance personnelle, peu abondante et datant surtout de la fin du dix-huitième siècle, a tout de même ouvert une fenêtre sur l’univers des sentiments en Nouvelle-France, tout comme les archives judiciaires, autre source d’information privilégiée sur les mentalités, le quotidien et les conflits8. Surtout, les sources de nature juridique lèvent le voile sur certains aspects fondamentaux de la vie conjugale, notamment le droit coutumier en vigueur dans la colonie, la Coutume de Paris, principal corpus régissant le droit civil en Nouvelle-France à partir de 1664. S’ajoutent à ces sources les écrits des juristes et les contrats faits devant notaire. On sait ainsi que, comme les autres femmes mariées de la Nouvelle-France, Anne ne fondra pas complètement son identité dans celle de son mari, contrairement à ses voisines des
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colonies anglo-américaines vivant sous la common law. Le nom de son père, LeBlanc, sera toujours le sien, même si elle ne pourra le transmettre à ses enfants. De plus, elle sera propriétaire de la moitié des biens communs qui supportent les dépenses relatives aux besoins du ménage, ce qui n’est pas le cas en Nouvelle-Angleterre. Comme le couple Ménage-LeBlanc, la plupart des couples de Québec et de Louisbourg mettent en commun les biens meubles apportés par chacun des époux (effets personnels, outils de travail, salaires), de même que les biens meubles et immeubles (terres, bâtiments, rentes constituées) qu’ils achèteront ou dont ils hériteront d’étrangers ou de collatéraux (frères, sœurs, cousins, oncles, tantes) pendant la période de vie commune. Cette communauté coutumière est le régime que propose la Coutume de Paris lors de la création d’une nouvelle société conjugale et qui prévaut en l’absence d’un contrat de mariage ou de stipulations contraires dans cet acte notarié. Elle est choisie par 8 contractants sur 10 à Québec (tableau 4) et d’office par les non-contractants de Québec et de Louisbourg, qui représentent respectivement 20 % et 60 % des unions9. Près du tiers des contractants de la ville-forteresse ont également préféré la communauté aux autres options. Ce régime matrimonial des biens est donc la norme à Québec et à Louisbourg comme à Paris et à Port-Royal, en Acadie. Par comparaison, dans la paroisse canadienne de Neuville, près de Québec, seulement la moitié des contractants le choisissent, ce qui laisse croire que la communauté coutumière constitue une pratique surtout urbaine. Une minorité de fiancés de nos deux villes conviennent librement devant notaire d’inclure dans la «communauté de biens» les terres ou les bâtiments acquis avant la noce (acquêts) ou, plus rarement, ceux dont ils ont hérité de leurs parents (propres). Sans ces clauses inscrites au contrat de mariage, ces possessions continuent d’appartenir en particulier à chaque époux, leur produit seul étant englouti par la communauté. Les communautés incluant les acquêts, qui ne comptent que pour le dixième des contrats de mariage à Québec, sont choisies par tout près de la moitié des contractants de la ville-forteresse, ce qui en fait le choix le plus populaire après la communauté coutumière. L’engagement des époux face au ménage est clair dans cette toute jeune colonie au statut précaire. Enfin, la mise en commun de tous les biens, incluant les acquets et les propres, est aussi rare à Québec qu’à Paris. Ces «communautés universelles» n’y représentent que 7 % des contrats, soit deux fois moins qu’à Louisbourg et Neuville. À Montréal, où elles étaient la norme au dixseptième siècle, elles semblent peu communes au siècle suivant. Quant
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aux mariages en séparation de biens, qui accordent aux fiancés et à leurs parents un plus grand contrôle sur le patrimoine familial, ils sont rarissimes en Nouvelle-France – ce qui contraste avec leur popularité après la Conquête britannique de 176010. Malgré leur égalité apparente en vertu du droit coutumier parisien, les deux partenaires conjugaux n’ont pas les mêmes droits sur les biens communs durant les années de mariage. Pierre Ménage a en effet le droit d’en disposer sans le consentement de son épouse. Le juriste français R.J. Pothier explique que «la puissance qu’a le mari le rend maître absolu de tous les biens de la communauté et lui donne le droit d’en disposer, même pour la part qu’y a sa femme, sans qu’elle puisse disposer d’elle-même, sans son mari, en aucune manière, de sa part, pendant que le mariage et la communauté durent11». On considère que le «maître et seigneur» de la communauté doit avoir les coudées franches pour gérer ces biens acquis en principe grâce à son travail, qu’il est meilleur juge en la matière et normalement bien intentionné. Dans son traité des lois en vigueur dans la colonie canadienne, le juriste canadien François-Joseph Cugnet affirme «qu’on doit toujours presumer le bien, et que le mari ne se defait jamais de ses biens, sans en avoir une meilleure intention et de faire par ce moien le bien de la comunauté12». L’incapacité juridique des femmes mariées, mineures aux yeux de la loi, donne au mari le dernier mot. Les épouses ne peuvent, de leur propre initiative, signer des contrats, soutenir une action en justice, ni même gérer leurs biens, lesquels se trouvent également sous la gouverne du mari même si elles en conservent la propriété. Elles n’auraient le droit de contracter que pour les besoins du ménage, c’est-à-dire l’achat de nourriture et de vêtements. La Coutume, qui a réduit graduellement le pouvoir des femmes à cet égard depuis le Moyen Âge, n’aurait introduit «cette espece de societé [la communauté] qu’à cette condition13». «[L]e courant qui, depuis la fin du Moyen Âge, visait à renforcer l’autorité de l’homme dans la famille, a fini par l’emporter14», écrit Scarlet Beauvalet-Boutouyrie, et le principe est devenu général dans l’ensemble du droit coutumier français au cours du seizième siècle, à la veille de la fondation de la NouvelleFrance. Il est d’ailleurs interdit de déroger par convention matrimoniale aux principes d’autorité maritale et d’incapacité juridique des femmes mariées, ce qui est scrupuleusement respecté en NouvelleFrance. Quand Gaspard Milly épouse Marie de Galbaret à Louisbourg en 1736, il renonce à une partie de son autorité non pas en faveur de
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sa future épouse, mais en faveur de la tante de cette dernière, veuve sexagénaire d’un pêcheur de l’Île Royale. Le contrat de mariage (exceptionnel) signé par les fiancés stipule que «les futurs epoux et epouse vivront en commun a même pain, pot et feu avec ladite [Jeanne de Galbaret] veuve Dastarit dans sa maison sur son habitation du costé du sud de ce port et que ce sera elle qui regira et aura l’economie du menage; comm’aussy du commerce ou trafic, quils pourront faire ensemble dans ladite maison15». La veuve Dastarit ne posera aucune condition du genre lors de son propre mariage, deux ans plus tard, avec Georges Desroches, un jeune pêcheur de 28 ans. Même les rares femmes séparées légalement d’un mari extrêmement violent ou qui dilapide leur héritage n’obtiennent pas la pleine capacité juridique16; celle-ci est réservée aux célibataires âgées d’au moins 25 ans et aux veuves. Le juriste Cugnet dit bien qu’«une femme qui a obtenue separation de biens et d’habitation devient comm’émancipée, elle jouit alors de ses biens et revenus, donne des quittances, fait des baux : mais elle ne peut pas aliener ses immeubles, et s’obliger au delà de ses revenus sans une autorisation expresse» de son mari ou d’un juge17. La loi n’empêche cependant pas le chef de famille de déléguer certains pouvoirs à son épouse sans abdiquer l’autorité, inviolable, qui lui est acquise de droit public. Il peut le faire, notamment, en reconnaissant à sa femme le statut de marchande publique, qui permet à cette dernière de faire commerce séparément et de façon autonome. La Louisbourgeoise Julienne Minet est la seule dans toute la Nouvelle-France à avoir obtenu officiellement ce droit, du moins devant notaire. En 1736, son mari Claude Mullot l’autorise par acte notarié «a achepter et vendre toutes sorte de marchandises concernant la profession qu’ils font d’aubergiste et marchand en cette dite ville comme les marchandes publiques ont pouvoir de faire conformement aux ordres du Roy18». Elle n’a plus alors à obtenir l’autorisation de son mari pour ses activités commerciales. L’historien Christopher Moore affirme que l’établissement est connu comme la «boutique de la Mullot, marchande», et que c’est elle qui est nommée dans pratiquement tous les actes de l’entreprise. Elle ne réalise pourtant aucune transaction devant notaire après 1736, se contentant peut-être de défendre ses intérêts devant les tribunaux ou de faire affaire avec l’administration coloniale19. D’autres femmes mariées ont pu mener des entreprises de façon autonome, mais les sources ne permettent pas de le confirmer. Marie Dupont, épouse du Louisbourgeois François Firmain, est dite «marchande» dans la procuration qu’elle donne au navigateur Joubin
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Lepré, en partance pour Québec pour aller y retirer des marchandises; ce peut être une forme de reconnaissance officielle20. À Québec, le notaire Chambalon ne prend pas la peine d’indiquer que Marguerite Levasseur est fondée de pouvoir de son mari, le boucher et marchand Pierre Duroy, lors des transactions commerciales qu’elle réalise au nom de leur société conjugale21. La Coutume de Paris indique pourtant clairement que si l’épouse «fait aucun contrat sans l’autorisation et le consentement de son dit mari, tel contrat est nul tant pour le regard d’elle que de son dit mari», sauf si elle est «réputée marchande publique, quand elle fait marchandise séparée, & autre que celle de son mary22». La «fame duroy» était-elle reconnue comme marchande publique, ce qui expliquerait cette omission du notaire Chambalon? Il serait surprenant qu’il s’agisse d’un simple oubli puisque les notaires indiquent clairement que les femmes sont «dûment autorisées» par leur mari dans presque tous les autres actes pour lesquels elles sont présentes. Le juriste canadien Cugnet dit bien que cette clause est nécessaire, leur «présence même à l’acte ne suffisant point23». Seules quelques Canadiennes ont pris certaines décisions en l’absence de leur époux sans avoir obtenu au préalable son autorisation formelle, «se faisant fort de lui faire ratiffier» le contrat en question dès son retour. Marie-Anne Hubert renouvelle ainsi le bail de la maison où elle habite depuis trois ans pendant que son mari Ignace Lecourt, maître tonnelier, est «aux îles24». Agnès Simon emprunte 2 000 livres pour rembourser à un chirurgien une dette contractée solidairement par elle et son mari, afin d’éviter la saisie de leur maison et d’un emplacement hypothéqués. Son fils Louis Guay, prêtre missionnaire, de même qu’un couple de voisins ou d’amis, «se portent caution» pour le paiement au créancier. Son mari ratifie l’acte quelques mois plus tard25. Enfin, la situation précaire de Marie-Hélène Juneau pendant le voyage de traite de son mari l’oblige à vendre leurs meubles au créancier afin d’éviter une saisie et vente judiciaire coûteuses. L’acheteur prêtera à son tour à ladite Juneau les meubles énumérés «par commiseration, pour luy faire plaisir et luy faciliter les moyens de faire subsister sa famille» (six enfants, dont un nourrisson de trois mois), à condition qu’elle les lui rende à la première demande26. Ainsi, des questions pressantes poussent à l’occasion les notaires à accepter des transactions qui n’auraient normalement aucune valeur légale, notamment quand d’autres hommes appuient ou imposent la démarche. Une étude sérielle des actes notariés où les femmes sont présentes seules serait intéressante à cet égard.
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Ces entorses à la Coutume sont-elles plus fréquentes chez certains notaires, pendant certaines périodes ou dans des situations particulières? Les femmes sont-elles toujours accompagnées ou cautionnées par un homme de leur entourage? Les chefs de famille peuvent pourtant faire de leur épouse leur procuratrice afin qu’elle puisse régler certaines questions en leur absence ou à leur place27. Seuls quelques couples profitent de cette possibilité. Louise Albert, par exemple, est nommée procuratrice générale et spéciale de son mari devant notaire à cinq reprises sur une période de 12 ans pour veiller à leurs affaires, c’est-à-dire administrer leurs biens et poursuivre les activités commerciales du ménage à Québec28. Le contenu des procurations varie en fonction des préoccupations du moment, mais elles comportent toujours une clause permettant à l’intéressée de «generallement faire tout ce que pouroit faire le dit constituant si present estoit en personne», et elles précisent que le mari «promet agreer approuver, et ratiffier tout ce qui sera fait par la dite procuratrice». Ces actes sont faits chaque année vers la mi-novembre et font parfois allusion à un prochain voyage du chef de famille «en l’ancienne France». En 1710, Louise prend les choses en mains quand le navire sur lequel s’était embarqué son mari est détourné de sa destination française. Munie de sa procuration, elle charge leur commis Charles Gontaut «de se transporter en lencienne France en toutes les villes que le cas le requerera pour leur commerce». Il devra «generallement agir dans touttes leurs affaires … tant en vertu de la presente procuration que des avis et memoires quelle luy donnera verballement et par escrit29». Quant à la Louisbourgeoise Jeanne Cronier, séparée de corps et de biens de son mari Jean Laumonier, elle obtient de ce dernier l’autorisation de «gerer icy ses affaires en son absence» pendant son voyage au Canada, ce qu’elle promet de faire «en bonne mere de famille». Elle pourra louer ou vendre sa maison et le terrain sur lequel elle se trouve, et surtout «recevoir [de] lentrepreneur des travaux du roy en cete ville ce qui se trouvera estre deub au sieur constituant pour les travaux quil fait de son métier de tailleur de pierre pour les ouvrages des fortifications [et] de faire lemploy de ce quelle aura recû en ce quelle croira necessaire pour lentretien de sa famille30». Sans cette permission, Jeanne Cronier n’aurait pu y voir, toujours frappée d’incapacité juridique malgré sa séparation. Les procurations générales, fort coûteuses, ne sont pas faites à la légère et témoignent de la confiance qu’ont ces hommes en les compétences de leur épouse, puisqu’ils seront liés par les décisions qu’elle
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prendra. Cependant, rares sont les femmes de Québec et de Louisbourg qui bénéficient d’un champ d’action à ce point élargi. Louise Albert est l’une des cinq Canadiennes (sur les 137 étudiées) à être nommées procuratrices générales de leur mari par acte notarié, et Jeanne Cronier et Julienne Minet, les deux seules Louisbourgeoises (sur 25). D’autres chefs de ménage limitent le pouvoir accordé aux épouses en leur confiant une mission précise, comme le font par procuration, à Québec, le cordonnier Gabriel Davaine, qui autorise Marie Lis à vendre une terre et une habitation, et le marchand Claude Chasles, qui demande à Marie Duroy de défendre ses intérêts comme tuteur31. À supposer qu’elles aient existé, les éventuelles procurations égarées ou autorisations sous seing privé ont peu été mises à profit32. En effet, si les deux tiers des femmes de Québec et la moitié des Louisbourgeoises accompagnent leur mari devant notaire, elles sont peu nombreuses à agir seules ne serait-ce qu’une fois au nom de leur famille, soit 20 à Québec (17 %) et 2 à Louisbourg33. L’activité notariale intense de certaines familles canadiennes augmente simplement les occasions de délégation de pouvoir aux épouses. Le nombre de contrats varie grandement, certaines familles signant très peu d’actes ou aucun, et d’autres étant particulièrement prolifiques, le nombre le plus élevé étant de 158 contrats notariés. Sur une période moyenne de vie conjugale de 20 ans représentative de toutes les catégories professionnelles (tableau 5)34, les couples rendent visite au notaire 12 fois en moyenne, les marchands faisant cependant deux fois plus d’actes que les artisans (tableau 6). À Louisbourg, où les archives notariales ne sont pas complètes comme c’est le cas pour la capitale canadienne, les familles font très peu d’actes, généralement moins de cinq pour la durée de vie commune. Sur les 20 femmes de Québec qui représentent seules leur société conjugale devant notaire, 13 ne signent qu’un seul acte, comme c’est le cas des deux seules épouses fondées de pouvoir à Louisbourg. Cinq canadiennes signent deux ou trois contrats et les deux autres, 7 et 15. La capacité de signer ne porte pas à conséquence puisque les personnes présentes sont mentionnées au début de l’acte et qu’on peut signer d’une simple croix. En temps normal, les femmes jouent un rôle assez effacé sur la scène publique que représente l’étude du notaire, puisque dans les deux villes les maîtres de la société conjugale se chargent seuls de 75 % des transactions (tableau 7). Le couple de Pierre Ménage et d’Anne LeBlanc est représentatif à cet égard. C’est le charpentier qui réalisera les trois quarts des démarches formelles du ménage en signant seul 27 actes notariés
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sur les 35 réalisés pendant leurs 42 années de vie commune. S’il est accompagné par son épouse en sept autres occasions, il ne l’autorise qu’une fois à représenter seule la société conjugale. Ce jour-là, en l’absence de son mari, Anne ira réclamer les 20 livres de loyer que leur doivent un matelassier de Québec et son épouse35. Leur cas s’inscrit dans la norme puisque chez les couples de Québec et de Louisbourg, environ 20 % de toutes les démarches notariales sont faites conjointement et que les femmes ne réalisent en solo que 4 % des transactions. Les femmes de la Nouvelle-France interviennent donc régulièrement dans cette facette de la vie juridique mais agissent rarement comme représentantes de leur société conjugale, et ce, peu importe le statut socioprofessionnel des familles. Il est malheureusement difficile de comparer ces résultats avec la participation des femmes mariées étudiées par Beauvalet-Boutouyrie dans la France d’Ancien Régime, où la Coutume de Paris favoriserait «plus souvent qu’ailleurs» le rôle de représentation, ou encore avec l’activité observée par Dickinson, Parent et Postolec devant les tribunaux de Québec à la fin du dix-septième siècle, où les fondées de pouvoir sont nombreuses36. Dans le cas français, la méthode n’est pas précisée. Et les femmes mariées dont l’activité notariale est étudiée ici appartiennent toutes à des premières unions, tandis que la présence féminine constatée à la cour de la Prévôté de Québec est en grande partie attribuable à des femmes remariées après un premier veuvage. Le domaine professionnel, qui concerne le tiers des visites chez le notaire (tableau 8), constitue le territoire masculin par excellence. Ici, les hommes protègent jalousement leur pouvoir. À Québec, ce sont eux qui réalisent les nombreuses transactions liées à leur travail (90 %); les épouses sont rarement associées aux démarches du mari (5 %) ou déléguées par ce dernier (4 %) quand il s’agit de conclure des marchés de construction, de vente ou de livraison de marchandises, ou encore quand le chef de famille s’associe, engage des apprentis ou s’engage lui-même comme voyageur, matelot ou journalier (tableau 7)37. La réalité est la même à Louisbourg, où un seul contrat de type professionnel est fait conjointement, les 17 autres étant réalisés en solo par les maris. Par ailleurs, les transactions financières – il s’agit surtout d’obligations, assez nombreuses (tableau 8), dont on ne connaît pas la nature précise – relèvent presque autant des hommes dans les deux villes. Les maris se chargent seuls de 82 % des transactions financières à Québec et de six actes sur sept à Louisbourg. Les chefs de famille canadiens confient peu cette responsabilité aux
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épouses (2 %), lesquelles sont cependant plus souvent présentes (13 %) que pour les actes de type professionnel (tableau 7). C’est d’ailleurs généralement pour s’obliger solidairement avec leur époux au remboursement d’une dette, souvent assez élevée, ou pour s’engager de façon particulière à ses côtés face à un employeur ou à des associés, que les femmes mariées se rendent chez le notaire pour des raisons professionnelles ou financières. Marguerite Levasseur, par exemple, accompagne son mari Pierre Duroy à neuf reprises sur 41 démarches professionnelles, et ce, principalement pendant les premières années de leur union38. Sa présence vise vraisemblablement à rassurer les créanciers et ainsi permettre au couple d’obtenir des marchandises pour le commerce qu’il fait au Canada. La décision n’est pas banale puisqu’en donnant son accord formel, l’épouse met en jeu ses biens propres, qui pourraient éventuellement faire l’objet de saisies en cas d’insolvabilité du mari ou de ses héritiers (si la communauté a été continuée après son décès). En effet, si le mari ne peut obliger ou endetter son épouse pour davantage que ce qu’elle peut retirer de la communauté une fois celle-ci terminée, la femme peut cependant décider de mettre ses biens propres en jeu pour favoriser la société conjugale. C’est ce que fait Jeanne Peré en 1738, lorsqu’elle s’engage avec son mari Martin Benoît, marchand et capitaine de navire à Louisbourg, à rembourser 1 796 livres au négociant Pierre Martissans. En plus d’hypothéquer tous les biens meubles et immeubles du couple, elle accepte de mettre en gages «tous les droits [qu’elle a] dans sa communauté39». Comme toutes celles qui s’engageront de la sorte pendant les années de vie commune, l’épouse devenue veuve pourra être poursuivie, qu’elle ait renoncé ou non à la communauté, mais en sera néanmoins indemnisée sur les biens du mari ou de ses héritiers. Quelques femmes de Québec s’engagent de façon encore plus marquée avec leur mari sur le plan professionnel. Marguerite Forestier et son époux, le cordonnier Pierre Léger, s’associent pour sept ans avec leur gendre, tanneur de métier, et avec un tailleur d’habit, afin d’établir une tannerie et une chamoiserie à Montréal. Les associés ont mis tous leurs biens en commun, notamment «les outils et ustancils de leur metié avec les meubles et marchandises qu’ils ont», en précisant que toutes leurs affaires, quelles qu’elles soient, se rapporteront à cette société, même les biens dont ils pourraient hériter par succession ou autrement. Il n’est pas clair que les biens des épouses des associés soient aussi compris dans cette clause, mais c’est plausible. Le contrat précise qu’en cas d’héritage, «apres la ditte societé expirée, celuy a
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qui le bien sera advenu et eschu reprendra dabord le capital, et le profit se trouvera confondu dans la ditte sociétté, pour etre partagé par tiers entre eux trois40». Charles Pelletier et son épouse, Marie-Anne Soucy, mettent aussi tous leurs biens en jeu quand, «apres y avoir bien pense et murement examiné ils ont cru et croient ne pouvoir et navoir pu mieux faire que de se donner pour le reste de leurs jours, avec le peu de bien, droits et pretentions quils peuvent avoir», à Pierre de Niort de La Minotière, «bourgeois de cette ville qui a bien voulu les recevoir il y a plus d’une année et avec lequel ils se sont parfaittement bien trouvez, esperant de luy a lavenir le mesme traittement». L’intention des époux «a este de chercher quelque maison honneste pour se retirer et demeurer le reste de leurs jours en travaillant de leurs forces, soins et industrie et par ce moyen se procurer destre honnestement entretenus … et de vivre plus commodement en sasurant destre loge, nouri, blanchy, chauffé, entretenu de linges hardes et autre chauses necessaire a la vie, et ce tant sains que malade, et apres leur decez estre inumez aux nonbres de prierres quils exigent estre faittes apres leur decez pour le repos de leurs ames». En cas de décès du bourgeois, sa veuve devra respecter les engagements de son mari ou compenser le futur couple à tout faire de même que ses héritiers41. Anne Brunel ne s’engage quant à elle que pour trois ans avec son mari, mais l’aventure les mènera avec enfant et servante jusqu’au nouveau poste de Détroit, où Louis Normand dit Labrière s’est engagé en 1706 à faire son métier de taillandier sous l’autorité du commandant du fort Pontchartrain, Antoine de Lamothe Cadillac42. Les marchands, qui ont plus souvent affaire au notaire pour raisons professionnelles que les gens des autres métiers (41 % des démarches, comparativement à 29 % pour les artisans, tableau 8), sont aussi les plus portés à y associer leurs femmes. À Québec, celles-ci réalisent une plus grande part des démarches professionnelles (6 %) que les autres, les épouses d’artisans n’effectuant qu’un maigre 1 % de ces transactions43. La plus grande présence des femmes d’artisans devant les tribunaux de Québec, observée par France Parent dans des causes liées au travail du mari en 1686, ne se confirme donc pas chez le notaire, peut-être en raison de la méthodologie adoptée par l’historienne44. La supposée «disposition pour les affaires» des Canadiennes que décrit l’intendant Hocquart45 expliquerait-elle que les marchands préfèrent confier à leur épouse, plutôt qu’à une tierce personne (2 % des cas), ce rôle de représentation chez le notaire? Quoi qu’il en soit, dans la capitale canadienne comme à Louisbourg, la plupart des femmes de marchands ne laissent
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aucune trace de leur participation professionnelle. Les propos d’un membre du Conseil supérieur à Québec, Martin de Lino, selon qui «la majeure partie des membres du conseil [souvent hommes d’affaires] font faire leur commerce par leurs femmes ou leurs enfants» doivent donc être nuancés46. Quelques épouses se démarquent dans les deux capitales coloniales, même chez les familles marchandes. Leur participation professionnelle exceptionnelle révèle ce qui est possible, mais loin d’être la norme, en milieu urbain en Nouvelle-France. Tout indique que la collaboration des femmes au quotidien, qu’on devine plus importante que sur la scène publique, varie pareillement d’une famille à l’autre. Chez les artisans, les femmes sont très rarement associées aux démarches professionnelles du mari. Pierre Ménage n’agira pas différemment de ses confrères des métiers de la construction en concluant, en l’absence d’Anne LeBlanc, les 16 marchés de charpenterie, de livraison de bois ou d’engagement réalisés pendant leur période de vie commune. En Nouvelle-France, les contrats d’engagement d’apprentis ne font d’ailleurs allusion ni au travail ni à l’autorité des épouses, peu importe le métier. Les responsabilités de ces dernières sont plutôt liées à la charge de loger, nourrir et blanchir les employés, clause qui nomme rarement la principale intéressée. Cela ne signifie pas que les femmes d’artisans ne participent pas, de façon plus directe, au travail du mari, surtout dans les domaines du vêtement et de l’alimentation, plus proches de leurs compétences domestiques. Chez les familles de tisserands, par exemple, les épouses s’occupent selon toute vraisemblance du filage, tandis que le tissage relève des hommes47. Les sources se font cependant très discrètes sur la nature exacte de la collaboration professionnelle féminine chez les gens de métiers. À titre d’exemple, quand le cordonnier Pierre Léger et son épouse Marguerite Forestier établissent une tannerie et une chamoiserie avec deux autres associés et leurs femmes, les parties conviennent que les épouses «travailleront toutes tant au menage, qu’en tous ce quelles pouront pour le profit de la dite société », sans plus de précision. Si la participation des femmes est considérée exceptionnelle dans les métiers du cuir, Marguerite Forestier est néanmoins chargée d’acheter et de vendre des marchandises en France au profit de la société, le cas échéant48. Certaines femmes des milieux artisans s’affairent autrement, comme l’épouse du charpentier Auger dit Grandchamp, Louise Thérèse Petit de Boismorel, qui figure dans la liste officielle des aubergistes et cabaretiers de Louisbourg dressée par les autorités de l’Île Royale. Ce métier
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conciliable avec les responsabilités domestiques semble être facilement accessible aux femmes en dépit de la mauvaise réputation des auberges et des cabarets dans les deux ports de mer, où ils poussent comme des champignons49. Les femmes peuvent également être mises à contribution dans des milieux plus traditionnellement masculins. Dans le domaine des pêches, très important à Louisbourg, elles ont pu agir comme administratrices ou être chargées de superviser les activités d’apprêtage et de séchage du poisson pendant que leur mari et leurs fils sont en mer50. D’autres épouses contribuent au revenu familial en effectuant pour d’autres de menus travaux : couture, blanchissage, jardinage, etc. Les actes notariés n’y font cependant allusion que de façon indirecte. Par ailleurs, les femmes assument seules, en principe, les tâches domestiques, dont le poids varie selon la taille de la famille et le soutien disponible. Même dans ce domaine féminin, les Canadiennes sont néanmoins absentes de la face publique de ces responsabilités, puisque les chefs de famille réalisent seuls la vingtaine de contrats qui s’y rapportent51. À Québec, seul le navigateur Jacques Coutard «donne pouvoir a [s]a femme d’engager lenfant de Pierre Truel pour demeurer avec [eux] et d’en passer acte devant notaire52». Munie de cette procuration sous seing privé, Marie Claire Émond dit Baptiste engagera le même jour la fillette de sept ans comme servante. De même, l’Acadienne Anne Leborgne de Bellisle, épouse du marchand louisbourgeois Jean-Baptiste Rodrigue, prend à son service une «fille des sauvages de l’île», pour compenser la perte de sa servante qui vient d’épouser le maître de l’Amérindienne53. Ce contrat est le seul acte du genre chez les 25 familles louisbourgeoises de notre échantillon. Les maris sont en outre les seuls à être investis formellement de l’autorité sur leurs domestiques. Ainsi, la fillette qui sera élevée, nourrie, instruite et entretenue jusqu’à l’âge de 20 ans par le marchand Pierre Frontigny et son épouse Madeleine Lajoue «sera tenue de rendre service aud[it] sieur Frontigny et de luy obeir en tout ce quil luy commandera dhonneste et de licitte a feur et a mesure quelle deviendra dans un age plus avancé et selon ses forces», même si elle travaillera d’abord sous la supervision de la mère qui devra veiller sur elle comme sur les nombreux enfants qui naîtront bien vite54. Le mari doit pourvoir aux besoins de la fillette comme à ceux des autres membres du ménage et lui payer «toutes les hardes et linges a son usage et l’habiller de hardes neuves» à son départ. Encore une fois, nulle mention de l’épouse, qui sera sans doute chargée de la confection ou du choix de ces vêtements. Mathieu Martin de Lino, qui engage en son nom et
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celui de son épouse absente, Catherine Nolan dit Lamarque, l’une des sept servantes et serviteurs du ménage, n’a pas davantage tenu à faire mention du rôle que jouera sa femme dans la formation et la supervision de la jeune domestique55. Nonobstant leur propre participation, qui varie en nature et en importance, les femmes mariées doivent compter en bonne partie sur le travail, les talents de gestionnaire et la bonne volonté de leur époux pour bénéficier d’un niveau de vie satisfaisant durant la période de vie conjugale. Elles doivent également se fier à leur mari pour disposer d’une assise financière solide une fois devenues veuves, quand elles pourront réclamer leur part des biens de la communauté. Des privilèges accordés aux femmes en compensation de leur dépendance durant leur vie conjugale leur confèrent cependant un certain pouvoir sur les biens communs et même sur le patrimoine de leur conjoint du vivant même de ce dernier. La Coutume de Paris accorde en effet à la veuve le droit au douaire, rente viagère prise sur les biens de son défunt mari, «pour la récompenser des soins et des peines qu’elle prend pour élever ses enfants, pour son mesnage, & pour la conservation des biens communs56». Ce gain de survie est considéré comme l’une des institutions les plus importantes du droit coutumier français, le souci de protection des femmes faisant contrepoids au pouvoir des maris. Anne LeBlanc, comme la plupart des Canadiennes mais contrairement à la majorité des Louisbourgeoises, aura droit à un douaire différent de celui que prévoit la Coutume de Paris. Le droit coutumier accorde aux épouses l’usufruit – c’est-à-dire le revenu – de la moitié des héritages du mari, ces biens «propres» qui ne font pas partie de la communauté. Les veuves auraient ainsi droit, par exemple, à la moitié de la récolte produite par une terre ou à la moitié du loyer d’une maison dont les enfants – ou les ascendants – ont la pleine propriété, les époux n’étant pas héritiers l’un de l’autre dans le droit coutumier parisien. Pierre Ménage, comme presque tous les fiancés canadiens de notre échantillon qui signent un contrat de mariage (80 % des fiancés57), accorde plutôt à son épouse le droit de choisir, le cas échéant, entre ce douaire coutumier et un douaire «préfix» (ou conventionnel), somme d’argent dont elle aura pareillement l’usufruit (tableau 9). Cette somme porte en principe sur la part du mari dans les biens communs avant de grever ses biens propres. La Coutume de Paris autorise la veuve à choisir entre les deux types de douaires si cela est stipulé expressément par convention matrimoniale : «Femme douée de douaire préfix ne peut demander douaire coutumier, s’il ne
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lui est permis par son traité de mariage» (article 261). Si la stipulation d’un douaire préfix favorise la liberté de transaction du mari en dégageant ses propres, son effet demeure méconnu quand il n’est pas exclusif, comme c’est le cas à Québec. Le choix du douaire, peu commun à Paris et à Port-Royal, dans l’Acadie du dix-septième siècle, est aussi populaire à Montréal au dix-huitième (75 % des contrats)58. Les épouses louisbourgeoises ne pourront compter que sur l’un des douaires à l’exclusion de l’autre, la plupart ayant droit uniquement au douaire coutumier, qui s’applique en l’absence de contrat de mariage ou de stipulations contraires y figurant. Les contractants, minoritaires chez les fiancés de la ville-forteresse, choisissent généralement le douaire préfix sans choix du douaire, soit dans 70 % des cas (tableau 9). Si les biens assignés au douaire sont aliénés – c’est-à-dire vendus ou hypothéqués – sans que l’épouse accepte formellement de renoncer à son privilège de douairière, la veuve éventuelle aura toujours le droit d’en tirer un revenu, ce qui représente une menace pour les acquéreurs. Pourtant, en Nouvelle-France, la présence de l’épouse n’est ni requise ni d’usage quand il s’agit de vendre un bien sur lequel pourrait reposer sa subsistance en cas de veuvage. Les transactions immobilières touchant aux biens communs du ménage sont très nombreuses dans les deux villes. Elles représentent à Québec et à Louisbourg le quart de l’activité notariale (contre seulement 5 % pour les transactions ayant trait aux propres du mari, tableau 8). À Québec, les femmes sont associées à ces démarches une fois sur cinq, tous biens confondus (tableau 7), mais seulement une fois sur deux quand il s’agit de vendre ou d’échanger des biens communs, et une fois sur trois lors d’aliénations des héritages du mari59. Les épouses louisbourgeoises sont présentes lors de cinq transactions sur huit, tous biens confondus. Le pouvoir discrétionnaire du mari en tant que maître de la communauté de biens et de ses propres est donc bien réel. Certains acquéreurs se formalisent peu, de toute évidence, du risque de poursuites de la part de la douairière, ou ils sont simplement prêts à payer leur dû advenant le décès de l’époux, contrairement aux marchands anglais qui s’indigneront après la Conquête de 1760 des limites qu’impose au commerce ce privilège coutumier60. L’influence du notaire, la tradition familiale ou des circonstances particulières pourraient également expliquer l’absence fréquente des épouses lors des transactions immobilières. En outre, cette pratique porte peut-être moins à conséquence pour les femmes de la capitale canadienne, qui pourront souvent choisir le douaire le plus avantageux
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(coutumier ou préfix) en fonction des biens existants. Il est également possible qu’au fil du temps, les couples décident de faire porter un douaire éventuel sur certains biens, comme il est permis de le faire par contrat de mariage; les autres propriétés, ainsi dégagées, peuvent être vendues avec l’accord tacite de l’épouse. Il pourrait s’agir enfin d’un calcul de la part des épouses, leur refus – ou leur absence stratégique – leur permettant éventuellement de revendiquer leurs droits. Une étude des poursuites judiciaires permettrait de mieux saisir l’idée que les femmes, leurs époux, leurs créanciers et leurs juges se font des stratégies des ménages concernant le douaire. La grande majorité des femmes qui ont participé à la vente d’un bien propre (héritage) du mari à Québec entre la fin du dix-septième et le milieu du dix-huitième siècle ont renoncé explicitement à leurs droits de douairière, ce qui se produit deux fois moins souvent dans les actes de vente d’un bien commun (60 % et 29 %, respectivement). À Louisbourg, une seule vente de biens propres du mari a lieu chez les 25 couples étudiés, et elle est faite par le mari seul. Il se peut que les acquéreurs canadiens soient plus portés à exiger l’insertion d’une telle clause quand il s’agit de biens propres, sur lesquels les épouses ont une plus grande prise en tant que créancières éventuelles. En principe, une veuve renonçante réclamant son douaire préfix pourrait poursuivre l’acquéreur d’un conquêt de communauté vendu sans son accord formel mais en acceptant la communauté, elle n’aurait aucun recours en justice, contrairement à la douairière coutumière61. Quoi qu’il en soit, Catherine Nolan dit Lamarque et son mari vendent leur maison, à Québec, «garantie de tous troubles dettes & hypotecques, et du doüaire et tous empeschements generallements quelconques62». Et la Canadienne Jeanne Boisselle abandonne également son droit au douaire en ratifiant la vente d’une habitation acquise dix ans plus tôt par son mari, mais ce, moyennant une compensation de 60 livres que l’acquéreur promet de lui donner en plus du prix de la vente63. La signature ou la croix des autres conjointes constitue peut-être une renonciation implicite à leurs privilèges de douairières sur les biens communs ou les héritages du mari en cause. Quelques chefs de famille renoncent au douaire au nom de leur épouse, à qui ils promettent de faire ratifier la transaction dès qu’elle sera majeure, garantie parfois non respectée. Catherine Mailloux ne ratifiera en effet l’acte de cession de droits successifs qu’un an après avoir atteint la majorité, au bout de deux ans de viduité, tandis que Geneviève Filiau, qui aura
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25 ans quelques mois avant le décès de son mari, n’a laissé aucune trace de ratification indiquant la renonciation à ses droits de douairière64. Enfin, les épouses représentent très rarement seules leur société conjugale quand les démarches ont trait aux biens communs (2 %) ou propres (1 %) du mari (tableau 7). Quand il s’agit d’acheter, de louer ou de prendre à bail une terre ou une maison, les démarches sont généralement faites par les chefs de famille, qui en réalisent 90 % en solo dans les deux villes (soit six actes sur sept à Louisbourg)65. Ainsi, Pierre Ménage, qui fera signer Anne LeBlanc lors de deux ventes de terres et d’un échange de maisons, réalisera sans sa femme huit baux ou achats de biens immobiliers. Les rares fois où les épouses sont associées aux acquisitions, leur présence doit être comprise, comme dans le cas des obligations professionnelles et financières, comme un engagement solidaire du couple face au paiement indiqué dans la transaction. Le cordonnier Pierre Léger dit Lajeunesse est l’un des seuls chefs de ménage de l’échantillon à accorder une certaine latitude à son épouse dans la gestion des biens immobiliers du ménage : entre 1717 et 1719, Marguerite Forestier s’occupe principalement de prendre à bail, de louer ou de vendre des corps de logis à Montréal, où habite le couple. En 1728, à Québec, en ratifiant devant notaire un bail sous seing privé fait par son épouse, Léger «donne plain et entier pouvoir a la ditte Fortier sa femme au cas que le dit [bailleur] fit quelque … difficultes au dit bail de faire tout ce que besoings sera en justice soit en demandant ou en deffendant66». Les femmes sont cependant toujours présentes au côté de leur mari quand il s’agit de signer un bail de banc d’église, actes toutefois assez peu nombreux (une dizaine) et particuliers à la colonie canadienne. Les épouses cherchent sans doute à s’en assurer la jouissance au cas où elles deviendraient veuves, les instances judiciaires et religieuses de la colonie ne s’entendant pas en la matière. Ce droit, qui leur est nié en 1718, leur est reconnu en 1721 par la plus haute cour de la colonie. L’évêque de Québec demande le renversement de l’arrêt rendu par le Conseil supérieur de la Nouvelle-France stipulant «qu’à l’avenir les concessions de bancs passeront aux veuves des concessionnaires tandis qu’elles demeureront en viduité67», c’est-à-dire tant qu’elles ne se remarieront pas. Mgr de Saint-Vallier requiert qu’on laisse plutôt l’Église «jouir du revenu des bancs et du droit de les faire crier apres la mort de ceux qui les possedent en donnant la preference aux veuves et enfants68». La valeur spirituelle de ces biens n’efface pas celle,
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pécuniaire, qu’elle a pour l’institution religieuse, dont la démarche va à l’encontre de l’esprit de la Coutume de Paris et de l’égalité de principe entre les femmes et les hommes comme fidèles de l’Église catholique. Un seul couple confie à l’épouse, par contrat de mariage, un certain pouvoir sur la gestion des biens dont elle a la propriété69. Le marchand canadien Jean-Baptiste Brousse accorde à sa fiancée, Louise Lallemand, le droit de disposer à sa guise des bagues et joyaux d’une valeur de 5 000 livres dont il lui fera donation le jour de la bénédiction nuptiale70. Le couple souhaite s’installer en «pays de droit écrit», dans la France du Sud, où cette pratique est la norme. Le droit écrit accorde en effet à l’épouse la pleine disposition des biens qui ne font pas partie de sa dot, nommés «biens paraphernaux71». La Coutume de Paris, plus contraignante, ne permet aux femmes formellement autorisées par leur mari que la gestion du revenu généré par leurs héritages, ce qui pourrait représenter, dans certains cas, des sommes importantes. Les contrats de mariage de trois Louisbourgeoises dont le père ou le mari est originaire de «pays de droit écrit» précisent que les futurs conjoints ne seront pas «communs en biens» mais ne prévoient aucun pouvoir supplémentaire pour l’épouse. En pays de droit coutumier, de telles séparations de biens doivent stipuler de façon expresse, le cas échéant, la nature de l’autorisation faite à l’épouse, ce qui n’est pas nécessaire en pays de droit écrit72. Le notaire Desmarest se plaindra de ces mariages contractés suivant le droit écrit dans l’Île Royale, et rappellera aux autorités que les conventions matrimoniales doivent être faites suivant la Coutume de Paris. Il demandera néanmoins l’avis du roi sur cette question73. La protection du patrimoine des épouses est cependant primordiale dans le droit coutumier, ce qui met des limites au pouvoir du mari. Ce dernier «ne peut pas obliger les propres de sa femme, ni les vendre sans son consentement, et … un contrat de telle vente, dans lequel la femme n’a point parlé est nul … Il ne peut pas aussi les engager ni les hipothéquer, ni faire partage de ses immeubles, s’il n’y fait consentir sa femme et qu’elle ne signe le contrat, parceque si elle consent à l’obligation, elle est bonne74.» La Louisbourgeoise Jacquette Thérèse Boudier doit conséquemment autoriser son mari, l’hydrographe Jean René Cruchon de la Tour, à régler la succession de ses parents décédés à Saint-Malo, en France, afin de valider toute vente qu’il pourrait croire bon réaliser75. Les autres épouses veillent pareillement au grain puisque quand il s’agit de transactions engageant leurs héritages, qui représentent environ 10 % de l’activité notariale (tableau 8), les trois
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quarts sont faites par les deux membres du couple à Québec (tableau 7), tout comme les deux autres actes de ce type à Louisbourg76. Dans la capitale canadienne, quand les maris s’en occupent seuls (14 % des cas), il agissent le plus souvent au nom d’une épouse mineure qui devra ratifier le contrat le temps venu, démarche tout à fait valable sur le plan légal. Ainsi, la jeune Marie-Anne Hazeur promet de ratifier la vente d’un emplacement et d’une maison lui appartenant dès qu’elle aura atteint l’âge de majorité, son mari, le chirurgien Michel Sarrazin, «lautorisant aussy des apresent comme alors de ce faire sans que sa presence y soit necessaire lors quelle voudra le ratiffier77». Les autres chefs de famille qui agissent en solo sur les propres de leur épouse s’occupent d’acheter des droits successoraux d’autres membres de sa fratrie. En 1709, par exemple, le menuisier René Pasquet se présente à trois reprises devant le notaire pour régler les questions successorales de sa femme, Catherine Maillou, avec les frères, la sœur et la belle-sœur de cette dernière78. Le lien des femmes mariées avec leur famille d’origine ne rend donc pas nécessaire la signature conjointe, même sur le plan symbolique, quand des biens familiaux sont en cause. Ce type de transaction s’apparente donc aux autres acquisitions de biens immobiliers. Parmi les transactions concernant les héritages de l’épouse qui sont faites en l’absence de celleci, on trouve encore des quittances, mais très rarement des partages ou des aliénations de biens. Claude Legris fait donc exception quand il vend les biens propres de son épouse, Marie-Josèphe Martin, sans s’engager à lui faire ratifier l’acte, lequel risque d’ailleurs d’être invalidé par les tribunaux79. Toujours en ce qui a trait aux héritages dont les femmes ont la propriété et le mari la gouverne, les droits des femmes ne se transforment pas en pouvoir de représentation. Les épouses agissent rarement comme fondées de pouvoir de leur mari pour la gestion de leurs «propres» (4 % à Québec, tableau 7). Cela se produit seulement pour des questions de moindre importance ou quand elles bénéficient d’un certain encadrement familial. En fait, les épouses qui s’occupent en solo de questions successorales à Québec agissent toujours de concert avec leurs sœurs. En présence des siennes, Marie-Louise Roussel loue à un aubergiste une maison appartenant à la succession de leurs parents et conclut un marché pour faire creuser un fossé sur des terrains qu’elles possèdent, cette dernière démarche étant faite sans l’autorisation de son mari, le marchand Jean-Baptiste Demeulles, «duquel elle se fait fort80». Elle s’engage avec ses sœurs à payer 300 livres aux engagés et à
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les nourrir pendant le temps des travaux. Marie Turpin, épouse de Noël Levasseur, sculpteur et menuisier, voit au dépôt d’une ordonnance rendue entre elle, sa sœur et leur tuteur. Les deux femmes contestent un privilège que ce dernier prétend avoir sur une maison à Montréal à cause des paiements faits aux ouvriers pendant la construction81. L’absence de représentant masculin lors de ces démarches suggère que ces familles ne comptaient que des filles, puisqu’il serait surprenant qu’on les laissât gérer ces biens patrimoniaux sans l’autorisation de leurs frères. Le rôle des femmes en matière de transmission du patrimoine est reconnu lors des démarches concernant leur progéniture82. Leur présence est requise lors de la signature des contrats de mariage de leurs enfants et quand il est question de favoriser l’un d’entre eux, donc quand les biens de l’épouse sont touchés au même titre que ceux du mari. Anne LeBlanc, comme les autres Canadiennes et Louisbourgeoises, donne ainsi son accord formel aux mariages des enfants issus de son union avec Pierre Ménage, et aux donations qu’ils entraînent. Marie Dumont est quant à elle présente au côté de son mari, le marchand de Québec François Bissot, quand leur fille et son époux se désistent devant notaire de la société formée lors de la signature de leur contrat de mariage, «l’avantage a eux fait de les admettre pour moitié dans le commerce et traitte qu’ils font dans la seigneurie de Mingan leur etant plus onereux que proffitable». Les parents font don au couple de 2 000 livres de profit qu’ils ont pu faire, en guise de dot pour leur fille «qui aurait pu se trouver par les evenements ou risques de la mer dans le cas den rien toucher83». Dans le même ordre d’idées, Madeleine Turpin, épouse du menuisier Noël Levasseur, de Québec, conclut conjointement avec lui une entente avec leur fils François assurant leur subsistance pendant leurs vieux jours, type de contrat plutôt rare chez les couples en milieu urbain. Ils lui donnent 2 200 livres à prendre sur tous leurs biens, la moitié au décès du premier d’entre eux, l’autre moitié au décès du second, sans préjudice des 200 livres qu’ils lui payent par année «pour recompense des onze années qu’il a employé a leur soulagement [et] des bons services qu’il continura de rendre a sesdits pere et mere comme il a fait jusques a present en s’employant entierement a leur donner tous les secours dont il peut estre capable jusques au decez du dernier mourant d’eux84». Sauf lors de la signature des contrats de mariage, les transactions «parentales» conjointes ne sont pas la norme. En effet, les épouses donnent rarement leur accord formel lors du placement des enfants en
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apprentissage, en domesticité ou en religion. Ces démarches, peu nombreuses (une vingtaine d’actes à Québec, aucun à Louisbourg), ne se font conjointement ou par l’épouse qu’à l’occasion, et ce, peu importe le sexe de l’enfant. Au côté de son mari, le journalier Charles Devisse, Jeanne Savary abandonne à l’épouse d’un officier civil le soin d’enseigner à sa fille à «travailler de la couture», formation qu’elle ne peut lui offrir. D’autres femmes conservent au contraire certaines responsabilités face à leurs enfants. Le maître tailleur d’habits Melchior Michelet ne s’engage à fournir que la nourriture et le lit de sa jeune apprentie, Charlotte, les parents étant tenus de la blanchir et de l’entretenir. Quant au contrat d’apprentissage de Louis-Michel, fils de Marie Hervé et du soldat Daniel Pepy dit Lafleur, il précise que «s’il tombait malade il se retirera chez sa mère et reviendra une fois guéri85». Le contexte colonial ne favorise donc pas une distribution plus «libre» des rôles et du pouvoir dans le couple à Québec et à Louisbourg. La division sexuelle du travail y est bien instituée et on ne cherche pas à y étendre les droits des femmes sur le plan professionnel ou quant à la gestion des biens. Les maris sont bel et bien maîtres chez eux, comme le veulent l’État et la loi. En font foi le respect de l’autorité maritale et de l’incapacité juridique des femmes mariées, de même que la rareté des séparations de biens et des délégations de pouvoir aux épouses. L’histoire collective des familles de notre échantillon permet d’établir que les contrats notariés réalisés en solo par le mari constituent la norme, et que le rôle de représentation des femmes est très limité, peu importe le domaine d’activité. Ce rôle est surtout le fait de quelques femmes de familles marchandes particulièrement actives et d’épouses appelées exceptionnellement à se charger de l’une des multiples transactions dans une société conjugale à l’activité notariale intense. Les démarches conjointes des deux membres de la société conjugale, beaucoup plus nombreuses, témoignent d’abord de la reconnaissance des droits qu’ont ces épouses «dûment autorisées» sur leurs biens propres. Elles dénotent aussi le pouvoir des femmes, dans l’esprit de la Coutume de Paris, sur les biens communs et les héritages du mari. À Québec, ces transactions toucheraient hypothétiquement les biens assignés au douaire au fil du temps, en vertu de la flexibilité qu’accordent aux couples les conventions matrimoniales exploitant au mieux la marge de manœuvre accordée par le droit parisien : la stipulation d’un douaire préfix généreux jumelé au choix du douaire pour la veuve. Enfin, les actes signés par les deux conjoints illustrent l’engagement
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solidaire de certaines épouses face aux responsabilités financières du ménage, solidarité révélatrice de précarité que l’on retrouve dans un certain nombre de contrats de mariage de la jeune ville de Louisbourg. On ignore si celles qui ne participent qu’aux démarches conjointes prennent véritablement part aux décisions ou ne font qu’apposer leur signature au bas d’une entente déjà conclue; ou si les absentes tirent néanmoins les ficelles, comme le veut la croyance populaire. Selon toute vraisemblance, la plupart des femmes sont tenues, à divers degrés, à l’écart des affaires de leur société conjugale. C’est là un résultat prévisible dans une société qui attache beaucoup d’importance au statut et au pouvoir des hommes. Les femmes qui perdent leur mari sont en terrain inconnu quand elles assument le rôle de chef de famille, tout comme les hommes qui se retrouvent aux prises avec les soucis domestiques.
