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English Pages 132 Year 1997
Can Canada Survive?
Under What Terms and Conditions?
Le Canada peut-il encore survivre ?
Comment et dans quelles conditions ?
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Can Canada Survive?
Under What Terms and Conditions?
Le Canada peut-il encore survivre ?
Comment et dans quelles conditions ?
Transactions of the Royal Society of Canada 1996 / SIXTH SERIES / VOLUME VII Mémoires de la Société royale du Canada 1996 / SIXIÈME SÉRIE / TOME VII
Published for thé Royal Society of Canada by University of Toronto Press Toronto Buffalo London
© University of Toronto Press Incorporated 1997 Toronto Buffalo London Printed in Canada ISBN 0-8020-8113-4
National Library of Canada cataloguing Transactions of the Royal Society of Canada = Mémoires de la Société royale du Canada Annual. Text in English and French ISSN 0035-9122 1. Science - Canada - Collected Works. I. Royal Society of Canada. II. Title: Mémoires de la Société royale du Canada Catalogage de la Bibliothèque nationale du Canada Transactions of the Royal Society of Canada = Mémoires de la Société royale du Canada Annuel. Texte en anglais et en français. ISSN 0035-9122 1. Sciences - Canada - Collections. I. Société royale du Canada II. Titre: Mémoires de la Société royale du Canada. AS42.R66081 C75-030369-7E
University of Toronto Press acknowledges the assistance to its publishing program of the Canada Council and the Ontario Arts Council.
Contents Matières Introduction Jacques Lévesque, msrc
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L'état du Québec et du Canada un an plus tard Lise Bissonnette, msrc
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Canada and Quebec: Where Are We Now? Thomas Flanagan, FRSC
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Deep Diversity and the Future of Canada Charles Taylor, FRSC
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Le Canada pourrait survivre en association avec le Québec Guy Rocher, msrc
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Constitutional Reform: The God that Failed Alan C. Cairns, FRSC
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Comment conjuguer le Québec et le Canada Jean Laponce, FRSC
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A Matrix Model of Canada Cooper Langford, FRSC
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Why I Am (Sometimes) a Separatist: A View from the Margins Margaret Conrad, FRSC
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Conjurer le tragique Guy Laforest
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Quebec Is Not an Island Philip Resnick
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Notes on Contributors Notes biographiques de présentateurs
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The Royal Society of Canada La Société royale du Canada
Colloque organisé par : Symposium organized by: Académie des lettres et des sciences humaines Academy of Humanities and Social Sciences Academy of Science / Académie des Sciences Government Conference Centre, Ottawa, Ontario le samedi 23 novembre 1996123 November 1996
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JACQUES LÉVESQUE, msrc
Introduction
La Société royale du Canada est un des plus anciens lieux d'échanges intellectuels de ce pays. Elle a été fondée en 1882 par le gouverneur général de l'époque, le marquis de Lorne, de concert avec sir John William Dawson, le principal de l'Université McGill et le professeur Pierre J.-O. Chauveau, ancien premier ministre du Québec, dans l'esprit de la dualité canadienne qui avait alors cours. Elle avait pour but de favoriser le développement de la science et de la littérature au Canada. Dans ce sens, elle constitue la première et la plus ancienne des sociétés savantes du Canada et demeure la plus interdisciplinaire d'entre elles. En effet, avec le développement des sciences et des sciences humaines, elle n'a cessé de s'ajuster. Elle a continué à élire dans les trois Académies qui la composent maintenant, les Canadiens et Canadiennes qui se sont particulièrement signalés par l'excellence dans les disciplines les plus diverses. Depuis ses origines, la Société a organisé régulièrement et sous diverses formes des rencontres entre ses membres qui proviennent de tous les horizons intellectuels, pour débattre des grandes questions qui se posent dans le développement des sciences et de la société. Ces rencontres sont toujours ouvertes et sollicitent la collaboration de collègues et de personnalités qui peuvent leur apporter une importante contribution. Les résultats assez largement inattendus du référendum québécois sur la souveraineté, en octobre 1995, ont mis le Canada dans une crise existentielle d'une importance sans précédent depuis sa formation. C'est la raison pour laquelle le comité exécutif de la Société a estimé en janvier 1996 que celle-ci avait un devoir particulier de mettre à contribution le vaste et eminent réseau intellectuel qu'elle représente, pour réfléchir sur les TRANSACTIONS OF THE ROYAL SOCIETY OF CANADA / SERIES VI / VOLUME VII /1996
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The Royal Society of Canada/ La Société royale du Canada
perspectives d'avenir du Canada et débattre des solutions qui peuvent être envisagées pour tenter de résoudre les problèmes qui mettent en jeu son existence sous sa forme actuelle. Le titre qui a été retenu pour le colloque qui a eu lieu à Ottawa le 23 novembre 1996, « Le Canada peut-il encore survivre? Comment et dans quelles conditions? » avait précisément pour but de souligner l'urgence de la situation et d'une réflexion sur les issues possibles à la situation présente. Plutôt que d'organiser des ateliers autour de divers thèmes particuliers, nous avons pensé soumettre cette même question centrale à des conférenciers provenant des trois Académies de la Société, pour qu'ils livrent leurs conclusions et leurs interrogations à la réflexion et au débat le plus large possible. Comme les membres de la Société proviennent non seulement des disciplines et horizons académiques les plus divers, mais aussi de toutes les régions du Canada, nous avons pensé qu'il y avait là une garantie du pluralisme le plus large des idées et points de vue soumis à la discussion. Les membres de la Société royale du Canada ont tous des opinions politiques qui leur sont propres. Cependant, comme leur élection repose uniquement sur l'importance qualitative de leurs recherches et de leurs travaux intellectuels, nous avons pensé, sans trop de prétention, espéronsnous, qu'il y avait là un gage de hauteur de vues et d'autorité particulière pour les résultats de ce colloque. Ce sont ces résultats qui sont ici soumis avec l'espoir qu'ils constitueront des repères utiles dans un débat qui est appelé à se poursuivre. Dans l'organisation de ce colloque, j'ai bénéficié des idées et d'un appui constant de Desmond Morton et de Patrice Garant, ainsi que des conseils de John Meisel, Lawrence Mysak et Michel Chrétien. Je leur en suis particulièrement reconnaissant, de même qu'à tous ceux et celles qui ont accepté d'y prendre part, malgré toutes leurs autres occupations. Ils étaient convaincus de l'importance et de l'utilité de le faire. Jacques Lévesque Vice-président (1994-96) de la Société royale du Canada
Lévesque : Introduction
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One of the oldest institutions of intellectual exchange in this country, the Royal Society of Canada was founded in 1882 by then Governor-General, the Marquis of Lome, along with Sir John William Dawson, principal of McGill University, and Professor Pierre J.O. Chauveau, a former Premier of Quebec. The Society's goal was to encourage the development of literature and the sciences in Canada. In that sense it is the most ancient of the Learned Societies in this country, and it remains one of the most interdisciplinary of those societies. Indeed, as the sciences, social sciences and humanities developed, it grew and evolved along with them, and is now composed of three Academies, to which Canadian scholars who have particularly distinguished themselves in their disciplines are elected by their peers. Since its founding, the Society has regularly held meetings and symposia bringing together scholars from various disciplines and intellectual perspectives to reflect on important questions facing the scholarly community or society as a whole. These meetings are always open to the public, and the papers presented are published annually in Transactions of the Royal Society of Canada. With the present volume, Transactions is entering a new stage of collaboration with University of Toronto Press. The largely unexpected results of the Quebec referendum on sovereignty in October 1995 gave rise to an existential crisis of unprecedented importance in the history of Canada. For this reason, the Executive Committee decided in January 1996 to call on the resources of the vast and eminent intellectual network represented by the Fellows of the Society to undertake a reflection on the future of Canada and on possible solutions to the problems threatening its present existence. The title chosen for the conference - "Can Canada Survive? Under What Terms and Conditions?" - was meant to underline the urgency of the present situation facing the country and to encourage participants to reflect boldly on possible outcomes and alternatives. Rather than dividing the deliberations into separate thematic workshops, we asked speakers chosen from each of the three Academies of the Society, to respond to the central question. The conference took place in Ottawa on 23 November 1996. As the Fellows of the Society not.only represent a wide variety of scholarly disciplines and intellectual perspectives, but also come from all the regions of the country, it was our belief that discussion at the conference would be
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The Royal Society of Canada /La Société royale du Canada
marked by pluralism in the broadest sense. As well, the fact that election of Fellows to the Royal Society of Canada is based solely on the quality of their research and scholarly activities, and not on their individual political opinions, grants a particular authority to these deliberations. In our view, the contributions to this conference offer a number of new and important perspectives to the continuing debate about the future of this country. In the planning of the conference, I benefited from the ideas and constant support of Desmond Morton and Patrice Garant, as well as the advice of John Meisel, Lawrence Mysak and Michel Chrétien. I am grateful to them and to all those who agreed to participate in spite of the numerous demands on their time. For all of us, there was a feeling that a national debate of this nature was long overdue.
Jacques Lévesque Vice-president (1994-96) of the Royal Society of Canada translated by Patricia Smart
LISE BISSONNETTE, msrc
L'état du Québec et du Canada un an plus tard Résumé L'année qui s'est écoulée depuis le référendum d'octobre 1995 a été caractérisée par la résurgence du thème identitaire chez les souverainistes québécois ainsi que chez les forces fédéralistes québécoises et canadiennes. Le nationalisme ethnique, qui avait régressé depuis quelque temps au Québec en faveur d'une citoyenneté québécoise plus inclusive, a refait surface à la suite du NON massif des électeurs anglophones et allophones du Québec. Mais ce qui est encore plus remarquable, c'est l'émergence du thème indentitaire dans le camp fédéraliste. Le Canada s'efforce de disputer au Québec la première place dans l'affection des Québécois en affirmant les avantages de la citoyenneté canadienne et en distribuant des drapeaux canadiens partout au Canada et au Québec. Un an après le référendum, l'affrontement des identités est donc devenu viscéral plutôt que politique, avec des relents de colonialisme... The State of Quebec and Canada One Year Later -Abstract The year that has passed since the referendum of October 1995 has been marked by the reappearance of the identity question, both among the sovereignists and on the part of the federal forces inside and outside Quebec. Ethnic nationalism, which had for some time been on the decline in Quebec, yielding to a more inclusive concept of citizenship, has reappeared in response to the solid NO vote of Quebec's anglophone and ethnic electors. But the most striking development is the emergence of a parallel concern with identity in the federalist camp. Canada is now competing for the affection of francophone Quebeckers by stressing the advantages of citizenship and by distributing Canadian flags throughout the country. One year after the referendum, the clash of identities has become not merely political but deep-seated and emotional, with colonialist overtones...
TRANSACTIONS OF THE ROYAL SOCIETY OF CANADA / SERIES VI / VOLUME VII /1996
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The Royal Society of Canada /La Société royale du Canada
Presque chaque jour, comme il est normal dans un journal quotidien, mon courrier contient des envois bizarres. Des demandes de toutes sortes, qui vont d'un appui à un mouvement de reconquête du Labrador jusqu'à une intervention pour aider un vétéran français à retrouver sa petite amie québécoise perdue de vue depuis 1945. Entre les cas pathétiques, les cas amusants et les cas idiots, j'ai décidé de vous présenter aujourd'hui le plus inclassable de tous, parfaitement approprié à mon propos de ce jour. Il y a un peu plus d'un mois, en fait autour de l'anniversaire du référendum de 1995 sur la souveraineté du Québec, j'ai reçu un colis du gouvernement du Canada, que je vous exhibe aujourd'hui en preuve, car vous ne me croiriez pas autrement. Il s'agit d'un immense drapeau canadien en nylon imprimé, qui m'a été livré avec les instructions d'entretien, de lavage, de réparation et de déploiement. Il était accompagné : (1) d'un certificat lithographie en trois couleurs, dûment signé par la ministre du Patrimoine, Mme Sheila Copps et - je ne sais pourquoi - par Mme Lucienne Robillard, qui est ministre de l'Immigration mais que le certificat n'identifiait que comme députée. Établi à mon nom, le certificat intitulé Un million de drapeaux : un défi à relever, m'était décerné « pour votre participation à cette initiative et votre contribution à votre collectivité et au Canada ». Et cela sans égard au fait queje n'ai certes pas participé à cette initiative (je n'ai ni possédé ni agité un seul drapeau de ma vie et la seule pensée de le faire me plongerait dans l'horreur), et queje suis l'une de ces « séparatistes », comme on dit en Outaouais, qui ne semblent contribuer au Canada que pour le menacer... (2) d'une fiche d'histoire du drapeau canadien, avec diagramme au verso ; (3) d'un formulaire de commande de drapeaux supplémentaires à requérir avant le 15 février 1997, jour du drapeau national du Canada, ai-je appris. Toute contribution supérieure à 10 $, m'annonçait-on, était au surplus déductible d'impôt ; (4) d'une liste de commanditaires de l'opération ; (5) d'une liste de magasins qui, dans mon voisinage, pourraient remplacer mon drapeau le jour où il sera trop usé (ce qui ne sera évidemment pas demain la veille dans mon cas...).
Bissonnette : L'état du Québec et du Canada un an plus tard
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Malgré le ridicule et l'insignifiance de l'envoi, j'ai bien apprécié cette pause pour rire dans un conflit qui, si souvent, se prend terriblement au sérieux. Puis, parce que je devais me présenter devant la digne Société royale du Canada et rencontrer surtout des vrais spécialistes de nos enjeux de société, j'ai conservé le drapeau et ses annexes comme symbole de l'année écoulée qui fut celle de la résurgence radicale du thème identitaire dans notre conflit. C'est à ce thème queje me limiterai aujourd'hui, car je le crois beaucoup plus important que la discussion juridique qui a occupé beaucoup de nos pages et certains de nos meilleurs esprits en 1996. À vrai dire, je le fais sans enthousiasme. Je ne suis pas une « nationaliste identitaire », j'ai toujours combattu ce courant dans le souverainisme québécois et ce n'est pas parce qu'il apparaît aujourd'hui avec force chez les adversaires du souverainisme que je le trouve plus intéressant. Mais il m'apparaît incontournable. Je le traiterai donc tout simplement en deux temps, tel qu'il se présente chez les forces souverainistes québécoises puis chez les forces fédéralistes québécoises et canadiennes. Je vous rappelle avec insistance que je ne suis pas politicologue, que ceci n'a aucune prétention à la communication scientifique, et n'est que de l'observation éditoriale. L'IDENTITAIRE CHEZ LES SOUVERAINISTES Malgré l'image absolument caricaturale qu'on s'en fait aujourd'hui au Canada anglais, pour des raisons qui tiennent au malentendu historique comme au choc postréférendaire qui se réverbère toujours dans les médias, le thème identitaire avait fortement régressé au sein du mouvement souverainiste québécois durant les années qui ont précédé le dernier référendum. Je n'en donnerai que quelques indices. (1) On peut croire ou non les programmes officiels mais dans les formations politiques à fort débat idéologique, comme le NPD et le PQ qui assurent une large participation à la définition de chaque virgule de leur credo, ces programmes sont au moins des révélateurs de consensus. Dans le texte de doctrine péquiste, qu'il s'agisse de la politique des droits de la personne ou de la politique d'immigration, le programme souverainiste n'a rien du « nationalisme ethnique ». Il est inclusif, sauf évidemment aux yeux des extrémistes qui continuent à penser que la seule idée d'assurer une
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The Royal Society of Canada /La Société royale du Canada
protection au français et de le déclarer langue officielle est une oppression des minorités. (2) J'ai cru et je crois encore que le NON nettement majoritaire des Québécois et notamment des Québécois francophones aux accords de Charlottetown était un révélateur de rejet du nationalisme ethnique. Car ces accords, avec leurs divers vetos et protections accordés au Québec pour préserver essentiellement une survie linguistique, nous renvoyaient à une appartenance ethnique. Les « offres » principales de l'accord, pour ce qui touche le Québec, n'étaient pas faites à tous les Québécois mais courtisaient la vieille souche canadienne-française. On la traitait paternellement comme une espèce en voie d'extinction dans le grand tout canadien plutôt que de proposer au Québec entier, donc à l'ensemble des Québécois, des pouvoirs constitutionnels permettant à la collectivité de se développer, au présent et au futur. L'accord sentait le formol et le folklore, il courtisait les réflexes nationalistes d'un autre âge, la fameuse peur de « disparaître » ou d'être « assimilés » qui fut la hantise des Canadiens français avant qu'ils se nomment Québécois. Le rejet instinctif dont cette proposition a fait l'objet me semble donc remarquable et signe de nette évolution vers une conception plus large et surtout plus dynamique de l'appartenance. (3) Tout en refusant le multiculturalisme canadien comme modèle, le souverainisme québécois a tenté sans cesse, au cours des dernières années, de donner explicitement à la « citoyenneté québécoise » - si je puis m'exprimer ainsi - un caractère inclusif. Ici je ne parle plus du programme officiel, mais du débat élargi que nous vivons dans un journal comme le nôtre, par exemple, ou dans les universités, ou dans les différents lieux où se discutent les affaires publiques. Il faut admettre que la difficulté d'une telle entreprise et le malaise étaient toujours palpables, jusqu'à la veille du référendum. Mais il est certain que ce que nous appelons parfois le « nationalisme laurentien », celui qui joue sur les réflexes ethniques, était en régression. Je n'en donnerai comme preuve que la réprobation quasiment générale, et à mon avis exagérée, qui a accueilli le dévoilement en grande pompe à Québec, le 6 septembre 1995, d'un « préambule » à une déclaration de souveraineté. La définition du « nous » qui sous-tendait la notion de peuple, y était théoriquement inclusive - elle décrivait le Québec comme une terre de langue française où l'héritage culturel français se développe en intégrant les apports de la communauté anglaise, des immigrants et des premières nations - mais on lui a reproché, jusque dans
Bissonnette : L'état du Québec et du Canada un an plus tard
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des cercles souverainistes, de trop insister sur la « différence » québécoise et même de faire appel à des images qui rappellent trop le Québec rural plus homogène que le Québec urbain cosmopolite. Tranquille et discrète avant le référendum, cette évolution allait de soi mais les tensions qu'elle repoussait petit à petit ont refait brutalement surface après le référendum. Inutile de le rappeler, elles ont éclaté le soir même avec le célèbre discours du premier ministre d'alors, M. Parizeau, qui accusait « l'argent et le vote ethnique » d'avoir battu « nous, les francophones ». Il invitait ces gens du « nous » à se cracher dans les mains et à reprendre l'effort pour disposer la prochaine fois et de l'argent et du vote ethnique. Au sein même des rangs souverainistes, j'ai rarement vu une telle division en réaction, dont témoigneraient les centaines de lettres reçues dans nos rédactions. La désolation et la colère de tous ceux qui avaient travaillé au « rapprochement » avec les anglophones ou les allophones et qui avaient répudié le nationalisme laurentien étaient aussi fortes, sinon plus, que celle des amis de M. Parizeau qui le félicitaient abondamment d'avoir dit la pure vérité et accusaient les autres de refuser de la voir. Cette querelle n'est pas terminée mais elle s'atténue comme nous avons pu le constater quand M. Parizeau, le jour anniversaire du référendum, a publié dans nos pages un texte où il ne s'excusait pas mais reprenait, cette fois sans accuser, son analyse linguistique du vote de 1995. Cette analyse sociologique est limpide et met en lumière l'effet de blocage qu'a eu le NON massif, quasiment homogène, prononcé le 30 octobre par les électeurs anglophones et allophones, contre l'adhésion majoritaire des francophones au OUI. Il était inévitable, avec ce résultat, que la question identitaire réapparaisse chez les souverainistes qui avaient vaguement cru pouvoir l'éluder. C'est ce qui explique la reprise de vifs débats autour de la politique linguistique, ou les désaccords nouveaux sur l'enseignement de l'histoire, qui nous ont beaucoup occupés au cours de la dernière année. Il est normal que, devant la tiédeur du vote francophone dans certains comtés, des stratèges se demandent si le laxisme de la politique linguistique ou la négligence incontestable du système québécois d'éducation à l'égard de l'histoire qu'elle soit québécoise, canadienne ou universelle - ont joué un rôle. Cela
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The Royal Society of Canada / La Société royale du Canada
ne fait pas d'eux des fascistes pour autant, faut-il marteler. Malgré leur vigueur et parfois leur virulence, ces débats me semblent même confirmer que le nationalisme québécois est beaucoup moins « ethnique » qu'on ne le dit. Car s'il l'était vraiment, le ressentiment que manifestait M. Parizeau le 30 octobre envers le vote anglophone et allophone se serait propagé jusqu'à devenir explosif au quotidien, plutôt que de se canaliser dans des discussions de caractère stratégique. Mais il reste certain que la communauté francophone du Québec, même divisée, a été renvoyée à elle-même le 30 octobre 1995, que le vote a eu l'effet de marquer à nouveau les identités à partir de la langue, même chez les tenants du OUI qui croyaient avoir transcendé cette frontière intérieure. La rumeur fortement hostile qui s'est élevée du Canada anglais durant les mois suivants et qui se maintient sans désemparer ne peut que contribuer à créer un esprit de siège, à renvoyer chacun à des solidarités que l'on pourrait dire « linguistiques » sinon proprement « ethniques ». L'interminable querelle sur l'engagement des intellectuels qui se poursuit dans nos pages témoigne du repli involontaire vers les questions identitaires qui affecte aujourd'hui le Québec, un repli que nous avions cru dépassé et que le résultat du référendum a provoqué. L'IDENTITAIRE CHEZ LES FÉDÉRALISTES Le plus nouveau depuis un an, toutefois, c'est l'émergence du thème identitaire dans le camp fédéraliste et surtout le facteur actif qu'il devient dans le conflit Québec/Canada. Jusqu'à maintenant, les forces fédéralistes concédaient en quelque sorte aux nationalistes québécois la propriété de leur « sens de l'appartenance » et cherchaient à l'accommoder à l'intérieur du Canada pour faire échec au projet d'indépendance. De la politique officielle de bilinguisme de 1968 jusqu'à la proposition de Charlottetown, le gouvernement fédéral, maître-d'œuvre des stratégies, s'appuyait en quelque sorte sur le « tribalisme francophone », qu'il affirmait pourtant combattre pour tenter de résoudre le problème. On faisait le pari que diverses mesures de protection, toutes fondées sur la différence linguistique, donneraient aux Québécois de langue française une mesure suffisante de confort au sein de la fédération pour stopper le mouvement souverainiste. En somme, on ne disputait guère le sens traditionnel de l'identité, tel qu'il s'exprime au Québec français, fédéraliste ou souverainiste.
Bissonneîte : L'état du Québec et du Canada un an plus tard
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Deux phénomènes relativement nouveaux me semblent se faire jour dans le camp fédéraliste, et ils paraissent contradictoires. Le premier est une volonté de mener désormais ouvertement une guerre d'appartenance, pour remplacer Tune par l'autre. Le Canada commence à disputer au Québec la première place dans l'affection des Québécois de toutes origines, y compris chez les Québécois dits de souche, si je puis m'exprimer dans des termes de psychologie populaire aussi simples. Le deuxième est l'affirmation, au Québec même, d'une « citoyenneté canadienne » militante et séparée, qui en appelle surtout à son tour au sentiment d'appartenance ethnique des anglophones, des allophones et autochtones, et qui s'exprime dans le mouvement partitionnistè et ses dérivés. (1) La dispute pour l'appartenance est une sorte d'effet secondaire des échecs constitutionnels de la dernière décennie. Aux stratégies d'apaisement et de compromis qui ont tourné court, comme Meech et Charlottetown, on tente, faute de mieux, de substituer une sorte d'attachement au Canada tel qu'il est. Le fameux document de stratégie de la « cellule unité » du gouvernement fédéral, dévoilé par le Parti Québécois en juillet 1995, en donnait les grandes lignes : publicités subliminales sur les beautés touristiques du Canada et sur son histoire (grâce aux fameuses Minutes du patrimoine), visibilité fédérale dans les divers festivals culturels subventionnés, mise en valeur de la vitalité des communautés francophones hors Québec, célébration des études des Nations Unies qui soulignaient la qualité de vie au Canada, le « meilleur pays du monde ». Il fallait, disait plus brutalement le document « occuper le terrain convoité par les séparatistes sur les questions identitaires ». C'est de cet esprit que procédait la manifestation de veille référendaire canadienne au centre-ville de Montréal le 27 octobre 1995, puis la tentative persistante de rendre le drapeau canadien aussi sacré, aux yeux des Québécois et des Canadiens, que l'est le star-spangled banner au sud de nos frontières. Il s'agit bel et bien de pénétrer le terrain identitaire au Québec, de façon offensive, comme en a témoigné la « journée du drapeau » qui fut plutôt fatale à l'image aimante que voulait projeter M. Chrétien en la célébrant pour la première fois, et en territoire québécois, en février dernier. La fête du Canada, déploiement sans précédent en réplique à la fête du Québec, a obtenu un succès inhabituel en 1996, dans le Vieux-Port de Montréal. Si bien que la volonté d'occupation du terrain identitaire se maintiendra, comme en témoignent, de façon moins folklorique et plus intelligente,
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The Royal Society of Canada/ La Société royale du Canada
les nombreuses déclarations du ministre fédéral des Affaires intergouvernementales. M. Stéphane Dion promeut les atouts du pays plutôt que ses symboles, il espère que les Québécois finiront par se laisser toucher, par y voir une sorte de famille plutôt qu'une simple police d'assurance. Substitution ou superposition ou juxtaposition de l'identité canadienne à l'identité québécoise, tel est, en tout cas, le nouveau défi que le fédéralisme s'est donné, à défaut de pouvoir livrer un changement constitutionnel concret. (2) En s'avançant ainsi sur le terrain identitaire, la stratégie fédérale a toutefois eu pour effet d'exacerber, au Québec même, le sentiment de vulnérabilité qui a saisi les communautés autres que francophones et surtout la communauté anglophone, au lendemain du référendum qui a marqué si clairement les divisions linguistiques. À la surprise générale, l'idée d'affirmer une « identité canadienne » séparée, qui n'avait été formulée alors de façon articulée que par les nations autochtones, y compris avec sa composante territoriale, a été reprise par plusieurs groupes dans des régions à forte concentration anglophone, à la frontière de l'Ontario ou dans la partie ouest de l'île de Montréal. On connaît bien le leitmotiv de ces groupes, martelé par son leadership mais aussi, et de façon curieusement inflammatoire par M. Dion. « Si le Canada est divisible, le Québec l'est aussi ». Je ne m'enferrerai pas aujourd'hui dans l'évaluation juridique de cette assertion, pas plus que dans la fameuse querelle sur le droit du Québec à la sécession en vertu du droit international. Je veux simplement souligner le caractère nouveau de ces mouvements, au Québec même, et leur fondement identitaire, qui est analogue à celui du nationalisme laurentien malgré qu'on tente de le présenter comme un mouvement multiculturel. Il repose en effet essentiellement sur la différence linguistique, qui est le principal cheval de bataille de ses ténors et quasiment le seul. Cela est si remarquable que ce front du ressentiment récuse aujourd'hui l'accommodement que la Cour suprême du Canada a déclaré raisonnable, celui de la prédominance du français dans l'affichage au Québec, et qu'il prône la désobéissance civile à l'égard de la loi 86 qui a consenti ce compromis, et qui est pourtant constitutionnelle. Ce ne sont pas que des exaltés comme Howard Galganov, Bill Johnson et Diane Francis qui en sont là, c'est aussi le Parti Égalité, et des médias comme CJAD ou même The Gazette.
Bissonnetle : L'état du Québec et du Canada un an plus tard
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À cette rupture du pacte linguistique, s'ajoutent d'autres discours qui relèvent presque de la francophobie et qu'on avait rarement entendu au cours des dernières décennies, sauf à la frange des communautés anglophones du Québec. Le partitionnisme véhicule par exemple, et clairement, l'idée que les droits des minorités seraient menacés dans un Québec souverain parce que la majorité francophone, par son histoire et ses penchants naturels, est en quelque sorte génétiquement incapable de les respecter. Les accusations de fraude généralisée qui ont suivi le référendum du 30 octobre et qui ont trouvé une oreille si bienveillante ailleurs au Canada alors que les faits les démentaient de façon éclatante, relèvent de cet esprit. L'extraordinaire déballage de l'affaire Roux, qui a amené à accuser les seuls francophones du Québec d'avoir été antisémites durant les années 30, a fait les beaux jours des mêmes quartiers d'où fusent aujourd'hui les appels à la partition.
