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French Pages 412 [416] Year 1982
ANNALES de
DÉMOGRAPHIE HISTORIQUE 1982
SOCIETE DE DEMOGRAPHIE HISTORIQUE Président : 1962-1964 : Marcel REINHARD -j-, professeur honoraire à la Sorbonne. 1965-1968 : Pierre GOUBERT, professeur à l'Université de Paris I. 1969-1972 : Louis HENRY, chef de service à l'Institut National d'Etudes Démographiques. 1973-1977 : André ARMENGAUD f , professeur à l'Université de Toulouse-Le Mirail. 1978-1981 : Jean-Noël BIRABEN, chef de département à l'Institut National d'Etudes Démographiques. Actuellement : Jacques DUPAQUIER, directeur du Laboratoire de Démographie historique. Vice-Présidents : Guy CABOURDIN, professeur à l'Université de Nancy. François LEBRUN, professeur à l'Université de Rennes. Secrétaire Général : J.-P. BARDET, maître-assistant à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Secrétaire adjoint : Alain BIDEAU, chargé de recherche au C.N.R.S. Trésorier : René PLESSIX, professeur au Lycée de Mamers.
Cotisation comportant le service du présent numéro : 130 F C.C.P. de la Société : Paris 10.124.39
La correspondance concernant la Société et les Annales de démographie historique doit être adressée au Secrétariat de la Société de démographie historique, B.P. 194, 75263 Paris Cédex 06 - Tél. 222.42.08
ANNALES DE
DÉMOGRAPHIE HISTORIQUE 1982 ETUDES, COMPTES RENDUS, DOCUMENTS, BIBLIOGRAPHIE
Directeur : J.-N. BIRABEN Rédacteur en Chef : J.-P. POUSSOU Comité de rédaction : J.-P. BARDET, A. BIDEAU, J.-N. BIRABEN, H. CHARBONNEAU, G. CABOURDIN, P. CHAUNU, J. DUPAQUIER, P. GOUBERT, E. HÉLIN, L. HENRY A. HIGOUNET-NADAL, J. HOUDAILLE, J. JACQUART, J.-P. KINTZ, F. LEBRUN, R. LE MÉE, M. LIVI BACCI, J.-C. PERROT, R. PLESSIX.
Ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique
EDITIONS DE L'ECOLE DES HAUTES ETUDES EN SCIENCES SOCIALES - PARIS MOUTON EDITEUR PARIS - LA HAYE - NEW YORK
© 1982 Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales - Paris Imprimé
en France
ISSN 0066-2062
Villes du Passé
RAPPORT INTRODUCITF par A. BELLETTINI
L'Italie représente un observatoire privilégié en ce qui concerne les populations urbaines du passé : du milieu du Moyen Age à la fin du XVIII* siècle, elle est la région d'Europe la plus urbanisée. On y trouve le nombre le plus élevé de grandes villes, et elles sont enserrées dans un tissu très épais de petites ou moyennes agglomérations urbaines et semi-urbaines. Au cours de cette longue période, on peut y distinguer deux grandes étapes, caractérisées par une expansion générale des villes et par un accroissement du poids démographique des populations urbaines. La première, qui va du xn" au xvi* siècle, correspond à la grande époque des cités médiévales ; la seconde se place au cours du xvi* siècle. C'est à la fin de celui-ci que se situe le grand tournant qui marque l'arrière-saison de la fortune des villes italiennes. Après la dure crise agraire de la dernière décennie du xvi* siècle, leur prospérité se poursuit encore quelque temps ; mais leur déclin a déjà commencé. C'est alors qu'elles cessent d'être des centres économiques, commerciaux et financiers d'importance européenne. Leur croissance démographique s'arrête aussi, bien avant que la peste de 1630 frappe les villes et les campagnes des régions septentrionales et de la Toscane, et décime leurs populations. On entre ainsi dans la longue stagnation du xvn* siècle, pendant laquelle de nombreuses régions de l'Italie sont souvent frappées par des crises de caractère multiple : militaires, économiques, épidémiques ; et en 1656 la peste frappe encore durement les régions du Midi et leurs villes principales. Au cours de cette période les grandes villes italiennes ont perdu en grande partie la vitalité démographique qui avait longtemps caractérisé leur expansion au cours des siècles précédents. Vers 1700 la population des principaux centres urbains était, dans la plupart des cas, inférieure ou, au maximum, égale à celle déjà atteinte au milieu ou à la fin du xvi" siècle. Par la suite, leur reprise démographique fut très lente et très médiocre. Quand, à partir du milieu du XVIII" siècle, la croissance démographique contemporaine prend vraiment le
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départ, la population italienne connaît des rythmes d'accroissement inférieurs à ceux de la plupart des pays européens. Surtout, à quelques exceptions près, la croissance démographique des villes principales est limitée, l'augmentation étant essentiellement le fait des campagnes et des bourgs ruraux. Ces tendances persistent encore au cours de presque tout le x i x ' siècle. E n Angleterre, aux Pays-Bas, en Allemagne ou en France, l'un des plus grands bouleversements entraînés par la révolution industrielle et les nouveaux développements de la vie économique, vient de la croissance rapide, extraordinaire, des villes, et du changement substantiel des proportions entre la population urbaine et la population agricole. E n Italie, ces phénomènes sont absents jusqu'à la fin du xix* siècle. Le taux d'accroissement démographique est nettement inférieur aux taux européens. Quelques exceptions mises à part, la population des villes les plus importantes augmente à peu près dans les mêmes proportions que la population totale. Cependant, dans plusieurs régions le développement démographique est considérablement plus accentué dans les zones de campagne et de montagne que dans les centres urbains. Au fond, en ce qui concerne l'Italie, on ne peut pas parler d'un processus réel de concentration urbaine, au sens moderne de l'expression, pendant presque tout le xix* siècle. On continue à avoir affaire à un peuplement rural. Bien entendu, on ne verra dans les brèves remarques qui précèdent que des aperçus tout à fait sommaires sur les phases et sur les tendances de la longue évolution urbaine italienne. Les particularités propres à notre pays ou à ses régions, dans ce domaine, peuvent cependant permettre de souligner le changement dans le temos et la variation dans l'espace des mécanismes de reproduction des villes par rapport aux changements de l'économie, de la société, de la culture... Malgré les progrès considérables réalisés ces dernières années, il faut reconnaître que le chemin à parcourir dans ce domaine de la recherche est encore long, très long. En ce qui concerne les mécanismes démographiques des villes du passé comme en ce qui concerné les problèmes d'analyse et d'interprétation, les questions encore sans réponse sont plus nombreuses que les acquis. La définition de la ville est elle-même un problème extrêmement difficile et on a souvent du mal à distinguer les centres urbains des agglomérations rurales. D'ailleurs, il n'existe aucun critère satisfaisant, valable pour tous les temps et tous les lieux. Les questions les plus compliquées concernent l'analyse quantitative des mécanismes d'évolution des populations urbaines. Les sources et leurs caractéristiques, leurs nombreuses limites, conditionnent généralement les méthodes de recherche et les possibilités d'évaluation statistique des phénomènes démographiques. Le bilan
RAPPORT INTRODUCTIF
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démographique urbain est particulièrement difficile à établir. C'est ainsi qu'on a beaucoup affirmé qu'autrefois la mortalité urbaine était beaucoup plus élevée que la mortalité rurale ; mais, cela était-il vrai partout? Au demeurant, les déficits urbains sont-ils liés à une forte mortalité ou à une faible natalité ? Quant aux mouvements très divers d'attraction et de répulsion, qui existent entre les villes et les campagnes qui les entourent, ils sont mal appréciés et plus encore leurs incidences démographiques. Je pense ici à la présence de populations temporaires, aux décès hospitaliers, aux nouveau-nés décédés en nourrice, aux enfants abandonnés déposés dans les villes... Et si nous arrivons à avancer des soldes migratoires, force est bien de reconnaître que nous n'avons aucune information sur l'importance réelle de la mobilité territoriale de la population urbaine. Dans les grandes villes, son ampleur revêt pourtant une importance telle qu'elle influe largement sur tous les comportements démographiques. Surtout, les phénomènes de mobilité rendent beaucoup plus compliquées et difficiles les recherches concernant les mécanismes de reproduction des populations urbaines. Il faut également songer à d'autres facteurs sélectifs qui influencent la démographie urbaine et les rapports de population entre les villes et les campagnes. Ils ont de grandes conséquences sur la composition et la structure sociale des populations urbaines, tels le déséquilibre dans la répartition par sexe, l'importance du célibat définitif, la présence à la fois d'une élite réduite de nobles, propriétaires, marchands, et d'une grande masse de travailleurs sans aucune qualification, de pauvres et d'assistés ; ceux-ci vivent en permanence d'une manière précaire, aux limites de la subsistance ; c'est une population sans cesse flottante, que la ville attire ou repousse selon les circonstances. Or, nous savons aujourd'hui qu'à l'inégalité des groupes sociaux répond l'inégalité des comportements démographiques : inégalités dans les comportements reproductifs, devant la mort, dans les structures et la durée des familles, dans les comportements familiaux et dans la stabilité de l'habitat. Cet ensemble de conditions rend souvent précaire et instable l'équilibre démographique des villes. Et il est de plus en plus difficile de distinguer, dans leur évolution au cours du temps, les événements dus à la longue durée et ceux qui relèvent du court terme, ou ceux qu'expliquent des conditions locales spécifiques. Il n'empêche que personne ne peut négliger ou nier l'apport considérable dû aux recherches récentes, ni les possibilités qui s'offrent Le présent colloque en est un témoignage ; l'ensemble des travaux présentés, les discussions qui ont accompagné les communications attestent qu'il constituera une étape importante dans le développement
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des connaissances et que cette première collaboration d'ensemble, cette première rencontre officielle des Sociétés française et italienne de Démographie Historique fera date, en elle-même et dans l'histoire des villes. Athos
Bellettini
RESUME Au cours des dernières décennies, l'étude historique sur la démographie urbaine est en plein essor. Toutefois, nos connaissances des mécanismes de la reproduction de la population urbaine sont encore limitées et de nombreux problèmes d'analyse et d'interprétation sont encore à résoudre. De ce point de vue, l'Italie est un observatoire privilégié, puisque du Moyen Age jusqu'à la fin du xviii* siècle, le territoire italien est la région européenne à plus forte urbanisation. Au xix* siècle cette tendance semble toutefois s'estomper. Tandis que les pays de l'Europe du nord-ouest sont caractérisés par l'intense expansion urbaine, conséquence de la révolution industrielle, le développement des agglomérations urbaines en Italie est en général très limité et la croissance démographique du pays conserve les caractères d'un peuplement rural.
SUMMARY Historical research into city demography has increased during the last few decades; however, we still do not know much about the reproduction mechanisms of urban populations and various problems of analysis and interpretation are still unsolved. Italy is a particularly suitable country for carrying out such studies as, from the Medieval Ages up to the end of the 18th century, it was the most highly urbanized country in Europe. Starting from the 19th century, this was no longer the case. Whereas in North-Western Europe cities grew enormously because of the industrial revolution, Italian cities developed only to a small extent and the population growth of the country was mainly characterized by rural populations.
LES FACTEURS DE CROISSANCE DE LA VILLE DE PÉRIGUEUX par A. HIGOUNET-NADAL
Les recherches de population que nous avons conduites sur la ville de Périgueux ont fait découvrir au Puy-Saint-Front au début du XIV e siècle 1 un espace urbain nettement délimité et fortement surpeuplé. La masse documentaire était insuffisante pour remonter plus haut dans le temps avec la même précision. Du moins, peut-on tenter de dégager les facteurs qui ont abouti, sans plan pré-établi, à la ville prospère du début du xive siècle. Ils sont variés et dépendent à la fois de la géographie, des faits politiques et de la conjoncture économique et démographique. 1. Origines et formation du Puy-Saint-Front. Dans cette petite région, habitée sans interruption depuis l'époque pré-historique, les noyaux de cristallisation humaine se sont déplacés d'un site à un autre au gré des événements. L'extension actuelle de la ville de Périgueux a englobé l'ensemble de ces sites voisins. Si les Pétrocores ont particulièrement occupé les hauteurs d'Ecornebœuf, de la Boissière et du « Camp de César » au Sud, sur la rive gauche de l'Isle, Vesunna, Vésone la ville romaine, s'est largement étendue dans le méandre de la rivière 2 . Les invasions du dernier quart du 111e siècle contraignirent la ville à se fortifier sur une surface très réduite. C'est l'origine de la « Cité » de Périgueux. On est très mal renseigné sur ce qui se passa au cours des premiers siècles du Moyen Age. La vie n'a pas disparu, mais elle a tâtonné et s'est modifiée. On observe, ainsi, autour ou à proximité de la Cité, plusieurs petites paroisses dont les origines ne sont pas aisées à préciser, mais certaines d'entre elles sont très 1. HTr,oTTNrFT-NADAT. fArletteY Périgueux aux XIV et XV siècles. Etude de démographie historique, Bordeaux, 1978. 2. Pierre B A R R I È R E , Vesunna Petrucoriorum. Histoire d'une petite ville à l'époque gallo-romaine, Périgueux, 1930.
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anciennes Dès l'époque romaine, un chemin bordé de tombeaux montait au Puy situé au Nord-Est de la Cité. La tradition a placé là le tombeau présumé de saint Front dont on a fait l'évangélisateur de la région. Quelle que soit la réalité, on constate qu'un pèlerinage s'y était développé, qu'une communauté religieuse s'y était installée, cristallisant peu à peu d'autres formes de vie. Entre la Cité et le Puy, se situait un castrum comtal dont le rôle défensif n'est pas évident et dont l'origine remontait peut-être aux époques troublées du ix* siècle. La tradition veut que le comte ait été conduit au milieu du XIIe siècle à négliger ce castrum et à aménager une tour à la Rolfie, c'est-à-dire dans la partie Nord des arènes romaines à la cité. Pourquoi une résurrection de la vie urbaine a-t-elle pu se produire sur le Puy ? Outre le site attractif, la situation générale était favorable. Considérée dans l'ensemble de l'Aquitaine entre Océan et Massif Central, Périgueux se situait dans une position centrale, à un carrefour important de voies de circulation : une route Nord-Sud, Paris-LimogesPérigueux-Bergerac, empruntée également par les pèlerins de SaintJacques, à proximité de laquelle se trouvait le « tombeau » de saint Front ; celui-ci marquait une étape importante pour les pèlerins. Une transversale Saint-Astier-Puy-Saint-Front-Trélissac d'intérêt apparemment local, mais probablement fort anciennement fréquentée. D'autre part, la route médiévale La Rochelle-Nîmes par Saintes, Périgueux, Cahors épousait le tracé de la grande route romaine de Saintes à Cahors qui a présenté « dès le xn* siècle, l'avantage de se trouver, sur tout son parcours, en territoire soumis au roi de France » 4 . Les deux grands axes Nord-Sud et Ouest-Est ont été déterminants dans l'évolution du Puy-Saint-Front ; même si on n'a pas de documents d'intérêt économique, les textes et les faits sont suffisamment nombreux pour nous faire saisir que les rapports privilégiés de Périgueux se sont établis avec Limoges et sa région, avec Paris, avec Saintes et avec Cahors (la sénéchaussée englobera plus tard Périgord et Quercy). Dans ce cadre où un certain nombre de lignes directrices s'esquissaient déjà à proximité de la Cité serrée sur ses 5,5 hectares et des petites paroisses rurales qui s'égaillaient dans la zone environnante, une nouvelle vie urbaine s'est peu à peu constituée sur le Puy-Saint-Front au xi'-xii* siècle pense-t-on. En effet, avant que se crée une existence véritablement urbaine, il s'était formé sur ce territoire plusieurs petits habitats. 3. Ariette et Charles HIGOUNET, Les origines et la formation de la ville du Puy-Saint-Front de Périgueux, Annales du Midi, 1978, p. 257-274. 4. Yves RENOUARD, Les voies de communication entre pays de la Méditerranée et pays de l'Atlantique au Moyen Age. Problèmes et hypothèses, Mélanges d'histoire du Moyen Age dédiés à la mémoire de Louis Halphen, p. 590 et 592.
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Un groupe existait ainsi autour du castrum comtal volontiers appelé également la Salle du Comte et que l'on affirmait être le caput comitatus6. La paroisse Saint-Silain constituait alors aussi un petit village. Au Nord, une autre Salle dénommée Salle-Grimoart dont les origines et l'attribution restent mystérieuses, groupait autour
— LA FORMATION DE LA VILLE DU P U Y - S A I N T - F R O N T DE PÉRIGUEUX, xr-xnr SIÈCLES. 1. Enceinte de la fin du Moyen âge. — 2. Hypothèse d'un premier mur du XII* siècle. — 3. Hypothèse d'un second mur. — 4. Premier réseau de * rues ».
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d'elle un petit nombre de familles. Au sommet du Puy, à côté du groupe de Saint-Front, il en existait un autre en relation avec le cimetière, et la chapelle Saint-André. La réunion dans la même enceinte de ces habitats éparpillés font que la ville du Puy-Saint-Front doit être considérée comme une ville polynucléaire et non, selon l'opinion répandue, comme une ville simplement formée autour d'un monastère. La construction d'une église entreprise à la fin du x" siècle et consacrée en 1047 et, le souvenir que laissa dans les mémoires le grand incendie qui ravagea le Puy-Saint-Front en 1120 témoignent de l'importance qu'avait alors déjà acquise ce bourg. 2.
Facteurs politiques. Le véritable point de départ de son existence comme ville date de Philippe Auguste et dès lors les facteurs politiques et sociaux ont joué un rôle primordial dans la croissance de Périgueux. C'est en 1204, en effet, que la ville de Périgueux prêta serment au roi, celui-ci devenant ainsi le seigneur direct de la ville et ses bourgeois des « bourgeois du roi ». Consécration juridique d'un état de fait latent qui reflète les divergences entre le bourg du Puy-Saint-Front et le comte ; mais acte qui a engagé la ville de façon définitive : dès lors, elle s'est toujours considérée et affirmée comme directement unie au roi de France, la décennie 1360-1369 où elle s'est trouvée sous l'administration anglaise n'ayant été considérée que comme un épisode historique. Le fait que, à la même date de 1204®, le comte Hélie V se rallia au roi de France et lui prêta hommage lige en trahissant son allégeance au roi d'Angleterre, duc d'Aquitaine, stipulée cependant encore dans le traité de Gaillon de 1195-11967, consacra, malgré les apparences, la scission sur le terrain local entre le comte de Périgord et les bourgeois du Puy-Saint-Front. En effet, ce qui selon toute vraisemblance n'était qu'opportunité pour le comte, était un choix délibéré pour les bourgeois. Ce choix ne peut être mis au compte d'un nationalisme anachronique. Mais peut-être trouve-t-il sa justification dans l'esprit d'indépendance et de liberté des bourgeois et dans la clairvoyance des consuls de l'époque. Leur option, en tout cas, a orienté l'histoire et le développement de la ville en imposant à celle-ci une ligne de conduite précise. Mais, à l'échelon local, cela a accentué la ségrégation sociale entre les chevaliers de la Cité et la dynamique bourgeoisie du Puy-Saint-Front dont l'ascension irritait par ailleurs les cives. Un autre facteur important a été constitué par l'Acte d'Union de 1240 en principe destiné à freiner l'indépendance du Puy. Par 5. Ariette HIGOUNET-NADAL, La * Salle du comte » et la « Monnaie » de Périgueux au Puy-Saint-Front, Bull. Soc. hist. et arch. du Périgord, 1969, et Arch. comm. Périgueux, FF1 (3 août 1322). 6. L . D E L I S L E , Catalogue des Actes de Philippe Auguste, Paris, 1856, p. 187, numéro-! 821 et 822. 7. Muriel LAHARIE, Le pouvoir comtal en Périgord des origines à 1311. Recueil d'actes, Thèse 3e cycle, multigraphiée, Bordeaux, 1975, t. II, n° 124.
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ce traité, les deux villes, Puy-Saint-Front et Cité, se donnaient une administration commune et décidaient de construire une enceinte pour les unir — enceinte qui ne fut pas réalisée 8 . En fait, ce traité n'aboutit jamais au Moyen Age à les souder de façon homogène en une seule ville. Cette union, au contraire, consacra et renforça la primauté du Puy-Saint-Front. La liberté de la Cité par rapport à la Ville, affirmée dans le texte s'est manifestée pendant les hostilités franco-anglaises : il y eut à certains moments des divergences d'allégeances entre les deux villes, seule des deux le Puy-Saint-Front affirmant toujours son indéfectible attachement « au roi de France, notre seigneur ». Il paraît évident que le choix fondamental des bourgeois du PuySaint-Front, choix auquel ils se sont farouchement tenu a été un facteur essentiel de la croissance de la ville. Ils y ont gagné une stabilité et une unité d'action dont on peut apprécier l'importance en face des hésitations et des volte-faces des comtes et de leurs partisans de la Cité. Après l'Acte d'Union et les troubles qui pendant une décennie mirent aux prises les deux villes, la deuxième moitié du siècle fut une période de croissance. 3.
Croissance économique. L'essentiel est ainsi en place vers 1251 pour que l'agglomération du Puy-Saint-Front prenne comme ville un nouveau et décisif départ. Elle s'est fortifiée depuis une date impossible à préciser, englobant ses différents noyaux constitutifs. Bien qu'on ne puisse en déterminer les causes et le processus, il est sûr que la deuxième moitié du X I I I 6 siècle a été déterminante pour la croissance du PuySaint-Front. Cette période s'inscrit d'ailleurs dans le mouvement général de prospérité qui se développa alors dans toute l'Europe occidentale et qui s'accompagna à la fois d'un notable développement des villes et d'une très forte expansion démographique. Ici, comme en certaines autres villes, disparaissent à l'intérieur des remparts les espaces vides et les jardins mentionnés dans les documents de 1240 et des deux décennies précédentes. C'est seulement à travers les noms des habitants que l'on peut étudier le peuplement de la ville, son développement économique et ses premières structures sociales. Sur le relevé de 560 noms de personnes environ que l'on peut connaître au milieu du X I I I E siècle d'après les Registres de Charités 9 et les actes privés qui nous sont parvenus, on obtient les chiffres suivants : 8. R . VILLEPELET, Histoire de la ville de Périgueux et de ses institutions municipales jusqu'au traité de Brétigny (1360), Périgueux, 1908, pp. 16-21, et pp. 198-202. 9. Arch. comm. Périgueux, GG 175 et 176. Ce sont des recueils des cens et rentes dûs par les bourgeois pour financer les deux « Charités » de Mardi-gras et de Pentecôte. Ces charités consistaient en distribution aux pauvrès : viande pour Mardi-gras et pain pour Pentecôte.
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sont des noms de métiers des noms de baptême devenus patronymes des noms de baptême simples des sobriquets des noms géographiques dont 7 sont des noms urbains et 113 des noms géographiques que l'on peut considérer, surtout dans une ville à peuplement ouvert, comme des indications d'origine. Les dénominations par la topographie urbaine sont très peu nombreuses. Il est courant que certaines familles aient reçu la dénomination du quartier qu'elles habitaient et ainsi il y a eu des Larsaut, des Verdu, des Saint-Silain et même des de Lavile. Mais quelques autres familles parmi les premières et les plus largement implantées dans les secteurs dominants du Puy-Saint-Front, ont constitué les premiers notables. Les Lachapelle qui ont tiré leur nom de la chapelle Saint-André, sont dès le début du XIII" siècle, topographiquement centrés entre le cimetière Saint-André, la Clautre, la place du Coderc et le début de la rue Limogeanne. Leur boutique de marchands drapiers s'ouvrait sur la place de la Clautre. Outre leurs activités commerciales, ils avaient des intérêts ruraux : Bernard qui vécut dans la première moitié du XIII* siècle, possédait, entre autres biens, une maison avec un pressoir tout près de la maison munie d'une tour qu'il habitait place du Coderc. Les Laporte, implantés dans ou tout contre l'aire comtale ramènent aux origines mêmes de la porte Taillefer, entrée principale de la ville. Une de leurs branches est toujours restée fixée là. Le nom des Lassalle était attaché à la Salle Grimoart, le nom de la famille Del Pont est lié au Pont de Tournepiche à l'Est de la ville, le « poids » dont le revenu le plus important était représenté par le contrôle du blé, à la famille Del Pes et le marché à la famille Del Merchat. En ce qui concerne la croissance économique, les noms de métiers devenus des patronymes illustrent, au moins partiellement, la formation d'un artisanat et d'un commerce. Ces surnoms de métiers s'appliquaient d'abord aux activités destinées à subvenir aux besoins élémentaires : construction : Peirier (maçon), Fustier (charpentier) ; alimentation : Monier, Panatier (boulanger), Fournier, Mazelier (boucher) ; textile avec Teyschendier (tisserand), Penchenier (peigneur de draps), Ercarpeu (cardeur de laine) ; travail du cuir et des peaux : Sudre (cordonnier), Bastier, Pelicier ; poterie : Olier, Escullier. Une spécialisation du travail des métaux apparaît avec Ferrier, Faure et Fabre (forgeron), Fourbidor (fourbisseur), Escudier (fabricant d'écus), Agulhier (fabricant d'aiguilles). On saisit également, bien qu'en nombre beaucoup plus réduit, quelques artisanats d'un luxe relatif, tel que le fabricant de bourses et de ceintures (Borsier) ou le peintre de bannières 10 . Le commerce d'une certaine p. 273.
10.
On trouvera la liste des noms dans Annales du Midi, 1978, art. cit.,
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ampleur n'apparaît guère qu'avec une famille Mercier dans son sens primitif de marchand en général (d'après l'étymologie latine merces, marchandises) et la mention de cette activité indiquée après quelques patronymes. Il est remarquable, en effet, qu'elle ait donné aussi peu de noms de famille. La signification sociale en est évidente. Mais cela ne doit pas conduire à minimiser l'importance de ce commerce et d'autres indications permettent d'élargir cette catégorie professionnelle qui se situe économiquement au-dessus des rubriques précédentes. La plus fréquente de ces données réside dans le mot estacia ou estatga qui désigne ici tout particulièrement les boutiques des marchands drapiers. Un atelier était adjoint à la boutique dans le cas des couturiers. Toutes se situaient sur la place de la Clautre ou tout proche dans les rues avoisinant immédiatement l'église Saint-Front. Là, se trouvaient aussi les boutiques de changeurs identifiées par le terme de taula. 4.
Croissance démographique : immigration et croît naturel.
Le facteur essentiel de croissance d'une ville jeune et en développement est constitué naturellement par un apport extérieur considérable. En faisant appel aux noms connus des habitants de la ville autour de 1250 qui sont des noms géographiques, on peut saisir au moins l'installation des dernières générations du xii* siècle. On a tenu, en dehors de ces chiffres, comme trop incertains à localiser avec précision, les noms de formations végétales, d'accidents de terrain et de quelques lieux-dits (tels que Brousse, Labrousse, Breuilh, del Bosc, Lafaye...) qui se retrouvent partout nombreux en Périgord. Ces microtoponymes qui sentent le terroir sont en relation avec le travail de la terre représenté en ville par la classe numériquement importante des laboratores. Toutefois, jl importe de souligner, d'autre part, que l'exiguïté de ces toponymes sur le terrain est le signe d'une migration à courte distance comparée aux noms de paroisses, de villes ou de provinces. La majeure partie des immigrants est venue des paroisses et des manses des campagnes situées dans un rayon de 20 à 35 kilomètres de la ville. On peut citer les BourdeiUes, Brantôme, Agonac, Prayssac, Champcevinel, Savignac, La Boissière, Ans, Auberoche, Cern, Sanilhac, Grignols, Saint-Astipr, entre autres. Cette importante attraction de ruraux n'a guère dépassé au Nord la Dronne, à l'Est Savignac et le pays d'Ans ; elle n'a pas atteint la Vézère ni la Dordogne au Sud et s'est arrêtée à l'Ouest aux environs de la Double. Le second cercle, environ le double du précédent, soit 40 à 65 kilomètres de rayon, a donné par exemple les familles Nontron, Lanouaille, Hautefort, Salignac, Abzac, Limeuil, Lopchac. Les noms d'origine de Limoges, Lemozi, d'Alvernha ou Rodés marquent la distance extrême de l'attraction primitive de la ville. La présence d'une famille Breto qui fit souche longuement dans la ville, est le premier signe d'un courant qui se développera largement aux périodes suivantes. Celui d'Armanhac pose un problème
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d'unions entre familles de la noblesse qui n'est pas encore tout à fait résolu, mais dont la présence à Périgueux peut, semble-t-il, s'expliquer par une union avec les Lassalle. Ainsi donc, pour cette première impulsion de la croissance du Puy-Saint-Front, l'attraction urbaine a été réduite. C'est la zone rurale qui a donné à celle-ci la majeure partie de sa population primitive. Les provenances plus lointaines ne représentent que des cas isolés mais sont déjà le signe des directions qui vont se préciser et s'amplifier. Si nous effectuons le même compte en 1330, au moment du maximum démographique, on observe à la fois un élargissement de l'attraction de la ville 11 et une forte immigration d'artisans visible surtout (mais peut-être la répartition documentaire y est-elle pour quelque chose), dans la décennie 1320-1330. Il y a là, cependant, un mouvement tout à fait comparable à celui de la décennie 14801490 pour laquelle on ne se heurte pas à la même irrégularité des documents. En ce qui concerne les provenances géographiques des immigrants, l'auréole s'est beaucoup élargie par rapport à la première moitié du xiir* siècle. Le rayon de 25-35 kilomètres autour de la ville fournit, certes, toujours, le contingent le plus considérable. Le Périgord oriental et méridional est présent avec Alvera (Saint-Alvère), Bergerac, Belvès, del Bugasso (Bugassou, hameau de la commune de Belvès), comme dans les régions de la Dronne et La Nouaille. Vers le Quercy et le Bas-Limousin, on trouve des Cahors et Briva, et plus à l'Est encore Montanha qui désigne les montagnards d'Auvergne ou « de la Lozère ». Vers le Sud-Est, on voit s'élargir, bien qu'à une moindre densité, les origines des migrants à Narbonne et Avignon. Vers le Nord, on trouve des origines plus diversifiées que le Lemozi du xin* siècle, avec Limoges, Le Daurat, Argenton, Aubusson, puis Berri, Corbeil, Ponteyza (Pontoise), des le Francès ou Fransa, plusieurs le Picard, des Borgonh et le Borgonho. De l'Ouest, Villaboys, Engolisma (Angoulême) et des Lengolmes (Angoumois), Pictavinus (Poitevin), du Sud de la Garonne Gascho (le Gascon), Grandalanna (Grande Lande), Basco (le Basque), Bigorre. Des étrangers aussi apparaissent : l'Aleman, l'Anglais ou Langlès, Sardeus qui est peut-être le Cerdan comme Sarda dans les villes du Languedoc, Arrago (d'Aragon), Espanhol et Lespagnol, Estorga, et aussi de Bolonha et le Bolonès, Liguria, Romanha, Rome qui est peut-être seulement un pèlerin étant allé à Rome. Quelques noms aussi, sans marquer une provenance, ont des consonances italiennes : Bardi, Bardino, Bona Senha, Bonifaci, Urdimala. Parallèlement, mais dans une proportion assez difficile à préciser, l'accroissement naturel de la population semble s'être poursuivi et 11. En 1330, l'observation porte sur 345 noms de familles d'origine géographique.
LA CROISSANCE IDE PÉRIGUEUX
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même accéléré. Avec l'échantillon des familles que nous avons pu reconstituer sur des renseignements suffisants ou pour lesquelles nous possédons des testaments, on aboutit à des moyennes d'enfants par familles qui paraissent significatives : jusqu'à 1250 = 3,5 enfants par famille 1250-1280 = 3,8 1280-1300 = 4,3 1300-1315 = 3,22 1315-1330 = 2,47 1330-1345 = 2,36 1345-1360 = 1,9 La généalogie de la famille comtale 12 donne elle-même une image intéressante de cette tendance : Hélie V (v. 1166-1208) = 3 enfants Archambaud I (1208-1212) = 0 Archambaud II (1212-1239) = 3 enfants Hélie VI (1239-1251) = 3 Archambaud III (1251-1295) = 7 Hélie VII (1295-1311) = 8 L'examen de ces quelques chiffres touchant les familles de la ville suggère l'idée que la récession qui a débuté en 1330 n'est pas due seulement à des conditions économiques ou biologiques défavorables. La dimension des familles a sa large part, la baisse du coefficient familial se manifestant dès le début du xiv° siècle. A l'inverse, des coefficients familiaux particulièrement élevés ont été au x i i i * siècle un notable élément de croissance. *
• •
En 1330, la ville du Puy-Saint-Front a atteint quantitativement son apogée démographique, soit 2 445 familles, chiffre que de longtemps, elle ne retrouvera pas. Le remarquable épanouissement de la ville au début du xiv* siècle est la résultante de facteurs multiples. Le choix politique a ici joué un rôle primordial qui se suit aisément dans les textes. Les autres facteurs sont beaucoup plus difficiles à cerner. La croissance économique, autant que par sa propre dynamique, pourrait s'expliquer par des mutations sociales réussies au sein de la petite noblesse régionale. Quant à la croissance démographique antérieure au x i i i " siècle, on n'en peut rester, hormis les migrations, qu'au domaine des probabilités. Ariette
12.
LAMARIE, o u v r . c i t é , t. I, p. 6 3 .
Higounet-Nadal
20
A. HIGOUNET-NADAL
RESUME Périgueux se situe dans une région d'habitat très ancien et continu. Au milieu du xiii* siècle, on la voit constituée de deux villes distinctes, la Cité et le Puy-Saint-Front. Celle-ci, la plus récente, de formation spontanée, apparaît alors en pleine éclosion. Son développement est dû à la conjonction de multiples facteurs : sa situation sur la transversale La Rochelle-Montpellier ; sa qualité de « tête » du comté ; son engagement envers le roi de France en 1204 qui a fait de ses bourgeois des < bourgeois du roi >. Ce dernier événement politique a été capital pour sa croissance démographique et économique. L'aire d'attraction de la ville, plus restreinte qu'elle ne le sera aux xrv* et xv* siècles, présente le maximum habituel dans le rayon 25-35 kilomètres, mais des origines lointaines s'observent aussi. Les fécondités établies sur un échantillon de familles font ressortir des coefficients élevés, en croissance jusqu'à 1300. Elles ont contribué, avec une immigration importante, à expliquer le surpeuplement de la ville du premier quart du xrv* siècle.
SUMMARY Pdrigueux is situated in a region in which the habitation is both ancient and continuous in time. In the middle of the XIII century, it was seen to be composed of two distinct towns, the ancient heart of the town and the town of Puy-Saint-Front. The latter and more recent was formed spontaneously and thus developed rapidly. Its development is due to a combination of many factors such as: its being situated on the transversal between La Rochelle and Montpellier; its position as the « head » of the county; its bond with the King of France in 1204 which permitted its citizens to become « King's citizens ». This final political arrangement was of capital importance in its demographic and economic growth. The area from which it attracted its population, although more limited than that of the XIV and XV centuries represents a maximum for the radius of 25/35 km. However, reasons from further afield may be noted. The number of births noted for a sample of families highlights the elevated coefficiants of growth which extended to 1300. This contributed a!ong with considerable immigration to the explanation of the overpopulation of die town in the first quarter of the XIV century.
MÉTHODES, BILAN PROVISOIRE ET PERSPECTIVES DES RECHERCHES EN COURS SUR LES VILLES PIÊMONTAISES AUX XIVe ET XVe SIÈCLES par Rinaldo COMBA
L'évolution des études consacrées à la démographie historique du Piémont médiéval a été à peu près semblable à celle connue par l'ensemble de la démographie historique médiévale. L'intérêt pour l'ordre de grandeur démographique des villes, pour leur densité par imité de superficie, pour les dimensions globales de la population piémontaise qui avait été celui des auteurs du xix" et de la première moitié du xx* siècle, — de L. Cibrario à G. Prato et à K J . Beloch 1 — s'est enrichi, après 1962, des résultats des recherches de R.H. Bautier et de C. Rotelli sur la population de Chieri, sa densité par ménage et ses rapports avec l'évolution des structures agraires à la fin du Moyen Age 2 . Ces travaux, comme R.H. Bautier l'avait souhaité, auraient dû être complétés par l'étude approfondie des archives municipales de Chieri et replacés « dans l'évolution démographique, sociale, économique de la ville » 3 . En effet, le travail de Rotelli permettait
1. Pour les études de démographie historique sur le Piémont et leurs limites : R. COMBA, La popolazione in Piemonte sul finire del medioevo, Torino 1977, pp. 12-13 ; Id., La storia del territorio, dell'economia e della cultura materiale nella medievistica relativa al Piemonte meridionale dal Settecento a oggi, dans Mezzo secolo di studi cuneesi, Cuneo 1981, pp. 89-135. 2. R.H. BAUTIER, La valeur démographique du feu d'après des recensements de Chieri (Piémont) : 1473-1530, dans Bulletin philologique et historique (jusqu'à 1610), 1962 (1965), pp. 235-246; C. ROTELLI, L'economia agraria di Chieri attraverso i catasti dei secoli X1V-XV, Milano 1967. 3. R.H. BAUTIER, La valeur,
op. cit., p. 242.
22
R . COMBA
de saisir grosso modo la courbe de l'évolution démographique de la cité, mais l'auteur n'allait pas plus loin dans l'exploitation de la masse écrasante de la documentation conservée : devant une telle masse il fallait s'en tenir à l'interprétation de données globales. Il était évident que si les sources donnaient beaucoup plus de renseignements qu'autrefois, elles étaient largement sous-exploitées ; mais il n'y avait pas que cela. Avant le milieu du siècle elles avaient été aussi, comme l'ont montré les recherches entreprises il y a plus de dix ans, largement mal-exploitées Cette prise de conscience provoqua, en Piémont aussi, ce « retour aux sources » que M. Aymard et G. Delille ont identifié comme la « véritable mutation de la démographie historique italienne au cours des dernières années » 6 . Toutefois ce retour a été moins favorable aux villes qu'aux campagnes. La lenteur inévitable des dépouillements des cadastres et des listes nominatives des archives urbaines et les difficultés rencontrées pour une reconstitution automatique des familles (changements de l'orthographe des noms, substitutions de personnes, migrations) risquaient d'imposer aux travaux les limites d'autrefois. Une première mise au point des résultats des recherches en cours a du moins permis de tirer des conclusions provisoires sur la population globale de certaines villes, l'évolution démographique et le rôle vital de l'immigration. Il a été aussi possible de mettre au point une méthode d'exploitation des cadastres piémontais, vérifiée par l'échantillon d'un village (Levaldigi près de Savillan), qui est maintenant à la base des études que l'on mène sur les villes piémontaises à la Faculté des Lettres et de Philosophie de l'Université de Turin 8 . Avant d'exposer cette méthode, il faut préciser que la démographie médiévale a été considérée à Turin comme l'expression des relations sociales, économiques, politiques et culturelles. Son étude s'est révélée dans les dernières années un moyen fondamental de compréhension des processus qui réglèrent les transformations de la société piémontaise à la fin du Moyen Age. Les sources les plus nombreuses qu'on peut utiliser en Piémont à cette fin appartiennent à trois genres différents : les comptes de châtellenies, les « ordinati » (c'est-à-dire les procès-verbaux des conseils municipaux), les cadastres (registra) avec leurs résumés (les libri summarum registri). L'attention s'est portée en particulier sur lés
4. R. MOLS, Introduction à la démographie historique des villes d'Europe au XVIir siècles. Louvain, 1956. 5. M. AYMARD, G. DELILLE, La démographie historique en Italie : une discipline en mutation, dans Annales de démographie historique, 1977, p. 452.
du XIV
6. R. COMBA, La popolazione, art. cité, pp.
71-75.
RECHERCHES SUR LES VILLES PIÉMONTAISES
23
listes nominatives données par les cadastres et parfois par les comptes des châtellenies 7 . Puisqu'il s'agit aujourd'hui de répondre à des questions que les élaborations chiffrées des dénombrements médiévaux ne permettent pas de résoudre, on s'efforce, par une exploitation plus approfondie des données des cadastres, de passer de l'analyse macrodémographique à la micro-démographie, compte tenu, pour la plus grande partie des villes piémontaises, de l'inexistence de véritables archives notariales. Dans une telle situation l'analyse des cadastres, qui, seuls, décrivent dans le détail les biens meubles et immeubles des contribuables de la ville, est apparue fondamentale surtout parce qu'elle permet d'établir des corrélations fructueuses entre phénomènes démographiques, sociaux et économiques. C'est justement vers une histoire démographique capable de s'associer plus profondément qu'autrefois à l'histoire économique et sociale que les recherches sont dirigées. Nos travaux portent maintenant sur les trois petites villes de Turin, Coni et Savillan, dont, à vrai dire, Turin seulement était au Moyen Âge appelée civitas, tandis que Coni n'eut ce titre qu'en 1559 et Savillan peu avant 1590 8 . La chose était due au fait que Turin était déjà une civitas à l'époque classique et que pendant le Moyen Age elle était le siège d'un évêché. Coni et Savillan se développèrent au contraire pendant les derniers siècles du Moyen Age et n'atteignirent un niveau démographique semblable à celui de Turin qu'à la fin du xiv* siècle. Si on considère les fonctions urbaines, on ne peut nier cependant que, comme Turin, Coni et Savillan étaient, selon une classification très connue 9 , des petites villes, même si elles n'étaient pas appelées civitates. Pour la reconstruction de leur évolution démographique, nous disposons de sources partiellement différentes. Quoique Coni soit riche surtout en listes nominatives de feux de la moitié du xv e siècle et Savillan en cadastres et libri summarum registri qui s'échelonnent avec une certaine régularité après 1369, il est possible de comparer dans les deux cas les données tirées des comptes de châtellenie avec celles des cadastres. A Turin on dispose d'une importante série de
7. Il faut préciser qu'avec le mot cadastre nous indiquons des rôles d'imposition dont la structure est presque semblable à celle des « estimes » étudiées par Ph. W o l f f (Les estimes toulousaines des XIV' et XV siècles, Toulouse 1956). Sur l'évolution des catasti italiens à partir du xm* siècle : R. Zangheri, Catasti e storia della proprietà terriera, Torino 1980. 8. F. Gabotto, Storia di Cuneo, Cuneo 1898, p. 174 ; C. T u r l e t t i , Storia di Savigliano, I, Savigliano 1879, p. 827, 9. C f .
Mols,
Introduction
çit,
24
R.
COMBA
cadastres à partir de 1349 10 . Dans les trois cas ces sources sont doublées de plusieurs volumes d' « ordinati », qui sont nombreux à Savillan et surtout à Turin. La confrontation des courbes de la population globale des trois villes est importante pour envisager certaines transformations économiques, sociales et politiques de la société piémontaise entre le Moyen Age et les Temps Modernes, mais, sauf quelques données d'ensemble, nous n'avons pas pu jusqu'à maintenant exploiter toutes les sources dont nous disposons. Les recherches portent donc sur la fin du xiv" siècle et les premières années du xv" pour Turin et Savillan, et sur le milieu du xv* siècle pour Coni. Pour Coni, on ne connaît pas le chiffre total de la population avant 1388, mais on sait qu'entre 1372 et 1382 le dépeuplement de la ville entraîna une réduction de l'enceinte urbaine. D'après les comptes de la châtellenie, Coni et trois villages qui en dépendaient (Bernezzo, Cervasca et Vignolo) comptaient 861 feux en 1388, 649 en 1415, 892 en 1443. A cette date, la ville comptait 535 feux, mais il est possible que dans ce chiffre on ait compté aussi environ 80 feux qui se trouvaient dans les campagnes. En 1571 la ville comprenait 6 154 bocche. La population avait donc presque doublé en cent trente ans environ. Le cas de Savillan est un peu différent. Toujours d'après les comptes de la châtellenie, on sait que la population de la ville et des trois villages qui en dépendaient alors (Genola, Levaldigi et Solere) diminuait dès les premières années du xiv* siècle : 1 449 feux en 1320 et 1 324 en 1332. Dans la deuxième moitié du siècle, après une réduction du district, les feux de Savillan. Levaldigi et Solere passèrent à 777 en 1378 et à 835 en 1389. Ils descendirent encore à 637 en 1419, mais remontèrent à 792 en 1462 n . Cette évolution est confirmée dans ses lignes générales par les cadastres et les libri summarum registri que j'exploite actuellement, dans le cadre de nos recherches, avec P.M. Deagostini : 981 contribuables en 1369-1370, 844 en 1394, 764 en 1405 et 759 en 1416. Mais les cadastres permettent aussi de nuancer ces données globales, comme on le verra plus loin.
10. Les cadastres de 1349-1350 n'ont pas été conservés entièrement. Ils ont été étudiés par A . - M . PASCALE, Fisionomia territoriale e popolazione nel comune di Torino sulla base del catasto del 1349, dans Bollettino storico-bibliografico subalpino, LXXII, pp. 199-258. 11. R. COMBA, La popolazione, art. cité, passim. Les cadastres et les libri summarum registri de Savillan que nous exploitons maintenant se trouvent dans les Archives municipales de cette ville, coll. V, catasti. Les données sur Coni à la moitié du xv* siècle sont tirées des Archives d'Etat de Turin, m* section, art. 34, Conti della castellania di Cueno, mazzo 13, rot. 13.
25
RECHERCHES S U R LES VILLES PIÉMONTAISES
A Turin on compte 717 contribuables inscrits au registrum en 1363, 723 en 1393, 625 en 1415. Les cadastres postérieurs n'ont pas encore été exploités, mais on peut se faire une idée de la croissance démographique du xv* siècle grâce aux calculs de C. Rotelli qui portent seulement sur les propriétaires fonciers : ils seraient 563 en 1363, 952 en 1464, 1225 en 1483. Donc, après la récession, la croissance démographique de la ville est évidente. Elle est confirmée par les évaluations de la population de Turin au x v r siècle qui lui attribuent 15 000 habitants au moins 12 . Tout cela ne s'inscrit pas seulement dans les oscillations classiques de la population piémontaise aux xvi" et xv* siècles, c'est-àdire de la récession, assez brusque à partir de 1349-1350, à l'essor qui suit les années 1415-1420. On est aussi tenté de voir dans ces chiffres le résultat de l'épanouissement d'une capitale : Turin, qui en 1415 avait moins d'habitants que Savillan et Chieri, les dépasse de beaucoup pendant les cent cinquante années qui suivent et, devient la ville piémontaise la plus importante du point de vue démographique. Mais de quelle façon cet essor démographique est-il lié aux transformations économiques et sociales de la ville ? Tout cela reste à étudier. L'étude des cadastres les plus anciens amène du moins à mieux connaître les processus de renouvellement de la population pendant les décennies de déclin démographique. En confrontant plusieurs cadastres, on peut vérifier si les noms recensés se répètent ou si, après l'extinction d'une partie d'entre eux, des noms nouveaux leur sont substitués. Si dans le même quartier des contribuables, à plusieurs années de distance, portent le même nom, on est en droit de penser à la survie de leur groupe familial. Seuls posent un problème les noms qui évoquent un métier (Fornerius, Tisserandus, Barberius, Batlana, etc.), ou sont composés d'un toponyme (de Sancto Mauro, de Clavaxio, etc.). Mais dans ces cas, qui du reste sont peu nombreux, il est souvent possible de disposer d'autres éléments de confrontation, surtout par l'analyse du patrimoine immobilier, et de réduire ainsi la frange d'incertitude. Cette méthode, déjà appliquée en Piémont il y a quelques années à l'analyse de l'évolution démographique du village de Levaldigi, a été plus récemment adaptée par P. Carminé aux deux plus anciens cadastres qui aient été conservés intégralement
12. C. ROTELLI, Una campagna medievale. Storia agraria del Piemonte fra
il
1250
e
il
1450,
Torino
1973,
pp.