2 Se remarier ou pas
En avril 1725, éprouvée par un onzième accouchement, Reine Baucher rend l’âme, laissant dans le deuil le Louisbourgeois Antoine Paris, son époux depuis 19 ans. Le couple, qui s’était installé dix ans plus tôt dans la ville-forteresse après avoir quitté Plaisance, y vivait de la pêche et du commerce. La disparition de la mère se fait durement sentir. Les sept orphelins, un garçon de 17 ans et six fillettes, ne sont pas en mesure de prendre le ménage en main. Pour le veuf, sollicité par les préparatifs de la pêche d’été, le temps presse. Trois mois plus tard, à l’âge de 47 ans, il épouse donc Madeleine Ferret, une Canadienne de 19 ans venue grossir les rangs des filles à marier dans l’Île Royale. Le contrat de mariage est avantageux pour la jeune fiancée, «en consideration de ce que le sr. Paris est chargé dune nombreuse famille dont ladite demoiselle future epouse aura soin et veillera a leur education». L’homme lui fait «un avantage aussy fort que l’edit des secondes nopces et la coutume de Paris le peuvent permettre», en lui donnant droit à la part d’un enfant dans sa succession et en lui accordant un généreux douaire de 2 000 livres, à prendre sur ses biens s’il devait mourir sans qu’elle ait enfanté1. Les tâches ménagères, la supervision des enfants en bas âge et l’éducation des filles représentent pour les veufs un épineux problème, d’autant que le veuvage des hommes n’ouvre pas de porte sur une masculinité redéfinie et élargie qui leur permettrait de s’adapter plus facilement à leur nouvelle réalité d’homme ou de parent seul. Cette difficulté pour le père de concilier travail et soin des enfants est clairement exprimée par le menuisier Joseph Racine qui, après le décès de son épouse, Marguerite Pilotte, «serait demeuré chargé de sept enfants en bas age et tres embarrassé pour leurs donner l’education qui leurs etoit necessaire, se trouvant seul et souvent obligé de laisser sa
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maison pour travailler de son metier ou les bourgeois le vouloient employer2». Le remariage est non seulement désirable mais nécessaire au bon fonctionnement de la vie d’un veuf. Seul, il risque de devenir dépendant de ses enfants, ce qui va à l’encontre de l’ordre patriarcal des choses. C’est auprès d’une épouse qu’un homme doit trouver le soutien affectif et la stabilité économique, ce qu’elle lui procure par sa présence et son aide domestique3. Pour la plupart des veufs, trouver une nouvelle femme est donc impératif. Nicolas Rousset, charpentier de Québec, ne tarit pas d’éloges pour celle qui a remplacé sa jeune épouse de 24 ans, Hélène Martin, décédée au bout de cinq ans de mariage. Il affirmera même dans son testament «qu’il n’y a eu que les … peines et soins de sa … seconde femme qui l’ont aidé et fait subsister jusqu’a present4». Charlotte Guay, qu’il épouse après un an et quatre mois de deuil, a notamment pris soin de son fils Nicolas, âgé de quatre ans lors du décès de sa mère. Le taux de remariage des veufs est conséquemment très élevé en Nouvelle-France (comme ailleurs en Occident), même à Louisbourg où les femmes sont rares. Le marché matrimonial louisbourgeois crée bien sûr plus de veuvages définitifs chez les hommes que celui de Québec. Dans la capitale canadienne, les deux tiers (68 %) des veufs contractent une seconde union, comparativement à la moitié (52 %) dans la ville-forteresse (tableau 10). C’est que les Louisbourgeois n’ont pas tous la chance d’Antoine Paris, personnage présenté au début de ce chapitre, qui a trouvé chaussure à son pied la quarantaine bien avancée. Si les hommes se remarient facilement avant l’âge de 50 ans à Québec (80 % convolent, même dans la quarantaine), l’heure fatidique sonne 10 ans plus tôt pour les veufs de Louisbourg, deux fois moins nombreux à prendre une épouse à partir de 40 ans (43 %). Ces hommes plus âgés paient le prix du déséquilibre démographique de l’Île Royale. Certains contournent le problème en puisant dans les bassins de population acadien (Nouvelle-Écosse) et canadien, où les jeunes filles sont nombreuses. Le comportement des Louisbourgeois ressemble à cet égard à celui des Canadiens du dix-septième siècle qui ont dû, pour les mêmes raisons, épouser des femmes plus jeunes5. La rareté des femmes favorise inversement le remariage des veuves louisbourgeoises, qui valent leur pesant d’or sur le marché matrimonial de la jeune capitale. D’ailleurs, la perspective de se retrouver seule dans cette ville grouillant de soldats, de pêcheurs et matelots esseulés n’est sans doute ni attrayante pour elles, ni acceptable aux yeux de la communauté. Les veuves de la ville-forteresse se remarient donc plus
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souvent (65 %) que celles de Québec (42 %), lesquelles convolent encore moins que les veufs louisbourgeois (tableau 10). La moindre propension au remariage des femmes est un fait attesté dans la plupart des sociétés préindustrielles européennes, et la fréquence des secondes noces chez les femmes canadiennes du dix-septième siècle ne s’est pas maintenue à Québec une fois la population équilibrée. Il est très difficile de comparer ces résultats et ceux qui suivent à ceux d’autres études, à cause des différences méthodologiques. Les cohortes étudiées par Danielle Gauvreau, par exemple, couvrent toute la période du régime français et autant les personnes veuves issues d’unions entre célibataires que les autres. Les tendances principales se confirment cependant, soit la propension plus forte des hommes à se remarier, l’impact de la rareté des femmes sur les stratégies matrimoniales, et le fléchissement du remariage avec l’âge, surtout chez les femmes6. Le remariage d’une jeune veuve dans la vingtaine ne surprendra en effet personne au dix-huitième siècle, quelle que soit la ville où a lieu la noce, puisqu’au moins 80 % des femmes de cet âge prennent un second mari (tableau 10). Ces jeunes veuves, comme les célibataires, doivent cependant obtenir la permission de leurs parents pour ne pas risquer qu’on les déshérite. Le roi Louis XIV permet en effet, en 1697, «aux peres & aux meres d’exhereder leurs filles veuves, mêmes majeures de vingt-cinq ans, lesquelles se remarieront sans avoir requis par écrit leurs avis & conseils7». Le règlement concernerait seulement celles qui résident pendant leur viduité chez leurs parents, donc surtout des mineures qui n’auraient que brièvement échappé à la supervision de leur père. Le fait d’avoir été mariées une première fois ne les dispense donc pas de cette démarche, contrairement aux hommes qui n’ont besoin d’aucune autorisation pour procéder à une seconde union. L’évêque de Québec, Mgr de Saint-Vallier, rappellera aux veuves de la Nouvelle-France que l’édit s’applique à la colonie8. Comme les garçons de 30 ans et les filles célibataires de 25 ans, les veuves mineures peuvent toujours demander officiellement à leurs parents l’autorisation de convoler en secondes noces par trois sommations respectueuses rédigées par un notaire et faites en des jours différents. Le juge royal du lieu de résidence des père et mère est alors tenu de leur accorder la permission de se marier malgré l’opposition des parents9. Mgr de Saint-Vallier semonce même les parents qui «se rendent coupables des incontinences ou autres desordres de leurs enfans, quand par un principe d’avarice, entêtement, ou autres motifs, ils
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empêchent leurs filles de se marier avant vingt-cinq ans, ou leurs garçons avant trente ans10». L’évêque de Québec tente ainsi de concilier l’importance accordée par l’Église à l’autorité parentale et le respect qu’elle a pour le consentement d’un homme et d’une femme souhaitant s’unir devant Dieu. Le catéchisme du diocèse de Sens, qui circulera dans la colonie après le décès de Mgr de Saint-Vallier, fait de l’obtention du consentement des parents, et en leur absence des personnes apparentées en position d’autorité, une condition de la religion, sans toutefois nommer directement les veuves11. Le poids de l’âge entraîne d’autres conséquences pour les femmes, dont la moyenne d’âge au veuvage, comme celle des hommes, tourne autour de 40 ans (tableau 11). Le remariage est toujours privilégié par la majorité des veuves trentenaires de la capitale canadienne (59 %), mais les quadragénaires ne convolent plus qu’à 42 % (tableau 10). La quarantaine représente également un point tournant pour les Louisbourgeoises, même si elles se remarient toujours plus souvent (67 %) que les veuves de Québec et que les veufs de la ville-forteresse. Les valeurs véhiculées par l’Église catholique, en France comme en Nouvelle-France, ne sont pas étrangères à cette réalité. Le catéchisme du diocèse de Québec, préparé par Mgr de Saint-Vallier à l’intention des membres du clergé et des fidèles de la colonie, ne rappelle-t-il pas que la procréation est le but premier du mariage12? Il est donc plus difficile de justifier une union après la fin de la période de fertilité, qui se situe vers l’âge de 40 ans chez les femmes de la colonie. Les hommes, normalement en mesure de «donner des enfants à Dieu» jusqu’à un âge plus avancé, ne sont pas, en outre, affligés au même degré par l’image négative associée à la vieillesse, qui touche durement les femmes dans la société française d’Ancien Régime13. Le remariage de trois Louisbourgeoises quinquagénaires, dont Jeanne de Galbaret, âgée de 56 ans lors du décès de son mari, ferait d’ailleurs sourciller à Québec, où la cinquantaine révolue condamne pratiquement les veuves, mais pas les veufs, au «célibat». La dure réalité du vieillissement a une contrepartie : une charge familiale moins lourde ou des enfants suffisamment âgés pour constituer une source de soutien. Il faut dire d’abord que la présence d’enfants, tous âges confondus, a peu d’effet sur la propension au remariage, contrairement à ce que Beauvalet-Boutouyrie note pour Vernon, en Bretagne, au dix-huitième siècle, où les femmes sans enfants sont les plus nombreuses à demeurer veuves (environ 8 femmes sur 10). L’auteure se demande si ces femmes, économiquement moins
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chargées, entendent profiter de leur indépendance et la conserver, mais elle affirme que l’âge est malgré tout beaucoup plus déterminant14. À Québec, où les sources permettent l’analyse, les deux tiers des veufs se remarient, qu’ils aient ou non des enfants vivants, tout comme 46 % des veuves sans enfants et 41 % des autres femmes (tableau 12). Les hommes ayant des enfants à charge, c’est-à-dire des filles non mariées et des fils de moins de 20 ans, se remarient cependant plus souvent que les autres veufs (72 % et 53 %, respectivement), sans doute parce qu’il s’agit généralement de jeunes enfants. Les veuves dans cette même situation sont un peu plus nombreuses à convoler que les autres femmes (43 % et 38 %, respectivement)15. La grande majorité des veuves qui ont des orphelins de moins de 12 ans prennent ainsi un nouveau mari (59 %), comparativement à 23 % de celles qui n’ont pas d’enfants à superviser. Les pères de jeunes enfants sont encore plus nombreux (80 %) à procurer une nouvelle gardienne à leurs petits en se remariant, alors que seulement 45 % des veufs qui n’en ont pas convolent en secondes noces. Les parents d’enfants adultes se remarient par contre beaucoup moins souvent, surtout dans le cas des femmes (7 %), mais également dans celui des hommes (29 %)16. La présence de cette progéniture d’âge mûr rend-elle simplement moins nécessaire un second mariage, les enfants âgés de 20 ans et plus pouvant remplacer le conjoint décédé par leur travail ou en se mariant? Le poids économique des jeunes enfants décourage-t-il moins les prétendants des veuves que celui de jeunes adultes en âge de demander leur part des biens? Les femmes les mieux nanties de notre cohorte ne se remarient pourtant pas plus souvent que les autres (tableaux 13 et 14), et les études à ce sujet se contredisent plus souvent qu’autrement. En réalité, comme l’affirme Danielle Gauvreau, «l’âge au veuvage paraît plus déterminant que la charge familiale pour la fréquence des remariages, et à charge familiale égale, les plus jeunes, surtout chez les femmes, se remarient beaucoup plus souvent17». Certaines personnes veuves auraient-elles préféré conserver les avantages liés à leur nouveau statut matrimonial? Les conséquences légales d’un remariage peuvent être dissuasives pour les femmes, puisqu’en prenant un second époux, elles perdent la pleine capacité juridique qu’elles ont obtenue en tant que veuves18. Les tensions sont potentiellement vives dans ces familles reconstituées où des femmes revenues sous la coupe d’un mari veillent à leurs intérêts et à ceux de leurs enfants sans bénéficier de la capacité juridique à laquelle elles ont goûté.
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Les demandes en séparation (de biens, le plus souvent) sont davantage le fait de femmes remariées que des autres épouses de la colonie, ce qui montre les problèmes que peuvent occasionner ces secondes unions19. Les jeunes veuves qui convolent à nouveau abandonnentelles leurs droits par manque d’expérience, par convention sociale ou parce qu’elles préfèrent vivre à deux dans un cadre traditionnel? Les veuves plus âgées cherchent-elles à profiter de leur expérience de vie et des nouveaux droits qu’on leur accorde pour diriger elles-mêmes leurs familles? Ces questions demeurent pour l’instant sans réponse. L’expérience louisbourgeoise suggère cependant que les veuves, même âgées, se remarient quand le marché matrimonial joue en leur faveur ou que des pressions sociales se font sentir. Par ailleurs, rares sont les contrats de mariage qui cherchent à décourager d’éventuelles secondes noces. Selon un juriste, la condition de ne point se marier qui «est apposée, à l’effet d’empêcher les secondes Nôces, pour obliger un homme veuf ou une femme veuve à garder la viduité … est tellement licite, que le défaut de son accomplissement rend caduque la disposition à laquelle elle est attachée20 ». D’autres facteurs impossibles à vérifier pourraient entrer en ligne de compte pour expliquer le veuvage définitif d’hommes et de femmes : leur état de santé, leur pouvoir de séduction, le peu d’intérêt suscité par les prétendants, ou le hasard, qui fait parfois si mal les choses… Quoi qu’il en soit, les nombreuses femmes vouées à un veuvage définitif (58 % à Québec, 35 % à Louisbourg) représentent un problème social de taille. Comment contrôler la sexualité de ces femmes d’expérience échappant à la supervision d’un père ou d’un mari? Cette méfiance envers la nature féminine est un trait dominant de la société française d’Ancien Régime. «En tant que femme, écrit BeauvaletBoutouyrie, la veuve est d’autant plus redoutée qu’elle a connu la chair. Elle a la réputation d’une femme sensuelle, qui a des instincts qu’il faut canaliser21.» Cette perception est également enracinée profondément dans les mentalités anglo-américaines22. L’appel à la chasteté lancé aux veuves constitue pour l’Église un élément de solution. Le discours religieux en Nouvelle-France reprend en effet la vision sanctificatrice du veuvage au féminin proposée par saint Paul et véhiculée par l’Église de la Contre-Réforme. Dans son catéchisme, Mgr de Saint-Vallier conseille «à ceux qui ne sont pas mariez & aux veuves, de demeurer comme [le saint apôtre] dans l’état de virginité & chasteté, qui est plus parfait que celui du mariage23». Par contre, le cathéchisme du diocèse de Sens, employé parallèlement
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dans la colonie après la mort de Saint-Vallier en 1727, ne fait pas allusion aux veuves quand il rappelle aux chrétiens que la chasteté est un état plus parfait que le mariage24. Mgr Saint-Vallier omet par ailleurs de mentionner, contrairement à ses pairs en France et aux moralistes de la Nouvelle-Angleterre, que saint Paul s’adressait surtout aux veuves plus âgées et à celles qui sont en mesure de se contenir. Sinon, conseillait l’apôtre, «mieux vaut se marier que de brûler25». Les jeunes veuves, qui n’ont pas pleinement joué leur rôle de mère et d’épouse, sont perçues par saint Paul comme une plus grande menace à l’ordre social : «Avec cela, n’ayant rien à faire, elles apprennent à courir les maisons; si encore c’était pour ne rien faire, mais c’est pour bavarder, s’occuper de ce qui ne les regarde pas, parler à tort et à travers. Je veux donc que les jeunes veuves se remarient, qu’elles aient des enfants, gouvernent leurs maisons et ne donnent à l’adversaire aucune occasion d’insulte26.» Ces idées, qui imprègnent sans doute le discours religieux en Nouvelle-France, peuvent également avoir incité les jeunes veuves à se remarier. La viduité offre néanmoins aux femmes de la Nouvelle-France une seconde occasion de se sanctifier, qu’elles entrent ou non en religion. L’exaltation par Mgr de Saint-Vallier du comportement édifiant d’une veuve de guerrier iroquois convertie au christianisme témoigne de l’inscription de cette vision dans le discours religieux de la colonie : «Sa veuve est une vertueuse femme âgée de vingt-neuf ans, qui depuis sept années travaille sans relâche à sa perfection, et qui une heure après les funérailles de son mari se coupa les cheveux, non pas pour marquer plus sensiblement son affliction, mais pour se dévouer désormais plus parfaitement à Dieu, en renonçant tout-à-fait au monde, et en gardant la continence27.» Le prélat pourrait encore citer les veuves françaises, laïques et religieuses, qui ont marqué l’histoire de la colonie canadienne en se vouant à Dieu tout en se consacrant à l’enseignement ou au service des pauvres et des malades. Mme de La Pelterie, par exemple, a rendu possible la fondation du couvent des Ursulines à Québec et pris part, sans jamais entrer en religion, à l’éducation des «petites sauvages» au côté de la supérieure, Marie de l’Incarnation, personnage de première importance dans la colonie. Toutes deux figurent au nombre des «saintes veuves» louangées pour leurs œuvres charitables dans les biographies spirituelles et édifiantes qui ont connu un essor important en France au dix-septième siècle28. Le nombre de veuves et de veufs de notre cohorte qui sont entrés en religion demeure inconnu, mais au dix-huitième siècle des femmes en
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état de viduité vivront en «quasi-religieuses», sans prendre le voile. L’Hôpital-Général de Québec accueille de riches veuves pensionnaires qui avantagent les religieuses de biens considérables pour résoudre le problème de leur entretien, lié à l’infirmité, à la maladie, à la vieillesse ou à la solitude29. En 1737, le gouverneur et l’intendant de la NouvelleFrance écrivent au roi pour solliciter des fonds pour les religieuses qui dirigent cette institution : elle ont bâti un corps de logis annexé à leur maison du pauvre où elles souhaitent établir leur infirmerie et distribuer des logements aux filles qu’elles reçoivent en qualité de pensionnaires «et à quelques femmes veuves aisées qui sont dans le dessein de s’y retirer et de leur faire du bien et qui sont desja au nombre de sept30». Certaines d’entre elles souhaitent même bénéficier de privilèges normalement réservés aux religieuses. Marie-Louise Roussel, qui trouve refuge à l’Hôpital-Général après le décès de son mari, le marchand Jean-Baptiste Demeulles, fera par testament un don de 1 000 livres aux sœurs hospitalières «a condition quelle aura les mêmes suffrages et les mêmes services qu’une religieuse avec un De profundis pendant un an qui se dira en communauté31». Ces femmes de l’élite trouvent dans les institutions menées par des religieuses non seulement un refuge contre la solitude et la maladie, mais aussi un moyen de se protéger, en se rendant utile, contre l’oisiveté qui guette particulièrement les veuves riches et esseulées qui n’ont pas d’enfants à charge et qui n’ont pas à travailler pour subvenir à leurs besoins. L’évêque de Saint-Vallier dit bien qu’une «femme chrétienne, de quelque rang qu’elle puisse être, ne doit jamais demeurer inutile; et dès qu’elle ne fait rien, elle est en état de faire beaucoup de mal32.» Aussi, les autorités religieuses se réjouissent-elles certainement de voir à la tête de la Confrérie de la Sainte-Famille plusieurs veuves de l’élite canadienne veillant à la sanctification des familles de la colonie, «lieu privilégié de la vie chrétienne [et] instrument de moralisation du corps social33». Ces femmes se rapprochent, par leurs bonnes œuvres, de l’image de la veuve modèle. En Nouvelle-France comme en France, on n’invite pas les veufs à se sanctifier par un veuvage vertueux, contrairement à ce qu’on observe parfois dans les colonies anglo-américaines34. Malgré l’idéal de vertu qui s’y trouve rattaché, le statut spirituel des veuves se compare, aux yeux de l’Église, à celui des célibataires qui ont déjà connu le «commerce de la chair», même si chez les premières les rapports sexuels ont eu lieu dans le cadre d’une union reconnue par l’Église. Outre la procréation et l’assistance mutuelle, l’une des fins du
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mariage chrétien est de «modérer la concupiscence, & y servir de remede», pas l’inverse, mais la méfiance de l’Église face à ce «moindre mal» qu’est le mariage est évidente35. Il semble que l’expérience des veuves en la matière suffise à les faire déchoir au même rang que les filles célibataires pécheresses. Les mœurs sexuelles des hommes, veufs ou non, ne font pas l’objet de la même attention, ce qui reflète bien le système de deux poids, deux mesures qui prévaut à cet égard dans la société française d’Ancien Régime. Si l’Église interdit aux hommes le concubinage, l’adultère, les rapports sexuels hors des liens sacrés du mariage et la passion sexuelle, même conjugale, une certaine tolérance entoure leur comportement36. Les conseils de Mgr de Saint-Vallier ne s’adressent jamais précisément aux veufs en tant qu’hommes, ni à ces derniers en tant que personnes veuves. La cérémonie du mariage suit un cours particulier si la fiancée est une veuve ou une célibataire qui a perdu sa virginité, mais elle ne varie pas en fonction du statut matrimonial ou du comportement sexuel du fiancé. La bénédiction nuptiale, l’usage du voile et le choix des prières sont en cause. Le rituel du diocèse de Québec explique aux curés les règles à suivre pour la célébration des secondes noces, pratiques pourtant abolies en France en 1713 lors de conférences ecclésiastiques sur le mariage37 : «Si l’Epouse avoit déja été mariée, ou qu’il fût public qu’elle ne fût pas vierge, il faudra omettre la Benediction Nuptiale, & dire la Messe du jour. Quand l’Epoux auroit été marié, si l’Epouse ne l’a pas été, & qu’il ne soit pas public qu’elle se soit abandonnée à quelqu’un, on observera à la Messe les Ceremonies de la Benediction Nuptiale en la celebration de ce Mariage38.» En outre, en Nouvelle-France, quand une veuve ou une célibataire déchue se marie, on ne met pas les mariés sous le voile et on fait dire, après la messe, des prières particulières qui chantent la joie du retour après l’exil39. L’évêque de Saint-Vallier défend par ailleurs «très expressement» aux veuves, comme aux filles, «d’avoir la gorge, les épaules ou la tête découvertes lorsqu’elles se présentent au Sacrement de Mariage», et enjoint «aux Curés et autres Prêtres de notre diocèse de ne les y point recevoir en cet état … si elles osent s’y présenter avec une pareille indécence et immodestie40». Les membres du clergé acceptent malgré tout devant l’autel des veuves et des célibataires enceintes afin d’assurer à leur progéniture un cadre propice à la formation de bons fidèles : la famille. La réalité des rapports intimes des fiancés est acceptée par la société et, dans une certaine mesure, par l’Église elle-même, quand l’enfant a été conçu
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peu avant un mariage déjà annoncé41. De cette façon, la naissance, qui suit une grossesse peu visible lors de la célébration, a lieu dans le cadre d’une union légitime. Parmi les femmes qui attendaient déjà un enfant au moment du mariage figurent 13 % des veuves de Québec et le quart des veuves louisbourgeoises de l’échantillon. La viduité semble avoir été plus propice à la promiscuité que le célibat, puisque dans le même groupe de femmes, les conceptions prénuptiales (quand l’enfant naît moins de huit mois après le mariage des parents) ne représentaient que 5 % des premières naissances lors du mariage initial à Québec, et concernaient à Louisbourg 13 % des unions ayant donné lieu à une naissance. Le petit nombre de cas observés incite cependant à la prudence à cet égard, comme en ce qui a trait à la sexualité à première vue plus libre des veuves louisbourgeoises, d’autant que cette question ne fait pas l’unanimité chez les démographes qui ont étudié des cohortes beaucoup plus importantes. Contrairement à Réal Bates, qui constate pour le Canada dans son ensemble une augmentation de la fréquence des conceptions prénuptiales avec l’âge de la mère, augmentation en partie liée à la plus grande présence des veuves aux âges plus élevés, Danielle Gauvreau note que ce sont les femmes dans la vingtaine, et surtout celles qui sont âgées de 20 à 24 ans, qui présentent les taux de conceptions prénuptiales les plus élevés à Québec. La démographe reconnaît que les veuves de Québec connaissent une proportion de conceptions prénuptiales supérieure à celle des célibataires (11 % comparativement à 9 %) mais souligne que «cette différence n’est pas significative». De façon générale, les conceptions prénuptiales concernent environ un dixième des premières naissances à Québec (11,6 % entre 1720 et 1739) et Louisbourg (13,3 % entre 1722 et 1744) au dix-huitième siècle, ce qui se compare à la ville portuaire de Bristol, au Rhode Island, important centre commercial, où le pourcentage est de 10 % entre 1729 et 1740. Ce phénomène, plus accentué en milieu urbain, est à la hausse au Canada comme dans les colonies anglo-américaines (mais pas à l’Île Royale) au dix-huitième siècle42. Quoi qu’il en soit, les libertés que prennent les veuves étudiées ici, empreintes de prudence, s’inscrivent comme les autres dans une perspective matrimoniale puisque la plupart des enfants ont été conçus de deux à cinq mois avant un remariage. Les veuves ont plus à craindre que les veufs, socialement et économiquement, des conséquences de leurs actes sexuels. Dans son analyse des procès impliquant des mères célibataires au Canada sous le régime français, Marie-Aimée Cliche
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souligne que les femmes en état de viduité, comme celles séparées de leur mari et les filles ayant déjà perdu leur honneur, n’ont droit à aucun dédommagement civil si elles tombent enceintes des œuvres de leur amant : «Aucune d’entre elles n’était vierge au moment de la relation sexuelle et ne pouvait donc réclamer une compensation pour la perte de son pucelage. Aux yeux de la société et des magistrats, elles avaient basculé dans la catégorie des “libertines” et le juge leur enjoignit sans ambages de cesser leur mauvaise vie. Est-il besoin d’ajouter qu’une telle mise en demeure ne s’adressa jamais à un homme, fût-il père de trois ou quatre enfants naturels43.» Les veuves sont cependant protégées par la loi, comme les autres femmes, si elles sont victimes de séduction ou de subornation, notamment en cas de fausse promesse de mariage44. La veuve d’officier MarieAnne Carrerot, qui donne naissance à un enfant illégitime à Louisbourg, défendra son honneur en affirmant qu’elle «a tousjours vecue honnestemant pendant les années de son veuvage et qu’il faudroit quelle fusse une prostitué pour sestre laissé suborner … sans aucunes promesse de mariage». Le père de l’enfant, un jeune lieutenant de compagnie, est condamné à «se charger de lenfant sitot apres accouchement pour le faire nourrir, entretenir et elever a ses frais dans la religion catholique appostolique et romaine». Michel de Gannes de Falaise devra également payer les dommages et intérêts de la demanderesse et la défrayer du coût du procès45. Malgré le risque financier que peut entraîner la conception d’un enfant, le comportement sexuel des veufs, comme celui des autres hommes, met en relief une réalité masculine moins contraignante. En effet, la moitié des veufs de l’échantillon ayant conçu un enfant avant les secondes noces à Québec, et le seul dans cette situation à Louisbourg, sont déjà papas le jour du mariage ou sont sur le point de le devenir, ce qui suggère, d’après les démographes, un mariage obligé ou provoqué, puisque la conception a eu lieu longtemps avant le jour de la célébration. Le fait que plusieurs d’entre eux se sont mariés à un moment de l’année rarement choisi pour cette cérémonie renforce l’hypothèse que les unions n’étaient pas nécessairement planifiées ou qu’ils n’ont pas cru bon attendre. Les veufs se présentent toutefois plus rarement que les veuves devant l’autel avec la preuve vivante ou en gestation de leur «péché» (8 % des cas à Québec et 6 % à Louisbourg), ce qui s’explique sans doute en partie par le plus grand nombre et la rapidité des remariages chez les hommes, et peut-être par la présence de prostituées dans les villes.
