Blandin de Cornouaille: Introduction, édition diplomatique, glossaire [Reprint 2020 ed.] 9783112317983, 9783112306819


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French Pages 366 [368] Year 1974

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Table of contents :
Avant-propos
Abréviations
Introduction
Blandin de Cornouaille
Glossaire
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Blandin de Cornouaille: Introduction, édition diplomatique, glossaire [Reprint 2020 ed.]
 9783112317983, 9783112306819

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PUBLICATIONS DE L'INSTITUT D'ÉTUDES FRANÇAISES ET OCCITANES DE L'UNIVERSITÉ D'UTRECHT SOUS LA DIRECTION DE W . ZWANENBURG ET J J . M . PLESSEN

IV

BLANDIN DE CORNOUAILLE ÉDITION

INTRODUCTION, DIPLOMATIQUE,

par

C. H. M. VAN DER HORST

1974

MOUTON THE HAGUE • PARIS

GLOSSAIRE

© Copyright 1974 in The Netherlands. Mouton & Co. N.V., Publisher, The Hague. No part of this book may be translated or reproduced in any form, by print, photoprint, microfilm, or any other means, without written permission from the publishers.

PROEFSCHRIFT UTRECHT 1974

Printed in Belgium by N.I.C.I., Ghent

ma femme et à mes enfants mes parents

AVANT-PROPOS

Le point de départ de notre étude a été un examen linguistique du roman de Blandin de Cornouaille: en nous basant sur le glossaire complet du roman nous nous sommes efforcé en premier lieu de localiser la langue de son auteur. Cet examen nous a révélé certaines inconséquences dans le texte de Blandin de Cornouaille tel qu'il a été publié pour la première fois par Paul Meyer dans R II (1873), 170-202. Puis nous avons recouru au manuscrit unique qui se trouve à là Bibliothèque nationale et universitaire de Turin. En consultant le manuscrit nous avons constaté beaucoup d'imperfections dans le texte que présentait Paul Meyer, qui d'ailleurs n'avait jamais eu l'original sous les yeux, parce qu'il publiait une copie que lui avait procurée François Guessard.1 Comme notre examen linguistique s'occupait de l'interprétation des graphies du roman, il était indispensable de connaître celles-ci aussi exactement que possible. A cet effet nous avons établi un nouveau texte qui nous a permis de réviser le glossaire complet et de reprendre finalement l'examen linguistique par lequel nous avions commencé. Dans cette thèse nous présentons l'ensemble de nos recherches. Dans l'introduction on trouvera l'examen linguistique, que nous avons fait suivre d'un examen littéraire qui prétend seulement délimiter certaines sources du roman. Ensuite nous publions le nouveau texte du roman de Blandin de Cornouaille. La partie la plus ample de notre thèse est constituée par le glossaire complet qui veut faire connaître en détail la langue et les graphies de ce texte, dont la provenance occitane a été contestée. Si nous avons terminé cette thèse, nous le devons en grande partie à la façon dont notre cher Maître, M. H. E. Keller, actuellement professeur 1

Voir op. cit., p. 170: «En 1825, l'abbé Constance Gazzera, l'un des conservateurs de la Bibliothèque de Turin, fit faire pour Raynouard une copie de ce roman. ... En 1853 ou 1854, M. Guessard fit recopier cette copie par M. L. Gautier, qu'il avait alors pour secrétaire: il emporta en Italie cette nouvelle transcription, la collationna sur l'original (octobre 1854), et la mit, ou peu s'en faut, en l'état d'être imprimée. Tout récemment, il a bien voulu me la donner, en m'autorisant à la publier.»