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UN AN APRÈS, UN AFFRONTEMENT VISCÉRAL PLUTÔT QUE POLITIQUE Un an après le référendum, donc, si je devais résumer où nous en sommes, je me contenterais de souligner que la bataille s'est déplacée du terrain politique au terrain « viscéral » qu'est cet affrontement des identités. C'est un endroit piégé, insaisissable, où les analystes se sentent mal à l'aise, mais ils ne peuvent l'ignorer. Les déchaînements sont verbaux et non violents, donc limités, mais ils existent. La colère et l'insécurité anglophones, qui sont réelles après le choc du référendum, éclatent dans le mouvement partitionniste ou paralysent tout dialogue plus modéré. La colère et la frustration francophones, qui sont tout aussi réelles après le résultat serré du référendum et la rétorsion à laquelle il donne lieu, commencent aussi à se manifester de façon ouverte. J'en veux pour exemple la virulence du débat linguistique mais aussi le bouillonnement de l'affaire Roux. Beaucoup se sont demandé, au Canada anglais, comment un geste imbécile posé il y a cinquante ans par l'ancien lieutenant-gouverneur, pouvait avoir déclenché des condamnations aussi vives au Québec, notamment dans les rangs souverainistes. C'est pourtant tout simple : M. Roux était de ceux qui ont participé activement à propager le stéréotype de l'équation entre le nationalisme québécois et le fascisme, tout en cachant ses propres turpitudes d'autrefois. La réaction a été collective et forte, comme l'accusation avait été collective et forte. Nous voilà sur une pente difficile à aborder, sinon dangereuse, même dans une société résolument pacifique et qui entend le rester. Je regrette fort, en comparaison, nos discussions à la fois plates et pointues de la période préréférendaire, sur l'acceptation automatique ou non d'un Québec souverain au sein de l'ALÉNA, sur la vente de lait québécois au reste du Canada, ou sur le partage de la dette. Je reconnais toutefois n'avoir pas assez accordé d'attention, jusqu'au référendum, au facteur identitaire, probablement parce que je refusais personnellement ce genre de nationalisme et queje rejetais cette raison de faire la souveraineté. Le sens de l'appartenance, qu'on peut peindre sous des couleurs affreuses en l'appelant « nationalisme ethnique », mais qui est aussi un des ressorts essentiels de la vie en société, ne peut être ignoré aussi facilement. Je citerai donc ici, comme je le faisais dans mon editorial à l'appui du OUI, le 26 octobre 1995, le directeur du Nouvel Observateur,
Bissonnetîe : L'état du Québec et du Canada un an plus tard
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Jean Daniel, qui venait le même mois de nous accorder un entretien. « Je dirais que c'est seulement par la reconnaissance solennelle de l'identité du groupe national que l'on peut espérer que ce groupe dépasse la nation. Sans cela, il sera toujours en état de revendication nationale. (...) Cela est vrai de tous les peuples et de tous les pays. (...) Sinon on se condamne à voir renaître un nationalisme émeutier et chauvin. » Sans le savoir, Jean Daniel résumait l'échec canadien du présent siècle, et devenait prophète de ses conséquences. J'ajouterai ceci, en terminant. Tout en ayant tenté de dresser le portrait du retour de l'identitaire chez les francophones du Québec et de sa nouvelle émergence affirmée chez les anglophones du Québec, je ne propose pas de les considérer en équation. Nous avons en effet assisté aussi, depuis un an, à une résurgence du vieux modèle qui opposait une minorité anglophone dominante à une majorité francophone dominée, même si cette résurgence se présente sous des apparences bien différentes. Il ne s'agit plus de domination économique, institutionnelle, culturelle, bien sûr. Mais il s'agit, par l'analyse quasiment unanime qui nous parvient aujourd'hui du Canada anglais, d'une affirmation claire du droit supérieur d'une minorité sur celui de la majorité. Comment expliquer autrement que la seule frustration qui attire vraiment l'attention et fasse l'objet d'incessantes discussions, au Canada, soit celle de la minorité anglophone et de la perte appréhendée de sa citoyenneté canadienne, alors que la frustration de la majorité des électeurs francophones, qui avaient dit OUI à la proposition de souveraineté assortie d'une proposition de partenariat, est en pratique ignorée ? C'est que les simples appréhensions des uns ont priorité naturelle, au regard du Canada, sur les espoirs et même les décisions démocratiquement exprimées des autres. C'est pourquoi j'ose même dire que la période postréférendaire a ravivé, au Canada et au Québec, des relents du colonialisme defacto qui a tant motivé F adhésion au projet souverainiste chez les gens de ma génération, qui furent les jeunes de la révolution tranquille. La fibre de cette adhésion, c'était un sens de l'injustice, de l'inégalité. Chez les jeunes souverainistes de cette fin de siècle ~ qui sont majoritaires dans la population francophone - la fibre devenait tout doucement une indifférence au Canada, une affaire moins vive, moins émotive, qui facilitait l'esprit de négociation, sinon la conciliation. Le plan B, avec ce qu'il comporte d'appuis automatiques, tacites ou explicites, aux intérêts d'un groupe au détriment de l'autre, est
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fait pour réveiller les anciennes révoltes. Et même pour les justifier moralement, ce que plusieurs, en ce pays, semblent n'avoir jamais compris, et qui est pourtant une leçon centrale de leur propre histoire.
THOMAS FLANAGAN, FRSC
Canada and Québec: Where Are We Now? Abstract After decades of procrastination, the government of Canada has finally begun to develop a plan to deal with the possible separation of Quebec. The main elements of the plan to have emerged thus far are (1) insistence on the rule of law, thus excluding a unilateral declaration of independence; (2) refusal to be bound by any future referendum in which the separation question is unclear; (3) demand for a supermajority (greater than 50 percent +1) before recognizing the result of a future referendum; (4) the partition of Quebec in case of separation. It is argued in the paper that the first two elements of the plan are reasonable and useful, but that the latter two elements are impractical and dangerous because they have the effect of making a legal separation impossible and may drive Quebec's leaders into reckless adventurism. Le Canada et le Québec : où en sommes-nous ? - Résumé Après plusieurs dizaines d'années d'attentisme, le gouvernement du Canada a enfin commencé à songer à un plan en cas de séparation du Québec. Les principaux éléments de ce plan qui sont apparus jusqu'à présent sont (1) le respect impératif de la primauté du droit, ce qui exclut toute déclaration unilatérale d'indépendance; (2) le refus de concéder le résultat d'un référendum dont la question concernant la séparation ne serait pas claire; (3) la nécessité impérieuse d'une super-majorité (supérieure à 50 pour cent +1) avant toute reconnaissance du résultat d'un nouveau référendum; et (4) la partition du Québec en cas de séparation. Notre communication soutient que les deux premiers éléments du plan sont raisonnables et utiles, mais que les deux derniers sont irréalistes et dangereux étant donné qu'ils rendraient toute séparation juridiquement impossible et risqueraient de conduire les dirigeants du Québec à un aventurisme irréfléchi.
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In the late days of the 1995 referendum campaign, Prime Minister Chrétien promised new constitutional measures regarding Quebec's place in Confederation. In a flurry of energy shortly afterwards, he had the House of Commons pass a resolution recognizing Quebec as a distinct society; and he pushed through Parliament the "five-region veto", giving Quebec a legislated version of the constitutional veto it had long demanded.1 The prime minister had wanted constitutional amendments; but, because he could not get the necessary support from the provinces, he had to settle for a piece of legislation and a House of Commons resolution.2 In early 1996 he appointed Stéphane Dion minister of intergovernmental affairs with instructions to get provincial support for constitutionalizing these measures. One scenario would have been to put these issues on the table at a first ministers' meeting called no later than April 1997 to discuss the various amending formulas in the Constitution Act, 1982. Section 49 of that act requires such a meeting to be held within fifteen years to review the amending formulas, which came into force in April 1982. Now, however, it appears that nothing will happen on the constitutional front. At their meeting of 21 June 1996, the prime minister and premiers seemingly endorsed Saskatchewan Premier Roy Romanow's view that section 49 had already been discharged in the first ministers' meetings that led up to the Charlottetown Accord. Some constitutional experts disagree with that view.3 That the prime minister chose to accept it now was due less to Mr. Romanow's persuasiveness than to the political reality that the provincial premiers, and the country at large, would not support entrenchment of the distinct society concept and of the five-region veto. Meanwhile, there will be more "rebalancing" of federal and provincial responsibilities. The Canada Health and Social Transfer has already given the provinces more control over social assistance. The federal government has announced that it will give labour-market training to the provinces, although the politics of the transfer will be long, slow, and painful; and it has expressed willingness to discuss forestry, mining, tourism, and other areas of overlapping jurisdiction.4 These and similar changes can all be accomplished without amending the constitution. Such developments are modestly encouraging. On the one hand, a megaconstitutional settlement involving special status for Quebec - by
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whatever name - would never be acceptable across Canada. In fact, I believe it would quickly lead to the break-up of the country. Because Quebec provincial politicians of all parties have a long list of demands for additional powers, they would interpret constitutional recognition of "distinct society" as a signal to press Ottawa with renewed energy, leading to an inevitable backlash in the other provinces. On the other hand, Quebec has legitimate grievances growing out of the federal government's post-World War II invasion of provincial jurisdictions. The constitution of 1867 worked, and we should get back to it. Movement in that direction, achieved by consultation, administration and legislation rather than constitutional amendment, might keep Quebec in Canada. However, as an ethnonationalist movement, Quebec separatism is fundamentally concerned about sovereignty and symbolism, not the heads of power in a federal system. We should pursue devolution not to "keep Quebec in Canada" but because it is the only way to bring our debt-ridden governments under long-term control and restore fiscal sanity to the nation. If that makes Quebec content to remain in Canada, well and good, but don't count on it. It is good news, therefore, that the federal government has begun to develop a plan - widely known as Plan B, after the title of Gordon Gibson's book - to deal with an attempted separation by Quebec.5 This is one of the most important developments in recent Canadian history because, for the last thirty years, the initiative has always lain entirely with Quebec. Now, after long and shameful procrastination, the leaders of Canada are finally taking some steps to protect the interests of Canada. The odd thing, really, is that it has taken so long. Quebec, after all, has had its own version of Plan B - the threat to separate - at least since Premier Daniel Johnson published Egalité ou Indépendance in 1965.6 A full-fledged Plan B would include steps for reconstituting Canada after the departure of Quebec; but, for understandable political reasons, the federal government has not gone that far. To begin discussing a new constitution sans Québec would smack too much of expelling Quebec from confederation. It may also be true, as I suggest below, that this prime minister and his government cannot truly conceive of an independent Quebec and of a Canada without Quebec, so that their Plan B is best
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understood as a tactical manœuvre to forestall separation rather than a realistic contingency plan to deal with it. Be that as it may, the four most important elements of the government's plan revealed thus far are the following: (1) Rule of law. Through its belated intervention in the Bertrand case, followed by its decisions to refer the issue of unilateral separation to the Supreme Court of Canada, the federal government has finally committed itself to upholding the constitution. This means that a unilateral declaration of independence will not be recognized, and that Quebec will be able to separate from Canada only through passage of a constitutional amendment. Adherence to the constitution is the best way to protect the interests of all residents of Canada, both inside and outside Quebec. Inside Quebec, the constitutional requirement for the National Assembly to give final ratification to any separation agreement helps to protect its citizens from being herded like lobsters into Jacques Parizeau's famous pot; (switching metaphors), the legislature, and hence the people, will have to take one last look before they leap.7 The National Assembly might well hold a second referendum to approve a negotiated agreement, an idea promised by René Lévesque in 1980 and recently revived by José Woehrling, a prominent constitutional scholar from the Université de Montréal.8 Outside Quebec, the requirement to get the approval of Parliament and the provincial legislatures makes it harder for Quebec to dictate terms of separation to the rest of the country. Notwithstanding the progress made, a major question is still to be answered: which amending formula governs the separation of a province? Patrick Monahan has argued that, under section 41 (a) of the Constitution Act, 1982, the unanimity rule would have to be invoked because the offices of governor-general and lieutenant-governor are affected.9 José Woehrling thinks separation might be possible under the general procedure of section 38, with approval of seven provinces having 50 percent of the population of the provinces.l° Peter Hogg also once thought that the general procedure might suffice, but now seems to be leaning towards unanimity.11 Beyond that debate, further difficulties abound. To what extent, and through what mechanisms, would the approval of aboriginal peoples, inside and perhaps outside Quebec, be required? Alberta and British Columbia already
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have legislation on their books requiring that provincial referendums be held before their legislative assemblies ratify constitutional amendments. Would a national referendum also become politically, if not legally, necessary? And what about the five-region veto? If this newly legislated formula is followed, Ontario, British Columbia, Alberta, and certain combinations of the smaller provinces would all be able to veto the departure of Quebec. In theory, this could all be sorted out, perhaps by another reference to the Supreme Court of Canada at the appropriate time. In practice, however, the Canadian constitutional amendment process is so gridlocked that, in the event of a crisis, it may be necessary to act quickly and fix up the legal niceties afterwards. Insisting on the rule of law strengthens Canada's hand because it precommits the government to protecting the national interest, but a government faced with a genuine secession crisis cannot let itself be tied up in knots by constitutional lawyers. (2) The question. The second element of the emerging federal position is that, in any future Quebec referendum on separation, the rest of the country will have to approve the wording of the question if the result is to be taken seriously. The question will have to deal unambiguously with independence and separation from Canada. Legally, the governmentiof Quebec can ask whatever it wants in a referendum, but it cannot expect questions that assume the reality of a hypothetical partnership or association with Canada to carry any weight in the rest of the country. Again, this is a great step forward. If the sovereignists hold as many referendums as they want on whatever questions they choose, sooner or later they will find a way to elicit a Yes vote from the Quebec electorate. There should be some limitation on the frequency with which such referendums can be held - perhaps once a generation, on Thomas Jefferson's principle that "the earth belongs in usufruct to the living", so that constitutions should be renewed every generation;12 but until that limitation is established, consultation on the question is a step towards protecting Canada's interests. (3) Supermajority. Several statements by Jean Chrétien and Stéphane Dion suggest that a majority greater than 50 percent +1 will be required in a future referendum on separation. The case for a supermajority is
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convincing at a logical level, but previous federal and provincial referendums in Canada have always used simple majority as a decision principle.13 For the federal government now to demand a supermajority looks like bad faith and gives some credibility to Lucien Bouchard's complaint that Canada is a prison for Quebec.14 If we set the bar for separation so high that no one can jump over it, the sovereignists may try to run under it by resorting to a unilateral declaration of independence, provoking legal, political, and economic chaos and hoping that something will come out of it. They might even dispense with a referendum altogether and go back to the pre-1976 Parti Québécois doctrine that a PQ victory in a Quebec provincial election would legitimate independence.15 Our federal leaders should back away from the idea of a supermajority before it gets rooted in public opinion. On this issue, the Reform Party's position in favour of a simple majority is the correct one.16 (4) Partition of Quebec. Federal ministers have now said several times that, if Canada is divisible, so is Quebec, and these statements have conjured up a burgeoning partition movement. Demands are now being made for Canada to retain sovereignty over not just the Indians and Inuit of northern Quebec, but also the anglophone communities along the Ontario border as well as the anglophone and allophone areas of Montréal. As with supermajority, the idea of partition is irrefutable at a logical level.l7 Provincial boundaries are not sacred in Canada; Ontario, Quebec, and Manitoba, for example, have all undergone repeated and radical boundary changes since Confederation. There is no intrinsic reason why a constitutional amendment allowing Quebec to separate could not adjust boundaries at the same time. However, the partition proposals now being made would cripple Quebec. For Canada to retain native peoples would mean the loss to Quebec of the whole James Bay power complex; and the partition of Montréal would strike at the heart of Quebec's economy, to say nothing of creating an unmanageable Canadian enclave within Quebec, as well as francophone enclaves within the Canadian enclave. If separation ever happens, it is not in Canada's interest to turn Quebec into an economic basket case by taking away its major assets. How would a crippled Quebec economy ever pay interest on its share of the Canadian public debt or buy the products of Canadian industries? Moreover, it should
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be evident that Quebec could only be partitioned by military force, poisoning relations between Quebec and Canada for generations to come. In any case, it is highly doubtful whether Canada has the necessary military power, given the long-term underprovisioning of our armed forces and the thoughtful relocation by Marcel Masse of the Canadian Forces' eastern supply base to a location in east Montréal where it could be blockaded by the Sûreté du Québec. Statements by the prime minister and other members of the cabinet about a supermajority and partition make me wonder whether they are moving towards a new position, namely that Quebec will never be allowed to leave Canada under any conditions. Of course, this is not what they are saying. On the contrary, the minister of justice said in announcing the reference to the Supreme Court: The leading political figures of all the provinces and indeed the Canadian public have long agreed that this country will not be held together against the will of Quebeckers clearly expressed. And this government agrees with that statement. This position arises partly out of our traditions of tolerance and mutual respect, but also because we know instinctively that the quality and the functioning of our democracy requires the broad consent of all Canadians.18 None the less, insisting upon a supermajority and partition belies these words because it would make separation all but impossible. Maybe this is what Jean Chrétien meant in his famous statement that Canada is "inconceivable" without Quebec. Again, this line of thought has some merit at a logical level. The media commentator Andrew Coyne is pushing it in his newspaper columns.19 I was born and raised in the United States, where I grew up believing that the nation is one and indivisible. I still think that is true for the United States, and that the immense sufferings of the American Civil War have been outweighed in the cruel balance scale of history by the benefits of preserving the union. I would apply the same reasoning in Canada to the separation of other provinces - but not to Quebec. Most of the francophones of Quebec - the large majority of the province - think of themselves as a people separate from the rest of Canadians, and a democracy cannot keep separate peoples together by force without ceasing to be a democracy. If a
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majority of Quebec's voters, responding to a clear question, decide they no longer want to be part of Canada, we should proceed to negotiate the separation. Philip Resnick has argued that this position is self-contradictory because it would recognize Quebec francophones as a separate nation if they leave Canada but not if they stay.20 He is right, in a sense, but the paradox is more apparent than real; it arises from ambiguity surrounding the word nation. Canada in its present form is what G.-E. Cartier called a "political nationality."21 Loyalty to the nation arises from acceptance of common political institutions at the federal level. All sorts of provincial, regional, or ethnic identities can co-exist with the Canadian political nationality as long as those identities do not entail a claim for sovereignty, that is, a right of self-rule going beyond the Canadian constitution. In my view, the demand for special status for Quebec, in whatever vocabulary it may be couched, begins to eat away at this acceptance of a common political order. If francophone nationalists in Quebec must become a different nation, we had best recognize that reality and not twist the Canadian political nationality hopelessly out of shape by trying to accommodate fundamentally different identities. This does not mean that Quebec has the right to issue a unilateral declaration of independence or to dictate the terms of departure. Canada must protect its own interests, and the negotiations will be very tough. But they must be carried on in good faith, to facilitate the departure of Quebec with minimum damage on all sides. They must not become a pretext to throw up one roadblock after another. That is why the government's talk of supermajority and partition alarms me, because I fear it signals lack of good faith in facing separation, if it should come to that. In spite of these dark musings, I see cause for cautious optimism. Distinct society, special status, and asymmetrical federalism haunt us still, but they are stymied at the constitutional level. Meanwhile we move gradually, if not gracefully, towards trimming the responsibilities of the fiscally overextended federal government. And the new emphasis on the rule of law may inject a note of realism into Quebec politicians' perceptions of how far they can manipulate and intimidate Canada. All in all, the probability of Canada's survival within its present boundaries, while far from 100 percent, is greater than at any time since Pierre Trudeau patriated the constitution
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against the wishes of Quebec provincial politicians in 1982 and Brian Mulroney chose to fan the embers of nationalist discontent in Quebec in his 1984 election campaign. NOTES 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14.
15. 16.
For an anlysis of the five-region veto, see Thomas Flanagan, "Amending the Canadian Constitution: A Mathematical Analysis", Constitutional Forum 1 (1966), nos. 2-3, pp. 97-101. Edward Greenspon and Anthony Wilson-Smith, Double Vision: The Inside Story of the Liberals in Power (Toronto: Doubleday Canada, 1996), pp. 333-348. John D. Whyte, "A Constitutional Conference...Shall Be Convened...: Living with Constitutional Promises", Constitutional Forum 8 (1996), no.l, pp. 15-19. Greenspon and Wilson-Smith, Double Vision, p. 366. Gordon Gibson, Plan B: The Future of the Rest of Canada (Vancouver: Fraser Institute, 1994). Thanks are due to Alan Cairns for making this point, as well as the one in the next sentence, in the discussion after my presentation. On the possibility of internal reaction within Quebec against a Yes vote, see Stéphane Dion, "The Dynamic of Secessions: Scenarios after a Pro-Separatist Vote in a Quebec Referendum", Canadian Journal of Political Science 18 (1995), pp. 533-551. José Woehrling, "Ground Rules for the Next Referendum on Quebec's Sovereignty", Canada Watch 4 (August 1996), p. 95. Patrick J. Monahan, "Cooler Heads Shall Prevail: Assessing the Costs and Consequences of Quebec Separation", C. D. Howe Institute Commentary, no. 65, January 1995, pp. 7-8. Woehrling, "Ground Rules for the Next Referendum on Quebec's Sovereignty", p. 96. Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, 3rd ed. (Toronto: Carswell, 1992), p. 532; Hogg, "The Effect of a Referendum on Quebec Sovereignty", Canada Watch 4 (August 1996), p. 97. "Thomas Jefferson to James Madison, September 6, 1789", in Adrienne Koch, éd., The American Enlightenment: The Shaping of the American Experiment and a Free Society (New York: George Braziller, 1965), pp. 32-333. Patrick Boyer, Direct Democracy in Canada: The History and Future of Referendums (Toronto: Dundurn, 1992), pp. 259-260. An exception in the Saskatchewan legislation is described on p. 198. At greater length, see Thomas Flanagan, "Should a Supermajority Be Required in a Referendum on Separation?" in John E. Trent, Robert Young, and Guy Lachapelle, eds., Québec-Canada: What Is the Path Ahead? Nouveaux sentiers vers l'avenir (Ottawa: University of Ottawa Press, 1996), pp. 129-134. William Johnson, A Canadian Myth: Quebec, Between Canada and the Illusion of Utopia (Montréal and Toronto: Robert Davies, 1994), p. 194. Tu Thanh Ha, "PM May Not Co-operate If It's Yes", The Globe and Mail, 19 September 1995.
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17. For an intelligent treatment of partition, see Scott Reid, Canada Remapped: How the Partition of Quebec Will Reshape the Nation (Vancouver: Arsenal Pulp Press, 1992). 18. Allan Rock's statement in the House of Commons, as reported in The Globe and Mail, 26 September 1996. 19. E.g., Andrew Coyne, "Ottawa's Move Won't Stop Quebec", Calgary Herald, 12 November 1996. 20. In a question from the floor after my presentation. 21. P B . Waite, The Confederation Debates in the Province of Canada /1865 (Toronto: McClelland & Stewart, 1963), p. 50.
CHARLES TAYLOR, FRSC
Deep Diversity and the Future of Canada Abstract Canada's problem is one that is becoming more and more identified in today's world as almost everyone's: how more than one nation can live together in the bosom of a single state. In Canada's case, the solution is obvious, and indeed, much of it is already in place. What is needed is a public recognition of the constituent "nations", and particularly of Quebec. But we seem about to astonish the world, which is watching us closely, by our inability to extend this recognition. As a consequence, the country is drifting towards break-up. Just because so little is being done to prepare for this, let alone head it off, the break-up promises to be extremely painful for everyone. L'avenir du Canada dans sa profonde diversité - Résumé Le problème du Canada se révèle de nos jours comme le problème de beaucoup de pays : comment faire vivre ensemble, au sein d'un même état, plus d'une « nation » ? Dans le cas du Canada, une solution adéquate de ce problème est évidente, et elle est déjà en partie réalisée : elle passe par la reconnaissance des « nations » constitutives du pays, et en particulier du Québec. Mais à la surprise du monde extérieur, qui nous regarde attentivement, le Canada semble incapable de se résoudre à entériner une telle reconnaissance. Par conséquent, le pays semble flotter à la dérive, vers une rupture qui, parce que très mal préparée, promet d'être extrêmement douloureuse.
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Canada's principal threat to its existence comes from a problem which is in a sense everyone's in this day and age. Some have calculated that the number of "nations" is somewhere in the several thousands in our world. That each should have a state is utterly impossible. We need to find ways of coexistence of national groups under the same political umbrella, which can win their free consent. The multinational empires of yesterday have to be succeeded by multinational democratic states tomorrow. Canada's inability to solve this problem, after what seemed like a promising start in favourable conditions, naturally causes consternation, and depressed spirits, abroad. It's not that the main lines of a solution are not clear. Nations "for themselves", that is, which have a strong sense of their own identity, and hence a desire to direct in some ways their common affairs, can only be induced to take part willingly in multinational states if they are in some ways recognized within them. I put the adverb "willingly" in there, because obviously such groups may consent because they fear some negative consequences - direct oppression by a hostile majority, or catastrophic economic fallout, or something else of this sort. Something of this range might help Canada to survive the next referendum, but it is obviously not a stable long-term solution. But recognition is something that has been hard to win for Quebec, which is Canada's most encapsulated minority nation. On one level, we have made surprising progress. Quebec is treated differently in a host of provisions and administrative arrangements, and this clearly because of its exceptional status as the home of a self-conscious nation. But whenever it is proposed that this defacto "special status" be officially declared to be a central part of what Canada is about, there is immense, and up to now decisive resistance on the part of the majority. I believe, and I am not alone in this, that the only way to recover majority consent in Quebec to a continued federal system consists in a two-part programme: (1) the first part involves just continuing what we have been doing over the past decades, flexibly reorganizing our federation - which today would mean certain transfers of power to the provinces, on one hand, or to co-decision between the federal government and the provinces, on the
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other; (2) some acknowledgement that this policy is being carried out, among other things, in recognition of Quebec's distinctiveness. This latter is not really a mystery, or an utterly loose concept, capable of any and every meaning. It can be defined simply in terms of a salient fact about Canada. This is the only country in the world which is an immigrant society with more than one language of convergence. There are other societies with more than one language (e.g., Belgium, Switzerland), but they are not immigrant societies in the way that Western hemisphere countries are, that is, societies organized around the regular, massive reception and integration of immigrants. There are lots of other immigrant societies, even immigrant societies where more than one language is official, like Paraguay, but only one of these is the language of immigrant convergence (Spanish and not Guarani). Canada alone has two such. These are geographically differentiated (how can it be otherwise), although with fuzzy boundaries (and long live fuzzy boundaries, which nationalists and tidy-minded legalists are always trying to destroy). Quebec is special in our federation, because it is the centre of the zone of convergence around the minority language. Recognizing its distinctiveness is recognizing that fact, not just coldly, but as something we welcome and endorse about this country. I think saying that (and it is what "distinct society" was trying to say) is a crucial part of any attempt to recreate the will to continue in the federation within Quebec. It is one item of a two-part programme, mentioned above. I not only think this is our only possible programme, but contrary to my independentist friends, I think this programme would have real chances of winning hearts and minds in Quebec. In the absence of this, one could dream of other, non-federal (partnership) solutions, but a willingly-accepted federation is out of the question. So why can we not do it? As I said above, the immediate proximate cause is the unwillingness of the majority in the "Rest of Canada" (ROC) to offer such recognition in a constitutional or other solemn form. But behind this, there is a long train of misunderstandings. These could be summed up by saying that in each part of Canada (Quebec and ROC), there are strong forces who do not want a multinational state; and these have somehow fallen into a relationship of mutual strengthening, thus slowly squeezing the
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substantial forces on each side who have favoured accommodation. This process is now getting close to the crucial point of bringing about a rupture. In Quebec, these forces are easy to identify. Indeed, their whole point in life is to state their enmity to multinational existence. These are the unconditional sovereignists. A popular expression in Quebec distinguishes "souverainistes de conclusion" from "souverainistes de religion". Almost no one admits to being in the latter category, but most of the long-standing supporters of independence really are. By that I mean that they have an attachment to independence which is not based on a calculation of interest, or an advantage for Quebec, or a sense that Canada has closed a door. Rather they have a strong desire for sovereignty for its own sake. People sometimes make light of this, but it is a profoundly understandable emotion. We have people belonging to a small nation, which has been denied the crucial defining experience of the modern Atlantic world, and indeed, well beyond it: that of belonging to a political entity with which one can wholeheartedly identify, because it really reflects you. Because of the history of French Canadians in Canada, in which their nationhood was more often occulted than admitted, it is more than understandable that many people should have an immense hunger for existence at last as a nation state - "un pays normal", in the expression so dear to Jacques Parizeau. Now these unconditional sovereignists have no interest in solving Canada's problem. They rather would strive to sabotage any attempt to do so. On this score, they have an interest in arousing hostility in the rest of Canada, even though this would create major problems for the eventual independent Quebec they are aiming for. What may be more surprising is that they have so well succeeded in their aim. But here we have to take account of a salient fact about Quebec politics. A rather paradoxical fact. Polls have shown over the years, and I think this is still true, that a majority of Quebeckers would prefer a solution within Canada. Unconditional independentists are a minority. But as very often happens, this minority has a special claim to speak for the soul - or the heart, or the guts - of Quebec. That is, independentists make no apology for being such, but federalists often find themselves having to say: we agree with you up to a point; things are bad, but nevertheless, a federal solution
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is better. Francophone federalist rhetoric is woven around a "nevertheless", and this has been a powerful inhibitor. In particular, it has made it impossible to appeal to the rest of the country in terms which might have worked - e.g., where the demand for a distinct society would be part of a vision of Canada which the proposers themselves enthusiastically endorse, as against being part of an elaborate "nevertheless" for internal consumption. Quebec federalists have therefore collaborated with their independentist opponents in creating the impression that Quebeckers are mostly unwilling partners in the federation, although some would like to stay for tactical reasons, or for reasons of economic advantage. The late Robert Bourassa unfortunately projected this image, but he was not alone. On the other side, there are enormous resistances to recognizing Quebec as a nation, or a people. In a sense, Canadians feel too keenly the fragility of their union to be willing to concede this - even though this is the one thing which could save the union. There is also a long history of resistance to Quebec and the French fact. But these resistances might have been overcome, if the appeal for recognition could have come from Quebec political leaders as part of a new sense of Canada, instead of being wrapped in a "nevertheless" mainly addressed to Quebeckers. In the absence of this, a vicious circle has been joined, where the successes of the opponents of multinational Canada in one part strengthen the hand of its opponents in the other. Bill 178, which seemed a slap in the face of a Canada which had adopted bilingualism as a step towards accommodation, had a lot to do with the failure of Meech. The decline of Meech brought home to many Quebeckers what they saw as a rejection by English Canada, and directly created the climate for the near-victory of the Yes last October. Bouchard's hostile and insulting referendum campaign further alienated the Rest of Canada. So the close victory of the No is not taken as a spur to action, but as a sign that Quebec is already on the way out. Similarly, there is evidence that the manifestation of concern in the great Friday demonstration before the
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referendum actually alienated a lot of potential No-voters. After Meech they were expecting some response to their rejected request for recognition. Just expressions of concern, of affection, were more of an irritant. And so we drift before a potential decisive vote for sovereignty in three years time. The political system seems programmed to produce this, with an easy victory for the PQ in the election of autumn 1998, and the way clear for a third referendum in 1999, which the militants will be very keen to hold. The only thing which could derail this train would be a major shift in Quebec public opinion against sovereignty (minor oscillations the PQ will hope to make up in the campaign). And in the absence of the two-part programme above, this could only come from the negative consequences of separation filtering through to the Quebec electorate. Quebeckers have been floating in the vicinity of "cloud nine" on this matter until very recently. But the dangers of very bad short-term consequences are real. They are increased by the greater self-enclosement of the independentist movement, amounting almost to political autism. This is nowhere clearer than in the fascination with a unilateral declaration of independence (UDI). No one expects independentists to give up the ultimate right to separate from Canada, even if the Canadian political system were to refuse to allow it. But in a climate in which that system has declared its willingness to take a convincing Yes vote seriously, it is folly to make a UDI one's goal. When one thinks of the vulnerability of the Canadian and Quebec governments in their immense debts largely held by foreigners, in their reliance on foreign investment, in the fragile position of our currency, it is clear that a contested UDI would create a disastrous level of uncertainty which would be tremendously costly for both, but likely more for Quebec. The only painless UDI would be one which was immediately accepted by, in ascending order: all elements within Quebec, ROC, and the international community. But the chances of uncontested UDI are nil. Aboriginals have already signalled their intent to contest it. And it is now, alas, clear that a very serious movement for partition would arise in anglophone Montréal. At
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least the first movement would have substantial support in Canada and in the international community; and the second might as well. And indeed, Quebec would forfeit a great deal of international good will by going straight for UDI, without having demonstrated bad faith or unwillingness to negotiate in Canada. All of which is to say that independentists (and no one else) seem to have it in their power to snatch defeat from the jaws of victory. Moreover, over the ineffectual opposition of their leader, they seem determined to do all that they can to bring about this self-stultifying result. And for good measure they are eroding Quebec's reputation abroad as a liberal society by frivolous and mean-spirited language measures. Quos Deus perderé vult, dementatprius. But this weird spectacle is hardly one at which true federalists can rejoice. It leaves us as far as ever from a viable and lasting basis for the coexistence of the nations and groups which make up Canada.