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La réalité peut toutefois s’avérer plus complexe, comme l’illustre le cas de Michel Jourdain, devenu père à Québec trois mois avant un second mariage célébré une dizaine d’années après le décès de sa première épouse, Marie-Claire Delisle, avec qui il avait également conçu un enfant avant la noce. Le maçon et son amie, Marie-Geneviève Dupuy, qui ne peuvent solenniser leur union «en la forme prescritte par notre mère Ste Eglise», expriment, un mois avant la naissance de leur enfant illégitime, «l’affection qu’ils se portent depuis plusieurs années» et leur désir d’ «accomplir les promesses respectives de mariage qu’ils se sont volontairement faites l’un et l’autre46». Le maçon de Québec reconnaît que l’enfant sur le point de naître est le sien, s’engage à épouser son amie après la naissance, à la dédommager de toute dépense encourue à cause de l’accouchement, à faire soigner et nourrir l’enfant à ses frais et lui faire apprendre un métier. Il garantit même à la mère une pension alimentaire annuelle de 100 livres sur ses biens s’il venait à mourir avant la noce. L’engagement est véritable puisque Michel Jourdain épouse Marie-Geneviève Dupuy trois mois plus tard, malgré le décès de l’enfant peu après sa naissance. Si les objections de l’Église au mariage de Michel Jourdain ne sont pas claires, la nature de l’empêchement est limpide dans le cas du Louisbourgeois Michel Daccarrette, qui devient père d’un enfant illégitime pendant son veuvage. La rumeur veut que le marchand ait versé 1 000 écus aux récollets pour qu’ils autorisent son mariage avec Catherine Gonillon, sœur de sa défunte femme et mère de l’enfant, et ce, en dépit du lien de parenté entre la première et la seconde épouse. La petite Marie-Charlotte a déjà fait ses premiers pas quand ses parents se présentent finalement devant l’autel. L’union, qui fait scandale, n’est légitimée par les autorités pontificales qu’au bout de 12 ans, une fois la dispense accordée47. C’est qu’en vertu des règles canoniques, les proches par alliance doivent, comme ceux unis par les liens du sang, obtenir une permission de l’Église pour se marier. L’union d’un veuf avec la sœur de sa défunte épouse figure parmi les dispenses les plus fréquemment accordées. L’évêque de Québec, appuyé en cela par l’État, demande également aux curés d’exiger un certificat attestant la mort du conjoint avant de célébrer un mariage engageant une personne veuve ou qui prétend l’être, étant dans «l’obligation étroite … de ne pas remarier facilement ceux & celles de leurs Paroisses qui demanderoient de l’être, sous pretextes que leurs maris, ou leurs femmes seroient absens depuis quelques années, & qu’ils assureroient être morts à cause de cette
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longue absence48». Dans le cas où les personnes veuves sont d’un autre diocèse, le certificat du curé devra être validé par la signature de l’évêque diocésain et reconnu par celui de Québec49. Cette condition prend une dimension particulière dans une colonie accueillant un nombre important d’immigrants au passé mal connu qui cherchent à s’établir en épousant des femmes de la colonie. Dans un mémoire de 1670 adressé au ministre Colbert dans lequel il demandait qu’on envoie d’autres filles à marier au Canada, l’intendant Talon soulignait l’importance de «munir les filles et les veufs d’un certificat attestant qu’ils sont libres, sans quoi les prêtres de la colonie font difficulté de les marier50». L’ambivalence de l’Église face aux secondes noces s’arrête cependant au moment de la célébration du mariage, sacrement qui doit être entouré du plus grand respect. Les manifestations populaires comme le charivari, qui visent à ridiculiser les remariages, surtout quand ils sont trop rapides ou «mal assortis», sont en effet condamnées par les autorités religieuses et civiles de la colonie. Beauvalet-Boutouyrie explique que cette «aversion populaire trouve à la fois sa justification dans l’attitude de l’Église, qui conseille à celles qui le peuvent de rester veuves, et dans la perturbation du marché matrimonial que représente l’arrivée des veufs et des veuves. Le remariage des veufs lèse en effet les célibataires, risque de remettre en cause l’équilibre entre les lignages et de désavantager les enfants du premier lit au profit des enfants du second, en détournant les apports vers le nouveau lignage51.» Le charivari prête souvent au désordre au Canada, comme ce fut le cas en France depuis le Moyen Âge. Aucune description directe et détaillée d’un charivari n’existe pour le Régime français, mais voici ce que Robert-Lionel Séguin écrit au sujet de ce type de manifestation au Bas-Canada : «Les habitants se réunissent avec des trompettes, des chaudières et d’autres articles pour manifester bruyamment devant la maison des nouveaux conjoints. Selon un antique usage, ils ne se retirent qu’après avoir perçu un montant qui sera généralement destiné à des œuvres charitables. Cette somme est fixée d’après les conditions économiques des “intéressés”. Il arrive qu’elle atteigne jusqu’à cent livres. Si l’on s’obstine à ne pas la payer immédiatement, les manifestants font le blocus de la maison, et les occupants sont exposés, pendant des heures, aux quolibets et moqueries d’un chacun52.» René Hardy fait la distinction entre le charivari contesté, «souvent empreint de violence contre la victime ou ses biens», et «une manifestation semblable, celle-là inoffensive et sympathique, organisée à
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l’occasion d’un mariage, pour soutirer aux nouveaux époux le tribut qu’exige la tradition, soit une danse, un repas ou une aumône». Dans ce dernier cas, il s’agit d’une réjouissance populaire qui semble avoir perdu son caractère normatif. Si aucune violence n’est manifestée, le bruit entourant l’événement suffit à souligner la désapprobation populaire, si douce soit-elle, face à un comportement «déplacé53». Jean Provencher nous apprend d’ailleurs qu’à Montréal, de 1767 à 1773, 20 veufs «apeurés», sur le point de se remarier, ont écrit à l’évêque pour lui demander une dispense des trois bans, de crainte d’être victimes de charivari, ce qui indique que cette manifestation pouvait être fort intimidante54. A.J.B. Johnston suppose que des charivaris ont eu lieu à Louisbourg mais admet qu’aucune source ne le confirme. Il avance l’hypothèse que les remariages rapides sont plus courants et plus facilement acceptés dans les villes, ce qui resterait à démontrer55. Que les charivaris soient joyeux ou cruels importe peu aux autorités. En 1703, Mgr de Saint-Vallier écrit que, «comme il est de grande importance d’empêcher les abus qui peuvent arriver dans les secondes nôces, Nous désirons que les Curez fassent connôitre au peuple l’horreur que l’Eglise a du Charivary, qui est tres-opposé à la dignité & sainteté du Mariage56». Le prélat ordonne qu’on affiche et qu’on lise au prône de l’église paroissiale de Québec et autres lieux du diocèse le mandement émis en 1683 par son prédécesseur, M gr de Laval, faisant «très expresses inhibitions et défenses à tous les fidèles de l’un ou l’autre sexe de notre diocèse de se trouver à l’avenir à aucune des dites assemblées qualifiées du nom de charivari, aux pères et mères d’y envoyer ou permettre que leurs enfants y aillent, aux maîtres et maîtresses d’y envoyer leurs domestiques ou permettre volontairement qu’ils y aillent, le tout sous peine d’excommunication»57. Les prélats cherchent ainsi à éviter les incidents qui ont suivi, en 1683, le mariage d’une jeune veuve de 25 ans à peine trois semaines après le décès de son mari, François Vézier dit Laverdure. La population offensée par ce veuvage écourté avait décidé de servir un charivari au nouveau couple. Le tapage a duré six jours et n’a pas manqué d’alarmer les autorités civiles et religieuses, qui tentèrent de réduire les manifestants au silence. En 1728, pourtant, un nouveau charivari a lieu à Québec, après le remariage de Joseph Marie Caron, huissier au Conseil supérieur, qui a épousé, quatre mois après le décès de son épouse, la célibataire Marie Madeleine Levasseur dit Lavigne, fille d’un sculpteur, de trois ans sa cadette58. Tout indique que la rapidité du remariage est encore à l’origine de ce bruyant
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cortège d’hommes, de femmes et d’enfants de divers milieux sociaux qui parcourt la ville à la tombée de la nuit. Convoler avant la fin de l’année de deuil est perçu dans la société française d’Ancien Régime, et particulièrement chez les membres de l’élite, comme un manque de respect envers la personne disparue59. Nombre de remariages auraient pu théoriquement s’attirer les foudres des «charivaristes» à Québec et surtout à Louisbourg, où les unions conclues avant la fin de l’an de viduité touchent 36 % des couples, comparativement à 26 % dans la capitale canadienne (tableau 15). Toutes proportions gardées, les veufs ont manqué à la bienséance plus fréquemment que les veuves, soit deux fois plus souvent à Québec (33 % et 14 %, respectivement) et un peu moins à Louisbourg (53 % et 30 %), où le comportement des femmes se rapproche de celui des veufs québécois. C’est que le respect du délai de viduité est plus significatif pour les femmes que pour les hommes. Tout d’abord, rappelle le juriste canadien Cugnet, «la femme est meprisée si elle ne pleure pas son mari pendant l’an du deüil, ce qui n’est pas imposé au mari60». En guise de compensation, les héritiers du défunt mari sont obligés de fournir à la veuve les habits de deuil aux dépens de la succession, tandis que le veuf doit porter le deuil de sa femme à ses frais. Cette clause s’applique surtout aux gens des classes plus aisées, car le montant est fixé par la justice selon la situation du ménage; le juriste Guyot affirme qu’il «n’y a point de frais de Deuil pour les femmes du bas peuple, c’est pourquoi elles sont dispensées d’en porter les marques extérieures61». Par ailleurs, les autorités civiles voient d’un mauvais œil les remariages rapides des veuves, pour des motifs liés à la succession. Le pouvoir conféré aux femmes par le statut de veuve, s’il est perçu comme étant nécessaire, crée néanmoins un malaise dans une société où le système de transmission des biens vise à garder la propriété entre les mains des hommes. Les accusations de sorcellerie en NouvelleAngleterre pendant la période coloniale sont sans doute l’expression la plus dramatique du malaise qui entoure le pouvoir des veuves comme des autres femmes. La plupart des personnes accusées de sorcellerie dans ces colonies anglo-américaines sont des femmes (célibataires, mariées ou veuves) qui devaient hériter ou qui avaient hérité du bien familial en l’absence d’un héritier mâle dans leur famille immédiate. Ces femmes sont une aberration et un obstacle au cours normal des choses62. Le phénomène est demeuré marginal en NouvelleFrance63, mais le veuvage y est sans doute, comme en France, considéré comme une boîte de Pandore d’où peuvent s’échapper tous les
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maux attribués à la nature féminine. On craint en effet que les femmes ne dépassent, par frivolité ou par goût de pouvoir et de liberté, l’esprit des nouveaux droits qu’on leur accorde. Bossuet, par exemple, déplore en France le fait que «la viduité est regardée, non plus comme un état de désolation …, mais comme un état désirable, où affranchi de tout joug, on n’a plus à contenter que soi-même64». Le préambule de l’Édit des secondes noces promulgué en France en 1560 accuse directement les veuves qui se remarient d’oublier leur devoir face aux pauvres orphelins de père en avantageant démesurément leurs nouveaux maris, croyant naïvement que l’amour, plutôt que l’appât du gain, a mené à la nouvelle union. Ces femmes, cause de nombreuses querelles familiales, auraient mené à la ruine de bonnes familles et contribué ainsi à miner la force de l’État65. Ces angoisses à propos du patrimoine sont intimement liées à une volonté de contrôle de la sexualité féminine et de protection de la dignité masculine. Le respect de «l’an de deuil ou de viduité» donne à la veuve le temps de donner naissance à un éventuel héritier du défunt mari tout en honorant la mémoire du disparu. En se remariant trop rapidement, les veuves empêchent l’identification formelle du père, cruciale en matière de transmission du patrimoine. Les veuves aux mœurs légères sèment quant à elles l’inconvenance, le doute et le germe du désordre social en s’éloignant du droit chemin de la vertu féminine. En ces matières, le droit français a subi l’influence de la jurisprudence romaine et de sa «haine des secondes noces». Selon les lois romaines, écrit le juriste Guyot, «non-seulement [les veuves] étoient obligées de s’abstenir du mariage pendant l’année du Deuil, mais encore de mener particulièrement durant ce temps-là une conduite chaste, décente & honnête. Celles qui menoient une vie impudique, en blessant l’esprit de la loi qui ne leur permettoit point de se remarier avant l’année du Deuil, ajoutoient à cette espèce d’infraction un outrage à la mémoire de leur mari. La loi pour punir leur désordre & leur ingratitude, prononçoit contr’elles les mêmes peines que contre celles qui se remarioient avant le temps déterminé66.» Les veuves qui se donnaient à un nouvel époux avant l’expiration de l’année de deuil ou qui avaient un comportement déréglé pendant cette période étaient privées de tous les avantages qu’elles tenaient de la libéralité de leur premier mari par contrat de mariage ou autrement. Les peines introduites par les lois romaines contre les femmes qui se remarient pendant l’année du deuil n’ont pas été appliquées uniformément en France. En pays de droit écrit, dans le sud du
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royaume, les parlements se conforment aux lois romaines, mais en pays coutumier, «l’an de viduité n’est que de bienséance», et la veuve qui se remarie avant l’année révolue du décès de son mari n’est généralement privée que de la somme qu’elle aurait pu demander pour porter le deuil, «car ces habits n’étant accordés qu’à la charge par elle de porter le Deuil pendant une année, on ne peut pas dire qu’elle les ait voulu gagner, dès qu’en se remariant avant le temps, elle renonce au Deuil pour lequel ces habits lui étoient fournis67». Celui qui épouse une veuve lui fait en effet quitter le deuil de son premier mari, tandis que celle qui épouse un veuf prend le deuil de celui-ci. Le discours juridique reprend ici une caractéristique classique des inégalités entre les hommes et les femmes qui veut que ces dernières prennent le statut du mari, avec tout ce que cela entraîne sur les plans symbolique et pratique. Si la veuve qui se remarie dans l’an de viduité n’est habituellement pas privée, en pays coutumier, des avantages que lui a faits son premier mari, des circonstances particulières ont engagé des tribunaux à porter des jugements autres68. La loi dans la métropole serait notamment «inflexible contre celle qui par ses déréglemens déshonore la mémoire du défunt69». Les maris sont, pour leur part, dispensés des peines de l’an du deuil, même en cas de mariage hâtif ou de débauche, «soit par les prérogatives de leur sexe, soit parce qu’il n’y a pas les mêmes inconvénients à craindre70». Le statut privilégié des veufs en tant qu’hommes les met donc à l’abri de toute poursuite en cette matière. Dans son traité des lois de l’ancienne colonie française, le juriste canadien Cugnet ne fera pas mention de la perte d’avantages matrimoniaux en cas de remariage de la veuve avant la fin du délai de viduité ou en cas de vie déréglée. Il rappelle seulement que quand elle se remarie, la femme doit pour garder son douaire «donner bonne et suffisante caution» – l’équivalent de la perte de l’avantage coutumier – au lieu de la simple caution juratoire nécessaire à la délivrance de son douaire, «et ce, en haine des secondes nôces et pour la sureté des enfans et des autres héritiers du mari, à qui la proprieté en apartient au defaut d’enfans71». Au dix-neuvième siècle, des veuves accusées d’adultère devront pourtant défendre leur droit au douaire devant les tribunaux, pendant une période, il est vrai, où la pertinence de cet avantage matrimonial est chaudement débattue72. Au dix-huitième, les ordonnances visant des veuves canadiennes menant une vie déréglée ne font que leur enjoindre, parfois en s’adressant à leur amant, de mettre fin à leur «commerce illégitime». Ainsi, en 1705, l’intendant
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Raudot publiera une ordonnance contre un dénommé Lebeuf et la veuve Saint-Laurent, habitant la côte de la rivière Duchêne, «qui ont mené une vie scandaleuse», et l’intendant Bégon fera défense à Michel Beaugis, une douzaine d’années plus tard, «de demeurer dans l’étendue de la paroisse de Lachine et d’entrer dans la maison de la veuve Thomelet, a cause du scandale qu’il a causé dans la paroisse depuis plusieurs années par la fréquentation qu’il a eue avec cette femme73». Aucune ordonnance des intendants ne vise des personnes veuves de la ville de Québec, où il est peut-être plus difficile de se livrer à de tels désordres en raison de la proximité des autorités civiles et religieuses. Le comportement des veuves et des veufs ne semble pas causer d’émoi particulier chez les autorités louisbourgeoises74. La méfiance règne tout de même envers les veuves qui convolent rapidement en secondes noces, et les plus hautes instances judiciaires de la colonie n’hésitent pas à priver ces mères «indignes» des avantages prévus par leur contrat de mariage quand les intérêts des enfants sont menacés. Les membres du Conseil souverain de la Nouvelle-France doivent ainsi juger d’une cause portée devant eux en 1700 au sujet de la Canadienne Jeanne Jarousselle, veuve de Simon Lereau, mort en novembre 1670 en laissant trois enfants en bas âge, et qui, «au lieu d’en avoir soin comme une véritable mère et de la conservation de leurs biens oubliant non seulement sa qualité de mère envers sesdits enfants, convola en secondes noces le 5e février ensuivant avec Robert Coutard, ce qui la rendait indigne des avantages de ses conventions matrimoniales d’avec ledit Lereau75». La rapidité du remariage de Jeanne Jarousselle, célébré trois mois seulement après le décès de son premier mari, a pesé dans la balance du jugement rendu par le Conseil souverain, qui insiste cependant par la suite sur la dissipation des biens de la première communauté au détriment des enfants du premier lit de Jarousselle. L’histoire ne dit malheureusement pas de quels avantages matrimoniaux elle sera privée. Comme le rappelle le juriste français Claude de Ferrière, la «haine des secondes nôces» vise particulièrement «ceux qui ayant des enfans d’un 1er lit, oublient le devoir que la nature leur enseigne, pour rechercher aux dépens de leur propre sang, ce qui leur fait plaisir76». Le Conseil souverain expose bien cette vision des choses dans un jugement de 1703 concernant la veuve d’un dénommé Durand, qui a convolé en secondes noces peu après le décès de son mari, au grand malheur de sa fille, «puisqu’oubliant l’affection qu’elle devait à son enfant, et qui l’obligeait à conserver ce qui lui appartenait très légitimement, elle n’a
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travaillé et dans son contrat, et depuis ce mariage qu’à l’en dépouiller … et c’est en cet endroit que on connaîtra jusque ou va l’affection d’une mère pour son second mari au préjudice d’une pauvre orpheline destituée de tuteur et défenseur77». C’est dans ce même esprit que le Conseil accordera facilement à Joachim Doyon, mineur de 23 ans, ses lettres d’émancipation lui permettant de gérer et d’administrer ses biens, parce que sa mère, Françoise Cloutier, «aurait convolé en secondes noces avec un jeune homme de vint ans», trois ans après le décès de son mari Antoine Doyon. Le remariage de la veuve Doyon avec un jeune homme de 20 ans son cadet semble avoir nourri les craintes des autorités judiciaires quant à la gestion des biens du mineur par une mère ayant fait un choix que l’on considère, de toute évidence, peu éclairé78. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les rares veuves canadiennes et louisbourgeoises qui convolent «rapidement» l’aient fait presque toutes après sept mois de deuil79, donc à un moment où une grossesse due au défunt ne pouvait passer inaperçue. L’honneur et le patrimoine sont donc saufs. Les veufs, qui n’ont que faire de ces considérations, se remarient plus souvent pendant la première moitié de l’an de viduité, surtout à Louisbourg où plusieurs hommes convolent au cours des quatre premiers mois suivant le décès de leur conjointe. Les écarts d’âges marqués sont très fréquents lors des secondes noces malgré l’inquiétude que cela peut susciter chez les autorités et dans la population, les charivaris visant également ce type d’unions «mal assorties» – du moins sous le régime britannique au dixneuvième siècle. Durant la période française, la norme pour les premières unions est que les maris soient plus âgés que leur femme et que la différence d’âges ne dépasse pas dix ans, ce qui est vrai des couples observés pour cette étude comme de la population en général80. Par contre, la moitié (54 %) des veuves de Québec et de la ville-forteresse sont plus âgées que leur second mari; les veufs, qui s’unissent presque toujours à des femmes plus jeunes qu’eux (88 % à Québec et 56 % à Louisbourg), sont dans la grande majorité des cas leur aîné de plus de 10 ans (58 % et 56 %, respectivement) (tableau 16). Les veuves prennent rarement un mari de dix ans leur aîné (deux cas à Québec et un à Louisbourg), mais 10 veuves ont au moins 10 ans de plus que leur nouveau mari81. Les chiffres concernant la ville-forteresse doivent toutefois être considérés avec prudence puisque l’écart d’âges entre la veuve et son second mari est inconnu dans 79 % des cas, et entre le veuf et sa seconde épouse, dans 44 % des cas (tableau 17). L’ampleur de l’écart d’âges lors des secondes noces est due en partie au statut
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matrimonial du nouveau conjoint. Les personnes veuves, indépendamment de leur sexe, épousent en effet des célibataires plus de trois fois sur quatre, les femmes un peu plus souvent (81 %) que les hommes (76 %) à Québec. À Louisbourg, seuls un veuf et une veuve épousent une personne de même statut matrimonial. Les couples où le mari est beaucoup plus avancé en âge sont sans doute moins dérangeants pour les esprits que ceux où la femme est l’aînée de plusieurs années. En effet, l’autorité maritale est plus facilement incarnée, symboliquement parlant, par un mari d’âge mûr que par un jeune homme ayant épousé une femme d’expérience. Encore une fois, les sources ne disent pas si les charivaristes s’en sont formalisés en Nouvelle-France comme ils le feront au Bas-Canada. On ne sait pas davantage si les mésalliances, c’est-à-dire les unions entre gens de statuts sociaux différents, peuvent y être source de représailles populaires comme au siècle suivant, ou de sanctions civiles en vertu des lois du royaume. Le cas échéant, les veuves seraient cependant les seules visées par la loi, toujours par souci de préservation du patrimoine. Une ordonnance publiée en France en 1579 met en tutelle les «femmes veuves, même ayant enfans d’autres mariages, [qui] se remarient follement à personnes indignes de leur qualité, &, qui pis est, les aucunes à leurs valets82», ce qui rend nulle toute transaction impliquant leurs biens. Les veufs qui épousent leurs servantes sont pour leur part à l’abri de toute accusation. Le juriste Guyot, qui s’interroge sur la raison de cette différence, illustre bien l’inégalité de statut des hommes et des femmes dans la société française d’Ancien Régime : «Seroit-ce parce que les femmes veuves peuvent encore déshonorer la cendre de leurs maris défunts, tandis que l’infamie du mari ne peut rejaillir sur la mémoire de sa femme décédée? Non, la loi considère seulement le préjudice que de tels mariages peuvent faire à la femme, qui, en les contractant, descend à la condition de celui qu’elle épouse; au lieu que le mari élève celle qu’il choisit. Le législateur a regardé comme un [sic] insensée la veuve qui s’oublie à ce point; il a cru devoir mettre à l’abri le patrimoine de ses enfants83.» Déjà, en France, les arrêts en cette matière sont peu nombreux, notamment parce que les préjugés sur les mésalliances ont changé depuis l’ordonnance, et parce que l’on tient compte de certaines «exceptions naturelles» : «Il arrive quelquefois … qu’une veuve est excusable d’épouser son domestique; par exemple, la veuve d’un artisan ou d’un laboureur, qui épouseroit son garçon pour entretenir sa boutique, ou par la nécessité de continuer le train de sa charrue. Ce
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sont là des exceptions naturelles : les veuves des hommes du peuple pourroient difficilement, sans de pareils mariages, continuer leur commerce & leur train; d’ailleurs, leurs garçons sont plutôt leurs compagnons que leurs domestiques84». Dans la colonie canadienne, les veuves sont peu nombreuses à épouser des gens d’un groupe social moins élevé, et rien n’indique que les autorités aient pris des mesures pour tenter de les en dissuader. Parmi les 44 cas (sur 57 remariages) où nous connaissons les deux professions, sept veuves (16 %) ont épousé un homme issu de milieu en principe moins favorisé, tandis que plus de la moitié (54,5 %) sont demeurées en terrain connu; les autres (29,5 %) auraient fait de leur mariage un exemple de promotion sociale (tableau 18)85. Si l’on excepte les immigrants cherchant à s’établir dans la colonie grâce à un mariage avec une femme plus aisée, les veufs n’ont pas à s’inquiéter, en tant qu’hommes, du statut social de leur future épouse. Leur propre situation socioprofessionnelle a cependant une grande incidence sur leur propension et leur rapidité à se remarier. À Québec, les gens de commerce, sans doute plus souvent en mesure d’embaucher une servante que les artisans, se remarient beaucoup moins souvent et rapidement que ces derniers. La moitié (50 %) des marchands et les trois quarts (75 %) des gens de métier convolent en secondes noces (tableau 19), les premiers après quatre ans de veuvage en moyenne, et les seconds au bout de deux ans (tableau 20). Les veuves de marchands, pourtant considérées comme des partis avantageux, ne se remarient ni plus ni moins souvent que les épouses d’artisans mais trouvent plus rapidement mari le cas échéant, puisqu’elles convolent en moyenne après deux ans de veuvage86. Le délai moyen avant les secondes noces est d’environ trois ans chez les femmes en général et les veuves d’artisans de Québec, et un peu plus court (deux ans et demi environ) chez les Louisbourgeoises, dont le comportement se rapproche de celui des hommes de la capitale canadienne. Les veufs de la ville-forteresse battent quant à eux tous les records de vitesse (1,5 ans). Dans le cas des veufs, l’importance des écarts invite à la prudence : le mariage le plus hâtif a lieu après deux mois de veuvage et le plus tardif, après 21 ans de viduité. Les autres unions ont lieu, globalement, dans des délais moyens. Le veuvage est beaucoup plus long, bien sûr, pour les conjoints qui ne se remarient pas. Les femmes vivent en moyenne deux fois plus longtemps en état de viduité (17 ans à Québec et à Louisbourg) que les hommes (11 et 7 ans, respectivement) (tableau 20). Dans la capitale
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canadienne, la différence est plus marquée chez les artisans, chez qui les veuves vivent trois fois plus longtemps (22 ans) que les veufs (7 ans) avant de décéder, et moindre chez les marchands, où les membres des deux sexes connaissent des veuvages de durées moyennes plus comparables, quoique toujours plus longs pour les femmes (15 ans) que les hommes (12 ans). Les dangers liés aux métiers de la construction expliquent sans doute cette différence entre les hommes de divers groupes socioprofessionnels. Pour bon nombre de personnes, les défis que pose le veuvage ne seront donc pas de courte durée. Cela est surtout vrai des femmes, déjà moins portées au remariage à cause de considérations morales et discriminatoires liées à l’âge – le discours catholique qui fait de la procréation le but premier du mariage, et la connotation négative qui marque la vieillesse au féminin. En cela, rien ne distingue nos deux villes de la société française d’Ancien Régime. Dans le marché matrimonial équilibré de Québec, la vingtaine est propice au remariage malgré l’encadrement plus strict des parents et de la justice que connaissent les jeunes femmes. Le remariage se maintient chez les hommes jusqu’à 50 ans mais pas chez les femmes, dont le taux de remariage est en chute constante à partir de la trentaine et pour qui l’âge de 40 ans marque un tournant décisif. La charge familiale, qui suit normalement l’avancement en âge, ou les conséquences légales d’un remariage pour les femmes (perte de la pleine capacité juridique et du douaire), semblent des facteurs moins déterminants à cet égard que l’âge pris isolément. À Louisbourg, la réalité démographique change la donne : la rareté des femmes complique le remariage des veufs dans la quarantaine et facilite celui des veuves, qui convolent même à cinquante ans. L’Église invite pourtant celles qui ont passé l’âge d’enfanter à se sanctifier par un veuvage vertueux et chaste – tout en considérant les veuves comme étant marquées par la déchéance de la chair, contrairement aux hommes à qui ces considérations ne s’appliquent pas. Il est également conseillé aux veuves de s’affairer, idéalement dans les bonnes œuvres, afin de ne pas s’exposer au vice. Au minimum, on s’attend à ce qu’elles soient courageuses et débrouillardes et s’efforcent de ne pas devenir, économiquement parlant, un poids pour la société. La pleine capacité juridique leur est accordée pour cette raison, et pour leur permettre de gérer le patrimoine des enfants mineurs. Ici comme ailleurs, les autorités gardent l’œil ouvert, cherchant à protéger le patrimoine des orphelins des excès ou
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négligences d’une mère convolant trop rapidement ou étourdiment en secondes noces. Les charivaristes auraient pu dénoncer bien des unions contractées avant la fin de l’an de viduité, mais surtout chez les hommes. En effet, ces manifestants joyeux ou agressifs, dénoncés par l’Église, n’auraient pu nier les égards des veuves hâtives pour l’honneur et le patrimoine du défunt, ni le fait que les conceptions prénuptiales, tardives, se font dans la perspective du remariage. La norme est cependant quelque peu égratignée par les écarts d’âges marqués des secondes unions, et le modèle patriarcal, par le grand nombre de femmes plus âgées que leur second mari (cependant que les frontières socioprofessionnelles demeurent assez étanches). Ces secondes noces, ou la mort, signalent la fin d’un veuvage dont la durée varie énormément selon le sexe, l’âge, le lieu de résidence et la catégorie professionnelle. Dans l’intervalle, si l’Église et la loi se soucient peu des conséquences qu’entraîne sur le plan domestique le départ de l’épouse, ces problèmes bien réels doivent néanmoins être solutionnés par les veufs, au même titre que ceux, d’ordre économique, rencontrés par les veuves.
3 Veuves et veufs : la famille au cœur des stratégies de survie
Quelques mois après le décès du marchand Louis Boucher dit Lajoie, en 1734, le notaire Barbel se rend au domicile du défunt à la requête de sa veuve, Marie-Jeanne Renoyer, «afin de faire inventaire et description de tous … les biens, meubles, effets, titres et papiers, dettes actives et passives delaissés après le déces» de son mari. C’est «tant en son nom, a cause de sa communauté de bien avec ledit feu Sieur Bouché, que comme mere et tutrice élue en justice aux enfants mineurs issus de leurs mariage» que la veuve Boucher, âgée de 29 ans, entreprend ces démarches. La mère de deux enfants précise «que le presant inventaire ne poura luy nuire ny prejudicier aux quallités quelle poura prendre soit daccepter ou renoncer a sa ditte communauté apres quelle aura prise une parfaitte connoissance dycelle1 ». Veuve, Marie-Jeanne Renoyer peut désormais prétendre au statut de chef de ménage et jouir de la pleine capacité juridique. Cette redéfinition du rôle des femmes au moment où elles perdent leur mari vise simplement à leur donner les moyens de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille tout en assurant la transition sur le plan patrimonial. Les considérations économiques et financières sont au cœur des préoccupations des veuves, qui subissent presque inévitablement une baisse de niveau de vie après le décès de leur conjoint, malgré les avantages coutumiers ou contractuels auxquels elles ont droit. Les nouveaux pouvoirs qui leur sont accordés leur permettent notamment de sceller le sort de la communauté de biens, l’une des décisions les plus importantes qui leur revient, et de veiller aux intérêts de leurs enfants en tant que tutrices «naturelles» ou élues en justice2. Marie-Jeanne Renoyer peut, comme toute femme ou tout homme en état de viduité, continuer la communauté de biens avec ses enfants
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jusqu’à la majorité de ceux-ci – et même plus longtemps avec l’accord de ces derniers – ou jusqu’à ce qu’elle se remarie. Les biens meubles et immeubles faisant déjà partie de la communauté avant la mort du conjoint et ceux qu’elle acquiert pendant la continuation de la communauté sont alors mis en commun3. Les personnes veuves, quel que soit leur sexe, ont également le droit de procéder au partage de la communauté avec leurs enfants au moment opportun : elles bénéficient alors de la moitié des biens et sont responsables de la moitié des dettes de la communauté4. Le droit de renoncer à une communauté de biens endettée est cependant un privilège réservé aux veuves, en guise de compensation pour leur dépendance pendant les années de vie commune. Le juriste canadien Cugnet explique que «le mari étant le maitre de la comunauté et pouvant en disposer à sa volonté, il était necessaire d’accorder à la femme le privilege d’y renoncer, et lui donner par ce moien la faculté de se decharger des dettes créées pendant le mariage et contractées par le mari, parceque ce dernier pouvant seul creer des dettes, sans son consentement, et la femme ne pouvant en contracter aucunes, sans être autorisée par son mari, il doit être au choix de la femme d’accepter la comunauté ou d’y renonçer5». Pour se prévaloir de leurs droits, il suffit pour les veuves de faire une déclaration de renonciation devant notaire et de faire procéder à l’inventaire, «les choses étant encore entières», de préférence avant trois mois et 40 jours. La loi protège également les veuves qui décident de procéder au partage de la communauté avec leurs enfants sitôt après le décès du mari, en mettant leurs biens propres à l’abri des créanciers. Cela signifie qu’elles ne seront tenues de rembourser leur part des dettes que jusqu’à concurrence de ce qu’elles obtiendront lors du partage. Si les biens communs n’arrivent pas à éponger les sommes dues, les créanciers de la communauté ne pourront se rabattre sur les héritages de la veuve. Le mari ne peut en effet hypothéquer le patrimoine de sa femme sans son consentement, c’est-à-dire qu’il ne peut, seul, obliger sa femme pour plus que ce qu’elle doit retirer de la communauté. Il s’agit encore une fois de compenser les droits du mari sur les biens communs. Un veuf pourrait être contraint à vendre une terre héritée de sa famille pour rembourser les dettes de la communauté de biens, puisqu’il doit assumer les conséquences d’une mauvaise gestion des biens communs, dont il est seul tenu responsable6. Les seules veuves qui pourraient subir le même sort sont les marchandes publiques, qui font commerce de façon autonome, et les femmes qui se sont obligées
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au remboursement d’une dette avec leur mari par acte notarié. Ces dernières peuvent cependant en être indemnisées sur les biens du mari et de ses héritiers, en cas de poursuite, si cela est expressément stipulé dans leur contrat de mariage – ce qui est généralement le cas à Québec (82 %) mais rarement à Louisbourg (12 %). Les femmes de la ville-forteresse sont donc plus engagées face à la communauté conjugale, notamment celles, majoritaires, qui n’ont signé aucune convention matrimoniale. Quatorze des 20 contrats canadiens qui ne font pas mention de l’indemnité pour dettes ont été faits pendant le dernier quart du dix-septième siècle, et trois autres au tournant du dixhuitième, période pendant laquelle cette clause n’était pas encore tout à fait établie dans l’usage dans les régions où la Coutume de Paris est en vigueur7. Par ailleurs, les trois quarts des contrats de Québec (80 sur 109) et la moitié de ceux de Louisbourg (34 sur 77) indiquent que les futurs époux ne seront pas tenus aux dettes contractées par leur conjoint avant la célébration du mariage – ce qui correspond à la situation d’une bonne majorité des habitants de la paroisse canadienne de Neuville étudiés par Geneviève Postolec8. Cela signifie que si une dette antérieure au mariage a été payée par la communauté, le conjoint débiteur ou ses héritiers devront rembourser le survivant à la dissolution de la communauté. On aurait pu s’attendre à un pourcentage plus élevé de clauses de séparation de dettes, compte tenu du grand nombre de fiancés originaires de l’extérieur de la colonie, surtout à Louisbourg, et de l’inquiétude que cela pourrait susciter chez les contractants et leurs familles. Ces résultats reflètent donc l’engagement d’une minorité importante d’hommes et de femmes face aux obligations antérieures de leur futur époux, surtout dans la ville-forteresse. L’histoire ne dit pas ce qu’il est advenu de la communauté BoucherRenoyer mentionnée au début de ce chapitre. Il semble que la plupart des femmes en état de viduité choisissent de poursuivre la communauté pendant un certain temps puisque, d’une part, les renonciations et les partages sont rares et, d’autre part, la majorité des contrats de mariage en secondes noces font mention d’un inventaire de la précédente communauté qui vient d’être fait ou qui le sera bientôt. Cette impression pourrait être vérifiée par une étude plus poussée des actes notariés faits pendant la période de viduité, et par le dépouillement des archives de la Prévôté de Québec, où des renonciations auraient pu être déposées sans qu’il en soit fait acte devant notaire. Quoi qu’il en soit, au moins neuf veuves canadiennes et une veuve louisbourgeoise renoncent à une
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communauté «plus onereuse que proffittable», certaines dédaignant même de faire dresser un inventaire puisque le coût des procédures risquerait d’absorber la valeur de la communauté. C’est le cas de Louise Resche, veuve du marchand canadien Jean-Joseph Lepicard, qui justifie son choix en établissant la précarité de sa situation : «Elle n’auroit fait proceder a aucun inventaire de biens attendu que le peu de meubles et effets qu’ils avoient ne le meritoit pas, et que d’ailleurs les hardes et linges a l’usage dudit feu Sieur Lepicard ont eté par ladite veuve employés a elever François Lepicard et Jean-Baptiste Lepicard enfants issus de leur mariage, que ladite veuve s’est trouvée obligée de venir faire sa demeure en la maison de Margueritte Pinard veuve de feu Sieur François Resche sa mere, afin de pouvoir loüer la maison dépendante de la succession [de son mari] et des revenus en pouvoir elever lesdits mineurs9.» La Louisbourgeoise Marie-Suzanne Basanière se trouve dans une situation semblable. Elle affirme dans son contrat de mariage en secondes noces qu’elle «a renoncé tant aladite communauté qua la succession de feu son mary, accause qu’elle a une parfaitte connoissance que ses dettes passives absorbent considerablement ses dettes [actives], et ce quil peut avoir delaissé, qui ne conciste qu’en de tres mauvaises hardes, linge et vieux meubles de si peu de valeur qu’ils n’ont pas merité dêtre inventoriés10.» Certaines veuves ont de mauvaises surprises après le décès d’un mari qui ne les a pas toujours tenues au courant des démarches entreprises au nom de la communauté dont il était le maître, ou quand elles ont carrément été tenues à l’écart des aspects formels ou informels de la gestion de la société conjugale. La méconnaissance des dettes de la communauté est le lot de plusieurs veuves, si l’on se fie aux déclarations faites lors des inventaires après décès ou à d’autres moments pendant la période de viduité. Marie-Anne Corbin, veuve du charpentier Fabien Badeau, renonce à une communauté endettée en apprenant par des créanciers qui veulent la traîner devant les tribunaux l’existence de dettes contractées «a son insû» par son mari, craignant même que «par la suitte peut estre s’en pouroit il encore trouver11 ». Marguerite Forestier, veuve renonçante du cordonnier Pierre Léger, qui a participé activement à la gestion de la communauté pendant ses années de vie conjugale, affirme néanmoins pendant la confection de l’inventaire que les dettes passives «ne sont pas a sa connoissance precise et dailleurs elles ne la regardent point attendu ladite renonciation12». La situation est encore plus pénible dans les familles où l’autorité maritale a pris toute sa force et où le mari n’a fait aucune place à
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l’épouse dans les affaires de la communauté. C’est le cas pour LouiseMadeleine de Peiras, veuve de Paul Denis de Saint-Simon, conseiller au Conseil supérieur de Québec, qui depuis le décès de son mari «s’est informée autant qu’il luy a eté possible de ce qui s’est passé dans la communauté qu’elle a eu [avec son mari afin d’] apprendre ce qu’elle ignore, attendu que … son epoux l’a toujour tenu dans une telle sujettion, soit qu’elle fut en cette ville ou a la campagne dans le lieu appellé la source d’ou elle n’avoit pas la liberté de sortir pour les choses les plus indispensables, que tout luy a eté caché et qu’elle n’a pas eu la liberté de prendre aucun conseil sur ce qui la regardoit et interroissoit ses enfants; cette situation oblige la ditte Dame déclarante de protester qu’elle ne pretend en aucune maniere donner son consentement ny approuver ce qui aura eté fait au préjudice et contre ses droits et contre les droits de ses enfans quand même elle y auroit signé13». Lors de l’inventaire des papiers de la communauté, la veuve protestera d’ailleurs contre une donation sous seing privé faite à sa fille et à son gendre, qui «paroist signée de mondit feu Sieur Denis de St Simon et [d’ellemême] … disant ne la point reconnoistre et n’en avoir jamais entendu parler a son mary14 ». Elle vise clairement sa fille et son gendre quand elle fait allusion à ceux qui «luy cachent ce qu’ils devroient luy faire sçavoir», la poussant à faire faire un inventaire «afin que ceux qui ont eu le maniment des affaires et biens de ladite communauté soient obligés de s’expliquer15». Si certaines veuves utilisent sans doute cette image de la vulnérabilité féminine pour parvenir à leurs fins, notamment face aux créanciers de la communauté, la plupart décrivent vraisemblablement les conséquences d’une organisation sociale qui les maintient dans une dépendance certaine pendant leurs années de vie conjugale. L’indignation de la veuve Denis révèle, par ailleurs, qu’il existe bel et bien des limites morales à la sujétion des femmes dans la colonie, surtout quand leurs droits et ceux de leurs enfants sont en jeu. En tant que créancières privilégiées entre tous, les veuves qui renoncent à une communauté lourdement endettée se réservent toujours leur douaire et, sauf exception, les autres droits qui leur ont été accordés par convention matrimoniale, c’est-à-dire par contrat de mariage. Les douaires sont généralement élevés à Québec et chez les contractants de Louisbourg, surtout chez les membres de l’élite coloniale. Ils dépassent la plupart du temps, et souvent de beaucoup, les 300 livres qui sont la norme dans les campagnes canadiennes (tableau 21). La plupart des douaires préfix sont en effet égaux ou supérieurs à 400 livres. Les artisans de la capitale canadienne et de Louisbourg, de même qu’un
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bon nombre de marchands des deux villes, stipulent le plus souvent des douaires valant entre 400 et 1 000 livres16. Seule une minorité de veuves d’artisans de Québec (moins du cinquième) et trois dans la villeforteresse devront se contenter du douaire de 300 livres. Ce sont généralement les pêcheurs ou les maîtres de grave (responsables du séchage à terre) de Louisbourg et certains artisans ou travailleurs moins bien nantis de Québec qui stipulent ces douaires les plus modestes. À Louisbourg, plus des deux tiers des douaires préfix sont supérieurs à 1 000 livres; rappelons que ces conventions sont stipulées par les rares contractants, surtout issus de l’élite coloniale. On croit souvent, à tort, que les femmes qui continuent la communauté de biens n’ont pas droit au douaire. Maintes études expliquent en effet que les femmes qui renoncent à la communauté ont le droit de retirer leur douaire, sans préciser que les autres ont également droit à cet avantage coutumier de toute première importance. Aucune disposition de la Coutume de Paris ne limite cet avantage viager aux veuves renonçantes. De fait, les rares actes de partage de communautés repérés chez les notaires de Québec précisent clairement que la veuve prend son douaire en plus de sa moitié des biens communs, les enfants se divisant le reste. Ainsi, Anne LeBlanc, veuve du charpentier Pierre Ménage, aura droit à son douaire de 500 livres en plus de la moitié des 3 765 livres provenant de la vente des biens de la communauté, ce qui représente près des deux tiers de la valeur totale de celle-ci17. Et la veuve du menuisier Claude Legris, Marie-Josèphe Martin dit Jolicœur, retirera 82 % de la valeur totale de 7 500 livres de sa communauté, soit la moitié des biens communs, ses reprises (la moitié d’une maison et d’un emplacement hérités de son père), ainsi que son douaire préfix de 2 000 livres18. Nathalie Pilon, qui donne un autre exemple de partage conférant une part considérable des biens à la veuve grâce à son gain de survie, estime cependant que «ce ne sont pas toutes les veuves qui exercent leur droit au douaire, ce dernier grevant considérablement la part des enfants surtout lorsque la communauté est peu fortunée19». Cette hypothèse est très plausible, puisqu’à ma connaissance aucun historien intéressé à ces questions de nature économique et successorale n’a signalé une tendance à partager les biens entre la veuve et les enfants de façon aussi inégale. Il serait néanmoins intéressant de vérifier cela à partir d’une analyse sérielle des partages. Contrairement au douaire, qui revient aux veuves en vertu du droit coutumier, les préciputs stipulés dans les contrats de mariage doivent
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être protégés par une clause expresse en cas de renonciation à la communauté. Aux montants prévus par les fiancés, le plus souvent égaux ou inférieurs à 300 livres à Québec comme en milieu rural canadien, et généralement supérieurs à 400 livres à Louisbourg (tableau 22), s’ajoutent souvent (en «augment») les habits à l’usage de la survivante, sa chambre ou son lit «garny», ses «bagues et joyaux». Les maris sont également visés par la clause préciputaire, généralement «réciproque», qui lui accorde ses armes, ses livres, ses chevaux ou les outils liés à sa profession, en plus du montant prévu (tableau 23). À Québec, où la plupart des couples prévoit un préciput, et à Louisbourg, où seule une minorité de couples le fait, le préciput de la veuve est généralement protégé en cas de renonciation par elle à la communauté (91 % et 71 %, respectivement). Malgré la présence d’une telle protection dans son contrat de mariage, la Canadienne Françoise Douville décide de laisser entre les mains des créanciers, sur lesquels elle devrait normalement avoir priorité, son préciput de 300 livres et la chambre garnie qui lui reviennent de droit; son contrat de mariage précise pourtant qu’elle ne sera tenue à aucune dette de la communauté, même celles auxquelles elle se serait obligée avec son mari. Cette veuve mineure du marchand Robert Belan, qui agit sous l’autorité d’un tuteur malgré son statut matrimonial, affirme vouloir ainsi «aider de sa part a acquitter les sommes deub par son defunt mary» et en arriver à une entente avec les créanciers qui réclament 1 834 livres, soit environ 250 livres de plus que la valeur totale de la communauté20. Elle tirera peut-être profit des bonnes relations ainsi forgées lorsque, des années plus tard, elle s’occupera de la boutique de son oncle, un marchand de Québec. Une analyse des renonciations faites au greffe de la Prévôté de Québec permettrait de vérifier si ce cas est exceptionnel. Si les veuves ont le droit de reprendre leurs biens propres, celles, assez peu nombreuses, qui en ont fait entrer une partie dans la communauté par convention matrimoniale n’y ont droit, en cas de renonciation, qu’en vertu d’une stipulation expresse au contrat de mariage. À Québec, la plupart pourront ainsi reprendre cet apport, quel qu’il soit (tableau 24). Dans la ville-forteresse, les femmes auront généralement droit à l’intégralité de leurs biens propres, si propres il y a, grâce à la règle coutumière qui, en l’absence d’un contrat de mariage, prévoit que les époux font patrimoine (c’est-à-dire héritages) à part. Les rares Louisbourgeoises qui font entrer une partie de leur dot dans les biens communs sont par contre plus engagées face à la communauté
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de biens que les Canadiennes de la capitale, leur contrat de mariage leur permettant deux fois moins souvent la reprise de cet apport. Ainsi, Jeanne Thesson, épouse de Nicolas Boitier dit Berrichon, qui avait mis en communauté les deux tiers de la dot de 5 000 livres reçue de ses parents (les habitants-pêcheurs louisbourgeois Elie Thesson dit Laflourie et Simone Million), n’aurait pu reprendre ces biens si elle était devenue veuve et avait renoncé à la communauté, mais elle aurait pu récupérer la moitié de la valeur d’une goélette de 45 tonneaux (soit 1 500 livres) qui lui était restée en propre. Par contre, Anne Henriette Lagrange, comme quelques-unes de ses concitoyennes de Louisbourg et la plupart des veuves de Québec, pourra reprendre «franc et quitte de toutes dettes et charges» les biens qui lui seront advenus par succession, donation ou autrement après la célébration du mariage. Son mari Louis Bertin, maître chirurgien, s’était obligé avant la noce «a fournir quittance des biens mobiliers quelle recevra pour lui servir et valloir lors de la reprise de ses avantages21». La Coutume de Paris prévoit que seuls l’argent et les biens meubles sont engloutis automatiquement par la communauté de biens, tout comme les biens fonciers donnés ou légués par des collatéraux ou des étrangers, à moins bien sûr que le contrat de mariage ne stipule le contraire, par exemple dans le cas d’une dot constituée en propre à l’épouse. Les propres, c’est-à-dire les immeubles reçus en héritage des parents, n’entrent pas dans la communauté et sont repris par le conjoint survivant au moment de sa dissolution (sauf s’ils avaient été «ameublis» par contrat de mariage). Les veuves auront aussi un droit de reprise sur les biens de la communauté si leurs propres ont été aliénés sans remploi pendant le mariage, c’est-à-dire si aucun bien n’a été acquis avec les deniers provenant de la vente de ces propres22. En fait, ce droit appartient aux époux des deux sexes, mais il vise surtout à protéger la femme des abus du mari, qui administre la communauté pendant le mariage et qui pourrait ne pas se soucier du remploi des propres de sa femme autant que des siens; il profiterait indûment de cette somme tombée en communauté, puisqu’il en obtiendrait la moitié au partage. Si les biens communs sont insuffisants, la veuve sera remboursée sur les propres du mari; les héritages de la femme ne peuvent cependant être touchés par le veuf qui se retrouverait dans la même situation, puisqu’il était en mesure de voir au remploi de ses propres héritages aliénés pendant les années de vie commune. Une veuve qui n’avait pas donné son consentement à la vente de ses propres peut intenter une action contre les acquéreurs ou leurs successeurs.
