ACTES D'ANDRE (LES) 2503504248, 9782503504247

Les Actes d'Andr, du IIe sicle, comptent parmi les Actes apocryphes d'aptres les plus anciens. Leur lieu d

210 35 7MB

French Pages [256]

Report DMCA / Copyright

DOWNLOAD PDF FILE

Recommend Papers

ACTES D'ANDRE (LES)
 2503504248, 9782503504247

  • 0 0 0
  • Like this paper and download? You can publish your own PDF file online for free in a few minutes! Sign Up
File loading please wait...
Citation preview

Actes de l'apôtre André

APOCRYPHES COLLECTION DE POCHE DE L'AELAC

Direction ALAIN DESREUMAU:X ENRICO NORELLI

Volume 7

Actes de l'apôtre André Présentation et traduction du latin, du copte et du grec par Jean-Marc Prieur

BREPOLS

APOCRYPHES COLLECTION DE POCHE DE L'AELAC

Volumes parus 1. L'é!'angile de Barthélemy, par Jean-Daniel KAESTLI, . avec la collaboration de Pierre CHERIX, 1993, 281 p. 2. Ascension d'Isaïe, par Enrico NORELLI, 1993, 186 p. 3. Histoire du roi Abgar et de Jésus, par Alain DESREUMAUX, 1993, I 84 p. 4. Les Odes de Salomon, par Marie-Joseph PIERRE, avec la collaboration de Jean-Marie MARTIN, 1994, 225 p. 5. L'Épître des Apôtres et le Testament de notre Seigneur, par Jacques-Noël PÉRÈS, 1994, 152 p. 6. Salomon et Saturne, par Robert FAERBER, 1995, 209 p. 7. Actes de l'apôtre André, par Jean-Marc PRIEUR, 1995, 253 p. En préparation Les Actes de l'apôtre Philippe, par François BovoN. Bertrand BOUVIER et Frédéric AMSLER. Les Dormitions de Marie, par Simon MIMOUN! et Sever V or cu. Les Actes de Pilate, par Rémi GOUNELLE et Zbigniew IZYDORCZYK. © 1995 Brepols Imprimé en Belgique D ir995 100951 SI

ISBN 2-503-50424-8 Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction (intégrale ou partielle) par tous procédés réservés pour tous pays

LA COLLECTION DE POCHE APOCRYPHES

U

de papyrus trouvé dans la tombe d'un moine copte d'Égypte, un fabliau narrant l'histoire de la crèche, une fresque romane sur un mur poitevin, un roman latin à épisodes détaillant les aventures des apôtres ... tous ces documents témoignent à leur manière de l'existence et de la diffusion d'œuvres appelées apocryphes. Tour à tour recherchés et rejetés, exploités et vilipendés, traduits et oubliés, les apocryphes ne gardentils pas un mystérieux pouvoir d'évocation? N'imaginet-on pas, à entendre leur nom, qu'une révélation insoupçonnée, jadis tenue secrète, est enfin amenée à la lumière? À qui se plonge dans la littérature apocryphe, avec l'ardeur parfois frénétique de savoir désormais ce qu'il cherchait depuis longtemps, ces œuvres pourraient réserver une cruelle déception. Certains apocryphes prétendent bien en effet en apprendre au lecteur sur Jésus; l'un rapporte un enseignement ésotérique qu'il aurait confié à un disciple particulier, tel Thomas ; un autre, les Actes de Pilate, transcrit fidèlement le récit que deux ressuscités auraient fait de sa visite aux enfers. D'autres en revanche ont des prétentions beaucoup moins hautaines: la Lettre tombée du ciel a-t-elle d'autres buts que de justifier que l'on paye la dîme et que l'on observe le dimanche? Quant aux récits qui montrent N FRAGMENT

6

APOCRYPHES

un apôtre détournant la femme d'un haut fonctionnaire romain de ses devoirs conjugaux, comme par exemple les Actes de Philippe, ne sont-ils pas avant tout le reflet de choix pratiques de morale sexuelle et un appel à faire acte de chasteté dans le mariage? Pour qui est assoiffé d'éternité, voici des documents de piètre importance! Et pourtant, s'il apprend à ne pas attendre des apocryphes qu'ils lui livrent des secrets ou des révélations cachées sur Jésus et ses disciples, il retirera de sa lecture le plus grand profit. L'intérêt de ces textes est en effet ailleurs : ils transmettent les représentations que les chrétiens de divers lieux et de divers temps se sont faites de la figure de Jésus, du rôle des apôtres, de l'origine de leurs Églises locales ... Ils témoignent également des questions qui les ont agités, et des réponses qu'ils leur ont données : quelle est la nature du Christ, demande l'Ascension d'Isaïe, tandis que les Actes de Pilate s'interrogent sur les liens du christianisme avec le judaïsme et la culture romaine. Certains apocryphes sont très anciens et reflètent des traditions contemporaines d'une partie de ce qui est devenu le Nouveau Testament ... Ils constituent pour les historiens comme pour les biblistes une voie d'accès privilégiée, encore peu exploitée, à des traditions chrétiennes des origines. Pas plus que les évangiles canonisés, ils ne nous donnent accès à la vérité historique sur Jésus et sur ses apôtres. Ils nous transmettent bien plutôt des éclairages sur la vie et sur les croyances des premières communautés de chrétiens. L'imaginaire est en effet ici véhicule de création et de réflexion. Ainsi lorsque l'Évangile de l'enfance selon

APOCRYPHES

7

Thomas narre au milieu du deuxième siècle tous les méfaits que Jésus a pu faire étant petit, il ne cherche pas à écrire une biographie de Jésus enfant, encore moins à faire preuve d'imagination débridée - voire sacrilège - mais il s'interroge sur les modalités de l'Incarnation et se demande comment se manifestait dans l'enfant Jésus la plénitude de la grâce divine; c'est enfin et surtout qu'il essaye d'expliquer ce que l'Évangile de Luc voulait dire en affirmant que « l'enfant croissait et se fortifiait en esprit». Reflets de questions exégétiques, dogmatiques et morales de la plus haute importance, les apocryphes que la présente collection offre au public dévoileront leurs richesses à qui n'y cherche pas ce qu'ils ne peuvent lui offrir, mais à qui a écouté P. Valéry lorsqu'il écrivit que « toutes les histoires s'approfondissent en fables ... » Loin d'offrir une image unifiée de la religion chrétienne, les apocryphes nous introduisent à sa diversité doctrinale, mais aussi mythologique et linguistique. Le christianisme, dès ses origines, se présente en effet sous la forme d'un ensemble de communautés étonnamment diverses. De nombreux apocryphes en témoignent, qui nous sont parvenus en de multiples versions. Ainsi la Doctrine d'Addaï nous a-t-elle été transmise en grec, en syriaque, en copte, en éthiopien, en arabe, en arménien, en géorgien et en slavon. Chacune de ces versions porte la marque du milieu qui a produit cet apocryphe, qui l'a conservé, ou transmis. Chacune d'elle témoigne à sa manière du foisonnement doctrinal des premiers siècles du christianisme.

8

APOCRYPHES

Voilà pourquoi, à l'heure où, le christianisme devenant religion de l'Empire, les autorités tentaient d'en donner une image unifiée, certains Pères ont vilipendé les apocryphes comme porteurs d'hérésies. En un moment où la recherche redécouvre l'extraordinaire foisonnement des premiers siècles du christianisme, il était urgent de mettre à la portée du public des textes qui en portent si clairement la trace et qui, parfois en quelques lignes, nous éclairent un pan de l'histoire encore méconnu. Au sein de cette diversité, le choix de l'Église ancienne fut difficile. L'Apocalypse dite de Jean a bien failli ne pas être retenue dans le canon. Quant au Pasteur d'Hermas, il a, lui, manqué de peu d'y entrer. Il n'y a aucune différence intrinsèque entre canoniques et apocryphes. Le Nouveau Testament résulte du choix que les autorités ecclésiastiques ont dû opérer parmi des dizaines de textes pour fixer un corpus de référence de la foi chrétienne. D'autres œuvres, non retenues, continuèrent longtemps à alimenter la piété chrétienne, au point qu'elles sont à la source de nombreuses traditions encore vivaces. Qui donc sait que les lectures monastiques pour les fêtes des apôtres puisent dans le Martyrologe des récits édifiants tirés des Actes apocryphes des apôtres? Qui pense apocryphe lorsqu'on évoque Gaspar, Melchior et Balthasar, ces trois mages que la tradition évangélique se garde de nommer mais dont les noms sont déjà sur les peintures coptes dans l'oasis égyptienne de Bawit? Oublier les apocryphes équivaudrait à vouer les vitraux de nos cathédrales et les fresques de nos églises

APOCRYPH ES

9

romanes au silence, à rendre à jamais incompréh ensible l'Enfer de Dante ou certaines pages de Flaubert. En un

moment où l'on découvre avec inquiétud e la méconnaissance que nos contempo rains ont de l'histoire religieuse, il devenait urgent de traduire et de diffuser ces textes qui sont partie intégrante de notre mémoire. Les textes originaux sont publiés ou en voie de publicatio n dans la Série des Apocryph es du Corpus Christianorum. On en trouvera ici une traduction fidèle mais agréable. Beaucoup seront aussi rassemblées dans deux volumes de la Pléiade par les mêmes chercheur s, membres de l'Association pour l'Étude de la Littérature Apocryph e Chrétienn e. Ceux-ci ont voulu les rendre accessibles au plus grand nombre, sous la forme de volumes indépenda nts, dans la présente collection de poche. Ainsi introduit au texte, aidé par des notes précises mais simples, nul doute que le lecteur de ces œuvres sera amené à en découvrir l'intérêt, au-delà de ses préjugés, et apprendra à goûter le plaisir d'une lecture sereine des apocryphe s.

La chapelle Saint-André de Neuvy-le-Ro i, au diocèse de Tours, était connue de Grégoire. Le lieu s'appelait Novicensis Ecclesia. (Cliché : Alain Desreumaux).

Avant-propos

appartiennent au genre des Actes apocryphes d'un apôtre et ne sont pas un texte isolé. Plusieurs autres écrits anciens relèvent de cette catégorie, datant de la seconde moitié du ne siècle et de la première moitié du III" siècle: les Actes de Jean, les Actes de Paul, les Actes de Pierre et les Actes de Thomas. Ils possèdent des caractéristiques communes que l'on peut présenter comme suit. Chacun de ces Actes est consacré a un seul apôtre dont il raconte le ministère. Celui-ci débute par l'envoi en mission et s'achève par le martyre du héros, sauf dans les Actes de Jean, où l'apôtre se couche lui-même dans la fosse qu'il a fait creuser. Ces Actes sont d'abord des récits de voyage : l'apôtre se déplace dans différents endroits, faisant des adeptes, puis meurt en un lieu étranger. L'activité apostolique consiste essentiellement en des miracles et en des discours, ce qui apparente l'apôtre tant à un thaumaturge qu'à un philosophe itinérant. S'il est une idée caractéristique commune à tous ces Actes, c'est assurément l'ascétisme, un enseignement qui, dans plusieurs d'entre eux, se mue en un motif romanesque : une femme convertie au christianisme renonce, du même coup, à son mari ou à son fiancé, provoquant la fureur de celui-ci, qui cherche à se venger de l'apôtre. Si les Actes apocryphes ont d'évidents points communs, ils présentent aussi des différences, ce qui interdit de les attribuer à un auteur unique et même de situer leur TES ACTES D'Al'\DRÉ

L

12

LES ACTES D'ANDRÉ

rédaction en un seul lieu. Ils peuvent avoir vu le jour dans des aires géographiques très différentes, mais toujours dans des communauté marquées d'ascétisme, ce qui était d'ailleurs assez courant à cette époque. Par ailleurs, on peut admettre qu'ils se sont influencés mutuellement et que leurs auteurs ont connu un ou plusieurs autres Actes et s'en sont inspirés. Il serait en effet surprenant que des œuvres aussi proches dans les idées, dans l'emploi des motifs littéraires et jusque dans certains détails du récit, aient surgi spontanément, de manière entièrement indépendante. C'est un véritable genre littéraire qui est ainsi apparu dans certains milieux chrétiens du Ile siècle, non sans influences de la littérature antique, en particulier des romans grecs. En dépit de la diversité de leur origine, les Actes apocryphes ont été lus et même conservés et transmis ensemble, notamment au sein de courants ascétiques plus tardifs, comme le manichéisme. Rédigés par des défenseurs de l'ascétisme, ils ont rencontré le succès chez des ascètes. Chacun d'eux a aussi connu une histoire propre, transmis de manière différenciée, de sorte qu'ils ne nous sont pas tous parvenus dans le même état de conservation. Seuls les Actes de Thomas existent encore intégralement, mais pas dans leur rédaction primitive. Les quatre autres ne sont conservés que partiellement, dans un nombre très différent de manuscrits, parfois en traductions, latine ou en langues orientales. Certains passages ne subsistent par exemple que dans un fragment copte, comme pour les Actes d'André, les Actes de Paul et ceux de Pierre.

AVANT-PROPOS

13

En général, c'est le récit du martyre qui a été le mieux préservé et le plus recopié, car il faisait l'objet d'une lecture liturgique au jour de la fête du saint. Il faut en effet bien mesurer que ces Actes représentent les plus anciens écrits hagiographiques sur les cinq apôtres. C'est pourquoi, malgré les condamnations qui les ont frappés comme apocryphes, ils n'ont jamais totalement cessé d'être recopiés ou traduits. Ils ont aussi donné lieu à des réécritures, à tendance catholicisante, pour en favoriser l'usage ecclésiastique. Nos cinq Actes ne sont pas restés sans postérités, puisqu'ils ont inspiré d'autres écrits plus tardifs (rve-vc siècles). Parmi ceux-ci, on peut mentionner les Actes de Philippe ou des écrits mettant en scène un couple d'apôtres comme les Actes d'André et Matthias et les Actes de Pierre et André.