352-364;
G.
PRATO,
Censimenti
e
popolazione in Piemonte nei secoli XVI, XVII, XVIII, dans Rivista italiana di sociologica, X, 1906, p. 77. Cf. G. LEVI, Sviluppo urbano e flussi migratori nel Piemonte del 1600, dans Ricerche di storia dell'arte, 9 (1978-1979), pp. 25-34.
26
R.
COMBA
dans les Archives municipales de la ville de Turin 13 . Ces cadastres, de 1363 et de 1415, donnent une liste nominative complète des possesseurs de biens mobiliers et immobiliers. Les données qu'ils fournissent, par la confrontation des noms qui y sont recensés, peuvent être aujourd'hui complétées par une troisième liste, ignorée jusqu'ici, qui se trouve dans un résumé de 1393. Cette liste permet d'intégrer un cadastre de 1391 qui n'a été conservé que pour trois quartiers de la ville et qui, à cause de cette lacune, n'a pas été exploité par P. Carminé. Les renseignements ainsi ajoutés concernent la mort ou l'émigration éventuelles, entre 1393 et 1404, des contribuables recensés en 1391 et permettent aussi, comme on le verra plus loin, de préciser nos connaissances sur le renouvellement de la population. Si on confronte les listes de 1363 et de 1415, on constate qu'à Turin, sur 415 noms recensés en 1363, 222 (c'est-à-dire 53 %, correspondant à 41 % des contribuables) ont disparu en 1415 tandis que 169 (40 % des noms de 1363, 54 % des contribuables) se maintiennent. Quand on rapporte les pourcentages aux chiffres de 1415, on observe que 320 contribuables seulement, c'est-à-dire 51 %, portent un nom déjà recensé en 1363, la partie restante (44 %) étant surtout constituée de noms nouveaux. A Savillan on constate la disparition, entre 1369-1370 et 1394, de 198 noms (c'est-à-dire de 40 %, correspondant à 24 % des contribuables) et la survivance de 283 noms seulement (58 % en 1369-1370), qui pourtant constituent 75 % des noms mentionnés en 1394. A cette date il y a 25 % de noms nouveaux qui correspondent à 15 % des contribuables de la ville. Une analyse économique et sociale plus poussée montre pourtant que le phénomène de l'extinction des noms intéresse surtout les contribuables dont les biens immobiliers sont peu importants ou inexistants. A Turin, entre 1363 et 1415, les noms disparus sont distribués de la manière suivante : 60 % environ concernent des personnes dépourvues de biens immobiliers, 48 % des propriétaires de moins de 10 journées de terre (c'est-à-dire de moins de 3,5 hectares environ), 26 % ceux qui possédaient de 10 à 40 journées et moins de 14 % ceux qui avaient plus de 40 journées. Le taux de déracinement des contribuables ayant moins de 10 journées de terre est donc beaucoup plus haut que la moyenne (41 %), tandis que celui des propriétaires de plus de 10 journées est beaucoup plus bas (cf. tableau 1). A Savillan
13. P. CARMINE, Accertamenti demografici sul comune di Torino fra il Trecento e il Quattrocento, ouvr. dact. inédit conserve à l'Institut d'Histoire (Section Médiévale) de la Faculté des Lettres et de Philosophie de l'Université de Turin, Turin 1979. Nous exprimons notre gratitude à l'auteur de cette thèse qui nous a autorisé à tirer beaucoup de données et notamment les tableaux 3 et 5. Les cadastres de Turin et le résumé de 1393 exploités ici sont conservés dans' les Archives municipales de la ville de Turin, coll. V, catasti.
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RECHERCHES SUR LES VILLES PIÉMONTAISES
TABLEAU X Contribuables de Turin mentionnés dans l e c a d a s t r e de 1 J 6 J e t dont l e s noms ont disparu en 1415« Iournées de t e r r e possédées
n u
Contribuables en 1363 184 # 25.67 Contribuables dont l e s noms ont d i s paru en 1415 100 % des d i s p a r u s pour chaque caté— gorie 59,78 °jc des d i s p a r u s par rapport au t o t a l des d i s p a r a s 33,67
de 0 à 5
de 5 à 10
de 10 à 20
de 20 à 40
de 40 plus de à 100 100
203 28,31
96 13,39
85 H.86
77 10,74
52 7>25
20 2,78
717 100,08
96
48
26
17
5
5
297
47.29
50,00
30,58
22,07
9,61
25,00
41,42
32,32
16,16
8,75
5,72
1,69
1,69
100,00
TOtal
il est impossible, à ce moment, de connaître les journées de terre possédées par tous les habitants. On sait toutefois qu'entre 1369-1370 et 1394 ont disparu 4 2 % des noms des contribuables dont la summa registri allait jusqu'à 3 livres, 29 % de ceux dont le revenu imposable allait de 3 livres et 1 denier à 4 livres, 25 % de 4 à 5 livres et seulement 10 % de ceux dont la summa registri allait de 10 à 20 livres. Par contre, aucun nom de contribuable dont le revenu imposable dépassait les 20 livres n'a disparu (cf. tableau 2). Tout cela est TABLEAU I I Contribuables de S a v i l l a n mentionnés en 1369-70 dont l e s noma ont disparu dans le l i b e r summarum r e g i s t r i de 1394. Rerenu imposable j u s q u ' à (eu l i v r e s ) : 3 Contribuables en 1369-70 f.
73 7,44
Contribuables dont l e s noms ont d i s paru en 1394 31 des d i s p a r u s pour chaque c a t é gorie 42,47 des d i s p a r u s p a r rapport an t o t a l des d i s p a r u s 12,65
de 3 ~ 4
de 4 fe 5
de 5 à 10
de 10 p l u s de à 20 20
378 38,53
219 22,32
171 17,43
55 5i,61
112
56
23
29,63
25,57
45,71
22,86
incorimi
Total
42 4,29
43 4,38
981 100,00
6
—
17
245
13,45
10,>91
—
39,53
24,97
9,39
2,,45
—
6,94
100,00
confirmé, aussi bien à Savillan qu'à Turin, par les pourcentages calculés sur le total des disparus lesquels sont inversement propor-
28
R . COMBA
tionnels à la quantité de biens immobiliers possédés. Il y a donc eu un gros renouvellement de la population qui a intéressé surtout les classes les plus dépourvues de biens. On peut mieux appréhender les caractéristiques de ce phénomène en analysant la liste nominative des contribuables de Turin en 1393. Elle permet en effet de déceler le poids différent du solde naturel et du solde migratoire dans le renouvellement de la population de cette ville à la fin du xiv* siècle. En rapprochant cette liste des cadastres de 1391, on peut reconstituer entièrement le nombre des contribuables (723) de Turin à la fin du xiv* siècle : la liste recense en outre exceptionnellement 73 extravagantes qui, ne possédant pas de biens dans la ville, ne sont pas inscrits sur les cadastres. Ses lacunes, qui portent surtout sur les quartiers pour lesquels on dispose du cadastre, nous privent donc seulement des notes marginales (mortuus est, mortuus est nullis bonis relictis, recessit propter guerram et habitat in..., moratur in, etc.) concernant la mort ou l'émigration de 59 contribuables puisque l'on retrouve ces derniers aussi sur les cadastres. Aucune note ne porte sur les 73 extravagantes. Il est clair, et l'on pouvait s'y attendre, que le but de ces renseignements marginaux n'est pas démographique mais fiscal. Il s'agit d'empêcher la fraude sur les biens mobiliers et immobiliers qui sont évidemment plus difficiles à recenser que les chefs de famille. Sur les 664 contribuables recensés dans la liste de 1393, 128 sont morts avant 1404 et 41 seulement ont émigré. Cela nous est confirmé par une étude plus approfondie des notes concernant les contribuables morts : 21 d'entre eux seulement (soit 16 %) laissent leurs biens à des personnes qui portent le même nom, tandis que 51 (c'est-à-dire 40 %) les laissent à des héritiers qui portent un nom différent et 46 (35 %) n'ont aucun héritier dans la ville pour les raisons les plus diverses. Les héritiers de huit contribuables seulement ont émigré. Il ressort de tout cela que le déclin démographique de la ville et le déracinement des familles sont beaucoup plus liés à la mortalité qu'à l'émigration. Une analyse plus poussée permet aussi de nuancer certains aspects sociaux déjà soulignés par l'étude de P. Carminé, L'émigration aussi, comme il est naturel, porte surtout sur les classes sociales les plus défavorisées : 75 % des émigrés appartenaient aux contribuables recensés pour une summa registri ne dépassant pas les 10 livres et, parmi eux, 39 % arrivaient à peine au minimum imposable (3 livres pour les mâles). Le renouvellement de la population s'effectue pourtant aux dépens des couches sociales les plus dépourvues. Il s'agit des mêmes couches qui permettent à la ville de remplir les vides démographiques provoqués par l'extinction naturelle que l'on estime, à juste titre, spécialement forte dans les années d'épidémie.
RECHERCHES SUR LES VILLES PIÉMONTAISES
29
L'immigration à Turin, telle qu'on l'entrevoit à travers le cadastre de 1391, est intense : sur les 580 contribuables des trois quartiers pour lesquels on peut la reconstituer, il n'y a pas moins de 147 habitatores immigrés à Turin depuis un temps plus ou moins long. Parmi eux 125 (c'est-à-dire 85 %) sont recensés pour une summa registri qui ne dépasse pas 10 livres et 70 atteignent à peine le minimum imposable de 3 livres. Cette immigration, telle qu'on peut l'interpréter d'après les données globales des cadastres de 1363, 1391-1393, 1415, n'est pas constante : les habitatores constituent 12 % des contribuables de 1363, environ 25 % de ceux de 1393 et seulement 8 % de ceux de 1415. Si la population de la ville n'a pas baissé entre 1363 et 1393, cela semble dû à la masse d'immigrants qu'on y trouve. Mais beaucoup de choses restent à expliquer. On espère y parvenir au moyen d'une exploitation plus poussée des documents cités et d'un recensement complet des habitatores repéré dans les « ordinati », le tout suivi d'une confrontation systématique avec les données déjà obtenues enfin, nous étudierons les mentions de métiers et d'origines des immigrés. Sur quelques-uns de ces points pourtant il est probable que les recherches en cours ne pourront que nuancer les indications qui ressortent déjà de l'analyse des listes de 1363, 1393, 1415. Uhinterland migratoire de Turin paraît, dans ces années, limité aux campagnes environnantes, où refluent presque tous les émigrants, parmi lesquels 25 % — il faut le rappeler — s'étaient récemment installés dans la ville (cf. tableau 3). En fait, on connaît avec certitude le pays d'origine TABLEAU I I I Contribuables de Turin ânlgrâs entro 1393 et 1404
Quarti er
Revenu imposable (en l i v r e s )
Émigrés
•jusqu'à
3
P. p. P. P.
Puoterla Doranea fuova Marmorea Total
10 18 5 8 41
"4 4 (?)
_2_
11
6 4
2 l i
de 3 à 10
de 10 à 20
p l u s de 20
3 9
1
2 15
de 55 sur 147 des immigrés : 80 % environ d'entre eux viennent d'une localité qui n'est pas éloignée de plus de 25 km de Turin. Ce pourcentage semble également confirmé par les noms des habitatores qui évoquent un village ou une ville dont on ignore pourtant s'il s'agit du lieu d'origine du nouvel habitant ou de ses ancêtres. Il faut ajouter que 16 % environ des immigrés viennent d'un pays distant de 25
30
R. COMBA
à 50 km de Turin. Il n'y a pas, même parmi les noms des habitatores qui évoquent un pays d'origine, de nouveaux habitants qui arrivent d'une localité située à plus de 100 km de la ville. Parmi ces immigrés on trouve quelques artisans qui viennent chercher du travail à Turin, mais la plus grande partie est probablement constituée de paysans qui ne possèdent pas de terre ou qui en possèdent très peu. Sur 147 habitants récemment arrivés dans la ville, en 1391 on compte seulement 3 tisserands, 3 maçons (dont un magister murator), 3 forgerons, 2 meuniers, 2 taverniers, 1 boulanger, 1 boucher, 1 vigneron, 1 lainier (lanaterius). Le tableau d'ensemble est significatif : Turin paraît exercer ses fonctions urbaines d'une manière moins évidente que certaines villes des alentours et avoir moins d'attraction sur la main-d'œuvre qualifiée qu'une ville comme Chieri ou comme Coni. ••
Ainsi les recherches sur la démographie des villes piémontaises du Moyen Age se rattachent aux études sur les campagnes et les montagnes qui ont été entreprises depuis quelques années 14 . L'attention se porte particulièrement sur les mouvements migratoires. Dans ce cadre il faudra pousser plus à fond les recherches sur les extravagantes qui jusqu'ici avaient échappé faute de documentation, aux chercheurs. On constate maintenant qu'ils constituaient à Coni, comme à Turin, presque 10 % de la population globale des deux villes. Ce pourcentage comprend à coup sûr la population la plus flottante des villes piémontaises : pauvres gens, habitatores, marginaux surtout (nichil habentes, qui non habentur nec reputantur pro habitatoribus), mais aussi — on le voit à Coni — quelques marchands, médecins, maîtres d'école. L'étude du renouvellement démographique débouche donc de plus en plus sur celle des marginaux et de la population flottante. Loin de se limiter à l'immigration dans les villes, elle s'élargit au recensement et à l'analyse des déplacements de population dans toute la région piémontaise. C'est dire que le but de la recherche n'est plus seulement l'analyse interne du mouvement démographique de quelques villes, mais l'esquisse, dans un cadre d'ensemble, d'une première hypothèse d'interprétation des mécanismes réglant la transformation et le développement de la société et de l'économie piémontaise à la fin du Moyen Age. Rinaldo
COMBA
14. R. COMBA, Il problema della mobilità geografica delle popolazioni montane attraverso un sondaggio sulle Alpi marittime, dans Medioevo rurale,
cur. V . FUMAGALLI et G .
ROSSETTI,
Bologna
1980, pp.
299-318.
RECHERCHES SUR LES VILLES PIÉMONTAISES
31
RÉSUMÉ Les sources disponibles pour l'étude démographique du Piémont médiéval sont restées très mal connues et, quand elles étaient utilisées, largement mal exploitées. Le renouveau a d'abord concerné les campagnes ; actuellement les études urbaines se développent, fondées notamment sur les listes nominatives données par les cadastres et parfois par les comptes des châtellenies. Pour cette époque, les analyses portent sur trois petites villes : Turin, Coni et Savillan. Elles montrent l'importance de leur renouvellement démographique dû davantage à la mortalité qu'à l'émigration. En contrepartie, il faut une importante immigration. Une grande place est faite aux aspects sociaux. Parce que l'étude du renouvellement démographique débouche de plus en plus sur celle des marginaux et de la population flottante ; et parce qu'une bonne interprétation nécessite une vision d'ensemble de l'évolution démographique, économique et sociale du Piémont à la fin du Moyen Age.
SUMMARY The sources available for the demographic study of medieval Piémont have remained little known and when such sources were employed they remained badly exploited. The renewed study concerned firstly the rural areas but now urban studies are beginning to develop. Such studies are based mainly on the lists obtained from the public registers and from time to time on the accounts of the local land-owners. For this era, the analyses concern three small towns : Turin, Coni and Savillan. The importance of their demographic renewal due more to mortality than to emigration is shown. On the other hand, a great immigration was important. Great importance is given over to the social aspects. This is due to demographic renewal being concerned more and more with marginals and with the floating population ; and because a thorough interpretation necessitates an allover view of the demographic, economic and social evolution of Piémont at the end of the Middle Ages.
L'IMMIGRATION URBAINE AU XVe SIÈCLE : BOLOGNE p a r A. G U E N Z I
Entre le xn" et le xiv" siècle de nombreux centres urbains se développèrent en Italie 1 . Les phénomènes migratoires vinrent certainement en aide à l'accroissement naturel de la population urbaine qui, tout en étant fort, demeura assez irrégulier. Durant l'époque moderne le bilan démographique des villes, chroniquement négatif, demanda nécessairement un afflux de population provenant en grande partie de la campagne. Bologne s'insère dans ce schéma : aux xvn* et X V I I I * siècles, le nombre de morts y dépassa généralement celui des nés vivants 2 . L'insuffisance des sources démographiques ne permet pas de prouver le même phénomène pour la fin du Moyen Age. Cependant, compte tenu des épidémies et des famines on peut penser que, au moins à partir du milieu du xiv" siècle, le comportement démographique de la ville fut analogue sinon plus dramatique. Dans ce cadre l'immigration vers la ville constituait une variable décisive pour le maintien et l'augmentation de la population urbaine ; malheureusement aucune source ne fait connaître les dimensions numériques des déplacements de population de campagne vers la ville. Indépendamment de ce genre d'immigration interne, il existait
1. H . PIRENNE, Les villes du Moyen Age, Bruxelles 1 9 2 7 . 2. A. BELLETTO«, La popolazione di Bologna dal sec. XV all'unificazione italiana, Bologna, 1961, p. 182.
3
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A.
GUENZI
un phénomène d'immigration externe qu'il est possible de mesurer dans certains cas. Aux Archives d'Etat de Bologne se trouve la série Denunce di coloro che vennero a domiciliare in città e contado8. Cette source, composée de six registres, se réfère en grande partie au xv° siècle, les tableaux du dernier registre seulement concernant le xvi* siècle. La série, dont il ne manque qu'un volume, celui correspondant aux années 1460-1475, permet de reconstruire pour presque tout le siècle le mouvement de l'immigration externe aussi bien pour la ville que pour les campagnes bolonaises. Je limiterai l'analyse à l'immigration vers la ville et ne présenterai pour la campagne que quelques données de caractère général. Cette source présente l'intérêt particulier de fournir d'une manière très précise l'enregistrement du noyau familial, la profession du chef de famille, le lieu d'origine. L'extrême précision de la description des membres de la famille, des liens de parenté, de la présence d'autres personnes (serfs, valets, esclaves...), en arrive parfois à l'enregistrement de grossesses en cours 4 . Ce caractère spécifique de la source renvoie à son origine même : enregistrer les familles qui se présentaient à l'autorité publique pour obtenir l'exemption fiscale totale que le gouvernement de la ville accordait aux immigrés. Une disposition du 10 mars 1408, qui se trouve dans les premières pages du premier registre met en évidence cet aspect : « sascuno forastiero lo quale da mo manzi siguirà ad habitare in la città, contado over destrecto dé Bologna habia e avere debia imunitade e privilegio de imunitade zochelsio e intendasse esser immune et exempto da ogne grevesa reale e personale per diese anni... » B. L'exemption décennale devait donc servir d'encouragement à l'immigration rendue indispensable par les vicissitudes de l'époque.
3. Archivio di Stato di Bologna (A.S.B.), Comune, Ufficio delle Bollette. — Cf. L. SIMEONI, L'ufficio dei Forestieri a Bologna dal secolo XIV al XVI, Atti e Memorie della R. Reputazione di Storia Patria per le province di Romagna, s. IV, vol. XXV (1935), pp. 71-95. 4. Je me sers de deux cas à titre d'exemple : c Nobilis vir et cornes dominus Mannus quondam Mannu de Donatis civis Florentinus... cum sua familia videlicet : Domina Catari na eius uxore ; Curzio, Bernardo, Taucia et Lucretia eius filius ; Benvenuta et Maria eius massarijs ; Bruschetto, Gulielmo, Blaxio, Bomforte et Laurentio eius famulis ». « Johannes quondam Jacobi de Guidenais de Feraria forensis et bacherius... cum usta eius familia videlicet ; Floritula eius uxore pregnante ; Anthonio et Hercule eius filiis ; domia Maria eius matre ». Denunce di coloro..., cit., vol. IV, cc. n.n. registrées respectivement le 4 mars et le 5 octobre du 1451. 5. Denunce di coloro..., cit., vol. I, c. lr. Zochelsio = Chiunque.
L'IMMIGRATION A BOLOGNE
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Un document cité dans ces registres dit qu'en août 1428 la population de Bologne et de ses campagnes était « multum diminuitam, tam propter guerras ac mortalitatum, quam alia adversa dictis temporibus in civitate et comitatu occursa, tam propter multorum tam civium quam comitatinorum (...) discessum a civitate et comitatu » 6 . La dynamique des migrations externes est donc assez complexe : il s'agissait avant tout, à la différence de ce qui se produisait pour les migrations internes à sens unique, d'un flux de personnes qui entraient et d'autres qui sortaient. Les migrations externes, soumises à une politique démographique conjoncturelle, avaient une allure discontinue. Suivant la situation, le pouvoir politique « ouvrait » ou « fermait » l'immigration externe 7 . Mais les lieux d'origine des immigrants éventuels avaient les mêmes problèmes : une zone d'émigration devait à son tour être repeuplée après quelques années. Les vicissitudes internes et la politique démographique de chaque état-cité 8 finissaient par se conditionner entre elles et par déterminer des flux migratoires dont l'importance et les causes devraient être analysées dans un cadre beaucoup plus vaste. La source bolonaise se limitant à enregistrer les « arrivées » ne saisit donc qu'un aspect du complexe phénomène migratoire. Son importance est cependant hors de discussion car il est assez rare d'avoir pour l'époque des informations aussi analytiques sur la structure familiale. Les graphiques n° 1 et n° 2 mettent en évidence que la courbe des familles venues s'établir en ville est identique à celle des familles immigrées à la campagne. Analogie difficile à interpréter si l'on tient compte du fait que l'immigration urbaine ne devait pas simplement résoudre les problèmes de repeuplement mais très probablement remplacer et enrichir aussi les rangs des artisans spécialisés qui constituaient le tissu conjonctif de l'économie urbaine 9 . De toute manière, puisqu'il n'est pas possible d'avoir des renseignements précis, nous présumons qu'il est correct de déduire la sélectivité qui caractérisait certainement l'immigration urbaine, de la comparaison avec l'immigration vers la campagne. Dans la période considérée, pour
6. Denunce di coloro..., cit., voi. II, c. lv. 7. A.I. PINI, Un aspetto dei rapporti tra città e territorio nel Medioevo : la politica demografica « ad elastico » di Bologna fra il XII e il XIV secolo, Studi in memoria di Federigo Melis, voi. I, pp. 365-408. 8. A . ANZILLOTTI, Il tramonto dello stato cittadino, Archivio storico italiano, 1924, pp. 72-105. 9. Sur les corporations des arts et métiers à Bologne, cf. : A. GAUDENZI, Le Società delle Arti in Bologna nel sec. XIII, i loro statuti e le loro matricole, Bollettino dell'Instituto Storico Italiano 21 (1899), pp. 7-129 ; G. FASOLI, Le compagnie delle Arti in Bologna fino al principio del sec. X V , L'Archiginnasio, X X X (1935), p. 237-280 e X X X I (1936), pp. 56-79.
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A. GUENZI
une famille venue s'établir en ville, il y en avait quatre qui se déplaçaient dans le territoire bolonais. Ce rapport ne coïncide cependant pas avec les proportions suggérées par l'exposé du cardinal Anglico en 1371 d'après lequel la ville comptait 8 000 feux contre les 11 000 de la campagne 10 . La population résidente en ville n'était donc pas inférieure de beaucoup à celle des campagnes environnantes, même si l'immigration était plus forte à la campagne. L'immigration en
10. Praecepta ab Anglico episcopo Albanensi, vicario in Romandiola generali, data suo successori de conditione et statu... Civitatis Bononiensis et provinciaram Romandiolae ac Marchiae Anconitanae (ottobre 1371), dans A. THEINER, Code diplomatics domimi temporalis S. Sedis, Roma, 1861-1862, vol. n ,
pp.
527-531.
L IMMIGRATION A BOLOGNE
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ville, assez limitée comme nous verrons par la suite, touchait quasi exclusivement des familles d'artisans et présupposait un système sélectif plus précis. Il faut en outre rappeler l'influence persistante de la migration interne, de la campagne vers la ville. Dans cette optique la campagne bolonaise pouvait très souvent représenter plus qu'un point d'arrivée : une étape dans le parcours vers le centre urbain. Si nous retournons aux graphiques n° 1 et n° 2 nous pouvons remarquer que l'immigration devient plus forte à partir du milieu du xv* siècle, surtout au cours des années allant de 1448 à 1451. L'interruption de la source ne nous permet pas de mesurer le phénomène pour la période allant de 1460 à 1475, cependant, à partir de 1476 et jusqu'en 1490, le nombre de familles immigrées est assez élevé. Comment expliquer cette allure du graphique ? La chronique bolonaise de Ghirardacci de 1450 nous dit que « havendo la pestilenza flagellato grandemente la città di Bologna, ordinò il Vescovo che tutti li parrochi dovessero scrivere il numero dei loro sudditi laonde fu ritrovato che errano mancanti nella città quattordicimila persone et nel territorio sedicimila » u . Je ne sais pas jusqu'à quel point ceci est digne de foi ; de toute manière il est certain que l'immigration atteignit immédiatement des proportions inhabituelles : entre 1450 et 1459 arrivèrent 1981 personnes en ville et 13 003 dans les campagnes bolonaises. Le lien causal avec l'épidémie de peste semble confirmé même si de nouvelles mesures d'encouragement à l'immigration contribuèrent sûrement au repeuplement. Pour des raisons de temps, il ne m'a pas été possible de vérifier cette hypothèse auprès des Archives mais je me propose de m'y intéresser prochainement. Le trend immigratoire en ville et dans les campagnes bolonaises est quantifié dans le tableau n° 1 où figurent aussi les dimensions des familles. Le nombre moyen d'âmes par famille semble marquer la différence entre la ville et la campagne : le ménage urbain comprend en moyenne 5,6 personnes contre 7,4 pour le ménage paysan. Durant le xv° siècle, le pourcentage des familles nucléaires12 tend dans l'ensemble à diminuer progressivement : de 85 % à 52 %, tandis que le nombre moyen des membres passe de 3,5 à 6 unités (cf. tableau n° 1). Bref, au cours des soixante-dix années examinées, sur 1 015 familles immigrées en ville, le pourcentage est le suivant : 61,9 % familles nucléaires, 37,0 % familles complexes et 1,1 % sans caractère précis.
11. C. GHIRARDACCI, Historia di Bologna (3e partie, A. Sorbelli éditeur), Bologna 1933, vol. I, p. 134. 1 2 . P . LASLETT-R. W A L L , Household and family in past time, Cambridge 1972, pp. 23-44.
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L'IMMIGRATION
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A BOLOGNE
la composition de l'immigration. Entre 1420 et 1439 les familles proviennent principalement de la Toscane (33 % ) et de la Vénétie (23 % ) ; au cours des vingt dernières années les arrivées augmentent, surtout pour ce qui est de l'Emilie (33 % ) et de la Lombardie (16 % ) , tandis que les pourcentages concernant la Toscane diminuent (18 % ) , de même que pour la Vénétie (8 % ) . De toute manière, au cours du XVE siècle ces régions continuent, avec plus ou moins d'intensité, à fournir de la population à la ville de Bologne ; c'est ainsi que se définissent de façon stable les lieux d'origine des flux immigratoires 1 3 . On constate enfin un déplacement de personnes de ville en ville. Si nous considérons toute la période examinée, les centres urbains qui contribuent le plus au phénomène immigratoire sont les suivants: Florence (211 familles), Modène (129), Ferrare (126), Reggio Emilia (79), Venise (77), Milan (67). TABLEAU n. 4 — Familles immigrées dans la ville de Bologne selon les lieux d'origine 1420-1431/ Lieux
Donnée »
1
d origine
absolues
1440-14SM
%
Données absolues
14.80-1499 i
Données absu 1 UL'S
i
Romaeue
26
13,1
80
21,2
54
14,0
Emilie
21
9,8
104
•27.*
429
33,6
Toscane
70
33,0
73
19,4
71
18,5
Lombardie
28
13,3
39
10,3
).
46
M. DELLA-PINA
Le repeuplement plus rapide des campagnes, en particulier dans les zones les plus éloignées de Florence, apparaît donc comme l'élément qui marque l'évolution démographique de cette période. C'est un aspect qui mériterait une analyse plus spécifique et plus approfondie : une comparaison entre la carte n° 1 et les cartes de la densité rurale et des « mezzadri », dressées par D. Herlihy et Ch. Klapisch 11 , montre de façon évidente que les zones à développement plus modéré correspondent en partie aux zones où, déjà, en 1427, se situent les concentrations les plus remarquables de population rurale, et surtout aux zones où la métairie est le plus largement représentée. Peut-on établir des rapports entre les deux phénomènes ? Pour le moment, nous pouvons remarquer que, dans quelques zones importantes du district, aux limites marginales du contado florentin, la croissance démographique s'accentue à partir de la fin du xv* siècle et est liée à d'importants mouvements de concentration de la propriété de la terre, d'expansion des cultures, de lente, mais constante diffusion des rapports de production déjà affirmée autour de Florence 12 . A l'époque suivante, entre le milieu du xvi° et le début du xvn" siècle, les caractères de l'évolution démographique semblent, à première vue, renversés : une croissance des centres urbains, mais une stagnation ou même un repli des campagnes. En réalité, la montée démographique urbaine voile des mouvements très différenciés et est provoquée en grande partie par l'essor de la population de la ville dominante et des centres urbains du district occidental, Pise et Pistoia, et par la nouvelle présence de Livoume. Les accroissements d'Arezzo et de Prato sont très modérés et les centres secondaires comme Cortona, Montepulciano et S. Gimignano entrent, peut-être, déjà dans une phase de déclin. Dans les zones rurales on peut remarquer également une évolution contrastée, non plus entre contado et district, mais entre les parties orientale et occidentale du territoire, et encore, à l'intérieur de cette dernière, entre Nord et Sud. A l'Ouest on relève en effet des taux élevés de croissance, spécialement dans le Val d'Arno
285.
11. C f . D . HERLIHY-C. KLAPISCH-ZUBER, Les
Toscans,
op.
cit.,
pp.
221,
12. Il nous semble important de prendre en considération l'exemple du contado de Pise, en particulier le mouvement démographique des < Podesterie » de Peccioli et de Palaia, les plus éloignées de la ville de Pise et les plus proches du contado florentin. Dans ces zones, entre 1491 et le milieu du x v f siècle, la population double; dans le même temps la propriété de c cittadini fiorentini » se renforce considérablement, de nouveaux c poderi » se forment, la métairie se développe. Ce sont les premiers signes d'un peuplement intense et cela confirme l'impression d'une diffusion en tache d'huile de la structure « mezzadrile ».
47
L'ÉVOLUTION DES VILLES DE TOSCANE
inférieur, le Val di Nievole et le contado de Pistoia, alors qu'à l'Est, à l'exception d'une partie du Val di Chiana, se manifeste un déclin accentué, avec des pertes allant jusqu'à 30 % par rapport à la population du milieu du x v r siècle. Le dépeuplement précoce du Casentino, de l'Alto Tevere et de la Maremme de Pise, bien avant les crises du xvn* siècle, semble renvoyer plutôt à de forts courants migratoires qu'à des facteurs strictement démographiques. Du reste, précisément à cette époque, une série de mesures fiscales sont édictées, pour favoriser le peuplement des régions Nord-Ouest de l'Etat florentin et pour orienter dans cette direction les flux migratoires provenant des régions pauvres de l'intérieur. Dans le même sens vont les travaux de règlement des eaux et d'organisation du terrain dans la plaine. Une comparaison entre les données démographiques de 1622 et celles de 1671 s'avère particulièrement importante puisque nous pouvons vérifier l'ampleur de la crise du xvn* siècle et les conséquences des deux grandes vagues épidémiques qui frappent la population toscane au cours de cette période : la peste de 1630-1631 et le typhus pétéchial de 1648-1649. Une fois achevée la conjoncture favorable qui avait permis la forte croissance de la population de Pise au début du xvn* siècle et qui avait fait entrevoir aux contemporains la possibilité d'une coexistence de deux centres urbains en expansion dans la partie NordOuest de l'Etat (1' « emporio » pisan et le « porto e scalo » livournais), l'ancienne rivale de Florence commence à décliner. Avec le développement progressif des fonctions économiques de Livourne, les flux migratoires d'artisans et de marchands qui se dirigeaient vers Pise, tendent, après 1620, à se diriger vers le nouveau pôle urbain livourTABLEAU I Villo "domlnmrte" et vlllea secondairea dona l'Etat florentin Ville
Indices du nombre d habitants 1427 1622 1552 1.000
1.000
Pise
164
Pistoia Arozzo
119 112
l'ruto
Florence
(Plorence=base 1000) 1671
1.000
1.000
145
203
132
102
110
93
109
95
95
131 98
-
77
Cortona
88
88
-
46
Eontepulciano
67
63
-
30
Volterra
Sì
43
-
Livourno
11
6
165
38 242
48
M . DELLA-PINA
nais 1 8 . Tandis que la population de Pistoia décroît également et que continue la chute des villes dans le district oriental, l'écart entre Florence et les autres centres urbains s'amplifie encore. Dans la seconde moitié du x v i r siècle, une grande partie de la population urbaine de l'Etat florentin se concentre à Florence et Livourne seulement. A cette époque se consolide également la nouvelle réalité territoriale telle qu'elle s'était dessinée au cours de la seconde moitié du xvi" siècle. Tandis que la partie Sud-Ouest et les zones orientales du district, de Casentino à la Maremme de Pise, se dépeuplent encore plus, la chute démographique concerne maintenant de vastes zones à l'intérieur de contado. A ces zones s'oppose une ample bande dans la région Nord-Ouest, en partie dans le contado et en partie dans le district, dont les populations semblent traverser sans dommage la longue phase de crises du xvn* siècle. En réalité, les épidémies s'abattent avec violence même sur ces régions 14 , mais le mouvement migratoire remplit rapidement les vides démographiques. En regardant les cartes 1 et 2 on remarque clairement que, dans la période qui a suivi le siècle de la peste noire, la reprise s'est manifestée par extension du réseau de peuplement du contado florentin vers les zones plus extérieures de collines ou de montagnes. Dans la seconde moitié du x v r siècle ce processus se bloque et un renversement de tendance se manifeste même. Le xvn" siècle ne fait qu'accentuer ce nouveau mouvement, avec abandon des régions montagneuses et des collines les plus hautes et concentration du peuplement dans les régions de plaines et de basses collines. La population s'entasse le long d'un axe qui correspond au Val d'Arno inférieur, et aux extrémités duquel on trouve les plus grands centres urbains de l'Etat. Le long de cet axe se consolident de nouveaux petits centres urbains qui, au cours du xvn* siècle, parviennent à rejoindre la taille de villes comme Montepulciano ou San Gimignano : telles Pontedera ou Empoli, centres de marché et de foires à la confluence de routes importantes ; elles introduisent dans la structure urbaine traditionnelle un élément nouveau, lié aux modifications des campagnes.
13. Cf. E . FASANO GUARINI, Esenzioni e immigrazioni a Livorno tra sedicesimo e diciassettesimo secolo, in Atti del convegno < Livorno e il Mediterraneo nell'età medicea », Livorno 1978, p. 56-76. 14. Pour les zones du Val di Nievole et de la plaine de Pise, cf. L. DEL PANTA, Cronologia e diffusione delle crisi di mortalità in Toscana dalla fine del xiv agli inizi del xrx secolo, Ricerche storiche, 1977, 2, p. 312 et s. ; C. CORSINI, Problemi di utilizzazione dei dati desunti dai registri di sepolture e morti, in Comitato Italiano per lo Studio della Demografia Storica, Problemi di utilizzazione delle fonti di demografia storica, voi. n , Roma 1977, p. 97 et s.
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L'ÉVOLUTION DES VILLES DE TOSCANE CARTES 1 et 2 Evolution démographique de l'Etat Florentin 1427-1671 1427-1552
Indice M • • • • • «
1427'100 +30! 251-3U0 201 —¿50 I7T-20U 141-170
1552-1671
Indice • • o O O
(Population rurale et papulation des petites villes)
4
• • o O O
1552=100 116-140 101-115 86-100 61-85 -60
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M.
DELLA-PINA
Dans la Toscane florentine du xvn" siècle on peut donc remarquer un nouveau recul du peuplement, mais bien différent de celui qu'on a relevé dans la phase de déclin du xiv* siècle. Cette fois, la population abandonne les régions les plus pauvres pour se diriger pas tellement ou pas seulement en direction de la « métropole » régionale, mais également vers un grand territoire sur lequel se concentrent les attentions de l'Etat. Cette politique paraît plus claire à la lumière du mouvement des baptêmes de Pise, Prato et Florence. Il nous confirme que la croissance démographique qu'on enregistre à partir des données de 1552 et 1622 est très modeste, même si Florence manifeste une réaction vive après la dépression du milieu du xvi* siècle, et même si Pise peut jouir d'une conjoncture favorable. Baptêmes à Florence, Pise et Prato 1551-1670
A un moment où d'autres régions italiennes révèlent une vigoureuse reprise démographique, Florence et les villes toscanes
51
L'ÉVOLUTION DES VILLES DE TOSCANE
semblent marquer le pas. Ces différences nous aident peut-être à comprendre les choix qui sont faits dans le cadre de la nouvelle construction régionale et la recherche de nouveaux rapports et d'équilibres internes différents : expansion agricole vers l'ouest et éclosion d'un nouveau pôle économique et démographique dans la partie nordouest de l'Etat.
imtEfu ii Population de l ' E t a t f l o r e n t i n 1427 -
1552
V i l l e ou r é g i o n
1427
1552
FLORKNCB
37.144
59»179
159,3
24.464 3.533 15.487 10.876 9.612 12.724 19.849 19.902
36.107 6.845 27.469 17.211 14.217 21.835 35.064 36.703
147,6 193,7 177,4 158,2 147,9 171,6 176,7 184,4
6.075 1.256 7.331 8.333 7.939 4.411 9.334 2.410 7.566 2.330 1.521 5.837 4.795 1.053
8.571 1.369 9.940 15.875 17.040 6.008 27.413 9.505 20.956 2.526 4.343 9.265 10.546 3.895
141,0 109,0 135,6 190,5 208,6 136,2 293,7 394,4 277,0 108,4 283,6 158,7 220,0 370,0
4.143 5.273
7.750 14.198
187,1 269,3
12.615
33.040
261,9
3.251 4.636 5.467 3.007
5.222 10.855 15.183 6.461
160,6 234,1 277,7 214,9
- ville
I n d i c e 1427» 100
Contado 1 . C o l l i n e s de l'iorence PHAÏO - ville 2 . Val d'Arno moyen, c o l l i n e s de Prato 3 . P l a i n e d'impoli , S.lûiniato 4 . Val d ' j j l s a 5 . C o l l i n e s du C h i a n t i , Val di F e s a 6 . C o l l i n e s du Val d'Arno supérieur ' 7 . C o l l i n e s du Mugello Distriet: partie
occidentale
PISE
- ville - banlieu Ensemble 1 . P l a i n e de P i s e , Val di Sarchio 2 . C o l l i n e s p i s a n e s , Val d ' E r a PISTOIA - ville 3 . P l a i n e e t c o l l i n e s de P i s t o i a 4 . kontagne de P i s t o i a 5 . Val d'Arno di s o t t o , Vili d i Ili e vol e VOLTERRA - v i l l e 6 . " p e n d i c i e' v i l l e ' de V o l t e r r a 7 . a«Cimignano e t Colle 8 . Maremme de P i s e , Val di Cecina 9 . Garfagnana (Barga) D i s t r i c t : partie
ARS'i'iO
orientale
- ville 1 . Cortine d'Arezzo * 2 ì *3.vContado d'Arezzo *4.J CORTONA - ville Contado de Cortona C a s t i g l i o n F i o r e n t i n o e t kontepulciano * 5 . Romagne f i o r e n t i n e (Firenzuola)
* C h i f f r e s p a r t i e l correspondant à l a p a r t i e d é c r i t e par l e c a t a s t o de 1427
52
M. DELLA-PINA
TABLEAU I I I • Population du l ' E t a t florentin 13S2 - 1671 1552
1622
1671
ville
59.179
76.023
70.355
128,5
118,9
1 . C o l l i n e s de F l o r e n c e PHATO - ville 2 . Val d ' A r n o m o y e n , e o l l i n e s de P r a t o 3 . Plaine d'Empoli, S ^ i n i a t o 4.. Val d ' E i s a 5» C h i a n t i , Val S i P e s a 6 „ Val d ' A r n o s u p é r i e u r 7 » C o l l i n e s du b u g e l l o
36.107 6-845 27.469
39.868 7.624 29.826
31.325 6.656 27.993
111,4 111,4 108,6
86,8 97,2 101,9
17.211 11.396 21.835 35.064 3 6..703
16.371 13.276 22.275 36.502 37.055
18.663 10.554 18.939 28.293 26.747
95,1 116,5 102,0 104,1 101,0
108,4 92,6 86,7 80,7 72,9
8.571 1.369 9.940
15.461
9.317 1.642 10.959
180,4 -
108,7 120 r 0 110 r3
15.875
20.058
20.938
126,3
131,9
16.560 6.008 27.413 9.505
18.901 8.366 36.048 9.277
16.617 6.547 32.749
114,1 139,6 131,5 97,6
100,3 109,0 119,5
20.956
V i l l e ou r é g i o n FLORENCE
-
I n d i c e 1552=100
Contado
District: partie occidentale^ PISE - ville - banlieu Ensemble 1 . P l a i n e de P i s e , Vul d i Cerchio 2 . C o l l i n e s p i s u n n a , Val d ' E r a PISTOIA - ville 3.- P l a i n e e t c o l l i n e s de P i s t o i a 4 . k o n t a g n e de P i s t o i a 5 . Val d ' A r n o d i s o t t o , Val d i K i e v o l e VOLTERRA - V i l l o 6."Pendici e ville"de Volterra 7 . . S.GImignano e t C o l l e 8 . l.areuwie de P i s e , V a l d i C e c i n a 9 . Barga et Pietrasanta D i s t r i et : -parti e o r i e n t a l e AliiiZZO - ville 1 * Cortine d'Arezzo 2 . A l t a Val T i b e r i n a 3 . Casentino 4 . Collines d'Arezzo, Val d i C h i a n a dont l e s v i l l e 3 : CORTOHA - ville - contado Ensemble kONTEPVlCIANO - v i l l e - contado Ensemble 5.. Romagne f i o r e n t i n e * S a n s l i i v o u r n e ( 480
— -
-
-
-
39.665
38.374
189,3
183,1
2.526A • 8.679 4.343 J 9.636' 9.265 7.726 9.974 11.729 16.574
2.655 3.703 6.857 4.404 12.614
-
104,0 77,5 141,3
105,1 85,3 74,0 44,2 107,5
7.750 14.198 33.106 30.046
8.266 10.110 26.290 22.764
6.662 10.796 17.390 20.359
106,7 71,2 79,4 75,8
86,0 76,0 52,5 67,8
38.611
37.284
32..730
96,6
84,8
5.222 10.855 16.077 3.750 5.138 8.888 49.209
« -
15.171 -
6.826 39.077
3.207 9.723 12.930 2.114 4..092 6.206 27.009
-
_ -
95,6 -
76,8 79,4
61,4 89,6 80,4 56,4 79,6 69,8 54,9
h a b i t a n t s e n 1 5 5 2 , 1 7 . 0 0 0 p e r s o n n e s e n v i r o n en 1670 )
Marco DELLA PINA
Université de Pise
L'ÉVOLUTION DES VILLES DE TOSCANE
53
RÉSUMÉ L'évolution démographique des villes toscanes au cours du xv* et du x v i siècles montre de façon évidente le changement des rapports entre les anciennes « Cités-Etats » et les différents équilibres internes de l'Etat florentin. Dans le cercle de la nouvelle construction régionale, la consolidation de la suprématie démographique de Florence marche du même pas avec l'expansion agricole vers l'ouest et l'éclosion d'un nouveau pôle économique dans la partie nord-ouest de l'Etat. Dans la seconde moitié du xvn' siècle une grande partie de la population urbaine ne se concentre que dans deux villes seulement, aux extrémités des zones agricoles en expansion : Florence, la < dominante », et Livourne, sa créature planifiée.
SUMMARY Between the fifteenth and seventeenth centuries, in Tuscany, while the new reality of the regional state is taking shape, demographic development puts into evidence the new relations coming off between the ancient « città-stato > and the different territorial balances. The increasing importance of the demographic prevalence of Florence links to a developing agricultural expansion towards west as well as to the establishment of a new economic and demographic area in the north-west site of the Florentine State. In the second half of the seventeenth century a great part of the urban population concentrates only in two towns, placed at the opposite limits of the expanding agricultural zones : Florence, the « dominante », and Leghorn, her planned creature.
POPULATION DEVELOPMENTS IN THE NORTHERN NETHERLANDS (1500-1800) AND THE VALIDITY OF THE URBAN GRAVEYARD' EFFECT par A.M. VAN DER WOUDE
I The literature of historical demography abounds with studies stressing the imbalance between births and deaths in pre-modern cities. The belief that in the long run deaths necessarily outnumbered births in pre-modern cities of more than modest size has indeed become so firmly rooted that it is often presented as some static law of nature. Only in the modern city, it is maintained with its better sanitary conditions, its better job opportunities, its less poor and better housed, clothed and fed population, and its total absence of institutional prohibitions on marriage could there be a remarkable reversal of the birth-death ratio. Modern cities displayed a natural increase in population and could, theoretically, grow without migration. In pre-modern cities, on the other hand, immigration surpluses were held to be absolutely necessary to compensate for natural decrease caused by the excess of deaths over births. Without this substantial immigration premodern cities would have died out. To maintain their numerical position pre-modern cities had to draw off the — equally natural — population increase of the country-side. According to this theory, the pre-modern city more or less functioned as the main grave-yard for the area from which it drew its immigrants (ville tombeau). The urban surplus of deaths is supposed to have been caused by a high death rate as well as a relatively low birth rate. The first can easily be imputed to high infant mortality rates, overcrowded houses, bad sanitary, regular outbreaks of epidemics, unfavourable age structure of urban populations and so on. The main reason for a relatively low birth rate in cities has to be sought most of all in the sex imbalance with its characteristic heavy surplus of unmarried, never marrying and widowed women of childbearing age.