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Toutes ces mesures de protection suffisent-elles à assurer aux veuves leur subsistance jusqu’à la fin de leur viduité? Rien n’est moins sûr. D’autres études devront analyser plus systématiquement cette question. L’observation des stratégies de survie révèle déjà que la situation économique des Canadiennes et des Louisbourgeoises varie énormément en situation de veuvage, ce qui ne surprend guère. Leur richesse fluctue également avec le temps, et une bonne capacité d’adaptation leur est nécessaire pour assurer leur survie. Peu de veuves semblent en mesure de vivre simplement de leur fortune. Leurs ressources financières permettent sans doute à une majorité d’entre elles de vivre quelques années dans l’indépendance, comme c’est le cas dans la France du dix-huitième siècle. Une fois ce revenu épuisé, écrit BeauvaletBoutouyrie, «[la veuve] est contrainte au travail, au remariage, ou doit demander une assistance23». En Nouvelle-France, les veuves, qui se remarient beaucoup moins souvent que les veufs à partir de 30 ans, sont nombreuses à entreprendre certaines activités professionnelles pour remplacer le maître de la société conjugale. Cette nécessité est reconnue tant par le peuple que par les autorités coloniales, qui n’hésitent d’ailleurs pas à faciliter la tâche à certaines femmes. C’est ainsi que l’intendant Raudot accorde à une veuve une commission de concierge des prisons de Québec, «en ramplacement de son mari» et sous la caution de son fils, «qui demeure avec elle dans les dites prisons». Un autre intendant, Michel Bégon, décide qu’en ce qui concerne la société qui fait la pêche aux marsouins près de Rivière-Ouelle, «les veuves de Noël Pelletier et Jean Dechêne y seront reçues au lieu et place de leurs maris en fournissant chacune un homme capable de travailler à la dite pêche comme les autres associés24». Les autorités louisbourgeoises font également affaire avec des veuves, par exemple Antoinette Isabeau, veuve Planton, entrepreneure pour les fortifications de Louisbourg après la mort de son frère, Michel Philippe Isabeau. De même, l’aubergiste et marchande Catherine de Beaujour, veuve du charpentier Pierre Lelarge, fournit des matériaux de construction et diverses marchandises à l’administration coloniale, notamment du charbon pour l’entretien du «fanal de la tour de la lanterne» qui guide les navires jusqu’au port25. Beaucoup d’autres veuves ont laissé des traces d’activités professionnelles fort diversifiées. Si les fonctions publiques et militaires leur sont interdites et qu’elles ne peuvent, pour des raisons «évidentes», devenir charpentières ou maçonnes, rien ne les empêche de commercer, de tenir une auberge ou un cabaret, ou encore de diriger les opérations
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d’une entreprise de pêche, d’un atelier ou d’une boutique d’artisan, même quand il s’agit d’une forge ou d’une tannerie. Les corporations ne se sont pas implantées au Canada et n’ont donc pu limiter, comme en France, l’accès des veuves à certains métiers26. Si le travail professionnel des veuves est important et significatif, il n’y a cependant pas lieu de lui prêter une ampleur particulière, surtout en l’absence d’études comparatives. On peut encore moins parler d’une émancipation féminine avant la lettre, ces activités n’ayant pas en NouvelleFrance le sens qu’elles ont dans la société d’aujourd’hui. Souvent mal préparées à prendre la relève et chargées d’autres tâches relevant plus typiquement de leur sexe, les veuves arrivent d’ailleurs difficilement par leur seul travail à remplacer le maître de la société conjugale. Les activités professionnelles des femmes d’âge plus mûr s’inscrivent en fait dans une démarche en constante adaptation au fil du temps, des circonstances et des forces en présence. Ces veuves compensent souvent la perte du conjoint disparu en faisant appel à un autre homme de leur entourage capable de prendre en mains, en tout ou en partie, certaines activités professionnelles familiales, de les appuyer financièrement ou de les prendre carrément en charge quand elles n’y arrivent plus par leurs propres moyens, surtout quand elles sont avancées en âge. Leurs fils, leurs gendres et leurs neveux, qui forment le premier rang de ce réseau d’appuis masculins, tirent également profit de cette collaboration, tout comme leurs filles et leurs nièces27. L’entraide et le soutien économique entre les membres d’une famille, même élargie, constituent d’ailleurs une règle imposée par l’État28. Le juriste Claude de Ferrière rappelle que «de même que les ascendans sont tenus de donner des alimens à leurs descendans, quand ils en ont besoin … de même aussi les descendans qui ont de quoi, sont obligés de fournir les alimens à leurs ascendans, lorsqu’ils sont dans la nécessité29». L’Église établit également de façon claire la responsabilité qui incombe aux enfants de prendre soin de leurs parents. Dans une lettre envoyée de Paris aux curés de la NouvelleFrance en mars 1701, l’évêque de Québec, Mgr de Saint-Vallier, rappelle l’importance d’enseigner ce devoir : «Représentez aux enfants qu’ils doivent à leurs pères et mères l’obéissance, l’honneur, le respect, la soumission, le service et l’assistance. Faites leur connaître le châtiment que Dieu, qui est le Père de tous les hommes, et plus en particulier de tous les Chrétiens, prendra de ceux qui déshonoreront leurs pères et mères sur la terre, et qui les feront souffrir pendant leur vie pour ne vouloir pas contribuer à les aider par leurs secours30.» Les
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administrateurs canadiens s’en mêlent dans les «rares cas» où les enfants ne font pas leur devoir en la matière et laissent leurs parents dans le besoin, ce qui, selon l’historien Serge Lambert, arriverait surtout quand ils en sont éloignés géographiquement31. Les attentes des autorités sont sans doute les mêmes envers les familles de la jeune ville de Louisbourg, où le réseau d’entraide est forcément moins étendu que dans la capitale mieux établie de la vallée laurentienne. La confiance semble régner, car les personnes veuves ne prennent pas davantage que les couples l’habitude de préparer leur retraite, par exemple en se reposant sur leurs enfants en échange de biens offerts lors du mariage de ces derniers. C’est ce que révèle le dépouillement de 268 contrats de mariage signés par les enfants des couples canadiens de l’échantillon, dont près de la moitié ont été faits pendant une période de viduité : 85 pendant le veuvage d’une mère et 43 pendant le veuvage d’un père. À Louisbourg, le dépouillement des 116 contrats de mariage faits pendant la première période d’occupation française (1713–1744) donne le même résultat. Les parents dans la ville-forteresse préfèrent faciliter l’établissement des fiancés en leur permettant d’habiter chez eux ou d’utiliser leurs installations de pêche pendant un certain temps. Chez la minorité de veuves et de veufs sans enfants (un cinquième des cas à Québec), ce sont les femmes qui risquent le plus de souffrir sur le plan financier. Contrairement aux Louisbourgeoises, les Canadiennes qui se retrouvent dans cette situation ont souvent droit aux biens d’un mari décédé sans progéniture. La majorité des fiancés (53 %) – mais une minorité de marchands (33 %) – avaient prévu le coup par contrat de mariage (tableau 25). Ces donations, qui dépassent l’esprit et la lettre de la Coutume de Paris, touchent plus souvent tous les biens du conjoint disparu au lieu des simples biens communs, et sont accordées un peu plus souvent en pleine propriété qu’en usufruit, ce qui est encore plus vrai chez la minorité contractante de Louisbourg (tableau 26). La veuve peut ainsi disposer à sa guise des propres et de la part de la communauté qui reviendrait normalement aux héritiers du mari. Il est possible que ces donations généreuses ne soient pas reconnues devant les tribunaux canadiens si elles ont été stipulées par des personnes déjà mariées, qui n’ont normalement le droit d’accorder au conjoint survivant sans enfant que l’usufruit de la part du prédécédé dans les biens de la communauté. Le négociant Joseph Beaudoin craint que ses biens meubles et conquêts immeubles ne puissent être accordés à sa veuve éventuelle en pleine propriété, tel
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que le couple marié l’avait stipulé par acte notarié, ce qui l’incite à préciser, dans son testament, qu’il souhaite que la donation «vaille au moins pour la jouissance et usufruit», deux termes interchangeables32. Ces donations, dont la valeur réelle dépend de celle des biens du mari au moment de son décès, peuvent constituer dans certains cas une consolation pour les veuves privées du précieux réseau d’entraide que représentent normalement les enfants. La situation de ces femmes sert d’argument à l’intendant Bégon dans son plaidoyer de 1721 pour l’envoi d’esclaves noirs dans la colonie. D’après lui, s’il y avait des «nègres» en Nouvelle-France, où l’on manque déjà de domestiques et de gens de journée, les «veuves et les vieillards qui n’ont point d’enfans en état de travailler ne seraient plus obliges d’abandonner leurs habitations ou de les donner a vil prix par l’impuissance ou ils se trouvent de les faire valoir33». Les femmes et les hommes se retrouvent cependant rarement seuls en situation de veuvage à Québec et à Louisbourg pendant la première moitié du dix-huitième siècle, la plupart partageant leur deuil avec un ou plusieurs orphelins. Pour ces parents veufs, la progéniture peut bien sûr être autant source de souci que d’appui. Les problèmes rencontrés varient selon l’âge et le sexe des enfants, facteurs qui déterminent également les formes de soutien sur lesquelles les mères ou les pères peuvent idéalement compter. La plupart des personnes veuves des deux capitales (80 %) ont au moins un enfant vivant au moment où survient le décès du conjoint. À Québec, où la qualité des sources permet une telle analyse, elles en comptent, en moyenne, entre trois et quatre, les plus prolifiques n’ayant pas plus de dix rejetons34. Les personnes veuves avec de jeunes enfants sont beaucoup plus nombreuses que celles ayant des filles ou des fils d’âge adulte pour les aider. La grande majorité ont des enfants âgés de moins de 12 ans, qui exigent un minimum de soins et d’attention. Les veufs font face plus souvent (67 %) que les veuves (52 %) à cette responsabilité qui n’est habituellement pas de leur ressort (tableau 27). Près de la moitié des hommes devront assurer une présence attentive à des enfants n’ayant même pas atteint l’âge de raison (sept ans); ils seront presque aussi nombreux à devoir faire appel aux soins d’une nourrice pour leurs enfants de moins de deux ans, ce qui met en évidence la triste réalité de la mortalité maternelle. Environ une veuve sur quatre se retrouvera avec des enfants à superviser de chaque tranche d’âge : nourrissons, enfants de deux à six ans, enfants de 7 à 11 ans35. L’éducation des enfants de l’autre sexe se pose comme défi pour une minorité de personnes veuves, mais deux fois plus souvent pour les
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hommes que pour les femmes. Entre les âges de 12 et 20 ans, les enfants sont considérés comme de jeunes adultes en apprentissage que l’on prépare à prendre en mains les tâches du parent de même sexe. Les filles sont présumées pubères à partir de 12 ans et peuvent alors se marier, selon le droit canonique. Comme elles, les garçons peuvent être apprentis à partir de 12 ans, même s’ils sont considérés comme de jeunes hommes un peu plus tard, à 14 ou 15 ans, comme en témoignent les catégories des recensements36. Un veuf sur cinq a au moins une fille à qui il faut enseigner son rôle de mère et de ménagère, mais la rigidité des rôles masculins ne lui permet pas de s’acquitter de cette tâche, pour laquelle il n’est d’ailleurs pas compétent. Les veuves font face à la situation inverse deux fois moins souvent : une sur dix a des garçons dans cette tranche d’âge. Elles bénéficient pour leur part d’une certaine expérience, de nouveaux droits et d’une ouverture des mentalités leur permettant de veiller, en principe, à l’éducation de leurs fils. Les femmes en état de viduité sont en outre deux fois plus nombreuses que les hommes à pouvoir faire appel à des enfants adultes – c’est-à-dire âgés de 20 ans ou plus – capables de les appuyer, notamment dans les tâches normalement dévolues au conjoint disparu (tableau 28). La vingtaine représente un tournant puisque les garçons peuvent demander leur émancipation légale dès cet âge (soit cinq ans avant d’avoir atteint la majorité), qui est aussi l’âge moyen au mariage des filles à Québec et à Louisbourg. Une veuve sur quatre peut éventuellement être épaulée par un fils, et une sur trois, par un fils ou un gendre, tandis que seul un veuf sur cinq pourra faire appel à une fille adulte ou à une bru. Les femmes devront également veiller à marier et à doter leurs filles en âge de prendre mari une fois sur cinq, soit deux fois plus souvent que les hommes, qui auraient été mieux placés pour veiller à l’établissement de leurs filles célibataires ayant atteint la vingtaine. Les solutions choisies par les personnes en état de viduité sont influencées par la nature du réseau d’appui féminin ou masculin disponible. Les veuves dans la vingtaine, dont l’établissement était tout récent, retournent souvent à la maison paternelle, parfois menée par leur mère devenue veuve elle aussi, en attendant de prendre un second mari. On trouve de nombreux indices d’entraide entre veuves, notamment entre des mères et des filles qui font face ensemble aux difficultés qu’entraîne leur nouvelle condition. Ce type de collaboration n’est pas formalisé devant notaire. Si les pères et mères représentent le secours principal des jeunes veuves, les plus âgées, majoritaires, sont d’abord épaulées par leurs fils, notamment sur le plan professionnel. La Louisbourgeoise
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d’origine acadienne Anne Leborgne de Bellisle est recensée comme «habitante faisant le commerce» l’année suivant le décès de son mari, Jean Rodrigue, l’un des marchands les plus prospères de l’Île Royale. Elle mène son entreprise commerciale en collaboration avec ses trois fils, Michel, Antoine et Pierre, sans dissoudre la communauté de biens, jusqu’à son remariage cinq ans plus tard37. La transition semble avoir été menée de main de maître, les acquis familiaux permettant aux fils de la veuve Rodrigue de mener des activités commerciales d’importance38. La Canadienne Madeleine Delaunay, quinquagénaire et mère de plusieurs enfants majeurs au décès de son mari (le cabaretier Louis Enouille dit Lacroix) affirmera n’avoir pu compter alors que sur son fils Joseph, qui aurait toujours été à ses côtés pendant son veuvage et l’aurait particulièrement épaulée depuis l’âge de 20 ans. Le jeune homme serait «le seul de tous ses enfants qui l’aye secondé et aussi utileman a soutenu par ses travaux et son assiduité au pres d’elle dans tous services pour le soutien de sa maison et de la fabrication de tabac en poudre dont principaleman elle fait profession». C’est afin d’engager Joseph à «continuer autant qu’il le pourra ses services» qu’elle lui fait donation de toute sa moitié des biens de la communauté conjugale qui «subsiste et continue toujours», biens dont elle se réserve l’usufruit jusqu’à son décès39. Les fils d’âge adulte ne constituent parfois qu’une partie de la force de travail masculine dont les veuves tirent profit. Madeleine Roberge bénéficie pendant son veuvage de l’appui de son fils aîné, qui marche dans les traces du père disparu, le marchand Charles Perthuis. Quand Charles fils prend femme, deux ans après le décès de son père, il apporte à la nouvelle communauté 4 000 livres «quil a gaigné et amassé par ses peines, soigns et travaux, indepandament des services quil a rendus a ladite Veuve Perthuis dans son commerce depuis le deces dudit feu sieur Perthuis». Mais la femme de 41 ans ne comptait pas que sur son fils, puisque le tanneur et corroyeur Claude Hurel s’était engagé, deux mois après le décès de son mari, à conduire pendant deux ans les «traveaux et entreprises que ladite demoiselle Perthuy jugera a propos» dans une tannerie, et à «prendre soin du tout en bon pere de famille». Au terme du contrat passé avec Hurel, elle avait embauché un autre tanneur, cette seconde transaction survenant peu avant le mariage de son fils Charles, qui continuera lui aussi à l’appuyer pendant plusieurs années, notamment en réalisant certaines transactions en son nom40. Cette pratique n’est pas rare chez les veuves, même si elles s’occupent généralement des transactions assez peu nombreuses
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réalisées en leur nom durant leur période de viduité. Madeleine Roberge bénéficie sans doute de l’aide de ses filles ou de domestiques pour veiller sur ses deux jeunes garçons, ce qui lui permet de s’occuper de commerce, notamment avec ses frères, respectivement capitaine de navire et marchand41. En 25 ans de vie commune, elle n’avait pourtant mis les pieds chez le notaire que pour signer un bail de banc d’église avec son mari! Ce cas illustre clairement le silence des sources à l’égard de la participation de certaines femmes aux activités professionnelles du ménage. Certaines veuves comptent sur les ressources financières de leur fils pour assurer une partie de leur subsistance. L’Acadienne Jeanne Thibodeau, veuve de l’officer civil Mathieu de Goutin, tire ainsi, pendant une dizaine d’années, une pension de 300 livres sur les gages de conseiller au Conseil supérieur de Louisbourg de son fils, FrançoisMarie42. Des fils de milieux moins aisés apportent aussi leur contribution en prenant soin d’une mère plus avancée en âge et incapable de travailler. Mis en apprentissage chez un taillandier six ans avant le décès de son père (le soldat canadien Jean Vergeat), Joseph a toujours apporté ce qu’il a pu gagner pour soutenir sa famille, qui compte aussi cinq filles adultes. Sa mère, la veuve sexagénaire Jeanne Boisselle, qui «se voit dans l’impossibilité dacquitter» la somme de 4 200 livres que son fils lui a fournie avant et depuis le décès de son père, lui offre de prendre ce montant sur tous ses biens à son décès, à condition qu’il prenne soin d’elle jusque-là. Trois ans plus tard, quand elle lui fait donation aux mêmes conditions de la moitié de la maison où ils habitent, la veuve cherche également à se protéger des complications qui pourraient survenir si son fils prenait femme, et à s’assurer du même coup une autre source d’appui. Le contrat précise en effet, «au cas qu’il se marie et ait des enfants, qu’il ny aura rien de changé ny de diminué aux dites charges, et en cas qu’il engagea le bien alluy donné soit par son contrat de mariage ou autrement, qu’il fera obliger sadite femme aux memes charges». Jeanne Boisselle ne pouvait certes prévoir que son fils mourrait bien avant elle, sans s’être marié, trois mois plus tard. Elle bénéficiera d’une autre forme d’aide très commune en s’appuyant sur sa fille aînée, Charlotte, et sur son gendre43. C’est ce que font de nombreuses veuves quand les fils manquent à l’appel : remplacer la force de travail du mari par celle d’un gendre. L’historien Christopher Moore met bien en scène cette stratégie dans son récit quelque peu romancé du mariage d’une jeune Louisbourgeoise de 13 ans, Marie-Louise, fille de Thérèse Boudier et de
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l’hydrographe Jean-René Cruchon de la Tour. Pour la veuve Cruchon, qui subvient difficilement aux besoins de sa famille, l’arrivée d’un gendre à l’avenir prometteur tel le commis Jacques Rolland représente une solution idéale44. Les veuves s’assurent souvent les bons services du gendre par un legs ou un don fait au jeune couple. La veuve du menuisier canadien Guillaume Nicolas, Jacqueline Marandeau, qui avait pu compter sur sa jeune fille depuis le décès de son mari, fait ainsi donation à elle et à son conjoint, en échange de son entretien, du quart d’un emplacement, d’une maison, et de meubles qui appartenaient à la communauté, «attendu son age avancé et les indispositions continuelles dont elle se trouve affligée depuis lontemps et voulant reconnaistre la bienveillance et lamitié que luy temoignent depuis plusieurs années le S. Etienne Parent son gendre et Marie Joseph Nicolas sa femme, et quelle espere qu’ils luy continueront le reste de ses jours». Le jeune couple s’engage à loger la veuve avec lui, à la nourrir, à «l’entretenir de toutte choses necessaires a l’entretien selon son etat» et à la faire soigner si elle est malade, et ce, jusqu’à l’heure de son décès45. Le douaire peut également servir aux veuves de monnaie d’échange. Sept ans après le partage des biens, Denis Larchevêque reconnaît devoir à sa belle-mère, MarieJosèphe Martin dit Jolicœur, 700 livres de rente pour son douaire affecté à la maison où il demeure, somme qu’il déduira des 2 100 livres que lui doit la veuve pour autant d’années «de nouriture, logement et entretient et soignement, tant en sante que maladie, a raison de trois cent livres par année echues46». Même les veuves qui font de telles donations sans condition ou qui s’engagent, pour aider à leur établissement, à loger et nourrir leur fille et son nouvel époux sans exiger ni pension ni travaux, espèrent sans doute que le couple voudra bien les dépanner à son tour quand elles seront dans le besoin. C’est le souhait que formule Madeleine Lemire, veuve d’un journalier de Québec, qui n’exige rien en retour de la donation faite à sa fille et à son gendre de sa part d’un emplacement et d’une maison. Le geste de la veuve, qui vise d’abord à récompenser sa fille «des bons et utils services et amitiés quelle a toujours portés» à son père et à sa mère, la laisse néamoins dans «lesperance quelle et sondit mary [les] luy continurons a lavenir47». Les filles n’attendent pas de se marier avant d’aider leur mère, même financièrement. Plusieurs veuves avancées en âge et ne s’étant jamais remariées soulignent, par testament ou dans d’autres actes notariés, «les bons services» que leur ont rendus leur fille. Catherine
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Nolan dit Lamarque, veuve sexagénaire du marchand Mathieu Martin de Lino, reconnaît que sa fille Marie-Anne est toujours restée auprès d’elle depuis le décès de son mari, 15 ans auparavant, et qu’elle «est tres satisfaite et contente des secours, peines et soins qu’elle a reçus d’elle». Marie-Anne, 35 ans et célibataire au moment du décès de son père à Québec, avait notamment permis à sa mère de vendre de ses propres bijoux, meubles, vêtements et «dentelles» et d’employer le produit de la vente «a sa subsistance et a son entretien48». Des filles aident aussi leur mère en constituant elles-mêmes une partie de leur propre trousseau «par leurs peines, soins et industrie» et par leurs épargnes49. Quant à Thérèse et Madeleine Robitaille, toutes deux célibataires, elles dirigent avec leur mère, Marguerite Blute, le cabaret que celle-ci tenait jadis avec son mari. Peu après le décès de ce dernier, la veuve sexagénaire, «considerant le grand age dans laquelle [sic] elle est avancé quil ne lui permet plus de travailler et de gagner sa vie», avait fait donation à ses filles du «peu de bien quelle a herite de son dit feu mary [qui] n’est pas suffisant de la faire subsister ny de lentretenir de ce qui luy est necessaire». Le même jour, son fils Charles, taillandier de la paroisse voisine de Neuville, abandonnait à ses sœurs sa part de la succession de son père et ce dont il pourrait hériter de sa mère, «a condition quils auront bien soins de leur mere, quils la nouriront, entretiendront et la blanchiront le reste de ses jours50». Quand une veuve n’a ni fils ni gendre sur qui compter, elle se tourne parfois vers d’autres hommes de la parenté, les neveux étant souvent les mieux placés pour aider leur tante – et parmi les premiers intéressés sur le plan successoral. C’est la solution que met de l’avant Jeanne Élisabeth Cartier, âgée de 52 ans au moment du décès de son mari, le boucher Charles Larche. La veuve bien nantie51 aurait un temps poursuivi les affaires de son mari à Québec, période pendant laquelle elle a sans doute pu compter sur sa belle-famille qui habitait tout près, sur sa fille unique et sur un neveu en âge de participer aux tâches quotidiennes, puis sur les deux gendres – l’un navigateur et l’autre marchand – qui entrent successivement dans le cercle familial. Le second gendre, qui aidait déjà les deux veuves, mère et fille, avant la noce, s’est chargé par la suite des affaires de la communauté existant toujours entre les deux femmes. En dernier recours, après le décès de sa fille, quand la veuve octogénaire se trouve «hors d’etat de faire valoir le peu de biens qui luy revient, iceluy ne pouvant point suffire a ses nourriture et entretien», elle fait donation à son neveu Louis
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Normandin de ses droits sur son ancienne communauté de biens, reconnaissant ainsi «les bons soins et services» qu’il lui a déjà prodigués et lui faisant promettre «de [les] luy continuer le reste de ses jours52». Marie-Françoise Huppé, veuve du forgeron Pierre Payment, n’avait que 30 ans lors du décès de son mari. Ne s’étant jamais remariée et ayant perdu son seul enfant, elle bénéficie pendant de nombreuses années de l’appui de son frère et voisin, André, à qui elle a donné la moitié d’un emplacement à Québec53. Une fois avancée en âge (66 ans), «et hors d’etât de vivre avec le peu de bien qu’elle a faute de pouvoir le faire valoir, connoissant d’ailleurs l’affection d’Augustin Brousseau son neveu qui depuis plusieurs années la nourrit et la soigne sans aucun lucre», la veuve fait don à celui-ci de tous ses biens à condition qu’il la loge, la chauffe, la nourrisse et l’entretienne jusqu’à son décès54. Enfin, Marie-Anne Drenon, veuve sans enfants, a cédé à son neveu Pierre Coignac sa maison assujettie au douaire coutumier. Coignac doit payer à sa tante la part qui lui appartient du revenu de ce bien foncier, soit la moitié du loyer de la maison. La veuve, qui n’avait pas fait de contrat de mariage, reçoit grâce à cette opération une soixantaine de livres par an, soit l’équivalent d’une rente viagère fondée sur un généreux douaire préfix de 1 200 livres55. Les nièces mariées peuvent également se substituer aux filles en procurant à leur tante l’accès à la force de travail de leur mari, lequel s’appuiera notamment sur les biens donnés par la veuve pour lui procurer sa subsistance. C’est ainsi que la Louisbourgeoise Anne Lemoine, veuve de Mathieu Turin, s’engagera à payer pour son entretien une pension de 600 livres par an à Jean Noël, qui avait épousé sa nièce, Marianne Poirier, six ans auparavant, et qui tire déjà profit d’une partie de la maison de la veuve. Comme elle n’a pas ce qu’il faut pour payer cette somme annuelle, elle donne à son neveu par alliance pouvoir «de retirer chaque année 300 livres des mains de Joseph Arbonne maitre tailleur de Louisbourg pour montant de partie de maison louée par la veuve Turin, et quand au surplus quelle pourrait devoir a Noël, il pourra le prendre sur le montant du loyer de la maison quelle a à Louisbourg dont elle a donné partie en jouissance a Noël pendant six ans suivant son contrat de mariage avec Marianne Poirier, nièce de la veuve Turin56». Comme les filles, les nièces n’attendent pas nécessairement d’être mariées pour apporter un certain soutien à leur parente. Quand le négociant canadien Jean Lestage décède, Marie-Anne Vermette est accueillie, en l’absence de son fils et de sa fille adultes, par sa nièce et le
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mari de celle-ci, «avec lesquels elle a demeuré pendant plusieurs années et meme est decedée dans la chambre [louée] qui fesoit leur demeure commune». Dans son testament, la quinquagénaire, qui était infirme, leur léguait les meubles et ustensiles de ménage à leur usage «pour les récompenser des bons services qu’il luy ont rendus depuis qu’elle demeure avec eux et qu’ils continuent de luy rendre actuellement, et encore pour recompense des bons services qu’elle a receu en particulier de la dite demoiselle Magdelaine Bureau sa niepce avant son mariage57». De même, Anne Mossion, qui n’avait aucun enfant, avait déjà pu compter sur sa nièce pendant la maladie qui l’avait terrassée avant d’emporter son mari, l’officier militaire Paul Laferrière, en 1733. Elle soulignera dans son testament l’«amitié particulière qu’elle lui porte», lui léguant 200 livres pour reconnaître «les peines et soins qu’elle aprise aupres d’elle pendant sa maladie et en d’autres tems». La nièce en question, Marie-Anne Begas, elle-même veuve, habitait toujours chez sa tante quinquagénaire lors du décès de cette dernière, au bout de neuf ans de veuvage. Les deux femmes ne vivaient pas grassement, «l’indigence ou elle s’est trouvé» pendant sa viduité n’ayant même pas permis à Anne Mossion de respecter l’une des dernières volontés de son mari, celle de faire distribuer 600 livres aux pauvres, «ce qu’elle n’a pû faire entierement58». Les hommes, investis dès avant le veuvage des responsabilités financières de la famille, sont moins vulnérables que les femmes sur ce plan. Ils souffrent cependant de la perte de la mère et de la ménagère, qu’ils ne peuvent remplacer eux-mêmes à cause du poids des conventions sociales. Le menuisier Joseph Racine, père de sept orphelins en bas âge, est tiré exceptionnellement de sa misère par les pères du séminaire de Québec, à qui il avait «exposé sa peinne et nécessité» et qui, «voulant bien compatir, auroient charitablement pris a leurs charges quatre desdits enfants qu’ils auroient faits instruire, nourir et entretenir59». Joseph Racine leur abandonnera les intérêts d’une somme de 1 100 livres prise sur les biens de la communauté «pour la subsistance et entretient» des enfants, affirmant qu’il «ne pouvoit faire d’avantage60». Le besoin d’une femme, pour les travaux ménagers comme pour la supervision et la formation de sa fillette de huit ans, contraint Henri Nadeau dit Lachapelle, habitant-pêcheur de Louisbourg, à confier sa petite Angélique aux religieuses de la Congrégation Notre-Dame, le temps de se remarier. Il précisera des années plus tard qu’après le décès de sa première épouse, sa fille étant trop jeune pour «vacquer a son menage», il se maria avec Marguerite Lamotte «pour la gouverner61».
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Ce sont généralement les filles plus âgées, les femmes de la parenté ou les parentes par alliance, et à l’occasion des domestiques ou des amies, qui tirent les veufs de l’embarras dans lequel ils se trouvent quand ils sont chargés d’enfants en bas âge. Ces femmes, souvent célibataires, veuves ou délaissées, y trouvent également leur compte. C’est du moins ce que l’on observe à Québec, où les sources se font moins silencieuses à cet égard qu’à Louisbourg. Le marchand canadien Pierre Normandin pouvait compter sur sa fille aînée, Angélique, âgée de 19 ans, et sans doute sur le travail d’une domestique, pour veiller sur les cinq enfants âgés de quelques jours à huit ans que lui avait laissés son épouse en mourant. Peu après le décès d’Angélique, survenu une dizaine d’années plus tard, le veuf engage une jeune fille de neuf ans «pour le servir en qualité de servante et luy obeir [ainsi qu’]aux filles quy gouvernent son menage», notamment sa fille MarieCatherine, qui a atteint l’âge de 17 ans62. D’autres hommes se tournent vers leurs proches parentes pour compenser la perte de la mère et ménagère. Louis Gosselin, qui attendra 21 ans avant de se remarier, confie ses enfants et ses affaires à sa mère, elle-même veuve, lorsqu’il s’absente de Québec pour son commerce, sa seule fille étant déjà mariée63. Claude Vivier, journalier et père de six enfants en bas âge, fait appel à sa belle-mère qui, en l’absence de son mari, s’oblige à «avoir et prendre soing de sa famille ainsy comme elle a cy devant fait», à condition que son gendre paye le loyer de sa maison pendant les deux années suivantes et qu’il lui fournisse la nourriture nécessaire à sa subsistance64. Enfin, l’orfèvre canadien Michel Cotton confie ses filles âgées de 5 à 10 ans à sa sœur et voisine : «Etant resté veuf avec cinq enfants, deux garçons et trois filles, qu’il a peine a faire vivre et entretenir, n’ayant aucune faculté que ce que luy procure la profession qui peut a peine luy suffire pour sa seule nouriture et son entretient, travaillant peu, il auroit proposé a sa ditte soeur qui connoist sa sittuation et qui veut bien se prester a ses besoins pour pouvoir eslever, nourir, entretenir et instruire de sa proffession de couturiere les trois filles toutes en bas ages». Les fillettes devront habiter avec leur tante célibataire jusqu’à ce qu’elles atteignent l’âge de vingt ans, «pendant lequel tems elles seront tenues de rester avec elle l’une apres l’autre et de travailler de sa profession en tout ce qu’elle leur commandera d’honeste et licitte … leur voulant servir lieu d’une bonne mere, n’ayant d’autre vue que de retirer sesdittes nieces d’une extreme misere et de leur procurer une education chretienne et un etat honneste a leur naissance et a
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leur sexe65». Le placement des enfants en apprentissage est cependant rarissime chez les veufs, du moins par acte notarié. L’adversité peut créer des liens d’entraide entre des femmes et des hommes sans lien de parenté et qui ont perdu leur conjoint ou se retrouvent dans une situation similaire – les célibataires et les délaissés. C’est ainsi que les veufs bénéficient parfois du travail de femmes elles aussi veuves, généralement à titre de servantes ou de domestiques. Jacques Larcher, négociant, qui se retrouve seul à Québec à l’âge de 40 ans, avec cinq enfants à superviser, demeurera veuf jusqu’à son décès une trentaine d’années plus tard. Quand il fait son testament, huit ans après la mort de sa conjointe, alors qu’il a toujours au moins une fille en bas âge, il lègue une partie de ses biens aux veuves qui l’entourent et dont il souligne les bons services, l’une d’elle «sans préjudicier a ses gages» et l’autre «n’ayant dailleurs aucun gage par convention66». Le négociant prend également des dispositions pour que la «petite Cornette», fille de la seconde de ces femmes, soit placée pendant six mois chez les religieuses de l’Hôpital-Général de Québec ou chez les Ursulines, témoignant ainsi de l’amitié qu’il lui porte ainsi qu’à sa mère, dont les «bons services» étaient sans doute liés au soin des enfants. Les veufs avancés en âge qui souhaitent mettre fin à leur vie professionnelle ou qui ne peuvent plus subvenir à leurs propres besoins par leur labeur ou leur fortune doivent trouver, comme les veuves démunies ou dépassées par leurs nouvelles responsabilités, le moyen de pallier leur incapacité à travailler. Dans certains cas, la transition semble se faire sereinement. Ainsi, le marchand et aubergiste Louis Dunière, 67 ans, qui désire «travailler a l’affaire de son salut, pourvoir a l’etablissement de ses enfants et partager entr’eux le peu de bien qu’il a plut a Dieu luy donner», cède à ses trois fils «tout ce qui peut luy appartenir tant de son chef que comme ayant été le gereur et administrateur des biens appartenant a ses enfants par le deced de leur mere». Il exige en retour une pension de 2 000 livres par an et la jouissance d’une chambre meublée de la maison qu’ils occupent à Québec67. Certains veufs se trouvent dans une situation plus pénible qui les oblige à s’en remettre à d’autres pour leur subsistance. Les enfants de François Foucault, garde-magasin du roi, feront front commun contre l’adversité qui frappe leur père de 58 ans, «infirme et hors detat de gagner sa vie en façon quelconque». Ils conviennent que leur sœur Marguerite et son mari Alexis Lacourse, chez qui Foucault s’est «réfugié», le logeraient, nourriraient et blanchiraient pour une pension
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annuelle de 120 livres, «sans etre tenu des frais extraordinaires de maladie quelconque et d’abit non plus que d’entretien, lesquels tous se sont obligés dy contribuer68». Cinq ans auparavant, lors du recensement de 1744, le veuf était toujours identifié comme conseiller au Conseil supérieur à Québec, et entouré de femmes en mesure de veiller aux tâches domestiques, soit deux filles âgées de 16 et 20 ans et une domestique de 21 ans. Quant à Pierre Baille, qui a survécu à ses enfants et est «incapable par son grand age et ses infirmitez de veiller a ses affaires et de pourvoir lui meme a ses besoins», il fait appel à ses petits-enfants, Gabriel et Pierre Renaud, deux jeunes hommes au début de la vingtaine, à qui il donne la moitié de la maison et du terrain qu’ils occupent déjà tous ensemble, vraisemblablement depuis le décès de sa conjointe trois ans plus tôt. Il fait cela «attendu la modicité de ce peu de bien, avec lequel il seroit hors d’etat de se donner les secours de la vie, et en consideration de ce que les dits donnataires ont eu soin de lui, l’ont nourri et chauffé depuis deux ans et plus, et à condition par eux ainsi qu’ils le promettent et s’y obligent de le nourrir, loger, chauffer, blanchir et l’entretenir de tous ses besoins, tant en santé que maladie, et en avoir soin de cette facon, jusqu’au jour de son deces, davoir pour lui tout le respect et la consideration qu’ils lui doivent, de le faire inhumer convenablement [à son décès], et lui faire dire le nombre de trente messes». La petite-fille de ce cordonnier canadien retraité contribue aussi au bien-être de son grand-père puisque ce dernier fait promettre à ses frères de lui donner à son décès la somme de 50 livres, ses meubles et ses vêtements «en considération des services actuels quelle lui rend, de ceux quelle lui a rendus, et quelle pourra lui rendre, demeurante actuellement dans la dite maison69». Marie-Josèphe, âgée de 15 ans, s’occupe sans doute d’une bonne partie des tâches domestiques pour les trois hommes de la maisonnée, sa mère étant décédée peu après l’épouse de Pierre Baille. En situation de veuvage, il arrive parfois que les rôles soient carrément inversés, des veuves prenant en charge des hommes incapables de subvenir à leurs propres besoins, souvent en raison de leur grand âge et de leur pauvreté. Catherine Gautier, veuve du marchand JeanBaptiste Lecoudray, jouera ce rôle pour son frère de 63 ans. Ce dernier lui confie son sort en lui faisant donation de tous ses biens mobiliers et immobiliers – il possède une habitation près de Québec – à cause du «grand age dans lequel il seroit avancé qui ne luy permest plus de travailler pour gagner sa vie, d’ailleurs … le peu de biens qu’il a n’est point suffisant par ses revenus pour le nourir et entretenir de tout ce
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qui luy est nécessaire». Sa sœur devra «loger, chaufer, nourir et entretenir ledit donateur et luy fournir de tout ce qui luy sera necessaire selon sa condition tant en santé qu’en maladie jusques au jour et heure de son décès». Une quinzaine d’années plus tard, la veuve se verra «obligée par les infirmites que lui occasionnent son grand age» d’être prise en charge à son tour par sa fille et son gendre70. Le vieux Mathurin Palin Dabonville, 81 ans, ancien marchand ou navigateur, n’a trouvé de tous ses enfants qu’Angélique, elle-même veuve et demeurant à proximité, «qui veuille se charger de luy, ce qu’elle a fait depuis trois ans sans qu’il luy aye fourni que tres peu de chose». Il fait donation de 620 livres à sa fille dévouée, qui devra le loger, le nourrir et l’entretenir tant en santé que malade, et «avoir pour luy ainsy qu’elle a fait cy devant tous les egards et attentions qu’elle luy doit»; mais elle ne pourra disposer de la somme donnée «que de l’agrement de son dit pere qui en demeurera le maitre». Une dizaine d’années plus tard, les choses prennent une tournure plus typique, et c’est son fils et sa bru qui s’occuperont du veuf de 93 ans71. Enfin, une jeune veuve dans la vingtaine, Françoise Douville, apporte sa contribution financière et s’occupe de la boutique de son oncle, chez qui elle habite, pendant au moins un quart de siècle après le décès de sa tante. Le marchand Charles Boucherville, âgé de 40 ans quand il accueille sa nièce sous son toit, en 1743, reconnaît en effet une trentaine d’années plus tard avoir profité non seulement des 400 livres qui appartenaient à la mineure après le décès de son mari, mais aussi du «surplus en ses epargnes, travaux, ayant [elle] geré et administré des affaires de commerce depuis le deces de son epouse [à lui]». Étant hors d’état, «par les malheurs de la guerre», de lui rembourser la somme, il lui fait don de biens meubles, incluant de l’argenterie, à charge pour elle de «continuer sans aucune recompense a faire valoir son magasin comme elle l’a toujours fait depuis plus de vingt cinq ans72». Les personnes veuves qui ne se remarient pas ou qui demeurent en état de viduité pendant de longues périodes doivent tirer profit des ressources financières, matérielles et humaines à leur disposition pour assurer leur survie et celle des orphelins. Les femmes, plus vulnérables économiquement, sont protégées à Louisbourg par le droit coutumier parisien et à Québec par la bonification de cette coutume déjà plus prévoyante que la common law anglaise. Qu’elles renoncent ou non à la communauté de biens existant entre elles et feu leurs maris, les veuves
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canadiennes ont le droit de choisir le douaire le plus avantageux (coutumier ou préfix), généralement plus élevé qu’à la campagne, mais relatif à l’état réel du patrimoine marital et conjugal. Les conventions matrimoniales canadiennes protègent par ailleurs le droit au préciput et la reprise des biens propres ameublis des épouses renonçantes. Et la majorité des veuves sans enfants de Québec héritent en principe de tout le patrimoine du mari, qu’il soit issu de sa part des biens communs ou de ses héritages, ce qui dépasse l’esprit du droit coutumier parisien. Ces revenus suffisent un temps, soutenus assez souvent, semble-t-il, par la poursuite des affaires du mari chez les veuves d’âge moyen. Ce phénomène (à durée et succès variables) ressemble, selon l’état actuel des connaissances, à ce qui a été observé pour d’autres sociétés, et ne corrobore en rien la théorie d’un statut privilégié ou d’un champ d’action élargi pour les veuves de la Nouvelle-France. Quand celles-ci deviennent plus âgées, le douaire leur sert de levier, assurant la collaboration de jeunes hommes de la famille et de la parenté – de sang ou par alliance – qui cherchent à s’établir : les fils, les gendres et les neveux représentent, dans cet ordre, des appuis de taille pour les veuves. À cet égard et pour les considérations qui suivent, les phénomènes observés reflètent surtout la réalité canadienne, les lacunes des sources louisbourgeoises permettant difficilement de se prononcer. Les filles et les nièces, par leur collaboration et leurs mariages, contribuent également à la subsistance des veuves. En ce qui concerne les veufs, si leur survie économique est moins menacée, leur réseau d’appui est plus étroit. Ils sont minoritaires à bénéficier de l’appui de jeunes adultes, et notamment de filles et de brus pouvant s’occuper des tâches domestiques et du soin des orphelins en bas âge, avec lesquels ils se retrouvent plus souvent que les veuves. Ceux qui n’ont pas les moyens d’embaucher des domestiques font appel à des femmes célibataires ou esseulées de la parenté ou du voisinage : mère, belle-mère, sœur, amie. En vieillissant, leur vulnérabilité les pousse aux mêmes stratégies que les veuves, c’est-à-dire à chercher du soutien chez leurs enfants établis ou leurs descendants. Quelques-uns s’en remettent exceptionnellement à des femmes pour leur subsistance. Il est difficile, en revanche, d’imaginer qu’un veuf puisse se charger du ménage et du soin des enfants d’une veuve de sa connaissance. Une telle inversion de rôles n’est tout simplement pas admissible pour les hommes dans la société française d’Ancien Régime. Les sources se font par ailleurs muettes sur les tâches que peut assumer, en désespoir de cause, un veuf mal entouré n’ayant pas les moyens d’embaucher une
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domestique, surtout s’il est père de jeunes enfants. En l’absence d’un réseau d’appui féminin, les hommes peuvent-ils, littéralement, mettre la main à la pâte? Tout porte à croire qu’une telle solution ne peut être que temporaire ou appliquée de façon minimale. Les rares hommes qui se trouvent dans cette situation difficile pourraient vraisemblablement être appuyés, comme dans le cas cité de Joseph Racine, par une institution de charité. Les veuves qui ont épuisé l’éventail des ressources financières, professionnelles et humaines à leur disposition seront cependant les principales bénéficiaires du soutien moral et financier de l’Église et de l’État.