Introdu ction

TES AcTES D'ANDRÉ sont un long récit qui conduit L l'apôtre du Pont à Patras, en Achaïe, où il meurt crucifié. André va de ville en ville, réalise des miracles, prononce des discours et convertit les foules. Ces discours devaient être nombreux et, pour autant que l'on puisse en juger à partir de ce qui en est conservé, bien construits du point de vue de la rhétorique . Ils formulaient l'essentiel de la pensée de l'auteur et embrassaient l'ensembl e de l'expérien ce spirituelle proposée dans l'œuvre. Celle-ci, d'une réelle qualité littéraire, a été écrite par un anonyme qui ne craint pas de montrer sa culture. L'auteur est très vraisembl ablement un converti, qui a trouvé dans le christianisme ce que l'on peut appeler la véritable philosoph ie, tout en restant très tributaire de la culture et de la pensée de son temps. Il veut transmettr e sa découver te à ses lecteurs. Peut-être a-t-il une visée apologéti que et tente-t-il d'attirer au christianisme des philosoph es en recherche spirituelle, mais sensibles à la qualité des idées et à celle de leur formulatio n littéraire 1• 1. D. R. MACDONA LD, Christianizing Homer. The Odyssey, Plata and The Acts of Andrew, New York & Oxford, Oxford University Press, 1994, pense que l'auteur des Actes d 1André a voulu rédiger une Odyssée chrétienne et s'est, pour ce faire, inspiré de l'œuvre

d'Homère. Il fait également état d'influences de l' lliade, des pièces d'Euripide et des Dialogues de Platon.

16

LES ACTES D'ANDRÉ

De sorte que s'il stigmatise les errances engendrées par un excès de recherches et de débats philosophiques (Actes d'André grecs ch. 7, v. 6), souscrivant en cela à une condamnation du comportement des philosophes et de leurs théories contradictoires, fréquente dans la littérature chrétienne de son temps, il ne renonce pas aux instruments que lui fournit la culture dans laquelle il a été formé. C'est ainsi que le discours des chapitres 56 à 58 des Actes d'André grecs, seule prédication missionnaire qui nous soit conservée dans sa forme primitive, met en œuvre les moyens de la rhétorique antique. On y reconnaît en effet les principaux éléments d'un discours du genre délibératif: l'adresse (56, r), l'argumentation (56, 2-58, 5) et la péroraison (58, 6). Le chapitre 64 (v. r) des Actes d'André grecs laisse penser que l'apocryphe devait se présenter comme l'œuvre de témoins oculaires, à l'instar des Actes de Pierre (21, p. 69, 2-9) et de ceux de jean (rr5, 4) où intervient également la première personne du pluriel. Peut-être ces témoins s'étaient-ils présentés dans le début perdu des Actes, et le personnage qui prend la parole au chapitre 65 devait en être le porte-parole. Par ailleurs,]. Flamion 2 suggère que les philosophes mentionnés dans la Vie d'André de Grégoire (17, 4) étaient peut-être donnés pour des disciples d'André dans la forme primitive des Actes, et que ceux-ci pouvaient se réclamer de leur paternité. Il signale en outre la Lettre 405 d'Innocent I, dont quelques manuscrits indiquent que les Actes d'André furent écrits par les philosophes 2. ]. FLAMION, Les Actes apocryphes de l'apôtre André, p. 263, n.

I.

INTRODUCTION

17

Xénocharidès et Léonidas, supposant que ces deux noms étaient peut-être ceux des philosophes en question, et qu'ils pouvaient figurer dans l'apocryphe. Mais s'il est vrai que les Actes d'André ont dû être rédigés par un philosophe, rien ne permet de confirmer qu'ils se donnaient pour l'œuvre de Xénocharidès et Léonidas. Le texte se présente donc comme une vie d'André; mais le souci biographique n'y est pas déterminant. Le héros n'est certes pas un personnage désincarné et étranger à l'histoire; le récit des pérégrinations comme la volonté de situer historiquement et géographiquement les faits en témoignent. Mais rien n'est dit de l'enfance, ni même de la vocation de l'apôtre, de sa formation, de sa culture, de la manière dont il est devenu ce qu'il est, ou dont il a acquis ce qu'il transmet. Presque rien, non plus, sur son physique ou sur sa psychologie, ni sur une quelconque évolution personnelle entre le début et la fin du récit. Tout l'intérêt porte sur l'activité missionnaire d'André, sur la description de l'économie divine en faveur du salut des hommes et sur la manière dont ceux-ci y adhèrent. Le but est que le lecteur embrasse cette révélation à son tour, ce qu'indique le chapitre 65 des Actes d'André grecs. Les Actes d'André sont, avant tout, un écrit de propagande. Si donc l'auteur a choisi la forme littéraire d'Actes d'un apôtre, de préférence à un traité dans lequel il aurait exposé ses idées, c'est, nous semble-t-il, pour trois raisons. Premièrement, il obéit à un souci pédagogique : il offre une œuvre attrayante, agréable à lire et qui capte l'attention du plus grand nombre. Il s'agit de distraire en instruisant. De plus, et surtout, la mise en scène de la

18

LES ACTES D'ANDRÉ

prédication et de l'action d'André, des convertis et de la façon dont ils acquièrent la connaissance salutaire et en vivent, de leurs difficultés et de leur persévérance, est une manière concrète et vivante de présenter et de provoquer l'expérience spirituelle à laquelle sont conviés les lecteurs. Deuxièmement, raconter la vie d'un 5 Cette 5. Philastre de Brescia, Livre des d{fférentes hérésies (Corpus Christianorum, Series latina 9), p. 255-256.

INTRODUCTIO N

21

attestation présente un double intérêt : elle fournit une précieuse indication sur le contenu des Actes d'André (les pérégrinations d'André du Pont en Grèce), elle laisse penser que l'apocryphe se présentait comme l'œuvre de témoins oculaires. Dans son Contre Félix le Manichéen, rédigé en 404, Augustin écrit ces lignes : «Dans les Actes que Leucius écrivit comme Actes des apôtres, tu as ceci : "Et en effet, les spécieuses imaginations, l'ostentation feinte, la contrainte des choses visibles, ne viennent point de la propre nature, mais de l'homme qui, de par lui-même, s'est rendu pire par séduction." »6 Augustin ne précise pas que cette citation est extraite des Actes d'André, et nous ne l'avons identifiée dans aucune source. Son contenu correspond pourtant à la pensée de l'apocryphe, telle que nous la décrirons plus loin. Elle peut donc fort bien être extraite de celui-ci et attester qu'Augustin en a eu connaissance. Au vc siècle, dans son De la foi contre les Manichéens, Evodius d'Uzala (mort en 424) reprend tout d'abord la citation d'Augustin. Puis il fait deux allusions au contenu des Actes d'André, parfaitement repérables dans les sources dont nous disposons. Il ne s'agit pas d'extraits du texte, mais la précision de ce qui en est rapporté montre que cet évêque en avait une connaissance exacte : « Regardez ce que vous recevez au sujet de Maximilla, femme d'Égéate, dans les Actes de Leucius qu'il écrivit au nom des apôtres. Celle-ci, comme elle ne voulait pas rendre son devoir à son mari (alors que l'Apôtre a dit : « que le mari 6. Augustin, Contre Félix le Manichéen 2, 6 (Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum 25), p. 833.

22

LES ACTES D'ANDRÉ

rende son devoir à sa femme, et de même la femme à son mari»), mit à sa place sa servante, nommée Euclia, auprès de son mari, la parant des artifices et des fards de l'adversaire, comme il est écrit, et la substituant de nuit à sa propre place, en sorte que, à son insu, il couchât avec elle comme avec sa femme. Il est encore écrit en ce livre que, comme cette même Maximilla et Iphidama étaient allées écouter ensemble l'apôtre André, un bel enfant, dans lequel Leucius doit voir ou Dieu ou, du moins, un ange, les confia à l'apôtre André. Il se rendit au prétoire d'Égéate et gagna leur chambre où il imita une voix féminine comme celle de Maximilla se plaignant des douleurs du sexe féminin, et d'Iphidama lui répondant. Quand il entendit ce dialogue, croyant qu'elles étaient là, Égéate se retira. ii 7 Ces différentes attestations présupposent que les Actes d'André avaient dû être traduits en latin.

Chez les priscillianistes Les Actes d'André furent également utilisés chez les priscillianistes, cette secte ascétique qui se développa en Espagne à partir du début de la prédication de Priscillien vers 375. C'est dans ce contexte que le pape Innocent I est amené à dresser une liste de livres canoniques, où il indique que 7. Evodius d'Uzala, De la foi contre les Manichéens 38 (Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum 25), 2, p. 968, 24-969, 6. Le premier de ces épisodes se trouve dans les Actes d'André grecs I7. Le second devait se situer dans une partie perdue, après le chapitre p.

INTRODUCTION

23

les Actes d'André appartiennent aux textes qu'il faut repousser et condamner. Selon certains manuscrits, il précise qu'ils ont été rédigés par les philosophes Nexocharidès et Léonidas. Cette dernière indication est isolée; mais elle doit être rapprochée de celle de Philastre de Brescia sur la rédaction de l'apocryphe par des disciples d'André, et nous donne peut-être une information sur l'identité de leur auteur. La Lettre du Pseudo- Tite, qui émane de milieux ascétiques proches du priscillianisme, fait une claire allusion à un épisode des Actes d'André, et, de manière générale, à leur encratisme 8 . «Lorsqu'André vint finalement à un mariage, lui aussi, pour manifester la gloire de Dieu, défit l'union des époux promis l'un à l'autre, sépara hommes et femmes les uns des autres, et leur enseigna de demeurer saints dans le célibat.» 9 Quant au Décret du pape Gélase, il cite explicitement les Actes d'André au nombre des textes qui, composés et connus par les hérétiques et les schismatiques, ne sont pas reçus par les catholiques 10 .

8. L'encratisme était une forme d'ascétisme extrême qui refusait le mariage, la procréation, la consommation de la viande et du vin. Il existait dans différents courants et était notamment présent en Syrie, en particulier chez Tatien. 9. D. DE BRUYNE, «Nouveaux fragments des Actes de Pierre, de Paul, de jean, d'André et de l'Apocalypse d'Élie», Revue bénédictine 25 (r9o8), p. I49-r6o. 10. Édition parE. VON DoBSCHUTZ, Texte und Untersuchungen 38, 4, Leipzig, I9I2, p. 49-52.

24

LES ACTES D'ANDRÉ

Remaniements catholiques des Actes d'André Malgré les condamnations pontificales, les Actes d'André continuèrent d'être lus et utilisés chez les catholiques; mais non sans qu'on leur ait fait subir des remaniements pour les rendre acceptables à la piété populaire. Nous citerons deux œuvres : -l'Épître des presbytres et diacres d'Achaïe. Datant du vrc siècle, elle est le plus ancien remaniement latin des Actes d'André. Mais elle ne couvre que la fin de l'œuvre, c'est-à-dire le récit du martyre de l'apôtre 11 . C'est sous cette forme que la vie d'André a été popularisée en Occident, par exemple dans le Bréviaire romain; - la Vie d'André par Grégoire de Tours 12 . L'auteur de l'Histoire des Francs a composé cette Vie peu avant sa mort survenue en 593. Dans le prologue, il explique avoir eu les Actes d'André entre les mains, et les avoir retouchés pour en éliminer ce qu'il nomme leur« verbosité». Il est le dernier témoin latin de l'existence intégrale de notre apocryphe, très vraisemblablement sous la forme d'une version latine.

Les Actes d'André dans le monde grec et byzantin Après 8 r 5, Épiphane, moine au couvent de Callistrate à Constantinople, rédigea une Vie d'André 13 , qui va de la 11. Édition par M. BoNNET, Acta Apostolorum Apocrypha, p. 1-37. 12. Édition par M. BoNNET, Gregorii Turonensis liber de miraculis beati Andreae Apostoli (Monumenta Germaniae historica, Scriptores rerum Merovingicarum I), Hanovre, r885, p. 821-846. 13 Épiphane de Callistrate, Vie d'André, (Patrologia graeca 120, col. 2 ro-260).

INTRODUCTIO N

25

vocation de l'apôtre, telle qu'elle est racontée dans l'Évangile de Jean, à son martyre. Cet auteur est clairement tributaire des Actes d'André, mais seulement à la fin de son œuvre, c'est-à-dire à partir de l'arrivée d'André à Patras. Cela tend à montrer qu'à cette époque, il circulait des exemplaires de l'apocryphe qui ne contenaient plus que la fin de celui-ci 14 • Photius, patriarche de Constantinopl e (de 858 à 867, puis de 877 à 886), est le dernier témoin grec de l'existence des Actes d'André, qu'il écrit avoir lus, ainsi que les Actes de Pierre, les Actes de Jean, les Actes de Thomas et les Actes de Paul, dans un livre attribué à Leucius 15 . Mais il ne nous est pas possible de savoir si ce livre contenait l'intégralité des Actes d'André, ou seulement leur fin. La Passion arménienne La Passion arménienne 16 , traduite du grec au VIc ou au VII" siècle, témoigne de la diffusion des Actes d'André en

Arménie à cette époque. Mais, comme elle ne reproduit 14. On peut faire la même observation au sujet du Martyre du saint apôtre André (édition par M. BONNET, Analecta Bollandiana 13, 1894, p. 353-372). Ce texte ne suit les Actes d'André qu'à partir de son chapitre 9, c'est-à-dire à partir de l'arrivée d'André à Patras Mais ce Martyre est trop éloigné des Actes d'André pour servir à leur reconstitution. 15. Photius, Bibliothèque, Codex 14. Édition parR. HENRY (Collection des Universités de France), Paris, Les belles lettres, 1960, tome II, p. 84. 16. Édition arménienne par Ch. TcHÉRAKIAN, Écrits apostoliques non canoniques, Venise, 1904, p. 146-167. Traduction française par L. LELOIR, Écrits apocryphes sur les apôtres, (Corpus Christianorum, Series Apocryphorum 3), Turnhout, Brepols, 1986, p. 228-257.

26

LES ACTES D'ANDRÉ

que la fin du texte (le récit du martyre et une partie du discours qui le précède), on se demande si le traducteur disposait d'un exemplaire complet de l'œuvre, ou seulement de sa dernière partie.