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GUY ROCHER, msrc
Le Canada pourrait survivre en association avec le Québec Résumé S'inspirant de la définition de la crise d'un système social qu'on lit chez Habermas, on peut dire que le Canada connaît une crise parce qu'il est « affronté à un problème » dont la solution exige que l'on sorte du paradigme de la nation canadienne et de l'État canadien hérité de 1867 pour adopter un nouveau paradigme. La pire attitude devant la crise, c'est l'actuel recours au déni. Celui-ci nourrit en ce moment le même faux optimisme sur l'improbabilité de l'éclatement du Canada, qui a ménagé un si dur réveil au lendemain du référendum de 1995. Sans empêcher ceux qui croient toujours à l'unité du Canada d'y travailler, il importe par ailleurs que des intellectuels acceptent de réfléchir à l'éventualité possible d'un vote québécois majoritaire en faveur de la souveraineté du Québec. Dans cette perspective, l'idée d'association, parce qu'elle n'est pas univoque, qu'elle ouvre sur des possibilités multiples, mérite d'être prise comme hypothèse de travail pour réfléchir à un autre paradigme des relations futures possibles entre le Canada, les peuples autochtones et un Québec souverain. Canada Could Survive in Association with Quebec - Abstract Drawing on Habermas's definition of crisis in social systems, one can say that Canada is in a state of crisis because it is "faced by a problem" whose solution demands abandonment of the pattern of a Canadian nation state inherited from the Confederation of 1867, in order to adopt a new paradigm. The worst attitude in the face of this crisis is the current recourse to denial. At the moment, denial of the problem is feeding the same false optimism about the unlikelihood of a break-up of Canada that brought about such a brutal awakening after the 1995 referendum. Although not preventing those who still believe in Canadian unity from working for it, it is nevertheless necessary for intellectuals to be willing to reflect upon the eventual possibility of a majority vote in Quebec in favour of Quebec sovereignty. In such a context the idea of association, because it is not a rigid concept but opens up multiple possibilities, deserves to be adopted as a working hypothesis to TRANSACTIONS OF THE ROYAL SOCIETY OF CANADA / SERIES VI / VOLUME VII /1996
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encourage consideration of a different paradigm of possible relations between Canada, its aboriginal peoples, and a sovereign Quebec.
L'interrogation qui fait le thème de ce colloque « Le Canada peut-il encore survivre ? » repose sur un constat, à savoir que le Canada traverse une crise, dont on se demande s'il réussira à en sortir, « comment et dans quelles conditions ». Je voudrais partir de ce constat en posant d'abord la question: qu'est-ce qu'une crise ? Comment peut-on reconnaître un état de crise ? Y a-t-il une clé qui nous permette d'identifier une crise ? Le philosophe et sociologue Jürgen Habermas s'est posé cette question au début de son ouvrage Raison et légitimité, et l'une des réponses qu'il apporte à ces questions m'apparaît ici pertinente : « Les crises naissent lorsque la structure d'un système social affronté à un problème admet moins de possibilités de solutions que le système n'en réclame pour se maintenir... (en d'autres termes), les capacités de pilotage ou de guidage d'un système sont soumises à une épreuve trop rude »1. Cette définition de la crise, très bien frappée et densément exprimée, mérite qu'on la décortique un peu. S'inspirant explicitement de la théorie des systèmes, Habermas suppose qu'un système social, c'est-à-dire concrètement n'importe quel ensemble d'individus, que ce soit un petit groupe, un grand groupe, une entreprise ou une société tout entière, trouve généralement en lui-même les ressources nécessaires pour faire face aux difficultés et résoudre les problèmes qu'il rencontre, et ainsi réussir à garder un consensus suffisant pour se maintenir, c'est-à-dire pour éviter soit l'éclatement, soit la disparition. Mais il arrive dans la vie d'un système social - un couple, par exemple, ou une association, ou une industrie - qu'il rencontre un problème ou des problèmes d'une telle ampleur que les ressources dont dispose le système pour habituellement régler ses problèmes ne suffisent pas, sont dépassées. Ou encore un vieux problème que le système social a jusqu'à présent soit réglé, soit contourné, soit ignoré, prend avec le temps une acuité telle que les moyens jusque-là utilisés ne sont plus efficaces. Je crois qu'on peut reconnaître la période que traverse présentement le Canada dans cette formulation de la crise que nous propose Habermas. S'agissant tout autant des autochtones que du Québec, le Canada donne
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l'image d'un système social qui ne trouve plus en lui-même les moyens de résoudre les problèmes qu'il rencontre. Il recourt encore à des solutions qui ne sont plus à la dimension de ce que la situation exigerait. Il s'est figé dans une incapacité quasi léthargique d'inventer une sortie à l'impasse où il se voit engagé. Voilà qui caractérise un état de crise. Poursuivant la pensée de Habermas, j'ajouterais à sa description de la crise que la pire attitude devant la crise est de la nier, c'est de recourir au déni. Car alors, le réveil peut être cruel. Or, c'est ce qui arrive au Canada et qui me paraît le plus inquiétant pour l'avenir. Je voudrais illustrer ceci par ce que je me permets d'appeler un « fait divers ». Le 15 octobre dernier, le politicologue et ministre canadien des Affaires intergouvernementales Stéphane Dion donnait, à Washington, une conférence à un groupe d'hommes d'affaires et d'universitaires américains réunis au Centre d'études stratégiques et internationales. Il y déclarait selon la traduction française de son texte - « L'éclatement du Canada n'est pas impossible, bien que ce soit improbable »2. Cette déclaration me semble intéressante et pertinente à la fois par ce qu'elle ouvre et ce qu'elle ferme. La phrase est divisée en deux parties. On trouve dans la première partie la formulation d'un constat, qui est exprimé d'une manière négative mais que l'on peut renverser dans une forme affirmative. La première partie de la phrase peut alors devenir quelque chose comme : « II est dans l'ordre du possible qu'une majorité de Québécois, à l'occasion d'un prochain référendum, expriment l'intention de se séparer du Canada pour former un pays nouveau et indépendant ». Cette dernière formulation, plus élaborée que l'originale, est peut-être celle que le politicologue Dion aurait adoptée en tant qu'universitaire. Mais le ministre Dion préférait employer une expression-choc négative et parler de l'« éclatement du Canada ». Ce disant, le ministre Dion évoque précisément l'issue d'une crise, telle que je viens de la définir. Je veux à ce propos souligner que cette première partie de la phrase constitue une des très rares, une des rarissimes occasions où un homme ou une femme politique fédéraliste reconnaît qu'il faille pragmatiquement
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envisager la possibilité que le Québec veuille majoritairement devenir autre chose qu'une province au sein de la fédération canadienne. Il fallait peutêtre que le ministre soit un professeur de science politique pour admettre publiquement une telle possibilité. En principe, un professeur de science politique doit s'efforcer d'envisager le plus objectivement possible une situation donnée, un état de fait, pour en analyser les diverses conditions, les facteurs et les tendances. C'est ce qu'on peut lire dans la première partie de la phrase. La seconde partie de la phrase est d'une autre encre : Stéphane Dion ajoute : « ... bien que ce soit improbable ». Ici, le discours n'est plus ni descriptif, ni analytique, il est prospectif sinon prophétique. Si l'éventualité d'un vote québécois majoritaire en faveur de la souveraineté doit être envisagé, il est par ailleurs très probable qu'il n'en sera rien, affirme Dion. C'est cette dernière idée, et non pas la première, qui a fait le thème de tout le reste du discours du ministre. La première partie de la phrase sur la possibilité d'un éclatement du Canada était une entrée en matière; la seconde partie de la phrase qui se veut rassurante annonçait tout le reste du discours. D'une manière plus explicite, le ministre dira plus loin : « Personne ne s'attendait à ce que le résultat du référendum soit si serré. Les gens ont donc l'impression que le Canada est au bord de la rupture. Il est donc très important de leur dire que ce n'est pas le cas ». On trouve dans cette dernière phrase la manifestation la plus pure du déni que j'évoquais il y a un moment. Que nous est-il dit ? Il nous est dit que, malgré le résultat si serré du dernier référendum, la possibilité d'une rupture du Canada n'est qu'une « impression », qu'il faut rapidement chasser de son esprit, car elle n'est pas dans l'ordre des probabilités. Le problème avec cette deuxième partie de la phrase, c'est qu'on peut affirmer le contraire - à savoir la probabilité d'un éclatement du Canada avec autant de validité que l'inverse. Moi qui suis un militant souverainiste depuis plus de vingt-cinq ans, j'ai dans mon arsenal un bon nombre d'arguments pour appuyer la prédiction que l'indépendance du Québec est très probable à court ou moyen terme. Et je crois que ma démonstration pour établir la crédibilité de ma vision de l'avenir du Canada vaudrait tout autant que celle de Stéphane Dion.
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Je n'ai cependant pas du tout l'intention d'entreprendre ici cette démonstration. Si j'ai utilisé cette déclaration du politicologue-ministre Dion, c'est pour en arriver à ceci, à savoir que la seule chose que l'on peut affirmer, c'est qu'il est possible que le Québec veuille un jour exprimer majoritairement son intention de devenir un pays souverain. Cette possibilité ne peut pas être exclue, ni rejetée, ni occultée. C'est un état de fait. Mais qu'elle soit probable ou improbable, nul ne peut l'affirmer avec assurance. Parler de la probabilité ou de l'improbabilité de cette éventualité, c'est exprimer un souhait, un désir, selon que l'on est fédéraliste ou souverainiste. Ce que je trouve cependant inquiétant, c'est que je vois les fédéralistes reprendre le même discours rassurant qui a trompé la population canadienne, surtout en dehors du Québec, sur l'issue du dernier référendum. Pendant des semaines avant le référendum, nous entendions des fédéralistes répéter à satiété que ce n'était qu'une minorité de Québécois qui souhaitait l'indépendance du Québec. Ce sont ces déclarations trop optimistes qui ont obscurci la vue de trop de Canadiens et qui ont été la cause du dur réveil des derniers jours qui ont précédé le référendum et des mois qui l'ont suivi. Je reprendrais ici la phrase de Stéphane Dion cité plus haut : « Personne ne s'attendait à ce que le résultat du référendum soit si serré ». En réalité, Stéphane Dion aurait dû dire : « Chez les fédéralistes, personne ne s'attendait » à ce résultat. Car chez les souverainistes, on s'attendait au contraire de plus en plus à ce que le « oui » l'emporte. La surprise dans ce dernier camp fut de ne pas y arriver. Peut-être y eut-il excès d'optimisme dans les deux camps. Mais ce qui m'inquiète aujourd'hui, c'est que l'excès d'optimisme est revenu dans le camp fédéraliste. En tout cas, il est entretenu par des déclarations comme celle du politicologue-ministre Dion. Ce qui le montre bien, c'est qu'à la suite de la conférence de M. Dion à Washington, Chris Sands qui dirige le projet Canada au Centre d'études stratégiques et internationales en tirait la conclusion suivante : « II me semble que le gouvernement canadien est beaucoup plus confiant qu'il y a six mois de satisfaire les revendications du Québec sans qu'il soit nécessaire de procéder à des changements majeurs à la Constitution »3. Je souligne cette dernière partie de la déclaration de M. Sands parce qu'elle exprime un important état de fait, qu'on peut appeler un état de sentiments. L'excès de confiance fédéraliste en vient non seulement à ne plus reconnaître qu'un vote majoritaire du Québec en faveur de la souveraineté soit possible, mais va même jusqu'à empêcher de voir ce qui pourrait contribuer à éviter une
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telle éventualité. L'excès d'optimisme fédéraliste continue aujourd'hui à repousser une sérieuse réflexion sur l'avenir du Canada, advenant un vote québécois majoritaire en faveur de l'indépendance. Reconnaître en revanche l'éventualité d'un tel vote majoritaire comme étant une possibilité m'apparaît relever d'un sain réalisme ; essayons donc de l'envisager d'une manière pragmatique. Il faut, à mon avis, adopter cette possibilité à tout le moins comme une hypothèse de travail, pour réfléchir d'une manière réaliste à l'avenir du Canada. Il arrive malheureusement que, lorsque cette hypothèse est évoquée, certains fédéralistes - peut-être en nombre croissant - ont décidé d'adopter une attitude punitive. Ils menacent le Québec de retaliation, que ce soit sous la forme d'une exclusion de l'ALÉNA, ou de la nécessité de renégocier un difficile retour à l'ALÉNA, ou encore d'un découpage du territoire, ou encore d'une fuite des capitaux, et pire encore. On accumule les nuages noirs sur le sombre avenir d'un Québec appauvri, isolé, démembré, enclavé, à cela je réponds que le Canada aurait tout à perdre à voisiner avec un Québec ainsi appauvri : l'économie canadienne en serait gravement affaiblie et l'image du Canada sur la scène internationale en serait terriblement ternie. Je soumets qu'au lieu de cette réaction punitive, il y a lieu de s'efforcer de part et d'autre à penser d'une manière raisonnée et prudentielle. C'est dans cette perspective que je soumets qu'il y a lieu d'étudier soigneusement la notion d'association, en prévision de l'éventualité où il faudrait y recourir. Bien sûr, cela n'empêche pas ceux qui espèrent encore sauver l'unité canadienne de s'y employer et d'y travailler. Mais il me semble que c'est la responsabilité des intellectuels - et je m'adresse dans ce colloque à un auditoire d'intellectuels - de ne pas s'enfermer avec les autres dans l'impasse du déni et d'exercer plutôt ce qu'on peut appeler « l'imagination politique », à l'image de « l'imagination sociologique » qu'appelait C. Wright Mills. La richesse, le potentiel de la notion d'association réside dans le fait qu'elle n'est pas univoque. On peut le constater de bien des façons. L'association entre des personnes, entre des groupes, entre des institutions peut prendre des formes infiniment variées et multiples. Elle peut s'étendre sur un large
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continuum, allant d'une association très étroite entre des parties jusqu'à une association très lâche. Elle peut désigner, par exemple, l'association de deux personnes dans les liens du mariage ou l'association dans une union dite libre; elle peut désigner l'association de partenaires en affaires en vue de créer une entreprise et de réaliser un bénéfice partagé; elle peut encore désigner des relations établies entre des institutions universitaires gardant chacune leur identité propre mais désireuses de mettre en route un programme d'enseignement ou de recherche qu'aucune ne pourrait réaliser seule; elle peut encore désigner des formes diverses de jumelage entre des villes très éloignées l'une de l'autre, sises dans des pays et des continents différents; elle peut enfin désigner des pays souverains qui se sont associés à divers degrés pour former des liens de plus ou moins grande intensité au sein d'organisations supranationales servant des fins communes soit économiques, soit militaires, soit politiques. Mieux encore, l'idée d'association est dynamique et évolutive : les termes de l'association peuvent se modifier avec le temps, se mouler sur des conditions nouvelles et à la lumière de l'expérience vécue. L'idée d'association est en réalité un cadre qui peut servir à y loger différents projets, dont la diversité est quasi infinie. Elle est une invitation à la négociation entre des parties désireuses de s'entendre en vue d'un objectif commun, qu'il s'agisse d'une vie commune harmonieuse, ou d'une action ou d'une entreprise à réaliser, ou de tout cela à la fois. Telle est l'idée que j'avais, telle était mon intention en proposant pour cet exposé le titre que je lui ai donné : « Le Canada pourrait survivre en association avec le Québec ». En effet, l'idée d'association vaut tout autant pour réfléchir aux relations futures avec les autochtones que pour réfléchir aux relations futures possibles entre le Canada et le Québec. L'ambiguïté qui préside à nos discussions avec les autochtones réside dans le fait qu'elles se poursuivent à l'intérieur du paradigme de l'État canadien hérité de 1867. C'est de ce paradigme qu'il faut accepter de sortir, pour en explorer d'autres, à tout le moins comme hypothèses de travail. La crise canadienne évoquée au début de mon exposé appelle une démarche audacieuse, capable de se dégager du paradigme qui a été celui de la nation canadienne et de l'État canadien depuis 1867. La notion d'association peut à cette fin nous servir de tremplin. Elle peut, par exemple, permettre de construire des scénarios soit d'un Canada associé de diverses manières à un
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Québec souverain, soit une supra-fédération comprenant le Canada, le Québec, des États ou des territoires autochtones autonomes. Il faut pour cela reconnaître que la culture politique des peuples autochtones et celle du Québec ont connu une rapide évolution au cours des dernières décennies. En ce qui concerne le Québec, l'aspiration à la souveraineté doit être vue et appréciée comme une évolution naturelle et normale dans la suite de la Révolution tranquille et du saut dans la modernité qu'elle a déclenché. Il importe de ne pas voir l'aspiration québécoise à la souveraineté comme un enfermement sur soi ou comme un refus de l'autre, mais y percevoir plutôt chez ceux qui la promeuvent, l'expression d'un sentiment de maturité sociale, économique et politique. Ce n'est que sur la base d'une perception positive plutôt que négative de la souveraineté québécoise que le projet d'une association entre le Canada et le Québec peut être envisagé et discuté d'une manière sereine. Pour entreprendre une telle démarche, il faut une attitude d'esprit que je décrirais comme inspirée par l'idée des « affinités électives ». Je reprends ici l'expression illustrée par Goethe et reprise par Max Weber. Cela suppose d'attacher notre regard tout autant à ce qui nous relie qu'à ce qui nous délie, les « reliances » en même temps que les «déliances ». Si l'on considère notamment la possibilité d'association entre le Canada et le Québec, un bon nombre d' « affinités électives » apparaissent. Sur le seul plan économique, des liens étroits depuis longtemps créés et entretenus fusionnent le Québec et le Canada d'une manière que ni l'un ni l'autre n'a intérêt à briser ni même à distendre. Et plus profondément, le Canada et le Québec partagent des valeurs et des idéologies communes touchant les conditions d'un État authentiquement démocratique et d'une société respectueuse de sa diversité et de sa pluralité. Charles Taylor a bien exprimé cette observation : There appears to be a remarkable similarity throughout the country, and across the French/English difference, when it comes to the things in life which are important. Even when it comes to the values that specifically relate to political culture, there seems to be broad agreement. About equality, nondiscrimination, the rule of law, the mores of representative democracy, about social provision, about violence and firearms, and a host of issues... Some Englishspeaking Canadians seem still to doubt this, to harbour a suspicion
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of Quebec's liberal credentials, but this is quite unfounded in the 1990s.4 Ce que Charles Taylor décrit ainsi, je les appellerais les « deep similarities », inversant une autre formulation de Charles Taylor lui-même. Ce sont là en effet les valeurs, les idées, les attitudes que nous avons en commun en tant que Canadiens, touchant les conditions et les exigences les plus fondamentales de la vie collective moderne. Par ailleurs, sur ce fonds commun se superpose une couche de divergences entre le Québec et le reste du Canada. Au fil du temps et je puis dire au cours de ma vie, j'ai vu ces divergences devenir de plus en plus importantes et finalement critiques. Le vieux malentendu entre le Québec et le reste du Canada sur la conception même du Canada est devenu plus manifeste que jamais et a éclaté d'une manière dramatique autour de ce qu'il faut appeler « le désaccord du lac Meech ». Je suis d'avis que l'écart est devenu si grand qu'il n'est plus possible de le combler à l'intérieur du cadre actuel. C'est pourquoi il m'apparaît qu'une séparation est une solution meilleure qu'une cohabitation qui ne nous satisfera plus de part et d'autre, parce qu'elle comporte trop de sources d'irritation réciproque. Ces divergences sont cependant essentiellement d'ordre politique. Elles concernent la définition du Canada, l'interprétation de son évolution constitutionnelle du dernier siècle et la place qu'auraient pu y occuper le Canada français et le Québec. C'est ce qui fait que ces divergences n'entament en rien le fond commun des « deep similarities ». C'est sur ces « deep similarities » que nous pouvons compter pour entretenir l'espoir qu'il sera possible de s'entendre sur une nouvelle forme d'association entre pays égaux. Bref, il faut tabler sur ce que la cohabitation et des évolutions convergentes ont créé de fondements favorables à l'invention d'un nouveau modus vivendi, d'une nature différente de celui que nous avons connu depuis 150 ans. Je conclus en revenant à la notion de la crise définie par Habermas. Pour sortir d'une crise, il faut imaginer des solutions autres que celles que possède le système. À mon avis, des solutions comme celles de la reconnaissance de la « société distincte » ou même celle d'une « constitution asymétrique » s'inscrivent trop dans le paradigme présent du Canada pour être prometteuses et valables à long terme. Elles ne tiennent pas compte de l'évolution de la culture politique que je viens d'évoquer. Pour croire en la
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survie du Canada, il faut accepter de ne plus voir ce pays tel qu'il est aujourd'hui, ni tel qu'il s'est pensé et conçu au cours du dernier siècle. En réalité, le Canada a évolué très rapidement depuis le début de ce siècle, passant avec un minimum de heurts du statut de colonie de l'Empire britannique à celui d'un pays indépendant. Pour ma part, je suis né dans un Canada qui était encore une colonie et je conserve précieusement mon premier passeport canadien qui date de 1946, dans lequel ma nationalité était « sujet britannique de naissance ». L'évolution que le Canada pourrait maintenant poursuivre sous la forme de divers modèles d'association avec les peuples autochtones et avec le Québec n'est peut-être pas celle qu'on prévoyait et désirait il y a vingt ans. Mais je soutiens que c'est une évolution qui ne doit pas être rejetée du revers de la main. Elle recèle un potentiel qui mérite d'être sérieusement et honnêtement exploré. NOTES 1. 2. 3. 4.
Jürgen Habermas, Raison et légitimité. Problèmes de légitimation dans le capitalisme avancé, traduction française de Jean Coste, Paris, Éditions Payot, 1978, p. 13. Le Devoir, 16 octobre 1996. Ibidem. Le souligné est de moi. Charles Taylor, « Shared and Divergent Values », dans Options for a New Canada, sous la direction de Ronald L. Wates et Douglas M. Brown, Toronto, University of Toronto Press, 1991, pp. 53-54.
LAN C. CAIRNS, FRSC
Constitutional Reform: The God that Failed Abstract This paper analyses Canada's unhappy experience with constitutional reform in the past quarter of a century. Our difficulties are located in the increasing inflexibility of the constitutional reform process. Inflexibility is fostered by the pressures for unanimity, by the emerging requirement of referenda for major constitutional change, and by the ambivalence of the Constitution Act, 1982 over the location of sovereignty. Our incapacity to create a flexible amending process is rooted in a pervasive suspicion and distrust that erects more and more impediments to formal constitutional change. Bill C-110, an Act Respecting Constitutional Amendments (1996), is the most recent contribution to our constitutional paralysis. Constitutional reform is a god that has failed. La réforme de la Constitution : une divinité impuissante — Résumé Cette communication analyse l'expérience malheureuse du Canada depuis un quart de siècle en matière de réforme constitutionnelle. Nos difficultés tiennent au fait que le processus de réforme constitutionnelle est de plus en plus inflexible. Cette inflexibilité se trouve renforcée par un souci d'unanimité, l'émergence d'un impératif référendaire pour tout amendement constitutionnel majeur, ainsi que l'ambivalence de la Loi constitutionnelle de 1982 quant au siège de la souveraineté. Notre impuissance à nous doter d'un processus d'amendement suffisamment souple trouve son origine dans une méfiance et une suspicion omniprésentes qui multiplient les obstacles sur la route d'une réforme constitutionnelle. Le Bill C-110, un Acte concernant les amendements constitutionnels (1996) a été notre plus récent écot à cette paralysie constitutionnelle. La réforme de la Constitution est une divinité impuissante.
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[I]n Canada," Pierre Trudeau wrote in 1978, "constitutional analysis and review is a highly developed science and a widely practised art."1 A decade earlier, in the late sixties, he had asserted that to open up the constitution was to open a "can of worms."2 Both statements are true, but unfortunately the greater truth resides with the latter, for our skills in the widely practised art are devoted to blocking constitutional change, not achieving it. In constitutional matters, we have become the great naysayers.3 The status quo survives because the process for its formal replacement is almost unworkable. Constitutional reform, therefore, has become a god that failed. For three decades it has been the "ism" that captured the minds of our political elite and many of the intelligentsia. Yet after years of constitutional introspection - including major assaults on the old order and numerous high-powered inquiries Canada is on the brink of fracturing. Our search for the constitutional reforms that were to be the vehicle of our salvation has in fact driven us further apart. In the 1960s, perhaps influenced by the counterculture utopianism and the related distrust of anyone - perhaps anything - over thirty, the British North America (BNA) Act was castigated as obsolete by various commentators, and its replacement by a new constitution for a new era was thought to be a manageable enterprise.4 We now know otherwise. Our amending process is tilted towards rigidity, not flexibility. Indeed, our achievement since the 1982 amending formula gave us control of our constitutional future has been, almost systematically, to construct more and more impediments to its utilization for major change. My analysis of our malaise revolves around three major themes: from executive federalism to referenda; the Janus face of the Constitution Act, 1982; and the road to increasing constitutional rigidity - followed by an interpretive conclusion, also divided into three parts: the prevalence of suspicion; have we learned anything? and where are we now?