4 La veuve, une «pauvre» de prédilection
Au cours d’une visite paroissiale près de Montréal en 1714, l’évêque de Québec, Mgr de Saint-Vallier, est surpris par l’orage et doit chercher refuge dans une chaumine isolée. Un pan de misère humaine s’offre alors à ses yeux : «Là habitait une pauvre veuve, chargée de cinq enfants en bas âge, et dans la dernière pauvreté, sans pain, sans feu …» À cette vue, poursuit l’abbé Gosselin, «le cœur si tendre du bon prélat est ému de compassion. Après avoir caressé ces petits innocents, à l’exemple du divin Sauveur, il leur distribue les rafraîchissements que les religieuses ursulines lui ont préparés pour son voyage; il fait à la mère une aumône proportionnée aux besoins de sa famille, il la console et lui donne des instructions sur la manière de rendre ses croix méritoires pour l’éternité1.» Ce drame bien ficelé, rapporté par l’annaliste de l’Hôpital-Général de Québec, illustre l’attitude de la société, celle de l’Église en particulier, envers la pauvreté des veuves. Quand elles se retrouvent dans le besoin, ces femmes ont la maigre consolation de compter parmi les «bons» pauvres, au même titre que les vieillards, les orphelins, les malades et les infirmes. Comme eux, les veuves ne sont pas tenues responsables de leur malheur, contrairement à ces «faux» pauvres que les autorités coloniales ont en horreur : paresseux, voleurs, vagabonds et mendiants valides. Ces gens qui ne suivent pas le modèle de vie tracé par les dirigeants civils et religieux constituent à leurs yeux un danger pour le maintien de l’ordre et une entrave au développement de la colonie. En Nouvelle-France, conclut Serge Lambert, être un vrai pauvre «c’est de ne plus être capable de travailler pour assurer sa subsistance et de ne pas avoir de moyens compensatoires, acceptés par les autorités civiles et religieuses, pour se procurer les choses indispensables à la
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vie». Les autres, qui profitent supposément sans scrupule de la générosité des gens, méritent la potence, comme c’est le cas en France et dans les colonies anglo-américaines2. Les veuves éveillent la compassion des autorités coloniales et de la population puisque leur misère est due à la fragilité que l’on associe à la «nature féminine», à la fatalité qui leur a fait perdre leur mari et à la précarité de leur situation en tant que femmes dans une société qui institue leur dépendance. Elles n’ont pas le même accès au travail que les hommes et ne sont pas toujours en mesure de prendre la relève de leur mari. Les pouvoirs et les compensations qu’on leur accorde afin qu’elles puissent subvenir à leurs besoins et, le cas échéant, à ceux de leur famille, ne suffisent pas toujours. Celles qui n’ont pas d’enfants ou de proches parents prêts à les secourir financièrement ou capables de le faire sont particulièrement vulnérables. Les hommes, chefs et piliers économiques de la famille, ne bénéficient pas de la même compassion en situation de veuvage, le pouvoir de subvenir à ses propres besoins étant l’un des principaux attributs de la masculinité dans la société française d’Ancien Régime. L’Église coloniale est particulièrement sensible au sort de la veuve qui se trouve dans une situation précaire. Elle voit celle-ci comme une «vraie» pauvre dont elle doit s’occuper, donnant ainsi l’exemple à ses ouailles pour qu’elles fassent de cette femme la bénéficiaire de la charité dont elles doivent eux-mêmes faire preuve pour se sanctifier. La veuve est néanmoins tenue de porter vaillamment sa croix. Le Rituel préparé par Mgr de Saint-Vallier, destiné tant aux fidèles de la vallée laurentienne qu’à ceux du Cap-Breton, précise bien que pendant la visite de son diocèse, l’évêque doit prendre connaissance, entre autres choses, du «soin qu’on prend des Pauvres, des Malades, des Veuves, des Orphelins, des Vieillards». Le prélat ou ses représentants doivent demander au curé de chaque paroisse «s’il a soin des Pauvres, des Veuves, des Orphelins, des Vieillards, des Infirmes» et «s’il y a une Assemblée de Personnes de Charité pour les soulager, & pourvoir à leurs besoins; surtout quand ils sont malades3 ». Les autorités religieuses sensibilisent les fidèles au sort des veuves de plusieurs façons, mais d’abord en comptant ces dernières parmi les groupes les plus vulnérables de la société. La place de choix occupée par les veuves dans les intentions de prières prévues à la fin de la messe paroissiale est éloquente à cet égard. Dans les instructions pour le prône, l’évêque demande aux prêtres, après avoir fait prier les fidèles pour la paix et la tranquillité du royaume, le bien de l’Église, la gloire
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de Dieu et le salut de son peuple, de leur faire dire : «Nous vous prions encore, Seigneur, pour les Veuves, pour les Orphelins, pour les Malades, pour les Prisoniers, pour les Pauvres, & generalement pour toutes sortes de personnes affligées, afin que vous les consoliez, & leur donniez la patience, qui leur est necessaire dans leurs peines4.» Les veuves méritent cependant plus que compassion et prières, et l’Église encourage ses membres à les faire bénéficier de leur générosité en faisant, à l’image du prélat, esprit de sacrifice par leur aumône. La charité et les bonnes œuvres font partie, avec la foi et l’espérance, des choses nécessaires à l’obtention de la vie éternelle5. Une bonne occasion pour les fidèles de passer à l’action est la fête des apôtres saint Philippe et saint Jacques, le premier jour de mai. Le dimanche précédant cette fête d’obligation, le curé doit recommander à ses ouailles de pratiquer les instructions que saint Jacques donne dans son épître canonique. Ce dernier y insiste sur l’importance de faire de bonnes œuvres, et précise notamment que «la religion pure & sans tache aux yeux de Dieu, consiste à visiter les Orphelins & les Veuves dans leur affliction6». La politique sociale de l’Église n’est pas entièrement fondée sur la charité individuelle des fidèles, puisqu’elle prévoit des moyens concrets pour venir en aide aux pauvres. À Québec, où l’institution religieuse est solidement établie, les personnes veuves esseulées qui ne peuvent subvenir à leurs besoins à cause de leur condition de femme, de leur âge avancé, d’une infirmité ou d’une maladie, ont en effet à leur disposition un ultime recours, celui de l’Hôpital-Général, fondé par Mgr de Saint-Vallier en 1692. Entre cette date et 1750, l’institution accueille en moyenne une cinquantaine de pauvres par an «pour empecher que Dieu soit offensé». Les personnes veuves forment un sousgroupe important parmi les vieillards, les personnes esseulées et les malades qui s’y réfugient, de façon temporaire ou permanente; la proportion de personnes en état de viduité y est plus élevée chez les femmes que chez les hommes, plus souvent célibataires. Chez les vieillards de l’Hôpital-Général, où l’on compte 39 % de personnes veuves, 56 % des femmes âgées sont en état de viduité, comparativement à 19 % des hommes âgés. Les veuves sont aussi plus nombreuses chez les femmes esseulées que les veufs le sont chez les hommes7. Parmi les personnes veuves de notre échantillon canadien qui ne se sont jamais remariées, environ une femme sur 10 et un homme sur 20 ont eu recours aux soins de l’Hôpital-Général, la plupart vers la toute fin de leur vie. Déjà plus très jeunes au moment du décès de leur
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conjoint, ils et elles y mourront en moyenne vers l’âge de 70 ans. Le grand âge et la maladie sont au rendez-vous pour ces individus qui n’ont aucun enfant sur qui compter ou dont la santé exige des soins particuliers. Pour certains, outre les riches dames pensionnaires, le manque de ressources financières a pu être une autre cause de leur présence à l’Hôpital. Le décès de Louis Hévé laisse Marie–Charlotte Vergeat bien seule en 1739, leurs deux enfants étant déjà décédés. Elle dirige encore un cabaret à Québec pendant plusieurs années, ce qui lui procure les moyens de s’en remettre, après une quinzaine d’années de veuvage, aux bons soins des religieuses de l’Hôpital-Général de Québec en leur faisant donation d’une somme de 1 110 livres8. Après la mort de son épouse, en 1738, et celle de sa fille aînée, seule survivante des enfants, cinq ans plus tard, l’aubergiste Laurent Normandin dit Sauvage se retrouve également fort seul bien après avoir atteint l’âge de mettre fin à ses activités professionnelles. Il finit ses jours à l’HôpitalGénéral en 1750, à l’âge de 82 ans, après avoir habité avec la famille du perruquier Fleurant Michaux pendant la dernière tranche de ses 12 années de viduité, ce dont témoigne le recensement de 1744. Si elle cherche à alléger la misère des veuves et à les consoler, l’Église s’occupe aussi de les instruire de leurs devoirs face à l’adversité. La veuve doit en effet, comme les autres fidèles, «porter patiemment les croix & incomoditez attachées à son état», et notamment «accepter la pauvreté & les maladies9 ». Cette résignation au triste sort qui est le sien fait partie des devoirs de la veuve modèle. En outre, les femmes en état de viduité ne bénéficient pas d’un appui inconditionnel de l’évêque, surtout quand elles menacent d’empiéter sur les pouvoirs et les ressources financières de l’institution religieuse. L’opposition de l’évêque à l’arrêt du Conseil supérieur de Québec accordant aux veuves la propriété des bancs d’église pendant leur période de viduité illustre bien ce fait. Les veuves du commun figurent occasionnellement parmi les pauvres qui obtiennent de l’aide financière de l’État. Les listes de veuves ayant obtenu des gratifications10 nomment parfois des femmes appartenant à des milieux défavorisés, surtout en temps de guerre. Au Canada, en 1736, l’intendant Hocquart indique qu’il a accordé des rations pour «faire subsister» la veuve du marchand canadien Louis Prat, qui est dans une «extreme indigence»11. Le bilan financier des postes des Pays d’en haut que dresse le gouverneur général Duquesne en 1752 fait état des sommes distribuées aux pauvres veuves, officiers à la retraite, orphelins et autres; on y trouve deux veuves
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d’habitant, l’une «dont le mary vient de se noyer au service du Roy», l’autre vivant «dans une triste misere12». Mais les représentants du roi et les administrateurs de la colonie focalisent surtout leur attention et leurs ressources financières sur les membres des classes privilégiées. La guerre et les coups du destin créent de nombreuses veuves d’officiers en Nouvelle-France. Ces femmes de l’élite connaissent presque toujours, comme la plupart des veuves, une diminution de leur niveau de vie quand disparaît leur mari. Le maintien d’un train de vie conforme à leur statut social prend toutefois une dimension particulière pour les membres de l’élite13. Les veuves, comme les officiers invalides ou âgés, revendiquent les privilèges dus à leur rang, notamment celui d’être entretenues par l’État, lequel a bénéficié des services d’hommes parfois mort au combat. Ces femmes, tout en jouant de l’image de fragilité associée à la féminité, ne sont pas des victimes impuissantes recevant passivement l’aide de l’État. Elles veillent activement à leurs intérêts par leurs requêtes, placets et mémoires adressés aux autorités, ou en faisant intervenir en leur faveur des personnes influentes. Les mêmes moyens d’action sont privilégiés par les hommes de leur groupe social. Les autorités civiles de la Nouvelle-France reconnaissent l’importance de veiller au bien-être des veuves des serviteurs de l’État en leur accordant une aide financière. En 1717, quand l’Acadienne Anne Mius d’Entremont perd son mari, le gouverneur de l’Île Royale Philippe de Pastour de Costebelle, son successeur Saint-Ovide et le commissaireordonnateur de Soubras rappellent au ministre responsable des colonies qu’«il est d’usage [que] le Roy daigne accorder a une veuve danciens et bons officiers une pension convenable». Ils en soulignent toute l’importance concrète et symbolique en affirmant que «cest une heritage [sic] pour la veuve que le titre et les services du deffunt14». Le dévouement dont a fait preuve Costebelle envers la jeune colonie nourrit la compassion des autorités coloniales pour sa veuve éplorée. Elles rappellent que le défunt gouverneur a «vendu et employé tout ce qu’il possedoit [il aurait puisé 90 000 livres dans ses coffres], meme emprunté considerablement pour faire subsister les officiers, la garnison et la colonie dans le tems de la calamité et disette par le deffaut de l’envoy des vivres et fonds15 », ce qui fait qu’il laisse sa veuve et sa fille dans le plus grand embarras. C’est dans le même esprit que l’intendant et le gouverneur à Québec appuient la requête de Marie-Anne Hazeur, veuve de Michel
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Sarrazin, chirurgien du roi, en faisant remarquer au ministre que «le zele avec lequel feu son mari a servi paroist meriter, Monseigneur, que vous vous souveniez de la veuve16 ». Ils joignent à la demande des lettres décrivant longuement ses états de service. D’autres mémorialistes font référence non seulement à la qualité de l’officier décédé mais à ses liens de parenté et de patronage pour établir le mérite de la veuve. C’est ce que fait Louise Élisabeth de Joybert, ellemême veuve de l’ancien gouverneur et marquis de Vaudreuil, pour celle qu’elle place en tête de liste pour l’obtention d’une aide financière de l’État : «Feu mon mary avet eu l’honneur de vous demander une spectative danseigne an segon pour son fils ainé; feu M. de Jordi estoit un des bons offissiers q’il y eut dan la colonie; il estoit neveu de feu M. de Cabanac commandant la petite escurie et for protegé par feu monsieur le premier17.» Le mérite de la veuve elle-même est rarement mis en valeur. Le gouverneur et le commissaire-ordonnateur de l’Île Royale soulignent tout de même que Catherine de Beaujour, qui demande qu’on lui continue la demi-solde de son défunt mari, le charpentier Pierre Lelarge, habite «en cette colonie depuis le commencement de son etablissement18 ». Ils peuvent aussi faire valoir auprès du ministre que la veuve de Renon, par exemple, qui espère obtenir de l’aide de Sa Majesté, «est d’une fort bonne conduitte19». Mais ce sont davantage les problèmes de subsistance, dont la gravité est sans doute relative, qui reviennent dans les requêtes des veuves et des autorités coloniales, et ces difficultés sont la plupart du temps liées à la lourdeur de la charge familiale. La marquise de Vaudreuil souligne dans son mémoire la précarité de la situation des veuves méritantes. Un appui financier «feroit grand bien a cette veuve [du major de Trois-Rivières, le sieur de Jordi] et au nombre d’anfans qui lui reste et san bien elle meriste monseigneur vos bontés pour elle et sa famille». De même, le sieur Robineau de Portneuf «a lessé en mouran sa veuve, fille de feu Messire de Muy gouverneur du Mississipy, avec neuf anfans qui n’ont pour tout bien qu’une maison au Montreal … et madame de Porneuf meriste plus qu’un austre20» l’aide destinée aux veuves d’officiers. Les coûts liés au placement des enfants – dans l’armée, en religion ou par mariage – constituent une préoccupation majeure pour les veuves de l’élite. Ces bouches à nourrir sont autant d’avenirs à assurer. Les enfants deviendront éventuellement la source de soutien la plus sûre pour des veuves qui avancent en âge. Le poids du placement des enfants qui pèse sur les épaules de certaines veuves de l’élite est une
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réalité reconnue non seulement par l’État mais également par l’Église. En 1717, Mgr de Saint-Vallier affirme que «si ce qu’on luy a dit est vray, que le conseil ne veut plus accorder des pensions aux veuves et enfans des officiers, il assure qu’il n’y aura point de pauvreté égale à celle des familles des officiers, dont les filles ne pouront pas même se placer dans les couvents dont on a voulu fixer le nombre21». Le terme «pauvreté» ne fait pas allusion ici à l’impossibilité de subvenir aux besoins de base de la subsistance; il reflète une réalité sociale particulière, celle des membres d’un groupe favorisé veillant à sa reproduction – souvent au bénéfice de l’État et de l’Église. Dans son mémoire, la marquise de Vaudreuil ne manque pas de demander, au nom des veuves méritantes de la colonie, des places dans les troupes ou d’autres charges et emplois pour leurs fils, dont ceux de la veuve Robineau de Portneuf : «Faiste lui la grace Monseigneur d’acorder une spectative d’anseigne a son segon fils asgé au moins de vins an et a son ainé la survivance de la charge de grand voie [voyer] possedés par M. Robineau de Becancour son oncle qui est tres vieus et qui n’a point de garsons22.» Les autorités de l’Île Royale font des requêtes similaires. En 1737, le gouverneur de la colonie informera le ministre que Gabriel d’Angeac, le plus ancien capitaine de la garnison, «a laissé une veuve avec trois enfants sans bien, et hors d’etat de pouvoir payer ses debtes». Cette famille «se trouve dans une triste situation et entierement hors d’etat de pouvoir subsister, si monseigneur n’a la bonté d’accorder a la veuve une pension, et lavancement de ses deux garcons dont l’un est lieutenant et l’autre cadet a leguillette depuis la creation des cadets en cette colonie23». Si les veuves ne sont pas les seules à demander des faveurs aux autorités pour le placement des enfants, leur statut suscite particulièrement la compassion et leur procure parfois certains privilèges. Ainsi, dans un mémoire adressé au gouverneur et au commissaire-ordonnateur de l’Île Royale en 1717, le roi décrète que les enfants d’officiers ne doivent pas passer dans les compagnies avant l’âge de 14 ans, exception faite des deuxième et troisième fils de la veuve Duvivier dont le mari, officier militaire, a servi 25 ans dans les colonies, notamment en Acadie24. Le gouverneur Saint-Ovide et le commissaire-ordonnateur Le Normant de Mézy invoquent ce précédent pour se justifier d’avoir perpétué la pratique quand, une dizaine d’années plus tard, le ministre de la Marine réitère les ordres du Roi «de ne point employer de cadets au dessous de l’age convenable au service25 ». Cette année-là, cinq ou six cadets sont retranchés des compagnies de l’Île Royale à
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cause de leur jeune âge26. Les autorités louisbourgeoises continuent néanmoins à faire fi des ordres quand des veuves et des orphelins sont en cause. C’est ainsi que le commissaire-ordonnateur Le Normant de Mézy remplace le sieur Desmarest, de son vivant greffier et procureur du roy à la cour de l’amirauté de Louisbourg, par le beau-fils de ce dernier, François Lorant, «quoiqu’il n’ait pas l’age requis par lordonnance, pour qu’il puisse faire vivre la veuve qui est chargée de huit enfants dont il est l’ainé27». Les autorités de la Nouvelle-France invoquent certaines pratiques déjà établies dans la métropole pour venir en aide aux veuves des serviteurs de l’État, comme l’attribution de pensions ou de gratifications tirées du trésor royal ou du budget colonial et attribuées de façon arbitraire, quoique selon certains critères décrits ci-dessus. Les ressources financières limitées et les politiques budgétaires ne permettent cependant pas toujours la création de nouvelles pensions. Cela oblige les membres de l’élite à guetter la mort d’un officier âgé ou malade ou encore le décès d’une veuve d’un serviteur de l’État bénéficiant d’un tel privilège. Ainsi se disputent-ils une pension devenue vacante ou, du moins, une partie de celle-ci. En 1710, peu après le décès du conseiller Legardeur de Repentigny, plusieurs veuves à l’affût cherchent à se partager sa pension de 600 livres. La veuve du gouverneur de la Louisiane Daneau de Muy (mort avant d’entrer en fonction) demande la moitié de cette pension pour elle-même et l’autre moitié pour les veuves des capitaines Manthet et La Jemerais; la veuve de Repentigny, recommandée par l’évêque de Québec, en demande aussi une partie28. De telles requêtes collectives reflètent non seulement les luttes entre familles mais également une certaine solidarité entre veuves. Elles annoncent également des temps difficiles puisqu’en 1717, l’évêque s’inquiète de la rumeur voulant que le Conseil du roi ne veuille plus accorder de pensions aux veuves et enfants des officiers29. Dix ans plus tard, en 1727, le ministre informe le gouverneur de Beauharnois à Québec «que la situation des finances de Sa Majesté ne luy a pas permis d’augmenter le nombre des Pensions en faveur des veuves dont [il] avois pris la liberté d’exposer les besoins, et que tout ce qu’elles peuvent esperer se bornera aux gratiffications qui se trouveront vaccantes sur l’Etat des depenses de Canada30». Cette année-là, «comme le tant [temps] n’est pas favorable pour esperer une pansion de la cour», la marquise de Vaudreuil demande que celles de cinquante écus destinées aux veuves d’officiers «dont les font [fonds] sont faits et qui son païes an Canada par le comis des tresor generaux» soient
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accordées en priorité à la veuve Robineau de Portneuf, «et au cas qu’il ni an aie point de vaquante une odre [un ordre] pour la premiere qui vaquera de cette somme», la deuxième devant aller à la veuve de Villedonné31. Pour remédier au problème de la rareté des pensions, la marquise, consciente de l’influence dont elle bénéficie à la cour et sans doute en accord avec les autorités coloniales, propose du même souffle au ministre Maurepas que l’on fasse bénéficier les veuves d’officiers des appointements de leur mari, qui sont normalement versés à l’Hôtel-Dieu de Québec jusqu’au premier janvier de l’année suivant leur décès. Étant «dans la confiance que vous orois encore la bonté de faire quelque attantion a ses represantassions au sujet des personnes de canada qui se sont adressés a elle», la veuve de Vaudreuil opine que «ce revenan bon seroit bien mieus amploie au veuve et aus amfans des dits offissiers don la plus par reste san pain; vous leurs feries une grande charitté Monseigneur en changean cet ordre et leurs a corder [accordiez] ce revenan bon32». Quarante ans plus tard, le roi accepte que les appointements soient partagés entre les hôpitaux et les veuves et enfants de ces officiers quand ils sont dans le besoin33. En 1737, les autorités de l’Île Royale demandent au roi d’accorder «quelques rations en vivres qui pourront se prendre sur le revenant bon» à Anne Melançon, veuve d’un ancien canonnier du roi ayant «servy pendant lespace de 45 ans en france, a laccadie et dans cette colonie34 ». D’après les états financiers de la colonie, la veuve reçoit bel et bien, pendant plusieurs années, de la farine, du lard salé et des légumes provenant des magasins du roi. La distribution de rations aux veuves d’officiers dans le besoin est une pratique qui ne fait pas l’unanimité de part et d’autre de l’océan. En 1717, quatre ans après la signature du traité d’Utrecht, le commissaire-ordonnateur de l’Île Royale affirmait avoir fourni de l’assistance à plusieurs veuves d’officiers de l’ancienne Acadie française, coupées d’une partie de leur réseau familial par la conquête britannique de 1710, et qui avaient souffert économiquement du déplacement à l’Île Royale : «Madame de Falaize veuve du major de l’Acadie, êtablie au port Toulouze, ma demandé avec instance de luy faire acorder trois rations, et de representer au Conseil la situation dans laquelle elle se trouve; j’ay crû ne devoir les luy refuser jusqu’aux nouveaux ordres du Conseil. Le même motif de charité et de justice ma engagé a en accorder quatre a la veuve du feu Sr. degoûtins êtablie au Port dauphin, chargée de quatre enfants et reduitte a la derniere misere, cet homme est mort dans cette isle apres avoir fait fonction de commissaire pendant vingt ans a
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l’Acadie. Si le Conseil veut bien luy continuer cette grâce, il ne peut la repandre sur une famille qui en ait plus de besoin.» Le commissaireordonnateur Le Normant de Mézy rappelait également au ministre de la Marine que les veuves de Falaise et Desgoutins, tout comme la veuve de Renon, qui sont «acablées de famille et de besoins … ont quitté leur bien a la Cadie» à la fin de la guerre35. Mais en juillet 1720, le Conseil du roi décrète qu’il n’est pas question de distribuer ainsi des rations aux gens dans le besoin, quels qu’ils soient : «A l’egard de la demande qui a esté faite [d’accorder à madame de Villejoin] quelques rations du magasin, Sa Majesté ne veut point absolument qu’il en soit donne ny a elle ny a d’autres, les vivres quelle envoye estant uniquement pour la subsistance des troupes, elle deffend au Sr. de Mesy de les employer a d’autres usages, Sa Majesté l’en rendroit responsable sil contrevenoit a ces ordres36.» Les autorités de l’Île Royale ne respectent pas longtemps les directives de la métropole puisque quatre ans plus tard, le ministre de la Marine «est informé que lon fait distribuer des rations du magasin contre la disposition des ordres et … desire estre eclaircy de ce qui s’est passé depuis 4 ans sur ce sujet». Le commissaire-ordonnateur de Mézy reconnaît avoir soutenu et fait subsister des familles de l’Île Royale afin «de ne point discrediter la colonie ou la vie est si dure et si difficille que jusques a present il ny a aucun marchand de France un peu aisé qui veuille sy etablir ny aucun officier de Canada qui voulust y venir servir de son bon gré a moins qu’on ne l’avance». Il affirme qu’il exécutera désormais «a la lettre et sans misericorde les ordres qui [lui] serons donnés sur ce chapitre», tout en prenant «ancore la liberté de dire qu’une colonie naissante ne peut pas avoir larangement de celles qui sont etablies depuis longtemps37». Les consignes du ministre semblaient avoir été suivies en 1720 puisque l’officier chargé de vérifier l’état des dépenses de la colonie affirme avoir remarqué cette année-là «que les veuves d’officiers et autres personnes ont payé en argent ou par retenuë ce qu’ils ont en vivres ou autres effets, et qu’il n’y a eu dans ce pays de bouches surnumeraires que celles qui se plaisent a vivre comme ceux de la malheureuse Babilone38 ». L’état des dépenses de l’Île Royale envoyé régulièrement au ministre au cours des années 1730 et 1740 fera malgré tout état de rations distribuées aux pauvres chargés de famille, sans doute des veuves39. Cette pratique est alors bien établie au Canada puisqu’en 1741, le contrôleur Jean-Victor Varin de La Marre propose au Conseil du roi de réduire les dépenses
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de cette colonie en coupant notamment dans les rations fournies à de pauvres infirmes et à des veuves de gens morts au service40. D’autres solutions sont mises de l’avant par les autorités coloniales afin d’aider les veuves de la colonie. À Montréal, en 1741, l’intendant réserve aux plus vulnérables parmi les privilégiés l’adjudication publique des fournitures de vivres – farine, viande et légumes – pour la subsistance des troupes de la garnison et pour les postes de traite des fourrures : «Je n’ay pû m’empescher de procurer quelques facilités a des pauvres officiers et veuves d’officiers pour le debouché des denrées de leurs crû ou provenant d’un petit commerce. Ce pais cy a besoin de tant de secours qu’il est difficile de ne pas sy preter, surtout lorsqu’il n’en coute rien au Roy41.» C’est dans ce même esprit qu’on distribue aux femmes en état de viduité une partie des congés de traite des fourrures émis par l’État afin qu’elles puissent bénéficier du prix de la vente42. En 1731, le gouverneur général informe le ministre qu’il «ne fera participer a la distribution des congez que les veuves et filles d’officiers dont les besoins luy seront connus», ce qu’il garde comme ligne de conduite quelques années plus tard. Il justifie ainsi sa décision d’accorder à des familles dans le besoin – sans doute à des veuves de l’élite – une bonne partie du revenu tiré de la vente des congés, au lieu de payer la dot et le trousseau d’une demoiselle souhaitant entrer en religion, en dépit des pressions des parents, et ce, jusqu’à ce que le ministre lui en donne l’ordre43. À la fin de la guerre de Succession d’Autriche, qui en Amérique se déroule entre 1744 et 1748, le revenu des postes et des congés de traite ne permet plus aux autorités du Canada de fournir l’aide voulue aux familles dans le besoin. Les marquis de La Jonquière et de La Galissonière (respectivement gouverneur et commandant général de la Nouvelle-France) s’en plaignent en chœur au ministre à l’automne de 1749 et demandent qu’un fonds particulier soit destiné à ce type d’assistance et qu’on leur laisse la discrétion d’en disposer. Le premier souligne que les «charités» normalement tirées du produit de la vente des congés ont été modérées à la somme de 10 000 francs, que l’on n’a d’ailleurs pu retenir en raison de dépenses excédentaires : «J’aurai donc le déplaisir de recevoir des plaintes et les représentations d’indigence, et par des pauvres dames veuves d’officiers, et par des pauvres jeunes gens de famille. Je me verray dis-je touché vivement de leur triste situation et forcé de leur répondre : Je suis dans l’impossibilité d’y remédier en aucune façon; à moins, Monseigneur, que pressé
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par vos sentiments de compassion, vous vouliez bien destiner un fonds pour suppléer à l’insuffisance présente44.» Le marquis de La Galissonière croit aussi que les veuves et les «pauvres familles» devraient être payées indépendamment du produit de la vente des congés de traite. Sa frustration est palpable dans la lettre qu’il écrit au ministre à l’automne de 1748, où il exprime sa ferme conviction que le roi devrait lui fournir les moyens de soulager les peines des membres de l’élite : «Les denrées n’ont été si cheres que dans le tems ou je suis obligé de leur refuser le pain que le Roy avoit coutume de leur donner, elles [les veuves] croient que cela depend de moy et j’oserois presque dire que cela en devroit dependre45.» Les choses semblent s’améliorer puisque des fonds sont distribués aux «pauvres veuves [et] officiers retirés sans pension» au début des années 1750, une fois la paix conclue46. Et à la veille comme à la fin de la guerre de Sept Ans, le gouverneur de Vaudreuil, second du nom, écrira au ministre que l’aide accordée à certaines veuves a «produit le meilleur effet parmy les officiers de la colonie47 » et que la plus grande partie de ces dames, qui n’ont pas d’autres ressources pour vivre, «ont été très sensibles que vous avez bien voulu leur procurer [sic]48». Les veuves ne font pas que saigner le trésor royal, cependant. À l’Île Royale, comme sans doute au Canada, plusieurs femmes participent à l’effort de guerre en mettant leurs compétences au service du roi, moyennant un petit salaire. En 1744, à la veille de la première chute de Louisbourg, la veuve du baron de l’Espérance raccommode les capes des sentinelles, la veuve La Forest fabrique environ 300 paillasses pour les troupes, de même que des sacs et des torchons pour le service, pendant que d’autres veuves de l’élite logent chez elles des officiers et qu’une veuve de marchand se prépare à accueillir dans sa maison des prisonniers de guerre. Par ce travail, suite logique de leur participation en temps de paix, ces femmes s’infiltrent dans un territoire bien masculin, celui des activités militaires49. Les veufs, privilégiés en tant qu’hommes dans la société française d’Ancien Régime, ne sont pas une source de préoccupation pour les autorités coloniales et laissent rarement des traces dans la correspondance générale. La marquise de Vaudreuil inclut pourtant, dans son mémoire de 1727, un veuf de sa parenté, Eustache Chartier de Lotbinière. Elle souligne le mérite et les longs services du gentilhomme, l’«un des ansiens et des plus capable conseilliers du conseil superieur de quebec», de même que les besoins financiers liés à sa charge familiale, «estan veuf avec cinq anfans» en bas âge. L’influente veuve
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souligne également les circonstances particulières entourant l’état de viduité de Lotbinière. Ce dernier, l’un des rares veufs à prendre les habits, s’est fait prêtre trois ans après le décès de son épouse, à l’âge de 38 ans, et a été nommé archidiacre par l’évêque de Québec50. La marquise de Vaudreuil plaide la cause du veuf, à qui l’on semble vouloir enlever certains avantages financiers qui lui permettent de subvenir aux besoins de sa famille : «Elle vous demande an grasse monseigneur de ne le point exclure de ces gages comme conseillier clair [clerc] nom plus que de la pansion a cordes aux ansiens dont il a besoin pour eslever sa famille san qyoy il seroit oblige de se retirer, qui seroit une perte pour le conseille dont les sujet sont rare a trouver dan le pays51.» La définition du «bon pauvre» favorise les veuves, qui n’ont pas besoin d’être âgées, infirmes ou malades pour susciter la compassion des autorités civiles et religieuses du Canada et de l’Île Royale. Contrairement aux paresseux, vagabonds et autres «mauvais pauvres», elles ne sont pas tenues responsables de leur malheur, causé par la fatalité qui leur a enlevé leur mari, par la fragilité associée à la «nature féminine» et par la précarité économique découlant de leur nécessaire dépendance maritale et de leur accès limité au travail professionnel. Les pouvoirs économiques et familiaux attribués aux hommes adultes ne créent pas le même potentiel d’attendrissement. L’Église coloniale prône le soutien aux veuves par ses intentions de prières, ses aumônes et l’accueil de l’Hôpital-Général de Québec, et elle incite les paroissiens à en faire autant pour se sanctifier. Les intérêts pécuniaires de l’institution religieuse posent des limites à cette générosité, notamment quand il est question des bancs d’église, dont elle cherche à se réserver la succession. Les veuves devront, dans ce cas comme de façon plus générale, accepter chrétiennement leur sort. L’État se soucie également du bien-être des veuves, surtout celles de l’élite, nombreuses à cause de la guerre. Le titre et les états de service des défunts officiers civils et militaires sont utilisés pour tenter de pallier la perte économique que représente la mort du mari. L’attribution des rares pensions et gratifications tirées du budget colonial ou du trésor royal se fait selon certains critères étant donné la rareté des ressources : qualité de l’officier décédé, liens de parenté et de patronage, problèmes de subsistance liés à la nécessité de placer les enfants et, plus rarement, le mérite ou la bonne conduite de la veuve. Parmi les solutions coloniales figurent, pour les veuves de l’élite, l’adjudication publique des fournitures de vivres et une partie des congés de traite, et en dernier recours
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Vie et mort du couple en Nouvelle-France
l’attribution de rations, mal vue des autorités de la métropole. Pour obtenir de l’aide financière, les veuves des classes aisées compétitionnent ou se serrent les coudes dans leurs requêtes et mémoires – et se retroussent les manches, du moins à Louisbourg, en contribuant notamment par leur travail aux activités militaires. En utilisant l’image de la vulnérabilité féminine et en revendiquant les privilèges de l’élite à laquelle elles appartiennent, les veuves veillent activement à leurs intérêts tout en contribuant au maintien de l’ordre social. L’image de la veuve éplorée, symbole par excellence de la souffrance humaine, ne sert pas qu’à faire progresser les fidèles sur la voie du salut ou à obtenir de l’assistance pour des gens dans le besoin; elle contribue à l’avancement d’un groupe social privilégié. La veuve du gouverneur de Vaudreuil s’y applique d’ailleurs ardemment, comme les autorités civiles et religieuses, qui y trouvent leur avantage. La triste situation des veuves d’officiers «abandonnées» par le roi permet en outre aux autorités coloniales qui écrivent à Versailles d’illustrer la situation précaire d’une jeune colonie comme l’Île Royale et de perpétuer une certaine conception du développement colonial. L’on conçoit difficilement que la colonie puisse se maintenir sans une élite noble bénéficiant des privilèges dus à son rang. Les échanges épistolaires avec le ministre de la Marine et le conseil d’État du roi révèlent non seulement l’importance financière et symbolique de l’aide aux veuves d’officiers en Nouvelle-France, mais aussi certaines tensions entre la France et ses colonies. En défendant leurs politiques d’assistance, les autorités du Canada et de l’Île Royale revendiquent plus de pouvoir pour faire face aux défis particuliers de l’administration coloniale, faisant parfois fi de la hiérarchie. La féminité, construit social, se retrouve par le fait même au cœur des rapports de pouvoir entre la métropole et ses colonies nord-américaines.
Conclusion
L’autorité maritale n’est nullement en péril au dix-huitième siècle dans les capitales coloniales de Québec et de Louisbourg, où l’on accorde beaucoup d’importance au statut et au pouvoir des hommes. Leur champ d’action, comme celui des femmes, est délimité par une conception «étroite» des rôles sociaux féminins et masculins. Dans cette société fondée sur la division sexuelle du travail et la dépendance des femmes, les pratiques sociales, dans leur aspect formel, s’éloignent peu, ou rarement, de l’esprit contraignant des discours juridique et religieux. Les exigences de la vie quotidienne n’incitent généralement pas les femmes et les hommes à négocier autrement leur pouvoir et leurs droits. Les parcours qui s’écartent de la norme le font, sauf exception, dans un cadre prévu par la loi et la sagesse populaire. Cette relative élasticité des rôles, qui ne touche que les femmes, sert d’abord les intérêts familiaux, notamment en ce qui a trait aux activités professionnelles. Le territoire féminin est fermé aux hommes, qui font face aux défis de la vie conjugale et du veuvage en laissant intact l’ordre patriarcal. Ces tendances lourdes héritées de la société française d’Ancien Régime s’observent au dix-huitième siècle chez les familles d’artisans et de marchands de Québec et de Louisbourg, deux villes coloniales aux profils économique et démographique contrastés. Ces constats, fondés sur une analyse quantitative et qualitative de sources variées, infirment clairement, pour les phénomènes et les groupes observés, l’hypothèse d’un âge d’or de la condition féminine en Nouvelle-France. Les ressemblances avec les sociétés française, anglo-américaine et (plus tard) bas-canadienne sont grandes : différenciation et hiérarchisation des sexes, crainte de la sexualité et du pouvoir féminins, forte propension des hommes au remariage, poids du
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vieillissement et des conventions sociales chez les femmes. On ne trouve aucun indice d’un champ d’action élargi pour les épouses quant aux activités professionnelles formelles, qui demeurent le fait des maris, ou en ce qui a trait à la gestion des biens communs et même de leurs propres héritages, dont le chef de famille se réserve la gouverne. Le recours par les veuves au réseau d’entraide masculin de la parenté témoigne surtout de stratégies de survie sexuées (mais non passives), tout comme la recherche d’appuis féminins par les veufs pères de jeunes enfants. Cependant, la protection des droits et des privilèges des femmes, plus généreuse il est vrai que dans les colonies anglo-américaines, est bel et bien acquise dans les deux villes, et même bonifiée à Québec, afin de mieux pourvoir aux besoins des veuves que l’Église et l’État cherchent à secourir en cas de détresse économique… mais aussi à rappeler à l’ordre si elles abusent de leur nouvelle capacité juridique ou de leur nouvelle liberté au détriment des enfants. Les veufs, à cause du statut socioéconomique privilégié des hommes, ne bénéficient pas de cette compassion, non plus qu’ils subissent un encadrement dans leur nouvelle situation, notamment en matière de sexualité. Plusieurs nouvelles avenues de recherche s’ouvrent à la lumière de notre analyse. Le couple, qu’on a surtout vu agir sur la scène publique, doit aussi être observé sous un autre jour. Une analyse qualitative des procès, qui mettent directement ou indirectement en scène le quotidien et les mentalités, rendra sans doute avec plus de nuances la complexité des rôles féminins et masculins dans la société coloniale française. Elle permettrait notamment de faire la lumière sur la perception qu’en ont les individus, et sur l’aspect conflictuel des rapports entre les femmes et les hommes dans la famille, ce à quoi les sources utilisées dans cette étude donnent rarement accès. Il sera néanmoins important d’ajouter la biographie collective à l’étude des archives judiciaires, afin de saisir la nature éventuellement différente des stratégies familiales quand il s’agit d’aller défendre une cause devant les tribunaux. La question de la participation quotidienne des femmes aux activités professionnelles du mari pourrait également être approfondie : une telle recherche permettrait éventuellement de cerner les autres formes de contribution au revenu familial. Le veuvage, loin d’être un phénomène marginal, est une étape importante du cycle de vie dans la colonie, surtout chez les femmes d’âge mûr. Il a des répercussions socioéconomiques non seulement sur les familles, mais aussi sur l’Église et l’État, à qui il sert même d’outil politique. Une telle récupération par les autorités coloniales
Conclusion
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est-elle exceptionnelle? Le rôle du genre dans la construction du pouvoir étatique, observé ailleurs, est une question à approfondir pour les colonies françaises d’Amérique. Les membres de l’élite canadienne et louisbourgeoise font en tout cas bon usage de l’image de la vulnérabilité féminine en situation de veuvage pour maintenir leurs privilèges, en affirmant au besoin l’autorité des pouvoirs coloniaux face à la métropole. L’étude plus approfondie de la correspondance personnelle et officielle pourrait mettre en lumière les liens entre les conceptions de la féminité et de la masculinité, l’idée qu’on se fait du pouvoir, et son exercice par l’administration coloniale et ceux qui gravitent autour d’elle. L’entraide, qui s’organise d’abord autour des réseaux de parenté, montre le rôle crucial que jouent les veuves dans la transmission des biens, notamment par l’entremise du douaire. Cet avantage viager auquel ont droit toutes les femmes en état de viduité devra faire l’objet d’une analyse sérielle ne portant plus seulement sur sa valeur mais aussi sur son impact sur le partage des biens avec les enfants, et sur ses modalités. Il faut se demander quel douaire choisissent les veuves canadiennes, quelle part du patrimoine familial elles contrôlent, si l’hypothèque porte sur les biens prévus au contrat de mariage, quel revenu elles réussissent à en tirer, si elles sont nombreuses à l’utiliser comme monnaie d’échange, et avec qui elles marchandent cet avantage viager. D’autres questions se posent sur le pouvoir qu’exercent les veuves sur les biens fonciers vendus sans leur autorisation formelle ou sans leur renonciation expresse au douaire, et quant à la contestation éventuelle de leur droit au douaire devant les tribunaux par les héritiers du mari. L’analyse des procès mettant en scène des personnes veuves et des orphelins permettra de saisir les attentes des parents et des enfants après la disparition du conjoint, femme ou homme. Quels enjeux sont au cœur des discordes? Dans quelle mesure sont-ils conditionnés par le sexe et la conception que l’on se fait des rôles masculins et féminins? Les appuis de la parenté par alliance viennent-ils compliquer ceux fondés sur les liens de sang? L’observation des tensions qui pourraient résulter des secondes noces, unions souvent «mal assorties» et germes de désordre, pourrait par ailleurs éclairer certains aspects de la dynamique familiale, en ce qui a trait notamment aux rôles et au pouvoir des veuves remariées. Une telle recherche permettrait de contextualiser la portée de l’autorité maritale, bien établie dans les premières unions. La répartition des rôles se fait-elle autrement chez ces couples où les femmes sont souvent
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plus âgées qu’un conjoint qui en est à ses premières noces? Le mari partage-t-il davantage son pouvoir avec une femme d’expérience? Celle-ci agit-elle plus souvent comme représentante de la société conjugale et en son propre nom? Quel rôle joue la mère remariée dans la gestion de ses biens et de ceux de ses enfants du premier lit? Comment les hommes perçoivent-ils leur responsabilité de père suppléant pour les orphelins? Enfin, pourquoi ne pas poursuivre la démarche comparative en s’intéressant à Québec au dix-septième siècle, aux milieux ruraux de la vallée laurentienne ou du Cap-Breton, ou encore à d’autres villes canadiennes, françaises ou anglo-américaines? Cela permettrait d’établir plus clairement l’impact du stade de développement colonial et du contexte urbain sur la construction du genre, et de cerner avec plus de justesse les particularités de la colonie canadienne. On pourrait aussi s’intéresser à l’Acadie ou à la Louisiane, colonies négligées par les historiens qui confondent souvent la colonie canadienne avec la Nouvelle-France. Des études montrant les points de rupture et de continuité entre les périodes coloniales française et britannique mettraient également en lumière la renégociation des rapports sociaux entre les sexes en territoire conquis, tant sur le plan du discours que sur celui des pratiques sociales. Ces histoires sexuées méritent d’être contées.
Tableaux
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Tableaux
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Tableau 1 Répartition des couples selon la catégorie professionnelle Québec
Louisbourg
Profession du mari
n
%
n
%
Artisan
53
38,7
7
28
Marchand
32
23,4
5
20
Ouvrier non spécialisé
20
14,6
4
16
Officier
14
10,2
3
12
4
2,9
1
4
–
–
5
20
14
10,2
–
–
137
100,2
25
100
Autre notable Double profession
1
Inconnue Total couples
Cohorte A : couples formés par mariage entre célibataires dont l’union est rompue par le décès du mari (entre 1710 et 1744 à Québec et entre 1713 et 1740 à Louisbourg), après au moins cinq ans de résidence dans la ville. 1
À Louisbourg, le commerce va souvent de pair avec la pêche ou un métier de la construction.