56
A.M. VAN DER WOUDE
If this picture of the pre-modern cities as the graveyards of the nation holds true, it would be especially true for those pre-modern societies where a high degree of urbanization had been reached. A well-known example of this argument is Wrigley's article « A simple model of London's importance in changing English society and economy 1650-1750 ». If any region in pre-modern Western-Europe should fit this demographic model, it would be the Netherlands. The Northern Netherlands — and especially its western parts — have been extremely urbanized since the late Middle Ages. Around 1500 nearly half of the population (45 %) of the provinces of Holland and Utrecht lived in towns, most of which were still moderately small. But from the beginning of the sixteenth century the whole area experienced a formidable population growth with the effect that a number of cities developed into very large ones for the standards of that time. In the population census of 1622, Amsterdam had more than 100 000 inhabitants, Leyden nearly 45 000, Haarlem nearly 40 000, Rotterdam, Delft, Dordrecht and Enkhuizen about 20 000 each, while the Hague, Gouda, Alkmaar and Hoora had somewhere between 12 000 and 15 000 each. During the fifty years after the census, moreover, most of the cities in this area experienced prolonged growth. Around 16701680 the city of Amsterdam reached a population of about 200 000, Leyden more than 60 000, and Rotterdam 45 000. In the whole area encircled by the cities of Utrecht, Rotterdam, the Hague, Haarlem and Amsterdam, more than 70 % of the population was urban. Nevertheless, if one asks if this spectacular population growth of the Northern Netherlands, and especially of the province of Holland, between 1500 and 1675 was accompanied by an equally spectacular shift of population between cities and countryside, the answer must be negative. All the information we have points to the conclusion that during the second and third quarters of the sixteenth century, notwithstanding the already steep population growth, the ratio of the population between cities and countryside in Holland did not change fundamentally. True, during the century between 1575 and 1675 the growth of the number of urban dwellers accelerated still more than that of the countryside, with the result that the share of the urban population in Holland rose steadlily from 45 % till about 60 % : Yet however interesting in itself, this increasing urbanisation can only be judged as a further intensification of a situation already attained at the end of the middle ages, and not as a fundamentally new one. Once attained around 1675, this level of urbanisation was maintained untill far into the nineteenth century. If we also take into consideration other evidence, not discussed here, we reach the following conclusions about the degree of urbanization in the most western part of the Northern Netherlands, the province of Holland:
LB BILAN URBAIN DANS LES VILLES DE PROVINCES UNIES
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a. the level of urbanisation was already very high at the end of the Middle Ages, about 45 % ; b. notwithstanding an overall strong population growth, urbanisation remained at this level till about 1575 ; c. between 1575 and 1675 the population growth in Holland continued, but now urban growth exceeded rural growth, with the result that the level of urbanisation went up from about 45 % to 60 % ; d. during the two hundred years after 1675, the degree of urbanisation in Holland remained roughly at that 60 % level despite both an important decrease in the number of inhabitants between 1675 and 1750 and population growth between 1815 and 1875 ;
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A.M. VAN DER
WOUDE
e. all this resulted in the creation of an S-shaped population curve which can be seen both in the urban population as well as in the rural population (graph. 1) ; /. a corresponding development took place in the province of Friesland and also probably in Zeeland. II Let us now turn our attention to what may be regarded as the main cause of that S-shaped curve, i.e. the switch to population decline in the North and the West of The Netherlands in the decades between 1650 and 1680 after about a hundred and fifty years of nearly uninterrupted and important population growth. The reasons for this reversal after 1650 are not yet clear and in any case not due to a single factor. On the one hand, it appears that around 1650 the long sixteenth century finally came to an end in Holland and that after that date Holland joined the general European pattern of the socalled'crisis of the seventeenth century'. On the other hand, one could offer a broad picture of the changes in economic circumstances and climate that struck slowly but irresistibly the different yet often interwoven branches of commerce, industry, fishing and commercialized agriculture of the Netherlands after 1650. But this is not the place for a hasty sketch of Dutch economic history. The purpose now is to catch some glimpses of the demographic processes which brought about the transition to population decline after the middle of the seventeenth century. According to the belief in the necessity of structural longrun surpluses of deaths over births in pre-modern cities it was the influence of heavy mortality that formed the main obstacle to population growth in an area as heavily urbanized as the Northern Netherlands. The relatively small surplus of births in the countryside was thought to be neutralized, or more than that, by urban surpluses of deaths. Constant influx of migration from the countryside into the cities was needed to fill the gap between urban births and deaths to maintain in that way the number of urban dwellers. Even if it is granted that this analysis is applicable to cities in the Netherlands in this period, there would remain the problem of understanding demographic development both before and after the period of stagnating (even declining) population growth (1675-1800). For why would the level of urbanisation have obliterated further population growth in the Netherlands during the period 1675-1800, but not after it ? Also, why was the remarkable explosive and prolonged population growth between 1500 and 1650 not impeded by the already high level of urbanisation from the beginning and the presence of a number of large cities after about 1600 ?
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Some further thought on this issue raises additional questions, all of which tend to throw doubt upon the ' law of nature' character of the deaths surplus in the pre-modern city. As long as one holds the view that the modern city originated somewhere during the nineteenth century, it has to be admitted that we know of many cases during he late eighteenth and first half of the nineteenth century of (often large) cities without any important long-run surplus of deaths. As far as we know, those cities did not enjoy better demographic circumstances in that period (with the one possible exception of smallpox vaccination) than during the preceeding seventeenth or eighteenth century. On the contrary, they were larger and housing was more overcrowded, while sanitary conditions and medical care were not substantially better than before. Perhaps nourishment was slowly improving in the wake of a rising standard of living, better transport facilities, and less frequent outbreaks of famine. But that the standard of living was rising remains a much disputed point among historians, for there is evidence of declining as well as of rising standards. Especially in the Netherlands, there was no period with such a marked impoverishment of the urban masses as the first half of the nineteenth century. In Western Europe as a whole transportation facilities certainly improved during the eighteenth and early nineteenth centuries. Again, however, in the Netherlands the transport situation did not change essentially between 1660 and 1840. Indeed, with regard to the transportation of goods in bulk (grain and other foodstuffs) there was no substancial difference between the first half of the sixteenth and the first half of the nineteenth centuries. Starvation had been expelled from the Dutch cities at least since the beginning of the seventeenth century. Notwithstanding these unchanging circumstances in absolute terms Dutch cities on the whole experienced population stagnation or even decline during the late seventeenth and the eighteenth century and significant population growth during the first half of the nineteenth century. Table I presents information on the numbers of births and deaths in Dutch cities in some decades of the first half of the nineteenth century. In nearly all cases there is an — often considerable — excess of births over deaths. These surpluses of births seem to have been greatest in the twenties and smallest during the forties, when the country was struck by the potato blight, high grain prices and diseases. This was the only decade of the nineteenth century that saw an overall cessation of population growth. Nevertheless, even then the surpluses of births in some cities were not unimportant (The Hague, Leeuwarden, Zwolle, Breda). No correlation between the size of birth surpluses and the size of the cities appears to exist. Leaving aside for the moment the question how one can explain the differences in the population developments in the premodern Dutch cities between the eighteenth and the first half of the nineteenth century, these facts certainly raise doubts about the reality
60
A.M. VAN DER WOUDE
of a ' law-of-nature' of a surplus of deaths in the pre-modern city. And just as the eighteenth century urban surpluses of deaths changed in the first half of the nineteenth century into a balance between T a b l e 1 . 1 0 - y a a r l y t o t a l s of t h e numbers of b i r t l i s and d e a t h s i n Dutch c i t i e s between 1820 And 19S0. deaths surpluses births as percentage of total numbers of births 2.875 37,3 1820/29 4.585 Arnhem 26,8 5.285 3.870 18*30/39 14 ,S 5.235 6.125 1840/49 29,3 3.991 1820/29 5.646 Nijmegeu 6.334 5.610 1830/39 11.« 13.« 5.7m 1840/49 6.636 Zutphen 37,6 1820/29 3.384 2.110 2 6,4 2.797 3.799 1830/39 16,5 3.967 3.312 1840/49 33,S 1.028 1.547 1820/29 Culenborg 26,1 1.703 1830/39 1.259 15,1 1.769 1.501 1840/49 22.280 1820/29 25.068 Rotterdam ".1 28.837 - 7,3 26.875 1830/39 - 3,6 1840/49 31.115 32.238 3,6 Middelburg 1810/49 4.982 5.166 20,9 1840/49 24.246 19.177 The Hague 7.628 i«,1 1840/49 8.91« Maarlem 3.556 3.682 Alkmaar 1840/49 " 3.5 20 6.019 7.562 Leeuwarden 1840/49 9.938 1840/49 10.829 Groningen 8.2 24,3 5.704 4.317 Zwolie 1840/49 1.0 1840/49 15.482 16.133 Utrecht 21,7 3.522 4.498 1840/49 Breda
births and deaths and even into a surplus of births, why should l have been impossible during the 1575-1650/1675 period that also witnessed a steep growth in the number of urban dwellers? Is it perhaps possible that the very conception of the city as a graveyard for the nation has been based on our knowledge of only a peculiar urban demographic situation or period, i.e. the so called 17th century demographic crisis with its generally unfavourable relationship between births and deaths ? It is likely that a better knowledge of sixteenth century urban demography would cast doubt on the idea of the inevitability of the urban surplus of deaths, given urban demographic developments during the first half of the nineteenth century. Careful analysis of what we know about the urban birth-death ratios in the period 1650-1800 reveals big differences between cities as well as wide oscillations in time. The possibility of still more positive balances between births and deaths during the demographically more favourable sixteenth century should not be dismissed out of hand. Reasoning along these lines, it would be unwise to go so far as to assume a period before about 1650 with urban surpluses of births as a rule in sharp contrast with a period after 1650 when urban sur-
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pluses of deaths are the rule. But in many (some) cases the urban demographic situation before the middle of the seventeenth century may have been sufficiently favourable that the possibility of long-term balances between births and deaths, and even time periods with surpluses of births, must be left open. If we did not do so, the population explosion which took place in the highly urbanized western Netherlands between 1500 and 1650 has to be regarded as a minor miracle. For then a positive balance between births and deaths in the countryside together with a heavy immigration surplus must be held responsible not only for the strong population growth that we could observe before, but must also have compensated for the (supposed) serious demographic losses of urban population, which comprised more than half of all inhabitants of the area. The most refined escape from this dilemma can be discovered in the argument that the urban graveyard function came into operation when a combination of a high absolute as well as a high relative level of urbanization had been reached — in other words, only when a high level of urbanization in ' big' cities came into being. In the Netherlands such a concentration of population in the ' big' cities should have been reached only about the middle of the seventeenth century. But this argument is not in accordance with the facts that can be observed after the passing of this threshhold point. During the eighteenth century surpluses of deaths can be observed in cities of any size, in small as well in big ones. Moreover, after 1800 the more favourable urban balances between births and deaths were not at all inversely related to the bigness of the city. It seems, therefore, much more reasonable to look for other explanations. Let us therefore turn to the small glimpses of knowledge that we have at the moment of the demographic situation in the Dutch cities before the population decline in the late seventeenth century started. To speak about the possibility of a change from natural population growth into natural population decline during the second half of the seventeenth century means to investigate the possibility of secular changes of birth and death rates. Indeed such a change could be brought about by a. an increase of the death rate, b. a decrease of the birth rate, c. a combination of a. and b. In view of the high urbanization level and the natural inclination of the pre-industrial cities towards death surpluses it is first of all important to collect data and indications that might show the possibility of these demographic developments in Dutch cities after 1650. In this connection, it is opportune to remark that the secular population growth in the Netherlands, which started in 1815, has to be ascribed in the first place to a general and lasting increase of the
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A.M. VAN DER WOUDE
birth rate around that year. In that way a fundamental change in the relationship between birth and death rates was brought about and the secular phase of population growth we still live in was started. It is not unreasonable to assume that in the second half of the seventeenth century the reverse development took place. That should mean that by a general and lasting lowering of the birth rate, especially in the Dutch cities, a negative balance between births and deaths should have been reached and a secular phase of population stagnation and regionally even decline was inaugurated. Can such a hypothesis be sustained ? Looking to the level of the death rate in the seventeenth and eighteenth centuries, we have to admit that we have no arguments to suppose a sudden or steady rise of the death rate during the second half of the seventeenth century. The few series of yearly burials we have at our disposal nowhere suggest sudden lasting increases of the level of the death rate. But such reasoning is weak from the methodological point of view and has little conclusive force. It is generally known, moreover, that the period before 1665 saw regular outbreaks of the plague, which completely disappeared after ¿ a t year. This points more to the possibility of a secular decrease than increase of the death rate. More important still seems to be the fact that in large areas of Holland and Utrecht there are clear indications of a steady and very substantial rise of the death rate between 1700 and 1730. After the latter year the death rate fell back to its original level. The fact that such a substantial increase could be achieved between 1700 and 1730 may be regarded as an indication that the prior level was not abnormally high. It must be admitted that these facts in themselves are insufficient for a firm conclusion ; nevertheless, they do not point to a radical change (i.e. increase) of the general level of the death rate between 1650 and 1700. Is it possible to find evidence in support of the alternative explanation — of a long-term fall of the birth rate after 1650? I believe this is, indeed, the case. Let us therefore turn first to some demographic data concerning the city of Amsterdam. Wc have at our disposal the numbers of first marriages since 1601. These figures show in a rough way the general secular development of the number of inhabitants of this city between 1600 and 1800 : they double between the periods 1601/1625 and 1650/1675, then stabilize until 1725, where further increase sets in. Of special interest for our problem is the sex-ratio of the grooms and the brides contracting a first marriage. During the period 1601-1650 we find 95 brides per 100 grooms. But in the period 1675-1725, i.e. after the transition from demographic growth to stagnation, this sex-ratio had turned into 104, and at the end of the eighteenth century even into 108 brides per 100 grooms 1 . p.
1. Computed from data in S. HART, Geschrift en getal, Dordrecht 1976.
136-143.
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This eighteenth century sex ratio (alternating somewhere between 104 and 108 brides per 100 grooms in first marriages) can be considered as normal for the pre-industrial city with its characteristic surplus of females in marriageable age groups. It indicates not only the existence of this unequal sex-ratio between grooms and brides, i.e. the fact that relatively many widowers could marry young ladies, it also indicates a population structure with such a large surplus of females that many women could marry only relatively late — if at all. But before 1650 in Amsterdam this situation was in all probability reversed. The low sex-ratio points to a shortage of women : i.e. a large percentage of married women in the age groups 15-45 years. In other words by the heavy immigration, primarily of young men the young women living in Amsterdam had abnormally high marriage chances. The city in all probability had a high percentage of married women, and, consequently, a relatively high fertility rate, a relatively large number of young children, and a relatively young population structure. After 1675, when the immigration was much smaller in relation to the number of inhabitants and the city no longer showed the demographic expansion of before 1650, the situation had been totaly altered. Then it was more in accordance with the situation regarded as normal for the pre-industrial city (i.e. relatively old population structure, unbalanced sex-ratio, surpluses of deaths). The second issue to be considered in this connection concerns the secular change in the mean age at marriage. Until recently little was known about this aspect of Dutch population history. But we are fortunate to have information on the mean age at first marriage for the city of Amsterdam during the eight years 1626-1627, 1676-1677, 1726-1727 and 1776-1777 2 . During the first two years, i.e. in the period of demographic expansion, the mean age at first marriage of the Amsterdam brides was 24.5 years. During the other three time-points — fifty, hundred and hundred and fifty years later, i.e. in the period of demographic stagnation — this mean age was from two to three years later (26.5, 27.2 and 27.8 years respectively). Still more insight Table 2. Age a t f i r s t marriage of b r i d e s in Amsterdam 1626/27
1676/77
1726/27
1776/77
-25 year
60.9 %
%
36.5 %
35.3 %
25-29 y e a r
28.2 %
33.3 %
34.5 %
31.2 %
30-
10.9 %
22.3 %
29.0 %
33.5 %
24.5
26.5
27.2
27.8
year
mean age 2.
Computed from data provided to me by
DR
S.
HART.
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A.M. VAN DER WOUDE
into the development of the ages at first marriage can be reached by dividing the brides into three age groups: younger than 25 years, 25-29 years and 30 years or older (table II). The fundamental breach between the first and the second half of the 17th century reveals itself clearly. Against more than 60 % of these brides marrying at an age younger than 25 years around the year 1625 we find less than 45 % around 1675. In the eighteenth century their share dropped further to about 35 %. The relative share of the brides marrying for the first time at an age of thirty years or older doubled between 1625 and 1675 from 11 % to 22 %. In the eighteenth century this age group comprised as much as a third of all first marriages. It may be concluded that in the city of Amsterdam there was an important shift in the age at marriage between the first and the second half of the seventeenth century. This shift had in all probability serious consequences for overall fertility and the birth rate. These findings are in accordance with those stated above on the shift in the sex ratio of brides and grooms on the marriage market at their first marriage before and after the middle of the seventeenth century. On the basis of both these developments we must consider seriously the possibility of a substantially higher birth rate during the first half of the seventeenth century than during the second half, because, in all probability, the marriage frequency of women was higher and their age at marriage lower before the middle of this century. Other scraps of information on the secular change in the demographic situation and behaviour of the Dutch urban population can be gotten from data which we have at our disposal on the city of Rotterdam s . Rotterdam's population grew until the end of the seventeenth century. Only then was there the turn in the secular development that took place around 1650 in most other places. Rotterdam remains the only Dutch city for which we have long-term series of births and deaths (graph. 2). They show us that there was a rough balance between births and deaths in the period 1670-1700 (10-yearly moving averages). Shortly before 1700 the yearly number of births started to decline. Some ten years later there followed a steep rise in the number of burials, completely in accordance with the already mentioned general rise of the death rate elswhere. Within a very short lapse of time Rotterdam reached the demographic graveyard situation (ville tombeau) with great surpluses or deaths over births. Nothwithstanding a narrowing of the gap between births and deaths after about 1730 this situation remained in existence till about 1810 (surplus of deaths of about 20 000 during this whole period). It was only during the first half of the nineteenth century that the balance 3.
G.J.
MENTINK
wikkeling te Rotterdam tearchief, 1965.
and
A.M.
VAN DER WOUDE, De
demografische
ont-
en Cool in de 17' en IIP eeuw, Rotterdam, Gemeen-
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between births and deaths was restored, and only after 1850 that the mean number of births exceeded those of deaths. In any case it seems evident that there is no reason to suppose something like a natural law with regard to the existence of a surplus of deaths in the pre-modern city. The situation at Rotterdam during the thirty years 1670-1700 gives evidence in support of this viewpoint. The Rotterdam data also offer a glimpse into the demographic process that brought about the secular turn somewhere between 1690 and 1710. The yearly number of burials in this city, known since 1645, has been divided in two series: that of persons of the age of nineteen years or younger and that of persons older than nineteen years. From samples taken from these data we know that about 90 % of the burials of the first group belonged to the age group of five years or younger (still-born babies included). By comparing the 10yearly moving averages of these two series I discovered that the ratio between them underwent a substantial change around 1700 (table III, column 4). Before 1700 we find from 140 to 180 burials of people younger than nineteen years for every 100 burials of adults (measured in 10 yearly moving averages). After 1700 a sudden drop can be noticed to the level of 110-125 young people for every 100 adults, while during the period 1735-1775 the level descends further to 105110 young people per 100 adults. Then a renewed upward trend slowly set in which continued irregularly during the nineteenth century until 1860-1875, when the level of 160 young per every 100 adult deaths — the seventeenth century level — again was reached. Only after those years did the modern decline of infant mortality give a new direction to the ratio of these series of deaths (burials), making them incomparable in time. The data are presented in Table III. An explanation for the big shift in the level of this ratio before and after 1700 theoretically can be sought in three causes: 1. a major and lasting rise of the death rate of adults ; 2. an important drop of the infant death rate of young people; 3. a drastic change in the age structure of this population, i.e. a radical drop of the share of the young age groups. On the first point our knowledge is next to non-existent. All we can say about it is that we have not a single serious argument to support the existence of such a development. Especially the combination of the suddenness and the lasting character of this secular change, together with the absence of any indication about a sudden and/or lasting appearance of new mortality causes, makes a supposed rise of adult mortality a less than probable explanation. Nevertheless, it is a possibility that cannot be dismissed out of hand. In contrast of our lack of knowledge about developments in the adult death rate, we are in the happy situation of possessing more or less reliable information about the level of the death rate of young people in Rotterdam after 1670. Important changes in this mortality rate during the period
5
66 Tabi
A.M. VAN DER
WOUDE
e 3. humDer of buridls and ratio between age groups years at burial 1
period Ì645-1654 1650-1659 1655-1664 1660-1669 1665-1674 1670-1679 1675-1684 1680-1689 1685-1694 1690-1699 1695-1704 1700-1709 1705-1714 1710-1719 1715-1724 1720-1729 1725-1734 1730-1739 1735-1744 1740-1749 1745-1754 1750-1759 1755-1764 1760-1769 1765-1774 1770-177*9 1775-1784 1780-1789 1785-1794 1790-1799 1795-1804 1800-1809
2
>19 7.022 6.321 6.090 6.948 7.276 7.426 7.190 6.760 7.186 7.369 7.872 9.496 9.316 8.462 8.387 8.372 8.172 7.754 7.935 7.913 7.352 7.432 7.836 7.709 7.997 8.172. 8.167 8.682 8.549 9.123 10.399 10.522
3
¿19" 9.817 9.439 9.597 10.163 10.313 11.342 12.025 12.314 12.458 12.246 12.762 13.000 11.660 10.194 9.769 10.006 9.531 8.493 8.364 8.417 8.176 7.925 7.852 8.188 8.597 8.796 9.363 10.431 10.786 10.580 11.223 11.286
and^t9
r a t i o young people corrected (>19=100) burial number y19=100) -
134 1M3 159 152 146 133 105 100 10? 101 104 106 106 99 96 105 106 100 106 106 107 113 116 127 122 109 110
a) s t i l l bom babi8s included
from 1670 to 1800 can be shown 4 . However, the knowledge of the various levels of death among young people during this period makes it possible to eliminate its influence on our data by assuming that during the whole period from 1670 to 1809 the burial rate of young people was constant. We presume it to be the same as that for the period 1750-1799 (591 burials of people younger than twenty per 1 000 baptisms, including the burials of stillborn babies). The results of this computation 6 are presented in Table III, column 6. The ratio between these 4. Ibid., Table 111.21 (p. 59). 5. This could easily be done by connecting the calculated death rate of Table 111.21 (p. 59) with the numbers of young people buried as given in Table 9 (p. 132) in the above mentioned study on Rotterdam. The number of burials of young people at the theorical burial rate of 591 per 1 000 would have been for instance for 1670-1679 591/672 X 11,342 = 9,975, for 1675-1684 591/690 x 12,025 = 10,297, and so on.
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theoretically found numbers of young buried people and those of older ones also has been calculated (Table III, column 7). Thus by eliminating" the influence of the changes in the mortality rate of young people, the change in the ratio of the two burial series of young people and adults, becomes all the more evident. During nearly the whole period 1700-1780 this ratio varies between 100 and 106 burials of young persons per 100 adult ,ones. However, during the period 1670-1700 this ratio varied between 135 and 160 and there is no reason to presume a really different level during the period 1645-1670 (in all probability somewhere between 120 and 135). I think that we may conclude from these findings that there are strong indications that around 1700 the age structure of this population underwent a drastic change consisting of a serious drop of the relative share of the young age groups in the composition of the total population. It was only at the end of the eighteenth century — when a new proces of demographic expansion started — and still more during the nineteenth century, that a demographic situation more or less in accordance with that prevailing before 1700 again came into existence. This is also completely in accordance with the development of the surpluses of births or deaths, which we already observed earlier (graph. 2). How could such a process take place in practice ? I think the best hypothesis again (as in the case of Amsterdam) presumes a radical change in the immigration of the marriageable age group and/or a radical change in the marriage frequency. Rotterdam was an expanding city before 1700, much as was the case with Amsterdam before 1650/1675 wich attracted young immigrants and especially young men by offering good job opportunities. This resulted in all probability in high female marriage frequency, a relatively young mean female age at marriage and a relatively high fertility. After 1700 there was a sudden change in this demographic behaviour. The reason for such a sudden change seems evident. At last Rotterdam also felt the cold wind of the secular downward course of the Dutch economy which most other places in Holland had begun to feel about thirty years earlier. It is in all probability the War of the Spanish Succession that has to be considered as the direct cause for this in the long run ineluctable development of the city, for the commerce of Rotterdam traditionally had been directed along the coastline in a southern, now hostile, direction. Further direct evidence that will support my hypothesis is still not available in the case of the Dutch cities (the incomplete and faulty nature of the sources could not possibly satisfy the hard-nosed positivists; we simply have to make the best of imperfect data). Nevertheless it makes some sense to look at data about household composition in Dutch cities at various points of time. We are fortunate to possess such information for three towns (Leiden, Delft and Gouda)
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at four moments with long time intervals 6 . Of special interest are the data on the average number of children per household and the mean number of living-in children per 100 heads of households. This third set of data of relevance to our problem (after those of Amsterdam and Rotterdam) shows developments (see Table IV) T a b l e 4 . Mean s i z e of l i v i n g - i n c h i l d r e n and a v e r a g e number p e r 100 heads of
household a v e r a g e number of c h i l d r e n p e r household
a v e r a g e number of living-in children per 100 h e a d s of h o u s e h o l d
CITIES Leiden, 1581 Gouda, 16?2 Gouda, 1674 Leiden, 1749 Delft, 1749
1,61 2,07 1,71 1,42 1,27
99,M
121,1 106,2 85,0 79,9
COUNTRV-SIDE Rijnland.1622 K r i m p e n e r w a a r d , 1622 K r i m p e n e r w a a r d , 1680 N o o r d e r k w a r t i e r , 1622-1795
?,S2 2,72 2,08 1,76
lW.U 152,B 130,0 113,5
which completely fit into the secular changes as presented before. In 1581 the city of Leiden was still only on the brink of a century of rapid industrial expansion after a period nearly as long of stagnation and decline. The new era, mainly to be brought about by massive immigration of textile-workers who fled from the war ravaged Southern Netherlands, had yet to begin. In 1581 the secular depression of the city had not yet passed and the moderate mean number of living-in children is an expression of it. Moderate in any case compared with the situation at Gouda in 1622, in the midst of the rapid expansion of the Dutch cities. In complete accordance with the theory of the secular downward change after the middle of the seventeenth century we find in the same city in 1674 a mean size already substantially lower than in 1622. The very low numbers found in 1749 in Leiden as well as in Delft stand in a certain sense as a possible confirmation of the hypothesis of the low urban birth rate during the phase B of secular contraction between the mid-seventeenth and mid-eighteenth centuries. The developments on this point to be noticed in the country6. A . M . VAN DER WOUDE, D e demografische Noordelijke Nederlanden 1500-1800, Algemene Geschiedenis ( H a a r l e m 1980), Tables X X I and X X I I .
ontwikkeling v a n der Nederlanden,
de V
70
A.M. VAN DER WOUDE
side are in complete accordance with the urban picture : the average number of children per family was much higher around 1622 than at the end of the seventeenth and during the eighteenth centuries (Table IV). Another indication for the supposition of this drop of fertility and birth rate during the period of demographic contraction can at last be found in the comparison of the 10-yearly numbers of marriages and baptisms in Rotterdam (graph. 3). A relatively high
mean number of baptisms per marriage during the seventies and eighties of the seventeenth century fell steeply after 1700. It was not before the last thirty years of the eighteenth century that the low levels, which had been reached after the first decades of this century, were left behind. Only around 1800 did the ratio between marriages and baptisms regain the pre-1700 level. Ill The idea that early modern cities by themselves suffered from a long-run deficit of births over deaths and would have declined in population without in-migration, has gone unquestioned until recently. It is the merit of Allan Sharlin to have been the first (more or less since Siissmilch) to subject this belief to discussion 7). He contended that early modern cities would not have declined in population without 7. A. SHARLIN, Natural decrease in early modern cities: a reconsideration, Past and Present, 79 (1978), p. 126-138.
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in-migration. To support his thesis he got the clever idea to look separately at the demographic behaviour of the sedentary population and that of the in-migrants. In his view the so called permanent residents of early modern cities, i.e. the natives and some migrants, enjoyed a measure of natural increase. The temporary migrants on the other hand could seldom marry by the standards of early modern society and their deaths outnumbered births by a very large amount. It was, he concludes, the combination of temporary and permanent populations which resulted in the well-known excess of deaths over births. Thus, the counts of births and deaths by themselves do not suffice as conclusive evidence for the existence of a kind of ' law-ofnature ', insuring that without immigration a decline in urban population would have taken place caused by ' natural' surplus of deaths over births in early modern cities. In support of this ' model of urban natural decrease' Alan Sharlin put forward interesting and sometimes convincing exemples (e.g. the city of Frankfurt a. M.). Nevertheless, his thesis deserves some rethinking, be it only for reasons of logic. If put to the extreme his thesis contends that it was exactly the heavy migration which caused the often observed ' natural decline' of these cities. Or, to put it more bluntly, the higher the volume of migration the worse the balance between births and deaths, and the greater the inclination toward natural decrease. Reasoning along these lines would lead to the absurd conclusion that the growth of pre-modern cities was solely brought about by the natural increase of the permanent residents. It goes without saying that such an idea would turn into a fairy tale the story of the growth of Amsterdam from a 15 000 inhabitants around 1525 to a metropolis of over 200 000 around 1675, or that of Rotterdam from a mere 6 000 around 1525 into about 50 000 just before 1700 (and one can add to them the names of Antwerp, Leiden, Hamburg, Niirnberg, London, Paris, etc., etc., at different points of time). Surely this is not what Alan Sharlin had in mind with his shrewd remarks and intelligent exemples. What may be at fault in this thesis ? I think that the greatest shortcoming in the old ' model of urban natural decrease' consists of the fact that it gives a static picture, and by doing so is a-historic. With its ' law-of-nature' character it has the (mostly not explicitly declared) pretension to give an explanation for urban demographic growth or decline since, let us say, Roman times. But the facts on which the model was based came at its best from the late seventeenth and predominantly from the eighteenth century. That time period, however, was a very specific phase in the demographic history of Western Europe generally characterized by demographic stagnation or even decline. It was not a time of massive excesses of births over deaths, not even in the country-side, as often seems to have been the case during the long sixteenth century. The only important restriction brought forward by some scholars on this
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A.M. VAN DER WOUDE
model of natural decline — the idea that it was of especial relevance for big cities — did not place in jeopardy the general validity of the model, and its a-historic character, divorced from historic time and circumstances. In my opinion it is the fault of Sharlin's ' model of urban migration' not to put that character of the old model into discussion. Instead, by in fact taking it for granted, he offers a more refined picture of its working. By so doing he took an important step forward, for I believe that migration is indeed an important variable to explain possibly different urban growth patterns during the three great secular periods between the 16th and 19th centuries. Also very important in this connection is his statement that the sedentary city population did not always show a strong tendency to decrease, but in many cases may have had a reasonable balance between births and deaths. Given that possibility the character of the immigration becomes a very important item for a good judgement on the prevailing situation. In the examples discussed by Sharlin — and not by chance again mostly taken from the late seventeenth and eighteenth centuries — we read of ' immigrants primarily as temporary migrants, of single people of marriageable age, of a preponderance of female servants (i.e. imbalance in the sex ratio), of poor artisan journeymen, in a word, of people of the status that could seldom marry by the standards of early modern society During the seventeenth — to mid-eighteenth century period of demographic stagnation this picture of the situation may be true. But does the same hold — as a law of nature — for the first half of the nineteenth century ? And for the long sixteenth century ? That still has to be proven, and as I tried to demonstrate before for the Dutch cities during their phase of expansion, there is just enough evidence to cast serious doubts on such a contention. Allan Sharlin himself skimmed these questions by his remarks that ' different proportions married could easily turn a natural decrease into a natural increase' (p. 134) and by pointing to two important issues in this connection : ' differences in marriage practices or/ [and -v.d.W.] an imbalance in the sex ratio' (p. 137). And for a possible explanation of the disappearance of the excess of deaths over births in cities during thp nineteenth century he writes: ' Thus the percentage of single people of child-bearing age may have dropped substantially in the cities. (...) if greater proportions of those in the cities married, an increase in the number of births could have reversed the deficit' (p. 137). I think it was exactly that which, among other factors brought about in the Dutch cities of the long sixteenth century a surplus of marriageable male immigrants, who definitely settled and married a relative large proportion of the resident and immigrated females of child-bearing age. In demographic as well in historical literature the results on marriage and fertility of an imbalance between the sexes have been
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studied more than once. Recent studies by Roy and Charbonneau have shown that for 17th and 18th century Canada changes in the age and sex composition of immigrants had far reaching effects on demographic behaviour in the matrimonial market, on the proportion of the male and female population that married, on the mean female age at marriage and on the remarriage chances for widows 8 . Hans Norman did a comparative study on the demographic behaviour during the late nineteenth century in settlements of immigrant Swedes in die United States and in their Swedish counties of origin. His conclusions were : ' The shortage of women in these Swedish-American settlements had no effect on the marriage frequency of men, which generally corresponds to the frequency in selected areas of Sweden. On the other hand, this shortage resulted in a very high frequency of marriage among women, and a lower age for women at first marriage. Both factors led to high general birth rates as well as a large number of children in relationship to the number of fertile women ' 9 . A third, highly relevant example can be found in Monter's study of the demographical situation in Geneva during the second half of the sixteenth century 10 . At that period the city experienced an unusual demographic development. First there was a huge wave of Huguenot immigration in the 1550s, more than doubling its population within ten years. Then there was an irrigular plateau, lasting from the early 1560s until the early 1580s, when the city assimilated a significant minority of refugees during the French War of Religion. Finally, an age of retrenchment began after 1585: wars and famines decimated the city's population and refugees stopped arriving. The years 1586 to 1593 were a kind of watershed. The most remarkable demographic differences before and after that watershed were the mean age at marriage, thé birth rate and probably the frequency of female celibacy. Before the drastic change around 1590 Monter observed a very low mean female age at marriage and extremely low percentages of single women. After the reversal, the mean female age at marriage as well as the percentages of single women rose steeply, while the numbers of births declined. Monter does not tire of repeating the reason for this development. ' Before at least 1580 Geneva was a highly unusual city because it probably contained more men than women, and was therefore an excellent marriage market for women. ' And also : ' As late as the 1580s, nearly any woman with even a small dowry could probably find a 8. R. ROY and H. CHARBONNEAU, La nuptialité en situation de déséquilibre des sexes: Le Canada du XVII* siècle, Annales de démographie historique, 1978, p. 285-294. Also other studies in this volume throw interesting light on these issues. 9 . Hans NORMAN, Swedes in North America, in : Hans RUNBLOM and Hans NORMAN (eds), From Sweden to America, Minnesota-Uppsala, 1 9 7 6 , p. 2 9 0 . 10. E. William MONTER, Historical demography and religious history in sixteenth-Century Geneva, Journal of Interdisciplinary History, IX (1978-1979), p. 399-427.
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A.M. VAN DER WOUDE
husband in Geneva.' Between the late 1550s and the early 1580s — at precisely those times when much of its population comprised Huguenot refugees — ' Geneva had relatively few spinsters because it probably had a surplus of men.' ' Geneva simply had too many men, too few women' 1 1 . Monter calls this Geneva of before 1580 an unusual city because of its sex balance favourable to women. But it is possible that this situation in less pronounced forms also existed in many fast growing cities during the sixteenth and also the early nineteenth centuries. In any case there is no reason to suppose that the sex ratio on the urban matrimonial market would have always and everywhere been as unfavourable to women as during the period of demographic stagnation of the seventeenth and eighteenth centuries. Sharlin tried to attack the law-of-nature character of the belief in the validity of the pre-modern « urban graveyard » effect by pleading for a replacement of the « model of urban natural decrease » by a « model of urban migration ». In fact he was not attacking the belief in the law of nature character of the pre-modern « urban graveyard » effect, but was only trying to offer a more sophisticated version of its working. For certain places and for certain periods he may be right. On the other hand I plead also for the suppression of the belief in the law-of-nature character of surpluses of deaths in premodern cities by stressing the importance of (a certain type of) immigration. I believe that this is especially right for those periods and for those pre-modern cities where we can observe important overall population growth. As always in good history there is no law. There are only tendencies which vary according to time and place. I plainly believe that we have to put more history into our demographic models. A . M . VAN DER WOUDE
11. A most vivid description of such a situation can be found in the account by the famous Russian novelist Chekhov of the situation in the Russian place of exile Sachalin (/z Sibiri. Ostrov Sachalin, chapter XVI).
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RÉSUMÉ La conception selon laquelle la ville pré-industrielle aurait par sa nature toujours connu un excédent de mortalité vaut presque comme un axiome dans la littérature historico-démographique. Sharlin a mis en doute cette conception dans une étude publiée dans Past and Present 79 (1978), en ce sens que dans l'interprétation il désire avant tout faire une distinction entre la reproduction de la population permanente et celle de la population flottante. Dans mon article j'essaie, à l'aide des développements démographiques dans les villes néerlandaises au XVII* et au xvnf siècle, de citer des arguments en faveur de la thèse selon laquelle l'existence d'un excédent de mortalité dans la ville préindustrielle ne devait nullement être une nécessité partout et pour toujours déterminée par sa nature.
SUMMARY The notion that the pre-industrial city always had a natural surplus of deaths has been accepted as almost axiomatic. In a study published in Past and Present 79 (1978) Sharlin questioned this notion by suggesting a distinction between the reproduction of the permanent population and that of the itinerant population. In this study, based on developments in Dutch cities during the seventeenth and eighteenth centuries, I propose that the existence of a surplus of deaths in the pre-industrial city was not a necessary feature determined for all time and places by nature, but a situation provoked by specific historical circumstances.
POLITIQUE ET POPULATION DANS L'HISTOIRE DES VILLES ITALIENNES AUX XVIe ET XVII0 SIÈCLES par E . FASANO-GUARINI
Il serait peut-être tout d'abord opportun de se demander s'il est possible de parler de politique démographique à propos des villes — que ce soit en Italie ou ailleurs — pendant 1' « Ancien Régime ». Il est bien évident que la réponse ne pourra être que limitative, et qu'il serait très osé d'attribuer à leurs gouvernants une volonté et une capacité d'intervention systématique dans le domaine de la population. Même si des mesures visent apparemment à influencer le mouvement naturel, comme l'octroi d'exemptions fiscales aux pères de familles nombreuses 1 , ou l'abolition de la taxe sur les dots, ou même la constitution de dots pour les jeunes filles pauvres 2 , elles
1. Voir pour l'Etat de Milan, A. FANFANI, « Aspetti demografici della politica economica nel Ducato di Milano », Studi di storia economica, Milano, Vita e Pensiero, 1936, p. 125-157 ; pour l'Etat de Florence, voir G.F. PAGNINI, Della decima e di varie altre gravezze imposte dal Comune di Firenze, I, Lisbona-Lucca, 1765, p. 79. L'exemption était accordée aux pères de douze enfants ; et parfois même aux enfants des pères exemptés. 2. Dans l'Etat de Florence, pour prendre un exemple, l'exemption de la taxe sur les dots a été accordée à la ville de Prato avec d'autres privilèges en 1512, après le pillage qui l'a ravagée, et a été ensuite confirmée périodiquement avec les autres privilèges locaux (voir Legislazione toscana, publiée par
L.
CANTINI,
Firenze,
1800-1808,
I,
p.
148-151).
En
1616
elle
a
été
accordée aussi à Livourne, avec l'exemption des taxes sur tous les autres genres de contrats (voir G. GUARNIERI, Livorno medicea nel quadro delle attrezzature portuali e della funzione economico-marittima (1577-1737), Livorno, Giardini, 1970, p. 128). Il s'agit dans tous ces cas de l'octroi d'un éventail de privilèges tendant à favoriser la vie économique dans son ensemble. C'est plus tard seulement, en 1768, que l'exemption de la taxe sur les dots, accordée par Pietro Leopoldo à tous les habitants des campagnes, prendra une signification explicitement populationniste : voir M. LASTRI, Ricerche sull'antica e moderna popolazione della città di Firenze per mezzo dei registri del battistero di S. Giovanni dal 1451 al 1747, Firenze, 1775, p. 109
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ne peuvent être considérées comme essentiellement démographiques. Pour en saisir le sens, il faut plutôt les replacer dans le contexte de la politique d'assistance et des privilèges fiscaux de l'Ancien Régime, souvent liés aux conditions variables des lieux et des groupes sociaux et tendant à se perpétuer en dehors des raisons qui peuvent être à leur origine. De surcroît, ces privilèges ne sont pas spécifiquement urbains. Cependant on relève toute une série d'interventions publiques ayant pour but de contenir ou de solliciter les phénomènes migratoires et partant de régler les niveaux des populations urbaines et de contrôler l'équilibre démographique entre les villes et les campagnes. Bien que leur efficacité ne puisse être évaluée quantitativement que dans très peu de cas, leur analyse nous aidera peut-être à appeler l'attention sur des facteurs, non spécifiquement italiens, du développement urbain qui trop souvent ont été laissés pour compte. Ma recherche, fondée sur la bibliographie existante et sur une série de sondages opérés dans les archives, ne s'intéresse qu'aux villes de l'Italie septentrionale et centrale : il serait difficile d'ajouter à un cadre déjà beaucoup trop hétérogène en soi, l'examen de réalités économiques, sociales et politiques aussi différentes que celles de l'Italie méridionale. Les considérations assez fragmentaires que j'exposerai, portent sur la longue période qui va du milieu du xvi e siècle à la fin du xvil" siècle. Cette période est marquée, s'il m'est permis d'employer des formules sans doute trop schématiques et très approximatives, d'un côté, par un développement démographique urbain modéré au xvi° siècle et par une crise suivie d'une longue stagnation au xvn* 3 , d'un autre côté, par un effacement dans le domaine politique des autonomies dont les villes avaient joui jusqu'alors et par la conclusion du long processus de formation des Etats régionaux. *
*
•
Aux yeux des écrivains politiques italiens tels que N. Machiavel 4 ou G. Botero 5 , au xvi' siècle, la ville apparaît encore comme le centre vital de l'Etat et le cœur de la société. Son développement leur semble être possible et souhaitable, et ils s'interrogent sur les moyens d'en augmenter, et au moins d'en conserver la population, tandis que la baisse ou la stagnation démographique leur apparaissent comme le résultat non recherché de catastrophes naturelles 3. Je renvoie à la communication présentée par E. SONNINO, € Bilanci demografici di città italiane : problemi e risultati », au colloque sur La demografìa storica delle città italiane de la Società Italiana di Demografia Storica, Assise, 27-29 octobre 1980, actes en cours de publication. 4. N. MACHIAVELLI, Discorsi sopra la prima deca di Tito Livio, 1. II, ch. Ili et V (édition consultée Milano, Feltrinelli, 1960, p. 285-286 et 293-294). 5 . G . BOTERO, Delle cause della grandezza e magnificenza delle città, publié par L. Firpo, Torino, UTET, 1948.
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ou de mécanismes d'équilibre spontané. Mais aux yeux des gouvernants, les villes semblent, si ce n'est dès le début du siècle, tout au moins dès le milieu de celui-ci, surtout menacées par le surpeuplement ; et les interventions des pouvoirs publics visent beaucoup plus à circonscrire l'immigration qu'à l'encourager. Presque partout les nouveaux venus sont soumis à un contrôle assez strict : à Milan 8 et à Modène 7 ceux qui les hébergent doivent les dénoncer aux autorités publiques. A Bologne 8 et à Mantoue 9 ainsi qu'à Ferrare, des bureaux spéciaux (gli « uffici delle Bollette ») sont chargés, parfois dès le xv4 siècle, d'enregistrer tous les étrangers entrant dans la ville. Les résultats de leur activité sont arrivés jusqu'à nous d'une façon plus ou moins fragmentaire 10 . Il ne s'agissait pas seulement de soumettre les étrangers à une surveillance répondant essentiellement à des raisons d'ordre public. Je ne rappellerai ici que très rapidement les édits publiés en Italie comme ailleurs contre les vagabonds et mendiants, ou plus généralement contre les pauvres étrangers. Au xvi* siècle, bien entendu, cela n'avait rien de neuf : mais au Moyen Age des mesures de ce genre décidées sous la menace de disettes, d'épidémies, ou même de tensions sociales aiguës, avaient, d'après ce que nous savons, gardé un caractère d'exception et frappé des catégories bien délimitées d'immigrants,
6. Voir les édits Sopra l'alloggiar i Forestieri, 1585, Contra Forastieri et specialmente Francesi, 1592, Sopra i forestieri, 1635, Che ciascun allogiante Forastieri in quello Stato sii tenuto notificargli, 1637, Grida prohibente agli habitanti di questo Stato alloggiar o ricever Forastieri senza bolletta, 1641, etc., dans les Gridari imprimés, conservés à la Biblioteca Nazionale Braidense de Milan. 7. Archivio di Stato di Modena, Gridario A, Grida sopra il denunciare i Forestieri, 23-24 janvier 1602 ; Gridario B, Grida sopra i forastieri, 17 février 1622 et 29 décembre 1629, etc. 8. L . SIMEONI, « L'ufficio dei forestieri a Bologna dal secolo xiv al XVI », dans Atti e Memorie della Deputazione di Storia Patria per le province di Romagna, s. IV, v. XXV, 1935, p. 71-95. Voir aussi les Bandi sulle Bollette, dans le recueil des Bandi conservé dans l'Archivio di Stato di Bologna. 9. L'Archivio Gonzaga di Mantova, Mondadori, 1920, p. LXIV.
I, publié par P. Torelli, Ostiglia,
10. Les sources bolonaises sont très fragmentaires : Six Libri delle presentazioni dei forestieri, couvrant en partie les années 1412-1413, 1418-1420, 1429, 1436, 1444 (Archivio di Stato di Bologna, Ufficio delle Bollette). Plus riche est la série de 1' « Ufficio delle Bollette » de Mantoue, comprenant surtout des registres di Popolazione : nati e morti forestieri e cittadini che arrivano e partono du 1507 au 1560 (Archivio di Stato, nn. 3056-3089).
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jugées dangereuses ou indésirables 11 . A partir du xvi* siècle ces procédés s'amplifient et deviennent beaucoup plus fréquents. On tend par là à instaurer une sorte de mécanisme ordinaire de défense de la ville contre les dangers que présentent les crises de subsistances et les épidémies, mais aussi contre les problèmes posés par la présence d'une population excédentaire. Au fur et à mesure que les villes développent une organisation plus efficace ainsi qu'une capacité plus grande de pourvoir au ravitaillement urbain 12 , et une volonté nouvelle d'intervention dans le domaine de l'assistance aux pauvres par des structures publiques 13 , elles semblent aussi vouloir élever des barrières plus rigides contre ceux qui viennent du dehors. A Venise, à partir de 1528-29 14 , ou à Bologne à partir de 1548 1 8 , les pauvres étrangers sont nettement distingués des pauvres citoyens ; et tandis qu'à ces derniers est réservée une assistance sans doute répressive — il s'agit des premiers cas d'internement —, mais aussi efficace, les premiers sont tout simplement frappés d'expulsion et menacés de peines corporelles très lourdes et d'emprisonnement. A Florence (1542) 1 8 et à Lucques (1575) 17 des bureaux sont constitués pour subvenir aux pauvres : s'ils doivent procurer nourriture, logement et, si possible, travail à ceux qui appartiennent au milieu urbain, ils s'occupent aussi de chasser les autres, sous la menace de coups de fouet, traits de corde, prison et pilori.