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FROM EXECUTIVE FEDERALISM TO REFERENDA The constitutional message of the depression of the 1930s was (1) that the Judicial Committee of the Privy Council could not be expected to play a vanguard role adapting the constitution to new circumstances; (2) that formal constitutional amendment - given divisions within Canada and our lack of a Canadian-controlled domestic amending procedure - was an unavailable instrument for the major changes sought for the federal system by advocates of an enhanced state role; and (3) that Canadians, therefore, were stuck with an ancient document that was resistant to formal change and yet was increasingly out of touch with contemporary requirements. World War II achieved what the depression could not: it facilitated a decisive leadership role for the central government as a response to the wartime emergency. The clear indication of the flexibility possible within the system, coupled with the federal government's desire to maintain the heady hegemony it had enjoyed in the war, led to the potent recognition that frontal assaults on the federal system by judicial review or constitutional amendment as the servant of needed change were unnecessary. The alternative was to "work" the system - to manage the interdependence of two orders of government by a rolling series of intergovernmental agreements negotiated by politicians and senior bureaucrats. This process, known as executive federalism, was a brilliant innovation, and became the instrument for intergovernmental bargaining and decision-making that pioneered the post-war Canadian welfare state.5 Executive federalism, thus, was a success story, although its deficiencies drew criticism. It required a deferential public, as its decisions were made in secret. The legislative role was undermined as legislators were confronted with "done deals". It also required a somewhat dismissive attitude to the jurisdictional boundaries of the BNA Act. They were to be breached - often by the massive use of the federal government's spending power in provincial areas - in the interest of whatever social and other goals the two orders of government could agree on. The executive federalism process was also employed in constitutional policy. It produced the Fulton proposals (1960-61), the Fulton-Favreau formula (1964), and the Victoria Charter (1971), three attempts to patríate the constitution and give Canadians a domestic amending formula.
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Intergovernmental meetings of First Ministers and their advisors played a key role in the making of the Constitution Act, 1982. The four Aboriginal constitutional conferences, 1983-87, were expanded versions of executive federalism, incorporating the leaders of the major Aboriginal organizations in an attempt to find a formula, inter alia, for Aboriginal self-government. The meetings that produced the Meech Lake Accord were the acme of executive federalism - attended by high secrecy, and with the constitutional proposals subsequently presented to the public as a fait accompli, as a seamless but fragile web that could not withstand public tinkering with the precarious intergovernmental compromises that were its substance. Executive federalism, however, failed to produce the successes in constitutional reform that it had generated in the federalism of everyday. Thus the Fulton, Fulton-Favreau, Victoria Charter, and Meech Lake agreements never made it to the statute books. The four Aboriginal constitutional conferences failed to produce significant agreement.6 The Constitution Act, 1982 was far from a clear triumph for executive federalism. It left an embittered Parti Québécois government on the sidelines with the potent political resource of "betrayal". Further, much of the momentum behind the Act came from the massive public support for the Charter that gave the Trudeau government the lever to threaten to proceed unilaterally - a threat that helped bring recalcitrant provinces, but not the government of Quebec, on side. In a sense, therefore, the Constitution Act was as much a repudiation of executive federalism by an aroused public as a triumph for which it deserves credit.7 The 1980-82 process, with its very significant public input, signalled the arrival of the new constitutional politics - a politics of nation-saving or nation-making that would no longer be left exclusively to elites. This message was underlined by the rise and fall of the Meech Lake Accord. The Accord itself, generated behind closed doors as a pure form of constitutional executive federalism,8 was in effect repudiated and defeated by public opposition, of which Elijah Harper and the government of Newfoundland were simply the instruments. In April 1988, a year after it had been agreed to by the leaders of government, it had the support of only one out of four Canadians.9 Had the Meech Lake Accord passed by last minute manœuvering, the triumph would have been pyrrhic, given public opposition to its terms. Mulroney's ambition to have the Quebec government consent to the constitution "with honour and enthusiasm",
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would have been thwarted even if the Accord had been implemented. Significantly, the closed-door process by which it was negotiated was a focal point of the opposition. Critics delegitimated the process by labelling its agents "eleven able-bodied white males" meeting in secret, a phrase whose cogency confirmed the decline of deference and the emergence of the new non-governmental constitutional actors who did not trust others to represent them. The next constitutional episode, the Charlottetown Accord, was fashioned in closed meetings of political executives of both orders of government, including the two territorial governments, and the leaders of the major Aboriginal organizations. However, in response to the lesson of Meech, there was extensive public input prior to the closed executive sessions. Further, and in anticipation of what is likely to become a conventional requirement, it was presented to the people in a referendum and decisively repudiated. We have travelled from the elitist practices of executive federalism in constitutional matters to an awkward relationship between intergovernmental bargaining and public participation via referendum, which Russell and Ryder assert has now "become a constitutional convention in Canada" for major constitutional amendments.10 We have not, however, found a way to bring these two processes into a workable relationship that can generate constitutional change. The extent of our malaise is revealed by the fate of the Charlottetown Accord. The referendum that defeated it showed that the elites in Quebec and outside Quebec who negotiated it were captives of their respective publics - a Quebec culture that saw the Accord as insufficiently sensitive to nationalist ambitions, and a different nationalist culture outside Quebec that saw a strong central government and equality of provinces and of citizens as the very definition of being Canadian. The divergence in their social bases immobilizes governments in Quebec and in the Rest of Canada when their electorates are aroused.
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THE CONSTITUTION ACT, 1982: A JANUS-FACED DOCUMENT Our difficulties are, in part, rooted in the theoretical incoherence of the Constitution Act, 1982. In a formal sense, patriation transferred sovereignty from the United Kingdom to Canada. Where it was to come to rest in Canada, however, was unclear as the message of the Constitution Act was ambiguous. The amending formula, devised in secret by the eight dissident provinces - (sometimes called the Gang of Eight) - reflected the views of governments, especially provincial governments. They saw their task, as had been true of previous attempts to get agreement on a domestic amending formula, as the obtaining of intergovernmental agreement on the future role of governments in the formal amending process. From their perspective, the written constitution was about governments and federalism, particularly about the division of powers. "Accommodation of individual provincial concerns", according to Peter Meekison, then Alberta deputy minister of Federal and Intergovernmental Affairs, "is perhaps the most notable distinction between the new Canadian amending formula and those found in other constitutions."11 The role of citizens was not on the agenda for the provincial participants - all but Ontario and New Brunswick - who shaped the amending formula. Accordingly, they explicitly rejected Pierre Trudeau's proposals for a referendum component in the amending process as un-Canadian. Further, in fashioning their preferred amending formula they were oblivious to the parallel emergence of the Charter in the Special Joint Committee of the Senate and of the House of Commons on the Constitution of Canada (1980-81), where an alliance between the federal government and rightsoriented citizens and interest groups was enthusiastically strengthening the original Charter proposals of the federal government. The dissenting provinces, accordingly, devised an amending formula for yesterday's constitution. They were unaware of the need to consider the compatibility of these two future constitutional instruments. The Charter, which attracted massive public support, and which was the centrepiece of the federal government response to the defeat of the Yes forces in the 1980 referendum, suggested, by allocating rights to the citizenry, that the constitution belonged to them as well as to governments.
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This perception was strengthened by the attachment of rights-oriented groups to particular Charter clauses that they had been instrumental in fashioning. Given the incompatible assumptions behind them, the compromise between the Gang of Eight's amending formula and the federal government Charter which, with only minor changes, became the Constitution Act, 1982 was a recipe for stalemate in future attempts to achieve major constitutional change by the amending formula route. The amending formula suggested that sovereignty resided in governments. The Charter suggested that it resided with the people, or at a minimum that the rights the Charter protected against violation by governments in ordinary politics could not be eroded or withdrawn by a government-controlled amending process that excluded the public. From patriation to the present, we have wrestled unsuccessfully with this fundamental incoherence or ambivalence concerning the location of sovereignty.12 The consequence is a paralysed amending process. The tension is strikingly manifest in the requirement in Part V of the Constitution Act, 1982 "Procedure for Amending the Constitution of Canada", that government approval of an amendment requires a resolution of the legislature. On the one hand, this provides at least limited public input - depending on government willingness to hold hearings. However, if as in Meech Lake, the public is simultaneously told that the constitutional amendment package is a seamless web previously agreed to by governments, the slightest alteration of which will destroy its integrity, their contribution lacks substance. As a result, the package comes to be seen as an attempted intergovernmental executive coup rather than a package legitimized by public input. THE ROAD TO INCREASING RIGIDITY There is a fundamental paradox at the heart of our pursuit of formal constitutional change in the last quarter of a century. The amending formula itself has received unremitting attention. The overwhelming tendency from the 1971 Victoria Charter proposals to the present - in terms of proposed formulas, our political practices and formal rule changes - has been to make substantive change by amendment more difficult to achieve. We have
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systematically strengthened the barriers to formal constitutional change. This is illustrated by three developments. (a) Unanimity requirements: The Victoria Charter had none. The 1982 amending formula in the patriation package had five areas subject to unanimity. The Meech Lake Accord proposed doubling unanimity areas to ten. In a slight retreat from Meech Lake, the Charlottetown Accord proposed increasing the number to eight.13 Further, both the Meech Lake and Charlottetown Accords were treated as inextricably interdependent packages. Therefore, although some of their subject matter fell under the 7/50 rule,14 it too was elevated to the unanimity category that applied to other provisions, thus removing the flexibility the former rule was intended to provide. (b) Transformation of the 1982 general amending formula by the recent federal government loan of its veto power:15 The federal government is now committed not to introduce a constitutional amendment resolution into Parliament unless the amendment has already received the support of a majority of the provinces that includes Ontario, Quebec, British Columbia, two or more Atlantic provinces representing at least fifty percent of the population of that region,16 and two or more Prairie provinces representing at least fifty percent of the population of that region. As Alberta has more than half the population of the Prairie provinces this, in effect, gives a veto to Alberta. The federal government concession described as loaning its veto - gives a veto in areas formerly subject to the 7/50 requirement to four provinces. Not only does this dramatically raise the barriers to change, but it appears to weaken the possibility of a leading federal government role in initiating change. The federal government is forbidden even to introduce a constitutional amendment resolution until the requisite provincial agreement is reached.17 The federal government, therefore, could not in the future attempt to build up momentum by parliamentary hearings based on a package of amendments, as it did in 1980-81, nor by expeditiously providing early legislative support for others to follow, as it did for Meech Lake. Further, assuming the requisite provincial agreement has been given, it would be politically difficult for the federal government to exercise its own veto. To do so could be made to appear as a betrayal, on the ground that it has not only loaned its veto, but has in fact given up the possibility of independently exercising it. Should
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the federal government try to exercise its own veto after provincial governments had not employed the vetoes loaned to them, but had given their support to a proposed amendment, the political dynamics that would back Ottawa into a corner can be easily conjectured. According to Gibbins, Parliament would have difficulty employing its own veto in such circumstances, "given that the intent of the recent parliamentary amendment was to place the moral weight of constitutional amendment in the hands of provincial legislatures."18 Further, the process is deliberately ambiguous, as the federal bill does not indicate how provincial agreement is to be given. While this may give the federal government a degree of flexibility - by, for example, consulting provincial electorates directly by referenda - a price is paid in potential confusion, possibly leading to acrimonious exchanges.19 This proposal designed to fulfil Prime Minister Chretien's promise to restore the Quebec veto, made in the frantic days preceding the 1995 Quebec referendum, quickly got out of control as the veto was given a wide distribution not originally intended. Initially, Chrétien had intended to loan the federal government's veto only to Quebec; when this proved unacceptable to the Liberal caucus, the fall-back position was to loan the veto to the four regions - Quebec, Ontario, the West, and Atlantic Canada (a revival of the Victoria Charter formula). When this in turn ran into bitter objections from British Columbia and Alberta, another reversal occurred, and British Columbia was given its own veto which, because of Alberta's majority population in the remaining three Prairie province region, then gave Alberta as well the loan of the federal veto.20 Lysiane Gagnon's judgment is appropriate: "The improvisation is almost terrifying, considering the fact that a constitution is the fundamental law of a country."21 The existing general amending formula, which has been supplemented but not removed from the Constitution Act, 1982, requires the approval of any seven provinces with fifty percent of the population, encompassing about fifteen million Canadians, plus of course the federal government.22 The new supplementary formula, imposed on top of the old, requires the approval of four specific provinces - Quebec, Ontario, British Columbia, and Alberta one Prairie province other than Alberta, plus two from Atlantic Canada, encompassing about 92 percent of the population, or about twenty-seven million Canadians. Further, legislation in both Alberta and British Columbia requires the provincial government to hold a referendum, whose results are
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binding, before holding a ratification vote in the provincial legislature. In effect, this gives the veto to provincial electorates notoriously unsympathetic to the distinct society or to special treatment for Quebec. Under the 7/50 formula of 1982, a distinct society amendment could have passed without the approval of British Columbia or Alberta. Now it requires the referendum approval of both electorates. This relatively flexible 7/50 component of the overall amending formula has now been displaced.23 Justice Minister Allan Rock was clear that the purpose of Bill C-110 was to make amendment more difficult in what had been the most flexible component of the amending process by giving more blocking power to the provinces.24 According to Thomas Flanagan, the farming out of the federal veto forecloses the formal constitutional route to change with respect to the crucial matters it encompasses.25 The initial ill-thought-out attempt to give a veto only to Quebec has distributed vetoes to British Columbia and Alberta, neither of which sought the loan of the federal veto they have been granted. The British Columbia government argued that it would greatly increase the difficulty of formal constitutional change, while Premier Klein of Alberta reiterated his preference for a formula that respected the equality of the provinces. "We were given something by default that we didn't even ask for."26 However, once a veto was promised to Quebec as part of a package of four regional vetoes, the competitive politics of constitutional recognition inexorably led to the British Columbia veto and to a de facto veto for Alberta. (c) Changing purposes of referenda: The emergence of referenda as supplementary requirements for implementing macro-constitutional change has possibly not yet attained the status of an unbreakable convention. Nevertheless, the precedents are impressive. When the subject matter of proposed change deals with a fundamental "Who are we?" question, it is difficult to argue, in a democratic era, that the issue can be left to a small number of political elites. Newfoundland's entry into Canada in 1949 was preceded by two referenda in 1948. Quebec's attempt to leave Canada, on two occasions, was to be triggered by a majority vote in a provincial referendum. One of the prime reasons for the defeat of the Meech Lake Accord was the attempt to exclude the public, revealed by the remarkably secretive process of its fashioning, which was to be followed by its implementation by legislative resolutions orchestrated by cabinet leadership. The referendum on the Charlottetown Accord, which led to its defeat, was a reaction to the criticisms of the elite Meech Lake processes.
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The introduction of referenda clearly increases the difficulty of achieving major formal constitutional change. After the heads of governments have said Yes, as in Charlottetown, the electorate can repudiate their decision by saying No. In the Quebec case, referenda have twice checked the sovereignty ambitions of the governing Parti Québécois elite. The referendum, therefore, when employed in this manner, as a response to a proposal by one or more governments, is clearly an instrument of conservatism, a blocking mechanism. This role for referenda contrasts dramatically with the purposes that drove the 1980 federal government proposals to incorporate referenda into the amending process. For the Trudeau cabinet, referenda were instruments to bypass provincial governments that had rejected proposed amendments, or whose agreement was unlikely. They were conceived as instruments of flexibility that could employ provincial electorates to give a Yes to a proposal supported by Ottawa that their provincial governments had opposed.27 The flexibility aimed at by the federal government was, of course, partisan, as only the federal government could trigger a referendum.28 The purpose, however, was clear. Referenda were to lower the barriers to change, not increase them. In the months leading up to the Constitution Act, 1982 several proposals supported an even more fundamental and less partisan role for referenda that could be triggered by citizen initiatives. The famous KJrby Memorandum (30 August 1980) - a report to Cabinet - prepared by Michael Kirby, Secretary to the Cabinet for Federal-Provincial Relations, suggested that citizens themselves could initiate referenda, which would be binding, if there was insufficient federal or provincial government support for an amendment. "This would support the view that sovereignty ultimately resides in the people."29 Peter Hogg also argued in 1981 that citizens should have the capacity to initiate constitutional proposals that would be adopted by referenda - a practice that would "by-pass entirely the existing political office-holders." His proposal, designed to overcome the "powerful reinforcement of the status quo" inherent in the domination by governments of the process was, not surprisingly, of negligible interest to those governments.30 The possibility, however limited, of employing referenda to break the constitutional logjam has been rejected. Instead, referenda have become aids to constitutional immobility.
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SUSPICION, DISTRUST AND THE POLITICS OF CONSTITUTIONAL REFORM The steady march to a more inflexible amending process from the Victoria Charter to the recent (1996) federal government loan of its veto to the provinces reflects the triumph of suspicion and distrust. Distrust drives Aboriginal peoples to seek their own veto. The reiterated assertion by the Parti Québécois government of its entitlement to leave Canada by a UDI, reflects its deep distrust of the formal amending process, which it sees either as a trap, or, as in 1982, the instrument of its betrayal. The official federal government rationale of the Meech Lake unanimity requirement for Senate reform was that it was more important to protect Alberta against having the wrong kind of Senate reform imposed on it than to make it possible for the province to achieve the Senate reform it sought. Justice Minister Allan Rock justified the Act Respecting Constitutional Amendment, 1996 (the federal loan of its veto) as a guarantee that an amendment would not be imposed on particular provinces against their will. "We speak in this bill of a veto. A veto does not initiate constitutional change, it blocks it. What we are talking about is the ability of a region to stop an amendment to the Constitution."31 The amending process, by default, or perhaps by conscious design, has been turned into a defence of the status quo, a device for ensuring that the chance of being on the losing side is minimized. Provinces distrust the federal government and each other. The various interest groups and social movements whose status has been elevated by the Charter do not trust governments to protect their rights if they are not at the constitutional bargaining table. The necessity of including in the Constitution Acty 1982 a commitment to hold a constitutional conference on Aboriginal matters underlines the unwillingness of Aboriginal leaders to accept a simple promise as sufficiently binding. The developing convention that major constitutional change must be legitimized by referenda reflects a general public distrust of governments, as well as the developing democratization of our constitutional culture and the decline of deference.32 The fact that the federal government is now (1997) stressing the nonconstitutional route to change reflects its perception that the people have to be bypassed, as they can no longer be trusted to defer to their elected leaders.33
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Every increase in unanimity requirements, every expansion of the power to veto, every raising of the height of the hurdles over which we must jump, initially reflects our divisions and then reinforces them, thus weakening our sense of belonging to a pan-Canadian country-wide community. The more the rules are structured to accommodate our particularistic selves, the more we will act on the basis of that definition. This is even true of Canada-wide referenda when a unanimity requirement is imposed. Such a requirement, as in Charlottetown, provincializes the debate, and underlines the voter's provincial identity, for the question asked is - Should my province support or reject the proposed amendment? It is a winner-take-all situation in which the province must speak with a single voice - Yes or No. A constitutional amendment process responsive to ubiquitous suspicion, verging on paranoia, and in which provinces and the federal government are the key formal players, but the citizenry cannot be excluded, will have the following characteristics: (1) It will lean towards the rigidity end of the flexibility/rigidity spectrum; (2) It will be honeycombed with vetoes and unanimity requirements - or pressures to attain them;34 (3) It will display a steady increase in the number of non-governmental actors insisting on participation rights; (4) It will reinforce particularistic identities, provincial and other, and weaken the will to compromise; (5) It will stimulate unilateral attempts to escape its confines, as by a Quebec UDI; (6) It will intensify efforts to achieve by political means what cannot be achieved by the formal amending process, hence the present federal government preference for the non-constitutional route to renewal, and (7) it will produce occasional nostalgic attempts to return to the Victoria Charter - as proposed by the Beaudoin-Edwards joint committee (1990-91).35 Such an amending process will deserve and gain the reputation of being an effective instrument for blocking formal change, and an ineffective instrument for attaining it.36
HAVE WE LEARNED FROM OUR EXPERIENCE? It would be reassuring, but inaccurate, to claim that we have undergone a cumulative and positive learning experience from our constitutional pursuits. The regrettable reality is that since the domestication of the amending formula in 1982, we have zigzagged in an unproductive trial and error approach to achieving formal constitutional change.
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The authors of Meech Lake clearly misunderstood or inadequately appreciated the significance of the public role in making the Constitution Act, 1982. They ignored the reality that the Act was the product of an alliance between the federal government and the citizen groups that supported and strengthened the Charter and the Charter-opposing provincial governments that generated the amending formula. The 1980-82 participation of the citizenry, as a precedent, combined with the Charter message that the constitution now had a "citizen dimension" meant that the control of future constitutional change could no longer be left exclusively to governments. This message, however, was not heard by the intergovernmental political elite that fashioned the Meech Lake Accord with the result that the Accord was defeated largely due to the perceived illegitimacy of its origins. The authors of the Charlottetown Accord, looking back on the Meech Lake debacle that propelled support for sovereignty to new heights in Quebec, to more than 60 percent, "learned" two lessons. They concluded that the Meech Lake Accord agenda had been too limited, and they assumed that the executive federalism process had to be supplemented by massive public input. In response to these "lessons of the past", the Charlottetown package was large, ambitious, and comprehensive. It was aptly and deliberately labelled the Canada round in direct contrast to what was now seen as the unfortunate labelling of Meech Lake as the Quebec round. The Canada clause in the Charlottetown Accord, in response to this open agenda, was a smorgasbord of particulars with limited coherence. Further, the closed executive process of Meech Lake was repudiated, replaced by a veritable orgy of participation - including the Beaudoin-Dobbie joint parliamentary committee, and six three-day televised public conferences that included about fifty "ordinary Canadians", drawn by lot. One conference was devoted exclusively to Aboriginal issues.37 Finally, the lonely naysaying role of Elijah Harper waving his eagle feather in the Manitoba legislature contrasted markedly with the virtually full participation of Aboriginal peoples via the four major Aboriginal organizations in the constitutional bargaining that fashioned the Accord. Their participation produced major Aboriginal gains. This open process met the same fate - defeat - as the closed Meech Lake process it had tried to avoid up until the final round of bargaining. The Accord was presented to the Canadian people for their approval or rejection
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in a referendum. It was roundly defeated, with 56.6 percent of Quebecers voting No, 54 percent outside Quebec voting No, and 62 percent of onreserve status Indians voting No.38 While the lessons of Charlottetown, which we are still digesting, are read differently by various actors, the big picture is reasonably clear. The Parti Québécois government sees Charlottetown as one more proof of Canada's constitutional paralysis. At the provincial level - with only scattered exceptions39 - constitutional issues have been put on the shelf. The federal government shies away from the big package approach, and from formal constitutional amendment. The proper route to follow, according to the Chrétien government, is to proceed by small steps, to stress the virtues of incrementalism,40 and to opt for the non-constitutional route - the very antithesis of Charlottetown. "Change is possible without altering one word of the Constitution", according to Minister of Intergovernmental Affairs Stéphane Dion.41 As if to confirm the interpretation that formal constitutional change is all but unattainable, the federal government's loan of its amendment veto to the regions, described above, aggravates the paralysis that attends resort to the process of formal constitutional change. This brief historical overview underlines the depths of our perplexity, and suggests that we arefloundering- that we have no firm footing. We are the opposite of generals who fight the last war. We do the reverse, because for us the previous war was not a winning experience. We keep learning what process to avoid.42 WHERE ARE WE NOW? (1) Our efforts at constitutional reform have intensified our divisions. We are worse off as a country than when we began the modern attempt to renew the constitution in the sixties. (2) The formal amending process has diminishing utility as an instrument of constitutional change.43 Twice we have tried but failed - Meech Lake and Charlottetown - to increase the barriers to change by extending unanimity requirements. We have, however, raised the amendment hurdle by the supplementary requirement of a referendum. On the other hand, we have not taken up the possibility of avoiding the intergovernmental stalemate by
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resorting to referenda, possibly citizen initiated, that could bypass governments. Finally, the federal government has virtually paralysed the process by the recent loan of its veto. Our goal, if reflected in our achievements, has been to increase the likelihood of failure. (3) Rules matter. They tell us how much agreement is necessary and who is to give it. They single out some identities for special treatment and downplay others. Recently, change in the theory and practice of constitutional reform, including the federal government loan of its veto, has underlined our provincial selves. Rules that multiply vetoes, or that require unanimity make us captives of our provincial selves, and encourage us to set ourselves against our neighbours.44 Even if provincial electorates, subject to a unanimity rule, are voting "nationally", they are conscious of what is occurring in other provinces. A reluctant potential Yes voter for a future Charlottetown Accord may safely retreat to a No if the Accord is clearly heading for defeat in another province. How the votes are counted informs each voter of the consequences of his or her act and thus provides the meaning for its exercise. When unanimity prevails, neither Yes nor No votes can be aggregated across provincial boundaries. Unanimity, therefore, makes it impossible for us to reach out across provincial borders. My referendum vote has only a provincial meaning. We were asked in Charlottetown to respond to a large question about our country's existence in ten separate provincial arenas that encouraged a "What is in it for me?" attitude. Only a vote-counting criterion that allows votes to be aggregated across provincial borders could free the referendum voter from the provincial lens he or she is now induced to employ. The final agreement criteria for Charlottetown verged on the impossible. After getting the agreement of the leaders of the federal, ten provincial, and two territorial governments, and of four Aboriginal organizations, the referendum required the additional unanimous support from ten provincial electorates. The goal, incredibly, was the unanimous agreement of twentyseven separate actors. A success would have been heroic. Defeat was virtually guaranteed. A constitutional reform process that consistently fails to deliver the promises that are made - when the issue is our survival - fuels our
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suspicion and distrust of each other and erodes the bonds of community that it is supposed to repair. Constitutional reform is a god that failed. NOTES 1. 2. 3. 4. 5. 6.
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9. 10. 11. 12. 13.
A Time for Action: Toward the Renewal of the Canadian Federation (Ottawa: Government of Canada, 1978), p. 20. Cited in Alan C. Cairns, Disruptions: Constitutional Struggles, from the Charter to Meech Lake, ed. Douglas E. Williams (Toronto: McClelland and Stewart, 1991), p. 67. For a recent analysis, see Ronald L. Watts, "Canada: Three Decades of Periodic Federal Crises", International Political Science Review (1996), vol. 17, no. 4. See Donald V. Smiley, Canada in Question: Federalism in the Eighties, 3rd ed. (Toronto: McGraw-Hill Ryerson, 1980), p. 56. See Smiley, Canada in Question, chap. 4, "Executive Federalism" for an analysis. With one exception: the Constitution Amendment Proclamation, 1983 made several changes and in particular amended section 35 of the Constitution Act, 1982 to guarantee that the rights in that section applied equally to male and female persons. See James Ross Hurley, Amending Canada's Constitution (Ottawa: Canada Communication Group, 1996), pp. 90-92 for a discussion. See James Ross Hurley, The Canadian Constitutional Debate: From the Death of the Meech Lake Accord of 1987 to the 1992 Referendum (Ottawa: Minister of Supply and Services, 1994), pp. 4-5 for the complex dialectic between executive federalism and public participation in the making of the Constitution Act, 1982. The full executive federalism conferences at Meech Lake and Langevin House, which produced the Meech Lake Accord, were preceded by a double process of what Hurley calls "bilateral executive federalism." The latter involved one-on-one meetings between Gil Rémillard, the Quebec minister in charge of the constitutional dossier, with his provincial counterparts, and follow-up meetings between Senator Lowell Murray, the relevant federal minister with the provincial ministers. Rémillard and Murray worked as a team in an attempt to ensure that the more conventional executive federalism meeting of first ministers, which took place later at Meech Lake and Langevin House, would not fail. Hurley, Canadian Constitutional Debate, pp. 7-8. Robert M. Campbell and Leslie A. Pal, "The Rise and Fall of the Charlottetown Accord", p. 147, in Campbell and Pal, The Real Worlds of Canadian Politics, 3rd ed. (Peterborough: Broadview Press, 1994). Peter Russell and Bruce Ryder, Ratifying a Post-Referendum Agreement on Quebec Sovereignty: Maintaining Constitutionalism with Maximum Flexibility (Toronto: C.D. Howe Institute, 1997, forthcoming) p. 36 in draft. J. Peter Meekison, "The Amending Formula", Queen's Law Journal, vol. 8, nos. 1 & 2 (Fall 1982/Spring 1983), p. 100. See Alan C. Cairns, Charter versus Federalism; The Dilemmas of Constitutional Reform (Montréal: McGill-Queen's University Press, 1992), pp. 86-93 for a discussion. Although one of the eight, subjecting amendment to section 2 or 3 of the Constitution Act, 1871 to the unanimity rule, in fact would have increased flexibility, as the 1871 Act allowed Parliament to create new provinces without provincial consent. The
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Constitution Act, 1982 had imposed the 7/50 rule and Meech Lake had proposed unanimity. 14. The basic 7/50 amending rule, s. 38 in the Constitution Act, 1982, requires the approval of the Senate (suspensive veto only), the House of Commons and the legislative assemblies of two-thirds of the provinces representing at least fifty percent of the population of all the provinces.