8

AVANT-PROPOS

à l'Ohio State University, nous a guidé dans nos études avec sa vaste érudition et son enthousiasme inlassable. Nous ne saurions exprimer suffisamment notre reconnaissance pour les innombrables conseils qu'il nous a donnés depuis que nous avons commencé notre étude de Blondin de Cornouaille sous sa direction à l'Université d'Utrecht. Nous tenons aussi à remercier M. J. P. Th. Deroy, maître de conférences à l'Université d'Utrecht, qui s'est occupé avec le professeur Keller de notre thèse: nous lui sommes reconnaissant de ses remarques judicieuses. Nous exprimons notre gratitude envers M m e M. I. Gerhardt, professeur à l'Université d'Utrecht, sous la direction de qui nous avons étudié certains aspects littéraires du roman de Blondin de Cornouaille. Nous remercions également M. A. Gruijs, maître de conférences à l'Université de Nimègue, qui nous a aidé à préparer la publication du texte et qui nous a guidé dans le domaine de la paléographie. Nous sommes reconnaissant envers le professeur Stelio Bassi et ses collaborateurs de la Bibliothèque nationale et universitaire de Turin pour les informations qu'ils nous ont procurées concernant le manuscrit. Nous remercions encore M l l e M. HofFert du FEW-Centrum à Bâle, qui a bien voulu nous donner quelques renseignements provenant de ce riche centre de documentation lexicologique concernant le domaine gallo-roman. Nous avons aussi une grande dette envers M. A. Y. Richard, conseiller principal d'éducation au Lycée Jacques Decour à Paris, qui a bien voulu relire et corriger le texte français de cette thèse. Je remercie ma femme de sa patiente collaboration lors de toutes sortes de travaux de contrôle et de vérification. Nous adressons nos remerciements à la Rédaction des Publications de l'Institut d'études françaises et occitanes de l'Université d'Utrecht, notamment au professeur W. Zwanenburg, pour avoir accepté cette étude dans la série des Publications. Nous tenons à remercier enfin MM. les Curateurs de l'Université d'Utrecht qui ont bien voulu subventionner cette thèse. Cette publication a été subventionnée aussi par l'Organisation néerlandaise pour le développement de la recherche scientifique (Z. W. O.).

ABRÉVIATIONS

Pour simplifier les renvois nous avons emprunté un assez grand nombre d'abréviations au FEW: Beiheft et Supplement, ou à Ronjat; nous mentionnons aussi les abréviations employées dans les citations de Ronjat. Agnès = Le Jeu de sainte Agnès, p. p. Alfred Jeanroy (Paris, 1931) AIS = Sprach- und Sachatlas Italiens und der Südschweiz, von K. Jaberg und J. Jud (Zofingen, 1928ss.) ALF = Atlas linguistique de la France, p. p. J. Gilliéron et E. Edmont (Paris, 1903ss.) alp. = alpin Anglade = J. Anglade, Grammaire de l'ancien provençal (Paris, 1921) Appel = C. Appel, Provenzalische Lautlehre (Leipzig, 1918) AppelChr = C. Appel, Provenzalische Chrestomathie, 6 e éd. (Leipzig, 1930) aq. = aquitain, parlers d'entre Garonne et Pyrénées auv. = auvergnat, parlers de l'Auvergne sauf Aurillac et environs bare. = parler de Barcelonnette BdeC — Blondin de Cornouaille cat. = catalan dauf., dauph. = dauphinois E. = est FEW — W. von Wartburg, Französisches Etymologisches Wörterbuch (Bonn, 1928ss.) fore. = forcalquiérain gap. = gapençais gév. = parlers du Gévaudan 1. = languedocien, parlers du Languedoc, et aussi en général de la Guyenne lim. = limousin locc. = parlers de l'ouest du Languedoc Ior. = parlers de l'est du Languedoc luch. = parler de Bagnères-de-Luchon Lud. S. Jac. = Ludus Sancii Jacobi, p. p. Camille Arnaud (Marseille, 1858) méd. = méditerranéen, parlers de Marseille, Aix, Toulouse, Cannes, etc. ment. = mentonais MeyerDoc = Documents linguistiques du Midi de la France, recueillis et publiés par P. Meyer (Paris, 1909) Monaci = E. Monaci, Crestomazia italiana dei primi secoli con prospetto grammaticale e glossario, 2 e éd. (Roma, 1955): le signe § renvoie aux paragraphes du Prospetto grammaticale (pp. 596-664). mtp. = montpelliérain, parler de Montpellier et environs N. = nord niç. = niçard

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ABRÉVIATIONS

nim. = nîmois occ. = occitan prag. = parler de Pragelas prov. = provençal, parlers de la Provence queir. = parler du Queyras R = Romania RLR = Revue des Langues romanes rod. = rhodanien Ronjat = J. Ronjat, Grammaire istorique des parlers provençaux modernes (Montpellier, 1930ss.) rrgt. = rouergat, parlers du Rouergue, sauf le Ségala S. = sud Schultz-Gora = O. Schultz-Gora, Altprovenzalisches Elementarbuch, 5 e éd. (Heidelberg, 1936) vaud. = vaudois, parlers des vallées vaudoises vel. = parler du Velay viv. = parlers du Vivarais N. Z = Zeitschrift für romanische Philologie