Conclusion : une œuvre largement connue Entre le me et le rxe siècle, les Actes d'André ont été connus et lus partout: Afrique, Égypte, Palestine, Syrie, Arménie, Asie Mineure, Grèce, Italie, Gaule, Espagne. Ils ont rencontré un succès particulier dans les milieux à tendance dualiste et ascétique, notamment chez les manichéens et les priscillianistes. Ils ont été l'objet de condamnations répétées. Cela n'a toutefois pas entraîné leur disparition, mais leur survie sous la forme de remaniements et d'extraits, en particulier ceux qui ont permis la reconstitution partielle des Actes traduite ci-après. On perd leur trace dès le VIe siècle en Occident, et au rxc en Orient.

La pensée des Actes d'André Au fil des discours conservés dans les témoins grecs des Actes d'André, se développe une pensée théologique claire et cohérente. Elle décrit essentiellement un processus de salut que l'on peut synthétiser en plusieurs points.

La condition de l'homme avant la révélation Selon les Actes d'André, la condition humaine est marquée par la déchéance d'un élément d'ordre supérieur, parent de Dieu, qui s'est uni au corps charnel qui lui est

INTRODUCTION

27

inférieur. Trois passages des Actes d'André grecs évoquent cette chute: 37, 6; 47, 3; 49, 4· L'élément supérieur y est tour à tour appelé : « intellect », « âme )) , « celui qui est sans commencement». Les chapitres 37 (v. 6) et 49 (v. 4) constatent que cette déchéance s'est produite pour la première fois en Adam et Ève, et que cet événement se situe au commencement de toutes choses. Mais ils ne précisent pas les raisons de la chute, ni si Adam et Ève en sont responsables. L'élément supérieur est comme emprisonné, soumis à des réalités négatives auxquelles il est fondamentalement étranger et qui sont énumérées au chapitre 3 3 (v. 3) : le temps, le mouvement, le devenir. Le temps. Dans les Actes d'André grecs, le temps est perçu comme profondément négatif. Au verset 3 du chapitre 57, André prescrit de fuir cette vie «esclave du temps», et au verset 4, il déclare que son âme s'élance vers« ce qui est au-dessus du temps». Cette conception négative du temps se retrouve dans la gnose. Il faut en sortir, non s'y soumettre. Dans la gnose comme dans les Actes d'André, le temps est lié au mouvement et au devenir. Quant à l'hellénisme, il lie temps et mouvement, le second déterminant la nature cyclique du premier. Le mouvement. Au chapitre 37 (v. 3), Maximilla est exhortée à ne pas être ébranlée par le discours d'Égéate. Au chapitre 58 (v. 5), l'agitation caractérise le comportement diabolique. Les Actes d'André rejettent de la même façon ce qui est passager (4 7, r), inconstant, changeant (47, 2). Au chapitre 62 (v. 8), André souligne que la mer, parente d'Égéate, est agitée. Les qualités célébrées par les Actes d'André sont, au contraire, ce

28

LES ACTES D'ANDRÉ

qui demeure (33, 6; 47, 2), ce qui est solide (ro, r), inébranlable (ro, r; 53, 4). Et l'objectif est d'accéder au repos. Le devenir. Ce mot désigne la situation de captivité de l'âme, avec tout ce que cela implique d'esclavages de toutes natures. Il est toujours pris en mauvaise part (voir 12, 2). Une autre catégorie négative qui marque la condition précédant la révélation est celle d' « extérieur )) mentionnée au chapitre 53 (v. 7). Elle est liée au devenir, au corps, aux soucis du monde et a le sens d'« étranger», d'« ennemi». Elle recouvre la notion de > (1 Jn 2, 23 et 5, 12; 2 Jn 9). Ces résonances laissent penser que l'auteur des Actes d'André a pu connaître cette littérature et s'en inspirer. La rareté des allusions bibliques milite pourtant en faveur d'une origine du texte assez précoce. D'autres arguments justifient une telle datation. Ce sont les mêmes qui poussent E. Junod et J.-D. Kaestli 27 à situer la rédaction des Actes de Jean à la même époque que celle que nous proposons pour les Actes d'André. Or les deux apocryphes présentent d'évidentes affinités, tant sur le plan de la forme que sur celui du fond, et nous

27. E. JUNOD & J.-D.

KAESTLI,

Acta Iohannis, p. 695.

INTRODUCTION

53

pensons que l'auteur des Actes d'André a connu ceux de 28 . La christologie singulière du texte, son absence de référence au Jésus historique et biblique, sa distance envers toute forme d'institution et de rite ecclésiastique, de même que le ton serein et dépourvu de toute polémique avec lequel les Actes d'André développent des idées aussi hétérodoxes, montrent que nous nous situons à une époque où la christologie et l'organisation de la Grande Église n'ont pas encore reçu de contours fermes. Quant au lieu d'origine, rien ne pousse à trancher en faveur d'une région plutôt que d'une autre. Le texte peut avoir été rédigé aussi bien en Grèce, en Asie Mineure, en Syrie ou en Égypte. Alexandrie, en particulier, pourrait être le milieu spirituel et intellectuel où un tel écrit a vu le jour. C'est dans ce milieu que Junod et Kaestli situent également la rédaction des Actes de Jean. En outre, les Actes d'André ont de grandes affinités de pensée avec l'Authentikos Logos et Les Leçons de Silvanos, deux écrits d'origine alexandrine datant du Ile siècle.

Jean

28. Plusieurs points communs significatifs nous laissent aussi penser que l'auteur des Actes d'André a connu les Actes de Pierre. Ce que pourrait en outre laisser penser la conjonction des deux apôtres dans la Vie d'André de Grégoire (20, 2). Mais, si cette hypothèse est juste, il faut admettre que la forme des Actes de Pierre connue par l'auteur des Actes d'André n'était pas celle qui est conservée dans la version latine de Verceil. Celle-ci présente, en effet, une christologie plus classique et de fréquentes allusions à la vie terrestre du Christ et à son enseignement. Elle reflète en outre une organisation ecclésiastique plus développée et donc plus tardive que celle des Actes d'André. Par ailleurs, nous admettons que les Actes d'André étaient connus des auteurs des Actes de Thomas et des Actes de Paul.

54

ACTES D'ANDRÉ

L'auteur des Actes d'André n'était pas un chrétien isolé, et l'Évangile lui avait certainement été communiqué par d'autres croyants. D'ailleurs, les Actes d'André grecs (ch. 65) mentionnent explicitement un groupe d'adeptes. Si l'on admet que cet auteur a pu introduire lui-même une part des idées qu'il développe, l'Évangile qui lui a été annoncé n'était vraisemblablement pas très différent de celui qu'il transmet dans son écrit. La communauté à laquelle il appartenait ne devait pas représenter un christianisme populaire, mais former plutôt une société restreinte. On voit mal, en effet, comment une spiritualité aussi exigeante sur le plan éthique aurait pu se développer sur une grande échelle. Cette communauté devait être composée d'hommes et de femmes très marqués par l'idéalisme philosophique contemporain, qui se réunissaient dans le sentiment aigu de leur différence par rapport à ceux qui n'avaient pas accepté le message chrétien. Une communauté peu ritualiste, dont le souci d'organisation était très faible, sinon absent, et qui cherchait à se conformer à l'idéal spirituel, éthique et communautaire formulé dans les Actes d'André, dans l'attente de la mort, libération finale. Porteuse d'un message, elle devait se sentir missionnaire.

Notice sur les documents anciens

ne nous sont pas parvenus dans L l'intégralité de leur texte grec primitif Les documents qui permettent de les reconstituer partiellement sont de cinq types. TES ACTES D'ANDRÉ

La Vie d'André de Grégoire de Tours Au vre siècle, l'évêque de Tours, Grégoire, a eu entre les mains le dernier exemplaire complet attesté des Actes d'André, et en a fait un résumé. Il devait s'agir d'une version latine. Comme Grégoire le précise aux versets 6 et 7 de son introduction, il a essentiellement laissé de côté les discours pour ne conserver que les prodiges. De sorte que son travail est une source inestimable, car il résume l'œuvre de bout en bout, et permet d'en connaître le plan général, ainsi que l'ensemble du récit des pérégrinations d'André. La comparaison de l'œuvre de Grégoire avec les sources qui reproduisent des éléments primitifs des Actes d'André (principalement le papyrus copte Utrecht 1, la Vie d'André de Nicétas le Paphlagonien et les Actes d'André grecs) est instructive. Elle montre que Grégoire a effectivement expurgé les discours, qu'il a dû souvent modifier la structure du récit et qu'il a infléchi l'œuvre dans un sens acceptable pour une conscience catholique, notamment en introduisant de nombreuses allusions aux textes bibliques. À partir du chapitre 36, il résume très

56

LES ACTES D'ANDRÉ

succinctement le récit du martyre, renvoyant à une Passion qui lui paraît recom.mandable. Nous pensons que le récit du premier chapitre de cette Vie ne devait pas faire partie de la forme primitive des Actes d'André. Cet épisode introduit en effet une incohérence dans l'itinéraire d'André, tel que l'atteste Philastre de Brescia (Livre des différentes hérésies 88, 5-7) qui a connu l'apocryphe et selon qui l'apôtre allait« du Pont en Grèce». Grégoire écrit qu'André se trouvait en Achaïe au début de l'épisode (1, 1), puis ille fait retourner « dans sa région » (2, r). L'évêque introduit de manière artificielle ce récit qu'il a dû connaître à travers une des versions latines des Actes d'André et Matthias, à moins que l'épisode ne figurât, peut-être déjà résumé (car les Actes d'André et Matthias, que nous possédons, sont un texte très long), au début de l'exemplaire des Actes d'André dont il disposait 1 . D'autres indices font entrevoir des modifications apportées par Grégoire à sa source. Ainsi les Actes de Jean par Prochore (p. 135, 12-p. 150, 12) aident à clarifier et à compléter le chapitre 4, car ils contiennent un récit comparable, vraisemblablement inspiré des Actes d'André. Dans la Vie de Grégoire, un jeune chrétien, en butte aux désirs incestueux de sa mère, se réfugie auprès d'André. Tous deux sont arrêtés et traduits devant le proconsul de la ville. La mère accuse son fils d'inceste et de s'être lié à L D. R. MAcDONALD pense, lui, que les Actes d'André et Matthias faisaient partie des Actes d'André primitifs: The Acts rif Andrew and the Acts rif Andrew and Matthias in the City of the Cannibals (Texts and Translations 33, Christian Apocrypha Number r), Atlanta, Scholars Press, I990.

LES DOCUMENTS ANCIENS

57

l'apôtre. Sur quoi le proconsul décide de faire périr le jeune homme et André. Il est possible que, dans les Actes d'André primitifs comme dans les Actes de Jean, l'inceste ait eu pour raison la crainte de la mère qu'un éventuel mariage de son fils ne provoquât la fuite de leurs biens. Ensuite, si André avait été accusé, comme Jean, de pousser l'enfant à l'inceste, cela expliquerait mieux la violence de la réaction du proconsul contre lui. Enfin, il est vraisemblable que, comme les Actes de Jean, les Actes d'André aient raconté la guérison et la conversion finales de la mère. Le chapitre r r de la Vie de Grégoire, qui raconte comment André intervint pour arrêter les noces de cousins, présente quelques difficultés. D'où vient la volonté insistante de Grégoire d'éviter l'accusation de s'opposer au mariage en tant que tel et pas seulement aux mariages incestueux (v. 7)? Pourquoi déplacer André dans le seul but de lui faire parler contre l'inceste, ce qui, à première vue, devrait aller de soi? N'est-ce pas que les Actes d'André narraient primitivement non pas l'empêchement d'une union incestueuse, mais celui d'un mariage pur et simple? Cela aura choqué Grégoire, qui aura transformé l'épisode, tout en soulignant, pour que ne subsiste aucune ambiguïté, qu'André ne s'oppose pas au mariage tel que Dieu l'a voulu. Cette hypothèse concorde avec le rejet du mariage effectivement formulé par les Actes d'André grecs. De plus, elle est soutenue par la Lettre du Pseudo-Tite, qui rapporte qu'André vint à un mariage défaire des époux promis l'un à l'autre et enseigner de demeurer saint dans le célibat 2 . Cet épisode 2. Voir l'Introduction, p. 23.

58

LES ACTES D'ANDRÉ

serait alors comparable à celui de l'Acte 1 des Actes de Thomas. La Vie d'André de Grégoire de Tours a été éditée par M. BONNET, Gregorii Turonensis liber de miraculis Andreae Apostolii. Monumenta Germaniae historica, Scriptores rerum Merovingicarum 1, Hanovre, 1885, p. 821-846. Cette édition, reproduite dans notre ouvrage o.-M. PRIEUR, Acta Andreae, p. 564-651), est celle qui est traduite ici.

Le Papyrus copte Utrecht 1 Le papyrus copte Utrecht 1 contient la traduction d'un extrait des Actes d'André, qui correspond au chapitre 18 de la Vie d'André de Grégoire de Tours. Cet extrait s'achève par ce titre : « L'Acte d'André ». Il occupait les pages 1 à 1 5 du manuscrit, mais les huit premières pages sont perdues. Les pages 1 1 et 12 manquent également, et le bas des folios est mal conservé. Des influences du Nouveau Testament, plus nettes que dans les Actes d'André grecs (ainsi p. 14, 1. r6-24), conduisent à se demander si le traducteur copte n'a pas introduit quelques éléments qui ne figuraient pas dans son document. Ce texte a été édité par R. VAN DEN BROEK, dans ].-M. PRIEUR, Acta Andreae, p. 656-671. La traduction que nous donnons se fonde sur cette édition.