11. Sur la politique démographique des villes italiennes au Moyen Age, voir A.I. PINI, « Un aspetto dei rapporti tra città e territorio nel Medio Evo : la politica demografica « ad elastico » di Bologna fra il XII e il xiv secolo », Studi in onore di Federigo Melis, I, Napoli, Giannini, 1978, p. 365-408 ; G. PICCINNI, « I " villani incittadinati " nella Siena del xiv secolo », Bullettino senese di Storia patria, LXXXII-LXXXIII (1975-1976), p. 158-219; R. COMBA, La popolazione in Piemonte sul finire del Medioevo, Ricerche di demografia storica, Torino, Deputazione subalpina di Storia patria, 1977, p. 75 ss. et 152 ss. Voir aussi les indications bibliographiques dans Medioevo rurale, publié par V. Fumagalli et G. Rossetti, Bologna, il Mulino, 1980, p. 452-454. 12. M. AYMARD, « La transizione dal feudalesimo al capitalismo », Storia d'Italia. Annali, I. Dal feudalesimo al capitalismo, Torino, Einaudi, 1978, p. 1 1 8 3 ss. 13. Voir M. ROSA, « Chiesa, idee sui poveri e assistenza in Italia dal Cinque al Settecento », dans Società e storia, 1980, n. 10, p. 775-806, qui reconstruit de façon exemplaire la politique d'assistance non seulement de l'Eglise mais aussi des Etats, et fournit une riche bibliographie. 14. B. PULLAN, Rich and Poor in Renaissance Venice, Oxford, Blackwell, 1971, p. 239 et sq. 15. Voir Provisione elemosinaria per li poveri di qualunque sorte della città di Bologna, 1548, dans II Libro dei vagabondi, publié par P. Camporesi, Torino, Einaudi, 1973, p. 409-412. 16. B. PULLAN, Poveri, mendicanti e vagabondi (secoli XIV-XVII), Storia d'Italia. Annali l. Dal Feudalesimo al Capitalismo, Torino, Einaudi, 1978, p. 1C09. 17. S. BONGI, Inventario del R. Archivio di Stato di Lucca, Lucca, 1888, IV, p.
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POPULATION
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S'agit-il seulement, comme on l'a écrit trop souvent, d'un changement d'attitude envers les pauvres, d'une méfiance plus accentuée vis-à-vis du monde des sans-aveu et des vagabonds 1 8 dont les « grida » et les « bandi » signalent la composition hétérogène ? On peut en douter : beaucoup plus qu'entre vrais et faux pauvres, entre oisifs et inaptes, la ligne de démarcation semble passer entre citoyens et étrangers. Ainsi, à Bologne, en 1548, à côté des « forestieri furfanti » qui « doivent être chassés non seulement en tant qu'étrangers mais en tant que faux pauvres » on dénonce aussi une autre espèce d'étrangers, moins vicieux, mais non moins désagréables : les « innombrables familles qui, des montagnes de Modène et de Reggio, viennent habiter à Bologne », en vivant du travail incertain de « facchinaggio » du père et de la quête des enfants, car « cela cause pénurie de maisons^ de pain, de vin et d'autres choses nécessaires à la nourriture, et surtout surabondance de mendiants »... Plus qu'une nouvelle attitude morale, se manifeste ainsi une prise de conscience alarmée des problèmes que pose le surpeuplement relatif de la ville. A Sienne les recensements des pauvres à éloigner de la ville faits dans les dernières annnées de la République, parlent de façon plus nette non pas de vagabonds et mauvais pauvres, mais tout simplement de « bouches inutiles » 1 9 . Entre la fin du xvi" siècle et le début du xvn e , les expulsions des pauvres se suivent à un rythme serré et prennent une ampleur toujours croissante, à tel point que nous avons l'impression d'être en présence non pas seulement d'une conjoncture mauvaise marquée par une série très rapprochée d'années de disette, mais d'un véritable tournant dans l'histoire des villes, d'une rupture profonde des équilibres préexistant entre population urbaine et population rurale. A Milan, à Bologne, à Venise, à Modène, à Florence, se succèdent les bans contre les vagabonds, les « Bravi, Vagabondi, Forfanti, Otiosi, Scrochi et Malviventi » 20 , ou les « Birboni, Cantimbanchi, Cerretani » 2 1 , images bigarrées dont les textes de « furfanteria » nous ont transmis les versions littéraires 2 2 . Mais à côté de ceux-ci, le monde
1 8 . Voir, pour prendre un exemple très connu, J.-P. G U T T O N , La société et les pauvres en Europe (XVI'-XVlll' siècles), Paris, Presses Universitaires, 1974. 19. Archivio di Stato di Siena, Balia, p. 951 et 954-955 (recensements de 1553-1554). 20. Grida generale contra Bravi Vagabondi Forfanti Otiosi Scrochi et Malviventi, 24 décembre 1618, dans Gridario. Polizia dal 1495 al 1710, Biblioteca Braidense de Milan, A D II 17. 21. Bando pubblicalo contro Vagabondi Birboni Cantimbanchi Cerretani et simili, 21 juillet 1590, Legislazione toscana, cit., XIII, p. 162-163. 2 2 . Voir T . P I N I , De cerretanorum origine eorumque fallaciis, et R . FRIANORO, Il vagabondo ovvero Sferza de' bianti e vagabondi, Il Libro dei Vagabondi, cit.
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plus terne et mal défini des étrangers semble lui aussi perdre toute garantie et peut être soudainement frappé, sans distinction véritable, par de violentes mesures d'expulsion. Ainsi à Bologne en 1 6 0 0 o u à Modène en 1621 24 , on ordonne à tous ceux qui n'exercent aucun métier ou ne sont pas au service d'autrui de s'éloigner dans les trois jours. Encore à Modène et à Bologne, également à Florence, dans les années de disette on renvoie durement à la campagne les « contandini » qui s'en sont enfui : là ils sont des bras nécessaires à la culture des champs ; à la ville ce sont des bouches inutiles 26. Au-delà des raisons d'ordre public toujours affichées, on trouve dans les bans les motifs profonds de la résistance, en quelque sorte corporative, opposée par les pouvoirs politiques urbains à l'immigration. C'est, comme on le déclare à Modène en 1603 29, un conflit d'intérêts entre les mendiants « citoyens originaires ou par privilège ou habitant dans la ville pendant dix ans », reconnus et organisés par les institutions publiques, et ceux qui viennent du dehors ; le lien est direct avec la crise des subsistances, que la ville « achète avec dépense et peine pour la nourriture et le service de ses sujets, et qu'elle ne peut permettre aux étrangers de consommer » 2T. Les étrangers qu'on chasse, et qu'il n'est pas toujours facile de distinguer des vagabonds, sont ceux que le marché du travail urbain ne peut plus absorber. Aux foules provenant des campagnes et assiégeant les villes, celles-ci ne peuvent opposer qu'une politique malthusienne, visant à proportionner les habitants aux subsistances, les mendiants aux aumônes, les travailleurs au travail. Les nouvelles barrières ne sont pourtant pas sans ouvertures : d'autres étrangers reçoivent un accueil bien différent. Ainsi les statuts médiévaux et leurs rédactions successives du xvi" et du xvn" siècles, fixent les conditions pour l'acquisition du droit de cité de la part des étrangers. Si, à cette époque, dans les villes de l'Italie septentrionale et centrale, l'exercice des droits politiques est réservé en général à des
23. Bando sopra li Forastierì, Bologna, 11 mai 1600, Archivio di Stato di Bologna, recueil de Bandi, cit. 24. Grida sopra i Forastierì, Vagabondi e Mendicanti, Modena, 3031 décembre 1621, Archivio di Stato di Modena, Gridario B, cit. 25. Grida che li contadini non possano venire ad habitare dentro la città di Modona, Modena, 27 novembre 1614 et 5-6 novembre 1629, Archivio di Stato di Modena, Gridario B, cit. ; Bando che non si debba andar mendicando et che li poveri Contadini habbiano da partirsi della Città poiché se li provede fuori d'elemosina, Bologna, 16 mai 1591, Archivio di Stato di Bologna, recueil de Bandi, cit. Pour des mesures analogues en Toscane en 1591, voir M . ROSA, op.
cit.,
p. 788.
26. Grida per li poveri mendicanti, 22-23 octobre 1603, Gridario A, cit. 27. Grida sopra i Forastierì, Vagabondi e Mendicanti, 30-31 décembre 1621.
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patriciats (les cives optimo iure) assez exclusifs, où les apports de l'extérieur sont possibles mais très limités, le droit de cité dans sa forme la plus simple, c'est-à-dire l'admission à la jouissance des privilèges citadins en matière fiscale, juridictionnelle et économique, est accordée assez facilement, sur sa demande, à qui réside dans la ville depuis plusieurs années et exerce un métier. C'est la sanction des émigrations réussies ; et les « cittadinari », c'est-à-dire les registres où l'on inscrit les nouveaux citoyens, en indiquant souvent leur origine et les professions, — les livres de bourgeoisie dont R. Mois a relevé l'intérêt démographique et les difficultés d'exploitation 28 — permettent de reconstruire, du moins dans ses lignes générales, le tableau des immigrés qui ont réussi à s'intégrer dans les structures urbaines. Au xvi* et même au xvn° siècle les villes offrent d'ailleurs encore des possibilités de travail aux immigrés. Mais si l'industrie du bâtiment et les travaux publics — comme l'observera au xvm* siècle l'économiste modénais L. Ricci 29 — peuvent fournir des débouchés temporaires même aux forces de travail non qualifiées qui à d'autres moments constituaient l'armée des pauvres et des vagabonds, les manufactures font appel à une main-d'ceuvre tout à fait différente, très spécialisée, dépositaire souvent de techniques presque secrètes. De celle-ci on craint beaucoup plus la fuite que l'affluence excessive ; les gouvernants interdisent donc l'émigration à ceux qui sont leurs sujets, sous la menace parfois, comme à Florence pendant tout le xvi* siècle, de peine capitale et confiscation des biens 30. Ils cherchent en même temps à attirer ceux qui proviennent d'autres pays par l'octroi de privilèges fiscaux, de monopoles et d'avantages matériels : c'est ce que les ducs de Savoie ont fait aux xvi* et xvn* siècles, dans leur effort tenace pour introduire les activités manufacturières dans les villes du Piémont 81 . Il est bien évident en effet que ces mesures encouragent une immigration très sélectionnée et visent au dévelop-
28. R. Mols, Introduction à la Démographie historique des villes d'Europe du XIV au XVIIP siècle, t. II, Louvain, Duculot et Gembloux, 1955, p. 360 ss. ; voir aussi J.-P. Poussou, « Les mouvements migratoires en France », Annales de démographie historique, 1970, p. 31. 29. L. Ricci, « Riforma degli Istituti pii della Città di Modena », Scrittori Classici Italiani di Economia Politica, XLI, Milano, 1805, p. 25 ss. 30. Legge sopra i Battilori Tiratori Tintori ed altri, 12 décembre 1545, Legislazione toscana, cit., I, p. 272-273 et Bando per conto de Tiratori, Battilori, Tessitori d'Oro et altri Artieri sottoposti all'Arte di Por Santa Maria (...), 30 avril 1578, ibid., IX, p. 9. 31. G.B. B o r e l l i , Editti antichi e nuovi de' sovrani e principi della Real Casa di Sayoia, Torino, 1681 et O. Duboin, Raccolta per ordine di materia delle leggi, editti (...), Torino, 1846, passim. Plus général, est A. F anfani. Storia del lavoro in Italia dalla fine del secolo XV agli inizi del XVIII, Milano, Giuffré, 1943, p. 144 ss.
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pement économique beaucoup plus qu'à la croissance de la population. Si parfois celle-ci peut en tirer des avantages, le plus souvent ces étrangers, séparés du milieu où ils se sont installés par des différences ethniques et religieuses, constituent des colonies urbaines dont la vie n'est pas longue. Bien plus rares sont les interventions inspirées par des préoccupations proprement démographiques. En 1632, le duc de Mantoue essaie de combler les grands vides créés par les ravages de la guerre et de la peste en accordant aux étrangers, immigrant dans la ville et dans sa campagne, immunités et exemptions d'impôts 82 . En même temps ses émissaires tentent sans succès d'amener dans le duché une colonie de Hollandais : agriculteurs, fabricants de draps, tisserands, tapissiers 33 . Des mesures fiscales analogues sont promulguées à Venise à la même époque 34 . Bien auparavant, dès le début de son gouvernement, Cosme Ier, duc de Toscane, s'est proposé de favoriser le peuplement de Pise, et, dans un dessein complexe où la reprise économique est liée à la reprise démographique, et le développement de la ville à celui de sa campagne, il accorde avec largeur aux marchands étrangers, artisans, paysans, immigrés ruraux et urbains, privilèges, exemptions fiscales et immunités pour les dettes contractées antérieurement 36 . Pise connaît une croissance démographique très nette: de 8 055 habitants en 1551 à 16 000 en 1613 38 ; elle est devenue en même temps une ville d'immigrés, à tel point qu'elle apparaît à Michel Montaigne en 1580 « si peu habitée par le peuple et possédée par les étrangers » 37. Au xvi* siècle l'action des princes accompagne celle des gouvernants des villes, ou se substitue à elle, dans le domaine de la population ainsi que généralement dans le domaine administratif.
32. Grida du 10 novembre 1632, Archivio di Stato di Mantova, Gridario Bastia, V, f. 168. Ce document m'a été très gentiment transmis par M. Carlo BELFANTI.
33. A. PORTIOLI, Tre anni di storia dopo il sacco di Mantova (1631), dans Atti e Memorie della R. Accademia Virgiliana di Mantova, 1877-1878, p. 255-259. 34. D. BELTRAMI, Storia della popolazione di Venezia dalla fine del secolo XVI alla caduta della Repubblica, Padova, Cedam, 1954, p. 62. 35. R. GALLUZZI, Istoria del Granducato di Toscana sotto il governo di casa Medici, Firenze, 1781, I, p. 151, 157, 388, II, p. 218-220; E. FASANO GUARINI, Città soggette e contadi nel dominio fiorentino tra Quattro e Cin' quecento : il caso pisano, Richerche di Storia moderna, I, Pisa, 1976, p. 37-52. Voir aussi G. GRAZZINI, Le condizioni di Pisa alla fine del XVI e sul principio del XVII secolo sotto il Granducato di Ferdinando I de' Medici, Empoli, 1898. 36. M. DELLA PINA, Andamento e distribuzione della popolazione, dans Livorno e Pisa: due città e un territorio nella politica dei Medici, Pisa, Nistri-Lischi et Pacini, 1980, p. 25-29. 37. M. de MONTAIGNE, Journal du voyage en Italie par la Suisse et l'Allemagne en 1580 et 1581, publié par A.D' Ancona, 1889, p. 472-477.
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Un pouvoir nouveau apparaît ou se renforce, plus efficace et plus centralisé, capable d'agir dans un cadre territorial qui n'est pas homogène, mais qui a désormais des dimensions régionales. Bon nombre des ordonnances que nous avons examinées, ont été en effet promulguées par des princes ; et parfois elles ont été appliquées non seulement dans des villes, mais en général dans l'ensemble des Etats. Il est intéressant de voir comme le sens même du mot « étranger », que nous avons employé jusqu'ici dans une dimension purement citadine, varie et désigne des catégories différentes. En 1631 à Modène les « Conservatori di Sanità » considèrent comme étrangers « tous ceux qui n'habitent pas dans la ville depuis trois mois et n'y tiennent pas maison ni atelier ouverts, bien qu'ils soient sujets de S.A. » 38 . Mais deux ans auparavant, dans une « grida » ducale, la même expression désigne de façon plus moderne « ceux qui n'étaient pas sujets de S.A.S. » 39 , et revêt en 1621 un sens encore différent : « tous ceux qui n'étaient pas originaires de la ville et de son district, tout en étant sujets des Etats ducaux » 40 . La présence d'un pouvoir supérieur à celui des villes, capable d'intervenir au niveau des Etats, et l'existence d'un contexte régional sont évidents dans des cas comme ceux de Mantoue et surtout de Pise. Les moyens employés ne sont pas nouveaux : Machiavel et Botero en reconnaissaient l'origine dans le droit d'asile accordé par les Romains ; et même au Moyen Age on avait eu souvent recours à eux, pour favoriser le repeuplement urbain et rural. Mais, en ce qui concerne la période qui nous intéresse, les choix politiques ne semblent plus dictés par les intérêts exclusifs ou prédominants des villes ; ils le sont par un dessein plus vaste, visant en quelque sorte à un parallélisme de développement entre la ville et la campagne. Parfois, et nous en voulons pour preuve l'exemple de Pise, la prépondérance même de groupes de pouvoir locaux peut être ruinée au bénéfice des nouveaux venus qui sont traités, à bien des égards comme les citoyens indigènes. Les mêmes facteurs expliquent également, au moins en partie, les croissances urbaines, très rares du reste, qui ont lieu dans les Etats italiens du centre-nord pendant le x v r et le xvn* siècles : celles de Turin et de Livourne, pourtant si différentes entre elles. Giovanni Levi a fait remarquer que l'histoire démographique de Turin est le résultat de phénomènes « seulement en partie spon-
38. Gridario B, 39. 40. 1621.
Grida sopra l'esclusione de' Forestieri, Modena, 4-5 juin 1631, cit. Grida sopra i forestieri, 29-30 décembre 1629, ibid. Grida sopra i forestieri, vagabondi, e mendicanti, 30-31 décembre
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tanés » et est très étroitement liée à son histoire politique 41 . Au milieu du xvi" siècle, elle n'est qu'une ville de 10 000 habitants environ, entourée par une vingtaine de centres urbains mineurs, de dimensions tout à fait comparables aux siennes. Elle est située dans une région qui ne connaît pas de ville dominante. Elle devient par la suite la résidence préférée de la cour « en deçà des monts » ; puis, dans la première moitié du xvn' siècle, la nouvelle capitale des Etats de la maison de Savoie, et par là même le centre d'un imposant appareil bureaucratique. La transformation de son rôle marque aussi le début de son extraordinaire croissance démographique — 14 000 habitants en 1571, 24 500 en 1614, 44 000 en 1700 — favorisée par des mesures populationnistes — octroi en 1621 aux nouveaux venus du droit de cité, de l'immunité pour les dettes contractées et les crimes commis auparavant, de l'exemption du service militaire 42 —, et sans doute aussi par les imposants travaux publics qui transforment l'aspect de la ville 43 . Turin devient le pôle d'attraction d'une immigration de grande ampleur, et les centres mineurs en restent alors étouffés : ils ont jusqu'à la fin du xvi° siècle une croissance démographique très modeste et traversent au xvii* siècle une période de baisse accentuée. Au XVIII* siècle, la reprise se manifestera surtout dans les centres nouveaux, dont les fonctions seront en rapport avec les exigences militaires, civiles, commerciales de l'Etat. Si « Turin a ainsi lié son sort au développement et à la centralisation de l'Etat absolu » 44, tout le réseau urbain piémontais, ainsi que l'a montré Giovanni Levi, doit s'adapter à la réalité nouvelle et en est profondément transformé. Dans l'Etat florentin la présence d'une ville dominante, qui a un poids politique, économique, démographique tel qu'on ne peut la comparer aux autres centres urbains, est le résultat de transformations anciennes, dont il serait intéressant de voir les rapports avec le processus de formation de l'Etat régional aux xiv e et xv" siècles. Dans la période dont nous nous occupons ici, marquée par la fin du régime républicain et l'instauration du Principat, l'effort de l'oligarchie florentine, encore loué par Francesco Guicciardini, visant à « amaigrir
41. Pour les observations qui suivent, je me suis amplement servie des deux études de G. LEVI, « Mobilità della popolazione e immigrazione a Torino nella prima metà del Settecento », Quaderni storici, 17, mai-août 1971, p. 510533 ; et « Sviluppo urbano e flussi migratori nel Piemonte del 1600 », Les migrations dans les pays méditerranéens au XVIII' et au début du XIX* siècle, publications des Cahiers de la Méditerranée, série spéciale, n. 2, p. 26-52. 4 2 . G . B . BORELLI, op.
cit.,
p.
127.
Voir E . GUIDONI-A. MARINO, Storia dell'urbanistica, Bari, Laterza, 1979, p. 151-163. 4 4 . G. LEVI, Sviluppo urbano, cit., p. 28. 43.
Il
Seicento,
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ITALIE
87
le domaine et accroître les habitants et les recettes de la ville » 48 semble être dépassé. On voit plutôt se dégager, comme on l'a déjà remarqué en partie, une tendance en direction de la création d'un deuxième pôle économique, autour de Pise et dans la vallée inférieure de l'Arno. Les préoccupations de Florence au sujet de la décadence du centre urbain qui représentait son débouché sur la mer sont anciennes : déjà en 1419, treize ans après la conquête, la République avait promis des exemptions et privilèges aux marchands étrangers qui viendraient s'installer dans la ville de Pise 48 . Toutefois, maintenant, les interventions du nouveau pouvoir politique ont une envergure bien supérieure, et assument un caractère beaucoup plus articulé. Dans ce cadre, en 1577, on décide aussi l'agrandissement du nouveau port et la création d'une ville fortifiée à Livourne, qui jusqu'alors n'a été qu'une forteresse côtière et un très petit centre — 600 habitants environ —, entouré de marais. Sa construction suit un projet graduellement adapté aux exigences concrètes de la vie urbaine ; elle commence par les remparts, qui vont marquer le périmètre d'un vaste espace provisoirement vide, se poursuit par l'aménagement du port, et enfin par l'édification de maisons qui ne trouveront des acquéreurs privés que beaucoup plus tard. Livourne naît ainsi d'une sorte d'énorme entreprise publique, et d'un choix politique à l'échelle régionale ; elle est alimentée par des investissements, eux aussi à l'échelle régionale, où confluent les vastes rentes des Médicis ainsi que celles des ordres nobiliaires et des organismes de charité qu'ils contrôlent 47 . Son peuplement n'est ni rapide ni spontané. Il faut attendre la dernière décennie du siècle et les âpres difficultés qui menacent dans cette période la vie des populations rurales pour voir la ville de Livourne prendre son essor : Ferdinand Ier relance alors (15901593) la politique démographique de son père en faveur de Pise, de Livourne et de leur territoire. Il accorde des exemptions fiscales et des franchises aux marchands étrangers (« Levantini, Ponentini, Spagnoli, Portoghesi, Greci, Tedeschi et Italiani, Hebrei, Turchi, Mori, Armeni, Persiani ») qui viendront avec « leur commerce habiter dans
45. F. GUICCIARDINI, Opere inedite, publiées par G. Canestrini, Firenze, 1858, II, p. 366 (Discorso ottavo, 1531). 46. Voir Deliberazione di Capitoli e Ordini sopra i fatti di Pisa a di 23 dicembre 1419, dans G.F. PAGNINI, op. cit., I, p. 45-46. 47. Voir G. NUDI, Storia urbanistica di Livorno, Venezia, Neri Pozza, 1959 ; id., « Il progetto di Bernardo Buontalenti per la città nuova », Livorno. Progetto e storia di uno città tTQ il 1500 c il 1600f Pisa., Nistri-Lischi et Pacini, 1980, p. 15-23 ; G. SEVERINI, Le fortificazioni,
ibid.,
p. 85-118 ; D . MATTEONI,
La costruzione della città nuova (1590-1629), ibid., p. 149-154.
A. FASANO-GUARINI
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notre très aimée ville de Pise, port et escale de Livourne » ; il promet liberté de culte aux juifs, immunités judiciaires aux travailleurs qui participeront à la construction de la ville et au fonctionnement des infrastructures du port, et en général à tous les immigrés 48 . Livourne passe brusquement de 730 habitants en 1591 à 1 140 en 1592, 3 100 en 1601, 7 500 en 1616, 9 100 en 1622, 12 000 en 1642. Douze mille est le chiffre qu'on relève encore à la fin du siècle, malgré une poussée probable jusqu'au chiffre de 17 000 dans les années 1670 49 . Tandis que les autres villes toscanes ont connu entre 1562 et 1622 un taux d'accroissement moyen annuel de 4,5 %c 50, Livourne, dont la population reste stable jusqu'à 1591, croît ensuite à un taux de 51,60 %c par an. Aussi, lorsque les autres villes, entre 1622 et 1642 connaissent une chute d'environ 3,06 %0 par an, Livourne continue à se développer à un taux de 13,50 %c. La croissance très rapide des années 1590-1622 est provoquée aussi, de toute évidence, par l'immigration stimulée par la politique de Ferdinand F r . Les registres des privilèges accordés aux nouveaux venus, dont nous disposons pour les années 1578-1609, nous permettent d'examiner leur provenance et dans une certaine mesure même leur condition sociale 61 . Cette première vague migratoire est formée, non par les marchands étrangers dont Ferdinand espère le concours, mais surtout par des sujets toscans (550 familles sur un total de 942), issus en grande partie des campagnes de la vallée
48. Deliberazioni dans GUARNIERI, op. cit., Stato di Firenze, Pratica c. 196 ss.; du 23 octobre
du 8 octobre 1590 et du 12 février 1592, publiés p. 257-259 ; Privilegi du 30 juillet 1591, Archivio di Segreta, 189, c. 177 ; du 10 juin 1593, ibid., 189, 1595, ibid., 190, c. 11. Les Privilegi de 1593 ont été
publiés par GUARNIERI, op. cit., p. 261 ss. ; ceux de 1595 par GRAZZINI, op.
cit.,
p. 2 1 2 ss. 49. Voir G. PARDI, « Disegno della storia demografica di Livorno », Archivio storico italiano, LXXVI, 1918, p. 1-96 ; E. FASANO GUARINI, « Esezioni e immigrazione a Livorno tra sedicesimo e diciassettesimo secolo », Atti del Convegno : Livorno e il Mediterraneo nell'età medicea, Livorno, Bastogi, 1978, p. 56-76 ; id., « La popolazione », Livorno. Progetto e storia di una città tra
il 1500
e il 1600,
cit., p.
199-215.
50. L. DEL PANTA, Una traccia di storia demografica della Toscana nei secoli XVl-XVlll, Dipartimento statistico-matematico, Università degli Studi di Firenze, 1974, p. 36-38 et 43-46. Les centres urbains considérés par Del Panta sont Florence, Prato, Pistoia, Pise, Livourne, Arezzo. J'ai naturellement recalculé les taux d'accroissement en faisant abstraction de Livourne. Les chiffres absolus que je fournis dans mes recherches sur Livourne se rapportent à la seule population civile de la ville, et de ce fait divergent quelquefois de ceux que donne Del Panta. 51. Archivio di Stato di Livorne, Comunità di Livorno, 16-18. Pour les observations qui suivent je renvoie à mon étude « Esenzioni e immigrazioni... », déjà citée. Une source analogue, encore à exploiter, existe pour le Capitanai de Pise à partir de 1598 (Archivio di Stato di Pisa, Gabella dei contratti, 295).
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de l'Arno ou des Apennins. En dehors du Grand-duché viennent à Livourne surtout des habitants des montagnes lucquoises ou des petits bourgs de la côte ligure. A en croire les indications professionnelles, fournies d'une manière fragmentaire par les sources, il s'agit surtout de très petits commerçants et artisans, ainsi que d'employés dans l'industrie du bâtiment et dans les travaux portuaires. C'est seulement à partir de 1605 qu'apparaissent quelques marchands et quelques patrons de bateaux. Il est intéressant de noter que l'affluence des immigrés est particulièrement importante dans les années de disette : si la moyenne annuelle est de 8 chefs de famille immigrés entre 1578 et 1590 et de 44 entre 1591 et 1608, en 1592, 1596, 1602 on atteint des pointes d'environ 80. Dans ces mêmes années, bien d'autres villes ferment leurs portes aux migrations spontanées : Livourne s'alimente peut-être de ces pauvres qui, ailleurs, sont chassés. Plus tard, le succès du port et le développement du commerce, le déclin aussi, après 1620, de la place de Pise, changent profondément la composition de la ville : un recensement fiscal de 1642 montre en eifet le poids que les marchands étrangers — anglais, flamands, français, juifs — ont acquis dans la vie économique de Livourne, où ils sont présents en grand nombre 62 . De la même façon l'analyse des provenances indiquées dans les registres des mariages à partir de 1610 8 3 confirme la présence croissante d'immigrés non italiens, dont la proportion oscille entre 33 et 39 % des époux. Elle permet d'autre part de saisir la formation graduelle d'une population véritablement livournaise : le chiffre des épouses définies comme telles monte de 20 % entre 1611-1620 à 25 % entre 16211630, 27,50 % entre 1631-1640, 45 % entre 1641 et 1650. Mais même cette Livourne mercantile et cosmopolite, capable désormais de développer son économie et de conserver et accroître son niveau démographique à partir de ses propres forces, est encore soutenue par les anciens privilèges ainsi que par les nouvelles franchises octroyées par l'Etat. Ville sans territoire et sans citoyens qui en soient originaires, Livourne doit sa fortune à son commerce international ; mais elle est aussi le fruit de la restructuration de l'espace régional effectuée par les premiers grands-ducs. Une capitale qui se développe parce qu'un Etat se transforme, un port dont la fortune finit par dépasser amplement les dimensions régionales sont de toute évidence des cas exceptionnels. Ils peuvent tout de même attirer l'attention sur l'influence que les choix et les processus politiques ont sur les destinées démographiques des
52. Archivio di Stato de Florence, Pratica Segreta, 169, c. 238 ss. 5 3 . V o i r E . FASANO GUARINI, « L a p o p o l a z i o n e . . .
», cit., p .
208-214.
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villes. Ces destinées sont étroitement liées à partir du xvr* siècle à l'histoire des Etats. E.
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RÉSUMÉ Cette étude examine les interventions des pouvoirs publics visant à freiner ou stimuler les phénomènes migratoires et à régler par ces moyens le niveau de la population des villes. Dans leurs différents aspects, elle identifie l'expression d'une politique tendant à protéger le tissu économique et démographique existant, plutôt qu'à en promouvoir le développement. Elle fait remarquer d'autre part qu'à partir du xvi* siècle l'action des princes s'ajoute à celle des gouvernements citadins. Ainsi l'histoire des populations urbaines doit être étudiée dans le contexte des Etats ; et derrière les cas exceptionnels de croissance (Turin et Livourne), il faut chercher l'intervention des souverains et le changement des équilibres démographiques à l'échelle régionale.
SUMMARY The communication examines public measures designed to restrain or to encourage migratory phenomena and to regulate in this way urban population levels. It considers them as the expression of a political tendency to sustain the existing economic and demographic tissue rather than stimulating its development. It then emphasizes that, from the Sixteenth Century on, the action of Princes accompanies that of city governments. Demographic policy and the history of urban populations must be explained by considering the State context; and behind the exceptional cases of urban growth (Turin or Leghorn) we must look for the action of souverains and for regional change in demographic balance.
ASPECTS GÉNÉRAUX DE L ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE A ROME : 1598-1824 * par C. SCHIAVONI et E. SONNINO
INTRODUCTION L'étude de l'évolution démographique d'une grande ville est sans aucun doute l'un des terrains les plus ardus en démographie historique. Que l'on étudie une réalité d'ancien régime ou une population urbaine contemporaine, les problèmes restent les mêmes pour le chercheur : avant tout, il faut tenir compte des influences qu'exercent les flux d'immigration sur la structure de la population selon le sexe et selon l'âge ainsi que sur la dynamique de la nuptialité, de la fécondité, de la mortalité générale et infantile. En second lieu, l'objectif est de mettre en évidence la variabilité des comportements démographiques, que l'on peut observer en se référant aux différentes catégories sociales de la population, dont la présence simultanée et l'interaction constituent la réalité sociale urbaine. L'amélioration continue des sources démographiques peut atténuer les difficultés de ces analyses ; elle ne permet cependant que bien imparfaitement de déceler d'une façon satisfaisante les mécanismes démographiques d'une population urbaine. Nous avons déjà eu l'occasion de souligner ces problèmes à propos de la population romaine et, de façon plus générale, à propos de l'étude des villes italiennes 1 . * Ce texte est le fruit du travail en commun des deux auteurs ; la rédaction des paragraphes se divise ainsi : E. Sonnino : introduction, paragraphes I et IV et conclusions ; C. Schiavoni : paragraphes II et III. Notre recherche a bénéficié, en Italie, d'une subvention du Conseil National des Recherches et du Ministère de l'Education Nationale. 1. E. SONNINO, « Problèmes de recherche dans une grande ville: le cas de Rome (xvu* siècle) », dans Annales de démographie historique, 1972 ; E. SONNINO, « Bilanci demografici di città italiane : problemi e risultati », dans Actes du Congrès de la Société italienne de démographie historique (SIDES) sur La démographie historique des villes italiennes, 1981.
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C. SCHIAVONI ET A. SONNINO
Les quelques pages qui suivent sont bien loin de fournir une analyse exhaustive de l'évolution de la population romaine aux xvn* et xvin* siècles. Nous devons nous limiter, en effet, à n'en fournir que quelques indices, mais dans le court espace qui nous est donné, il nous faudra nécessairement tirer, des données que nous présenterons, quelques interprétations de synthèse sur la dynamique démographique de la population en question. Nous aurions préféré être plus précis dans notre exposé comme l'imposerait un cas comme celui de Rome. Mais nous renvoyons la confirmation de nos données et la description plus approfondie de cette population aux prochains résultats généraux de notre étude. I. ORIGINE ET HISTOIRE DES DOCUMENTS La Secrétairerie du Cardinal Vicaire 2 ordonna à Rome au début du xviï* siècle une opération de relevés statistiques destinée à connaître la population de la ville, entreprise ambitieuse pour l'époque : il s'agissait de compiler les Listae Status Animarum Almae Urbis Romae. Ces listes étaient des tableaux de statistique démographique, la population des 90 paroisses de Rome étant divisée en diverses catégories que nous verrons plus bas. L'ampleur et le sérieux de cette imposante opération semblent être liés à la grande diffusion qu'eurent dans la capitale de la chrétienté les « Livres d'état d'âmes » 3 : ce n'est pas par hasard, en effet, que les Listae commencèrent à être rédigées annuellement avec une extrême régularité à partir de 1621, jusqu'à l'Unité italienne *. Sur la rédaction, à travers toute l'Italie depuis le xvn* siècle, aux alentours de Pâques, de ces Livres des Status Animarum — particulièrement riches, dès leur création, en renseignements d'ordre statistico-démographique — nous n'ajouterons rien de plus à ce qui a déjà été dit. Nous soulignerons seulement que ces documents représentent à Rome un « corpus » monumental unique au monde par la richesse et le caractère exhaustif des informations socio-démographiques. 2. La direction du diocèse de Rome est exercée par un vicaire du pape, le Cardinal-Vicaire, dont la charge est conférée à vie et ne cesse pas à la mort du pontife. Le vicaire gouverne à travers sa Secrétairerie et est aidé par le gérant-adjoint. 3. C. SCHIAVOM, « Introduzione allo studio delle fonti archivistiche per la storia demografica di Roma nel ' 6 0 0 », Genus, vol. XXVII, 1971, n. 1-4 et C . SBRANA, R. TRAINA, E . SONNINO, Gli stati delle anime a Roma dalle origini al sec. XVII, Roma, La Goliardica Editrice, 1977 ; voir aussi Le fonti della demografia storica in Italia, CISP, Roma, 1974, vol. I. 4. C. SCHIAVONI, « Elencazione cronologica e luoghi di conservazione delle scritture parrochiali romane... », dans Le fonti della demografìa storica in Italia, CISP, Roma 1974, vol. II. Il convient, en outre, de rappeler la précise illustration des sources démographiques romaines que fait R. Mois dans son œuvre fondamentale : Roger M O L S , Introduction à la Démographie Historique des villes d'Europe du XIV' au XVIII' siècle, Editions J. Duculot, Louvain, 1954, tome F".
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L'ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE A ROME
C'est donc à partir de ces « Livres » que chaque curé établissait, après avoir terminé les opérations de recensement concernant la population de sa paroisse, une « Liste d'âmes » (ou « Abrégé »), c'est-à-dire un tableau statistique des différentes catégories de population. Cette liste était alors transmise à la Secrétairerie du CardinalVicaire qui dressait chaque année les Listae Status Animarum Almae Vrbis Romae. Afin d'assurer l'homogénéité du document les curés devaient se conformer au classement modèle ci-après. Instructions sur la façon de composer le Status de la ville de Rome.
Animarum
Après la huitaine de Pâques, on fait autant de listes qu'il y a de paroisses à Rome, cette liste se compose selon la formule suivante. Note des âmes de la paroisse de Saint N. pour l'année N. Maisons et familles N. Evêques » Prêtres » Frères et religieux » Religieuses » Collégiens et écoliers (séminaristes) » » Courtisans des Seigneurs Cardinaux et autres Pauvres des Hôpitaux » Prisonniers » Hommes de tout âge » Femmes de tout âge » Aptes à la Communion, garçons et filles » Non aptes à la Communion » Ayant communié » N'ayant pas communié t> » Prostituées Maures » Bigotes y Tous ensemble » Dent omnimo listam infra spatium quindecim dierum sub poena unius scuti aurei. [A partir de 1702 on ajoute] On juge bon d'ajouter à la liste ci-dessus le nombre des morts et le nombre de ceux qui sont nés au cours de l'année dans chaque paroisse, pour les nombreuses observations que l'on peut faire sur la qualité de VAir et autres choses concernant le bien public. Baptisés s'il y a les fonts baptismaux Morts aussi dans les Couvents de Frères, de Religieuses, dans les Collèges, Hôpitaux existant dans l'enceinte de la Paroisse
N.
N.
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Il faudra par contre attendre les premières années du xix* siècle pour que le nombre des mariages célébrés dans chaque paroisse soit indiqué dans les Listes. Les Listae Status Animarum Almae Urbis Romae constituent donc une source particulière pour la ville de Rome, qui s'ajoute à la riche moisson des livres de Status Animarum paroissiaux et des registres de mariages, baptêmes et sépultures, disponibles eux aussi, dans chaque paroisse, pour toute la ville. De toutes ces sources réunies nous avons tiré le mouvement de la population, que nous illustrerons dans les pages suivantes : nous nous sommes fondés sur les données des Listae — après les avoir vérifiées — pour la description de l'évolution générale de la population romaine et nous avons intégré ces données à celles des Status Animarum des paroisses pour l'examen des structures familiales et de la structure par sexe ; nous avons enfin utilisé aussi bien les registres paroissiaux que les Listae pour l'analyse de la natalité et de la mortalité. Sur la base d'une telle documentation, nous sommes en mesure, nous semble-t-il, de présenter les aspects généraux de l'évolution démographique à Rome de 1598 à 1824. II. LA POPULATION ROMAINE D'APRÈS LES CATÉGORIES DES «LISTES », DE 1598 A 1824 Comme nous l'avons déjà indiqué au chapitre précédent, les Listae s'articulaient autour d'un certain nombre de catégories de population qui présentaient un intérêt religieux et social mais aussi démographique. Ces catégories, prises globalement, ne représentaient jamais, si l'on exclut celles des « communiants » et des « non communiants » dont on reparlera à part, plus de 10-11 % de la population romaine tout entière ; de 0,01-0,02 % que représentaient les « Maures », on arrive à 3-4 % pour les « Courtisans » au début du XVII" siècle. La population religieuse Quoique capitale de la chrétienté catholique, Rome n'eut jamais, à partir de 1598, date où commencèrent les mémoires statistiques, une population religieuse masculine et féminine d'importance considérable, même si, en pourcentage, cette population y était deux ou trois fois plus grande que dans d'autres parties d'Italie 6 . Le contingent global, croissant à partir de 1612 (6 000-6 500 individus), se stabilisa dès 1640 environ, autour de 7 500-8 500 religieux, jusqu'à l'entrée des Français en 1798. Il se réduisit alors d'environ 4 000 unités, sans réussir à se rétablir plus de dix ans après la restauration du pouvoir pontifical. En pourcentage, l'évolution paraît différente : 5. A partir de 1770, la confirmation du fait est donnée par Giuliano Friz ; G. FRIZ, La popolazione di Roma dal 1770 al 1900, Edindustria, Roma, 1973.
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la population religieuse augmente d'importance jusqu'en 1663-1665 (6,8 %) puis connaît un déclin constant, à tel point que, revu en ces termes, le hiatus de la République Romaine n'apparaît pas aussi dramatique qu'en chiffres absolus. La reprise après l'exode français est assez négligeable. Les contingents religieux masculins et féminins se modifient de façon légèrement indépendante. Le nombre des prêtres et frères se stabilise de 1610 à 1785, représentant 4 ou 5 % de la population totale (respectivement 3 500 et 6 000 hommes) tandis que le nombre des religieuses passe entre 1598 et 1663 de 2 % à 3 % environ, subit une réduction draconienne lors de la décennie 1663-1673 et ne cesse ensuite de diminuer jusqu'à moins d'1 % de la population de Rome (1 200-1 300 femmes). Ces groupes religieux de Rome se comportent dans l'ensemble comme le reste de l'Italie 6 avec le même déclin à partir du début du xviii' siècle. Les
collégiens
et
écoliers
Il ne faut pas considérer les collégiens et les écoliers uniquement comme des séminaristes, bien que ceux-ci prédominent, car les célèbres collèges où ils étaient accueillis étaient des lieux qui avaient comme pensionnaires des jeunes, parfois de condition élevée, souvent déjà voués (mais pas nécessairement) à la carrière ecclésiastique. Leur nombre passa de 1 000 environ au début du x v n ' siècle à 2 000 au début du siècle suivant. Puis commença une lente diminution interrompue par une courte reprise après la restauration de 1813. En pourcentage, même aux meilleurs moments, ils n'atteignirent jamais 2 % de la population. Les Courtisans
des Seigneurs
Cardinaux
La grande époque des courtisans se situe entre la fin du xvi" siècle et le début du siècle suivant. Les hauts prélats, bien souvent, représentaient les intérêts des différents pays catholiques auprès du Pape. Une riche et splendide cour allant parfois jusqu'à 100 ou 200 personnes (courtisans véritables et domestiques) se formait autour d'eux. Mais ces cours pouvaient quitter en peu de jours la capitale. Jusqu'en 1630, elles formèrent à elles seules 3,5 % de la population tout entière. Puis au cours de vingt mauvaises années (famines et peur de la peste qui amenèrent les autorités à murer les portes de la ville jusqu'au début des années 40, typhus, malaria et enfin de 1655 à 1656 peste) on assiste à une réduction de moitié du nombre des « courtisans » (de 4 000 à 2 000, puis à 1 200-1 300). On note une certaine reprise après 1660 jusqu'à la fin du siècle. Au 6. Voir P. STELLA, « Strategie familiari e celibato sacro in Italia tra '600 e '700 », dans Salesianum, 41 (1979).
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C. SCHIAVONI ET A. SONNINO
xviii* siècle, mis à part un certain afflux aux alentours de l'année Sainte de 1725, le déclin reprit. Au début du xix" siècle on cessa d'en effectuer le relevé : leur présence se limitait désormais à moins de 0,50 % de la population romaine. Les pauvres des hôpitaux Peu de choses à dire sur cette catégorie dont le nombre fluctue dans le temps avec les différentes épidémies, famines et calamités qui affligèrent la ville pendant plus de deux siècles. Leur augmentation moyenne, à part les années désastreuses qui précédèrent la peste de 1655-1656, est due, principalement pendant la première partie du xvm* siècle, à l'appauvrissement général des conditions de vie à Rome (et dans les Etats pontificaux) par suite des dures guerres de succession dans les Etats du Pape. Les prisonniers Cette catégorie, peu importante en nombre, représente un pourcentage de la population romaine oscillant autour de 0,25 %, avec une légère tendance à la diminution à partir du début du x v n r siècle. Elle augmente, probablement pour des raisons politiques, lorsque s'établit le pouvoir français en ville ; elle subit une autre hausse à la Restauration en arrivant, pour la première fois en plus de deux siècles, à dépasser 1-1,25 %. Ici encore les causes politiques sont évidentes ! Les prostituées Il y a toujours eu à Rome un grand nombre de prostituées et leur abondance rendit justement célèbre, aux xvn" et x v n f siècles, la capitale de la chrétienté. Les prostituées constituèrent dans leurs meilleurs moments, c'est-à-dire entre 1630 et 1650, 1 à 1,20 % environ de la population romaine et 2,1 à 2,4 % de la population féminine avec 1 000-1 200 femmes. Depuis 1660 environ, du moins dans les déclarations des curés au vicariat, leur nombre semble diminuer rapidement mais ceci n'est dû, et les recherches sur les Status Animarum le confirment, qu'à une plus grande tolérance du clergé (des curés) à leur égard ; on en cessa les relevés officiels vers 1760 7 . Les concubins, Maures, bigotes et hérétiques Ces catégories tout en étant constamment surveillées par les autorités pontificales, eurent un rôle plus que marginal dans la vie socio-démographique de la ville. Les concubins étaient considérés comme « non aptes à la communion ». Entre 1598 et 1672, année où les autorités compé7. féminine et publiée, au Paris le 1"
Pour de plus amples informations, voir C. SCHIAVONI, « Condition structures familiales à Rome », communication présentée, et non colloque « La femme en démographie historique » qui a eu lieu à décembre 1979.