INTRODUCTION

I. ÉTUDE LINGUISTIQUE SUR LE TEXTE DU ROMAN DE BLANDIN DE CORN OU AILLE

1. ÉTUDES LINGUISTIQUES ANTÉRIEURES

Le texte du roman de Blandin de Cornouaille1 a été publié pour la première fois d'après le manuscrit unique de Turin par Paul Meyer dans R II (1873), 170-202. Dans l'introduction de la publication, celui-ci émet l'hypothèse « que l'ouvrage a été composé par un Catalan qui s'est efforcé d'écrire de son mieux en provençal » (op. cit., p. 172). Cependant les arguments sur lesquels se base cette supposition, ne paraissent plus très convaincants de nos jours. Passons-les en revue. (1) Constatant que l'auteur de BdeC n'observe pas les règles de la déclinaison à deux cas, Paul Meyer suggère que ces règles n'avaient peut-être jamais été observées « dans le pays où il composait » (op. cit., p. 171). Mais du moment qu'on admet que le roman a été écrit au XIV e siècle,2 il n'y a rien d'étonnant dans le fait que les règles de la déclinaison à deux cas ne soient plus observées: on trouve des infractions à ces règles à partir du XIII e siècle.3 (2) Dans le vocabulaire ANAR est signalé « comme auxiliaire au sens du prétérit, comme en catalan » (op. cit., p. 201). Pourtant cet emploi e e d'ANAR n'a rien d'anormal en occitan au XIV ou au XV siècle: Meyer l'a dit lui-même dans son édition de Guillaume de la Barre (Paris, 1868), p. 37.4 (3) Dans l'introduction et dans le vocabulaire, l'éditeur cite plusieurs mots qu'il suppose être catalans. On n'a qu'à consulter le FEW pour constater que chacun de ces mots est parfaitement admissible en occitan : 1

Comme l'ont fait observer René Nelli et René Lavaud in: Les Troubadours, II (Bruges, 1966), p. 451, note 2, CORNOALHA est toujours singulier dans le ms. de BdeC: aussi adoptons-nous la traduction Cornouaille proposée par ces auteurs. Pour les variantes graphiques du mot, nous renvoyons à l'Index des noms propres. 2 Comme le fait l'éditeur, op. cit., p. 173. Voir aussi plus loin Introduction 1.25. 3 Cf. Anglade, p. 216. 4 Voir aussi Ronjat, § 586 et plus loin Introduction 1.22.

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INTRODUCTION

iv, 548b; CAYSAL il, 316a (en ancien occitan « besonders Ariège», mais les continuateurs modernes se trouvent sur une aire beaucoup plus étendue); ESMORTIR I, 37a; FORJA III, 342b (mot emprunté au français qu'on retrouve en occitan moderne, voir aussi Ronjat, § 149); MATAR vi : 1, 523b; ORTA IV, 489a (il faut remarquer toutefois que dans BdeC le mot est employé au même sens que ORT - cf. vv. 88, 92, 93 probablement pour les besoins de la rime et de la versification). (4) Meyer avance qu'il y a deux rimes dans BdeC qui doivent être catalanes : DICH - NUECH (VV. 47-48), PRIMIER - VEZER ( W . 55-56). Seulement, deux rimes ne prouvent rien dans un texte où les rimes étranges foisonnent. 5 L'éditeur ajoute que les rimes suivantes sont impossibles en occitan, sans qu'il ose dire qu'elles soient possibles en catalan: CAVALIERS - RANDES (w. 912-13), CAVALLIERS - ADES (w. 920-21), CAVALIERS-PRES ( W . 1122-23), CAVALIERS-PRES (VV. 1130-31), CAVALIERS— INTRES ( W . 1321-22). Enfin il croit que certaines rimes n'ont jamais pu exister en occitan: CONSELH - AUSSEL (VV. 1907-08), DONSELLAS - MERVEILHAS (w. 99-100), AUTRE - FAUTA (VV. 45-46), NOSTRE - FORZA ( W . 260-61), DEMANDA - GARDA (vv. 272-73). On pourrait conclure de tout cela qu'il y a dans BdeC bien des rimes curieuses, mais non pas que l'auteur ait été Catalan. D'ailleurs plusieurs rimes, étranges au premier abord, se révèlent être possibles à une certaine période ou dans une certaine région du domaine occitan. Certaines des rimes de CAVA(L)LŒRS deviennent moins improbables à une époque où r de rs final s'est amui, 6 tandis que les résultats modernes de aucellus et de consilium rimeraient fort bien en provençal, 7 de sorte qu'on ne peut pas dire a priori qu'une rime CONSELH - AUSSEL est inexacte dans BdeC. Ce qui est clair, c'est qu'il faut d'abord un examen des rimes du roman à la lumière des instruments de travail dont nous disposons aujourd'hui; les quelques exemples cités par Meyer ne suffisent pas à tirer des conclusions. AYLA, AYLLA