LES DOCUMENTS ANCIENS

59

Cinq recensions grecques du récit du martyre

La fin des Actes d'André, c'est-à-dire le récit du martyre et une partie de ce qui le précède, est conservée dans cinq recensions grecques. Il s'agit de documents qui reproduisent le texte primitif, mais n'en couvrent pas tous la même portion et n'en ont pas toujours conservé les mêmes éléments. C'est à partir de ces cinq formes textuelles que nous avons reconstitué le texte grec de la fin des Actes d'André, les Actes d'André grecs que nous traduisons ici. Ces Actes d'André grecs sont édités dans J.-M. PRIEUR, Acta Andreae, p. 442-549. Voici les cinq recensions: 1- La Passion d'André conservée dans deux manuscrits: Sinaï grec 526 (fol. 121V-132V) du xe siècle, Jérusalem, Saint-Sabas 103 (fol. 155r-168v) du XIIe siècle. La plus longue des cinq recensions, elle raconte ce que fit et dit André à Patras, avant le récit du martyre (ch. 150 des Actes d'André grecs), et couvre l'ensemble de celuici (ch. 51-6 5), jusqu'à la fin des Actes d'André. La comparaison avec la Passion arménienne (voir ci-dessous) montre qu'elle n'a pas conservé tous les éléments du texte original. Le scribe qui est à l'origine de cette recension a en particulier effectué des coupes dans les discours. Édition par Th. DÉTORAKIS, «An unpublished Martyrdom of St. Andrew the Apostle », dans Acts if the second international Congress if Peloponnesian Studies I, Athènes, 1981-1982, p. 325-352.

60

LES ACTES D'ANDRÉ

L'extrait conservé dans le codex du Vatican, grec SoS (fol. 507r-5 12v) du XIe siècle. Ce fragment d'Actes d'André est mutilé au début et à la fin. Il trouve place dans la trame narrative de la Passion d'André présentée ci-dessus, et s'achève juste avant le début du récit du martyre. Il reproduit l'intégralité de la portion des Actes d'André qu'il couvre, soit les chapitres 33 à 50 des Actes d'André grecs. Édition par M. BONNET, Acta Apostolorum Apocrypha, p. 3S-45· 2-

3- La Passion d'André conservée dans le manuscrit d'Ann Arbor 36 (fol. 6or-66v) du xrve-xve siècle. Cette Passion inédite couvre le récit du martyre et débute tout de suite après la fin mutilée du codex du Vatican gr. SoS. Comme la Passion présentée ci-dessus, elle n'a pas conservé tous les éléments du texte primitif, et ce sont les discours qui ont été les victimes des coupes. Mais les lacunes ne sont pas les mêmes, ce qui montre que les deux formes textuelles ne dépendent pas l'une de l'autre et remontent à un même ancêtre commun: les Actes d'André. 4- La Passion d'André contenue dans les manuscrits de Paris, Bibliothèque nationale, grec 770 (fol. 43v-46r) de l'année 13 r 5, et de Jérusalem, Saint-Sabas 3o (fol. r 54vrs6v) du Xe-'Xle siècle. Comme celle du manuscrit d'Ann Arbor, cette Passion couvre tout le récit du martyre, mais avec des coupes beaucoup plus nombreuses et importantes. Édition par M. BoNNET, Acta Apostolorum Apocrypha, p. 5S-64.

LES DOCUMENTS ANCIENS

61

s- La Passion d'André conservée dans le manuscrit de Paris, Bibliothèque nationale, grec 1539 (fol. 304r-305v) du xc-XIe siècle. Cette Passion couvre également l'ensemble du récit du martyre, mais avec des coupes encore plus importantes que dans la précédente. Édition par M. BONNET, Acta Apostolorum Apocrypha, p. 58-64. Dans cette édition, ce texte est disposé sous le précédent. La Passion arménienne La Passion arménienne, qui date du VIe siècle, est une version complète de la fin des Actes d'André. Elle couvre le récit du martyre ainsi qu'une partie du discours prononcé juste avant par André en prison (ch. 47-65 des Actes d'André grecs), et conserve des portions de texte omises par l'ensemble des témoins grecs qui lui correspondent. Le traducteur se montre tantôt très proche de sa source, tantôt très libre avec elle. li l'infléchit notamment dans un sens plus « orthodoxe» et biblique. De plus, il se peut qu'il ait ajouté l'allégorie de l'aigle des chapitres I2 à 15 (qui prendrait place dans le chapitre 53 des Actes d'André grecs). Nous intégrons dans notre traduction des Actes d'André grecs, en les distinguant typographiquement, les fragments de cette Passion qui ne sont conservés par aucun témoin grec. Ces fragments sont empruntés à la traduction de L. LELOIR, Écrits apocryphes des apôtres, p. 228-257. Cette édition a été effectuée à partir de l'édition de Ch. TCHÉRAKIAN, Écrits apostoliques non-canoniques, Venise, 1904, p. 146-167.

62

LES ACTES D'ANDRÉ

Des extraits d'Actes d'André conservés dans des remaniements grecs

Trois Vies ou Passions d'André, dépendant des Actes d'André, ont conservé des extraits grecs de l'apocryphe. Ce sont:

Une des formes grecques de l'Épître des presbytres et diacres d'Achaïe. Cette Épître, rédigée en latin, a connu deux principales traductions grecques. L'une d'elles inclut d'importants passages extraits du récit du martyre des Actes d'André primitifs, parfaitement repérables dans les autres témoins grecs. Nous avons intégré les variantes de ces extraits dans notre édition des Actes d'A nd ré grecs. Édition par M. BONNET, Acta Apostolorum Apocrypha, p. 1-37. Les trois.formes de l'Épître y sont placées l'une en dessous de l'autre. Celle dont il est question ici se trouve en troisième position. Les extraits des Actes d'André primitifs figurent dans les chapitres 1 o à r 5. A. AMIOT a donné une traduction française de la forme latine de l'Épître dans La Bible apocryphe, Éllangiles apocryphes, Paris, Fayard, r952, p. 253-261.

Deux récits dépendant d'une même réllision des Actes d'André Deux récits, qui dépendent d'une même révision des Actes d'André, contiennent des fragments du texte pri-

LES DOCUMENTS ANCIENS

63

mitif Ce sont la Passion grecque 3 (vme siècle) et la Vie d'André de Nicétas le Paphlagonien 4 (rxc-xc siècle). La Vie d'André de Nicétas est un remaniement de la Vie d'André d'Épiphane de Callistrate 5 , dont elle reproduit l'ensemble de la trame narrative et avec laquelle elle possède de nombreux passages communs. Mais, à partir de l'arrivée d'André à Patras (ch. 33 de la Vie de Nicétas), elle intègre des éléments supplémentaires. Or plusieurs de ces éléments se retrouvent dans la Passion grecque qui débute, elle, à l'arrivée à Patras: conversion de la ville de Patras et du proconsul Lesbios (Passion grecque 3-8 et Vie d'André 34-37), discours à la croix (Passion grecque 14 et Vie d'André 46). La Vie d'André (ch. 43) possède en outre le récit de la guérison du serviteur du frère d'Égéate, successeur de Lesbios, qui figure en termes identiques aux chapitres r à r o des Actes d'André grecs, et quelques lignes (ch. 48, p. 348, 1. 8-22) identifiables dans le chapitre 62 de ces mêmes Actes d'André grecs. Elle présente enfin (ch. 4 r) un récit de guérison à Patras qui correspond au chapitre 33 de la Vie d'André de Grégoire de Tours. La comparaison des passages parallèles de la Passion grecque et de la Vie d'André de Nicétas, entre eux et avec les autres témoins (Actes d'André grecs, Passion arménienne),

3. Édition dans J.-M. PRIEUR, Acta Andrcae, (Corpus Christianorum, Series Apocryphorum 6), Turnhout, Brepols, 1989, p. 684-703 (=Martyrium prius). 4. Édition par M. BONNET, dans Analecta Bollandiana 13 (1894), p. 311-352. 5. Épiphane de Callistrate, Vie d'André (Patrologia graeca uo), col. 216-260.

64

LES ACTES D'ANDRÉ

montre ceci : d'une part ces deux formes textuelles ne dépendent pas l'une de l'autre, mais remontent à un. modèle commun, d'autre part ce modèle n'était pas exactement conforme aux Actes d'André primitifs, mais présentait des différences textuelles avec eux et ne conservait que le récit des actes d'André à Patras. Les éléments conservés par ces deux textes sont pourtant précieux pour la reconstitution des Actes d'André, et nous avons indiqué certaines de leurs variantes dans notre édition des Actes d'André grecs.

Les Actes d'André Traductions

~.\c.bll~tf

t.}J.

.. ...

,,

lxruëu~e,,,\ll11cf>unfq11· 1:om~"S

~dl,.-tll._f41>1~.

qtrtMn1MD'P=Uft*"Ct6uu:ttC

~"'""""""' ...,.-'*~'*

~fcuut'G)OC(I:Ioltnot~

~~-,

~U~bad

~~tQII)QÎi~ -~t'CMt'4.$fba\n:.'!.ltu.

..,..,~l*mi

--~-C.,.,. cb)c:u:mommft~t'l'ltl'tQt.c(mttt ·

UUS.f!'ICmCitA\(~'to:llttl(ln

otlt\ld.lugtckucaonc·'mMtttfatt;

flm~fredlAtiiaa:!oeuupnf'

-:'OOn"""'l!>pl(

---"""""' ,.....,....,,_""""""

_ __ """"''"''i'td> fn&t~ut!\anntmoru.

olf,Ud~.QUf~~

~f«tl.utettttWU.ucrû:~

~MUJC~mi!C~Uttal.

neebo1:rl1d~~lt

oftftloœ~mmaa.~

c~anat~\\-im1tmltllcrw'

~"" m~pl>-

-.....,.fmdst'

mmil~""

mntr. $(1~d nrtvnrnf1r rF•

tw~~umtmt"'

....,.;~p""..-;f

.m».frf\qwdunac~rmrq.

'l

~mqu.unol]yfuwriitlfl' !U5

i;.~..;.~~

,.,.,,.,__,.~""""' '

~.âttmcr:ttltt~~.

-~~MIQ~ ':.lr•dnmfurqu~crtnfrndl

~""""':.,..~ .

tattnmUbU:ttotupt{l:l$7ttanqullq'

-

~

-

..sœ~c::::•."" '"sso....e"' ,,pPrttrtt'.!>tcbcmqlcMtt~ia.lm'

==-~-~;:;

occ:.~l.\nl.tmmftutlm.ut •

""""-""'~ wascmtnputnUSltftt s==

bUI~~ptold~.

~~DOUUf.lono ·

m~~!riithâ't'Wt

=~=~

~._....""' ..,_._..,.,,.!onu

""""~,.,., 't\l$~"1b:.t~

~tsbtâ~UJ

.. -----·i!ir"""""""""· ...

\tr.qllla~ll't*m~nz:b(.

~U;Wcm~':q~n.iu

s.noa.tvuciaco~ .tt'll!nœt\:u!ua-~

·

~·l~"'tmu~imbr{a;·

=~

t u ,; ,. ,.

\t1ttt·tr v1r.\ .

t' "' Il

~1ttmJitbUm11.tf,c:o.'0(1'f'h\1 III:IWSfuc:m:..~.

f!oWUit«'rttafi~m'irn~btttutrc:

~fl•h: u

,.. u:outl'uat«u.rbs~pttpll l - lt'm'~l>t*tfhP'lJ"U'ClUU.pt'CI .

tncft:t:t;Ottmta:pUtp:ntlCeu':'luutR· ·

trt~;t-t'W'!'Oenwî~l;xtntWt\ur.ucbt

~l1u.:i.ut!oU"tKZ'n."'

\U.cQ....""Wt:'lntl"'Q.ntn~mo-mmq

Début de la Vie d'André par Grégoire de Tours dans le ms. Montpellier, bibliothèque universitaire, École de médecine (cliché bibliothèque universitaire).

..

àltC'QirtO\~Ci> IO Et aussitôt une grande crainte s'abattit sur les habitants de cette ville, qui, après avoir libéré l'apôtre, lui dirent : « Nous avons péché contre toi, ignorant ce que nous faisions. C'est pourquoi nous te demandons,

72

VIE D'ANDRÉ PAR GRÉGOIRE

Seigneur, de nous remettre cette faute et de nous montrer la voie du salut, de peur que la colère de Dieu ne descende sur cette ville. '> 1 I Ce disant, ils s'étaient prosternés à terre aux pieds d'André. Quand ils se furent relevés, ille ur annonça le Seigneur Jésus-Christ, les merveilles qu'il avait faites en ce monde et comment il avait racheté par son propre sang ce monde qui allait à sa perte. Et ils crurent et furent baptisés au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit 8 , recevant le pardon de leurs péchés. Guérison d'un aveugle

Alors André quitta ce lieu et se rendit dans sa région. Comme il faisait route avec ses disciples, un aveugle s'approcha de lui et dit: «André, apôtre du Christ, je sais que tu peux me rendre la vue, mais je ne veux pas la recouvrer; je te demande seulement d'ordonner à ceux qui sont avec toi de me donner de l'argent pour me procurer un vêtement convenable et de la nourriture. '> 2 Le bienheureux André lui dit : «En vérité, je reconnais que ce n'est pas une voix d'homme, mais celle du diable qui ne permet pas à cet homme de recouvrer la vue. 1> Il se tourna vers lui, lui toucha les yeux, et aussitôt l'aveugle reçut la lumière et glorifia Dieu. 3 Comme il avait un habit médiocre et grossier, l'apôtre dit: «Ôtez-lui ces vêtements crasseux et donnez-lui un habit nouveau. 1> 2 I

8. Grégoire a sans doute introduit ce sacrement, dont les Ac And ne devaient pas connaître la pratique. Au chapitre ro (v. 2), les Ac And grecs évoquent le sceau, dont la nature est incertaine (voir l'Introduction, p. 41-42).

TRADUCTION

73

Comme ils se dépouillaient presque tous, l'apôtre dit: «Qu'il reçoive ce qui suffit.» C'est ainsi qu'ayant reçu un vêtement, il remercia et rentra chez lui.

Résurrection d'un serviteur 3 9 I Démétrius, premier de la ville des Amaséens, avait un serviteur égyptien qu'il affectionnait d'un amour unique. Celui-ci fut pris d'une fièvre et rendit l'esprit. Ayant entendu parler des signes que faisait le bienheureux apôtre, Démétrius vint à lui et dit, s'étant jeté en pleurs à ses pieds : 2 «Je suis certain que rien ne t'est difficile, serviteur de Dieu. Or voici que mon serviteur, que je chérissais d'une manière unique, est mort. Je te demande de venir dans ma maison et de me le rendre. » 3 Quand il entendit cela, le bienheureux apôtre eut pitié de ses larmes, se rendit à la maison où gisait le serviteur et, ayant prêché longuement ce qui concernait le salut du peuple, se tourna vers le brancard et dit : 4 « Serviteur, je te l'ordonne au nom de Jésus-Christ, Fils de Dieu, lève-toi et sois guéri! » Aussitôt le serviteur égyptien se leva, et l'apôtre le rendit à son maître. Alors tous ceux qui étaient incrédules crurent en Dieu et furent baptisés par le saint apôtre.