15. Act Respecting Constitutional Amendments, 1996 c. 1.
16. The fifty percent population requirement for the Atlantic region effectively deprived Prince Edward Island of any role, as any other two Atlantic provinces could reach the population threshold without its participation, and it could not combine with any other province to reach fifty percent. In response, the Premiers of New Brunswick, Nova Scotia, and Prince Edward Island signed the following somewhat ambiguous agreement between January 22nd and February 7th, 1996: "In the event that the Atlantic Region is called upon to consent or reject a Constitutional amendment as laid out in the Federal legislation (Bill C-110): We will engage in consultations on the proposed constitutional amendments with a view to achieving a common position among the Atlantic provinces. In the event that a consensus is not achieved, Premiers will be guided by the desire to have three provinces in agreement before putting forward an Atlantic position." 17. Louis Massicotte points out that the federal government could sidestep the constraints it has put on itself by arranging the introduction of a constitutional amendment resolution by an ordinary MR "Le projet de loi sur les vetos régionaux: trop rigide et trop souple", Policy Options (March 1996), p. 46. This, however, would surely be seen as too clever by half and would have little legitimacy. 18. Roger Gibbins, with the assistance of Katherine Harmsworth, Time Out: Assessing Incremental Strategies for Enhancing the Canadian Political Union. Commentary No. 88 (Toronto: C.D. Howe Institute, February 1997) p.26, n. 69. 19. The federal government's desire to keep its options open in the way of obtaining the consent of a province is clear in Justice Minister Allan Rock's justification of the legislation. House of Commons Debates, 30 November 1995, p. 17002. Further, if Professor André Tremblay is correct, Bill C-110 does not prevent someone other than a federal Minister of the Crown, either in Parliament or in a provincial legislature, from introducing a resolution authorizing an amendment that would be subject to the 7/50 rules rather than the more restrictive regional veto rules. Proceedings of the Special Senate Committee on Bill C-110, No. 2, 23 January 1996. 20. The chaotic politics which produced an Act Respecting Constitutional Amendments, 1996 is graphically described in chap. 21 "Après le déluge", in Edward Greenspon and Anthony Wilson-Smith, Double Vision: The Inside Story of the Liberals in Power (Toronto: Doubleday Canada, 1996), pp. 333-348. 21. "Step Right Up and Get Your Constitutional Veto." The Globe and Mail, 16 December 1995. 22. The federal loan of its veto does not .apply to Section 38(3) which allows the legislative assembly of a province to exempt the application of an amendment that "derogates from the legislative powers, the proprietary rights or any other rights or privileges of the legislature or government" of a province. This "opting out" provision, primarily relevant to a transfer of jurisdiction from the provinces to the federal government or a transfer of provincial natural resource rights to the federal government, can be
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employed by up to three provinces as long as their total population is less than fifty percent of the Canadian population. See Meekison, "The Amending Formula," pp. 109-13 for a discussion of the opting out provisions. 23. The flexibility of 7/50 is disputed by Peter Hogg. He argued in 1985 that the general amending procedure, requiring the approval of eight of eleven governments, would make it "difficult to secure any amendment to the Constitution, because of the high level of agreement required." Peter Hogg, Constitutional Law of Canada, 2nd ed. (Toronto: Carswell, 1985) p.75. 24. House of Commons Debates, 30 November 1995, p.17001. 25. Thomas Flanagan, "Amending the Canadian Constitution: A Mathematical Analysis", Constitutional Forum, vol. 7, nos.2 & 3, Winter and Spring 1996. 26. Edison Stewart, "Flip-flop by Ottawa Gives Veto to B.C. and Alberta." Toronto Star, 8 December 1995. 27. See Alan C. Cairns, "Constitution-Making, Government Self-interest and the Problem of Legitimacy," in Allan Kornberg and Harold D. Clarke, eds., Political Support in Canada: The Crisis Years (Durham, N.C.: Duke University Press, 1983), pp. 424-28, 438-40 for an analysis of the strategic role visualized by the federal government for referenda. 28. See Roy Romanow's critique of the proposal giving Ottawa the "authority to frame the question and set the ground rules.... In effect, provincial government consent was not going to be necessary in the future." "'Reworking the Miracle': the Constitutional Accord 1981," Queen's Law Journal, vol. 8, nos. 1 & 2 (Fall,1982/Spring,1983), p.77. Romanow's criticism is not entirely fair, as the 23 April 1981, proposals of the federal government included a three-person Referendum Rules Commission, chaired by the Chief Electoral Officer of Canada, with one provincial government appointee. However, initiation of a referendum remained with the federal government. Hurley, Amending Canada's Constitution, pp. 238-41. Stephen A. Scott suggested as early as 1964 that provincial consent could be given by provincial electorates. "The Canadian Constitutional Amendment Process: Mechanisms and Prospects", p. 109, n. 28, in Clare Beckton and A. Wayne MacKay, eds., Recurring Issues in Canadian Federalism (Toronto: University of Toronto Press, 1986), vol. 57 of the Research Studies of the Royal Commission on the Economic Union and Development Prospects for Canada. Scott cogently analyses both the federal government's hopes in 1980-81 that referenda would serve Ottawa's purposes, and the vehemence of provincial governments' objections, pp. 88-89. 29. Hurley, Amending Canada's Constitution, pp. 53-4, 205-6. 30. Peter W. Hogg, "The Theory and Practice of Constitutional Reform", Alberta Law Review, vol. 19, no. 3, pp. 349-51. 31. House of Commons Debates, 30 November 1995, p.17002. 32. Neil Nevitte, The Decline of Deference: Canadian Value Change in Cross-National Perspective (Peterborough: Broadview Press, 1996). 33. Gibbins, Time Out, pp. 14, 20. 34. The recent Report of the Royal Commission on Aboriginal Peoples, vol. 5, Renewal: A Twenty-Year Commitment (Ottawa: Canada Communication Group, 1996) p. 133 recommends a veto for Aboriginal people with respect to sections 25, 35, 35.1 of the Constitution Act 1982 and section 91(24) of the Constitution Act, 1867.
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35. Hurley, Canadian Constitutional Debate, p. 15. The proposal was roundly denounced by three provinces, and disappeared from view. 36. Flanagan observes that while the federal loan of its veto to the regions increases the blocking power of the four big provinces, it greatly reduces the capacity of every province to achieve desired constitutional change. "Amending the Canadian Constitution", pp. 100-101. 37. Hurley concluded that the widespread public consultation, coupled with the referendum, produced "the broadest level of public participation [on constitutional matters] ever seen in Canadian history." The Canadian Constitutional Debate, p. 25. 38. See Richard Johnston, et al., The Challenge of Direct Democracy (Montréal: McGillQueen's University Press, 1996) for an analysis of the referendum. 39. For one exception, see the Report of the Quebec Liberal Party Committee on the Evolution of Canadian Federalism, Quebec's Identity and Canadian Federalism: Recognition and Interdependence, December 1996. 40. See Gibbins, Time Out, for an analysis and critique of the incrementalism strategy. 41. CP "Federalists Can Love Quebec and Canada: Dion," The (Saskatoon) Star Phoenix, 27 February 1997, p. C-7 - See also Graham Fraser, "No Major Reforms Planned to Keep Quebec, Dion Says." The Globe and Mail 16 October 1996, for Dion's defence of the "step-by-step approach" favoured by the federal government. 42. As Gibbins notes, however, while the means have changed, the direction of contemporary incrementalism and many of its specifics are taken directly from the Meech Lake and the Charlottetown Accords, Time Out, p. 12. 43. Gibbins argues that Meech Lake and Charlottetown have generated a belief that Canada no longer has "a viable constitutional process." Time Out, p. 3. 44. "The political requirement of unanimous provincial consent [in the Charlottetown referendum] compelled leaders in each province to prove that that province was a "winner." This was often done by trying to "score" off the interests of other provinces." Hurley, The Canadian Constitutional Debate, p. 24.
JEAN LAPONCE, FRSC
Comment conjuguer le Québec et le Canada Résumé Le Canada offre un exemple fréquent d'inadaptation de structures politiques et de structures multinationales, ses trois nations et ses dix provinces se trouvant en porte-à-faux. Présumant que Ton désire préserver l'État canadien dans ses frontières actuelles et que l'on veuille donner au Québec les pouvoirs dont il a besoin pour sécuriser une langue et une culture fragilisées par une démographie déclinante à l'époque d'une mondialisation accélérée, l'article propose une redistribution fondamentale des pouvoirs entre Ottawa et les provinces, ces dernières recevant des droits souverains en matière de langue, de culture, d'immigration et de citoyenneté. Chaque province aurait l'option de recentraliser des pouvoirs qui, au départ, seraient dévolus de façon symétrique. L'objectif de la réforme serait de dissocier les fonctions économiques et de sécurité sociale d'une part, les fonctions de culture, de langue et, plus généralement, de solidarité nationale d'autre part ; les premières resteraient fédérales, les secondes passeraient exclusivement aux provinces le désirant. L'article prend les cas belge et suisse comme exemples à adapter à la situation canadienne. How to Relate Quebec and Canada —Abstract Being, culturally, a federation of three nations administered, politically, by eleven governments, Canada offers a case - by no means exceptional - of the lack of congruence between political and national structures. Assuming that one wants to maintain the Canadian state within its present boundaries while giving to Quebec the powers necessary to insure the survival of a language and culture weakened by a demographic decline that occurs at a time of accelerated globalization, the article proposes a fundamental redistribution of powers between Ottawa and the provinces. Each province would be offered sovereign rights in matters of language, culture, immigration and citizenship. Essential to the reform is the dissociation of economic and social security functions, best performed by the centre, from cultural TRANSACTIONS OF THE ROYAL SOCIETY OF CANADA / SERIES VI / VOLUME VII / 1996
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and national solidarity functions, best performed by the peripheries. Belgium and Switzerland are used as examples that could serve as models for the restructuring of Canada.
Les problèmes ethniques et constitutionnels qui secouent le Canada depuis plusieurs décennies ne lui sont pas particuliers ; ils s'observent dans de nombreux autres pays. La Belgique, pour ne prendre qu'un exemple sur lequel je reviendrai, a dépensé plus d'énergie politique que le Canada à se transformer de façon profonde - débats, chutes de gouvernements, crises diverses, négociations continues, et, en fin de compte, accord sur des réformes substantielles. Le Canada se distingue, non par son obsession constitutionnelle, comme le voudraient tant de vieilles plaisanteries, mais plutôt par le peu d'ampleur qu'il donne à ses projets de réforme, et par le manque de conviction qu'il met à revoir les règles qui gouvernent les rapports de ses nations concurrentes. Ses projets de redistribution des pouvoirs sont si faibles et si timorés qu'ils s'épuisent à se donner vie et qu'ils meurent avant de naître. Les problèmes nationaux du Canada sont des problèmes de grande envergure, des problèmes qui marquent une révolution dans la façon de se gouverner. Ce qui se passe au Canada, et ailleurs (Rupnik, 1995 ; Elazar, 1996 ; Philip et Soldâtes, 1996), ce n'est rien moins qu'une dissociation de fonctions autrefois liées de façon intime. (J'ouvre ici une première parenthèse pour préciser le sens que je donne aux termes « ethnie » et « nation ». Par ethnie j'entends une communauté, soit de dimension étatique, soit de dimension sous- ou sur-étatique, qui a le sentiment de faire un grand voyage historique à partir d'origines plus ou moins lointaines et plus ou moins mythiques vers un avenir plus ou moins assuré. Lorsque l'on définit l'ethnie comme étant une catégorie de niveau sous-national, comme le fait le langage courant, on fausse l'analyse dès le départ. L'ethnie est donc prise ici dans un sens très englobant, plus englobant que le terme « nation », ce dernier s'appliquant aux ethnies qui ont ou cherchent à obtenir le contrôle politique de leur destinée. Les Canadiens, les Québécois, et les Huttériens sont des ethnies ; mais, selon notre définition, seules les deux premières sont des nations).
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Les nations qui nous intéressent ici plus particulièrement sont celles qui posent au Canada des problèmes d'ordre constitutionnel, spécifiquement : les Canadiens, les Québécois, et les Autochtones. Avant d'en venir à leurs rapports politiques, je donne à nouveau la parole à Talcott Parsons, (je dis « à nouveau » car j'ai eu fréquemment recours à son analyse fonctionnelle ces dernières années, que ce soit à propos de la Suisse, de la Belgique, du Canada, ou de l'Union européenne). Parsons note que le parcours qui mène de la société dite « primitive » à la société dite « moderne » est marqué, au cours des âges, par la séparation de fonctions et d'institutions qui, au départ, étaient très étroitement liées, sinon confondues. Inséparables à l'origine, la religion, la politique, l'économie, et la culture se sont séparées les unes des autres ; elles se sont donné, à des époques différentes, le champ d'autonomie dont elles avaient besoin pour mieux s'auto-réguler (Parsons, 1971, 1977 ; voir aussi Bell, 1976). Dans une société démocratique contemporaine, cette autonomie permet de donner, à chaque fonction, ses principes directeurs spécifiques. Le politique peut se donner l'égalité des individus comme but et l'élection comme moyen, cependant que l'économie choisit le profit et le marché, que la religion est guidée par la tradition et l'au-delà, et que la culture est le domaine privilégié de l'imaginaire et du plaisir des sens. La grande erreur systémique de la révolution bolchevique fut de fusionner ce que la révolution française avait séparé. En se donnant un principe d'organisation universel, elle se condamnait au dysfonctionnement, elle adoptait une recette de société « primitive » (Laponce, 1992). Or, dans la seconde moitié du XXe siècle, nous voyons des Etats qui maîtrisaient ou cherchaient à maîtriser la fonction culturelle et celle de la solidarité nationale n'être plus capables de le faire. D'où, le champ d'autonomie que ces fonctions cherchent à se donner. Quand les envahisseurs potentiels, quand les « barbares » sont aux portes, des communautés ethniques ou nationales diverses formeront des alliances ou feront des fusions du type menant à la création d'États comme la Suisse ou la France. En période d'insécurité, le pouvoir de l'État, son pouvoir militaire en particulier, lui permet de devenir un catalyseur ou même un créateur de nation. C'est ainsi que les communautés cantonales de la Suisse s'agglutinèrent et, tout en gardant leur autonomie, donnèrent naissance à une nation suisse ; et c'est ainsi qu'en France jacobine, au-delà de
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l'agglutination, il y eut fusion des ethnies régionales en une nation qui se dit indivisible. Dans les deux cas, à des degrés divers, la citoyenneté fut génératrice de solidarité nationale. Mais ce qui s'est passé en France et en Suisse a échoué en URSS, en Yougoslavie, et en Tchécoslovaquie, et n'a réussi que partiellement au Canada. Dans certaines parties du monde, l'Europe de l'Est et les Balkans en particulier, les fonctions de solidarité nationale et de gouverne politique continuent de se rapprocher, comme elles s'étaient rapprochées en Europe de l'Ouest au siècle précédent. Mais, alors que dans l'Europe de l'Ouest, c'était souvent l'État qui créait la nation, en Europe de l'Est c'est l'inverse qui se produit. Dans d'autres parties du monde, l'Europe de l'Ouest et le Canada notamment, lorsque la sécurité militaire n'est plus assurée par l'État, lorsque les barbares ne sont plus aux portes et que l'économie s'est mondialisée, l'État est en perte de moyens mobilisateurs de solidarité. De tels moyens passent à des ensembles inter- ou supra-étatiques (l'Union européenne par exemple) ou à des communautés sous-étatiques qui se définissent typiquement par la religion, la langue, ou la culture ancestrale. Ces communautés peuvent alors désirer l'indépendance ; mais elles peuvent aussi, n'allant pas jusqu'à l'indépendance, se satisfaire d'une souveraineté partielle leur permettant d'assumer le rôle de protecteur de la nation et de mainteneur de ses particularités. Dans ce dernier cas, celui du Canada je pense, il y a des possibilités de compromis qui ne s'offraient pas à l'Europe balkanique. Lorsqu'une nation cherche son autonomie au sein d'un État multinational, ce dernier peut réagir de façon conciliante comme en Belgique, ou de façon jalouse comme au Canada. Devant les demandes des Autochtones comme devant celles du Québec, plus encore devant ces dernières (Cairns, 1993), l'État canadien réagit comme s'il se sentait trahi. Il dit non seulement « L'État c'est moi » mais aussi, et plus profondément, « la nation, c'est nous » ; la nation suprême, la nation englobante, celle à qui vous devez votre loyauté première, c'est le Canada. C'est permettre qu'individuellement les Québécois se conjuguent au singulier, mais qu'au pluriel, il leur faille s'accorder sur le Canada et se penser d'abord Canadiens.
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Considérons la réaction belge. Sous la pression de ses nations néerlandophone et francophone1, la Belgique s'est transformée d'État unitaire en Etat fédéral (ce qui marque une évolution tout à fait nouvelle dans l'histoire des États) et s'est transformée de telle façon que l'organisation de l'économie soit dissociée de celle de la culture, ce qui est tout à fait symptomatique des problèmes qui se posent aux sociétés multiethniques contemporaines. La Belgique est devenue une fédération à trois niveaux : celui de l'État central, celui des institutions économiques régionales, et celui des institutions dites « communautaires » qui ont, entre autres pouvoirs, la responsabilité de l'éducation et de la culture (Alen 1990; Guérivière, 1994 ; Delpérée, 1996 ; Karmis et Gagnon, 1996). Question : pourquoi le Canada n'a-t-il pas saisi l'offre du Québec de souveraineté-association (dans la mesure où cette proposition de départ ne signifiait pas nécessairement l'indépendance pure et simple) afin d'aboutir à une solution de type belge ? Pourquoi a-t-il poussé le Québec dans la voie de la dissociation politique quand c'est la dissociation culturelle qui était recherchée au départ ? (J'ouvre une deuxième parenthèse : Rod Macdonald me fait remarquer que la tradition légale anglaise n'est pas favorable à des révisions textuelles de l'acte constitutionnel, que les projets de réforme du texte de 1867 viennent typiquement d'avocats et d'hommes politiques formés par le mode de pensée du droit civil : Sirois, Lesage, Trudeau, Mulroney, et Bourassa, en particulier. Mais, plus profondément, n'y a-t-il pas aussi, en plus de la tradition anglaise d'une constitution qui est vivante dans la mesure où elle est coutumière, l'avantage que la nation dominante tire du statu quo ? Le plus puissant est moins à même que le plus faible de souscrire à l'adage voulant qu'entre le fort et le faible ce soit la liberté qui opprime et la loi qui libère). Je reviens à la question : pourquoi la réaction jalouse du Canada aux propositions du Québec ? Parce que les notions de souveraineté-association et de fédéralisme seraient incompatibles ? Le présumer au départ serait ne pas vouloir négocier. Or, la grande majorité des Québécois est en faveur d'une telle négociation. Sur la dimension qui va de l'État unitaire souverain à la ligue d'États indépendants, la souveraineté-association et le partenariat n'ont pas de place bien fixée, pas plus que n'en ont les divers fédéralismes aux structures très variées. Les .fédérations suisse et canadienne se disent confédérations, cependant que l'association entre communautés et régions belges se dit fédération. Les mots importent moins que la division des
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pouvoirs. Si le Canada se refuse à négocier de nouvelles structures d'association avec le Québec, c'est qu'il est toujours sur sa lancée du XIXe siècle. Il continue à se construire sur le modèle de l'Angleterre et de la France, sur un modèle que ces deux États de référence jugent maintenant dépassé. Entre le Québec et le Canada, c'est le Québec qui est moderne car il propose des structures étatiques décentralisées à souveraineté partagée, et c'est le Canada qui est en retard car il ne sépare pas suffisamment l'économique du culturel. Imaginons que sous la pression des événements (tel qu'un vote que l'on craindrait favorable à l'indépendance du Québec), le Canada se convertisse au principe de la souveraineté-association, ou du moins qu'il se dise : essayons. Quel serait l'aboutissement de négociations menées sur ce principe si l'on prenait la Suisse, la Belgique, et l'Union européenne comme modèles ? La négociation, j'en suis conscient, est plus difficile à mener au Canada qu'en Belgique, car, en Belgique unitaire, l'État central qui voulait fédéraliser ses nations constituantes ne rencontrait pas l'obstacle que pose, au Canada, un fédéralisme datant du dix-neuvième siècle et devenu très largement dysfonctionnel. Sociologiquement, le Canada est une « fédération » de trois nations (nous limitons notre analyse aux nations historiques qui posent des problèmes constitutionnels majeurs) : celles que nous avons déjà identifiées : les Autochtones, les Québécois, et les Canadiens2. (J'ouvre une troisième parenthèse pour noter que je ne dis pas « Canadien anglais », ni même « Canadien anglophone », car ces catégories, surtout la première, sont des catégories de recensement qui ne nous donnent pas la mesure d'identité collective exprimée par le terme « Canadien », comme il apparaît au Tableau 1 sur lequel nous aurons l'occasion de revenir). Or, cette fédération sociologique à trois est gérée par un fédéralisme régional à dix. Il y a donc un porte-à-faux qui empêche d'aller droit aux solutions asymétriques que réclament les circonstances. Imaginons donc, pour introduire un élément de réalisme dans notre hypothèse, une négociation portant sur la redistribution des pouvoirs entre le centre et toutes les provinces3. Ce que nous donnons au Québec parce que sa fonction
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nationale le réclame, nous le donnerons aussi aux autres provinces qui pourront, si elles le désirent, le redonner au fédéral. Afin de sérier les problèmes, ne traitons ici que des rapports entre les provinces et le gouvernement central. Donnons d'abord, cela est incontournable (la Commission Pépin-Robarts l'avait bien vu), la souveraineté aux provinces en matière de langue, d'éducation et de culture4. Cela implique déjà la révision ou l'abolition de la Charte des droits ou, plus simplement, l'extension de la clause nonobstant à tous ses articles. Donnons aussi aux provinces la communication dans la mesure où elle se rattache à la langue, à la culture ou à l'éducation. Pourquoi y aurait-il une radio et une télévision fédérales ? Ajoutons, en empruntant cette fois à la Suisse, un droit de citoyenneté qui donnerait aux provinces, à l'image des municipalités helvétiques, le droit exclusif d'accorder la citoyenneté aux immigrants, si même les critères de base en sont déterminés par le fédéral. On renverserait ainsi le rapport actuel entre les niveaux de gouvernement, la citoyenneté fédérale devenant la conséquence de l'acquisition d'une citoyenneté provinciale qui, comme en Suisse, serait assortie du droit à la mobilité interprovinciale. Le gouvernement fédéral conserverait la défense, la monnaie, la politique financière, la direction de l'économie et l'établissement des normes, sinon l'administration, de la couverture sociale (santé, chômage, pensions)5. Il conviendrait même d'étendre certains de ces pouvoirs fédéraux afin de mieux se rapprocher de l'union économique et du marché unique. Les affaires étrangères pourraient rester au fédéral, ou, plus vraisemblablement, être partagées entre les différents niveaux de gouvernement, comme en Belgique. Le reste : police, justice, politique de l'environnement, etc..., serait à répartir par la négociation, selon le principe de subsidiante qui veut que les périphéries assument les pouvoirs qu'elles sont mieux à même d'administrer que le centre. Les modalités de la réorganisation ici proposée seraient à négocier en fonction d'un objectif principal : dissocier l'économie et la sécurité sociale du culturel et du national, de telle façon que chaque fonction puisse se
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construire sur ses assises géographiques et sociologiques appropriées, et que chacune puisse recevoir la fraction de souveraineté politique requise. Et que devient le pouvoir politique fédéral dans tout cela ? Eh bien, il se décharge de ce qui ne le concerne pas directement et continue d'assumer ses fonctions de base : créer les conditions favorables à l'union économique et garantir la sécurité, par le pouvoir militaire de moins en moins, par la couverture sociale de plus en plus6. Une telle décentralisation, décentralisation symétrique vers toutes les provinces, éviterait que l'on trébuche à nouveau, dès le départ, sur un déséquilibre de type Meech Lake, mais se heurterait à un autre écueil que nous identifions plus haut. Si les gouvernements des provinces se veulent égaux (ce qui est tout à fait dans la logique du fédéralisme), si les gouvernements provinciaux se voient onze à table, leurs populations, elles, ont une perception différente des choses. Les citoyens de la Colombie britannique ne sont pas, dans leur ensemble, Britano-Colombiens par leur allégeance dominante ; et les Canadiens à trait d'union sont beaucoup moins nombreux que ne le laisseraient penser les politiques du multiculturalisme. Sauf au Québec (voir le tableau 1), la très grande majorité des Canadiens interviewés par sondage se disent tout simplement « Canadien ». Nous retrouvons ici le problème mentionné plus haut : trois ethnies nationales distinctes sont administrées par onze gouvernements différents. Comment passer d'un fédéralisme à l'autre ou, du moins, comment trouver la tangente entre les deux ? Si l'on décentralise les pouvoirs de façon symétrique, ce ne sera sans doute qu'un premier pas vers une asymétrie plus prononcée que celle qui existe déjà dans les faits7* La fédéralisation symétrique de la constitution belge de 1995 a vite mené à l'asymétrie actuelle lorsque les Flamands fusionnèrent les institutions régionales et communautaires que les francophones maintenaient séparées. Mais ce fut là leur choix à chacun, et non le résultat d'un modèle inflexible imposé par le gouvernement central. On peut donc penser qu'au Canada, l'asymétrie s'obtiendrait d'autant mieux qu'elle ne serait pas imposée au départ de la réforme. Donc, en résumé, les concepts-clés de la transformation hypothétique opérée ici à partir des exemples suisses et belges sont les suivants : séparer l'économique et le social du culturel et du national ; respecter, au départ, la
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symétrie dans la décentralisation des pouvoirs entre les provinces ; et permettre la recentralisation là où elle serait désirée. Le Canada à la carte ? Pourquoi pas8, si c'est la meilleure façon de favoriser la dissociation de fonctions qui cherchent leur autonomie, et d'assurer, de ce fait, la survie d'un Québec francophone culturellement souverain dans un Canada uni par l'économie et la sécurité sociale. En conclusion, demandons-nous quelles sont les chances de succès de réformes constitutionnelles qui amèneraient le Canada à s'aligner sur la Suisse (la proposition Pépin-Robarts) ou, de façon plus ambitieuse, à devenir une Belgique de l'Amérique du Nord en passant, en partie du moins, d'un fédéralisme de régions à un fédéralisme de nations. A l'heure actuelle, de telles chances de succès sont à peu près nulles. Hors Québec, la classe politique, et encore plus l'opinion publique, ne sont pas convaincues qu'il y a urgence. Une certaine décentralisation administrative du type recommandé par le groupe des 22 (1996), l'imbriqué territorial des trois principales nations, la menace de division du Québec en cas d'indépendance, la suppression envisagée de la double citoyenneté (sinon immédiatement du moins à terme), le manque de congruence entre les définitions subjectives et objectives de ce qu'est un « Québécois »9, la revanche de l'immigration sur la revanche des berceaux, autant de facteurs qui peuvent faire penser que le Québec, s'étant approché de la souveraineté, va maintenant s'en éloigner. À long terme c'est vraisemblable, à moyen terme c'est possible, mais à court terme, c'est s'en remettre aux mains du hasard. Or, si même le hasard favorisait le fédéral, son attentisme serait-il une victoire ? Oui, si le but est tout simplement et tout médiocrement de préserver le statu quo. Non, si le but est d'assurer la survie d'une culture québécoise en Amérique du Nord. Ce dernier but serait assuré par l'indépendance. Mais il pourrait l'être aussi, et à moindres coûts économiques, grâce à l'adoption par le Canada du principe de dissociation des fonctions qui a marqué l'évolution de la Suisse, guidé la réforme de la Belgique, et qui inspire la formation de l'Union européenne. Une transformation profonde de la constitution canadienne sur le modèle belge, ou même sur le modèle suisse, n'est cependant pas à prévoir en dehors d'une crise aiguë. En cela, le Canada ne fait pas exception. Les systèmes politiques, et les démocraties en particulier, ont de grandes difficultés à se réformer à froid. Les transformations envisagées ci-dessus
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sont donc à mettre dans le tiroir « en cas de crise », tiroir où elles retrouveront d'autres projets tels que ceux de Resnick pour une union Québec-Canada (1991) ; mais ces projets, même en tiroir, peuvent servir à marquer la voie où pourrait éventuellement s'engager un Canada qui voudrait vraiment associer les trois nations qui le composent.
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Tableau 1 « Si vous aviez à faire un choix, de façon générale, avez-vous le sentiment d'être... » Réponses par région. (pourcentages verticaux) Atlantique
Québec
Ontario
Prairies
Colombie Britannique
Cnd
Canadien
68
28
78
76
79
64
Canadienbritannique
4
1
3
2
4
3
Canadienfrançais
1
12
1
2
1
4
Canadien( )*
1
5
11
7
5
7
Province
22
50
2
11
9
19
autres**
4
4
5
3
3
4
Source : R. Kalin and J. Berry « Ethnie, National, and Provincial Selfidentity in Canada » Communication présentée à l'Association canadienne de Psychologie, Québec, 1991. La question donnait aux sujets le choix des catégories de la colonne du tableau. * = autres que britanniques ou français ** = nations étrangères
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NOTES 1.