(5) Selon l'éditeur, le vocabulaire de BdeC est pauvre, l'auteur ne doit pas avoir été « parfaitement maître de la langue » (op. cit., p. 172). Nous ne discuterons pas ici ces jugements. Nous nous bornerons à faire remarquer qu'un vocabulaire pauvre, qu'une composition malhabile ne prouvent rien en soi: on s'attend à une langue plus pauvre de la part d'un habitant du domaine occitan qui est peu lettré, que de la part d'un 5 On trouvera des exemples plus loin: Introduction 1.3; voir aussi Introduction 1.25. 6 Cf. Appel, § 55b. La valeur de e dans ces exemples sera discutée plus loin : Introduction 1.17. 7 Cf. FEW1,170b et II, 1071a et Ronjat, § 400 5.

ÉTUDE LINGUISTIQUE SUR LE TEXTE

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Catalan écrivant en occitan et qui est donc homme d'une certaine culture. La publication du texte de BdeC a été suivie bientôt par les « Observations sur la langue du Roman de Blandin de Cornouaille et Guillot Ardit de Miramar » d'A. Alart dans RLR V (1874), 275-304. Mettant en doute la thèse de Meyer, Alart tâche de prouver que les rimes de BdeC ne présentent pas nécessairement une influence catalane, parce que le «poète n'est rien moins que sévère en fait de rimes », de sorte qu'il se contenterait bien d'une rime telle que PRIMIER - VEZER (VV. 55-56), et parce que les rimes qui sont mauvaises en occitan ne vaudraient pas mieux en catalan; la seule exception, DICH - NUECH (VV. 47-48) s'expliquerait aussi bien par le français. En effet, Alart croit pouvoir constater une forte influence française dans le lexique de BdeC, où plusieurs mots lui semblent être caractéristiques du languedocien, qui a subi l'influence du français depuis la croisade des Albigeois; s'il y a une certaine influence catalane dans le roman, elle pourrait être due à des rapports étroits entre le pays de l'auteur et la Catalogne. L'auteur en arrive à une nouvelle hypothèse: «le Roman de Blandin a pu être composé en provençallanguedocien à Montpellier sous le règne du dernier roi de Majorque, et probablement après 1330 ». Nous ne reprendrons pas en détail les raisonnements faits dans ce long article.8 Nous montrerons seulement pourquoi de nos jours ces conclusions ne paraissent pas plus convaincantes que l'hypothèse de Paul Meyer. (1) Dans son étude consciencieuse des rimes de BdeC, Alart condamne des rimes qui ont pu être acceptables en ancien occitan: il s'agit des mêmes cas que nous avons cités plus haut pour Meyer, sous le numéro (4). Donc, il se pourrait bien qu'il y ait dans les rimes de BdeC des éléments caractéristiques pour une certaine période ou une certaine région de l'occitan que l'état de la science ne permettait pas de distinguer à l'époque où l'article en question a été écrit. (2) En examinant à l'aide du FEW les termes qu'Alart dit être français, on constate que le plus souvent il ne s'est pas trompé; mais d'autre part on voit aussi qu'il n'y a presque jamais lieu d'appeler languedociens

8 Plusieurs de ces raisonnements concernant les rimes ne sont plus admissibles, parce que nous avons appris à distinguer les graphies d'un texte de la réalité phonologique qui se cache derrière elles; ensuite plusieurs des remarques concernant le lexique se trouvent être fausses, si on les compare aux données du FEW, comme nous le constaterons plus loin.