9. L'épisode raconté dans ce chapitre est comparable à celui de la guérison d'Alcmanès, serviteur affectionné de Stratoclès (Ac And grecs 2-5). Les deux récits constituent donc un doublet au sein de l'œuvre.

74

VIE D'ANDRÉ PAR GRÉGOIRE

Sostratus, le jeune homme que sa mère avait accusé

4 10 r Un jeune chrétien nommé Sostratus vint secrètement auprès du bienheureux André et lui dit : «Ma mère s'est éprise de ma beauté et me poursuit sans cesse pour que je m'unisse à elle. Or moi, exécrant cette infamie,je me suis enfui. Mais elle, remplie de fiel, s'est rendue auprès du proconsul 11 afin de rejeter sur moi son propre crime. 2 Et je sais qu'accusé, je ne répondrai rien à ces griefs, car je préfère perdre la vie plutôt que de dévoiler le crime de ma mère. Maintenant je t'avoue ces choses pour que tu daignes supplier le Seigneur en ma faveur, de crainte que, malgré mon innocence, je ne sois privé de cette vie. » 3 Comme il lui disait cela, les serviteurs du proconsul vinrent l'arrêter. Mais le bienheureux apôtre fit une prière, se leva et accompagna le jeune homme. Sa mère l'accusait avec insistance, disant: «Celuici, seigneur proconsul, oubliant tout sentiment de piété envers sa mère, s'est tourné vers moi avec impudeur, et c'est avec peine que j'ai pu m'échapper pour ne pas être violée. » 4 Le proconsul lui dit : > Comme il disait cela, une humeur s'échappa de ses parties inférieures, et elle fut guérie ainsi que son mari. 6 Le bienheureux apôtre rompit le pain 13 et le lui donna. Elle le reçut avec action de grâce et crut dans le Seigneur avec toute sa maison. Ni elle ni son mari ne commirent plus par la suite le crime auquel ils s'étaient livrés. Plus tard, Gratinus envoya au saint apôtre de grands présents par ses serviteurs. 7 Il vint ensuite lui-même avec sa femme et, s'étant prosternés devant lui, ils lui demandèrent d'accepter leurs présents. Mais il leur dit: «Il ne m'appartient pas d'accepter cela, mes bien-aimés, mais il vous appartient plutôt de le distribuer aux pauvres. » Et il n'accepta rien de ce qu'on lui offrait 14 .

Les sept démons chassés de Nicée 6 r Après cela, il se rendit à Nicée, où se trouvaient sept démons demeurant au milieu des tombeaux 15 sis le long de la route. Ils lapidaient les passants en plein jour

13. On trouve un même geste au chapitre 20 (v. II). Cette façon de désigner la Cène est héritée du Nouveau Testament: Ac 2, 42 et 46; 20, 7· Mais on peut se demander si une telle célébration figurait primitivement dans ce passage, car il semble que les Ac And n'attestaient pas cette pratique (voir l'Introduction, p. 40). 14. Le refus des présents après un miracle est un thème fréquent dans les Ac And. Il contribue à écarter de l'apôtre l'accusation de magie, en même temps qu'il rejoint l'exigence de détachement des biens de ce monde. On le trouve également dans les Actes de Jean (ch. 56-57) et dans les Actes de Thomas (ch. 62). 15. Les tombeaux et les lieux déserts sont des séjours recherchés par les démons (voir Mc 5, 3).

78

VIE D'ANDRÉ PAR GRÉGOIRE

et avaient déjà donné la mort à bien des gens. Comme le bienheureux apôtre arrivait, toute la ville sortit à sa rencontre avec des rameaux d'olivier, proclamant ses louanges et disant: 2 «Notre salut est dans tes mains, homme de Dieu. »Lorsqu'ils lui eurent exposé toute l'affaire, le bienheureux apôtre dit: «Si vous croyez au Seigneur JésusChrist, Fils du Dieu tout-puissant, un seul Dieu avec le Saint-Esprit 16 , vous serez libérés par son aide de ces attaques des démons.)) Et ils s'écrièrent: 3 «Quoi que tu prêches, nous le croirons et obéirons à tes ordres, pourvu que nous soyons libérés de ce fléau ! )) Il rendit grâce à Dieu pour leur foi et ordonna aux démons eux-mêmes de se présenter à la vue de tout le peuple. Ceux-ci vinrent sous la forme de chiens. Le bienheureux apôtre se tourna vers le peuple et dit: «Voici les démons qui ont été vos ennemis. 4 Or si vous croyez qu'au nom de JésusChrist je peux leur ordonner de s'éloigner de vous, déclarez-le devant moi.)) Et ils s'exclamèrent: «Nous croyons que Jésus-Christ, celui que tu prêches, est le Fils de Dieu ! )) 5 Alors le bienheureux André donna cet ordre aux démons : « Allez en un endroit désert et stérile où vous ne nuirez plus du tout à personne, n'ayant plus accès à aucun lieu où est invoqué le nom du Seigneur, jusqu'à ce que vous receviez le supplice du feu éternel qui vous est dû. )) 6 Comme il disait cela, les démons, poussant des 16. Pas plus que la doxologie du chapitre 65 (v. 4) des Ac And grecs, une confession de foi trinitaire ne peut avoir figuré dans les Ac And primitifs. Ceux-ci semblent, au contraire, ne pas avoir distingué entre les personnes de la Trinité (voir l'Introduction, p. 45-46).

TRADUCT ION

79

rugissements, disparuren t aux yeux de ceux qui étaient présents, et c'est ainsi que la ville fut libérée. Le bienheureux apôtre les baptisa et institua pour eux un évêque, Calestus 17 , homme sage et gardant d'une manière irréprochable ce qu'il avait reçu du maître. Résurrection d'un mort 7 r Après cela, comme il s'approch ait de la porte de Nicomédi e, voici qu'on portait un mort sur une litière. Le père de ce dernier, un vieillard, soutenu par les mains de ses serviteurs, arrivait à peine à accomplir les devoirs funèbres. 2 La mère aussi, accablée par l'âge, les cheveux épars, suivait le cadavre en poussant des cris et en disant : «Pauvre de moi, qui suis arrivée jusqu'à cet âge pour consacrer à la sépulture de mon fils les préparatifs de ma propre sépulture ! » 3 Comme ils suivaient le cadavre en criant et en proférant ces paroles et d'autres du même genre, l'apôtre de Dieu s'approch a, pris de compassion pour leurs larmes, et dit : « Dites-mo i, je vous prie, ce qui est arrivé à cet enfant pour qu'il quitte la lumière. » 4 Mais comme, par peur, ils ne répondaie nt rien, l'apôtre apprit ceci des serviteurs : «Alors que ce jeune homme se trouvait seul dans sa chambre, sept chiens firent tout à coup irruption et se précipitè rent sur lui. Affreusement déchiquet é par eux, il tomba et mourut. » Alors 17. C'est le seul endroit où Grégoire parle d'un évêque. On ne sait d'où il tire le nom de celui-ci. Il est très vraisemblable qu'il n'en était pas question dans les Ac And primitifs qui ne manifestaient aucun intérêt pour les structures ecclésiales (voir l'Introducti on, p. 40).

80

VIE D'ANDRÉ PAR GRÉGOIRE

le bienheureux apôtre soupira, leva les yeux au ciel et dit en versant des larmes: 5 10 Et le saint apôtre leur dit : >: c'est ainsi qu'André apostrophe ses auditeurs dans les Ac And grecs (48, 1). 25_ Le verset IO rappelle le discours des Ac And grecs r r et r2.

TRADUCTION

85

nxuos et ses parents

Il y avait à Thessalonique un jeune garçon, très noble et riche, qui se nommait Exuos. Il vint voir l'apôtre à l'insu de ses parents, se prosterna à ses pieds et le pria en ces termes : «Montre-moi, je te prie, serviteur de Dieu, le chemin de la vérité. Car j'ai reconnu que tu es le véritable serviteur de celui qui t'a envoyé. » 2 Le saint apôtre lui annonça alors le Seigneur Jésus-Christ, et le jeune garçon crut et s'attacha au saint apôtre sans plus se souvenir de ses parents ni se soucier de ses biens. Ses parents le firent rechercher et apprirent qu'il se trouvait à Philippes avec l'apôtre. Ils s'y rendirent avec des présents et le supplièrent de se séparer de l'apôtre. 3 Mais il refusa, en disant : « Si seulement vous ne possédiez pas ces richesses, en sorte que vous connaissiez l'auteur du monde, qui est le vrai Dieu, et qu'ainsi vous sauviez vos âmes de la colère à venir! )) Et le saint apôtre descendit du troisième étage et leur annonça la parole de Dieu. 4 Comme ils n'écoutaient pas, il retourna vers le garçon et referma la porte de la maison. Eux alors, ayant appelé la cohorte, vinrent pour mettre le feu à la maison dans laquelle se trouvait le garçon, en disant : « Que meure l'enfant qui a abandonné parents et patrie! )) 5 Et utilisant des fagots de laîche, de scirpe et de torches, ils se mirent à incendier la maison 26 . Et comme les flammes s'élevaient déjà, le jeune garçon se saisit d'une fiole d'eau et dit : 6 > L'apôtre se tourna vers le peuple et dit : «Hommes de Thessalonique, à quoi vous servirat-il de voir cela se réaliser, si vous ne croyez pas? » Et ils dirent : « N'en doute pas, homme de Dieu, s'il ressuscite, nous croirons tous. » Sur ces paroles, l'apôtre dit: «Au nom de Jésus-Christ, lève-toi, enfant! » 4 Et aussitôt il se leva. Stupéfait, tout le peuple s'écriait: «Cela suffit, maintenant nous croyons tous en ce Dieu que tu annonces, serviteur de Dieu! » Et ils le conduisirent à la maison avec des torches et des lampes 30 , car la nuit était déjà tombée. Ils l'introduisirent dans leur maison où, trois jours durant 31 , il les instruisit des choses de Dieu.

Guérison du fils de Medias, de ses serviteurs et d'autres malades 15 I Un homme de Philippes, nommé Médias, dont le fils souffrait d'une grave infirmité, vint trouver l'apôtre et lui dit: «Homme de Dieu, je te prie de me rendre mon fils, car il est paralysé. » Et il pleurait beaucoup en disant cela. 2 Le bienheureux apôtre lui essuya les joues, lui caressa la tête de la main, et dit : « Courage, mon fils, crois seulement, et tes vœux s'accompliront.» Et lui prenant la main, il alla à Philippes 32 . 3 Comme il franchissait la porte de la ville, un vieillard accourut à lui, le 30. Les Ac And grecs (30, 3) signalent un autre déplacement nocturne avec des lampes. 31. Dans les Ac And grecs (59, r), André crucifié prêche trois jours et trois nuits. 32. André retourne à Philippes qu'il a déjà visitée (ch. rr).

90

VIE D'ANDRÉ PAR GRÉGOIRE

suppliant pour ses fils, que Médias avait jetés en prison pour une faute non révélée 33 , et qui étaient couverts de plaies purulentes. Alors le saint apôtre se tourna vers Médias et dit: 4« Écoute, homme, tu demandes que ton fils soit guéri, alors que tu retiens chez toi des prisonniers dont les chairs sont déjà rongées. C'est pourquoi, si tu veux que tes prières parviennent à Dieu, délie d'abord les chaînes de ces malheureux, afin que ton fils aussi soit libéré de son infirmité. Car je vois que le mal que tu fais s'oppose à mes prières. » 5 Alors Médias tomba à ses pieds et dit en les tenant embrassés : > 2 Le bienheureux apôtre lui sourit et dit: «Je veux bien accepter des présents de toi, Nicolas, mais pas ceux-ci qui sont visibles. Car si tu offres ce que tu as de plus précieux dans ta maison pour ta fille, combien plus ne dois-tu pas pour ton âme? 3 Voici ce que je désire recevoir de toi : que ton homme intérieur connaisse le vrai Dieu, son auteur et le créateur de toutes choses, qu'il repousse ce qui est de la terre et désire les choses éternelles, qu'il néglige ce qui est éphémère et aime ce qui est durable, qu'il refuse ce qui sc voit et qu'il tourne, par la contemplation , son attention spirituelle 34. Le thème de l'apôtre faisant effectuer des miracles par un nouveau converti réapparaît au chapitre I9. On le trouve également dans les Actes de Thomas (ch. 54 et 73-74; ici le sujet est un animal), ainsi que dans les Actes de Jean (ch 24 ; 4 7 et 8 I -8 3).

92

VIE D'ANDRÉ PAR GRÉGOIRE

vers ce qui ne se voit pas 35 ! 4 Ainsi, quand tu auras tiré de cela une pleine vigueur grâce à une pensée bien formée, tu mériteras d'obtenir la vie éternelle, et tu jouiras de ta fille rendue à la santé, ici-bas et même dans la joie de l'éternité. » 5 En disant cela, il persuada tout le monde d'abandonner les idoles et de croire au vrai Dieu. Il guérit aussi la fille de Nicolas de son mal. Tous le célébraient et la renommée des miracles qu'il opérait sur les malades se répandait dans toute la Macédoine.