L'ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE A ROME
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tentes cessèrent de les relever, leur nombre fut toujours faible. Sans aucune tendance à la diminution ni à l'augmentation, ils oscillèrent entre 30-40 et 70-80 personnes, représentant ainsi un pourcentage relatif de l'ordre de 0,03 % à 0,08 %. On ne sait pas exactement qui furent les Maures, car on n'a pas eu la chance d'en trouver dans les « Status Animarum ». On en commence le dénombrement en 1637, et cela jusqu'en 1802 : le nombre des « Maures » diminua assez constamment au cours de notre période et se réduisit, à la fin, à une ou deux unités ; leur incidence en pourcentage est donc négligeable. Les bigotes avaient prononcé les vœux tertiaires 8 et auraient dû en principe faire œuvre de mission et d'apostolat mais elles semblaient toutefois fort suspectes aux autorités religieuses. On en commença les relevés en même temps que ceux des Maures en 1637. Leur nombre ne dépassa jamais 80 ou 90 femmes et c'est entre 1715 et 1745 que leur effectif fut le plus élevé. Ensuite, leur nombre diminua jusqu'à ne plus concerner que deux ou trois personnes. Les hérétiques sont très exactement désignés comme « Hérétiques turcs et autres Infidèles » ; leur présence dans les Listae date de 1736. Les listes comprenaient non seulement les Turcs (et autres « Infidèles ») mais surtout les « Hérétiques » protestants qui au siècle des Lumières commencèrent à affluer à Rome, de plus en plus nombreux : leur relevé, en effet, ne cesse même pas avec la restauration et leur nombre croît constamment (70-80 unités au début, plus de 200 à la fin : le pourcentage passe de 0,04 % à 0,17 %). Rappelons que nous ne parlerons pas des catégories « ayant communié » et « n'ayant pas communié » qui n'ont qu'un intérêt religieux, ni des « familles » qui ne constituent pas à proprement parler une catégorie de population : les curés relevaient de maison en maison le nombre des ménages et nous nous limitons ici à présenter les effectifs tirés des « Listae ». III. LA POPULATION ROMAINE DE 1598 A 1824: L'ÉVOLUTION GLOBALE A l'aube du xvif siècle, Rome, quatrième ville d'Italie après Naples, Milan et Venise, réunit environ 100 000 habitants (Tableau I), niveau qui sera atteint puis dépassé entre 1600 et 1613 9 . Ensuite, la population oscille entre 110 000 et 120 000 habitants 8. R. Mois lui-même en parle plutôt longuement dans une note du volume I de l'ouvrage cité dans la note (4) de notre texte. 9. Il ne faut guère prendre en considération les 110 000 habitants environ de l'Année Sainte 1600 car, nous le disons une fois pour toutes, les années saintes (et les deux années successives) se caractérisaient toujours par un afflux exceptionnel qui, pendant environ trois ans, amenait la population romaine à des niveaux nettement supérieurs à ceux qu'atteignait la population pendant la période immédiatement précédente et celle qui suivait.
7
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jusqu'à la grande crise provoquée par la peste en 1656-1657. De 1613 à 1656, la population romaine est sans cesse frappée soit par les inondations du Tibre (qui provoquèrent la diffusion du typhus et TABLEAU I - Home 1596-1824, effectif de la population par et total; effectif des ménages.
catégories
ANNEE
MENAGES
HOMMES
FEMMES
APTES
1598 1599 1600 1601 1 602 1603 1604 1605 1606 1607 1608 1609 1610
19 18 20 18 19 19 19 ¿0 18 20 20 21
54 53 63 55 59 57 60 62 66 66 70 68
36 37 46 45 39 46 38 36 39 38 37 41
007 105 596 667 602 953 400 948 443 051 736 462
72 72 91 82 80 84 80 80 84 83 86 86
398 860 452 664 082 672 506 139 463 568 985 820
18 17 18 18 19 20 18 19 21 20 21 22
057 596 277 882 230 206 787 508 261 688 495 712
90 30 109 101 99 104 99 99 105 104 108 109
40 43 42 42 41 42 39 38 42 44 42 42 43 43 44 43 43 43 42 42 42 42 44 43 45 44 45 45 46 46 47 47 45 47 48 47
255 255 462 653 432 209 877 324 183 672 757 390 048 242 809 614 170 047 231 086 569 075 004 932 .035 904 .052 .747 .888 .283 .892 .315 .506 .934 .424 .601
90 d44 95 213 91 326 93 860 91 860 92 041 88 056 83 533 88 447 93 015 b9 542 86 477 89 446 90 557 91 054 92 941 91 301 91 958 91 502 66 812 84 206 84.600 87 377 89 399 88 799 88 921 86 959 87 245 89 430 92 226 92 337 89 016 8 5 506 91 258 90 .294 90 699
24 25 24 24 22 24 24 22 23 25 24 24 24 23 25 23 23 23 22 22 22 22 21 22 23 24 24 26 26 23 26 25 25 27 28 29
266 553 087 268 788 437 747 517 996 347 629 158 368 835 400 644 292 591 258 197 003 310 849 422 258 950 552 327 730 430 249 757 102 .995 .339 138
1 15 110 120 766 115 413 118 128 114 648 116 476 112 803 106 050 112 443 1 18 362 114 171 110 635 1 13 814 114 392 116 454 116 585 114 593 115 549 113 760 109 009 106 209 106 910 109 226 111 821 112 057 113 871 113 51 1 113 572 116 160 1 15 656 1 18 586 114 7 7 3 1 10. e o e 119 .253 118 .633 119 .837
170 667 013 847 594 360 389 419 445 331 384 078
448 351 133 879 710 835 893 699 261 203 744 070
NON APTES
TOTAL 455 456 729 546 312 878 293 647 724 256 480 532
161 1
1612 1613 1614 1615 1616 1617 1618 1619 1620 1621 1622 1623 1624 1625 1626 1627 1628 1629 1630 1631 1632 1633 1634 1635 1636 1637 1638 1639 1640 1641 1642 1643 1644 1645 1646 1647
21 886 21 804 21 422 21 529 22 185 17 8 1 5 26 765 24. 380 25. 527 26. 295 2 5 712 as 877 23 453 24 413 2 3 887 24 819 22 661 2 3 886 28 801 23 653 2 3 313 2 3 894 26 958 22 745 22 712 28 726 29 884 2b 40«: 28 583 29 383 28 158 28 831 28 275 28 .638 31 .556 29 582
74 855 77 511 72 951 75 4 7 5 73 216 74 269 72 926 67 726 70 260 73 690 71 414 68 245 70 766 71 150 71 6 4 5 72 971 71 4 2 3 72 502 71 529 66 923 6 3 640 64 8 3 5 6 5 222 67 889 67 .022 6 8 .967 68 .459 67 .825 6 9 .272 6 9 .373 70 .694 6 7 .458 6 5 .102 71 .319 70 .209 72 .236
* Les données reportées sur ce tableau sont limitées au X V I I e siècle. Pour la période suivante o n renvoie aux séries contenues dans le texte de C. SCHIAVONI,"Brevi cenni sullo sviluppo della popolazione romana dal 1700 al 1824", dans Actes du Congrès de la Société italienne de démographie historique CSI0ES3 sur La démographe e historique des villes italiennes , 1981.
ANNEE
MENAGES
HOMMES
FEMMES
1648 1649 1650 1651 1652 1653 1654 1655 1656 1657 1658 1659 1660 1661 1662 1663 1664 1665 1666 1667 1668 1669 1670 1671 1672 1673 1674 1675 1676 1677 1678 1679 1680 1681 1682 1683 1684 1685 1686 1687 1688 1689 1690 1691 1692 1693 1694 1695 1696 1697 1698 1699
2 8 . 676 3 0 . 530 30 429 28 623 30 073 28 984 28 560 30 667 3 0 103 27 365 27 658 2 9 125 27 340 27 829 26 902 25 863 25 682 26 040 25 344 26 685 25 798 25 947 24 915 2 7 261 29 083 29 376 27 955 29 712 28 082 28 706 28 980 2 9 180 2 9 132 27 827 29 306 27 672 2 6 98 B 26 7 5 5 2 7 121 26 834 26 . 3 3 7 2 5 947 27 627 28 . 7 8 4 28 .^43 29 .222 28 . 8 5 8 3 0 109 29 .705 28 . 9 1 9 29 .514 29 .534
7 2 . 065 71 4 9 2 73 978 69 982 S 9 1 17 6 9 072 68 909 7 3 331 70 145 56 5 1 2 60 816 60 864 6 2 761 62 6 7 9 62 204 61 126 61 0 1 4 63 292 64 236 6 6 160 66 048 S7 878 68 773 70 8 2 6 72 4 3 3 71 5 3 6 73 8 4 3 79 786 76 7 6 0 74 4 3 1 74 6 7 9 74 5 1 4 70 246 67 6 6 9 69 6 3 4 69 274 70 7 6 6 69 508 70 529 71 6 8 1 73 891 73 8 4 9 75 .857 77 . 7 7 0 75 .770 76 . 9 3 8 76 8 6 5 76 . 5 6 3 77 .751 78 . 4 8 2 76 . 2 6 6 78 . 2 7 3
50 007 4 9 189 52 2 1 4 48 795 48 930 49 910 48 199 49.649 5 0 451 42 517 42 316 44 063 43 887 44 932 44 544 44 307 44 098 43 598 44 984 44 329 47 057 46 849 46 707 47 027 4 8 631 49 409 48 883 5 2 126 51 147 51 2 7 0 51 6 0 8 51 6 1 4 50 7 8 5 48 0 5 3 5 0 107 50 7 5 7 51 5 1 2 50 317 50 6 5 4 51 4 7 0 52 226 52 591 5 3 784 53 8 6 4 53 514 53 . 7 1 9 54 . 3 2 7 54 . 2 6 3 53 8 5 2 55 . 3 1 2 56 . 2 0 5 56 . 8 1 6
APTES 93 578 91 144 95 003 8 9 522 89 959 92 142 89 752 8 5 981 92 9 3 2 78 6 4 6 80 827 82 032 84 009 82 929 83 507 81 0 4 9 79.827 80 842 81 8 5 0 84 056 85 558 8 7 691 8 8 471 91 2 7 4 9 3 061 91 170 9 3 391 100 771 97 8 8 9 9 7 701 97 572 96 7 9 5 91 2 5 8 87 375 90 402 91 4 6 8 92 6 2 7 91.648 93 . 2 2 0 94 . 5 3 5 96 . 6 8 7 97 618 100 6 5 0 101 180 97 . 8 1 6 100 . 8 6 7 101 . 9 3 8 100 141 100 . 4 2 8 101 . 2 5 1 102 . 0 2 4 102 . 3 7 5
NON A P T E S 2 8 . 494 29 537 31 189 29 255 28 088 26 840 27 356 36 9 9 9 27 664 20 383 22 305 22 895 22 6 3 9 24 682 2 3 241 24 384 25 285 26 •39 27 370 26 4 3 3 27 547 27 0 3 6 27 009 26 5 7 9 28 003 29 775 29 335 31 141 30 018 28 000 28 715 29 333 29 773 28 3 4 7 29 339 29 563 2 9 651 2 8 177 27 963 28 616 29 .430 28 .822 28 .991 30 .454 31 . 4 6 8 29 .790 29 . 2 5 4 30 . 6 8 5 31 175 32 . 5 4 3 32 . 4 4 7 32 . 7 1 4
TOTAL 1 2 2 . 072 120 681 126 192 118 7 7 7 1 18 0 4 7 1 18 9 8 2 1 17 108 122 980 120 5 9 3 99 029 1 0 3 132 104 9 2 7 106 6 4 8 107 611 106 748 105 4 3 3 1 0 5 1 12 1 0 6 B81 109 220 110 4 8 9 113 105 114 7 2 7 115 4 8 0 1 17 8 5 3 121 0 6 4 120 945 122 7 2 6 132 0 0 2 127 907 1 2 5 701 126 2 8 7 1 2 6 128 121 031 1 15 7 2 2 1 1 9 741 1 2 0 031 122 . 2 7 8 1 19 . 8 2 5 121 183 1 2 3 151 126 . 1 1 7 126 . 4 4 0 129 .641 131 . 6 3 4 129 . 2 6 4 130 . 6 5 7 131 192 129 . 8 2 6 131 . 6 0 3 133 . 7 9 4 134 . 4 7 1 135 . 0 9 9
Note Les "Listae status ajlimarum almâe urbis Romae" contenant les données sur la population de chaque paroisse ne sont disponibles que pour une partie du XVII siècle; en particulier, ce n'est que pour les années 1621-45, 1648, 1652-54, 1657-60, 1662-67, 1669-73, 1684, 1690, 1696-99 que les données, reportées sur le tableau, dérivent de la somme de chaque donnée paroissiale. Pour les autres années, on a dû se servir de "sommaires" des villes, comprenant des données récapitulatives. En tout cas, les totaux par catégorie - à l'exception du nombre des ménages - et les totaux généraux qui figurent sur le tableau ne reproduisent pas de façon automatique les données originales; celles-ci ont été, en effet, soumises à de simples contrôles de cohérence et^ par conséquent, dépurées des erreurs d'écriture ou d'addition.
100
C. SCHIAVONI ET A. SONNINO
des maladies gastro-intestinales), soit par la famine, la malaria et les menaces d'épidémie de peste. En 1619, après une dure famine, et dans la période 1631-1634, une peste qui fit plusieurs victimes à Rome, la ville ne comprend plus que 105 000 habitants environ. La crise de 16561657 porte le nombre de romains à moins de 100 000 habitants et il fallut attendre 1672 pour que le niveau de 120 000 âmes soit à nouveau dépassé. Mais après l'Année Sainte de 1675, la population subit de nouvelles pertes et nous la retrouvons en 1681, au terme d'une période caractérisée par la famine, le typhus et la malaria, avec un effectif de 115 000 habitants. A partir de 1682, Rome eut un bon rythme d'accroissement et sa population, à la veille du x v n r siècle, comptait environ 135 000 habitants. Lors de l'Année Sainte de 1700, Rome compte (momentanément) 149 000 habitants présents. Mais cette année-là fut la dernière où les Etats Pontificaux connurent un calme relatif : désormais et pendant toute la première moitié du xvm° siècle, la Papauté sera entraînée dans des guerres de succession particulièrement néfastes pour les états du Pape, dont le royaume était militairement le plus faible d'Europe 1 0 . Plusieurs armées s'affrontèrent pendant environ quarante ans, de Ferrare à Terracine, conduisant bien souvent les finances pontificales au bord de la faillite. Acculée par ces événements et diverses catastrophes naturelles, la ville subit de 1701 à 1747 des pertes d'habitants. De 1705 à 1720 la population romaine se fixa sur une base de 132 000-135 000 habitants (graphique 1). A partir de 1721, la ville commença à se repeupler mais elle connut un nouveau reflux, dû à de mauvaises récoltes et à des adversités climatiques et financières. Une autre reprise entre 1731 et 1736 reconduisit la population à un effectif de 150 000 personnes. La période 1737-1745 fut dans l'absolu la pire de toutes : c'est à cette époque que l'économie pontificale fut le plus en danger. La ville perdit environ 5 000 personnes mais le lent rétablissement de la situation politique y ramena des habitants ; 1750, date de la grande pacification et de l'Année Sainte, conduisit Rome définitivement au-delà du niveau de 150 000 personnes. Ensuite, alors que commençaient les quarante années les plus heureuses des deux derniers siècles de l'histoire des Etats de l'Eglise, les progrès furent à peu près constants et la ville dépassa même les 160 000 habitants, et garda ce niveau jusqu'en 1797. Avec l'entrée des Français à Rome (il y eut deux périodes distinctes de domination), la ville devint déserte et on arriva au minimum historique de 1814 avec 112 000 habitants environ, même niveau qu'en 1612-1621 ! La Restauration amena quelques progrès forts relatifs : en 1824, la dernière année de la période que nous avons prise en 10 Pour une meilleure compréhension de l'époque, voir C. ScmAVONi< Popolazione e territorio nel Lazio: 1701-1811 », dans La popolazione italiana nel Settecento, Bologna, CLUEB, 1980.
E . SONNINO,
fr i ts. •s
ï
102
C. SCHIAVONI ET A. SONNINO
considération, à la veille de la réforme voulue par Léon X I I u , la ville atteint à peine le niveau de 138 000 habitants. Si le lecteur jette un coup d'ceil sur le graphique 1 (évolution des diverses catégories) et sur le Tableau 2, il retrouve sans surprise l'évolution générale de la population romaine. Soulignons que ub,
II -
périodes
Rome 1 6 0 0 - 1 B 2 4
: Dynamique n a t u r e l l e
Nés baptisés
Enfants Total trouvés baptisés baptisés pour 1000 habitants
et évolution
Horts
structurale
Apt«»- J Total 0 baptisés i f i s r . * 1 0 pour 1000 fommes
S *
1600-09
29,0
2,2
31,2
7U,2
80,7
153,6
1612-19
26,0
1,8
27,8
77,3
78,9
178,2
1621-29
24,3
2,6
26,9
38,3
71,2
78,9
164,8
1630-39
27,3
3,1
30,4
29,0
77,0
79,1
153,6
1640-49
26,7
3,0
29,7
33,8
73,3
77,0
146,6
1650-55
24,5
3,4
27,9
31,8
67,6
75,1
142,S
1656-57
22,7
3,3
26,0
69,3
61,5
78,1
136,2
1058-59
25,5
5,3
30,8
28,1
74,2
78,3
140,9
1660-69
26,4
6,4
32,8
24,5
79,4
76,6
142,1
1670-79
24,5
5,6
(1)
30,1
25,6
74,6
76,7
148,0
1680-09
24,8
5,2
30,0
23,9
71,6
76,3
139,1
1690-99
26,2
4,7
30,9
24,0
74,6
76,6
141,9
1702-09
23,1
4,6
27,7
29,7
66,0
77,1
138,3
1710-19
20,8
5,2
26,0
39,3
61,5
77,6
136,2
1720-29
22, 1
5,0
27,1
38,7
63,0
78,0
132,2
1730-39
23,9
4,4
28,3
41,1
65,3
78,3
130,3
(2)
1740-49
26,1
3,3
1-2)
29,4
42,6
66,6
77,2
126,S
1750-59
29,0
3,3
(2)
32,3
39,9
73,1
76,1
126,5
1760-69
27,5
3,9
(2)
31,4
46,5
70,5
76,5
124,5
1770-79
28,9
3,7
(2)
32,6
38,3
72,5
76,4
122,3
1780-89
28,4
4,6
(2)
.32,0
46,0
72,6
75,4
120,2
1790-99
28,0
5,1
(2)
33,1
44,9
73,6
74,1
122,1
1800-09
27, 1
5,7
(2)
32,8
50,3
69,3
73,8
111,0
1810-19
24,6
6,2
(2)
30,8
37,6
64,3
73,0
108,9
1820-24
28, 1
4,9
(2)
33,1
37,4
69,5
71,9
110,2
100
(1)
- Les données des années 1 6 6 8 - 1 6 7 8 sont estimées s u r la base de l'allure d e s deux
(2)
- D o n n é e s e s t i m é e s s u r l a base d e s années pour lesquelles on dispose de renseignements s u r l u s e n f a n t s t r o u v é s : 1703, 1 7 0 6 - 0 7 , 1 7 0 9 , 1 7 4 0 , 1 7 4 3 - 5 3 , 1 7 5 6 - 5 7 , 1 7 6 7 , 1 7 6 9 , 1 7 7 1 - 7 3 , 1776, 1783, 1785, 1793, 1 8 0 3 - 1 0 , 1 8 2 4 .
p é r i o d e s : 1663-1667 e t
1679-1683.
11. Selon la volonté de ce pape, l'organisation territoriale des paroisses de la ville fut en 1825 changée complètement : le nombre des paroisses fut considérablement réduit.
L'ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE A ROME
103
les hommes ont dépassé les femmes de 20 à 25 000 unités au xvn* siècle et de 18 à 20 000 unités au siècle suivant, avec une tendance légère mais constante à réduire cet écart sauf lors des cinq dernières années du XVIII* siècle quand la crainte d'une invasion française amena une certaine concentration de troupes en ville. Au début du xix* siècle, l'écart numérique entre les deux sexes diminua rapidement, étant donné la fuite généralisée des jeunes gens qui, pendant les deux dominations françaises, craignaient l'enrôlement obligatoire. En 1814, cet écart se réduisit à un peu plus de mille unités, avec une légère reprise dans les dix années suivantes. Le taux de masculinité Examinons maintenant la population romaine selon sa structure par sexe. Depuis qu'il existe des mémoires statistiques fiables, donc depuis 1598, Rome a toujours été caractérisée par une des populations les plus masculines que l'on connaisse (voir Tableau II). En laissant de côté les fortes oscillations du quotient entre 1598 et 1604, probablement dues à la mauvaise qualité des données, l'on peut dire qu'au XVII* siècle, l'histoire du rapport de masculinité se caractérise par deux périodes distinctes : 1605-1630 avec des valeurs ayant tendance à décroître, qui oscillèrent entre 163 et 175 pour cent et 1631-1699 avec des valeurs tendant encore à décroître, qui varièrent entre 135 et 155 pour cent. En ce qui concerne la première période, par exemple, il peut être intéressant de noter que les hauts quotients de masculinité coïncident avec la plus forte présence de courtisans au sein de la population romaine. Au xvm" siècle et au siècle suivant, l'écart se réduit progressivement : en partant de valeurs voisines de 140, on arrive pendant la Restauration, aux alentours de 110. Seules exceptions : le bref laps de temps 1792-1797 pendant lequel le Pape avait concentré de nombreuses troupes à Rome par crainte d'une invasion française puis, les années 1811, 1813 et 1814, caractérisées toutes trois par des rapports exceptionnellement bas pour la ville, dûs à la fuite générale des hommes aptes au service armé. Ce phénomène peut, à notre avis, s'expliquer facilement : pendant au moins deux siècles et demi, Rome fut la destination préférée de nombreux jeunes gens qui arrivaient de toute l'Europe catholique ; ils étaient attirés par la présence de nombreuses" cours suivies d'une multitude de domestiques, et d'une formidable armée d'artisans voués aux manufactures de luxe et ayant besoin d'apprentis, par une vie de mendicité florissante et tolérée 12 comme nulle part ailleurs en Europe, et enfin par un réseau d'hospices et d'hôpitaux où ultima ratio un lit et une soupe étaient offerts à tous. Naturel12. « Mendiant », « Aveugle », « Sourd », « Estropié », « Idiot » : ces qualificatifs ainsi que d'autres étaient attribués par les autorités compétentes et étaient, par conséquent, très sérieusement répétés par les curés sur les
Status animarum.
104
C. SCHIAVONI ET A. SONNINO
lement, ce pouvoir d'attraction diminua au cours des décennies et cette diminution ne s'arrêta même pas lorsque Rome, dans la seconde moitié du xvm* siècle, refleurit économiquement pendant quarante ans et devint, vers 1780, l'un des grands carrefours politiques et diplomatiques de l'Europe. Pour terminer, il est indispensable de souligner que la forte masculinité de la population romaine ne fut jamais déterminée par la seule présence de religieux, qui n'ont jamais compté pour plus du quart. En étudiant, au contraire, avec une certaine attention, la composition de quelques milliers de familles romaines, au milieu du XVII* siècle, au début et à la fin du xvm* siècle et en limitant notre observation à l'ensemble des personnes formant le noyau familial au sens strict (liées autrement dit par de véritables rapports de parenté au chef de famille) on relève des rapports de masculinité qui ne dépassent pas 96-98 %. La situation se renverse lorsqu'on prend en considération, au sein des mêmes familles, les très nombreux cohabitants qui ne sont liés par aucun lien de parenté avec le chef de famille : les valeurs peuvent alors atteindre 450 hommes pour 100 femmes. La population romaine divisée en « aptes à la communion * et « non aptes » « Aptes J> étaient tous ceux, hommes et femmes, qui ayant plus de 13-14 ans étaient jugés par les curés comme étant dans les conditions indiquées pour recevoir le sacrement de communion, aux fêtes de Pâques de l'année. Les « non aptes », étant trop jeunes, ou non catholiques, ne remplissaient pas ces conditions 13 . On peut considérer que ces non aptes représentaient à Rome, avec une bonne approximation, la population de 0 à 13-14 ans environ ; son incidence, en pourcentage, sur le total, au cours des XVII', xvm*, xix* siècles (jusqu'en 1824) varia en augmentant légèrement mais constamment dans le temps, de 20-21 % au début du xvii* siècle à 25-27 % au début du xix* siècle (la proportion était fort proche de celle des contingents de 0 à 14 ans de différentes populations d'il y a dix ans environ : 20-25 % en moyenne, dans de rares cas, plus de 25 %). Ce faible poids des jeunes dans une population du xvn'-xix* siècles ne doit pas surprendre dans le cas d'une ville telle que Rome. Ayant déjà parlé, en effet, du rôle de cette ville comme pôle d'immigration, il nous semble logique de trouver une population non seulement fortement masculinisée mais aussi caractérisée par des effectifs de classes d'âge particulièrement importants entre 15 et 50 ans. Et ceci ne vaut pas seulement pour le sexe masculin : d'où 13. Les « Concubins » par exemple étaient jugés « Non aptes » de même que les « Prostituées » même si pour ces dernières les curés pouvaient faire une exception et les « Hérétiques ». Au total, quelques dizaines de personnes.
L'ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE A ROME
105
la relative insuffisance à Rome de jeunes et de très jeunes individus. L'incidence des « non aptes » sur l'ensemble croît, bien que de façon légère, au fur et à mesure que baisse le rapport de masculinité. IV. LA DYNAMIQUE NATURELLE A ROME (XVU'-XIX' SIÈCLES) Nous sommes en mesure d'étudier la dynamique démographique (naissance et décès) à Rome, mais la source de nos informations n'est pas homogène. Dans les Listae du X V I I ' siècle, on ne trouve aucune donnée relative aux naissances et aux décès qui n'entrent, comme nous l'avons déjà vu, dans la statistique officielle des Etats de l'Eglise qu'en 1702. Les statisticiens pontificaux avec leur intention de tirer de ces données « les nombreuses observations que Ton peut faire sur la qualité de l'air et sur d'autres choses concernant le bien public » expriment à leur façon l'esprit du siècle des Lumières. Si nous avons pu faire appel à cette source pour le xvnï* siècle et les vingt-quatre premières années du siècle suivant, pour le xvn* siècle au contraire, nous avons dû procéder à un comptage direct du nombre annuel des sépultures sur les registres des 90 paroisses environ qui divisaient la ville. Nous avons procédé de même pour les baptêmes sur les registres des 24 paroisses qui possédaient des fonts baptismaux. Pour un nombre d'années limité à 20 pour les baptêmes et à 5 pour les sépultures, nous ne nous sommes pas bornés à compter uniquement le nombre des actes mais nous avons relevé certains caractères : mois de naissance et sexe des nouveau-nés ; mois de décès, sexe et âge
106
C. SCHIAVONI ET A. SONNINO
des défunts. Nous nous limiterons ici à présenter la série des taux bruts de natalité et de mortalité (Tableau II), renvoyant à une autre occasion la présentation des caractéristiques structurales. Nous ne présentons ici que les grandes lignes de l'évolution de la population de Rome du début du x v i r siècle à 1824. Nous avons donné plus haut un aperçu général des grands faits économiques et politiques qui ont caractérisé cette époque. L'évolution démographique en porte la marque. A Rome, il s'agit de deux siècles de décadence : l'univers de la Rome du xvn" et du xvm* siècle s'est rétréci par rapport aux splendeurs du xvi° siècle. Et c'est ce dont témoigne la chute rapide du rapport de masculinité, dont on a déjà parlé. C'est l'indice d'une diminution progressive de l'attraction de la ville sur le plan mondial. Rome s'apprête inexorablement à ne plus être que la capitale d'un petit état en continuelles difficultés financières. Un autre élément fondamental de cette transformation profonde est la diminution, continue elle aussi, bien que de façon moins nette, du pourcentage des « aptes à la communion » (ces derniers étant principalement des individus de plus de 14 ans) par rapport à l'ensemble de la population : cette tendance peut s'expliquer par la réduction de l'immigration adulte, masculine surtout. Ces deux siècles, du point de vue de la dynamique démographique, apparaissent chacun nettement divisés en deux périodes. C'est l'épidémie de peste de 1656-1657 qui marque au xvn* siècle le tournant ; au siècle suivant, c'est la fin de la guerre, encore au milieu du siècle, qui détermine le début d'une phase correspondant à cinquante années de paix et à une certaine reprise de la splendeur culturelle. Mais c'est en même temps une période très dure pour les Etats pontificaux, du point de vue économique et alimentaire. La mortalité pendant les années 1621-1655 est forte ; nous avons compté dans cette période cinq années de crise (par définition années présentant un taux brut de mortalité supérieur à 40 %«), dues à la malaria et aux fièvres typhoïdes et grippales. Le mouvement des naissances ne suffit pas à garantir l'accroissement naturel de la population. Pendant les cinquante premières années du x v i r siècle, le quotient de natalité tourne autour de valeurs inférieures à 30 %e, compte tenu des enfants trouvés. La peste de 1656-1657, précédée de cinq années de basse natalité, se produit à un moment difficile du point de vue démographique et sanitaire. L'épidémie fut fortement et habilement combattue et ne fit que peu de victimes : 9 500 entre juin 1656 et août 1657 ; mais la ville, comme nous l'avons vu, se dépeupla et la reprise fut lente. Cette réduction par la peste de la pression démographique provoqua cependant des effets bienfaisants : entre 1658 et 1699, Rome eut une mortalité très basse, inférieure même à 24 %r, niveau que l'on ne pourra plus observer dans toute la période étudiée. La reprise démographique qui suivit, bien qu'irrégulière est bien marquée,
L'ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE A ROME
107
grâce à un solde naturel positif : dans un isolement relatif, la ville présente des capacités sérieuses de récupération naturelle. Tab. III — Rome 1600—1824. La mortalité dans certaines années crLtiques
Années
Décès pour 1000 habitants
Conditions et causes dominantes
1622
54,1
malaria
1623
43,1
malaria
1626-27
41,4
fièvres grippales
1649
55,3
famine,"fièvres malignes"
1650
41,1
1656
105,4
1709-10
48,7
1717-21
41,3-50,6
sécheresse, typhus peste fièvres grippales famine
1725
41,8
1730
49,2
famine, épidémie de grippe
17 Ï7
49,4
difficultés économiques; épidémie bovine
1743-44
50,0
famine
1764-69
40,6-60,5
1773
52,8
sécheresse
famine, crise agricole et financière famine, variole
1779-81
43,6-62,8
famine, malaria
1783-86
41,3-58,4
malaria
1797-1805
51,2-85,2
période de guerre, crise financière
Cette phase est interrompue avec le nouveau s i è c l e 1 4 , par cinquante années de guerres et plus d'un siècle de graves difficultés financières et de famines ; des armées de soldats et, tout aussi nom14. Si le sort du solde naturel fut complètement inversé au début du xviii' siècle, on peut noter des symptômes précoces de crise dans la vie économique de la ville. Dans une recherche en cours, nous avons relevé les salaires de tout le personnel (aussi bien religieux que laique) d'un « pensionnat » romain, le « Pensionnat de la Divine Providence », pendant deux cents ans environ, de 1628 à 1811. On a constaté qu'entre 1687 et 1688, le budget global de l'institut subit une réduction considérable. En particulier les salaires des travailleurs religieux (qui avaient aussi le gîte et le couvert) subirent de fortes pertes (certains jusqu'à 50 %, d'autres 70 %) tandis que ceux des laïques furent maintenus aux niveaux précédents : par contre, certaines fonctions que remplissaient ces derniers furent supprimées. Ce ne fut guère différent, entre 1691 et 1692, pour les ouvriers salariés de la « Fabbrica di S. Pietro » : le tarif minimum journalier des manœuvres y fut réduit de 50 %. Ce n'est que l'année suivante qu'il y eut de relatives améliorations mais il fallut attendre 1695 pour voir se rétablir les niveaux de 1691.
108
C. SCHIAVONI ET A. SONNINO
breuses, des cohortes d'affamés et de malades pèsent sur une ville très appauvrie. La natalité descend à des niveaux dignes des années de peste et languit jusqu'en 1750 ; la mortalité est toujours très élevée et de beaucoup, supérieure à la natalité ; les années de mortalité aiguë se multiplient. Le rapport entre le total des baptisés et l'effectif de la population féminine, qui constitue une base de référence plus stable, calculé pour toute la période (cf. Tableau II), même quand il montrera dans la seconde moitié du xvin" siècle et au début du xix* siècle — des signes de reprise, ne reviendra jamais aux niveaux du siècle précédent. Les capacités relatives de défense et d'auto-reproduction de la population romaine — une population qui connaît les avantages d'une ville privilégiée pour les disponibilités alimentaires et l'organisation sanitaire — ne suffisent pas à empêcher la crise générale d'un état en plein déclin.
CONCLUSION Les modalités particulières de la situation romaine ne permettent pas de tirer un véritable bilan démographique ; de nombreux obstacles s'y opposent. Nous en signalons deux : avant tout, l'attraction qu'exercent les hôpitaux sur la population des zones rurales environnantes, sous-développées et infectées par la malaria ; puis, la perturbation périodique que causent les jubilés provoquant l'afflux de milliers de personnes. L'enregistrement de la dynamique naturelle de la population en est sérieusement affecté. Les Status Animarum pendant les Années Saintes et les quelques suivantes en portent la marque. Si le xviii* siècle, avec son bilan naturel presque toujours négatif, présente cependant assez souvent des soldes migratoires positifs, il semble qu'on ne puisse pas en dire autant du xvir" siècle. Les quatre décennies qui s'étendent de 1660 à 1699 — au cours desquelles, deux années seulement, 1678 et 1679 présentent un excédent de décès correspondant à une période de famine et de grave épidémie de typhus pétéchial — n'offrent pas une population croissante : même si l'on veut exclure la baisse continue enregistrée lors des cinq années postérieures à l'Année Sainte de 1675 (qui avait fait atteindre 132 000 habitants) il y a encore sept années pendant lesquelles on enregistre une diminution de la population. Entre 1679 et 1699 en particulier, on peut calculer un accroissement naturel annuel moyen de 775 unités tandis que la population ne s'accroît chaque année que de 445 unités et il résulte donc une différence annuelle moyenne négative de 330 imités : ces années difficiles annoncent la crise générale du siècle suivant.
L'ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE A ROME
109
L'étude de l'évolution démographique de la ville de Rome apparaît donc fort complexe. Nous estimons que la description de cette évolution, au-delà de l'observation des grandes lignes évolutives que nous avons tentée ici, doit se concentrer — comme nous comptons le faire dans de prochains travaux — sur l'analyse qualitative de la population romaine, sur ses structures générales et familiales et sur les caractéristiques de la dynamique naturelle. C . SCHIAVONI e t E . SONNINO
RESUME Dans ce travail, les auteurs effectuent un rapide sondage sur les aspects généraux de l'évolution démographique de la ville de Rome entre 1598 et 1824. Rome était au début du xvii* siècle comme la quatrième ville d'Italie, avec environ 100000 habitants, après Naples, Milan et Venise; après des hauts et des bas, elle atteignit vers le milieu du siècle suivant, un maximum historique de 150000 personnes environ, puis elle tombait à un niveau de 138 000 personnes en 1824. Quelques mots sont dits sur ce qui fut une caractéristique de Rome : la masculinité très élevée de sa population. En ce qui concerne la dynamique naturelle, il suffit de dire ici qu'au cours des presque 230 années examinées, le solde naturel fut positif seulement dans la seconde moitié du XVII* siècle ; les augmentations de la population, légères mais constantes, étaient dues au solde migratoire, Rome ayant toujours exercé, jusqu'à la fin du xvm* siècle, une forte attraction non seulement sur l'Italie mais aussi sur presque toute l'Europe catholique.
SUMMARY In this study, the authors carry out a rapid, general examination of the demographic evolution of the city of Rome between 1598 and 1824. At the beginning of the XVII century Rome was considered to be the fourth city after Naples, Milan and Venice. After several rises and falls it attained a historic total of about 150 000 towards the middle of the following century, before dropping to 138 000 in 1824. Only a few words are written about a certain characteristic that is the very high number of males in its population. Concerning the natural growth, it need only be said that during the 230 years examined the rate of natural growth was positive only in the second half of the xviii century; growth in the population, slow but constant, was due to the migratory level, Rome having, up until the end of the xvm century attracted people not only from Italy but from almost the whole of catholic Europe.
LA DÉMOGRAPHIE DES VILLES DE ROMAGNE DANS LES TEMPS MODERNES par D. BOLOGNESI
I
Après la faillite des visées de Venise sur la Romagne à la suite de l'aventure de César Borgia et de la politique de Jules II en premier et d'Alexandre VI ensuite, politique qui avait pour objectif le renforcement territorial des Etats de l'Eglise, vers l'an 1530 les territoires romagnols étaient presque totalement et désormais définitivement réunis sous la domination du pape. Ils formèrent la Légation de Romagne, qui avait son siège à Ravenne et qui comprenait de nombreuses communautés au riche passé seigneurial : Faenza, Rimini, Forli et Cesena 1 . Le rattachement au pauvre Etat Pontifical avait représenté pour les communautés romagnoles le début, d'une époque de progressif déclin économique, d'un « processus de sclérose des structures sociales et politiques » 2 , ce qui était particulièrement évident si on les confrontait avec celles de la période de la domination vénitienne lorsque les liens avec la Sérénissime avaient encouragé des trafics et des initiatives commerciales même si ce n'était que dans le but de valoriser
1. Une synthèse particulièrement efficace de la situation politique et économique de la Légation de Romagne à l'époque moderne est fournie par G. Tocci, Le Legazioni di Romagna e di Ferrara dal XVI al XVIII secolo, Storia dell'Emilia Romagna (sous la direction de A. Berselli), Bologna, 1977, II, p. 65-99, où nous renvoyons, de même, pour les notes bibliographiques. Consulter, aussi, le récent essai de C . CASANOVA, Comunità e governo pontificio in Romagna in età moderna, Bologna, 1981. 2. Tocci, op. cit., p. 66.
112
D. BOLOGNESI
les ressources agricoles de la Romagne et de les exploiter en faveur de Venise. Si somme toute l'économie agricole ne subit point de substantiels reculs au cours du xvn e et du xvm e siècles, d'autant plus qu'au-delà des périodiques crises alimentaires, la Légation continuait à être considérée comme une grande province exportatrice de céréales (en particulier vers Bologne, Venise et Ancone), le secteur qui connut à partir du xvi* siècle une décadence irréversible fut celui des manufactures qui n'eurent plus qu'un rôle fort modeste dans l'économie romagnole de ces siècles. Le rigide régime de contrôle qui comportait la fragmentation du marché intérieur même, la survivance des corporations qui continuaient à diriger la production vers des articles de luxe fort peu compétitifs sur le marché, l'état de sous-développement technique des milieux de production représentaient des obstacles trop lourds pour une accélération et une réussite des initiatives « industrielles », qui ne trouvaient que des débouchés presque exclusivement locaux 3 . La production de céréales, dans laquelle la province s'était spécialisée, avait empêché que la culture des plantes « industrielles » (et en particulier le chanvre, le lin et la guède) prît un rôle non secondaire dans l'économie agricole comme au contraire cela s'était produit dans la région de Bologne *. La situation générale de la Romagne était aggravée par ce qui constituait le noyau fondamental de la politique territoriale de ces contrées : l'aménagement hydrographique des nombreux fleuves qui sillonnaient la vaste plaine. Située parfois au-dessous du niveau des cours d'eau qui la traversaient, la partie orientale (et en particulier le territoire ravennate dont une grande partie était couverte de marais) était inondée à chaque crue par les eaux qui provoquaient non seulement la ruine des cultures mais aussi celle du réseau routier par ailleurs insuffisant 6 . Les communautés romagnoles s'étaient lentement refermées sur elles-mêmes et, avaient restreint l'horizon de leurs marchés qui n'avait jamais été très vaste pour défendre sans aucune perspective pour le futur leurs propres privilèges et leur propre autonomie, favorisées
3. Ibid., p. 76-85. 4. Sur l'agriculture romagnole, nous disposons actuellement de la monographie de F. LANDI, Un'accumulazione senza sviluppo. La vita economica nelle grandi abbazie ravennati in epoca moderna, Lugo, 1979. 5. La bibliographie sur la situation hydrographique de la Romagne est très vaste. Evoquons seulement quelques travaux, parmi les plus récents : L. GAMBI, L'insediamento umano nella regione della bonifica romagnola, Roma, 1949 ; S. NARDI, Bonifiche e risaie nel Ravennate (1800-1860), « Problemi dell' Unità d'Italia », Roma, 1962, p. 719-792 ; F. CAZZOLA, Bonifiche e investimenti fondiari, Storia dell'Emilia Romagna, op. cit., p. 209-228 ; P. FABBRI, Ravenna : geografia di un territorio, Ravenna, 1977.
LA DÉMOGRAPHIE DES VILLES DE ROMAGNE
113
en ceci par l'état de sous-développement des structures de l'Etat. La Légation de Romagne en effet ne représenta pas « une entité politique et administrative organique » 6 à travers laquelle une sorte de gouvernement unitaire pût prendre corps (sinon celui d'une centralisation fiscale progressive). C'était le mécanisme administratif même de l'Etat qui favorisait, ou tout au moins n'entravait pas la conservation de vastes privilèges, ceux de la noblesse à travers le pouvoir politique qu'elle exerçait par l'intermédiaire des charges cardinalices et le pouvoir féodal 7 ; ceux des communautés (et par là même ceux des aristocraties locales qui contrôlaient par leur omniprésence les conseils généraux municipaux). Ainsi, les secteurs d'intervention des organes administratifs locaux demeuraient très vastes : ils allaient du contrôle des récoltes à celui des prix, de la taxation à l'adjudication des octrois, des règlements sanitaires à la manutention routière. Il serait donc vain de chercher à l'intérieur de la Légation un centre économico-administratif qui se fût acquitté de la tâche d'organiser les structures de la province en favorisant la spécialisation des activités parmi les centres les moins importants. Il serait aussi vain de chercher à découvrir un réseau de villes hiérarchisé (bien que la Romagne fût le territoire le plus urbanisé des Etats de l'Eglise) en relation avec des fonctions d'ordre administratif, économique, culturel, etc. Cette situation d'immobilisme, aussi bien des centres urbains romagnols que des rapports entre eux, entre le xvi* et le XVIÏI" sièclè se répercuta immédiatement sur les valeurs démographiques. Les recensements généraux de l'Eglise entre 1656 et 1782 démontrent que le niveau de la population à Ravenne, Faenza, Rimini, Cesena et Forli ne connaît qu'un très faible accroissement tandis que dans la même période, la population totale de la Romagne, selon les données que nous procure Beloch, aurait connu un accroissement de bien plus de 30 %.
6. Tocci, op. cit., p. 66. 7. C'est, justement, une des caractéristiques communes aux différents territoires exposés à la domination pontificale, comme le démontre A. CARACCIOLO, Lo stato pontificio da Sisto V a Pio IX, partie II de M. CARAVALEA. CARACCIOLO, LO stato pontificio de Martino V a Pio IX, Storia d'Italia (sous la direction de G. Galasso), Torino, 1978, p. 440-448.
8
114
D. BOLOGNESI
Tableau 1 - P o p u l a t i o n des v i l l e s de l a Romagne
Ravenna Faenza Forlì Cesena Bimlni
fa)
1656
1701
1708
1736
1769
1782
13919 11218 11036 7386 8288
13965 11330 11985 6317 7035
13396 11526 11115 6736 8031
13528 12731 11412 6323 9872
12951 13059 10087 6950 10108
14550 15090 11619 7389
II
Pour une évaluation des mouvements de la population sur une longue période, le? recensements généraux et des enquêtes locales nous donnent un tableau très peu précis et fragmentaire ; donc, en attendant de pouvoir disposer des données obtenues à partir de la riche série des « status animarum » conservés auprès des paroisses urbaines, les enregistrements des baptêmes représentent une source d'informations de toute première importance. Comme on le sait, selon les habitudes ecclésiastiques l'enregistrement des baptêmes précéda la tenue des autres registres paroissiaux, et quand en 1563 le Concile de Trente fixa les premières normes obligatoires, dans beaucoup de diocèses les registres étaient déjà régulièrement dressés depuis un certain temps 9 . C'est le cas des principales villes de la Romagne telles Ravenne (1492), Rimini (1537), Forli (1554), Cesena (1547). A l'exception de Forli qui disposait de trois fonts baptismaux, dans les autres villes romagnoles, ainsi que dans beaucoup d'autres villes italiennes, il n'existait qu'un seul baptistère auquel se
8. F. CORRIDORE, La popolazione dello Stato Romano (1656-1901), Roma, 1906 ; A. FERRANTI«, Un censimento inedito dello Stato Pontificio (26 marzo 1769), Statistica, 1948, 2-3, p. 280-341 ; M . C . GIULIANI, Ravenna : ricerche di geografia urbana, Annali di ricerche di geografia, Roma, 1958 ; A . MAMBELLI, La popolazione romagnola dall'età romana all'unità d'Italia. Note storiche, statistiche, economiche, sociali, Forli, 1964 ; C . PENUTI, Carestie ed epidemie, Storia dell'Emilia Romagna, op. cit., p. 189-207 ; C . CASADIO, Aspetti della società faentina nei primi anni dell'Ottocento, thèse de doctorat, Université de Bologne ; D . BOLOGNESI, Demografia e rendita urbana a Ravenna fra Seicento e Settecento. Prime ricerche, sous presse. La donnée de la ville de For'i pour l'année 1782, dans tableau I, correspond en réalité à l'année 1786, celle de Faenza, à l'année 1780. 9. Pour une analyse des registres paroissiaux, voir CISP, Le fonti della demografia storica, Roma, 1975, vol. 2.
LA DÉMOGRAPHIE DES VILLES DE ROMAGNE
115
rendaient les populations urbaines et celles qui provenaient des villages environnants les plus proches de la ville. Les limites des surfaces territoriales qui gravitent autour des baptistères peuvent n'être ni rigides ni stables dans le temps et c'est ainsi que se pose le problème de la représentativité réelle de la dynamique des tendances démographiques ainsi obtenues : savoir si les séries historiques des personnes nées reflètent la véritable réalité des villes ou si elles sont au contraire « gonflées » par l'attraction qu'exerçaient les baptistères sur la population des paroisses suburbaines. Seule la reconstruction intégrale de la consistance numérique des naissances attribuables aux seules unités paroissiales, rendue possible parce que dans les enregistrements on indiquait en général la paroisse de provenance du nouveau-né, — ce qui fut fait graduellement à partir du xvir siècle —, peut permettre de reconnaître l'importance des apports entre villes et campagne. Cependant, des sondages périodiques pour les villes de Cesena, Rimini, Forli, et la reconstruction intégrale pour les villes de Ravenne, que nous avons effectuée, et de Faenza, œuvre de A. Angeli 10 , semblent confirmer qu'il n'y a point de sensibles modifications dans l'étroit faisceau extérieur d'où provenaient les personnes nées ; par conséquent les séries des baptêmes en notre possession peuvent être entièrement utilisées pour exprimer la dynamique des tendances démographiques des villes de la Romagne. Deux autres facteurs peuvent influencer la représentativité des données obtenues à partir des registres des baptêmes : les personnes de religion non catholique, les enfants illégitimes ou abandonnés. En ce qui concerne les premiers, le non recensement des personnes appartenant à des groupes religieux non catholiques (en particulier les Juifs) n'est qu'un facteur insignifiant, étant donné leur nombre inconsistant dans les principales villes de la Légation. En ce qui concerne les seconds, des facteurs d'incertitudes, impossibles à éliminer, demeurent dans la détermination des personnes nées illégitimes et abandonnées attribuables, d'un côté à la population urbaine et, de l'autre à la population rurale ; en outre, les livres des hôpitaux ne nous donnent aucune information concernant le nombre des illé-
10. A. ANGELI, Alcune linee di sviluppo della popolazione di Faenza nel secolo XVIII, La popolazione italiana del Settecento, Bologna, 1980, p. 249-262. Pour les villes qui n'avaient qu'un seul baptistère, où affluaient les personnes nées du centre urbain et des faubourgs, nous avons reconstruit la série annuelle des baptêmes auprès du baptistère. Pour Cesena, pour ayoir des données homogènes, il a été nécessaire d'ajouter les baptêmes de la paroisse suburbaine de Saint-Michel, puisque, jusqu'en 1704, année où fut ouvert un baptistère, les natifs de cette paroisse étaient baptisés au Dôme. Pour Forli nous avons reconstruit les baptêmes des deux principaux fonts baptismaux de la ville : le Dôme et Saint-Mercurial.