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INTRODUCTION

les mots qu'il donne pour tels; par conséquent il serait utile de refaire l'examen du lexique de BdeC.9 Il y a encore un petit article d'Elise Richter qui concerne la langue de BdeC: « Altprovenzalisch barra 'Kiefer'?» dans Z XXXI (1907), 610-11. Dans cet article Richter croit pouvoir signaler quelques éléments catalans de BdeC qui étaient restés inaperçus jusqu'alors. Il y a d'abord les pluriels féminins en -es, tels que APARELHADES (V. 1728), ARMES (w. 77,116,414, etc.), BLANCHES (V. 190), BRASSES (V. 1450), DRISSADES (vv. 1727, 2257), ESPASSES (V. 734). Seulement, il faudrait examiner, ce que l'auteur ne fait pas, si cette désinence -es est due à l'auteur du roman ou à un copiste. Même s'il ne s'agit pas d'erreurs de copiste, il y a d'autres explications qu'une influence catalance: ne trouve-t-on pas en occitan moderne aussi des pluriels féminins en -e(s) qui s'expliquent autrement que par une influence catalane? 10 Richter cite encore l'adverbe ARES (W. 153, 219, 282, etc.), mais celui-ci a été attesté aussi en français. 11 Finalement l'auteur cite des exemples de a à la protonique dans ANTR' (W. 456, 542), AVANTURA (VV. 32, 46, 50, etc.), MANTIR (VV. 754, 798, 953, etc.), RANDES (W. 523, 913, 2174), SANDIER (VV. 623, 1977). Ici encore il faudrait se demander si a pour e est un trait dû à l'auteur ou à un copiste. D'ailleurs il est remarquable que a pour e se trouve partout devant n : ne vaudrait-il pas mieux penser à une influence française, d'autant plus qu'on trouve aussi an pour en sous l'accent au part. prés.12 Remarquons encore que ANTRE ( F E W IV, 747b) et SANDIER (FEWX1,441a) ont été attestés en occitan et que ce dernier est attribué à l'influence française. Ce qui précède justifie suffisamment, nous semble-t-il, ce que nous nous proposons de faire dans l'étude qui va suivre : examiner de nouveau la langue du roman de Blandin de Cornouaille, pour vérifier s'il est possible d'y découvrir certaines caractéristiques dialectales, grâce aux progrès faits dans l'étude de l'occitan depuis Paul Meyer, A. Alart et Elise Richter. 9 Dans R/K(1875), 146 on trouve une note de la main de Paul Meyer, où celui-ci reconnaît, après avoir pris connaissance de l'article d'Alart, que les traces catalanes dans BdeC sont moins fréquentes qu'il ne les avait supposées, sans renoncer pour autant à son hypothèse. 10 Cf. Ronjat, §481.

11

Cf. FEWW, 472a.

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CORRANT v. 1477, RISSANT v. 2252.

ÉTUDE LINGUISTIQUE SUR LE TEXTE

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2. MÉTHODE

Les trois linguistes qui se sont occupés de la langue de BdeC ne font guère ressortir le caractère disparate des graphies que présente le texte. Ils tâchent de caractériser la langue de BdeC en se basant sur un nombre restreint d'indications, ce qui nous paraît inadmissible pour ce texte, qui comporte un peu de tout. Paul Meyer suppose que le roman de BdeC a été déformé par un copiste italien, hypothèse admise également par A. Alart. En effet, on trouve fréquemment dans le texte du roman les graphies CHI, CHE (QUI, QUE sont plutôt des exceptions), COME,13 etc., qui peuvent être dues à une influence italienne. Mais on trouve en même temps: BIEN, CONVIEN 14 CONVIENT, MONDE, qui font penser au français. D'autre part, AQUELOS, ELOS sont d'après Ronjat (§ 490) des pluriels qui « A la décadence de la flexion nominale vpr. ... s'établissent comme plur. masc. assez généralement dans le bassin du Rône». La graphie JORT se trouve en ancien dauphinois et en ancien provençal, comme le montre le FEW (III, 102b avec note); DENGUNNA est cité pour le provençal du XIVe au XVIe siècle dans le FEW (VII, 81a). Nous pourrions multiplier les exemples, mais il est assez clair déjà qu'il faut avancer avec la plus grande prudence, lorsqu'il s'agit de caractériser la langue d'un texte qui présente une pareille diversité de formes. Cette diversité n'est pas moindre quand on considère les variantes que l'on trouve parfois pour un seul mot. Nous nous bornerons à citer deux exemples, qui constituent, il est vrai, des cas assez extrêmes, mais qui n'en sont pas moins significatifs: ADON, ADONC, ADONCH, ADONCHA, ADONCHAS, ADONCHES, ADONCQUES, ADONQUAS, ADONQUES, ADONS, ADONX; PUEIS, PUEYS, PUIS, PUISSAS, PUISSES, PUYES, PUYESSES, PUYS, PUYSSES.