Expulsion d'un démon 17 r Le jour suivant, alors qu'il enseignait, voici qu'un jeune garçon s'écria d'une voix forte: «Qu'y a-t-il entre nous et toi 36 , André, serviteur de Dieu? Es-tu venu pour nous chasser de nos demeures? » Alors le bienheureux apôtre appela le jeune homme à lui et dit : «Auteur du péché, explique quelle est ton œuvre! » 2 Il répondit: i< J'habite dans cet enfant depuis sa jeunesse, pensant que je n'aurais jamais à le quitter. Mais il y a deuxjours,j'ai entendu son père dire à son ami : «J'irai auprès d'André, le serviteur de Dieu, et il guérira mon fils. » 3 Alors, redoutant les épreuves que tu nous infliges, je suis venu

35. Dans ce discours, Grégoire a conservé des thèmes caractéristiques des Ac And, très présents dans les témoins grecs : opposition du visible à l'invisible, du terrestre à l'éternel, de l'éphémère au durable; homme intérieur seul concerné par le salut; importance de la connaissance du vrai Dieu ; contemplation des réalités invisibles. 36. On retrouve cette interpellation au chapitre 27 (v. 1). On la trouvait déjà en Mc I, 24 et 5, 7·

TRADUCTION

93

pour sortir de lui en ta présence. » Après avoir dit cela, il se prosterna à terre aux pieds de l'apôtre, sortit de l'enfant qui fut guéri et se leva, glorifiant Dieu. 4 Dieu accorda une telle grâce au saint apôtre que tous vinrent spontanément écouter la parole du salut et dirent : « Homme de Dieu, explique-nous qui est le vrai Dieu, au nom de qui tu guéris nos malades. » Même les philosophes venaient et discutaient avec lui, et nul ne pouvait résister à son enseignement.

Le proconsul Vi ri nus; résurrection de son fils et d'un soldat 18 1 Tandis que cela se passait, un ennemi de la prédication de l'apôtre se leva et se rendit auprès du proconsul Virinus 37 . Il lui dit: «Un homme inique s'est levé à Thessalonique 38 . Il prêche qu'il faut détruire les temples des dieux, rejeter les cérémonies et supprimer tous les décrets de l'antique loi. 2 Il prêche qu'il faut servir un seul Dieu dont il affirme même être le serviteur 39 . » Quand il entendit cela, le proconsul envoya des soldats et des cavaliers pour qu'ils le fassent comparaître devant lui. Quand ils arrivèrent à la porte, ils s'informèrent de la 37. Dans le papyrus copte Utrecht 1, qui rapporte un épisode comparable à celui conservé par ce chapitre, le proconsul se non1me une autre espèce») peut être due à un ajout. D'autres arguments, en revanche, militent en faveur de l'appartenance des chapitres 12 à 1 5 de la Passion arménienne aux Actes d'André: 1. certains termes et certains mots figurent dans l'apocryphe: au chapitre 12, «Les démons nous ayant livré combat», «quoique sa nature soit assortie à la terre»; au chapitre 13, « nous avons à reconnaître, frères, quelque chose de semblable pour notre nature», «la lumière céleste qui nous est connaturelle », «nous débarrassant du poids de tous nos adversaires » ; 2. le sens général de l'allégorie cadre bien avec le message central des Actes d'André: il formule la nécessité pour l'âme de se dégager du corps, en même temps que des démons, afin d'accéder à la lumière qui lui est connaturelle; 3. si le traducteur arménien prend habituellement des libertés avec sa source, il ne lui apporte pas de transformation radicale. L'adjonction de cet important passage serait donc un cas isolé.

AVERTISSEMENT

137

Nous ne pouvons donc pas trancher la question de savoir si ce passage faisait ou non partie des Actes d'André. Malgré le doute, nous l'avons introduit dans notre traduction.

Actes d'André grecs (traduction)

André guérit le serviteur de Stratoclès 1 I 1

Après avoir demandé à César d'être exempté de service militaire et de se tourner vers la philosophie 2 , Stratoclès, le frère d'Égéate, arriva d'Italie à Patras sur ces entrefaites. Tout le prétoire fut en émoi à cause de Stratoclès qui revenait auprès d'Égéate après une longue absence. 2 Maximilla sortit elle aussi toute joyeuse de sa chambre à sa rencontre, le salua et rentra avec lui. Et le ciel s'étant dégagé, elle se retira chez elle, tandis que Stratoclès s'acquittait de ses devoirs envers ses amis, abordant chacun avec douceur et les saluant tous avec bonté et selon les convenances 3 .

1. Le récit qui commence ici (ch. I-I2) correspond à celui du chapitre 34 de la Vie d'André de Grégoire de Tours. 2. En ayant renoncé au service armé dès avant sa conversion, Stratoclès manifeste ses prédispositions à accueillir le salut. Il en va de même de son intérêt pour la philosophie et de son aménité (v. 2). 3. Cette formule exprime la mesure, qui est une des qualités de l'honnête homme grec.

138

ACTES D'ANDRÉ GRECS

r Alors que Stratoclès était occupé à cela, un de ses proches serviteurs, qu'il aimait beaucoup, gisait privé de sens sur un tas d'immondices, frappé par un démon. Il s'exclama en le voyant: «Puisse-je ne jamais être parvenu au but, mais avoir péri en mer, afin que cela ne me soit pas arrivé; 2 car je ne pourrais pas vivre sans lui, mes amis! », dit-il en tournant les yeux vers ceux qui étaient avec lui. Et en parlant ainsi, il frappait les regards, agité qu'il était, et faisait peur à voir. 3 Quand elle entendit cela, Maximilla sortit de sa chambre, elle-même bouleversée, et dit à Stratoclès: «Ne te fais pas de souci à cause de ton serviteur, frère! Il sera bientôt sauvé, car un homme très pieux séjourne dans cette ville; non seulement il peut chasser les démons, mais quelque mal abominable et ter~ rible qui survienne, ille guérira. 4 C'est la confiance qu'il nous inspire, renforcée par l'expérience de ce dont il est capable 4 , qui nous fait parler ainsi. » Iphidama aussi disait la même chose à Stratoclès, l'empêchant d'aller jusqu'à un acte fatal 5 , dans son extrême douleur. 3 r Et tandis que toutes deux le réconfortaient, André, qui était convenu avec Maximilla de venir auprès d'elle, arriva au prétoire. Il dit en franchissant la porte : «Une énergie malfaisante livre un combat là-dedans; hâtonsnous, frères. » Et sans rien demander à personne, il entra 2

4. Les deux femmes font ici allusion à la guérison de Maximilla par André, dont on peut lire le récit au chapitre 30 de la Vie d'André de Grégoire. 5. On empêche Stratoclés de se suicider. En revanche, personne ne retiendra Égéate, le mari de Maximilla, dans son geste désespéré du chapitre 64.

TRADUCTION

139

et courut directement là où le serviteur de Stratoclès écumait, tordu de convulsions. 2 Tous ceux qui étaient accourus aux cris de Stratodès, en voyant André tout à coup écarter les assistants en souriant et se frayer un chemin jusqu'au serviteur qui gisait à terre, se demandaient qui il était. Ceux qui depuis longtemps le connaissaient et l'avaient vu à l'œuvre 6 , le craignant comme un dieu, lui cédaient le passage. 3 Mais les serviteurs de Stratoclès, voyant en lui un homme du commun, habillé simplement, essayèrent même de le frapper. Quand ils les virent l'outrager, les autres leur reprochèrent de ne pas savoir ce qu'ils osaient faire. Alors ils se calmèrent et restèrent là pour voir la suite. 4 r Et aussitôt, on annonça à Maximilla et Iphidama que le bienheureux était arrivé. Remplies de joie, elles s'élancèrent hors de leurs appartements et s'empressèrent d'aller chez Stratoclès: «Viens donc voir comment ton serviteur est guéri. » 2 S'étant donc levé lui aussi, il les accompagna. Quand il vit qu'une foule très importante entourait son serviteur, Stratoclès dit tranquillement : « Il a fallu que tu arrives en Achaïe pour devenir un objet de curiosité, Alcmanès » 7 - tel était en effet le nom du serviteur. 3 André tourna alors les yeux vers Maxirnilla et dit en la regardant: André s'adresse d'ailleurs plusieurs fois aux siens en les appelant>. 31. Un Antiphane apparaît dans la Vie d'André de Grégoire (29, 1). Mais il s'agit d'un citoyen de Mégare. Dans la Passion grecque (9, 34), André réside chez un certain Antiphane au moment de son arrestation. Il est difficile de décider s'il s'agit du même personnage. 32. La désignation de «serpent» apparente Égéate au diable (voir Ac And grecs 40, I et 4; 42, 6). On trouve cette même appellation sous la plume de Justin, Première Apologie 28. Dans le

TRADUCTION

151

elle, Seigneur, demeure désormais sans tache, purifiée par ton nom 33 . 2 Garde-la surtout de cette répugnante souillure, Maître, et endors dans son époux apparent notre ennemi sauvage 34 et à jamais incorrigible; et fiance-la à l'époux intérieur, que tu connais mieux que tout autre, à cause duquel tout le mystère de ton économie 35 s'est accompli, 3 de sorte que, ayant affermi sa foi en toi, elle se tienne unie à sa propre connaturalité, séparée de ceux qui feignent (l'amitié), mais sont en fait ses ennemis.» Après avoir prié en ces termes et avoir confié Maximilla au Seigneur, il sortit de nouveau avec Stratoclès.

Maximilla place une servante dans le lit d'Égéate 17 I 36 Maximilla imagina alors ce qui suit. Elle fit appeler une jeune servante, très belle et de nature excessivement dissolue, du nom d'Euclia, et lui dit ce que celle-

Psaume manichéen Il y avait dix vierges, il est dit de Maximilla qu'elle «humilie le serpent». Cette phrase du Psaume pourrait faire allusion à ce passage des Ac And. 33. La formule« par ton nom» doit être rapprochée de celle du chapitre 27 (v. 4). Elle rappelle les nombreux textes bibliques qui mentionnent le nom de Dieu ou de Jésus. 34. Il s'agit de l'ennemi qui est en Égéate, c'est-à-dire le diable. 35. Le mot« économie>> revient au chapitre so (v. s). Dans les deux cas, il désigne l'œuvre divine de salut. On le trouve chez Ignace d' Antioche, Lettre aux Éphésiens r 8, 2 et 20, r, chez Justin, Dialogue avec Tryphon 45 et 87, chez Irénée, Contre les hérésies I, ro, I; IV, 33, 7; V, 20, I. 36. L'épisode du chapitre 17 (v. r-3) correspond au premier des deux passages des Ac And auxquels Evodius d'Uzala fait allusion (voir l'Introduction, p. 21-22).

152

ACTES D'ANDRÉ GRECS

ci aussi avait à cœur et désirait : «Je t'octroierai tout ce que tu souhaites, si tu fais un pacte avec moi et gardes le secret sur ce que je te confie. » 2 Après avoir communiqué à

Eu elia ce qu'elle voulait et reçu toute assurance de sa part, selon son désir de vivre désormais dans la pureté, elle put jouir de la consolation que voici pendant un temps appréciable. Ainsi qu'il est d'usage pour une femme de revêtir les apprêts de l'ennemi, elle en para Euclia et lui ordonna de coucher à sa place avec Égéate 37 . 3 Celuici avait des rapports avec elle comme avec son épouse, puis il la laissait se lever et regagner sa propre chambre ; car telle était l'habitude de Maximilla. Ayant donc trouvé son repos et se réjouissant dans le Seigneur de ne pas devoir quitter André, cette dernière dissimula longtemps ce qu'elle faisait. 18 1 Or, comme huit mois s'étaient écoulés 38 , Euclia réclama son affranchissement à sa maîtresse. Celle-ci lui accorda le jour même ce qu'elle demandait. À nouveau, peu de jours après, elle demanda une forte somme d'argent; et elle la lui donna sans tarder. 2 Puis elle voulut aussi quelques-uns de ses bijoux; elle ne les lui refusa pas. En un mot, elle reçut successivement de Maximilla des 37. Tertullien, À son épouse, Livre I, 6, 4 signale que des« veuves>> sont au service de la Cérès africaine, et que celles-ci, non seulement abandonnent le lit de leur mari de son vivant, mais y introduisent d'autres épouses. L'auteur des Ac And se sera peut-être inspiré de cette pratique. Sur ce culte, voir la note de Ch. MUNIER, dans Sources chrétiennes 273, r98o, p. r69. 38. L'auteur suppose peut-être qu'Euclia se trouve enceinte des œuvres de son maître, ce qui engagerait celle-ci à réclamer son affranchissement.

TRADUCTION

153

robes, des voiles et des bandeaux, mais ce n'était pas assez : elle dévoila encore l'affaire aux autres esclaves, en se glorifiant et en se vantant. 3 Ceux-ci, indignés de la vantardise d'Euclia, la firent tout d'abord taire en l'injuriant. Mais elle, se moquant d'eux, leur montra les dons que lui avait faits sa maîtresse. Quand ils les reconnurent, les compagnons d'esclavage d'Euclia ne savaient plus que faire. 4 Voulant les assurer encore davantage de ce qu'elle disait, Euclia en plaça deux au chevet de son maître alors qu'il était pris de boisson, afin qu'ils fussent convaincus de ce qu'elle couchait vraiment avec lui comme si elle était Maximilla. 4 Elle le réveilla donc, alors qu'il était plongé dans un profond sommeil, et elle entendit ces mots, elle et les autres esclaves qui observaient la scène : « Maximilla, ma reine, pourquoi viens-tu si tard? » Mais elle garda le silence. Alors ceux qui étaient postés là sortirent sans bruit de la chambre. 19 1 Or Maximilla, pensant qu'Euclia restait discrète et loyale à cause des dons qu'elle lui avait faits, passait les nuits en repos auprès d'André, avec Stratoclès et tous les autres frères. André, qui avait eu un songe, dit aux frères, et Maximilla aussi l'entendit: 2 «Une machination lourde de trouble et de colère se trame aujourd'hui dans la maison d'Égéate. » Maximilla lui demanda de quoi il s'agissait. Il dit: «Ne te hâte pas d'apprendre de moi ce que tu vas savoir sous peu. » Elle changea familièrement de vêtement à la vue de tous 39 , et se dirigea vers l'entrée du prétoire.