Tableau 2 Contrats de mariage faits entre célibataires à Louisbourg selon la catégorie professionnelle, 1713–1744 Contrats de mariage Profession du mari
n
%
Artisan
14
18,2
Marchand
27
35,0
Ouvrier non spécialisé
11
14,3
Officier
17
22,1
Autre notable
5
6,5
Profession inconnue
3
3,9
77
100,2
Total contrats de mariage
104
Tableaux
Tableau 3 Veuves et veufs selon le sexe et la catégorie professionnelle Veuves Profession1 Québec
n
%
n
%
Artisan
54
39,4
77
52,4
Marchand
35
25,6
28
19,1
Ouvrier non spécialisé
18
13,1
5
3,4
Officier
14
10,2
16
10,9
4
2,9
3
2,0
12
8,8
18
12,2
Total
137
100,2
147
100,2
Total2
43
100,2
31
100,2
Autre notable Profession inconnue
Louisbourg
Veufs
Cohorte B : personnes devenues veuves à Québec entre 1710 et 1744 et à Louisbourg entre 1713 et 1740, après au moins cinq ans de résidence dans la ville. 1
Profession pour les veufs, profession du mari pour les veuves.
2
Toutes professions confondues.
Tableau 4 Type de communauté de biens dans les contrats de mariage Québec Type de communauté
Louisbourg
n
%
n
%
89
81,7
22
28,5
11
10,1
36
47,2
Universelle
8
7,3
11
14,2
Séparation de biens
1
0,9
3
4,2
Autres
–
–
5
6,5
109
100,2
77
100,2
Coutumière Incluant les acquêts
1
Total contrats de mariage
Données : pour Québec, l’ensemble des contrats de mariages signés par les couples de la cohorte A; pour Louisbourg, l’ensemble des contrats de mariages signés par les couples formés par union entre célibataires entre 1713 et 1744. 1
Biens immeubles acquis par l’un ou l’autre conjoint avant le mariage.
Tableaux
105
Tableau 5 Durée de vie commune (en années) des couples à Québec, selon la catégorie professionnelle Durée de vie commune Couples
moyenne
médiane
Artisan
53
20,4
21,5
Marchand
32
18,9
16
Ouvrier non spécialisé
20
28,2
27
Officier
14
22,6
20
4
19,5
17,5
14
6,9
4,5
137
19,9
18,5
Profession du mari
Autre notable Inconnue Ensemble des couples Données : cohorte A (Québec).
Tableau 6 Nombre d’actes notariés par couple à Québec, selon la catégorie professionnelle Nombre d’actes notariés Profession du mari
Couples
n
moyenne
médiane
Artisan
53
571
10,8
7,2
Marchand
32
661
20,7
9,2
Ouvrier non spécialisé
20
123
6,2
5,2
Officier
14
229
16,4
12,5
4
92
23,0
9,5
14
7
0,5
0,2
137
1 683
12,3
5,2
Autre notable Inconnue Ensemble des couples
Données : actes notariés signés pendant la période de vie commune des couples de la cohorte A (Québec).
106
Tableaux
Tableau 7 Répartition de l’activité notariale chez les couples, selon la participation des conjoints et l’objet de l’acte Québec
Louisbourg
succ h %
prof %
fin %
imm %
90
82
78
77
Deux conjoints
5
13
19
Épouse autorisée par son mari
4
2
Mari représenté par un tiers
1
Mari autorisé par son épouse
Participation des conjoints
tous %
tous %
14
76
76
18
75
18
20
2
1
4
3
4
2
1
1
2
2
–
–
1
–
3
5
1
–
100
100
100
100
100
100
100
Mari seul
Total
succ f %
Données : actes notariés signés pendant la période de vie commune des couples de la cohorte A, soit 1 683 à Québec et 53 à Louisbourg. Objet de l’acte : prof = professionnel. fin = financier. imm = immobilier (biens communs). succ h = succession du mari (biens propres). succ f = succession de l’épouse (biens propres).
Tableaux
107
Tableau 8 Répartition des actes notariés chez les couples, selon l’objet de l’acte et la catégorie professionnelle Québec
Louisbourg
Objet de l’acte
artisans %
marchands %
tous %
tous %
Professionnel
29
41
29
39
Immobilier
31
13
25
27
Financier
14
21
20
14
Succession de l’épouse
11
9
10
8
Succession du mari
6
6
5
4
Domestique1
1
2
1
–
Parental
1
–
1
–
Procuration à l’épouse
1
1
1
–
–
2
1
–
Autre
4
4
5
8
Inconnu
2
1
2
–
100
100
100
100
2
Social
3
Total
Données : actes notariés signés pendant la période de vie commune des couples de la cohorte A, soit 1 683 à Québec et 53 à Louisbourg. 1
Embauche de domestiques, etc.
2
Exclut les contrats de mariage des enfants.
3
Bail de banc d’église, constitution de rente à une confrérie religieuse, etc.
108
Tableaux
Tableau 9 Type de douaire stipulé dans les contrats de mariage
Québec
Louisbourg
Type de douaire
n
%
n
Choix entre douaire coutumier et préfix
90
82,6
1
1,3
Douaire préfix (somme fixe ou rente)
17
15,6
54
70,1
2
1,8
22
28,6
109
100,2
77
100,2
Douaire coutumier Total contrats de mariage
%
Données : pour Québec, l’ensemble des contrats de mariages signés par les couples de la cohorte A; pour Louisbourg, l’ensemble des contrats de mariages signés par les couples formés par union entre célibataires entre 1713 et 1744.
Tableau 10 Taux de remariage selon le sexe et l’âge au moment du veuvage Québec
Louisbourg
veuves % (n = 137)
veufs % (n = 147)
veuves % (n = 43)
veufs % (n = 31)
0–29 ans
80
90
100
100
30–39 ans
59
89
89
83
40–49 ans
42
80
67
43
50 ans et +
0
24
60
33
Inconnu
0
0
52
43
Tous âges
42
68
65
52
Âge au veuvage
Données : cohorte B; à Québec, 57 veuves sur 137 et 100 veufs sur 147 se remarient; à Louisbourg, 28 veuves sur 43 et 16 veufs sur 31 se remarient.
Tableaux
109
Tableau 11 Âge moyen au veuvage selon le sexe et l’issue du veuvage Âge moyen au veuvage (années) Québec
Louisbourg
f
h
f
h
Remariage
31,8
37,9
38,1
40,1
Décès
49,3
54,9
46,0
44,3
Tous
42,0
43,7
39,6
41,8
Issue du veuvage
Données : moyennes calculées sur la base des personnes veuves de la cohorte B (137 veuves et 147 veufs à Québec; 43 veuves et 31 veufs à Louisbourg) pour lesquelles l’âge au veuvage est connu, ce qui est presque toujours le cas.
Tableau 12 Taux de remariage selon le sexe et la présence et l’âge des orphelins à Québec Remariage (%) Type d’orphelins Tous types
Enfants à superviser (0-11 ans)
Enfants à charge, dépendants1
Enfants adultes (20 ans et plus)
Présence d’orphelins
f
h
oui
41
66
non
46
66
oui
59
80
non
23
45
oui
43
72
non
38
53
oui
7
29
non
–
–
Données : les 137 veuves et 147 veufs de la cohorte B (Québec). 1
Comprend les filles célibataires de tous âges et les garçons célibataires de moins de 20 ans.
110
Tableaux
Tableau 13 Fréquence du remariage des veuves à Québec selon la valeur de leur actif mobilier Remariage
Non-remariage
Ensemble
Valeur de l’actif par rapport à la médiane1
n
%
n
%
n
%
Moins élevé
9
45
11
55
20
100
11
55
9
45
20
100
Plus élevé
Données : 40 veuves, sur les 137 de la cohorte B (Québec), pour lesquelles la valeur de l’actif mobilier est connue par l’inventaire après décès. 1
Médiane = 1 058 livres.
Tableau 14 Fréquence du remariage des veuves à Québec selon l’endettement de leur communauté de biens à sa dissolution Remariage
Non-remariage
Ensemble
Endettement
n
%
n
%
n
%
Communauté déficitaire
4
40
6
60
10
100
Communauté non déficitaire
16
52
15
48
31
100
Données : 41 veuves, sur les 137 de la cohorte B (Québec), pour lesquelles l’endettement de la communauté est connu par l’inventaire après décès.
Tableau 15 Taux de respect de l’année de deuil chez les personnes veuves qui se remarient Québec
Louisbourg
f % (n = 57)
h% (n = 100)
h+f% (n = 157)
f % (n = 20)
h% (n = 15)
h+f % (n = 35)
Oui
86
67
74
70
47
64
Non
14
33
26
30
53
36
Respect de l’année de deuil
Données : personnes veuves de la cohorte B qui se sont remariées.
Tableaux
111
Tableau 16 Écart d’âges entre conjoints à leurs premières et secondes noces à Québec Veuves se remariant
Premières noces 1 Écart d’âges (âge h moins âge f)
n
%
n
Veufs se remariant
%
n
%
10 ans et davantage
82
28,9
2
3,5
58
58,0
5 à 9 ans
80
28,2
10
17,5
15
15,0
0 à 4 ans
72
25,4
9
15,8
15
15,0
0 à −4 ans
23
8,1
11
19,3
6
6,0
−5 à −9 ans
12
4,2
10
17,5
2
2,0
2
0,7
10
17,5
2
2,0
13
4,6
5
8,8
2
2,0
284
100,0
57
100,0
100
100
−10 ans et davantage Indéterminé Total
Données : cohorte B (Québec), soit 137 femmes et 147 hommes appelés à devenir veufs entre 1710 et 1744. 1
Hommes et femmes confondus.
Tableau 17 Écart d’âges entre conjoints à leurs secondes noces à Louisbourg
Veuves se remariant Écart d’âges (âge h moins âge f)
n
Veufs se remariant %
n
%
10 ans et davantage
1
3,6
9
56,2
5 à 9 ans
1
3,6
–
–
0 à 4 ans
1
3,6
–
–
0 à −4 ans
2
7,1
–
–
−5 à −9 ans
1
3,6
–
–
−10 ans et davantage
–
–
–
–
Indéterminé
22
78,6
7
43,7
Total
28
100,0
16
100,0
Données : cohorte B (Louisbourg), soit 43 femmes et 31 hommes appelés à devenir veufs entre 1713 et 1740. Les lacunes des sources louisbourgeoises ne permettent pas de calculer l’écart d’âges aux premières noces.
112
Tableaux
Tableau 18 Endogamie socioprofessionnelle dans le remariage des veuves à Québec Remariages Degré d’endogamie
n
%
Statut équivalent
24
54,5
13
29,5
7
16,5
44
100,5
Promotion
sociale1
Mésalliance
2
Total remariages
Données : 44 veuves remariées, sur les 57 veuves remariées de la cohorte B (Québec), pour lesquelles la profession du premier et du second mari est connue. 1
Par exemple, une veuve d’artisan épousant un négociant.
2
Par exemple, une veuve de marchand épousant un journalier.
Tableau 19 Remariage des personnes veuves à Québec selon le sexe et la catégorie professionnelle Veuves Profession1
Veufs
toutes
remariées
%
tous
remariés
Artisan
54
Marchand
22
40,7
77
58
75,3
35
15
42,8
28
14
50,0
Ouvrier non spécialisé
18
7
38,9
5
4
80,0
Officier
14
4
28,6
16
8
50,0
4
1
25,0
3
3
100,0
12
8
66,6
18
13
72,2
137
57
41,6
147
100
68,0
Autre notable Inconnue Total personnes veuves Données : cohorte B (Québec). 1
Profession pour les veufs, profession du premier mari pour les veuves.
%
Tableaux
113
Tableau 20 Durée moyenne du veuvage selon l’issue du veuvage, le sexe et la catégorie professionnelle Durée moyenne du veuvage en années (et nombre de cas) remarié(e)s Profession1 Québec
veuves
veufs
veuves
veufs
Artisan
3,4 (22)
2,2 (58)7
22,3 (32)
7,1 (19)
Marchand
2,0 (15)
4,0 (14)7
14,7 (20)
11,8 (14)
2,4 (4)7 711,2 (11)
0,1 (1)7
Ouvrier non spécialisé
Louisbourg
non remarié(e)s
3,3 (7)
Officier
5,6 (4)7
Autre notable
1,1 (1)7
1,7 (3)7
5,3 (3)7
Profession inconnue
3,7 (8)7
2,0 (13)7
20,3 (4)7
11,5 (5)7
Total
3,2 (57)
2,4 (100)
17,2 (80)
10,6 (47)
Total2
2,6 (28)
1,5 (16)7
16,9 (15)
6,8 (15)
2,4 (8)7
14,4 (10)
17,6 (8)7 –
Données : cohorte B. 1
Profession pour les veufs, profession du premier mari pour les veuves.
2
Toutes professions confondues.
Tableau 21 Valeur des douaires préfix accordés par contrat de mariage Québec Valeur du douaire préfix
n
0–300 livres
18
Louisbourg %
n
%
17
3
5
400–600 livres
41
38
5
9
800–1000 livres
18
17
6
11
Plus de 1000 livres
25
23
39
69
4
4
2
4
Rente viagère Inconnue
1
1
1
1
2
Total douaires préfix
107
100
56
100
Total contrats de mariage
109
–
77
–
Données : pour Québec, l’ensemble des contrats de mariages signés par les couples de la cohorte A; pour Louisbourg, l’ensemble des contrats de mariages signés par les couples formés par union entre célibataires entre 1713 et 1744. 1
Valeur illisible ou non précisée.
114
Tableaux
Tableau 22 Valeur des préciputs pécuniaires accordés par contrat de mariage Québec Valeur du préciput
n
0–300 livres
Louisbourg %
n
%
65
64
7
23
400–800 livres
21
21
13
43
1 000 livres et plus
15
15
10
34
Total préciputs pécuniaires
101
100
30
100
Total contrats de mariage
109
–
77
–
Données : pour Québec, l’ensemble des contrats de mariages signés par les couples de la cohorte A; pour Louisbourg, l’ensemble des contrats de mariages signés par les couples formés par union entre célibataires entre 1713 et 1744.
Tableau 23 Réciprocité et exclusivité du préciput et de l’augment dans les contrats de mariage Québec Type de préciput
Louisbourg
n
%
n
%
préciput pécuniaire
21
20,2
22
55
préciput pécuniaire et augment
63
60,6
6
15
préciput pécuniaire réciproque et augment réservé à l’épouse
17
16,3
–
–
3
2,9
12
30
Total contrats de mariage avec préciput
104
100,0
40
100
Total contrats de mariage
109
–
77
–
Égal et réciproque
Épouse favorisée Réservé à l’épouse
augment
Données : pour Québec, l’ensemble des contrats de mariages signés par les couples de la cohorte A; pour Louisbourg, l’ensemble des contrats de mariages signés par les couples formés par union entre célibataires entre 1713 et 1744.
Tableaux
115
Tableau 24 Clauses de reprise dans les contrats de mariage en communauté de biens Québec
Louisbourg
Biens compris dans la clause de reprise
n
%
n
%
Mis en communauté
66
67,3
11
29,7
Reçus par succession, donation ou autrement
85
86,7
32
86,5
Total contrats de mariage avec clauses de reprise
98
100,0
37
100,0
Total contrats de mariage en communauté de biens
108
–
74
–
Total contrats de mariage
109
–
77
–
Données : pour Québec, l’ensemble des contrats de mariages signés par les couples de la cohorte A; pour Louisbourg, l’ensemble des contrats de mariages signés par les couples formés par union entre célibataires entre 1713 et 1744. Remarque : catégories non exclusives.
Tableau 25 Contrats de mariage comportant une donation, selon la catégorie professionnelle Québec
Profession du mari
total contrats
Louisbourg
avec donation
%
total contrats
avec donation
%
Artisan
39
22
56
14
9
64
Marchand
21
7
33
27
12
44
Ouvrier non spécialisé
16
9
56
11
8
73
Officier
10
6
60
17
14
82
3
2
67
5
4
80
20
12
60
3
3
100
109
58
53
77
50
65
Autre notable Profession inconnue Ensemble
Données : pour Québec, l’ensemble des contrats de mariages signés par les couples de la cohorte A; pour Louisbourg, l’ensemble des contrats de mariages signés par les couples formés par union entre célibataires entre 1713 et 1744.
116
Tableaux
Tableau 26 Types de donation dans les contrats de mariage Québec Type de donation
n
Mutuelle : tous les biens en pleine propriété Mutuelle : tous les biens en usufruit
Louisbourg %
n
%
27
47
34
68
20
34
4
8
Mutuelle : autre
3
5
8
16
Réservée à l’épouse
8
14
3
6
Réservée au mari
–
–
1
2
58
100
50
100
109
–
77
–
Total contrats de mariage avec donation Total contrats de mariage
Données : pour Québec, l’ensemble des contrats de mariages signés par les couples de la cohorte A; pour Louisbourg, l’ensemble des contrats de mariages signés par les couples formés par union entre célibataires entre 1713 et 1744.
Tableau 27 Nature de la charge familiale des personnes veuves à Québec, selon le sexe et l’âge des enfants Veuves
Veufs
Nature de la charge familiale
n
%
n
%
Enfants à superviser (0–11 ans)
71
51,8
98
66,7
Enfants du sexe opposé à former (12–19 ans)
18
13,1
31
21,1
Enfants du même sexe à former (12–19 ans)
32
23,4
25
17,0
Filles à marier (20 ans et plus)
30
21,9
12
8,2
137
100,0
147
100,0
Total personnes veuves Données : cohorte B (Québec).
Remarque : catégories non exclusives. Pourcentages calculés sur le nombre total de personnes veuves du même sexe (y compris les sans-enfants).
Tableaux
117
Tableau 28 Présence de fils et de filles adultes chez les personnes veuves à Québec, selon le sexe Veuves
Veufs
Présence d’enfants adultes (20 ans et plus)
n
%
n
%
Fils ou fille adulte
53
38,7
31
21,1
Fils adulte
37
27,0
19
12,9
Fils adulte célibataire
27
19,7
8
5,4
Fils adulte marié
14
10,2
14
9,5
Fils adulte ou gendre
48
35,0
28
19,0
Fille adulte
45
32,8
26
17,7
Fille adulte célibataire
30
21,9
12
8,2
Fille adulte mariée
32
23,4
19
12,9
Fille adulte ou bru
47
34,3
29
19,7
137
100,0
147
100,0
Total personnes veuves Données : cohorte B (Québec).
Remarque : catégories non exclusives. Pourcentages calculés sur le nombre total de personnes veuves du même sexe (y compris les sans-enfants).
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a b ré v i at i o ns anc anq-m anq-mcq anq-q M. not.
Archives nationales du Canada Archives nationales du Québec, Centre de Montréal Archives nationales du Québec, Centre de la Mauricie et du Centre-du-Québec Archives nationales du Québec, Centre de Québec Minutes notariales
introduction 1 Jacques Mathieu fait un survol de l’histoire de la colonie dans La NouvelleFrance. Les Français en Amérique du Nord, xvi e–xviii e siècle, 2001. L’ouvrage collectif Vingt ans après Habitants et marchands. Lectures de l’histoire des xvii e et xviii e siècles canadiens, sous la direction de Sylvie Dépatie, Catherine Desbarats, Danielle Gauvreau, Mario Lalancette et Thomas Wien (1998), offre plutôt un éventail de recherches récentes et d’états des lieux sur la période coloniale. Sur la méthode et les sources utilisées pour la présente étude, voir Josette Brun, «Le veuvage en Nouvelle-France. Genre, dynamique familiale et stratégies de survie dans deux villes coloniales du xviii e siècle, Québec et Louisbourg», 2000, p. 33–42. Le lecteur ou la lectrice spécialiste consultera avantageusement cette thèse pour une présentation plus détaillée des résultats. 2 Jan Noel, «New France : Les Femmes Favorisées», 1981 (article repris notamment dans Rethinking Canada, The Promise of Women’s History, sous la direction de Veronica Strong-Boag et Anita Clair Fellman, 1991). Pour une version nuancée par l’auteure, voir Noel, Les femmes de la Nouvelle-France, 1998; «Caste
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and Clientage in an Eighteenth-Century Quebec Convent», 2001; «Besieged but Connected : Survival Strategies at a Quebec Convent», 2001. Sur les études adoptant la théorie de «l’âge d’or» comme cadre d’analyse, voir Catherine Rubinger, «The Influence of Women in Eighteenth-Century New France», 1994; et Terrence Crowley, «Women, Religion and Freedom in New France», 2000. Voir la critique de la théorie de l’âge d’or écrite par Micheline Dumont, «Les femmes de la Nouvelle-France étaient-elles favorisées?» (1982), et la réponse de Jan Noel à la suite. J’en fais aussi la critique dans «Le veuvage en Nouvelle-France». 3 Les analyses portant officiellement sur le «genre» ne sont pas légion dans la production historique sur la Nouvelle-France, ce qui n’empêche pas plusieurs chercheur(e)s d’en tenir compte tout en se concentrant normalement sur l’histoire des femmes. Parmi les études les plus stimulantes qui ont marqué mon questionnement : la fine analyse de France Parent et Geneviève Postolec, «Quand Thémis rencontre Clio : les femmes et le droit en NouvelleFrance», 1995; Geneviève Postolec, «Mariages et patrimoine à Neuville», 1995; France Parent, Entre le juridique et le social. Le pouvoir des femmes à Québec au xvii e siècle, 1991; Sylvie Savoie, «Les couples en difficulté aux xvii e et xviii e siècles : les demandes de séparation en Nouvelle-France», 1986 (l’analyse contenue dans ce mémoire de maîtrise a également fait l’objet d’un article : «Women’s Marital Difficulties : Requests of Separation in New France», 1998; Marie-Aimée Cliche, «Filles-mères, familles et société sous le Régime français», 1988; Maurice Basque, «Genre et gestion du pouvoir communautaire à Annapolis Royal au 18e siècle», 1994; et Peter N. Moogk, «“Thieving Buggers” and “Stupid Sluts” : Insults and Popular Culture in New France», 1979. De façon plus générale, voir les courts textes de Jan Noel et d’Allan Greer, tous deux intitulés «Les femmes de la Nouvelle-France» (le second dans Brève histoire des peuples de la Nouvelle-France, 1998), celui d’Isabel Foulché-Delbosc («Women of Three-Rivers : 1651–63», 1977), ainsi que la première partie de Collectif Clio, L’histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles, 1992, p. 19–148. Les survols historiographiques suivants abordent brièvement la question des femmes en Nouvelle-France : Micheline Dumont, «Un champ bien clos : l’histoire des femmes au Québec», 2000, p. 109–110; Thomas Wien, «Canada and the Pays d’en haut, 1600–1760», 1994, p. 66; Geneviève Ribordy, «La famille en Nouvelle-France : bilan historiographique», 1992, p. 24–50; Bettina Bradbury, «Femmes et familles», 1993, p. 215–217; et Naomi Griffiths, «Les femmes en Acadie : un survol historique», 1987, p. 170–177. Une foisonnante production sur l’histoire des femmes et du genre dans les colonies anglo-américaines côtoie celle, bourgeonnante, sur les rapports sociaux de sexe en Nouvelle-France.
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(Sur les études américaines, consulter l’article historiographique de Carol Karlsen, «Women and Gender», 2003.) Kathleen Brown montre pour sa part l’utilité du concept de «genre» pour l’étude des sociétés coloniales et indigènes en Amérique, notamment en Nouvelle-France, dans «Brave New Worlds : Women’s and Gender History», 1993. Sur la masculinité, voir Jan Noel, «Defrocking Dad : Masculinity and Dress in Montreal, 1700–1867», 2004. Joan W. Scott, «Genre : une catégorie utile d’analyse historique», 1988. Si le terme fait frémir les puristes, il est utile et de plus en plus courant de franciser ainsi le terme anglais «gender». Voir Françoise Thébaud, Écrire l’histoire des femmes, 1998; et Micheline Dumont, Découvrir la mémoire des femmes. Une historienne face à l’histoire des femmes, 2001. François Lebrun, La vie conjugale sous l’Ancien Régime, 1975, p. 79–80. Natalie Zemon Davis, «Women on Top», 1975; Joan Wallach Scott et Louise Tilly, Women, Work and Family, 1989; Jacques Dupâquier et al. (dir.), Mariage et remariage dans les populations du passé, 1981; Jean Portemer, «Réflexions sur les pouvoirs de la femme selon le droit français au xvii e siècle», 1984; Cécile Dauphin et Arlette Farge, «Culture et pouvoir des femmes : essai d’historiographie», 1986; Julie Hardwick, The Practice of Patriarchy. Gender and the Politics of Household Authority in Early Modern France, 1998. Les données démographiques de cette étude proviennent des fiches de famille du Registre de la population du Québec ancien du Programme de recherche en démographie historique de l’Université de Montréal (voir Hubert Charbonneau et André Larose, Du manuscrit à l’ordinateur : dépouillement des registres paroissiaux aux fins de l’exploitation automatique, 1980); de la Base de données informatisée sur la population de Louisbourg élaborée par des chercheurs du Service canadien des parcs; et du Dictionnaire généalogique des familles acadiennes préparé par Stephen White, 1999. Pour l’étude de la vie conjugale et du veuvage, les sources notariales ont été exploitées à partir des outils de recherches disponibles et des minutiers. Parchemin, banque de données notariales, 1626–1784, 1998 (les actes notariés euxmêmes ont été consultés aux Archives nationales du Québec); Hélène Lafortune, Normand Robert et Serge Goudreau, Parchemin s’explique… Guide de dépouillement des actes notariés du Québec ancien, 1989. Cette base de données couvre également l’activité notariale de l’Île Royale, à laquelle on a accès par l’instrument de recherche no 396 faisant l’inventaire des volumes microfilmés 2037–2039, 2041–2047 et 2056–2058 (Archives nationales du Canada, Fonds des colonies, série g3, Notariat – ci-après : anc, mg1, g3). Parmi les principaux juristes consultés : Charles Antoine Bourdot de Richebourg, Nouveau coutumier général…, 1724, vol. 3, p. 29–55 («Coutume de la presvoté et vicomté de Paris, 1580» – ci-après : Coutume de Paris); François-Joseph Cugnet, Traité abrégé des
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anciennes loix, coutumes et usages de la colonie du Canada, aujourd’huy province de Québec…, 1775; les ouvrages de Claude de Ferrière, Commentaire sur la Coutume de la prévôté et vicomté de Paris, 1788; Corps et Compilation de tous les commentateurs anciens et modernes sur la Coutume de Paris, 1714; Dictionnaire de droit et de pratique, contenant l’explication des termes de droit, d’ordonnances, de Coutumes et de Pratique…, 1762; Nouveau Commentaire sur la Coutume de la prévoté et vicomté de Paris, 1770; et M. Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale…, 1784. 9 Parent et Postolec, «Quand Thémis rencontre Clio»; Parent, Entre le juridique et le social. Linda L. Sturtz étudie le phénomène des femmes autorisées dans son article intitulé «“As Though I My Self was Pr[e]sent” : Virginia Women with Power of Attorney», 2001. Sur le rôle de «mari suppléant» – ou deputy husband – en Nouvelle-Angleterre coloniale, voir l’étude incontournable de Laurel Thatcher Ulrich, Good Wives : Image and Reality in the Lives of Women in Northern New England, 1650–1750, 1991, p. 35–50; de la même auteure, «Wheels, Looms, and the Gender Division of Labor in Eighteenth-Century New England», 1998, p. 35; et l’analyse de Mary Beth Norton, «EighteenthCentury American Women in Peace and War : The Case of the Loyalists», 1976. Scarlett Beauvalet-Boutouyrie y fait également allusion pour la France dans Les femmes à l’époque moderne (xvi e–xviii e siècles), 2003. 10 Ida Blom, «The History of Widowhood : A Bibliographic Overview», 1991; Bettina Bradbury, «Widowhood and Canadian Family History», 1995; Wife to Widow : Class, Culture, Family and the Law in Nineteenth-Century Québec, 1997; et Familles ouvrières à Montréal. Âge, genre et survie quotidienne pendant la phase d’industrialisation, 1995. Cette dernière étude, qui se penche notamment sur l’expérience du veuvage au féminin et au masculin dans la métropole canadienne au vingtième siècle, a lancé ma réflexion sur cette question appliquée au régime colonial français, tout comme le texte de Julie Hardwick, «Widowhood and Patriarchy in Seventeenth-Century France», 1992. Sur le veuvage en France pendant la période qui nous occupe, voir également l’excellente étude de Scarlett Beauvalet-Boutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, 2001. Pour l’Amérique britannique, voir la thèse de Vivian Leigh Conger, «“Being Weak of Body but Firm of Mind and Memory” : Widowhood in Colonial America, 1630–1750», 1994. 11 Hubert Charbonneau, Vie et mort de nos ancêtres. Étude démographique, 1975; Jacques Henripin, La population canadienne au début du xviii e siècle. Nuptialité, fécondité, Mortalité infantile, 1954; Danielle Gauvreau, Québec, une ville et sa population au temps de la Nouvelle-France, 1991. Sur l’expérience anglo-américaine, voir aussi Alexander Keyssar, «Widowhood in Eighteenth-Century Massachusetts : A Problem in the History of the Family», 1974.
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12 Yves Aubry, «Pour une étude du veuvage féminin à l’époque moderne», 1989. Les veuves et les veufs sont néanmoins en vogue à l’Université de Montréal. Le veuvage en contexte colonial a fait l’objet de ma thèse de doctorat, d’un mémoire de maîtrise (Nathalie Pilon, «Le destin de veuves et de veufs de la région de Montréal au milieu du xviiie siècle. Pour mieux comprendre la monoparentalité dans le Québec préindustriel», 2000) et d’une thèse de doctorat en cours sur le veuvage en milieu rural dans la région de Montréal au dix-huitième siècle, par Molly Richter. Parmi les autres études apportant une contribution à la connaissance du veuvage en contexte colonial, voir Serge Lambert, «Les pauvres et la société à Québec de 1681 à 1744», 1990; Daniel Léveillé, «Vieillards et vieillesse dans le gouvernement de Montréal aux 17e et 18e siècles (1660–1800)», 1993; Liliane Plamondon, «Une femme d’affaires en Nouvelle-France : Marie-Anne Barbel, veuve Fornel», 1977; Josette Brun, «Les femmes d’affaires dans la société coloniale nord-américaine : le cas de l’île Royale, 1713–1758», 1994; «L’activité commerciale des femmes de familles marchandes à Louisbourg au xviii e siècle», 1997; Maurice Basque et Josette Brun, «La neutralité à l’épreuve : des Acadiennes à la défense de leurs intérêts en Nouvelle-Écosse du 18e siècle», 1997; Kathryn A. Young, Kin, Commerce and Community : Merchants in the Port of Quebec 1717–1745, 1995; Claire Gourdeau, «Établir ses enfants au xvii e siècle : Éléonore de Grandmaison (1619–1692) et sa descendance», 1995; et Sylvie Savoie, «Difficultés et contraintes dans le choix du conjoint à Trois-Rivières, 1634 à 1760», 1994. 13 Gauvreau, Québec, une ville et sa population, p. 26, tableau 2.1, et p. 28–29, figures 2.1 et 2.2; Lambert, «Les pauvres et la société à Québec», p. 225, tableau xxiv. En 1681, Québec compte 14 veuves et 18 veufs; en 1716, 67 veuves et 19 veufs; en 1744, 164 veuves et 59 veufs. 14 anc, mg1, g1 : recensements de 1724, 1726 et 1734. 15 Voir à ce sujet Raymond Roy et Hubert Charbonneau, «La nuptialité en situation de déséquilibre des sexes : le Canada du xvii e siècle», 1978. 16 Sur les 361 personnes dont le conjoint est décédé entre 1710 et 1744 à Québec, seuls ceux ayant vécu dans la ville même pendant une période d’au moins cinq ans avant le début de la période de viduité ont été retenus pour l’analyse. Les femmes et les hommes louisbourgeois étudiés ont perdu leur conjoint entre 1713 et 1740. Les principales sources utilisées sont les suivantes : anc, mg1, série c11a, Correspondance générale, Canada, 1575– 1774; série b, Lettres envoyées [correspondance générale, ordres du roi, expédiés par le ministère de la Marine aux fonctionnaires coloniaux]; série c11b, Correspondance générale, Île Royale; série g1, vol. 466, nos 66 à 69, Recensements de l’Île Royale; H. Têtu et C.-O. Gagnon (dir.), Mandements, lettres pastorales et circulaires des évêques de Québec, 1887; Rituel du diocèse de
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Québec. Publié par l’ordre de Monseigneur Saint-Vallier, évêque de Québec, 1703; Catéchisme du diocèse de Québec, 1702. Avec présentation, notes explicatives et commentaires par Fernand Porter, 1958; Catéchisme du diocèse de Sens. Par Monseigneur Jean-Joseph Languet, archevêque de Sens, 1765; Chronica 1. Jugements et délibérations du Conseil souverain (1663–1716), 1995; Chronica 2. Jugements et délibérations du Conseil supérieur de la Nouvelle-France (1717–1760)…, 1996; Chronica 3. Inventaire des procès-verbaux des grands voyers, 1667–1855…, 1999; Recensement general des habitans de quebec et des Environs dans le distric de la paroisse de Québec ou Etat Des ames de la paroisse de Québec en lannée 1716; «État ou recensement général de la paroisse de Québec du 15 septembre mil sept cent quarantequatre depuis le fort ou château Saint-Louis allant sur le Cap, que j’ai fait faire pour me servir dans la conduite de la dite paroisse dont je suis chargé». A.J.B. Johnston, La religion dans la vie à Louisbourg (1713–1758), 1988. Gauvreau, Québec, une ville et sa population, p. 29–30. Serge Courville et Robert Garon (dir.), Québec ville et capitale, 2001; Yvon Desloges, Une ville de locataires : Québec au xviii e siècle, 1991; John Hare, Marc Lafrance et David Thiery Ruddel, Histoire de la ville de Québec, 1608–1871, 1987; André Charbonneau, Yvon Desloges et Marc Lafrance, Québec, ville fortifiée, du xvii e au xixe siècle, 1982. Certaines îles du golfe du Saint-Laurent, telles l’île Saint-Jean (l’actuelle île du Prince-Édouard) et les îles de la Madeleine, relèvent de la colonie de l’Île Royale. Barbara Schmeisser, «The Population of Louisbourg, 1713–1758», 1976. Beaucoup de colons reviendront lors de la seconde occupation française, entre 1749 et 1758. A.J.B. Johnston, Control and Order in French Colonial Louisbourg, 1713–1758, 2001; Aspects of Louisbourg : Essays on the History of an Eighteenth-Century French Community in North America, sous la direction de Eric Krause, Carol Corbin et William O’Shea, 1995; J.S. McLennan, Louisbourg from Its Foundation to Its Fall, 1713–1758, 1983; B.A. Balcom, La pêche de la morue à l’île Royale, 1713–1758, 1984; Jacques Mathieu, Le commerce entre la NouvelleFrance et les Antilles au xviii e siècle, 1981; Christopher Moore, «Merchant Trade in Louisbourg, Ile Royale», 1977. Voir Ribordy, «La famille en Nouvelle-France», et Jacques Mathieu, Alain Laberge et Louis Michel (dir.), Espaces-temps familiaux au Canada aux xvii e et xviii e siècles, 1995, qui dressent un bilan de la production. J.F. Bosher donne un aperçu global de la réalité familiale en Nouvelle-France dans «The Family in New France», 1990. Le concept d’urbanité n’est pas au cœur de notre démarche même si certaines différences entre ces villes et la campagne sont relevées au fil de l’analyse. Voir à ce sujet deux articles parus en 2000 dans la Revue d’histoire de l’Amérique
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française : Claire Poitras, «L’histoire urbaine au Québec durant les années 1990 : de nouvelles tendances?»; et François Guérard, «L’histoire urbaine au Québec : la recherche récente à la maîtrise et au doctorat».
chapitre premier 1 Gauvreau, Québec, une ville et sa population, p. 97. Pour Louisbourg, A.J.B. Johnston donne un âge moyen de 19,9 ans pour les femmes et de 29,2 ans pour les hommes («The People of Eighteenth-Century Louisbourg», 1991, p. 76). Catherine Rubinger affirme que les femmes se marient généralement pour la première fois entre 19 et 23 ans et les hommes à 28 ans («Marriage and the Women of Louisbourg», 1980, p. 446). 2 L’âge des femmes à la dernière naissance à Québec se situe en général autour de 40 ans (Gauvreau, Québec, une ville et sa population, p. 145). 3 Danielle Gauvreau, «À propos de la mise en nourrice à Québec pendant le Régime français», 1987, p. 53–61; Francine Barry, «Familles et domesticité féminine au milieu du 18e siècle», 1983. 4 Greer, Brève histoire des peuples de la Nouvelle-France, p. 80. 5 Lisa Wilson, Ye Heart of a Man. The Domestic Life of Men in Colonial New England, 1999, p. 75–139. Moogk, «“Thieving Buggers” and “Stupid Sluts”». 6 Martine Segalen, «Mentalité populaire et remariage en Europe occidentale», p. 69. Sur la division sexuelle du travail, voir Scott et Tilly, Women, Work and Family, p. 21, 45–50, passim; Dauphin et Farge, «Culture et pouvoir des femmes», p. 275. 7 Elaine Forman Crane discute cette difficulté dans Ebb Tide in New England : Women, Seaports, and Social Change, 1630–1800, 1998, p. 121–138. 8 Lorraine Gadoury, La famille dans son intimité. Échanges épistolaires au sein de l’élite canadienne du xviii e siècle, 1998. Pour les sources judiciaires, voir les études précitées de Savoie, Moogk, Cliche et Basque dans la note 3 de l’introduction. 9 Sur 137 couples de Québec, 109 ont signé un contrat de mariage, soit 79,6 %. A.J.B. Johnston estime que 40 % des Louisbourgeois font un contrat de mariage («The People of Eighteenth-Century Louisbourg», p. 152). 10 Sur les comparaisons parisienne, neuvilloise, montréalaise et acadienne, voir Jacques Lelièvre, La pratique des contrats de mariage chez les notaires au chatelet de Paris de 1769 à 1804, 1959; Postolec, «Mariages et patrimoine à Neuville» (la méthode de catégorisation de l’auteure diffère cependant quelque peu de la nôtre); Dominique Boily, «Les contrats de mariage. Étude de la pratique notariale sur l’île de Montréal de 1700 à 1740», 1999; Jacques Vanderlinden, Se marier en Acadie française, xvii e et xviii e siècles, 1999; Brun, «Le veuvage en
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Nouvelle-France», p. 92. Voir aussi Brun, «Le veuvage en Nouvelle-France au xviii e siècle : de la Coutume de Paris aux contrats de mariage de Louisbourg», 2003. Sur le dix-neuvième siècle canadien, voir Bettina Bradbury et al., «Property and Marriage : The Law and the Practice in Early Nineteenth-Century Montreal», 1993. R.J. Pothier, Traité de la puissance du mari sur la personne et les biens de sa femme [1771], cité dans Beauvalet-Boutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, p. 190. F.J. Cugnet, Traité abrégé des ancienes loix, p. 83. Ibid., p. 83 et 91. Beauvalet-Boutouryie, Être veuve sous l’Ancien Régime, p. 186–188. anc, mg1, g3, vol. 2039–2, no 8, le 14 janvier 1736 : contrat de mariage entre Gaspard Milly et Marie de Galbaret. De telles séparations sont rarement accordées en Nouvelle-France. Voir Savoie, «Women’s Marital Difficulties», et Isabelle Rodrigue, «Quand rien ne va plus : de l’idéal de l’État en Nouvelle-France à la réalité des séparations : la conception de l’État», 1995. Cugnet, Traité abrégé des ancienes loix, p. 84. anc, mg1, g3, vol. 2039–2, no 21, le 22 septembre 1736 : procuration contenant autorisation de l’épouse de Claude Mullot, Julienne Minet, par le sieur Mullot. Moore, «Merchant Trade in Louisbourg», p. 78. L’auteur ne dit pas sur quelles sources il fonde son affirmation. anc, mg1, g3, vol. 2037, no 78, le 11 mai 1729 : procuration de Marie Dupont à Jacques Joubin Lepré. Voir anq-q, m. not. Chambalon, le 17 avril 1703 : obligation de Jeanne Hubert et François Labadie, son époux, à Marguerite Levasseur et Pierre Duroy, son époux, absent; le 27 février 1712 : quittance de Pierre Constantin et Denis Constantin à Marguerite Levasseur et Pierre Duroy, son époux, absent; le 7 août 1712 : obligation de Jean Savard à Pierre Duroy et Marguerite Levasseur, son épouse; le 14 juin 1715 (fait le 22 août 1713) : dépôt d’un billet de Marguerite Levasseur et Piere Duroy, son époux, à Charles Guillimin. Bourdot de Richebourg, Nouveau coutumier général, Coutume de Paris, articles 223–224 et 234–236. Cugnet, Traité abrégé des ancienes loix, p. 84. anq-q, m. not. Chambalon, le 30 octobre 1715 : bail à loyer d’une maison par Jean-Baptiste Charly à Ignace Lecourt et Marie-Anne Hubert, son épouse. Le mari est bel et bien absent. Soit le 3 juin 1735 (anq-q, m. not. Pinguet de Vaucour, le 18 février 1735 : obligation de Agnès Simon, épouse de Jean-Baptiste Guay dit Castongué, à Jean-Baptiste Duperé, négociant). Pierre Ménage, voyageur, ratifie également devant le notaire Genaple de Bellefonds un acte qu’a fait son épouse en son
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absence : «Disant que honneste femme Marie Magdelaine Lemire sa femme ayant acquis l’an dernier un emplacement de deux perches et demy de front sur sept de profondeur devant les ursulines de cette ville, du Sieur Jean leMire son pere par contract passé devant notaire Pierre Duquet Notaire; et questant sur le point de sen retourner pour un long voyage sans pouvoir ratifier le dit contrat a sa minute, a cause de la … maladie du dit Sr. Duquet; Il Declare quil ratifie par ces presentes ledit contrat dacquisition en tout son contenu et aprouve aussi le payement que sa ditte femme en a fait de la somme de soixante livres voulant que le tout soit son plein et entier effet.» anq-q, m. not. Duquet de Lachesnaye, le 5 mai 1683 : vente d’un emplacement par Jean Lemire et son épouse Louise Marsollet, à Marie-Madeleine Lemire et son époux Pierre Moreau de Latopine, absent; m. not. Genaple de Bellefonds, le 24 avril 1684 : ratification par Pierre Moreau de Latoupine, époux de Marie-Madeleine Lemire. Marie-Madeleine Lemire a par ailleurs acheté un emplacement, la même année, en l’absence de son mari; ibid., le 16 janvier 1683 : vente d’un emplacement par Louis Lefevre-Battanville à MarieMadeleine Lemire et son époux Pierre Moreau de Lataupine, absent de la ville de Québec. anq-q, m. not. Lepailleur de Laferté, le 7 mai 1701 : vente de meubles par Marie Juinault et Jean-Baptiste Montmellian dit St Germain, son époux, à François-Madeleine Ruette, seigneur d’Auteuil; le 8 mai 1701 : prêt de meubles par François-Madeleine Ruette, seigneur d’Auteuil, à Marie Juinault et son époux, Jean-Baptiste Monmellian dit St Germain. Pour une discussion des procurations accordées aux épouses à Louisbourg, voir Brun, «Les femmes d’affaires dans la société coloniale nord-américaine». anq-q, m. not. Lacetière, le 9 novembre 1707, les 15 novembre 1708 et 1709 et le 14 novembre 1713 : procurations de Pierre Plassant à son épouse, Louise Albert. L’existence d’une sixième procuration nous est révélée dans un acte signé par l’épouse au nom de son mari «presentement absent pour le voyage de France» en 1706. Elle y est fondée de pouvoir en vertu d’un acte fait pardevant le même notaire le 18 octobre 1705, acte qui n’a pas été retrouvé. Elle y nomme à son tour un procureur en la personne de leur commis, «auquel elle donne pouvoir de donner un compte ou le recevoir du sr charles guillemin marchand de bourdeaux au nom et comme fonde de procuration du sr Jean bonfils et ses freres en cie» (ibid., le 3 avril 1706 : procuration de Louise Allebert, épouse de Pierre Plassant, à Jean Delager). anq-q, m. not. Lacetière, le 30 novembre 1710 : procuration de Louise Alber, épouse de Pierre Plassant, à Charles Gontault, leur facteur et agent. anc, mg1, g3, vol. 2039–1, no 48, le 21 septembre 1734 : procuration de Jean Laumonier à Jeanne Cronier, son épouse, de la ville de Louisbourg.