Dans les pages qui vont suivre, nous tâcherons de distinguer l'unité qui se cache derrière cette multiplicité de formes, mais pour délimiter avec quelque probabilité ce qui est dû à l'auteur et ce qui peut provenir de la main d'un ou de plusieurs copistes, il faudra un travail minutieux et une méthode rigoureuse. L'idée qui sert de base à notre étude est que la comparaison des anciens textes avec l'état de la langue moderne permet bien souvent une 13

Nous renvoyons au Glossaire pour les numéros des vers où les exemples cités se trouvent. Pour l'influence italienne, voir Introduction 1.24. 14 Pour l'influence française, voir Introduction 1.23 et 1.25.

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INTRODUCTION

interprétation phonologique des graphies des anciens textes. C'est ainsi que M. L. Remacle a établi le rapport entre les graphies des anciens textes wallons et des phénomènes qu'on trouve en wallon moderne, dans Le Problème de Vancien wallon (Liège, 1948). Nous empruntons à cet ouvrage la citation suivante: «connaissant les patois modernes, je me demanderai sans cesse si les traits qui les distinguent aujourd'hui les distinguaient déjà au moyen âge ou, en d'autres termes, depuis quand ces traits existent; en outre, j'opposerai d'emblée, et d'un bout à l'autre de mon étude, la scripta et le dialecte oral ».15 Parmi les rapprochements faits dans le même esprit, nous citons pour l'ancien occitan: Â. Grafström, Étude sur la graphie des plus anciennes chartes languedociennes, avec un essai d'interprétation phonétique (Uppsala, 1958).16 Notre méthode dérive de celle de MM. Remacle, Gossen et Grafström, nous comparerons les graphies du texte de BdeC avec les traits des dialectes modernes. Nous partageons l'opinion de M. Max Pfister, exprimée dans son article « La Localisation d'une scripta littéraire en ancien occitan», in: Travaux de linguistique et de littérature X (1972), 258: « Pour pouvoir localiser une scripta en ancien occitan, il faut partir de données phonétiques, morphologiques ou lexicales dont nous connaissons la répartition géographique - au moins rudimentaire - au moyen âge et la répartition dialectale moderne. Ces deux piliers (attestations anciennes - survivances dans les dialectes modernes) me paraissent être la base indispensable pour arriver à des résultats acceptables.» Pour étudier les données phonétiques et morphologiques, nous nous baserons surtout sur Jules Ronjat, Grammaire istorique des parlers provençaux modernes. En comparant les phénomènes phonétiques de BdeC avec les données de Ronjat, nous avons gardé le système de transcription de celui-ci, qui ne distingue pas la graphie s de la prononciation /s/. Le lecteur n'en constatera pas moins notre soin constant de distinguer les deux. Nous nous proposons aussi d'étudier le lexique de BdeC pour voir si celuici contient des éléments caractéristiques d'une certaine période ou d'une certaine région. Dans cette étude, nous nous baserons sur Waither von Wartburg, Französisches Etymologisches Wörterbuch. Eine darstellung des galloromanischen sprachschatzes (Bonn, 1928ss.). Pour avoir une vue d'ensemble des graphies de notre texte, nous avons commencé par dresser un inventaire complet de tous les mots que l'on trouve dans BdeC, avec toutes leurs variantes graphiques et dans toutes 16

Op. cit., p. 27. Pour l'ancien français, il faul citer les travaux de M. C. Th. Gossen, comme Französische Skriptastudien (Wien, 1967). 16