2.
3. 4.
5.
6.
Là où je dis « nation » un collègue belge préférerait sans doute dire « communauté » car s'il y a clairement une nation flamande, la contrepartie méridionale se cherche un ou des noms qui exprimeraient une identité collective autre que belge : francophone, wallonne, bruxelloise ? Le groupe dominant de langue française avait pris l'habitude d'exprimer son identité collective en termes de l'État-nation belge, or, celui-ci, bien que la constitution de 1995 place la souveraineté dans « la » nation, est, dans sa structure même, devenu un État multinational (Delpérée, 1995). En l'absence d'accord sur la définition des termes « nation » et « ethnie » en science sociale (Connor, 1978 ; Waller, 1994 ; Guiberman, 1996), il faut s'en remettre à des définitions, souvent implicites, qui varient selon l'auteur. Cela ne facilite pas le dialogue. Parmi les analyses récentes de la situation des ethnies, des nations et des langues au Canada, voir Lapierre, Smart, et Savard (1995). Pour les rapports entre citoyenneté et identité collective voir Kaplan (1993), Jean Laponce and William Safran (1996). Alan C. Cairns (1995) distingue quatre nationalismes : autochtone, québécois, « reste du Canada » et pan-canadien. Je considère le troisième comme une forme particulière du pancanadianisme car il ne prend pas pour l'instant la forme d'un séparatisme, mais je reconnais l'importance de la distinction, ne serait-ce que pour expliquer l'obstacle psychologique que constitue le passage d'un nationalisme englobant à un nationalisme de base sociologique et géographique plus restreinte. Cette transformation est difficile à faire de la part des groupes dominants, que ce soit au Canada ou en Belgique, car cela signifie le passage de l'État-nation à l'État multi-nations (voir la note précédente). C'est donc exclure au départ, dans le cas du Québec, des solutions de type nonterritorial, de type « fédéralisme personnel » que proposaient Proudhon (1863) et Otto Bauer (1906). Les propositions de Burelle ( 1995) s ' inspirent mais sont en deçà des recommandations de Pépin-Robarts dans la mesure où la souveraineté proposée en matière de langue est restreinte par le pouvoir de protection des minorités de langue officielle que conserve le fédéral. Cela ne change pas grand-chose au système actuel et s'inscrit dans un fédéralisme qui ne fait pas confiance aux provinces de traiter convenablement leurs minorités. Pourquoi ne pas passer du fédéralisme de la méfiance au fédéralisme de la confiance ? C'est ce que pense également Don Soberman lorsqu'il propose que les provinces aient la souveraineté linguistique dans les domaines qui sont de la compétence des provinces. J'irais plus loin et étendrais cette souveraineté à la langue de la communication intra-provinciale des bureaux et agences fédérales sises en dehors du district fédéral, à moins (cela aurait à peu près le même effet, mais est fort improbable) que le Canada n'adopte le système suisse de fédéralisme administratif qui veut que l'administration des lois et règlements de la fédération se fasse, autant que possible, par l'intermédiaire des administrations cantonales. En Belgique, la couverture sociale est répartie entre les trois niveaux de gouvernement, le fédéral ayant gardé la sécurité sociale que la région flamande, plus riche que la wallonne, aimerait voir régionaliser. Les services dits de proximité : garderies, soins, etc... sont administrés par les périphéries (Service fédéral belge d'information, 1995). À la limite, on pourrait concevoir une structure de type Union européenne : un ensemble gouverné dans ses capitales provinciales et régulé au centre par une
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commission et un conseil des ministres provinciaux à voix pondérées. Mais ce serait prendre l'ensemble des provinces pour ce qu'elles ne sont pas. Le Québec mis à part (voir le tableau 1), elles ne sont pas des systèmes politiques où le sentiment d'être Canadien est moins répandu que le sentiment d'être de la province de résidence. Je suis, d'autre part, en partie convaincu par l'argument de Peter Leslie (1991) qu'une décentralisation à l'européenne risquerait d'être dommageable au renforcement de l'Union économique. Je dis « en partie » car l'Union européenne devient plus libreéchangiste au sein de ses frontières que ne l'est le Canada. En tout cas, le modèle à suivre serait ici plutôt celui de la Suisse qui a centralisé son économie alors même qu'elle décentralisait sa culture (Laponce, 1992). On se rapprocherait alors peut-être du modèle asymétrique suggéré par Resnick (1991), mais l'asymétrie évolutive queje propose ici pourrait s'inscrire dans les institutions en place, sinon dans la constitution actuelle. Pour une confrontation des notions d'asymétrie, d'égalité et de droits individuels voir Jeremy Webber (1994, chapitre 7). « À la carte » dans les limites de la dissociation de fonctions requise par les circonstances ; un « déficelage » raisonné (« debundling ») rendu possible par l'évolution des sociétés et des techniques (Elkins, 1995). Trois nationalismes se font concurrence parmi les francophones québécois - le type « vieille-souche », le type « francophone quel que soit l'origine », et le type « résidant du Québec » (Laponce, 1994 ; Keating, 1996) ; et cela à l'heure de ce qu'Anne Legaré (1995) appelle la nation post-étatique, une nation qui cherche la synthèse ou du moins la tangente entre le local et le transnational.
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COOPER LANGFORD, FRSC
A Matrix Model of Canada Abstract Discussions in the popular media across Canada map the realities of complex events onto the limited number of coordinates which allow for ready comprehension. Unfortunately, the mappings in different regions of Canada are commonly orthogonal to each other and do not admit of translation, one into another. If we are to achieve a meaningful discussion of the future of the region of the world normally designated by the term Canada, we require an emphasis on discussions of the issues which are common and presented in terms that can be translated from the maps created in one region to those created in another. This may imply a very loose association of deeply diverse concerns. Le Canada : des cartes et des coordonnées - Résumé Partout au Canada, les médias à grande diffusion mettent en cartes les réalités des phénomènes complexes en les ramenant à un nombre limité de coordonnées qui en facilitent la compréhension. Malheureusement, les cartes ainsi établies pour les différentes régions du Canada sont le plus souvent tracées de façon orthogonale les unes par rapport aux autres, de sorte qu'elles n'admettent pas la transposition. Si nous voulons aboutir à une discussion valable sur l'avenir de cette région du monde qu'on appelle communément Canada, il nous faut axer ces propos sur la discussion des problématiques communes en les présentant sous une forme qui les rende transposables d'une carte à une autre. Cela pourrait alors sous-tendre une association très vague de secteurs de préoccupation extrêmement divers.
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These colleagues [MP's] coming from different intellectual and emotional backgrounds, when they have the business of Canada at hand, find a way to get it done. - a Nova Scotia teacher after a visit to Ottawa The proudest moments of members of the Academy of Science of the Royal Society of Canada are not those in which we, as scientists, presume that we have inherited from the traditions of Newton some special methodological tools that give us access to "truths" about issues outside our disciplines that are not derivable from alternative disciplinary perspectives. At its worst, this presumption is sometimes reflected in a suspicion that our methodology has a special capacity to reduce ambiguities. To maintain an appropriate perspective, we must be especially sensitive that our dominant intellectual tradition since Newton has been in the analysis of problems that mathematicians characterize as linear. It is only in recent years with the emergence of complexity theory that we have come to appreciate clearly that this has been a very severe limitation. Human problems are notoriously non-linear. Despite the common perception that science can be predictive, perhaps the wisest aphorism from a great scientist to use to inform this paper is Niels Bohr's remark: "Prediction is difficult, especially about the future." What, then, is the reason for inclusion of a member of the Academy of Science in the current symposium? In one sense, it is not different from an important rationale for the Society to sponsor this symposium. We are part of Canadian institutions and must ask what role our institutions can play. In another sense, we may have an opportunity to use our disciplines to construct some metaphors that can contribute to the intellectual analysis. Let me offer, for your information, a little about the "social construction" of my own perspective. I am, like many members of the Academy of Science, an immigrant to Canada (about thirty years ago). I chose Canadian citizenship and would not wish to have my choice modified. I have been an active participant in university research and teaching, and the political processes of academia as well, in three provinces; Ontario, Quebec, and Alberta. I intend to comment here mainly on the impressions I have gained as a regular reader, viewer, and listener to the media of my three Canadian homes, but my experience of the Canadian academic scene will prove to be the driver of some of the more optimistic comments that I will offer. The
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consequence of living in three major Canadian communities and forming pictures of my environment from the media will be the driver of more pessimistic observations. ORTHOGONAL COORDINATES With due regard for the caveat in the first paragraph, I'd like to explore metaphors drawn from a mathematical perspective that helps me in the conceptualization of the problem posed by the question: "Does Canada have a future?". Suppose that we contemplate the events taking place in the geographical region of North America which lies north of the border of the United States (excepting Alaska). The term "Canada" commonly designates the space in which these events occur. But, my effort to give a definition is inherently flawed. To identify some event as a "Canadian event", I have used language that immediately brings to mind an image of a typical flat map with a border drawn between Canada and the United States leaving a pink region to the north which more or less accurately (depending on map projection chosen) represents the area of the earth's surface in square kilometres designated by the term Canada. That is, I have been led to a naïve "projection" of the event from a richly multidimensional space onto a plane defined by two spatial coordinates, such as are usually named x and y in elementary discussions of analytic geometry. If my hypothetical event was associated in these two dimensions with the subregion we call North York, Ontario, I might derive an immediate impression of the proximity of the event to the United States. One of my favourites of the alternative tricks of the mappers in Natural Resources Canada is the isodemographic map. In this version, the areas on the paper are proportional to population. The coordinates x and y which define the page are no longer kilometres in latitude and longitude directions. They are now weighted (I do not know the details of the way) by the number of residents. The region named North York is much larger on this map. Importantly, an event which has its projection onto this map in North York is quite a bit further from the United States. Since we all know that the earth is not "flat" ( in the sense that we cannot ignore hills and valleys), we understand directly that to place an event on a map is to project it from a space of more dimensions down onto two that provide a partial representation of the space as a whole. The isodemographic map reminds us (as our colleagues, the geographers, insist) that many human factors are required to describe the event space. It is very
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often helpful to make manageable maps by projecting events onto lower dimensional representations in which only a few coordinates are considered at a time. For example, if we wish to sketch a diagram to aid our thinking, we are restricted to the three spatial dimensions and only three coordinates at a time. If we are willing to become dynamic, as contemporary multimedia facilitate, we may "animate" the diagrams and add a fourth dimension represented by time. Simple picturing techniques allow us to place an event with respect to no more than four coordinates at a time. The map metaphor is deeper than the notion that information is often stored and presented in diagrammatic form. A major theme in recent philosophy of science is the fruitfulness of the map metaphor as a way of characterizing theoretical knowledge and its relation to empirical observation.1 Commonly, more information can be read from a map than was used to construct it. In the same way, a well ordered theoretical structure of ideas is an endless source of inferences that may be explored in relation to events. John Ziman has put the scientist's view:2 ...the overall structure of scientific knowledge is of many, many dimensions - more perhaps than can be grasped by the human mind. The initial path to a new [idea] may be apparently onedimensional... a simple causal chain. But the strategy of research is to seek alternative routes from other starting points to the same spot until the discovery has been incorporated unequivocally into the scientific map. The fact that this strategy seldom fails is unfortunate for the purveyors of one-dimensional verbal analyses... One lesson that physical science does drive home in very simple problems is the rapid rate at which the dimensionality of a problem can increase. If we consider the motion of one atom in a container, we can locate it with three spatial dimensions, but to track its path we need also three components of its velocity, a minimum of six, plus time. The addition of each further atom to the container adds another six dimensions to the dynamic problem. Spaces with a number of dimensions of the order of 1024 are needed to discuss a few grams of neon gas. Quantum mechanics rapidly extends itself to infinitely dimensional spaces.
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DIMENSIONS OF THE UNITY DEBATE A number of the concepts which figure prominently in the debates over the structure of the Canadian confederation are usefully viewed as dimensions that are used to construct maps of a manageable dimensionality onto which one can project events and draw inferences. Table I identifies some of these dimensions. They are roughly grouped into contrasting sets based mainly on which media in which parts of the country tend to exploit them frequently. However, the crude headings used in the table attempt a first approximation to the names of two maps that might be identified in the discussions. The dimensions may in some cases be seen as paired between the first and second map columns, but the listing order is intentionally chosen to suppress any implication of a premature conclusion about pairing.
Table I A few dimensions Historical Roots
Unifying themes
founding peoples language nation social contract assimilation special status survival
province region mosaic confederation regional equality economy efficiency
Consider the notion of founding peoples. It is not a notion that has much interaction with the concept of regional equality. Language is a dimension onto which to project experiences which can interact with the notion of founding peoples, but a map which uses the two concepts together will be using coordinates named "language" of a very different sort from a map describing the role of language in the context of a complex cultural mosaic. Examining the projection of an event on one map will not suggest how the
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event will be described by projecting it onto the other map. Consider the notion of nation. A collection of coordinates where nation accompanies region, language, and social contract is unlikely to provide a map onto which an event can be projected that readily translates to a map with coordinates including confederation and regional equality. A particularly interesting term for some dimensions is "efficiency". I have the sense that Quebec and English Canada exploit this term differently at present in a way that is clearly described in the economics literature. The classic sense of efficiency in economics is more precisely allocative efficiency which results from allocating capital and labour to their most productive uses. Harvey Leibenstein of Harvard introduced the contrasting concept which he called X-efficiency.3 X-efficiency refers to the coordination of capital and labour resources within a given firm. Somehow, coordination efficiency seems to be a more compelling dimension of the Quebec maps. I cannot, within a reasonable time, provide a fully representative set of illustrations from the public discourse in the regions of Canada in which I have lived. But I have spoken of these incommensurate, orthogonal maps, because I believe that a collage of the opinion printed in newspapers and discussed on the electronic media would clearly illustrate that the projections of the same events do not admit of translation. I want to be clear that this is not a phenomenon limited to the relation of Quebec to the "Rest of Canada" (ROC). To some important extent, orthogonality occurs between the English and French media in Montréal. Perhaps it is more of a surprise to discover that a large measure of orthogonality arises between discussions in Ontario and Alberta. There is something remarkably divergent about the ways in which Canada is mapped in the most prominent of public discourse. THE UNITED STATES, MEXICO, AND CANADA One particular projection of experience onto an emotionally powerful map space is illuminated by the surprising outcome of comparing the United States, Mexico, and Canada. The July 1995 issue of the Atlantic Monthly included an article by Jorge G. Castañeda about the lasting cultural differences between Mexico and the United States. NAFTA has brought the two countries together officially, but the lasting cultural differences remain
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clear and profound. The critical difference between the two countries turns, according to Castañeda, on the mapping of experience called history. Mexico is a country which has experienced one large-scale wave of immigrants, the Spanish conquest initiating a 300-year colonization. In Mexico, maps using territory, language, and religion transform into each other reflecting the common origin. History is a political tool. School texts, historical figures, favourite periods, past moments of national shame are debated as passionately as current events. The recourse to history as an instrument of political debate is deeply ingrained in Mexican life. The coordinates grouped under history form a preferred simplifying projection of the complexity of reality. The United States has a different pattern. It is a country built orí successive waves of immigration. There is no shared heritage of a common past. Other coordinates must fill the gap created by an absence of common history. Such factors may include the rule of law, the image of the frontier, attachment to a unique form of government, etc. These create a very different subspace onto which to project experience. It is interesting that Mr. Castañeda has little to say of the third partner to NAFTA. I can remark that an experience in our family points to a connection. We were always bemused that our family experience with history in francophone schools included regular repetition of the story of La Nouvelle France. Our impression is confirmed by Lysiane Gagnon.4 She compares Quebec to Mexico: The same could be said about Quebec, where the French majority formed a homogeneous group for more than three centuries. English Canada, on the other hand, was largely built by immigrants from various horizons; thus the unifying themes, rather than a shared history, are features of the contemporary state apparatus (the Charter of Rights and Freedoms, Medicare, and so on). The non-francophone sector of Quebec shares the more widespread North American experience of successive waves of immigration, but their relationship to history and institutions has been conditioned by the Quebec experience; they were long collectively labelled "anglophones", associating them with similar history coordinates constructed from an English perspective.
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There is, of course, no literal parallel between the histories of Quebec and Mexico. The parallel is the way in which projections of events termed "experience of common history" function as a preferred platform in both Mexico and Quebec. In contrast, there is not a shared experience in either the United States or English Canada which supports projection of experience onto the same coordinates to create a comparable map. THE POPULAR MAPS OF CANADA The purpose of the discussion presented up to this point is to suggest a conclusion which follows readily from a day to day comparison of the media in the different regions of Canada. The maps of the country which animate discussion of the future of Canada and are used to explain our disputes to readers, viewers, or listeners are projections of the events onto different sets of coordinates in different parts of the country. Although few of the discussions are simply one-dimensional, the two, three or even multidimensions used fall into groups which are orthogonal to those underlying the maps generated in other parts of the country. The discussion of Mexico, the United States, Quebec, and the "Rest of Canada" suggests that there is no easy way to translate or transform the discussion based on "history" to one based on "unifying themes". We can generalize; there are few, if any, translations or transformations which can convert the discussion of Canadian issues in some regions to forms comprehensible in other regions. This reading of the orthogonality of the maps of Canada which dominate the popular discussion supports the pessimistic position expressed by Gilles Paquet in his editorial m Le Droit on 29 June 1996. Les pessimistes croient pour leur part que les progrès via Plan A sont tellement peu prometteurs tant à cause de 1'habitus centralisateur indécrottable d'Ottawa que de la myopie intransigeante des provinces qu'il faut d'ores et déjà préparer le Plan B, c'est-à-dire accepter qu'il y aura fragmentation du pays et s'assurer que cela se fera dans l'ordre et selon des devis qui assureront une transition aussi pacifique que possible.
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I am not sure I can convince myself of a contrary view, but I am not comfortable with Plan B as it has so far been articulated since I do not find in it the bases for any common maps. COUPLING My remarks are intended by the symposium organizers to precede a general discussion. The final section of this paper will talk about ways of representing classes of Canadian experience where there is "coupling" among coordinates and ways of discussing such experience that are at least partially translatable, one into another. The purpose is to recommend attention to such topics as the basis for identification of the conditions and circumstances of the future of Canada. They will not model outcomes of any constitutional debate or analyse the probabilities of any outcomes of any referenda. The contention is that they refer to meaningful mappings of classes of events which occur in the region which we label as Canada on the most familiar of maps, the two-dimensional representations of the surface of the Earth. Their analysis offers clues to the conditions and circumstances of co-habitation of this space. Perhaps there is opportunity for discussion in these areas. Post-materialist values. Neil Nevitte has recently published a major study5 which concerns itself with the foundation in values of the turbulent period which Canada is experiencing. He draws on comparative questionnaire information about values emerging in industrialized countries which he labels post-materialist and characterizes by his title "The Decline of Deference". Is Canada different from, say, the United States, with whom we share the continent? His tentative answer is yes. This answer is notable not because we follow the United States in value shift but because we lead. Is there a convergence between English and French Canada? Yes with respect to economic values, no with respect to political values. Perhaps there are fruitful subjects for discussion on both sides of this contrast. A distinguished participant in this symposium has earlier said:6 Ironically at the very moment when we agree upon so much, we are close to breakup. We have never been closer to breakup in our history, although our values have never been so uniform.
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Demands of globalization. The economic fact of globalization is one which is discussed in similar language across Canada. It presents a challenge to all our leading economic actors. It is worth remembering that even in a period characterized by multinational business, there are powerful networks across the country created by our leading firms. The strategy and tactics of meeting the demands of globalization from a base in this region remains a subject with many common coordinates, even if regional interests are recognized to differ. We can gain from looking outward to our global opportunities and responsibilities. Production of knowledge. In the contemporary economy, it can be argued that knowledge itself is becoming the major producer of wealth with a higher return than capital, labour, or land.7 The organization of the production of knowledge is a critical issue which should interest Fellows of the Society. Michael Gibbons, Camille Limoges, and their colleagues argue that knowledge is produced worldwide, but that analysis of citation of academic publications by patents shows that geographical proximity is still a key factor in the transfer of knowledge from the sphere of discovery to the sphere of application. Across Canada we have developed knowledge production systems, including the universities, which are closely linked. Analysis of the role that these institutions and structures can play offers another area for discussion that exploits common elements. Environmental concerns. The comparison of the conventional map of Canada with the isodemographic map mentioned earlier in this paper makes very clear a common reality. Canadian populations, coast to coast, live very close to an environment which has not yet been settled at a density similar to either the United States or Europe. We share a common relationship to environmental concerns which lead to similar debates over conservation and development. There is opportunity to translate maps representing our relation to the environment for each other. A particularly poignant aspect of this situation which deserves careful analysis is the role of Aboriginal peoples of Canada. Should we discuss the history of Canada on an 11,000 year basis? Urbanization. Phyllis Lambert suggests in her introduction to Villes industrielles planifiées* that Canada's cities may have lessons for the developing world. She explains the motive of the series of exhibits that the Canadian Centre for Architecture is developing:
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La création de nouveaux établissements sur des sites vierges ou en bordure de villes existantes suivant les principes de l'aménagement urbain possède une histoire riche; et c'est dans le souci de dégager des liens entre l'histoire de l'architecture, la culture, et la société, que le CCA présentera d'ici l'an 2000 une série d'expositions... de la ville canadienne. We find here one more way of mapping the experience of sharing the area of Canada. The list is surely not exhaustive. I can foresee fruitful discussion, shared broadly, with room for common language on each of the above five or many other issues which do centrally concern the conditions and circumstances of the future we share in this part of the world. I wonder if the common polling result that reports a desire to "talk about the economy" not about the "constitution" does not reflect the need to discuss shared maps. CONCLUDING OBSERVATION I have not offered a way to debate the Canadian constitutional question. I cannot find the coordinates for an effective common examination. I am, however, a long-run optimist by inherent bias. My hopes are related to a point made by Charles Taylor in 1991 (see note 6): ...Deep diversity is the only formula on which a united federal Canada can be rebuilt...In many parts of the world today the degree and nature of differences resemble Canada's... We would do our own and some other peoples a favour by exploring the space of deep diversity. To give optimism some concreteness, I draw on an historical precedent which models a possibility. The first modern state to achieve liberty and tolerance for the individual, as well as prosperity, was one of the weakest federations known to the modern world, the Republic of the United Provinces (of the Netherlands) in the seventeenth century. The various elements of that republic worked with orthogonal maps of much of their central experience. However, they shared
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with Robert Bourassa the notion that a federation was rentable. It has sometimes been judged a weak basis for an important relationship to simply say it is profitable. This may overlook the subtle relation between profitability and liberty. Weakness of central authority seemed to serve well as the foundation for a mutually supportive conjunction of argent et liberté in the United Provinces.9 NOTES 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9.
Stephen Toulmin, The Philosophy of Science (London: Hutchinson, 1953). John Ziman, Reliable Knowledge (Cambridge University Press, 1978) p. 84 Harvey Leibenstein, Beyond Economic Man: A New Foundation for Microeconomics (Cambridge, MA: Harvard University Press, 1976). I am indebted to the continuing insight in the columns of Lysiane Gagnon. The reference leading to this section came from The Globe and Mail, 10 August 1996. Neil Nevitte, The Decline of Deference (Peterborough: Broadview, 1996) Ch. 9. Charles Taylor, Shared and Divergent Values in R. Watts and D. Brown, eds. Options for a New Canada (Toronto: University of Toronto Press, 1991) p.54. Michael Gibbons, Camille Limoges, Helga Nowotny, Simon Schwartzman, Peter Scott, and Martin Trow, The New Production of Knowledge (London: Sage, 1994) Ch2. Robert Portier, Villes industrielles planifiées (Montréal: CCA Boréal, 1996). Henry Méchoulan, Amsterdam au temps de Spinoza: argent et liberté, (Paris: Presses Universitaires de France, 1990).
MARGARET CONRAD, FRSC
Why I Am (Sometimes) a Separatist: A View from the Margins Abstract Canadians have twice come together to define the goals of nationhood. In the second half of the nineteenth century, railways symbolized the bonds of nationhood, while in the twentieth century it was the welfare state. Efforts to reinvent Canada in the 1990s are entangled in the global corporate agenda which is devoted to maximizing profits, reducing social spending, and letting global market forces restructure national economies. Although women and Atlantic Canadians are not alone on the margins of the constitutional debate, their perspectives raise interesting questions about the role of the federal state at a time when powerful forces are attempting to make private institutions, most notably the corporation and the family, the vehicles for human well-being. Pourquoi je suis (parfois) séparatiste : un point de vue excentré - Résumé Deux fois déjà, les Canadiens se sont conjugués pour définir les objectifs de leur état de nation. Pendant la seconde moitié du dix-neuvième siècle, le chemin de fer avait été le symbole des liens qui faisaient la nation, et au vingtième siècle, ce symbole fut l'État-providence. Les efforts déployés dans les années quatre-vingtdix pour réinventer le Canada se trouvèrent noyés dans l'agenda planétaire du monde des affaires, tout entier mobilisé par la recherche du profit maximum, la compression des dépenses à caractère social et le souci de laisser les forces du marché mondial restructurer les économies nationales. Même si les femmes et les Canadiens de l'Atlantique ne sont pas les seuls à se retrouver excentrés, en marge du débat constitutionnel, leurs points de vue appellent des questions intéressantes sur le rôle de l'État fédéral à une époque où de puissantes forces sont à l'œuvre pour faire des institutions privées, et tout particulièrement l'enterprise et la famille, le vecteur du bien-être de l'homme.