39. On pourrait également traduire: «selon son habitude, elle changea de vêtement à la vue de tous>>. Sans doute Maximilla

154

ACTES D'ANDRÉ GRECS

Égéate découvre la machination de Maxirnilla et se venge

Ceux de la maison qui avaient appris l'affaire, comment elle se rendait chaque jour auprès d'André avec Stratoclès et à quelle heure elle rentrait dans sa propre chambre, se saisirent d'elle comme d'une étrangère. 2 Comme elle rentrait à son heure au prétoire du proconsul en s'efforçant de ne pas être vue, ils firent mine de la dévoiler avec violence et fixèrent les yeux sur leur maîtresse. 3 Certains d'entre eux voulaient divulguer l'affaire et l'annoncer à Égéate, tandis que les autres les retenaient, manifestant pour leur maîtresse une affection simulée, faisaient taire leurs compagnons et, leur donnant des coups, les repoussaient loin de là, comme s'ils avaient eu affaire à des fous. 4 Pendant qu'ils se battaient ainsi entre eux, Maximilla se précipita dans sa chambre, priant le Seigneur de détourner d'elle tout mal. 21 1 Au bout d'une heure, ceux qui s'étaient battus pour elle avec les autres esclaves firent irruption auprès d'elle et lui prodiguèrent des paroles flatteuses, s'attendant à recevoir quelque chose en leur qualité d'esclaves d'Égéate. La bienheureuse ne les jugea pas indignes de ce qu'ils réclamaient mais appela Iphidama et dit: 2 «Donnons-leur ce qu'ils méritent. )) Elle ordonna alors de leur donner mille deniers, à eux qui avaient affecté 20 I

change-t-elle de vêtement pour se dissimuler, puisqu'au chapitre 20 (v. 2), les esclaves la découvrent pour l'identifier. Mais la familiarité même de ce geste souligne la simplicité nouvelle de la femme du proconsul. Au chapitre 28 (v. 1), c'est Iphidama qui passe son vêtement ordinaire.

TRADUCTION

155

hypocritement de prendre son parti, et elle leur enjoignit de ne révéler l'affaire à personne. 3 Mais eux, après avoir encore abondamment juré de taire ce qu'ils avaient vu, poussés par leur père le diable, se précipitèrent directement auprès de leur maître, en apportant même avec eux l'argent reçu. 4 Il lui racontèrent tout, et comment leur propre compagne d'esclavage leur avait dénoncé l'affaire machinée par Maximilla, parce que celle-ci ne voulait plus avoir de lien avec Égéate, et qu'elle avait pris en horreur le commerce charnel avec lui comme une action épouvantable et honteuse. 22 r Quand le proconsul se fut informé de tout et eut appris comment Euclia partageait sa couche comme si elle était sa femme, et comment elle l'avait avoué aux autres esclaves, il l'interrogea elle aussi, et apprit toute la vérité. Soumise à la question, elle avoua tout ce qu'elle avait reçu de sa maîtresse pour prix de son silence. 2 Au comble de l'indignation parce qu'elle s'était vantée et avait parlé de tout cela à ses compagnons d'esclavage en calomniant sa maîtresse- il voulait en effet que l'affaire restât secrète en raison de la tendresse qu'il éprouvait pour sa femme - il coupa la langue à Euclia, et lui fit trancher les extrémités, puis jeter dehors 40 . Après être restée plusieurs jours sans nourriture, elle devint la proie

40. Égéate est un personnage pathétique. Il use de délicatesse avec sa femme qu'il aime sincèrement (voir aussi les ch. 23 et 36). L'auteur ne l'en présente pas moins comme un être terrible et ne lui accorde aucune excuse ni occasion de se racheter. Il y a un contraste entre cette tendresse d'Égéate pour sa femme et la cruauté qu'il manifeste à l'égard J'Euclia et de ses esclaves.

156

ACTES D'ANDRÉ GRECS

des chiens. Quant à ses autres esclaves, ceux qui lui avaient rapporté l'histoire - ils étaient trois - il les crucifîa.

Maximilla informe Égéate de sa décision de se séparer de lui 23 r Il s'enferma chez lui, et, de chagrin, ne prit aucune nourriture ce jour-là, plein de désarroi devant le revirement complet de Maximilla à son égard. Et après avoir beaucoup pleuré et invectivé ses dieux, il se rendit auprès de sa femme; se jetant à ses pieds, il lui dit, en larmes : 2 «J'étreins tes pieds, moi qui suis ton mari depuis déjà douze ans, toi que j'ai toujours considérée presque comme une déesse, et que je considère encore comme telle, à cause de ta sagesse et de la vie si rangée que tu mènes. Il est possible que celle-ci ait subi un changement passager, puisque toi aussi tu es humaine. 3 Si donc il existe un autre homme dans ta vie- soupçon qui ne m'aurait jamais effleuré- je te pardonnerai et je cacherai ta faute, comme tu as toi-même supporté avec courage toutes mes fredaines. Et si c'est autre chose de plus grave qui te sépare de moi, avoue-le et j'y remédierai peut-être, moi qui ai appris à ne te contredire en rien 41 . » 4 Comme il la suppliait et l'implorait avec insistance, elle fînit par dire ceci: «J'aime, Égéate, j'aime; et ce que j'aime 42 n'appartient pas à ce monde en sorte que 41. De naissance inférieure à sa femme (voir 24, I), Égéate est habitué à respecter celle-ci et à satisfaire ses désirs (voir 36, r-2). 42. Dans le texte grec, l'objet de l'amour de Maximilla est désigné par le pronom relatif neutre : il reste donc indéterminé. Ce langage, ambigu, est incompréhensible à Égéate, et l'aspect amoureux

TRADUCTION

157

tu puisses en percevoir l'évidence; nuit et jour il m' embrase et me brûle d'amour pour lui. 5 C'est un objet que tu ne saurais voir, car cela est difficile, et dont tu ne saurais me séparer, car cela est impossible. Laisse-moi donc m'unir à lui 43 , laisse-moi aussi me reposer auprès de lui seul. »

Égéate rencontre André et le fait arrêter 24 1 Le proconsul sortit de chez elle comme un homme frappé de folie, ne sachant que faire. Il n'osait en effet rien tenter d'inconvenant contre la bienheureuse, car elle était de naissance beaucoup plus noble que lui. 2 Au cours d'une promenade avec Stratoclès, il lui dit: « Mon frère et seul vrai parent survivant de toute notre race éteinte, je ne reconnais plus ma femme qui est tombée dans l'égarement ou dans la folie!>> Et comme, dans son découragement, il allait dire autre chose à son frère, un des esclaves qui l'accompagnaient lui souffla à l'oreille: 3 «Maître, si tu veux vraiment connaître à fond cette affaire, interroge Stratoclès, et il t'apaisera lui-même. Car il sait tout ce qui concerne ta femme. Mais si tu veux apprendre immédiatement toute cette affaire, je vais moimême te la révéler.» Et l'ayant pris à part, il lui dit: 25 1 «Il y a un étranger qui séjourne ici et s'est rendu célèbre non seulement dans cette ville, mais dans toute

de la réponse de Maximilla n'est pas de nature à apaiser ses soupçons (voir 23, 3). 43. Ce à quoi Maximilla veut s'unir est son être intérieur (voir r6, 2).

158

ACTES D'ANDRÉ GRECS

l'Achaïe 44 . Il réalise de grands miracles et des guérisons qui dépassent le pouvoir humain, comme j'en suis pour une part le témoin, ayant eu l'occasion de le voir ressusciter des morts. 2 Et pour que tu saches tout, il professe une piété qu'il démontre vraiment et manifeste avec éclat 45 . Ma maîtresse aussi a fait la connaissance de cet étranger, précédée par Iphidama 46 . Et elle a conçu un tel désir pour lui qu'elle l'aime plus que quiconque, pour ne pas dire plus que toi. 3 En outre elle ne s'est pas contentée de s'attacher ainsi à cet homme, mais elle a même enchaîné ton frère Stratoclès du même désir par lequel elle est liée. Tous deux confessent qu'il n'y a qu'un seul Dieu, celui qu'ils ont connu par lui, et qu'il n'y en a pas d'autre sur la terre. 4 Mais écoute encore ce que ton frère fait de plus insensé que tout. Lui qui est d'une si haute naissance, qui est très illustre en Achaïe et a la qualité de frère d'Égéate le proconsul, il apporte luimême sa fiole d'huile au gymnase. 5 Lui qui a de nombreux esclaves s'affiche comme se servant lui-même; il achète légumes, pains et tout le nécessaire, qu'il transporte à pied à travers la ville sans la moindre honte, au vu de tout un chacun. » 44. L'esclave d'Égéate fait ici allusion à des épisodes racontés dans la Vie d'André de Grégoire: les miracles à Patras (ch. 22-28 et 3033) et la tournée en Achaïe (ch. 29). 45. Il s'agit des miracles qui démontrent la valeur de la prédication. Ils sont eux-mêmes objets de foi, et sont mis sur le même plan que les paroles d'André, comme moyen de révélation (voir 48, 2-3).

46. Iphidama avait été envoyée par Maximilla à l'agonie, pour quérir André (Grégoire, Vic d'André 30).

TRADUCTION

159

26 1 Tandis qu'il disait cela à son maître qui, tout en marchant, gardait les yeux baissés depuis un long moment, le jeune homme aperçut André de loin et cria de manière bien audible : «Maître, le voici, l'homme à cause de qui ta maison est bouleversée en ce moment! » Et toute la foule se retourna à son cri pour en voir la cause. 2 Alors, sans rien ajouter, il laissa là le proconsul, celui qui était aussi malfaisant que lui, et même en quelque sorte son frère, et non pas son esclave ; il partit en courant, saisit André et l'amena de force auprès d'Égéate, après avoir jeté autour du cou du bienheureux la petite serviette que celui-ci portait sur l'épaule 47 . 3 Quand ille vit, le proconsul le reconnut et dit : « Tu es celui qui as jadis guéri mon épouse, celui à qui j'ai voulu faire un beau présent, et qui l'as refusé 48 . Enseignemoi, à moi aussi, quelle est cette gloire qui t'environne, ou d'où te vient cette grande puissance qui fait que, pauvre, d'apparence chétive et déjà vieux, tu sois adulé des riches, des pauvres et même des enfants, à ce que j'apprends 49 . » 47. On peut aussi traduire : « en jetant autour du cou de ce dernier (Égéate) la petite serviette que le bienheureux portait sur l'épaule». Mais ce geste doit marquer la soumission; il rappelle celui d'Élie sur Élisée (1 R 19, 19) et celui de Charisios sur Thomas (Actes de Thomas w6, p. 218, 20). C'est pourquoi nous préférons la traduction qui fait aboutir la serviette autour du cou d'André. 48. Au chapitre 30 de sa Vie d'André, Grégoire rapporte que l'apôtre ne voulut pas même jeter un regard sur les cent pièces d'argent qu'Égéate lui offrait en récompense de la guérison de Maximilla. 49. Les Actes primitifs contenaient vraisemblablement ici un entretien entre André et Égéate, dans lequel le premier répondait au

160

ACTES D'ANDRÉ GRECS

4 Or toute la foule qui était là, animée d'amour pour l'apôtre 50 , apprit que le proconsul s'entretenait avec lui et accourut au lieu où il lui parlait, se demandant quelle en était la raison. Alors, sans tarder, Égéate ordonna de l'enfermer, en disant : « Fléau, tu vas voir avec quelle reconnaissance je 51 te rendrai les bienfaits que tu as accordés à Maximilla . >>

Iphidama visite André en prison 27 r Peu de temps après, il entra chez Maximilla qu'il trouva avec Iphidama en train de manger du pain et des olives- c'était en effet l'heure- et lui dit:« Maximilla, après avoir facilement mis la main sur ton maître et l'avoir emprisonné, je t'apporte de ses nouvelles: il ne m'échappera pas, mais périra misérablement. » 2 La bienheureuse lui répondit : , «lui», et« celui-

TRADUCTION

181

quand le mystère de la grâce s'alluma, quand le projet du repos fut manifesté, quand la lumière de la parole fut révélée, et quand la race objet du salut fut convaincue d'avoir été auparavant harcelée par les plaisirs 88 , l'étranger vit qu'il était méprisé, et que ses dons, par lesquels il pensait triompher, étaient tournés en risée à cause de la bonté du miséricordieux; 3 il commença alors à ourdir contre nous haine, inimitiés et complots. Il mit tout cela en œuvre pour ne pas nous laisser en repos jusqu'à ce que nous nous rangions à son avis. 4 « Autrefois en effet, celui qui nous est étranger était sans souci, et il feignait d'habiller son office en amitié à notre égard; et il possédait l'avantage de ne pas craindre que nous fassions défection, égarés que nous étions par lui. 5 Mais quand le bien qu'est l'économie fut allumé, je ne dis pas plus puissante [ ... ]. Car elle a mis au jour le côté caché de sa nature et ce qu'il croyait dissimuler, et elle l'a amené à avouer ce qu'il est. 6 89 «Eh bien, frères, puisque nous savons ce qui doit arriver, restons éveillés et parvenons à nous affranchir de ci» s'appliquent à l'ennemi, qui connaît l'œuvre qu'il exerce sur celui qui est sans commencement » et lui propose ses dons. Ce mot, qui revient au verset 2, doit désigner les séductions dont il est question à la fin du chapitre 49· 88. Le verset 2 évoque le début de la révélation. Rien ne laisse supposer qu'il s'agisse de la venue du Christ à laquelle les Ac And ne font aucune allusion. La révélation dont il est question ici est celle qui a commencé avec l'arrivée d'André à Patras et dont les effets se manifestent dans l'accueil qui lui est fait. 89. Les versets 6 et 7 évoquent l'ascension finale de l'âme vers Dieu, laquelle met en déroute les puissances hostiles (voir ch. r r). >

TRADUCTION

187

veler dans notre nature notre œuvre bonne; peut-être adopterons-nous la règle naturelle à l'aigle, qui se renouvelle une autre fois. De nouveau je vous dirai la même parabole : quand viendra la résurrection des morts, chacun apparaîtra bien orné et gracieux. 2 Alors l'homme apparaîtra tout àfait digne à ceux qui verront s'élever dans une beauté resplendissante au-devant du Seigneur. Si, au contraire, il reste sur la terre, alors il apparaîtra la règle des justes paifaits qui seront couronnés devant le monde entier, quand ce corps terrestre sera déposé et que, une fois ressuscité, il sera revêtu de la gloire céleste. entreront alors dans le royaume désirable, et ils se réjouiront avec les anges dans la joie illimitée de Dieu. André tient un discours à sa croix 54 r «Mais c'est ici que prend fin ce discours; car je pense que nous sommes arrivés sur les lieux, tout en conversant. La croix enfoncée m'est en effet un signe que c'est le lieu. » Alors André les laissa tous, s'approcha de la croix et lui dit à haute voix 97 : 2 «Réjouis-toi, ô croix! Car tu peux vraiment te réjouir! Je sais bien que tu trouves désormais le repos, toi qui depuis longtemps es fatiguée d'être enfoncée et de m'attendre! Je suis venu à toi qui me connais! Je reconnais ton mystère, à cause duquel tu as été enfoncée. 97. Sur la forme primitive et l'interprétation du Discours à la croix du chapitre 54, voir la note complémentaire, p. 207-208.