ÉTUDE LINGUISTIQUE SUR LE TEXTE

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leurs variations morphologiques; dans cet inventaire nous avons indiqué tous les vers où se trouvent les mots en question. L'inventaire se trouve dans le Glossaire qui fait partie de notre thèse: nous y avons ajouté encore des exemples pris dans leur contexte, comme nous l'expliquerons dans le paragraphe sur le Glossaire.17 Si MM. Remacle et Grafstrôm partent en principe de textes datés et nettement localisés, nous voudrions tâcher de localiser et de dater notre texte à l'aide des caractéristiques que les graphies révèlent. Évidemment, il est impossible de dire a priori si cette tentative aboutira à des résultats: tout dépendra des traits qui pourront être constatés d'abord à la rime, mais aussi à l'intérieur des vers. Ce qui justifie notre tentative, c'est le grand avantage qu'un texte rimé présente sur bien des documents, à savoir de contenir dans les rimes des indications précieuses pour l'interprétation des graphies. Par exemple, le fait que BEN se trouve dans notre texte 44 fois, contre BIEN 3 fois, est intéressant à relever, mais pour l'interprétation de la valeur de la graphie BEN à côté de BIEN, il est d'autant plus significatif qu'il y a une rime GENT - BEN (W. 2379-80). Aussi l'interprétation des rimes jouera-t-elle un rôle important dans l'étude qui va suivre. 3. INTERPRÉTATION DES RIMES

Pour arriver à une interprétation des graphies de BdeC, il nous semble nécessaire de faire avant tout l'interprétation des graphies qui se trouvent à la rime. Si cette étude aboutit à des résultats qui permettent de caractériser la langue de l'auteur, nous pourrons étudier d'autres graphies du roman à la lumière de nos premières conclusions. Il faut nous rendre compte du fait qu'il est bien possible que notre texte ne fournisse pas suffisamment d'indications dans les rimes. Si, par exemple, l'auteur a trop mal rimé, on ne saurait guère tirer de conclusions du fait qu'il combine deux mots dans une rime. Il faut être prudent aussi lorsque les rimes ne révèlent pas assez de traits caractéristiques, ou encore, si les traits constatés présentent des contradictions dues à un remaniement éventuel du texte. Il faudra donc nous demander, au bout de notre étude, si l'auteur de BdeC a sérieusement rimé, si le nombre de traits caractéristiques est probant, enfin si ces traits ne sont pas contradictoires. Le problème le plus important qui se pose, quand il s'agit d'interpréter les graphies de notre texte, c'est celui de distinguer la langue de l'auteur d'avec les éléments introduits par un ou plusieurs copistes. 17

Voir Introduction II.2.

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INTRODUCTION

Que BdeC ait été copié, c'est indiscutable: il suffit de voir les lacunes que présente le texte que nous possédons.18 Qu'il y ait dans ce texte des rimes défectueuses dues à des erreurs de copiste, c'est évident aussi. Il y a un cas tel que JORN - CAMIN (w. 33-34), qu'on peut comparer avec la rime des vv. 1879-80; il y a TREMORAL - DONAR ( W . 1493-94) où la métathèse doit être imputée à un copiste. Seulement, il faut éviter de voir des fautes de copiste dans des rimes qui, à une certaine époque de la langue et dans une certaine région ont bien pu exister. Aussi, en première analyse, nous efforcerons-nous toujours d'expliquer une rime par les évolutions postérieures de la langue ou par des phénomènes dialectaux. Sans aucun doute nos interprétations risqueront d'être discutables, elles ne prendront leur valeur qu'au moment où elles montreront que les rimes révèlent l'unité de la langue de l'auteur, qui, au premier abord, se cache sous la diversité des graphies. Mais comment savoir s'il faut imputer une rime à un copiste, comment savoir si elle est de la main de l'auteur? Nous admettrons, dans les pages qui vont suivre, que des rimes d'un type qui se répète quelques fois ont les meilleures chances d'être de la main de l'auteur. Ce sera le cas de la rime DICH - ARDIT, qu'on voit aux vv. 65-66, 224-25, 300-01, mais ce sera le cas aussi de la rime ELS ELS (w. 1245-46), qui se trouve à côté de MORT - MORT (VV. 113-14, 163-64, 1325-26) et FEREN - FAREN (VV. 2359-60) ; 19 nous pouvons en conclure que l'auteur ne se fait pas scrupule de combiner à la rime les mêmes mots ou des mots homophones. Si l'analyse de pareilles rimes révèle des traits caractéristiques pour un certain dialecte occitan, nous croyons pouvoir supposer que ce dialecte a été le dialecte de l'auteur. 20 Nous tâcherons d'expliquer les rimes isolées dans le cadre de cette supposition. 4. tz FINAL