116
D. BOLOGNESI
gitimes et des légitimes parmi les enfants abandonnés, bien que nous ayons cherché récemment à prouver que dans le cas de Ravenne le phénomène de l'abandon devait être attribué surtout aux naissances irrégulières 11 . Cependant leur nombre réduit et leur stabilité pendant les xvn e et xvm e siècles sont tels qu'elles n'influencent pas de façon importante les tendances démographiques au moins jusqu'aux premières années du xix* siècle, quand le phénomène connaît une véritable explosion.
m Le tableau d'ensemble des séries historiques de naissances que nous avons pu reconstruire pour les principales villes de la Romagne (voir les graphiques), bien qu'avec des accentuations diverses entre les différents centres, rapporte avec une remarquable précision les oscillations et les tendances qu'Athos Bellettini a récemment déterminées pour de nombreuses zones italiennes 12. Après la grave diminution qui se produisit au cours des dix premières années du xvi* siècle, provoquée par les événements belliqueux qui aboutirent à la bataille de Ravenne en 1512, les naissances connurent une quarantaine d'années de bonne stabilité avec des valeurs médio-basses jusqu'en 1560. Alors débuta une phase d'augmentation vertigineuse qui atteignit partout les niveaux maximum historiques au cours des premières années 80. Dans les Etats de l'Eglise en particulier l'augmentation de la population avait été sensible et la densité en moyenne de 45 habitants par km 2 , avec des valeurs encore plus fortes en Romagne et dans les Marches. Lë rapport entre la hausse de la population et la hausse des revenus était devenu insoutenable à partir de la deuxième moitié du xvi° siècle et certainement les nouvelles interventions administratives telles que les « calmieri » des prix, l'emmagasinage de blé, l'interdiction d'exporter des céréales,
11. D. BOLOGNESI-C. GIOVANNINI, Gli esposti a Ravenna fra Settecento e Ottocento, sous presse. 12. A. BELLETTINI-F. TASSINARI, Fonti per lo studio della popolazione del suburbio di Bologna dal secolo XVI alla fine dell'Ottocento, Bologna, 1977 ; A. BELLETTINI. Ricerche sulle crisi demografiche del '600, Società e Storia, 1978, 1, p. 35-64 ; id., L'evoluzione demografica dell'Italia nel quadro europeo del Settecento ; analogie e particolarità, La popolazione italiana del Settecento, OD. cit..
v.
13-70.
LA DÉMOGRAPHIE DES VILLES DE ROMAGNE
117
l'accaparement à travers les bureaux annonaires, ne furent pas à même d'y faire front la crise, avec des caractéristiques typiquement malthusiennes, éclata dramatiquement 13 La grande crise agricole européenne des dernières années du xvi" siècle, bien qu'elle marque de manière pesante le cours des naissances qui, de 1591 à 1593, se réduisent de moitié par rapport aux cinq années précédentes, ne semble pas créer en Romagne un tournant aussi décisif que dans les autres zones de l'Emilie après les terribles années 1591-1593, à Ravenne comme à Forli, les baptêmes connaissent une période d'augmentation continuelle avec un rapide retour aux valeurs d'avant la crise, tout en suivant un parcours marqué par d'amples oscillations ce n'est qu'à Cesena et à Faenza que le retour à la normale a lieu avec des valeurs sensiblement inférieures à celles des dernières décennies du x v r siècle et met en évidence une première phase de sérieuse régression. Il se vérifie par conséquent pendant les années 1620 une nouvelle inversion de tendance avec un mouvement de naissances fortement décroissant jusqu'en 1630, lorsque sont visibles non seulement les conséquences de la peste qui frappe la partie occidentale de la Romagne mais aussi celles de la crise économique irréversible des villes italiennes durant les trente premières années du siècle, conséquences aggravées en Romagne par les mesures sanitaires draconiennes prises pour défendre les zones non encore frappées par l'épidémie. Dans les années qui suivirent l'épidémie de peste, la reprise fut assez faible à Ravenne, Cesena et Rimini, mais beaucoup plus forte à Faenza et surtout à Forli qui connaît un moment particulièrement favorable du point de vue démographique. A partir de 1641 commença une phase de déclin qui continua jusqu'aux années de disette de 1648-1649, suivie d'une période de récupération et donc d'une nouvelle inversion de tendances qui se termina par la dépression de 1679. Entre la fin du x v i r siècle et les premières années du x v n r siècle le mouvement des naissances subit une flexion en relation avec la nouvelle période de crise productive qui se poursuivit pendant les trente premières années du x v n r siècle et empira à la suite d'inondations, et du fait du passage et du logement des troupes. Les années 1740 déterminèrent partout une phase de reprise, interrompue par la grande famine des années 1760 , puis on assista à une modeste reprise à Forli, qui fut plus décisive à Ravenne, Cesena, Faenza et, surtout, Rimini. 13. Sur les effets de la crise de subsistance des années 1591-1593 dans l'Etat pontifical, voir CARACCIOLO, op. cit., et pour un exemple local M . CATTINI, Una crisi demografica alle origini della depressione secentesca, Rivista di storia dell'agricoltura, 1978, p. 45-88.
118
D. BOLOGNESI
Au-delà des oscillations de courte durée l'étude de la courbe des naissances dans les villes principales de la Romagne nous permet de confirmer irrévocablement la présence de ce mouGreph. I . Baptêmes de Ravenne, Faenza e t Rimini
Graph« XI. BaptJmes de Forlì et Cesena
1550 60
70
oO
9u
16u01i)
20 • 30
40
50
60
70
80
90
1700
10
20
.10
40
SO
60
70
80
90
LA DÉMOGRAPHIE DES VILLES DE ROMAGNE
119
vement de fond caractérisé par la continuelle alternance de phases d'ascension et de déclin, avec des intervalles d'environ 25-30 ans, en relation avec les grandes crises de subsistance, que déjà d'autres spécialistes, et en particulier P. Goubert pour la France et A. Bellettini pour l'Italie, avaient déterminées, fournissant ainsi de suggestives interprétations
IV
Jusqu'à présent, nous nous sommes limité à faire une analyse des tendances d'évolution de la population des principales villes romagnoles sans venir au cœur du problème du fonctionnement démographique. Le fait est que, pour obtenir une évaluation valable, les difficultés bien connues, qui sont le propre des recherches démographiques dans les milieux urbains subsistent : la fragmentation des paroisses (à Ravenne 21, à Faenza 28, à Cesena 12, à Rimini 21, à For li 10), grande mobilité entre une paroisse urbaine et une autre, entre la ville et la campagne, présence des hôpitaux dans lesquels on enregistre un fort pourcentage de décès, et en outre énorme travail nécessaire pour le dépouillement exhaustif des données concernant des villes aux dimensions moyennes 16 . Si certains de ces facteurs engagent nécessairement à se limiter à des échantillonnages plus ou moins vastes, d'autres rendent fort problématique l'extrapolation de tendances générales à des cas particuliers, mettant de nouveau en évidence le problème posé par la représentativité des données obtenues. A ce propos le cas de Ravenne est fort significatif. Des différenciations particulièrement profondes existent entre les tendances évolutives et les taux démographiques au cœur de la campagne ravennate, en relation avec les diverses situations économiques et sanitaires. Ainsi, tandis que la partie occidentale du territoire était assez riche en cultures à cause d'une mise en valeur totale et que la partie centrale jouissait dans l'ensemble d'une certaine fertilité, au fur et à mesure que l'on se rapprochait de la mer, les plantes nues, les pinèdes et les
14. Voir respectivement: P. GOUBERT, Beauvais et le Beauvaisis de 1600 à 1730, Parigi, 1 9 6 0 ; BELLETTINI, Ricerche sulle crisi, op. cit. 15. Une récente mise au point de telles difficultés est due à M. GARDEN, Là démographie des villes françaises du XVIII' siècle: quelques approches, Démographie urbaine XV-XX" siècles, Lyon, 1977, p. 43-85.
120
D.
BOLOGNESI
marais l'emportaient. Dans l'ensemble, presque 20 % des 54 000 hectares de territoire étaient couverts de marécages ; un quart était constitué par des pinèdes, des bois et des terrains incultes ; au nord de la ville surtout s'étendait une zone marécageuse très vaste et complètement improductive où régnaient de manière endémique toutes sortes de maladies l a . Dans ces zones la mort était en permanence le facteur dominant du mouvement démographique : il ne s'agissait pas simplement de conséquences de crises imprévues qui annulaient d'un seul coup la lente croissance de la population pendant les périodes « normales », mais de la présence et de la persistance d'un déficit démographique. Au contraire, dans les zones où se trouvaient les métairies, le mouvement naturel présente des caractères de « normalité » avec un excédent de naissances, qui pendant la seconde moitié du xvm e siècle, excepté pendant les années très dures de 1765-1766, tend à être particulièrement important. Aux différents niveaux de mortalité (en particulier en ce qui concerne la mortalité infantile, voir Tableau IV) correspondent différents niveaux de natalité, qui sont surtout très élevés dans les zones marécageuses. Le Tableau II montre Tab. 2. Natalité at mortalité dans six paroisses rurales CAnPIANO
S.ALBERTO N
1750-54 1755-53 1750-64 1765-69 1770-74 1775-79 1780-84 1785-69
54,2 51,2 52.8 39.9 50,1 62,4 56,7 49,6
M
57,0 64,0 79,2 79,0 47,8
33,4
N
43,3 47,6 40,0 31,0 36,6 41,6 46,5 51,0
m 65,2 46,5 66,3 36,7 2S,C 68,8 47,4 31,1
S.STEFANO N
32,4 39,2 40,0 42,6 44,6
FI
44,4 27,0 76,6 62,1 22,7
S.MARCO H
M
(hab.6000)
CASEBUflATE N
N
40.3 28.4 31,8 34,8 36,1
33,9 55,3 40,2 42,0 24,6
32.7 37,6 42.3 29.4 38,0
28,4 21,9 48,6 41,0 17,1
29.3 34.4
41,9 30,4
35.5 47,0 41.8
2B,6 25,4 20,9
GODO N
31.6 37,2 38.7 33,9
H
16,3 22,5 22,8 19,7
avec précision le passage des zones marécageuses et infestées par le paludisme jusqu'aux zones plus salubres et plus hautes du territoire : dans ce cas la valeur moyenne entre les taux démographiques des différentes paroisses cache réellement des différences de comportement extrêmement significatives. Dans les paroisses urbaines (Tableau III), les discordances des taux démographiques, qui peuvent être reconstruits grâce à la présence des « status animarum » remplis chaque année, n'apparaissent pas aussi grandes que dans les paroisses de campagne : de 1750 à
16. Nous avons essayé de mettre en évidence les relations entre le -mouvement démographique et les conditions sanitaires et hydrographiques de Ravenne dans D. B O L O G N E S I , Demografia ed economia del Ravennate nel Settecento, La popolazione italiana nel Settecento, op. cit., p. 263-283.
121
LA DÉMOGRAPHIE DES V I L L E S DE ROMAGNE
T a b . 3 . N a t a l i t é et mortalité S.KflRIA F0R1S
S.AGNESE
dans six
urbaines 5.MARIA HAGGI0RE
n
M
paroisses
IN
(hab. 3 0 0 0 ) S . GIOVANNI IN FONTE
N
19,0
31,3
39,7
32.3
36,5
35,0
34,2
27,7
36.8
31.4
20,2
29.5
24,-7
34, S
19,7
32.3
33.4
38,8
20.4
25,1
25,6
1765-69
22,« 2S.1 24,6
30,0
1770-74
32.3
1750-S4 1755-59 1760-64
1775^79
26,3
32,9
27,2
39,7
3tì, 8
32,9
36.4
35.1
44.5
35,1
47,e
27.1
31,6
32,5
26.6
38,3
35.1
40.5
28.2
40,7
30,4
37,1
31.9
25.5
25,9
16,5
31.2
21,4
40.4
26,4
27,0
23.5
30,4
M.» 21, e
34,4
31,8
28,1
31.2
23.2
27,5
29,0
25,8
33,9
27,3
36.5
1780 la natalité est de 30 à 35 %c ; la mortalité de 25 à 30 %c, excepté au cours des années 1760 si catastrophiques : ce sont là des niveaux presque intermédiaires entre ceux des zones plus habitées et ceux des zones marécageuses de la campagne environnante. Affirmer, sur la base des données des tableaux II, I I I , I V , l'existence d'un moindre dynamisme démographique de la ville par rapport à la campagne (niveaux de mortalité et de natalité plus bas) et d'un solde naturel positif important dans les milieux urbains serait un jugement sûrement hâtif car les données des paroisses urbaines et rurales ne tiennent pas compte des décès à l'hôpital de Ravenne, d'où une sous-estimation remarquable de la mortalité. Nous savons par exemple qu'au cours des années 1804, 1805, 1806, l'hôpital avait accueilli respectivement 1 037, 809, 748 individus et que les décès avaient été au nombre de 175, 154, 139 ; pendant les années allant de 1797 à 1806 les morts à l'hôpital provenant de paroisses urbaines avaient été au nombre de 1009, c'est-àdire 17 % de tout le contingent de décès 1 7 . Nous ne disposons de données générales de décès que pour la première décennie du xix* siècle grâce à une étude de Giorgio Porisini 18 . A partir des déclarations de naissances, de mariages et de décès concernant les villes et les faubourgs (1802-1807) et tout le territoire communal (1807-1815) faites dans les bureaux communaux créés à Ravenne et dans certains hameaux au cours des premières années de l'invasion française, Porisini note que dans le centre urbain de 1802 à 1807 les taux de mortalité ont atteint des valeurs normales, la mortalité moyenne annuelle de ces cinq ans étudiés étant de 33,5 %c. A u contraire en ce qui concerce tout le territoire communal, tandis que les taux de natalité et de nuptialité (respectivement de 36,2 %c et de 8,1 %0 pour les périodes
17. Voir, respectivement : G . PORISINI, Ricerche sul movimento demografico e sulla composizione economica-professionale della città e del comune di Ravenna nell'età napoleonica, Studi in onore di A. Fanfani, Milano, 1962, VI, p. 359-437 ; G . GRASSETTI, Dell'aria ravennate, Ravenna, 1809. 18.
G.
PORISINI, op.
cit.
122
D. BOLOGNESI
1807-1815 et 1803-1815) peuvent être considérés pour ces temps-là comme normaux, le taux de mortalité montant à 30,4 %o peut être considéré comme fondamentalement bas, bien qu'il connaisse pendant plusieurs années de fortes oscillations (mais dans ce cas sont valables les considérations que nous avons faites à propos de la démographie rurale ravennante). Selon Porisini, à l'intérieur de la ville et des faubourgs, proportionnellement au nombre absolu des individus, les niveaux de natalité étaient plus forts mais plus fort aussi était le nombre total des décès. Si l'on tient compte qu'en 1803 les habitants de la ville et des faubourgs représentaient 38,9 % du total et les habitants de la campagne 61,1 %, la dynamique quantitative des naissances et des morts, de 1807 à 1815, montre que, proportionnellement au nombre absolu des individus, les naissances (41,7 % en ville, 55,0 % à la campagne) et les décès (54,1 % en ville, 44,9 % à la campagne) étaient plus importants dans le centre habité que dans les paroisses rurales. Dans le centre habité et dans les faubourgs, la balance du mouvement naturel était en déficit, dans le territoire rural au contraire elle était positive et seul un flux d'une constante immigration de la campagne vers la ville pouvait redonner de la vigueur à son patrimoine démographique décroissant. Dans le domaine de la mortalité, c'était surtout la mortalité infantile qui était fort importante : les rapports en pourcentage relatifs au premier mois de vie passent de 15 % environ en ce qui concerne la ville à 18-19 % environ pour le territoire communal. Dans l'ensemble 36 % environ des décès dans le centre urbain et dans les faubourgs et 44 % environ du nombre total des décès dans la commune ont lieu au cours des cinq premières années de vie. Tab. 4 . M o r t a l i t é i n f a n t i l e dans quelques p a r a i s s e s r u r a l e s S . ALBERTO 1690-99 1700-09 17lb—19 1720-29 1730-39 1740-49 1750-59 1760-69 1770-79 1780-89 1790-96
444,2 417,2 357,4 434,2 446,7 423,9 357,5 441,0 -
255,0
RUSSI 255,5 236,0 245,0 260,7 248,6 '198,8 175,0 275,1 195,5 200,3 153,3
CAMPIANO e S-STEFANO 402,2 371,0 320,0 296,4 314,9 221,8 316,6 378,8 293,6 226,6 246,6
123
LA DÉMOGRAPHIE DES VILLES DE ROMAGNE
En utilisant certaines statistiques établies par le médecin de l'hôpital de Ravenne, Gaetano Grassetti19, au cours des premières années du xix* siècle et d'autres données que nous avons rassemblées, nous avons pu vérifier avec une précision plus grande les tendances démographiques de la décennie 1797-1806, ceci grâce à la comparaison entre ville et faubourgs. Il faut remarquer en effet que les paroisses suburbaines de S. Biagio et de S. Rocco comprenaient, outre l'habitat autour des remparts de la ville, de vastes zones de la campagne ravennate, dépeuplées et marécageuses, ce qui peut altérer profondément toutes les études sur la ville. En ce qui concerne les décès, nous avons mis entre parenthèses sur le tableau V les décès hospitaliers de personnes résidant en ville et dans les faubourgs en les reconstruisant de la façon suivante : nous connaissons le nombre total des décès hospitaliers des habitants au cours de la décennie et celui de chaque année entre 1802-1806 ; quant aux années 1797-1801 nous avons divisé le contingent de décès hospitaliers restant selon le cours de la mortalité totale ; pour établir le nombre de décès ayant eu lieu à l'hôpital et concernant les villes et les faubourgs nous avons utilisé le rapport des décès des paroisses urbaines et suburbaines au cours des différentes années. Tab. 3 . N a t a l i t à a t m o r t a l i t é & Ravenna VILLE
lit 7 ¿798 179» IMO 1801 1002 ICO) ISO« 1805 180«
hab 94(2 9«2« Mil 98«« 9589 9«T0 »«10 »«52 9462 9820
tf
J2.2 33,1 »,8 34,9 J4.9 «1,9
H 4T.» (33,7) Si,« (38,1) 32,3 (39,0) 23.» (28,8) 27,1 (32,7) 29.« (27,7) 24,1 (29,7) 20,7 (27,7) 24,1 (2«,4) 22,0 (28,4)
».0
2»,9 (31,2)
J>.>
TOT.
31,1
it,7 ¡2.e
hab 627» «332 6333 «432 «322 «318 «419 «438 «580 «894
rftUBOlMESII H 40,1 37,8 (45,6) 37,6 41,7 (50,2) 36,2 41,7 (50,4) 31,3 39,7 (47,9) 33.» 42,7 (51,«) 35,3 35,8 (38,8) 39,8 44,9 (55,0) 35,9 31.« (42,1) 43.» 29,2 (31,») 40,0 31,9 (41,5) 37,4 37.« (45,4)
hab 15737 15958 15950 1C298 15911 15988 1602» 16110 16242 16474
told* TOTAL M N 37,4 31,8 (38,4) 237 33.« 35,t (42,9) 140 3«,5 36,1 (43,«) 460 -327 30,1 (35,9) 32,8 33,3 (40,2) 195 34,0 29,6 (32,1) 11 37,2 32,2 (39,5) 118 35,3 25,1 (33,4) 102 «4 39,0 2«,2 (28-,«) 40,9 2«»0 (33,7)
».*
35,9 30.«
3«,8
1000
La valeur de la natalité ainsi obtenue présente une légère supériorité dans les faubourgs par rapport au centre urbain, tandis que la donnée moyenne pour les dix ans (35,9 %c) est assez proche de celle de toute la commune calculée par Porisini pour la période 1807-1815 (36,2 %«). L'analyse de la mortalité est encore plus intéressante. En premier lieu nous devons constater une profonde différence dans les valeurs enregistrées en comptant ou non les décès auprès de l'hôpital de la ville (de 30,6 %c à 36,8 %«) ce qui confirme ultérieurement l'exigence de connaître les données auprès des hospices. Mais ce qui 19.
G . GRASSETTI, op.
cit.
124
D. BOLOGNESI
apparaît le plus clairement, c'est la nette différence entre la mortalité de la population résidant à l'intérieur des remparts de la ville et celle de la population résidant dans les faubourgs tandis qu'il s'agit dans le premier cas de valeurs normales par rapport à la campagne habitée, dans le deuxième cas nous sommes en présence de taux exceptionnellement forts, qui s'alignent avec ceux des zones les plus déséquilibrées au point de vue hydrologique, au nord de la ville. C'est donc le rôle décisif de la mortalité dans les paroisses suburbaines qui semble expliquer le déficit démographique de Ravenne. Ce qui déterminait cette situation était sans aucun doute le fait que les paroisses de S. Biagio et de S. Rocco connaissaient aussi les difficiles conditions sanitaires des zones marécageuses de Ravenne que nous avons déjà expliquées synthétiquement, mais il existait aussi des causes d'ordre social. Dans les faubourgs de la ville vivaient les classes les plus pauvres de la population urbaine, formées par des paysans qui avaient abandonné la campagne et qui, comme le relèvent à l'unanimité les sources de l'époque même, s'y installaient en violant les statuts municipaux , « les uns en mendiant, les autres en " ius lignandi " dans les pinèdes gagnaient leur vie » C'était une situation si précaire que, comme l'écrivait le médecin Grassetti, « avant le temps les forces venaient à leur manquer et beaucoup de centaines de bras qui auraient été utiles manquaient aux arts, aux métiers, à l'agriculture » 20 Du centre urbain jusqu'à sa périphérie les conditions de vie de la population subissaient une détérioration progressive qui trouve une confirmation significative dans la diverse incidence de la mortalité. L'exode de la campagne vers la ville était de toute façon très élevé : en confrontant les données de la population et celles du mouvement naturel, 1 000 individus représentent le solde des mouvements migratoires entre campagne et centre urbain. Ravenne est peut-être un cas en dehors de la norme, son analyse démontre de toute façon les difficultés que l'on rencontre pour mettre en évidence et pour opposer un régiipe démographique urbain indifférencié à un régime démographique rural tout autant indifférencié ce n'est qu'à travers une profonde connaissance des conditions économiques et sanitaires spécifiques qu'il est possible d'arriver à des généralisations méritant d'être prises en considération. Dante
20. Ibid., p. 154.
BOLOGNESI
LA DÉMOGRAPHIE DES VILLES DE ROMAGNE
125
RÉSUMÉ A partir du premier tiers du xvi' siècle, le rattachement de la Romagne au pauvre Etat Pontifical entraîna un déclin économique progressif qui se répercuta sur la démographie urbaine du pays dont les villes restèrent quasiment stationnaires. L'étude des baptêmes montre des phases de montée et de descente séparées par des intervalles de 25 à 30 ans. Ravenne permet de souligner le rôle décisif des faubourgs dans le déficit démographique : il s'explique par la surmortalité qu'ils connaissent. L'étude souligne, par ailleurs, les difficultés que soulève l'opposition traditionnelle entre un régime démographique urbain indifférencié et un régime démographique rural tout aussi indifférencié. Il est indispensable d'affiner l'analyse.
SUMMARY From the first third of the xvi century onwards the links between Romagne and the poor pontifical State led to a progressive economic decline which reflected on the urban demography of a country whose towns remained almost unchanging. Studies of baptisms show phases of increase and decrease separated by intervals of twenty five to thirty years. Ravenne permits us to emphasize the decisive role of the surrounding villages when considering the demographic deficit. Such a deficit is explained by the below average level of death which they exhibit. The study underlines the difficulties brought about by the traditional opposition between a rural and an urban undifferentiated plan. It is indispensable to simplify the analysis.
LE BILAN DÉMOGRAPHIQUE DE LA LOMBARDIE AUTRICHIENNE AU COURS DU XVffl 6 SIÈCLE LA CROISSANCE DES « BOURGS MOYENS » par P. SALA
Dans une brève intervention présentée en 1979 1 , j'avais tenté de faire le point sur l'état actuel des recherches démographiques concernant la Lombardie du xvm* siècle. Le schéma d'interprétation des données disponibles était que si le xvm* siècle fut ime période de croissance, avec ralentissement sur la fin, celle-ci fut loin d'être aussi forte que dans la plupart des autres régions européennes puisqu'elle ne fut en moyenne que de 3 à 4 %0 par an, comme le montre le tableau ci-après : Tableau 1 - Population de Ln Lombardie f 1731) - 1795) Année Population Taux d'accroissement (p.I.UGD ) 1730
872.000
1750
1.053.000
o e
1760
1.071,000
1.7
1770
1.115.000
4,0
17S0
i.i33.oyn
1,6
1790
1.154.000
1.8
1.180.000
2,5
1799
1. P. SALA, « Alcune notizie sull'andamento della popolazione in Lombardia nel corso del xvm secolo », paru dans La popolazione italiana nel Settecento, ouvrage coli., Bologne, 1980, p. 151-171.
128
P . SALA
J'indiquais également que ces données étaient remplies d'incertitude. Il y a en effet un problème de sources tout à fait considérable. D'un côté, s'il existe encore un grand nombre de « status animarum », beaucoup ont été perdus par suite de l'abandon, à la fin du xvxi* siècle, de l'usage de les envoyer à l'évêché. En outre, ils ne sont pas exempts de défauts, leur rédaction étant très variée et les omissions fréquentes, notamment celles des militaires et de collectivités particulières (collèges, hôpitaux, prisons) 2 . D'un autre côté, si dans la poursuite de la grande entreprise que fut le « Catasto », les Habsbourg demandèrent à plusieurs reprises aux communautés des informations concernant le nombre de leurs habitants, comme il s'agissait de répartir d'une façon plus équitable les charges fiscales, les chiffres que l'on peut calculer pèchent toujours par défaut 3 . Même les registres paroissiaux ne sont pas entièrement satisfaisants : il est difficile de connaître à chaque fois le domicile réel des personnes concernées, de plus les curés n'enregistrent presque jamais parmi les baptêmes les enfants ondoyés à la maison mais les mentionnent parmi les sépultures enfin, l'allongement de l'intervalle naissance-baptême peut entraîner un déficit de cet enregistrement par suite de la forte mortalité infantile. C'est pourquoi les chiffres portés au tableau I font naître beaucoup de doutes quant à leur crédibilité. Que vaut l'évaluation de Pugliese 4 selon laquelle la Lombardie aurait compté 872 000 habitants vers 1730? En effet, si les villes, les « Corpi Santi » milanais et les personnels religieux ont réussi à se faire exclure du dénombrement, qui nous garantit que toutes les autres communes donnèrent des réponses exactes ? J'ai pu vérifier pour Bollate et Treviglio que les chiffres fournis ne cadrent pas avec le nombre des naissances. Et comment accepter un taux de croissance de 9,5 %« entre 1730 et
2 . Voir B. CAIZZI, Il Comasco sotto il dominio austriaco fino alla redazione del Catastò teresiano, Come, 1955 ; E. ROVEDA, « L'andamento demografico del Lodigiano nel corso del Settecento », dans La popolazione italiana nel Settecento, p. 227-248. 3. Lorsqu'elles proviennent de sources gouvernementales, les données se rapportant à la période 1700-1740 sont presque toujours sous-estimées. Pour Bollate et Treviglio, il a fallu renoncer à les utiliser car le rapprochement avec les chiffres des naissances et des décès aurait abouti à des taux non crédibles. — Voir S . VIVALDI, La demografia di una parrocchia lombarda nell'età moderna: Bollate (1650-1750), Thèse dactyl., Univ. de Milan, 1977-1978; P. FINARDI, La demografia di Treviglio nell'età moderna : ricostruzione nominativa delle famiglie (1690-1750), Thèse dactyl., Univ. de Milan, 1979-1980. 4 . S. PUGLIESE, « Condizioni economiche e finanziarie della Lombardia nella prima metà del secolo xvm », dans Miscellanea di storia italiana, s. Ili, t. XXI, Turin, 1924, p. 59. — Le chiffré proposé par cet auteur est de 689 452 habitants, auxquels il ajoute ensuite 155 000 Milanais, 15 000 ecclésiastiques et 14 000 habitants des Corpi Santi milanais.
LES BOURGS MOYENS DE LOMBARDIE
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1750, en une époque de guerre et de crise ? Le premier chiffre est à coup sûr sous-estimé. Enfin, c'est entre 1760 et 1770 que l'on aurait enregistré le taux de croissance le plus fort de la seconde moitié du siècle alors qu'il s'agit d'une époque de dépression !
Il en résulte que pour arriver à reconstruire d'une manière aussi exacte que possible l'évolution de la population lombarde au cours du xvin* siècle, il faut procéder par une série de monographies les plus nombreuses possibles. Parmi les grandes villes lombardes, seules Milan et Pavie ont fait l'objet d'études. En ce qui concerne Milan, les travaux du professeur Romani 5 et les séries de Vianello 6 — même si elles posent problème par suite des défauts de la documentation et du facteur perturbateur que constituent les enfants abandonnés — conduisent à la conclusion que Milan ne s'est pratiquement pas développée au xvm* siècle. Elle aurait eu 123 595 habitants en 1715; 116 400 en 1767 7 ; 134 528 en 1799. Mais, pour le comprendre, il faudra évaluer quel poids peuvent avoir eu sur les naissances la surmortalité des enfants abandonnés et la mise en nourrice. J'ai choisi, au cours de la présente communication, de montrer ce qu'apportait, à partir des données obtenues par le dépouillement des registres paroissiaux, l'étude de deux « bourgs moyens » : Monza et Treviglio. Tenant compte de toutes les observations précédentes, j'ai mis au point une méthodologie un peu plus raffinée pour tenter de pallier les erreurs et d'étudier de manière plus sûre les aires urbaines lombardes. Cette méthode prévoit de porter une attention particulière aux questions' suivantes : 1) Contrôle strict de la résidence du nouveau-né, des époux ou du défunt.
5. M. Romani, « L'economia milanese nel Settecento », dans Storia di Milano, Milan, 1968, vol. 12 ; Aspetti e problemi di storia economica lombarda nei secoli XVIII e XIX, Milan, 1977, p. 3 et sq„ et p. 184-185. 6. C. Vianello, Il Settecento milanese, Milan, 1934, p. 280. 7. Le chiffre de 1767 et celui avancé pour 1763 soulèvent beaucoup de doutes. Il est vrai que ce fut une période très critique pour l'agriculture mais le recul 1760-1763 apparaît trop fort: de 124 448 à 119 560 habitants; la crise agricole eut lieu de 1765 à 1767 ; la croissance de la période 1767-1770, qui aurait amené Milan à 128 950 habitants, apparaît encore moins crédible car elle impliquerait une augmentation moyenne de 4 200 personnes par an, correspondant à un gain migratoire de 10 000 personnes en trois ans, pour une ville qui, au cours de l'ensemble du siècle, ne s'accrut qu'au taux de 1 pour 1 000 par an.
9
130
P. SALA
2) Vérification de l'inscription contemporaine des enfants baptisés à domicile ob periculum mortis sur les registres de baptêmes et de sépultures. 3) Calcul en jours de la période moyenne naissance-baptême. 4) Récupération des enfants morts en nourrice hors de la zone urbaine au moyen de l'examen des registres paroissiaux appartenant à l'aire rurale environnante. Ces précautions ont été observées dans la recherche sur Monza que j'ai conduite avec G. Longoni, et dans la reconstitution nominative entreprise à Treviglio par P. Finardi dans sa thèse de doctorat. Ce sont de gros bourgs à caractère rural, mais où la présence artisanale et commerçante est notable ; à Monza, il y avait aussi un nombre important de nobles qui y possédaient des maisons de campagne. Le travail de recherche a consisté dans la transcription de tous les actes enregistrés dans les paroisses. Il faut tenir compte aussi du fait que la commune de Monza comprenait neuf paroisses en tout, quatre à l'intérieur des murs et cinq dans la campagne environnante 8 . La commune de Treviglio comprenait au contraire une seule et grande paroisse qui réunissait les caractères urbains et les caractères ruraux et il n'a pas été possible de distinguer les « citadins » à proprement parler des habitants de la « campagne ». Après la transcription des actes, ces derniers ont été distribués selon la résidence des parents, des époux, des morts. On a pu ainsi calculer la différence entre actes « enregistrés » et actes « effectifs » (voir Tableau II). Dans le cas d'une seule paroisse de Monza (et pas pour tout le siècle) existe le double enregistrement des enfants baptisés à domicile, puis décédés. Tableau 2
Actes "enregistrés" et actes "effectifs" à Monza et à Treviglio f17G0-99)
Localités a)Naissances Monza Treviglio b)Mariâges Monza Treviglio c) Décès honza Treviglio
Actes "enrecistrés" Actes 1 "effectifs" par.urb. par.rur. total : par.. urb. par • rur. total 17 903
16 699
34.602: 17 565:
18 425
17 350
35 7 7 5 18 251
3 532
3 674
7 206: 3 784:
3 625
3 511
7 136 3 745
13 454
18 398
31 852: 16 665
13 898
16 998
30 8 9 6 16 317
8. Le travail de relevé a intéressé toutes les paroisses urbaines, dont l'enregistrement est concentré à la cathédrale, et les deux paroisses rurales les plus étendues ; il intéresse donc de 92 à 95 % de la population totale de Monza.
LES BOURGS MOYENS DE LOMBARDIE
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Ceci, comme on peut le voir, implique une sous-estimation des naissances de 1 859 unités, c'est-à-dire d'environ 3,6 % du total des données relevées ; cette sous-estimation est supérieure à Treviglio : 3,9 %. L'existence dans les deux villes d'un ou plusieurs hôpitaux entraîne de grosses erreurs dans l'enregistrement des décès. A Monza l'examen des paroisses rurales a aussi permis de « récupérer » les enfants résidant en ville mais morts à la campagne en nourrice. Le phénomène concerne un nombre restreint d'enfants de résidents de Monza (45) mais il est plus conséquent pour les Milanais (249), ce qui est notable si l'on pense à la distance qui sépare Monza de la capitale : une bonne partie de ces enfants proviennent de « l'Ospedale Maggiore di Milano », c'est-à-dire qu'il s'agit d'enfants trouvés. Une différence de 1 304 (2,7 %) représente le nombre de ceux qui décédèrent dans la ville sans y résider ; souvent il s'agit de personnes hospitalisées. Comme il est plus courant que les gens de la campagne viennent mourir en ville que le contraire, il n'est absolument pas vrai qu'entre les différentes paroisses les chiffres des morts non-résidents tendent à se compenser réciproquement. L'analyse des données de Monza le démontre. Les registres des paroisses rurales comportent pour tout le siècle 13 454 actes de décès. Mais, après avoir effectué la redistribution suivant leur résidence des personnes mortes en ville, le chiffre augmente de 444 unités : la sous-estimation est donc de 3,3 %. Vice-versa, dans le centre urbain on relève 18 398 morts; de nouveau, la réattribution des actes selon la résidence modifie le total, cette fois dans le sens de la diminution : 16 998. La différence de 1400 unités (une surestimation de 7,6 % par rapport à l'enregistrement « effectif ») comprend, soit les personnes résidant hors des murs de la ville qui décédèrent à l'intérieur de ceux-ci, bien qu'appartenant à la commune de Monza (708 unités), soit un bon nombre de résidents des bourgs voisins venus mourir dans les hôpitaux de Monza (692). Enfin, la confrontation entre les deux centres urbains met en évidence le fait que, plus le bourg est grand, plus l'attraction qu'il exerce sur les zones environnantes est grande, et cela détermine un nombre plus élevé de morts enregistrés dans les registres de décès : l'incidence des morts « étrangers » à Monza est de 3 %, à Treviglio de 2,1 %. Les observations faites jusqu'ici sur les erreurs de l'enregistrement paroissial sont valables également pour les mariages. A Monza, l'existence d'un « monte di maritaggio » qui pourvoyait en dot les jeunes filles pauvres qui se mariaient dans la cathédrale le 2 juillet est la cause d'une croissance anormale du nombre des mariages enregistrés en ville, à côté d'une sous-estimation du nombre des noces qui eurent lieu en campagne. Il s'agit là d'un type particulier de « mobilité des cérémonies » dont il est nécessaire de tenir compte ; il est évident que des couples qui s'étaient formés en ville retournaient vivre à la campagne. En examinant les données, il apparaît que dans
P. SALA
seulement 1 % des mariages, la femme ne résidait pas dans les deux villes considérées ; on notera l'attraction des paroisses urbaines de Monza sur leur propre campagne. Cette dernière apparaît en fait sous-estimée de 2,6 %, alors que la ville compte 4,4 % de mariages en plus. Suivant la méthode décrite jusqu'ici, plus analytique que le simple comptage des actes et que l'usage de données déjà agrégées, j'ai reconstruit le mouvement naturel de Monza et de Treviglio. Les résultats sont reportés dans le graphique n° 1 construit à l'aide
de moyennes mobiles. Au Tableau III, par contre, j'ai résumé les soldes naturels de chaque période de cinquante ans. Au cours du siècle on eut à Monza et Treviglio deux soldes nettement positifs, l'un égal à 4 875 et l'autre à 1 938 unités. L'observation du graphique 1 met toutefois en évidence des différences marquées dans le développement des courbes des naissances et des décès, bien que ce que l'on puisse relever comme tendance de fond soit une croissance continue. Puisqu'on peut adopter le nombre des nais-
L E S B O U R G S M O Y E N S DE
T a b l e a u 3 ! B i l a n d é m o g r a p h i q u e du mouvement n a t u r e l par p é r i o d e de 50 a n s (1700-99) fériode
1700-49 1750-99
133
LOMBARDIE
à Honza e t
Treviglio
Kionza paroisses rurales solde morts naissances 43,3 116,2 159,5 47,1 147,3 194,4 45,3
paroisses naissances morts 143.3 144,0 189.4 181,7 166,4
urbaines solde -0,7 ' 7,7
162,9
3,5
177,0
131,7
1700-49 1750-99
3Q2,8 383,9
Monza total 260,2 329,0
42,6 54,9
150,0 200,0
125,1 186,3
24,9 13,8
1700-99
343,4
294,6
48,8
175,0
155,6
19,4
1700-99
Treviglio
sances comme indice du développement général de la population, il est évident que cette dernière a subi une croissance extrêmement régulière dans le cas de Monza, beaucoup plus perturbée dans celui de Treviglio. On peut observer, à l'aide du Tableau V, que ce furent les paroisses rurales, au moins dans le cas de Monza, qui fournirent des soldes fortement positifs, tandis que la ville proprement dite donna lieu à des différences négatives dans la première moitié du xvili" siècle. Je note au passage que, si je n'avais pas utilisé le critère de redistribution des décès selon la résidence, les soldes urbains auraient toujours été négatifs, donnant une fausse impression du trend réel des courbes. En outre, et par voie de conséquence, l'excédent des paroisses rurales serait apparu beaucoup plus fort. A travers la consultation de sources très diverses, j'ai établi à différentes dates le chiifre de la population dans les deux villes qui font l'objet de l'enquête 9 . Le calcul du taux de natalité s'est révélé plutôt constant, offrant pour Monza des chiffres compris entre 40 et 42 %c avec un développement en légère croissance au cours du siècle ; pour Treviglio entre 36 et 39 %c. Donc, ayant mis en évidence la constance du taux de la natalité, j'ai adopté le nombre des naissances comme indice de l'évolution de la population. Toutefois, afin d'éliminer l'influence des fluctuations annuelles, j'ai calculé la ligne d'interpolation des valeurs des naissances. En se basant sur celle-ci, j'arrive aux estimations suivantes (voir Tableau IV). Les calculs que j'ai effectués permettent alors de dire que le chiffre reporté dans les « 45 Quesiti » pour Treviglio (3 426 habitants pour 1751) est sous-estimé d'environ 500 unités, et, complètement erronés sont ceux offerts par d'autres documents (par exemple : 9. Pour les critères qui ont permis de retenir les chiffres avancés, voir P. FINARDI, La demografia di Treviglio..., op. cit. ; P. SALA et G . LONGONI, « Bilanci demografici della cita di Monza nel corso del xvm secolo », à paraître dans La demografia storica delle cità italiane, Açtes du Colloque de la S.I.D.E.S., 1980.
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Tableau 4 Estimation de la population de Monza (iO) et de TreviRlio en supposant constant le taux de natalité (1700-99)» Année
Monza
Treviri io
Année
Monza
1700 1725 1750
6 770 7 590 8 510
36660 4 160 3 9i0
1775 1800
9 300 10 260
Treviglio 4 770 7.020
3 058 habitants en 1721). Pour Monza il est ensuite possible d'effectuer un rapprochement entre la ville même et sa campagne. Cette dernière s'accroît, au moins à partir des années 1730, d'une façon beaucoup plus lente : 3,5 %0 par an dans la première moitié du siècle, 3,3 %o dans la seconde, alors que la zone urbaine connaît un taux de 4,2 % dans la période 1700-1749 et de 6,3 % entre 1750 et 1799. Ceci est d'autant plus remarquable que les soldes naturels des paroisses rurales sont toujours fortement actifs, alors que ceux des paroisses urbaines le sont seulement, et encore très faiblement, dans la seconde moitié du siècle. Il est donc facile de faire l'hypothèse d'un mouvement migratoire vers la ville d'une certaine intensité. La différence entre la natalité de la ville et celle de la campagne apparaît très intéressante. La première peut être estimée dans le cas de Monza, (unique exemple comportant des données différenciées selon que la résidence est à l'intérieur ou à l'extérieur des murs), à environ 38 %0 alors que la seconde atteint à peu près 46 %o. A mon avis il est possible de conclure que ce fut une natalité relativement plus faible qui rendit négatifs ou de très peu supérieurs à zéro les bilans naturels urbains, spécialement si on considère que le niveau de la mortalité générale était en ville très légèrement supérieur à celui de la campagne. La natalité plus élevée dans les campagnes est en rapport direct avec la plus grande diffusion du mariage chez les ruraux ; affirmation d'autant plus valable que l'illégitimité est très rare dans la Lombardie du x v n r siècle. La courbe de nuptialité met aussi en évidence la croissance des populations considérées, bien que les chiffres des dernières années du siècle soient influencés par le nombre, vraiment élevé, de noces contractées dans le but d'échapper au recrutement. Le calcul du taux de nuptialité est d'un intérêt particulier dans l'économie du débat (voir Tableau V). Tableau 5
Taux de nuptialité à Monza et à Trevigilo (1700-99)
Période
par.rurales 1700-49 8,9 1750-99 9,8
1700-99
9,4
Monza par.urbaines 7,6 7,3 7,4
total 8,2 8,5 8,4
Treviglio 8,3 8,1 8,1
10. A l'exclusion des trois plus petites paroisses rurales, comme cela a été indiqué précédemment.
LES BOURGS MOYENS DE LOMBARDIE
135
Quoiqu'assez imprécis, ces chiffres confirment l'homogénéité substantielle de comportement des deux localités et mettent en évidence le phénomène d'une nuptialité différente entre zone urbaine et zone rurale. D'ailleurs, ceci n'est que la confirmation d'un fait déjà connu. Ce qui explique le mieux l'incidence plus basse du mariage en ville, c'est certainement le nombre élevé de célibataires définitifs qu'on y rencontre. J'ai pu le calculer uniquement pour Monza, du fait qu'à Treviglio le nombre de personnes dont on ignore l'état civil au moment du décès est très élevé. Les résultats de cette analyse sont exposés au Tableau V I . Tableau 6 Période
Pourcentage de célibataires définitifs sur le total de» défunts à Monza (1725-99) : morts de plus de 50 a n e T
paroisses rurales Saint Biaise Sflint Gérard Hommes Femnea Hommes Femmes
1725-49 1750-74 1775-99
12,1 9,3 14,8
12,1 6,0 8,3
14,9 14,3
14,1 7,0 7,3
paroisses urbaine» Cathédrale Hommes Femmes ffumm»^ "pauvres" "riches" 29,5 25,4 54,7 17,2 17.3 21,1 54,8 27,3 17.4 19,3 50,4 36,4
On notera surtout qu'en ville presque un cinquième des défunts de plus de 50 ans « pauvres » — c'est-à-dire non indiqués avec le titre de « signore » — , meurent sans avoir contracté mariage. Ceci se rencontre de façon encore plus notable pour les classes aisées, spécialement pour les hommes, mais il faut considérer qu'ont été comptés ici les très nombreux religieux qui influent de façon sensible sur le résultat. Il semble que se répètent aussi en Lombardie des phénomènes déjà observés ailleurs, tels que le contrôle de la fécondité urbaine par le moyen d'une massive abstention au mariage. Les observations faites jusqu'ici conduisent donc à mettre en liaison la natalité inférieure en ville avec la haute incidence du célibat. Sur la base des données reportées au Tableau I I I et des estimations de la population construites sur le modèle de la constance des quotients de natalité, j'ai évalué les taux de mortalité pour les deux villes objets de notre étude. Les résultats apparaissent au Tableau V I I . Tableau 7iTaux de mortalité à Monza*et à Treviglio Période 1700-25 1725-50 1750-75 1775-1800
Monza par.rurales 31,8 35,1 34,8 34,9
par.urbaines 38,3 39,9 36,9 37,8
(1700-1800) Treriglio
total 35,1 37,6 35,9 36,5
27,9 35,6 34,9 35,7
Il n'existe pas de variations dignes d'être relevées : si l'on fait exception
136
P. SALA
du chiffre plutôt bas que Treviglio enregistre dans les 25 premières années du siècle, la mortalité totale des deux localités apparaît comprise dans les limites de 35-37 %c. Toutefois, on observe une différence entre la mortalité générale de la campagne et celle de la ville ; cette dernière est constamment supérieure à la première bien que les écarts ne soient pas très importants. L'explication de cette diversité est très probablement à mettre en relation avec la structure par âges, différente dans les deux populations. On en trouvera deux preuves convaincantes dans l'incidence presque identique de la mortalité infantile et dans la distribution des défunts par larges tranches d'âge, effectuée à l'aide des données recueillies pour Monza, qui met en lumière une population plus vieille en ville qu'à la campagne. Tabloau 8 M o r t a l i t é i n f a n t i l e à Monza ( m o r t s de 0 - 1 a n p o u r 1000 naissances : p é r i o d e 17C0-99) (11) Période
par.rurales hypothèse "a" hvpothèse"b" 1700-49 288,4 291,5 1750-99 260,5 280,9 1700-99
259,6
285,7
par.urbaines hypothèse "a" hypothèse "b" 245,0 267,0 252,3 270,2 149,2
268,8
Utilisant le système des moyennes mobiles modifiées mis au point par les professeurs Del Pan ta et Livi Bacci 12 , j'ai repéré les années de « crise de mortalité » à Monza et à Treviglio (voir Tableau IX). On peut en tirer deux conclusions : 1) Les données de Monza et Treviglio tendent à confirmer la thèse du professeur Del Panta 13 selon laquelle le x v i i i * siècle fut pour les régions septentrionales une époque où les crises de mortalité s'atténuèrent en intensité et en fréquence ; en particulier les trente dernières années semblent presque indemnes de crises dignes d'être relevées, si l'on fait exception de l'épidémie de variole de 1789, qui toutefois ne fit pas monter la mortalité de Treviglio au-dessus de 50 % par rapport à une courbe « normale » ;
11. La raison pour laquelle deux quotients ont été calculés vient du fait qu'il n'a pas toujours été aisé de retrouver l'âge exact des enfants morts avant la fin de leur première année. L'hypothèse « a » correspond à un minimum : tous les enfants indiqués comme « mortui unius anni » avaient déjà dépassé leur premier anniversaire ; l'hypothèse « b » présuppose le contraire. La valeur réelle se situe probablement entre ces deux extrêmes. 12. Voir L. D e l Panta et M. Livi-Bacci, « Chronologie, intensité et diffusion des crises de mortalité en Italie (1600-1750) », dans Population, 1977, numéro spécial. 13. Voir L. D e l Panta, Le epidemie nella storia demografica italiana, Turin, 1980.