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31 anq-q, m. not. Jean-Claude Louet, le 23 octobre 1720 : procuration de Gabriel Davaine à Marie Lis, son épouse; m. not. Lacetière, le 14 mai 1716 : procuration de Claude Chasles à Marie Duroy, son épouse. 32 Les «procurations» sous seing privé, qui ne sont pas faites devant notaire, sont généralement remises au mandataire. 33 Ces chiffres sont tirés d’une base de données constituée pour les fins de cette analyse à partir des 1 683 actes notariés faits par les couples de la cohorte québécoise et des 53 actes faits par les couples de la cohorte louisbourgeoise. N’y figurent pas les contrats de mariage et les donations mutuelles entre époux, nécessairement signés par les deux membres du couple, qui ont été analysés séparément, ni les rares actes faits pour le compte d’un tiers, qui ne touchent pas directement les activités du ménage. Des recherches antérieures sur les familles marchandes de Louisbourg révèlent que 14 % des épouses ont laissé des traces de leur participation dans des actes notariés (Brun, «L’activité commerciale des femmes de familles marchandes»). 34 Selon la catégorie professionnelle, les unions durent en moyenne entre 12 et 20 ans à Québec au dix-huitième siècle (Gauvreau, Québec, une ville et sa population, p. 112–120). 35 anq-q, m. not. Gilles Rageot, le 8 juin 1682 : obligation de Jacques Bussiere dit Laverdure et Noëlle Gossard, son épouse, à Anne Leblan et Pierre Mesnage, son époux. 36 Beauvalet-Boutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, p. 183; et Les femmes à l’époque moderne, p. 73–74; John A. Dickinson, Justice et justiciables. La procédure civile à la Prévôté de Québec, 1667–1759, 1982; Parent, Entre le juridique et le social; Parent et Postolec, «Quand Thémis rencontre Clio». 37 Pour des raisons évidentes, les nombreux actes notariés réalisés par le notaire Florent de La Cetière, qui fait partie de notre échantillon, n’ont pas été comptabilisés. Par ailleurs, les transactions commerciales des officiers et des autres individus ont été considérées comme étant de nature professionnelle. 38 Voir par exemple anq-q, m. not. Chambalon, les 22 et 23 octobre et le 6 novembre 1693, les 21 et 28 octobre 1694, et le 17 novembre 1704, obligations de Pierre Duroy, marchand, et Marguerite Levasseur son épouse, de la ville de Québec, à divers marchands. 39 anc, mg1, g3, vol. 2046–1, no 71, le 1er février 1738 : obligation de Martin Benoît et son épouse, Jeanne Peré, à Pierre Martissans. De la même façon, en se portant caution pour son mari Georges Regnard-Duplessis, trésorier de la Marine, condamné par l’intendant à payer 20 950 livres comme agent de la Compagnie de la colonie, Marie Duroy «promet et soblige … sollidairement au payement des sommes ausquelles ledit sieur duplessis sera [condamné] par l’arrest qui interviendra sur ledit appel au Conseil privé de sa Majesté sous
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lobligation de tous ses biens meubles et immeubles pressents et futurs». Voir anq-q, m. not. Barbel, le 13 novembre 1707 : cautionnement de Marie Leroy à Georges Regnard-Duplessis, son époux. anq-q, m. not. Hiché, le 26 novembre 1729 : société entre Joseph Desrochers, Pierre Leger et son épouse Marguerite Fortier, et Antoine Leblanc et son épouse Marguerite Leger. anq-q, m. not. Lacetière, le 11 mars 1712 : engagement à vie de Charles Pelletier et Marie-Anne Sousy, son épouse, à Pierre de Niort de Laminotierre, bourgeois. anq-q, m. not. Chambalon, le 18 février 1706 : marché d’engagement de Louis Normand dit Labriere et Anne Brunel, son épouse, à Antoine de Lamotte de Cadillac. Chiffres tirés d’une base de données constituée pour les fins de cette étude. Parent, Entre le juridique et le social. anc, mg1, c11a, vol. 67, C-2392, p. 40–62, 1737 : détail de toute la colonie par l’intendant Hocquart. Ibid., vol. 2–2, C-2375, p. 602–604, après 1710 : observations faites par Martin de Lino, conseiller au Conseil supérieur, sur les difficultés qui se rencontrent dans l’exécution de certains articles des ordonnances de 1667, 1669 et 1681. Emmanuelle Roy, De la paysanne au tisserand. La production textile dans la région de Montréal au xviii e siècle, 1999, p. 33–38. anq-q, m. not. Hiché, le 26 novembre 1729 : société entre Joseph Desrochers, Pierre Leger et son épouse Marguerite Fortier, et Antoine Leblanc et son épouse Marguerite Leger. Au sujet des femmes dans les métiers du cuir, voir la thèse de Joanne Burgess, «Work, Family, and Community : Montreal Leather Craftsmen, 1790–1831», 1986; et celle de Jocelyne Perrier, «Tanneurs et tanneries dans le gouvernement de Montréal au xviii e siècle», 2002. Brun, «Les femmes d’affaires en Nouvelle-France», p. 74–78. Balcom n’en fait cependant pas mention dans son étude sur les pêches à Louisbourg, La pêche de la morue à l’île Royale. Chiffres tirés d’une base de données constituée pour les fins de cette étude. anq-q, m. not. Pinguet de Vaucour, le 26 novembre 1731 : engagement d’Ursule Truel par son père, Pierre Truel, et Marie-Louise Pain, son épouse, à Marie Baptiste, épouse de Jacques Cotard. Le billet, en fait une procuration sous seing privé, est annexé à l’acte. anc, mg1, g3, vol. 2058, 1726, no 2, le 29 avril 1726 : contrat d’engagement de Marguerite par Pierre Mansel à la demoiselle Rodrigue. anq-q, m. not. Rivet dit Cavelier, le 11 février 1716 : acte d’engagement de Charlotte Petit par Louise Pinguet, veuve de Gaspard Petit, à Pierre Frontigny.
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Notes des pages 26 à 29
55 anq-q, m. not. Gilles Rageot, le 6 novembre 1686 : acte d’embauche de Marguerite Verieul par Nicolas Verieul à Mathieu de Linot et Catherine Nolan, son épouse. 56 Claude de Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique, vol. 1, p. 550, «Douaire». 57 Sur 137 couples de Québec, 109 ont signé un contrat de mariage, soit 79,6 %. 58 Lelièvre, La pratique des contrats de mariage chez les notaires au chatelet de Paris, p. 114; Boily, «Les contrats de mariage», p. 109 et 113; Vanderlinden, Se marier en Acadie française. Les autres études ne font généralement pas mention de cette question. 59 Chiffres tirés d’une base de données constituée pour les fins de cette étude. 60 Bradbury, Wife to Widow, p. 13–28; Greer, Brève histoire des peuples de la NouvelleFrance, p. 91. 61 Lelièvre, La pratique des contrats de mariage chez les notaires au chatelet de Paris, p. 108. 62 anq-q, m. not. Dubreuil, le 24 juillet 1723 : vente d’une maison et emplacement par François-Mathieu Martin de Lino et Catherine Noland, son épouse, à Nicolas Jeremie et Françoise Bourotte, son épouse. 63 anq-q, m. not. Genaple de Bellefonds, le 19 août 1708 : vente d’une habitation par Jean Vergeat de Prenouveaux, sergent, et Jeanne Boessel, son épouse, à Marin Courtois dit Lebreton. 64 anq-q, m. not. Chambalon, le 9 octobre 1707 : cession de droits successifs mobiliers et immobiliers, par René Paquet et Catherine Maillou, son épouse, à Robert Fauché et Hélène Lemieux, son épouse; m. not Barbel, le 5 août 1725 : vente d’un emplacement ou terrain par Michel Dovie, maître cordonnier, et Geneviève Filleau, son épouse, à Pierre Pichet. 65 Chiffres tirés d’une base de données constituée pour les fins de cette étude. 66 anq-m, m. not. Lepailleur de Laferté, le 30 novembre 1717 : vente d’un emplacement par Françoise Petit à Marguerite Forestier et Pierre Leger dit Lajeunesse, absent; le 25 février 1718 : bail à loyer d’un logis par Marguerite Forestié, épouse de Pierre Leger dit Lajeunesse, absent, à François Jeudy dit Rencontre; le 9 mars 1718 : bail à loyer d’un magasin par Raphaël Beauvais et son épouse Isabelle Turpin à Marguerite Forestier, épouse de Pierre Leger dit Lajeunesse, absent; le 13 février 1719 : bail à loyer fait par Catherine de St Georges, veuve, à Marguerite Forestier et son époux Pierre Leger, absent. Dans le bail sous seing privé, Marguerite Fortier «se fait forte de le faire ratiffier par son dit mary» (anq-q, m. not. Dubreuil, le 20 mars 1728 : ratification par Pierre Léger dit Lajeunesse et Marguerite Fortier, son épouse. 67 Inventaire des jugements et délibérations du Conseil supérieur de la Nouvelle-France de 1717 à 1760, vol. 1, cahier du 13 janvier 1721 au 26 avril 1723, le 7 juillet 1721, fo 29 : ordonné par le Conseil, sans avoir égard à son arrêt du 2 mai
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1718, qu’à l’avenir les concessions de bancs passeront aux veuves des concessionnaires tandis qu’elles demeureront en viduité. anc, mg1, c11a, vol. 44, C-2387, p. 230–233 : résumé d’une lettre de l’évêque de Québec datée du 30 octobre 1721 et délibérations du Conseil de Marine. Les biens propres qui ont été mis en communauté par contrat de mariage ne sont plus considérés comme appartenant à l’épouse, même si certaines auront le droit de les reprendre, en vertu d’une clause incluse au contrat de mariage, si elles décident, une fois devenues veuves, de renoncer à une communauté de biens grevée de dettes. anq-q, m. not. Genaple de Bellefonds, le 5 septembre 1705 : contrat de mariage entre Jean-Baptiste Brousse et Louise Lallemand. Au sujet du droit écrit, voir Lelièvre, La pratique des contrats de mariage chez les notaires au chatelet de Paris, p. 360–372; et Beauvalet-Boutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime. anc, mg1, g3, vol. 2039–1, no 64, le 2 février 1735 : contrat de mariage entre Blaise Cassagnolles et Marie-Jeanne Saux; vol. 2046–1, no 142, le 22 août 1739 : contrat de mariage entre Pierre Paul Despiet et Marie Charlotte Delort; vol. 2058, no 1, le 8 janvier 1728 : contrat de mariage entre Pierre Martissans et Jeanne-Angélique de Chavigny. anc, mg1, c11b, vol. 11, fos 109–110, le 5 décembre 1730 : demande de commission du notaire Desmarets, Louisbourg. Cugnet, Traité abrégé des ancienes loix, p. 84. anc, mg1, g3, vol. 2046–1, no 31, le 18 octobre 1737 : procuration de Jacquette Thérèse Boudier à son mari. Les dons mutuels, nécessairement faits par les deux membres du couple, n’ont pas été comptabilisés. Il s’agit de contrats par lesquels les époux accordent au conjoint survivant, au cas où ils décéderaient sans progéniture, l’usufruit de la part du prédécédé dans les biens de la communauté. anq-q, m. not. Lacetière, le 6 avril 1713 : vente d’un emplacement et maison par Michel Sarazain et Marie-Anne Hazeur, son épouse, à Louis Gauselin. anq-q, m. not. Chambalon, le 18 avril 1709 : compromis entre Louise Achon, veuve de Joseph Mailloux, et Jean-Baptiste Maillou, tuteur de Catherine Maillou, épouse de René Pasquet; le 26 juin 1709 : compte de tutelle que rend Louise Achon, veuve de Joseph Maillou, à Jean-Baptiste Maillou, tuteur de Catherine Maillou, épouse de René Pasquet; le même jour : compte et obligation entre Louise Achon, veuve de Joseph Maillou, René Paquet et Catherine Maillou, son épouse. anq-q, m. not. Dubreuil, le 20 juillet 1728 : vente d’une part de terre par Claude Legris à Zacharie Cloutier.
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Notes des pages 31 à 35
80 anq-q, m. not. Rivet dit Cavelier, le 21 mai 1713 : bail à loyer d’une maison par Marie-Louise Roussel, épouse de Jean-Baptiste Demeulle, et ses sœurs, à François Lamy, aubergiste; le 3 juillet 1716 : marché pour recaler un fossé entre Marie-Louise Roussel, ses sœurs et son époux Jean-Baptiste Demeule, absent, et Pierre Dumesnil dit Lamusique et Denis Lafontaine. 81 Il devra leur payer 200 livres : anq-m, m. not. Jean-Baptiste Adhémar, le 2 septembre 1717 : dépôt d’une ordonnance rendue entre de Couagne, Marie Turpin, épouse de Noël Levasseur, et sa sœur). Marie-Thérèse Lajoue, épouse d’un lieutenant d’une compagnie des troupes de la Marine, renonce quant à elle à certains droits successifs en compagnie de ses sœurs. Voir anq-q, m. not. Barbel, le 4 juillet 1720 : renonciation par Thérèse Lajoue, épouse de Claude Laguer de Morville, et ses sœurs. 82 Voir Mathieu, Laberge et Michel (dir.), Espaces-temps familiaux, et Sylvie Dépatie, «La transmission du patrimoine dans les terroirs en expansion : un exemple canadien au xviii e siècle», 1990. 83 anq-q, m. not. Barolet, le 5 avril 1732 : convention portant désistement et quittance entre Jacques de Lafontaine de Belcour et Charlotte Bissot, son épouse, et Bissot et Marie Dumont, son épouse. 84 anq-q, m. not. Pinguet de Vaucour, le 29 novembre 1740 : déclaration de Noël Levasseur et Marie Madeleine Turpein, son épouse. L’acte précise que François pourra «quand bon luy semblera travailler a son proffit particulier en fournissant a sesd[its] pere et mere tout ce dont il leurs sera necessaire pour leur vie et entretient tant en santé qu’en maladie, et en ce cas ne luy sera plus donné aucune recompense attendu la liberté qu’il aura alors de travailler pour son proffit particulier, ledit François Levasseur consentant d’ainsy secourir ses pere et mere gratuitement veu son respect et attachement pour eux tant qu’ils vivront». Le mari meurt quelques mois plus tard et sa veuve, quatre ans après. 85 anq-q, m. not. Jean-Claude Louet, le 23 juin 1729 : contrat d’engagement de Charlotte Devisse, par Charles Devisse et Jeanne Savary, son épouse, et Gaspard-Nicolas Boucault et Marguerite Bairette, son épouse; m. not. Rageot de Beaurivage, le 22 octobre 1721 : contrat d’apprentissage de Charlotte Giraud, entre Guillaume Gireaud et son épouse Louise Galien, et Melchior Michelet; le 1er avril 1730, contrat d’apprentissage de Louis-Michel Lafleure, par Marie Hervet et son époux Daniel Peupy dit Laffleur, à François Berlinguet.
chapitre 2 1 anc, mg1, g3, 2058, vol. 20, le 5 juillet 1725 : contrat de mariage entre Antoine Paris et Madeleine Ferret.
Notes des pages 36 à 38
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2 anq-q, m. not. Pinguet de Vaucour, le 12 juillet 1733 : déclaration par Joseph Racine dit Beauchesne, veuf de Marguerite Pilotte, tuteur de ses enfants mineurs. 3 Wilson, Ye Heart of a Man, p. 170. 4 anq-q, m. not. Dulaurent, le 23 novembre 1757 : testament de Nicolas Rousset, charpentier de navire. 5 Sur le déséquilibre des populations canadienne et acadienne, voir Gauvreau, Québec, une ville et sa population, p. 27; Gisa Hynes, «Some Aspects of the Demography of Port-Royal, 1650–1755», 1973; et Roy et Charbonneau, «La nuptialité en situation de déséquilibre des sexes». 6 Gauvreau, Québec, une ville et sa population, p. 126–129; Dupâquier et al., Mariage et remariage dans les populations du passé. L’Europe présente cependant des différences régionales quant aux stratégies matrimoniales. Par exemple, à Vernon (Bretagne), pendant la première moitié du dix-huitième siècle, les différences entre les sexes sont peu marquées, puisque 26 % des femmes et 32 % des hommes devenus veufs une première fois se remarient; voir BeauvaletBoutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, p. 165. 7 Édit du roi Louis XIV, du mois de mars 1697, concernant les formalités qui doivent être observées dans les mariages, cité dans Claude de Ferrière, La science parfaite des notaires ou Le moyen de faire un parfait notaire … 1752, vol. 1, p. 410; voir aussi p. 246. Au sujet de l’exhérédation, lire Geneviève Postolec, «L’exclusion de la succession par exhérédation ou par substitution au Canada aux xvii e et xviii e siècles», 1998. 8 Rituel du diocèse de Québec, p. 332. Paul-André Leclerc en fait état dans «Le mariage sous le Régime français», 1959, p. 379. 9 «Arrêt du Parlement qui ordonne que les Fils & Filles, même les Veuves, qui voudront faire sommer leurs peres & mères, aux termes de l’Ordonnance, de consentir à leurs Mariages, seront tenus d’en demander permission aux Juges Royaux des lieux des domiciles de leurs peres & meres, du 27 Août 1692» (Ferrière, La science parfaite des notaires, vol. 1, p. 407). Sur la Nouvelle-France, voir Leclerc, «Le mariage sous le Régime français», p. 374. Parchemin recense très peu de sommations sous le régime français. 10 Rituel du diocèse de Québec, p. 332, et tel que cité par Leclerc dans «Le mariage sous le Régime français», p. 382. 11 Catéchisme du diocèse de Sens, p. 59–60. «Qui sont ceux qui offensent Dieu en se mariant?», demande Mgr Languet. À quoi le fidèle avisé doit répondre : «Ceux qui se marient contre la volonté de leurs parents.» Le Catéchisme affirme qu’on ne doit pas seulement honorer son père et sa mère, mais «de même ses beaupere, belle-mere, tuteurs, oncles, tantes, et autres parents à proportion de leur âge et de leur autorité» (p. 73).
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Notes des pages 38 à 42
12 Catéchisme du diocèse de Québec , p. 303. Beauvalet-Boutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, p. 38–45. 13 Blom, «History of Widowhood»; David G. Troyansky, «Images de la vieillesse des femmes dans la France du xviii e siècle», 1985. 14 Beauvalet-Boutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, p. 166. 15 Chiffres tirés d’une base de données constituée pour les fins de cette étude. 16 Ces résultats concordent avec ceux de Nathalie Pilon sur l’influence de la présence d’enfants en bas âge sur la fréquence et la rapidité du remariage des personnes veuves avec enfants à charge (c’est-à-dire âgés de 0 à 21 ans) de la région de Montréal au milieu du dix-huitième siècle. L’auteure note que la propension au remariage est inversement proportionnelle à l’âge des enfants («Le destin de veuves et de veufs de la région de Montréal», p. 67–71, passim). 17 Gauvreau, Québec, une ville et sa population, p. 130. 18 Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, «Secondes noces», p. 136. 19 Savoie, «Les couples en difficulté». 20 Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique, «Secondes noces». 21 Beauvalet-Boutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, p. 22, 28–29. Voir aussi Natalie Zemon Davis, «Women on Top», p. 124–126; Martine Segalen, Mari et femme dans la société paysanne, 1980, p. 127 et 137; et Hardwick, «Widowhood and Patriarchy in Seventeenth-Century France», p. 136. 22 Conger, «Widowhood in colonial America», p. 55, 80–86 et 128–129. 23 Catéchisme du diocèse de Québec, p. 303. 24 Catéchisme du diocèse de Sens, p. 60. 25 Saint Paul, Première épître aux Corinthiens, 7.9 (cité dans Beauvalet-Boutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, p. 39). 26 Saint Paul, Première épître à Timothée, 5.13–14 (cité dans ibid., p. 39). Voir aussi Conger, «Widowhood in Colonial America», p. 66–67, 83. 27 «Lettre de Monseigneur l’évêque de Québec [Saint-Vallier], où il rend compte à un de ses amis de son premier voyage de Canada, et de l’État où il a laissé l’Église et la colonie (1687), dans Têtu et Gagnon (dir.), Mandements, p. 233–234. 28 Beauvalet-Boutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, p. 56, 88. Natalie Zemon Davis fait la biographie de Marie de l’Incarnation dans Women on the Margins. Three Seventeenth-Century Lives, 1995, p. 63–139. 29 Lambert, «Les pauvres et la société à Québec». 30 anc, mg1, c11a, vol. 67, C-2392, p. 64–103, 1737 : réponse de Beauharnois et Hocquart au mémoire du roi. 31 anq-q, m. not. Boucault de Godefus, le 20 mai 1743 (acte rédigé le 22 avril) : dépôt d’un testament de Louise-Marie-Madeleine Roussel, veuve de Demeul.
Notes des pages 42 à 45
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32 Cette remarque de Mgr de Saint-Vallier, «si juste et si vraie», dixit l’abbé Auguste Gosselin, est citée par ce dernier dans son ouvrage sur L’Église du Canada depuis Monseigneur de Laval jusqu’à la conquête, vol. 1, Mgr de Saint-Vallier, p. 13. Voir aussi Beauvalet-Boutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, p. 33–38. 33 André Burguière et al. (dir.), Histoire de la famille, cité par Jacinthe Ruel, «Les exigences du salut», 1995, p. 5. Marie-Aimée Cliche, Les pratiques de dévotion en Nouvelle-France. Comportements populaires et encadrement ecclésial dans le gouvernement de Québec, 1988, p. 198, tableau 51. 34 Beauvalet-Boutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, p. 44; Conger, «Widowhood in Colonial America», p. 66. 35 Rituel du diocèse de Québec, p. 351. 36 Cliche, «Filles-mères, familles et société sous le Régime français»; Moogk, «“Thieving Buggers” and “Stupid Sluts”»; Basque, «Genre et gestion du pouvoir communautaire à Annapolis Royal». 37 Beauvalet-Boutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, p. 48–49. 38 Rituel du diocèse de Québec, p. 355. 39 Ibid., p. 361; Leclerc, «Le mariage sous le Régime français», p. 49. 40 Ordonnance de Monseigneur de Saint-Vallier pour remédier à différents abus (vers 1691), dans Têtu et Gagnon (dir.), Mandements, vol. 1, p. 276–277. 41 Dans son analyse des procès entourant les naissances hors mariage en Nouvelle-France, Marie-Aimée Cliche souligne que les relations sexuelles entre futurs époux étaient excusées à condition que le mariage s’ensuivît. Selon elle, 55 liaisons sur 99 se sont déroulées en vue du mariage («Filles-mères, familles et société sous le Régime français», p. 66). A.J.B. Johnston fait remarquer qu’à Louisbourg, le fait que «des couples attendent aussi tard pour se marier nous fait conclure qu’on n’éprouve généralement aucun besoin de dissimuler la grossesse ni de précipiter le mariage» (La religion dans la vie à Louisbourg, p. 150). 42 Réal Bates, «Les conceptions prénuptiales dans la vallée du saint-Laurent avant 1725», 1986, p. 262; Gauvreau, Québec, une ville et sa population, p. 141– 145; Johnston, La religion dans la vie à Louisbourg, p. 149–151. 43 Cliche, «Filles-mères, familles et société sous le Régime français», p. 59. 44 Ferrière, La science parfaite des notaires. L’évêque de Québec exprime ses inquiétudes face aux jeunes hommes (surtout des soldats) qui, «sous prétexte de rechercher des filles en mariage, se comportent de manière fort licencieuse avec les dites filles, qui se laissent abuser, sous l’espérance de les épouser, dans la persuasion qu’elles ont que les fautes et les accidents qui leur peuvent arriver en ce sujet, seront autant de motifs à leurs parents de poursuivre leurs dits mariage». Cité par Lyne Paquette et Réal Bates, «Les naissances illégitimes sur les rives du Saint-Laurent avant 1730», 1986, p. 250.
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Notes des pages 45 à 50
45 anc, mg1, g2, Greffe des tribunaux de Louisbourg, vol. 180, fos 1–70, février 1729 : procédure instruite à la requête de la demoiselle Marianne Carrerot, veuve Lasalle, contre le sieur Michel Degannes, lieutenant de compagnie. Ibid., 1729, no 18 : procès entre Demoiselle Marianne Carrerot Veuve Lasalle contre Sr. Michel de Ganne lieutenant de compagnie. 46 anq-q, m. not. Barolet, le 11 juin 1751 : convention entre Michel Jourdain et Marie-Geneviève Dupuy. 47 Rubinger, «Marriage and the Women of Louisbourg», p. 450; Johnston, La religion dans la vie à Louisbourg, p. 146; T.J.A. Le Goff, «Michel Daccarrette», Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, p. 167–168. 48 Rituel du diocèse de Québec, p. 335. 49 Ibid., p. 340. 50 anc, mg1, c11a, vol. 3, fos 77–93, le 10 novembre 1670 : Mémoire de Talon sur le Canada adressé à Colbert. 51 Beauvalet-Boutouryie, Être veuve sous l’Ancien Régime, p. 231. 52 Robert-Lionel Séguin, Les divertissements en Nouvelle-France, 1968, p. 73. 53 René Hardy, «Le charivari dans la sociabilité rurale québécoise au xix e siècle», 1990, p. 60–61. 54 Jean Provencher, C’était l’hiver. La vie traditionnelle rurale dans la vallée du SaintLaurent, 1986, p. 141–142. 55 Johnston, La religion dans la vie à Louisbourg, p. 139–140. 56 Rituel du diocèse de Québec, p. 362. 57 Têtu et Gagnon (dir.), Mandements, vol. 1, p. 115. 58 Il est fait mention de ce charivari lors d’un procès au sujet d’une dispute ayant éclaté le jour de la manifestation populaire. Chronica 2, Inventaire d’une collection de pièces judiciaires, notariales, etc., vol. 1, 20e liasse, 1728, no 803A : instance de Claude Barolet contre Madeleine Roussel, sa sœur, la veuve Chambalon, et Francoise Labouteille, sa servante. 59 Pilon, «Le destin de veuves et de veufs de la région de Montréal», p. 45–46. 60 Cugnet, Traité abrégé des ancienes loix, p. 101. 61 Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, «Deuil», p. 581. 62 Carol F. Karlsen, The Devil in the Shape of a Woman : Witchcraft in Colonial New England, 1987, p. 101. 63 Cliche, Les pratiques de dévotion en Nouvelle-France, p. 68–73. 64 Jacques-Bénigne Bossuet, «Oraison funèbre de très haute et très puissante princesse Anne de Gonzague de Clèves, princesse palatine» (1685), cité dans Aubry, «Pour une étude du veuvage féminin à l'époque moderne», p. 225– 226. 65 Barbara B. Diefendord discute de l’édit promulgué par François II dans «Widowhood and Remarriage in Sixteenth-Century Paris», 1982, p. 379.
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Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, «Secondes noces», p. 134. Voir aussi Postolec, «Mariages et patrimoine à Neuville». Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, «Deuil», p. 583. Ibid., p. 584 (aussi 582–586, passim); Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique, «Deuil», p. 490. Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique, «Deuil», p. 490. Guyot, Répertoire universel, «Deuil», p. 586. Ibid., «Secondes noces», p. 140. Cugnet, Traité abrégé des ancienes loix, p. 120. Bettina Bradbury, Wife to Widow, p. 26–27. John Dickinson, dans son étude de la Prévôté de Québec (Justice et justiciables) ne mentionne jamais cette éventualité. Chronica 3, Inventaire des ordonnances des intendants de la Nouvelle-France, 1665– 1760, vol. 1, Jacques Raudot et Antoine-Denis Raudot, cahier 1, le 13 novembre 1705; Michel Bégon, cahier 6, le 16 juin 1717. André Lachance, La vie urbaine en Nouvelle-France, 1987; Johnston, Control and Order in French Colonial Louisbourg; Kenneth Donovan, «Debauchery and Libertinage : Games, Pastimes, and Popular Activities in Eighteenth-Century Louisbourg», 1983. Chronica 1, Jugements et délibérations du conseil souverain (1663–1716), vol. 4, 1696–1704, le 5 avril 1700. Ferrière, La science parfaite des notaires, p. 381–382. Chronica 1, Jugements et délibérations du Conseil souverain, vol. 4, 1696–1704, le 22 août 1703. Ibid., vol. 6 : 1710–1716, le 11 janvier 1712. À Québec, six sur huit, et à Louisbourg, quatre sur six. Danielle Gauvreau note, pour toutes les unions du régime français à Québec, des proportions allant de 17 à 28,5 % pour ce qui est des femmes plus âgées que leur mari. La proportion de maris qui épousent des femmes de plus de 10 ans leur cadette se situe normalement entre le quart et le tiers des unions au dixhuitième siècle. L’auteure souligne que ces écarts sont attestés dans de nombreuses études portant sur l’Europe; elle cite notamment Guy Cabourdin, «Déséquilibre des structures démographiques et nuptialité : le remariage», 1978. Voir Gauvreau, Québec, une ville et sa population, p. 96, tableau 4.8, et p. 98, 124– 126. Aucune étude ne s’intéresse à cette question pour la ville de Louisbourg. Chiffres tirés d’une base de données constituée pour les fins de cette analyse. Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, «Secondes noces», p. 139– 140. Ibid., p. 140. Idem.
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Notes des pages 55 à 61
85 La comparaison des milieux d’appartenance socioprofessionnels des veuves et de leurs seconds maris a été faite en fonction de la catégorie professionnelle du premier et du deuxième conjoint en établissant une échelle de mésalliance forcément approximative, puisque le statut et le niveau de vie réel des individus ne sont pas connus. La profession du premier mari, considérée comme étant indicative du statut social de la veuve, a été comparée à la profession du second mari. Dans 13 cas sur 57, la profession du premier ou du second mari était inconnue. Les alliances des veufs n’ont pu être analysées selon ces critères, puisque les professions du père de la seconde épouse ou du premier mari de celle-ci n’ont pu être identifiées, comme nous l’avons fait pour les seconds conjoints des veuves à l’aide de Parchemin et du Registre de la population du Québec ancien. 86 Ces résultats sur la proportion de remariages selon la catégorie professionnelle se comparent à ceux de Danielle Gauvreau pour la capitale canadienne, sauf en ce qui a trait aux veuves de marchands qui, dans sa cohorte, se remarient plus souvent que les autres (Québec, une ville et sa population, p. 133).
chapitre 3 1 anq-q, m. not. Barbel, le 24 décembre 1734 : inventaire des biens de la communauté de Marie Jeanne Renoyer et de Louis Boucher dit Lajoye. 2 Jean-Philippe Garneau, «Droit, famille et pratique successorale. Les usages du droit d’une communauté rurale au xviii e siècle canadien», 2003; Sylvie Perrier, Des enfances protégées. La tutelle des mineurs en France (xvii e–xviii e siècles), 1998. 3 Cugnet, Traité abrégé des ancienes loix, p. 104–105. L’auteur se réfère à l’article 241 de la Coutume de Paris. 4 Bourdot de Richebourg, Nouveau coutumier général, vol. 3, Coutume de Paris, article 229. 5 Cugnet, Traité abrégé des ancienes loix, p. 100. 6 Bourdot de Richebourg, Nouveau coutumier général, vol. 3, Coutume de Paris, articles 225 et 228; Cugnet, Traité abrégé des ancienes loix, p. 84. 7 À Paris, au dix-septième siècle, l’inclusion de cette clause visait à se protéger d’un éventuel revirement de jurisprudence. Lelièvre, La pratique des contrats de mariage chez les notaires au chatelet de Paris, p. 154–155. 8 Postolec, «Mariages et patrimoine à Neuville», p. 224. 9 anq-q, m. not. Pinguet de Vaucour, le 28 septembre 1735 : déclaration par Louise Resche, veuve de Jean-Joseph Lepicard. Voir aussi le 20 décembre 1734 : renonciation par Marie-Louise Resche, veuve de Joseph Lepicard.
Notes des pages 61 à 66
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10 anc, mg1, g3, vol. 2058 (1728), no 4, le 8 avril 1728 : contrat de mariage entre Marie-Suzanne Basanière, veuve de Jean-François Lorant, et ClaudeJoseph Leroy-Desmarest. 11 anq-q, m. not. Barolet, le 13 janvier 1734 : renonciation par Marie-Anne Courvin, veuve de Fabien Badeau, maître constructeur de navire, tant en son nom que comme tutrice de ses enfants mineurs. 12 anq-q, m. not. Latour, le 23 avril 1738 : inventaire des biens de la communauté de Marguerite Forestier, veuve de Pierre Leger. 13 anq-q, m. not. Pinguet de Vaucour, le 3 février 1732 : déclaration par LouiseMadeleine Desperas, veuve de Paul Denis de Saint-Simon. 14 Ibid., le 21 février 1732 : inventaire des biens de la communauté de LouiseMadeleine Depéra, veuve de Paul Denis de St Simon, écuyer et conseiller du Roi au Conseil supérieur. 15 Ibid., le 3 février 1732 : déclaration par Louise-Madeleine Desperas, veuve de Paul Denis de Saint-Simon. 16 Ces résultats ventilés par catégorie socioprofessionnelle sont tirés de la base de données constituée pour les fins de cette étude. 17 anq-q, m. not. Bernard de la Rivière, le 23 mars 1717 : état de ce qui revient aux héritiers de feu Pierre Mesnage et Anne Leblan, son épouse, dans les biens meubles de leur communauté. 18 anq-q, m. not. Decharnay, le 31 octobre 1758 : compte et partage des biens de la communauté de Marie-Josèphe Martin, veuve de Claude Legris. 19 Pilon, «Le destin de veuves et de veufs de la région de Montréal», p. 84–85. 20 anq-q, m. not. Pinguet de Vaucour, le 28 mars 1743 : contrat de mariage entre Marie-Anne Jeremie dit Douville et Robert Belan; boin-qc, le 20 août 1743 : renonciation par Marie-Anne Jeremie dit Douville (mineure), veuve de Robert Belan, marchand, assistée de Etienne Frichet, son tuteur; le 24 août 1743 : accord entre Marie-Anne Jeremie dit Douville, veuve de Robert Belan, marchand, procédant sous l’autorité de Etienne Frichet, son tuteur, et Pierre Jehanne, négociant; le 16 août 1743 : inventaire des biens de la communauté de Marie-Anne Jeremi dit Douville, veuve de Robert Belan, marchand. Il est curieux que les dettes passives ne figurent pas à l’inventaire. 21 anc, mg1, g3, vol. 2039–1, no 72, le 10 octobre 1733 : contrat de mariage entre Nicolas Boitier dit Berrichon et Jeanne Thesson; vol. 2039–2, no 10, le 17 mai 1736 : contrat de mariage entre Louis Bertin et Anne Henriette Lagrange. 22 Article 232 de la Coutume de Paris. 23 Beauvalet-Boutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, p. 267. 24 Chronica 3, Inventaire des ordonnances des intendants de la Nouvelle-France, 1665– 1760, vol. 1, Raudot, cahier 4, le 26 janvier 1710; Michel Bégon, cahier 6, le 16 mai 1715.
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Notes des pages 66 à 71
25 anc, mg1, c11b, vol. 7, fo 324, le 13 novembre 1725; vol. 9, fos 231–250v, le 15 novembre 1727; vol. 18, fo 305, le 22 novembre 1736 : copie d’un contrat passé devant Claude Joseph Desmarets, notaire royal à Louisbourg; vol. 20, fo 256, le 26 octobre 1739 : Rondeau vu par Sabatier et Bigot, Louisbourg. Voir aussi Christopher Moore, «L’océan de Jean Lelarge», dans Visages de Louisbourg. La vie dans une forteresse au xviii e siècle, 1985, p. 183–252. 26 Peter N. Moogk, «In the Darkness of a Basement : Craftsmen’s Associations in Early French Canada», 1976. 27 Cette partie de l’analyse est fondée sur les inventaires après décès, les renonciations, les actes de partage, les contrats de mariage des enfants, les testaments, les donations et tout autre acte notarié fait pendant la période de viduité qui pouvait être d’intérêt (déclarations, accords, etc.). 28 La parenté – neveux, nièces, oncles, tantes, cousins et cousines – fait partie des réseaux d’assistance (Lambert, «Les pauvres et la société à Québec», p. 120). 29 Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique, vol. 1, p. 835. 30 Mgr de Saint-Vallier, «Lettre écrite de Paris pour donner aux curés de la Nouvelle-France des avis pour la conduite des paroissiens», 7 mars 1701, dans Têtu et Gagnon (dir.), Mandements, p. 419–421 (citation en p. 419). 31 Lambert, «Les pauvres et la société à Québec», p. 229. 32 anq-q, m. not. Barbel, le 20 février 1726 : don mutuel entre Louis Baudouin et Marie-Anne Roussel, son épouse; m. not. Pinguet de Vaucour, le 5 juillet 1740 : testament de Louis Baudouin. 33 anc, mg1, c11a, vol. 43, C-2386, p. 15, le 13 janvier 1721 : résumé d’une lettre et de mémoires de Bégon et délibération du Conseil de Marine. 34 Les fiches de famille de Louisbourg, souvent incomplètes, contiennent des données démographiques approximatives permettant difficilement d’établir l’âge des enfants. À Québec, les enfants dont l’année de décès est indéterminée n’ont pas été considérés comme étant vivants au début du veuvage. Les chiffres présentés dans le texte ne rendent pas parfaitement compte de la présence réelle des enfants, puisque certains pourraient être absents (en religion, en apprentissage, en domesticité ou en cohabitation avec d’autres familles) ou éloignés (surtout chez les enfants adultes), et que d’autres pourraient avoir survécu sans que nous puissions le confirmer à partir des registres paroissiaux. L’analyse qualitative comble ces lacunes en montrant les forces réelles en présence. 35 Chiffres tirés de la base de données constituées pour les fins de cette étude. 36 Voir Peter N. Moogk, «Les Petits Sauvages : The Children of Eighteen-Century New France», 1983, p. 19, 26–31, passim. 37 Bernard Pothier, «Jean-Baptiste Rodrigue», Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, p. 607–608.
Notes des pages 71 à 72
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38 J.F. Bosher et T.J.A. Le Goff, «Antoine Rodrigue», Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, p. 734–735. 39 anq-q, m. not. Dulaurent, le 15 mars 1759 : donation de biens mobiliers et immobiliers par Marie-Madeleine Delaunay, veuve de Louis Enouille dit Lanoix, cabaretier, à Joseph Enouile, son fils. Voir aussi m. not. Sanguinet, le 9 juillet 1767 : cession de droits successifs mobiliers et immobiliers par JeanBaptiste Enouil dit Lanoix, forgeron, de la région de Montréal, du consentement de sa mère, Marie-Madeleine Del’aunay, veuve de Louis Enouil dit Lanoix, aubergiste, à Joseph Enouil dit Lanoix, marchand de tabac, son frère. 40 anq-q, m. not. Barbel, le 18 décembre 1724 : contrat de mariage entre Charles Perthuis et Louise Brousse; m. not. Lacetière, le 2 mai 1722 : marché pour la conduite des travaux sur une tannerie entre Marie-Madeleine Roberge, veuve de Charles Perthuys, et Claude Hurel, maître tanneur, corroyeur et braconier; le 23 avril 1724 : engagement de Jean-Elie Gautier, maître tanneur, coroyeur et braconnier, à Marie-Madeleine Roberge, veuve de Charles Perthuis; le 21 mai 1722 : obligation de Jean Gatin, marchand, à Charles Perthuys, au nom de sa mère Marie-Madeleine Roberge, veuve de Charles Perthuys; m. not. Barbel, le 13 juin 1730 : quittance de François Parent, habitant, à Charles Perthuis, au nom de Marie-Madeleine Roberge, sa mère; m. not. Boisseau, le 30 mars 1732 : vente d’une goélette par Charles Perthuys, négociant, au nom de Marie-Madeleine Roberge, veuve de Charles Perthuis, sa mère, et son frère Denis Roberge, à Louis Bouché dit Lajoye, marchand. 41 Deux filles sont décédées et une troisième s’est mariée dans les deux ans suivant le décès de Charles Perthuis père. Les trois autres filles, qui ne semblent pas s’être mariées, vivaient sans doute avec leur mère, à moins qu’elles ne soient toutes entrées en religion comme le fera l’aînée d’entre elles; voir anq-mcq, m. not. Petit, le 11 septembre 1732 : convention entre les Ursulines des TroisRivières et Marie-Madeleine Roberge, veuve de Charles Perthuis, au nom et comme tutrice de Marie-Anne Perthuis, sa fille. En 1716, six ans avant le décès du sieur Perthuis, deux domestiques faisaient partie de la maisonnée. Dans son testament, presque 20 ans après le décès de son mari, Madeleine Roberge fait allusion aux gages de la «fille qui la servira au jour de son decez» (anq-q, m. not. Pinguet de Vaucour, le 20 janvier 1741 : testament de Marie-Madeleine Roberge, veuve de Charles Perthuis). Joseph et Jean-Baptiste avaient respectivement huit et six ans quand leur père est décédé; ils se sont mariés peu après le décès de leur mère. Au sujet des liens commerciaux de Madeleine Roberge avec ses frères, voir anq-q, m. not. Barbel, le 24 octobre 1729 : convention entre Denis Roberge, capitaine de navire de La Rochelle, et Jacques Roberge, de la ville de Québec, frères, et Marie-Madeleine Roberge, veuve de Charles Perthuis.