Le traitement de tz final est la première indication à tirer de l'étude des rimes pour préciser l'origine géographique de la langue de BdeC. Si Appel dit au § 55b : « Jedes auslautende -(t)z wird in späterer Zeit 18

Voir note au v. 221 du Texte. Dans les deux cas, il s'agit du prêt. 3 pl. de FAR. 20 En ce qui concerne l'époque dans laquelle BdeC a été écrit, il semble justifié d'admettre provisoirement l'hypothèse de Meyer et d'Alart (XIV e siècle) en raison des deux phénomènes déjà signalés par Meyer: la déchéance de la déclinaison à deux cas, l'emploi fréquent d'ANAR au sens du prétérit (Cf. Introduction 1.1), Nous reviendrons sur ce problème plus loin: Introduction 1.25. 19

ÉTUDE LINGUISTIQUE SUR LE TEXTE

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zu -s », de Ronjat (§ 382) il résulte plutôt que le traitement a été différent selon les régions et la provenance de tz final. Quant à celle-ci, Ronjat distingue certains types, dont trois se retrouvent à la rime dans notre texte: (1) lutz, où tz provient de c intervocalique latin suivi de e ou /; (2) cantatz provenant du lat. cantatis et qui sert de typepour la deuxième personne du pluriel en général; (3) cantatz, qui provient du lat. cantatos. (1) Le type lutz conserve aujourd'hui encore tzfinalen aquitain, agenais, montalbanais, albigeois, lauragais, toulousain et pays de Foix, dans le parler de Carcassonne et environs, en narbonnais et dans les parlers voisins du catalan (Ronjat, § 382, p. 281). Or, l'auteur de BdeC doit avoir confondu à la rime le résultat de c intervocalique latin suivi de e ou i avec le résultat de s final latin ou de s latin devenu final en roman, comme le montrent les rimes suivantes: DETRAS - BRAS ( W . 964-65), BRAS - DETRAYS (VV. 1251-52), VEYS - PEYS (w. 1503-04), vois - vos (w. 2171-72). Ces exemples - que nous pourrions multiplier encore - semblent montrer que l'auteur de notre texte a écrit dans un dialecte qui se place hors de l'aire où tz du type lutz se conserve. Selon Ronjat (ibid.), s résultant de tz final va suivre l'évolution de s final: en étudiant plus loin s final, nous nous demanderons quelle peut avoir été la valeur des graphies tz, s à la finale dans notre texte. (2) Pour tz à la deuxième personne du pluriel, nous laissons de côté l'aire où tz de lutz se conserve; hors de cette aire, tz du type cantatz aboutit aux mêmes résultats que s final d'après Ronjat (§ 382, p. 281). L'exception la plus importante21 sont les parlers du Gévaudan, où il y a t (p. 282). Pour ce deuxième type encore, il y a dans notre texte des rimes qui montrent que le résultat de tz est le même que celui de s final latin ou de s latin devenu final en roman: MERCES - AVES (W. 1042-43 et avec une variante graphique 1635-36), MOSTRAS - NAS (W. 1429-30). Il paraît donc que BdeC n'a pas été écrit dans un parler du Gévaudan. (3) Au § 382 (p. 284), Ronjat dit que tz du part, passé se maintient ou devient -â dans les parlers du Languedoc occidental, en guyennais, aurillacois et aquitain. 21

Au § 382, à la p. 282, Ronjat cite encore certains parlers où tz à la deuxième personne du pluriel s'est amui, tandis que s final se conserve en général dans ces parlers; ici nous laissons de côté ces parlers : en étudiant s final nous nous demanderons si le trait en question s'applique à notre texte.

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INTRODUCTION

Il est vrai que notre texte ne présente pas un seul exemple de ce type en rime avec un mot se terminant par s final latin devenu final en roman; mais d'autre part, il n'y a pas non plus de rime qui puisse prouver le maintien de tz ou son passage à -c. Il n'est pas probable donc qu'il faille placer le dialecte de notre texte dans l'aire qui ne conserve pas tz du type lutz, mais qui maintient tz (devenu éventuellement -