LES BOURGS MOYENS DE LOMBARDIE
137
Tableau 9
" C r i s e a de m o r t a l i t é " à Monza e t à T r e v i g l i o a u X V I I I ° alfecle : d i s t r i b u t i o n à l ' I n t é r i e u r d e s d é c e n n i e s 1700-99 des 15 années" c r i t i q u e s " (nombre dB m o r t s au d e l à du 30 % e n rapport avec le trend "normal")
Décennie
N" des crises 1 3 3
1710-19 1720-29 1730-39
Décennie 1740-49 1750-59 1760-69
N° des crises 2 2 2
Décennie 1770-79 1780-89 1790-99
N* des crises 1 1
2) Les crises les plus graves eurent lieu en 1725-1728 et en 1757 à Monza, durant l'occupation franco-piémontaise à Treviglio: mais dans ce cas aussi on notera que le fléchissement de la population n'est pas tant dû à de fortes crises de mortalité déterminées par l'invasion gallo-sarde qu'à la fuite des habitants de Treviglio : les années 1734-1737 voient un relèvement de la mortalité à un point critique, mais qui ne dépasse pas 50 % en plus de la « normale ». 3) Le taux de mortalité en période de crise monta jusqu'à 50 %« mais n'alla probablement pas jusqu'à 60 %«. Il s'agit donc de redressements brusques, mais absolument pas comparables aux grandes crises du xvn" siècle. En substance, le xvm* siècle, même avec sa mortalité en général élevée, semble avoir « stabilisé » ce phénomène à l'intérieur de limites qui vont de 30 à 60 %o. Il n'est pas possible de conclure les observations sur les localités objets de la recherche sans faire allusion aux mouvements migratoires. Le Tableau X, en tenant compte de la croissance totale et de la croissance naturelle de Monza et de Treviglio, calcule justement les soldes migratoires. Tgbleau 10 S o l d e s m i g r a t o i r e s à Monza e t à T r e v i g l i o f 1 7 0 0 - 9 9 ] Période taux d ' a c c r . n a t u r e l taux d ' a c c r . t o t a l solde migratoira Monza
1700 25 1725-50 1750-75 1775-1800
urb. 1,7 6,7 4,7 7,8
Treviglio rur. 5,9 1,2 2,9 3,6
7,6 -5,2 9,5 16,0
Monza urti. -0,1 -0,2 1,6 1,6
Treviglio rur. 13,6 11,5 10,7 11,5
9,7 2,8 3,2 2,2
Monza urb. 1,9 6,9 3,1 6,2
Treviglio rur. -7,7 -10,3 - 7,8 - 7,8
-2,1 -8,0 6,3 13,8
Les conclusions que l'on peut avancer sont les suivantes : 1) La deuxième moitié du siècle a vu les deux centres urbains croître à un rythme plutôt élevé, d'autant plus rapide que la première moitié du siècle avait été plus critique pour la croissance. 2) Il se confirme que la période de décroissance de la population de Treviglio a été due à une forte émigration, plus qu'à une haute incidence de la mortalité, comme on en avait déjà envisagé l'hypothèse plus haut.
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P. S A L A
3) La campagne souffre d'une continuelle hémorragie d'habitants, avec un solde migratoire négatif. Pour vérifier l'hypothèse de l'afflux d'habitants de la campagne vers le centre urbain, j'ai confronté les lieux de naissance et les lieux de résidence des époux. Il apparaît évident que, face à un phénomène migratoire qui va en augmentant, le chiffre des gens mariés qui résident en ville mais sont nés à la campagne s'accroît. C'est ce qui advient justement à Monza à partir des années 1750-1775. Si on pose comme égal à 100 le nombre de gens mariés qui en 17251750 étaient résidents en ville, mais nés à la campagne, on obtient en fait un indice de 450 pour 1750-1775 et de 600 pour 1775-1800 : le chiffre des époux immigrés est donc multiplié par cinq dans la seconde moitié du siècle. On trouve ainsi dans la Lombardie du xvm* siècle une diversité très réelle entre le comportement des « bourgs moyens », celui des grandes villes et celui des petits villages ruraux. Alors que Milan reste stationnaire 14 , Monza et Treviglio mettent par contre en évidence la « reprise démographique » qui apparaît être une caractéristique des centres de moyenne dimension. Les calculs que j'ai effectués à partir des données fournies par le docteur Roveda pour la région de Lodi 1 8 confirment cette conclusion, pour la population qui résidait dans des bourgs de plus ou de moins de 1 000 habitants : 'l'abldau 11 i i-opulation et taux d ' a c c r o i s s e m e n t des "bourgs noyenB 1 1 e t des v i l l a g e s r u r a u x de la région de Lodi (1690-1808) L o c a l i t é s ,. , .\ouibre d e s localités
(dimension) "bourgs aoyens" villages ensenble
19 30 49
1690 41.496 15 8 3 2 57 328
a c c r . •/„„ 2,76 2,92 2,81
. ^. Population en : 1768 accr. 51 4 5 6 19 874 71 3 3 0
3,68 0,91 2,94
1808 59 597 20 612 8 0 209
14. Pour Pavie, C . M . CIPOLLA avance les chiffres suivants dans son étude : « Profilo di storia demografica della cita di Pavia », dans Bolletino storico pavese, 1943, p. 54-55 et p. 80: 1720 24 033 habitants 1750 24 432 habitants 1775 27 627 habitants 1799 23 274 habitants soit 0,55 %» d'accroissement 4,93 %e d'accroissement — 7,12 %c de diminution ce qui correspond finalement à un taux annuel de diminution de 0,4 %c. 15. Voir E. ROVEDA, op. cit.
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LES BOURGS MOYENS DE LOMBARDIE
Le dernier tiers du xvm* siècle apparaît donc caractérisé par une croissance plus rapide des centres de plus de 1 000 habitants, alors que les villages dont les taux d'accroissement avaient été plus ou moins semblables à ceux des « bourgs moyens » dans les soixante premières années du siècle, apparaissent stationnaires. Toutefois, dans l'ensemble, l'augmentation de la population de la basse Lombardie apparaît limitée. On peut donc conclure en affirmant que la « relance » de l'agriculture opérée sous les formes prônées par les Habsbourg peut avoir eu une influence sur la croissance démographique des centres intermédiaires lesquels faisaient fonction de marché d'échange des produits agricoles et également de centres artisanaux. Ils reprirent vie dans la seconde moitié du xvm* siècle, après toutes ces années d'incertitude comprises entre 1720 et 1750, et après avoir surmonté la crise de 1766-1767, qui cependant n'eut pas les dures conséquences rencontrées dans les pays de l'Italie du centre et du sud. P.
SALA
RESUME Après avoir traité du problème de la croissance lente de la Lombardie, l'article propose une méthode pour reconstituer le mouvement < réel » des naissances, décès et mariages. Cette méthode est utilisée pour deux bourgs de taille moyenne pendant le xvm* siècle : Monza (10 000 habitants) et Treviglio (5 000 habitants). L'auteur analyse les bilans démographiques des deux villes, en faisant des distinctions, lorsqu'il est possible, entre les paroisses urbaines et les faubourgs ruraux. Les unes ont une nuptialité plus haute que les autres. Mais les différences ne sont pas aussi marquées que les sources semblent le suggérer. Ici la méthode pour la collecte des données se révèle très importante. Nuptialité et natalité sont très hautes à la campagne. Les zones urbaines des deux localités ont une population plus vieille et une tendance plus marquée au célibat. Cela explique pourquoi la mortalité est plus haute tandis que la nuptialité et la natalité sont freinées. A l'aide de ces informations il est possible d'établir que la forte croissance des « bourgs moyens » est un trait particulier de la Lombardie au xvm" siècle. Dans cette même période l'expansion des villes de taille moyenne dans une autre zone lombarde, celle du Lodigiano, est une preuve ultérieure de cette affirmation. Les données relatives à cette zone sont aussi analysées dans l'essai.
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P . SALA
SUMMARY After dealing with the problem of the slow growth of Lombardy, the paper tries to suggest a method for demographic data collection from parish registers. The aim is to trace the « real » trend of births, deaths and marriages. Then the method is used for two middle size towns in the 18th century: Monza (about 10 000 inhabitants) and Treviglio (5 000 inhabitants). The author analyzes the demographic balances of the two towns, distinguishing, when possible, between urban parishes and rural suburbs. The former have a higher mortality than the latter. But differences are not so marked as the sources seem to suggest. Here the way of collecting data is very important. On the contrary, marriage and birth rates are very high in the country. The urban areas of the two localities have an older population and show a more marked tendency to celibacy. These facts explain the higher mortality and the lower marriage and birth rates. On the basis of this evidence it is possible to measure the quick growth of these two towns, contrasting with the slower growth of the whole of Lombardy. This leads the author to regard the increase of « middle size towns » as a peculiar feature of 18th century Lombardy. In this same period the high expansion rate of middle size towns in a part of the region, the Lodigiano, is a further proof of this. Data relating to this area are also analyzed in the article.
LE DÉBAT SUR L'IDÉE DE « VILLE » PARMI LES ECONOMISTES ITALIENS D U XVffl 6 SIÈCLE par D . D E M A R C O
1
A mesure que l'homme atteint une certaine aisance, écrit le milanais Cesare Beccaria, il s'éloigne du dur travail de la terre et le laisse aux plus pauvres, avec lesquels il partage les g a i n s 2 . Ainsi naissent les bourgs et les petites villes où vivent les grands propriétaires terriens, les artisans fournisseurs de commodités pour les riches, les petits commerçants et les classes « subordonnées » des manufacturiers. Voici l'origine, la « raison naturelle », de l'inégalité des familles et de la concentration, de la « retraite », au centre des familles les plus riches et les plus puissantes pour leur plus grand confort. Alors que s'accentue l'inégalité des b i e n s 3 , les riches propriétaires terriens, qui veulent jouir d'un bien-être toujours plus grand et conduire une vie plus raffinée, soutenus par des sentiments ambitieux de distinction et le désir de domi1. Sur ce sujet, la littérature abonde. Voir la longue explication dédiée au mot ville dans l'Enciclopedia italiana di scienze lettered arti, vol. X, Mi'anRome, 1931, p. 472 et suiv. accompagnée d'une riche bibliographie ; et, en plus, l'heureuse synthèse sous città dans Lessico universale italiano, vol. V, Rome, 1970, p. 31 et suiv.; P. GEORGE, Città dans Enciclopedia del Novecento, vol. I, Rome, 1975, p. 865 et suiv. et le choix bibliographique reporté ; E.A. GUTKIND, International History of City development, vol. IV, Urban development in southern Europe: Italy and Greece, New York, 1969, p. 3-181 et la bibliographie aux pages 620-624 ; et encore U. TOSCHI, Geografia urbana, dans Un sessantennio di ricerca geografica italiana, Rome, 1964, p. 285-299 ; idem, La Città, Turin, 1966 ; F . COMPAGNA, La politica della città, Bari, 1967 ; R. M A R T I NELLI et L. N i n (aux soins de), La storiografia urbanistica, Lucques, 1976 ; C . CAROZZI et d'autres, Gli studi sulla città italiana e i problemi aperti di storiografia urbana, dans Storia urbana, a. I, 1977, note 1, p. 33-58 ; B. CORI, La geografia urbana, dans La ricerca geografica in Italia 1960-1980 et l'ampie bibliographie reportée, Varèse, 1980, p. 273-291. 2 . C. BECCARIA, Elementi di economica pubblica, dans Scrittori classici italiani di economia politica, partie moderne (nous abrégerons désormais par S.C.I.E.P.), t. IX, Milan, 1804, p. 55-57. Dans ses Elementidi economia politica (1780), le Milanais Cesare Beccaria (1755-1793) se pose trois questions : quelle est l'origine de la ville ? Comment est distribuée la population sur le territoire et d'où proviennent les inconvénients d'une concentration de la population dans la ville ? Les concentrations, les « réductions », des peuples sauvages, dit Beccaria, se sont formées là où la nature offre plus spontanément des possibilités de pourvoir à leurs besoins. Ces concentrations sont le fait de groupes errants et vagabonds jusqu'à ce que le développement les oblige à devenir stables. Ainsi sont nés les villages. 3. A cause des successions inégales dans les familles, de la dissipation et de l'indolence de certains de leurs membres et de la parcimonie et de l'activité des autres.
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D. DEMARCO
ner les classes laborieuses, préfèrent habiter près de la source des lois et de la magistrature, ceci afin d'élargir la sphère de leurs plaisirs par l'élargissement de leur pouvoir. Et voici l'origine des grandes villes, aussi bien pour celle des capitales d'autrefois que pour celles d'aujourd'hui *. De cette analyse, Beccaria tire ces corollaires : 1) Lorsque les terres sont partagées entre plusieurs propriétaires, ou entre paysans qui travaillent pour les propriétaires, les villages et la population sont d'autant plus nombreux. Mais ces villages, justement parce qu'ils sont nombreux, comptent peu d'habitants. Par contre, lorsque les terres sont moins morcelées les villages sont plus rares mais plus populeux ; 2) Les arts et les artisans s'installent là où la vente de leurs produits, de leurs « œuvres », est plus facile et les transports plus aisés et moins chers 6 . Quel rapport y a-t-il entre les grandes villes et la population ? « On prétend — dit Beccaria — que les grandes villes augmentent et conservent leur population aux dépens de la province et de la campagne parce qu'elles ont besoin de nouvelles recrues, vu que les maladies — qui trouvent leur terrain parmi les déguenillés et les miséreux — les vices, la délinquance, le libertinage ont pour conséquence que la mortalité soit plus grande dans les villes que dans les campagnes 6 . Mais le maintien du bon ordre et les mesures prises par le gouvernement peuvent remédier, en partie, à ces causes du dépeuplement. Au contraire, l'augmentation des villes aux dépens de la campagne et des arts de celle-ci est, pour un autre motif, une raison de dépeuplement. La concentration, 1' « entassement excessif », rend la vie plus chère, plus « chers les moyens de subsistance », et ainsi une plus grande quantité de travail est nécessaire pour se procurer ce qu'il faut pour vivre : une plus grande quantité de travail représente moins d'aliments que ce qu'il faudrait », écrit Beccaria. Les hommes abandonnent les arts utiles et productifs et courent dans les villes où ils touchent « un gain remarquable et facile » en exerçant une activité liée à l'oisiveté et à l'intempérance. Pour cela, la population « apparente » augmente tandis que la « vraie et réelle » diminue lorsque les moyens de subsistance viennent à manquer 7 . Il mentionne les données extraites d'un livre français, imprimé à Berlin en 1768, Principes d'un bon gouvernement8, d'où il ressort que la mortalité annuelle est de 1 à 28 à Berlin, 1 à 32 dans les petites villes, de 1 à 35-36 dans les provinces et 1 à 38 en campagne. Le nombre des mariages oscille selon les pays : entre 1 à 80 (c'est-à-dire 4. C. BECCARIA, Elementi di Economia, cit., p. 57-59. 5. Ibidem, p. 59. 6. Ibidem, p. 65-66. 7. Ibidem, p. 85-86. 8. A. A. de CAMPAGNE, Principes d'un bon gouvernement ou réflexions morales et politiques, tendant à procurer le bonheur de l'homme et celui des sociétés politiques, Berlin, 1768.
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un mariage sur 80 personnes) et 1 à 110-115; à Londres 1 pour 106 ; à Berlin 1 pour 128 ; mais, dans les petits centres du Brandebourg on enregistre un mariage pour 98 personnes ; en Hollande 1 pour 64, ce qui peut être attribué à l'aisance que procure le commerce. Quant au taux de natalité, la campagne ne présente aucun avantage par rapport à la ville 9 . Donc, pour Beccaria, ce n'est pas la concentration de la population dans les villes qui détermine le phénomène pathologique de son érosion à cause de l'attraction que la ville exerce sur la campagne, mais bien la ville qui attire par ses hauts salaires la population des campagnes ; cela rend les problèmes des moyens de subsistance plus difficiles car en ville dominent les arts improductifs, ce qui détermine une hausse de la mortalité. D'après Gaetano Filangieri (1752-1788), auteur de La Scienza della Legislazione (1780), il existe un lien indirect entre les villes, les métropoles et la population. Les trois sources universelles de la richesse — dit-il — sont l'agriculture, les arts et le commerce, mais la source absolue et indépendante des richesses est l'agriculture. Les pays agricoles seulement peuvent se suffire. Les nations industrielles et commerciales dépendent d'eux. En effet, « toute prospérité qui n'a pas l'agriculture pour base est précaire, toute richesse qui ne vient pas du sol est... incertaine » 1 0 . Or, bien des obstacles qui s'opposent aux progrès de l'agriculture dépendent de l'immensité des capitales. Une capitale — explique Filangieri — est aussi nécessaire à un pays que la tête l'est au corps, mais si la tête est trop grande, si tout le sang y afflue et y demeure, le corps devient apoplectique et la machine humaine meurt. Dans cet état d'apoplexie se trouve la plus grande partie des pays d'Europe. La capitale, qui devrait être un morceau de l'état, forme un tout et l'état ne compte plus. Les hommes et les richesses sont concentrés au même endroit, les gens s'entassent les uns sur les autres en laissant autour d'eux des espaces infinis. Cet état de choses est incompatible avec les progrès de l'agriculture et la prospérité des peuples. Or, aussi longtemps que le propriétaire abandonne ses terres entre les mains d'un fermier qui se soucie peu de les faire prospérer, l'argent qui circule dans la capitale y restera enseveli ; les dépenses à soutenir ne permettent pas au propriétaire de consacrer une partie de ses rentes à l'amélioration des terres ; ceux qui pourraient cultiver le sol et faire augmenter la
9. Ibidem, p. 90-94. 10. G. FILANGIERI, Delle scienze politiche ed economiche [1780], qui forme le second volume de Scienza della legislazione, dans S.C.I.E.P., t. XXXII, Milan, 1804, p. 135.
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production, poursuivis par la misère, fuient vers les capitales pour mendier leur pain ou vendre leur oisiveté à un riche. Tant que l'on abandonnera la culture des terres dans les mains faibles et stériles de l'indigence, tout ce qui est richesse pour l'état sera concentré, « habitera », dans la capitale 1 1 . Il y a deux sortes de raisons pour lesquelles les capitales s'agrandissent au détriment des campagnes : nécessaires et abusives. Parmi les nécessaires, la principale est que la capitale est le siège du gouvernement. L à se concentre le produit des entrées fiscales : les ministres du souverain et de l'état y résident, ainsi que les magistrats et les courtisans ; les innombrables employés y dépensent leur salaire et le revenu de leurs terres. L'espoir de s'enrichir, l'attrait des plaisirs raffinés et nombreux, le faste de la cour, l'horreur que l'homme éprouve pour une existence obscure, l'amour pour la sociabilité attirent dans la capitale les hommes et les richesses et elle s'agrandira toujours plus si les lois ne fourniront pas une compensation aux campagnes : si les lois ne donneront pas « à ces eaux un écoulement qui les reconduisent à l'intérieur de l'état d'où elles sont parties », si l'on n'établit pas un « équilibre entre les richesses de la campagne et celles de la capitale ». Ce bilan se base tout d'abord sur un commerce interne libre, sur une exportation plus facile qui réussisse à bannir la misère des campagnes ; lorsque le propriétaire peut ajouter aux revenus de l'agriculture ceux du commerce, ceux de la production à ceux de l'échange, il n'abandonnera pas ses terres car elles auront besoin de sa présence continue afin de rendre le plus possible. Deuxièmement, par la multiplication des petits propriétaires : si ce que possède un grand propriétaire était partagé entre 2 0 ou 3 0 propriétaires, ceux-ci ne pourraient pas soutenir le train de vie de la capitale et de la cour et seraient obligés d'habiter la province, en campagne et, grâce à leur présence continue, ils pourraient valoriser leurs terres. Troisièmement, à l'intérieur de l'état existent des manufactures qui seraient favorables soit à l'agriculture — car elles font régresser vers les campagnes une partie des richesses de la capitale — soit aux manufactures elles-mêmes à cause des salaires moins élevés en province que dans la capitale. Les industriels réaliseraient ainsi une baisse du coût des produits, ce qui provoquerait une augmentation de la consommation générale. Enfin, il y a tout ce qui peut faciliter la hausse de la circulation interne : la construction de routes, de canaux et ainsi de suite, travaux qui servent à assurer l'équilibre entre la province et la capitale 1 2 . Quant aux raisons abusives, la plus grave est que le siège des tribunaux d'appel réside dans la capitale et non en province. 11. Ibidem, p. 178-180. 12. Ibidem, p. 181-188.
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Ce système, encore une fois, concentre hommes et richesses dans les grandes villes, aujourd'hui que les querelles sont l'âme des nations et que les procès sont chers et éternels. Or, ces tribunaux supérieurs, qui contribuent à l'agrandissement de la capitale, pourraient avoir leur siège en province et ainsi la capitale s'allégerait d'un grand nombre d'avocats qui y consomment un cinquième des richesses de la nation et de plusieurs malheureux querelleurs qui y dissipent leurs biens. On trouve l'autre raison dans les privilèges dont jouissent les habitants de la capitale. Or, si l'économie civile demande qu'une classe sociale de l'état soit plus favorisée que les autres, cette partialité devrait tomber en faveur de la plus utile, c'est-à-dire de la classe productrice. « Mais la justice distributive n'a guidé que rarement les opérations des gouvernements. » « Comme on a toujours plus peur d'un chien tout proche que d'un lion éloigné, les habitants des capitales — parce que plus près du trône — ont toujours été craints et, par conséquent favorisés par le gouvernement et moins opprimés. » Enfin, le transfert à l'intérieur de l'état des établissements publics, des « réceptacles publics », tels qu'asiles de vieillards, orphelinats, asiles d'aliénés, hospices pourraient animer la province et faire baisser le nombre des habitants de la capitale. Si l'agriculture languit, la population languira; l'agriculture déclinera toujours davantage tant que la capitale sera riche et peuplée au détriment de la désolation et de la misère des campagnes, tant qu'elle recevra les propriétaires absents de leurs fonds, les serviteurs enlevés de leur charrue, les hommes adonnés au faste et à la parade 1 8 . L'urbanisation naît donc du désintéressement des propriétaires fonciers pour leurs terres, ce qui engendre la pauvreté de l'agriculture, et de là la fuite des paysans vers la ville. L'équilibre entre villes et campagnes doit être rétabli par la liberté du commerce intérieur, la multiplication des petits propriétaires, l'installation d'industries à l'intérieur de l'état, l'amélioration des communications internes, le déplacement des tribunaux en province. L'attrait que la ville exerce sur les gens de la campagne a pour conséquence le manque d'intérêt pour l'agriculture, la diminution du personnel agricole, d'où la décadence des terres qui entraîne celle des villes. Un autre écrivain napolitain d'économie, Filippo Briganti (1730-1780), dans son ouvrage Esame economico del sistema civile (1780), s'occupe du problème du rapport entre ville et population. D'après lui, la question, le « vice » de la population ne se trouve pas seulement dans son excédent en lui-même mais dans sa mauvaise distribution, par suite de laquelle une partie du territoire est abandonnée et l'autre « bondée d'habitants ». Par une sage législation, il
13. Ibidem, p. 188-195.
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est possible de remédier à ce « vice * en établissant un juste équilibre entre « l'excédent d'un endroit et la carence de l'autre » u . Mais le « vice » de la mauvaise distribution de la population a été gonflé. Montesquieu — écrit Briganti — attribue la diminution de la population française au fait qu'une fois toute ville était une métropole et que dans chaque endroit de l'état il y avait un centre qui attirait une affluence d'habitants, le « concours de la multitude », tandis qu'aujourd'hui l'union de plusieurs petits états en un seul fait en sorte que tout dépend d'un unique centre, qui représente l'état. Mais Briganti objecte que Paris devait nécessairement attirer dans ses murs une énorme population, parce que le caractère de la constitution monarchique veut que le peuple se concentre autour du palais royal, où l'on accorde les privilèges, sans que le nombre des habitants de la campagne diminue. Et il cite Voltaire : « Il est impossible qu'une ville soit bien peuplée si les campagnes ne le sont pas également ». Mais Montesquieu n'est pas le seul à critiquer les villes. Rousseau trouve absurde et désolant la grande foule des métropoles et voudrait raser Paris. D'après le philosophe genevois, les grandes yilles épuisent l'état, leur richesse n'est qu'apparente et illusoire, la nation qui a de grandes villes et brille davantage ne sera pas en mesure de battre ses voisins 15 . A Rousseau fait chorus Paul-Henry Thiry d'Holbach qui dans La Politique naturelle écrit : les habitants des campagnes sont moins exposés aux vices, apanage des centres surpeuplés ; la solitude, la simplicité du genre de vie, l'ambiance paisible rendent l'homme honnête, le lient à sa campagne, favorisent la population et l'invitent à se régénérer. « Les villes se peuplent toujours aux dépens des campagnes. Les champs doivent nourrir l'état, les villes ne sont que des entrepôts destinés à fournir aux cultivateurs les choses dont Us ont besoin. Rien de plus opposé à une sage politique que des villes immenses qui finissent par absorber toutes les richesses et les habitants de l'état 18 . » Mais Briganti répond : Rousseau pense pouvoir refondre les empires du monde en un gouvernement populaire comme celui existant au bord du Léman ; dans les grandes villes on trouve des établissements (« défenses t> d'assistance et des œuvres secourables contre la misère) que l'on ne trouve pas dans les petits villages ; s'il est vrai que la richesse d'un pays sont les ports, les usines, les théâtres, les arsenaux, les temples, les forteresses, les écoles, les hôpitaux, tous ces édifices réunis dans une enceinte forment les grandes villes 14. F. BRIGANTI, Esame economico del sistema civile (1780), dans S.C.I.E.P., t. XXIX, Milan, 1804, p. 323-324. 15. J.-J. ROUSSEAU, Emile ou de l'éducation, dans Œuvres Complètes, vol. IV, Paris, 1969, p. 851-852. 16. [P.-H. D'HOLBACH], La politique nouvelle ou discours sur les vrais principes du gouvernement, t. II, Londres, 1773, p. 135-136.
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qui sont par conséquent le dépôt de l'opulence publique. L'homme n'est pas sur terre pour massacrer ses semblables : une métropole est un gros centre de consommation qui met en mouvement (« exerce ») des bras qui travaillent dans l'agriculture, dans la navigation, dans le commerce, qui stimulent les activités humaines. Si tous les hommes deviennent agriculteurs, si la prospérité les encourage à se multiplier, si la terre donne des produits supérieurs aux besoins des habitants, que faut-il faire de ces fructueuses récoltes ? Comment trouver des consommateurs si les grandes villes n'absorbent pas le superflu des « arts moteurs », c'est-à-dire de l'agriculture, en échange de l'indispensable des « arts améliorateurs », c'est-à-dire de l'industrie ? L'équilibre entre les classes travailleuses des villes et des campagnes alimentent l'activité des peuples et dilate la prospérité des nations 17 . Ce n'est pas la centralisation des arts et des manufactures qui est à l'origine des villes, mais la force et l'ambition, affirme Briganti. Et il s'explique ainsi. Sous n'importe quelle forme de gouvernement les « peuples cultivateurs » ont vécu, ils ont toujours dû reconnaître la légitimité d'un chef, « donner toujours une existence locale au pouvoir dominant » ; et où s'est fixée l'autorité du commandement, là l'amour de la gloire et de l'avidité de la fortune ont attiré l'affluence des gens. Lorsque le simple travailleur voit brûler sa chaumière et piétiner par les armées ennemies le sol qu'il a cultivé, il court se réfugier dans ces formidables asiles communs (soit les villes) où la précaution a réuni le peuple et la peur multiplié la population. L'aide prêtée aux miséreux soulage les opprimés et les pauvres qui ont été secourus respectent la propriété des riches comme un dépôt du bien commun. Les divertissements agrémentent le séjour dans les métropoles et l'opulence voluptueuse suscite ses prodigalités, des classes les plus élevées aux plus infimes. Le nombre des ouvriers peut multiplier les ouvrages manuels et les exportations des commerçants peuvent en rehausser la valeur. La faim, si elle naît d'une cause physique, peut être compensée par une activité économique, si la raison est morale elle peut être corrigée par l'autorité politique. Extirper le pivot de la propriété par une répartition agraire, loin d'éviter des désordres, renverserait les bases de la société civile. Alors, où veut-on en venir avec toutes les hypothèses désolantes exprimées par les écrivains mentionnés ? Que l'on empêche l'augmentation de la population ? Que le nombre des êtres humains diminue ? Qu'ils soient condamnés à vivre isolés ? Peut-être parce que parmi les justes naissent les scélérats ? Parce que dans les gouvernements les mieux organisés on trouve également le désordre ? Parce que le sort des choses humaines souffre de vertige continu ? Ce sont les vœux d'un torve misanthropisme, non d'une nature bienveillante et sociale 18 . 17.
18.
F. BRIGANTI, Esame economico, cit., p. 325-328. Ibidem, p. 331-334.
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D. DEMARCO
Pour Briganti, l'origine de la ville est politico-militaire et naît donc d'une nécessité à laquelle ses habitants ne peuvent pas renoncer. Ce n'est pas vrai que la ville est seulement un centre de consommation ; elle demeure un centre d'activités secondaires et tertiaires indispensables à l'organisation économico-politique. Condamner les villes parce qu'elles renferment des vices équivaut à condamner l'homme à la solitude. Giambattista Gherardo D'Arco (1739-1791), de Mantoue, s'occupe du rapport qui existe entre la population et les activités économiques entre villes et campagnes et ceci dans son essai intitulé Dell'economia politico-economica Ira la città e il suo territorio (1771). Il veut répondre à la question suivante : en quoi consiste l'équilibre (la « balance ») entre la population et le « commerce » (soit l'économie) entre la ville et son territoire, c'est-à-dire l'extension comprise dans le domaine de la ville ou circonscription administrative ; comment et pourquoi s'altère ce double « bilan » ; quels sont les effets néfastes de ce déséquilibre et de quelle façon législateurs et gouvernements peuvent rétablir, et ensuite maintenir, cet équilibre. Il existe un « bilan » entre la population de la ville et celle de son territoire — dit D'Arco — quand la population de la ville est distribuée de telle sorte qu'aussi bien en ville que sur le territoire il y a le nombre d'hommes nécessaire aux besoins de tous les deux ; à savoir, lorsque « la plus grande partie » de la population est dédiée à l'agriculture et aux « arts productifs et améliorateurs », c'est-à-dire à l'industrie et au commerce. Dans un état qui possède un sol en grande partie cultivable, sur lequel la population est de 169 856 âmes — ce chiffre représente les habitants de la région de Mantoue en 1770 — pour que la population soit bien distribuée il faudrait que la ville compte 16 985 habitants environ (soit un dixième). Il n'y a pas de « bilan » de population entre la ville et ses environs s'il existe des terrains incultes ou mal cultivés ; si les terres ne donnent pas des fruits qui puissent rendre ; si les villages et les bourgs manquent d'artisans qui répondent aux besoins des agriculteurs ; si les « arts primitifs » et les « manufactures utiles «» languissent. Il n'y a pas d'équilibre si les « classes » improductives — les oisifs et les ministres — sont nombreuses ; si les grandes richesses sont concentrées dans peu de mains et la multitude est pauvre ; si la population et le commerce diminuent (« manquent »), si le commerce est passif et se compose de produits de luxe venant de l'étranger 19 . Ces gros centres habités, comment se sont-ils formés ? A mesure que les nations se peuplent, les villes s'agrandissent, car le souverain y réside avec les grands de la cour, les ministres, les 19. G . GHERARDO D ' A R C O , Dell'armonia politico-economica tra la città e il suo territorio, dans S.C.I.E.P., t. XXX, Milan, 1804, p. 19-37.
L'IDÉE DE VILLE ET LES ÉCONOMISTES ITALIENS
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employés des tribunaux et des bureaux publics ; la noblesse également s'y installe ainsi que les grands propriétaires terriens, les commerçants, les marchands et les artistes, les jeunes qui viennent étudier les sciences et les arts, les soldats pour la défense de tous ceux que les affaires ou les plaisirs attirent. D'une grande inégalité de fortune naît le luxe, « enfant de la richesse exagérée et père de l'excessive pauvreté », qui devient le propagateur ou l'amplificateur du déficit de la population et de l'économie (du « commerce ») entre la ville et son territoire. De ce — pour ainsi dire — « misérable esclavage » dans lequel vivent la plupart des gens très riches et de ceux qui veulent les imiter, naissent dans les villes des professions et des métiers qui, pour la plus grande partie, n'ont qu'une utilité apparente. Les agriculteurs, ou leurs enfants, obligés d'abandonner les maisons rurales, deviennent les artisans du luxe, celui-ci les attire en ville par une promesse de gains supérieurs et moins de fatigue. Avec les agriculteurs, les « artistes » se rendent en ville, c'est-à-dire les maîtres artisans qui travaillent pour l'agriculture et pour les agriculteurs ; car si les paysans s'en vont ils n'ont plus rien à faire. Ils passent alors aux emplois et aux professions servant aux besoins et à la fantaisie des gens riches. La ville, de cette façon, se gonfle rapidement. Mais plus la population augmente, plus augmente aussi la richesse20. On peut dire que « tout l'état de ce fait consiste dans la ville ». La concentration des hommes et des activités économiques de l'état dans la ville représente donc les causes du double déséquilibre de la population et du « commerce ». La ville, en exerçant une force centripète, est un « tourbillon avaleur de toute la nation », dont il détruit la population et l'économie et réduit ainsi l'état à la misère 21. Les effets du déséquilibre de la population et du « commerce » entre la ville et son territoire sont néfastes. La mollesse, l'effémination, l'oisiveté, le « commerce de la galanterie », les envies désordonnées, les passions sourdes et insatiables, la « vie sédentaire » de ceux qui participent au luxe des riches oisifs, l'intempérance, la débauche des habitants des villes, le célibat 22 sont autant d'éléments qui enlèvent la vigueur, et souvent la vie, à beaucoup d'hommes et parfois à des générations toutes entières. En effet, les tableaux de mortalité de bien des régions d'Europe prouvent que dans les villes la mortalité est de 1 pour 24-28 habitants, tandis que dans 20. « Tout l'argent de la nation, tel que les fleuves à la mer, court vers la ville par tous les côtés, et la petite portion qui, en quelques ruisseaux part de chez elle et se répand lentement sur son territoire, y retourne rapidement en mille petits ruisseaux. » p. 48-63.
21.
G.
GHERARDO
D'ARCO,
Dall'armonia
politico-economica,
cit.,
22. « A qui l'esprit de galanterie... et les besoins du luxe » invitent et obligent parfois les habitants de la ville.
150
D. DEMARCO
les villages elle est de 1 pour 30-45. A Londres, lava, Berlin, Vienne 30 % des enfants meurt à les campagnes il en meurt 20 %. Si bien que dépeuplées si les vides n'étaient compensés par population des campagnes, du « territoire » 2S.
Stockholm, Bratisune année ; dans les villes seraient l'affiuence de la
D'Arco tient à préciser les moyens et les possibilités aptes à rétablir le double « bilan », ce qui signifie trouver les remèdes qui puissent pourvoir au maintien de la ville et du territoire qui l'entoure. Tout d'abord il faut freiner, par la législation, l'attraction excessive qu'exerce le centre de l'état sur la population et sur le « commerce ». Pour cela il est nécessaire d'extraire le luxe à ses racines, de le contenir au maximum, de le rendre le moins nuisible possible pour l'état, de diriger le luxe vers de nobles objectifs, vers le bien, vers la grandeur de la nation ; de remplacer le luxe mou, efféminé et puéril par un luxe noble et généreux 24. Deuxièmement, réduire le plus possible les classes qui « ne rendent pas immédiatement » et augmenter la capacité de rendement des classes qui « procurent des rentes à l'état », protéger et favoriser toutes les autres classes, les métiers, les professions et les bureaux qui existent déjà et ceux qui doivent être créés lorsqu'ils manquent. Afin de réduire les classes qui ne procurent rien à l'état, un remède curatif et préservatif contre l'oisiveté et les professions inutiles pourrait être l'enrôlement des soldats dans les villes. Troisièmement, il faudrait accroître le nombre des propriétaires terriens par la répartition de biens immobiliers. La « répartition des biens », le « principe de la santé et de la puissance de l'état » est tout à fait ce qui convient et est conforme à toute forme de gouvernement. Une fois établie une répartition « régulière et proportionnée » de la propriété, il s'en suivrait une distribution égale de la population dans tout l'état, de sorte qu'en ville et sur son territoire il y aurait la quantité voulue pour l'une et pour l'autre et une circulation de biens qui pourrait pourvoir aux besoins des habitants de la ville et du territoire 25 . Le législateur doit faire en sorte que les terres ne soient pas concentrées « en peu de mains » mais
23. L'attraction de la ville entraîne la décadence de l'agriculture et des arts, par conséquent la population diminue et l'on détruit « la propagation humaine ». La grande population de la ville n'est pas la force de l'état, elle est la route qui conduit à la mort le corps politique tandis qu'elle ne correspond pas à celle du territoire. 24. Ainsi chaque fois que l'épouse du souverain décide qu'elle n'utilisera pas d'autres étoffes que celles produites par les manufactures de son propre état ; insensiblement elle excluerait de la cour la production étrangère. 25. Aucune propriété, de par sa nature, n'est inaliénable et par conséquent soustraite à la négociation ; toute propriété foncière partagée ou pas en petites parties, doit pouvoir entrer en circulation, d'où le dégagement et la vente des terres subordonnées à des « fidecommessi » ou à des « maggioraschi ».
L'IDÉE DE VILLE ET LES ÉCONOMISTES ITALIENS
151
qu'elles soient réparties librement, entre plusieurs acheteurs 29 et de telle façon que les portions vendues puissent faire vivre autant de familles paysannes 27 . Par la répartition progressive des terres, le sentiment de la propriété pousse les habitants de la campagne au mariage. La possession de lopins de terre, sous forme de « propriété », ou de « quasi propriété », si le propriétaire est un emphytéote, encourage le paysan à se marier, car il est sûr de pouvoir nourrir ses enfants et d'avoir quelqu'un à qui laisser son héritage. Grâce à la multiplication des propriétaires et des agriculteurs à la campagne, le nombre des artisans et des manufacturiers augmente ; ainsi, les campagnes, les villages, les bourgades, se peuplent et il s'en forme de nouvelles sur tout le territoire. Non seulement l'équilibre se crée, le « bilan », de la population, mais on enregistre une « augmentation continue », « dans tout l'état » 2 S . Une fois que les propriétés ont été réparties le plus justement possible, l'augmentation de la production (les « richesses réelles ») s'étend sur le territoire, donc dans tout l'état, et tout le monde est en mesure de pourvoir largement à ses propres besoins ; par conséquent, la population augmentera ainsi que le développement de l'agriculture et des arts, c'est-à-dire les « réelles et solides richesses » de l'état. Les progrès de l'agriculture favorisent la production d'abondantes matières premières qui deviennent bon marché, d'où les progrès des manufactures et la consommation générale et « facile » des produits de la terre 29. Une répartition plus juste de la propriété — insiste D'Arco — est le vrai principe « producteur » du double « bilan » de la population et du « commerce ». Par conséquent, de l'augmentation constante de la population, de la richesse et de l'économie de l'état, donc du bonheur public et de la puissance du pays 30 . D'après le « bilan du commerce » entre la ville et son territoire, procèdent la vigueur et la conservation du corps politique, comme « l'équilibre des corps fluides et des solides ressorts, de la force et la santé du corps ». Voici comment la législation peut établir le bilan de la population entre la ville et son territoire et combiner l'ordre civil et politique avec l'ordre naturel des sociétés civiles et comment l'état 26. En donnant la préférence, lors de la vente aux enchères, à prix égal, aux acheteurs qui possèdent le moins de biens immobiliers. 27.
G.
GHERARDO
D'ARCO,
Dell'armonia
polìtico-economica,
cit.,
29.
G.
GHERARDO
D'ARCO,
Dell'armonia
politico-economica,
cit.,
p. 110-161. 28. « Par nécessité, l'être humain reste lié à l'endroit où il possède une propriété, de laquelle il peut, avec une certaine sécurité, retirer, mieux qu'ailleurs, ce qui sert à ses propres besoins (Ibidem, p. 176). p.
173-182.
30. Et avec l'augmentation du nombre des propriétaires des terres augmente le nombre des personnes désirant la conservation de l'état.
152
D. DEMARCO
se peuplera et jouira de « réelles richesses », c'est-à-dire qu'il sera florissant et puissant 31 . Et si la population augmente de telle façon que ni les terres, ni les « arts primitifs » ne puissent suffire à son entretien dans les limites du territoire ? L'excédent — répond D'Arco — ne se reversera pas en ville car il pourra alimenter la « milice perpétuelle », c'est-à-dire l'armée permanente, ou peupler par des colonies d'autres états qui manquent d'habitants ; ou bien, l'excédent pourra être utilisé dans les travaux publics « qui sont utiles au confort, à l'agrandissement et à la splendeur des nations. Ou encore, cet excès de population qui se déverse en ville se dédiera aux arts de luxe dont les produits, vendus à l'étranger, seront une excellente source de revenus. Dans ce cas, les manufactures deviennent le moyen de subsistance d'une grande partie du pays, elles procurent des objets de commerce et jouissent de l'approbation du gouvernement. Et il conclut : si toute cette population nécessaire à la production reste bien répartie sur le territoire, le " bilan " des habitants de la ville ne change pas. La ville, qui regorge de monde, d'artistes, de commerçants, pourra faire tout le commerce possible avec l'étranger en vendant les produits de ses arts et de ses manufactures, sans que pour autant l'équilibre de l'économie ne s'altère » ®2. D'Arco se pose le problème du rapport entre population, ville et territoire en termes corrélatifs. Il n'y a pas en absolu la quantité optimale de population devant être assignée à la ville, mais elle naît de l'équilibre qui existe entre les activités économiques. A la base, on trouve une agriculture florissante, qui est la condition pour le développement des arts et de l'augmentation de la population. Le lien entre les trois phénomènes déclenche un mécanisme de soutien réciproque, qui est aussi la mesure de la répartition de la population entre la ville et son territoire. Le législateur n'a qu'à mettre en marche et garantir ce mécanisme qui ne s'enraiera pas car il trouvera sa soupape de sûreté dans l'action politique. • • •
Les écrivains examinés ont une préoccupation commune : la forte tendance de la population à se concentrer dans de gros centres urbains, concentration qui a pour conséquence le dépeuplement du territoire qui les environne. Cela entraîne une augmentation de la mortalité supérieure, dit-on, en ville ainsi qu'à la campagne, la baisse de la production agricole, la misère des paysans, d'où leur fuite vers la ville, imités par les artisans qui ne savent plus pour qui travailler en campagne. 31.
G.
GHERARDO
D'ARCO,
p. 187-200. 32. Ibidem, p. 201-210.
Dell'armonia
politico-economica,
cit.,
153
L'IDÉE DE VILLE ET LES ÉCONOMISTES ITALIENS
Les causes de l'urbanisation sont variées, mais la plus importante et la plus reconnue par tous est que la ville représente le centre où résident le souverain et la cour, le gouvernement, l'administration de l'état et c'est là que l'on trouve la vie sociale la plus élevée. On propose comme remède au mouvement démographique de la campagne vers les villes, une meilleure distribution de la propriété foncière, qui puisse attacher les cultivateurs à leurs terres et une meilleure répartition des institutions — tribunaux, établissements publics et ainsi de suite — qui représentent l'attrait de la population dans les grandes villes. Si les terres sont plus équitablement distribuées la production est plus élevée et, par conséquent, les habitants sont plus nombreux et mieux répartis sur le territoire, si bien qu'ils contribuent à mettre en mouvement et à le tenir fermé un circuit dont ils sont la partie essentielle. Briganti est d'un tout autre avis. Il trouve que la ville est le centre de production le plus important de la richesse, parce que là se trouvent concentrées toutes les activités économiques et une politique contre le mouvement démographique de la campagne vers la ville marquerait un recul de la société civile. D.
DEMARCO
154
D. DEMARCO
RESUME Avec le temps, l'idée de la ville a évolué. Aux xvii* et xviir" siècles, elle a suscité un important débat: parmi les penseurs et économistes français et anglais, notamment William Petty, Fougerolle, Jean-François Melon, l'abbé de Saint-Pierre... Il a donné naissance aux réflexions des économistes italiens du xviii* siècle sur la conception de la ville. Ces écrivains s'intéressent au problème des villes en considération de l'augmentation de la population qu'elles enregistrent, de la condensation démographique qu'elles présentent, et ils tâchent de discerner les disfonctions sociales ou les dangers que présente l'urbanisation. On trouve ces points de vue dans les Etats italiens où la recherche économique est la plus développée, c'est-à-dire dans le Midi et en LombardieVénétie.
SUMMARY The concept of the town has evolved through the ages. During the xvii and XVIII centuries such a question encouraged an important debate between the French and English thinkers and economists, notedly William Petty, Fougerolle, Jean-François Melon, the Abbot of St-Pierre... This gave birth to the thoughts of the Italian economiss of the XVIII century on the concept of the town. These writers took an interest in the problems of towns in considering the growth in their population and their demographic concentration. They attempt to distinguish the social difficulties or the dangers represented by urbanization. We find such points of view in the italian states where economic research is more fully developped, that is in the South and Lombardie-Vénétie.