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42 anc, mg1, g3, vol. 2038–1, no 35, le 29 novembre 1731 : désistement d’une donation de 300 livres de pension viagère avec retrocession de la dite donation par Jeanne Thibaudau à François-Marie Degoutin, son fils. 43 anq-q, m. not. Dubreuil, le 29 juillet 1726 : obligation de Marie-Jeanne Boisset, veuve de Jean Vergeat dit Prenouveau, à Joseph Vergeat, son fils; m. not. Hiché, le 9 juillet 1729 : donation de la moitié d’une maison par Jeanne Boissel, veuve de Jean Vergeat dit Prenouveau, à Joseph Vergeat, son fils; m. not. Pinguet de Vaucour, le 3 septembre 1731 : donation de la moitié d’un emplacement par Jeanne Boissel, veuve de Jean Vergeat dit Prenouveau, à Louis Evé et Charlotte Vergeat, son épouse, son gendre; le 20 décembre 1731 : cession et abandon d’un emplacement par Jeanne Boisselle à Louis Evé et Charlotte Vergeat, son épouse. Dans ce dernier acte, «a la priere de ses enfans qui luy auroient exposés leurs besoins et declarez le plaisir qu’elle leur feroit en leurs abandonnant des a present le bien qu’elle leurs auroit voulu conserver pour leur legitime et dont elle se seroit reservé lusufruit pendant sa vie», elle leur cède un emplacement bornant celui dont elle leur a fait don quelques mois auparavant, contre 715 livres qui grèvent le bien. 44 Moore, Visages de Louisbourg, p. 77–150. 45 anq-q, m. not. Barolet, le 2 octobre 1758 : donation d’un emplacement par Marie-Jacqueline Marandeau, veuve de Guillaume Nicolas, à Etienne Parent, son gendre, et Marie-Josèphe Parent, son épouse. 46 anq-q, m. not. Lemaître de Lamorille, le 12 septembre 1765 : obligation de Marie-Josèphe Martin, veuve de Claude Legris, à Denis Larchevesque. 47 anq-q, m. not. Hiché, le 3 octobre 1735 : donation d’un emplacement par Madeleine Lemire, veuve de Pierre Moreau, à Jacques Tessier et Angélique Moreau, son épouse. Voir également m. not. Jean-Claude Louet, le 25 juin 1729 : contrat de mariage entre Pierre Langlois et Marie-Catherine Boucher; m. not. Pinguet de Vaucour, le 1er janvier 1744 : contrat de mariage entre Yves Ezequel et François Enouille dit Lanoix. Dans le contrat de mariage entre Simon Soupiran et Marie-Anne Gauthier, la veuve Madeleine Guyon promet de «loger et nourir dans sa maison a sa table et a ses depends les dits futurs espoux un an et demy», sans préjudicier à leurs droits dans les successions des parents et «sans quils soient obligez a payer de pention ni a aucun traveaux» (m. not. Lacetière, le 16 mai 1727). 48 anq-q, m. not. Dulaurent, le 25 juillet 1746 : donation d’une rente par Catherine Nolan, veuve de Mathieu Martin de Lino, à Marie-Anne de Lino, sa fille; le 25 juillet 1746 : obligation de Catherine Nolan, veuve de Mathieu Martin de Lino, à Marie-Anne de Lino, sa fille. 49 anq-q, m. not. Barbel, le 21 septembre 1728 : contrat de mariage entre Pierre-Simon Chanazart et Marie-Jeanne Reiche; m. not. Dulaurent, le 18 mai
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1747 : contrat de mariage entre Jean-Claude Louet et Marie-Anne Lacoudraye. La première fiancée apporte à la future communauté 500 livres, la seconde 990 livres. Marguerite Blute est dite «cabaretière» dans le recensement de 1716; anq-q, m. not. Rageot de Beaurivage, le 2 avril 1715 : donation de biens meubles par Marguerite Bluté, veuve de Jean Robitaille, à Marie-Madeleine Robitaille et Marie-Thérèse Robitaille, ses filles; le 2 avril 1715 : renonciation à la succession de ses parents par Charles Robitaille, en faveur de ses sœurs MarieMadeleine Robitaille et Marie-Thérèse Robitaille. Sa fille avait réussi à attirer un parti qui lui offrait un douaire de 3 000 livres une dizaine d’années après le décès de son père, ce qui laisse croire que la famille était toujours à l’aise financièrement. François-Philippe Poncy avait prêté 76 livres en 1762 à la communauté, deux ans avant d’épouser la fille unique de la veuve, pour qu’elles puissent se procurer des vivres (anq-q, m. not. Claude Louet, le 22 octobre 1764). Le neveu vient à la rescousse plus tard (m. not. Panet, le 22 octobre 1771 : donation de droits successifs mobiliers et immobiliers par Jeanne-Elisabeth Carrier, veuve de Charles L’archevesque, à Louis Normandin, son neveu). Le tanneur et son épouse sont ses voisins, en 1744, soit 18 ans après le décès de son mari, alors qu’elle habite seule avec une servante. anq-q, m. not. Duprac, le 10 mai 1728 : transport de la moitié d’un emplacement par Marie-Françoise Huppée, veuve de Pierre Payment, maître forgeron, à André Huppé dit Lagroix, son frère. André réalise certaines transactions pour sa sœur : m. not. Dubreuil, le 1er janvier 1729 : bail à loyer d’une maison par André Huppé, au nom et comme chargé de pouvoir de Françoise Hupé, veuve de Pierre Payment, sa sœur, à JeanBaptiste Marandas; le 1er janvier 1729 : bail à loyer d’une maison par André Huppé, au nom et comme chargé de pouvoir de Françoise Hupé, veuve de Pierre Payment, sa sœur, à Jean-Baptiste Marandas. anq-q, m. not. Saillant de Collégien, le 9 août 1762 : donation de biens mobiliers et immobiliers par Marie-Françoise Huppe dit Lagroix, veuve de Pierre Payment, forgeron, de la ville de Québec et demeurant à Charlebourg, à Augustin Brousseau, navigateur, de la Riviere Ouelle, son neveu. D’autres neveux viennent à la rescousse de leur tante : anq-mcq, m. not. Duclos, le 17 avril 1758 : donation de biens meubles et immeubles par Elisabeth Duchesne, veuve de JeanBaptiste Lecot, sergent, de Batiscan, à Joseph-Alexandre Reneaux et MarieLouise Bregevin, son épouse, son neveu et sa nièce; anq-q, m. not. Barolet, le 18 octobre 1735 : convention portant définition de compte entre Louis Lambert, pour la veuve de feu Jean-Baptiste Demeulle et Denis Goyette, négociant de La Rochelle stipulant pour les frères Pascaut, banquiers de La Rochelle; et le 15 mai 1736 : testament de Marie Durand, veuve de Jean Coignet.
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55 Voir plusieurs actes faits par le notaire Claude Barolet à Québec au cours des années 1750 et impliquant Marie-Anne Drenon, veuve de Pierre-Eustache Coignac, notamment celui du 25 avril 1755 : compte portant quittance et décharge entre Pierre Coignac, tuteur de Jean-Baptiste Descot, Marie-Anne Dernon, veuve de Pierre-Eustache Coignac, son oncle, et Marguerite Dornon, veuve de Claude Vatelle. 56 anc, mg1, g3, le 1er août 1752 : accord et convention concernant une pension entre Jean Noel, tonnelier, de la ville de Louisbourg, et Hélène Lemoine, veuve de Mathieu Turin, de la ville de Louisbourg. 57 Jean-François et Marie-Anne, qui sont décédés à Québec bien après leur mère, étaient d’âge adulte au moment du veuvage de celle-ci. Ils étaient peut-être entrés dans les ordres, car ils ne se sont jamais mariés. Le testament de la veuve mentionne sans plus de détail que ses deux enfants sont absents. Voir anq-q, m. not. Pinguet de Vaucour, le 4 mars 1732 : testament de Marie-Anne Vermet, veuve de Jean Lestage; le 7 mars 1732 : inventaire des biens de la communauté des défunts Marie-Anne Vermet et Jean de Lestage. Les biens que la veuve ne lègue pas à sa nièce doivent être partagés entre ses deux enfants absents. 58 anq-q, m. not. Pinguet de Vaucour, le 22 décembre 1732 : testament de Anne Mossion, veuve de Paul Ferrier, officier dans les troupes; le 13 décembre 1741 : inventaire des biens de la communauté des défunts Anne Mossion, veuve de [feu] Paul Ferriere. Une autre veuve, Jeanne Pluchon, morte sept mois après son mari, avait bénéficié de l’aide de sa nièce avant comme pendant son court veuvage, en plus des services de plusieurs engagés et domestiques; m. not. Rageot de Beaurivage, le 3 mai 1729 : déclaration de Jeanne Pluchon, veuve de Florent de la Cettiere, notaire. 59 ANQ-Q, m. not. Pinguet de Vaucour, le 12 juillet 1733 : déclaration par Joseph Racine dit Beauchesne, veuf de Marguerite Pilotte, tuteur de ses enfants mineurs. 60 Ibid. Voir aussi le 1er août 1733 : cession d’un emplacement par Joseph Racine dit Bauchesne, veuf de Marguerite Pilotte, à ses enfants mineurs, Clément Racine, leur tuteur, acceptant pour eux et du consentement de Jean-Baptiste Brassard, subrogé-tuteur. Bettina Bradbury fait allusion à ce type de stratégies dans son article «The Fragmented Family : Family Strategies in the Face of Death, Illness, and Poverty, Montreal, 1860–1885», 1982. 61 anc, mg1, g2, vol. 184, fos 577–585 : succession de Jacques Frican, 1737– 1738. 62 anq-q, m. not. Lacetière, le 18 mars 1728 : engagement en qualité de servante de Marie-Agnès Sigoin par Louise Dubost, veuve de Jean Sigoin, à Pierre Normandin, négociant. La fille de Normandin, Marie-Catherine, n’avait que
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huit ans au décès de sa mère. Le ménage comptait sans doute une autre domestique puisque les deux autres filles sont toujours jeunes. Geneviève Fagot, âgée de 20 ans, était au service du couple lors du recensement de 1716, soit trois ans avant le décès de la conjointe de Pierre Normandin. anq-q, m. not. Jean-Claude Louet, le 2 juin 1736 : quittance de Louise Guillot, veuve de Pierre Haymard, chargée du soin des enfants et des biens de Louis Gosselin (marchand), son fils absent, à Jacques Fleury, négociant. La fiche de famille du Registre de la population du Québec ancien ne permet de confirmer que l’existence d’un autre enfant, un jeune garçon, mais d’autres seraient toujours vivants. anq-q, m. not. Dubreuil, le 1er mai 1718 : bail à loyer d’un logement en une maison par Marie Pivin et Jean de Louvoy, son époux, à Claude Vivier; le 7 juillet 1718 : quittance de Claude Vivier, veuf de Marie-Anne Glinel, à Marie Pivin, veuve de Jacques Glinel, sa belle-mère, qui lui a remis les vêtements à l’usage de ses enfants mineurs; le 22 avril 1719 : transport d’une maison par Marie Pivin et Jean de Louvoy, son époux, présentement absent, à Claude Vivier, son gendre. Dans ce dernier acte, elle lui délaisse pendant une année sa maison pour 120 livres. anq-q, m. not. Pinguet de Vaucour, le 7 mars 1744 : convention entre Michel Cotton, orfèvre, et Marie-Marguerite Cotton (majeure), maîtresse couturière, sa sœur. anq-q, m. not. Barolet, le 8 novembre 1751 : testament de Jacques Larcher, marchand. Il s’agit de la veuve Brodière et de Marie Anne Brodiere, veuve du nommé Cornette, qui sont peut-être mère et fille (Marie-Anne Brodière, fille de Joseph et Marie-Angélique Dubreuil, a épousé Pierre Cornette le 30 octobre 1741. Ce dernier est recensé en 1744 mais ne laisse aucune trace dans nos sources par la suite). Voir également le testament de Louis Guinière, dans lequel il lègue «a la veuve du nommé Gregoire qui a esté cy devant domestique du dit Sieur testateur, elle a present remariee»; ibid., le 22 juillet 1754 : testament de Louis Guiniere. anq-q, m. not. Panet, le 17 juin 1748 : cession de biens meubles et immeubles, par Louis Guiguiere, veuf de Marguerite Durand, à Gaspard Guiguiere (majeur), curé de la paroisse de Saint-Augustin, Louis Durand dit Guiguiere (majeur) et Louis Guiguiere (majeur). Plus tard, dans son testament, le vieil homme lègue à un de ses fils la somme de 500 livres «en considération des bons offices particuliers qu’il a rendu audit testateur son pere»; m. not. Barolet, le 22 juillet 1754 : testament de Louis Guiniere. anq-mcq, m. not. Pillard, le 29 janvier 1749 : pension viagère par Antoine, François et Joseph Foucault dit Courchêne, Joseph St-Germain et Madeleine Foucault, son épouse, Alexis Lacourse et Marguerite Foucault,
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son épouse, et Joseph Robida et Marianne Foucault, son épouse, à Jean-Baptiste Foucault, leur père et beau-père. anq-q, m. not. Boucault de Godefus, le 31 janvier 1739 : donation entre Pierre Baille, veuf de Marie Secaboulle, et Gabriel et Pierre Renaud, ses petits-fils. anq-q, m. not. Pinguet de Vaucour, le 2 septembre 1732 : donation de biens meubles et immeubles de la paroisse Saint-Laurent par Jean Gaultier à Catherine Gaultier, veuve de Jean-Baptiste Lagoudrais; m. not. Lanouillier dit Desgranges, le 19 mars 1756 : convention entre Catherine Gautier, veuve de Jean-Baptiste Lacoudray, et Jean-Claude Louet et Marie-Anne Lacoudray, son épouse, son gendre et sa fille. Elle y reconnaît s’être installée chez le couple huit ans plus tôt. anq-q, m. not. Panet, le 14 mars 1747 : donation par Mathurin Palin Dabonville à Angélique Palin, veuve de Jean Demitte, sa fille; m. not. Decharnay, le 14 janvier 1756 : bail de nourriture par Antoine Palin Dabonville et Barbe Brulot, son épouse, à Mathurin dit Dabonville, son père. anq-q, m. not. Panet, le 28 mai 1773 : obligation et vente de meubles par Charles Boucher, sieur de Boucherville, à Françoise Jeremie Douville, veuve Belan.
chapitre 4 1 Gosselin, L’Église du Canada depuis Monseigneur de Laval jusqu’à la conquête, vol. 1, p. 271. 2 Lambert, «Les pauvres et la société à Québec», p. 342–343; BeauvaletBoutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, p. 311–335; et Conger, «Widowhood in Colonial America». 3 Rituel du diocèse de Québec, p. 608, 624. 4 Ibid., p. 387. 5 Ibid., p. 445. 6 Ibid., p. 425–426. 7 Lambert, «Les pauvres et la société à Québec», p. 75–83, 101, 132–145, passim. La citation provient d’un acte, consulté aux anq-q, rédigé par le notaire Boucault de Godefus le 5 octobre 1742 : testament de Marie-Louise Dejordy, veuve de Jean-Baptiste Gaillard; la testatrice fait un don à l’Hôpital-Général et décrit ainsi le rôle de l’institution. On connaît par ailleurs assez peu le fonctionnement du Bureau des pauvres, qui exista de 1688 à 1701 environ, et qui veillait aussi sur les pauvres veuves et orphelins. L’Hôtel-Dieu de Québec, créé en 1636, accueillait également des pauvres, puisque maladie et pauvreté vont souvent de pair.
Notes des pages 86 à 88
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8 anq-q, m. not. Saillant de Collégien, le 16 juin 1753 : quittance de l’HôpitalGénéral de Québec, à Charlotte Vergeat, veuve de Louis Evé. 9 Rituel du diocèse de Québec, p. 130–131. 10 D’après le Dictionnaire universel de Furetière, une gratification est un «don, présent, liberalité, bienfait», dans ce cas-ci par les autorités coloniales. 11 anc, mg1, c11a, vol. 66, fos 160–161, les 6 janvier et 26 septembre 1736 : lettres de Hocquart au ministre. Le même usage est établi à Montréal; voir ibid., vol. 76, C-2394, p. 60, le 30 octobre 1741 : lettre de Hocquart au ministre, dans laquelle il note «l’usage etabli de fournir des rations a des veuves de gens morts au service, a de vieux soldats congediez, infirmes, a des faux sauniers hors d’Estat de gagner leur vie». 12 Ibid., vol. 99, C-2399, p. l16–124, le 1er octobre 1753 : compte de recette et dépense des postes des pays d’en haut que rend M. le marquis Duquesne de l’année 1752 (joint à la lettre du 4 octobre : Duquesne au ministre). 13 Lorraine Gadoury, La noblesse de Nouvelle-France. Familles et alliances, 1992; et La famille dans son intimité; Peter N. Moogk , «Rank in New France : Reconstructing a Society from Notarial Documents», 1975; Kenneth Donovan, «Tattered Clothes and Powdered Wigs : Case Studies of the Poor and Well-to-Do in Eighteenth-Century Louisbourg», 1985. 14 anc, mg1, c11b, vol. 2, fos 163–184, le 13 novembre 1717 : lettres de Monsieur de Saint-Ovide et de Soubrac, gouverneur et commissaireordonnateur de l’Île Royale. Certains sont particulièrement prévoyants. Le commandant Duquesnel demandera au roi «en accordant sa retraitte [au sieur de Bourville] davoir la bonté dassurer une pension a sa femme et ses enfants pour quil aye la satisfaction de scavoir que sa famille ne mourra pas de faim apres sa mort … cest un ancien officier qui avois bien servy dans la marine et qui a fait de son mieux depuis quil est icy». Ibid., vol. 25, fo 72v., Louisbourg, le 4 novembre 1743 : lettre de Duquesnel à Maurepas. 15 Ibid., vol. 5, fos 8–12, le 1er février 1720 : lettre du Conseil. 16 anc, mg1, c11a, vol. 73, C-2393, p. 11, le 1er octobre 1740 : lettre de Beauharnois et Hocquart au ministre. 17 Ibid., vol. 49–2, C-2389, p. 392–396, 405, 1727 : mémoire de Madame de Vaudreuil à Maurepas. Philippe de Rigaud de Vaudreuil a été gouverneur de la colonie jusqu’en 1725. Au sujet de sa veuve, voir Jan V. Noel, «Women of the New France Noblesse», 1997, p. 28–29; et Catherine Rubinger, «The Influence of Women in Eighteenth Century New France», 1994. 18 anc, mg1, c11b, vol. 15, fo 59, le 23 janvier 1734 : lettre de St-Ovide et LeNormant à Maurepas.
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Notes des pages 88 à 91
19 Ibid., vol. 8, fos 21–27 (22v. pour la citation), le 1er décembre 1726 : lettre de Saint-Ovide et Mézy à Maurepas. Voir à ce sujet Brun, «Le veuvage en Nouvelle-France», chapitre 4. 20 anc, mg1, c11a, vol. 49–2, C-2389, p. 392–396 et 405, 1727 : mémoire de Madame de Vaudreuil à Maurepas. 21 Ibid., vol. 106, C-2403, p. 300, le 26 février 1717 : résumé de lettres de Mgr de Saint-Vallier et délibérations du Conseil de Marine sur ces lettres. 22 Ibid., vol. 49–2, C-2389, p. 392–396, 405, 1727 : mémoire de Madame de Vaudreuil à Maurepas. 23 anc, mg1, c11b, vol. 19, fos 43–44 (43 pour la citation), Louisbourg, le 31 octobre 1737 : lettre de Brouillan et Lenormant. Voir aussi vol. 22, fos 134–135, le 1er novembre 1740 : lettre de Bourville au ministre, au sujet de la veuve de La Vallière et de ses fils; et vol. 12, fos 26–31 (28v.-29 pour la citation), Louisbourg, le 24 novembre 1731 : lettre de Saint-Ovide, au sujet de la veuve Latour, de la veuve de Renon et de leurs fils. 24 anc, mg1, b, vol. 39–5, p. 1045–1064, juin 1717 : mémoire du Roy à Costebelle et Soubras. Voir aussi vol. 39, p. 557, le 20 mars 1717 : lettre du Conseil [du roi] au Duc de Noailles – lettre favorable à la veuve Duvivier qui souhaite faire entrer à l’école Saint-Cyr une de ses filles âgée de cinq ans. Elle obtiendra bel et bien cette grâce puisqu’une quinzaine d’années plus tard, le sieur Duvivier demandera la permission de passer en France chercher sa sœur qui étudie dans cette maison d’éducation créée par Mme de Maintenon en 1686; voir anc, mg1, c11b, vol. 12, fos 26–31 (30 pour la citation), Louisbourg, le 24 novembre 1731 : lettre de Saint-Ovide. 25 anc, mg1, c11b, vol. 8, fos 21–27 (21 pour la citation), Louisbourg, le 1er décembre 1726 : lettre de Saint-Ovide et de Mézy au ministre. 26 Ibid., vol. 8, fos 55–64v (56–56v. pour la citation), Louisbourg, le 20 novembre 1726 : lettre de Saint-Ovide au ministre. 27 Ibid., vol. 20, fos 321–323 (323–323v. pour la citation), le 31 janvier 1738, Louisbourg : lettre de Levasseur. 28 anc, mg1, c11a, vol. 31, fo 210, 1710 : liste des sujets qui demandent la pension de feu Repentigny; vol. 120–1, C-2410, p. 224–226, 1710 : liste des sujets qui demandent les gratifications ordinaires. 29 Ibid., vol. 106, C-2403, p. 302, le 26 février 1717 : résumé de lettres de Mgr de Saint-Vallier et délibérations du Conseil de Marine sur ces lettres. 30 Ibid., vol. 49, C-2389, p. 118, le 25 septembre 1727 : lettre de Beauharnois au ministre. 31 Ibid., vol. 49–2, C-2389, p. 392–396 et 405, 1727 : mémoire de Madame de Vaudreuil à Maurepas. 32 Idem.
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33 anc, mg1, c11a, vol. 56, fos 35–40v., Versailles, le 17 avril 1731 : lettre du ministre Maurepas à Beauharnois. 34 anc, mg1, c11b, vol. 19, fos 28–30v., Louisbourg, le 26 octobre 1737 : lettre de Brouillan et LeNormant. 35 Ibid., vol. 2, fo 254, novembre 1717 : lettre de Soubras, rations extraordinaires demandées; vol. 7, fos 39–45 (42v. pour la citation), Louisbourg, le 15 novembre 1724 : lettre de Mézy à Maurepas. 36 Ibid., vol. 5, fos 175v.-176, le 2 juillet 1720 : mémoire du roi aux sieurs de St Ovide gouverneur et de Mezy commissaire ordonnateur a l’Isle Royalle; anc, mg1, b, vol. 42–2, p. 408–412, le 10 juillet 1720 : lettre du Conseil à Mézy. 37 anc, mg1, c11b, vol. 7, fos 39–45 (42v.-43 pour la citation), Louisbourg, le 15 novembre 1724 : lettre de Mézy au ministre. 38 Ibid., vol. 5, fos 238–240, Versailles, le 9 octobre 1720 : mémoire de Verville au roi. 39 Voir par exemple ibid., vol. 20, fos 262–263v., Louisbourg, le 1er octobre 1738 : Sabatier, état des dépenses, troisième quartier 1738. 40 anc, mg1, c11a, vol. 76, fos 272–277, Versailles, le 16 février 1741 : lettre de Varin sur quelques parties des dépenses de Canada qui pourraient être considérablement diminuées. 41 Ibid., vol. 76, C-2394, p. 58–59, le 30 octobre 1741 : lettre de Hocquart au ministre. 42 Ces permis visent à limiter le nombre d’expéditions dans l’Ouest. 43 anc, mg1, c11a, vol. 38, fos 85–88v., le 9 novembre 1718 : état des congés accordés en 1717, qui fait état de nombreuses veuves qui revendent leur congé; vol. 56, C-2390, p. 199–202, octobre ou décembre 1731 : résumé d’une lettre de Beauharnois avec commentaires; vol. 61, C-2391, p. 189–197, le 6 octobre 1734 : lettre de Beauharnois au ministre; vol. 56, C-2390, p. 199–202, octobre ou décembre 1731 : résumé d’une lettre de Beauharnois avec commentaires. 44 Ibid., vol. 93, C-2398, p. 163–165, le 22 septembre 1749 : lettre de La Jonquière au ministre, dans laquelle il affirme que «M. le Marquis de Beauharnois [son prédécesseur] avoit uniquement pour faire ces dons le produit de tous les congés et j’ai sçeu que par ce moyen il aidoit fort à propos quantité de pauvres personnes de mérite et de distinction à se soutenir. Ces dons ou pour mieux dire, ces charités ont été modérées depuis quelques temps a la somme de dix mille francs a retenir sur la ferme des postes et des congés. Et n’ayant pas été possible de faire cette retenue, à cause que la dépense a toujours égalé ou excédé la recette, M. de la galissonière a eu la douleur d’entendre demander avec instance ces personnes infortunées sans pouvoir les soulager dans leurs peines et dans leurs misères.» La Jonquière ajoute que «cet arrangement sera d’un très grand
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préjudice aux pauvres dames veuves d’officiers et aux jeunes gens de famille qui sont en grand nombre dans cette colonie et dont la pluspart m’ont desja témoigné le pressans besoin qu’ils ont des secours que la cour avoit coutume de leur accorder». Ibid., vol. 118, C-2408–9, p. 191–194, le 23 octobre 1748 : lettre de La Galissonière au ministre qui fait l’état du produit des postes et congés dans la présente année. Ibid., vol. 119, C-2409, p. 107–110, le 3 novembre 1750 : compte de recette et dépense des postes des pays d’en haut tant affermés que exploités par congés que rend M. le marquis de La Jonquière depuis le compte arrêté avec La Galissonière jusqu’à la présente année 1750; et p. 140–150, le 25 octobre 1751 : compte de recette et dépense des postes des pays d’en haut tant affermés que exploités par congés que rend M. le marquis de La Jonquière depuis son compte de l’année dernière arrêté le 3 novembre 1750 jusqu’à la présente année 1751; vol. 99, C-2399, p. 16–24, le 1er octobre 1753 : compte de recette et dépense des postes des pays d’en haut que rend M. le marquis Duquesne de l’année 1752 depuis celui que M. le baron de Longueil a rendu de la même année et qui a été envoyé à la cour l’automne dernier. Ibid., vol. 101, C-2400, p. 115, le 22 septembre 1756 : lettre de Vaudreuil au ministre. Ibid., vol. 105, C-2402, p. 219, le 26 juin 1760 : lettre de Vaudreuil au ministre. anc, mg1, c11b, vol. 26, fos 173–183v., Louisbourg, le 6 novembre 1744 : Bigot, bordereau des paiments de 1744, dépenses extraordinaires; et fos 157– 160v., Louisbourg, le 16 novembre 1744 : Bigot, bordereau des sommes payées aux particuliers. Des exemples de veuves «au service» de l’État en temps de paix figurent dans ibid., vol. 17, fos 164–198v., Louisbourg, 1736 : dépenses sur les fonds de la colonie; vol. 18, fos 157–162v., Louisbourg, le 27 décembre 1736 : bordereau des paiements; vol. 20, fo 192, Louisbourg, le 4 novembre 1738 : bordereau des lettres de change; vol. 20, fos 195–200, Louisbourg, le 2 novembre 1738 : bordereau des paiements. On y trouve des veuves couturières, logeuses et marchandes. Voir à ce sujet Maurice Basque et Josette Brun, «La neutralité à l’épreuve». Armand Gagné, «Eustache Chartier de Lotbinière», Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, p. 120–123. anc, mg1, c11a, vol. 49–2, C-2389, p. 405, 1727 : mémoire de Madame de Vaudreuil à Maurepas.
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Index
activité devant notaire, 20, 105, 107; chez les artisans, 24–25; concernant les baux de bancs d’église, 29–30; domestique, 25–26; financière, 21– 22; immobilière (biens communs), 27–29; chez les marchands 23–24; parentale, 32–33; professionnelle, 21–23; successorale (propres de l’épouse), 30–33; successorale (propres du mari), 27–29; répartition entre les époux, 20–33, 106 Acadie, 10, 25, 36, 71–72, 87, 91–92, 100 activités professionnelles : des épouses, 17–25; des veuves, 66–67, 71– 72, 74, 80, 81, 94, 98. Voir aussi activité devant notaire, marchande publique, procuratrices adjudication publique des fournitures de vivres (soutien aux veuves), 93, 95 âge d’or (théorie de l’), 3–4, 97 Ailleboust de Manthet, Nicolas d’, 90 Albert, Louise, 19–20 an de deuil, 49–51, 57, 110; peines contre les veuves aux mœurs légères, 50–51
Arbonne, Joseph, 75 Auger dit Grandchamp, Julien, 24 aumône (aux veuves), 83, 85 autorisations sous seing privé. Voir procuratrices autorité maritale, 16, 33, 97 avantages coutumiers des veuves. Voir Coutume de Paris, douaire, droit de renonciation, droit de reprise, indemnité pour dettes Badeau, Fabien, 61 Baille, Pierre, 79 Barbel, Jacques, 58 Barrin de La Galissonière, RolandMichel, 93–94 Basanière, Marie-Suzanne, 61 Baucher, Reine, 35 Beaudoin, Joseph, 68 Beaugis, Michel, 52 Beauharnois de la Boische, Charles, 90 Beaujour, Catherine de, 66, 88 Begas, Marie-Anne, 76 Bégon de la Picardière, Michel, 52, 66, 69 Belan, Robert, 64
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Index
Benoît, Martin, 22 Bertin, Louis, 65 Bissot, François, 32 Blute, Marguerite, 74 Boisselle, Jeanne, 28, 72 Boitier dit Berrichon, Nicolas, 65 Bossuet, Jacques Bénigne, 50 Boucher dit Lajoie, Louis, 58, 60 Boucherville, Charles, 80 Boudier, Jacquette Thérèse, 30, 72 Brousse, Jean-Baptiste, 30 Brousseau, Augustin, 75 Brunel, Anne, 23 Bureau, Madeleine, 76 Cabanac. Voir Desjordy de Cabanac, Joseph capacité juridique des veuves, 56, 58 Caron, Joseph Marie, 48 Carrerot, Marie-Anne, 45 Cartier, Jeanne Élizabeth, 74 Chambalon, Louis, 18 charge familiale, 12; au veuvage, 69– 70, 116–117. Voir aussi orphelins, entraide familiale charivari, 47–49, 53–54, 57 Chartier de Lotbinière, Eustache, 94– 95 Chasles, Claude, 20 Cloutier, Françoise, 53 Coignac, Pierre, 75 Colbert, Jean-Baptiste, 47 communauté de biens, 58–59. Voir aussi régime des biens conceptions prénuptiales, 43–46, 57 confrérie de la Sainte-Famille, 42 congés de traite (soutien aux veuves), 93–95 Conquête, 27
contrats de mariage. Voir donations entre époux, douaire, indemnité pour dettes, préciput, régime des biens, remariage, droit de reprise, secondes noces, séparation de biens, séparation de dettes Corbin, Marie-Anne, 61 Cotton, Michel, 77 Coutard, Jacques, 25 Coutard, Robert, 52 Coutume de Paris, 14–19, 26–28, 30, 32–33, 39, 51, 58–59, 63, 65, 68, 80 Cronier, Jeanne, 19–20 Cruchon de la Tour, Jean René, 30, 73 Cugnet, François-Joseph (juriste), 16–18, 49, 51, 59 Daccarrette, Michel, 46 Daneau de Muy, Nicolas, 88, 90 Dastarit. Voir Galbaret, Jeanne de D’Augeac, Gabriel, 89 Davaine, Gabriel, 20 De Gannes de Falaise, Michel, 45 Delaunay, Madeleine, 71 Delisle, Marie-Claire, 46 Demeulles, Jean-Baptiste, 31, 42 De Muy. Voir Daneau Denis de Saint-Simon, Paul, 62 Desjordy de Cabanac, Joseph, 88 Desjordy Moreau de Cabanac, François, 88 Desmarest. Voir Le Roy Desroches, Georges, 17 Devisse, Charles, 33 division sexuelle du travail et du pouvoir entre époux, 13–14, 23–25 donations entre époux, 68–69, 115– 116, 131n76
Index douaire, 26–9, 33, 73, 75, 81, 99, 108; droit au, 63; perte au remariage, 56; renonciation, 28– 29; valeur, 62–63, 113 Douville, Françoise, 64, 80 Doyon, Antoine, 53 Doyon, Joachim, 53 Drenon, Marie-Anne, 75 droit coutumier. Voir Coutume de Paris droit de renonciation, 59–62 droit (ou clause) de reprise, 64–65, 81, 115, 131n69 droit romain (influence sur le droit coutumier), 50 Dufrost de La Jemerais, FrançoisChristophe, 90 Dumont, Marie, 32 Dunière, Louis, 78 Dupont, Marie, 17–18 Dupuy, Marie-Geneviève, 46 Duquesne de Menneville, Ange, 86 Durand, 52 Duroy, Marie, 20 Duroy, Pierre, 18, 22 Duvivier (veuve), 89 échantillon, 103–104, 121n8, 123n16. Voir aussi sources Émond dit Baptiste, Marie-Claire, 25 Enouille dit Lacroix, Louis, 71 épouses autorisées. Voir marchandes publiques, procuratrices entraide familiale et autre, 67–68, 81; chez les veuves, 70–76, 81; chez les veufs, 76–79, 81. Voir aussi orphelins, veuvage femmes d’affaires. Voir activités professionnelles, marchande publique, procuratrices
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Ferrière, Claude de, 52, 67 Filiau, Geneviève, 28–29 Firmain, François, 17–18 fondées de pouvoir. Voir procuratrices Forestier, Marguerite, 22–24, 29, 61 Foucault, François, 78 Frontigny, Pierre, 25 Galbaret, Jeanne de (veuve Dastarit), 17, 38 Galbaret, Marie de, 16–17 Gautier, Catherine, 79 genre (concept), 3–4 Gonillon, Catherine, 46 Gontaut, Charles, 19 Gosselin, Louis, 77 Goutin, Mathieu de, 72, 91–92 gratifications aux veuves, 86, 90, 95 Gruel de La Peltrie, Marie-Madeleine de (née Chauvigny), 41 Guay, Charlotte, 36 Guay, Louis, 18 Guyot, M., 49–50, 54 habits de deuil, 49 Hazeur, Marie-Anne, 31, 87 Hervé, Marie, 33 Hévé, Louis, 86 Hocquart, Gilles, 23, 86 Hôpital-Général, 42, 83, 85–86, 95 Hubert, Marie-Anne, 18 Huppé, Marie-Françoise, 75 Hurel, Claude, 71 incapacité juridique des épouses, 16– 17, 33, 56 indemnité pour dettes (veuves), 22, 59–60 intentions de prière (veuves), 84–85 inventaires après décès, 58, 60
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Index
inversions de rôles, 78–82 Isabeau, Antoinette (veuve Planton), 66 Isabeau, Michel Philippe, 66 Jarousselle, Jeanne, 52 Jordi (monsieur de). Voir Desjordy Moreau de Cabanac, François Jourdain, Michel, 46 Joybert, Louise-Élisabeth de (marquise de Vaudreuil), 88–91, 94–96 Juneau, Marie-Hélène, 18 Lacourse, Alexis, 78 Laferrière, Paul, 76 La Forest (veuve), 94 La Galissonière. Voir Barrin Lagrange, Anne-Henriette, 65 La Jemerais. Voir Dufrost La Jonquière. Voir Taffanel Lajoue, Madeleine, 25 Lallemand, Louise, 30 Lamothe Cadillac (Laumet), Antoine de, 23 Lamotte, Marguerite, 76 La Peltrie. Voir Gruel Larche, Charles, 74 Larcher, Jacques, 78 Larchevêque, Denis, 73 Laval, Mgr de, 48 Laumonier, Jean, 19 LeBlanc, Anne, 12–15, 20–21, 24–26, 29, 32, 63 Leborgne de Bellisle, Anne, 25, 71 Lecoudray, Jean-Baptiste, 79 Lecourt, Ignace, 18 Legardeur de Repentigny, JeanBaptiste, 90 Léger dit Lajeunesse, Pierre, 22–24, 29, 61
Legris, Claude, 31, 63 Lelarge, Pierre, 66, 88 Lemire, Madeleine, 73 Lemoine, Anne, 75 Le Normant de Mézy, Jacques-Ange, 89–90, 92 Lepicard, Jean-Joseph, 61 Lepré, Joubin, 17–18 Lereau, Simon, 52 Le Roy Desmarest, Claude-Joseph, 30, 90 L’Espérance (veuve), 94 Lestage, Jean, 75 Levasseur, Marguerite, 18, 22 Levasseur, Noël, 32 Levasseur dit Lavigne, Marie Madeleine, 48 Lis, Marie, 20 Lorant, François, 90 Louis XIV, 37 Louisbourg, 9–10 Maillou, Catherine, 28, 31 Manthet. Voir Ailleboust Marandeau, Jacqueline, 73 marchande publique, 17, 59 mariage : âge moyen au, 12; durée moyenne, 105 Marie de l’Incarnation, 41 Martin, Hélène, 36 Martin de Lino, Mathieu, 24–26, 28, 74 Martin dit Jolicœur, Marie-Josèphe, 31, 63, 73 Martissans, Pierre, 22 Maurepas. Voir Phélypeaux Melançon, Anne, 91 Ménage, Pierre, 12–15, 20–21, 24– 26, 29, 32, 63 Michaux, Fleurant, 86
Index Michelet, Melchior, 33 Million, Simone, 65 Milly, Gaspard, 16–17 Minet, Julienne, 17, 20 Mius d’Entremont, Anne, 87 mortalité infantile, 13 Mossion, Anne, 76 Mullot, Claude, 17 Nadeau dit Lachapelle, Henri, 76 Nicolas, Guillaume, 73 Nicolas, Marie Joseph, 73 Niort de La Minotière, Pierre de, 23 Noel, Jan, 3 Noël, Jean, 75 Nolan dit Lamarque, Catherine, 26, 28, 74 Normand dit Labrière, Louis, 23 Normandin, Louis, 75 Normandin, Pierre, 77 Normandin dit Sauvage, Laurent, 86 obligations de l’épouse (par acte notarié), 22–23 orphelins, 69–72, 116–117. Voir aussi entraide familiale Palin Dabonville, Mathurin, 80 Parent, Étienne, 73 Paris, Antoine, 36 Pasquet, René, 31 Pastour de Costebelle, Philippe de, 87 pauvre (définition du «vrai»), 83– 84, 95 pauvreté, 83–96; et secours de l’Église catholique, 84–86, 89, 95– 96; et secours de l’État, 86–96. Voir aussi adjudication publique de fournitures, congés de traite, gratifications, pensions, rations
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Payment, Pierre, 75 Peiras, Louis-Madeleine de, 62 Pelletier, Charles, 23 Pelletier, Noël, 66 pensions (aux veuves), 87, 89–91, 95 Pepy dit Lafleur, Daniel, 33 Peré, Jeanne, 22 Perthuis, Charles, 71 Petit de Boismorel, Louise Thérèse, 24 Phélypeaux de Maurepas, Jean Frédéric, 91 Pilotte, Marguerite, 35 Planton. Voir Isabeau Poirier, Marianne, 75 politiques d’assistance. Voir pauvreté Pothier, R.J., 16 Prat, Louis, 86 préciput, 63–64, 81, 114 procuratrices, 17–20, 127n27, 128n32 Québec, 9 Racine, Joseph, 35, 76, 82 rations (aux veuves), 91–92, 95 Raudot (intendant), 52, 66 régime des biens, 15–16, 65, 104. Voir aussi communauté de biens remariage, 36; certificat de décès requis, 46–47; et consentement des parents, 37–38; conséquences légales pour les femmes, 39–40, 56; dispenses requises, 46; écarts d’âges, 53–54, 57, 111; endogamie, 54–55, 112, 138n85; et poids de l’âge chez femmes, 38; et statut spirituel des veuves, 43; taux, 36–39, 56, 108–110, 112. Voir aussi an de deuil, charivari, secondes noces
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Index
remploi des propres aliénés, 65 Renaud, Gabriel, 79 Renaud, Pierre, 79 Renon (veuve), 88–92 Renoyer, Marie-Jeanne, 58, 60 Resche, Louise, 61 Rigaud de Vaudreuil, Philippe de, 88 Rigaud de Vaudreuil de Cavagnial, Pierre de, 94 Roberge, Madeleine, 71–72 Robineau de Bécancour, Pierre, 89 Robineau de Portneuf, René, 88–89, 91 Robitaille, Madeleine, 74 Robitaille, Thérèse, 74 Rodrigue, Jean-Baptiste, 25, 71 rôle de représentation de l’épouse, 20–23, 29; chez les familles marchandes, 23; limité, 33 Rolland, Jacques, 73 Roussel, Marie-Louise, 31, 42 Rousset, Nicolas, 36 Saint-Laurent (veuve), 52 Saint-Ovide, Joseph de Montbeton de Brouillan dit, 87, 89 saint Paul, 41 Saint-Vallier, Mgr de, 29, 37–8, 40–41, 43, 48, 67, 83–5, 89 Sarrazin, Michel, 31, 87–88 Savary, Jeanne, 33 secondes noces (édit des), 40, 50–53, 99. Voir aussi remariage séparation de biens, 17, 30, 40 séparation de dettes, 60 Simon, Agnès, 18 sorcellerie, 49 Soubras, Pierre-Auguste de, 87
Soucy, Marie-Anne, 23 sources, 3, 121n8, 123n16, 140n27; vie conjugale, 6, 121n8; veuvage, 8, 121n8, 123n16, 140n27, 140n34. Voir aussi échantillon subornation, 45 Taffanel de La Jonquière, JacquesPierre de, 93 Talon, Jean, 47 Thesson, Jeanne, 65 Thesson dit Laflourie, Elie, 65 Thibodeau, Jeanne, 72 Thomelet (veuve), 52 Truel, Pierre, 25 Turin, Mathieu, 75 Turpin, Marie, 32 urbanité, 124n24 Varin de La Marre, Jean-Victor, 92 Vaudreuil (marquise de). Voir Joybert, Louise-Élisabeth de Vaudreuil (premier gouverneur). Voir Rigaud Vaudreuil (second gouverneur). Voir Rigaud de Vaudreuil de Cavagnial Vergeat, Jean, 72 Vergeat, Marie-Charlotte, 86 Vermette, Marie-Anne, 75 vertu (des veuves), 40–42, 50–52, 56, 86 veuvage, 4, 7–8; âge moyen au, 109; et capacité juridique, 56, 58; comme défi domestique, 35, 82; et conceptions prénuptiales, 43–46, 57; durée, 55–57, 113; et pauvreté, 83–96; et sort de la communauté,
Index 58–59; et statut spirituel, 42–43, 56; et subsistance, 66; vertueux pour les femmes, 40–42, 50–52, 56, 86. Voir aussi activités professionnelles, Coutume de Paris, secondes noces Vézier dit Laverdure, François, 48
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vie conjugale, 4–5; cadre juridique, 14, 16–17, 33, 56; division sexuelle du travail et du pouvoir, 13–14, 23– 25; durée, 105 Villedonné (veuve), 91 Villejoin (madame de), 92 Vivier, Claude, 77