188

ACTES D'ANDRÉ GRECS

16 ... 1 ne figure qu'à cet endroit des Ac And grecs. Il désigne les gestes d'André, notarrunent ses miracles, ses marques de sollicitude pour ses frères et tout ce qu'il a fait pour les établir fermement dans le salut. Le mot «mystère », en revanche, apparaît huit fois. 118. Le contenu du verset 3 doit être rapproché du discours à Stratoclès du chapitre 42 (v. 1-3). On y trouve le même

TRADUCTION

203

Jésus notre Seigneur, auquel soient, avec le Père, gloire, honneur et puissance, ainsi qu'au très saint, bon et vivifiant Esprit, maintenant, toujours et pour les siècles des siècles. Amen 119 .

vocabulaire : prier, être disposé, ce qui a été dit, entendre, être en communion. Or ce discours était adressé à quiconque voulait entendre (v. 1). La prière du chapitre 65 exprime la même intention profonde : les Ac An.d ont été écrits pour permettre au plus grand nombre de recevoir la connaissance salutaire. 119. Sous leur fom1e primitive, les Ac An.d ne contenaient certainement pas de doxologie et devaient s'arrêter après le mot « dons » du verset 3.

Miniature de la Ugende dorée, xve siècle (ms. Bibliothèque nationale, ms. fr. 183, fo 105) .

Notes complémentaires

André et Maximilla, nouveaux Adam et Ève Les versets 5 à 8 du chapitre 37 des Actes d'André grecs, qui doivent être envisagés conjointement avec le verset 1 du chapitre 39, mettent en opposition Adam et Ève d'un côté et André et Maximilla de l'autre. Adam et Ève ont connu la déchéance ; André et Maximilla la redressent. Adam et Ève sont le type même des êtres déchus. Leur situation est caractérisée à l'aide de plusieurs notions : 1. une souffrance (3 7, 6) qui est liée à l'ignorance de leur nature véritable ; 2. une déchéance (37, 6) attribuée à la chute de l'intellect vers le bas et qui s'est produite avec Ève; 3. un défaut et un inachèvement (37, 7), car il n'y a pas perversion totale et l'être humain conserve en lui-même tout ce qu'il faut pour être sauvé; 4· une désobéissance (3 7, 7) et une adhésion (3 7, 8) car Ève a désobéi et Adam a donné son accord (voir 39, 1); 5. une erreur (3 7, 8), dont le diable doit être l'instigateur, comme cela est affirmé dans le récit de Gn 3, 13 auquel le discours fait allusion, et comme c'est un des modes de l'action diabolique dans les Actes d'André. Nous pensons que la désobéissance et le consentement d'Adam et Ève se rapportent à l'acte sexuel. Car lorsqu'André dit de Maximilla qu'elle garde, elle, le commandement du Seigneur (39, 4), les exhortations qu'il

206

LES ACTES D'ANDRÉ

prononce ensuite (40, 2) montrent que ce commandement ne peut être que l'exigence de la chasteté. André et Maximilla redressent la situation. Voici les verbes qui décrivent le changement par lequel ils échappent à la condition d'Adam et Ève : r. ils se repentent et se convertissent (3 7, 5-6) ; 2. ils reconnaissent, à la fois ce en quoi ils ont été trompés (37, 8) et leur véritable destinée (3 7, 6) ; 3. ils rétablissent (3 7, 6), corrigent (3 7, 6), redressent (37, 8); 4· ils fuient, vers Dieu (37, 7) et loin du mal (37, 8) ; 5. ils écoutent (3 7, 7). À la différence de nombreuses sources juives et chrétiennes, les Actes d'André ne disent pas que le péché et la mort ont été introduits dans le monde et transmis à leurs descendants par Adam et Ève. On ne peut affirmer non plus qu'André et Maximilla corrigent la faute d'Adam et Ève en la rachetant. Le rapport entre les deux couples est analogique. André et Maximilla corrigent leur propre état, de même qu'Adam et Ève y étaient tombés. C'est pour eux-mêmes et non pour Adam et Ève qu'André et Maximilla redressent la faute commise. André et Maximilla forment une sorte de couple chaste uni par une découverte et une destinée spirituelles communes. Ce passage du chapitre 37, comme le verset 3 du chapitre 47 et le verset 4 du chapitre 49, doit être rapproché du chapitre 3 8 des Actes de Pierre. On y trouve un vocabulaire identique. Les Actes de Pierre établissent également une analogie entre l'apôtre et le premier homme; ils affirment aussi que le salut consiste à redresser la situation

NOTES COMPLÉMENTAIRES

207

de celui-ci. Mais, dans les Actes de Pierre, l'apôtre porte l'image de cet homme, tandis que, dans les Actes d'André, André corrige ce en quoi il a fauté.

Le discours à la croix Plusieurs manuscrits grecs n'ont conservé que le début du célèbre discours d'André à la croix (Actes d'André grecs 54, 2). La Passion d'André des manuscrits du Sinaï grec 526 et de Jérusalem, Saint-Sabas 103 a également conservé une partie de la fin (54, 3). Pour leur part, la Passion grecque (ch. 14) et la Vie d'André de Nicétas (ch. 46) contiennent une forme du discours assez développée et que l'on a longtemps tenue pour primitive. Mais le texte de la Passion arménienne (ch. I 6- I 9), dont le vocabulaire et les idées sont les mêmes que dans le reste des Actes d'André grecs, est manifestement une forme beaucoup plus fidèle à l'original. La Passion grecque et la Vie d'André de Nicétas conservent pourtant quelques éléments primitifs correspondant à des passages de la Passion arménienne, ce qui n'est pas sans intérêt, puisqu'il s'agit de témoins grecs.

L'apostrophe {Actes d'André grecs 54, 2) - Le verset 2 du chapitre 54 des Actes d'A nd ré grecs constitue l'apostrophe du discours. La croix y est présentée comme un être vivant, qui éprouve des sentiments, ressent de la fatigue et auquel on peut s'adresser. Les notions de repos lié à une autre personne, de désir (ici l'attente), d'appartenance, que l'on retrouve à plusieurs reprises dans les Actes d'André pour exprimer l'union

208

LES ACTES D'ANDRÉ

d'André et des siens (voirl'Introduction , p. 38-39), indiquent que l'apôtre et la croix sont de même nature. -Les chapitre 16 à 19 (v. 2) de la Passion arménienne conservent la partie centrale du discours. Celle-ci peut être divisée en deux sections: 16, la découverte de la croix; 17, 1-19, 2, les acclamations à la croix.

La découverte de la croix (Passion arménienne 16) Ces versets ont de remarquables affinités avec les discours à Stratoclès des chapitre 7, 42 et 43. Comme le chapitre 54 (v. 2), ils disent la connaturalité d'André et de la croix, exprimée par l'amour, la connaissance, le compagnonnage. Au verset 2, André distingue entre ce qui est invisible et ce qui est manifeste. On trouve une même idée à propos de l'homme intérieur au chapitre 38 (v. 2). Quant aux douleurs d'enfantement, elles rappellent celles des chapitres 7 et 9 des Actes d'André grecs. Les acclamations à la croix (Passion arménienne 17, 1-19, 2) - La première acclamation (« Ô nom de Croix, plein de toutes choses ! » ; 17, 1) est attestée par la Passion grecque (14, 14-15). Placée à la jonction entre deux parties du discours, elle résume ce qui vient d'être dit et annonce ce qui va l'être: la croix a une dimension universelle. L'apostrophe de la croix comme > ( r 8, 2), et qui tend à introduire le Christ dans un discours où tout se jouait primitivement entre André et sa croix. - « Celui qui ne pouvait connaître ce qu'il avait perpétré lui-même>> doit désigner Égéate, qui ignore ses propres œuvres. On trouve en effet une idée semblable au chapitre 62 (v. r r) des Actes d'André grecs.

La conclusion (Actes d'André grecs 54, 3 et Passion arménienne 19, 3-4) Une partie de la conclusion du discours est conservée par une phrase grecque (Actes d'André grecs 54, 3) qui semble préférable à la traduction arménienne ( r 9, 3). Trois des qualificatifs conférés à la croix sont employés ailleurs pour caractériser ce qui est parent du divin : «pur>> (38, 3), «lumineux>> (30, 3), «vie» (12, 2). Le verbe

NOTES COMPLÉMENTAIRES

213

«recevoir» sera de nouveau utilisé par André dans sa dernière prière au Christ (6 3, 3). Quant au verbe « peiner », il est le même que celui qui, au début du discours, désignait les fatigues de la croix (54, 2). Ces fatigues sont celles de l'homme intérieur, plusieurs fois mentionnées dans les discours de l'apôtre (41, 2; 57, 5) Dans la Passion arménienne (r9, 4), de même qu'au chapitre 54 (v. r) des Actes d'Andrégrecs, André signale la fin de son discours. Comme au début de celui-ci (Passion arménienne r6, 2), il affirme que l'on ne peut saisir et exprimer tout ce qu'est la croix. Il se tient debout devant elle comme elle se dressait devant lui (Passion arménienne r6, r). La dernière déclaration («je te recommande mes auditeurs ... d'approcher cette manifestation, ô Croix»), un peu obscure, doit sans doute être comprise à partir de l'affirmation du chapitre 49 (v. 2) des Actes d'André grecs, qui promet le martyre à tous ceux qui ont aimé Jésus. La croix est pour eux, le moyen d'approcher de la manifestation de Dieu.

La croix d'André Tel qu'il est conservé dans la Passion arménienne, mais plus encore dans la Passion grecque qui développe clairement une symbolique du vertical et de l'horizontal, le discours à la croix suppose une croix placée verticalement, et non la croix decussata, dite justement croix d'André et qui a la forme d'un X. Cette croix apparaît pour la première fois non dans un texte mais dans l'iconographie, dans le Tropaire d'Autun (xe siècle). Jusqu'au xve siècle, André continue pourtant d'être le plus souvent représenté sur une croix dite latine, et ce n'est qu'à

214

LES ACTES D'ANDRÉ

partir de ce siècle que la croix decussata devient partie intégrante de son iconographies probablement sous l'influence de l'insigne de l'ordre de la Toison d'or. Sans doute aura-t-on voulu distinguer la crucifixion d'André de celle du Christ, comme on le fit pour son frère Pierre, crucifié la tête en bas. Notons que la croix decussata a la forme du X grec, première lettre du mot Christ dans cette langue. On ne peut pas écarter non plus l'hypothèse que le X platonicien évoqué plus haut ait joué un rôle dans l'évolution de l'iconographie relative à André 1.

1. Voir L. RÉAU, Iconographie de l'art chrétien III, r, Paris, 1958, p. 76-84 et M. MURJANOFF, «Andreas der Erstberufene im mittelalterlichen Europa », Sacris erudiri 17, 2 (r966), p. 41 r-427. E. MÂLE,« Histoire et légende de l'apôtre saint André dans l'art», Revue des deux mondes 5 (1951), p. 412-420, écrit avoir vu la première représentation d'André sur la croix decussata dans un manuscrit de la Légende dorée, traduite en français, de la Bibliothèque nationale de Paris, le manuscrit français r 8 3. Mais le Tropaire d'Autun montre que cette représentation est plus ancienne.

Parcours bibliographiq ue

Éditions M. BONNET, Acta Apostolorum Apocrypha II, 1, Leipzig, 1S9S (Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1959): édition de l'Épître des presbytres et diacres d'Achaïe (textes latin et grecs), p. 1-37; du fragment d'Actes d'André du manuscrit du Vatican grec SoS, p. 38-45; de la Passion grecque(= Martyrium Andreae prius), p. 46-57; des Passions d'André des manuscrits de Paris, Bibliothèque nationale grecs 770 et 1539 (= Martyrium Andreae alterum), p. 5S-64. M. BONNET, « Acta Andreae apostoli cum laudatione contexta »,Analecta Bollandiana 13 (1S94), p. 309-352: édition de la Vie d'André de Nicétas le Paphlagonien. M. BONNET, Gregorii Turonensis liber de miraculis Andreae

Apostoli, Monumenta Germaniae historica, Scriptores rerum Merovingicarum 1, Hanovre, 1SS5, p. 821-846: édition de la Vie d'André de Grégoire de Tours. Th. DÉTORAKIS, édition de la Passion d'André conservée dans les manuscrits du Sinaï grec 526 et de Jérusalem, Saint-Sabas 103 : Acts if the Second International Congress if Peloponnesian Studies 1, Athènes, 1981-1982, p. 325-352. A. DRESSEL, Epiphanii monachi et presbyteri edita et inedita, Paris, Leipzig, 1S43, p. 45-82: édition de la Vie d'André d'Épiphane. Édition reprise dans la Patrologia graeca 120, col. 216-260.

216

LES ACTES D'ANDRÉ

J.-M. PRIEUR, Acta Andreae, (Corpus Christianorum, Series Apocryphorum 6), Turnhout, Brepols, 1989: contient la première édition des Actes d'André grecs (p. 442549), une reproduction de l'édition par M. BONNET de la Vie d'André de Grégoire de Tours (p. 555-651) et l'édition du Papyrus copte Utrecht 1 parR. VAN DEN BROEK (p. 656-671). Tous ces textes sont traduits parJ.-M. PRIEUR. Ce volume contient en outre une nouvelle édition de la Passion grecque (= Martyrium prius), p. 684-703.

Traductions L. LELOIR, Écrits apocryphes sur les apôtres, Traduction de l'édition arménienne de Venise, (Corpus Christianorum, Series Apocryphorum 3), Turnhout, Brepols, 1986: traduction française de la Passion arménienne, p. 232-257. D. R. MAcDoNALD, The Acts of Andrew and the Acts of Andrew and Matthias in the City