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INTRODUCTION This is the third time in recent years that I have addressed audiences on our protracted constitutional crisis. Invariably, I am asked to speak to a number of marginal "identities". Today, it is the Atlantic Region and women, two groups that, when taken together, constitute well over half of the people of Canada. This assignment, I must concede, is easier than an earlier presentation I was called upon to give in Atlantic Canada: The Charlottetown Accord from the perspectives of women, aboriginal peoples, the differently abled, gays and lesbians, young people, and the poor! Since I neither am a constitutional expert nor have ambitions to become one, my views are both excessively reliant upon the work of others and represent only my perspective, as a feminist and Atlantic Canadian, on the present perils now besetting Canadian federalism. I need not remind this audience after this morning's presentations that women and the Atlantic Region are largely absent from the post-referendum discussion of the future of Canada. Invisible in so many ways, women and Atlantic Canadians are now beset with yet another affliction: constitutional invisibility. The embarrassing lack of attention to these two very differentlyconfigured identity-seekers in Canadian political life reflects their lack of power relative to other actors in the constitutional process. Perceived as dependents of the state or constituents of larger political groupings (e.g., citizens, Quebec, the Rest of Canada), women and Atlantic Canadians are expected to go along with whatever constitutional arrangements are worked out by those who really count, not to present themselves as one of those hated "interest groups" who are confusing everything with their impractical demands. What I will argue here is that women and Atlantic Canadians have more in common than might appear on the surface; that they are invisible in the constitutional debate for similar reasons; and that, while they have relatively little power, their location on the margins of political life raises questions about the nature of our efforts to reinvent Canada that deserve more attention than they currently receive. It is worth noting that both women and Atlantic Canadians have formulated separatist options for themselves at various points in their respective histories. Although I do not have space here to discuss the evolution of separatist thinking in feminist and regional circles, withdrawal from the notion of a common citizenship continues to
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be advanced as a strategy for survival in difficult times such as the ones we are now facing.1 I hasten to add, as we on the margins always have to do, it seems, that I am not trashing men by introducing gender into the debate. Nor do I treat lightly the concerns of Quebec. Moreover, I think that women and men have more in common than our identity politics allows, just as I think Quebeckers and the rest of Canada share more than they differ on the fundamental issues of governance. Nevertheless, until it is clear from empirical evidence that women and Atlantic Canadians have reasonable access to the power and resources of the nation, I am reluctant to make men the sole measure of social good or the status of Quebec the only constitutional issue worth discussing.2 PERSPECTIVES FROM THE MARGINS My own point of view on the future of Canada has changed dramatically in recent years. As a poor female child from backwoods Nova Scotia, I was one of the beneficiaries of the post-war consensus that valued human rights, democratic processes, and Keynesian economic policies. It may well be the case that regional development policies and affirmative action programmes distort some Platonic economic ideal, but I can attest to the fact that they improved my chances for dignity and comfort, the twin goals of individuals in post-war democracies. This was achieved not, as some people would have it, because my well-being took something away from men or from other regions of the nation, but because such policies expanded the range of possibilities for everybody in Canada. In the prosperous post-war decades, the notion that the public good was served by state assistance to the poorest and the least powerful in society gave coherence to much of Canadian public policy. It remains part of my belief system even when economic conditions are not as favourable as they once were. Because of where I stand ideologically, I am profoundly troubled by the apparent success of the neo-liberal agenda (popularly dubbed neoconservatism) which is devoted to maximizing profits, reducing social spending, and letting global market forces restructure national economies. The success of this agenda means that discussions about the future of Canada in the 1990s occur in a much different context than they did twenty-
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five years ago. Although it is rarely framed in this way, the constitutional debate is now entangled in the larger effort to control the so-called Information Age economy. The silencing of women and the Atlantic region makes perfect sense if the only goal of the constitutional process is to prepare the way for a new world order where questions of human rights, equity, democracy, and stewardship - I use these old-fashioned words deliberately - have little place in the discourse. If Canada is to survive in any useful way, these questions must again be inserted into the national debate. As political scientist Janine Brodie has recently reminded us, we are now "embedded" in a process of renegotiating basic political conventions and cultural forms. These include our shared "common sense" understandings of the appropriate boundaries between the international and the national, the state and the economy, the public and the private, and the very definition of what it means to be a citizen.3 For those who have looked to the public sphere, and more specifically the state, to assist them in their efforts to achieve dignity and comfort, the prospects for the future are not encouraging. How, for example, can we hold on to the notion that the state serves as the collective will of ordinary citizens, not just the bidding of a few powerful interest groups allied with politicians? Atlantic Canadians and women are particularly vulnerable in the 1990s because the ideology of global economic restructuring has undermined the very political identities and public spaces that empowered them in the postwar years. By dismissing the concerns of the relatively powerless in society, our leaders are signalling the invention of a very different Canada from the one created in the wake of World War II. It may well be a Canada finely-tuned to the global marketplace, but it will be increasingly irrelevant to the vast majority of Canadians. If we have learned anything in the recent economic crunch, it is that national economic growth has become divorced from the well-being of ordinary citizens. People do not have to read Ann Finlayson, Heather Menzies, and John Ralston Saul to know that their economic condition is eroding even as exports are rising, bank profits skyrocketing, and economic activity increasingly being devoted to luxuries for the rich.4 In these circumstances, Canadians everywhere are eager to address the problems created by global restructuring but we seem to be doomed to perpetual constitutional wrangling. The real challenge facing Canadians today is how best to define the responsibilities of family and
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community, province and nation, public service and private corporation to ensure human and environmental well-being. Although our economic and political leaders seem to have answered this question to their own satisfaction, the jury is still out for those who are suffering from the ideologically-driven rage for privatization that characterizes public policy today. The politics of global restructuring revolves around increasing the role of the private, whether defined as markets or the domestic sphere. As Sandra Burt has recently observed, most women are poorly situated to survive in a climate of privatization, decentralization, and employment restructuring because they have lower income levels, fewer economic opportunities, and more family responsibilities than men.5 Cutbacks in programmes providing care for children, the ill, and the elderly, translate directly and immediately into more work for women in families, who as daughters, wives, mothers, partners, and friends continue to do the bulk of the unpaid labour on which our society relies.6 A1992 study by Statistics Canada estimated that women were responsible for two-thirds of the unpaid work performed in Canada, work that was estimated to be worth at least $234 billion and to account for as much as one-half of the Gross Domestic Product.7 If women suddenly laid down their tools, the result would be an economic and social crisis of unprecedented proportions. During the recent presidential election in the United States, the different location of women and men in North American society was strikingly exposed. Men, long accustomed to having a bevy of women perform the unpaid labour of reproduction, caring, and community-building, were more likely to support the "tough love" message of Bob Dole, than were women who, sensing that any weakening of the social safety net would have a negative impact on them, had a tendency to chose Bill Clinton as the lesser of the two evils.8 The "family values" debate currently grabbing headlines in North America has, I believe, more to do with the role that citizens embodied in the family (however defined: nuclear, blended, extended; gay, lesbian, or straight; common law or formally constituted) are being required to play in the new global economy than with the rhetoric of morality in which it is framed. Why else would politicians and pundits continue to assert that women in the public sphere should be home taking care of their children, or launch assaults against programmes designed to improve the status of women in society?
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If the present trends continue, women will bear an unequal burden in the adjustment to the information economy, just as they did in the difficult transition to industrialism a century ago. It comes as no surprise to those of us monitoring the status of women in Canada that in the last three years we have witnessed a reversal of a half-century of advances for women in average income and personal well-being, or that women's unpaid and voluntary labour comprised an increasing proportion of the work being done in Canada.9 Recent studies by the United Nations and the Organization for Economic Co-operation and Development indicate that, although Canada ranks first among the nations of the world as a good place to live, it has fallen behind other developing countries with respect to the status of women and children.10 In short, the new world order looks suspiciously like the old one: most women confined to the unpaid and underpaid work of family and community, while a few elite men reap the benefits of the financially lucrative global frontier. Like women, Atlantic Canadians can point to key economic indicators income per capita, rates of employment, fiscal transfers — as proof of their vulnerability. Like many women, ordinary Atlantic Canadians have watched their hard-won economic well-being eroded in recent years even as the regional economy seems to be growing. Atlantic Canadians have led the nation in dismantling welfare programmes; they pay university tuitions almost double those paid in the rest of Canada; and are subject to policies that are considered unacceptable in other regions of the country. Where else, other than the Atlantic region, would outmigration be advanced as the solution for economic difficulties? Where else, other than Atlantic Canada, would a major tax grab such as the GST be followed up with another tax grab known variously as the HST or the BST with little more than a whimper? Where else other than Atlantic Canada would second-class citizenship and regional unity be the goal of national policy?11 There is an underlying assumption, based on little empirical evidence, that women and Atlantic Canadians are fundamentally interested in maintaining the status quo, protective of federal powers that feed our dependency.12 While these are convenient assumptions for busy politicians and constitutional negotiators to adopt, they mask complex gender and regional identities. Feminists have become adept at identifying the gendered impact of public policies and are not likely to follow constitution makers down a garden path that threatens to undermine women's economic and social well-
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being. In Atlantic Canada, the Acadians, who constitute nearly thirty percent of the francophone population outside Quebec, have their own unique perspective on constitutional issues and are well positioned to make their voices heard.13 During the debates around the Meech Lake and Charlottetown accords, politicians swept into the Atlantic region urging us to accept the government's reform proposals not because they would be good for Atlantic Canada or would improve the working of the federation, but because it would help ensure the survival of Canada.14 Similar arguments were addressed to women who were told that what was good for the nation was good for them.15 Atlantic Canadians and women are notoriously adept at making sacrifices but any proposals to reinvent Canada must show that they address the needs of marginal regions and peoples, not just those of more powerful provinces and interest groups. If this is not achieved, people on the margins will serve as spoilers in any constitutional debate, just as they did during the Charlottetown and Meech Lake rounds. In sum, the much vaunted Information Age has failed the poorest in our society and has led to a disintegration of the Canadian body politic. Rather than marshall its forces to do a better job, the federal government continues to beat a hasty retreat from its role in Canada's social and economic life. In its wake private corporations have emerged as sponsors of restructuring initiatives taking place in our society. Although corporate giants may well use their increasingly untaxed profits to finance activities previously funded by the state, we have no democratic mechanism to shape their programmes - to insist, for example, that they build subsidized housing for the poor and provide day care for working families rather than fund football teams and foot the bill for premiers to visit the Olympic Games. Power without accountability is always a frightening prospect and must be avoided. While the withering away of the state may serve some people very well and must amuse Karl Marx in his socialist heaven - the disadvantaged in society need it more than they ever did. I am quite convinced, after a decade of brainwashing, that the state can no longer sustain its paternalistic role, but I am equally convinced that we need a strong federal state to bring a new notion of responsibility into the marketplace where private corporations now pay few of the social costs - human, environmental, political - of doing business. As virtually everything we do is privatized, it is our job as
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citizens, individually and collectively, to insist that democracy, equity, and environmental stewardship prevail in a world where the baser instincts of human beings - aggressiveness, competitiveness, succeeding at all costs increasingly inform behaviour. Such values, it must be remembered, gained ascendancy earlier in this century with the result that two major wars took humanity to the brink of disaster. Although the current situation is daunting even to the most empowered groups in our society, we must persist in our efforts to shape a nation state that can carry a progressive message into the larger global context upon whose well-being we all increasingly depend. At this moment in our collective history, it seems entirely likely that Quebec will go down the sovereignist road unless the constitutional debate is framed around the larger issues facing us as human beings on this planet. Quebec's struggle for independence makes a great deal of sense in a world where provincial and international structures seem to be more important than the federal government in determining economic and social well-being. During the "Quiet Revolution", francophones in Quebec saw their standard of living rise from one of the lowest in the province to the highest, largely due to provincial policies designed to achieve this end. Why would anyone want to abandon such a powerful tool in defining and achieving human wellbeing? Why indeed. In recent months, the Parti Québécois has successfully wedded its sovereignty goals to an ambitious social programme that includes day care, affirmative action, and affordable university tuition fees. Many Canadians wish them well in their efforts to defy the neo-liberal orthodoxy that has gripped the rest of Canada. CONCLUSION Although women and the Atlantic region are not alone on the margins, their perspectives raise questions that need to be addressed. Women come to the negotiating table with a point of view predicated on their historic role as unpaid child bearers and caregivers, while Atlantic Canadians remind us that the state may still have a role to play in mitigating the problems caused by uneven economic development in the nation and in the world. Before taking any constitutional or legislative steps to accommodate Quebec or any other province in the federation, it is imperative that there be a serious investigation of the impact of decentralized power structures and privatized social policies on the least advantaged people of Canada. What is so
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shocking about the ideologically-driven "reform" currently taking place at all levels of governance today is that it is being imposed without any analysis of how it plays out in the everyday lives of Canadians. The question put to the speakers today is: "Can Canada survive and under what terms and conditions?" My answer is that, in some configuration asymmetrical federalism, sovereignty-association, economic union Canada will probably survive, but to what end? Unless some notion of the common good and responsible citizenship is reintroduced into the constitutional debate, I am prepared to accept that regions and groups must retreat into communitarian independence so that they can support lifesustaining policies for the cultural, material, and spiritual well-being of at least some of the people who formerly called themselves Canadians. Indeed, I have come to the position that Atlantic Canada might as well also go it alone if national goals have been reduced to nothing beyond paying down the debt and reducing taxes. At the very least, the region would benefit from fine-tuning its fiscal and monetary policies to serve an underdeveloped economy rather than being forced to conform to national policies geared to more prosperous regions of the country. On the other axis of my interest, women too may increasingly pursue a separatist option. They, of course, have no geographical space to which they can retreat, but their choices about how they interact in families and communities might well constitute, in the long run, the most dramatic form of separatism in the twenty-first century. In moments when I lack a sense of efficacy, I am (sometimes) a separatist. The trashing of both women and the Atlantic Region as whiners by leaders of every political stripe in recent months has served to paralyse my efforts to bring imagination to bear on the problems facing Canada. But as someone with enough imagination to sense how Quebeckers must feel in the current climate, I have no trouble believing my Québécois friend when he tells me that all francophones in his province are sovereignists at heart. Some of them vote for federalism, he claims, because they reason it to be the best political arrangement in the current global context. If Canada, then, is to survive as a nation state, it is necessary to bring reason, purpose, and inclusivity to bear not only on the constitutional debate, but also on the larger questions facing Canada in the 1990s. Without such goals the Canadian federation may not be worth saving.
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NOTES 1.
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3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11.
12.
13. 14. 15.
Separatist movements in Atlantic Canada have been touched upon in E. R. Forbes and D.A. Muise, eds., The Atlantic Provinces in Confederation (Toronto: University of Toronto Press, 1993), while the separatist argument for women is discussed in Marilyn Frye, "Some Reflections on Separatism and Power," in The Politics of Reality (Trumansburg, NY: The Crossing Press, 1983). My thinking on issues of recognition, identity, and difference has been greatly aided by a reading of Charles Taylor et al., Multiculturalism: Examining the Politics of Recognition, edited and introduced by Amy Gutmann (Princeton: Princeton University Press, 1994). Janine Brodie, Politics on the Margins: Restructuring and the Canadian Women's Movement (Halifax: Fernwood, 1995), p. 10. Ann Finlayson, Naming Rumpelstiltskin (Toronto: Key Porter Books, 1996); Heather Menzies, Whose Brave New World? (Toronto: Between the Lines, 1996); John Ralston Saul, The Unconscious Civilization (Concord, Ontario: Anansi, 1995). Sandra Burt, "The Status of Women: Learning to Live Without the State," in Canadian Public Policy: Globalization and Political Parties, ed. Andrew F. Johnson and Andrew Stritch (Toronto: Copp Clark, 1997), pp. 251-274. Jane Ursel, Private Lives, Public Policy: 100 Years of State Intervention in the Family (Toronto: Women's Press, 1992), p. 1. The Globe and Mail, 21 December 1995, A5. The Globe and Mail, 1 November 1996. The Globe and Mail, 20 December 1995. UN Human Development Index, 1992; The Globe and Mail, 15 August 1996, Al. Although there has been much ink spilled in efforts to understand the condition of Atlantic Canada, the most insightful studies are those found in E.R. Forbes, Challenging the Regional Stereotype: Essays on the 20th Century Maritimes (Fredericton: Acadiensis Press, 1989) and David G. Alexander, Atlantic Canada and Confederation: Essays in Canadian Political Economy (Toronto: University of Toronto Press, 1983). David Milne, "Challenging Constitutional Dependency: A Revisionist View of Atlantic Canada," in The Constitutional Future of the Prairie and Atlantic Regions of Canada, ed. James N. McCrorie and Martha L. MacDonald (Regina: Canadian Plains Research Center, 1992), pp. 308-317. Léon Thériault, "Regionalism and the Acadian Community: Problems and Prospects," in The Constitutional Future of the Prairie and Atlantic Regions of Canada, pp. 209217. Thérèse Arseneau, "The Prairies and Atlantic Canada: Constitutional Common Ground," in The Constitutional Future of the Prairie and Atlantic Regions of Canada, pp. 340-341. This was forcefully brought home to me during meetings around the Charlottetown Accord when it was explicitly stated that women's issues were irrelevant to the agenda.
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Conjurer le tragique «L'arrêt dans le tragique, la complaisance au tragique, recèle de subtiles perversions : les consciences sans ressources profondes y cherchent un alibi à bon marché, le nihilisme s'y pare de couleurs esthétiques et introduit en fraude la cruauté, la jouissance du nonsens, l'amer plaisir de souffrir et défaire souffrir, de détruire1 » - Paul Ricœur Je retiens de cette réflexion qu'il est de la responsabilité des intellectuels d'éviter de se complaire dans le tragique, voire même dans la proximité du tragique. Pourtant, je dois reconnaître en même temps que ce que Ricœur appelle aussi la tristesse du tragique, qui provient du « sentiment du caractère inéluctable du processus destructeur », a occupé beaucoup de place, sans doute trop de place, dans mon esprit en 1996. L'impasse de notre système politique et la crise constitutionnelle canado-québécoise se sont dangereusement rapprochés du tragique en 1996, sans que personne ait semblé pouvoir y faire quoi que ce soit. Les intellectuels et les universitaires des deux grandes communautés linguistiques ont eux aussi été frappés d'impuissance. Nous avons également été trop silencieux. J'estime pour ma part que nous n'avons pas épuisé tous les moyens à notre disposition. Dans un grand dessein visant à conjurer le tragique pour nos sociétés, et pour nous-mêmes, il reste encore des espaces pour la parole, et pour l'action. Le colloque de la Société royale du Canada et l'ouvrage qui en résulte sont autant de signaux positifs envoyés à nos dirigeants et à nos concitoyens : sans rechercher une fausse unanimité, des membres de la Société et leurs invités, comme Philip Resnick et moi, ont choisi de dialoguer, de se poser toutes les questions, d'explorer toutes les avenues susceptibles de mener à TRANSACTIONS OF THE ROYAL SOCIETY OF CANADA / SERIES VI / VOLUME VII /1996
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une sortie de crise. Au regard de notre situation privilégiée dans la société, nos compatriotes ne pouvaient s'attendre à moins de notre part. La démarche suivante sera proposée pour dresser en ces pages un bilan provisoire de nos travaux : remarques générales, considérations spécifiques sur les différents textes et exposés, rapprochements avec la situation espagnole tirés de ma propre expérience et, enfin, retour sur la dimension tragique. Le Canada peut-il encore survivre ? Comment et dans quelles conditions ? Ce titre, par trop négatif, reflète assez fidèlement le climat qui prévaut dans notre vie politique depuis le référendum du 30 octobre 1995. La situation est en train de s'aggraver, de pourrir. Le sol glisse sous nos pieds et nous ne le réalisons que trop bien. Au lieu d'accompagner le mouvement en restant sur le même terrain, en cherchant à savoir si le Canada peut « encore survivre », il eût peut-être été préférable d'imaginer d'autres horizons. Si le Canada et le Québec parvenaient à se réconcilier, tout le monde y gagnerait immensément. En redonnant une place honorable aux peuples autochtones dans les institutions et les symboles de notre communauté politique, nos dirigeants joueraient un rôle de premier plan dans le dialogue des Amériques en identifiant un des visages de la justice, à une époque où l'ONU vient de se donner dix ans pour établir les bases d'un nouveau partenariat avec les peuples autochtones de la planète. En trouvant la force de reconnaître clairement la légitimité de l'appartenance nationale québécoise, le Canada donnerait aussi l'exemple à plusieurs pays d'Europe orientale rendus vulnérables par la difficile question de la pluralité des appartenances. En bref, le Canada et le Québec doivent réapprendre à faire de grandes choses ensemble. Nous n'y arriverons pas sans beaucoup de lucidité. Or, cette lucidité fait mal lorsqu'elle passe par l'admission de graves erreurs. Nous ne pouvons pas agir comme si l'esprit fédéral de 1867, tolérant et pragmatique, était encore et toujours le paradigme dominant de nos mœurs politiques. Par l'entremise de la réforme constitutionnelle de 1982, le Canada est entré dans l'ère du libéralisme doctrinaire. Andrew Coyne a donné un bel exemple de cet esprit lorsqu'il a écrit, au surlendemain de la mort de Robert Bourassa, que ce dernier n'avait pas compris l'Idée du Canada. Comme s'il y en avait seulement une. En rapatriant et en métamorphosant notre Loi fondamentale sans le consentement du Québec nos dirigeants ont, pour emprunter une
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formule du grand sociologue allemand Max Weber, « mis leurs doigts dans les rayons de la roue de l'Histoire ». Comme Peter Russell je persiste à voir dans toute cette affaire une forme de tyrannie de la majorité où nos plus hauts tribunaux, subissant d'énormes pressions politiques, n'ont pas connu leur heure la plus glorieuse. Dans toute crise politique, les torts sont règle générale partagés. Il incombe aux dirigeants modérés et éclairés au Québec de reconnaître que la souveraineté n'est pas le seul visage de la normalité. Il appartient aux dirigeants modérés et éclairés, partout au Canada, d'admettre une fois pour toutes le caractère ignominieux de la révision de 1982. Celles et ceux qui le pensent, dans les milieux intellectuels, devraient avoir le courage de le dire publiquement. Le conflit que nous vivons ne fait pas qu'opposer des Canadiens anglophones à des Québécois francophones. Il prend aussi la forme d'une lutte fratricide entre deux branches de l'élite québécoise. D'un côté, les Jacques Parizeau, Camille Laurin et Lucien Bouchard, de l'autre, les Pierre Trudeau, Marc Lalonde et Jean Chrétien. Ce conflit entre indépendantistes orthodoxes et les inconditionnels du nationalisme canadien, entre les péquistes et les libéraux fédéraux, dure depuis plus de trente ans. Quand chaque camp définit la victoire non pas par la simple prépondérance sur l'autre, mais bien par l'élimination politique totale de l'autre, la montée aux extrêmes devient en quelque sorte inévitable. Depuis le référendum d'octobre 1995, le combat rhétorique entre les camps a pris une tournure extrêmement préoccupante. Le débat entourant le morcellement, la partition du Québec dans un scénario de souveraineté, a donné lieu à des glissements inacceptables dans une société qui se targue de civilité politique. Gretta Chambers, la chancelière de McGill, est devenue rien de moins que « Gretta Chamberlain » aux yeux de ceux qui, dans la communauté angloquébécoise, l'accusent de pactiser avec Lucien Bouchard, lui-même fréquemment ramené au rang de suppôt du fascisme. Traiter le ministre fédéral Stéphane Dion de « rat », et le caricaturer systématiquement comme tel dans la presse francophone, n'est guère plus édifiant. Où pourraient bien mener de telles divagations, si elles en venaient à occuper tout l'espace du débat politique ? Encore une fois, celles et ceux qui sont intellectuellement armés pour le savoir, dont c'est le métier de se pencher sur l'histoire des conflits au sein des regroupements d'êtres humains, ont le devoir de le dire. La démonisation de l'adversaire politique, comme forme de la rhétorique de la violence, mène à la violence pure et simple, à la guerre civile dans l'une
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quelconque de ses incarnations. J'insisterai dans un moment sur cette question en rappelant l'exemple de l'Espagne. Mais je voudrais sans plus tarder inviter celles et ceux qui pressentent comme moi le danger d'un glissement irréparable de la brutalité de la rhétorique à la brutalité tout court, à considérer le destin cruel réservé à Walter Rathenau, juif allemand et ministre des Affaires étrangères sous la République de Weimar, dont l'assassinat à Berlin en 1922 fut précédé par un tapage médiatico-politique fielleux, par une enflure verbale démesurée et honteuse. Patrie des savants, la Société royale du Canada devrait être celle de ceux qui ne craignent pas de lancer des avertissements chaque fois que se pointent à l'horizon des menaces à notre héritage de civilité politique. Le colloque du 23 novembre 1996 de la Société représente à mes yeux un tel avertissement et j'en félicite le quatuor d'organisateurs : Jacques Lévesque, Desmond Morton, Patrice Garant et John Meisel. J'enchaîne avec une série de considérations inspirées par les exposés et les textes présentés par les membres de la Société à l'occasion de ce colloque, sans souci d'exhaustivité. Constatant et regrettant l'absence d'un sentiment d'urgence, Jean Laponce se demande comment conjuguer le Québec et le Canada sur le plan de l'organisation politique. Il part d'une nécessité de la dissociation entre le domaine économique et la sphère culturelle, selon le modèle du fédéralisme belge. En laissant de côté la question du « comment » d'une telle réforme, en postulant que l'intendance finira bien par suivre, on peut voir beaucoup de mérite à sa proposition d'une décentralisation symétrique, offrant au Québec et aux autres provinces la pleine juridiction dans les domaines de la langue, de l'éducation et de la culture, sans interdire un rééquilibrage, allant même plus loin que la situation actuelle si c'est ce que les gens désirent, à l'avantage du gouvernement central. La proposition de Laponce aurait le mérite d'accepter formellement et institutionnellement une évidence qui crève les yeux, à savoir le caractère original et unique de la situation du Québec en Amérique, sans imposer aux autres provinces une thérapie qui ne leur conviendrait pas et sans accentuer la fragilité de l'identité canadienne face aux Etats-Unis. On devrait aussi réfléchir à une autre des suggestions de M. Laponce, visant à réformer la politique de la citoyenneté sur la base du modèle suisse. Dans cette optique, il faudrait que les immigrants au Québec répondent aux conditions de la citoyenneté québécoise avant de pouvoir acquérir la citoyenneté canadienne, comme les Suisses doivent posséder la
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citoyenneté d'un canton avant d'avoir accès à celle de l'ensemble fédéral. Les responsables fédéraux au Canada qui se réclament ouvertement de la dualité des allégeances ne devraient pas hésiter à donner au gouvernement du Québec des instruments pour contrebalancer le patriotisme canadien promu par la Charte des droits et libertés et la culture politique de 1982. Une telle réforme jouerait un rôle important auprès des milieux allophones montréalais, lesquels sont les principales cibles, dans la lutte entre les projets canadien et québécois de « nation-building ». Dans son analyse décapante du « Plan B » mis de l'avant par le gouvernement fédéral en 1996 pour contrer le sécessionnisme, Thomas Flanagan jette une lumière crue sur la place de la primauté du droit (« rule of law ») dans le débat actuel. S'il applaudit la nouvelle résolution d'Ottawa dans l'affirmation d'un tel principe, il ne souhaite pas pour autant que cela finisse par menotter le gouvernement central. Ottawa, selon lui, doit se garder la capacité d'agir rapidement et de régler par après les subtilités légales. En clair, pour M. Flanagan, l'intérêt national et la raison d'état passent avant la primauté du droit. Son propos aura pour effet de dénuder le pharisaïsme moral de ceux qui, dans le courant partitionniste au Québec, se sont enveloppés ces derniers temps dans le manteau du légalisme le plus strict. Ottawa ne se contente pas de mener la bataille sur le front du droit. Pendant qu'Allan Rock met en marche la mécanique d'un renvoi à la Cour suprême, et que notre ex-collègue Stéphane Dion vante la beauté de la pluralité des appartenances, Sheila Copps vend des drapeaux. Selon la directrice du Devoir, Lise Bissonnette, Ottawa cherche par tous les moyens à installer la prépondérance inconditionnelle de l'identité canadienne dans les esprits et les cœurs des Québécois. Je considère que Mme Bissonnette a raison d'affirmer que le Québec a montré ses vraies couleurs en ne tolérant pas que Jacques Parizeau puisse demeurer à sa tête après le discours que l'on sait. J'ajoute derechef la nuance suivante : il reste au Québec à compléter sans indulgence le ménage de sa mémoire historique. À titre d'exemple, si des chercheurs vaillants et méticuleux parvenaient à trouver, dans la correspondance ou les archives d'un membre en vue de notre classe politique ou intellectuelle, des documents prouvant l'adhésion de cette personne à une doctrine comme celle de l'antisémitisme, il ne faudrait pas hésiter à faire descendre sa statue de son socle, quelles qu'en fussent les conséquences.
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Charles Taylor renforce le propos de Jean Laponce en notant que le Canada est, dans le monde entier, le seul pays fondé sur l'immigration doté de deux langues de convergence. Aux yeux de M. Taylor, c'est le Québec qui constitue le rempart d'une telle réalité sociologique et, pour cette raison, l'asymétrie dans l'ordre juridico-constitionnel lui paraît tout à fait indiquée dans le contexte canadien. Ailleurs, M. Taylor a déjà plaidé en faveur de la nécessité première d'une reconnaissance de l'asymétrie dans l'ordre des symboles et des fondements de la communauté politique. M. Laponce, pour sa part, s'en contenterait volontiers dans l'ordre des réalités concrètes. Je ne crois pas qu'il y ait une véritable incompatibilité entre les deux approches. Il n'y aura vraisemblablement pas de progrès dans l'une ou l'autre de ces voies tant que la méfiance persistera entre les principaux acteurs. Le rétablissement de la confiance passe par une gradation de concessions réciproques, acceptées par les acteurs, préparant le terrain pour de véritables négociations. Roger Gibbins et moi avons entrepris une démarche reflexive, fondée sur de tels principes, pour le compte de l'Institut de Recherches en Politiques Publiques à Montréal. On en conviendra aisément, ce ne sera pas une mince tâche que d'aménager des espaces où les acteurs se feront des concessions réciproques. Cette tâche sera encore plus ardue que ne le laisse entendre Charles Taylor, esprit pourtant rompu aux subtilités du rapprochement entre les solitudes. Car les milieux fédéralistes francophones du Québec ne recèlent pas que des patriotes canadiens à contrecœur, alliés objectifs des nationalistes souverainistes dans la recherche de nouveaux arrangements politiques pour le Québec. On trouve aussi dans le Québec francophone des gens qui se réclament du fédéralisme, mais qui sont, au fond, des nationalistes canadiens purs et durs, et qui souhaiteraient que non seulement les municipalités se prononçant majoritairement pour le Canada dans un référendum puissent y demeurer mais que, de surcroît, cette prérogative revînt à chaque citoyen optant pour le Canada. Marc Angenot l'a dit sèchement à Thomas Flanagan lors du colloque de la Société et je le cite de mémoire : « La Charte des droits et libertés donne à des individus la garantie inconditionnelle qu'ils pourront rester des citoyens canadiens ». En acceptant de travailler à l'intérieur du cadre constitutionnel de 1982 dans une perspective réformiste, de vrais fédéralistes comme John Meisel et Charles Taylor acceptent de s'associer à un régime qui sécrète un patriotisme - l'exemple de Marc Angenot me semble probant - qui n'a rien à voir avec le fédéralisme.