BILAN DÉMOGRAPHIQUE ET BILAN ÉCONOMIQUE MANTOUE AU COURS DE LA SECONDE MOITIÉ DU
xvnr SIÈCLE
par C. M. BELFANTI
Les informations sur la population de Mantoue au xvm* siècle commencent peu avant les années 1750 : il s'agit de documents manuscrits provenant des services du « Magistrato di Sanità », chez lequel domine, toutefois, l'intérêt pour la situation hygiénique et sanitaire plutôt que pour les problèmes démographiques 1 . Mais la source la plus importante pour l'étude de la démographie de Mantoue (et en général de la Lombardie autrichienne) au xvm" siècle est fournie par le « Sommario Generale della popolazione », qui est rédigé annuellement. Par un décret du 3 avril 1769, l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche ordonnait que chaque année les curés remettent au « Magistrato di Sanità » les informations concernant le mouvement démographique de leur paroisse, en remplissant des formulaires spéciaux : ce service aurait ensuite synthétisé ces données sur un tableau général à publier 2 . Cette pratique débute en 1770 et se poursuit jusqu'en 1773 en suivant l'année solaire, tandis que par la suite les relevés
1. Cf. sur ce point G. PANSERI, « La nascita della polizia medica : l'organizzazione sanitaria nei vari Stati italiani », dans Storia d'Italia - Annali, Torino, 1980, voi. HI, p. 190-196. 2. Pour les références archivistiques, voir C. BELFANTI, « La popolazione mantovana nella seconda metà del Settecento », dans A A . W . , La città di Mantova nell'età di Maria Teresa, Mantova, 1980, p. 81-104. Sur les « Sommari Generali » on peut voir : M. ROMANI, « L'economia milanese nel Settecento », dans A A . W . , Storia di Milano, Milano, 1959, voi. XII, p. 530-531 ; P. SALA, « Alcune notizie sull'andamento della popolazione in Lombardia nel corso del XVIII secolo », dans S.I.D.E.S., La popolazione italiana nel Settecento, Bologna, 1980, p. 151-171.
156
C.M. BELFANTI
sont recueillis à Pâques de chaque année : sans doute parce que les curés mettaient à jour leurs registres de « Status Animarum » à cette période de l'année. Ces « Sommari » ne sont donc pas une source de première main, mais ils utilisent des données provenant des registres paroissiaux, auxquels s'ajoutent les informations concernant la population ecclésiastique des couvents, l'orphelinat, la prison et l'hôpital. Pour ce qui concerne la crédibilité des « Sommari Generali », il faut donc se reporter à la littérature critique sur l'utilisation des registres paroissiaux et des « Status Animarum » pour les recherches de démographie historique 3 . La forme de la rédaction des « Sommari Generali » se perfectionne progressivement, les importantes et incompréhensibles variations du total de la population dans les résultats de recensement total que l'on rencontre d'une année sur l'autre dans les premiers relevés 4 diminuent progressivement. Les informations contenues dans les « Sommari » concernent les composantes du mouvement naturel et quelques éléments de la structure démographique ; c'est-à-dire répartition par sexe, état civil et classification sommaire selon l'âge : « fanciulli » de 0 à 14 ans et « adulti » au-dessus de 15 ans. Avant de passer à l'analyse des données des composantes du mouvement naturel et migratoire, il faut signaler quelques caractéristiques concernant l'enregistrement et la localisation urbaine des événements démographiques. D'après des sondages faits sur les registres paroissiaux, on ne remarque pas l'habitude de baptiser en ville les enfants nés à la campagne. D'ailleurs, à Mantoue et dans la campagne environnante, il existe plusieurs fonts baptismaux et non un seul baptistère, qui justifierait la venue depuis les paroisses rurales pour le baptême. Toutefois, au nombre de naissances en ville il faut ajouter celles survenues dans les hôpitaux, qui comprennent les enfants trouvés, dont le nombre est croissant au cours du siècle, et les enfants nés de femmes pauvres hébergées dans les couvents et hospices. En ce qui concerne la mortalité, il existe le problème des décès dans les hôpitaux. L'institution hospitalière du XVIII 8 siècle est essentiellement analogue à celle des siècles précédents : asile et hospice quasi obligatoire pour les plus pauvres, les vagabonds et les
3. Cf. A. BELLETTO«, « Gli ' Status Animarum ' : caratteristiche e problemi di utilizzazione nelle ricerche di demografia storica », dans C.I.S.P., Le fonti della demografia storica in Italia, Roma, 1972, vol. I, p. 3-42. 4. Il y a quelques perplexités quant aux relevés de la période 17871790, qui présentent des incongruités, surtout pour ce qui touche à la campagne.
LE BILAN DÉMOGRAPHIQUE DE MANTOUE
157
enfants trouvés, plutôt que lieu de soins pour les malades 5 . En général, ce sont donc les mendiants et les vagabonds qui vont mourir à l'hôpital : il s'agit d'une composante « extérieure » qui peut aggraver sensiblement la mortalité urbaine. Une bonne partie des « Sommari » permet d'extraire les étrangers du total des morts en hôpital, mais il n'est pas possible de faire une distinction entre les décès des habitants du duché pour ceux d'origine réellement urbaine et ceux d'origine rurale 8 . Voyons d'abord, rapidement, l'évolution de la population urbaine de 1744 à 1795 (Tableau 1). Tab. 1 - Evolution de la population do Mantoue (1744-1795) (Données moyennes triennales) Périodes
Population
1744-46 1747-49 1750-52 1753-55 1756-58 1759-1761 1762-64 1765-67 1768-70 1771-73 1775-77 1778-80 1781-83 1784-86 1787-89 1790-92 1793-95
24.440 24.441 24.720 23.608 24.169 24.194 24.855 25.848 26.249 26.556 25.564 25.549 25.834 25.382 24.552 24.113 24.726
Nombres indices 100 100 101 97 99 99 102 106 107 109 105 lOS 106 104 100 99 loi
Une donnée est immédiatement évidente : la ville au cours de ces cinquante années ne s'est pas accrue. Entre 1744 et 1795, le taux moyen annuel de croissance est égal à 0,2 %c, tandis que la période de
5. Sur les hôpitaux, voir R.H. Shryock, Storia della medicina nell'età moderna, éd. it., Milano, 1977, p. 31-32 et une intéressante recherche: F. Giusberti, « Tra povertà e malattia : il S. Orsola a Bologna dal xvn al xvm secolo », dans Annali della Fondazione L. Einaudi, 1979, vol. XIII, p. 117-150. 6. Il y a donc une surévaluation des événements démographiques urbains, surtout pour ce qui touche au nombre des décès ; cette surestimation de la mortalité est de 2-3 points environ pour mille : ce qui ne change pas beaucoup le cadre d'ensemble.
158
C.M. BELFANTI
plus grande expansion, c'est-à-dire de 1744 à 1773, permet d'enregistrer un taux de croissance annuel de 2,8 %. L'analyse des composantes du mouvement naturel et migratoire permet d'approfondir le sujet et d'identifier les causes de cette croissance si peu élevée, si on la compare avec ce qui se passe en Europe et dans quelques régions italiennes 7 . Le solde naturel demeure constamment négatif alors que le solde migratoire est positif. Le taux de croissance est plutôt irrégulier et par conséquent la valeur à long terme est presque nulle (Tableau 2). Ainsi se confirme l'impression que cette population, en l'absence de graves crises de mortalité, reste, durant un demi-siècle, pratiquement sur les mêmes positions. La population urbaine est incapable d'exprimer une potentialité de croissance propre et se trouve « ... in un continuo stato di deperimento ed in necessità d'essere supplita dall'incerto afflusso de' forastieri » 8 . Le bilan naturel constamment négatif constitue un freinage au développement que l'immigration à Mantoue ne peut pas contrebalancer : elle peut uniquement combler les trous créés par la mortalité et éviter que la ville ne se dépeuple, mais elle n'en réalise pas la croissance. Cette évolution démographique de Mantoue est entièrement conditionnée par la mortalité car le taux de natalité est plutôt important, à peu près égal à ceux des autres régions italiennes 9 et analogue aux valeurs exprimées par les populations européennes qui connaissent dans la même période des croissances élevées. D'ailleurs, on a désormais démontré qu'une des causes fondamentales du développement démographique en Europe, au XVIII* siècle, est le déclin de la mortalité 10 , dont le taux élevé, dans le cas de Mantoue, doit être considéré déterminant dans le bilan naturel négatif. Le taux relatif se maintient à des valeurs supérieures à 40 %c et dépasse à plusieurs occasions 50 %c : il s'agit évidemment de quotients très élevés. Certes, le nombre des morts en ville est sans doute supérieur au nombre des décès effectifs de résidents : mais il est difficile d'évaluer précisément ce phénomène 11 . Un fait est sûr : depuis toujours les 7.
Cf.
A.
popolazione mondiale, italiana..., déjà cité.
ARMENGAUD,
J.
DUPÂQUIER,
M.
REINHARD,
éd. it., Bari, 1971, p. 282-441 et S.I.D.E.S., La
Storia
della
popolazione
8. Archivio di Stato Milano (A.S.Mi.), Popolazione p.a., cart. 6, lettre du 6-IX-1779. 9.
Cf. L. DEL PANTA, M. LIVI BAÇCI, « Le componenti naturali dell'
evoluzione demografica nell'Italia del Settecento », dans S.I.D.E.S., La lazione italiana..., cité, p. 71-139. 10. T. M e KEOWN, L'aumento it., Milano, 1979.
della popolazione
nell'era
moderna,
popo-
éd.
11. Mais, en effet, la structure démographique urbaine est un organisme si mobile qu'il serait très difficile d'isoler une mortalité, ou une natalité, réellement et uniquement urbaine.
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moyenne décennale é t a b l i e ç_ moyenne décennale é t a b l i e e l e s l a c u n e s des r e g i s t r e s fiable.
151 133 153 103 110
J.-P. BRUN
338
TABLEAU 2. Purée de vie conjugale (F.A) et nombre de nalssanoes (N) par groupes d'âges et par âge au mariage de l a mère. Familles de type MF 1.
femmes mariées & 15-19 ans 20-24 ans
15-19 ans
20-24 anp
F. A
N
10
1
20-24 ans 15-19 ans 20-24 ans 25-29 ans 30-34 ans
17
15-19 20-24 25-29 30-34
dns ans ans ans
9
15-19 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44
ans ans ans ans ans ans
20,5
15-19 ans 20-24 ans 25-29 ans 30-34 ans 35-39 ans 40-44 ans
20,5
4
3
5
6
F. A
âge de la femme ?5-29 30-34 35-39 ans ans ans F.A N F.A N F. A N N
40-44 ans F. A N
1 6 4 0 - 1 6 6 9 10 2 10 15 1 2 10 15 5 d e 1 6 7 0 - 1 689 1 10 10 2 10 d e 1 6 9 0 - 1 7 19 10 10 2 10 4 10 30 30 5 35 19 9 24,5 8 45 35 35 3 15 11,5 3 15 ma r i a g 0 s à e 1 [20- 17 3 9 11 10 7 7 25 9 25 25 25 50 12 35 50 17 19 33,5 14 45 11 22 8 20 7 35 25 6 20 7 15,5 25 ma r i a e 0 s d e 1 7 4 0 - 1 7 6 9 30 8 12 35 16 25 15 5 15 16 80 30 60 60 53 20 13 75 16 16 40 30 7 7 25 2 10 10 3 5 2,5 0 5
ma r i a S e s 3 15 3 15 20 12 4 4 ma r i a S e s 10 3 9 3 a a r i a g e s 6 15 5 15 11 25,5 8 40
ma r 1 a g e s 30 11 9 36,5 13 27 85 17,5 6 30
45-49 ans F. A H
d e
4
d e 20 80 45 7
1 770 20 4 22 60 15 40 1 10
1 1
10
0
1
5
0
20 20
0 1 0
3 3 1
10
1
10
7 3 2
25 15 15
2
15 60
0 •0 0 0
0,5 - 1 7 8 9 1 3 15 14 9 55 6 35 5 0 0 5
5 5
0 0 0 0 0 0
15 45 35 5
1 2 0 0
1
5
0
4,5
8 6 2 0 0
15 10
339
CHAUDEBONNE ET SAINT-FERREOL
TABLEAU 2 (suite)...
â g e 20-24 ans
15-19 ans femmes mariées à
P. A
N
P. A
d e
25-29 ans H
F. A
N
m a r i a g e s 15-19
ans
45
15
20-24 ans
f e m me
1 a 30-34 ans
35-39 ans
40-44 ans
F.A
K
d e
1 7' 9 0 - 1 8 1 9
P.A
N
85
18
75
16
50
7
40
51
135
40
130
28
105
12
85
3
53,5 15
95
26
95
24
90
8
80
0
2
0
10
4
10
3
10
1
8
2
10
2
10
0
4
1
10
0
0
10
0 0
m a r i a g e
25-29 ans 30-34 ans 3 5 - 3 9 ans 40-44 ans 45-49 ans
8
1
31
145
40-44 ans
24,5
S
105
30-34 ans
20-24 ans
F. A
37
35-39 ans
ans
N
75,5 29
105
25-29 ans
I5-I9
F. A
45-49 ans
85
32
60
62,5 23
115 59
s
d e
1 8 2
0 - 1 8 5 2
35
11
10
2
10
0
35
85
21
60
8
40
4
24
80
24
60
16
35
4
61,5
17
80
20
45
4
15 15 25
3
10
3 1
15
20
12,5
7,5
2,5
1 0
0
340
J.-P. BRUN
TABLEAU 3« Durée de v i e conjugale (F.A) e t nombre de n a i s s a n c e s (n) par groupes d ' â g e s e t par âge au mariage de l a mère. Familles de type MF 2. â g e femmes mariées à 15-19 ans 20-24 ans 25-29 ans 30-34 ans
20-24 ans
15-19 ans F.A 3,5
N 0
d e
2
4
5
2
10
35-39 anB ma r i a g e s 15-19 ans 20-24 ans
1
0
20-24 ans
10
3 1
13
4
10
3 10 3 4 m a r i a g e s
25-29 ans 30-34 ans 35-39 ans
f e m m•
5
N F.A N F.A m a r i a g e fi 5
l a
30-34 35-39 40-44 ans ans ans F.A N F.A N F.A N d e 1 6 4 0 - 1 6 6 9 1 3 3 5 5 5
25-29 ans
20
6
10,5
3
5
10
3
10
0,5 0 5 d e 1 6 7 0 - 1 6 8 9 10 10 4 3 10 2 2 5 d e 1 6 9 0 - 1 7 19 10 1 10 4 15 8 20 15 5 15 10 10 4 7,5 4 0,5
0
40-44 ans 15-19 an3 20-24 ans 25-29 ans 30-34 ans
2,5
1
5
ma r i a g e s 1 1 5 7,5
3
15 4,5
ma r i a g e s 25-29 ans 30-34 ans 35-39 ans 40-44 ans
16,5
8
35 5
12 1
2
10
0
5
F.A 5
0 7 2
10 10
0 1
5 10
d e 1 7 2 0 - 1 7 3 9 0 0 5 5
35-39 ans 20-24 ans
5 6
45-49 ans
d e 30 20 15
2 5 0 5 5 2,5 1 5 1 7 4 0 - 1 7 6 9 30 6 7 25 20 3 5 15 6 20 7 15 10 5,5 1 3 0
10
2,5
0 0
5
3 2
20
0
3
10
3
10 10
0 1
4 2
5
0 1
341
CHAUDEBONNE ET SAINT-FERREOL
TABLEAU 3 (suite)...
i e e an 3
femmes mariées à
F.A
15-19 ane
10
^ e
20-24 ans
15-19 N
F.A
2
25
H
mar 20-24 a n s 25-29 ans
8,5
f e m me
1 a 25-29 ans P.A
30-34 ans N
1 a g e s
35-39
P.A
N
ans P.A
40-44 ans N
P.A
45-49 n
ans F. A
N
d e
1 7 7 0
11
20
4
20
9
15
3
15
2
10
0
4
15
6
2
10
3
10
1
10
0
5
3
15 10
3
10
4
IO
0
10
0
0
5
3
5
1
5
0
1
5
0
5 4
20
0
35
1
6
25
30-34 ana
0,5
- 1 7 8 9
35-39 ana 4 0 - 4 4 ans 24
50
23
50
1,5 1 7 9 0 -1 8 1 9 20 16 50 50
2 4 , 5 11
40
16
40
12
m a r 15-19 ans 20-24 a n s
21
9
55
i a g e s
25-29 ans
d e
21,5
6
30-34 a n s m a r 20-24 a n s 25-29 a n s 30-34 a n s 35-39 ans 40-44 ans
9,5
5
i a g e s
5 10
1 4
40
10
9 10
35
8
25
6
5
2
5
2
25 2
7 1
5
0
5
1
5
1
35 26 d e
35 30
2 0
5
25
5
0
5
0
5 10
2 2
10
0
2
15
0
25 1 8 2 0 - 1 8 5 2
6,5
TABLEAU 4. Nombre de naissances par durée de mariage et pair groupes d'âges au mariage de l a mère. Familles de type MF 1. durée de mariage 0-4 ans femmes mariées à 15-19 ans 20-24 ans
5-9 ans
10-14 ans
ma r i a R e s 3
2
2
7
3
1
ma r i a R e s 20-24 ans
3
3
1
25-29 ans
4
2
2
ma r i a S e s
15-19 ans d e
20-24 ans
25-29 ans
30-34 ans
1 6 4 0 - 1 6 6 9 3 1
d e
3
0
1
0
1 6 7 0 - 1 6
2 d e
0
89
1 1 6 9 0 - 1 7 1 9
15-19 ans
4
4
6
4
4
1
20-24 ans
14
9
9
4
1
0
0
25-29 ans
15
15
9
3
1
0
0
2
1
0
0
0
30-34 ans
4
ma r i a
g
e s
0 d e
1 7 2 0 -
1
7 3 9
15-19 ans
10
10
8
8
1
1
0
20-24 ans
21
17
18
10
4
0
0
25-29 ans
13
10
6
1
0
0
0
30—34 ans
8
7
1
0
0
0
0
35-39 ans
3
2
1
0
0
ma r i a
ff e s
d e
1 7 4 0 -
1 7
69
14
13
10
8
3
1
20-24 ans
34
22
16
13
3
0
0
25-29 ans
18
7
8
1
0
0
0
30-34 ans
3
2
3
0
0
0
0
15-19 ans
35-39 ans
0
0
0
0
0
40-44 ans
0
0
0
0
0
ma r i a
8
e s
d e
0
0
1 7 7 0 - 1 7 8 9
15-19 ans
10
11
6
2
3
1
0
20-24 ans
26
24
19
13
0
0
25-29 ans
16
9
5
i
5 0
0
0
30-34 ans
1
0
0
1
0
35-39 ans 40-44 ans
343
CHAUDEBONNE ET SAINT-FERREOL
TABLEAU 4 (suite)...
durée du mariage
femmes mariées à 15-19 ans 20-24 ans 25-29 ans 30-34 ans 35-39 ans 40-44 ans 15-19 ans 20-24 ans 25-29 ans 30-34 ans 35-39 ans 40-44 ans
10-14 1 5 - 1 9 20-24 2 5 - 2 9 30-34 0-4 5-9 ans ans ans ans ans ans ans mar i a g e s de 1 7 9 0 - 1 8 1 9 18 0 31 23 3 7 37 20 8 0 0 34 53 49 0
2
3 0
0
0
00
0 mar i a g e s 22 38 10
0
27
27
15
4
2
4 1
0 0
43
24
33
24
14 11
25 4 1
9
de
0
0
0
00
0
1 8 2 0 - 1 8 5 2 2 0 1 8 0 1
0
1
0
0
2
0
0
0
0
0
TABLEAU 5. Nombre de naissances par durée de mariage e t par groupes d'âges au mariage de l a mère. Familles de type MF 2« durée de mariage femmes mariées à
0-4 ans ma
15-19 ans
0
20-24 ans 25-29 ans
2
30-34 ans 35-39 ans 1 5 - 1 9 ans 20-24 ans
5-9 ans r i a
10-14 ans g e s
15-19 ans d e
0
2 1
1
1
0
0
1
1
2
0
0
1 2 2 ma r i a g e s 2 3 5 2 2 4 ma r i a g e s
0
0
0
0
3 0
1 1
d e 3 d e 1
9
4
30-34 ans 35-39 ans
5 0
5 2
7 1
30-34 ans 35-39 ans
2
0 0 ma r i a g e 3 1 0 2 5 0
1
0
0
1 6 7 0 - 1 6
2
20-24 ans 25-29 ans
6 9
3 1
3
7
30-34 ans 35-39 ans
30-34 ans
4 2
3 1
6
20-24 ans 25-29 ans
25-29 ans
16 4 0 - 1 6
20-24 ans 25-29 ans
15-19 ans
20-24 ans
8 9
0
1 6 9 0 - 1 7 0
0 1 9
1
0
0
0
0
0
0 d e 0
2
2
0
0
0
0
1 720 - 1 7 0
0
3 9
0
0
2
3 ma r i a g e s 8 10 13 6
2
0
4 1
0
6
2
1
ma r i a g e s 8 6
15-19 ans 20-24 ans
8
6
4
25-29 ans 30-34 ans
3 2
5 2
0
35-39 ans 40-44 ans
0 0
0
1
3 2
d e 5 1 0 d e 5 1
1 7 4 0 - 1 7 1 0
6 9 0
0 0
0
1 770 - 1 7 6 0 1
0
0
0
0
0
0
0 8 9 0 0
CHAUDEBONNE ET SAINT-FERREOL
345
TABLEAU 5 (suite)...
durée du mariage femmes mariées à 15-19 ans 20-24 ans 25-29 ans 30-34 ans
10-14 0-4 5-9 ans ans ans ma r i a g e s 23 16
15-19 ans d e
20-24 25-29 30-34 ans ans ans 17 9 0 - 1 8 1 9
22
21
18
10
15 8
10
9 4 0
3 1
8 10 11 6 3 ma r i a g e s
15-19 ans
6
2
2
20-24 ans 25-29 ans
8
30-34 ans
2
35-39 ans
0
40-44 ans
4 2
0 2 1 0
0
45-49 ans
0
0
0
d e
0
9 0
0 0
0 0
0 0
1 8 2 0 '- I 8 5 2
0
0
0
346
J.-P. BRUN
TABLEAU 6. Durée de vie conjugale (F.A) et nombre de naissances ( h ) par groupes d'âges et par âge au mariage de la mère. Familles de types MF 1 et MF 2. groupe d'âges de la femme 15-19 ans femmes mariées à 15-19
ans
F.A
N
20-24 ans
25-29 ans
30-34 ans
35-39 ans
40-44 ans
45-49 ans
F.A
F. A
F. A
F. A
F. A
F.A
N
H
N
N
N
N
naissances survenues en I64O-I669 8,5
l
20-24 ans
15
5
14,5 16
25-29 ans
10,5
5
25
6
14
5
10
1
1
5
3
5
1
4 »5
2 5
2,5
30 ans et plus
5.5
3
3,5
3 10 3,5
1 5
4
2
0
1 1 5
1
naissances survenues en I67O-I689 15-19
ans
1
0
20-24 ans
11,5
3
17
5
19.5
6
13
4
10
4
16,5
5
19,5
4
14,5
3
25-29 ans
15
2
10,5
0
4,5
1
8
1
1,5
0
5
1
5,5
1
1,5
0
naissances survenues en 1690-1699 ans
1,5
1
7,5
2
8,5
3
6
2
20-24 ans
6,5
3
8,5
4
6,5
0
2
0
6,5
2
5
2
2,5
1
7
4
9,5
4
15-19
25-29 ans 30 ans et plus
4,5
0
9,5
0
0,5
0 1
naissances survenues en 1700-1709 15-19 ans
5,5
0
20-24 ans
1,5 13
3
25-29 ans
0
7,5
3
11,5
2
10
4 8
0
5
0
14
4
24
6
10
4
5
1
7
2
H
2
16
2
9,5
30 ans et plus
naissances survenues en I7IO-I7I9 15-19 ans 20-24
ans
25-29
ans
11,5
4
15
5
10,5
3
12,5
4
39
9
21
3
22,5 1 0
8,5
30 ans et plus
3
5
4,5 20
2
5
2
4,5
0
3
19
7
1,5
0
11
0
15,5
0
4,5
0
0
naissances survenues en 1720-1729 15-19 ans
4,5
20-24 ans 25-29
ans
30 ans et plus
1
13,5
6
10
5
10
4 6
2
20,5
9
24
12
21,5
6
30,5
5
21
3
19
5
23,5
9
12,5
4
15
2
10
4
17,5
4
9,5
2
11
1
347
CHAUDEBONNE ET SAINT-FERREOL
TABLEAU 6 (suite)... groupe d'âges de l a femme 15-19 ans F.A
N
femmes mariées à 15-19 ans 20-24 ans
25-29 ans
30-34 ans
F.A
F.A
F.A
H
H
35-39 ans K
F.A
N
40-44 ans
45-49 ans
F.A
F.A
H
H
naissances survenues en 1730-1739 6,5
2
25-29 ans 30 ans et plus 15-19 ans 9 20-24 ans 25-29 ans 30 ans et plus 15-19 an3
1,5 20-24 ans 25-29 ans 30 an» et plus
15-19 ans
8,5 20-24 ana 25-29 ans 30 ans et plus
15-19 ans
20-24 ans
16
20-24 ans 25-29 ans 30 ans et plus 10 15-19 ana 20-24 ans 25-29 ans 30 ans et plus
4
4 5 13,5 4 10 6 28,5 11 19 3 5 31 8 20,5 5 7 3 14 5 naissances survenues en 1740-1749 16 7 11 5 9 1 13,5 2 22,5 7 34,5 14 29,5 10 20,5 5 9 17
1 6
13,5 22 8
10 16 15 18
14 12 3 14,5 5 1 0 13,5 7,5 7 7,5 1 8,5 naissances survenues en 1750-1759 1 1 2,5 3 2 5 2 12,5 2 10 24 10 32 9 24 4 27,5 6 29 2 0 10,5 3 9 2 8,5 9 5 19 5 16 naissances survenues en I76O-I769 0,5 0 2 8,5 4 5 3 1,5 0 7,5 24
1
12 45
16
17
8
33,5
6 19 12 15
3 3
20,5
33 8 2 19,5 5 naissances survenues en 1770-1779
5,5 20
23
9 18
29,5
6 56 22 52 10,5 6 26
1,5 27 27,5 20
6
4
2 5 12 36
3 11
8 29,5 5 1 6 2 7 naissances survenues en I78O-I789 9,5 2 4 5 28 13 23,5 7 22,5 7 17 11 50 18 52,5 12 44,5 14 43 8,5 3 26 9 26,5 6 16,5 8 0 7
3 1
21
1
4 12,5 6 19,5
0 1
1 2 0
5 5,5 13,5
0 0 0
10,5 9,5 7,5
0 0 0
9,5 16
0 0 0 1
1 5 2 4 0 3 0 5
5 16
0 3 7 2
23 4,5 26
1 6
5 31
2 1
15,5 12,5
0 0 1 0 0 0 0
348
J.-P. BRUN
TABLEAU 6 (suite)...
groupe d'âges de l a femme 20-24 ans
15-19 ans femmes înariées à 15-19 ans 20-24 ans 25-29 ans 30 ans et I5-I9
ans
20-24 ans 25-29 ans 30 ans e t 15-19 ans 20-24 ans 25-29 ans 30 ans et 15-19 ans 20-24 ans 25-29 ans 30 ans et 15-19 ans 20-24 ans 25-29 ans 30 ans et
F. A
N
F.A
25-29 ans N
F.A
30-34 ans N
F.A'
N
35-39 ans
40-44 ans
F.A
F.A
N
naissances survenues en 1790-1799 28 8 36 14 23,5 7 14,5 6 1 4 2 35,5 14 6 0 , 5 2 0 33,5 10 27 7 34 14 29,5 10 22 6 plus 3,5 1 13 2 naissances survenues en 1800-1809 8 54 14 21 51 22 30,5 10 21,5 5 23,5 9 4 8 15 64 17 6 0 10 22,5 4 73,5 25 63,5 21 plus 8 1 16 6 naissances survenues en 1810-1819 20 45 18 47,5 20 41 15 28,5 10 63 36 12 59 24 40,5 16 43 14 20 3 25,5 5 41,5 9 plus 5,5 3 13 4 naissances .survenues en 1820-1829 10 33,5 9 5,5 1 40 17 63,5 13 50 43 17 6 0 21 6 6 , 5 1 8 49 14 25,5 10 34 11 29,5 4 plus 17,5 5 14,5 4 naissances survenues en 1830-1839 14 13 12,5 5 29 7 51,5 6 4 32 19 8 69 19 71 21 51,5 5 2 8 , 5 13 43 1 0 27 5 plus 34 11 50 13 naissances survenues en 1840-1849 16 22 7 9 2 7,5 3 38,5 14 48
15-19 ans 20-24 ans 25-29 ans 30 ans et plus
17,5
9
19,5
7
16,5
4
24 30 18,5
13 32 26 7,5 14
45-49
ans
N
F.A
2
4 3
9,5
37 25
]•I
0 0 0 0
2
9,5
0
9
1
19,5
1
27,5
5
29
3
22
0
15
2
14,5
0
4 25 7 59 73,5 11 20,5 5
17
1
52,5
2
38,5
4
28,5
3 27 0 40,5 5 12
25 19,5
59
2
17
1
14
0 1 1 0
34
6
29,5
53,5
7
23
2
31 20
29,5
2
31
0
2
21
1
4
37,5 13,5 53
1
20,5 40 5 52 10 9 31,5 10 23 5 41,5 8 4 4 , 5
2 9
0 •i 1
0 0
CHAUDEBONNE ET SAINT-FERREOL
349
RÉSUMÉ Les registres de l'état civil des paroisses de Chaudebonne et de Saint-Férréol, dans les préalpes drômoises, ont permis de reconstituer les familles qui y ont vécu de 1690 à 1850. A la baisse du nombre d'événements jusqu'au milieu du xviii* siècle, succède une hausse, assez marquée, jusqu'à la fin de l'Empire où s'amorce la chute brutale qui caractérisera le XIXe siècle. Le célibat définitif était peu fréquent, mais le mariage tardif : après 27 ans pour les garçons, 24 pour les filles. Une analyse transversale a permis d'affiner l'évolution de la fécondité : hausse rapide jusqu'en 1740 ; baisse jusqu'en 1780 ; hausse jusqu'en 1810 ; enfin, baisse rapide. Il s'écoule 16 mois entre le mariage et la première naissance, et il faut attendre deux ans pour que survienne la seconde naissance. Aussi, le nombre d'enfants par famille n'est-il que de l'ordre de 5, dont la mort retranchera la moitié avant qu'ils atteignent l'âge de se marier. Cette faible avance sur le simple renouvellement de la population ne lui a pas permis de résister à l'exode du xix* siècle.
SUMMARY The state register of the parishes of Chaudebonne and St-Ferreol, in the lower Alps of Drome, have enabled the listing of the families who lived in the area from 1690 to 1850. The fall in the number of events up until the mid xviii century was succeded by quite a marked rise up until the end of the Empire when the drastic fall which charactised the xix century began. There were few unmarried people yet marriage came late in life: after the age of 27 for men and 24 for women. An overall analysis has enabled a simplification of the evolution of fertility: a rapid rise up until 1740, a fall until 1780, a rise until 1810 and finally a rapid fall. 16 months pass between the marriage and the birth of the first child and the second birth takes place two years later. The number of children by family is only five, half of which die before attaining the age at which they may marry. The weak advance of simple renewal of the population did not resist the great exodus of the xix century.
Documents
LES VARIATIONS NOMINATIVES DANS LES REGISTRES PAROISSIAUX DU SAGUENAY * par Gérard BOUCHARD et Raymond ROY
Cet article a été rédigé dans le cadre des travaux de la Société de Recherche sur les Populations (SOREP). Reconnue officiellement par l'Université du Québec à Chicoutimi, SOREP réunit un groupe pluridisciplinaire formé d'informaticiens, de démographes, de médecins, de sociologues, d'historiens. Elle a pour but de constituer, pour l'ensemble de la région du Saguenay et pour la période allant de 1840 à nos jours, un registre de population informatisé, à caractère universel, fondé sur le jumelage automatique de données nominatives. Le registre doit prendre la forme d'un fichier-réseau (ou data base), contenir des données à caractère économique, social, culturel, démographique, génétique, médical... et donner lieu à des analyses et enquêtes dans chacune de ces directions de recherche. La banque de données, dont la construction a débuté en 1972, est d'ores et déjà exploitée dans le cadre de deux programmes relevant de SOREP, soit le Programme de Recherches sur la Société Saguenayenne et le Programme de Recherches sur les Maladies Héréditaires. Les chercheurs du Programme de Recherches sur la Société Saguenayenne ont mis au point un nouveau procédé de jumelage des données nominatives appliqué à la reconstitution automatique des fa* Ce travail n'aurait pas été possible sans l'aide financière du ministère de l'Education du Québec (programme FCAC) et de l'Université du Québec à Chicoutimi (Fonds institutionnel de recherches). Le fichier qui a servi à nos compilations a été pour une bonne part constitué par Marc Saint-Hilaire, Rémi Grenon et Jacques Ouellet, à qui nous exprimons notre gratitude. Nous remercions aussi Bernard Casgrain et Maryse Bouchard, analystes, qui ont produit les listages de base.
23
354
G. BOUCHARD ET R . ROY
milles saguenayennes. Des éléments importants de ce procédé ont déjà fait l'objet de publications 1 et une présentation d'ensemble suivra dans un avenir rapproché. Le but du présent article est de fournir un aperçu aussi précis que possible de la nature et de l'ampleur des variations nominatives affectant les données saguenayennes. Il est bien connu que les variations plus ou moins prononcées dans les noms et les prénoms constituent le seul obstacle majeur au jumelage automatique des données. Toute méthode de jumelage doit donc être appuyée sur une connaissance exacte des difficultés à résoudre. De ce point de vue, le Saguenay présente des particularités intéressantes, notamment une fréquence élevée de variations ou mutations nominatives même à une période récente. Les résultats qui suivent proviennent de l'examen des registres de la paroisse de Saint Fulgence (3709 actes de baptêmes, mariages et sépultures), pour la période 1861-1951. Les relevés ont été réalisés manuellement à partir des fiches de famille issues de la reconstitution par ordinateur. I. - DÉFINITIONS ET MODE DE COMPILATION Notre procédé de jumelage automatique est un ensemble de programmes appropriés à traiter les divers types de variations rencontrées. D'où la nécessité de distinguer soigneusement des genres de variations, en plus de mesurer des fréquences. Cette partie du travail a résulté dans la nomenclature ou typologie suivante : A. Les variations graphiques ou orthographiques au sens strict. Ce sont des déformations d'éléments nominatifs usuels qui n'altèrent pas la structure phonétique des noms et prénoms. Exemples : B 0 u D R E A U
B 0 U L E
L A
! R E
B 0 u D R E A U D
B 0 U L A Y
H A L A
1 R E
B 0 u D R A U D
A L A A
I
H A L
1 R E
L A
1 R E
B 0 u D R E A B 0 u
D
R A
U L
U L T
B 0 U U E Y T
B 0 U L
E E
B 0 U L
L E Y
B. Les variations phonétiques. Ce sont toutes les variations de voyelle(s), de diphtongue(s) ou de consonne(s) qui affectent les phonèmes d'un nom d'un prénom. Elles peuvent être : 1. Voir Gérard BOUCHARD, Patrick BRARD, « Le programme de reconstitution automatique des familles saguenayennes : données de base et résultats provisoires », Histoire sociale/Social History, vol. 12, n° 23 (mai, may 1979), p. 170-185 ; Gérard BOUCHARD, Christian POUYEZ, « Name Variations and Computerized Record Linkage », Historical Methods, vol. 13, n° 1, 1980 (spring), p. 119-125.
LES VARIATIONS NOMINATIVES AU SAGUENNAY 1)
355
Mineures D U L E ,
D U L I E
L I N E ,
L I N A
P H E B E E . B E B E E B E R G E R O N
2)
Majeures
(cas
, B A> R J 0 N
des
V E N A L D
diminutifs)
. S U R V E N A L D
D I O S . D I O S C O R I D E D U L E
. T H E O D U L E
C. Les dissociations d'éléments composés (noms ou prénoms). Elles surviennent lorsque des éléments associés, en se rompant, font apparaître tantôt un terme, tantôt un autre. Elles affectent : 1)
Les patronymes composés G A U T H I
E R - L A R O U C H E
G A U T H I E R L A R O U C H E A U D E T - L A P O I
N T E
A U D E T L A P 0 I
2)
N T E
Les prénoms multiples
F R A N Ç O I S - X A V I E R
A N N E - M A R I E
F R A N Ç O I S
A N N E
X A V I E R
M A R I E
D. Les
substitutions. Elles touchent la totalité des noms et des prénoms, apparemment d'une façon aléatoire puisque l'ancien et le nouvel élément ne constituent jamais une association familière, comme dans le cas précédent. Exempt es : D A V I D
devient
C H A R L O T T E
devient
M A U R I C E M A R G U E R I T E
L E V E S Q U E
devient
T R E M B L A Y
356
G. BOUCHARD ET R . ROY
Il importe de définir avec précision cette dernière forme de variation nominative, dont l'identification peut faire problème. Pour distinguer la substitution de la variation phonétique, le chercheur est tenté de se référer à ce qu'il tient instinctivement pour des « vrais » et des « faux » noms ou prénoms. Ainsi, le glissement de M O R I N à M O R A I S , OU de G A G N E à G A G N O N sera assimilé à une substitution car ces patronymes sont répandus et très familiers au Saguenay. Par ailleurs, selon la même logique, le passage de G A G N E à C A G N E sera considéré comme une variation phonétique, car cette dernière forme n'est pas connue et elle est tenue pour un « faux » nom ou une « erreur ». Cette démarche est évidemment dangereuse car elle repose sur un jugement très arbitraire. En effet, la fréquence des noms et prénoms rares, et par conséquent peu familiers, est très élevée dans la banque 2 . Dans ces conditions, le chercheur peut difficilement asseoir toutes ses décisions sur ses connaissances anthroponymiques et il est recommandé de recourir à des instruments qui mesurent objectivement la dissemblance formelle entre deux éléments 3 . A partir d'un certain seuil de dissemblance, on conclut à une substitution ; en deçà, à une variation phonétique. Pour ce qui nous concerne, ces mesures ont été effectuées par l'ordinateur au cours de la reconstitution, à l'aide de divers instruments instituant des degrés et des formes de similitude entre éléments nominatifs 4 . Nous avons ainsi l'assurance que les cas de substitution ne désignent que des variations radicales et, les glissements mineurs entre éléments familiers, comme ceux qui viennent d'être donnés en exemple, sont classés parmi les variations phonétiques. Un mot encore sur le mode de compilation. Nous avons compté séparément les variations dans les noms et dans les prénoms, selon le sexe et selon que la variation affectait ou non la lettre initiale. Le comptage a été fait manuellement sur les listages produits par l'or2. Un relevé effectué sur les 300.000 actes déjà entrés dans la banque en décembre 1980 (le dépouillement, lui, a dépassé les 425.000 actes) a montré que 9.220 prénoms et 3.501 patronymes n'y apparaissaient qu'une fois. 3. Du même coup sont écartées les discussions périlleuses, ayant pour objet de distinguer entre la variation nominative, l'erreur, le faux et le vrai nom... Il semble que nous soyons en désaccord sur ce point avec des auteurs comme WEISS, ROSSMAN et autres, qui, par ailleurs, ont produit une remarquable analyse statistique sur ce même sujet (Voir « Wherefore art you, Romio ? Name frequency patterns and their use in automated genealogy assembly », in B . DYKE, W.T. MORRILL (éd.), Genealogical Demography, New York, Academic Press, 1980, p. 41-61. Un peu dans la même veine, voir aussi l'excellente étude de Michel POULAIN et Michel FOULON, « Quelques éléments de description et de comparaison des distributions statistiques de prénoms appliqués à 14.000 nouveau-nés de la ville de Tournai entre 1821 et 1960 ». Communication au colloque sur les prénoms organisé par la Société de Démographie Historique (Paris, novembre 1980). 4. Il serait trop long de décrire ici ces instruments. Nous nous permettrons de renvoyer le lecteur à G. BOUCHARD, C. POUVEZ, « Name Variations... ».
LES VARIATIONS NOMINATIVES AU SAGUENNAY
357
dinateur et dans le cadre de chaque fiche de famille : si dans une même famille, on observait trois fois le glissement B O U D E R O / B O U D R O , un seul était enregistré comme variation. Mais si le même glissement apparaissait dans trois familles différentes, il était enregistré trois fois. Par ailleurs, pour chaque nom et prénom, il fallait établir une forme standard parmi diverses variantes. Au sein de chaque famille, c'est l'élément (nom ou prénom) le plus fréquent qui était retenu ; en cas d'égalité, la référence à la table des fréquences dans l'ensemble de la banque permettait de trancher. Soit la famille Turcotte/Savard, dont la fiche donne les occurrences suivantes : T U R C O T T E
Pamph! 1 e
S A V A R 0
El i z a b e t h
Pamphi1 e
Eli zabeth
Pamphy1 e
El i z a b e t h
Pamph i te
Elîsabeth
Pamph11
Eli zabeth
Pamphy1 e
Eli sabethe Eli sabeth
Pamph i 1 e Pamph i 1 e
T R E M B L A Y
Eli sabeth
Le nom de l'homme ne subit aucune variation ; mais son prénom apparaît sous trois formes différentes : Pamphile (5 occurrences) est la forme standard et nous notons 2 variations orthographiques pour Pamphyle et Pamphil. De même, le nom standard de la femme est SAVARD et nous comptons une substitution pour T R E M B L A Y , etc. II. - RÉSULTATS Les principaux résultats de ces relevés apparaissent aux bleaux I à VI et ils peuvent être résumés comme suit : A) Le nombre moyen de mentions de couple par fiche de famille s'établit à 5,1 (tableau I). C'est un chiffre peu élevé, du fait que l'échantillon a adopté le cadre paroissial. En fait, 41,1 % des fiches contiennent des mentions isolées et ne se prêtent donc à aucune forme de variation nominative. On peut penser qu'il en ira autrement dans le cadre régional et la statistique présentée ici doit être tenue pour conservatrice. Donc, sur les 894 fiches observées, 528 seulement pouvaient produire des variations nominatives. Le nombre de ces dernières s'élève à 797, soit 1,5 par fiche de famille. B) Comme on s'y attendait, le nombre de variations nominatives est proportionnel à la dimension des fiches de familles (tableau II). Mais ce nombre est élevé partout : 36,9 % des fiches comprenant 2 mentions de couple sont touchées par une variation ; pour les fiches de 21 mentions et plus, la proportion s'élève à 90 %. Dans l'ensemble,
358
G. BOUCHARD ET R . ROY
environ 2 fiches sur 3 (64 %) sont affectées. Les fiches de 2 à 5 mentions regroupent près de la moitié (47,7 %) des variations. C) La moitié des variations est de type phonétique (tableau III). Mais ces variations affectent surtout les prénoms, toujours plus friables. Dans l'ensemble, du reste, 78,3 % des variations portent sur les prénoms et 21,7 % sur les noms. Tout ceci fait apparaître les risques d'une standardisation a priori qui va au-delà des variations orthographiques. Tableau Distribution de
mentions
NOMBRE DE MENTIONS DANS LA FICHE
des de
fiches
de
couple.
NOMBRE DE FICHES
NOMBRE TOTAL DE MENTIONS
366 222
111
201 148 185 204
67 37 37 34 38 23
3 4
5 6
7 8 9 10 11
12 13 14 15
266
184
18 21 11
162 210 121
9 15 13
182
108 195
16 10
16
18
19
6 7 3 7 4
23 24 25
196 25 52 54
26
27
2
4.3 2.6
-15.0
2,0 2,3 1.2 1.0
1.1
0.1
0,2 0,2
0,1 0,1 0,1
TOTAL
894
4567
100,0
5.
-3.2
0,1
29 30 31
parents.
•5,3
0.7 0.8 0,3 0.8 0.4
28
r e g i s t r e s de l ' é t a t
-7.2
1.1
1.1
1 1 1 1
Source:
41,1 12,5 -15,7
4.1 3,8
29 30 31
28
MEME QUE PRECEDENT, SELON CERTAINS REGROUPEMENTS
M
1.3
166 161
1 2
41,1 12,5 7.5
240
190 120 147
10
20 21 22
% DE CHAQUE CLASSE DE FICHES, DANS L'ENSEMBLE DES FICHES
.204 180
nombre
1861-1951^.
1.7 1.5 1.8
160
12 10
17
selon
St-Fulgence.
366
1
2
I
famille,
100,0
civil.
Les relevés ont porté uniquement
sur les noms et prénoms
de
Tableau I 1 Distributions selon
la
des
variations
dimension
des
St-FuIgence,
(fiches N. DE MENTIONS DE COUPLE DANS LE FICHE
N. DE FICHES DANS CHAQUE SOUSENSEMBLE
de
2 mentions
% DU TOTAL DES FICHES
N. DE FICHES AFFECTEES PAR DES V.N.
nominatives
fiches
de
(V.H.)
famille.
1861-1951.
de
couple
% DE FICHES AFFECTEES DANS CHAQUE SOUSENSEMBLE
et
plus)
N. DE VARIATIONS NOMINATIVES *
% DU TOTAL DES VARIA TIONS NOMINATIVES
MOYENNE DE V . N . PAR FICHE
2
111
21,0
41
36,9
47
5,9
0,4
3-5
141
26,7
81
57,4
128
16,1
0,9
6-10
134
25,4
95
70,9
230
28,9
1,7
11-15
61)
12,1
53
82,8
173
21,7
2.7
16-20
48
9.1
lil
85,4
117
14,7
2,4
21 +
30
5,7
27
90,0
102
12,7
3,4
528
100,0
338
64,0
797
100,00
1,5
TOTAL Source:
registres
de
l'état
civil.
T a b 1 eau Distribution s e l on
le
type
de v a r i a t i o n s S t-Fu1gence,
(fiches TYPES DE VARIATIONS NOMINATIVES
III
des v a r i a t i o n s
de 2 m e n t i o n s
SUR LES PRENOMS
et
phonétiques
selon
(V.N.)
l'élément
aff-cté.
l$61-195l. de c o u p l e e t SUR LES NOMS
plus) SUR LES NOMS ET PRENOMS
N.A.
%
N.A.
%
N.A.
%
Variations orthographiques
151
24, 2
99
57,2
250
31,3
Variations phonétiques
347
55,6
49
28,3
396
49,7
Eléments associés
86
13,8
3
1.7
89
11,2
Substitutions
ko
6,1»
22
12,8
62
7,8
62 •
z
>
•
VI e 0 c iñ O
•O
>
(A O
>
3 rj 0)
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