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Les contributions de Guy Rocher et d'Alan Cairns n'ont rien fait pour nourrir l'optimisme des participants au colloque de la Société. Selon M. Rocher, la structure d'un système social est en crise quand elle admet moins de possibilités de solutions que le système n'en réclame. Or, d'après M. Cairns, nous avons tout fait au Canada depuis quinze ans pour bloquer les avenues de solutions permettant de résoudre nos problèmes : nous avons étouffé la flexibilité du fédéralisme exécutif, en érigeant en principe absolu la démocratie référendaire ; nous avons nourri la méfiance des acteurs les uns envers les autres en renforçant le capital symbolique associé à leurs droits respectifs ; nous avons adopté une formule d'amendement constitutionnel qui gagne en rigidité au fur et à mesure que nos projets de réforme s'effondrent et dans des échecs plus lamentables les uns que les autres. Comment ne pas mesurer l'ampleur de notre faillite collective lorsque de grands savants, et des patriotes vaillants comme Guy Rocher et Charles Taylor, en sont rendus à convenir, au terme de notre discussion, que la partition du Québec signifierait la fin de la vie civilisée à Montréal ? Et si nous nous évertuions à œuvrer dans nos débats publics comme si la terre était plate, à la façon des géographes et explorateurs d'une autre époque ? Cooper Langford n'a pas fait que rappeler que la terre est bel et bien ronde. Il s'est servi de cet exemple pour faire ressortir la nature pluridimensionnelle du réel, en politique comme ailleurs. Son exposé a provoqué un débat où maints intervenants en ont profité pour constater que le monde continuait de tourner, pendant que le Canada restait enfoncé dans le bourbier de sa crise constitutionnelle. Je voudrais reprendre une autre remarque de Cooper Langford : l'avenir s'ouvre à nous comme un entonnoir, chaque décision, chaque pas en avant, rétrécit la marge du possible. Je me sers de cette image pour illustrer ce que M. Langford entendait par le phénomène de la « path-dependency ». Si M. Langford a raison sur cette question méthodologique, alors la voie menant à la résolution de notre crise constitutionnelle passe peut-être par l'audace. La révision de 1982 a complété, de façon malheureuse selon plusieurs, l'édifice constitutionnel de 1867. Si nous sommes les prisonniers d'un régime vicié, nous le resterons tant que nous en accepterons les prémisses. L'entonnoir nous condamne à avancer dans une direction spécifique, tant que nous choisissons de demeurer dans le même entonnoir.
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Les propos de Margaret Conrad ont fait ressortir cette belle vigilance de celles et ceux qui, dans nos sociétés, ont été échaudés par les difficiles combats menés au nom de l'égalité et de la justice distributive. Comment oser parler de constitution à un confrère chercheur, père de famille et sans emploi, qui mène un combat de tous les instants pour retrouver sa dignité, à ses propres yeux et dans le regard de ses enfants ? Pour ma part, j'avoue sans ambages que cette question m'obsède. Tout le sérieux, la profondeur et l'esprit de tolérance qui ont entouré ce colloque de la Société m'encouragent à redoubler d'efforts pour y trouver une réponse responsable. Car nous sommes condamnés à parler encore de constitution. L'exemple de l'Espagne va maintenant alimenter mon propos. « Muerte a los separatistas ». « Mort aux séparatistes ». Voir des graffitis semblables, sur les murs des maisons à Madrid, c'est comprendre que les douloureuses plaies de la guerre civile sont encore bien imparfaitement cicatrisées en Espagne. Ce pays vit une magnifique époque de renouveau démocratique depuis la fin des années soixante-dix. Il a commencé à faire la paix avec ses particularismes et il a mis l'épaule à la roue de la construction européenne. À Madrid et à Barcelone, en Espagne et en Catalogne, il fait bon de côtoyer des gens, des peuples, qui ont retrouvé toute leur dignité, à leurs propres yeux et à la face du monde. Mais l'Espagne n'est pas encore un pays pacifié. Les terroristes séparatistes, et les appareils répressifs d'État y font encore des victimes. Beaucoup trop de victimes. En mai 1996 à l'Institut de Philosophie à Madrid, lors d'une rencontre entre des intellectuels espagnols, canadiens et québécois, nos interlocuteurs furent étonnés, sidérés d'apprendre que le mouvement terroriste québécois s'était en quelque sorte politiquement suicidé en attentant à la vie de Pierre Laporte en octobre 1970. Depuis lors, à l'exception de l'infortuné caporal Lemay de la Sûreté du Québec, mort dans la pinède d'Oka en juillet 1990, la violence politique n'a pas fait de victime chez nous. Nos collègues espagnols y voient un grand signe de maturité et ils suivent avec beaucoup d'intérêt les péripéties de notre aventure politique. J'estime, pour ma part, que l'on a tort de surestimer notre maturité. Je ne fournirai qu'un exemple, tiré de la littérature associée au mouvement partitionniste, qui illustre bien que nous sommes entrés dans une spirale de pourrissement. Ces propos sont ceux du professeur Stephen Scott de la Faculté de Droit de l'Université McGill :
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« II faut forcer le gouvernement du Canada à adopter une politique de division du Québec qui rendrait l'indépendance effectivement impossible. La désintégration du Québec est la seule chose dont les nationalistes ont peur. Elle représente pour eux ce que les rats représentaient pour Winston Smith dans le roman 1984 : le comble de la terreur . » L'écrivain britannique George Orwell, à qui le professeur Scott emprunte son édifiante image, a vécu de très près le drame espagnol des années 30. Dans son Hommage à la Catalogne, M. Orwell rappelle que le recours à la violence, que la chute dans la guerre civile, furent précédés par la montée aux extrêmes de la rhétorique de la violence. Les adversaires se sont bombardés avec toutes les armes de la violence verbale, ils se sont réciproquement fait miroiter « le comble de la terreur » avant de glisser, lentement mais sûrement, dans les affres de la guerre civile. Le comble de la terreur, dans l'Espagne de cette époque, ce fut le bombardement de Guernica le 27 avril 1937 par l'aviation allemande œuvrant pour le compte de M. Franco. Cette abominable entreprise avait été patiemment préparée dans les esprits et les cœurs des belligérants par des années de propagande, de désinformation et de satanisation de l'adversaire. Il est temps, dans nos communautés politiques respectives, que les humanistes libéraux se lèvent pour faire entendre un signal d'alarme, chaque fois que des gens évoqueront la possibilité de recourir au « comble de la terreur ». Dans cette entreprise, les membres de la Société royale du Canada me semblent remarquablement bien placés pour donner l'exemple. Celles et ceux qui hésitent encore à prendre la parole pour dénoncer l'érosion de la civilité dans notre espace public pourraient prendre pour modèle le grand humaniste espagnol, d'origine basque, Miguel de Unamuno, qui vécut de 1864 à 1936. Si M. Unamuno échoua à empêcher la catastrophe dans son pays, ce n'est pas faute d'avoir investi toutes ses ressources intellectuelles au service du dialogue et de la modération. L'ex-recteur de l'Université de Salamanque mourut avant que la politique espagnole ne s'abîme dans « le comble de la terreur ». Le destin lui épargna d'être témoin du drame de Guernica.
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La rhétorique belliqueuse qui empoisonne l'espace public au Canada et au Québec en 1997 est extrêmement dangereuse. Reconnaissons-le et agissons en conséquence dans nos milieux respectifs. NOTES 1. 2.
Paul Ricœur, « Réponses », dans Christian Bouchindhomme et Rainer Rochlitz, Temps et Récit de Paul Ricœur en débat, Paris, Éditions du Cerf, 1990, p. 202. Le Devoir, 8 février 1997, p. A-10.
PHILIP RESNICK
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Some of us who attended the symposium organized by the Royal Society of Canada around the theme "Can Canada Survive?" could not help feeling like pilgrims. Over the past decade we had gone from conference to conference, parliamentary committee to parliamentary committee, Learned Society meeting to Learned Society meeting, with the sinking feeling that we were characters in Sartre's No Exit. It seemed that we were fated to live out the Canadian constitutional debate until the end of our days, even into the afterlife, if such a state existed. Remorselessly, we would carry on with our discussions about the comparative merits of non-constitutional reform, decentralization, asymmetrical federalism, confederal arrangements, and two or more sovereign nation states in the northern half of North America - with or without a partnership between them. Nothing would ever be resolved definitely, as the debate would grind on and on. On the other hand, when I think of what has transpired in ex-Yugoslavia since 1991; or in the Caucasus region of the ex-Soviet Union; or in Rwanda and Burundi in recent years, I acknowledge that there are worse fates that could befall us. After all - and this is a virtue of the Canadian situation English-speaking Canadians and Québécois do engage in dialogue with one another; at academic symposia such as the one that the Royal Society of Canada organized; through columns in each other's newspapers; at numerous gatherings and through more informal contacts across the country. At the personal level, we have fortunately been spared the bitter animosities, nay blood hatreds that characterize too many of the scenes of linguistic and ethnic strife around the world. Anglophones and francophones do not hate each other; and however frayed our visions of national identity may have become, we have a history of peaceful co-existence that has kept TRANSACTIONS OF THE ROYAL SOCIETY OF CANADA / SERIES VI / VOLUME VII /1996
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our crisis as a federation within bounds. There is a basic civility to our interactions and a shared commitment - by a large majority on both sides - to values such as democratic procedures, pluralism, and tolerance. Is it enough to conclude, therefore, as Stéphane Dion, Canada's Minister of Intergovernmental Affairs, has done that Canada is a country that works in practice but not in theory? This sounds like a clever enough formula to describe our situation. For one need but reflect on the contradictory approaches and analyses contained in this book: Lise Bissonnette's rejection of identity nationalism and discussion of the tense climate that has crept into the national debate in post-referendum Quebec; Thomas Flanagan's decentralizing proposals for provinces, coupled with a rejection of the federal government's supermajority and partition talk; Charles Taylor's intellectually sophisticated approach based upon the recognition of deep diversity; Guy Rocher's appeal to intellectuals to take the sovereignty-partnership proposal emanating from Quebec seriously, since our divisions can no longer be reconciled within Canada; Alan C. Cairns's rueful observation that constitutional reform is a god that has failed us; Jean Laponce's plea for Belgian and Swiss-type solutions to questions of language and culture and to a frank recognition by Canadians that ours is a multinational-type federation; Cooper Langford's coordinates and map metaphor for our constitutional dilemma; Margaret Conrad's regionalist / feminist perspective on our national debate. In truth, it would be no easier to find agreement among the varied contributors to this volume than would be the case with the politicians and officials who govern us. "Muddling through" has been the Canadian approach in matters constitutional for a very long time. It is something that we inherited from the British, and by and large, with occasional flashpoints along the way, it seems to have served us well. At least until recently, when the new nationalism triggered by Quebec's Quiet Revolution suddenly changed the picture; and a long line of constitutional exercises, from Victoria to the patriation of the Constitution and the Charter of 1982 to Meech and Charlottetown raised the stakes. Whether we like it or not, there is a transparence to constitutional politics that was not there before. The genie has been let out of the bottle: there are attentive publics on all sides and constitutional hawks who will not allow any simple compromise to slip through unopposed. "Distinct society" is one
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litmus test of the difficulty. The federal government and Quebec Liberal Party may be strongly committed to its entrenchment in the constitution. Majorities in English-speaking Canada - 52 percent overall, 59 percent in Western Canada according to an Environics poll in The Globe and Mail of 16 November 1996 - are opposed; while a majority of francophones in Quebec see it as yesterday's minimum, but not today's. Similar divisions between (and within) English-speaking Canada and Quebec exist where the question of recourse to the Supreme Court to adjudicate the legality of Quebec's secession is concerned; regarding the question of Quebec's partition; or the pursuit of a Plan B approach (plans for the terms of a possible break-up pursuant to a third Quebec referendum) as opposed to a Plan A approach (attempts to work out a different federal arrangement obviating the need for a third Quebec referendum) to Quebec's demands. The crises we have been living through - the 1980 Quebec referendum, patriation, the failures of Meech and Charlottetown, the 1995 Quebec referendum - constitute the skein of a lived history that cannot be wished away. There are contradictory versions of what occurred, e.g., surrounding the 1981-82 patriation of the constitution and its accompanying Charter of Rights and Freedoms, just as there are contradictory versions of Canadian history taught in English-speaking Canada and in Quebec. It makes the business of mutual dialogue so much the more difficult to carry off. At some point, the lack of theory, or more correctly of shared theory, that Stéphane Dion alluded to, will catch up with practice. The clash which Jean Laponce notes in his chapter between those formed in the civil law tradition of Quebec and the more empirically-minded adherents of the common law approach of English Canada - a culture conflict, if ever there was one - will become insurmountable. One obvious turning-point would be a majority of 50 percent +1 voting in favour of Quebec sovereignty in some future Quebec referendum; another might be some new twist or turn in the endless language debate in Quebec, especially Montréal, always threatening to boil over; a third might be a growing feistiness in Western Canada, unwilling to allow the old central Canadian stranglehold over federal power to work as before. Any one of
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these could bring us back to the constitutional drawing board in search of arrangements that just might work. I have no desire to use these short concluding comments to explore constitutional options. Rather, I want to highlight key themes that need to be front and centre in our thinking about issues of national identity and federal or confédéral-type coexistence in years to come. Most important of all is the problematic relationship between nation and state. For an anglophone, the term "nation" is equated with nation states like Canada, the United States and Great Britain, or with membership in the United Nations which, despite its name, is really a club of states. Most English-speaking Canadians think of Canada as constituting a nation, all of whose inhabitants are citizens of the country we call Canada. Nationality and citizenship are one and the same thing. Historical events like Confederation, the National Policy, two world wars and the Great Depression have helped forge a national consciousness; so too, federally funded cultural institutions and social programmes. The very idea that a linguistic and cultural community within Canada might claim distinctive national status is, therefore, seen as a provocation. If "nation" and "state" are one and the same thing, any claim to national recognition on the part of Québécois can mean only one thing - the creation of a sovereign Quebec state. The Parti Québécois's constitutional option has helped reinforce the deep suspicion on the part of English-speaking Canadians of Quebec nationalism. For it seems to confirm the notion that "nation" means one and the same thing on both sides of the Ottawa River. For a francophone, however, the word "nation" has a broader sociological meaning. It speaks to a common sense of history, to cultural, linguistic, even religious features, that are not necessarily associated with the term "state". National consciousness can precede state-building; it can persist through history, as was the case for French Canadians without necessarily resulting in the creation of an independent nation state. There are far more nations or nationalities on this earth - 8,000 to 10,000 according to various experts - than there are states. Many in Canada hear "state" when others may be saying "nation"; common citizenship may mean a single and exclusive concept of nationality, but it
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can also open the door to a more pluralistic concept of nationalities within a federal structure, approaching the situation in Belgium and Spain. This needs to be the focus of our debate, if we are serious in trying to get to the bottom of the Canada-Quebec predicament. A parallel issue involves the quite different nature of national sentiment on the part of a majority and a minority linguistic and cultural grouping. Whatever the differences that exist between federalists and sovereignists in Quebec, there is a broad consensus that the Québécois do, in some fundamental sense, constitute a people. Claude Ryan, former leader of the Quebec Liberal Party, believes this no less firmly than does Lucien Bouchard. The twenty-three million Canadians who live outside Quebec have a more inchoate sense of their own national identity. At one level, things are very simple - they are Canadians. But faced with a majority of francophone Québécois who wish to be defined as a people/nation, and with the demands by aboriginal Canadians for recognition as first nations, there is a serious problem. The simple word Canadian does not seem to be able to encompass everyone. English-speaking Canada is a heterogeneous collection of regions; it is made up of linguistic and cultural communities of varying origins; it lacks a sense of itself as a national community other than through the civic nationalism which Canadian citizenship provides. There is not even an agreed-upon term to describe this majority grouping within Canada; English Canada; English-speaking Canada; Canada outside Quebec; the Rest of Canada have all been advanced. But each has its problems, and I have been driven in some of my writings to use the phrase "the nation that dares not speak its name." There is a particular dilemma that the majority grouping within a longestablished state such as Canada faces when the issue of multiple national identities comes to be posed. The "Quebec question" (or "Aboriginal question", for that matter) in a number of important ways has become the "English-Canadian question". Is there a way of disaggregating the "EnglishCanadian" component of national identity from the "Canadian" tout court, but in a manner that does not lead to the complete meltdown of Englishspeaking Canada? Is there a sufficient sense of identity as English-speaking
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Canadians that can allow us to build on a long established sense of civil nationalism and come to terms with other national identities within the Canadian state? This too lies at the heart of the debate that needs to take place. Thirdly, and this in part is my reaction to Margaret Conrad's chapter, is there an overarching sense of shared community - both as between Englishspeaking Canada and Quebec and within each - to allow us to see our way clear beyond the current crisis? It is all very good to acknowledge the multicultural or regional components that make up Canadian identity; or to emphasize such forms of identity politics as gender, sexual orientation, religion, and so on. But if we are not careful, we will end up with all the problems posed by the aborted Canada clause of the Charlottetown agreement. If all that matters is our differences - our particular identities as men or women, Caucasians or people of colour, heterosexual or homosexual, believers or non-believers, Canadian-born or immigrant around what shared values can we possibly constitute our civic identities? There is a real risk of fragmentation in the North American, and therefore Canadian, world in which we live, the eclipse of civic consciousness that Jean Bethke Elshtain has intelligibly discussed in her Democracy on Trial (Anansi, 1993). It does not make the task of rethinking our federal arrangements any easier; but we are going to have to find a way of going beyond the politics of difference if we are to have any hope of keeping Canada, and even English-speaking Canada, together. Let me now turn to three paradoxes that we face in the years ahead. The first paradox is that, without an acute sense of crisis, there will be little willingness in English-speaking Canada to pursue the task of rethinking Canada seriously. I need but compare the sense of angst that most ordinary Canadians experienced in the last weeks of the Quebec referendum (when a Yes victory suddenly seemed possible) and even in its immediate aftermath with the fatigue and impatience with constitutional matters that has come over public opinion since. Many may have been lulled by the federal government's attempt to suggest that everything will work out in the end. Or by the feeling that a Quebec government, faced with difficult and divisive policy decisions and a less than rosy investment picture, will have no choice but to put its sovereignty proposals on the back burner.
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Conversely, there may be growing sentiment in Quebec that there really is no intermediate way of getting English-speaking Canadians and their governments to accept the kind of restructuring of the federation that a majority of Québécois would seem to want. Only a Yes vote in a third Quebec referendum would do the trick. Yet, in and of itself, such a result would serve as a tripwire, making any alternative other than the break-up of Canada impossible to carry out. For I do not share Guy Rocher's - or the Parti Québécois's or Bloc Québécois's optimism - that a partnership arrangement would be in the cards. A second paradox is contained in something that Thomas Flanagan argues in his chapter. "Most of the francophones of Quebec - the large majority of the province - think of themselves as a people separate from the rest of Canadians, and a democracy cannot keep separate peoples together by force without ceasing to be a democracy. If a majority of Quebec's voters, responding to a clear question, decide they no longer want to be part of Canada, we should proceed to negotiate the separation." I think Professor Flanagan accurately captures English-speaking Canadian sentiment in this regard. Most of us would not be interested in an 1861 American-type dénouement to a Quebec vote for sovereignty, in other words to fighting a civil war to keep Quebec in. Nor would we be prepared to push for partition of Quebec (as opposed to having a legitimate concern both for the rights of aboriginal peoples and of linguistic minorities). In short, English Canadians would seem to be prepared to recognize Québécois as a people, were they to choose by a democratic majority to go their sovereign way. But English Canadians seem unwilling to recognize Québécois as a people as long as Quebec continues to be part of Canada. There is, of course, an explanation for this rather contradictory reaction. A large majority of English-speaking Canadians think of Canada as a territorial-type federation within which all the units are fundamentally equal. This does not mean that, in practice, Prince Edward Island carries the same clout as Ontario or Alberta, any more than Rhode Island outweighs California in the American scheme of things. But there is no special recognition or status for any of the provinces or states making up the federation. Better, therefore, seems to be the dominant English-Canadian sentiment, if Quebec departs entirely than to insist on some such recognition from within.
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That this will pose enormous problems, when it comes to negotiating the secession of Quebec, becomes immaterial. Division of the debt, minority rights, the territorial separation of Atlantic Canada from the rest of Canada, the governance of English-speaking Canada itself are but some of the issues that we would have to face, even if any partnership with a sovereign Quebec were ruled out in advance. Reason, in the end, may matter less than passion. And a refusal by English-speaking Canadians to envisage anything but a territorial federation will make any kind of multinational solution to our dilemma as a federation an impossibility. Finally, there is the paradox that after the failures of constitutional elitism and intergovernmental negotiation during recent decades, we may need a radically different way of addressing our problems. Any viable approach would need to encompass the democratic legitimacy that Alan Cairns referred to in his chapter, or what I am tempted to call the more Rousseauean notion of popular sovereignty that has entered Canadian political life ever since the Quebec referendum of 1980. Other societies that have found themselves in moments of transition or crisis have had resort to special devices in order to frame a new constitution. The most common of these is some form of constitutional or constituent assembly, usually elected by the population as a whole, with a specific mandate to come up with a new constitution. One saw such assemblies in post-World War II France and Italy; in post-independence India; in Brazil during the transition from military dictatorship to democracy in the 1980s; and most recently in post-apartheid South Africa. But there has to be a sense of crisis in the air and a willingness on the part of the citizens of a state to enter into new arrangements. Some in Englishspeaking Canada - the sort of ordinary Canadians who made presentations to the Spicer Commission of 1990-91 or who may have been politicized in the aftermath of the October 1995 referendum - may be prepared for such a venture. Key members of our political class, both federal and provincial, might also see a constituent assembly as a means of getting the constitutional albatross off their backs. But the initiative and will required to make something like this happen, and with Quebec still part of the equation, is simply not present at the moment.
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Ironically, English-speaking Canadians might well accept its utility, nay its necessity, in the aftermath of a Yes vote for sovereignty in a future Quebec referendum. The sense of crisis would be sufficiently great at that point to make both the survival and governability of English-speaking Canada absolutely central. A democratically-elected constituent assembly would be the most appropriate way to address such questions. In short, a democratic device that just might pave the way for a restructuring of Canada as a federation may never come to be. But it may be the device of choice in a post-breakdown scenario. A number of the contributors to this collection, most notably Thomas Flanagan and to some degree Cooper Langford, seem to be optimistic that we will somehow survive as a federation. Others, such as Charles Taylor, Guy Rocher, and Alan C. Cairns are more pessimistic. I wish I could identify with the first group; alas, I feel far more affinity with the second. Perhaps it is not No Exit that we have been living through over the past twenty-five or thirty years, but a slow, irrevocable move towards break-up. As someone who, like Guy Laforest, views André Laurendeau as one of my intellectual mentors, I recall a phrase from one of Laurendeau's articles in the early 1960s: "Quebec is not an island in mid-Atlantic. Its separation from Canada would spell the death of Canada." We have our task cut out for us - Royal Society of Canada members or not; constitution watchers or not; anglophones or francophones as the case may be. We need to maintain common lines of communication across the linguistic and cultural divide. But most of all, we need to impart a sense of urgency to the debate. For ultimately what is at stake is not the life and death of individuals; not even the life and death of nations or nationalities; but the life and death of a country.
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Notes on Contributors Notices biographiques des collaborateurs Lise Bissonnette, msrc, est la première femme au Canada à accéder à la direction d'un grand quotidien d'information - Le Devoir. Elle a été amenée à siéger au Conseil du Théâtre du Nouveau Monde, à celui du Musée des Beaux-Arts de Montréal et elle était directrice de programmes à la Fondation CRB de Montréal. Mme Bissonnette a publié Marie suivait l'été en 1992, et Choses crues, en 1995. Lise Bissonnette, msrc, was the first Canadian woman to be appointed editor of a major newspaper - Le Devoir. She has also been called upon to sit on the boards of the Théâtre du Nouveau Monde and of the Musée de Montréal, and has acted as programme director for the CRB Foundation in Montreal. Ms. Bissonnette is the author of Marie suivait l'été in 1992 and Choses crues in 1995. Alan C. Cairns, FRSC, is a professor at the College of Law, University of Saskatchewan. The recipient of numerous awards, including the Molson Prize of the Canada Council, he is the author of Disruptions: Constitutional Struggles from the Charter to Meech Lake (1991) and Charter versus Federalism: The Dilemmas of Constitutional Reform (1992). Alan C. Cairns, FRSC, est professeur à la Faculté de droit de University of Saskatchewan. Lauréat de nombreuses distinctions dont le Prix Molson du Conseil des arts du Canada, il est l'auteur de Disruptions: Constitutional Struggles from the Charter to Meech Lake (1991) et de Charter versus Federalism: The Dilemmas of Constitutional Reform (1992).
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Margaret Conrad, FRSC, is the Nancy Rothwell Jackman Chair of Women's Studies at Mount Saint Vincent University. She was appointed chair of the board of the Canadian Historical Review in 1995, and is a member of the advisory boards of Acadiensis, Histoire sociale, and Newfoundland Studies. She is the author of numerous works in the field of Canadian history. Margaret Conrad, FRSC, occupe la chaire d'études féminines Nancy Rothwell Jackman à Mount Saint Vincent University. Elle a été nommée en 1995 présidente de Canadian Historical Review, et elle est membre des conseils consultatifs d'Acadiensis, d'Histoire sociale et de Newfoundland Studies. Elle a signé de nombreux ouvrages traitant de l'histoire du Canada. Thomas Flanagan, FRSC, is a professor of political science at the University of Calgary. A winner of the Champlain Prize, his published works include the textbook Introduction to Government and Politics, and Waiting for the Wave: The Reform Party and Preston Manning. Thomas Flanagan, FRSC, est professeur de sciences politiques à University of Calgary. Lauréat du Prix Champlain, il a notamment publié le manuel Government and Politics, ainsi que Waiting for the Wave: The Reform Party and Preston Manning. Guy Laforest est professeur associé au Département de sciences politiques de l'Université Laval. Il a publié notamment Trudeau and the End of a Canadian Dream, De la prudence, et Reconciling the Solitudes. Guy Laforest is an associate professor in the Department of Political Science at Université Laval. His published works include Trudeau and the End of a Canadian Dream, De la prudence, and Reconciling the Solitudes. Cooper H. Langford, FRSC, is Vice-Président (Research) and Professor of Chemistry at the University of Calgary. In addition to his many works in the field of chemistry, Dr. Langford has acted as chair of numerous academic organizations and is presently a director of the Alberta Research Council. Cooper H. Langford, FRSC, est vice-président à la recherche et professeur de chimie à University of Calgary. Outre ses nombreux travaux dans le domaine de la chimie, il a présidé plusieurs organisations universitaires, et il est actuellement un directeur du Conseil de recherches de l'Alberta.
Rockier : Le Canada pourrait survivre en associaiton avec le Québec
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Jean Laponce, FRSC, is a professor of political science at the University of British Columbia, the University of Ottawa, and at Aichi Shukutoku University in Japan. He has been president of the Canadian Political Science Association (197273), the International Political Science Association (1973-76), and the Academy of Humanities and Social Sciences of the Royal Society of Canada (1988-91). Jean Laponce, FRSC, est professeur de sciences politiques à University of British Columbia, à l'Université d'Ottawa et à l'Université Aichi Shukutoku au Japon. Il a été le président de l'Association canadienne de science politique (1972-1973), de l'Association internationale des sciences politiques (1973-1976) et de l'Academy of Humanities and Social Sciences de la Société royale du Canada (1988-1991). Jacques Lévesque, msrc, est professeur de sciences politiques à l'Université de Montréal. Spécialiste de la politique "soviétique", il est l'auteur de 1979-1989: l'URSS en Afghanistan (1990) et de 1989: La fin d'un empire (1995). Jacques Lévesque, msrc, is professor of political science at the Université de Montréal. A specialist in "Soviet" politics, he is the author of 1979-89: L'URSS en Afghanistan (1990) and 1989: La fin d'un empire (1995). Philip Resnick is a professor in the Department of Political Science at the University of British Columbia. He is a frequent media commentator and columnist for Le Devoir (Montréal). His publications include Reconfigurations: Canadian Citizenship and Constitutional Change (1995) and The Masks of Proteus: Canadian Reflections on the State, which won the Harold Innis Book Award in 1990. Philip Resnick est professeur au Département de sciences politiques de University of British Columbia. Il écrit souvent pour les journaux et signe une chronique dans Le Devoir (Montréal). Il a publié notamment Reconfigurations: Canadian Citizenship and Constitutional Change (1995) et The Masks of Proteus: Canadian Reflections on the State qui lui a valu le prix littéraire Harold Innis en 1990. Guy Rocher, CC, C.R., msrc, est professeur à la Département de sociologie et à la Faculté de droit de l'Université de Montréal. Il a été sous-ministre du développement social au gouvernement du Québec (1981-1983) et président du Conseil administratif de Radio-Québec (1979-1981). Il a publié de nombreux livres, rapports et articles, dont le dernier en date Entre droit et technique: enjeux normatifs et sociaux (1994).
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Guy Rocher, CC, CQ, msrc, is a professor in the Department of Sociology and the Faculty of Law at the Université de Montréal. He was deputy minister of Social Development for the Quebec Government (1981-83) and president of the Administrative Council for Radio-Quebec (1979-81). He is the author of numerous books, reports, and articles, the most recent being Entre droit et technique: enjeux normatifs et sociaux (1994). Charles Taylor, CC, FRSC, is a professor of political science and philosophy at McGill University. President of the Quebec NDP, he is also the author of numerous books and articles on philosophy and political theory. Charles Taylor, CC, FRSC, est professeur de sciences politiques et de philosophie à l'Université McGill. Président du NPD pour le Québec, il est également l'auteur de nombreux ouvrages et articles traitant de philosophie et de théorie politique.